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Mme la présidente . La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au service civique (n os 2269, 2240).
La parole est à M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut-commissaire à la jeunesse. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, c’est un grand honneur pour moi que d’être devant vous pour discuter et soutenir la proposition de loi relative au service civique. Le fait que ce soit une initiative parlementaire qui permette de créer le service civique est un beau symbole.
La création d’un service civique est tout sauf un acte anodin. Le terme « service civique » est porteur d’une très haute ambition pour notre nation, pour notre société et pour notre jeunesse.
Servir et faire preuve de civisme, reconnaître, après une longe éclipse, que notre pays a besoin d’engagement, et singulièrement de l’engagement des jeunes, donner une nouvelle jeunesse au creuset républicain et offrir de nouvelles perspectives à la jeunesse d’aujourd’hui et de demain: voilà ce dont il s’agit.
Certains trouveront dans la création du service civique la réparation de la disparition du service militaire.
M. Marcel Rogemont. En effet!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. D’autres considéreront que le service civique est le prolongement d’un engagement qui existait avant 1995. Nous ne créons pas le service civique par nostalgie, mais parce que nous croyons en l’avenir. Le service civique est un acte de confiance dans la capacité de notre jeunesse à servir l’intérêt général.
M. Régis Juanico et M. Marcel Rogemont. Très bien!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nul ne peut rester indifférent devant la création, au sein du code du service national, d’un nouveau chapitre consacré au service civique.
Le symbole n’est pas neutre: il donne un poids à cette ambition et une solennité à cette création. Il signifie que, désormais, il y aura une autre manière de servir sa nation, de servir sa patrie, de servir la société, par un engagement volontaire reconnu, encouragé, valorisé.
Si, au cours de ces derniers mois, notre pays avait débattu de ce que c’est que d’être un citoyen dans notre pays,...
M. Marcel Rogemont. Cela aurait été mieux que d’engager un débat sur l’identité nationale!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ...nul doute qu’il aurait considéré le service civique comme un instrument privilégié pour faire partager au plus grand nombre la grandeur et la servitude de la citoyenneté.
Quand on analyse les maux de notre société, les déficits de notre cohésion sociale, la perte de sens, la crainte du déclassement, les difficultés à trouver les raisons de vivre ensemble, le magma des incompréhensions et le brasier des intolérances, on devrait naturellement répondre « service civique ».
M. Marcel Rogemont. Exactement!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Notre pays a l’art de se déchirer sur les questions qui devraient l’unir, de polémiquer sur les sujets identitaires,...
M. Marcel Rogemont. Pourquoi avoir lancé le débat sur l’identité nationale?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ...de laisser les uns et les autres se disputer le monopole du bien commun. Le service civique est, lui, une réponse qui a vocation à rassembler, à réunir, à mobiliser, à transcender les clivages. Le service civique est une réponse appropriée aux défis que nous traversons que personne ne pourra s’approprier, mais que chacun pourra faire sienne.
Le service civique doit être le catalyseur de l’engagement; le service civique doit être l’aiguillon de la citoyenneté; le service civique doit être l’école des droits et devoirs; le service civique doit être ce creuset républicain dans lequel se forge l’esprit d’un peuple.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées . Très bien!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le créer nous oblige: il nous oblige à pouvoir offrir à tout jeune la possibilité de s’engager; il nous oblige à en assurer la montée en charge; il nous oblige à lui adjoindre des missions qui donneront un sens à cette période d’engagement; il nous oblige à faire toute la place à celles et ceux qui se seront engagés pour l’une des causes nobles de ce service civique. Le service civique n’est pas un dispositif administratif. Il devient un principe républicain.
Nous souhaitons que, dans quelques années, ceux qui s’interrogent sur ce qui fait la France mentionnent naturellement, spontanément, le service civique.
Nous en avons conscience. Toutefois, nous ne sommes pas les premiers à mettre sur le métier l’ouvrage du service civique pour les jeunes. Nous avons tous à l’esprit les promesses non tenues, les envolées enflammées, les espoirs douchés, les attentes déçues. Il y a quatre ans, la création d’un service civil avait suscité l’enthousiasme; ce devait être la réponse aux incendies dans les banlieues. Cependant cette réponse a fait long feu, faute de crédits, faute de volonté politique réelle, faute de constance de l’État. Je vous affirme donc à cette tribune que, cette fois, la parole sera honorée, les actes suivront, les moyens seront au rendez-vous.
Certains auraient voulu que le service civique soit obligatoire pour les jeunes...
M. Marcel Rogemont. Oui!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ...utilisant des arguments forts, comme « le civisme, c’est pour tous ».
M. Marcel Rogemont. Exactement!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Si le service civique est un apprentissage de la citoyenneté, nul ne doit s’y soustraire. Si le service civique est volontaire, n’y a-t-il pas un risque que les volontaires soient celles et ceux qui ont déjà l’opportunité de construire leur propre parcours et qui sont, parmi les jeunes, les plus privilégiés?
M. Marcel Rogemont. Ce sera le cas!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Un service civique pour les futurs officiers de la nation, rien pour l’innombrable troupe des fantassins de la République.
M. Marcel Rogemont. C’est le risque!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Et le service civique volontaire est-il compatible avec l’objectif de mixité et de cohésion sociale? Si l’on reconnaît le rôle intégrateur de la conscription, n’était-ce pas son caractère général, obligatoire qui en était la raison?
La question du caractère obligatoire du service civique a été longuement et passionnément débattue au Sénat. Nous avons retenu le principe d’un service civique volontaire, non par mesquinerie ou par pingrerie. Les jeunes, nous le savons, n’ont pas la juste place qui leur revient dans notre pays. Une société qui ne sait pas procurer un emploi à ses jeunes ne saurait les contraindre à accomplir un service civique. Une société qui ne se montre pas suffisamment solidaire, pas suffisamment engagée vis-à-vis de la jeunesse, ne saurait exiger d’eux une solidarité spécifique et un engagement particulier. Que la question se repose quand la situation des jeunes sera normalisée, pourquoi pas? Que le service civique obligatoire tienne lieu, hic et nunc , d’ersatz à une intégration nécessaire de la jeunesse, non!
Pour autant, le service civique volontaire doit contribuer à cette intégration. En offrant un cadre et des moyens à l’engagement, la société soutient les jeunes, et les vertus prêtées à un service civique obligatoire doivent être les vertus conférées à un service civique volontaire. C’est en substance ce qu’a déclaré le Président de la République lors de son discours du 29 septembre à Avignon, lorsqu’il a fixé les axes d’une politique pour la jeunesse: « Je veux une génération qui ait envie de s’engager et qui soit en capacité de le faire. Une génération solidaire qui se mobilise pour une cause ou pour un idéal. Une génération qui s’investisse pleinement dans la vie associative, syndicale, politique. Une génération qui ne raisonne pas seulement en termes de droits mais aussi de devoirs. Le service civique entre pleinement dans ce projet de société. Un service civique volontaire, car l’engagement est avant tout un don de soi. » Voilà ce que nous demandait le Président de la République; on ne saurait mieux dire.
