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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 14 janvier 2009

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

Avant l’article 1er (suite)

Amendement no 53 rectifié à 74 rectifié

Rappels au règlement

M. Patrick Ollier

M. François Brottes

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-Luc Warsmann,

M. Jean-Marc Ayrault

Avant l’article 1er (suite)

Amendement no 867 à 888

Rappel au règlement

M. Patrick Roy

Reprise de la discussion

Demande de vérification du quorum

M. Jean-Marc Ayrault

Rappels au règlement

M. Jean-François Copé

M. Jean-Marc Ayrault

Amendement no 889 à 910

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Application des articles 34-1, 39 et 44
de la Constitution

Suite de la discussion d’un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 1314, 1375).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements nos 53 rectifié à 74 rectifié portant article additionnel avant l’article 1er.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la présidente, permettez-moi tout d’abord de vous souhaiter la bienvenue pour présider nos débats, à la suite de M. Accoyer lui-même et de M. Salles.

J’interviens sur l’application du règlement puisque, vous en conviendrez, s’agissant d’un projet de loi organique qui sera automatiquement soumis au Conseil constitutionnel, le respect de la procédure revêt une particulière importance. Or, vous le savez, nous y reviendrons dans la suite de la discussion, le président de l’Assemblée, M. Accoyer, s’appuyant sur l’article 127, alinéa 3, du règlement, a écarté 1 015 amendements déposés par notre groupe, les considérant comme irrecevables – le fait est précédent dans l’histoire parlementaire.

Je souhaite que nous fassions le point sur cette question afin que le débat continue dans une atmosphère plus sereine. Nous avons obtenu un premier élément d’information de la bouche de votre prédécesseur au perchoir sur la façon dont se décomposaient ces 1 015 amendements selon le motif invoqué par le président pour les écarter. Il s’agissait en fait du texte d’un communiqué de presse, preuve que le président de l’Assemblée nationale avait ressenti le besoin d’informer la presse des raisons pour lesquelles il avait écarté ces amendements avant même d’en informer les parlementaires dans l’hémicycle, ce qui est tout de même assez inconvenant.

Reste que nous avons obtenu un début de précision : nous savons désormais que 433 de ces 1 015 amendements ont été écartés au motif de l’article 127, alinéa 3 du règlement, 577 au motif qu’ils faisaient référence aux circonscriptions d’élection de nos collègues et 5 sous prétexte qu’ils comporteraient des « injonctions » – nous aimerions d’ailleurs savoir en quoi.

Dès lors une question tombe sous le sens : quelle est notre voie de recours ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà qui ne manque pas d’air !

M. Jean Mallot. Un de nos collègues a évoqué une sorte de proportionnalité entre le nombre d’amendements déposés par notre groupe et le nombre de ceux qui pourraient être déclarés irrecevables. C’est tout de même étonnant ! Ainsi, si nous déposions cent amendements, on pourrait en écarter dix, et deux cents si nous en déposons deux mille… Étrange manière d’appliquer le règlement !

J’en viens maintenant à l’argument selon lequel ces amendements seraient répétitifs. Il se trouve qu’ils ont été déposés par des parlementaires différents. Les écarter collectivement revient à nier le droit d’amendement individuel.

M. René Dosière. Tout à fait !

M. Jean Mallot. Le droit constitutionnel est sur ce point constant : le droit d’amendement des parlementaires est individuel. Il ne peut y être porté atteinte et, par conséquent, les examiner collectivement est totalement irrégulier. Ils doivent donc être examinés individuellement, ce que nous souhaitons.

Conformément à l’article 98 du règlement, nous demandons que la recevabilité de chacun de ces amendements – le droit d’amendement, j’insiste, étant individuel – soit soumise à l’appréciation de l’Assemblée. Je ne vois que cette modalité de recours. À défaut, nous serions bien en présence de ce que j’ai qualifié, faute de mieux, de coup de force du président de l’Assemblée.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne faites que vous répéter !

M. Jean Mallot. Je n’imagine pas que le président souhaite voir sa carrière politique entachée par ce coup de force et rester dans l’histoire comme celui qui aurait écarté d’un coup 1 015 amendements – du jamais vu dans l’histoire parlementaire !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a en réalité que quarante amendements !

M. Jean Mallot. Mon intervention s’inscrit parfaitement dans le cadre d’un rappel au règlement, madame la présidente. Tout le monde en convient et j’ai d’ailleurs été écouté dans le silence, ce dont je remercie mes collègues de la majorité. Il est important que vous répondiez aux quelques questions qui demeurent en suspens, de manière que le débat se déroule le plus sereinement possible ; pour notre part, croyez-le bien, nous y contribuerons.

M. Claude Goasguen. Merci bien !

Mme la présidente. Monsieur Mallot, j’ai assisté de mon bureau à la fin de la séance à laquelle vous faites allusion et j’ai pu constater que notre collègue Rudy Salles n’a pas manqué de vous donner certaines précisions. Néanmoins, je vous rappelle que le président Accoyer a eu l’occasion d’expliquer…

M. Jean Mallot. Par un communiqué de presse !

Mme la présidente. …les motifs qui l’ont conduit à refuser le dépôt d’amendements en application de l’article 127 du règlement.

Vous me demandez quelles voies de recours s’offrent à vous.

M. Jean Mallot. En effet !

Mme la présidente. Ce n’est pas au parlementaire que vous êtes que j’aurais la prétention d’apprendre que le Conseil constitutionnel sera de toute façon saisi, comme c’est le cas pour tout projet de loi organique, et qu’il aura dès lors tout loisir de juger du bien-fondé de la décision prise.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, rapporteur. Absolument !

Mme la présidente. Enfin, vous demandez un complément d’explication sur certains amendements refusés au titre de l’injonction. Je vous donne l’exemple d’un amendement que j’ai sous les yeux, présenté par MM. Urvoas, Ayrault et quelques autres – je vous fais grâce de la lecture des noms de tous les cosignataires, sachant qu’il s’agit de membres du groupe socialiste, radical et citoyen.

M. René Dosière. Députés qui n’en sont pas moins honorables !

Mme la présidente. Cet amendement portant article additionnel avant l’article 6, vise à insérer l’article suivant : « Lorsque le Président de la République commande au Gouvernement de faire adopter au plus vite un projet de loi, le Premier ministre doit s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un simple caprice. » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Merveilleux !

M. Claude Goasguen. Bravo ! Que d’élévation !

Mme la présidente. Voilà typiquement une injonction.

Ainsi, à la lumière de ces explications, nous allons pouvoir passer procéder à l’examen des amendements portant articles additionnels avant l’article 1er.

Avant l’article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 53 rectifié à 74 rectifié, portant article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 53 rectifié.

M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la présidente, avant que nous n’abordions la discussion des quatorze articles que compte ce texte, je reviens un instant sur les éléments d’information que vous venez de nous donner. M. Mallot, à la fin de la séance précédente, a demandé très clairement quel était le nombre d’amendements écartés au titre de l’article 127. Or vous ne nous avez pas donné cette information, madame la présidente. Comme je me doute qu’il ne s’agit pas d’un secret défense, vous saisirez certainement l’occasion d’y revenir…

L’article que nous proposons d’ajouter avant l’article 1er vise à élargir le contenu du texte. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit sept renvois à des lois organiques, deux à des lois ordinaires et deux aux règlements des assemblées.

Prenant le Gouvernement au mot et croyant que sa volonté était bien de renforcer les pouvoirs du Parlement et de donner de nouveaux pouvoirs aux citoyens, nous avons été surpris de constater que les premiers textes déclinant la révision constitutionnelle ne visaient pas à accorder les droits supplémentaires escomptés : le premier dont nous avons été saisis porte sur le retour des ministres au Parlement après qu’ils auront quitté le Gouvernement… Chacun conviendra qu’il ne s’agit pas vraiment du type de disposition propre à revaloriser le rôle du Parlement, mais plutôt de nature à servir les membres du Gouvernement auparavant parlementaires et qui retrouvent donc désormais automatiquement leur siège.

On note d’ailleurs que le Conseil constitutionnel a censuré une disposition visant à attribuer définitivement à son suppléant le siège auparavant occupé par un membre du Gouvernement qui refuserait de retourner au Parlement.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce qui n’a surpris ni la commission des lois ni ses membres.

M. Jean-Jacques Urvoas. Absolument ! Cela n’a pas surpris les membres de la commission qui avaient eu à traiter de la question. Mais l’application du droit permet parfois de corriger la mauvaise volonté de ceux auxquels le président de la commission a fait allusion.

Était ensuite prévue une habilitation à prendre des ordonnances autorisant le Gouvernement de redécouper nos circonscriptions. On conviendra ici encore aisément que cette disposition est moins de nature à revaloriser le rôle du Parlement qu’à permettre à l’exécutif de procéder à des opérations toujours très délicates pouvant mettre à mal les intérêts des uns et des autres.

Vous noterez d’ailleurs, là encore, que, dans sa décision du 8 juillet 2008, le Conseil constitutionnel a émis des réserves qui ne vont pas rendre la tâche facile au Gouvernement, d’autant que, une fois de plus, la commission des lois l’avait mis en garde sur le fait que la création de sièges de députés des Français de l’étranger présentait des inconvénients en termes de définition du corps électoral. Le ministre n’a pas entendu les arguments que nous avons fait valoir en commission pour ne retenir que l’idée d’un corps électoral très restreint, envisageant de créer entre sept et neuf députés des Français de l’étranger, alors que le Conseil constitutionnel vient de lui suggérer d’élargir le corps électoral pour passer à onze ou douze députés représentant nos concitoyens vivant en dehors du territoire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Mais quel est le rapport avec le texte ?

M. Jean-Jacques Urvoas. Le troisième texte dont nous avons à discuter est, à croire les propos du ministre de l’intérieur, ce projet de loi élargissant nos compétences.

Il manque donc, à nos yeux, un article, qui était d’ailleurs, chronologiquement, le premier dans lequel la révision constitutionnelle renvoyait à la loi organique, je veux parler de l’article 11. Cet article traite du référendum. Après de multiples propositions d’amendement, y compris de notre groupe, la révision intégrait finalement la création de ce que l’on a appelé, d’ailleurs probablement un peu vite – nous y viendrons une fois cet amendement adopté –, le référendum d’initiative populaire. Nous avons constaté que, malheureusement, cet article 11 n’était pas intégré dans le projet de loi organique. L’article additionnel que je vous propose vise à préciser la nature de ce régime d’initiative partagée qui est mis en place par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et qui doit faire l’objet d’une loi organique, ce que personne ne conteste.

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Jean-Jacques Urvoas. Une phrase encore, madame la présidente, en vous remerciant de votre bienveillance : le régime que nous vous suggérons s’inspire des propositions du rapport Vedel, dont chacun connaît la densité, comme la qualité de ceux qui y ont travaillé.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 54 rectifié.

M. Dominique Raimbourg. L’amendement n° 54 est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n° 55 rectifié.

M. Bruno Le Roux. C’est la méthode même du Gouvernement qu’il nous faut commencer par mettre en perspective.

Si nous nous sommes prononcés contre cette révision constitutionnelle, c’est parce que nous l’avons trouvée éminemment partisane. Elle était faite pour que le Président de la République voie satisfait son vœu de venir s’exprimer devant notre assemblée ; le reste, et notamment tout ce qui touchait à notre démocratie, à sa respiration, à un surcroît de considération pour le Parlement, à l’association du peuple aux processus politiques, n’était que fariboles…

Nous en avons une démonstration évidente depuis l’été dernier. Quelle a été la première loi organique soumise à notre assemblée ? Nous aurions pu penser que le droit de suffrage des Français, dont le Conseil constitutionnel nous répète depuis des années qu’il n’était plus respecté, devait donner lieu à un chantier d’importance, non partisan, permettant de réformer véritablement, à partir de l’un des ajouts qui ont été apportés à notre Constitution. Vous auriez pu en faire la pierre angulaire d’un nouveau système démocratique qui s’éloignerait du système partisan que vous avez toujours voulu mettre en place.

Une commission indépendante aurait pu permettre de faire en sorte que le redécoupage s’opère dans des conditions parfaites, en tout cas déliées de l’esprit partisan que nous avons connu jusqu’à ce jour, quand il était fait par ceux qui tiennent les ciseaux, qu’ils fussent issus du RPR hier ou de l’UMP aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Roy. Ce sont les mêmes officines !

Mme la présidente. Monsieur Roy, laissez notre collègue s’exprimer.

M. Bruno Le Roux. Son interruption ne faisait qu’ajouter à ma démonstration…

Vous avez choisi de commencer la série des lois organiques avec la mise en place d’une commission qui n’a absolument rien de démocratique. C’est la première démonstration de ce que sont devenues les intentions que vous affichiez l’été dernier, lors de la révision constitutionnelle. On voit aujourd’hui que ce redécoupage se fera dans le même cadre partisan, avec une commission dite « indépendante », que je qualifierais simplement de constitutionnelle, qui ne garantira en rien l’indépendance d’un travail qui sera très certainement mené dans les officines de la rue La Boétie. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Albarello. Les officines du PS, on les connaît !

M. Bruno Le Roux. Pour ce qui est de la deuxième loi organique,…

M. Yves Albarello. Nous n’avons pas de leçon à recevoir de vous. Nous nous souvenons d’Urba-Gracco !

M. Bruno Le Roux. …vous auriez pu commencer par les nouveaux droits accordés à nos concitoyens.

M. Yves Albarello. Appelez M. Dray !

M. Bruno Le Roux. Vous auriez pu, dans cette deuxième loi organique, vous dire que, après vous être adressés à l’UMP,…

M. Élie Aboud. Parler d’« officines », quel scandale !

M. Bruno Le Roux. Les officines vous gênent ? C’est très certainement que vous les connaissez beaucoup mieux que nous, monsieur Aboud.

M. Yves Albarello. M. Dray en connaît, des officines, lui qui s’achète de belles montres !

M. Bruno Le Roux. Je n’ai pas de montre, je fais confiance à la présidente pour me dire quand mon temps de parole sera épuisé.

Mais ma démonstration n’est pas finie. Après vous être occupés de vous, dans ce redécoupage, vous auriez pu vous occuper de nos concitoyens, notamment en mettant en œuvre les nouveaux droits que vous aviez dit que la révision constitutionnelle pouvait leur offrir.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous le ferons !

M. Bruno Le Roux. Je pense notamment à ce référendum d’initiative populaire. Au lieu de cela, vous avez décidé de restreindre les droits du Parlement. Nous en parlons maintenant depuis plusieurs heures, sans que vous souhaitiez aller plus loin, ou en tout cas reconnaître que ce texte vous prive, autant que nous, demain, de la capacité de vous exprimer dans cet hémicycle.

C’est pour cela que nous avons souhaité, par cet amendement, essayer de remettre les choses dans l’ordre. Si vous aviez voulu créer de la confiance, faire en sorte qu’il puisse y avoir un véritable débat sur les conséquences de la révision constitutionnelle, alors il aurait fallu – mais le temps est passé – mettre en place, pour le redécoupage électoral, une véritable commission indépendante, avant de faire adopter vos textes partisans. Alors, il aurait fallu, aujourd’hui, avant même que nous entamions l’examen du premier article de ce texte, adopter un amendement qui soit un signe pour chacun de nos concitoyens, en prévoyant la possibilité d’un référendum d’initiative populaire.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Référendum d’initiative conjointe !

