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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session extraordinaire de 2007-2008

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 3 juillet 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Marie Le Guen

1. Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail

Discussion des articles (suite)

Article 16 (suite)

Amendements nos 174, 336, à, 350, 351, à, 365, 366

Rappel au règlement

M. Alain Vidalies

Reprise de la discussion

M. Alain Vidalies

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

M. Alain Vidalies

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité

Amendements nos 115, 258, 221, 222, 260, 116, 381, 259, 396, 175, 411, 426, 441, 117, 79 rectifié, 210, 456

2. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Jean-Marie Le Guen,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Rénovation de la démocratie sociale
et réforme du temps de travail

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence,
d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 969 rectifié, 992, 999).

Discussion des articles (suite)

Ce matin l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 174 à l’article 16.

Article 16 (suite)

M. le président. Sur l’article 16, je suis saisi d’un amendement n° 174 et de quinze amendements identiques du groupe src, nos 336 à 350, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 174.

Mme Martine Billard. Monsieur le président, sans vouloir mettre en cause M. Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, présent au banc du Gouvernement, je tiens à rappeler que nous examinons un texte très technique et que j’aurai donc des questions tout aussi techniques à poser à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, qui, pour l’instant, n’a pas encore rejoint l’hémicycle. C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, une suspension de séance, afin de laisser à M. Xavier Bertrand le temps d’arriver.

M. le président. M. Xavier Bertrand arrive, madame Billard.

Mme Martine Billard. Dans ces conditions, monsieur le président, je retire ma demande de suspension de séance.

Monsieur le ministre du travail, je souhaite vous poser deux questions, une première à laquelle il n’a pas encore été répondu et une seconde qui concerne mon amendement n° 174.

Première question : l’alinéa 4 de l’article 16 prévoit qu’« à défaut d’accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel » d’heures supplémentaires « et la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel ». Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer quelle sera la teneur du décret en ce qui concerne à la fois le nombre des heures supplémentaires que comptera le contingent annuel et la contrepartie obligatoire en repos ?

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Pas de changement à 220 heures !

Mme Martine Billard. J’en viens à ma seconde question. L’amendement n° 174 vise à conserver à l’accord de branche sa priorité sur l’accord d’entreprise. Je sais que vous me répondrez que vous assumez le choix d’inverser la hiérarchie des normes. Toutefois, monsieur le ministre – et je pose également la question à M. le rapporteur –, quelles conséquences aura la disparition, à la faveur de cette inversion, des accords de branche étendus, disparition qui permettra à une entreprise qui ne serait pas affiliée à une fédération professionnelle patronale de n’être plus tenue de respecter l’accord de branche si elle ne l’a pas signé ? Je pense notamment aux conséquences que cette disparition aura pour les entreprises étrangères intervenant en France, qui, n’étant évidemment pas signataires des accords de branche français, se verront simplement tenues de respecter les obligations du code du travail, à savoir 48 heures de travail hebdomadaires si leur intervention ne dépasse pas six semaines. Est-ce là la signification de la nouvelle rédaction des articles concernés du code du travail à laquelle procède l’article 16 du projet de loi ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Les amendements identiques nos 336 à 350 vont dans le même sens que l’amendement n° 174 puisqu’ils ont, eux aussi, pour objectif non seulement de revenir au principe des accords de branche, qui sont à nos yeux des accords essentiels, mais surtout de sécuriser les salariés par l’introduction, à l’alinéa 2 de l’article 16, de la référence à l’« accord de branche étendu ».

Nous avons en effet la volonté de lutter autant que faire se peut contre les risques de compétition que le projet de loi ouvre entre des entreprises d’une même branche professionnelle, notamment en période de forte tension économique où, chacun le sait, la durée hebdomadaire de travail constitue un élément de concurrence. Nos amendements ont donc pour objet d’éviter une telle situation, qui serait préjudiciable à l’ensemble des salariés.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Francis Vercamer. Une nouvelle contribution !

M. Jean Mallot. Je crois en effet, monsieur Vercamer, qu’il est important que nous puissions exposer de façon précise les différents arguments qui nous conduisent à présenter des amendements majeurs à un texte d’une telle importance, avant que le vote ne nous invite à en faire la synthèse.

Vous apprécierez également que je vous révèle la cohérence de notre démarche sur l’article 16, cohérence que vous n’avez, semble-t-il, pas encore perçue.

Après avoir soutenu un amendement de suppression que vous avez rejeté en vous ralliant à votre famille d’origine, la droite – vous nous avez expliqué que, tout en étant centriste, c’est à cette famille-là que vous apparteniez –, nous avons souhaité introduire dans l’article 16 le contenu de la position commune signée par les partenaires sociaux. Après un nouveau rejet, nous avons voulu, en repli, rétablir les dispositions actuelles du code du travail tout en les complétant – ce qui a également été rejeté. Et maintenant, tel est l’objet de ces amendements identiques, qui, nous l’espérons, vous convaincront, nous essayons de rétablir la hiérarchie des normes.

Cette logique une fois rappelée – il était manifestement nécessaire de le faire –, je tiens à souligner, dans la foulée des propos de Christophe Sirugue, que cette démarche, qui a pour objet de placer les accords de branche au-dessus des accords d’entreprise – je dis bien au-dessus –, vise à limiter, voire à contrecarrer le dumping social qui broie les salariés des entreprises en les mettant en concurrence les uns avec les autres, y compris en matière de conditions de travail et de rémunération, et donc à protéger, à travers la préservation des conditions de travail, la santé et la sécurité des salariés.

Notre rapporteur, M. Poisson, devrait être logiquement sur cette ligne puisqu’il a commis, nous l’avons rappelé ce matin à plusieurs reprises, en tant que rapporteur de la mission d’information sur la pénibilité au travail, un rapport intitulé « Prévenir et compenser la pénibilité au travail ». Si vous lisez ce rapport, vous verrez que M. Poisson est plus sensible à la prévention qu’à la compensation.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles familiales et sociales. Ce n’est pas vrai !

M. Jean Mallot. Je serais donc très surpris qu’il ne fût pas sensible à notre argumentation, même si, lorsque nous cherchons à situer sa démarche sur la pénibilité, nous retrouvons des éléments idéologiques, évoqués ce matin, notamment la tentation, qui n’apparaît pas qu’en filigrane dans le rapport mais y est bien souvent explicite, de faire porter aux salariés la responsabilité de la pénibilité de leur travail, avec des formules du genre : « Cependant, le rapporteur souligne qu’un programme efficace de santé au travail ne parviendra pas à éliminer complètement la pénibilité au travail. Il arrive encore souvent que les travailleurs soient eux-mêmes la cause de la pénibilité qu’ils subissent, ne serait-ce qu’en ne respectant pas les consignes ou la réglementation, en gérant leur travail de manière à maximiser leur temps libre sans veiller à préserver les rythmes biologiques naturels ou en ne mettant pas à profit les périodes de récupération ou de congé pour se reposer. » Chacun voit que la démarche du rapporteur sur le projet de loi se retrouve dans ce rapport sur la pénibilité du travail et qu’il est nécessaire, pour y mettre bon ordre, d’adopter, notamment, nos amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ces amendements ont pour objet d’affirmer la priorité de l’accord de branche sur l’accord d’entreprise et, en ce qui concerne la définition du contingent annuel des heures supplémentaires, de revenir à une organisation qui ne risque pas de devenir un élément de concurrence entre les entreprises.

Le cœur du débat qui nous oppose en matière de contingent annuel d’heures supplémentaires – et nous opposera de la même façon en ce qui concerne le repos compensateur ou les conditions de modulation du temps de travail – qui sont ouvertes à la négociation par le projet de loi – est de savoir s’il s’agit de règles applicables de la même manière dans les entreprises ayant la même activité. Nous pensons en effet que si la règle sociale est élaborée uniquement au niveau des entreprises, elle deviendra un élément de concurrence entre elles – c’est bien là la difficulté. Vous nous taxez souvent d’irréalisme : mais la réalité, c’est que demain, si un accord d’entreprise est accepté sous la pression des difficultés économiques, les autres entreprises de la même branche se trouveront presque dans la nécessité de proposer à leurs salariés de s’y adapter, puisque cet accord sera devenu un élément de concurrence entre elles.

Aussi, dans le système que vous proposez, l’alignement va forcément se faire par le bas. Les petites entreprises, notamment, n’affirment rien d’autre. Vous ne pourrez pas continuer pendant tout le débat à soutenir que c’est vous qui avez raison tandis que les représentants des petites entreprises auraient tort. Ce n’est tout de même pas le moindre des paradoxes !

Alors que vous prétendez, ici, être les représentants des entreprises, c’est nous qui recevons des courriels très nombreux,…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Tout le monde reçoit de très nombreux courriels, monsieur Vidalies !

M. Alain Vidalies. …provenant des représentants de l’UPA, mais aussi des représentants des professions libérales et qui nous enjoignent de ne surtout pas prêter la main à la déréglementation que vous proposez,…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Les professions libérales seraient-elles donc contre la déréglementation ?

M. Alain Vidalies. …et de laisser la branche élaborer elle-même les règles !

Vous ne répondez rien à ce vrai débat, sinon pour affirmer, j’insiste, que vous avez raison et que vous seuls connaissez la réalité des entreprises.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je voudrais bien voir ces fameux courriels !

M. Régis Juanico. Ils sont tellement nombreux qu’ils vous encombreraient !

M. Alain Vidalies. Nous allons vous les montrer, monsieur le ministre !

Par ailleurs, vous ne pouvez pas ignorer quelle a été la position officielle de l’UPA sur le sujet ni sur la référence à l’accord de branche.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. L’UPA n’est pas signataire de la position commune !

M. Alain Vidalies. Au-delà de vos pratiques habituelles consistant à nous reprocher notre absence de propositions, admettons que nous traitons là d’une vraie question dont nous entendons débattre en défendant ces amendements identiques. En effet, nous n’ignorons pas ce qu’est une économie de marché,…

M. Régis Juanico. Le mot est lâché ! (Sourires.)

M. Alain Vidalies. …mais nous n’ignorons pas non plus que le choix que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne va pas de soi et que même dans certains pays voisins et concurrents subsiste la référence à l’accord de branche sans que cela gêne le fonctionnement de l’économie. Il se trouve même des pays où la norme juridique n’émane pas de la loi mais du seul accord de branche. Or vous faites comme si nous devions nous mettre à niveau par rapport à une règle générale ; sauf que, notamment dans certains pays de l’Europe du Nord, c’est, j’insiste, l’accord de branche qui constitue la règle générale. Je précise qu’en Allemagne cet accord revêt une grande importance.

Vous n’avez donc, hormis vos convictions idéologiques, aucune raison objective de soutenir qu’il faut démonter le système en vigueur pour organiser la jungle en matière de relations sociales. Il s’agit d’une erreur fondamentale qui ne serait pas grave en soi mais qui le sera par les conséquences qu’elle va entraîner à la fois pour le contrat social français, pour la vie des salariés et même, semble-t-il, pour le climat de travail au sein des entreprises. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je remarque, monsieur le ministre, que si vous nous avez répondu sur un certain nombre d’éléments ce matin, je vous ai fortement interpellé sur la situation des 4 millions de salariés des TPE.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Nous en avons parlé mardi en détail !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Je ne suis pas sûre que nous en ayons parlé en détail si j’en juge par ce que j’ai lu et relu dans le compte rendu des débats. Je demeure très inquiète sur le fait que dans les TPE et même dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’accord d’entreprise sera toujours plus défavorable aux salariés qu’un accord de branche.

Je suis également très surprise de ce que les députés de la majorité ne soient pas interpellés comme nous le sommes ! Une dépêche de l’AFP indique qu’une centaine de sections CFDT, syndicat qui négocie avec vous et depuis longtemps – on peut remonter aux lois Fillon de 2003, à l’ANI et à d’autres négociations –, ont écrit à leurs députés. Aussi avez-vous dû tous, comme nous, recevoir les lettres qui illustrent concrètement, à partir des réalités du monde de l’entreprise, les conséquences désastreuses qu’aurait l’application de la réforme des 35 heures que vous voulez mettre en œuvre.

Ces lettres émanent tout de même d’entreprises comme Eurocopter, Securitas, Adecco-Manpower, Groupama, qui nous demandent d’amender le deuxième volet du projet dont je rappelle qu’il est intitulé « Rénovation de la démocratie sociale », volet qui offre la possibilité de renégocier largement en entreprise les modalités de dépassement des 35 heures. Ces courriers s’inquiètent des conséquences de la loi, nous le répétons, en matière de conditions de travail, de conciliation entre vie professionnelle et vie privée et soulignent l’importance de la branche comme régulateur pour les salariés des PME et le risque du développement du gré à gré entre l’employeur et le salarié.

Quel sera demain l’intérêt pour l’employeur de négocier l’aménagement du temps de travail alors qu’il peut décider seul ou défaire par un accord avec chaque salarié ce qui a été mis en place par un accord collectif ? Vraiment, revenir sur cet accord d’entreprise pose de réels problèmes pour les salariés des petites et moyennes entreprises et pour ceux des très petites entreprises. Ce n’est pas acceptable et il convient donc d’amender ce texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Sur ces amendements identiques, je fais mienne l’argumentation de mes collègues.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. La commission a repoussé l’amendement de Mme Billard et de ses collègues ainsi que ceux, identiques, de M. Vidalies et de ses collègues.

Avec la souplesse du chat, M. Mallot me demandait si j’étais sur la même ligne que lui ; sans doute allait-il ainsi à la pêche aux informations ; sauf qu’il s’agit d’un hameçon, mon cher collègue, auquel je ne mordrai pas. (Sourires.) Non, je ne suis pas sur la même ligne que vous, vous le savez bien, et je ne veux pas laisser dire, permettez cette digression, monsieur le président, que le rapport que j’ai signé rend les salariés majoritairement ou uniquement responsables de la pénibilité qu’ils subissent.

Je fais le même constat que les organisations de salariés avec lesquelles nous avons discuté et qui regrettent, comme nous tous – et ceux qui ont passé un moment de leur vie dans l’industrie, comme c’est mon cas, le savent bien –, les circonstances dans lesquelles les salariés sont amenés à privilégier leur revenu et donc leur salaire, en travaillant au-delà de ce que leur santé devrait leur permettre.

M. Régis Juanico. Encore faut-il qu’ils aient le choix !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Certes ! Encore faut-il se montrer plus fidèle à l’esprit du rapport, d’autant plus que vous avez assisté à de nombreuses auditions ! Ne faites donc pas comme si vous ne saviez pas.

Ensuite, à propos du dumping social, nous avons un vrai point de désaccord. Tout le monde en convient : autant il est vrai que la concurrence peut faire des ravages, et sur le plan social c’est une évidence,…

M. Régis Juanico. Eh, oui !

M. Christian Eckert. Très juste !

M. Jean Mallot. Que ce soit noté au compte rendu !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. …mais, là encore, je me tourne vers ceux de mes collègues qui ont assisté aux auditions sur la pénibilité, pour les inviter à se souvenir de ce qui nous a été dit à propos du secteur du bâtiment et travaux publics. Les entrepreneurs et les salariés des différentes branches de ce secteur – je crois que vous étiez là, madame Billard – nous ont indiqué que le manque terrible d’attractivité de ce dernier fait que le recrutement ne s’y opère qu’avec difficulté.

Mme Martine Billard. Eh, oui ! Les salaires y sont faibles !

M. Jean-Paul Charié. Ce n’est pas seulement pour cette raison !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ce n’est pas la seule raison, madame Billard. Il convient d’évoquer aussi les conditions de travail, la santé au travail. Reportez-vous donc aux comptes rendus des auditions qui figurent dans le rapport.

Cependant, la concurrence peut aussi avoir des effets bénéfiques.

M. Jean-Paul Charié. Merci de le reconnaître en ma présence ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je ne souhaite pas que l’on soit monolithique dans ce débat ! La réalité est plus complexe, plus subtile que la présentation que vous en avez faite. Que les députés de l’opposition cessent donc de donner dans la caricature.

Je recevrai avec plaisir, moi aussi, monsieur Vidalies – le nom de leurs expéditeurs ayant été bien sûr rayé –, les courriels dont vous êtes destinataires. Quant à moi, ma boîte aux lettres reste vide.

M. Roland Muzeau. C’est qu’on ne fonde aucun espoir en vous !

M. Régis Juanico. C’est normal, cela ne servirait à rien de vous écrire !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Enfin, pour ce qui concerne l’accord des TPE, madame Hoffmann-Rispal, j’ai demandé tout à l’heure à Régis Juanico pourquoi vous n’aviez pas voté hier soir l’amendement sur l’organisation du dialogue social dans les entreprises de moins de 11 salariés. (« Eh, oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. C’est trop tard !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non, il n’est pas trop tard. Une année est un délai raisonnable ou alors il fallait dire hier soir.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et le financement !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je ne parle pas du financement.

Je regrette que vous n’ayez pas voté cet amendement hier soir.

En somme, ces amendements de l’opposition vont à l’opposé, de manière orthogonale, de ce qui est prévu dans le projet ; c’est la raison pour laquelle la commission les a repoussés.

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement souscrit entièrement à l’argumentation de la commission à propos des amendements soutenus par les uns et les autres – à l’exception de M. Eckert, je le regrette.

M. Christian Eckert. J’y reviendrai !

M. Régis Juanico. N’estimez-vous pas avoir déjà suffisamment entendu M. Eckert, monsieur le ministre ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je pensais simplement qu’il argumenterait.

Je vous rappelle, madame Billard, que le projet de décret sur lequel nous travaillons et que nous présenterons à la CNNC en septembre, prévoit, à défaut, le maintien du contingent annuel d’heures supplémentaires à 220 heures.

Mme Martine Billard. Sans repos compensateur ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’y viens, un peu de patience !

M. Roland Muzeau. Vous alliez oublier d’en parler !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Oh, que non ! Je compte sur vous, monsieur Muzeau ! Quand vous dites qu’une entreprise n’adhérant pas à un syndicat patronal signataire ne serait pas tenue d’appliquer un accord – c’est bien cela ? –, que faites-vous ? Vous rappelez le droit commun en vigueur, rien de plus. N’allez donc pas dire…

Mme Martine Billard. Je demande la parole !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je n’ai même pas fini ma phrase que déjà vous demandez la parole. Cela ne sert à rien que j’essaie de vous convaincre. Je peux donc m’asseoir ! (M. le ministre fait mine de s’asseoir. – Protestations et rires.)

Il faut savoir ! Laissez-moi tenter ma chance avec vous, madame Billard ! (Sourires et mouvements divers.)

M. Franck Gilard. Je ne veux pas voir cela !

M. Roland Muzeau. Donnez un Lexomil à M. le ministre !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Vous ne faites donc, madame Billard, que rappeler le droit commun en vigueur. Dans ces conditions, rien ne nous empêche d’étendre un accord pour éviter un vide juridique.

M. Benoist Apparu. Exactement !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Par ailleurs, nous sommes en train de travailler sur la question des repos compensateurs et, de la même manière, un projet de décret sera transmis à la CNNC. Je ne vous cache pas que ce travail se fondera sur les articles de loi en vigueur, à savoir les articles L. 3121-26 et suivants du code du travail. Il ne s’agit donc pas pour nous de faire n’importe quoi, n’importe comment.

M. le président. J’annonce que sur le vote des amendements identiques nos 336 à 350, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte du Palais.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis assez étonné de constater la constance avec laquelle le groupe socialiste s’oppose à ce que les entreprises puissent répondre à la demande, aux commandes et à l’activité économique et ainsi se développer et créer de l’emploi.

Je comprendrais – c’est ce que propose le groupe Nouveau Centre, tout en sachant bien que ce n’est pas l’avis du Gouvernement ni du groupe UMP – que l’on puisse libérer les heures supplémentaires mais, en revanche, les compensations doivent être encadrées afin que deux entreprises qui ont recours aux heures supplémentaires de la même manière versent les mêmes compensations à leurs salariés respectifs.

M. Roland Muzeau. Ce ne sera pas le cas !

M. Francis Vercamer. Pourquoi empêcher une entreprise d’avoir recours aux heures supplémentaires ? Honnêtement, je ne comprends pas bien l’obstination de l’opposition.

Reste que par votre volonté d’encadrement, monsieur Mallot, votre contribution paraît plus cohérente.

M. Jean Mallot. Vous croyez ?

M. Francis Vercamer. Certes ! Et cela change par rapport à tout à l’heure où vous nous expliquiez qu’il fallait coller à la position commune, avant de vouloir supprimer l’article sans le remplacer.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas exact !

M. Francis Vercamer. Votre groupe retrouve donc une certaine cohérence. Néanmoins, j’insiste, je ne comprends pas ce dogmatisme qui vous conduit à vouloir empêcher l’entreprise de recourir aux heures supplémentaires. Aussi le groupe Nouveau Centre ne votera-t-il pas les amendements qui ont été proposés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Roland Muzeau. Vous avez eu chaud, n’est-ce pas, monsieur le ministre ?

