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SOMMAIRE
présidence de M. Marc-Philippe Daubresse
M. le président.
1. Élection des juges de la Cour de justice de la République
2. Rappel au règlement
MM. François Brottes, le président.
3. Libertés et responsabilités des universités. – Suite de la discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d’urgence (nos 71, 80)
discussion des articles (suite)
Article 1er (suite)
Mme Sandrine Mazetier, MM. Pierre Cohen, Daniel Goldberg, Régis Juanico, Pierre-Alain Muet, Étienne Pinte, Daniel Fasquelle.
Amendements nos 95 et 177 : M. Patrick Braouezec, Mme Sandrine Mazetier, M. Benoist Apparu, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Valérie Pecresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ; M. Noël Mamère. – Rejets.
Amendement n° 96 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 135 : MM. Alfred Marie-Jeanne, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 240 : MM. Daniel Fasquelle, le rapporteur, Mme la ministre, M. Alain Claeys. – Retrait.
Adoption de l’article 1er.
Avant l'article 2
Amendement n° 25 : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Alain Claeys, Pierre Cohen, Jean-Marc Ayrault.
Sous-amendement n° 303 à l’amendement n° 25 : M. le rapporteur. – Adoption du sous-amendement.
Adoption de l’amendement n° 25 modifié.
Rappel au règlement
MM. Jean-Marc Ayrault, le président.
Article 2
M. Serge Letchimy, Mme la ministre.
Amendements nos 97 et 157 : MM. Patrick Braouezec, Jean-Marc Roubaud, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejets.
Amendements nos 241 et 242 : MM. Daniel Fasquelle, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejets.
Amendement n° 5 : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Soisson. – Retrait.
Adoption de l’article 2.
Article 3
Adoption de l’article 3.
Article 4
Amendement de suppression n° 98 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 85 : MM. Sébastien Huyghe, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Pierre Soisson. – Retrait.
Amendements nos 6 et 165 : MM. Claude Goasguen, Jean-Marc Roubaud, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejets.
Amendements identiques nos 99 et 178 : MM. Noël Mamère, Daniel Goldberg, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Pierre Cohen, Jean-Pierre Soisson. – Rejet.
Adoption de l’article 4.
Article 5
MM. Claude Goasguen, Louis Cosyns, Bernard Depierre.
Amendement n° 101 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 162 et amendements identiques nos 27, 161 et 181 : M. Jean-Marc Roubaud. – Retrait de l’amendement n° 162.
MM. le rapporteur, Jean-Marc Roubaud, Jean-Yves le Déaut, Mme la ministre. – Adoption des amendements identiques.
Amendements nos 8 et 9 : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la ministre.
Amendement n° 268 : MM. Yves Durand, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Daniel Goldberg, Patrick Braouezec, Pierre Cohen. – Adoption des amendements nos 8 et 9 ; l’amendement n° 268 tombe.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 179 : MM. Régis Juanico, le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Yves Le Déaut. – Rejet.
Amendement n° 131 : MM. Étienne Pinte, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 93 : MM. Jean-Pierre Soisson, le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 166 : MM. Jean-Marc Roubaud, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendements identiques n° 11 et 100 : M. Claude Goasguen. – Retrait de l’amendement n° 11.
MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet de l’amendement n° 100.
Amendement n° 243 : MM. Daniel Fasquelle, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 10 : MM. Claude Goasguen, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.
Amendement n° 12 avec le sous-amendement n° 304 : Mmes Martine Lignières-Cassou, la ministre. – Adoption du sous-amendement et de l’amendement modifié.
Amendements nos 134 et 306 : Mmes Marie-Anne Montchamp, la ministre. – Retrait de l’amendement n° 134 ; adoption de l’amendement n° 306.
Amendement n° 7 : M. Claude Goasguen. – Retrait.
Amendements nos 102 rectifié et 194 : MM. Noël Mamère, Yvan Lachaud, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejets.
Adoption de l’article 5 modifié.
Article 6
MM. Jacques Domergue, Bernard Depierre, Mme Jeanny Marc, M. Régis Juanico.
Amendement n° 199 : MM. Régis Juanico, le rapporteur, Mme la ministre, M. Patrick Braouezec. – Rejet.
Amendements nos 87, 158 et amendements identiques nos 103 et 201 : MM. Sébastien Huyghe, Jean-Marc Roubaud, Patrick Braouezec, Régis Juanico, le rapporteur, Mme la ministre, M. Noël Mamère, Mme Sandrine Mazetier. – Rejets.
Amendement n° 297 : M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendements nos 28, 88, 159, amendements identiques nos 104 et 237 et amendement n° 13 : M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption de l’amendement n° 28 ; les amendements nos 88, 159, 104, 237 et 13 tombent.
M. Sébastien Huyghe.
Amendements identiques nos 105 et 238 et amendements identiques nos 14 et 129 : MM. Patrick Braouezec, Régis Juanico, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet des amendements nos 105 et 238.
M. Claude Goasguen. – Retrait de l’amendement n° 14.
M. Daniel Fasquelle. – Retrait de l’amendement n° 129.
Amendement n° 29 et amendements identiques nos 106 et 239 : M. le rapporteur, Mme la ministre, MM. Noël Mamère, Jean-Yves Le Déaut. – Adoption de l’amendement n° 29 ; les amendements nos 106 et 239 tombent.
Amendement n° 298. – Adoption.
Amendement n° 145 rectifié : Mme Jeanny Marc, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 30 : M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendements identiques nos 31, 15, 185 et 195 : MM. le rapporteur, Pierre Cohen, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 32. – Adoption.
Amendement n° 245 : MM. Daniel Fasquelle, le rapporteur, Mmes la ministre, Martine Lignières-Cassou. – Adoption.
Amendement n° 203 : MM. Alain Claeys, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Jean-Yves Le Déaut, Noël Mamère, Jean-Pierre Gorges, Mme Françoise Guégot.
Suspension et reprise de la séance
MM. Alain Claeys, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet de l’amendement n° 203.
Amendement n° 146 : Mme Jeanny Marc. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié : M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 34. – Adoption.
Amendement n° 35. – Adoption.
Amendement n° 107 : MM. Noël Mamère, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
Amendement n° 308 : Mme la ministre, M. le rapporteur. – Adoption.
Amendement n° 202 : MM. Daniel Goldberg, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Noël Mamère, Jean-Yves Le Déaut, Claude Goasguen, Alain Claeys. – Rejet.
Adoption de l’article 6 modifié.
Renvoi de la suite de la discussion à la prochaine séance.
4. Proclamation des juges de la Cour de justice de la République.
5. Ordre du jour de la prochaine séance.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Le scrutin est ouvert. Il sera clos à dix-huit heures.
Depuis le début de la session extraordinaire, nos travaux se déroulent dans plusieurs lieux en même temps : dans l’hémicycle mais aussi en commission. Or, au nom du groupe socialiste, je souhaite faire observer que la procédure n’a pas été respectée ce matin lorsqu’a été convoquée la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi sur le dialogue social et sur la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs – texte qui, au demeurant, n’instaure aucun service minimum et vise surtout à remettre en cause le droit de grève.
Mon propos ne porte cependant pas sur le fond mais sur la forme : la grande majorité des membres de ladite commission ont été informés de la tenue de la réunion de neuf heures trente sur le coup de onze heures, ce qui pose la question de la légitimité de la constitution du bureau de cette commission.
Ce rappel au règlement vise à ce que cette remarque à propos de ce qui semble au groupe socialiste un vice de procédure figure bien dans le compte rendu de la séance de cet après-midi.
Suite de la discussion d’un projet de loi
adopté par le Sénat après déclaration d’urgence
Or, nous l’avons exprimé hier de manière assez claire, rien dans les articles qui suivent l’article 1er ne vient conforter ces nouveaux objectifs du service public de l’enseignement supérieur. Nous nous étonnons donc que ces légitimes, belles et ambitieuses missions ne soient assorties d’aucune mesure concrète.
En effet, si l’on examine lesdites missions les unes après les autres, on se rend compte que « la formation initiale et continue » aurait mérité un vrai projet de loi, qui aurait permis l’accès de tous à l’enseignement supérieur, puisque la notion de service public implique ici que l’État s’engage à faire en sorte que toutes les universités soient accessibles à tous. Il ne faut toutefois pas tomber dans le piège que l’on nous tend, qui voudrait faire croire que nous entendons que n’importe quel bachelier devrait pouvoir aller où il veut, comme il veut. Non, il est de la responsabilité des universités, grâce à un système de formation appropriée, d’offrir un véritable cursus aux étudiants en fonction de leur profil et de leurs capacités.
Or l’enseignement supérieur est différencié en cycles d’études courts – IUT, BTS – et parcours longs, ce qui en dévoie le fonctionnement. Il est facile à un bon étudiant de s’inscrire en IUT pour ensuite parvenir au doctorat. Beaucoup plus difficile sera la situation d’un étudiant un peu moins capable, un peu moins de compétent, qui se retrouvera plongé dans un cursus long, d’autant plus inapproprié que les deux ou trois premières années, en particulier, mériteraient un bien meilleur encadrement. Vous ne serez donc pas, avec un tel projet, au rendez-vous de la première mission relative à la « formation initiale et continue ».
Je passe sur la deuxième mission, « la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats », puisque nous aurons l’occasion d’en débattre à plusieurs reprises. En effet – heureusement et malheureusement –, la recherche donne souvent l’impression d’être l’image des universités alors qu’on oublie trop qu’une des missions essentielles du service public de l’enseignement supérieur reste la formation initiale et la formation continue.
Lorsque l’on considère les autres missions, madame la ministre, on s’aperçoit que l’on se trouve au cœur des difficultés des universités et que vous n’y répondez pas. Par exemple, en ce qui concerne « l’orientation et l’insertion professionnelle », troisième mission, les universitaires ont consenti énormément d’efforts, depuis une bonne quinzaine d’années, pour proposer et créer des parcours professionnalisants. Or, comme vous avez reçu un mandat du président de la République pour réaliser une réforme et que vous ne disposez pas des moyens de réaliser cette promesse électorale, vous n’êtes pas capable de nous dire aujourd’hui si, dans le cadre des négociations que vous menez avec les universités, vous pourrez leur donner les moyens de mettre réellement en œuvre ces parcours professionnalisants et une véritable orientation.
Je n’insiste pas sur un point qui, malheureusement, reste toujours dans l’ombre. La société du XXIe siècle a besoin de citoyens éclairés sur les choix scientifiques et technologiques. Nombre de débats politiques sont orientés par les découvertes scientifiques et technologiques. Or, la diffusion de l’information scientifique et technique reste dispersée. Les seuls aujourd’hui qui soient en mesure de diffuser une telle culture – et sans moyens –, sont les associations, alors que ni l’État ni les régions ni les autres collectivités ne disposent de réels moyens pour établir sur ce point des partenariats avec les universités.
Je ne m’étendrai pas davantage sur les deux dernières missions, l’une relative à « la participation à la construction de l’Espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche », l’autre concernant « la coopération internationale ». Ici aussi, vous vous payez de mots. Les sénateurs, si je ne m’abuse, ont en effet estimé qu’il fallait ajouter ces missions puisqu’il paraît impossible d’envisager l’avenir de nos universités sans évoquer leur dimension européenne et internationale. Or, ici encore, aucun moyen, aucune volonté précise ne figurent dans ce projet pour que ces missions soient mises en œuvre.
Je souhaite revenir sur trois points, pour nous fondamentaux, puisque nous avions voulu qu’ils figurent dans des articles additionnels avant l’article 1er.
Le premier prévoit une loi de programmation quinquennale sans laquelle on se demande ce que deviendraient les engagements de l’État ; une telle loi les inscrirait en effet dans la durée. Le deuxième point est la création d’un plan pluriannuel de recrutement de personnels statutaires, tant il est vrai qu’ici aussi l’on ne peut se contenter de mots mais qu’il faut des engagements ; on ne saurait confier au seul personnel recruté de façon contractuelle sur fonds privés les missions du service public de l’enseignement supérieur. Enfin, il s’agit de définir des mécanismes de rapprochement entre les grandes écoles et les universités, sujet sur lequel on a pu constater un large accord.
Nous aurions préféré, plutôt, ainsi que cela a été dit par plusieurs orateurs hier, qu’une simple loi sur la gouvernance des universités, un texte instituant une vraie gouvernance publique par le biais de mécanismes de régulation de l’enseignement supérieur.
La question de l’insertion professionnelle n’est pas étrangère aujourd’hui à l’enseignement supérieur et aux universités. Dès 1984, la loi Savary abordait déjà cette question puisqu’y figurait le qualificatif d’EPSCP, ou établissement public, scientifique, culturel et, je le souligne, « professionnel ». Ainsi que le rappelaient à l’instant mes collègues Daniel Goldberg et Pierre Cohen, des filières professionnelles se sont donc développées depuis une vingtaine d’années dans les universités, qui répondent à cette mission d’insertion professionnelle.
Le chômage des jeunes est une préoccupation de la représentation nationale. Nous ne pouvons nous satisfaire sur ces bancs d’un taux de chômage des moins de vingt-cinq ans supérieur à 20 %. C’est un problème qu’il nous faut prendre très au sérieux, alors que plus on est diplômé de l’enseignement supérieur, plus on a de chance d’échapper au chômage.
Or, pour traiter de ces questions d’insertion professionnelle, la droite nous propose ses vieilles recettes. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) J’en ai rappelé quelques-unes hier en traitant des réformes de l’université que vous avez tenté de mettre en place ces vingt dernières années et des échecs auxquels elles ont abouti. Dois-je faire mention du CIP de M. Balladur, le contrat d’insertion professionnelle, ce SMIC-jeunes contre lequel j’ai, à l’époque, manifesté dans la rue aux côtés des étudiants ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Dois-je également rappeler le CPE, le contrat première embauche, cette autre solution que votre famille politique essayait l’année dernière d’apporter au chômage des jeunes ? (Interruptions sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
À chaque fois,...