M. Bruno Le Roux. Nous ne comprendrions pas que vous n’engagiez pas le débat avec ce signe de confiance.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 57 rectifié.

Mme Delphine Batho. Pour prolonger les propos de mes collègues Jean-Jacques Urvoas et Bruno Le Roux, je dirai que nous assistons effectivement à une sorte de mascarade, après les engagements pris lors du débat sur la révision constitutionnelle. Cela vient d’être parfaitement expliqué s’agissant de la procédure référendaire.

M. Christian Jacob. Mais vous n’avez pas voté la révision constitutionnelle ! Et vous ne voterez pas cette loi-ci !

M. Jean Mallot. Vous pourriez écouter Mme Batho, quand même !

Mme Delphine Batho. À ce stade du débat, il me semble aussi utile de souligner que la présentation de ce projet de loi organique n’applique même pas la procédure qui a été inscrite dans la Constitution en juillet dernier.

Le nouvel article 46 de la Constitution dispose que les projets ou propositions de loi organique ne peuvent, « en première lecture, être soumis à la délibération et au vote des assemblées qu’à l’expiration des délais fixés au troisième alinéa de l’article 42 ». Le troisième alinéa de l’article 42, et ce n’est pas le président Warsmann qui me contredira, prévoit un délai de six semaines entre le dépôt d’un texte et son examen en séance publique.

Or le projet de loi organique dont nous discutons aujourd’hui a été présenté en Conseil des ministres le 10 décembre dernier. Autrement dit, le délai de six semaines n’est absolument pas respecté.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Cela n’a rien à voir !

Mme Delphine Batho. Bien sûr que si, monsieur Karoutchi, dans la mesure où la majorité parlementaire et le Gouvernement nous parlent de respect du Parlement, de procédures nouvelles. Une fois de plus, vous tentez le passage en force.

Nous en revenons donc, avec nos amendements, et notamment avec mon amendement n° 57 rectifié qui propose d’organiser la pétition référendaire, aux principes qui sont ceux d’une revalorisation des droits des citoyens et des droits du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n° 58 rectifié.

M. René Dosière. Mon amendement n° 58 rectifié se propose de donner la parole aux citoyens, ainsi que l’a permis la révision constitutionnelle.

Dans un régime démocratique, on peut consulter les citoyens ; mais, la plupart du temps, ce sont leurs représentants, c’est-à-dire les députés, qui expriment leurs points de vue et qui sont là pour légiférer.

Certes, le président de la commission des lois nous a expliqué les difficultés auxquelles se heurtaient les députés pour fabriquer des projets de loi importants, consistants, par manque d’ingénierie. Je crois qu’il a raison : l’exécutif est bien mieux armé pour élaborer des textes de loi. Heureusement, il reste aux parlementaires un droit fondamental : le droit d’amendement, le droit de modifier, de compléter, de corriger les textes qui leur sont soumis.

C’est d’ailleurs parce que ce droit d’amendement est essentiel que nous avons souligné la nécessité de disposer du temps nécessaire. Prendre le temps de discuter des amendements à l’occasion de l’examen d’un texte, cela permet à l’opinion publique de prendre conscience de la qualité de ce texte. Maintenir le droit d’amendement des parlementaires, c’est aussi permettre à la société civile, d’où sont souvent issues des propositions d’amendement, de se faire entendre dans l’hémicycle.

Naturellement, cette démarche est inconnue du Président de la République, puisque, durant les douze ans et deux mois où il a siégé à l’Assemblée nationale, il n’a jamais participé à un débat législatif, et il n’a jamais déposé un amendement.

M. Patrick Roy. Ça, ce n’est pas bien !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Merci de respecter le Président de la République ! Ce que vous dites est inexact. J’ai été le rapporteur de l’une de ses propositions de loi.

M. René Dosière. Par conséquent, il ne peut comprendre ce qu’est la nature du travail parlementaire, qui implique de prendre le temps d’expliquer un certain nombre de textes, à écouter, et peut-être à retenir les éléments qui sont intéressants.

Car ce droit d’amendement que nous défendons, c’est aussi le droit qu’a la majorité, ainsi que ses diverses composantes, de s’exprimer. C’est pourquoi vous devriez être attentifs, chers collègues de la majorité, au fait que remettre en cause ce droit d’amendement, c’est vraiment s’attaquer au fondement législatif du travail parlementaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax, pour soutenir l’amendement n° 60 rectifié.

M. Jacques Valax. Je voudrais éviter les redites, madame la présidente, et apporter une touche tout à fait personnelle à l’appui de mon amendement n° 58 rectifié, qui vise à préciser les conditions de mise en oeuvre du référendum d’initiative populaire créé par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Du référendum d’initiative conjointe !

M. Jacques Valax. Conjointe, en effet, monsieur le rapporteur.

Le dépôt de cet amendement par notre groupe illustre une réalité indiscutable : nous n’avons pas les mêmes valeurs. Disons, pour ne froisser personne, que nos priorités ne sont pas les mêmes…

Quelles sont donc celles du Gouvernement ?

D’abord, et surtout, la loi organique permettant le retour des ministres dans les assemblées. À l’évidence, le Président de la République était impatient. Impatient de pouvoir disposer de ce gadget qui lui permettra de procéder à de nombreux remaniements, et de soumettre les parlementaires à un jeu de chaises musicales. Admettez qu’aux yeux de nos concitoyens, cette loi organique ne relevait nullement de l’urgence.

Ensuite, il s’agit de la loi organique, celle dont nous discutons, destinée à accélérer la procédure législative et à museler l’opposition. Je dis bien : museler l’opposition. Là encore, cette loi traduit l’impatience du Président de la République. Impatience de voir ses prétendues réformes aboutir, et vite, si possible. Et mal, bien entendu.

Nos priorités à nous, quelles sont-elles ? Il s’agit d’abord et avant tout de défendre les droits de nos concitoyens. Défendre les droits de nos concitoyens.

Il y a quarante-huit heures, j’assistais à la rentrée solennelle d’un tribunal de grande instance dans le département du Tarn. Les juges étaient unanimes à nous réclamer – on pourrait le prendre presque pour une injure : « Faites-nous enfin des lois intelligentes ! »

L’urgence, à nos yeux, c’est de permettre à nos concitoyens de pouvoir devenir des acteurs de notre démocratie et non plus seulement des spectateurs passifs. L’urgence, à nos yeux, consiste à donner vie au référendum d’initiative populaire, qui demeure malheureusement à l’état de promesse. Pour cela, une loi organique était nécessaire.

Mes chers collègues, saisissons dès maintenant l’occasion qui nous est offerte par cette loi organique pour concrétiser ce qui n’était, à ce jour, qu’une belle promesse.

Faudra-t-il attendre encore longtemps que les parlementaires de l’opposition soient définitivement muselés, pour que vous consentiez enfin à offrir à nos concitoyens davantage de moyens d’expression ?

M. Christian Jacob. Il a sauté une ligne !

M. Jacques Valax. Pas du tout ! Je débute. Je n’ai pas votre aisance…

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Valax !

M. Jacques Valax. …ni surtout votre talent de la provocation !

Quel sera le calendrier de mise en œuvre des droits nouveaux reconnus aux citoyens par la Constitution ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vidalies, pour soutenir l’amendement n° 61 rectifié.

M. Alain Vidalies. L’amendement n° 61 rectifié pose la question de la hiérarchie de vos priorités pour la mise en oeuvre de la réforme constitutionnelle.

Vous avez choisi de commencer par traiter tout ce qui vous arrange : le retour des ministres, le découpage électoral. Ensuite, vous vous attaquez au droit d’expression de l’opposition, en adoptant une démarche assez particulière.

Que vous considériez que la façon dont nous nous opposons n’est pas la bonne, c’est votre droit. Reste que la façon dont nous nous opposons, elle est transparente devant le peuple français. Si c’est une erreur, nous en prenons la responsabilité. Le seul auquel nous ayons à rendre de compte sur la façon dont nous nous organisons, c’est le peuple français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de La Verpillière. Que c’est beau !! Que c’est bien dit !

M. Alain Vidalies. La majorité n’a pas à tirer les conséquences sur le plan de l’organisation des débats de sa propre appréciation sur notre comportement.

Vous avez franchi une ligne rouge, qui dans toutes les démocraties,…

M. Yves Albarello. On n’aime pas le rouge !

M. Alain Vidalies. Monsieur Aboud, vous protestez beaucoup depuis le début de la séance. Nous sommes contents de vous voir : nous ne vous avions pas beaucoup entendu jusqu’à présent.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas M. Aboud !

Mme la présidente. Allons, monsieur Vidalies, pas d’interpellation personnelle ! D’autant que M. Aboud n’est pas là.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas sérieux !

M. Alain Vidalies. Si je me suis trompé, pardonne-moi. Il y a des gens qui ne sont pas connus par leur travail parlementaire, c’est bien là le problème !

M. Yves Albarello. J’exige des excuses !

M. Jean Mallot. Changez de cravate ! C’est sa couleur qui nous agresse !

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Vidalies.

M. Alain Vidalies. Madame la présidente, un collègue ne cesse de nous insulter depuis le début de la séance. Qu’il prenne plutôt la parole pour s’exprimer !

Je ne crois pas qu’il existe de précédent sur la façon dont vous estimez que l’opposition doit se comporter et sur les conséquences que vous en tirez sur le plan de l’organisation de nos débats. Vous voulez mettre l’opposition au pas et décider vous-mêmes comment, politiquement, elle doit se comporter. Ce faisant, la majorité ne fait que se mettre au service du Président de la République, enregistrant ce qu’il a décidé pour l’organisation de nos travaux,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ce n’est pas respectueux !

M. Alain Vidalies. … et abandonnant toute velléité d’expression parlementaire. L’opposition a commis un crime de lèse-majesté en s’opposant ou en faisant traîner tous les textes exprimant la volonté du Président de la République : vous avez donc décidé de la mettre au pas. C’est un très mauvais coup porté à notre démocratie. Vous verrez que nos compatriotes ne le comprendront pas.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est surtout inexact !

M. Alain Vidalies. Il peut arriver, lors de situations de crise, que des débats traînent – on l’a vu pour le CPE. Heureusement qu’il existe un lieu où la confrontation se verbalise. Car si vous décidez que le débat ici se terminera fin au moment que vous aurez choisi, le débat ira se poursuivre ailleurs. Ce n’est pas un saut qualitatif pour la démocratie de ne pas avoir de lieu où nous pouvons nous affronter, tout en nous respectant.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec les amendements !

M. Alain Vidalies. Vous aviez jusqu’à présent l’obligation de respecter notre liberté d’expression. Vous ne le faites pas. Les choix que vous faites dans ce projet sont d’une autre nature. La priorité était de permettre au peuple de s’exprimer. Il fallait donc une loi organique mettant en œuvre cette possibilité d’organisation du référendum d’initiative partagée.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié.

M. Christophe Caresche. Comme vient de l’indiquer M. Vidalies, l’amendement n° 62 rectifié pose le problème de la méthode choisie par le Gouvernement pour mettre en œuvre les différentes lois ainsi que la modification de notre règlement intérieur découlant de la réforme de la Constitution.

Nous voyons arriver, un à un, des textes qui ne nous donnent aucune visibilité sur la manière dont le Gouvernement compte s’y prendre pour décliner la réforme de la Constitution. Ce n’est pas un moyen pour créer la confiance, monsieur le secrétaire d’État. Lors de la discussion sur la révision constitutionnelle, nous n’avons eu de cesse de demander des précisions au Gouvernement, tant sur la forme – le calendrier, les priorités établies par le Gouvernement pour la mise en œuvre de la révision constitutionnelle – que sur le fond, notamment à propos du référendum. Vous savez combien cette question a été déterminante. Dans un premier temps, le référendum avait été écarté par le Gouvernement et la majorité. Puis un amendement a été adopté, ce qui a permis à l’opposition d’être entendue sur ce point.

Le Gouvernement peut comprendre que nous sommes extrêmement attachés à cette priorité. Nous souhaitons qu’il clarifie le plus rapidement possible ses intentions sur ce point.

La méthode que vous avez choisie ne permet pas de créer la confiance, bien au contraire. Elle suscite nombre d’interrogations et d’inquiétudes. Si le Gouvernement avait laissé les parlementaires aller jusqu’au bout de la discussion, au sein de la commission chargée de la révision du règlement intérieur, s’il nous avait donné une certaine lisibilité à ses intentions, à son calendrier pour la mise en œuvre des différents textes de la révision constitutionnelle, sans doute notre discussion aurait-elle gagné en sérénité. Ce n’est pas le cas, et nous le regrettons.

Voilà pourquoi, à défaut d’avoir aucune visibilité sur la façon dont ce travail sera conduit, nous proposerons et défendrons toute une série d’amendements visant à préciser les conditions dans lesquelles nous souhaitons qu’un certain nombre de dispositions liées à la révision constitutionnelle soient mises en œuvre.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 64 rectifié.

M. Christian Eckert. Nous devons nous souvenir d’où nous venons : de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Vous êtes, monsieur le secrétaire d’État, spécialiste pour nous mener en bateau – je me permets de vous le dire respectueusement.

Pourquoi ? Parce que vous nous renvoyez constamment d’un texte à l’autre. Vous avez eu l’occasion, lors de la réforme constitutionnelle, de rechercher un consensus dans notre assemblée, parce que personne ne niait la nécessité de revoir un certain nombre de nos méthodes de fonctionnement, y compris pour l’élaboration des lois.

Vous nous avez renvoyés d’un texte à l’autre, en nous disant : « Faites-nous confiance ! Votez la réforme. Ensuite, dans les lois organiques, nous préciserons les choses, conformément à un consensus que nous pourrons trouver ensemble. »

Et puis, patatras ! Cela a commencé par le choix des lois organiques que vous avez présentées – cela a été rappelé par plusieurs de nos collègues. D’abord les parachutes dorés pour les ministres remerciés, puis le découpage électoral, que même le Conseil constitutionnel a assez significativement censuré. Vous aviez, encore une fois, l’occasion de remettre les pendules à l’heure et de donner des gages à ceux qui vous avaient suivis dans cette réforme – on les a même trouvés dans nos rangs ou à la frange de nos rangs.

Eh bien non ! vous nous renvoyez aujourd’hui au règlement de l’Assemblée, en disant : « Votons la loi organique et nous verrons ensuite dans le règlement comment donner satisfaction à ceux qui pensent qu’il faut parfois rétablir des équilibres. »

Monsieur le secrétaire d’État, il faut replacer les choses dans leur contexte. C’est pour cela que je défends mon amendement n° 64 rectifié. Vous auriez peut-être pu nous donner un gage et commencer par ce qui peut rassembler ; car tout n’est pas mauvais dans un projet de loi, même si nous ne le votons pas. Le référendum d’initiative partagée pouvait recueillir un consensus.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez encore une fois manqué l’occasion. Vous nous avez dit : « La réforme du Sénat, on verra plus tard, ce n’est pas le moment. » Vous saviez que c’était un point très important pour obtenir notre adhésion sur la réforme constitutionnelle.