M. Francis Vercamer. En revanche, nous présenterons nous-mêmes des amendements visant à permettre aux salariés d’entreprises ayant recours aux heures supplémentaires d’être assurés d’une égalité de traitement.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, je prends acte du maintien du contingent annuel d’heures supplémentaire à 220 heures.

En ce qui concerne les repos compensateurs, je prends également acte de ce que la réponse est nettement moins précise.

Sur les accords de branche étendus, ce que je mets en cause, c’est la rédaction de l’article L. 3121-11 que vous proposez : « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ». On se serait attendu à ce que la phrase se poursuive par : « ou un accord de branche étendu ». Or, cette mention est absente. Il s’agit donc bien d’une régression par rapport au droit actuel.

Ou alors, monsieur le ministre, ce n’est qu’un oubli, et dans ce cas, il suffit que le Gouvernement, qui seul à le droit, à présent, de déposer de nouveaux amendements, dépose des amendements tendant à ajouter, dans les articles 16, 17 et 18, à chaque fois qu’il est question d’accord de branche, la mention « accord de branche étendu ». Dans ce cas, je pourrais vous croire lorsque vous dites que nous sommes à droit constant.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 174.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les quinze amendements identiques, nos 336 à 350.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Les amendements identiques nos 336 à 350 sont rejetés.

Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 351 à 365, du groupe SRC.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, dans votre dernière intervention, vous nous avez expliqué, à propos du repos compensateur, que vous alliez prendre un décret, et que ce décret s’inspirerait des dispositions des articles L. 3121-26 et L. 3121-27 du code du travail.

Par conséquent, ces articles-là disparaissent du code du travail. Vous les sortez de la loi pour les mettre dans le domaine réglementaire. Vous annoncez vous-même que ce qui est aujourd’hui dans la loi, vous allez, demain, le mettre dans un décret.

Alors, j’aimerais bien que vous m’expliquiez où est la cohérence dans ce débat qui dure depuis maintenant six mois sur la recodification du code du travail. En effet, il y a à peine trois mois, vous nous avez dit que vous sortiez quelques centaines d’articles de la partie législative du code parce qu’ils étaient de nature réglementaire.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Raccourci saisissant !

M. Alain Vidalies. Nous avons combattu cette vision. Elle est aujourd’hui actée. Mais j’observe qu’à l’époque, il y a trois mois, vous aviez laissé dans la partie législative du code les dispositions des articles L. 3121-26 et L. 3121-27. En trois mois, donc, vous avez changé d’idée. Ce qui était du domaine législatif devient du domaine réglementaire. Il faudrait peut-être que vous nous expliquiez. Évidemment, on comprend bien que c’est beaucoup plus facile de changer les choses par décret, maintenant ou plus tard, que de respecter la loi ou que de soumettre au Parlement un projet de loi précis.

J’ajoute d’ailleurs que je m’interroge sur la constitutionnalité de cette démarche. Le Conseil constitutionnel avait été saisi du texte que vous nous aviez soumis il y a trois mois. La contradiction entre votre démarche d’il y a trois mois, quand vous nous expliquiez pourquoi les articles concernant la santé des salariés étaient laissés dans la partie législative, et ce que vous voulez faire aujourd’hui, c’est-à-dire les faire passer dans la partie réglementaire, cette contradiction va beaucoup intéresser, me semble-t-il, le Conseil constitutionnel. Vous ne pouvez pas, à trois mois d’intervalle, changer comme ça, au gré du temps, d’analyse juridique – avec la même conviction, je vous le concède. Mais concevez aussi qu’à force d’entendre, avec la même conviction, des choses aussi contradictoires, nous avons pour le moins des interrogations sur les arguments que vous avancez.

C’est un vrai débat. Ces articles qui concernent la protection de la santé relèvent, en vertu de l’article 34 de la Constitution, d’une compétence propre du législateur dès lors qu’est visé le onzième alinéa du préambule de la Constitution. Pouvez-vous aujourd’hui décider, d’une part, de les mettre dans le domaine réglementaire et, d’autre part, de les laisser pour partie à la négociation des partenaires sociaux ?

C’est une question de constitutionalité, mais aussi de politique, sur laquelle il serait extrêmement intéressant que vous puissiez vous exprimer.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Chers collègues, ces amendements identiques ont pour objectif d’affirmer le principe de l’accord majoritaire. C’est d’autant plus nécessaire que ce projet de loi, dans sa première partie, a beaucoup traité de la question de la représentativité.

Or, cet article 16 comprend des éléments qui nous semblent préoccupants, puisque les dispositions de ce projet de loi conduisent à ce que des accords minoritaires pourraient remettre en cause des dispositions mises en œuvre par des accords d’entreprise majoritaires.

Bien évidemment, ce n’est pas conforme à l’esprit qui a prévalu au cours des discussions qui ont eu lieu entre les organisations syndicales et les organisations patronales. Et, par ailleurs, c’est un élément qui est pour nous inacceptable, puisque nous considérons que le contingent annuel d’heures supplémentaires ne peut être défini au niveau de l’entreprise ou de l’établissement que dans le cadre d’un accord majoritaire, comme cela était d’ailleurs le cas dans le cadre des lois Aubry.

Voilà pourquoi ces amendements proposent d’insérer dans l’alinéa 2 de l’article 16, après le mot : « établissement », les mots : « signé par les organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des représentants du personnel, ».

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je crois qu’il faut compléter l’argumentaire. Je ne vais pas rappeler à M. Vercamer la cohérence de la démarche. Je pense qu’il va finir par la comprendre tout seul.

Ces amendements visent, effectivement, à ce que l’on ne puisse pas, par des accords minoritaires, remettre en cause des dispositions mises en œuvre par des accords d’entreprise majoritaires.

Mais je voudrais, à ce stade, puisque nous traitons des heures supplémentaires, et donc, forcément, des rythmes et des conditions de travail, revenir au point qui a fait l’objet d’un échange, tout à l’heure, avec M. le rapporteur, à propos de la pénibilité au travail.

Il est bon, en effet, que nous clarifions les choses. Je précise simplement que ce que j’ai cité tout à l’heure, c’est la lettre de son rapport.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Trois lignes sur 200 pages !

M. Jean Mallot. Et je ne doute pas que, s’agissant d’un rapporteur extrêmement cohérent avec lui-même, la lettre soit en phase avec l’esprit, ou l’inverse.

M. le ministre a laissé entendre que la pénibilité au travail l’intéressait beaucoup, et c’est assez logique, nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en parler à plusieurs reprises,…

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’aimerais bien !

M. Jean Mallot. …notamment lors des débats sur les retraites.

Par conséquent, monsieur le ministre, il serait bon que vous puissiez utilisez le temps de parole qui est le vôtre dans cette enceinte, et qui est illimité, contrairement au nôtre, pour nous dire peut-être un peu plus précisément ce que vous pensez des conclusions du rapporteur Poisson et de ses propositions, notamment s’agissant de la prévention, puisque la réparation sera peut-être l’objet d’un autre débat, même s’il ne faut pas non plus l’oublier.

Le rapporteur propose en particulier de renforcer le rôle des intervenants locaux et des réseaux d’expertise extérieurs aux entreprises en doublant le budget annuel du réseau de l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.

Il a également formulé des propositions concernant la médecine du travail, en fixant pour objectif que l’État replace la santé au travail au centre de ses préoccupations de santé publique. Il souligne en particulier, à plusieurs reprises, en reprenant des constats faits par tout le monde, le nombre insuffisant de médecins du travail.

Je pense, monsieur le ministre, que vous avez là l’occasion d’éclairer notre lanterne.

M. Benoist Apparu. C’est très important !

M. Jean Mallot. Absolument ! C’est extrêmement important. Vous êtes d’accord avec moi, monsieur Apparu. Je vous remercie de me soutenir.

En tout cas, en attendant, j’espère bien que tous nos collègues voteront nos amendements.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, nous entendons vos arguments, mais nous avons aussi nos convictions, au-delà de nos propositions.

Ces amendements visent, une fois de plus, à réaffirmer, parce que pour nous c’est important, la primauté des accords majoritaires dans le cadre de la définition des contingents annuels d’heures supplémentaires au niveau de l’entreprise ou de l’établissement.

Les dispositions proposées dans le projet de loi vont, à un moment donné – dans un an, si j’ai bien compris –, nous conduire à une situation absurde : des accords minoritaires remettront en cause des accords d’entreprise majoritaires négociés en application de la loi Aubry du 19 janvier 2000.

C’est quand même une illustration intéressante du fait qu’on légifère sans arrêt. M. Vidalies vient de le rappeler : six lois pour détricoter le temps de travail depuis sept ans. Je rappellerai d’ailleurs que depuis le début de la législature, nous avons examiné 97 lois. On légifère et on revient systématiquement sur les mêmes textes.

Est-ce que, à un moment donné, on ne pourrait pas, y compris dans la négociation avec les syndicats, faire une pause, retravailler complètement les textes, et en finir avec cette obsession du détricotage des 35 heures, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit en fait ?

À force de discuter de textes de ce type – et au mois de juillet, en plus –, je finis par me demander si nous ne nous retrouverons pas l’an prochain, en juillet peut-être, à réexaminer des articles allant encore un peu plus loin.

M. Benoist Apparu. Excellente idée !

M. Roland Muzeau. Ils sont capables de tout !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. À force, on finit par ne plus comprendre exactement de quoi il retourne.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Votre conception de la démocratie, mesdames, messieurs de la majorité, est parfois curieuse. Nous avons eu l’occasion de le dire lorsqu’il s’est agi de s’asseoir sur le vote que les Français ont exprimé lors du dernier référendum et de ratifier le traité de Lisbonne.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est une position du parti socialiste ?

M. Christian Eckert. Vous considérez que l’Irlande a besoin de temps pour réfléchir, pour contourner le vote de ses citoyens. C’est, grosso modo, ce qui est dit actuellement par le Président de la République et le Gouvernement. Eh bien, là, vous nous donnez un autre exemple de géométrie variable : ce qu’un système a pu construire, un autre système peut le défaire. Des accords majoritaires peuvent être défaits par des accords minoritaires. Et même plus que minoritaires ! En effet, vous nous avez expliqué que la règle des 30 % s’appliquait pour les suffrages valablement exprimés. Moi, j’ai fait un calcul tout bête : si 20 % des voix s’égarent, 30 % des suffrages valablement exprimés, c’est-à-dire 30 % de 80 % des salariés, cela fait 24 % des salariés. Par conséquent, 24 % des salariés peuvent défaire ce qu’une majorité absolue des salariés avaient pu construire. Nous sommes là devant un système complètement ubuesque.

Et puisque j’ai la parole, monsieur le ministre – vous réclamiez tout à l’heure qu’on me la donnât –, je voudrais en profiter pour vous demander de répondre à la question que vous a posée tout à l’heure Alain Vidalies. Nous vous avons interrogé sur cette aberration qui veut que le coût des heures supplémentaires, compte tenu des exonérations de charges sociales, devienne finalement inférieur au coût des heures normales de travail. Sur ce sujet, vous êtes resté complètement silencieux. Il serait quand même utile que vous puissiez éclairer la représentation nationale sur cette aberration. Alors, on comprendrait mieux pourquoi vous prônez l’élargissement des heures supplémentaires plutôt que les embauches. Parce que, là aussi, c’est un sujet de fond. Le recours à des heures supplémentaires coûtera moins cher à l’employeur que d’embaucher. Vous avez d’ailleurs assez largement assuré la flexibilité de l’embauche avec les possibilités de rupture du contrat de travail. Votre argument de rigidité ne tient donc plus.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Nous sommes extrêmement attachés au fait que ce soient les accords majoritaires dans l’entreprise qui puissent fixer des règles concernant le contingent d’heures supplémentaires et son éventuel dépassement.

Les heures supplémentaires, le repos compensateur – nous venez incidemment de nous expliquer que vous alliez sortir cette notion du code du travail pour la mettre dans un décret –, tout comme les garanties associées aux différentes formules d’aménagement du temps de travail – il en existe déjà plusieurs qui permettent de la souplesse dans l’entreprise –, forment un ensemble de garanties collectives, de protections fondamentales pour les salariés, des verrous en quelque sorte, qu’il s’agit de sauvegarder et de préserver.

Je constate que M. Méhaignerie est revenu dans notre hémicycle. Peut-être lui aura-t-on rapporté mes réflexions et celles de M. Muet. C’est tout le contraire du propos caricatural qui nous guide aujourd’hui dans le débat.

Nous ne partons pas d’une vision dogmatique de l’entreprise,…

M. Benoist Apparu. À peine !

M. Régis Juanico. …au contraire.

Nous partons d’une vision réaliste des besoins de l’entreprise, de la réalité de celle-ci. Et M. le ministre n’a toujours pas répondu à nos questions.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Vous parlez tout le temps !

M. Régis Juanico. Y a-t-il, oui ou non, aujourd’hui, une demande accrue d’heures supplémentaires dans notre pays ?

M. Benoist Apparu. Dans certaines entreprises oui !

M. Régis Juanico. Toutes les études de ces derniers mois ont prouvé le contraire. Le travail fait par M. Migaud, président de la commission des finances, sur l’application de la loi TEPA montre que le volume d’heures supplémentaires a diminué dans le pays ces derniers mois.

Nous aimerions connaître le bilan des différentes modifications de la loi sur les heures supplémentaires depuis six ans. Vous avez déplafonné, augmenté successivement le contingent d’heures supplémentaires sans que cela produise de résultat.

Nous considérons que la demande d’heures supplémentaires n’existe pas.

En revanche, la souplesse existe déjà dans les entreprises. J’ai rappelé ce que pouvaient être les conditions de travail de millions de salariés dans ce pays, en termes d’amplitude, d’horaires atypiques, de travail de nuit. Nous voulons maintenir le verrou des accords majoritaires dans l’entreprise en ce qui concerne les heures supplémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. M. Vercamer a parlé de création d’emplois, mais le texte qui nous est proposé aujourd’hui n’en créera pas. En fait, nous parlons d’heures supplémentaires. Je ne voudrais pas qu’il subsiste de confusion. Les salariés, compte tenu de ce qu’ils vivent au jour le jour, sont parfaitement conscients qu’il n’y a pas de création d’emplois.

M. Benoist Apparu. Il y a bien une baisse du taux de chômage !

Mme Catherine Lemorton. Je partage avec mes collègues de l’opposition l’idée qu’il ne faut pas s’asseoir sur les accords majoritaires, même issus d’une minorité, au risque de recréer parfois des syndicats maison, qui renvoient à une gestion d’un autre temps, au début du xxe siècle. Je crains que nous ne nous dirigions vers cette régression.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais répondre à M. le rapporteur, qui parlait des effets bénéfiques de la concurrence.

Vous inversez la hiérarchie des normes et remettez en cause les accords majoritaires. En agissant ainsi, vous allez engendrer une concurrence qui produira des effets négatifs.

Il faut savoir qu’il existe deux formes de concurrence. La première se pratique en démantelant le droit social, parfois même en diminuant les salaires. Quand une entreprise agit seule, cela lui permet d’améliorer sa compétitivité. À la limite, elle a intérêt à verser les salaires les plus bas possibles, bien que cela entraîne une démotivation de ses salariés. Mais il est vrai que, sur le plan de la compétition économique, elle n’a pas intérêt à augmenter les salaires. Mais, globalement, toutes les entreprises ont intérêt à ce que les salaires progressent, que le droit social s’améliore. Cela engendre la concurrence qui tire la croissance vers le haut.

L’autre forme de concurrence – a priori, la bonne – est celle qui s’opère par l’innovation, par la création de nouveaux produits. Lorsqu’une entreprise agit de la sorte, toute la société en bénéficie. Les socialistes recherchent ce type de compétitivité : celle où l’on innove, où l’on créé de nouveaux produits, où l’on investit massivement dans la recherche, dans le développement.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Pierre-Alain Muet. Démanteler le droit social nous ramène en arrière non seulement dans le domaine social, mais aussi dans le domaine économique. Nous pouvons citer de multiples exemples où des économies ont sombré dans la dépression, parce qu’elles développaient ce mode de concurrence.

La compétition, monsieur le rapporteur, est une bonne chose. Mais il y a deux formes de compétition : une compétition positive par l’innovation, la recherche, le développement, et une compétition négative par le dumping social.

Si nous tenons à la hiérarchie des normes et aux accords majoritaires, c’est parce que cette forme de cliquet permet à la première forme de compétitivité de se développer. C’est ce qui explique tout le développement économique des pays industrialisés aujourd’hui. Quand on démantèle cela, on se lance vers la deuxième forme de compétitivité, qui va vers la dégringolade.

Contrairement à ce que vous pensez, vous affaiblissez non seulement le droit social et le niveau de vie de nos concitoyens, mais vous allez même à l’encontre de l’efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Nous répéterons inlassablement notre opposition au dispositif que vous proposez.

M. Benoist Apparu. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Marc Dolez. Il en résultera une inversion de la hiérarchie des normes.

Nous répéterons inlassablement qu’il faut laisser aux accords de branche leur rôle de régularisation et de protection.

Si j’accepte de comprendre le raisonnement du Gouvernement et de la majorité, il importe qu’à ce stade le ministre et le rapporteur nous informent davantage.

Ils nous expliquent depuis le début de la discussion qu’il est très important de mettre la négociation collective au niveau de l’entreprise pour des raisons de proximité, pour tenir compte des réalités. Dans ce cas, pourquoi n’acceptent-ils pas que l’on retienne au niveau de l’entreprise la notion d’accord majoritaire ?

Si vous ne retenez pas cette notion, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, on peut craindre que votre raisonnement ne soit pas cohérent et qu’il ne cache quelques arrière-pensées visant à favoriser, ça et là, un certain nombre d’accords passés avec ce que l’on a coutume d’appeler des syndicats maison. Cela ne pourrait que favoriser la déréglementation et la concurrence.

Dans la logique qui est la vôtre, vous devriez au moins nous écouter sur le verrou des accords majoritaires, seul moyen permettant d’éviter la déréglementation tous azimuts qui risque de résulter du texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

Vous m’avez interrogé, monsieur Eckert, sur le point de la démocratie sociale. Je répète ce que j’ai dit à la tribune mardi. Il ne peut pas y avoir d’identité stricte entre la démocratie sociale et la démocratie politique.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Très juste !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ne me reprochez pas de ne pas vouloir appliquer au monde socio-économique les règles de la démocratie politique. Ce n’est pas ce que je crois.

M. Christian Eckert. C’est votre conviction, ce n’est pas un argument !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La conviction et l’argument peuvent se rejoindre.

Monsieur Muet, j’ai écouté vos arguments sur le dumping social. Il s’agit, là encore, d’un problème d’appréciation. C’est toute la difficulté de notre métier de législateur. Votre crainte sur le dumping est réelle sur le plan macro-économique. Il est clair, en effet, que, globalement, l’ensemble des entreprises ont intérêt, pour être compétitives, à baisser leur prix de revient et à maintenir au plus bas les coûts de production, y compris les salaires. Mais, sur le plan micro-économique, il n’en va pas de même. Essayons de faire en sorte que l’appréciation de la réalité soit plus souple, plus détaillée, plus précise.

On entend que la moyenne d’heures travaillées en France est inférieure à celle de certains pays, supérieure à d’autres. Mais la moyenne statistique n’est pas, en l’espèce, le bon indicateur. Il convient d’ajouter l’écart-type,…

M. Régis Juanico. Subtilité !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. …et un certain nombre d’autres facteurs statistiques en fonction des branches ou des secteurs d’activité !

M. Alain Vidalies. Voilà !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je ne dis pas qu’il s’agit du bon niveau de réflexion.

M. Alain Vidalies. Vous y venez !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ne me dites pas, monsieur Vidalies, que nous sommes en désaccord sur le fait que les branches professionnelles sont un mauvais niveau de réflexion, puisque vous pensez que l’accord de branche doit primer l’accord d’entreprise.

Monsieur Dolez, vous souhaitez que l’on aille vers un accord majoritaire. Nous souhaitons, nous, s’agissant du temps de travail, que s’appliquent les dispositions que nous avons votées hier sur le titre Ier et qui portent sur les règles de validation des accords. C’est le minimum, sans lequel il n’aurait servi à rien que nous ayons débattu depuis mardi.

Pour ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, Mme Christine Lagarde a rendu publics tout à l’heure les chiffres qui montrent qu’il y a eu une hausse de 40 % du nombre moyen d’heures supplémentaires effectués par les salariés dans les entreprises de plus de dix personnes

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est une manipulation des chiffres !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Il s’agit d’une étude de la DARES. En moyenne, dans ces entreprises, un salarié a accompli 8,7 heures supplémentaires dans le trimestre, contre 6,3 heures un an plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ce n’était pas la peine d’augmenter le contingent !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ces chiffres de la DARES seront détaillés vendredi.