Voilà pourquoi, s’il est essentiel de rappeler dans l’article 1er la mission d’insertion professionnelle de l’université, encore ne faut-il pas la faire endosser par la seule université. Il serait trop facile ensuite de renvoyer la faute à cette dernière en cas d’échec des jeunes sur le marché du travail.
Vous-même, madame la ministre, n’avez-vous pas souligné, en commençant votre intervention liminaire, que l’écart existant en France entre la dépense par étudiant, soit 7 000 euros, et celle par lycéen, soit 10 000 euros, était considérable, et que cet écart était tout aussi considérable par rapport aux autres pays européens, qu’on le mesure soit par rapport à la part des dépenses universitaires dans la richesse nationale, soit en termes de dépenses par étudiant ? Ces deux nouvelles missions renvoient donc bien à la question des moyens.
Presque toutes les interventions d’hier ont d’ailleurs porté sur les faiblesses de notre système universitaire : la faiblesse de l’encadrement des étudiants en premier cycle – laquelle explique l’importance des échecs –, le rôle, le statut et la rémunération des doctorants, qui ne sont pas tout à fait dignes d’une économie développée, ou encore les 90 000 étudiants qui quittent chaque année l’université sans diplôme.
Nous l’avons tous reconnu sur ces bancs, l’autonomie des universités est un sujet important, mais ce n’est pas en définissant les compétences d’un président d’université ni en fixant le nombre des membres du conseil d’administration que l’on répondra à ces vrais problèmes que sont la situation des doctorants, l’échec dans le premier cycle, ou encore l’articulation entre l’enseignement et la recherche et leur pleine inscription dans l’espace européen de l’enseignement supérieur.
Dans ces conditions, le sentiment qui domine est celui d’une réforme incomplète, inachevée. On peut donc se demander si ce qui est affirmé comme une priorité est vraiment traité comme tel en ce début de législature.
Si les projets de loi dont nous discutons dans l’urgence en ce mois de juillet sont fondamentaux pour le Président de la République, force est de reconnaître, madame la ministre, qu’il n’accorde pas à l’université la place qui devrait être la sienne dans les priorités de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités que vous nous proposez, répond, me semble-t-il, à cette préoccupation, mais – j’y reviendrai – ce n’est qu’une étape.
Doter nos universités d’une gouvernance clarifiée et ainsi renforcée, de même que leur attribuer de nouvelles compétences, n’est pas une réforme marginale. Encore faudra-t-il leur donner les moyens d’assumer ces responsabilités. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous y veillerons lors de l’examen du budget pour 2008.
Il était temps qu’un gouvernement fasse enfin de la réforme de nos universités une ardente obligation.
À peine plus d’un tiers d’une classe d’âge atteint le niveau de la licence dans l’enseignement supérieur, contre le double aux États-Unis ;
Le taux d’échec en première année est de 50 % alors que la création en 1986 de premiers cycles aussi proches que possible des lycées avait justement pour objectif de le diminuer – une plus grande liberté expérimentée à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines dans les années quatre-vingt-dix avait donné de très bons résultats dans le délai des cinq années qui avait été alors accordé pour mener cette expérience, et je regrette beaucoup que l’on n’ait pas poursuivi cette modernisation de nos universités ;
Plus de 90 000 étudiants quittent chaque année l’enseignement supérieur sans avoir obtenu le moindre diplôme ;
Un an après l’obtention de leur diplôme, plus de la moitié des diplômés universitaires bac+4 recherchent malheureusement un emploi. Tous ces chiffres sont consternants.
L’article 1er du projet de loi dont nous discutons répond à certains des problèmes majeurs de notre université : difficulté d’accès au diplôme, professionnalisation des études, orientation active ou encore – l’un des points fondamentaux de cet article, comme vient de le rappeler l’un de nos collègues – aide à l’insertion professionnelle.
L’attribution à nos universités de cette nouvelle mission, comme c’est déjà le cas dans nombre de grandes écoles, est indispensable. Encore faut-il, madame la ministre, qu’elles créent les instances adéquates.
Je le répète, il s’agit, avec ce texte, d’une première étape. Il faudra que, très rapidement, vous nous proposiez les autres réformes que vous nous avez annoncées.
Il en va d’ailleurs de même s’agissant de la création d’un espace de l’enseignement supérieur en Europe. Si des partenariats importants ont été tissés entre certaines de nos universités et des universités européennes, ces liens doivent être encouragés et multipliés. Par exemple, les bourses accordées aux étudiants qui souhaitent partir à l’étranger ne sont pas toutes utilisées dans certaines universités. Il convient donc de sensibiliser nos étudiants afin qu’ils profitent de ces bourses et de faire en sorte que nos établissements d’enseignement supérieur tissent des liens encore plus forts avec d’autres universités en Europe.
Je souhaite également appeler votre attention, madame la ministre, s’agissant des missions du service public de l’enseignement supérieur, sur ce que l’on appelle parfois les universités de proximité. Par le maillage du territoire national qu’elles assurent, elles jouent un rôle important – je le sais pour enseigner dans l’une d’entre elles –, dans la mesure où elles permettent à des jeunes d’accéder à l’enseignement supérieur. En matière de démocratisation de l’enseignement supérieur, les universités de proximité jouent donc un rôle essentiel, d’autant qu’elles ont démontré leur capacité à innover sur le plan pédagogique, à tisser des liens avec le monde professionnel, à créer des diplômes qui ont une vraie finalité professionnelle, et, sur le plan de la recherche, à participer, avec les entreprises, à la création et à l’animation de pôles de compétitivité.
Je souhaiterais être rassuré, à l’occasion de ce débat, quant à la pérennité de ces universités qui sont indispensables si l’on veut atteindre l’objectif que vous avez rappelé hier, à savoir amener 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence contre 37 % aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 95 et 177, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 95.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le soutenir.
Beaucoup de diplômes ont d’ailleurs été créés en relation avec le monde professionnel. L’insertion professionnelle conduit aussi à faire évoluer nos diplômes, de façon que les étudiants trouvent réellement des débouchés. On ne peut avoir de solutions à nos problèmes en augmentant sans cesse les moyens donnés à l’université ; il convient surtout de mieux les mobiliser. Les universités de proximité sont justement l’un des instruments du maillage du territoire et de mobilisation des moyens permettant l’insertion professionnelle de nos jeunes.
Je souhaite donc que le rôle essentiel joué par les universités de proximité soit rappelé dans le cadre des missions d’enseignement supérieur.
Je vous propose, monsieur Fasquelle, de retirer votre amendement. En effet, en commission, Mme la ministre nous a rassurés sur le devenir des universités de proximité. Je vous rappelle qu’il ne s’agit pas, en tant que telle, d’une mission de l’enseignement supérieur.
J’ai compris que l’université de la Côte d’Opale était implicitement sous-jacente, mais il y en a bien d’autres qui maillent le territoire national. L’article L. 123-2 du code de l’éducation dispose que l’enseignement supérieur contribue à la croissance régionale et nationale, à l’essor économique et à la réalisation d’une politique de l’emploi prenant en compte les besoins actuels et leur évolution prévisible, à la réduction des inégalités sociales et culturelles, en assurant à tous ceux et à toutes celles qui en ont la volonté, la capacité d’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche.
Le maillage du territoire national est aujourd’hui très bien assuré dans le domaine de l’enseignement supérieur. Il n’est pas question de réduire ce déploiement, de supprimer les sites. La présence marquée des collectivités territoriales dans les conseils d’administration des universités démontre la volonté du Gouvernement de poursuivre ce maillage territorial.
Je vous demande donc, monsieur Fasquelle, de retirer votre amendement, qui est satisfait par le code de l’éducation.
Aujourd’hui, je crois que la bonne réponse pour les territoires réside dans les pôles de recherche et d’enseignement supérieur – les PRES. Il est important de pouvoir mettre des universités en réseau par rapport à des pôles d’excellence, qui existent sur l’ensemble du territoire, afin qu’elles acquièrent une taille optimum et jouent un rôle en matière de recherche au niveau international. C’est, je crois, la voie qu’il faut choisir.
En laissant croire que l’on pourra mailler notre territoire à partir d’universités de proximité, on risque de reproduire la même erreur commise, tant par la droite que par la gauche, lorsque l’on a multiplié sur le territoire des IUT, pour donner satisfaction à un certain nombre d’élus locaux. Concrètement, je pense qu’il faut évaluer chacune des universités, afin d’analyser ses potentialités pour fonctionner en réseau. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il faut obtenir un maillage efficace du territoire, ce qui ne fait aucun doute, car les collectivités territoriales et l’État sauront épauler et accompagner les universités, qui souhaitent être présentes sur l’ensemble du territoire national.
(L'article 1er est adopté.)
La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir cet amendement.
Comme lui, je pense qu’il ne faut pas faire de distinction trop formelle entre les universités regroupées et l’université dite de proximité. Le regroupement d’universités ne signifie pas que les universités dites de proximité – celles qui sont situées dans les villes moyennes – vont disparaître. Actuellement, certaines universités débordent très largement les villes dans lesquelles elles se trouvent. Quand on regarde par exemple la géographie des universités bordelaises, on s’aperçoit que dans tout le Sud-Ouest, des entités universitaires appartiennent à telle ou telle université de Bordeaux. La notion de proximité géographique est donc, en réalité, assez différente de la notion d’université et de regroupement universitaire.
L’inconvénient, c’est que, à force de privilégier, pour des raisons très défendables d’aménagement du territoire, un éclatement universitaire, qui nous coûte cher sur le plan du fonctionnement et ne donne pas tous les résultas escomptés, on ne peut ambitionner, dans le même temps, la compétitivité internationale, mission fixée par la politique universitaire
Je suggère de ne supprimer aucune université. Chaque entité peut conserver son université. Je souhaite que ce texte donne la possibilité à certaines universités qui le désirent de se rapprocher. Je m’aperçois avec satisfaction que ce mouvement, que l’on n’aurait pas soupçonné en France, ces dernières années, apparaît à Strasbourg, à Marseille et dans beaucoup de grandes universités, car ce sont elles qui vont s’orienter d’abord vers le regroupement. Mais, pour autant, je n’exclus pas que des universités de plus petite dimension y viennent.
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce qui a été dit tout à l’heure. En parlant de pôle d’excellence et d’université de proximité, je crains que l’on n’ait dans l’avenir une dichotomie. Lorsque les petites universités auront leur autonomie, grâce aux fondations, donc des moyens supplémentaires, elles se crisperont sans doute davantage que les grandes universités. Je crains paradoxalement que ce qui est fait pour les petites universités ne les desserve et qu’elles n’aient plus de difficultés que d’autres à entrer dans les PRES.
En revanche les grandes universités parisiennes, marseillaises, lyonnaises, bordelaises, toulousaines ont d’autres objectifs et se regrouperont. C’est la raison pour laquelle je voudrais que l’on incite les universités à se regrouper. J’avais proposé que, après le « libre choix », la délibération statutaire du conseil d’administration soit approuvée par un arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, ce qui est normal, compte tenu des conséquences financières. Mais il semble que, juridiquement, un décret soit plus convenable. Je suis naturellement prêt à accepter cette modification. Ce serait un test pour notre loi d’orientation sur la gouvernance qu’il ne faut pas négliger.
Je ne pense pas que ce texte désavantage les petites universités. Je crois, au contraire, qu’elles seront les premières à se saisir de l’autonomie, pour fusionner demain, afin de constituer des ensembles plus cohérents, plus vastes, permettant une concurrence plus saine avec les grandes universités.
Nous avons accepté cet amendement, pour encourager la fusion des universités françaises.
Quel instrument allons-nous utiliser pour leur permettre de se regrouper ? Mon prédécesseur, François Goulard, a créé, par la loi de 2006, le pôle de recherche et d’enseignement supérieur. Cet instrument très puissant a d’ores et déjà permis la conclusion de neuf PRES – trois sont en voie de conclusion.
Cet instrument extrêmement puissant permet de regrouper, sous un même label, des universités, des écoles, des grandes écoles, voire des centres de recherche. Le PRES de Lyon, par exemple, regroupe toutes les universités lyonnaises, les écoles normales supérieures de Lyon, Veto de Lyon, l’IEP de Lyon, l’École centrale, l’École supérieure de physique-chimie de Lyon, etc. Le pôle de Lyon donne, sur le plan international, l’université de Lyon. C’est important en matière d’attractivité, de cohérence, de lisibilité des formations, de rationalité, en matière d’écoles doctorales, de passerelles, de doubles cursus. C’est vraiment l’instrument de l’avenir.
Quand on dit pôle d’enseignement grand et puissant, on pense grande agglomération. Non ! Le PRES a aussi vocation à accueillir les petites universités. J’ai dit hier à M. Juanico que Saint-Étienne avait vocation à rejoindre le PRES de Lyon.
Prenons, pour mieux comprendre, le PRES en constitution en Languedoc-Roussillon : l’université de Montpellier, l’université de Perpignan, l’université de Nîmes, les Mines d’Alès. On voit bien que le pôle de recherche et d’enseignement supérieur devient aussi un outil d’aménagement du territoire, qui permet à des petites structures universitaires de continuer à exister, en s’inscrivant dans une carte cohérente de formation, dans un projet de recherche et également dans une logique de territoire.
Quelle sera la stratégie du Gouvernement ? Il n’y aura pas de fusion forcée. Si les universités ont envie de fusionner – et on arrive à l’amendement de M. Goasguen –, si elles pensent que la taille critique est un argument très important pour améliorer leur carte de formation, si elles pensent qu’elles peuvent faire jouer des synergies en se regroupant, comme c’est le cas à Strasbourg ou à Aix-Marseille, il faut évidemment leur permettre d’entrer dans les PRES.
Je suis favorable à l’amendement n° 25 de M. Goasguen, sous réserve d’un sous-amendement n° 303, visant à ce que le regroupement soit approuvé par décret, dès lors qu’il a une incidence financière et qu’il s’agit de créer une nouvelle offre de formation.