Pour cela, nous devons être volontaristes dans la mise en place du service civique volontaire, ambitieux dans ses objectifs, loyaux vis-à-vis de notre jeunesse, généreux et exigeants dans sa conception,
Créer le service civique, c’est décréter la mobilisation générale. L’État se mobilise. L’indemnité servie aux jeunes, pendant les six à douze mois de service civique, sera intégralement versée par l’État. C’est le sens de l’amendement proposé par la rapporteure Claude Greff. Le service civique concernera, d’ici à cinq ans, 10 % d’une classe d’âge: 10000 jeunes cette année, 25000 jeunes l’année prochaine, 40000 jeunes en 2012, 55000 jeunes en 2013 entre 70000 et 75000 jeunes en 2014. Pour atteindre cet objectif, ce sont 500 millions d’euros qui devront être mobilisés chaque année par l’État, à compter de cette date.
M. Marcel Rogemont. On n’y est pas! Il manque 490 millions!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous avons conscience de l’importance de cet effort; il est aussi considérable que l’enjeu.
Les associations, les collectivités territoriales, les missions locales se mobiliseront pour accueillir, encadrer et proposer des missions dignes d’intérêt aux jeunes. Elles ont manifesté leur intérêt tout au long de ces mois et fait part de leur disponibilité.
Les seniors seront appelés à se mobiliser, pour que leur engagement civique puisse se traduire par une contribution à l’encadrement, au tutorat et à l’accompagnement des jeunes. C’est le sens d’un amendement défendu par la rapporteure pour avis de la commission de la défense, Françoise Hostalier, et le service civique senior doit également contribuer aux solidarités intergénérationnelles. Il s’agit d’un élément très structurant du dispositif d’ensemble.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Merci!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous mobiliserons les intellectuels et les grandes figures qui incarnent l’engagement pour concevoir une formation citoyenne et civique de qualité, pour que chaque jeune mesure qu’il n’y a pas de citoyenneté sans engagement.
Nous mobiliserons les universités et les écoles, pour que le service civique soit reconnu officiellement dans le parcours d’un jeune, pour qu’il puisse s’accomplir sans qu’on oppose les contraintes d’un cursus, pour qu’il puisse être valorisé dans l’obtention d’un diplôme.
Nous mobiliserons les employeurs pour que l’accomplissement du service civique soit considéré comme un atout maître dans le parcours d’un jeune. Il y avait une époque où la première ligne du CV d’un jeune homme était: « Dégagé de ses obligations militaires ». Désormais, la première ligne du CV d’un jeune homme ou d’une jeune femme, pourra être: « Engagé dans un service civique volontaire ».
M. Régis Juanico et M. Marcel Rogemont. Très bien!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Les jeunes se mobiliseront. Je n’ai pas de doute pour affirmer qu’ils seront présents au rendez-vous du service civique et que nous pourrons évaluer le succès du service civique à l’aune de deux critères: ce qu’il apporte aux jeunes et ce que les jeunes engagés apportent à la nation.
Le service civique sera un succès s’il permet aux jeunes qui portent en eux une soif d’engagement, un besoin de générosité, un souci d’altruisme, de réaliser leur projet dans le cadre du service civique. La société a besoin d’eux et de leur dire que devenir adulte, ce n’est pas se départir de ses idéaux de jeunesse, c’est de les vivre, de les faire grandir et de les faire partager.
Ce succès suppose aussi que le service civique puisse mobiliser les jeunes qui n’ont pas de projet d’avenir, qui n’ont pas conscience de leur utilité dans la société, pour qui le lien avec une aventure collective est abstrait. Le service civique est un message que nous leur adressons, un appel que nous leur lançons. Nous ferons tous les efforts pour que le service civique leur soit accessible et devienne pour eux une opportunité de renouer avec la passion, avec l’effort, avec l’exigence, avec le goût du projet collectif.
Je tiens ici à réaffirmer la volonté du Gouvernement que le futur service civique constitue une opportunité pour tous les jeunes, quel que soit leur milieu d’origine ou leur niveau d’études. À cet égard, deux écueils seront évités.
Le service civique n’est pas un dispositif d’insertion, conçu comme un pis aller pour des jeunes rencontrant des difficultés sur le marché du travail.
M. Patrick Beaudouin. Très bien!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il n’est pas non plus l’apanage ou le luxe de ceux qui, préservés de tout aléa, consentiraient à donner un peu de leur temps comme on accomplit une bonne action.
Il constitue une opportunité offerte à chaque citoyen. L’objectif de mixité implique que toutes les catégories de la population puissent cohabiter, se mélanger et se rencontrer à la faveur de cette réforme. Pour une partie de la population, un travail de pédagogie et de conviction sera nécessaire afin de lever les réserves ou, tout simplement, de faire connaître le dispositif. Nous l’entreprendrons.
Le service civique sera un succès si l’ensemble de ces jeunes, ceux qui ont spontanément l’envie de s’engager et ceux qu’il faudra convaincre que la nation a besoin de leur concours, sont fiers des réalisations du service civique.
Le service civique n’est pas une simple formalité, encore moins une corvée inutile. Le service civique sera utile aux jeunes, il sera également utile à la société toute entière. Il sera au service de causes environnementales, sociales, culturelles, citoyennes, pour la solidarité internationale et pour le développement. Nous associerons les jeunes aux choix de causes prioritaires.
La proposition de loi adoptée au Sénat, dans un large consensus qualifié de « petit miracle républicain », a été travaillée par vos commissions, dans le même esprit constructif et le texte qui vient devant vous contient des avancées significatives.
Je tiens à féliciter, pour leur travail passionné, les deux rapporteurs de la commission des affaires culturelles et de la défense, Claude Greff et Françoise Hostalier, qui se sont considérablement investies sur ce texte et s’en sont saisies pour lui donner plus de contenu, de force et de lisibilité.
M. Patrick Beaudouin. Très bien!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ainsi les douze formes de volontariat qui existent aujourd’hui ont été refondues en deux formes beaucoup plus claires: l’une que l’on pourra appeler le service civique de droit commun, le service civique au sens strict; et l’autre qui, faisant droit à la diversité des formes d’engagement des jeunes ou des moins jeunes, que Jean-François Lamour a suscitées il y a quatre ans quand il était ministre de la jeunesse et des sports auprès d’associations en France ou à l’étranger, reconnaît la valeur de l’engagement désintéressé.
À ce propos, je crois utile de préciser que le volontariat associatif sortira renforcé et consolidé de cet exercice. Les dispositions de la loi de 2006 sont supprimées mais elles sont reprises dans le texte nouveau; les associations, avec le nouveau « volontariat de service civique » continueront de bénéficier d’un outil – qui reste d’ailleurs largement à développer – leur permettant d’associer les jeunes et les moins jeunes à la réalisation de leurs projets.
La proposition de loi sénatoriale visait à clarifier et à unifier les volontariats existants. Ce sera chose faite avec plus de clarté encore, grâce à vos amendements. La tâche législative n’était pas aisée mais le travail du Sénat comme celui de l’Assemblée nationale ont contribué à simplifier ce texte et, partant, à en renforcer la portée.