M. Régis Juanico. Les chiffres sont incomplets !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Lorsqu’on ne donne pas de chiffres, vous essayez, avec une certaine extravagance, de travestir une vérité que vous ne révélez pas.

Quand des chiffres vous sont soumis, le silence nous accueille. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Comme vous le savez, monsieur Vidalies, la loi procède à un renvoi à l’accord à deux conditions. Premièrement, elle encadre le renvoi. Deuxièmement, elle indique une règle supplétive, en l’occurrence le décret. Et c’est, du reste, l’application d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel, que vous connaissez bien !

D’autre part, il n’y a pas de déclassement au profit du décret, vous le savez bien aussi. L’idée d’avoir une règle supplétive inférieure n’est pas nouvelle, je l’ai dit tout à l’heure. Nous avons, d’ailleurs, eu l’occasion d’y revenir dans le texte sur le service minimum.

Quant au contingent, il est fixé par décret : l’article L. 3121-11 du code du travail précise que le contingent sera fixé par décret.

Je tiens à apporter ces précisions, puisque vous êtes très vigilants par rapport à la constitutionnalité des mesures que nous proposons. Ne m’aviez-vous pas assené avec une certaine constance que le texte de recodification du code du travail serait forcément censuré par le Conseil constitutionnel...

M. Régis Juanico. Il n’a pas été saisi !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bas les masques ! Le « détricotage » du code du travail est à l’œuvre depuis plusieurs années. Vous le faites, au demeurant, très habilement. Mais les Françaises et les Français ne sont pas dupes.

Ce matin, je siégeais dans une commission d’endettement qui examinait le cas de cinq locataires. Je leur ai demandé comment les heures supplémentaires s’étaient traduites pour eux depuis le début de l’année. Je vous ferai volontiers partager cette expérience, monsieur le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Venez plutôt dans ma circonscription !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous tenez donc une permanence, comme député, monsieur le ministre ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je tiens une permanence chaque samedi matin !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà qui me rassure !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je vous en prie !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne vous fâchez pas, monsieur le ministre ! Dès que l’on parle des Français, vous vous fâchez !

M. Benoist Apparu. Ça suffit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas la prétention, monsieur le ministre, d’être le seul à pouvoir parler au nom des Français, mes collègues peuvent en faire autant. Mais nous avons tout de même le droit d’exprimer la réalité de nos territoires !

M. Franck Gilard. Nous aussi !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Toujours est-il que sur ces cinq personnes, aucune n’a effectué d’heures supplémentaires !

M. Benoist Apparu. Cinq personnes : bel échantillon statistique !

M. Jean Mallot. Elles valent les vôtres !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le seul changement sur leur feuille de paie est dû à la réduction fiscale sur les heures qui ont été requalifiées. Et j’ai du reste conseillé à trois d’entre elles de saisir le conseil des prud’hommes.

Pour ma part, je conteste vos chiffres sur le nombre d’heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ce sont ceux de la DARES !

M. Benoist Apparu. Cinq personnes contre les chiffres de la DARES, ce n’est pas très représentatif !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous ne m’empêcherez pas de parler ! Vous faites dire aux chiffres ce qui vous arrange : vous les dissimulez quand ils baissent et vous les mettez en avant quand ils montent ! Quoi qu’il en soit, nous verrons le résultat dans un an ! En tout état de cause, la majorité aura à rendre des comptes aux Français.

Nous sommes dans un État de droit où la notion de la hiérarchie des normes est protectrice. Mais peut-être, considérez-vous, monsieur le ministre, que les règles sociales ne doivent pas être protectrices ! Moi, j’affirme qu’elles doivent l’être et qu’elles doivent continuer à l’être. Et chaque fois qu’il est nécessaire de revoir ces règles pour des raisons économiques, il faut conserver cette dimension de protection.

La relation entre le salarié et l’employeur n’est pas équilibrée. Ce n’est pas mettre en cause l’employeur ou le salarié que d’affirmer que ce déséquilibre n’est pas compensé de la même manière au niveau de l’entreprise ou au niveau de la branche ou au niveau de la loi. C’est la raison pour laquelle nous sommes, en tant que législateurs, les grands régulateurs du rapport social. Voilà la réalité. Il se peut même que la régulation se fasse au niveau international, en cas de problème. La régulation des rapports sociaux par des normes à des échelles différentes est un élément de la cohésion sociale. Et chaque fois que vous baissez le niveau de fixation de la norme, vous faites peser des contraintes sur le salarié. Certes, vous pouvez considérer que ce n’est pas grave, mais, pour notre part, nous estimons le contraire. Et vous verrez, au fil des mois, que nos compatriotes feront le même constat car personne ne peut accepter les injustices et les inégalités dans les rapports sociaux.

Je vous ai souvent fait part de mon expérience dans les conseils de prud’hommes. Quels que soient les intérêts défendus par les parties en présence, j’ai toujours constaté que le rapport contractuel ne reposait jamais sur l’égalité.

M. Roland Muzeau. Voilà !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et en disant cela, je ne porte pas atteinte à l’employeur – j’ai été employeur – pas plus que je ne porte atteinte au salarié – j’ai été dans la situation de subordination. Par nature, le rapport contractuel est inégalitaire. Notre responsabilité, monsieur le ministre, ne consiste pas à construire des instruments qui se retourneront contre le plus défavorisé dans le rapport contractuel, mais de garantir la régulation des rapports sociaux. Tel est l’enjeu, monsieur le ministre.

M. Marc Dolez. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Évidemment, vous ne remettez pas en cause frontalement – vous êtes trop subtil et trop habile pour cela – la durée légale du temps de travail ! Mais vous êtes en train de la rendre inintelligible, notamment pour les employeurs qui s’en inquiètent,...

M. Jean Mallot. Tout à fait !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …tant et si bien qu’il n’y aura plus d’instrument de régulation avec les graves conséquences que cette disparition ne manquera pas de provoquer. Et les décrets que vous invoquez n’y changeront rien !

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Avec les heures supplémentaires, nous sommes au cœur du débat. Et M. le ministre a rapidement dissimulé les éléments statistiques qu’il vient de nous communiquer, de peur de devoir en dire plus ! La vérité, c’est que le Gouvernement a, l’été dernier, élaboré une véritable usine à gaz sans portée réelle – une sorte d’alambic géant qui ne produirait que quelques gouttes !

M. Jean-Paul Charié. N’importe quoi !

M. Jean Mallot. Votre usine à gaz ne produit pas grand-chose, monsieur le ministre ! Sept mois après le lancement du dispositif, le bilan de l’ACOSS est sans appel. Du reste, Mme Lagarde se fonde sur des informations émanant de l’ACOSS.

M. Benoist Apparu. Cela veut donc dire que les statistiques de Mme Lagarde sont les bonnes !

M. Jean Mallot. Les éléments statistiques montrent un certain plafonnement du système. Après une montée en charge du dernier trimestre 2007, on a constaté une décrue en janvier et février 2008. En avril, dans les entreprises de plus de six salariés, le recours aux heures supplémentaires n’a progressé que de 2 % par rapport à mars, soit une quasi-stagnation. Rapportées aux entreprises qui ont recours au dispositif, les 44 millions d’heures supplémentaires effectuées en avril correspondent à cinq heures par salarié et par mois, soit, pour une rémunération au SMIC, un supplément de cinquante-trois euros mensuels, somme que l’on peut considérer comme un gain de pouvoir d’achat, à condition que ces salariés n’aient pas fait d’heures supplémentaires avant l’entrée en vigueur de la loi. Pour ceux, majoritaires, qui en réalisaient déjà, le gain réel réside uniquement dans la différence entre le brut et le net,...

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Jean Mallot. …ce qui représente 20 % de cinquante-trois euros, c’est-à-dire un peu plus de dix euros par mois !

Reste la défiscalisation, à venir, en sachant qu’un Français sur deux ne paie pas l’impôt sur le revenu.

En outre, les heures supplémentaires entreront dans le revenu fiscal de référence, ce qui aura des conséquences sur les abattements relatifs aux impôts locaux. De même, des allocations comme la prime pour l’emploi pourront être supprimées en raison de l’augmentation du revenu fiscal de référence. Ce qu’ils auront gagné d’un côté, la plupart des salariés le perdront de l’autre. Telle est la réalité.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 351 à 365.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 366 à 380, du groupe SRC.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Avec cette série d’amendements, nous sommes toujours dans le cadre du débat sur la hiérarchie des normes.

Permettez-moi de faire observer, monsieur le ministre, que vos explications sur la recodification du code du travail ne m’ont guère convaincu. En effet, vous n’avez pas expliqué pourquoi ce qui, il y a quelques semaines, relevait du domaine législatif, relève désormais du domaine réglementaire.

M. Jean Mallot. Le ministre n’a pas répondu !

M. Alain Vidalies. Vous avez simplement indiqué que le législateur pouvait toujours s’en remettre au décret sans encourir de sanction du Conseil constitutionnel, ce que je conçois puisque cela a déjà été arbitré. Là, le problème est différent, puisqu’il s’agit non d’un renvoi mais d’un véritable abandon au profit du pouvoir réglementaire – et nous en débattrons ultérieurement – et de la négociation collective.

Si l’on refait l’histoire de la recodification du code du travail, il est vrai que le Conseil constitutionnel vous a finalement donné raison, monsieur le ministre, sous réserve d’une interprétation analogue à la nôtre. Cependant, environ cent cinquante articles ont dû, lors de la discussion du texte, être réintégrés dans la partie législative...

M. Jean Mallot. Grâce à nous !

M. Alain Vidalies. …pour éviter la censure du Conseil constitutionnel. En fait, vous avez été obligé de revoir sérieusement votre copie et nous avons fait notre travail d’opposant, de ce point de vue.

S’agissant des 35 heures, vous vous présentez toujours comme des adversaires de la réduction du temps de travail. À vous entendre, vous l’auriez toujours fermement condamnée, toujours dit que c’était une aberration et mis en garde l’opinion publique.

Or dans le contexte des élections législatives de 1997, quelle était votre position face à un chômage de masse ? Est-ce nous qui avons inventé la loi de Robien ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ce n’était pas une obligation !

M. Pierre-Alain Muet. C’était une très bonne loi !

M. Alain Vidalies. Cette loi qui coûtait cinq fois plus que les lois Aubry ne s’imposait pas de fait dans le débat politique de l’époque. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Yves Fromion. Si elle était si bonne pourquoi l’avoir modifiée ?

M. Alain Vidalies. Ne réécrivez pas l’histoire ! Je peux même vous rafraîchir la mémoire et je m’y emploierai au cours du débat.

Je commencerai par vous citer un texte de Philippe Séguin extrait de son livre Ce que j’ai dit publié aux éditions Grasset en 1994. Je me permets de vous lire une très belle formule que je vous invite à méditer : « L’idée de partage du travail est à la hauteur de ce beau mot de partage. » (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Voilà qui devrait vous amener, enfin, à sortir de votre vision du partage du travail !Votre approche est un peu mesquine par rapport à cet idéal porté par l’un de vos membres. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’était il y a quinze ans, monsieur Vidalies ! Votre montre s’est arrêtée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Alain Vidalies. Je ne fais que reprendre les propos de vos amis !

Après Philippe Séguin, je citerai Alain Juppé qui, en 1995, déclarait ici même : « diminuer et mieux organiser le temps de travail, c’est donner aussi un souffle nouveau et durable à la consommation. »

Vous prétendiez à l’époque que le partage du travail était une belle idée, un idéal à atteindre avec des effets bénéfiques pour l’économie et pour la consommation. N’oubliez pas votre passé. Souvenez-vous de vos luttes et rejoignez-nous ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Dominique Strauss-Kahn déclarait au forum de Davos en 1998 : « Patronat, économistes, syndicats et Gouvernement sont au moins d’accord sur un constat : les 35 heures ne créeront des emplois qu’à une condition, que la compétitivité des entreprises ne soit pas compromise par cette proposition. »

M. Pierre-Alain Muet. Cette compétitivité a même été améliorée !

M. Jean Mallot. Et 450 000 emplois ont été créés !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Il ajoutait : « En échange de quatre heures de temps libre, les salariés doivent accepter soit un quasi-gel des salaires pendant plusieurs années, soit une plus grande flexibilité du travail dans l’entreprise ».

M. Roland Muzeau. Ils ont eu les deux !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ce n’était pas il y a un siècle mais seulement une décennie, et j’espère vous avoir rafraîchi la mémoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous citer les propos d’un chef d’entreprise recueillis dans Le Monde de l’économie du 13 avril 1999 : « L’accord de branche prévoit 130 heures supplémentaires par salarié, qui peuvent être majorées de 45 heures dans le cadre d’un accord d’entreprise. Je vais donc proposer à mes salariés 35 heures payées 35, auxquelles s’ajouteront trois heures supplémentaires. J’arrive donc à 38 heures de travail, dont le coût, compte tenu des majorations prévues pour les heures supplémentaires, revient à 38,75 heures. Je suis donc à 38 heures payées 39, et cette heure perdue, je vais la récupérer en productivité avec une meilleure utilisation des équipements, notamment le samedi. » Il s’agissait de Guillaume Sarkozy.

M. Roland Muzeau. Et voilà !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. C’est la raison pour laquelle le pouvoir d’achat des salariés n’a pas augmenté !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Méhaignerie, pendant la période en question, 1997-2002, le pouvoir d’achat a connu une hausse globale très forte. Il importe de distinguer ce qui s’est passé à l’échelle de l’ensemble de l’économie de ce qui a pu se passer dans des entreprises ayant négocié les 35 heures. Dominique Strauss-Kahn avait parfaitement raison et ses propos ont été vérifiés dans les faits. Les négociations pour la réduction du temps de travail comportaient pour les entreprises des contreparties en termes de créations d’emplois – 7 % d’embauches pour 10 % de réduction du temps de travail – et en termes de modération salariale, de façon que leur compétitivité ne soit pas compromise. De fait, la compétitivité des entreprises s’est globalement améliorée de 1997 à 2002. Pendant cette période, le taux d’inflation a été moindre en France que chez ses partenaires parce que les gains de productivité ont été importants. En outre, l’excédent extérieur de notre pays s’est établi entre 15 et 20 milliards d’euros pendant ces cinq années. Vous ne pouvez pas guère vous targuer des mêmes résultats : en 2003, l’excédent commercial a disparu, et l’an dernier notre pays a enregistré un déficit commercial de 34 milliards d’euros – un record historique !

Ce n’est pas parce que les entreprises ayant négocié sur la base des lois Aubry ont appliqué une politique de modération salariale que les salariés n’ont pas bénéficié d’une augmentation globale de leur pouvoir d’achat. Je vous renvoie encore une fois aux chiffres. De 1997 à 2002, le pouvoir d’achat du revenu disponible des ménages a connu une augmentation annuelle de plus de 3 %, due pour deux tiers aux créations massives d’emplois et pour un tiers à la hausse du revenu moyen. C’est un résultat jamais atteint depuis que votre majorité est au pouvoir. Au dernier trimestre de l’année 2007, le pouvoir d’achat du salaire a même baissé – j’ai sous les yeux la dernière note de conjoncture de l’INSEE, dont la publication a d’ailleurs été commentée de manière plutôt amusante par la ministre de l’économie. Et au premier trimestre de l’année 2008, il a continué à baisser.

Monsieur le ministre, j’aimerais ici évoquer le partage du travail. En subventionnant les heures supplémentaires, vous avez mis en place un dispositif qui fait que les entreprises, au lieu d’embaucher, peuvent choisir d’augmenter la durée du travail de leurs salariés. Le problème, c’est qu’elles ne le font pas. Vous avez d’ailleurs été obligés de réviser l’objectif annoncé dans la loi TEPA de 900 millions d’heures supplémentaires pour le ramener à 750 millions, sur la base des données du premier trimestre. Nous ne disposons pas encore de données précises mais quand bien même il y aurait un légère augmentation du recours aux heures supplémentaires – ce que je ne crois pas –, cela se ferait au détriment des créations d’emplois.

Par ailleurs, pour évaluer le principe du « travailler plus pour gagner plus », il importe de raisonner à l’échelle de l’ensemble de l’économie. Sur le long terme, le nombre total d’heures travaillées a tendanciellement baissé – je me fonde sur les chiffres de la DARES et de l’INSEE. La France a en effet créé peu d’emplois dans son histoire et a réduit la durée du travail, comme tous les pays industrialisés. Cela dit, il y a eu une période où le nombre total d’heures travaillées a augmenté de façon importante, c’est entre 1997 et 2002, avec une hausse se situant entre 7 % et 10 %. La création de 2 millions d’emplois à 35 heures a en effet généré des millions et des millions d’heures supplémentaires, malgré une baisse de la durée du travail de deux heures pour tous les autres salariés. Or, on n’observe pas du tout cela aujourd’hui. Et, de toute façon, les heures supplémentaires que vous allez peut-être gagner, ce dont je doute compte tenu de la conjoncture, seront autant d’occasions perdues de créer des emplois. Vous serez bien surpris lorsque le chiffre relatif au nombre total d’heures travaillées sera publié : vous verrez que le principe « travailler plus pour gagner plus » ne se vérifie malheureusement pas dans notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Notre débat a pris un tour extrêmement intéressant, monsieur le président, car il nous permet d’être au cœur de la réflexion engagée. Surtout, il montre les limites des leçons d’économie que d’aucuns veulent nous donner.

Il est clair, monsieur le ministre, que la réduction du temps de travail ne suffit pas à elle seule à créer de la dynamique économique ou à relancer celle-ci. Mais elle comporte d’autres éléments d’une extrême importance – temps de loisirs supplémentaire, dialogue social rétabli au sein des entreprise, reconnaissance d’autres facteurs économiques que la valeur travail – qui ont bel et bien été pris en compte lors de l’élaboration des lois Aubry.

Il y a des chiffres qui vous déplaisent, je le sais. Il n’en reste pas moins qu’ils relèvent de constats partagés par tous les économistes, quels qu’ils soient. D’abord, les 35 heures ont créé entre 300 000 à 400 000 emplois, pour ne prendre que l’estimation basse, aujourd’hui admise par tous. Ensuite, le taux de création d’emplois en 1999 et 2001 a été, en France, de 50 % supérieur à ceux des autres pays européens. Les années 1998 à 2002 constituent la période où l’emploi salarié a le plus progressé dans notre pays, avec une augmentation moyenne de 2 % chaque année, au lieu de 0, 7% de 1990 à 1997 et de seulement 0,5 % à partir de 2003.

Vous ne cessez de nous dire que la logique de la réduction du temps de travail est un frein à la croissance. Mais il ne faut pas oublier que c’est entre 1998 et 2002 que le taux de croissance a été le plus important avec 2,7 % en moyenne annuelle, à comparer avec la prévision de 1,6 % annoncée par l’INSEE pour 2008.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’ignorais que vous étiez à l’origine de la croissance mondiale de l’époque.

M. Christophe Sirugue. Les 35 heures déclenchent chez vous une réaction épidermique, voire un réflexe pavlovien. Regardez plutôt la réalité en face : les faits montrent que la volonté de développer la productivité et d’accroître l’attractivité de notre pays n’est pas incompatible avec un projet de société qui laisse place au respect des salariés comme des chefs d’entreprise dans le cadre les relations de travail.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. M. Vercamer a reconnu notre cohérence, je ne vais pas chercher à en faire longuement la démonstration. Simplement, le rejet de nos précédents amendements nous conduit à rétablir une hiérarchie des normes absolument indispensable si nous voulons éviter le dumping social. Si ces amendements n’étaient pas adoptés, l’accord d’entreprise serait privilégié par rapport à l’accord de branche alors même que c’est au niveau de la branche que les réflexions doivent être conduites, donc que les décisions doivent être prises et les accords conclus. M. Poisson a lâché le morceau tout à l’heure et l’a lui-même reconnu.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Pas du tout !

M. Jean Mallot. Cela figure dans le compte rendu, monsieur le rapporteur, et nous pourrons continuer à en discuter ensemble.

Comment le Gouvernement et sa majorité, de l’UMP jusqu’au Nouveau Centre – puisque désormais ce groupe tient absolument à se placer dans ce camp-là –, peuvent-ils prétendre faire avancer les propositions de M. Poisson en matière de conditions de travail et de pénibilité dans le cadre d’un système de dumping social ?

Je prendrai deux exemples issus du rapport de la mission parlementaire sur la pénibilité au travail, rapport rédigé par M. Poisson. Il y est proposé d’« inciter à l’aménagement et à l’adaptation des postes de travail en vue de réduire la pénibilité au travail par une défiscalisation totale des dépenses engagées à cette fin ». Je pourrais gloser sur la défiscalisation, qui est si à la mode, mais je me bornerai à vous demander, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, si vous croyez vraiment que les entreprises mises en concurrence les unes avec les autres vont pouvoir procéder à l’aménagement et à l’adaptation des postes de travail ? Probablement pas.