Lors de différentes auditions, au cours de ces derniers mois, nous avons eu le sentiment que les organisations de recherche étaient dans une situation d’attente vis-à-vis des PRES et ne participaient pas au projet universitaire. Quelles instructions avez-vous donné aux organismes de recherche pour participer aux PRES ?
Certes, monsieur Claeys, il est possible de faire un PRES national, mais ne cherchons pas à compliquer les choses. Faisons déjà converger les écoles et les universités ; les organismes de recherche y viendront.
Le classement de Shanghai a amené les universités à s’interroger sur leur rang international. Un grand nombre de présidents d’université ont estimé que leurs structures étaient trop petites, tant aux plans national qu’international. Cela les a conduits à souhaiter des formes de collaboration, de rapprochement, voire de fusion.
Le groupe socialiste est favorable à l’amendement de M. Goasguen. Mais il me semble que, jusqu’à présent, les universités qui le souhaitaient pouvaient fusionner.
Les collaborations au niveau du doctorat et avec un certain nombre de laboratoires de recherche sont des plus opportunes. Mais il aurait fallu les envisager aussi avec les organismes de recherche. Cela dit, elles n’ont rien à voir avec les RTRA, qui existent depuis longtemps, que vous avez labellisés, et qui permettent aux chercheurs de se retrouver sur un thème donné pour être plus performants au plan international. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L’amendement de M. Goasguen nous a donné l’occasion d’avoir échange tout à fait utile.
Je vous invite, madame la ministre, à faire preuve de plus de volontarisme, car il y a là un véritable enjeu pour l’avenir de notre pays ! Or, vous n’allez pas jusqu’au bout de la démarche lorsque vous vous contentez de laisser entendre que les organismes de recherche rejoindront les PRES s’ils le veulent bien et qu’en tout état de cause, il faut les laisse vivre. Il faudrait précisément inciter au décloisonnement, et le faciliter. Lorsqu’un PRES est constitué, c’est une première étape dont il faut se féliciter, car c’est loin d’être évident, les obstacles étant nombreux. Or, lorsque, d’un seul coup, la situation se débloque, et que l’université et les grandes écoles se mettent autour d’une table, il est important d’y associer les organismes de recherche. Leur présence dans les PRES est indispensable. Comment pouvez-vous, d’un côté, défendre les pôles de compétitivité et, de l’autre, prôner le laisser-faire pour les organismes de recherche ? Les résistances sont nombreuses, et le conservatisme est souvent de mise. Alors, sur ce point, madame la ministre, montrez de la détermination ! Soyez plus volontariste ! Vous témoignerez ainsi de votre ambition pour l’université française, ce dont nous ne doutons pas.
Évidemment, les déclarations d’intention ne suffisent pas, les moyens doivent suivre. Il faut un vrai plan en faveur de l’enseignement supérieur en France. Et c’est précisément cela qui manque ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Mes collègues l’ont dit, mais nous ne cesserons de le répéter : si l’on veut créer de la dynamique dans notre pays, il faut s’en donner les moyens. Or vous avez pris une décision très lourde de conséquences, en faisant voter des allégements fiscaux pour une petite catégorie de Français (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), sans grand impact économique. Ces treize à quinze milliards d’euros représentaient un formidable levier pour relancer la croissance. Je ne suis pas surpris, au moment où le Sénat est en train d’examiner le projet de loi fiscal, que, même au sein de la majorité, un ancien ministre de l’économie et des finances, Jean Arthuis, ait exprimé il y a quelques heures son doute sur l’impact économique de ces mesures fiscales.
« I. – Rédiger ainsi la dernière phrase de l’alinéa 2 de cet amendement :
« Le regroupement est approuvé par décret. »
« II. – En conséquence, dans la première phrase de l’alinéa 2 de cet amendement, substituer au mot : “ déterminer ”, le mot : “ demander ”. »
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
(Le sous-amendement est adopté.)
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis, par conséquent, persuadé qu'une approche performante de la gouvernance des universités et un approfondissement de la responsabilité sont nécessaires. Mais je ne retrouve pas dans votre texte la porté effective de cet objectif ; car, une gouvernance fondée sur plus de libertés et de responsabilités devrait permettre, au-delà des universités, de mieux impliquer les institutions locales pour sortir de la conception nationale étriquée et centralisée de la responsabilité que vous voulez remettre en cause.
Cela aurait permis, si l'autonomie que vous souhaitez était fondée sur la prise en compte de la singularité, que, à défaut d'un mode de gouvernance issu du centre étatique, soit instaurée une gouvernance partagée au niveau local, garantissant ainsi les intérêts publics du projet universitaire.
J'aurais d'autant plus partagé une telle ambition que l'université est au cœur du développement local et que sa réforme doit tenir compte de deux enjeux majeurs que l'on ne peut occulter.
Le premier est l'accès démocratique de tous à l'éducation, au savoir, à la connaissance et à l'enseignement, d'une manière générale.
Le second est la capacité de l'université à s'intégrer dans son environnement naturel, politique, économique, social et culturel ; autrement dit, dans les lieux où s'inscrit sa dynamique locale, nationale et internationale.
Madame la ministre, les réformes dites de gouvernance ne construisent pas à elles seules l'autonomie. Ce sont les réformes collectivement partagées qui fondent une gouvernance imprégnée de libertés et de responsabilités, et non l'inverse. De nombreux éléments démontrent que vous avez privilégié la forme au détriment du fond.
C'est pour cela que je veux vous sensibiliser sur trois risques.
Le premier risque est celui du laminage progressif de la notion de service public. Si l'université est bien un vecteur de progrès pour l'homme et un moyen de construction de son avenir, il ne faut pas l'inscrire dans un processus d'abandon des valeurs liées à l'intérêt général.
Il y a aussi un deuxième risque : que, sous prétexte de lutter contre la massification et faute d'avoir mis dans votre projet suffisamment de moyens pour combattre la précarité, il n'assure pas l'égalité des chances. Cette observation est d'autant plus importante que votre loi s'appliquera à des régions défavorisées où les conditions de vie sociale sont souvent la cause des échecs.
Je le dis car, originaire d'un pays en voie de développement, je sais que le rôle de l'éducation et de l'enseignement supérieur dans l'émancipation des hommes est primordial.
Vous parlez de libertés : la première des libertés est, selon moi, d'abord celle de l'esprit.
Le troisième risque est celui qui pourrait conduire à ignorer les réalités de l'histoire et les contraintes de la géographie. Vous l'avez partiellement évité en recourant à l'article 38 de la Constitution, qui vous permettra de légiférer par ordonnance pour tenir compte de la situation particulière des universités d'outre-mer. Même si ce choix traduit une volonté d'écoute, j'aurais souhaité – et c'est un message que j'adresse à l'Assemblée – que cette procédure n'ait qu'un caractère exceptionnel. Elle comble un vide et elle montre l'insuffisance des moyens institutionnels actuels pour répondre au problème des spécificités outre-mer.
Madame la ministre, la solution retenue au Sénat par votre amendement est insuffisante, en son état actuel. L'amendement ne retient en effet que le titre II du projet de loi et il ne vous permet donc pas de répondre pleinement à la situation de l'université d’Antilles-Guyane.
Il laisse en effet de côté le titre III, qui concerne les nouvelles responsabilités des universités. Ce titre III comporte des sujets importants, car l'on ne peut dissocier les enjeux de la gouvernance de ceux de la responsabilité.
Pour vous convaincre, et à titre d'exemple, en son état actuel, l'article 21 dispose que la moitié des membres du comité de sélection doit être extérieure à l'établissement, et que la présence de ces membres extérieurs est indispensable pour permettre à ce comité de siéger valablement. L'application de cette règle grèvera de manière significative le budget de l'université d’Antilles-Guyane. En outre, alors que votre réforme vise à faciliter le recrutement des enseignants-chercheurs, elle rendra cette procédure plus difficile outre-mer.
Aussi, puisqu'il s'agit d'un amendement gouvernemental, je vous demande de bien vouloir accepter d'en étendre la porté en y incluant le titre III.
Je vous remercie pour la qualité de votre écoute, mais j’exprime un double souhait.
Tout d'abord, que la préparation de ces ordonnances se fasse dans le cadre d'une large concertation et ne se limite pas à entendre les seuls recteurs. Elle doit aussi prendre en compte le point de vue de la communauté universitaire.
Ensuite et plus fondamentalement, je souhaite qu'une fois cette ordonnance prise, elle fasse l'objet d'une procédure de ratification formelle devant la représentation parlementaire. Cette manière de faire irait au-delà de l'obligation constitutionnelle prévue par l'article 38, qui ne fait peser sur le Gouvernement que l'obligation de déposer un projet de loi.
Un tel débat me paraît en effet être l'occasion de renseigner la représentation parlementaire sur les solutions retenues. Il devrait permettre à celle-ci d'avoir une vision plus précise de la réalité des particularismes ultra-marins et de la pertinence des solutions qui leur auront été apportées. C'est là une première occasion de nous montrer comment vous entendez restaurer la place du Parlement et donner à votre réforme une plus grande légitimité outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 97.
La majorité des deux tiers nous semble être la seule à même de maintenir un minimum de démocratie au sein de l’université. Elle constitue en outre une garantie pour la légitimité du président. La majorité simple rendrait en effet sa position plus fragile.
Au moment où les pouvoirs du président sont accrus, il nous semble important de conserver ce mode de scrutin pour les décisions prises au sein de la communauté universitaire.
D’autre part, les élus étudiants doivent se voir assurer de bonnes conditions d’exercice de leur mandat : d’une part, ce sont eux les premiers concernés et les plus nombreux ; d’autre part, comme nous les députés, ils sont amenés à travailler dans de nombreuses commissions et structures. Aussi proposons-nous qu’ils bénéficient d’un nombre raisonnable d’élus : quatre ou six.
L’objet de ce projet de loi est de dégager une majorité au sein du conseil d’administration pour faciliter la gouvernance. Cet amendement propose de revenir aux modalités de vote de la loi de 1984. Or nous savons, compte tenu des expériences des uns et des autres, qu’elles ne constituent pas une garantie du bon fonctionnement des conseils d’administration.
Considérer que la majorité des deux tiers est synonyme de démocratie et de légitimité me semble un raccourci un peu rapide. Nous sommes tous élus à la majorité absolue et nous n’avons ni problème de légitimité, ni problème de démocratie.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour les soutenir.
Quant à l’amendement n° 242, il vise à préciser que « les statuts définissent les structures internes, lesquelles prennent en compte les besoins des grands secteurs de formation et de recherche de l’établissement ». Dans le cas des universités pluridisciplinaires, il est en effet important que les différentes disciplines puissent s’organiser, dans un dialogue avec la direction de l’université.
Le projet de loi entend donner davantage de moyens d’action au président et au conseil d’administration, ce qui est une très bonne chose car les pouvoirs de décision aujourd’hui sont malheureusement trop nombreux, ce qui est une source de paralysie. Mais, s’il importe de renforcer les pouvoirs du président et du conseil d’administration, il serait bon que ceux-ci s’exercent en collaboration avec les différentes composantes.
L’amendement n° 241 ne nous paraît pas de nature rédactionnelle : il modifie l’architecture globale du texte. Le conseil d’administration doit définir les structures internes, tout comme il doit définir les statuts : ce sont deux choses différentes. Dans d’autres articles de ce projet de loi, nous verrons qu’il revient au conseil d’administration d’organiser les structures internes, notamment pour la création des UFR. Nous y reviendrons.
S’agissant de l’amendement n° 242, je précise que nous allons à plusieurs reprises discuter de la prise en compte des besoins des grands secteurs de formation et nous satisferons certaines de vos demandes. Il n’est pas nécessaire d’alourdir le texte en faisant des répétitions à tous les articles.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le soutenir.
Hier, certains orateurs ont souligné que les grandes universités étrangères sont en général des établissements où le pouvoir se partage autour d’un président qui incarne leur image. Je suggère ici que l’on permette aux universités d’une taille leur assurant une compétitivité internationale de se doter d’une organisation interne décentralisée. C’est un débat que nous allons avoir : il est indispensable. Il ne s’agit pas de défendre à tout prix les corporatismes des facultés de droit et de médecine – encore qu’il n’y ait rien d’infamant à défendre les disciplines –, mais de prendre en compte les organisations transversales comme l’AES. Pour cela, il faut prévoir des modalités de gouvernance décentralisée qui conviennent aux grandes universités, de 40 000 à 50 000 étudiants, tout en évitant d’étouffer les disciplines.
Le projet défend le principe de l’autonomie des universités. Laissons-les donc s’organiser : les statuts prévoiront les modalités propres à chaque établissement. Certes, il est nécessaire de créer des garde-fous pour éviter qu’un président tout puissant ne brime ses composantes. Mais n’alourdissons pas le projet par des amendements visant à régenter les relations entre l’université et ses composantes.
L’université n’est pas un émiettement de composantes. Le système que vous proposez dans votre amendement, avec des contrats d’objectifs pour chacune des composantes, risquerait de se transformer en usine à gaz pour le pauvre président obligé de signer jusqu’à vingt contrats d’objectifs. Ce serait d’une complexité inouïe, qui aboutirait à une balkanisation de l’université.
J’ajoute que, pour les UFR de médecine, reste un statut dérogatoire issu de la loi Debré : elles signent une convention avec le président de l’université.
Si nous allons vers l’autonomie, ce que je souhaite, laissons faire les statuts. Ne faisons pas les choses à moitié. N’encadrons pas trop, sinon nous allons faire du mauvais travail avec des amendements inutiles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Je le mets aux voix.
(L'article 3 est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir cet amendement.
Pour réduire la place trop grande donnée aux présidents d’université, les organismes actuels, qui contribuent à la vie des universités…
Je ne suis pas le seul à dénoncer ce texte. Le corps universitaire se plaint à juste titre des pouvoirs exorbitants donnés aux présidents d’université, dont vous faites de nouveaux mandarins. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Nous demandons donc la suppression de cet article, qui est un fidèle reflet de ce qu’est votre texte : une réforme en trompe-l’œil loin de celle que l’on attendait.