Le texte qui vous est présenté prévoit également que l’indemnité servie aux jeunes sera versée par l’État, directement et intégralement pour que le service civique soit bien identifié comme étant au service de la nation. C’était une demande forte des sénateurs et des députés de l’ensemble des bancs. (« Très bien! » sur les bancs du groupe SRC.)
À l’agence du service civique, constituée sous forme de groupement d’intérêt public, incombera le pilotage et l’animation du service civique. Cette agence sera appuyée par un comité stratégique qui associera l’ensemble des partenaires du service civique et dans lequel le Parlement sera représenté par deux députés et deux sénateurs comme l’a précisé votre commission des affaires culturelles. L’agence se verra confier des responsabilités importantes: promotion des missions, mise en relations entre les offres et les demandes, coordination locale, mobilisation des acteurs, définition des missions prioritaires, définition du socle commun de la formation civique, modalité d’accueil des volontaires.
Nous avons souhaité que l’agence du service civique réunisse l’ensemble des structures d’État qui gèrent les différentes formes de volontariats pour mutualiser les savoirs faire et leurs interventions: L’État, l’INJEP, l’ACSé, France volontaires seront les membres fondateurs de l’agence mais ils seront rejoints dans leur action par les associations, les collectivités locales et les niveaux déconcentrés de l’État. J’ai bien entendu, lors de mes auditions par la commission de la défense et la commission des affaires culturelles, les questions qui se posaient sur l’organisation déconcentrée, au plus près du terrain, des sessions de service civique. L’agence interviendra non pas comme une administration supplémentaire, mais comme une instance d’animation et de pilotage. L’organisation locale se renforcera au fur et à mesure de la montée en charge du service civique.
Vous l’avez compris, mesdames et messieurs les députés, le service civique est un projet qui nous tient à cœur et dont nous voulons garantir le succès. Vous avez montré votre attachement à sa réussite. Je tiens sincèrement à saluer le formidable travail qui a été mené par les rapporteures, Claude Greff et Françoise Hostalier, mais également par le groupe UMP piloté par Patrick Beaudouin, le groupe socialiste animé par Bernard Lesterlin qui a marqué sa détermination et son engagement en faveur du service civique et par le groupe du Nouveau Centre qui, avec Jean Dionis du Séjour, a immédiatement marqué son engagement pour le service civique dans le cadre des travaux parlementaires mais également pour sa commune.
M. Marcel Rogemont. Et Mme Amiable?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous n’avons pas fini de la convaincre mais nous ne désespérons pas.
Je souhaite que le texte que vous allez examiner aujourd’hui fasse l’objet du consensus le plus large possible…
M. Marcel Rogemont. Il n’en tient qu’à vous.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. … et que nous puissions rapidement le mettre en œuvre dans toutes les collectivités de droite et de gauche,…
M. Marcel Rogemont. N’oubliez pas le Nouveau Centre!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. …dans toutes les associations, quelles que soient leur nature ou leur objet. La jeunesse est attentive à nos débats, à nos actes et nous devons lui montrer que nous sommes capables de lui construire un projet d’avenir où responsabilité rime avec volonté et projet avec solidarité. Nous avons conçu ce texte avec passion. Une passion pour la renaissance de l’engagement et pour le plein accomplissement de la citoyenneté. Nous avons à cœur de transmettre et partager cette passion avec la jeunesse. Que vive le service civique! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et NC.)
M. Marcel Rogemont. Excellent!
M. Régis Juanico. Nous n’avons pas l’habitude d’entendre des discours d’une telle qualité!
Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Greff, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Mme Claude Greff. rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Enfin, nous sommes réunis aujourd’hui autour d’un projet commun pour notre pays, en répondant aux Français qui ont pu se sentir quelque peu abandonnés suite à la suspension du service militaire. Nous n’avions pas, alors, proposé de grand projet pour notre pays. Nous le faisons aujourd’hui.
Pour autant, nous devons prendre garde à délivrer un message fort et unique: le service civique doit être une véritable étape dans la vie de nos concitoyens.
Nous sommes donc réunis pour examiner la proposition de loi relative au service civique dont l’Assemblée nationale est saisie après son adoption par le Sénat. Cette proposition de loi a été adoptée le 27 janvier dernier par notre commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Je vous rappelle que cette dernière a travaillé durant plus de trois semaines et à un rythme infernal sur ce texte. Je tiens à souligner le travail intense que nous avons réalisé, en lien avec la commission de la défense nationale et des forces armées, ainsi qu’avec M. le haut commissaire à la jeunesse et toute son équipe. Je remercie également notre collègue Bernard Lesterlin et les membres du groupe SRC avec lesquels nous avons travaillé en excellente entente et en étroite collaboration.
Je suis très fière que nous ayons pu aboutir à cette proposition de loi que nous avons bâtie ensemble, avec Mme Amiable, le groupe SRC et tous les parlementaires.
Notre travail commun vise à ce que la proposition de loi émane véritablement de l’ensemble du Parlement. Rappelons en effet qu’il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire, ce qui explique notre fort investissement lequel découle, en ce qui me concerne, de toute une vie de parlementaire, rythmée par les nombreuses rencontres avec les associations. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse et du monde associatif, le premier, avait eu cet œil attentif qui le conduisit à organiser la première conférence nationale de la vie associative, dont j’étais la présidente. Je tiens à le rappeler pour que vous mesuriez à quel point nous sommes attachés à la vie associative, combien nous la respectons, en particulier le bénévolat qui est essentiel à la vie de notre société, tout comme le volontariat. Malheureusement, la multiplicité des formes de volontariat a rendu le message peu compréhensible pour la population et la jeunesse, ce qui nous amène aujourd’hui à délivrer ce message clair, unique et fort, qui devrait tous nous réunir.
Le service civique doit avoir pour mission de répondre au besoin d’engagement de la jeunesse, en donnant à celle-ci l’envie de s’investir dans un acte de citoyenneté au profit de la communauté et de se rendre utile à la nation.
J’avais déposé en 2003 une proposition de loi visant à créer un « temps citoyen ». Par ces termes, j’entendais alors déjà l’engagement civique au service de la collectivité. Aujourd’hui, bien que notre société soit déjà pourvue d’instruments nécessaires à cette fin – le bénévolat, accessible à chacun d’entre nous, ou encore le volontariat, notamment associatif, à propos duquel j’ai rapporté un projet de loi – nous constatons toujours une forme d’individualisme et de repli sur soi. L’incivisme a tendance à ronger notre pays. Les repères sont moins prégnants, parfois discrédités, et ne remportent plus l’adhésion de tous, au point de mettre parfois en péril la communauté nationale. De même, les rituels républicains sont tombés en désuétude. Les symboles ont été délocalisés. L’esprit de la République, inscrit dans notre devise nationale «Liberté, Égalité, Fraternité », aurait-il perdu de son sens, la liberté étant aujourd’hui préférée à la fraternité et à l’amitié ?