Une autre proposition vise à généraliser la gestion prévisionnelle des carrières afin d’accompagner l’évolution des parcours professionnels. À l’évidence, une telle mesure est souhaitable, mais les entreprises concernées, confrontées au dumping social, ne pourraient supporter le surcoût qu’elle implique.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Pas forcément !

M. Jean Mallot. Vous prétendez adapter l’économie française à la mondialisation. Mais en mettant les entreprises françaises en concurrence entre elles et avec les autres entreprises en Europe et dans le reste du monde, vous aboutirez fatalement à niveler par le bas les normes sociales et vous généraliserez à l’ensemble de nos pays les normes sociales dégradées qui prévalent malheureusement dans les pays en développement.

Je ne pense pas que cela puisse être un bon objectif pour notre pays, mais c’est malheureusement celui que vous vous êtes fixé.

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le ministre, à quoi servent les heures supplémentaires dès lors que la production et le pouvoir d’achat stagnent ?

Vous venez de donner les chiffres d’une enquête de la DARES qui nous sera détaillée demain. On y apprend que le nombre moyen d’heures supplémentaires effectué par les salariés a augmenté de 40 %, c’est-à-dire de 2,4 heures par trimestre, soit 10,4 heures par an. Je rappelle que, depuis 2003, le contingent d’heures supplémentaires est passé de 130 à 220. Pensez-vous qu’avec 10,4 heures défiscalisées, on a besoin d’un contingent de plus de 220 heures ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Voilà votre erreur : vous taillez le même uniforme à tout le monde !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Non, nous demandons un cadre. Même avec les chiffres que vous nous citez, le contingent d’heures supplémentaires n’est toujours pas atteint.

On est dans un cercle vicieux : vous comptez sur les heures supplémentaires pour augmenter la croissance et le pouvoir d’achat. Or, c’est le manque de productivité qui empêche la croissance et donc ne permet pas d’augmenter les heures supplémentaires.

Certains pensent que les heures supplémentaires vont permettre d’améliorer le pouvoir d’achat. Encore faut-il que l’employeur puisse proposer à ses salariés de faire des heures supplémentaires. Les heures supplémentaires ne se décrètent pas.

M. Jean Mallot. Très bien !

M. Benoist Apparu. Il n’y a alors aucun problème à ce qu’on augmente le contingent d’heures supplémentaires !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Ayant travaillé en entreprise, je comprends parfaitement qu’on puisse demander à un salarié de s’adapter, par exemple pendant les périodes de grosses commandes.

M. Benoist Apparu. C’est bien pour cela que nous souhaitons débloquer le système.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Mais le contingent d’heures supplémentaires est déjà énorme puisqu’il est de 220 heures.

M. Benoist Apparu. Pas partout !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Si ! Il a été fixé par décret.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Mais non ! Les décrets sont supplétifs !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. J’ai sous les yeux un communiqué de l’Union professionnelle artisanale, qui demande la mise en place rapide du dialogue social dédié aux petites entreprises dans le cadre de ce projet de loi.

M. Benoist Apparu. Ça tombe bien puisque c’est ce que nous avons voté !

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les très petites entreprises, qui sont actuellement celles qui créent le plus d’emplois, ne comprennent pas que la législation change sans arrêt. Elles sont effrayées par cette accumulation de textes qui se contredisent en partie les uns les autres. J’en veux pour preuve l’article 27 du texte sur la modernisation de l’économie.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

M. Jean Mallot. Mgr Méhaignerie veut nous sermonner !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. Non, mais je n’arrive pas à convaincre M. Muet ! Je souhaiterais que chacun fasse preuve d’un peu plus d’humilité. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Monsieur Muet, n’oubliez pas à quels niveaux étaient le dollar et le prix du pétrole entre 1997 et 2002. Je rappelle qu’entre cette période et la période 2002-2007, la France était alors au neuvième rang des pays européens en matière de croissance. Cela montre bien que, malgré nos atouts français, certains faits sont incontournables.

Lorsque j’étais dans l’opposition, Mme Aubry ne cessait de nous répéter : « vous allez voir ce que vous allez voir ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)...

M. Franck Gilard. Et elle recommence !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. ...que la France était un modèle et que tous les autres pays européens finiraient par adopter les 35 heures. Depuis, l’Allemagne est revenue aux 40 heures dans certains secteurs.

Vous nous dites aujourd’hui que les emplois sont interchangeables. Or je rappelle que de nombreux emplois ne sont pas pourvus dans l’industrie et le bâtiment.

Enfin, vous devriez faire preuve d’un peu plus d’humilité car je vous rappelle que les ouvriers et les salariés ont été les grands perdants des deux septennats de M. Mitterrand ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Pierre-Alain Muet. Donnez-nous des chiffres !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je souhaite revenir sur les relations entre l’employeur et le salarié.

Pourquoi préconisons-nous que les accords aient lieu au niveau des branches plutôt que des entreprises ? Pour éviter, comme l’a dit avec force M. Le Bouillonnec, la subordination du salarié à son employeur, ce droit de vie ou de mort que l’employeur a sur ses salariés (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire), l’emploi étant un facteur essentiel de la vie. Je crois même que vous évoquez, à l’article 17, la possibilité d’une décision unilatérale de l’employeur.

C’est donc bien le rôle du dialogue social que de fixer les accords au niveau des branches. M. le Bouillonnec a raison de dire que la loi peut et doit protéger le salarié.

S’agissant des heures supplémentaires, vous avez cité vos sources : l’AFP. Au reste, profitons-en tant qu’elle existe, Frédéric Lefebvre ayant déjà annoncé un certain nombre de choses la concernant. Cette belle agence de presse a confirmé vos propos, monsieur le ministre, c’est-à-dire qu’un salarié a accompli en moyenne 8,7 heures supplémentaires par trimestre contre 6,4 un an plus tôt, soit 2,3 heures par trimestre ou 48 minutes supplémentaires par mois.

M. Jean Mallot. On sera bientôt obligé de compter les heures supplémentaires en secondes !

M. Christian Eckert. Quelle hausse de salaire !

Si vous additionnez ce chiffre à la fabuleuse augmentation du SMIC que vous avez consentie, l’augmentation ne compense même pas l’inflation ! Voilà pourquoi les travailleurs n’en peuvent plus. On leur dit que la réponse à leur pouvoir d’achat passe par l’augmentation de leur temps de travail. Mais les heures supplémentaires et l’augmentation du SMIC ne couvrent pas la hausse des prix.

Monsieur le ministre, les salariés ne comptent pas leur temps mais leurs sous !

M. Jean Mallot. Très juste !

M. Christian Eckert. Vous avez répondu à Mme Hoffman-Rispal que son calcul était faux car elle taillait le même uniforme à tout le monde. Non, les salariés veulent bien porter le bleu de travail 48 minutes supplémentaires dès lors qu’ils conservent leur pouvoir d’achat !

Pour conclure, je citerai à nouveau le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, que certains appellent le père Joseph. Interrogé sur France Inter, le 28 janvier dernier, par le journaliste Nicolas Demorand qui lui demandait ce qu’il pensait de la formule « travailler plus pour gagner plus », il a répondu : « Il faut que nous travaillions moins pour être plus heureux ». Quelle formule remarquable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Il serait intéressant de regarder de plus près quelles ont été les conditions d’acceptation des heures supplémentaires par le salarié, au nom du « travailler plus pour gagner plus » car, en vous écoutant défendre les accords de gré à gré, on pourrait croire qu’on vit au pays des Bisounours ou de Candy ! (Sourires.)

Au nom du pouvoir d’achat, vous érigez toujours la sacro-sainte concurrence en religion. Or la concurrence n’est pas bonne uniquement parce que c’est la concurrence. En aggravant le renversement de la hiérarchie des normes, l’article 16 conduira à une atomisation du droit du travail en matière du temps de travail d’une entreprise à l’autre, ce qui constituera un élément de concurrence entre les entreprises d’une même branche et encouragera le moins-disant social.

Voilà pourquoi nous demandons que les mots « à défaut », qui figurent à l’alinéa 2 de l’article 16, soient supprimés.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Méhaignerie, entre 1997 et 2002, la France a connu une croissance de 3 %, tandis que celle de l’Europe était de 2,4 %. Ces chiffres sont connus et faciles à vérifier. C’est la seule période où, tous les ans, la croissance française a été supérieure d’un demi point en moyenne à la croissance européenne.

J’ai souvent entendu des ministres, y compris vous, monsieur Bertrand, dire que nous avions bénéficié d’une croissance mondiale exceptionnelle – elle était d’un peu moins de 3,5 %. Or, je vous rappelle que, de 2002 à 2007, la croissance mondiale a été de 5 %, alors que la croissance française était de moins de 2 %. En 2007, la croissance française – 2,2 % – a été bien inférieure à celle de la zone euro, et bien inférieure à celle de l’Allemagne par exemple. Si vous vous appuyez sur les données que je viens de mentionner, vous ne pouvez nullement démontrer que les 35 heures ont nui à la compétitivité ou à la croissance française puisque, entre 1997 et 2002, celle-ci a été exceptionnelle, quasiment égale à la croissance mondiale et très supérieure à la croissance européenne. Nous avions alors des excédents extérieurs considérables. On a même réduit les déficits publics et la dette – ce qui ne s’était pas produit pendant vingt-cinq ans. Depuis 2002, un fossé s’est creusé entre la politique que nous avons conduite et celle que vous avez menée depuis.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. La rédaction actuelle de l’article 16 ne nous satisfait pas puisqu’elle va aggraver le renversement de la hiérarchie des normes qui conduira inéluctablement au dumping social, au moins-disant social. Nos amendements visent donc à supprimer, à l’alinéa 2 de l’article 16, les mots « à défaut » afin de rétablir la hiérarchie et redonner à la branche le rôle qui doit être le sien.

Nos inquiétudes sont particulièrement fondées puisque, même si on n’entend pas beaucoup nos collègues de l’UMP défendre le texte du Gouvernement,...

M. Benoist Apparu. Que je sache, M. Poisson ne fait pas partie de l’opposition !

M. Marc Dolez. ...le rapport de la commission des affaires économiques est là pour nous éclairer. Il y est indiqué que le modèle social va enfin changer. Voilà tout un programme !

Aux pages 25 et 26, le rapporteur pour avis détaille la nécessité de consacrer juridiquement la primauté de la négociation d’entreprise. Il écrir : « Il est désormais temps que la dérogation devienne la norme et que les entreprises puissent décider du régime qui leur convient le mieux. » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Je ne doute pas un seul instant que vous trouviez cela « très bien », mais de tels propos justifient nos craintes et montrent les menaces qui pèsent sur les salariés.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Marc Dolez. Je vous rappelle que nous parlons du droit du travail, qui est censé protéger les salariés, et non permettre aux employeurs de faire ce qu’ils veulent !

Je poursuis la lecture du rapport.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Auparavant, pourriez-vous lire la fin de la phrase que vous avez citée ?

M. Marc Dolez. Si vous voulez : « en partenariat avec les salariés ». (« Voilà ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Vous voyez : vous n’avez pas parlé des salariés !

M. Marc Dolez. Car les salariés ne sont pas les partenaires des employeurs ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils ne peuvent l’être, puisqu’ils sont en permanence sous un lien de subordination juridique…

Mme Isabelle Vasseur. Ce ne sont tout de même pas des esclaves !

M. Marc Dolez. …et que, pour citer un grand philosophe, ils louent leur force de travail. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

M. Jean-Paul Charié. Ainsi que leur intelligence !

M. Marc Dolez. Notre rapporteur pour avis ajoute que les « dispositions du projet de loi reposent sur plusieurs lignes de force. La première consiste à « redonner aux entreprises les moyens de négocier sur le temps de travail, […] mais également de donner la possibilité aux salariés qui le souhaitent de s’accorder avec l’employeur pour aller au-delà. » On sait ce que cela signifie : pour les salariés, c’est, un pistolet sur la tempe, un chantage à l’emploi !

J’ai gardé le meilleur – compte tenu de notre statut de législateurs – pour la fin : les dispositions du titre II reposent sur un autre objectif, qui est « de limiter au strict nécessaire le contenu des dispositions législatives du code du travail […] et de supprimer les clauses obligatoires contraignantes et les formalités administratives superflues attachées à ces dispositions ». Si ce n’est pas de la déréglementation généralisée, c’est à ne rien comprendre !

M. Jean-Paul Charié. C’est du bon sens !

M. Jean Mallot. Plutôt du sens unique !

Mme Martine Billard. C’est ce que souhaite le MEDEF !

M. Marc Dolez. Toute la philosophie de ce texte, que nous combattons, est résumée dans ces quelques extraits. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 366 à 380 ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements.

De nouveau, je remercie vivement M. Mallot de citer les conclusions de mon rapport sur la pénibilité au travail. Il désespère de me mettre en contradiction avec mes conclusions,…

M. Jean Mallot. Pourquoi ? Vous l’êtes déjà !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. …mais je confirme qu’il n’y arrivera pas.

Nous avons des points de vue divergents sur le sujet, qui ont déjà été exprimés lors de la remise du rapport.

D’abord, l’article 16 ne concerne pas la santé au travail. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous pouvez dire ce que vous voulez (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), ce n’est pas son objet.

Ensuite, il y aurait selon vous une sorte d’incapacité des employeurs à comprendre d’eux-mêmes que leur intérêt est de s’engager dans des relations normales – non égales, ne rêvons pas, mais disons de partenariat – avec leurs collaborateurs,afin qu’ils déterminent ensemble la meilleure façon de fonctionner.

M. Régis Juanico. Ce sont des salariés, non des collaborateurs !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ce sont aussi leurs collaborateurs !

M. Jean Mallot. Bien sûr que non ! Vous voyez bien que vous rêvez !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Vos propos me surprennent : un salarié, un collaborateur, ne pourrait pas être, dans certains cas, le partenaire de son employeur ? Les représentants syndicaux que j’aperçois dans les tribunes du public apprécieront ! Chers collègues de l’opposition, si vous voulez récuser une fois pour toutes la notion de partenaires sociaux, faites-le savoir !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les partenaires sociaux, ce n’est pas la même chose : il ne s’agit pas de salariés, mais de syndicats !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Pour ma part, je crois en la possibilité d’une relation normale entre un employeur et ses salariés. Nous sommes, Dieu merci, un certain nombre ici à en avoir déjà eu l’expérience, et à être capable de déterminer, en relation avec eux, quelles sont les meilleures conditions pour cela. Il est de bon sens que, lorsqu’une réglementation est inutile, qu’elle empêche le travail normal et qu’elle met, pour partie, en péril la compétitivité de l’entreprise, on la réduise à son strict minimum. Quel est-il ? C’est ce que, avec la commission des affaires sociales, je me suis attaché à déterminer, en amendant ce texte et en faisant en sorte qu’un certain nombre de seuils et de garanties soient maintenus pour les salariés.

On ne peut donc pas opposer, d’un côté, ce qui serait de la dérégulation, du détricotage, de la déréglementation, que sais-je encore, et, de l’autre, un système de cocooning, protecteur, au secours duquel vous viendriez ! Nous voulons trouver un équilibre, dans lequel les entreprises fonctionnent normalement et les salariés sont traités correctement. Ces amendements ne permettant pas d’atteindre cet objectif, la commission les a repoussés.

M. Marc Dolez. Elle a eu tort !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette série d’amendements ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis défavorable, bien évidemment (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche),…

M. Jean Mallot. Pourquoi « bien évidemment » ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …mais je voudrais en profiter pour aborder un point d’ordre général.

Le danger, pour l’opposition, lorsque le débat s’allonge, c’est que de nombreux intervenants prennent la parole, alors qu’en fin de compte ils n’ont rien à dire de très différent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Christian Eckert. Qui êtes-vous pour en juger ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Regardez l’image que vous donnez de l’entreprise ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Les propos qui ont été tenus tout à l’heure, par des députés de la République française, tels que : « Dans l’entreprise, le salarié a le pistolet sur la tempe »,…

M. Marc Dolez. À cause du chantage à l’emploi !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …ou encore : « L’employeur a le droit de vie et de mort sur le salarié », sont intolérables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ils le sont déjà quand c’est l’extrême gauche qui les tient, mais, heureusement, elle n’est pas représentée dans cet hémicycle. En les reprenant, les députés socialistes font son lit ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et vous, de qui faites-vous le lit ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Si l’on veut partager les richesses, il faut les créer, et c’est par le travail qu’on y arrivera. Vous faites croire que si l’on détruit le travail, on pourra partager ; mais il n’y aura plus rien ! Je le répète, vos propos sont intolérables. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Jean-Pierre Dupont. Eh oui, Besancenot n’est pas loin !

M. Marc Joulaud. Les socialistes vont rejoindre le NPA !

M. Bernard Debré. Alors qu’ils devraient être des républicains !

M. Alain Vidalies. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour un rappel au règlement.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, c’est chaque fois la même chose, vous ne pouvez pas vous en empêcher ! Et c’est compréhensible : vous savez que les commentateurs vont à l’essentiel et qu’il vaut mieux faire de la communication plutôt qu’accepter le débat sur le fond. Ce qu’ont dit Pierre-Alain Muet et d’autres députés socialistes ne justifie pas, pour la sérénité de nos débats, que vous expurgiez ainsi leur propos, en mettant en exergue telle formule un peu forte,…

M. Bernard Debré. C’est consigné dans le Journal officiel !

M. Alain Vidalies. …pour essayer de jeter l’opprobre sur eux.

Sur ces sujets, on ne trouvera probablement rien de plus offensant que ce que certains membres de l’UMP ont pu dire des 35 heures. Puisque vous m’y obligez, je vous rappellerai donc certains propos – si je ne l’ai pas fait tout à l’heure, c’est que je ne voulais pas trop m’éloigner du sujet. Voici la citation : « Si on n’avait pas arrêté de fabriquer des armements en 1936 grâce aux socialistes, on aurait eu des avions et des chars en 1939 et 1940. C’est aussi simple que cela ! Les 35 heures, c’est un truc de vaincus ».

M. Bernard Debré. Ce n’est pas faux !

M. Jean-Pierre Dupont et M. Jean-Pierre Schosteck. C’est exactement ce qui s’est passé ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Alain Vidalies. Signé : Serge Dassault, sénateur UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Reprise de la discussion

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. C’est vrai : parfois, les paroles dépassent la pensée. En l’occurrence, certaines formules utilisées ne sont peut-être pas appropriées à l’entreprise.

Toutefois, je voudrais surtout répondre à M. Dolez. Certes, la branche est un moyen de garantir une certaine sécurité aux salariés, mais est-ce une raison pour dévaloriser les salariés et les partenaires sociaux à l’intérieur des entreprises ? Je suis une fois encore obligé de relever l’incohérence du groupe socialiste : nous avons voté hier la première partie du projet de loi, qui donne aux salariés des entreprises le pouvoir de désigner leurs délégués au niveau des branches et de l’interprofession, et aujourd’hui, vous nous dites que de, toute façon, ils ne savent pas se défendre dans les entreprises et qu’on ne peut faire confiance qu’aux accords de branche. Soyons raisonnables ! La branche est nécessaire, les négociations dans l’entreprise aussi. Il faut laisser une certaine liberté à l’entreprise, dans un cadre général qui garantisse un minimum de sécurité aux salariés – et c’est bien normal –, non seulement par la branche, mais aussi par la loi. C’est tout l’enjeu du débat : le groupe SRC a dans l’idée de tout bloquer et de généraliser les mesures de protection à toutes les entreprises ; l’UMP privilégie les accords au niveau de l’entreprise ; quant à moi, j’estime qu’il faut un peu de l’un et de l’autre. C’est une position centriste, direz-vous, mais c’est une position d’équilibre, que M. le rapporteur a adoptée tout à l’heure – et j’en suis satisfait. Comme l’a dit M. le ministre, la négociation est au centre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Passons sur les propos de M. Bertrand, nous avons l’habitude de ses manières. Mais, voyez-vous, l’avantage que je possède par rapport au salarié devant son employeur, c’est que, comme je ne suis pas dans une relation de subordination avec M. le ministre, je peux lui dire ce que je pense. C’est toute la différence ! (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) M. le ministre peut, en restant dans les limites de la courtoisie, dire ce qu’il veut dans cet hémicycle, y compris des contrevérités, mais je peux lui répondre. Voilà ce qui différencie la relation entre un député de l’opposition et un ministre et celle entre un salarié et son employeur. Et cela change tout !

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Par ailleurs, il n’est pas vrai que le salarié soit le partenaire d’un employeur. Il est sous un lien de subordination, qui, je le rappelle, donne une autorité à l’employeur, jusqu’à, et y compris, pouvoir apprécier comment le travail est fait, et, si certaines conditions ne sont pas remplies, décider de mesures disciplinaires, voire d’un licenciement.