Enfin, il est utile de rappeler que vous nous faites examiner en urgence un texte que vous considérez comme l’un des plus importants de la législature. L’avenir de nos universités, de nos étudiants et de la recherche mérite mieux qu’un débat en urgence dans la torpeur de l’été !
Le président prendra des décisions, contrôlées bien entendu par le conseil d’administration. Quant au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire, ils rendront des avis.
L’amendement que vous proposez vise à revenir à la loi de 1984, qui présentait certains avantages mais aussi l’inconvénient d’une absence totale de lisibilité des pouvoirs des uns et des autres au sein de l’université.
Comme nous souhaitons la clarté, seule à même de responsabiliser les acteurs de l’université, nous nous sommes prononcés contre l’amendement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le soutenir.
Je suis saisi de deux amendements, nos 6 et 165, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 6.
Par l’amendement n° 6, je propose de ménager la possibilité de confier au conseil scientifique des prérogatives substantielles dans des domaines qui relèvent de sa compétence. Pourquoi, par exemple, a été créée la section AES ? Parce qu’un certain nombre d’étudiants en lettres se sentaient bloqués dans les filières littéraires classiques. Aussi ont-ils décidé de s’allier avec des juristes et des économistes pour créer une entité pluridisciplinaire. Ne nous enfermez pas dans l’idée que l’un défend les juristes, tel autre les médecins. Ce n’est pas ainsi qu’il faut aborder le problème.
En toute hypothèse, il ne faut pas caricaturer.
Je vous rappelle que, aux États-Unis et dans la plupart des pays européens, les présidents d’université ne sont pas élus par un conseil de gestion mais par le conseil scientifique. La France conserve cette spécificité qui consiste à faire voter les gestionnaires et les scientifiques en même temps. Mais, sur certains points qui nécessitent une approche scientifique de rigueur, le conseil scientifique devrait pouvoir donner son avis. Or, en l’occurrence, la création du conseil d’administration ne permet pas au conseil scientifique de marquer sa spécificité sur des critères scientifiques objectifs. C’est la raison pour laquelle je propose que le conseil scientifique, par ses propositions et ses avis, et le conseil des études et de la vie universitaire, par ses avis, assurent l’administration de l’université. Il ne s’agit en aucun cas d’une obligation, seulement de permettre de voir où en est le niveau des étudiants et des enseignants que nous gérons au sein des universités.
Il convient que le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire donnent leurs avis, dites-vous. C’est ce que prévoit l’article 4. Nous souhaitons que les responsabilités entre les différents niveaux de direction de l'université soient clairement établies, que chacun sache bien qui fait quoi et à quel moment.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l’amendement n° 99.
Comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer en défendant l’amendement n° 98, nous ne comprenons pas que l’on supprime le rôle que jouaient jusqu’à présent ces deux conseils dans les conseils d’administration. Nous pensons qu’ils pourraient être très judicieusement sollicités et retrouver une voie délibérative.
Quant au conseil scientifique, la loi actuelle prévoit qu’il propose au conseil d’administration des orientations sur la politique de recherche et en termes de documentation technique et scientifique et la répartition des crédits de recherche. En outre, il est consulté sur les différentes formations à mettre en œuvre, sur les profils des postes d’enseignants-chercheurs, sur les répartitions des contrats de recherche et sur le contrat d’établissement. Dans votre projet de loi, il ne propose plus, il est consulté et il peut émettre un certain nombre de vœux.
Au Sénat, le débat a reporté à l’article 7 le fait que le conseil scientifique siégeant en formation restreinte, c'est-à-dire avec les seuls enseignants-chercheurs, pourra donner un avis sur les recrutements.
Mais de deux choses l’une : soit vous considérez que ces deux conseils ont un intérêt et dans ce cas ils doivent continuer d’être acteurs de la vie de l’université – ce qui rejoint les propos que vient de tenir M. Goasguen –, soit vous estimez qu’ils sont inutiles, auquel cas il faut les supprimer.
Mes chers collègues, osez la réforme, la vraie, celle que nous proposons, c'est-à-dire un conseil d’administration qui administre l’université et qui délègue une partie de ses compétences sur des champs bien délimités, une délégation de pouvoirs au conseil des études et de la vie universitaire et au conseil scientifique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je précise que le texte prévoit expressément la délégation de signature. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Certes, ce n’est pas la même chose qu’une délégation de compétences, mais c’est déjà un pas dans la direction que vous indiquez.
Je le répète, nous souhaitons de la clarté dans la répartition des compétences entre les uns et les autres, et rien n’interdira aux universités qui le souhaitent de prévoir dans leurs statuts certaines délégations de compétences.
La loi de 1984 prévoit qu’aucun pouvoir de décision n’appartient au conseil scientifique ou au conseil des études et de la vie universitaire. Ils n’ont que des pouvoirs consultatifs et de propositions. Vous nous demandez de transférer du conseil d’administration vers ces deux conseils des pouvoirs stratégiques de décision sur les grandes orientations et la vie de l’université.
Le présent projet de loi donne au conseil d’administration des compétences stratégiques qui n’ont pas vocation à être déléguées, en tout cas pas de manière générale. Voulez-vous déléguer l’approbation du contrat d’établissement de l’université, le vote du budget, l’approbation des accords et des conventions des emprunts et des dettes,…
En discutant avec les présidents d’université, vous apprendrez qu’ils attendent de cette loi qu’elle leur facilite la tâche mais qu’ils n’en obtiendront pas les pouvoirs que vous entendez leur donner s’ils n’ont pas, derrière eux, l’ensemble de la communauté universitaire. Ils savent bien qu’ils auront en quelque sorte à organiser des contre-pouvoirs, pour créer la discussion et recueillir l’assentiment de l’ensemble de la communauté. Si vous concentrez toutes les décisions stratégiques dans les mains du conseil d’administration sans qu’elles puissent être discutées dans les CEVU ou les conseils scientifiques, et sans l’autoriser à leur déléguer une partie de ses pouvoirs, il ne faudra pas plus d’un an pour que les contre-pouvoirs qui surgiront provoquent un blocage semblable à celui qui existe actuellement.
Écoutez-nous, madame la ministre, et faites preuve d’ouverture, puisque le Président de la République a toujours ce mot à la bouche. De M. Goasguen à l’opposition, nous connaissons bien nous aussi les mécanismes de décision des universités et nous pensons que ces amendements sont dans l’intérêt de l’université.
L’amendement de M. Mamère ne vise à rien d’autre qu’au statu quo.
Nous ne vous demandons pas de revenir à la situation ancienne, nos deux amendements identiques entendent simplement autoriser le conseil d’administration à déléguer au conseil scientifique et au CEVU certaines de ses compétences, afin d’être éclairé dans ses décisions. Loin de vouloir recréer une pétaudière, nous estimons qu’il n’est pas possible de diriger une université tout seul. Nous verrons même, à l’article 5, que vous êtes en train de réinventer à votre manière le centralisme démocratique (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire) en faisant du conseil d’administration le seul collège élisant le président, au lieu des trois conseils. Nous demandons seulement que le conseil scientifique et le CEVU puissent continuer à exercer une responsabilité, dans ce qui engage la vie de l’université, sur délégation du conseil d’administration. Il ne nous semble pas que cela soit très difficile d’adopter des amendements comme ceux-ci.
La parole est à M. Daniel Goldberg.
Nous proposons, non pas le maintien des dispositions actuelles, mais une modification de l’organisation des pouvoirs au sein de l’université : le conseil d’administration garderait la main sur l’ensemble des compétences qui lui sont confiées par la loi, mais il pourrait déléguer une partie d’entre elles – celles dans lesquelles le conseil scientifique et le CEVU interviennent déjà – à ces deux instances. Un tel dispositif n’a rien à voir avec ce qui existe ; il s’apparente à ce qui se pratique, par exemple, dans toutes nos mairies, où le maire a la possibilité de déléguer une partie de ses pouvoirs à ses adjoints.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
(L'article 4 est adopté.)
La parole est à M. Claude Goasguen.
Avant d’en venir à l’examen des amendements qui affineront la définition des pouvoirs du président, il faut se demander quelle modification nous entendons apporter à la direction actuelle des universités et pourquoi elle ne nous satisfait pas.
Dans le tableau que je vais brosser, la responsabilité individuelle des présidents d’université n’est pas en cause : tous ont, avec beaucoup d’abnégation, accompli un service public qui n’est pas facile. Cela étant dit, les présidents d’université, à quelques exceptions près, ne sont pas les membres les plus éminents de l’université, pour des raisons pratiques. Ce constat tient à l’ingratitude des tâches, les universitaires les plus en vue étant souvent appelés à exercer des activités extérieures.
Premièrement, l’administration universitaire est sous-équipée. Là encore, c’est un fait : les universités n’ont pas l’administration qu’elles méritent. Leurs personnels, souvent issus de l’enseignement secondaire, et non de l’enseignement supérieur, ne sont pas assez nombreux. Ils sont dispersés et, surtout, l’encadrement – les secrétaires généraux – n’ont souvent pas la formation nécessaire pour assumer la gestion de telles organisations. Les présidents d’université, comme les directeurs d’UFR, sont confrontés à des tâches matérielles qui ne sont pas de nature à attirer les universitaires.
Deuxièmement, et j’attire votre attention sur ce point, madame la ministre, si l’on veut que les prochains présidents d’université se consacrent à plein-temps à un métier astreignant, il faut qu’ils occupent, au moins dans la fonction publique, une position très supérieure à celle qui est la leur actuellement. Il n’est pas possible de continuer à rémunérer comme on le fait les heures de présidence d’université. Il s’agit tout de même d’universitaires qui sont occupés à enseigner, à publier, à faire de la recherche. À leurs yeux, un tel poste est plus un handicap qu’un avantage. Je sais bien que l’homme ne se satisfait pas seulement de jouissances matérielles, mais le bénéfice d’avantages de fonction n’est pas incompatible avec le service public. Je souhaite donc que la fonction de président d’université soit revalorisée.
Troisièmement, il faut en outre que le titulaire ait la possibilité de l’exercer. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle nous discuterons tout à l’heure du rôle des personnalités extérieures, à l’égard desquelles je suis très réservé. Je ne vois pas, en l’état actuel de sous-administration des universités – lequel risque de durer encore quelques années –, comment une personnalité extérieure pourrait prendre à bras-le-corps le système universitaire tel qu’il est !
En conférant au président davantage de pouvoirs, nous avons fait un choix très fort. On nous reproche d’avoir supprimé les trois conseils. Mais non ! Même si je suis en grande partie d’accord avec ce qui a été dit sur le conseil scientifique. En réalité, le système de désignation plurielle du président reste une des composantes essentielles du dispositif. Parmi les électeurs, figurent des personnels techniques, des étudiants, des maîtres de conférences et des professeurs.
Il faut veiller, madame la ministre, à faire preuve de pédagogie pour faire comprendre que le président d’université doit être de moins en moins un gestionnaire, et de plus en plus un homme tourné vers l’extérieur, préoccupé de connaissance scientifique, de compétitivité internationale, de vie économique. Notre choix est spécifiquement français. Ailleurs, la plupart des présidents d’université sont élus par les universitaires, ce qui n’empêche pas de laisser un rôle important au conseil de gestion. Mais, en ce qui nous concerne, nous avons fait un choix courageux – issu de mai 1968 – et nous devons nous y tenir.
Cela étant, il faut que le président puisse exercer le même rôle que ses homologues étrangers. Nous allons, en examinant les amendements, discuter du profil, des pouvoirs du président d’université, mais il faut garder en tête que le projet de loi doit éviter de renouveler les erreurs précédentes. Les présidents d’université doivent être des personnages essentiels de la vie locale, régionale, voire nationale, comme aux États-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut leur donner les moyens d’y parvenir. Tel sera l’objet des amendements que j’ai déposés à l’article 5.
Les universités se caractérisent en effet par un fort recrutement local – une inclination toute naturelle : on ne connaît bien que ceux que l’on a formés. Ainsi, 30 % des maîtres de conférences sont recrutés parmi les docteurs de l’établissement, et 10 % supplémentaires, bien que diplômés d’une autre université, ont déjà assuré une charge d’enseignement sur place. Par ailleurs, 60 % des professeurs sont recrutés parmi les maîtres de conférences de l’établissement. Un tel état d’esprit procure un avantage déterminant aux diplômés locaux, ce qui entretient les chapelles et provoque des anomalies de recrutement.
Si, comme vient de le dire M. Goasguen, on s’inspirait de ce qui se fait à l’étranger, ou même à la Sorbonne, on pourrait envisager des dispositions rendant obligatoire la mobilité. Loin de remettre en cause la compétence des docteurs locaux, cela leur permettrait d’aller voir ailleurs ce qui se fait, tant en matière de recherche que de pédagogie. En d’autres termes, cela ouvrirait nos universités. Rappelons-nous qu’à la création des premières universités, les plus grands professeurs allaient d’une université à l’autre dispenser leurs enseignements ! La diversité enrichit ; faisons s’enrichir nos universités ! Bien que je n’ignore pas les obstacles qui se dressent sur cette route, je ne doute pas, madame la ministre, que vos services sauront les surmonter.
Je souhaite enfin saluer la possibilité que réserve l’article 5 d’une délégation de signature aux responsables des composantes, particulièrement importante pour les universités à sites multiples possédant des antennes éloignées les unes des autres.
L’article 5 renforce la fonction de président d’université en établissant une claire répartition des rôles entre l’exécutif, aux mains du président, et le délibératif, dévolu au conseil d’administration mais aussi au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire. Le président portera désormais le projet d’établissement et sera jugé sur ses résultats, son mandat de quatre ans pouvant être renouvelé une fois en cas de réussite. Il bénéficie d’une légitimité accrue, étant élu à la majorité absolue des membres, eux-mêmes élus, du conseil, et appartenant de surcroît à l’une des catégories de personnels qui ont vocation à exercer des fonctions d’enseignement ou de recherche. Disposant d’attributions élargies, notamment dans le domaine de la gestion des ressources humaines, il est le vrai patron de l’université. Il pourra ainsi recruter des agents contractuels sur les budgets propres de l’établissement. Enfin, il devra se tourner vers les mondes de l’économie et des collectivités territoriales afin de trouver et de fédérer des moyens financiers supplémentaires dans le cadre de l’autonomie que vous souhaitez donner à l’université. Il s’agit donc d’une réforme novatrice pour la gouvernance des universités.