Vous nous renvoyez de texte en texte, de loi constitutionnelle en loi organique, en mélangeant –M. Mallot l’a brillamment expliqué – ce qui est organique et ce qui ne l’est pas. Quand cela vous arrange, c’est organique, et il faut le mettre dans la loi. Quand cela ne nous arrange pas – je pense à nos modestes 1 015 amendements, que vous avez balayés –, ce n’est plus organique. Encore une incohérence que le Conseil constitutionnel tranchera !

Monsieur le secrétaire d’État, en acceptant mon amendement, vous aurez l’occasion de montrer que la volonté du Gouvernement est bien de rechercher le plus large consensus possible, en prouvant à la population que le référendum d’initiative partagée est un moyen d’expression pour elle. Vous aurez également l’occasion de donner des gages à l’opposition, qui reste farouche, pour d’autres raisons sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir dans les jours et les semaines à venir.

Certes, l’élaboration du règlement de l’Assemblée n’est pas votre affaire – j’ose en tout cas l’espérer – et je souhaite que nous n’attendions pas plus longtemps pour que vous nous montriez, en soutenant cet amendement, votre volonté de trouver un consensus.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour défendre l’amendement n° 65 rectifié.

M. Pascal Deguilhem. Je voudrais confirmer les propos tenus par Christian Eckert.

Le texte que nous propose le Gouvernement ne prévoit aucune restriction pour le droit d’amendement du Gouvernement. Cela lui donne donc toute latitude pour limiter drastiquement les possibilités qui nous sont offertes – quand je dis « nous », c’est aussi bien les députés de l’opposition que ceux de la majorité. C’est très castrateur (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour nos initiatives, notre volonté de participer, d’améliorer les textes, de les amender.

Il y a à peine six mois, cette réforme constitutionnelle, bien que nous l’ayons pas votée, vous donnait la possibilité de permettre à nos concitoyens de s’exprimer à travers un référendum d’initiative partagée, comme nous le proposons à travers nos différents amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 66 rectifié.

M. Jean Mallot. Que mon collègue Alain Vidalies me le pardonne, mais je veux réparer une modeste erreur et présenter ses excuses à Élie Aboud. Lorsque je vois le comportement de M. Albarello (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) je comprends que M. Aboud puisse prendre ombrage de la méprise de mon collègue : confondre un député de Seine-et-Marne avec un député de l’Hérault est pour le moins vexant ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Il est vrai que la couleur de la cravate aurait dû, cher Alain, vous mettre sur la voie ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est triste !

M. Claude Goasguen. Pitoyable !

M. Jean Mallot. J’en viens à mon amendement n° 66 qui se distingue évidemment des précédents. Ma présentation, je n’en doute pas, vous convaincra sur la nécessité de le voter. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Nous l’avons largement démontré, le Gouvernement est plus prompt à mettre en œuvre les dispositions qui renforcent les pouvoirs de l’exécutif plutôt que celles qui accroîtraient ceux du Parlement, voire de la démocratie, c’est-à-dire la voix du peuple !

M. Patrick Roy. Très bien !

M. Jean Mallot. Permettez-moi de citer – car il faut toujours se référer à des sources précises – l’article 11 de la Constitution qui dispose que : « Un référendum portant sur un objet mentionné au premier alinéa peut être organisé à l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d’une proposition de loi et ne peut avoir pour objet l’abrogation d’une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. »

« Les conditions de sa présentation et celles dans lesquelles le Conseil constitutionnel contrôle le respect des dispositions de l’alinéa précédent sont déterminées par une loi organique. » Nous y voilà ! Pour le coup, la matière est organique !

M. Claude Goasguen. La matière est souvent organique… (Rires.)

M. Yves Albarello. Quel méli-mélo, monsieur Mallot !

M. Jean Mallot. Les arguments que nous avons pu avancer dans les débats avec le président Accoyer n’ont donc plus d’objet ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Pour faire cesser vos rires, je vais aborder un sujet on ne peut plus sérieux, chers collègues.

L’urgence de voter cet article additionnel sautera aux yeux des uns et des autres au regard du dossier extrêmement sensible pour nos concitoyens que je vais évoquer, dossier sur lequel nous sommes nombreux à souhaiter qu’ils se prononcent par référendum. Je veux parler du statut d’une grande entreprise du secteur public, le service public par excellence : La Poste. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ah ! Les rires s’éteignent… Nous y voilà, monsieur Albarello !

M. Yves Albarello. Ce n’était que cela !

M. Christian Eckert. Chiche !

M. Jean Mallot. Vous nous avez annoncé votre volonté d’ouvrir le capital et de la transformer en société anonyme.

M. Christian Eckert. Chiche !

M. Yves Albarello. C’est la couleur de ma cravate qui l’excite ?

M. Jean Mallot. Nous avons déjà vu la dérive en cours ! Évidemment, les élus UMP des zones urbaines n’y sont pas confrontées. Mais dans nos territoires ruraux, n’est-ce pas, cher collègue Vidalies, nous voyons tous les jours des bureaux de poste transformés en agence postale. Tous les jours, nous assistons au démantèlement progressif de ce service essentiel pour la vie de nos concitoyens. Le président Ollier qui connaît bien le sujet se lève sans doute pour me répondre (Rires)

Mme Fabienne Labrette-Ménager. N’importe quoi !

M. Jean Mallot. …aura des arguments encore plus forts que les miens pour soutenir le service public que je veux défendre devant vous ce soir.

Nous avons la conviction qu’il nous faut rapidement recourir au référendum d’initiative partagée, disposition très importante dans la décision de voter, y compris à l’UMP, la révision constitutionnelle, sinon vous n’auriez pas obtenu les trois cinquièmes

M. Charles de La Verpillière. Pourquoi ne l’avez-vous pas votée ?

M. Jean Mallot. C’est dire à quel point j’y tiens ! (Sourires.)

Oui, madame la présidente, mes collègues qui défendront des amendements un peu analogues pourront approfondir le sujet de La Poste, mais il me semble que ce sujet est suffisamment important pour que nous nous donnions, dès ce soir, les moyens d’organiser le référendum qui nous permettra d’amener nos concitoyens à vous dire, chers collègues de la majorité, que nous sommes attachés au statut public de La Poste ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Martin pour soutenir l’amendement n° 67 rectifié.

M. Richard Dell’Agnola. Cela va être difficile de parler après Mallot !

M. Philippe Martin. L’argumentation de mon collègue Mallot a été très convaincante. Cela étant, l’amendement n° 67 rectifié est très différent de son amendement n° 66 rectifié. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons le sentiment que le Gouvernement et la majorité font leur marché dans les dispositions prévues par la réforme constitutionnelle.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Si vous l’aviez votée, vous auriez le pouvoir de faire des choix !

M. Philippe Martin. Le Gouvernement met en avant celles qui l’arrangent, qui lui permettront d’aller plus vite et de tronquer les débats. Or certains débats d’intérêt général mériteraient que certaines dispositions viennent en débat à l’Assemblée, notamment le régime référendaire.

Puisque Jean Mallot parlait de matière organique (Rires sur les bancs du groupe SRC et du groupe UMP) je reviendrai sur un sujet qui pourrait faire l’objet d’un référendum : les OGM. Le 5 décembre dernier, un tribunal administratif à Nîmes a donné raison à une commune qui avait pris un arrêté interdisant la culture d’OGM sur son territoire. Pour la première fois, un arrêté municipal a été validé par un tribunal administratif.

Sur ce sujet, les citoyens aimeraient pouvoir utiliser le droit référendaire qui leur est ouvert par la réforme constitutionnelle. Ce disant cela, je m’adresse à M. Jacob qui s’y connaît en agriculture aussi bien que moi, et en allumage de pneus devant les préfectures encore mieux que moi ! Si l’on veut être prêt pour les semis de printemps, c’est maintenant qu’il faut consulter le peuple sur cette question. C’est la raison pour laquelle je recommande l’adoption de mon amendement n° 67 rectifé afin de pouvoir consulter les citoyens sur les OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Martinel, pour soutenir l’amendement n° 68 rectifié.

Mme Martine Martinel. Je vais reprendre le fil rouge déroulé par M. Mallot pour saluer, en dépit de son absence, la courtoisie de M. Aboud, collègue tout à fait civil et toujours actif dans nos débats.

Mme la présidente. Revenons à l’amendement n° 68 rectifié, madame Martinel !

Mme Martine Martinel. Vous avez raison, madame la présidente, et vous faites bien de rappeler le numéro de mon amendement, tant il est vrai qu’ils sont tous très différents ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il s’agit pour nous d’éviter à tout prix la mise au pas de la démocratie par les dispositions très restrictives que vous nous soumetez. Quand on prétend, à grands cris, défendre l’expression populaire, comme vous l’avez fait lors du débat sur l’audiovisuel public, l’exigence référendaire me paraît être le garant de la démocratie, digne de La République de Platon.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton pour soutenir l’amendement n° 69 rectifié.

Mme Catherine Lemorton. J’ai, en effet, la charge de défendre l’amendement n° 69. Dans un sens comme dans l’autre… (Rires sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.), mes arguments iront dans la même direction que celle de mes collègues. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Cet amendement portant article additionnel est très important. Vous nous avez reproché de partir bille en tête, il y a quelques mois, contre la réforme des institutions. (Rires sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Poursuivez, madame Lemorton.

Mme Catherine Lemorton. Pardonnez-moi, madame la présidente, mais j’ai du mal à garder mon sérieux face aux rires de mes collègues !

Mme la présidente. Il vaut mieux cela que vous faire pleurer, madame Lemorton…

Mme Catherine Lemorton. Nous partions dans de bonnes dispositions pour discuter de cette réforme. (Rires sur tous les bancs.)

Mme la présidente. J’espère que vous l’êtes toujours, madame Lemorton… (Rires.)

Mme Catherine Lemorton. Notre collègue Apparu a fait, hier, référence à une tribune signée par des parlementaires socialistes et publiée quelques semaines avant le vote de la réforme constitutionnelle, et qui montrait que nous étions disposés à discuter avec vous.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette tribune montrait surtout les bonnes dispositions dans lesquelles se trouvaient certains parlementaires socialistes !

Mme Catherine Lemorton. Nous avions cependant un doute : la vitrine était belle, mais dans l’arrière boutique, cela ne sentait pas bon… (Rires sur les bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle nous avons préféré voter non, ce que vous nous avez reproché.

Nous attendions des signes positifs de votre part ; il n’en fut rien – je ne reviendrai pas sur le découpage électoral, longuement évoqué par mes collègues.

Pourquoi cet article additionnel nous tient-il tant à cœur ? Parce qu’il fait référence au référendum d’initiative partagée. Si celui-ci avait été présenté devant notre Assemblée, il y a quelques semaines, il nous aurait sans doute évité d’avoir à débattre de propositions de loi qui ne recueillent pas forcément l’accord de nos concitoyens, comme la proposition de loi concernant le travail dominical. J’imagine mal que les 76 % de Français qui se sont déclarés hostiles à cette proposition réclamer un référendum d’initiative partagée pour travailler le dimanche !

Je conclurai mon propos par une citation d’un homme politique, historique. À vous d’en trouver l’auteur : « Un peuple est libre quand il ne peut être opprimé ni conquis, égal quand il est souverain, juste quand il est réglé par des lois. » Par des lois justes, ai-je envie d’ajouter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Fruteau pour soutenir l’amendement n° 70 rectifié.

M. Jean-Claude Fruteau. Si je prends le débat en cours, c’est parce que j’étais, hier, dans l’avion d’Air France en provenance de La Réunion lorsqu’il a débuté. Avant de m’envoler, le militant, qui m’accompagnait à l’aéroport, m’a demandé ce que j’allais faire à l’Assemblée nationale.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. De l’obstruction !

M. Jean-Claude Fruteau. Je constate que cela vous amuse, et j’en suis ravi pour vous !

Permettez-moi cependant de vous faire part de ce témoignage. Ce militant est un Réunionnais, quelqu’un qui fait partie des citoyens les plus pauvres de la République française. S’il nous voyait ce soir, il aurait honte de ce que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. Quelle lucidité !

M. Jean-Claude Fruteau. Chers collègues, ne vous méprenez pas, ce « nous » vous embrasse également !

Je lui ai expliqué que j’allais participer à l’examen du projet de loi organique suite à la réforme de la Constitution. Il m’a répondu qu’il ne comprenait pas trop bien tout cela…

M. Yves Fromion. Il y a de quoi !

M. Jean-Claude Fruteau. ..mais il m’a demandé de vous transmettre un message : « Akout a nou in pé, akout in pé le peuple ! Pans pas selman à sak zot i na dan zot tet laba, pans in pé sak le peuple i na dan le kèr ! » Même si je vous l’ai dit en créole, vous l’avez compris…

C’est ce que je vous demande, après d’autres collègues, en défendant cet amendement : écoutez le peuple, partagez avec lui une partie du pouvoir, le pouvoir qu’il nous a prêté. C’est cela qui me paraît important.

Ne pas faire figurer le référendum d’initiative partagée dans la loi organique est une erreur monumentale. C’était dans doute une des avancées majeure de la loi de juillet 2008 ; elle a été oubliée par le Gouvernement et je le regrette. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à un sursaut, chers collègues de la majorité : votez cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l’amendement n° 71 rectifié.

Mme Patricia Adam. Je vois que, bien que l’heure avance, le Parlement reste attentif (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP), même au sein de la majorité lorsque l’opposition s’exprime !

Mme Claude Greff. Cela vous occupe !

M. Alain Gest. Cela nous passionne !

Mme Patricia Adam. Je ne sais si cela nous occupe, mais, en tout cas, la capacité d’écoute est manifeste ce soir, et qui plus est dans l’humour !

M. Christian Jacob. Vous ne savez manifestement pas comment vous occuper ! Heureusement que le ridicule ne tue pas ! C’est assez lamentable !

Mme Patricia Adam. Si la possibilité d’amender et, surtout, la voie référendaire sont à nos yeux essentielles, c’est parce que nous sommes les représentants du peuple. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Et nous ?

Mme Patricia Adam. Voilà pourquoi, comme vient de le dire mon collègue, nous devons être capables d’écouter nos concitoyens, qui nous ont choisis pour siéger dans cet hémicycle.

M. Lionel Tardy. C’est vrai qu’il y a de grands moments !

Mme Patricia Adam. Nous avons également un devoir d’éducation, de pédagogie. Il nous fautexpliquer autant que possible, dans nos territoires respectifs, ce que nous faisons et ce que nous votons.

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec l’amendement ?

M. Jean Mallot. Écoutez bien !

Mme Patricia Adam. Cela exige du temps et de la présence. Ce temps est donc extrêmement nécessaire ; or le seul moyen dont nous disposions pour le mettre à profit est notre capacité d’amender.