Enfin, les enjeux économiques ne dépendent pas seulement de la situation des les salariés – qu’on les paye bien et qu’on leur donne des vacances, par exemple –, mais aussi, excusez-moi de le rappeler, des objectifs des actionnaires. L’employeur défend des intérêts qui peuvent être contradictoires avec ceux des salariés. Personne ne peut l’ignorer, puisque c’est l’histoire de l’activité économique depuis des décennies, voire des siècles. Et c’est pourquoi l’on considère que le progrès, en général – et pas seulement le progrès social – est d’encadrer ce lien de subordination afin de ne pas oublier l’intérêt du salarié.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est ainsi qu’on a empêché que des gamins aillent à douze ans travailler dans les mines, et qu’on a réduit le temps de travail.

Je ne vous compare pas à ceux qui ne voulaient pas de ces réformes, mais, en revanche, vous portez atteinte à l’instrument qui a permis la protection sociale, et c’est ce que nous dénonçons. Vous donnez aux employeurs – au meilleur d’entre eux, comme à celui qui n’agira que dans son intérêt, au détriment de celui de ses salariés – des instruments redoutables. C’est pourquoi les accords de branche et les accords nationaux sont établis par les partenaires sociaux, c’est-à-dire les syndicats, d’employeurs ou de salariés, qui, eux, obéissent à une tout autre logique. Ils portent les intérêts communs en ayant la possibilité de le faire, en disposant de leurs propres instruments de combat qui peuvent aller jusqu’au lock-out d’un côté, ou la grève de l’autre. Chaque partie ayant ses instruments – cela s’appelle la régulation sociale –, un équilibre social a pu se construire dans notre République.

Monsieur le ministre, nous vous reprochons de casser l’instrument de la régulation sociale, et non pas d’avoir l’intention de taper sur les salariés – cessez de nous faire ce procès ! Encore que, monsieur le ministre… (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Mes chers collègues, c’est quoi l’affaire de l’amiante dont nous ne sommes responsables ni les uns ni les autres ? C’est l’ illustration de ce qui peut se produire quand l’intérêt économique l’a emporté sur tout, y compris sur la santé du salarié.

Mme Sylvia Bassot. Avec la bénédiction de la CGT !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. La situation avait été dissimulée à tous, y compris aux pouvoirs publics et même, à un moment donné, avec la complicité de certains services publics. Avouez que l’instrument de régulation est nécessaire !

Monsieur le rapporteur, d’une manière surprenante, vous nous dites que le temps de travail et le nombre d’heures supplémentaires n’ont rien à voir avec la santé des salariés. Dans ce cas, pourquoi ne supprimez-vous pas tout de suite la durée légale du travail ? Faites-le tout de suite si cela n’a pas d’importance ! En réalité, la santé du salarié est au cœur du combat sur le temps de travail. Il s’agit de la protéger y compris contre la volonté du salarié lui-même, et de prévenir divers risques qui pourraient se présenter !

M. Bernard Debré. Ah !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre société a cette responsabilité ! Vous parlez de « contrainte », mais quand vous empêchez les gens de fumer, vous limitez bien leur liberté individuelle pour imposer une mesure qui, d’une certaine manière, sert la liberté collective. Débattre sur le temps de travail revient aussi à aborder ces questions, et c’est même le fond du débat.

Voilà pourquoi je continue à dire que vous cassez l’instrument de régulation. Demain, les pouvoirs publics quels qu’ils soient, en étant démunis de cet instrument de régulation, ne pourront pas empêcher les catastrophes. Le Président de la République pourra toujours accourir dans un département ou une usine en cours de fermeture ! Tel ou tel député pourra toujours venir pleurer sur la fermeture des entreprises pendant les questions au Gouvernement ! Ce ne sera plus le moment de regretter d’avoir perdu l’instrument de la régulation sociale. Dans une entreprise, le meilleur des employeurs et le meilleur des employés ne sont pas à égalité de situation.

M. Benoist Apparu. Nous n’avons jamais prétendu le contraire !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne jamais l’oublier a permis tous les progrès de notre République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. M. le ministre s’est permis un effet de manche, parce qu’il est bien gêné de répondre sur le fond du débat. Vous avez trahi la parole donnée aux organisations syndicales signataires. Vous tentez donc de vous reprendre dans un débat qui, pour ce que vous nous avez renvoyé, se résume à un échange de mots.

Vous seriez offusqué de certains propos tenus par un orateur évoquant la notion de « pistolet dans le dos ». (« Sur la tempe ! » sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) Ou sur la tempe. Vous ne l’avez pas entendu mais, pour ma part, j’avais rajouté le couteau sous la gorge et l’épée sur la tête. Pourquoi ? Parce que dans notre pays, nous en vivons de très nombreux exemples. Nous ne sommes plus dans l’anecdotique, mais des cas dramatiques suscitent ce genre d’expressions populaires. D’ailleurs, vous avez dû en entendre quelques-unes dans ce style lors de vos permanences du samedi matin, et il ne s’agit jamais de grossièretés !

Regardons ce qui s’est passé chez Goodyear récemment,…

M. Benoist Apparu. Il ne faut pas généraliser ! Ce n’est pas parce qu’un patron est pourri qu’ils le sont tous !

M. Roland Muzeau.…après ce qui s’était produit chez Bosch et quelques autres encore. En octobre dernier, lors d’une consultation, près des deux tiers des salariés de Goodyear avaient refusé le plan de réorganisation de l’entreprise. L’employeur a été mécontent. Qu’a-t-il fait ? Il a organisé un deuxième référendum – du reste illégal – en formulant la question ainsi : « Pour la sauvegarde de votre emploi, acceptez-vous le changement d’organisation du temps de travail ? ».

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh voilà !

M. Roland Muzeau. Si ce n’est pas un pistolet sur la tempe, un couteau sous la gorge ou une épée sur la tête, c’est quoi ? Où est le choix du salarié là-dedans ? Où est-il ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Et avec les 35 heures ?

M. Roland Muzeau. Il est nulle part ! Pour renchérir sur les propos de notre collègue Le Bouillonnec, la relation entre l’employé et l’employeur est historiquement établie : il existe un lien de subordination, fort heureusement ! Ils ne sont pas en cogestion !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Roland Muzeau. Qu’est-ce qui protège le salarié ? La loi ! Qu’est-ce qui le rend vulnérable ? L’accord de gré à gré, qui fragilisera aussi l’ensemble des salariés ! Ce n’est pas l’inverse !

Dans une entreprise, on n’est pas copain-copain, même si l’on peut avoir les meilleures relations du monde avec son employeur. L’expression de « patron voyou », utilisée par Jacques Chirac, ne s’applique pas à tous, fort heureusement ! C’est vous qui les diabolisez avec des textes comme celui-là ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)

Mme Marie-Anne Montchamp. C’est la meilleure !

M. Roland Muzeau. Bien évidemment ! Vous leur donnez tous les outils pour déréguler et conduire à une conflictualité accrue dans les entreprises. Avec la dérégulation des conditions de travail, de nombreux contentieux vont naître. C’est vous qui créez les difficultés entre les salariés et les entreprises. C’est vous qui permettez un chantage permanent chez Bosch, Goodyear et tant d’autres encore.

Voilà la réalité, n’inversez pas les rôles ! D’ailleurs, monsieur le ministre vous n’étiez pas très énervé tout à l’heure, et même pas du tout. Vous avez voulu interrompre un débat vraiment très intéressant. Vous avez pensé qu’un petit effet de manche nous ferait passer à autre chose. Moi, je crois que nous avons encore quelques nuits à passer ensemble.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Bien sûr !

M. Roland Muzeau. Des effets de manche, il y en aura d’autres, je vous fais confiance !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. J’avoue que, de temps en temps, l’argumentaire de nos collègues socialistes me laisse sans voix, pour ne pas dire muet. (« Elle est bien bonne ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pourquoi ? Parce que vous êtes dans une contradiction permanente ! D’un côté, vous dites : ce texte met la santé des travailleurs en péril (« Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), parce qu’ils vont travailler plus. De l’autre vous expliquez : les heures supplémentaires, ça ne marche pas parce que les gens n’en font pas. Sans heures sup, comment va-t-on mettre en danger la santé des travailleurs ?

M. Marc Dolez. Parce que vous changez la loi !

M. Benoist Apparu. J’avoue que le raisonnement m’échappe complètement ! (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

Deuxième élément : les heures sup, ça marche comme le montrent les chiffres publiés ce matin et cités par le ministre. (Rires et interruptions sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean Mallot. Allez-y, continuez à vous enfoncer !

M. Benoist Apparu. De plus, vous ne parlez que de moyennes, alors que l’important est d’examiner la situation de chaque entreprise. Certaines resteront à 130 heures et d’autres auront besoin de monter à 220 heures. Laissez faire en fonction des besoins des entreprises et des salariés, au sein de l’entreprise et non plus au niveau des branches.

M. Roland Muzeau et Mme Martine Billard. Ce n’est pas la peine de changer la loi, puisque c’est déjà possible !

M. Régis Juanico. Et la modulation ? Et le forfait- jour ?

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 366 à 380.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Mon intervention porte sur la séance du jour et celle d’hier. À l’initiative du rapporteur, nous avons voté un amendement dont nous avons légèrement débattu, mais dont n’avions pas tous mesuré les conséquences et le cheminement, me semble-t-il.

Nous débattons d’un texte sur la négociation sociale, alors que par le biais d’un amendement voté hier et par incidence, M. le rapporteur s’est très subtilement attaché à traiter une difficulté majeure pendante devant la Cour de cassation et qui a déjà nécessité l’intervention du Conseil constitutionnel : celle des effectifs. Ce n’est pas rien. Avec cet amendement qui prévoit que les salariés sous-traitants doivent être présents sur le site de l’entreprise depuis au moins un an pour être comptés dans les effectifs, vous avez tout simplement imaginé un système où, à la fin de nos débats, il y aura moins de délégués du personnel, moins de comités d’entreprise qu’il y en a actuellement !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est faux !

M. Alain Vidalies. C’est quand même un paradoxe assez extraordinaire !

Quel est le cheminement de cette affaire ? Cette tentative fort bien orchestrée vise à répondre aux difficultés de très grosses entreprises ayant sur leur site de nombreux sous-traitants qu’elles refusent de prendre en compte dans leurs effectifs. Celles-ci sont du reste allées jusque devant la Cour de cassation à plusieurs reprises pour obtenir gain de cause. La majorité a déjà tenté une fois de leur donner satisfaction, mais le Conseil constitutionnel l’a censurée.

Dans cet hémicycle, chacun doit être conscient de ce qui a été fait hier, afin de répondre à l’attente de ces entreprises. Pour diminuer les possibilités de représentation du personnel, empêcher la Cour de cassation de tirer toutes les conséquences de la décision prise par le Conseil constitutionnel en 2006, vous avez tout simplement décidé de modifier la loi en catimini. Paradoxe des paradoxes : dans un texte sur la représentativité et sur la démocratie sociale, vous avez décidé de diminuer le nombre d’institutions représentatives du personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Juste quelques mots pour répondre à M. Vidalies. Nous avons déjà eu ce débat hier soir, donc on ne va pas le reprendre.

M. Alain Vidalies. Vous avez oublié d’évoquer le Conseil constitutionnel.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est faux, reportez-vous au compte rendu des débats. C’est pour cela que je ne peux pas accepter les propos que vous venez de tenir. Dites-moi, que de votre seul point de vue, les risques que vous évoquez existent – diminution des institutions représentatives du personnel, contournement des procédures ou décisions judiciaires en cours, tout ce que vous voulez –, mais n’affirmez pas que cet amendement a été présenté dans ce but. C’est de l’ordre du procès d’intention, et je ne l’accepte pas ! Dites-moi que l’adoption de l’amendement en question présente tel ou tel risque, mais ne me prêtez pas des intentions qui sont pas les miennes.

M. Alain Vidalies. Pour quoi est-il fait alors ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Hier, je vous ai expliqué clairement les raisons pour lesquelles je présentais cet amendement, et je vous ai clairement annoncé la couleur en évoquant les risques d’ordre constitutionnel.

M. Jean Mallot. Seriez-vous manipulé ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Dites-moi qu’il y a des risques et que nous ne les avons pas tous examinés hier, mais ne me prêtez pas d’arrière-pensée.

M. Alain Vidalies. Alors, le hasard fait vraiment bien les choses !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Monsieur Vidalies, vous savez quelle est la règle pour les sous-traitants, telle qu’elle est interprétée par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel – vous y faisiez d’ailleurs allusion. Est-elle appliquée ou non, aujourd’hui ?

M. Alain Vidalies. Ce n’est pas appliqué.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Merci de le préciser. Demain, y aura-t-il moins de délégués du personnel et moins de comités d’entreprise ? Non.

M. Alain Vidalies. Je le conteste !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Hélas, bien souvent nos échanges tournent court. Pourtant, vous venez vous-même de confirmer à l’instant qu’il n’y aura pas moins de délégués du personnel et de CE, parce que la règle juridique, telle qu’elle a été posée, n’est pas appliquée. Est-elle applicable ? Voilà la vraie question et voilà pourquoi nous avons donné un avis favorable à l’amendement.

M. Alain Vidalies. Si elle n’est pas applicable, changeons la loi !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je ne vous parle pas de la loi, monsieur Vidalies. Vous connaissez suffisamment les arcanes juridiques pour ne pas déformer mes propos sur un point sur lequel vous posez toujours des questions très précises, et sur lequel vous attendez toujours des réponses très précises de ma part.

S’agissant des sous-traitants, pouvez-vous me dire si la règle est vraiment appliquée actuellement ? Pouvez-vous me dire si les sous-traitants donnent bien la liste de leurs salariés au donneur d’ordres ? Vous avez vous-même la réponse d’un point de vue pratique. Voilà pourquoi, d’un point de vue juridique, l’amendement de Jean-Frédéric Poisson est important.

Ce qui importe aussi, c’est qu’actuellement la jurisprudence repose sur la notion de communauté de travail. Cependant, cette notion est difficilement opérationnelle tant pour les entreprises que pour les syndicats. Pour la rendre effective, il faut bien une intervention législative. Voilà pourquoi cet amendement était nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Monsieur le ministre, je vous remercie de la clarté de votre réponse. En fait, me semble-t-il, vous partagez mon constat : l’adoption de cet amendement est très grave.

Bien sûr, la communauté du travail est au cœur du problème. Ce sont en général les très grosses entreprises, avec plusieurs milliers de salariés présents sur un site – comme dans l’industrie automobile par exemple –, qui rencontrent ce genre de difficultés. Il s’agit de savoir si on prend ou non en compte les salariés sous-traitants pour désigner un nombre de délégués du personnel ou pour fixer les moyens du comité d’entreprise. Cette question se pose à tous les niveaux, y compris pour les franchissements de seuils. C’est un débat très important qui va susciter des centaines de pages de commentaires.

Vous avez très honnêtement reconnu que vous aviez déjà essayé de modifier les choses, et que la Cour de cassation s’était prononcée sur le sujet. N’allez pas nous dire, monsieur le rapporteur, que vous avez agi hier par inadvertance et que vous n’étiez pas au courant des conséquences de votre amendement ;…

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. Alain Vidalies. …M. le ministre a d’ailleurs dit l’inverse.

Que dit-il aujourd’hui ? Exactement ce qui correspond à la position de l’une des parties : tous les dirigeants de ces grandes entreprises expliquent en effet depuis des années que la loi républicaine est difficilement applicable. Le Gouvernement vient donc nous dire : puisque les entreprises qui ont la responsabilité d’appliquer la loi n’y parviennent pas, changeons-la et tant pis pour les salariés. Des grands groupes font actuellement l’objet de procédures devant la Cour de cassation, et vous allez donc mettre un terme au débat. C’est une affaire grave.

Je remercie M. le ministre d’avoir clairement énoncé les intentions du Gouvernement, et ne puis que confirmer que nous les combattons avec la plus grande énergie : pour le coup, une telle initiative est contradictoire avec le texte dont nous débattons et elle aura des conséquences très graves sur le nombre de délégués du personnel.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est faux !

M. Alain Vidalies. Non, monsieur le ministre. Le seul argument que vous m’opposez consiste à dire que, puisque l’on n’arrive pas à appliquer la loi, ou difficilement, il n’y a qu’à l’accorder avec la réalité.

J’ai là un certain nombre de réactions, puisque, au fil des heures, les intéressés découvrent ce qui a été voté hier. On en reparlera sans doute dans les jours et les semaines à venir. Mais je voulais que chacun soit informé de la gravité de l’initiative.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Soyons précis, monsieur Vidalies : nous ne sommes pas les seuls à vouloir clarifier les choses.

Que dit le Conseil constitutionnel dans sa décision du 28 décembre 2006 ?

M. Alain Vidalies. Je l’ai sous les yeux !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Il invite le législateur à prendre ses responsabilités.

Vous le savez fort bien : des entreprises essaient de mettre concrètement en œuvre la communauté de travail mais n’y parviennent pas, car la notion reste trop vague. Tel est le sens de la décision du Conseil constitutionnel. Je ne comprends pas, puisque vous l’avez sous les yeux, que vous n’y ayez pas fait référence. Dans un débat, monsieur Vidalies, il faut tout dire ! Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Juste une précision, monsieur le ministre.

Le Conseil constitutionnel ne dit exactement que le législateur doit prendre ses responsabilités, mais qu’il ne peut « limiter le corps électoral aux seuls salariés qui lui sont liés par un contrat de travail ».

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Oui, bien sûr !

M. Alain Vidalies. Bref, il vous dit qu’il faut prendre en compte les sous-traitants. Or vous faites l’inverse ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Mais non !

M. Alain Vidalies. Si !C’est la réalité.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Vous adorez, monsieur Vidalies, faire parler le Conseil constitutionnel par anticipation.

M. Alain Vidalies. C’est le travail de l’opposition !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Non : le travail de l’opposition est aussi de faire des propositions. Mais vous n’avez manifestement pas tourné toutes les pages du manuel de l’opposant ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Il est important de définir les choses. Le problème n’est pas de lire la décision du Conseil constitutionnel. La notion dont nous débattons est vague : il fallait donc que nous prenions nos responsabilités en proposant une autre écriture. Celle de l’amendement de M. Poisson nous convient très bien.

Ce n’est pas parce que vous lisez avec beaucoup de conviction une phrase du Conseil constitutionnel qu’un tel amendement n’est pas nécessaire. Vous avez le droit de ne pas être d’accord, mais notre choix est d’assumer nos responsabilités.

M. Alain Vidalies. Au moins, c’est clair !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de deux amendements, nos 115 et 258, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 115.

Mme Martine Billard. Le porte-parole de l’UMP nous a expliqué tout à l’heure qu’avec cette nouvelle loi, les entreprises pourront tout aussi bien faire 220 heures supplémentaires ou n’en utiliser aucune. Deux cent vingt heures, c’est le contingent légal annuel : ce n’était donc pas la peine de modifier la loi !

Tout cela n’est pas très crédible. Le Gouvernement nous a indiqué que le nombre d’heures supplémentaires effectuées était en moyenne de 8,7 par trimestre. Le contingent de 220 heures annuelles représentant 55 heures par trimestre, la loi actuelle suffisait largement.

Vous avez aussi évoqué des cas particuliers pour lesquels il fallait aller plus loin. D’après mes déductions, il s’agit des branches du bâtiment, de l’agroalimentaire et de l’hôtellerie-restauration dont vous avez peu parlé alors que le contingent conventionnel y est de 360 heures, soit beaucoup plus que le contingent légal puisqu’il correspond à 43 heures par semaine. La durée hebdomadaire maximale étant fixée dans le code du travail à 44 heures, les salariés de l’hôtellerie-restauration sont pratiquement au taquet, si l’on peut dire.

M. Benoist Apparu. Il existe des contingents de 80 heures !

Mme Martine Billard. Avons-nous réellement besoin de cette loi ? En réalité, elle permettra de supprimer dans ces secteurs le contrôle de l’inspection du travail et l’information d’instances comme le comité d’entreprise ou les délégués du personnel, de faire faire des heures supplémentaires plus facilement et avec moins de protection pour les salariés.

La protection des salariés par la réglementation est essentielle. Pour que les relations soient pacifiées dans l’entreprise, encore faut-il qu’il y ait un équilibre entre les parties, et que chacune d’entre elles ait des droits, mais aussi des devoirs. Si nous avons eu tout à l’heure un débat sur le terme de « partenaires », c’est qu’il n’y a pas de partenariat entre un chef d’entreprise et un salarié, mais seulement un lien de subordination : c’est ainsi que l’entreprise fonctionne. Si le chef d’entreprise peut exercer son pouvoir de sanction vis-à-vis d’un salarié qui ne respecterait pas ses obligations, quelles qu’elles soient, le salarié ne peut pas sanctionner l’employeur, même si celui-ci mène l’entreprise à la faillite ! Il y a eu quelques cas notoires où, malheureusement, par la faute d’un mauvais chef d’entreprise – il en existe, comme il existe de mauvais salariés –, l’entreprise a fait faillite et le salarié ne peut rien y faire.