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
De même, et c’est le deuxième volet de cet amendement, il doit être choisi parmi les enseignants-chercheurs permanents en exercice dans l’université. On ne peut imaginer que l’on ouvre ce poste à des personnalités extérieures dont la compétence ne serait pas nécessairement reconnue. Il s’agit là d’une dérive manifeste.
Notre collègue a donc eu raison de préciser tout à l’heure que, avec l’article 4, les articles 5 et 6 forment l’architecture du projet. Ils dévoilent la véritable intention du Gouvernement, qui est d’escamoter en quelque sorte les conseils – en particulier le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire – pour choisir ensuite selon son bon vouloir ou son bon plaisir ceux ou celles qui seront appelés à diriger les universités, et qui seront élus par le seul conseil d’administration. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, c’est une manière de réinventer le centralisme démocratique ! Good bye Lénine !
M. Mamère ne veut rien changer au mode de désignation du président. Rappelons tout de même que celui-ci est aujourd’hui désigné par 140 personnes, et que le nombre de tours de scrutin nécessaires peut aller jusqu’à vingt-trois tours ! Une université parisienne vient, après huit tours, de repousser l’élection de son président à octobre. Imaginez la légitimité de la personne élue après vingt-trois tours de scrutin ! Imaginez sa capacité de décision et son autonomie vis-à-vis des personnalités qui l’ont élue !
Ce projet de loi vise, comme l’a dit M. le rapporteur, à simplifier le mode d’élection en le calquant sur des procédures habituelles : l’ensemble de la communauté universitaire vote, collège par collège, pour désigner un conseil d’administration, dont les membres élisent à leur tour le président. Cette source de légitimité très forte n’exclut nullement la démocratie, monsieur Mamère, puisque tous les personnels, IATOSS, étudiants, enseignants-chercheurs, maîtres de conférences et professeurs pourront voter. Au contraire, j’espère que la démocratie en sortira grandie. Aujourd’hui, moins de 10 % des membres de la communauté universitaire participent à l’élection des conseils. Pourquoi ? Parce que le pouvoir est trop dilué et que ce mode de désignation du président par 140 personnes fait que l’on ne sait même pas pour qui ou pour quoi l’on vote. Au contraire, je veux de la participation, de la démocratie et du vote à l’université ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Concernant les enseignants-chercheurs, je confirme, monsieur Mamère, qu’il s’agit bien d’une loi d’ouverture. Osons imaginer qu’un étranger, professeur ou chercheur de renommée internationale, préside un jour une université française. L’université de Californie est bien dirigée par un Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pourquoi ne ferions-nous pas la même chose en France ? Pourquoi, si le président français de l’université de Californie souhaitait diriger une université française, ne pourrait-il pas le faire ? Il a vocation à enseigner, il peut donc devenir président d’université dans le nouveau projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
M. le rapporteur se référant à Bègles, ce dont je le remercie, je lui signale que Bègles, vu sa proximité avec le campus de Bordeaux, ne demande qu’à devenir une ville universitaire. Elle y est toute prête !
Par ailleurs, puisque vous dites, madame la ministre, vouloir la démocratie directe, et que vous appartenez à un gouvernement qui souhaite réformer nos institutions, je vous prends au mot. Nous sommes ici quelques députés, hommes et femmes, à appartenir à des communautés urbaines ou à des communautés d’agglomération : nous espérons que vous soutiendrez, si d’aventure votre gouvernement le propose, l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
Les amendements nos 27, 161 et 181 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour soutenir l’amendement n° 162.
Ayant entendu les brillants arguments de Mme la ministre, je retire mon amendement.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 27.
Revenir au texte initial du Gouvernement, c’est proposer que le président du conseil d'administration soit élu par les seuls membres élus du conseil d'administration. Nous avons en effet considéré que la disposition du Sénat visant à faire élire le président de l’université par l’ensemble des membres du conseil d'administration, y compris les personnalités qualifiées qu’il aurait lui-même désignées, n’était pas une bonne solution. Certes, on peut toujours prévoir des modifications des modes de scrutin, mais comment permettre au futur président de choisir son propre électorat ?
Nous avons le choix entre deux options. Si nous faisons participer les membres élus à l’élection du président, c’est au président qu’il reviendra de désigner les personnalités qualifiées. C’est, en tant que tel, un acte politique essentiel. En effet, si, par exemple, l’université de Reims opte pour l’excellence scientifique, elle choisira naturellement comme personnalités qualifiées pour siéger au sein de son conseil d'administration des prix Nobel ou des médailles Fields. Inversement, si une autre université s’oriente vers l’insertion professionnelle de ses étudiants, son président préférera choisir des chefs d’entreprise.
Si, au contraire, nous faisons participer l’ensemble des membres du conseil d'administration à l’élection du président, nous ignorons comment désigner les personnalités qualifiées avant l’élection du président pour qu’elles puissent y participer. Ou bien ce sont les membres élus du conseil d'administration qui les désigneront et nous revenons au cas de figure du Sénat – un futur électorat désigné par un électorat élu, ce qui n’est pas véritablement démocratique –, ou bien ce seront des membres extérieurs à l’université. Or les personnalités ainsi désignées représenteront les institutions dont elles sont issues – ce seront des « zinzins » –, alors que nous souhaitons, au contraire, avoir affaire directement à des chefs d’entreprise et à des acteurs du monde scientifique, et non à leurs représentants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Par ailleurs, la fonction de président doit être réservée à des enseignants-chercheurs ou chercheurs statutaires d’une université française – un amendement n° 268 sera défendu en ce sens. En effet, il ne suffit pas à nos yeux d’être élu président pour en avoir la légitimité, alors que d’aucuns ont peut-être la volonté de faire élire à ce poste des chefs d’entreprise, comme cela se pratique dans d’autres pays. Mais tel n’est pas la voie dans laquelle le pays s’est engagé, au travers des lois de 1968 et de 1984. C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 268 visera à insérer les mots « exercent de manière statutaire ».
Enfin, s’il est heureux que des personnalités qualifiées soient nommées au sein des conseils d'administration des universités, toutefois le système ne fonctionne pas de manière satisfaisante aujourd'hui – plusieurs orateurs l’ont relevé – dans la mesure où ces personnalités, qui doivent suivre l’intégralité de la gestion courante de l’université, ce qui est énorme, se désintéressent très vite de la vie universitaire et ne participent plus aux conseils d’université. Elles devraient pouvoir se consacrer à la stratégie universitaire : le système ne fonctionnera en effet que si nous sommes capables d’intéresser ces personnalités en les faisant travailler sur la vision stratégique de l’université.
Nous aurions assurément été très heureux de pouvoir faire participer des personnalités qualifiées à l’élection du président parce que, nous semble-t-il, certaines d’entre elles, notamment dans le cadre du projet de formation de l’université, ont leur mot à dire sur le choix du président – je pense notamment aux représentants des collectivités locales, qui financent les universités, comme à certains acteurs économiques locaux. Or nous n’avons pas trouvé au Sénat la façon légitime de désigner ces personnalités qualifiées. Comme l’a noté le rapporteur, les désigner en tant que représentants d’institutions serait contraire à ce que nous voulons, à savoir que des personnalités de grande qualité s’engagent vraiment dans la vie de l’université en participant personnellement au conseil d'administration, contrairement à ce qui se passe trop souvent aujourd'hui au sein de certains établissements publics, où ne viennent jamais des personnalités nommées ès qualités parce qu’elles sont membres d’un trop grand nombre de conseils d'administration.
C’est pourquoi nous pensons que la légitimité du président est fonction de son élection par l’ensemble de la communauté universitaire.
(Ces amendements sont adoptés.)
Je suis saisi de deux amendements, nos 8 et 9.
Accepteriez-vous, monsieur Goasguen, d’en faire une présentation commune ?
En effet, madame la ministre, bien que vous en ayez évoqué la possibilité, je ne vois pas bien quelle personnalité extérieure pourrait devenir président d’université. C’est la raison pour laquelle les mots « ont vocation à exercer », dans la deuxième phrase de l’alinéa 3 de l’article 5, me paraissent insuffisamment précis.
Par nature, en effet, un grand nombre de personnes ont vocation à enseigner, l’enseignement étant ouvert à tous. Imaginons – cas ridicule – que le maire d’une ville universitaire, se sentant subitement une vocation à enseigner, décide de devenir président de l’université : il est élu par le conseil d'administration et se retrouve à la fois maire et président de l’université ! Le même raisonnement peut être du reste tenu à propos d’un député, d’un président de conseil régional ou de toutes les personnalités qui pourraient avoir vocation à enseigner.
De plus, en droit français, si des personnalités extérieures peuvent se retrouver à la tête d’établissements publics – je pense à la SNCF, à la RATP ou à EADS –, elles y sont précisément nommées, et non élues. Imagine-t-on, par exemple, de faire élire une personnalité extérieure à la SNCF ? Il faut être raisonnable. C’est la raison pour laquelle mon amendement n° 8, qui supprime les mots « ont vocation à exercer », précise que le président de l’université doit être élu « parmi les enseignants-chercheurs », proposition, du reste, légèrement différente de l’amendement n° 268, présenté par l’opposition, qui prévoit que les présidents « exercent de manière titulaire ». Mon système, incluant les professeurs associés, est donc plus large tout en ayant le mérite de permettre l’élection d’un président qui sache exactement ce qui se passe dans son université, ce qui, en raison du caractère complexe de la gestion d’une université, est le minimum qu’on puisse exiger d’un président.
Telle est la raison pour laquelle je vous demande, dans la situation actuelle, d’adopter ces amendements. Peut-être dans cinq ans les universités auront-elles acquis un tel stade de développement que nous pourrons envisager un autre système. Mais comme tel n’est pas encore le cas, afin d’éviter des complications inutiles et d’éventuelles bévues, laissons aux seuls enseignants-chercheurs ou professeurs associés la possibilité d’accéder à la tête d’une université qu’ils connaissent bien.
Les mots « ont vocation à exercer » sont en effet bien flous ! Je ne reprendrai pas la démonstration de M. Goasguen, mais il a eu raison de noter que chacun, à un moment ou à un autre de sa vie, a pu avoir, quelle que soit par ailleurs sa profession, vocation à enseigner. On peut du reste enseigner à la fois par vacation et par vocation, sans être véritablement un enseignant-chercheur et donc en avoir le statut. Telle est la raison pour laquelle notre amendement n° 268 visait à substituer aux mots : « ont vocation à exercer » les mots : « exercent de manière statutaire », car la précision nous paraissait importante.
Mme la ministre, tout en donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 162, a déclaré qu’on peut envisager que d’autres personnalités que des enseignants deviennent présidents d’université. Soit ! Mais à une condition, que M. Goasguen vient de rappeler – M. Bayrou l’avait déjà fait, hier, lors de son intervention dans la discussion générale – : c’est que ce président ne concentre pas tous les pouvoirs, en particulier le pouvoir pédagogique et académique qui, par nature, revient à un enseignant de profession, c'est-à-dire « statutaire ».
L’exemple, que vous avez pris, madame la ministre, de l’université américaine, serait donc recevable en France avec une autre répartition des pouvoirs du président : il ne l’est pas avec l’organisation actuelle, puisque, je le répète, le président concentre tous les pouvoirs, notamment le pouvoir académique et pédagogique, qui répond à la mission propre de l’université.
Telle est la raison pour laquelle nous rallions les amendements de M. Goasguen.
Autrement dit, cela signifie que la possibilité de devenir président d’université sera offerte aux enseignants-chercheurs statutaires bien entendu, mais également aux professeurs invités ou associés, aux PRAG et aux maîtres de conférences invités ou associés. Voilà la limite telle qu’elle est définie.
Reprenons l’excellent exemple de l’universitaire américain développé par la ministre, tout à l’heure. Eh bien, pour devenir président d’une université française, l’universitaire américain devra d’abord passer par la fonction de professeur associé ou invité. Et il en va de même pour un grand chef d’entreprise.
Elle existe dans le code de l’éducation et elle est déjà appliquée pour les directeurs d’IUT : « a vocation à enseigner en IUT ». C’est la même disposition ! On peut la reproduire pour l’université. L’expression « a vocation à enseigner à l’université » concerne les maîtres de conférences et les professeurs titulaires, les maîtres de conférences et les professeurs invités – étrangers donc –, les maîtres de conférences et des professeurs associés issus de la société civile et les professeurs agrégés des grandes écoles, les PRAG. Ce sont eux qui ont vocation à être présidents d’université.
Nous faisons une loi d’ouverture, non de repli ! Les universités n’auront pas à rechercher leur futur président uniquement dans leurs propres forces. Pourquoi ? Mais parce qu’on peut imaginer qu’un président ait fait des merveilles à la Sorbonne, à l’université de Toulouse, de Bordeaux, de Lyon ou de Rennes – un très grand président qui termine son mandat. Alors, une autre université pourra se dire : ce qu’il a réalisé à Lyon I, Toulouse II ou Rennes I, il faut qu’il vienne le faire chez moi ! On va le faire venir, le faire élire par notre conseil d’administration. Cette personne n’est pas dans l’université elle-même ; on va aller la chercher dans une autre.
C’est une loi qui ouvre les fenêtres de l’université, sans pour autant enlever les garanties, la légitimité tirée du fait qu’on doit avoir vocation à enseigner.
Selon M. le rapporteur, les universités à vocation professionnelle pourraient choisir leur président parmi des professionnels – opter pour un industriel, par exemple – tandis que les universités à vocation plus académique ou scientifique choisiraient parmi les enseignants-chercheurs. Or je ne connais pas d’universités qui seraient purement académiques et d’autres exclusivement professionnelles. Si nous entrons dans ce débat-là, nous allons déflorer un certain nombre de thèmes que vous avez peut-être en tête, mais que vous n’avez pas exposés par écrit, pour l’instant.