Pourtant, comme le souligne si justement Paulo Coelho, «La liberté n’est pas l’absence d’engagement, mais la capacité de choisir». Il faut donner aux plus jeunes de nos concitoyens cette capacité de choisir. En effet, les Français n’ont pas renié les valeurs de la République. La société n’est pas totalement déstructurée. Les valeurs fondatrices du pacte républicain ont permis la genèse de notre conscience nationale. Elles sont universelles et intemporelles.
Il est donc nécessaire de proposer aux jeunes un nouveau dispositif, plus clair et plus attractif, qui leur donne envie de s’investir. Tel est l’objet du service civique. Monsieur le haut commissaire, vous nous avez expliqué, tout au long des débats que nous avons eus, votre volonté de clarifier la situation et de poser une action unique au travers du service civique.
L’engagement que ce service représente insufflera une nouvelle dynamique à la geste républicaine et constituera pour les jeunes une entrée en citoyenneté. L’idée que la solidarité envers la communauté nationale est un devoir moral doit être réaffirmée.
Un sondage Opinionway auprès de mille jeunes de dix-sept à vingt-cinq ans fait apparaître que 80 % jugent le service civique utile; 53 % sont opposés à ce qu’il soit rendu obligatoire, 28 % tenteraient d’y échapper s’il durait six mois, 75 % sont opposés au service civique fractionné – huit heures par semaine – et 35 % seraient volontaires pour un service civique de six mois et plus.
Avec le service civique, les personnes volontaires, notamment les plus jeunes, pourront officiellement obtenir la reconnaissance de leur engagement solidaire envers autrui et la collectivité, grâce à une attestation de service civique volontaire. L’occasion leur sera également donnée d’acquérir des savoir-faire qui pourront faire l’objet d’une validation officielle.
C’est en fait un dispositif gagnant-gagnant qui est mis en place: gagnant pour la société à laquelle le citoyen rend service, et gagnant pour le volontaire, en particulier quand il est jeune, qui se forme en aidant la cité, sans faire pour autant de son engagement une démarche utilitariste.
Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, de nombreuses améliorations ont été apportées au texte. Elles visent essentiellement à rationaliser et à rendre plus lisible le dispositif adopté par le Sénat. Je n’en citerai que quelques-unes.
Au début de l’article 4, un de mes amendements a créé un nouvel article L. 120-1 A qui sera placé en tête du titre I er bis du code du service national, titre relatif au service civique. Il s’agit de clarifier le dispositif, en affirmant d’emblée les objectifs et le périmètre du service civique, afin de rendre la loi plus lisible pour permettre une forte mobilisation et une véritable adhésion de la jeunesse et, plus largement, de la population, au dispositif.
La nouvelle rédaction distingue clairement l’engagement de service civique – réservé aux volontaires de seize à vingt-cinq ans –, des autres formes de service civique, notamment du volontariat de service civique ouvert, dans la version que j’avais initialement proposée, réservée aux personnes de plus de vingt-cinq ans – âge ramené à dix-huit après l’adoption, contre mon avis, d’un sous-amendement de Mme Marland-Militello. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.
Mme Claude Greff, rapporteure . En ce qui concerne l’engagement de service civique, une durée de six à douze mois a été préférée à la durée de six à vingt-quatre mois initialement prévue par le Sénat, l’ensemble des acteurs auditionnés s’accordant pour reconnaître qu’une durée moyenne de neuf mois constitue un excellent compromis à tous points de vue.
À la suite du nouvel article L.120-1 A, le Gouvernement a proposé de créer un groupement d’intérêt public dénommé « Agence du service civique », regroupant l’État, l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, et l’association France volontaires. L’agence du service civique sera chargée de la gouvernance de ce dispositif.
Si l’amendement adopté par le Sénat tendant à transformer l’INJEP en agence du service civique et de l’éducation populaire répondait à une interrogation légitime sur l’identification de la structure chargée de la gestion du service civique, l’établissement n’aurait pas pu assurer cette fonction de manière optimale. J’ai donc appelé de mes vœux la création d’un GIP pour trois raisons principales.
D’abord, il s’agit d’une organisation visible et identifiable par l’ensemble des parties intéressées. Ensuite, le GIP est une structure de pilotage souple, compatible avec une montée en puissance rapide du dispositif. Enfin, le GIP permet d’impliquer dans la gouvernance du dispositif les différents acteurs du service civique: organismes d’accueil publics et privés, établissements d’enseignement et autres structures chargées de la valorisation du service civique.
Toujours à l’article 4, j’ai tenu à mieux adapter le service civique aux mineurs en prévoyant une définition plus claire de la nature des missions qui leur seront confiées, ainsi que les modalités spécifiques de leur accompagnement.
Avec la rapporteure pour avis de la commission de la défense et M. Bernard Lesterlin, nous avons tenu à interdire la possibilité d’activités complémentaires durant la période de service civique, afin de revenir à l’esprit de ce qui doit être une véritable parenthèse civique…
M. Marcel Rogemont. Exactement!
Mme Claude Greff, rapporteure . …et de ne pas perturber les frontières existantes entre le bénévolat et le volontariat.
M. Marcel Rogemont. Nous serons avec vous!
Mme Claude Greff, rapporteure . Dans le même esprit, nous avons mieux encadré la possibilité de faire varier, semaine après semaine, la durée hebdomadaire minimale du service civique. La possibilité ouverte par les sénateurs d’une durée minimale hebdomadaire envisagée en moyenne sur la durée totale du contrat plutôt qu’une durée imposée par semaine a été considérée comme contraire à l’investissement que doit constituer le service civique. Ainsi, la réalisation s’en trouvera facilitée et pour celui qui réalise son service civique et pour celui qui l’encadre. Nous entendons assurer par là une meilleure lisibilité de l’indemnité.
Afin de ne pas brouiller le message que nous entendons délivrer, nous avons également plaidé pour la suppression de la possibilité de délivrer une attestation de service civique aux bénévoles.
M. Régis Juanico. Très bien!
Mme Claude Greff, rapporteure . Le débat a été très houleux sur ce sujet, monsieur le haut commissaire, et nous n’étions pas du même avis, mais je pense très sincèrement que nous avons eu raison de vouloir préserver à tout prix la frontière entre bénévolat et volontariat pour permettre au service civique de prendre son plein essor. Je rappelle qu’il existe par ailleurs d’autres moyens de valoriser les bénévoles – validation des acquis de l’expérience, cursus universitaires...–, mais qui doivent rester distincts des moyens de valorisation du service civique.
M. Marcel Rogemont. Très juste!
Mme Claude Greff, rapporteure . Le service civique doit être réalisé de façon continue, pendant un temps suffisamment long pour donner un sens à l’engagement, c’est-à-dire pour qu’il ne soit pas réduit à une simple occupation. Reste que le service ne doit pas trop se prolonger non plus, afin d’éviter le risque de sous-emploi.
Je tiens à réaffirmer, ici, solennellement, ce que j’ai déjà souligné en commission: bénévolat et service civique sont deux temps différents dans une vie.