Notre amendement n° 115 vise à rétablir l’obligation d’informer le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, et l’inspection du travail, car c’est, selon moi, le meilleur moyen de protéger les salariés. De nos jours, beaucoup d’heures supplémentaires ne sont pas déclarées. Quand on parle de travail non déclaré, il ne s’agit pas seulement des travailleurs sans-papiers, mais plus souvent de salariés déclarés, qui font des heures supplémentaires qui, elles, ne le sont pas. Aujourd’hui, grâce au garde-fou que constitue l’inspection du travail, les salariés peuvent demander qu’elle intervienne pour être rétablis dans leur droit à ne pas effectuer les heures supplémentaires si elles ne sont pas déclarées, ou à être payés, ou encore à bénéficier d’un repos compensateur au regard des heures effectuées.

En supprimant l’obligation d’information, que ce soit au niveau de l’inspection du travail ou des comités d’entreprise, on risque de faire régner l’arbitraire dans certaines entreprises, d’autant que celles-ci ne font pas preuve de la plus grande transparence, sur les salaires par exemple : cela ne se fait pas en France de parler de ce que l’on touche, tant du côté des chefs d’entreprise que de celui des salariés, ni de dire combien d’heures supplémentaires on a effectuées. Jusqu’à présent, l’information dont disposaient les comités d’entreprise ou les délégués du personnel permettait d’estimer le nombre d’heures supplémentaires déclarées. Bien entendu, pour celles qui ne l’étaient pas, c’était plus difficile… En supprimant ce devoir d’information, vous ne pourrez qu’accentuer le flou entourant les heures supplémentaires.

J’en viens au fond de notre débat : pourquoi travailler plus…

Mme Isabelle Vasseur. Pour gagner plus !

Mme Martine Billard. …puisque tel est le leitmotiv du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En effet.

Mme Martine Billard. Il serait utile de travailler plus si cela était nécessaire pour produire les objets dont nous avons besoin. Jadis, il était nécessaire que notre pays produise davantage. Or depuis le début du XXe siècle, le temps de travail nécessaire à la production a nettement diminué. Alors, pourquoi travailler plus aujourd’hui ? Tout simplement parce que notre système économique produit des objets souvent inutiles ou dont la durée de vie est très limitée du fait de leur mauvaise qualité. Le débat de fond porte donc sur un choix de société : quel système économique, quel système de consommation et de production voulons-nous ? C’est également sur ce point que nos opinions divergent : nous, les Verts, nous pensons que si nous produisions des biens plus durables et plus utiles, nous devrions, au contraire, travailler moins.

M. Benoist Apparu. Vous oubliez les services !

Mme Martine Billard. Pas du tout ! Ce n’est pas contradictoire !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 258.

M. Roland Muzeau. L’information et le contrôle de l’inspection du travail sont les conditions, selon nous, incontournables pour une protection que je n’irai pas jusqu’à qualifier de « bonne » – on ne peut pas dire que le système actuel fonctionne merveilleusement bien.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Ah !

M. Roland Muzeau. Reste qu’il a le mérite d’exister. On peut y recourir et il est nécessaire à la protection des salariés. Tel est l’objet de notre amendement n° 258, qui rétablit ce que vous voulez supprimer, alors que vous auriez dû vous contenter d’améliorer le dispositif existant !

Nous savons tous en effet qu’une grande partie des heures supplémentaires effectuées par les salariés de notre pays n’est pas déclarée et ne fait l’objet d’aucune compensation financière. Je citais hier l’exemple du Technocentre de Renault où, pour une moitié des salariés et des techniciens, 95 % des heures supplémentaires ne sont pas déclarées, et ce, en toute impunité. S’il y avait davantage d’inspections du travail, le système fonctionnerait probablement mieux.

Le résultat – préoccupant – d’une étude européenne montre que 74 % des salariés français qui effectuent des heures supplémentaires déclarent ne percevoir aucune contrepartie. Plutôt que de vous attacher à améliorer le paiement de ces heures ou à vous assurer du respect des dispositions d’ordre public social visant le repos compensateur, vous ouvrez les vannes de la dérégulation, faisant au passage disparaître l’obligation de contrôle par l’inspection du travail et d’information du comité d’entreprise ou des délégués du personnel. Ce n’est pas ainsi que vous réussirez à faire de la valeur travail autre chose qu’un leurre visant à la normalisation de nouvelles servitudes.

Il est indispensable de prévoir l’information de l’inspection du travail et des représentants du personnel sur les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel. Tel est l’objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements, qui sont en contradiction avec le texte. Celui-ci tend précisément à lever l’obligation d’autorisation administrative…

M. Roland Muzeau. Mais pourquoi ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. ...dont le principe remonte aux début des années quatre-vingt, dans un contexte où l’on se préoccupait davantage du partage du travail. Aujourd’hui, l’objectif est de lever ce type de contraintes, et l’autorisation administrative dont vous venez de parler en est clairement une. Vous avez dit vous-même, et nous partageons votre préoccupation, que le fonctionnement actuel de l’inspection du travail ne permettait pas de répondre aux besoins. Voilà pourquoi, comme je l’ai rappelé hier, le Gouvernement actuel – dans la continuité du précédent – a lancé sur trois ans, jusqu’en 2010, une campagne active de recrutement d’inspecteurs du travail.

M. Roland Muzeau. Mais vous supprimez l’obligation d’information !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je vous renvoie au schéma élaboré par Gérard Larcher : il s’agit de recentrer les missions des inspecteurs du travail sur les conditions de travail et sur la santé, plutôt que sur les heures supplémentaires.

Enfin, en ce qui concerne l’information des instances représentatives du personnel, un amendement du rapporteur viendra tout à l’heure en discussion, qui sera susceptible de répondre aux préoccupations de nos deux collègues en la matière.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 115, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable. Nous ne supprimons pas les contrôles de l’inspection du travail, mais la formalité liée aux dépassements.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Voilà qui est habilement dit, monsieur le ministre... Mais si, demain, vous supprimez les contrôles de vitesse, d’alcoolémie, et si vous cessez de veiller au respect de l’interdiction de fumer dans les lieux publics, comment ferez-vous respecter la législation et les droits des gens confrontés à ces phénomènes ?

M. Benoist Apparu. Il ne s’agit pas des contrôles, mais de l’autorisation préalable !

M. Roland Muzeau. Aujourd’hui, le système est loin d’être parfait, mais il a le mérite d’exister, et les salariés peuvent y recourir avec les organisations syndicales ou les comités d’entreprise. Or vous supprimez purement et simplement cette possibilité de recours, ce qui est extrêmement préoccupant.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Monsieur le ministre, ces deux amendements ont trait à l’information et non à l’autorisation préalable : le ministre répond sur un amendement qui n’a jamais été déposé... L’objet de ces deux-là est de rétablir l’obligation d’information de l’inspection du travail et des institutions représentatives du personnel. Notre rapporteur annonce un autre amendement portant sur ces dernières, que nous examinerons plus loin. Mais le souhait du groupe GDR est que l’inspection du travail soit, elle aussi, informée. M. le rapporteur indique que les missions des inspecteurs du travail seront recentrées sur la santé et les conditions de travail. C’est précisément le débat que nous avons depuis le début sur cette deuxième partie du texte : à nos yeux, le nombre d’heures travaillées fait partie des conditions de travail. Ce ne sont pas les mêmes selon que l’on travaille trente-cinq heures ou quarante-quatre heures par semaine.

M. Jean Mallot. Bien sûr !

Mme Martine Billard. Le stress n’est pas non plus le même lorsqu’on travaille trente-cinq heures par semaine ou selon un forfait jours avec, comme seule limite, les onze heures de repos obligatoires. Pour nous, les heures supplémentaires font partie intégrante des conditions de travail, et ceci justifie que l’inspection du travail soit informée à cet égard. Pour connaître les conditions de travail dans l’entreprise, il faut que l’inspection du travail dispose de l’ensemble des données et, pour ce faire, il lui faut connaître l’horaire légal fixé par la loi relative aux 35 heures, mais aussi les heures supplémentaires pratiquées dans l’entreprise. Le problème est qu’aujourd’hui, de nombreuses heures supplémentaires ne sont pas déclarées. Selon une enquête effectuée dans plusieurs pays européens, à l’heure actuelle, 24 % des salariés français déclarent en effectuer cinquante – ou plus – par mois sans compensation, et 34 % affirment en effectuer quarante à quarante-neuf dans les mêmes conditions : c’est bien que la loi en vigueur n’est donc pas respectée. Aussi, il importe que l’inspection du travail puisse être informée et saisie par les salariés pour pouvoir intervenir. Aujourd’hui, neuf plaintes sur dix déposées auprès des conseils de prud’hommes portent sur le non-paiement des heures supplémentaires. Il est donc important de maintenir la possibilité d’information et de contrôle de l’inspection du travail pour assurer la défense des droits des salariés, qui doivent être rémunérés pour toutes les heures qu’ils effectuent, y compris en cas de dépassement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Premièrement, ma chère collègue, le texte supprime l’obligation d’autorisation préalable, non la possibilité de contrôle.

Mme Martine Billard. Il s’agit de l’information !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je vous renvoie à vos propres propos. Vous dites vous-même que de nombreuses heures supplémentaires ne sont pas déclarées, ce qui est malheureusement vrai. Avouez qu’il n’est guère facile de maintenir une autorisation préalable s’agissant d’heures supplémentaires non déclarées !

Mme Martine Billard. Vous préférez tout supprimer ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Non, et surtout pas la faculté de contrôler que les heures supplémentaires seront effectuées dans les conditions prévues par le droit.

Deuxièmement, je maintiens ce que j’ai dit tout à l’heure sur la question de la santé. Nous avons récemment travaillé ensemble, madame Billard, sur la pénibilité au travail. Je répète ce que j’ai répondu tout à l’heure à M. le Bouillonnec : le projet de loi ne modifie aucun des plafonds actuellement en vigueur : quarante-huit heures, quarante-quatre heures et les onze heures de repos obligatoires. Il n’aura donc aucune incidence sur cette question essentielle. Je suis attentif, comme vous l’êtes – même si nous sommes en désaccord sur les modalités –, à la question de la santé des salariés et à leurs conditions de travail, mais je maintiens que ce texte n’a pas d’incidence sur la question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Je vous mets au défi, madame Billard, vous ou tout autre député, de trouver un seul article du code du travail portant sur le contrôle que nous souhaiterions supprimer.

Mme Martine Billard. Je parle de l’information !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Soyons précis ! Vous disiez que les contrôles seraient supprimés.

Mme Martine Billard. Non, je n’ai pas dit cela !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’ai bien entendu la petite musique !

Nous assumons la suppression de l’information et de l’autorisation préalable, véritable parcours du combattant, mais vous ne trouverez aucun article qui touche en quoi que ce soit au contrôle.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Vous m’avez dit, monsieur le ministre, que le contrôle n’était pas supprimé, et je vous ai déjà répondu que l’amendement ne portait pas sur le contrôle, mais sur l’information. Finalement, vous reconnaissez que j’avais raison...

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Quel raccourci saisissant !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l’amendement n° 115.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

L’amendement n° 115 est rejeté.

Je mets aux voix l’amendement n° 258.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 221.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai également l’amendement suivant, pour éviter d’imposer des heures supplémentaires aux personnels de l’Assemblée nationale. (Sourires.)

M. Benoist Apparu. Sans parler du travail de nuit !

M. le président. Je suis en effet également saisi d’un amendement n° 222.

Vous avez la parole, monsieur Vercamer.

M. Francis Vercamer. Ainsi, je présente deux amendements à moi tout seul, quand certains se mettent à quinze pour en soutenir un ! (Rires.)

Nous le savons, le refus par un salarié de faire des heures supplémentaires peut être considéré comme une faute grave. Notre amendement n° 221 propose dont que, au-delà du contingent de 220 heures, les heures supplémentaires s’effectuent sur la base du seul volontariat. Quant à l’amendement n° 222, il a le même objectif, mais il prévoit que l’accord collectif fixera le seuil au-delà duquel les heures supplémentaires ne sont pas obligatoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission les a rejetés, parce que dans certaines branches professionnelles, le contingent est fixé au-delà de 220 heures.

M. Christian Eckert. Quel argument !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Puisque nous avons décidé de nous en remettre à la négociation entre les partenaires – je maintiens le mot –, il est souhaitable que la question du volontariat fasse partie des modalités fixées par l’accord.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. J’ai bien compris que l’amendement n° 222 était un amendement de repli…

M. Francis Vercamer. Tout à fait !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …destiné à lancer le débat.

Le projet de loi n’exclut pas le volontariat, mais je ne veux pas que l’on se substitue aux partenaires sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce n’est pas à nous de le rendre obligatoire, ou de rendre obligatoire la négociation sur le sujet.

Dans le cas contraire, comment ferait-on dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, où le plafond n’est pas de 220 heures, mais atteint 360 heures ? Certains salariés risquent de refuser les heures supplémentaires au-delà de 220 heures, ce qui entraînera des problèmes de désorganisation.

M. Francis Vercamer. C’est pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 222 !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Voilà pourquoi, sur ce sujet, mieux vaut laisser toute latitude à la négociation. Imposer le volontariat dans certaines branches ferait courir à l’entreprise comme au salarié des risques importants. Le Gouvernement est donc défavorable aux deux amendements, mais je suis heureux que nous ayons pu avoir ce débat.

M. Francis Vercamer. Je retire mes deux amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Christian Eckert. Quel acte de courage !

M. le président. Les amendements nos 221 et 222 sont retirés.

Je suis saisi de deux amendements, nos 260 et 116, et de quinze amendements identiques du groupe SRC, 381 à 395, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour soutenir l’amendement n° 260.

M. Roland Muzeau. Notre amendement précise que le refus du salarié d’exécuter des heures supplémentaires n’est pas constitutif d’une faute et ne peut être considéré comme un motif de licenciement.

Loin de permettre à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus, votre réforme, comme la loi TEPA dont elle constitue le prolongement, est un leurre. Elle ne va pas desserrer l’étau des heures supplémentaires contraintes, dont l’employeur décide seul, et que le salarié ne peut ni refuser, ni exiger. Dans nombre d’entreprises, ces heures sont imposées pour les besoins de la production. Celles régies par le volontariat sont l’exception.

Ainsi, la plupart des salariés dont le temps de travail est le plus important et le salaire le plus bas, cette France qui se lève tôt, chère à notre président – je pense en particulier aux salariés du secteur des hôtels, cafés et restaurant – ne tireront aucun bénéfice de vos mesures ; au contraire, ils les subiront de plein fouet. Pour vous, le partage du temps de travail mène à une impasse, mais que dire de vos mesures ? À l’évidence, l’allongement du temps de travail affectera non seulement les salaires, tirés vers le bas, mais aussi l’embauche et les conditions de travail et de vie.

Il est à nos yeux essentiel, si l’on entend garantir le principe du volontariat et respecter le droit à la santé ou à une vie familiale normale – valeurs protégées par notre Constitution et par la Cour européenne des droits de l’homme –, de préciser que le refus d’exécuter des heures supplémentaires n’est pas constitutif d’une faute.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l’amendement n° 116.

Mme Martine Billard. Notre amendement a le même objectif : affirmer que le refus d’exécuter des heures supplémentaires ne peut être un motif de licenciement. Notre rapporteur présente les salariés comme les partenaires de l’employeur. Mais si c’était le cas, l’employeur proposerait et les salariés disposeraient. Or, dans la réalité, c’est toujours l’employeur qui décide.

Dans un cadre défini par un contingent fixe et l’obligation de prévoir un repos compensateur en cas de dépassement, le recours aux heures supplémentaires se conçoit pour faire face à un afflux brutal de la demande – et les salariés le comprennent volontiers. Mais avec la suppression du contingent légal, tout va se jouer entreprise par entreprise. Or la négociation peut très bien aboutir à fixer un contingent au niveau le plus élevé permis par la législation, à priver les salariés de repos compensateur et à les soumettre à des heures supplémentaires obligatoires. À défaut de prévoir une possibilité de refus, vous aggraverez les risques pour la santé au travail.

Vous qui défendez le principe du volontariat s’agissant du travail le dimanche, il serait logique d’adopter la même attitude à l’égard des heures supplémentaires, au moins à partir d’un certain seuil. Le salarié doit pouvoir choisir, compte tenu de son état de santé ou de ses obligations familiales et sociales, de refuser d’aller au-delà d’un certain nombre d’heures supplémentaires.

Vous ne pouvez pas tenir un discours idéologique sur le thème « travailler plus pour gagner plus » et refuser au salarié le droit de se contenter de ce qu’il gagne en ne faisant qu’un nombre limité d’heures supplémentaires. Votre proposition déséquilibre la relation entre le salarié et l’employeur, au profit exclusif de ce dernier.

En outre, à une époque où le chômage est encore important, l’obligation d’accepter les heures supplémentaires revient à limiter la possibilité d’embauche ou de passage à temps plein des salariés à temps partiel subi ; ceux-là aimeraient bien travailler plus, mais, comme par hasard, on ne le leur propose jamais !

Enfin certains, sur les bancs de la majorité, persistent à prétendre que les salariés peuvent refuser les heures supplémentaires.

M. Jean Mallot. C’en est presque risible !

Mme Martine Billard. Je les invite donc à voter en faveur de cet amendement ou d’un amendement similaire, afin de mettre leurs actes en cohérence avec leur propos !

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.

Mme Danièle Hoffman-Rispal. Les amendements nos 381 à 395 tendent à fixer le cadre juridique des heures supplémentaires ouvrant la possibilité d’un refus pour les salariés.

Au fil des textes, on observe une flexibilité toujours plus importante, mais toujours très peu de sécurité. Adopter ces amendements aurait donc une portée politique non négligeable. Ce serait, pour votre gouvernement, un signal positif à l’heure où il dépose plusieurs projets – dérogation au repos dominical, droits et devoir des demandeurs d’emploi – qui contribueront encore à précariser les salariés.

Le moral des ménages est aujourd’hui au plus bas : avec une chute de 46 % en juin, l’indice de confiance de l’INSEE a établi son sixième record d’affilée, malgré toutes les réformes que vous lancez au prétexte de rénovation ou de modernisation. En fait, selon Georges Hatchuel, directeur adjoint du CREDOC, les Français ne voient que les désordres qu’elles opèrent sur les esprits. N’est-il pas temps de rassurer nos concitoyens qui craignent de perdre leur emploi s’ils refusent les innombrables heures supplémentaires que ce texte va permettre ? Songez aux 4 millions de salariés des très petites entreprises, dont on parle trop peu : quand une entreprise ne compte que trois salariés, il est difficile de dire non à l’employeur, quand bien même ce peut être un monsieur très bien...

Pour ces raisons, je vous demande d’adopter ces amendements qui offriront un espace de liberté aux salariés. Faute de quoi, les conséquences sur leur vie familiale, leur santé et leur sécurité seraient désastreuses. Et comme souvent, je crains que les femmes ne soient les premières à les subir !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Le salarié est-il partenaire du choix des heures supplémentaires à effectuer ? Personnellement, j’en doute. Ce que vous appelez partenariat, monsieur le rapporteur, est en réalité un rapport déséquilibré entre employé et employeur. Or il est du devoir de la représentation nationale de protéger le plus faible dans le souci de maintenir la cohésion nationale.

Prenons un exemple de ce « partenariat ». Voici un an, au matin du 23 mai 2007, près de 3 000 salariés de la société SFR, filiale de Vivendi, apprenaient par un mail de la direction l’externalisation de leur centre d’appel vers la société Infomobile. Précisons que M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, avait octroyé le régime du bénéfice mondial consolidé à Vivendi : l’entreprise était donc loin d’être en difficulté. Les salariés se sont vu proposer le maintien de leur emploi chez Infomobile, moyennant une baisse de 25 % de leur rémunération ; bon nombre ont accepté, à défaut d’autre choix. Est-ce cela, le partenariat ? Je ne crois pas.

Il est donc nécessaire d’insérer cet alinéa afin de protéger le salarié qui refuserait de faire ces heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé ces différents amendements. En effet, la jurisprudence constante sur ce sujet prévoit les cas où le refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires est justifié et motivé, notamment quand il n’a pas été prévenu suffisamment à l’avance ou lorsque le caractère systématique des heures supplémentaires induit une modification que l’on appelait autrefois « substantielle » du contrat de travail. Proposer une réponse uniforme qui ne prendrait pas en compte les différents cas d’espèce n’a pas semblé pertinent.