J’irai même un peu plus loin : ces démonstrations aujourd’hui particulièrement fécondes au Parlement devraient bénéficier d’un espace d’expression plus vaste encore. On parle de démocratie, notamment de démocratie participative (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), mais nous peinons à appliquer ce grand mot que nous invoquons tous régulièrement…

Mme Françoise de Panafieu. Ça, c’est vraiment votre découverte !

Mme Patricia Adam. Il est vrai que cela n’est pas facile.

Membre de la commission de la défense, j’ai récemment beaucoup travaillé avec mon collègue Yves Fromion, ici présent, sur la dernière LPM. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Eh oui ! Nous avons d’ailleurs bien travaillé. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Poursuivez, madame Adam.

Mme Patricia Adam. J’aurais toutefois aimé que, sur ces sujets, nous puissions non seulement déposer des amendements – ce que nous ferons d’ici peu –, mais également faire participer davantage nos concitoyens.

M. Benoist Apparu. Quel rapport avec l’amendement ?

Mme Patricia Adam. Car s’il est un sujet important, qui concerne le Parlement et tous les citoyens, c’est bien la défense.

M. Jean Mallot. Écoutez bien !

Mme Patricia Adam. De fait, les citoyens s’y intéressent. Ainsi, un référendum sur la présence de nos troupes en Afghanistan aurait peut-être été nécessaire. Cela suppose de faire œuvre de pédagogie, mais c’est possible. Je le fais pour ma part, dans la mesure du possible, dans ma circonscription, comme quelques-uns parmi nous. Nous constatons alors que nos concitoyens s’intéressent à ces questions et viennent nombreux dès qu’on les aborde.

Ne restreignons donc pas les droits du Parlement sur ces questions essentielles à la cohérence d’une nation. Si nous lui donnions plus de force dans ce domaine, nous prendrions des décisions plus adultes.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Durand, pour défendre l’amendement n° 72 rectifié.

M. Yves Durand. Monsieur le secrétaire d’État, vous n’empêcherez pas les Français de penser que la loi autour de laquelle nous discutons…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Dont nous discutons !

M. Yves Durand. …est une loi de circonstance. D’abord en raison d’un contexte que vous avez en partie créé : contexte économique et social, mais aussi politique. Ainsi, je ne reviens pas sur l’argument que nous avons maintes fois développé, en vain, depuis le début de cette discussion : le rejet, historique allais-je dire, de nos mille amendements, dont nous ne connaissons toujours pas la véritable raison. D’où notre suspicion !

Je songe en outre à plusieurs projets de loi dont nous avons débattu dans cet hémicycle et à propos desquels l’opposition a usé – sans en abuser – de son droit essentiel d’amendement, en retardant de fait le vote, mais permettant à nos concitoyens, grâce au travail de pédagogie des parlementaires, d’en mesurer la nature et les conséquences potentiellement néfastes pour leur vie quotidienne.

Avant cette législature, je me souviens du débat sur le CPE : il aura fallu la bataille d’amendements livrée par l’opposition de l’époque pour que le Gouvernement revienne à la raison. Je me souviens de M. le Premier ministre venant ici nous dire qu’il abandonnait un projet d’ailleurs éliminé publiquement, à la télévision, par le Président de la République de l’époque.

Je me souviens aussi, plus récemment, du débat sur l’audiovisuel, au cours duquel nous avons permis à nos concitoyens de s’apercevoir que la liberté d’expression était menacée. Et le débat continue, alors que vous auriez voulu l’expédier en quelques heures, à la sauvette, sans que personne ne puisse argumenter !

Je me souviens encore – comme vous, certainement – de la tentative d’imposer le travail du dimanche. Le Président de la République lui-même a reculé parce que le débat parlementaire s’annonçait rude, en raison du droit d’amendement – droit de l’opposition auquel auraient également pu recourir, dans ce cas précis, plusieurs d’entre vous, mes chers collègues de la majorité !

Monsieur le secrétaire d’État, si vous voulez que nous commencions à croire un tant soit peu à votre bonne volonté et à votre volonté de faire de cette loi, comme il se doit, l’objet d’un consensus, si vous voulez que nous commencions sereinement à débattre, cela ne tient qu’à vous. Acceptez mon amendement n° 72 rectifié ; et vous, collègues de la majorité, votez-le, afin que nous débattions en ayant étendu les droits des citoyens, comme le prévoit du reste la révision constitutionnelle.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel aveu ! Bravo ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Durand. Si vous refusez de faire ce geste, c’est que la véritable nature de ce projet de loi était bien celle que nous suspections.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n° 74 rectifié.

Mme Marie-Lou Marcel. Cet amendement tend à préciser le régime du référendum d’initiative partagée que la réforme constitutionnelle votée en juillet 2008 doit instaurer.

Ce référendum est extrêmement important pour nos concitoyens : il s’agit de les intéresser à la vie publique. À ce propos, je reprendrai l’excellente intervention de mon collègue Jean Mallot sur les services publics, en insistant sur deux réformes à propos desquelles le référendum aurait été parfaitement justifié.

La réforme de la carte judiciaire tout d’abord : nous parlions tout à l’heure des services publics ; or, dans mon département, l’Aveyron, cinquième de France par sa superficie, pas moins de vingt-deux juridictions ont été supprimées.

M. Charles de La Verpillière. C’est réglementaire, non législatif !

Mme Marie-Lou Marcel. Parlons également de La Poste : dans mon département, à Rodez, tous les élus du département ont manifesté samedi dernier aux côtés des citoyens pour protester contre la transformation de nombreux bureaux de poste en agences postales, sans la moindre concertation avec les élus, totalement méprisés.

Pour ces raisons, je vous demande d’adopter mon amendement n° 74 rectifié et d’insérer dans la loi organique cet article additionnel, tel que cela était prévu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner est l’avis de la commission sur cette série d’amendements.

M. Patrick Roy. Il est favorable ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. L’avis de la commission sera très simple, madame la présidente : L’ordre du jour prévoit l’examen du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Or cet amendement, décliné vingt-deux fois, commence par ces mots : « Dispositions prises en vertu de l’article 11, alinéa 4, de la Constitution. » Il ne relève donc tout simplement pas du projet de loi organique qui nous est soumis.

Cela suffirait à justifier un avis défavorable. Mais je me permettrai en outre, mes chers collègues, de livrer à votre méditation la question suivante : poser vingt-deux fois une question qui ne relève pas de l’ordre du jour et qui est hors sujet…

M. Jean Mallot. Comment cela, hors sujet ? Les droits du Parlement ne sont pas hors sujet !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …la rend-elle plus conforme à l’ordre du jour ? Poser vingt-deux fois une question qui ne relève pas de l’ordre du jour, est-ce un signe de respect ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.) Un seul conseil municipal de notre pays, un seul conseil général de notre pays, un seul conseil régional de notre pays obéit-il à un règlement autorisant un élu à poser vingt-deux fois une question qui ne relève pas de l’ordre du jour ? (« Très bien ! » et vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, le respect d’une institution ou d’une assemblée commence par le respect de son travail et de son ordre du jour. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L’avis de la commission est naturellement très triste et défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Sur le vote des amendements n°s 53 rectifié à 74 rectifié, je suis saisie par le groupe SRC d’une demande de scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je ne répéterai naturellement pas l’avis du président et rapporteur de la commission des lois.

Au-delà de la confusion liée au fait que ces vingt-deux amendements au texte identique…

M. Jean Mallot. Différents !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. …ont été l’occasion d’aborder à peu près tous les sujets : La Poste, la défense, les opérations militaires extérieures et le reste…

M. Jean Mallot. C’est important !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Certes ; c’est même essentiel…

M. Jean Mallot. Ah !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. … mais cela ne suffit pas pour autant à fonder un amendement.

Je rappelle à la représentation nationale que l’ordre suivi avait été annoncé : j’en avais parlé en commission des lois et je me souviens même l’avoir évoqué une première fois en présentant le projet de loi de réforme électorale. Je comprends que l’on s’interroge à ce sujet. Tous s’en souviennent, du moins tous ceux qui ont voté le texte : nous étions tenus par la date du 1er mars pour l’entrée en vigueur de nombreuses dispositions de la révision constitutionnelle. La loi organique instaurant des modifications relatives au travail parlementaire devait donc par définition être adoptée avant cette date. Nous avons fait le nécessaire ici, nous ferons de même au Sénat ; j’espère donc que l’ensemble de ses éléments pourront être mis en application dès le mois de mars.

Mais je veux également dire à tous ceux qui s’intéressent vivement, et à juste titre, à l’application progressive de la révision que la loi organique sur l’exception d’inconstitutionnalité – nouveau droit considérable pour nos concitoyens – est prête. Elle sera transmise au Conseil d’État dans les jours qui viennent, avant, naturellement, d’être soumise à l’Assemblée nationale.

De la même manière, le texte relatif au Conseil économique, social et environnemental, lui aussi quasiment prêt, sera à son tour transmis au Conseil d’État puis soumis à votre assemblée.

Le Gouvernement travaille également au texte un peu plus complexe, reconnaissez-le, relatif au référendum d’initiative partagée. De même pour le projet de loi sur le défenseur des droits.

Dans les semaines à venir, je vous indiquerai quels textes seront soumis au Conseil d’État pour être ensuite soumis à l’approbation du Parlement.

M. Bernard Deflesselles. Les choses sont claires !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Il n’y a ni retard, ni volonté de blocage ou d’obstruction par rapport à la mise en place de la révision constitutionnelle.

M. Patrick Roy. Mais si !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Et je serais heureux que l’ensemble des députés puissent à présent se consacrer à la présente loi organique.

Pour finir, je précise que l’avis du Gouvernement sur cette série d’amendements identiques est bien évidemment négatif.

M. Jean Mallot. Pourquoi « évidemment » ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, cet amendement vient d’être défendu par vingt-deux orateurs. M. Fabius ne s’est pas encore exprimé. Je lui donne donc la parole mais je procéderai ensuite au vote.

M. Laurent Fabius. Je prends la parole pour répondre au Gouvernement, madame la présidente. Comme vous le savez, c’est un droit.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Non, juste une faculté !

M. Laurent Fabius. Pour commencer, la loi dont nous discutons est un peu différente de celles que nous examinons habituellement, et pas seulement parce qu’il s’agit d’une loi organique. Lorsque nous débattons de sujets tels que l’éducation nationale ou la sécurité sociale, majorité et opposition échangent leurs opinions puis nous votons et une majorité se dégage. Là, il s’agit d’un projet de loi d’une autre nature : comme je le disais au président de l’Assemblée nationale, il s’agit de notre vie commune. C’est la raison pour laquelle, il faut essayer, autant que possible, de rechercher un consensus. Lorsqu’il s’agit de définir les droits du Parlement et ceux de l’opposition, vous conviendrez avec moi, monsieur le secrétaire d’État, qu’il est paradoxal de retenir des positions qui ne peuvent être partagées par l’opposition.

S’agissant du débat qui a lieu depuis le début de cette séance, je note que tous les amendements visent un même objectif.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Et pour cause, il s’agit d’un seul et même amendement !

M. Laurent Fabius. Tous les orateurs ont souligné la nécessité de débattre d’abord du référendum d’initiative populaire ou d’initiative partagée.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous rendez vous compte : une heure et quarante-cinq minutes pour un seul amendement !

M. Laurent Fabius. Le Gouvernement s’y refuse, préférant que le Parlement se consacre d’abord à ce projet de loi organique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Le même défendu vingt-deux fois !

M. Henri Emmanuelli. Ça suffit maintenant, monsieur Warsmann !

M. Laurent Fabius. Permettez que je m’exprime, monsieur Warsmann.

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, monsieur Fabius.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Madame la présidente, je me contente de corriger une inexactitude !

M. Laurent Fabius. Le Gouvernement…

M. Yves Fromion. Vous avez raison de rappeler qu’il s’agit du même amendement !

Mme Françoise de Panafieu. Oui, du même !

M. Laurent Fabius.… a choisi jusqu’à présent de donner la priorité aux dispositions concernant le remplacement des ministres.

M. Alain Gest. Et l’amendement n° 74 rectifié, c’est le même aussi ?

Mme Claude Greff. Oui, c’est bien le même !

M. Laurent Fabius. Or, si l’on demandait aux Français de choisir parmi toutes les dispositions de la réforme constitutionnelle celle qu’il faut examiner en urgence, je ne crois pas que ce soit celle-là qu’ils placeraient au premier rang.

M. Yves Censi. C’est vraiment grotesque : c’est le même amendement !

M. Alain Gest. Oui, il faut tirer cela au clair !

M. Laurent Fabius. Ce soir, nous commençons par des dispositions relatives au droit d’amendement. Et si le Gouvernement a fait ce choix, c’est parce que ça l’arrange, pour reprendre une formule simple.

Je vous rends attentif à la chose suivante, monsieur le secrétaire d’État : si la loi organique est adoptée telle que vous la proposez, les dispositions qu’elle contient, en particulier celles limitant le droit d’amendement…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Ne parlez pas de limitation : depuis vingt et une heures trente, on n’a défendu qu’un seul et même amendement !

M. Laurent Fabius. …s’appliqueront-elles à la discussion du reste des dispositions de la révision constitutionnelle ? Autrement dit, la limitation du droit d’amendement…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’y aucune limitation : vous avez défendu vingt-deux fois le même amendement !

Mme Claude Greff. Vingt-deux fois !

M. Laurent Fabius. …s’étendra-t-elle à tous les domaines de la réforme des institutions sur lesquels nous serons appelés à légiférer, y compris le référendum d’initiative populaire ? Si tel était le cas, ce serait inacceptable.

M. Didier Quentin. Oui, le même vingt-deux fois !

M. Laurent Fabius. Mais je pense, monsieur le secrétaire d’État, que si le Gouvernement a choisi de mettre d’abord à l’ordre du jour ces dispositions, c’est parce qu’il souhaite que les restrictions qu’elles impliquent s’appliquent à la discussion des autres lois organiques relatives à l’application de la révision constitutionnelle.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Vingt-deux fois le même ?

M. Claude Goasguen. Absolument, la comparaison est claire : c’est vingt-deux fois le même amendement !!

M. Laurent Fabius. Ne suis-je pas assez clair sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Mme la présidente. Monsieur Fabius, je vais vous demander de vous acheminer vers votre conclusion.

M. Laurent Fabius. C’est un point important sur un plan pratique mais aussi sur un plan juridique. La question devra être posée au Conseil constitutionnel quand il sera saisi : est-il légitime que lorsqu’une même révision constitutionnelle comporte toute une série d’articles, une partie des dispositions d’application soit discutée selon une procédure n’impliquant pas de limitation du droit d’amendement et les parties suivantes selon une autre procédure impliquant une limitation du droit d’amendement ?

Le choix du Gouvernement de mettre d’abord à l’ordre du jour les présentes dispositions aura pour conséquence qu’il y a aura deux poids et deux mesures : la restriction du droit d’amendement sera appliquée à la discussion des dispositions relatives au référendum, ce qui me paraît extrêmement grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 53 rectifié à 74 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

(Les amendements identiques nos 53 rectifié à 74 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. Patrick Ollier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1.