M. Marcel Rogemont. Voilà!
Mme Claude Greff, rapporteure . Nous ne fermons pas pour autant définitivement la porte à une éventuelle évolution…
M. Marcel Rogemont. Il faut le rappeler!
Mme Claude Greff, rapporteure . …puisque j’ai proposé qu’on réfléchisse à cette question dans le cadre du rapport qui, aux termes de l’article 11 ter , sera adressé au Parlement en 2011.
Sujet nettement plus consensuel, la commission a adopté, également à l’article 4, un amendement du Gouvernement prévoyant que l’indemnité dont bénéficient les personnes volontaires dans le cadre d’un engagement de service civique soit versée directement par l’agence du service civique.
Pour conclure, mes chers collègues, je reprendrai à mon compte une citation de Vaclav Havel: « Les droits de l’homme et les droits civiques universels ne seront respectés qu’à une condition: il faudra que l’homme se rende compte qu’il est "responsable pour le monde entier". »
Permettons donc à nos concitoyens, notamment aux plus jeunes, où qu’ils se trouvent sur le territoire français, de pouvoir se rendre compte de cette responsabilité envers la nation et envers le monde, à un âge où les rêves sont nombreux. Il est de notre devoir, en tant que représentants de la nation, de faire en sorte que cette envie d’agir et de se rendre utile puisse se traduire dans les faits. C’est ce que permet cette proposition de loi, en fixant un cadre clair, commun et harmonisé pour l’exercice de ces missions d’intérêt général. Notre but, vous l’avez souligné, mes chers collègues, consiste à donner à notre jeunesse envie d’avoir envie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et NC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées . Madame la présidente, monsieur le haut commissaire, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, madame la rapporteure, mes chers collègues, il nous revient d’examiner la proposition de loi issue du Sénat créant le service civique volontaire.
À mon tour, je souhaite avant tout souligner l’excellente ambiance dans laquelle nous avons pu travailler, même lorsque nous n’étions pas entièrement d’accord, que ce soit avec vous, monsieur le haut commissaire, avec vos collaborateurs, ou avec ma collègue Claude Greff, rapporteure de la commission saisie au fond.
Sans modifier la philosophie du texte de nos collègues sénateurs, nous l’avons enrichi par des amendements qui sont notamment le fruit de nombreuses auditions, si bien que nous sommes parvenus à une proposition équilibrée et, surtout, réaliste.
La commission de la défense nationale et des forces armées, est saisie pour avis et je ne m’exprimerai donc ici que sur les points qui la concernent.
Ce service civique a déjà fait l’objet de nombreux textes, d’études, de rapports ou de propositions de lois et il figurait dans les programmes de la plupart des candidats à l’élection présidentielle de 2007. Certains le voulaient obligatoire, d’autres fondé sur le volontariat, mais tous lui assignaient le même objectif: créer un service civique au cours duquel les jeunes pourraient consacrer un moment de leur vie au service de la France, au service de nos concitoyens, ou au service d’actions en rapport avec les valeurs de la République.
Il ne faut pas nier que, pour nombre de nos concitoyens, dont la très grande majorité soutient cette idée, l’image du service militaire, définitivement disparu en 1997, reste en arrière-plan même si, dans ses derniers temps d’existence, ce service national était très éloigné de l’image idéalisée que nous en avons aujourd’hui.
Dans ce contexte, il apparaît effectivement important de donner aux jeunes de notre pays cette possibilité de vivre un temps fort, marqué par le don de soi, la solidarité, la découverte d’autres milieux et, surtout, la révélation de leur capacité à être un membre actif de la société et qu’ils soient reconnus comme tels. C’est toute l’ambition de ce service civique, vous l’avez rappelé, monsieur le haut commissaire.
Toutefois, pour répondre à cette définition, il nous a paru indispensable d’en recadrer clairement quelques lignes fortes: il doit être ouvert sur la base du volontariat à tous les garçons et filles français ou à des jeunes gens étrangers sous certaines conditions, à plein-temps, en continu, pour une période comprise entre six mois et un an, indemnisé et valorisé en fonction des missions et des besoins du jeune. Il doit aussi consister en des missions utiles à la société et ne pas se réduire à un palliatif à l’emploi. Il doit surtout être accompagné d’une formation civique et citoyenne sous l’égide d’un tuteur en dehors de l’encadrement propre à la mission. Le texte issu de nos travaux va dans ce sens.
Plusieurs sujets restaient à préciser comme l’information des jeunes sur l’existence et les modalités de ce service civique. Si des points d’information seront mis en place dans différents lieux fréquentés par les jeunes, le seul moment de passage obligé pour tous les jeunes reste l’actuelle journée d’appel de préparation à la défense. Il est donc apparu nécessaire qu’une information spécifique soit donnée lors de cette journée que nous avons rebaptisée: « Journée défense et citoyenneté ».
Il conviendra par ailleurs de se montrer attentifs à ne pas dénaturer le sens de cette journée qui doit rester centrée sur le message de défense et sécurité nationale et demeurer un temps fort de rencontre de notre jeunesse avec les structures de nos armées. Une réforme des contenus et des outils pédagogiques de cette journée est en cours et la commission de la défense nationale espère pouvoir y être associée.
Les limites d’âge de ce service civique doivent être clairement précisées pour en faire ce temps fort caractérisant le passage pour un jeune au monde adulte. C’est pourquoi nous avons souhaité que soit clairement établie la distinction entre le service civique concernant les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans et le service civique junior concernant les jeunes de seize à dix-huit ans.
L’originalité et la force de ce service civique par rapport aux actions de volontariat en vigueur reste l’accompagnement civique et citoyen du jeune. Le service civique doit donc obligatoirement comporter un temps de formation civique et citoyenne et le jeune doit avoir un tuteur formé dans ce sens tout au long de son service.
Pour remplir cette mission, il nous a paru indispensable de permettre la création de ce que nous avons appelé un service civique senior, non indemnisé, réservé à des adultes de plus de vingt-cinq ans et chargés d’effectuer cette mission de tuteur et de formation civique et citoyenne auprès des jeunes réalisant leur service civique. Je ne doute pas que les personnels de la défense nationale sauront se mobiliser dans ce sens.
En ce qui concerne les champs possibles des missions, il nous a semblé nécessaire de préciser que les domaines de la défense et la sécurité civile ainsi que la prévention en font partie.
Quant aux jeunes en service volontaire international en entreprise, les VIE, nous avons souhaité que le bénéfice de l’attestation de service civique leur soit accordé s’ils bénéficient également de cette formation civique et citoyenne et avec la forte suggestion de les encourager à participer, dans le pays d’accueil, à des actions en faveur des populations locales, par exemple dans le cadre de la francophonie.
D’autres points n’ont pu être clarifiés et il faudra attendre la mise en place du dispositif pour envisager l’application de certaines mesures.
Ainsi, l’idée que les jeunes réalisant leur service civique ne soient pas isolés, qu’ils se retrouvent si possible à plusieurs dans une structure d’accueil, et qu’ils aient au moins deux temps de rencontre avec d’autres jeunes du même secteur au cours de leur temps de service.