Autre remarque : la définition de l’expression « a vocation à » suscite un débat. Même si cela ne nous amène pas forcément, M. Goasguen et moi-même, à siéger dans le même groupe politique, sur les mêmes bancs.
Il vous faut bien constater que cette notion de vocation à enseigner pose problème. Nous avons trois amendements – deux de M. Goasguen et celui que nous proposons – qui se rejoignent sur le fond, mais pas sur la forme. C’est pourquoi, je voudrais des votes disjoints.
M. Goasguen propose que le président d’une université soit choisi parmi les enseignants-chercheurs. Pour ma part, je voterai pour cette proposition. Si les paroles de Mme la ministre reflètent le fond de sa pensée – ce dont je ne peux douter –, le président de l’université ne pourra être recruté que parmi les maîtres de conférences, les professeurs, les professeurs invités, les professeurs associés et les PRAG. Or ces personnels appartiennent à la catégorie des « enseignants-chercheurs ».
Pour notre part, nous avons voulu être un peu plus restrictifs puisque nous retenons les « enseignants-chercheurs à vocation statutaire ». C’est un peu plus précis, mais cela signifie simplement que la personne en question serait en poste dans une université.
Madame la ministre, vous avez répondu à un amendement qui n’existe pas : personne, dans cette assemblée, n’a proposé de garder le système actuel, c'est-à-dire de ne confier la présidence d’université qu’à un enseignant-chercheur de cette même université. Ce n’est demandé sur aucun de ces bancs.
Vous voyez bien que la formule « a vocation à » est particulièrement ambiguë. S’il n’y a pas d’ambiguïté derrière vos propos et votre texte, acceptez au moins l’amendement présenté par le groupe socialiste. Il va moins loin, finalement, que celui de M. Goasguen, aux propos duquel je souscris totalement quand il précise : « il est logique que celui-ci soit choisi dans l’établissement qu’il connaît ». Cela me semble être une garantie contre les « opérations » – il faut bien le dire comme cela.
On sait pertinemment que ce texte, tel qu’il est rédigé, peut donner lieu à des opérations et à des manipulations. Je pense que personne n’a rien à y gagner.
L’ouverture au monde économique, financier et politique risque de casser l’esprit universitaire tel qu’il existe aujourd’hui, avec des présidents complètement issus de la culture universitaire. Notre perception des dangers diffère de la vôtre. Mais si, dans cinq ans, vous n’avez rien fait d’autre que cette loi, les universités risquent de devenir des entreprises, comme nous le redoutons. À leur tête, les présidents se comporteront en chefs d’entreprise, et ils se ficheront éperdument des six missions essentielles que nous avons évoquées tout à l’heure.
Faute de clarifier la notion de « vocation », vous ouvrez la porte à des choses qui nous semblent extrêmement dangereuses. Et les arguments que vous avez soulevés, madame la ministre, ne sont pas convaincants. Vous avez expliqué, par exemple, que le texte permettra à un éminent président d’être attiré dans une autre université. Je regrette, mais notre amendement le permet aussi ! Nous disons, en effet, qu’un statutaire dans une université peut devenir président dans une autre. Vous avez aussi pris l’exemple d’un universitaire qui part trois ans à l’étranger.
(Après une première épreuve à main levée déclarée douteuse, M. le président invite l’Assemblée à se prononcer une nouvelle fois. – La deuxième épreuve a lieu.)
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à Mme la ministre.
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
Je suis saisi d'un amendement n° 179.
La parole est à M. Régis Juanico, pour le soutenir.
La caractéristique principale de l’article 5 est de renforcer – considérablement, serions-nous tenter d’ajouter – les pouvoirs du président d’université. Notre rôle de législateur est de permettre à la démocratie universitaire de vivre et d’essayer de favoriser l’équilibre des pouvoirs, notamment par la collégialité dans la préparation des décisions.
Pour ce faire, l’amendement n° 179 prévoit d’insérer, après l’alinéa 4 de l’article, une disposition visant à créer un bureau autour du président de l’université. De tels bureaux existent déjà dans beaucoup d’universités, même si leur composition est variable. Pour prendre un exemple cher à Mme la ministre, à Saint-Étienne – où, je l’espère, elle se rendra bientôt à notre invitation –, le président de l’université est assisté par un bureau composé de deux vice-présidents représentant deux composantes essentielles de la communauté universitaire, d’étudiants et aussi de personnels IATOSS. Ces derniers – nous le savons pour les rencontrer dans les universités de nos circonscriptions – s’estiment souvent mal considérés.
Ces personnels occupent une place importante au sein de l’université. À Saint-Étienne, par exemple, ils représentent 30 % de l’ensemble des personnels. Un bureau composé d’un ou de plusieurs étudiants et personnels IATOSS assisterait le président de l’université dans le cadre de ses responsabilités et l’aiderait à prendre les décisions. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mais nous considérons que cela relève du libre choix de chaque établissement. Laissons respirer nos universités ! Si elles souhaitent adopter ce type de disposition, la loi leur permettra de le faire. C’est d’ailleurs le choix que font certaines d’entre elles aujourd’hui, bien que la loi ne le prévoie pas. Laissons les universités s’administrer comme elles l’entendent, sans alourdir ce texte de nouvelles contraintes, même si la formule est intéressante dans bon nombre de cas. Si certains conseils d’administration ne souhaitent pas ce type d’organisation, laissons-leur le choix !
Vous dites, madame la ministre, que cette disposition figure déjà dans le code de l’éducation. En effet, le texte prévoit un vice-président étudiant.
Dans sa sagesse, notre assemblée devrait voter cet amendement car il est parfaitement légitime de demander qu’un bureau représentatif de l’ensemble des composantes de l’université assiste le président, qui appartient, je le rappelle, au corps des enseignants. Et cela n’entrave en rien l’autonomie des établissements !
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le soutenir.
Cet amendement permettrait de sortir de situations de blocage de nature budgétaire et de celles, plus subjectives, de défiance vis-à-vis du président.
Il me semble que cet autre amendement répond à votre souhait tout en étant plus souple que le vôtre, monsieur Pinte, qui est un peu trop strict et qui aboutirait en quelque sorte au dépôt d’une motion de censure, et risquerait – ce qui nous inquiète – de faire émerger des majorités de circonstance et de multiplier les révolutions de palais au sein de nos universités !
Je crains toutefois que la disposition telle qu’elle est prévue dans votre amendement – le président remet sa démission lorsque le budget qu’il présente est rejeté deux fois de suite dans une période d’un mois – ne tienne pas sur le plan technique : en effet, selon le code de l’éducation, lorsqu’un budget a été rejeté, une procédure de règlement est mise en place et c’est l’État qui intervient, par l’intermédiaire du recteur. Un budget ne peut donc pas être rejeté deux fois de suite dans un délai d’un mois. Et, si la loi le permettait, le président se garderait bien de convoquer le conseil d’administration dans le mois qui suit, faute de tomber sous le coup de cette disposition.
La procédure proposée ne correspond pas totalement au mode de fonctionnement universitaire. J’ajoute que le règlement du budget pour une université, comme pour toute collectivité locale, étant une nécessité, il est évident qu’elle préfère s’en remettre au recteur.
Quant à la motion de défiance, elle doit être adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil d’administration sur convocation du doyen d’âge des enseignants-chercheurs. Encore faudrait-il que celui-ci y soit favorable ! Je crains que de telles mesures n’amplifient les conflits au lieu de les atténuer.
Il existe un autre dispositif : celui de M. Yves Jego, dans un amendement que nous examinerons tout à l’heure et dont la stratégie me paraît plus pertinente. M. Jego propose de faire appel à l’État – ce que, pour ma part, je juge opportun face à un conflit au sein de l’université.
Son amendement dispose qu’en cas de difficulté grave de fonctionnement des organes statutaires des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, ou de défaut d’exercice de ses responsabilités par le président de l’université – vous souhaitez mettre en place des contre-pouvoirs si le président n’exerce pas ses responsabilités –, le ministre chargé de l’enseignement supérieur prenne, à titre exceptionnel, toute disposition imposée par les circonstances. Il peut notamment demander au conseil d’administration de procéder à l’élection d’un nouveau président ou convoquer de nouvelles élections du conseil d’administration. Pour exercer ses pouvoirs, le ministre consulte le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, ou l’informe en cas d’urgence, et charge le recteur, chancelier des universités, de prendre à titre provisoire les mesures conservatoires nécessaires – après avoir consulté le président ou le directeur de l’établissement. Dans ce type de conflits, il me paraît sage de s’en remettre à l’État. D’ailleurs, cette disposition s’applique déjà aux collectivités locales.
Je vous invite donc, monsieur Pinte, à retirer votre amendement. À défaut, j’en demanderais le rejet, ne serait-ce parce que le budget ne peut être rejeté deux fois dans le délai d’un mois.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 93.
La parole est à M. Jean-Pierre Soisson, pour le soutenir.
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 166.
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le soutenir.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 100.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 11.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 100.
J’insiste sur le fait que cet avis défavorable motivé portera uniquement sur le profil du poste, et non sur la qualité scientifique des candidats.
Quant à la nuance que vous faites, elle me paraît floue et, compte tenu des pouvoirs accordés au président, il sera très facile de prononcer un veto, non par rapport à un profil, mais pour des raisons pas très avouables.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le soutenir.
Pourquoi ces réticences à l’égard du droit de veto ? Pour deux raisons : d’abord, le président d’une université peut ne pas avoir le même grade que celui à l’encontre duquel il va exercer ce droit. On peut imaginer un président maître de conférence exerçant son droit de veto à l’encontre d’un professeur, ce qui peut choquer la communauté universitaire. Ensuite, dans les universités pluridisciplinaires, le droit de veto va s’exercer dans nombre de disciplines. Or le président peut être parfaitement compétent dans une discipline, mais pas nécessairement dans toutes celles qui sont enseignées dans son établissement.
Je rouvre donc le débat et souhaite davantage de précisions sur ce point, notamment en ce qui concerne le profil du poste. Pourriez-vous, madame la ministre, reprendre les propos que vous avez tenus il y a quelques instants, afin de rassurer la communauté universitaire sur la façon dont sera exercé ce droit de veto ? Que proposez-vous dans l’hypothèse où un président maître de conférences exerce son droit de veto à l’encontre d’un professeur ? Dans ce cas de figure exceptionnel, il serait préférable de revenir – conformément à la tradition universitaire – à un vote du conseil d’administration, réuni en formation restreinte aux enseignants et personnalités extérieures de rang au moins égal.
Mais je tiens, monsieur Fasquelle, à vous rassurer. Le droit de veto ne sera exercé par le président qu’en cas d’inadéquation entre le candidat et le profil du poste. L’idée est d’éviter un recrutement qui ne correspondrait pas à la stratégie de l’établissement. Cela n’a rien à voir avec l’évaluation des qualités scientifiques, qui seront évaluées par le comité de sélection.
Je suis saisi d'un amendement n° 10.
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le soutenir.
Nos universités sont dans un tel état de vétusté qu’un contrôle aboutirait, pour certaines, à leur fermeture immédiate. Or nous légiférons précisément pour tenter de remédier à cette dramatique situation. Si, d’aventure, un accident se produisait dans une université, son président serait de droit responsable, mais j’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que cette responsabilité serait partagée avec les collectivités territoriales et le représentant de l’État. Les présidents d’université doivent savoir qu’ils sont tenus pour responsables, et en particulier le recteur, qui est encore chancelier des universités et peut, en matière d’ordre public, être responsable. Je souhaite donc que soit réaffirmé l’un des impératifs les plus urgents de nos universités, à savoir leur mise aux normes, selon les recommandations de la commission d’hygiène et de sécurité. Dans le même esprit, Mme Montchamp a déposé un amendement, que je soutiens, sur l’accès aux handicapés.
Ces impératifs sont nécessaires à la modernisation de nos universités.
Je suis en effet saisi d’un amendement n° 12.
Cet amendement fait l’objet d’un sous-amendement n° 304.
La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour soutenir l’amendement n° 12.
(Le sous-amendement est adopté.)
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à Mme
Le Président de la République a clairement exprimé sa détermination quant à l’accueil des enfants handicapés à l’école de la République. Cet amendement, mes chers collègues, participe du même esprit. En outre, il permettra à l’université de préparer des ressources humaines de qualité, fussent-elles fragiles.
J’ajoute que nous signerons, dès le mois de septembre, une charte de l’accueil des personnes handicapées, qui est inspirée par l’esprit de la loi du 11 février 2005. Il est important d’accorder cette compétence au président à titre personnel. L’amendement du Gouvernement propose donc de ne pas déléguer cette même compétence à un membre du conseil d’administration.
Je mets aux voix l'amendement n° 306.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Claude Goasguen, pour le soutenir.
Je suis saisi de deux amendements, nos 102 rectifié et 194, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l’amendement n° 102 rectifié.
Les étudiants sont au cœur de la politique universitaire. Rappelons les lois qui ont amené les étudiants à cogérer l’université : la loi de 1984 sur la participation et la loi de 1989 introduisant la notion d’organisations représentatives. Aujourd’hui, les étudiants ont acquis de fortes compétences dans tous les domaines de la vie universitaire. Il serait donc judicieux et normal qu’un vice-président soit choisi parmi les étudiants du conseil d’administration.
Rappelons que de nombreux établissements comptent déjà au sein de leur direction un représentant étudiant qui assume les fonctions de vice-président. Ce serait peut-être une façon de répondre à la critique qu’a formulée Mme la ministre sur la participation des étudiants aux élections universitaires, car cela les conduirait à y participer plus activement.
Avec ces amendements, auxquels la commission est défavorable, vous transformez ce vice-président étudiant en un vice-président, que je qualifierais de « fantoche » puisque vous ne lui attribuez aucun pouvoir. Je ne pense pas que ce soit un service à rendre aux étudiants.
Quoi qu’il en soit, il convient de laisser aux universités le soin de s’organiser comme elles l’entendent. Sur le principe, nous ne sommes pas opposés à ce qu’il y ait des vice-présidents étudiants. Mais laissons les universités décider dans le cadre de leurs statuts !