Monsieur Ayrault, monsieur Fabius, je tiens à remercier le groupe socialiste…

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Patrick Ollier.… pour ce qu’il vient de faire pendant une heure quarante-cinq ! C’est la démonstration même de l’inacceptable.

M. Bernard Deflesselles. Tout à fait !

M. Patrick Ollier. Devant la presse qui va forcément relater ce qui vient de se passer : avec un extraordinaire brio, un talent que je salue, votre groupe a défendu vingt-deux fois de suite le même amendement.

M. René Dosière. Oui, mais avec des arguments différents !

M. Patrick Ollier. Tel un élève devant son maître, je suis admiratif de la manière dont vous avez réussi à trouver – parfois non sans mal, il faut le reconnaître – vingt-deux argumentations susceptibles de convaincre.

Cet exemple revêt une grande importance à nos yeux car il nous servira à montrer à la France entière ce dont nous ne voulons plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Défendre de vingt-deux manières différentes un même amendement tout au long d’un débat, est-ce cela votre conception de la démocratie ?

M. Philippe Martin. Vous faites de l’obstruction, monsieur Ollier !

M. Patrick Ollier. Je le dis à celles et ceux qui nous écoutent : un débat parlementaire de qualité ne saurait reposer sur de telles méthodes !

M. Christophe Caresche. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Patrick Ollier. Mon rappel au règlement est conforme au règlement de notre assemblée : il a trait au déroulement de la séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Ollier. En toute honnêteté, je m’étonne que le groupe socialiste ait recours à une telle méthode s’agissant d’un tel projet de loi. Vous auriez pu au moins éviter de tomber dans l’absurdité.

Au nom de la démocratie, nous ne pouvons accepter de telles méthodes et les Français non plus. Le jour venu, ils sauront juger votre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, pour un autre rappel au règlement.

M. François Brottes. Je me fonde aussi sur l’article 58, alinéa 1 ; mais Patrick Ollier vient de me donner l’occasion de faire un rappel au règlement encore plus pertinent que celui que j’avais prévu.

M. Alain Gest. Est-ce possible ?

M. François Brottes. L’arrivée de M. Proriol à l’instant dans notre hémicycle,…

M. Jean Proriol. Qu’ai-je à voir avec tout cela ?

M. François Brottes.… m’a fait penser à nos débats sur la transposition de la directive postale. Notre groupe, en désaccord avec la procédure choisie par le Gouvernement, avait déposé des milliers d’amendements dont certains avaient été, tout comme aujourd’hui, déclarés irrecevables par la présidence.

Aujourd’hui, le Président de la République, dont chacun connaît la grande expérience en matière d’amendements,…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Un peu de respect pour le Président de la République, qui a été élu comme ses prédécesseurs !

M. Henri Emmanuelli. Et qui n’a jamais déposé d’amendements !

M. Philippe Martin. Ne vous inquiétez pas, monsieur Warsmann, on lui dira que vous l’avez défendu !

M. François Brottes. …nous a réunis il y a quelques semaines à l’Élysée à propos de la question postale – M. Proriol était présent lui aussi. Il nous a indiqué qu’il serait opportun que, lors de la prochaine transposition de directive postale, la loi fasse clairement figurer les missions de service public de la poste telles que la bancarisation des plus démunis ou le prix unique du timbre…

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Cette question n’est pas à notre ordre du jour !

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. François Brottes. Suivez un peu mon raisonnement, mes chers collègues !

Il se trouve que ces missions, nous avions proposé par voie d’amendement de les inscrire dans la loi. Or certains de ces amendements ont été, je le répète, déclarés irrecevables et d’autres rejetés par votre majorité. Pourtant, nous avions pris soin de déposer des séries d’amendements identiques pour bien vous faire comprendre à quel point il était indispensable que ces missions figurent dans le texte. Votre comportement autiste a montré que nous n’avions vraisemblablement pas déposé suffisamment d’amendements identiques sur la question.

Démonstration est faite que lorsque l’opposition vous invite à faire moins de bêtises, parce qu’il y va de l’intérêt de la France et des Français, vous ne l’écoutez pas et vous vous rendez compte un peu trop tard de vos erreurs.

M. Yves Censi. C’est faux !

M. François Brottes. Le droit d’amendement de l’opposition est aussi là pour vous éviter d’avoir des remords. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour un autre rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. On va nous demander une suspension de séance !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur Ollier, je vous remercie de votre intervention.

M. Patrick Ollier. C’est moi qui vous ai remercié !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce que vous nous reprochez est bien le cœur du problème. Hier soir, j’ai tenté d’expliquer au travers de la défense de l’exception d’irrecevabilité combien je comprenais l’impatience des députés de la majorité, à qui l’on demande d’être présents pour soutenir le Gouvernement…

M. Yves Fromion. Rien de plus normal !

M. Jean-Marc Ayrault. …mais aussi, et souvent, de se taire.

M. Yves Censi. Nous débattons nous aussi !

M. Jean-Marc Ayrault. Il faut bien que vous acceptiez ce qui fait la grandeur et la misère de la majorité, dont nous avons nous-mêmes fait l’expérience lorsque nous étions majoritaires. C’est la loi du genre : il vous faut accepter d’être contestés par une opposition qui est là pour faire son travail. Or celle-ci ne peut s’y consacrer, au-delà de la discussion générale et de la défense des motions de procédure, qu’en défendant des amendements.

Monsieur Ollier, arrêtez cette polémique autour de l’obstruction et d’amendements prétendument bidons, comme prétend M. Copé. Je voudrais attirer votre attention sur un exemple concret qui concerne le débat sur le projet de loi relatif à l’audiovisuel.

Si cette loi organique puis la modification du règlement de l’Assemblée nationale sont adoptées, ce ne sont pas les quelques propositions que M. Accoyer a fait connaître il y a quelques heures qui y changeront quoi que ce soit : demain, avec le temps global, nous n’aurons pratiquement pas l’occasion et le temps de nous exprimer, par le biais au besoin de plusieurs amendements identiques, sur une question centrale.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux !

M. Jean-Marc Ayrault. L’exemple que je veux donner, c’est la nomination par le Président de la République du président de France Télévisions. Avec la réforme que vous voulez faire passer, nous y aurions passé cinq ou dix minutes, un quart d’heure maximum.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas acceptable.

Ce que nous avons voulu vous expliquer ce soir, c’est que, pour faire progresser une cause, il fallait un minimum de temps. Lorsque vous aurez restreint le droit d’amendement, ce droit à la défense d’une cause, nous ne l’aurons plus. Nous ne ferons plus que de la figuration et nous ne serons plus que des techniciens du droit. Nous avons une autre mission, comme l’a souligné Jean-Claude Fruteau, c’est de représenter ici le peuple souverain. C’est ce que vous voulez nous empêcher de faire.

Si nous avons mené une bataille sur le référendum d’initiative populaire, c’est parce que vous avez fait croire aux Français que, demain, ce serait possible. Nous avons fait la démonstration que c’était une fausse réforme et que ce serait quasiment impossible, comme il sera impossible aux parlementaires, y compris à titre individuel, y compris quand ils sont dans la majorité, de défendre une thèse, de défendre une cause qui leur paraît juste.

C’est cela, le le vrai débat et je vous remercie, monsieur Ollier, de m’avoir permis de vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Que le principal responsable d’un groupe de l’opposition réagisse ainsi à une lettre du président de l’Assemblée nationale, qui présente les éléments d’un statut de l’opposition. Cela me choque infiniment, et je ne prendrai qu’un exemple.

Le président de l’Assemblée nationale propose de partager à égalité le temps accordé à la majorité et à l’opposition pour les questions au gouvernement télévisées. C’est ce que Valéry Giscard d’Estaing avait institué en 1974, c’est ce que la gauche triomphante a supprimé en 1981 (Huées sur les bancs du groupe UMP) en accordant la majorité des questions à la majorité.

M. Benoist Apparu. Liberticide !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Nous pensons que, dans les fonctions de contrôle d’un Parlement, il faut une égalité entre la majorité et l’opposition. Alors que rien ne l’y obligeait, le président de l’Assemblée actuelle propose de la réintroduire et voilà comment vous réagissez. Nos concitoyens sauront juger.

On nous parle de revalorisation du rôle du Parlement. La première chose à faire pour revaloriser le rôle du Parlement,…

M. Jean Mallot. C’est de respecter l’opposition !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …c’est de respecter son ordre du jour. Quand le Parlement est convoqué pour définir les modalités d’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, on peut choisir de déposer des dizaines d’amendements…

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …sur d’autres sujets, mais, en tant que président de commission, je maintiens qu’une telle attitude est totalement irrespectueuse.

M. Jean Mallot. Pas du tout !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Il n’existe pas un conseil municipal, général ni régional …

M. Jean Mallot. Nous ne sommes pas un conseil municipal, nous sommes l’Assemblée nationale !

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …où, à vingt-deux reprises, des élus de la minorité s’expriment sur un sujet qui n’est pas à l’ordre du jour et sur lequel ils n’ont en rien été convoqués.

C’est votre choix, je ne vous le conteste pas…

M. Henri Emmanuelli. Qu’est ce que vous faites alors ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …puisque nous proposons un système de liberté de temps de parole, mais ce n’est pas avec de tels comportements, monsieur Ayrault, …

M. Jean-Marc Ayrault. Quels comportements ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. …que l’on revalorisera le rôle de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous n’allons pas engager un débat sur la lettre du président de l’Assemblée nationale, mais, puisque M. Warsmann considère que je traite par le mépris ce qui a été écrit par le président et dont je viens de prendre connaissance, je vais lui en donner deux exemples.

Vous trouvez formidable la proposition du président de l’Assemblée nationale de partager à égalité le temps des questions au gouvernement entre majorité et opposition mais, aujourd’hui, sur douze questions, l’opposition en pose cinq. Que se passera-t-il alors demain ? Nous aurons une question de plus ? Et si on veut le faire à la proportionnelle, il sera logique qu’elle soit accordée aux députés non inscrits. Ne nous dites donc pas que c’est un progrès, ce n’est rien du tout !

Autre exemple, la proposition de M. Accoyer d’attribuer la moitié du temps imparti dans le cadre des débats consécutifs aux déclarations du gouvernement aux groupes de l’opposition. C’est déjà le cas : nous en avons eu la démonstration cet après-midi. La majorité a eu deux fois dix minutes, l’opposition aussi. Arrêtez donc de nous dire que c’est un progrès !

Quant au respect de l’ordre du jour, lorsque nous déposons des amendements relatifs à une question comme le référendum d’initiative populaire, ne respectons-nous pas notre ordre du jour ? Bien sûr que si. Ce soir encore, vous voulez nous faire taire et nous retirer le pouvoir d’amender.

Il est vrai que c’est une bataille politique que nous voulons mener,…

M. Benoist Apparu. Une bataille politicienne !

M. Jean-Marc Ayrault. …et qui demande du temps, pour démontrer à nos concitoyens que c’est leur parole que nous voulons défendre. Ce n’est pas la nôtre, ce n’est pas une affaire entre parlementaires, c’est une affaire avec le peuple. Nous ne nous laisserons pas faire, nous sommes effectivement entrés en résistance contre votre volonté de nous bâillonner ; nous allons continuer, nous avons encore des heures et des jours pour cela. Ce que vous voulez faire est inacceptable et antidémocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Avant l’article 1er (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-deux amendements identiques, nos 867 à 888.

La parole est à M. Manuel Valls, pour défendre l’amendement n° 867.

M. Manuel Valls. Je veux répondre au président de la commission des lois que confondre l’organisation d’un conseil municipal avec celle de l’Assemblée nationale, c’est une monstruosité juridique.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Il s’en va !

M. Patrick Roy. Il a honte !

M. Jean Mallot. Il a peur !

M. Manuel Valls. À moins que cela ne veuille dire que le projet, au fond, est de faire fonctionner l’Assemblée nationale comme un conseil municipal.

M. Benoist Apparu. Arrêtez un peu, cela n’a aucun sens !

M. Manuel Valls. Il y aurait alors un vrai problème car cela ne peut pas fonctionner ainsi.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas de votre niveau, monsieur Valls !

M. Manuel Valls. Cela n’a rien à voir, ni le rôle du maire, ni la représentation des minorités, ni la manière dont on établit un règlement intérieur pour nos débats.

J’en viens à l’amendement n° 867 que je présente avec M. Urvoas. D’autres amendements vont suivre, ils sont nombreux.

M. Benoist Apparu. D’un niveau intellectuel qui rehausse la qualité de nos débats !

M. Manuel Valls. Nous avons déjà répondu à M. Ollier et j’y reviens d’un mot : nous n’avons pas d’autre moyen que d’agir ainsi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous n’avez pas voulu, monsieur le secrétaire d’État, avoir une discussion, sur l’ordonnancement et l’importance des projets de loi organiques ou ordinaires en application de la réforme constitutionnelle.

À travers ce projet de loi organique, vous voulez brider la parole des parlementaires et mettre à mal un droit sacré qui est le droit d’amendement. C’est la raison pour laquelle, comme vient de le dire Jean-Marc Ayrault, nous menons un débat politique pour faire la démonstration de cette volonté qui est la vôtre.

Notre amendement n° 867 vise également à éclairer les citoyens sur la réelle finalité de ce chapitre qui vise à brider le pouvoir de résolution des parlementaires.

Le comité Balladur souhaitait lever l’interdit qui frappe les résolutions, soucieux à la fois d’éviter l’adoption de lois bavardes – franchement, vous en avez fait la démonstration depuis le début de cette législature – inapplicables et dénuées de portée normative, et de permettre au Parlement d’exercer la fonction tribunicienne utile au fonctionnement de toute démocratie.

Ce débat s’est noué dès le début de l’examen de la loi permettant la réforme constitutionnelle. Le texte initial, dans le fil du rapport Balladur, donnait aux parlementaires le pouvoir que nous demandions. À l’époque déjà, le président Warsmann s’était opposé à cette idée. Lors de la navette avec le Sénat, son collègue Jean-Jacques Hyest défendait quant à lui cette idée de la fonction tribunicienne. Parce qu’il a fallu un accord entre le Sénat et l’Assemblée nationale, vous avez dû bon gré mal gré accepter l’idée de la résolution ; mais, aussitôt arrivée la loi organique, vous vous employez à la mettre à bas. Nous versons bien quelle sera la réaction du Sénat, lui dont on veut restreindre les droits, notamment à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel.

Dans le texte que vous nous présentez, le droit de résolution est vidé de sa substance. Les limites sont posées. Au fond, cela permet uniquement à la majorité de soutenir le Gouvernement, c’est un droit à la botte de l’exécutif.

Il est tout de même extraordinaire qu’à l’occasion de la première discussion sur les droits des parlementaires, le premier acte du président de la commission des lois, rapporteur du projet, le premier acte de la majorité soit de donner au Premier ministre un droit de veto sur le sort des propositions de résolution !