M. Régis Juanico. Très bien!
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Des structures qui encadrent actuellement des actions de volontariat nous ont expliqué qu’elles procédaient déjà ainsi. C’est le cas d’Unis-Cité ou de Ubi-France. Il n’est donc pas apparu nécessaire de l’imposer par la loi mais il faudra examiner de près ce qui sera fait en la matière.
Pour terminer, je rappelle que le service civique sera évalué avant le 31 décembre2011 et j’espère qu’il le sera alors dans la perspective de son intégration dans un processus plus large en ce qui concerne la formation à la citoyenneté et à la responsabilité, processus auquel travaille notre collègue Patrick Beaudouin.
J’espère donc que, compte tenu de ces précisions, nous adopterons ce texte qui correspond à une attente et surtout à un besoin et qu’ainsi, bon nombre de nos jeunes pourront vivre ce temps fort de générosité, de partage et de découverte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et NC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, monsieur le haut commissaire, mes chers collègues, le service civique est une véritable promesse: promesse pour les nouvelles générations de s’investir dans la vie de la nation à travers un engagement concret, personnel, volontaire, durable; promesse aussi pour les associations et les collectivités publiques intéressées qui vont pouvoir accueillir nos jeunes dans des missions d’intérêt général.
Proposer un tel projet à notre jeunesse c’est enfin lui adresser un message positif, lui montrer qu’elle a toute sa place dans notre société et qu’elle peut s’y épanouir au service d’autrui.
Les Français sont généreux et désireux de se mobiliser pour de grandes causes, et pas seulement lors des catastrophes ou lors d’événements exceptionnels. il est tellement dommage que cette bonne volonté soit entravée parce qu’on n’est pas capable de proposer un dispositif adapté à celui qui veut s’engager!
C’est l’espoir que nous fondons désormais dans le service civique, qui doit répondre à cette aspiration de servir le bien public tout en acquérant certaines valeurs, ainsi que certaines compétences.
Monsieur le haut-commissaire, nous avons tous à l’esprit l’objectif fixé par le Président de la République lors de son discours d’Avignon le 29 septembre2009 : le service civique doit mobiliser, à terme, 10 % d’une classe d’âge. Je crois que nous pouvons tous partager cette volonté de souder la cohésion nationale et de renforcer les valeurs qui la fondent en faisant appel aux jeunes.
Le service civique, c’est un engagement de campagne présidentielle porté par les principaux candidats. C’est aussi une réflexion menée par le Conseil d’analyse de la société, sous l’autorité de Luc Ferry.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument!
Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. C’est également une proposition du Livre vert sur la jeunesse, un motif de satisfaction pour le monde associatif, et une attente réelle des organisations représentatives des jeunes.
Au Parlement, le service civique, c’est une proposition de loi de nos collègues du Sénat, approuvée par le Gouvernement, et adoptée à la quasi-unanimité par notre commission des affaires culturelles et de l’éducation.
Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous sommes très fiers d’avoir à porter ensemble ce service civique, de la définition duquel chacun des termes est soigneusement pesé.
En ma qualité de présidente de la commission des affaires culturelles, je tiens à souligner l’importance du travail qui y a été accompli.
M. Marcel Rogemont. Nous aussi!
Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. Je m’en réjouis, monsieur Rogemont.
La rapporteure, Mme Claude Greff, a parfaitement retracé les apports de la commission.
Je la remercie, d’abord, pour son implication personnelle dans un sujet sur lequel elle s’investit depuis de nombreuses années ; ensuite, pour la clarté des choix qu’elle nous a présentés lors de l’examen de la proposition de loi par la commission.
Ainsi, nous avons aujourd’hui un service civique mieux défini et dans lequel les jeunes pourront porter très haut la notion d’engagement qui leur est proposée. Cela ne dénature en rien la portée des autres formes de service civique, que nous encourageons de la même manière, mais il fallait poursuivre le message du discours d’Avignon en mettant en avant le service civique pour les jeunes.
Mes remerciements vont également à Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis de la commission de la défense, et à vous, monsieur le haut-commissaire, pour votre présence et votre disponibilité lors des réunions de la commission.
Sous l’impulsion du Président de la République, vous avez su mobiliser l’ensemble du Gouvernement pour que la prochaine mise en œuvre du service civique soit un succès, et nous avons d’ailleurs déjà voté en loi de finances les crédits destinés à accueillir les premiers bénéficiaires dans le courant de l’année à venir.
Vous avez également pu confirmer à la commission la création de l’agence du service civique, constituée en groupement d’intérêt public. Nous vous en sommes reconnaissants.
Nous souhaitons que ces échanges constructifs se poursuivent lors de nos débats de ce jour, notamment afin de préciser vos déclarations à la presse concernant des éléments importants, comme le financement du dispositif à partir de 2015.
Madame la présidente, mes chers collègues, dans l’esprit que je rappelais il y a peu, je souhaite adresser mes remerciements aux membres de la commission appartenant aux groupes de l’opposition, qui nous ont permis de mener en commission un débat très constructif.
Je salue le travail de nos collègues, particulièrement celui de Bernard Lesterlin, de Marie-Hélène Amiable, même si elle n’est pas membre de notre commission, de Jean Dionis du Séjour,…
M. Régis Juanico. Il va arriver! (Sourires.)
Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles. Il va arriver, je le sais. Il soutient avec grand plaisir ce beau dossier.
J’envisage avec beaucoup de sérénité les débats qui vont nous occuper au moment de l’examen des articles et des amendements.
Je souligne bien évidemment l’implication de la majorité, notamment celle de notre collègue Patrick Beaudouin, dans la création de ce service civique, et je rappelle que la proposition de loi avait été initialement inscrite à l’ordre du jour à l’initiative de notre président de groupe, Jean-François Copé.
Enfin, je tiens à rendre hommage aux collaborateurs de la commission pour leur assistance précieuse.
Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous allons franchir un cap important pour cette belle idée et cette belle réalisation qu’est le service civique.
Je forme le vœu que la proposition de loi puisse être très rapidement adoptée par le Sénat en deuxième lecture, afin que sa mise en œuvre soit effective dans les meilleurs délais. Pour cela, nous savons pouvoir compter sur vous, monsieur le haut-commissaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et NC.)
Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Beaudouin, premier orateur inscrit.
M. Patrick Beaudouin. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la nécessité d’un service civil, ou civique, est une idée ancienne. Si la suspension du service militaire était la conséquence logique de l’évolution du contexte géopolitique, qui justifiait la professionnalisation des armées, il est vite apparu qu’elle laissait un vide. Le service militaire était, en effet, une étape structurante dans la vie des jeunes. Il constituait, avec l’instruction obligatoire, l’un des deux piliers du creuset républicain, au sein duquel l’ensemble d’une génération se mêlait, toutes catégories sociales confondues, au service de la nation.
C’est pourquoi les initiatives ont fleuri, venant tant du Gouvernement que des parlementaires ou de la société civile, pour créer un dispositif formalisant l’engagement des jeunes.