Toutefois, l’amendement de M. Mamère n’est pas tout à fait dans la même ligne que celui de M. Lachaud. M. Mamère propose de faire élire le vice-président étudiant par l’ensemble des trois conseils : conseil d’administration, conseil scientifique, conseil des études et de la vie universitaire, c’est-à-dire les 140 personnes dont nous avons parlé tout à l’heure. Or, comme nous avons adopté un dispositif plus resserré pour l’élection du président, cela reviendrait à faire du vice-président étudiant un concurrent de celui-ci, en termes de légitimité. Avec un mode d’élection différent de celui du président. ce serait, pour le coup, un dispositif très dangereux, au-delà même de la question de savoir s’il faut ou non un vice-président étudiant dans l’université. Ce mode de scrutin n’est, selon moi, pas acceptable.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 5, ainsi modifié, est adopté.)
La parole est à M. Jacques Domergue.
Il est, certes, intéressant de figurer à une meilleure place dans le classement de Shanghai, mais cela ne suffit pas. Le véritable enjeu est de redonner confiance à nos jeunes, qui feront vivre la France de demain et la tireront vers le haut.
Le conseil d’administration approuvera le rapport d’activité du président, mais aussi les comptes de l’université, qui – et c’est nouveau – seront certifiés par un commissaire aux comptes.
Ces changements substantiels permettront à nos universités de fonctionner beaucoup mieux, dans la transparence et l’efficacité.
En outre-mer plus qu’en France hexagonale, les universités sont des acteurs du développement économique, mais elles sont surtout l’occasion exceptionnelle d’une réelle égalité des chances pour la jeunesse des douze collectivités ultramarines. Lieux de création et de transmission du savoir, les universités ont vocation à offrir des formations de qualité à cette jeunesse, principale richesse de notre pays en devenir.
Or je constate avec une certaine amertume que la réforme de la gouvernance des universités a été pensée en référence à une partie du territoire national seulement, en oubliant, une fois de plus, l’outre-mer. N’avez-vous pas annoncé hier que la situation à tous égards particulière de l’université des Antilles et de la Guyane – éclatée sur trois départements distants de milliers de kilomètres et placée sous la responsabilité de trois recteurs – rendrait nécessaire le recours à une ordonnance afin d’adapter la loi – y compris son titre III – à ses spécificités ? Cette ordonnance, ajoutiez-vous, sera prise après concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, notamment les collectivités locales. Il n’en reste pas moins que ce projet, dans son état actuel, ne prend pas en compte les aspirations de notre jeunesse. J’ai même le sentiment qu’il pérennise l’exclusion, et je ressens, malgré moi, une certaine discrimination, car ce sont 28 000 étudiants, inscrits dans les quatre universités d’outre-mer, qui, par négligence ou par oubli, se retrouvent ainsi délaissés.
L’évolution vers une autonomie affirmée ne gêne en rien les Guadeloupéens, bien au contraire. L’université des Antilles et de la Guyane, dans son contrat quadriennal de développement 2006-2009, entend assumer pleinement son rôle d’université française dans la zone caraïbe américaine. Elle souhaite répondre, en outre, à la demande sociale croissante des trois pays qui la constituent. Elle veut enfin participer pleinement à l’espace européen de l’enseignement supérieur et de la recherche et, avec l’ouverture du grand marché caribéen, allier une démarche d’intégration à une volonté de coopération dans la grande zone caraïbe. Si nous ne rejetons donc nullement le principe de l’autonomie, nous déplorons toutefois les carences en ce qui concerne les modalités de sa mise en œuvre pour les quatre établissements ultramarins.
Le dispositif de l’article 6 n’est pas adapté aux réalités de l’université Antilles-Guyane. Alors que le système français d’enseignement supérieur et de recherche s’appuie sur une longue tradition historique, l’UAG, éclatée sur trois régions monodépartementales, est un établissement public encore très jeune, même s’il constitue un carrefour de communication et d’échanges entre la Caraïbe, l’Amérique intertropicale et l’Europe. Or ce vivier de matière grise n’a pas été consulté. Vous semblez avoir oublié que les universités d’outre-mer pourraient être également concernées. La France n’est pourtant pas seulement hexagonale : nos territoires ont beau revendiquer fortement leur identité, ils en font aussi partie. Qu’elles soient situées dans l’Atlantique, le Pacifique ou l’océan Indien, chacune de ces terres abrite des Français à part entière, comme en atteste d’ailleurs notre présence dans cet hémicycle.
Si ce projet est adopté en l’état, l’avenir de l’UAG est menacé, car la réduction du nombre des membres du conseil d’administration conduira inéluctablement à l’éclatement de l’établissement. En effet, le conseil d’administration comprend actuellement soixante membres – vingt membres par pôle – et c’est cette parité qui est l’une des clés du maintien de l’unité de l’établissement.
Depuis vingt-cinq ans, l’UAG assure dans cette région du monde la promotion de la culture et de la science françaises tout en défendant la culture caribéenne. C’est cette mission qui risque d’être compromise. Au Sénat, vous vous êtes aperçue des lacunes de ce projet par rapport à l’outre-mer. Je vous demande donc de prendre en compte les aspirations de nos territoires et je souhaite qu’à l’avenir nous n’ayons plus à passer par une loi d’habilitation pour prendre des mesures les concernant.
Nous sommes d’accord avec la nécessité de réduire la dimension du conseil d’administration : si nous voulons faire de celui-ci le stratège de l’université, nous devons en finir avec les effectifs pléthoriques. La première mouture du texte, qui fixait un nombre de vingt membres, ayant été rejetée, la version actuelle prévoit de vingt à trente membres. Pour notre part, afin de donner un peu plus de souplesse et d’assurer un meilleur équilibre entre les différentes composantes, nous souhaitons que ce nombre soit de vingt-cinq à trente-cinq.
Dans le même esprit, nous souhaitons en outre que la fourchette ne soit plus déterminée en valeur absolue, mais en pourcentages, comme dans la loi Savary. La représentation des enseignants-chercheurs n’en serait guère modifiée : ils représenteraient toujours de 40 à 45 % des effectifs. De même, les personnalités extérieures représenteraient entre 20 et 30 % du conseil d’administration, contre environ 25 % dans votre système. En revanche, la méthode améliorerait la représentation des étudiants et des personnels IATOSS. Ces derniers compteraient en effet pour 10 à 15 %, au lieu de 10 % dans votre système, et les premiers seraient de 20 à 25 %, au lieu de 15 %. Cela garantirait une plus grande égalité sur l’ensemble du territoire en évitant les écarts entre universités. Nous avons ainsi calculé, par exemple, que la représentation des étudiants pourrait varier, dans votre système, entre 10 et 22 % selon l’établissement.
S’agissant des personnalités extérieures, nous sommes d’accord pour qu’elles soient nommées par les membres élus du conseil d’administration, et nous proposons qu’elles le soient sur proposition du président. Nous sommes aussi d’accord pour que les représentants des collectivités locales figurent parmi ces personnalités extérieures. Mais, alors que le texte mentionne deux représentants des collectivités locales, dont un au moins du conseil régional, nous souhaitons que toutes les collectivités qui participent au financement des universités puissent avoir un membre de droit au conseil d’administration.
En revanche, nous ne sommes pas convaincus de la nécessité de faire figurer, parmi les personnalités extérieures, une personne ayant obtenu un diplôme dans l’université et exerçant une activité professionnelle hors de l’université depuis au moins deux ans.
Cette nomination de fait n’offre pas de garanties quant à la qualité de sa participation ou quant à son diplôme.
Enfin, ma dernière observation – point extrêmement important sur lequel mon collègue Daniel Goldberg reviendra plus précisément dans la défense de son amendement – portera sur le rapport annuel d’activité que le président de l’université présentera devant le conseil d’administration, devant le conseil scientifique et devant le CEVU. M. Goasguen a, tout à l’heure, soulevé le problème du budget. Nous souhaitons, pour notre part, préciser que cette présentation devra être l’occasion pour le président d’engager sa responsabilité.
Telles sont les quelques précisions que nous souhaitions apporter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis saisi d’un amendement n° 199.
La parole est à M. Régis Juanico, pour le soutenir.
Je rappelle que la rédaction initiale du projet du gouvernement prévoyait vingt membres. Après les consultations naturelles et efficaces que le Gouvernement a eues avec l’ensemble des représentations syndicales, il a été décidé de porter le nombre des membres du conseil d’administration de vingt à trente membres.
Soyons honnêtes : un conseil d’administration ne peut être une chambre d’enregistrement. Porter, comme vous le prévoyez dans cette version maximale, le nombre de membres à trente-cinq rendrait toute discussion quasiment impossible. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C’est ce qui risque de se produire lorsque le président présentera une motion quelconque. Dans un conseil municipal, puisque l’exemple vient d’être cité, lorsque le maire et ses adjoints proposent une délibération, l’opposition se prononce pour ou contre, mais les différents représentants n’en débattent pas. Or un conseil d’administration d’université est composé d’étudiants, de IATOSS, de professeurs, de maîtres de conférences et de personnalités extérieures représentant les collectivités locales et les entreprises, soit sept ou huit catégories différentes. À trente-cinq, il sera objectivement très difficile d’avoir un débat. Il nous semblerait plus judicieux de porter le maximum à trente membres, ce qui est déjà beaucoup, j’en conviens, pour débattre. Le Gouvernement a, de ce point de vue, souhaité, à juste titre, entendre la représentation syndicale.
Enfin, nous étions précédemment tous d’accord pour reconnaître que le Gouvernement avait accepté de porter ce nombre à trente dans la perspective de la fusion d’universités. Si nous voulons, demain, fusionner des universités, il faudra faire la place dans les futurs conseils d’administration aux différentes universités pour que personne ne se sente dépossédé du pouvoir.
J’entends bien l’argument concernant le nombre pléthorique de soixante membres. Les conseils d’administration seront élus pour quatre ans. La loi permet qu’ils soient composés de vingt à trente membres ; cela induit donc qu’ils peuvent être vingt.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Les amendements n°s 103 et 201 sont identiques.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement n° 87.
Les deux premiers amendements tendent à augmenter de fait le nombre des représentants des enseignants-chercheurs. Or nous considérons, en la matière, que l’équilibre trouvé dans le texte est satisfaisant. L’articulation est intéressante : les enseignants-chercheurs sont la catégorie la mieux représentée au sein du conseil d’administration. Il est donc naturel que le futur président soit choisi parmi eux. Viennent ensuite les personnalités qualifiées à qui nous souhaitons donner un rôle plus important que par le passé. On peut cependant toujours trouver un mode de calcul différent.
S’agissant des amendements présentés par M. Braouezec et M. Juanico relatifs aux pourcentages, ceux-ci posent un problème. Vous proposez de modifier l’articulation du texte. Nous avons souhaité que les conseils d’administration aient entre vingt et trente membres. Il leur reviendra ensuite de décider, dans les six mois, s’ils seront vingt-quatre, vingt-six ou vingt-huit, puis d’opter pour une prépondérance des enseignants-chercheurs, des étudiants ou des personnalités qualifiées. Laissons-leur cette liberté !
Enfin, fixer des pourcentages risquerait d’entraîner une difficulté technique : s’il s’agit d’une assemblée de cent personnes, ce sera relativement simple, mais le calcul se compliquera pour un conseil d’administration de vingt membres. En l’occurrence, les nombres entiers sont souhaitables.
Restons-en donc au schéma actuel, qui prévoit de vingt à trente membres.
Nous devons être conscients de ce que vous préparez. Il y aura des disparités dont les premières victimes seront les personnels techniques et IATOSS, dont on sait parfaitement qu’ils sont indispensables au bon fonctionnement de l’université. De plus, après avoir décidé de la limiter, vous avez augmenté la participation étudiante, suite aux multiples réactions.
Assumez donc clairement vos choix politiques, plutôt que de les dissimuler derrière des arguments techniques !
Ce n’est pas un mince symbole que de proposer aux étudiants d’être représentés à hauteur de 20 à 25 % dans les conseils d’administration. Notre ministre et notre rapporteur sont jeunes et furent encore plus jeunes et déjà brillants. Cela prouve que l’on peut donner des responsabilités aux étudiants, qu’ils sauront les assumer avec brio, sagesse, ambition, imagination et talent. Vous souhaitez que l’on parle de l’université nouvelle. En faisant ce geste en direction de notre jeunesse, vous prouverez que vous avez vraiment une nouvelle vision de l’université ! Lui refuser cette place dans les conseils d’administration vous interdira de tenir des discours sur la responsabilité, les devoirs et la nécessité de l’insertion professionnelle.
Il n’est pas trop tard : acceptez cet amendement, monsieur le rapporteur ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Laissons de la liberté, de l’autonomie, de la souplesse ! C’est la philosophie même de ce texte. Il ne s’agit pas du tout de dire que les étudiants ne sont pas capables de participer au conseil d’administration, bien au contraire, puisque nous les avons entendus pour le passage de vingt à trente membres, pour la vice-présidence du CEVU, et pour le nombre de représentants des étudiants, de trois à cinq. Cinq étudiants dans un conseil d’administration de vingt-cinq, cela fait 20 %.
(L’amendement n’est pas adopté.)
(L’amendement n’est pas adopté.)
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
Les amendements n°s 104 et 237 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 28.
(L’amendement est adopté.)
Je vous donne néanmoins la parole, monsieur Huyghe.
Il aurait donc été opportun de ne pas dépasser quatre membres extérieurs, tout en les considérant comme membres à part entière lors de l’élection du président.
Les amendements n°s 105 et 238 sont identiques, de même que les amendements n°s 14 et 129.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 105.
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour défendre l’amendement n° 129.
Je suis saisi de trois amendements, nos 29, 106 et 239, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements n°s 106 et 239 sont identiques.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 29.
J’en viens au fond.