M. Patrick Roy. Ce n’est pas bien !

M. Manuel Valls. Cela illustre parfaitement la philosophie qui est la vôtre. Au fond, contrairement à ce que vous nous racontez, vous ne voulez pas donner des droits nouveaux au Parlement. Vous voulez donner au Premier ministre, au Gouvernement et à l’exécutif la possibilité de brider tous les droits de l’opposition, tous les droits du Parlement.

C’est inacceptable et c’est la raison pour laquelle nous déposons cet amendement et nous serons nombreux, monsieur Ollier, au cours de cette soirée, à défendre un amendement qui n’est pas identique mais qui veut dire exactement la même chose.

M. Patrick Roy. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Cela fait un certain temps que je voulais faire ce rappel au règlement mais le débat était tout à fait intéressant sur un sujet majeur de notre démocratie, sujet apparemment mis aux oubliettes, remis à demain, après-demain ou à un jour peut-être.

Mme la présidente. Sur quel article est fondé votre rappel au règlement ?

M. Patrick Roy. L’article 58-1, évidemment !

Sur la question majeure, majeure parce qu’elle illustre bien quelles sont nos difficultés, le fait que 1 015 amendements aient été supprimés, anéantis, je n’ai pas compris l’explication…

M. Christian Jacob. Soyons francs, vous ne comprenez pas grand-chose ! M. Roy a quelques lacunes !

M. Patrick Roy. …mais vous allez certainement me la donner.

Nous sommes en train de débattre d’un texte qui, apparemment, tend à rénover, à renforcer l’activité parlementaire. Or, si j’en crois mes collègues expérimentés, cette suppression, inédite, de 1 015 amendements reposerait sur l’utilisation de l’article 127, très rarement utilisé…

Mme la présidente. Monsieur Roy, vous avez eu de multiples réponses sur cette affaire de suppression d’amendements et nous en avons reparlé au début de la séance.

M. Patrick Roy. J’ai deux questions. Tout d’abord, je n’ai pas compris pourquoi on recourait, pour repousser quelque 1 015 amendements, à un article jusqu’alors très peu utilisé, et uniquement dans des cas très ponctuels.

Ensuite, lorsque nous avons évoqué la possibilité d’un « caprice du Président », j’ai cru percevoir un haussement d’épaules (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme s’il n’était pas permis d’avoir de doutes à cet égard.Dans une vraie démocratie, on a le droit d’exprimer des doutes sur les motivations personnelles d’un homme public, fût-il le Président de la République lui-même.

M. Patrick Ollier. Ce n’est pas un rappel au règlement !

Mme la présidente. Monsieur Roy, si j’ai lu un amendement, c’était pour vous éclairer sur l’injonction.

Reprise de la discussion

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l’amendement n° 868.

M. Dominique Raimbourg. Nous sommes 214 votants : 214 à perdre notre temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Grâce à vous !

M. Dominique Raimbourg. Non, car pour cela il faut être deux !

C’est la procédure choisie qui rend cette perte de temps inévitable, et nous ne pouvons que le regretter, les uns et les autres.

L’exercice était difficile, car portant à la fois sur le court et le long terme. À court terme, il s’agissait de définir les droits de la majorité et de l’opposition, la façon dont nous devons vivre ensemble ; à cet égard, vous aviez beaucoup à gagner, et nous beaucoup à perdre. En même temps, il nous fallait nous mettre d’accord sur un règlement qui permette de moderniser le Parlement, de lui redonner un rôle important, dans une période qui s’y prête difficilement du fait de la concentration des pouvoirs à l’Élysée. Cet exercice, nous le ratons collectivement, parce qu’il n’y a pas eu de consensus avant l’examen de cette loi organique, et il ne nous est guère possible d’accepter ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Le projet comporte des dispositions tout à fait surprenantes. Si le Parlement se voit accorder le droit, nouveau, de voter des résolutions, le Gouvernement a, de son côté, la possibilité de déclarer celles-ci irrecevables lorsqu’elles tendent à lui adresser des injonctions ou à critiquer son action. Or, normalement, celui qui prononce l’irrecevabilité ne peut être celui qui l’a invoquée. Il n’est pas normal, en l’occurrence, que le Premier ministre puisse constater lui-même l’irrecevabilité d’une résolution est irrecevable et la notifier au président de l’Assemblée de sorte qu’elle devienne caduque.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est la Constitution !

M. Dominique Raimbourg. Le Premier ministre pourra, au bénéfice du Gouvernement, faire valoir l’irrecevabilité sans qu’une instance tierce soit appelée à statuer. C’est un mécanisme totalement exorbitant du droit commun.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est le respect de la Constitution !

M. Dominique Raimbourg. En disant cela, je ne défends pas une position partisane, car ce mécanisme, chers collègues de la majorité, vous desservira vous-mêmes dès l’instant où vous aurez un quelconque désaccord avec le Gouvernement. Loin de revaloriser le rôle du Parlement, vous contribuez à son abaissement en vous laissant emporter par la précipitation.

Nous devrions suspendre l’examen de ce texte pour rediscuter entre nous afin de voir ce qu’il est possible de faire pour aboutir à un consensus – et refuser en tout cas qu’une même personne puisse invoquer et constater l’irrecevabilité d’une résolution.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n° 869.

M. Bruno Le Roux. Je voudrais profiter du retour du président Accoyer dans l’hémicycle pour défendre cet amendement du point de vue de la méthode…

J’ai dit tout à l’heure au ministre que le Gouvernement, en déposant ce projet, avait fait une mauvaise manière au Parlement, mais aussi au travail engagé par le président Accoyer, et qui visait à parvenir, sur le maximum de dispositions découlant de la révision constitutionnelle, à un consensus en vue de modifier le règlement et d’adopter de nouvelles règles de comportement et de débat.

Comme le disait Laurent Fabius, la question du consensus n’est pas anodine. Elle est directement liée à l’alternance démocratique que connaît régulièrement notre pays depuis 1981. Je ne souhaite pas, chers collègues de la majorité, que vous reveniez en arrière par rapport à cette question, dont nous pouvons envisager de débattre entre nous au sein de cet hémicycle.

Je pense, et je souhaite, que notre pays connaîtra demain de nouvelles alternances. Vous raisonnez aujourd’hui de la même façon que les députés nouvellement battus de 1981, pour qui la gauche était forcément illégitime et devait donc être empêchée de gouverner. Je vous demande de réfléchir aux dispositions que vous voulez adopter aujourd’hui, à la lumière de la probable, et même certaine, alternance qui se produira demain. Vous jugerez alors insupportable la restriction du droit d’amendement, et tout aussi insupportable le fait que le nouveau droit de résolution soit d’ores et déjà réduit, et ce dès la navette parlementaire, comme mes collègues viennent de le montrer, à n’être qu’un faire-valoir de la majorité.

C’est vous-mêmes que cette restriction mettra le plus mal à l’aise. Je veux citer le sénateur Jean-Jacques Hyest, que sa franchise honore. Prenant l’exemple des questions militaires, il disait : « Le lendemain, le Parlement voudrait voter, par exemple, une résolution demandant que le Gouvernement ne change rien en ce qui concerne l’installation des casernes sur le territoire. Une telle résolution ne serait pas recevable parce qu’elle remettrait en cause l’action du Gouvernement. » Mes chers collègues, vous n’aurez pas le droit de remettre en cause, même par une simple résolution, l’action du Gouvernement ! Et M. Hyest de poursuivre : « En revanche, une résolution recevable serait une résolution indiquant, par exemple, que le Parlement comprend très bien la nécessité de réformer les armées. »

Si le pouvoir de résolution consiste à avaler des couleuvres quand on est dans la majorité et à dire au Gouvernement qu’on est d’accord avec lui quand on est dans l’opposition, il est abusif de parler de droit nouveau !

C’est pourquoi nous voulons reprendre le processus de la commission Accoyer. Nous souhaitons un échange entre parlementaires car, face aux injonctions de l’exécutif et du secrétaire général de l’Élysée, qui voudrait réécrire à lui seul le règlement de l’Assemblée, nous sommes les mieux placés pour trouver les nouvelles voies qui permettront au Parlement de mieux légiférer à l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 871.

Mme Delphine Batho. Cet amendement vise à dénoncer la façon dont le projet de loi organique bride ce qui avait été présenté à l’occasion de la révision constitutionnelle comme une avancée pour le Parlement : le droit de résolution.

Je ne sais pas si nos collègues de la majorité se rendent compte de la fuite en avant, de la spirale infernale dans laquelle ils s’engagent. Dans le débat sur les amendements précédents, le président de la commission des lois a laissé entendre qu’il n’était pas normal que les parlementaires veuillent introduire des articles additionnels dans un projet de loi. Si l’on suit ce raisonnement, et si le règlement de l’Assemblée nationale est à l’avenir modifié non dans le sens de l’esprit consensuel auquel nous appelons, mais dans celui souhaité par le président de la commission des lois, il sera désormais interdit aux parlementaires d’ajouter des articles additionnels aux projets de loi !

En outre, le président Ollier nous a dit, bien que le droit d’amendement soit un droit individuel, que les parlementaires n’auraient plus le droit de déposer des amendements rédigés en termes identiques. Monsieur Ollier, je voudrais vous rappeler l’épisode de l’adoption de l’amendement n° 252 dans le débat sur les OGM : M. Giscard d’Estaing, M. Chassaigne et moi-même avions chacun défendu des amendements rédigés strictement dans les mêmes termes.

M. Christian Jacob. M. Chassaigne avait repris l’amendement !

M. Patrick Ollier. Ces amendements n’émanaient pas du même groupe !

Mme Delphine Batho. Ce n’est pas une raison, car le droit d’amendement n’appartient pas au groupe mais à chaque parlementaire, porteur d’une part de la souveraineté nationale.

M. Jean Mallot. Très bien !

Mme Delphine Batho. Ces deux interventions, celle de M. Warsmann et la vôtre, sont très révélatrices. La réforme à venir du règlement intérieur prévoira probablement qu’il est interdit aux parlementaires de proposer des articles additionnels et de rédiger des amendements identiques. Telle est la réforme à laquelle vous souhaitez procéder !

M. le secrétaire d’État a tenté tout à l’heure de se justifier sur la méthode et le calendrier choisis, en expliquant pourquoi la question du temps de discussion global passait avant celle du référendum d’initiative citoyenne. Il y a cependant une contradiction à laquelle il n’a pas répondu. Alors que la majorité a inscrit dans le nouvel article 45 de la Constitution qu’aucun amendement ne pouvait être déclaré irrecevable en première lecture, plus de mille amendements viennent de l’être sur ce texte. Et la nouvelle disposition constitutionnelle selon laquelle un projet de loi organique ne peut venir en débat dans cet hémicycle avant un délai de six semaines suivant son examen en Conseil des ministres n’a pas davantage été respectée.

Monsieur le ministre, vous nous avez répondu que ces nouveaux articles 42, 45 et 46 de la Constitution ne s’appliqueront qu’au 1er mars prochain. Avec un tel argument, vous avez peut-être juridiquement raison mais, eu égard aux engagements que vous avez pris et à l’esprit que vous dites être le vôtre, vous avez politiquement tort ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour défendre l’amendement n° 872.

Mme George Pau-Langevin. Nous déplorons que la majorité ait cru devoir renier, d’une certaine manière, des engagements qu’elle avait pris.

Je suis particulièrement attentive à l’aménagement de ce pouvoir de résolution car, lorsque nous avons travaillé dans le cadre de la mission sur l’histoire et la mémoire, il nous a été expliqué qu’il n’était pas utile que les parlementaires adoptent des lois mémorielles – dont certaines sont pourtant des lois importantes, comme la loi Gayssot ou à la loi Taubira – dans la mesure où ils auraient la possibilité de voter des résolutions. Or, quelle n’a pas été notre déception de constater que cette faculté sera bridée et soumise au bon vouloir de l’exécutif !

Force est de constater que les engagements pris sur ce point devant la mission sur l’histoire et la mémoire. Nous avons le sentiment, une fois encore, d’avoir été trompés. Nous regrettons que la majorité, une fois de plus, comme sur d’autres points de la révision constitutionnelle, ait perdu l’occasion d’une avancée significative pour les droits des parlementaires et pour la démocratie. L’opposition a été trompée.

M. Jean Gaubert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n° 873.

Mme Marietta Karamanli. Je défends cet amendement parce que le pouvoir de résolution des parlementaires risque d’être bridé par le mécanisme même d’encadrement, mais aussi par la volonté de l’exécutif. Hormis les questions au Gouvernement, aucune manifestation spontanée d’opinion touchant à la politique gouvernementale n’est permise aux députés. Les résolutions elles-mêmes seront très encadrées : elles ne pourront valoir demande, décision, ordre ou injonction à l’égard de l’exécutif, comme l’a très bien rappelé mon collègue Dominique Raimbourg. Pour reprendre une comparaison chère au doyen Vedel, c’est comme si, dans un ménage, l’un des époux n’avait plus le choix qu’entre poser une question ou divorcer : sa parole, déjà contrainte, est au bord de l’extinction puisqu’elle ne peut ni se manifester immédiatement ni être répétée, mais peut en revanche être contrariée, sans délai, par l’exécutif.

Rien n’obligeait à une telle rigueur, hormis la volonté de limiter la parole des députés de l’opposition. Nous sommes des parlementaires responsables, dans un espace démocratique ; nous sommes la représentation nationale. Brider le pouvoir de résolution des parlementaires, c’est bâillonner la représentation nationale. C’est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vuilque, pour soutenir l’amendement n° 874.

M. Philippe Vuilque. Cet amendement est pertinent et utile. Il vise en effet à compléter l’intitulé du chapitre Ier pour revenir au sens de l’exposé des motifs du projet de loi organique, qui précise que ce chapitre « comprend les dispositions organiques nécessaires à l’application du nouvel article 34-1 de la Constitution relatif aux résolutions. Destiné à renforcer les capacités d’expression du Parlement dans le débat public, le droit de chaque assemblée d’adopter des résolutions évitera aussi de charger les lois de dispositions insuffisamment normatives. » On ne peut qu’approuver cette partie de l’exposé des motifs !

Mais plus loin, dans le même exposé des motifs, on peut lire : « L’article 3 dispose, conformément à ce que prévoit l’article 34-1 de la Constitution, qu’une proposition est irrecevable et ne peut être examinée en commission ni être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée, si le Premier ministre fait connaître que le Gouvernement estime que la proposition met en cause sa responsabilité ou contient une injonction à son égard. » Il faudrait nous expliquer comment le Gouvernement s’y prendra pour estimer que tel est bien le cas : il y a toujours, en effet, une part de subjectivité dans ce type d’appréciation. Naturellement, quand l’opposition déposera une demande de résolution, le Gouvernement aura tout loisir de juger qu’elle met en cause sa responsabilité, et de l’écarter sans autre forme de procès.