Il en est résulté une profusion de dispositifs, relevant de diverses administrations. Certains ont reçu le label « service civil volontaire », créé au lendemain des violences urbaines de l’automne2005. Cependant la lourdeur des procédures d’agrément, l’insuffisance des moyens budgétaires, la multiplicité des dispositifs, le manque de communication, ont conduit à un résultat bien éloigné des ambitions affichées.
L’annonce par le Président de la République, à l’occasion de son discours sur la jeunesse, en septembre dernier, de la mise en place, dès 2010, d’un dispositif efficace de service civique, conformément à un engagement de campagne, a permis de donner une impulsion décisive.
C’est la proposition de loi du Sénat, amendée par les commissions des affaires culturelles et de la défense – dont il faut saluer le travail précis des rapporteures, Claude Greff et Françoise Hostalier –, que nous examinons aujourd’hui. Grâce à leur travail, le texte a aujourd’hui une charpente solide, qui lui donne une vraie force et une véritable puissance d’engagement juridique.
Le constat d’un affaiblissement du lien social et d’une montée du repli sur soi ou du repli communautaire est largement partagé. Ses symptômes sont nombreux et connus de tous. Il nourrit la nostalgie d’une époque où le service militaire assurait une fonction de brassage social et culturel, était un lieu de transmission des valeurs républicaines et, naturellement, entretenait l’esprit de défense.
Si son souvenir est sans doute quelque peu mythifié, n’en demeure pas moins la nécessité de mettre en place un dispositif ambitieux formalisant l’engagement des jeunes au service de la nation et de la communauté nationale. Nous avons, en effet, une jeunesse généreuse, qui a soif de s’engager, qui cherche à prendre des responsabilités au service des autres, mais qui ne sait pas toujours comment s’y prendre.
Par ailleurs, les jeunes Français sont souvent très au fait de leurs droits, mais bien moins de leurs devoirs. C’est pourquoi il est nécessaire de recréer un lieu de transmission des valeurs civiques et citoyennes, qui rappelle que droits et devoirs sont indissolublement liés, et qui permette aux jeunes de rendre à la nation ce que la nation leur a donné, les valeurs universelles de la République – liberté, égalité, fraternité – ne s’écrivant pas et ne se lisant pas que dans un seul sens.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Très bien!
M. Patrick Beaudouin. Pour atteindre ces objectifs, un certain nombre de conditions doivent être rassemblées. Le groupe de travail sur le service civique créé au sein du groupe UMP, qui a travaillé avec les rapporteurs et avec vous, monsieur le haut-commissaire, en avait identifié six. La plupart sont satisfaites par le texte qui nous est présenté aujourd’hui.
Il convient, d’abord, de créer un dispositif simple et visible. Le nouveau service civique est plus lisible, puisqu’il unifie, en se substituant à eux, de nombreux dispositifs de volontariat existants. Il est plus léger, puisque les organismes d’accueil – organisme sans but lucratif ou personne morale de droit public – recevront un agrément unique. Il est plus cohérent, puisque sa gouvernance sera confiée à un organisme unique.
Les travaux des commissions et du groupe UMP, ainsi que des autres groupes, ont conduit à améliorer la gouvernance du dispositif. Il paraît en effet opportun de créer une structure nouvelle, bien identifiée et entièrement dédiée au service civique. Il est proposé que cette structure, dénommée agence du service civique, prenne la forme, souple, d’un groupement d’intérêt public associant les différents acteurs du service civique. Cet organisme sera chargé de la promotion du service, de sa communication, de l’agrément des organismes d’accueil, ainsi que de l’évaluation et du contrôle du dispositif. Le groupe UMP souhaite que ce GIP soit placé sous l’autorité du Premier ministre, afin de lui donner une force symbolique et emblématique de l’engagement de la nation derrière nos jeunes volontaires.
Il faut aussi faire du service civique une étape structurante dans la vie des jeunes. Pour cela, les missions doivent se dérouler sur une durée suffisamment longue et non fractionnable, et constituer l’activité principale du volontaire. Les travaux des commissions ont permis de fixer ces trois points de façon satisfaisante.
Instrument de formation civique et citoyenne, le service civique doit comporter une formation civique commune, rappelant les valeurs du vivre-ensemble. Les missions proposées doivent naturellement revêtir un caractère d’intérêt général.
Il était naturel d’intégrer à ces missions celles qui concourent à des « missions de défense ou sécurité civile ou de prévention », ce dont le membre de la commission de la défense que je suis se réjouit, tout comme je me réjouis que la journée d’appel et de préparation à la défense, rebaptisée par le Sénat « journée d’appel au service national », soit désormais qualifiée de « journée de défense et de citoyenneté », nom qui correspond bien à sa double mission.
Le service civique doit avoir une vocation universelle. Il doit être proposé et accessible à tous. Indemnisation et valorisation dans le cursus scolaire et professionnel, notamment grâce à la délivrance d’une attestation de service civique, acquisition de points retraite, doivent permettre de toucher le public le plus large possible, afin d’assurer le brassage social qui est l’une des principales conditions de son succès.
Ce nouveau service civique doit concerner 10000 jeunes dès 2010, et plus de 70000 dans les années à venir, soit environ 10 % d’une classe d’âge. Au terme de cette montée en puissance, pourra éventuellement se poser la question de le rendre obligatoire. Pour l’heure, l’obligation n’est pas envisageable, pour des raisons tant budgétaires que pratiques.
Le groupe UMP souhaite marquer que ce nouveau service civique n’est pas une énième action du traitement social des jeunes, un énième dispositif social : il a une dimension sociétale et ne doit pas être confondu avec un premier emploi. Il n’a pas pour vocation d’être une alternative au lycée pour les jeunes en situation d’échec scolaire ou de constituer un premier emploi subventionné pour des jeunes chômeurs.
Toutefois, d’abord réticents à l’ouverture du service aux jeunes de seize à dix-huit ans, en particulier à ceux qui sont en situation d’échec, nous nous réjouissons de la mise en place d’un service adapté pour ces jeunes, leur permettant, par l’acte d’engagement, de se découvrir, de se reconstruire et de repartir dans les circuits de formation.
De même, il est satisfaisant que des dispositions, renforcées par les commissions, empêchent que les volontaires du service civique se substituent à des emplois de salariés ou d’agents publics.
Il convient, enfin, pour assurer le succès du service civique, de bien le distinguer d’autres dispositifs. De par l’engagement individuel fort qu’il représente, de par son caractère citoyen particulièrement affirmé, le service civique doit constituer un engagement prioritaire et particulier, personnel. Il doit être identifié comme tel, aux côtés des autres formes d’engagement que sont le bénévolat et le volontariat associatif.
C’est pourquoi il nous semble satisfaisant qu’ait été supprimée, en commission, la remise, sous certaines conditions, d’une attestation de service civique aux bénévoles. Cela n’empêche pas, bien au contraire, de mener une réflexion sur l’absolue nécessité de mieux valoriser le bénévolat.
Mme Claude Greff, rapporteure . Tout à fait!