M. Roland Muzeau. Si le salarié n’est pas volontaire ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Accords collectifs, jurisprudence : autant de garanties pour les salariés. Avis défavorable.

M. Roland Muzeau. Circulez, il n’y a rien à voir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 260.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 116.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 381 à 395.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 259.

La parole est à M. Roland Muzeau, pour le soutenir.

M. Roland Muzeau. Le projet de loi aborde à l’alinéa 6 les dispositions de l’article L. 3121-19 du code du travail dont le second alinéa autorise, en l’occurrence, l’inspecteur du travail à interdire le recours aux heures supplémentaires afin de favoriser la création de nouveaux emplois.

Nous proposons, avec cet amendement de rétablir cette disposition et de l’enrichir d’un « notamment », ce qui ne sera fait pour déplaire à notre rapporteur. Nous souhaitons, en effet, que l’inspecteur du travail puisse également interdire le recours au dépassement du contingent d’heures supplémentaires dès lors que l’entreprise concernée emploierait un nombre excessif de salariés à temps partiel désireux de travailler à temps plein. Le temps partiel représente en France, rappelons-le, 17 % de l’emploi total et plus de 30 % de l’emploi féminin. Contrairement à ce qu’il vous arrive encore de suggérer, il s’agit rarement d’un temps partiel choisi, mais bel et bien d’un temps partiel subi. Plutôt que de laisser les salariés faire des heures supplémentaires au-delà du contingent, au risque d’aggraver leurs conditions de vie et de travail, pourquoi ne pas permettre à l’inspecteur du travail de s’opposer au dépassement de ces mêmes contingents ? Cessons de présenter le recours aux heures supplémentaires comme une démarche volontaire. Nous savons suffisamment que des chantages et des pressions s’exercent sur nombre de salariés de notre pays, individuellement ou collectivement, pour faire l’économie d’un discours idyllique sur la liberté contractuelle. J’en ai cité quelques exemples.

Nous avions déjà dénoncé la logique qui guidait le projet de loi TEPA l’an passé, le dispositif que nous examinons aujourd’hui n’en est que la suite. Sous prétexte de volontariat, vous proposez au salarié un véritable marché de dupes. Même s’il ne le souhaite pas, il sera contraint d’effectuer des heures supplémentaires. On connaît les cadences infernales imposées dans certains secteurs. J’ai cité l’exemple du Technocentre Renault. Les salariés, qui travaillent en continu deux nuits à la chaîne, ne peuvent pas se permettre d’effectuer des heures supplémentaires sans compromettre leur santé ; or c’est le plus souvent dans ce secteur que les salaires sont les moins élevés. De plus, les salariés à temps partiel ou les salariés privés d’emploi qui, eux, ont vraiment besoin de travailler se retrouvent exclus de l’embauche, les heures supplémentaires se substituant aux créations éventuelles de postes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Défavorable. J’ai déjà répondu sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques du groupe SRC, nos 396 à 410.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Je défendrai l’ensemble de ces amendements.

Nous avons déjà évoqué cette question du dépassement du contingent d’heures supplémentaires. Nous souhaitons, naturellement, que l’existence de l’accord de branche et à tout le moins sa primauté sur l’accord d’entreprise soient réaffirmés.

Alors que, pour vous, les heures supplémentaires sont devenues depuis quelque temps le nec plus ultra en matière de rémunération, en vertu du principe « travailler plus pour gagner plus », les problèmes qu’elles posent sont connus. Pourrait-on au moins se mettre d’accord sur le fait que cette disposition n’a aucun caractère général, car elle ne s’adresse dans tous les cas, et au mieux, qu’aux 38 % des salariés qui effectuent des heures supplémentaires ? Les autres ne sont pas concernés… Ensuite, nous discutons d’un contingent légal de 220 heures alors que la moyenne se situe à cinquante-cinq heures !

Compte de ce que vous venez de confirmer de l’état du droit, le salarié ne peut pas refuser d’exécuter ces heures supplémentaires, celles-ci étant considérées comme une variable d’ajustement dans la gestion de l’entreprise. L’entrepreneur – et c’est logique, nous ne le contestons pas – fera faire des heures supplémentaires quand il en aura besoin. : c’est parfaitement compréhensible pour le chef d’entreprise mais qu’en sera-t-il pour le salarié ? Personne ne peut construire un projet de vie – acquérir une maison, changer d’appartement, contracter un emprunt – sur la base d’une telle rémunération dont le caractère principal est d’être aléatoire. Même si l’on entre dans votre raisonnement, le système des heures supplémentaires entraîne sur le terrain de la précarité, puisque, d’un mois sur l’autre, le salarié n’aura aucune certitude quant au montant de ses gains. On lui demande de travailler plus pour gagner plus, mais c’est un autre qui en décide pour lui ! Tout dépend naturellement de la situation de l’entreprise. Si une personne, qui a un petit salaire devenu moyen parce qu’elle fait beaucoup d’heures supplémentaires, désire contracter un emprunt, tout banquier la traitera comme si elle était en CDD et considérera que seul le salaire de base compte, le reste étant totalement aléatoire ; il ne l’autorisera pas à emprunter sur cinq ans et encore moins sur dix, quinze, voire vingt ans pour acheter une maison. On ne peut pas continuer à débattre des heures supplémentaires comme si c’était une mesure pérenne à la disposition des salariés. Outre les problèmes de santé qu’il peut engendrer – nous en débattrons tout à l’heure – ce système créera non seulement des difficultés au travail, mais une sorte de précarité sociale, compte tenu de l’incertitude pour ceux qui sont la variable d’ajustement, c’est-à-dire les salariés. Voilà pourquoi on ne peut pas faire dépendre de la seule négociation d’un accord d’entreprise l’organisation d’un système aux conséquences si fortes sur le plan humain pour les salariés. Cela doit relever de l’accord de branche.

J’ai lu, ce matin, dans la presse que les partenaires sociaux avaient discuté hier de la santé et du stress au travail. Il semble – il serait intéressant que vous nous le confirmiez – qu’ils soient parvenus à un accord au niveau interprofessionnel. La formule serait intéressante : les organisations syndicales de salariés et le MEDEF se seraient mis d’accord pour que, sur des sujets aussi importants, les accords d’entreprise ne dérogent pas aux accords de branche. Il semblerait donc – mais si vous aviez le texte de l’accord, nous serions preneurs – que, une fois de plus, la décision des partenaires sociaux de favoriser les accords de branche soit en totale contradiction avec la position que vous défendez ici !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé ces amendements. M. Vidalies vient d’en rappeler l’esprit. Nous nous en sommes déjà expliqués en commission et en séance.

J’avais signalé en commission, lorsque nous avons auditionné le ministre, que nous devrions avoir un débat de fond sur l’état des branches professionnelles et leur éventuelle recomposition. Je crois me souvenir que nous étions d’accord. Cela ne signifie pas pour autant un retour à l’état actuel des normes dans cet ordre. On peut être préoccupé par la situation des branches sans pour autant en faire un niveau de négociation qui s’imposerait de plein droit aux entreprises, comme c’est parfois le cas.

J’avoue ne pas avoir bien compris votre argumentation, monsieur Vidalies, lorsque vous avez parlé de la prise en compte ou non par les banquiers des heures supplémentaires du salarié désirant emprunter. Je ne vois pas en quoi le maintien de l’actuelle hiérarchie des normes réglerait ce problème.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Avis défavorable.

Monsieur Vidalies, l’accord m’a été transmis au ministère. Je vous l’apporterai tout à l’heure. Je tiens, en effet, à vous apporter des précisions, car je n’en ai pas tout à fait la même lecture.

M. Alain Vidalies. Je n’ai lu que ce qu’en dit la presse.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 396 à 410.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 175.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 175.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques du groupe SRC, nos 411 à 425.

La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Ces amendements visent à ce que les conditions d’accomplissement des heures supplémentaires au-delà du contingent soient définies dans le cadre d’un accord majoritaire. La règle est simple. Si, dans une démocratie politique, la majorité est la règle, il y a, en a démocratie sociale, et c’est le moins que l’on puisse dire, des atermoiements préoccupants. Avec ce projet de loi, des accords minoritaires pourraient remettre en cause des dispositions mises en œuvre par les accords d’entreprises majoritaires. C’est ce que nous contestons au travers de ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement pour des raisons que j’ai déjà eu l’occasion de préciser.

Nous avons adopté hier, au titre Ier, des règles différentes pour la validation des accords. Il n’y a pas lieu de les modifier dans ce titre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 411 à 425.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques du groupe SRC, nos 426 à 440.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Il s’agit encore de la fameuse expression « à défaut », qui inverse la hiérarchie des normes dont, si nous n’en faisons pas un dogme idéologique, nous soulignons à chaque fois la nécessité.

J’ai parlé tout à l’heure d’un droit de vie et de mort sur les salariés, et vous en avez fait quelques effets de manches, monsieur le ministre. Je reconnais que l’expression était peut-être un peu excessive,…

Mme Sylvia Bassot. Légèrement !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Si peu !

M. Marc Dolez. Pas vraiment !

M. Christian Eckert. …mais on ne peut nier que l’employeur a sur les conditions de vie – et de mort – du salarié une influence, qu’elle soit volontaire ou non. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) On a évoqué des questions qui sont loin d’être négligeables, comme l’amiante, dont je peux parler savamment, pour des raisons très personnelles, ou les accidents de travail. Comment peut-on imaginer qu’en multipliant les heures supplémentaires, on n’aura pas de moins bonnes conditions de sécurité, en raison de la fatigue ou de l’organisation du travail ? Quant aux conditions de vie du salarié, indépendamment des éléments physiques, le stress ou le chantage au licenciement, qui existent, on ne peut le nier, même si ce n’est pas une généralité, sont des éléments importants.

C’est en raison de la subordination du salarié par rapport à son employeur qu’a été créé tout le droit du travail : c’est pour cela que l’on a inventé les prud’hommes. Je vous rappelle qu’un salarié ne peut pas témoigner en faveur de son employeur devant une juridiction civile : c’est bien que la loi aussi reconnaît la subordination du salarié. L’inversion de la hiérarchie des normes nous paraît donc particulièrement dangereuse.

La multiplication des heures supplémentaires, pour donner de la souplesse pour répondre à des marchés ponctuels, on peut la concevoir et elle est d’ailleurs prévue dans les textes en vigueur, dont une partie est issue de notre majorité. Mais concevez avec moi que, si la charge de travail est si importante que cela nécessite de dépasser des plafonds qui, aujourd’hui, en moyenne, sont loin d’être atteints, la réponse est simple : c’est l’embauche. On a tous des exemples en tête, y compris d’ailleurs dans les administrations, où le nombre d’heures supplémentaires était tel que les salariés eux-mêmes défendaient l’idée que seules des embauches pouvaient répondre à la demande.

Nous demandons donc que, dans l’alinéa 3, comme nous l’avions demandé pour l’alinéa 2, l’Assemblée supprime les mots « à défaut », qui changent toute la signification du texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Défavorable, pour les raisons indiquées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 426 à 440.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques du groupe SRC, nos 441 à 455.

La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Depuis avant-hier, nous n’avons eu de cesse de demander au ministre de nous donner quelques chiffres sur l’application du dispositif de la loi TEPA sur les heures supplémentaires. Il nous les a annoncés, un peu en avance puisque les chiffres ne seront officiels que demain. Selon Christine Lagarde, le nombre d’heures supplémentaires serait en hausse de 40% au premier trimestre 2008.

Je vais peut-être jeter un froid, mais sa comparaison s’entend entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2007. Il serait intéressant de connaître l’évolution entre le quatrième semestre 2007 et le premier semestre 2008, puisque la loi TEPA est entrée en vigueur le 1er octobre 2007.

Au premier trimestre 2008, le nombre moyen d’heures supplémentaires par salarié est de 8,7. Au quatrième trimestre 2007, il était de 8,4 heures. L’augmentation est donc de 0,3 heure. Un tel résultat montre très clairement que le dispositif, extrêmement coûteux pour les finances publiques, est relativement inefficace.

M. Benoist Apparu. S’il est coûteux, c’est que ça marche, non ?

M. Régis Juanico. Il est en tout cas bien en deçà de ce que vous espériez.

J’en viens aux amendements n°s 441 à 445, qui visent à supprimer dans l’alinéa 3 les mots « , en complément de la majoration des heures supplémentaires prévue à l’article L. 3121-22, » et à compléter cet alinéa par les mots : « , la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l’article L. 3121-22 ». Cette clarification rédactionnelle n’a d’autre but que de préciser que la majoration des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel est appliquée selon les dispositions de l’article L. 3121-22.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Je voudrais souligner un aspect qui n’a pas encore été évoqué.

À la fin du mois de novembre, monsieur le ministre, vous aviez présidé la commission tripartite d’égalité salariale. Le salaire des femmes est de 20 à 25 % inférieur à celui des hommes, Le Président Sarkozy avait déclaré qu’une telle discrimination était insupportable et qu’elle devrait avoir été éradiquée d’ici à 2010.

Or le dispositif que vous nous proposez non seulement ne va pas atténuer cette inégalité salariale mais va l’aggraver. J’ai regardé les chiffres que vous nous avez communiqués mais, comme d’habitude, ils ne sont pas différenciés par sexe : on ne distingue pas entre les heures supplémentaires qui sont faites par des hommes et celles qui sont faites par des femmes, ce qui serait extrêmement intéressant pour étudier l’évolution du phénomène.

Il y a aujourd’hui onze points de différence entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes, et un million de femmes travaillent à temps partiel non choisi. Elles n’auront pas droit aux heures supplémentaires et ne pourront pas travailler plus. Ce qu’elles attendent, ce sont des emplois à temps plein dans les services, dans les commerces, où elles sont majoritaires.

Les lois sur le temps de travail ou le pouvoir d’achat n’abordent pas cet écart salarial, qui est lié, pour 40 %, au temps de travail, pour 40 % à la qualification individuelle, et, pour 20 % à des raisons résiduelles, qui peuvent paraître anecdotiques mais qui ne le sont pas du tout, car il s’agit de la manière dont nous arrivons les uns et les autres à concilier vie familiale et vie professionnelle.

Selon des enquêtes européennes, c’est en France que les gens parviennent le moins à organiser sereinement leur vie familiale et leur vie professionnelle. Ils répondent que, lorsqu’ils rentrent chez eux le soir, ils n’ont pas la tête à s’occuper de leur vie familiale car ils continuent à penser au travail. Les RTT ont été majoritairement prises pour avoir des activités parentales, et les Français sont ceux des Européens qui souhaitaient le plus pouvoir s’y consacrer.

Avec la multiplication des heures supplémentaires, la dérégulation des horaires, l’insuffisance du délai de prévenance, on n’arrivera pas à organiser sa vie. La vie, ce n’est pas uniquement au travail. Nous sommes à la fois des parents et des salariés ou des patrons.

Il existe une très forte inégalité entre les hommes et les femmes sur ce sujet. Ce sont les femmes qui ont les emplois les plus précaires, qui sont les moins formées, qui, lorsqu’elles rencontrent des difficultés, abandonnent le monde du travail : là se pose un autre problème, dont on devra bientôt parler, celui de la retraite des femmes qui auront travaillé à temps très partiel.

Un tel dispositif qui permet de multiplier les heures supplémentaires aggrave aussi l’inégalité entre les hommes et les femmes. Or vous aviez fait de la lutte contre cette inégalité l’une vos priorités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a accepté ces amendements, car la précision est bienvenue. Le moindre de leur mérite n’est pas de rappeler l’importance du dispositif actuel de majoration des heures supplémentaires, à 25 % pour les huit premières heures, 50 % pour les suivantes, lequel demeure inchangé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.

M. Jean-Paul Charié. On voit que M. Anciaux est revenu ! (Sourires.)

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Grâce à son influence apaisante, l’atmosphère devient différente…Un rapporteur de plus et le regard de l’opposition change ! (Sourires.)

Ces amendements permettent de préciser les taux de majoration des heures supplémentaires, ce qui prouve bien que les dispositions du code du travail sur ce point ne sont pas modifiées. Il n’était pas pensable de faire le contraire de ce qui avait été prévu par la loi TEPA. Comme les heures supplémentaires, ça marche, et vous l’avez reconnu vous-mêmes,…

M. Régis Juanico. Non, 0,3 heure supplémentaire par personne !

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. …nous acceptons cette précision.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 441 à 455.

(Ces amendements sont adoptés.)

M. Jean Mallot. Grâce à M. Anciaux !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 117.

La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.

Mme Martine Billard. Jusqu’à présent, en application de l’article 3121-26, dans les entreprises de plus de vingt salariés, le repos compensateur était obligatoire, dans le contingent conventionnel ou réglementaire, à hauteur de 50 % de chaque heure supplémentaire au-delà de quarante et une heures, et, au-delà du contingent, à hauteur de 100 %.

Vous faites disparaître les repos compensateurs pour les heures accomplies dans le contingent annuel. Or ce contingent sera fixé dans l’accord.

Prenons un exemple concret : l’hôtellerie-restauration, qui a un contingent conventionnel de 300 heures supplémentaires, ce qui fait en moyenne quarante-trois heures par semaine. Jusqu’à présent, le repos compensateur était de 50% par heure entre quarante et une et quarante-trois heures, et de 100 % au-delà de ce contingent conventionnel. L’obligation de repos ne sera due désormais que pour les heures supplémentaires au-delà du contingent, ce qui veut dire que les heures comprises entre quarante et une et quarante-trois heures n’ouvriront plus droit au repos compensateur.

Par elle-même, cette disposition va faire perdre à des salariés des repos compensateurs ou leur équivalent sous forme salariale : ils gagneront donc moins pour la même durée de travail.

Mme Catherine Coutelle. Dans un secteur où il est déjà difficile d’embaucher !

Mme Martine Billard. Ce n’était effectivement pas le meilleur moment pour proposer cette disposition, étant donné les difficultés actuelles de recrutement dans la restauration.

Voilà pourquoi je propose par cet amendement de substituer aux mots « au-delà du contingent annuel », qui est négocié, par « à partir de la quarante et unième heure », quel que soit le contingent, soit le maintien de l’état actuel du droit. Cela ne fera pas peser de charge supplémentaire sur les entreprises de l’hôtellerie-restauration, exemple que j’ai retenu, dans la mesure où c’est strictement ce qui se fait aujourd’hui. Il s’agit de ne pas faire perdre aux salariés en poste les droits dont ils jouissent actuellement, et de ne pas vous mettre en porte-à-faux, monsieur le ministre, vis-à-vis du slogan de votre Président de la République : « travailler plus pour gagner plus ».

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est gentil !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, pour la raison qu’il est satisfait par l’amendement, adopté par la commission, que je proposerai dans quelques instants à la sagacité de l’Assemblée. Sans vouloir vous offenser, madame Billard, sa formulation me paraît plus conforme à l’esprit général du texte. Voilà pourquoi je suis contraint de signifier une fin de non-recevoir à votre amendement, au profit du suivant.

M. le président. J’imagine que le Gouvernement a le même avis.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Oui.

M. le président. La parole est à Mme Martine Billard.

Mme Martine Billard. Je suis désolée de devoir parler de l’amendement suivant, mais ce n’est pas la même chose. En effet, l’amendement de la commission habilite ces accords à prévoir des repos « le cas échéant, en deçà » du contingent annuel. Cela signifie que ce n’est pas obligatoire : le seuil à prendre en compte pour les repos compensateurs peut être abaissé comme ne pas l’être.

Vous reconnaissez donc que si le rapport de force est défavorable aux salariés, un accord signé par 30 % des syndicats représentatifs – et on a démontré que cela peut représenter moins de 30 % des salariés de la branche – peut réduire les droits des salariés de la branche hôtellerie-restauration.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est la négociation qui en décidera.

Mme Martine Billard. C’est donc bien une régression par rapport à la situation actuelle, et on pourra dire que vous avez permis par cette loi une réduction des salaires de la branche hôtellerie-restauration.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. C’est l’accord qui le dira !

Mme Martine Billard. Cela ne pourra qu’y améliorer l’embauche !

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 117.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 79 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je viens de le défendre, monsieur le président, et madame Billard l’a presque aussi bien défendu que moi !

M. Benoist Apparu. Mieux ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 210.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le soutenir.

M. Francis Vercamer. En cet endroit du texte, l’avis du Nouveau Centre diverge de celui du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Roland Muzeau. Quel rebelle !

M. Jean Mallot. On se lève !

M. Régis Juanico. Ça ne va pas durer !

M. Christian Eckert. Le ministre va le flatter, et il se couchera !

M. Francis Vercamer. Autant il me paraît important que l’entreprise puisse, en accord avec les partenaires sociaux, définir son quota d’heures supplémentaires et son fonctionnement interne, autant les contreparties, notamment, dans ce cas, la contrepartie en repos, doivent être fixés de manière égale pour les salariés au niveau de la branche ou au niveau national, et non pas négociées à l’intérieur de l’entreprise.