Voilà une occasion manquée de la part du Gouvernement. Pourquoi n’a-t-il pas repris la préconisation, rappelée par Manuel Valls, du comité Balladur, qui était claire et ne comportait aucune restriction à la portée de la révision constitutionnelle sur ce sujet ? Je donne lecture de cette proposition, qui porte le numéro 48 : « Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement. » Au cours des débats sur le projet de révision constitutionnelle, on a vu M. Warsmann s’opposer à cette proposition, puis le Sénat s’opposer à M. Warsmann pour la rétablir. Mais, en l’état actuel du projet de loi organique, lorsque l’opposition déposera une proposition de résolution, le Gouvernement considérera que sa responsabilité est mise en cause et l’estimera – sur quels critères ? – irrecevable. Ce droit nouveau que nous confère la Constitution n’aura donc que des répercussions très limitées.

Nous considérons donc qu’il est indispensable, pour la clarté du débat, de modifier le titre du chapitre Ier car il ne correspond absolument pas à la réalité.

M. Jean Mallot. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n° 875.

M. Jean-Michel Clément. À la lecture du chapitre Ier de ce projet de loi, je ne peux m’empêcher de me rappeler certaines réflexions que plusieurs d’entre nous, alors étudiants, ont pu avoir en étudiant la Constitution de 1958. Celle-ci nous était présentée comme faisant suite à une période d’instabilité parlementaire et gouvernementale, et c’est pourquoi, nous disait-on, ses rédacteurs avaient pris le maximum de précautions pour atteindre un équilibre des pouvoirs, notamment entre l’exécutif et le législatif, de nature à garantir la stabilité des institutions. Nous aurions dès lors pu espérer, puisqu’il s’agissait de rénover cette Constitution – d’aucuns, comme moi, auraient même voulu en écrire une sixième –, que, cinquante plus tard, serait rédigé un texte compatible avec les aspirations démocratiques du peuple français.

Or, on constate dès le chapitre Ier la présence d’un élément de coercition : l’intervention du Gouvernement, qui va avoir le droit de déclarer sans contrôle si, oui ou non, la résolution est recevable. Ce chapitre, pourtant, ne porte que sur le pouvoir de résolution et ne prête pas, a priori, à contestation particulière puisqu’il ne s’agit que de faire respirer le débat démocratique. Devant une telle situation, je constate que le droit qui nous est présenté comme un droit nouveau est en réalité un non-droit qui va bâillonner un peu plus le Parlement.

Face à ce qui nous est présenté comme un progrès, il faut savoir que le diable se cache dans les détails. En l’espèce, le détail, c’est que le Gouvernement aura le droit de décider si les résolutions sont acceptables.

M. Jean Mallot. Il faut une suspension de séance pour que le groupe UMP puisse se réunir, madame la présidente !

M. Philippe Vuilque. C’est le dernier salon où l’on cause !

Mme la présidente. Laissez votre collègue s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Michel Clément. Madame la présidente, regardez l’attitude du rapporteur qui ne nous écoute pas ! C’est un dénigrement de l’opposition ! Voilà comment on considère le Parlement et voilà ce qui nous attend demain : l’absence de respect ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Devant une attitude comme celle-ci, on peut se demander ce qu’il en sera, demain, du droit de résolution, du droit d’amendement et, pis encore, du droit d’être écouté. C’est pourquoi nous prendrons le temps de débattre longuement de ce que nous considérons comme un déni de démocratie.

Mes chers collègues, nous vous invitons naturellement à voter cet amendement, car si chacun prend le temps d’en mesurer la portée, il comprendra que c’est son propre droit à la parole qu’il protégera en le votant.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n° 876.

M. Christophe Caresche. Au-delà du caractère quelque peu répétitif des arguments (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce débat est important sur le fond. J’observe d’ailleurs qu’un certain nombre de questions ont été posées depuis le début de cette séance, et que le secrétaire d’État nous a apporté certaines réponses non dénuées d’intérêt, notamment sur le calendrier de mise en œuvre de la réforme. En revanche, il n’a pas répondu à la remarque très pertinente de Laurent Fabius, qui a relevé que nous examinons cette loi organique sous le régime d’amendement actuel, et que nous examinerons les suivantes sous un autre régime. Il y a là une contradiction manifeste, sur laquelle ni le Gouvernement ni le président de la commission n’ont répondu.

S’agissant du pouvoir de résolution, je tiens à rappeler, à mon tour, le cheminement chaotique au terme duquel ce point s’est retrouvé dans la révision constitutionnelle.

Le pouvoir de résolution avait été proposé par la commission Balladur, avec des arguments extrêmement convaincants, mais il n’avait pas été retenu par le Gouvernement dans le texte initial du projet de loi constitutionnelle. Nous avions souhaité l’introduire, mais le président de la commission des lois et le Gouvernement s’y étaient opposés, puis le Sénat a finalement obtenu son inscription dans la Constitution. Ce que vous n’avez pas pu refuser au Sénat, vous essayez aujourd’hui de le vider de sa substance, en imposant une version aussi édulcorée que possible de cette prérogative parlementaire.

Mme Delphine Batho. Le Gouvernement s’est vengé !

M. Christophe Caresche. Depuis le début, en effet, le Gouvernement et la majorité n’en veulent pas.

Le pouvoir de résolution tel que proposé dans le projet de loi organique pose des problèmes importants puisque, suivant une conception passablement baroque, le Gouvernement aura toute latitude pour décider si la résolution est recevable ou non. Nous ne contestons pas la nécessité d’une procédure d’irrecevabilité, mais la confier au Gouvernement vide le dispositif de son sens. Il aurait fallu que ce soit une autorité tierce qui se prononce sur l’irrecevabilité, car on peut penser que le Gouvernement fera en sorte que les propositions de résolution n’aboutissent pas, sauf si leur portée est très limitée. Comme Mme Pau-Langevin l’a rappelé, la commission Balladur avait notamment proposé de permettre au Parlement de s’exprimer sur un certain nombre de questions, les questions mémorielles en particulier, autrement qu’à travers des propositions de loi ou des amendements à des projets de loi.

En restreignant très fortement ce pouvoir de résolution, vous allez priver le Parlement d’un moyen d’action très utile et important. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 878.

M. Christian Eckert. Tout d’abord, je veux souligner la pertinence des arguments de nos collègues Dominique Raimbourg et Christophe Caresche sur la confusion des genres qui caractérise cet élément de votre projet.

Plus largement, je voudrais donner un point de vue personnel, étayé par mes quelque dix-huit mois d’expérience parlementaire. Je crois que le travail de l’opposition à un texte qu’elle juge dangereux est efficace à deux conditions, et que ces conditions sont interdépendantes : cette opposition doit être forte et elle doit trouver un écho dans l’opinion. Mais cela, vous refusez de l’entendre et de le comprendre, oubliant que la majorité d’un jour peut être l’opposition du lendemain. Je citerai seulement, sans entrer dans les détails, les lois sur le CPE et sur l’audiovisuel : le travail d’une opposition parlementaire déterminée a provoqué une prise de conscience dans l’opinion.

Je voudrais aussi revenir sur les propos de notre malheureux collègue Richard Mallié, qui se trouve empêtré dans l’examen de sa proposition sur le travail du dimanche et qui a brocardé certains de nos amendements. Mes chers collègues, si vous avez été contraints de reporter ce texte sine die – ou à la saint-glinglin, comme l’écrivait un journal –, ce n’est pas à cause de nos amendements ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Copé. Ah non ? Plus de 7 500 amendements, c’est une paille !

M. Christian Eckert. Monsieur Copé, puisque vous avez eu la bonté de vous asseoir enfin (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP), je voudrais vous rappeler que, durant les deux heures de discussion du 17 décembre au soir, quatre orateurs seulement se sont exprimés : deux membres du Gouvernement, le rapporteur au fond et le rapporteur pour avis de la proposition de loi. Pas un seul orateur socialiste n’a pris la parole dans l’hémicycle, pas un seul de nos amendements n’a été examiné au cours de cette séance !

Cela démontre que les deux conditions que j’ai mentionnées tout à l’heure doivent être réunies, et que l’une ne va pas sans l’autre. L’opinion populaire vous a fait reculer sur ce texte, et elle vous fera reculer demain, si elle ne vous fait pas tomber. Alertée par un travail parlementaire effectué en amont – y compris par certains collègues de la majorité –, elle a été relayée à l’intérieur de cet hémicycle.

C’est ce risque auquel vous voulez parer avec l’article 13 du projet de loi organique – nous y reviendrons lors de l’examen des articles – ainsi qu’avec l’article 3 relatif aux propositions de résolution, qui fait le Gouvernement juge et partie à la fois. Contrairement à ce que vous essayez de vendre en vain à l’opinion publique, vous cherchez à brider et à restreindre les pouvoirs du Parlement. Monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous aurez à cœur d’approuver notre amendement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Copé. Un peu faiblards, les applaudissements !

M. Henri Emmanuelli. Qu’est ce qui ne va pas, monsieur Copé ?

M. Jean Mallot. Il s’est encore relevé : il craint la phlébite !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour défendre l’amendement n° 879.

M. Pascal Deguilhem. Vous ne nous suivrez pas, chers collègues de la majorité, sur la défense du droit d’amendement, nous l’avons compris depuis le début de la soirée ; c’est un fait acquis. S’agissant en revanche du droit de résolution, vous avez la possibilité de rétablir quelque peu la capacité d’expression des parlementaires.

Force est de convenir que votre texte – sous réserve qu’il ne soit pas « revisité » par le Conseil constitutionnel –, présente dans son écriture, dans l’agencement de ses articles, quelques manipulations habiles. Il comporte ainsi en son début un article instituant un droit de résolution, pour s’achever par des articles, nos 11, 12 et 13, qui réduisent le droit d’expression des parlementaires.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. C’est inexact !

M. Pascal Deguilhem. Nous savons tous que le droit de résolution a été sévèrement châtié à l’occasion de la révision constitutionnelle : aux termes de l’article 34-1 nouveau, une proposition dont le Gouvernement estime que son adoption ou son rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité, ou qu’elle contient une injonction à son égard, ne peut être examinée en commission ni inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée.

Le droit de résolution, tel qu’il nous est proposé, ne sera donc, pour les parlementaires, qu’un simple défouloir, et rien d’autre. C’est le seul moyen d’expression qui nous restera.

Chers collègues, pour la treizième fois nous vous le répétons : notre intérêt commun est d’expliquer à nos concitoyens que cette partie du projet de loi vise bien à brider notre pouvoir dans le cadre de la dernière possibilité d’expression qui nous restera demain, une fois le projet adopté.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 880.

M. Jean Mallot. Pour la richesse du débat, chacun a certainement pris soin de lire attentivement cet amendement que j’ai cosigné avec Bernard Lesterlin.

À l’occasion de cette présentation, je m’attendais à revenir sur l’interrogation de Laurent Fabius, restée sans réponse à ce jour, tant de la part du président de la commission des lois que du Gouvernement et du président de l’Assemblée nationale lui-même qui, hier, s’est arrogé le droit de faire disparaître, en application de l’article 127 de notre règlement, 1 015 de nos amendements. (Interruptions sur les bancs du groupe UMP.)

Laurent Fabius a notamment soulevé une difficulté de procédure : notre travail législatif est extrêmement fragile, car une partie des dispositions découlant de la révision constitutionnelle sera mise en œuvre en application du règlement actuel, et une autre le sera en application du règlement futur, lequel, si par malheur le projet dont nous discutons était adopté, comporterait la disposition du « temps guillotine », selon la belle formule de Jean-Jacques Urvoas.

Ayant rappelé cette difficulté, je voudrais présenter l’amendement n° 880 en m’appuyant sur les propos tenus en début de soirée par le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann.

M. Benoist Apparu. L’excellent président Warsmann !

M. Jean Mallot. Le président Warsmann a déclaré les amendements précédents irrecevables.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je n’ai rien déclaré irrecevable !

M. Jean Mallot. Je rappelle que ces amendements avaient trait à la mise en œuvre le référendum d’initiative partagée. Le président Warsmann les a déclarés irrecevables, non pertinents, au motif qu’ils n’entreraient pas dans le cadre du présent projet de loi organique, puisqu’ils tendent à l’application de l’article 11-4 nouveau de la Constitution.

Monsieur le président et rapporteur Warsmann, je vais vous dire comment il fallait procéder : il fallait d’abord adopter nos amendements et modifier ensuite le titre du projet. Le périmètre aurait ainsi été cohérent avec le contenu du texte.

Il en va de même pour l’amendement n° 880.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Vous voulez juste changer le titre !

M. Jean Mallot. Ayant lu le contenu du chapitre Ier du projet de loi organique, et ayant constaté qu’il vise en réalité à brider le pouvoir de résolution des parlementaires, nous vous proposons de modifier son intitulé en conséquence.

La lecture de son contenu montre à l’envi la vraie nature de votre démarche. L’introduction du droit de résolution, lors de la révision constitutionnelle de juillet dernier, avait suscité beaucoup d’espoirs. Le recours aux résolutions devait non seulement éviter de surcharger les lois de dispositions insuffisamment normatives, mais aussi nous donner les moyens – y compris au groupe UMP, qui rigole à tort, et à M. Copé qui ferait mieux de se rasseoir car cela lui ferait beaucoup de bien (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –,de nous exprimer sur les sujets les plus variés et d’exercer notre pouvoir de contrôle.

En réalité, le Gouvernement et l’UMP ont eu peur de leur propre audace. Sitôt la révision constitutionnelle votée, ils cherchent, dans la loi organique, à reprendre d’une main ce qu’ils ont à grand-peine concédé de l’autre, à vider de sa substance ce droit nouveau qui était supposé enrichir le travail parlementaire et nous donner des moyens supplémentaires.

Pour illustrer mon propos, je prendrai seulement deux exemples, car nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des amendements suivants.

L’article 3 donne au Premier ministre un droit de veto. Imaginons qu’une proposition de résolution soit déposée par l’un ou l’une d’entre nous sur l’avenir du beau service public qu’est La Poste, et appelant à ce que cette dernière garde son statut, qu’elle ne soit pas transformée en société anonyme, que la présence postale soit maintenue sur tout le territoire, etc. Naturellement, le Gouvernement considérerait cette proposition de résolution comme une injonction à son égard, et l’écarterait.

M. Yves Albarello. Vous racontez n’importe quoi !

M. Jean Mallot. Deuxième exemple : l’article 4 dispose qu’une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée moins de huit jours après son examen en commission. Ce délai sera trop long dans le cas d’une résolution portant sur un conflit international qui, en huit jours, a le temps d’évoluer – de se régler ou au contraire de s’enflammer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il est donc absolument indispensable de voter cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Martin, pour soutenir l’amendement n° 881.

M. Philippe Martin. C’est toujours un grand bonheur d’intervenir après Jean Mallot, tant il exprime avec des mots forts ce que nous ressentons tous. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Ollier étant sur le point de s’en aller, je voudrais lui dire que j’ai apprécié la sorte de gourmandise qu’il manifeste toujours lorsqu’il croit pouvoir déceler des turpitudes de l’opposition…

M. Patrick Ollier. Je suis un bon détective !

M. Philippe Martin. …pour mieux cacher les siennes, lui qui s’est rendu célèbre, lors de la cette fameuse CMP sur les OGM, en bâillonnant la démocratie, en confiant à huit parlementaires le soin de choisir à la place de l’ensemble des députés et sénateurs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. À votre demande et grâce à vous !