Avec deux ou trois représentants, les personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service peuvent représenter 6,7 % du conseil d’administration. Effectivement, s’ils sont deux dans un conseil de vingt, cela fera 10 %. Vous donnez donc une toute petite part à des personnels qui jouent un rôle majeur dans l’université. Les oubliés de ce texte, ce sont eux !
Il aurait été important, monsieur le rapporteur, que l’on discute de cette question en commission, mais vous n’avez répondu que : « Défavorable. » J’ai tenu à évoquer ce point avant que l’on ne passe au vote sur votre amendement rédactionnel, parce que, s’il est adopté, il fera tomber les autres. On saura ainsi qui est responsable de la sous-représentation d’une grande partie des personnels de l’université dans les conseils d’administration ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Quelqu’un m’a traité de prestidigitateur mais, là, c’est vraiment de la manipulation ! Si l’on prévoit des chiffres et non des pourcentages, les premières victimes de la sous-représentation dans les conseils d’administration, ce sont les personnels techniques et les ingénieurs, et les propositions que nous formulons sont donc tout à fait justifiées. Un pourcentage de 10 à 15 %, ce n’est pas du tout la même chose que 6,5 ou 7 %.
Prévoir deux ou trois représentants, cela paraît banal mais, derrière cela, j’y reviens, il y a la volonté d’externaliser à terme un certain nombre de services à l’université et d’éliminer petit à petit ceux que vous allez d’abord précariser.
Les moyens que le Président de la République entend consacrer à l’université, les 5 milliards d’euros sur cinq ans qui seront donnés pour la rénovation de l’université,…
Prévoir deux ou trois représentants, c’est assurer l’autonomie. Aux universités de choisir dans leurs statuts la place qu’elles veulent donner aux différentes catégories de personnels. Si elles choisissent un conseil resserré à vingt et un membres, ce que j’appelle de mes vœux dans toutes les universités qui pourront le faire, il peut très bien comprendre trois représentants des personnels IATOSS, ce qui fera 15 % comme vous le souhaitez.
(L’amendement est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 298.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L’amendement est adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le défendre.
(L’amendement n’est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 31.
Mais la présence d’un ancien étudiant dans le conseil d’administration ne nous semble pas susceptible d’assurer un tel suivi. Voilà pourquoi nous proposons d’écarter cette disposition.
Du moins est-elle préférable à la présence obligatoire au sein du conseil d’administration d’un diplômé de l’université qui exerce une activité professionnelle depuis au moins deux ans, solution presque trop restrictive. Il suffirait donc d’avoir été étudiant et d’avoir trouvé un emploi pour être présent au conseil d’administration en tant que « personnalité extérieure ». Cette personnalité n’aurait rien de représentatif, puisqu’elle ne serait même pas la déléguée d’un collectif d’anciens étudiants, qui pourrait prétendre à une forme de représentativité, même si je n’y suis pas personnellement favorable : on pourrait cependant lui reconnaître la légitimité de celui qui se préoccupe du devenir des étudiants.
En autorisant le président à sortir n’importe qui de son chapeau pourvu qu’il s’agisse d’un « ancien de la fac », cette disposition me semble, au pire ouvrir la porte au copinage, au mieux être inutile. Voilà pourquoi nous proposons la suppression de cet alinéa.
Le Gouvernement souhaite en effet que des associations d’anciens étudiants se constituent au sein des universités et désignent un de leurs représentants au conseil d’administration. Si nous souhaitons la constitution de telles associations, c’est parce que ce sont de tels réseaux qui font la force des grandes écoles comme des universités étrangères. Voilà pourquoi nous voulons que ces associations d’anciens élèves voient le jour. Elles permettront aux universités de tenir à jour un annuaire de leurs anciens élèves, de suivre leur parcours professionnel et de faire connaître à leurs étudiants les débouchés qui leur sont ouverts – c’est un des articles du projet de loi.
Nous sommes bien conscients que cette solidarité intergénérationnelle entre les étudiants sortis de l’université et les étudiants qui y sont aujourd’hui est à créer. Le texte se veut un signal fort dans cette direction. Nous voulons aussi, dans le cadre des fondations universitaires, dont nous reparlerons, ouvrir aux anciens élèves la possibilité de faire des dons à leur ancienne université et d’investir dans ses formations, dans une logique de mécénat.
Tout cela est important. J’ajoute qu’à mon sens il ne serait sans doute pas inutile que le conseil d’administration compte en son sein un ancien étudiant qui aurait eu à surmonter des difficultés d’insertion professionnelle et pourrait partager son expérience avec le conseil d’administration.
Sagesse, donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
(Ces amendements sont adoptés.)
Le Gouvernement ne peut qu’y être favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 245.
La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le soutenir.
On peut discuter de la pertinence du nombre retenu. Dans le texte initial, le Gouvernement ne faisait référence qu’aux régions. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il parlait de deux représentants des collectivités locales, dont un « représentant du conseil régional désigné par ce conseil ». Le Sénat a souhaité qu’ils soient « au moins » deux, conformément à son rôle de défenseur de la représentation des collectivités locales. (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ayons conscience que, si le texte prévoit « au moins » deux représentants des collectivités territoriales, sur sept ou huit personnalités qualifiées, on pourra en avoir trois ou quatre, par exemple s’il y a des antennes délocalisées.
Pour toutes ces raisons, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée quant à la suppression des mots « au moins », laquelle figerait à deux le nombre de ces représentants, sachant que la discussion en commission mixte paritaire sera très âpre si vous adoptez cet amendement.
De toute façon, cela dépendra du bon vouloir des conseils d’administration des universités, en vertu de l’autonomie que nous sommes en train de voter. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
(Après une première épreuve à main levée déclarée douteuse, M. le président invite l’Assemblée à se prononcer une nouvelle fois. – La deuxième épreuve a lieu.)
Je suis saisi d'un amendement n° 203.
La parole est à M. Alain Claeys, pour le soutenir.
Nous avons d’abord supprimé la disposition qui prévoyait « au moins » deux représentants des collectivités territoriales. Cela signifie – je m’adresse là tout spécialement à une de nos collègues nouvellement élue qui est ici présente – que la communauté urbaine du Grand Nancy pourra ne plus être représentée aux conseils d’administration des universités de Nancy alors qu’elle contribue à leur financement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L’une des deux collectivités représentées au conseil d’administration – car du fait de la suppression de la mention « au moins deux », il n’y en aura que deux – sera nécessairement la région qui, dans les contrats de projets, finance la recherche pour 50 %, à part égale avec l’État. La région Lorraine, dont je suis premier vice-président, finance ainsi chaque année 80 millions d’euros pour l’économie et 40 millions d’euros pour les universités. Du fait des rapports privilégiés que les régions entretiennent avec les universités, elles seront obligatoirement membres du conseil d’administration, à la demande des universités.
Pour la deuxième place, la bataille sera entre les départements et les communautés urbaines ou les communautés d’agglomération. La mention « au moins » a été supprimée parce que nous n’avons pas eu de discussion en commission, et que le rapporteur s’est contenté d’émettre un avis défavorable et n’a rien dit de plus sur la question. Il n’a pas défendu la position de la commission sur cet amendement, qui a néanmoins été voté. L’amendement n° 203 propose que soient membres de droit des conseils d’administration « les collectivités locales participant au financement de l’université ». L’exemple que cite le rapporteur, dans lequel dix villes participeraient au financement d’une université, n’existe pas.
En laissant supprimer les mots « au moins », nous n’aurons pas fait aujourd’hui notre travail de parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le Gouvernement a manifestement choisi, avec la complicité du rapporteur, d’escamoter le débat sur les universités. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Vous avez beau répéter à longueur de journaux et d’écrans de télévision qu’il s’agit là du grand texte de votre législature, ce n’est pas vrai. Les dés sont pipés.
En effet, lorsque vous nous dites, monsieur le rapporteur, que des petites communes pourraient réclamer d’être membres du conseil d’administration, nous prenez-vous pour des gogos, des imbéciles et des naïfs ? À moins que vous n’ignoriez le fonctionnement des universités et la participation des établissements publics que sont les communautés urbaines des régions ou des départements.
En supprimant cet « au moins », vous mettez en concurrence des collectivités et des établissements publics, vous exacerbez des luttes de territoire dont nous n’avons pas besoin et vous contribuez à affaiblir un peu plus les universités et la démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il y a un IUT à Charleville-Mézières. Si donc la commune de Charleville-Mézières finance la construction d’une partie de l’IUT, participant ainsi au financement de l’université, elle pourrait, au cas où votre amendement serait adopté, siéger au conseil d’administration.
La parole est à Mme la ministre.
La loi mettra en place des fondations partenariales (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), où tous les cofinanceurs de l’université, notamment les collectivités locales qui voudront s’associer à l’université pour un projet, pourront siéger et vérifier le bon usage de leurs deniers. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à Mme Françoise Guégot.
De nombreux cas montrent que diverses collectivités peuvent participer au financement des universités. Dans le cadre de la liberté des universités, les règles de composition du conseil d’administration permettent d’y intégrer les représentants de plus de deux collectivités sans qu’il soit nécessaire d’en fixer le nombre dans le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)
Suspension et reprise de la séance
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)
La parole est à M. Alain Claeys.
Nous souhaitons également, madame la ministre, quelques éclaircissements sur les fondations que vous évoquez, car votre présentation n’est pas acceptable. En outre, une collectivité locale, qu’il s’agisse d’une communauté d’agglomération, d’un département ou d’une région, ne finance jamais, ou très peu, l’université par l’intermédiaire des SEM, mais le fait plutôt sur son budget propre. De telles fondations ne sont donc pas une solution.
Peut-être pourrez-vous, monsieur le rapporteur, compte tenu de la rapidité avec laquelle a été accompli le travail en commission et des interrogations que nous rencontrons en séance, nous proposer une méthode de réflexion adaptée à ce sujet que nous jugeons important.
Sur une question de cette importance, nous devrons certainement avoir une discussion avec les sénateurs dans le cadre de la CMP, pour examiner avec eux la meilleure formule.
À titre personnel, je pense qu’il ne faut pas multiplier les représentations au sein du conseil d’administration. Prenons les chiffres : désormais le conseil d’administration sera composé de sept à huit personnalités qualifiées ; si nous passons de deux représentants des collectivités territoriales à trois ou à quatre, cela représentera plus de 50 % de ces personnalités.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le soutenir.
Je retire donc mon amendement.
Je suis saisi d’un amendement n° 33 rectifié.
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d’un amendement n° 34.
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement est d’ordre rédactionnel, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le soutenir.
(L'amendement n'est pas adopté.)
La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.
(L'amendement est adopté.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le soutenir.
C’est pourquoi nous proposons, par l’amendement n° 202, qu’en cas de vote négatif le président engage sa responsabilité devant le conseil à nouveau convoqué dans les dix jours suivants, lequel peut décider à la majorité des deux tiers de ses membres de mettre fin au mandat du président. C’est normal puisque l’on souhaite l’autonomie des établissements universitaires, et que la responsabilité du président qui en découle doit avant tout relever du conseil d’administration.
Même si elle est imparfaite, la rédaction de notre collègue Daniel Goldberg est bonne. Car son amendement prévoit que, si jamais le rapport annuel a fait l’objet d’un vote négatif, on ne procède à une nouvelle élection qu’à condition que le conseil d’administration, reconvoqué, vote la défiance une seconde fois, et à la majorité des deux tiers. Cela veut donc dire que ce n’est pas seulement une coalition syndicale, mais aussi des membres nommés, donc une grande majorité du conseil d’administration, qui s’aperçoit qu’il y a problème.
Nous devrions dans un premier temps accepter cet amendement, pour éventuellement l’améliorer puisque vous avez dit, madame la ministre, qu’il y a une autre rédaction – qu’on n’a pas vue, d’ailleurs. C’est tout de même du mauvais travail : on n’a pas eu connaissance de l’autre rédaction de M. Jego.
Et je ne vois pas, madame la ministre, je vous le dis tout simplement, ce que vient faire l’État dans cette procédure.
Il va de soi que des conflits peuvent surgir entre un président et son conseil d’administration. Reste que la position du groupe socialiste me paraît quelque peu paradoxale, puisqu’il nous reproche une logique managériale, une insuffisante présence de l’État, et qu’il m’invite, s’agissant d’un service public, à m’engager en tant que garant de l’enseignement supérieur et de son bon fonctionnement.
Je rappelle que, malgré le principe d’autonomie constitutionnelle des collectivités locales, lorsqu’un conseil municipal constate une impossibilité majeure de fonctionner,…
Le conseil d’administration d’une université peut manifester son désaccord avec les orientations de son président en lui adressant un avertissement...
Ensuite, dans le cas d’un conflit inextricable, d’une situation si trouble que personne ne sait qui est responsable de quoi, le chancelier des universités, qui est recteur, intervient en dernier recours – si un cas abominable se présente – pour assurer la présence de l’État. L’amendement n° 266, que nous examinerons plus tard, prévoit ainsi que le ministre, en cas de difficulté grave dans le fonctionnement des organes statutaires, peut provoquer l’élection d’un nouveau président ou bien convoquer de nouvelles élections au conseil d’administration.
(L'amendement n'est pas adopté.)
(L'article 6, ainsi modifié, est adopté.)
Nombre de votants : 280
Nombre de suffrages exprimés : 280
Majorité absolue : 141
Ont obtenu :
Mme Marie-Anne Montchamp et M. Pierre Morel-A-L’Huissier : 280 voix ;
M. Jean-Luc Warsmann et M. Jean-Paul Garraud : 280 voix ;
M. Philippe Houillon et Mme Arlette Grosskost : 279 voix ;
M. Francis Hillmeyer et M. Thierry Lazaro : 277 voix ;
M. André Vallini et M. Jean-Yves Le Bouillonnec : 275 voix ;
M. Tony Dreyfus et M. Noël Mamère : 272 voix.
Ces candidats ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés, je les proclame juges de la Cour de justice de la République. La Conférence des présidents fixera la date de leur prestation de serment.
Suite de la discussion du projet de loi, n° 71, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, relatif aux libertés et responsabilités des universités :
Rapport, n° 80, de M. Benoist Apparu, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral
de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre CARTON