M. Jean-Paul Charié. C’est inapplicable !

M. Francis Vercamer. C’est pourquoi je propose de supprimer la fin du troisième alinéa, qui permet aux accords d’entreprise de fixer « la durée, les caractéristiques et les conditions de prise en compte de la contrepartie obligatoire en repos due ». Ces éléments d’ordre public relèveront donc du décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. L’amendement a été repoussé par la commission, au motif que ces éléments devaient faire partie des sujets de la négociation collective. La commission ne souhaite donc pas qu’ils soient fixés dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis. Chacun a bien compris que l’esprit du texte était de renvoyer à la négociation collective le soin de fixer les contreparties en repos. Vous comprendrez donc que je ne peux pas être favorable à votre amendement. J’en suis profondément désolé, monsieur Vercamer, mais si vous ne retirez pas votre amendement, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je maintiens pourtant cet amendement. Si le texte confiait la définition de ces règles de pénibilité à la convention collective, je serai tout à fait d’accord avec vous, monsieur le ministre. Mais l’accord de branche ne les définira qu’à défaut d’un accord d’entreprise, à qui il reviendra de fixer les conditions de la contrepartie obligatoire en repos. C’est là que je ne suis pas d’accord : les salariés d’une même branche, au moins, ont droit aux mêmes contreparties quand ils font le même nombre d’heures supplémentaires, même si chaque entreprise d’une branche doit pouvoir fixer des conditions d’heures supplémentaires qui lui sont propres, en fonction des marchés qu’elle a obtenus.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En supprimant le caractère obligatoire du repos, monsieur Vercamer, vous retirez une garantie aux salariés.

M. Francis Vercamer. Cette précision vient ensuite.

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Mais non ! En outre, il n’y aura pas l’obligation des 30 % ou des 50 %, ce qui est encore une garantie en moins pour les salariés. Voilà pourquoi je ne suis pas d’accord.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quinze amendements identiques du groupe SRC, nos 456 à 470.

La parole est à M. Alain Vidalies.

M. Alain Vidalies. Ce dont nous débattons là est pour nous probablement la disposition la plus contestable du texte, au point que nous nous interrogeons sur sa constitutionnalité.

La suppression du repos compensateur obligatoire, prévu et défini dans la loi, et son remplacement par le concept nouveau de « contrepartie en repos », qui relèvera, comme le volume d’heures supplémentaires de la négociation, au surplus au niveau de l’entreprise, est une novation majeure de notre droit social, et n’a strictement rien à voir avec le débat sur les 35 heures. En effet, ce que vous nous proposer de modifier est une loi du 16 juillet 1976, votée à l’initiative de M. Stoléru et créant le repos compensateur.

Le repos compensateur n’est pas une modalité d’organisation du temps de travail : c’est une protection de la santé des travailleurs. C’est à l’autorité publique qu’il revient de garantir que les exigences de l’entreprise ne remettent pas en cause la santé des salariés. Je rappelle qu’en France, plus d’un million de salariés sont victimes d’accidents du travail. Il s’agit donc d’une question de santé publique, qui justifie l’intervention de l’autorité publique.

Allez-vous laissser aux clients d’un débit de boisson ou d’un restaurant le soin de négocier avec le patron le droit de fumer dans l’établissement ou de ne pas y respecter les règles en matière de prévention de l’alcoolisme ? Allez-vous laissser aux usagers des autoroutes le soin de négocier avec les concessionnaires le droit de rouler à cent quatre-vingts à l’heure ?La santé publique n’est pas un espace de liberté individuelle ; elle relève de l’autorité publique, qui doit protéger la santé des salariés.

Alors pourquoi faire passer tout à coup dans le champ de la négociation ce qui relevait jusqu’à présent, et depuis bien avant les 35 heures, de la santé publique ? Et vous le faites avec force, puisque, comme l’a relevé Martine Billard, vous faites disparaître le droit à un repos compensateur à partir de la quarante et unième heure dans la semaine, ce qui est la première conséquence de votre texte. Vous éliminez purement et simplement une mesure de protection dont les salariés bénéficiaient depuis longtemps, pour renvoyer le tout, y compris les effets du dépassement du contingent d’heures supplémentaires, à la négociation.

Cela a deux conséquences. Vous faites d’abord de la santé un objet de négociation, ce qui est une première, même pour vous : il ne vous était jamais venu à l’idée de négocier sur une telle question !

S’il peut y avoir une différence d’approche politique sur la question du contingent d’heures supplémentaires, il me semblait que les questions de santé publique faisaient l’objet d’un consensus. Ce droit n’a d’ailleurs, en dépit des alternances politiques, jamais été remis en cause depuis 1976, ni par nous ni par vous. Et voilà qu’aujourd’hui vous franchissez subitement ce pas.

Cela signifie que, dès demain, on pourra dans une entreprise revenir sur ce droit. Il s’agit en effet de permettre de négocier ce droit à la baisse : si vous aviez considéré qu’il s’agissait d’un minimum, le respect de la hiérarchie des normes permettait de l’améliorer au niveau de l’entreprise. Si telle avait été votre conception de la négociation sociale, vous nous auriez trouvés à vos côtés. Mais votre texte supprimant ce droit et renvoyant à la négociation, on négociera forcément à la baisse.

À l’extrême limite, une négociation interprofessionnelle, voire de branche, même si nous y sommes également opposés, aurait constitué un filet de sécurité, ce qui n’est pas le cas d’une négociation au niveau de l’entreprise s’agissant de droits qui bénéficient aux salariés.

Autre conséquence, que Martine Billard et Roland Muzeau ont eu raison de souligner, cette suppression du repos compensateur entraînera une diminution de la rémunération à activité constante. Et quand cette régression aura été acceptée dans une entreprise, les autres entreprises de la même branche seront contraintes de remettre en cause ce droit. Mais vous le savez bien, puisqu’il s’agit pour vous d’organiser la concurrence.

C’est donc probablement la disposition la plus grave de votre projet de loi, au point que nous considérons qu’elle est contraire au onzième alinéa du préambule de la Constitution.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, cette remise en cause des dispositions du droit du travail relatives au repos compensateur obligatoire figure parmi les mesures les plus noires de ce projet de loi.

Depuis le début de nos débats, vous n’avez de cesse d’expliquer que votre volonté est d’aller de l’avant, que ce texte soit une avancée pour tous. À l’évidence, loin d’aller de l’avant, vous faites totalement machine sur un point essentiel du droit social de notre pays.

Si je devais faire le compte des gains et des pertes induits par ce projet de loi, je ferais remarquer tout d’abord que le gain est important pour les chefs d’entreprise, qui ont désormais une plus grande liberté pour fixer le nombre d’heures supplémentaires. Nous avons tout à l’heure démontré, à propos du lien de subordination, que le choix des heures supplémentaires est fait par l’employeur, jamais par le salarié. Vous avez fait également le choix de réduire le coût de ces heures supplémentaires en rognant sur la contrepartie accordée jusqu’alors aux salariés.

Le dispositif que vous nous proposez va finalement fragiliser encore plus les salariés dans leur rapport avec l’entreprise, ce qui est d’autant plus préoccupant que cela sera notamment le cas pour les domaines dans lesquels les salariés sont déjà les plus fragilisés. Vous insistez fortement sur les éléments destinés à montrer que ce texte introduira une plus grande compétitivité, mais nous vous avons rappelé tout au long de nos débats que vous alliez surtout mettre en place une concurrence croissante entre les entreprises. Les choses sont très claires : comment imaginer que le gain réalisé sur le repos compensateur ne soit pas un élément de la compétition entre les entreprises ? Pourquoi cet élément constitutif du coût du travail ne serait-il pas pris en compte – ce qui aurait des incidences très sérieuses ? C’est dramatiquement grave pour le droit du travail, comme vient de le souligner M. Vidalies, mais cela l’est tout autant pour la santé des salariés. Le risque est en effet, je le répète, que les salariés ne choisissent pas les heures supplémentaires, mais qu’on les leur impose. De fait, même si ce n’était pas le cas, comme le promet M. Apparu, le risque est que, compte tenu des problèmes de pouvoir d’achat qu’ils rencontrent, les salariés soient quasiment contraints de les accepter pour améliorer un tant soit peu leur salaire.

Le risque principal reste, bien sûr, l’incidence sur la santé. Les statistiques publiées récemment font apparaître que les accidents du travail accusent depuis plusieurs années une tendance à la hausse qui mérite d’être soulignée. Il apparaît, d’autre part, que le nombre de nouveaux cas de maladies professionnelles a augmenté en 2004 et 2005 de 9,7 %. Le stress est aussi un élément de plus en plus important, au point que vous avez souhaité qu’on puisse en discuter.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Du fait des 35 heures !

M. Christophe Sirugue. À l’évidence non ! De ce point de vue, les 35 heures sont un plus.

M. Benoist Apparu. Comment le stress peut-il augmenter alors que le temps de travail a diminué ? C’est bizarre !

M. Jean Mallot. Ils ne veulent pas comprendre !

M. Christophe Sirugue. Quand on ne veut pas comprendre, on ne comprend pas !

M. Christophe Sirugue. Nous vous avons dit tout à l’heure que la question des 35 heures ne pouvait pas être déconnectée du tout dans lequel elle s’intègre et nous avons démontré que, dans de nombreuses entreprises, les négociations menées dans le cadre de la mise en place des 35 heures, les premières depuis des années, ont permis aux entrepreneurs et aux salariés d’améliorer les rapports du travail dans l’entreprise. Vous proposez aujourd’hui de défaire des éléments qui formaient déjà un tout bien avant les 35 heures, mais qui représentent une sécurité.

M. Benoist Apparu. À quoi est due l’augmentation des accidents du travail ?

M. Christophe Sirugue. Votre approche est idéologique !

M. Roland Muzeau. Réac !

M. Jean Mallot. Dogmatique !

M. Christophe Sirugue. En tout état de cause, il est clair que, si vous deviez maintenir cette disposition, vous seriez parmi ceux qui auraient fait régresser le droit du travail dans ce pays. Ce que nous vous proposons avec cet amendement, c’est de ne pas entrer dans cette logique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Sur cette question importante, nous tenons à défendre chacun notre amendement. Il est en effet question ici de santé au travail et de bien-être, ce qui nous ramène d’ailleurs au débat que notre ami et collègue Christian Eckert a évoqué à plusieurs reprises dans ses interventions, et notamment aux indicateurs de développement humain et à la question du bonheur au travail. M. Eckert a cité très à propos le mot de Joseph Stiglitz : « Travailler moins pour être plus heureux ».

Mme Martine Billard. Jolie citation !

M. Jean Mallot. Jolie, en effet, mais elle m’en rappelle une autre, tirée d’une chronique d’Alexandre Vialatte, que je ne résiste pas au plaisir de vous citer à cette heure tardive, avant de nous séparer pour dîner. (Sourires) : « Sans bonheur, l’homme n’est pas heureux. » (Rires sur de nombreux bancs.)

M. Benoist Apparu. Ce ne serait pas plutôt de M. de La Palice ?

M. Jean Mallot. « Quand on s’ennuie, le corps souffre, la constitution s’altère, les maladies surviennent. Quand on est heureux, c’est tout le contraire : on donne de grands coups de pied dans les réverbères, on tire la queue des chats… » (Sourires.) La question du bonheur est – c’est bien naturel – au centre des préoccupations de tout un chacun.

Plus sérieusement, ce dont il est question dans les amendements que nous proposons, c’est la santé au travail et, pour la préserver, de l’articulation entre la loi et la négociation – je n’y insisterai pas, car cela a déjà été brillamment démontré. Il est bien évident toutefois, et j’espère que le Gouvernement nous suivra sur ce point, qu’on ne peut pas renvoyer ces questions de santé au travail à la négociation entre des parties dont on a vu tout à l’heure que le rapport n’est pas équilibré. Il faut que la loi joue son rôle à cet égard et garantisse les dispositions d’ordre public visant à préserver la santé des salariés au travail.

Mme Martine Billard. « Les prisonniers du boulot font pas de vieux os ! »

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Pour compléter les propos de M. Sirugue, je citerai les statistiques de ce trimestre relatives aux accidents du travail, qui portent à la fois sur les accidents survenus à l’occasion du travail et sur ceux de la circulation et des déplacements survenus pendant le temps de travail ou pour se rendre au travail. Depuis des années, le nombre d’accidents du travail survenus, déclarés et reconnus est en diminution. Or, si le nombre d’accidents du travail avec arrêt s’inscrit toujours dans cette tendance en 2004-2005, les évolutions à la baisse sont moins marquées et les chiffres de 2006 accusent une hausse par rapport à ceux de 2005. Le nombre des accidents du travail est donc déjà sur une pente ascendante et l’augmentation des heures supplémentaires risque d’aggraver le nombre d’accidents survenus pendant le temps de travail ou sur le lieu de travail.

La proportion des accidents avec arrêt de travail par rapport à l’ensemble des accidents survenus est en notable augmentation depuis plusieurs années. La part des accidents avec incapacité permanente, qui avait tendance à diminuer entre 2000 et 2001, connaît elle aussi une augmentation, supérieure de 10 % à celle des autres causes d’arrêt de travail. On observe donc déjà une tendance à l’aggravation des accidents du travail, que va aggraver la diminution des repos compensateurs.

M. le président. Mes chers collègues, je vous indique – et ce n’est pas seulement pour répondre à la suggestion de M. Mallot, qui pensait déjà à l’heure du dîner – qu’à la demande du Gouvernement, nous lèverons la séance à dix-neuf heures vingt.

M. Christophe Sirugue. C’est donc bien que quelqu’un a prévu d’aller dîner !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je reviendrai brièvement sur quelques éléments déjà évoqués, en en ajoutant un ou deux.

Vous nivelez par le bas, monsieur le ministre. Une fois de plus, vous faites de cet élément fondamental qu’est le repos compensateur un élément de la concurrence entre les entreprises. Les exemples qui ont été cités – Continental Edison, Goodyear ou, non loin de ma circonscription, Sarreguemines – montrent que ce phénomène peut faire tache d’huile. Lorsque, dans un secteur – géographique, mais aussi secteur d’activité –, une entreprise prend une décision en la matière, les autres entreprises font de cet exemple un argument pour expliquer aux salariés qu’il n’y a pas de raison de ne pas faire la même chose, au motif que l’entreprise risquerait de ne pas survivre et les salariés de perdre leur emploi.

La question du repos compensateur me conduit, monsieur le ministre, à évoquer un sujet important que vous souhaitiez, je crois, aborder au mois d’octobre : le travail du dimanche. Je ne comprends pas l’idée selon laquelle l’ouverture des commerces le dimanche aurait pour effet que les gens achèteraient davantage. Les gens achètent quand ils peuvent acheter, quand ils ont des besoins et les moyens de satisfaire ces besoins et leurs envies. Certes, si un seul magasin ouvre le dimanche, son chiffre d’affaires en sera sans doute conforté, mais je ne vois pas comment, le fait que tous les magasins en fassent autant pourrait profiter à la consommation et à la bonne marche de notre économie.

Comme l’a fort bien montré tout à l’heure notre collègue Muet, il en va de même des repos compensateurs : si une seule entreprise adopte une pratique sociale s’apparentant au dumping vers le bas, elle pourra peut-être individuellement y gagner, mais si toutes les entreprises l’imitent, il est bien évident que toute notre économie y perdra.

Plusieurs de nos collègues ont en outre rappelé la nécessité des repos compensateurs pour la sécurité dans l’entreprise. En allongeant les journées de travail, vous prenez le risque de supprimer ces repos compensateurs – ou de moins de les voir diminuer ou disparaître. Pour les chauffeurs de poids lourds, la loi ne prévoit-elle pas qu’au-delà d’un certain nombre d’heures de travail, ils doivent prendre un repos qui leur permettra de reprendre leur activité dans des conditions satisfaisantes de sécurité individuelle et collective ?

Enfin, puisque le ton est au lyrisme et que Jean Mallot a eu la gentillesse de rappeler une phrase de Joseph Stiglitz – je ne parle pas de sa deuxième citation, qui, si je puis me permettre cette remarque, aurait pu être de Pierre Dac. Or, dans la même interview du 28 janvier 2008 sur ce qui reste de la radio publique, Joseph Stiglitz déclarait également : « Quand on n’a pas de temps libre, on ne voit pas sa famille ». Peut-être cette phrase est-elle un peu moins profonde que la citation précédente, mais du moins la famille peut-elle être ici, outre celle des liens du sang ou du mariage, une famille politique, sociale ou philosophique. Prendre le risque de supprimer ou de voir diminuer les repos compensateurs peut être très préjudiciable à l’épanouissement de notre société. Notre ambition n’est-elle pas, finalement, de favoriser l’épanouissement individuel et collectif de l’ensemble de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Régis Juanico. Monsieur le président, tous les auteurs d’amendements n’ont pas eu la parole !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Je vous en prie, monsieur Juanico : je me rassieds et j’attendrai mon tour.

M. le président. Chers collègues, tous les auteurs d’amendements identiques n’ayant pas systématiquement voulu prendre la parole pour les défendre au cours de notre débat, il faudrait que vous manifestiez plus clairement votre souhait d’intervenir.

M. Régis Juanico. Nous sommes conciliants, monsieur le président. Dans le cas présent, je peux considérer que mon amendement est défendu.

M. le président. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole. Je suis désolé de vous imposer cette gymnastique – qui, au demeurant, n’est pas forcément mauvaise. (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Cette dernière réflexion frise le fait personnel, monsieur le président. (Sourires.)

La commission a repoussé ces amendements identiques pour plusieurs raisons, dont la principale, qui ne vous aura pas échappé, est qu’alors que le projet de loi vise à faire en sorte que le régime de repos compensateur soit déterminé désormais par une négociation, ils visent à rétablir le régime actuel, qui le formule dans la loi. Il s’agit donc là d’une opposition orthogonale.

M. Christophe Sirugue. Qu’est-ce que l’orthogonalité vient faire là-dedans ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Orthogonal signifie : « à angle droit » – à 90 degrés, si vous préférez.

M. Christian Eckert. Je ne m’appelle pas Eckert pour rien : vous n’allez pas m’apprendre ce que c’est qu’un angle droit ! (Rires.)

M. Christophe Sirugue. Un angle droit, ce n’est pas une opposition frontale !

M. Jean Mallot. Ne serait-ce pas plutôt à 180° ?

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Après tout, je parle comme je veux ! (Rires sur de nombreux bancs.)

M. le président. Monsieur le rapporteur, ne vous laissez pas distraire par des propos orthogonaux, sans doute liés à des odeurs apéritives… (Sourires.) Veuillez poursuivre.

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. Vous voyez, mes chers collègues, le président est d’accord avec moi !

Par ailleurs, j’en viens à la question de la santé des salariés. M. Vidalies a, me semble-t-il, allégué d’un risque d’inconstitutionnalité sur ce point. Mais je me permets de vous renvoyer à la décision du Conseil constitutionnel du 29 juillet 2005, qui statuait, non pas sur les heures supplémentaires, mais sur les forfaits-jour. Il s’agissait de savoir dans quelles circonstances on peut considérer que la loi méconnaît les assurances qui doivent être données aux salariés s’agissant de leur santé. Il a décidé que si un accord détermine les catégories de salariés concernés, si cet accord est clair, s’il prévoit bien le bénéfice du repos quotidien de 11 heures et du repos hebdomadaire de 35 heures prévus par les articles afférents du code du travail, et s’il respecte le plafond de jours travaillés par an, les garanties légales et constitutionnelles du respect de la santé des travailleurs ne sont pas ignorées. Le texte du projet de loi ne méconnaissant pas les exigences que je viens de rappeler, je ne vois pas à quel titre on pourrait alléguer d’un risque d’inconstitutionnalité sur cet article.

M. Jean Mallot. On verra !

M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur. La commission a donc repoussé ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Régis Juanico. Ça va être carrément orthogonal ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

M. Francis Vercamer. Le Nouveau centre votera ces amendements. En effet, dans le prolongement de celui que j’ai présenté tout à l’heure, il me semble important de garantir les repos compensateurs des salariés qui effectuent des heures supplémentaires. Si mon amendement avait été adopté, je ne les aurais bien sûr pas votés puisque je proposais que les conditions de la prise du repos compensateur soient fixées par décret.

De surcroît, à partir du moment où l’accord d’entreprise peut fixer des repos compensateurs ou des contreparties sans tenir compte de la branche, c’est contraire à l’égalité de traitement entre les salariés de la même branche.

Je me sens donc obligé de voter ces amendements. Je le regrette, monsieur le ministre, mais c’est dans la continuité de ce que j’avais dit tout à l’heure. Je présenterai d’ailleurs un amendement tendant à supprimer l’alinéa abrogeant les repos compensateurs.

M. le président. Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 456 à 470.

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)