M. Philippe Martin. Comme Jean Mallot, je voudrais défendre cet amendement car, ce soir, nous comprenons particulièrement bien ce que vous voulez.

M. Christian Jacob. Alors, c’est un grand moment !

M. Philippe Martin. Au fond, monsieur le président Ollier, votre dénonciation du caractère répétitif de nos amendements aurait été justifiée si des réponses avaient été apportées aux questions extrêmement importantes que nous posons. Lorsque Laurent Fabius, qui fut par deux fois président de l’Assemblée nationale,…

M. Lionel Tardy. Il est parti !

M. Philippe Martin. …pose une question cruciale pour notre discussion, sans obtenir du président de la commission des lois, du secrétaire d’État ni de qui que ce soit l’ombre du commencement d’une réponse, nous sommes fondés à revenir sans cesse à la charge.

Ce soir, nous comprenons de façon plus claire encore que votre intention n’est pas tant de limiter le droit d’amendement que de limiter les droits de l’opposition.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quels propos honteux ! Quelle tristesse !

M. Philippe Martin. Alors que vous détenez déjà les pleins pouvoirs exécutifs et bientôt, grâce à la suppression du juge d’instruction, judiciaires, sans parler des pleins pouvoirs audiovisuels (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), vous voulez aujourd’hui les pleins pouvoirs législatifs !

Souffrez, mes chers collègues (Même mouvement), que, pour quelque temps encore, nous retardions l’heure où le bourreau viendra guillotiner le droit d’amendement et la démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Martinel, pour soutenir l’amendement n° 882.

Mme Martine Martinel. L’amendement est défendu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l’amendement n° 883.

Mme Catherine Lemorton. Défendu également.

Mme la présidente. L’amendement n° 884 est-il également défendu, monsieur Fruteau ?

M. Jean-Claude Fruteau. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. De même que l’amendement n° 885, madame Adam ?

Mme Patricia Adam. Défendu !

Mme la présidente. L’amendement n° 886…

M. Yves Durand. …est également défendu.

Mme la présidente. Ainsi que l’amendement n° 888 ?

Mme Marie-Lou Marcel. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements identiques ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Défavorable également.

Demande de vérification du quorum

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Ayrault. Je vous remercie, madame la présidente, de la sérénité avec laquelle vous avez présidé cette séance. (Applaudissements sur tous les bancs.) Les débats avancent mieux ainsi.

Je vous demande, en vertu de l’article 61, alinéa 2, du règlement, de bien vouloir vérifier le quorum. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Copé, pour un rappel au règlement.

M. Jean-François Copé. La technique du rappel au règlement est couramment utilisée par M. Ayrault pour faire de l’obstruction. Je l’invite à méditer sur cette méthode, car c’est peut-être – nous l’espérons en tout cas – l’une des dernières fois qu’il pourra l’appliquer dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

De nombreux députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quel aveu !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez M. Copé s’exprimer.

M. Jean-François Copé. Nous ne sommes dupes de rien !

Je demande à mes collègues de la majorité d’avoir la patience d’attendre une heure, de façon que nous rejetions dès ce soir ces amendements, tous plus grotesques les uns que les autres. Nous montrerons ainsi notre détermination à défendre l’image du Parlement face à un comportement avilissant, qui n’honore pas notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Mon rappel au règlement sera bref.

Merci de votre franchise, monsieur Copé. Au moins, les choses sont claires :…

M. Jean-François Copé. Tout à fait !

M. Jean-Marc Ayrault. …vous voulez museler l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà votre véritable intention depuis le début. Ne nous parlez pas du droit du Parlement ou de la réforme de la Constitution ! Vous voulez nous faire taire, purement et simplement. Au moins doit-on vous reconnaître le mérite de ne pas parler la langue de bois, que vous aviez promis d’abandonner.

Nous avons compris mais, comptez sur nous, nous résisterons.

Mme la présidente. Conformément à l’article 61, alinéa 3, du règlement, le vote sur l’ensemble des amendements identiques, nos 867 à 888, aura lieu dans une heure.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le jeudi 15 janvier 2009 à zéro heure, est reprise à une heure.

Mme la présidente. La séance est reprise.

Avant la suspension de séance, le vote sur les amendements identiques nos 867 à 888 a été reporté, en application de l’article 61, alinéa 3, du règlement. Nous allons maintenant procéder à ce vote.

(Les amendements identiques nos 867 à 888 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 889 à 910.

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l’amendement n° 889.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ces amendements concernent également le droit de résolution. Notre groupe se félicite que la France puisse enfin rejoindre, en ce domaine, le droit commun européen. Depuis les errements de la IVe République, en effet, elle était privée de la capacité d’adopter « des résolutions susceptibles d’influencer l’action du Gouvernement », selon l’expression employée par Nicolas Sarkozy dans la lettre de mission que, le 18 juillet 2007, il a adressée à M. Balladur, président du comité de réflexion sur les institutions.

Par la suite, nous n’avons pas bien compris pourquoi le Gouvernement n’avait pas repris les suggestions du Président de la République et pourquoi notre commission n’avait pas jugé bon d’introduire dans la Constitution ce qui existe dans tous les régimes parlementaires européens et qui aurait dû nous inspirer. En Belgique, par exemple, la résolution est codifiée à l’article 53 de la Constitution : l’an dernier, ce sont ainsi 152 projets de résolution qui ont vu le jour.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Les institutions belges ne sont pas notre modèle !

M. Jean-Jacques Urvoas. Le Gouvernement français semble inquiet du nombre de résolutions dont pourrait être saisie notre assemblée, au point qu’il a estimé opportun de prévoir que le Premier ministre s’arroge un droit de veto sur la recevabilité des résolutions.

Je souhaite d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous expliquiez l’alinéa 2 de l’article 34-1 de notre nouveau texte constitutionnel, qui dispose que l’adoption ou le rejet d’un projet de résolution est « de nature à mettre en cause » la responsabilité du Gouvernement. Bien que j’y aie longuement réfléchi depuis le mois de juillet, j’avoue ne pas comprendre ce que serait une telle résolution. Pourriez-vous éclairer la représentation nationale ? Il ne peut s’agir d’une motion de censure, puisque celle-ci est codifiée par l’article 49, alinéa 2, de la Constitution. Lorsque vous donnerez votre avis sur ces amendements qui se suivent, se ressemblent, mais ne sont pas identiques puisqu’ils sont déposés par des parlementaires tous différents et que l’article 44 de la Constitution prévoit un droit individuel d’amendement, j’aimerais que vous puissiez nous dire ce qu’est une résolution « mettant en cause » la responsabilité du Gouvernement.

Outre la Belgique, le Danemark connaît aussi les résolutions, grâce à l’article 41 de sa Constitution, de même que le Portugal, par l’article 159 de la sienne. D’autres pays – l’Espagne ou l’Allemagne – n’ont pas besoin de lois organiques, même s’ils ont des systèmes comparables. Quant à la Grande-Bretagne, que nous citons souvent en exemple en tant que « mère des démocraties », elle ne dispose d’aucune disposition en la matière, puisque c’est la pratique qui permet d’y exprimer des opinions.

La manière d’un acte parlementaire doit être totalement libre. C’est l’intérêt et le caractère majeur de notre assemblée. Il aurait été intéressant que le Parlement dispose d’un tel droit au moment de l’ouverture des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Cela aurait-il été de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l’amendement n° 890.

M. Dominique Raimbourg. Je l’ai déjà dit, l’article 3, tel qu’il est rédigé, n’est pas satisfaisant. Il vient en application de l’article 34-1 de la Constitution, qui dispose que le Gouvernement a le droit de déclarer irrecevable une résolution visant à lui donner des injonctions ou qui mettrait en cause sa responsabilité. Mais, curieusement, l’article 3 du projet de loi organique confie au seul Premier ministre le pouvoir de décider de cette irrecevabilité et, partant, de la non-inscription de la résolution à l’ordre du jour. Le Premier ministre sera le seul à pouvoir juger de l’irrecevabilité, sans avoir à en référer à une autorité tierce. Ce texte mal rédigé donne donc des pouvoirs excessifs au Premier ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendmeent n° 891.

M. Bruno Le Roux. C’est un faux droit qui est créé aujourd’hui par la loi organique. Nous tenterons, tout à l’heure, d’amender les articles pour permettre de véritables résolutions, mais, en proposant d’ores et déjà de modifier le titre, nous entendons dénoncer la méthode du Gouvernement. J’aimerais que, sur tous les bancs, nous nous levions pour défendre les nouveaux droits qui pourraient être octroyés au Parlement. Tout au long ce débat, les députés de la majorité vont avoir à maintenir une posture difficile, conscients qu’ils sont que, par leur attitude, ils mettent à bas les droits de Parlement, et pourtant obligés de répondre aux injonctions du secrétaire général de l’Élysée qui leur a dit que, s’ils ne votaient pas bien, le règlement de l’Assemblée se ferait ailleurs et que les députés seraient peut-être encore moins entendus qu’ils ne le sont aujourd’hui.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quelle honte ! Que de contrevérités !

M. Bruno Le Roux. J’ai été, pendant quelques années, député d’une autre majorité : je crois n’avoir jamais vu une majorité aussi docile, aux ordres du Gouvernement, allant jusqu’à demander elle-même à celui-ci de priver le Parlement de ses droits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Et vous, n’êtes-vous pas une minorité obéissante ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel irrespect !

M. Bruno Le Roux. La majorité n’est pourtant pas là pour accéder aux desiderata du Gouvernement : la précipitation ne fait que de mauvaises lois. Tout le monde est d’accord : il faut imaginer un processus législatif…

M. Benoist Apparu. C’est ce que nous faisons !

M. Bruno Le Roux. …qui permette des lois mieux pensées, mieux débattues. Mais vous, vous ne pensez qu’à réduire le temps du débat, à limiter l’expression des parlementaires, à restreindre vos propres droits, que, demain, vous regretterez amèrement de n’avoir pas défendus.

Mme Valérie Rosso-Debord. Vous croyez vraiment ce que vous dites ?

M. Bruno Le Roux. Les exemples ne manquent pas, pourtant. Jean-Jacques Urvoas a cité la Belgique ou le Danemark.

M. Christian Jacob. Qu’il aille se faire élire au Danemark !

M. Bruno Le Roux. Dans ce dernier pays, l’article 41 de la Constitution autorise les députés à présenter des propositions de loi ou de résolution, et le règlement du Folketing précise, dans son article 17, que les propositions autres que législatives prennent la forme de propositions de résolution, qu’elles sont examinées selon la même procédure que les propositions de loi, mais que leur examen se limite à deux lectures, au lieu de trois dans la procédure législative de droit commun. Ainsi évite-t-on les lois bavardes, et permet-on au Parlement de donner son avis sur différents sujets, de débattre, d’éclairer le Gouvernement et d’espérer devancer ses projets par sa réflexion. Aujourd’hui, avec votre majorité, non seulement le Parlement ne devance plus les projets du Gouvernement, mais c’est le Président de la République lui-même qui, au fil des cérémonies de vœux, décrète ce qu’il conviendrait de faire dans tel ou tel domaine, réoriente l’action de tel ou tel ministère. Si l’on parle, aujourd’hui, de « remaniement rampant », c’est que plus personne ne s’intéresse vraiment au Gouvernement, sauf peut-être vous qui êtes assis sur les bancs de la majorité et qui espérez que, demain, vous pourrez en être.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Tout cela n’a rien à voir avec la loi organique !

M. Bruno Le Roux. Mais plus personne ne s’intéresse à la formation du Gouvernement. Ce n’est plus là que se prennent les décisions : c’est à l’Élysée. Le Président de la République a banalisé les remaniements qui vont avoir lieu dans les prochains jours en permettant aux ministres qui perdront leur portefeuille de revenir à l’Assemblée sans nouvelle élection. Vous regretterez cette disposition de la révision constitutionnelle. Il y a bel et bien un problème démocratique.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Quel irrespect pour le Parlement !

M. Bruno Le Roux. Le Président de la République fait les annonces à la place des ministres. Il remanie à tour de bras, sans que rien ne soit véritablement organisé. Vous laissez fouler aux pieds les droits du Parlement, et c’est la démocratie qui est atteinte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au Danemark, des sujets importants font l’objet de résolutions : les stupéfiants, l’introduction de l’enseignement de l’informatique à l’école primaire, le déplacement d’une sculpture à Copenhague, l’application de règles environnementales plus strictes, le soutien à l’agriculture biologique, l’étiquetage des produits alimentaires mauvais pour la santé. Peut-être devrions-nous nous en inspirer. Je citerai plus tard les exemples de l’Espagne, de l’Italie ou du Royaume-Uni.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Peut-être devrions-nous voir ce qui se fait ailleurs, pour créer un réel pouvoir de résolution.

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n° 893.

M. Claude Goasguen. Nous attendons les citations !

Mme Delphine Batho. Je souhaiterais que, malgré l’heure tardive, nos collègues de la majorité accordent un minimum d’attention à ce que nous disons. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Tout le monde vous écoute, madame Batho.

Mme Delphine Batho. L’intérêt d’une discussion, c’est de permettre à chacun de réfléchir au bien-fondé et à la portée des arguments qui sont avancés.

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Proposer vingt-deux fois la même modification du titre, ce n’est pas ce que j’appelle une discussion ! C’est du théâtre, de la comédie !

Mme Delphine Batho. Tel qu’il est rédigé, le chapitre Ier de ce projet de loi organique vide de sa substance le droit de résolution que les parlementaires ont introduit lors de la révision constitutionnelle. L’amendement vise donc à prendre acte de la rédaction de l’article 3 pour modifier le titre du chapitre Ier.

Je souhaite profiter de cet amendement pour répéter la question qui a été posée hier au Gouvernement et à laquelle il n’a toujours pas répondu. Tous les articles du projet de loi – notamment le premier alinéa de l’article 2 – sont-ils bien de nature organique ? Certains des amendements que nous avions déposés ont été jugés irrecevables et ne seront donc pas examinés dans l’hémicycle, le président de l’Assemblée nationale ayant considéré qu’ils n’étaient pas de nature organique. Le président de la commission des lois ou le secrétaire d’État pourraient-ils répondre à nos interrogations ?

M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur. Je vous ai répondu hier !

Mme Delphine Batho. Le premier alinéa de l’article 2 nous paraît davantage relever du règlement de l’Assemblée.

La défense de cet amendement me permet en outre, sans avoir à faire un rappel au règlement sur le déroulement de la séance, de rappeler la question qu’a soulevée tout à l’heure Laurent Fabius.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Et où est passé M. Fabius ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser Mme Batho conclure son intervention.

Mme Delphine Batho. Vos réactions montrent que la question de fond qui a été soulevée mérite une réponse, si toutefois il est possible de l’obtenir. Pour que nous puissions consacrer la suite de nos travaux à la discussion des articles, et non à des rappels au règlement ou à des sous-amendements déposés en application de l’article 88 de celui-ci, il serait bon que le Gouvernement daigne répondre à la question qu’a posée M. Fabius tout à l’heure.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, aujourd’hui, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure quinze.)