M. Patrick Beaudouin. C’est pourquoi, à notre demande, Jean-François Copé a constitué un groupe d’études au sein du groupe UMP, sous la direction de Muriel Marland-Militello et de Jean-Pierre Decool, chargé de formuler des propositions, afin qu’un texte puisse être présenté dans le cadre d’une prochaine séance d’initiative parlementaire.
De la même façon, il nous semble souhaitable de clairement distinguer le service civique et le volontariat associatif, que l’on doit à Jean-François Lamour. Nous exprimons donc notre souhait que le volontariat associatif soit maintenu à partir de vingt-cinq ans pour former un continuum et permettre à toute personne de s’engager dans le monde associatif.
Il m’appartient cependant de vous poser deux questions, monsieur le haut-commissaire.
Vous avez annoncé, dans les médias, une enveloppe de 500 millions d’euros. Est-elle confirmée dans le cadre de l’élaboration en cours des budgets triennaux ?
M. Marcel Rogemont. Bonne question!
M. Patrick Beaudouin. Qu’en est-il, par ailleurs, de l’idée de quotas, que vous avez également évoquée, et qui peut sembler contraire à l’égalité de tous devant la loi ?
M. Marcel Rogemont. Vous allez donc proposer des amendements à la loi de finances?
M. Patrick Beaudouin. Cette proposition de loi constitue, mes chers collègues, une première étape: première étape vers une éventuelle obligation, d’abord; première étape, aussi, vers une refondation plus large du creuset républicain, auquel je crois. C’est la mission nouvelle que le Président de la République m’a confiée : imaginer un parcours de la citoyenneté, du civisme et de l’esprit de défense, couvrant toutes les étapes de la vie des jeunes, voire au-delà. Ce nouveau parcours se devra de valoriser et de reconnaître les multiples actions déjà existantes en matière d’éducation civique, d’enseignement de l’histoire et de la géographie, proposées à l’école ou dans les formations d’enseignement supérieur ou professionnel, avec l’apprentissage des règles du savoir vivre-ensemble.
Il nous faudra mobiliser tous les acteurs, nombreux et divers, qui y travaillent déjà, donner une colonne vertébrale à ce parcours, rassembler les corps qui constituent la nation – famille, école, université, communes, associations, et bien d’autres –, en le fondant sur le socle que constituent notre histoire, notre patrimoine et notre mémoire.
Il s’agira de renforcer l’adhésion des jeunes aux valeurs universelles de la République, de les rassembler dans la communauté nationale et de leur permettre de s’approprier les principes qui fondent notre nation.
Mes chers collègues, aux yeux du groupe UMP, le service civique constitue une étape indispensable de ce parcours. C’est donc tout naturellement qu’il soutiendra cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Lesterlin.
M. Bernard Lesterlin. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous arrivons ce matin au terme d’un long processus. Je me réjouis que, pour une fois, un texte d’initiative parlementaire venant d’un groupe de l’opposition ne soit traité par le mépris, ni par la majorité ni par le Gouvernement.
Si tel avait été le cas en 2003, lorsque mon groupe –auquel je n’appartenais pas, n’étant pas encore député –, présidé par Jean-Marc Ayrault, avait déposé une proposition sur le service civique, nous aurions sans doute évité à notre jeunesse de perdre sept précieuses années, pour lui donner le premier rôle dans la consolidation de notre cohésion nationale. Qui sait, peut-être même aurions-nous évité les drames de l’automne 2005?
Au cours de ces derniers mois, avec tous les collègues siégeant sur l’ensemble de ces bancs, avec les rapporteures auxquelles je tiens à rendre hommage pour leur volonté d’aboutir au meilleur texte possible, avec M. le haut-commissaire, dont je veux saluer la capacité d’écoute, nous avons essayé ensemble, avec un certain succès, sur des sujets sur lesquels nous étions loin d’être tous d’accord, de faire ce qui devrait être notre constante préoccupation dans cette enceinte républicaine: la recherche du meilleur compromis – ce qui est exactement le contraire de la compromission –, dans l’intérêt collectif, celui des jeunes et de la société tout entière.
Nous ne sommes plus très loin du but. Nous avons chacun nos convictions et nous avons raison de les garder. Cela étant quel est l’enjeu?
Devant une société qui s’enfonce chaque jour un peu plus dans l’égoïsme, le chacun pour soi, la compétition – qu’on appelle pudiquement compétitivité –, le consumérisme, la perte des repères et des valeurs républicaines pour nos enfants, dans cette dérive que l’on prétend ne plus maîtriser sous prétexte qu’elle nous échappe, il nous fallait réagir, retrouver le chemin de la cohésion de notre société, retrouver le sens de la richesse de notre diversité, de notre mixité d’origines, de cultures, de milieux sociaux. Bref, casser les ghettos, nous parler, retrouver le sens de la solidarité.
Ce sont les jeunes qui vont nous montrer ce chemin. Encore faut-il leur en donner le cadre et les moyens.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Et l’envie!
M. Bernard Lesterlin. Après nos initiatives parlementaires avortées au début de la première décennie du millénaire, faute de respect mutuel et de capacité de dialogue, certains ont eu le courage de prendre la plume et de préfigurer ce que pourrait être un service civique. Je pense à Max Armanet, à Alain Béreau et à d’autres.
À chaque explosion de nos quartiers ou devant l’effarement que provoquait la publication des statistiques du chômage des jeunes ou le constat de leur désenchantement, on a adopté des lois, pas toutes mauvaises, mais dont le moins qu’on puisse dire est que leur effet a été modeste. On a empilé les dispositifs au risque de les rendre illisibles et peu attractifs pour les jeunes. Puis Martin Hirsch a eu la bonne idée de mettre tout le monde associatif autour de la table: il en est sorti le Livre vert, avec une idée simple et une proposition n° 5 tendant à « faire du service civique une étape naturelle dans la vie des jeunes ».
Un peu avant, nos collègues sénateurs avaient eu l’idée de mettre en place une mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes, présidée par notre collègue socialiste Raymonde Le Texier, qui rendit un rapport il y a un an. Puis, à la demande du groupe RDSE, un débat sur le service civil volontaire fut organisé au Sénat en séance publique, le 10 juin dernier. Suite à ce débat, notre collègue radical de gauche Yvon Collin, président du groupe, déposa sa proposition de loi. Je tiens à rendre hommage à ces deux collègues du Sénat,…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Et au rapporteur Christian Demuynck!
M. Bernard Lesterlin. …car ce sont eux qui ont enclenché le processus législatif qui nous réunit ce matin. Je n’oublie pas non plus M. le rapporteur Demuynck, avec lequel nous avons travaillé.
Comme quoi, et l’initiative parlementaire et l’opposition peuvent jouer un rôle irremplaçable dans des situations bloquées!
Rien ne se serait fait non plus sans l’implication personnelle du haut-commissaire et sans la contribution de ses collaborateurs à une construction juridique inévitablement difficile à lire, car tentant de mettre de l’ordre de l’ordre et de la cohérence dans des dispositifs multiples, épars et complexes.
Je ne serais pas honnête si j’omettais de dire que le Président de la République doit être remercié d’avoir – exception heureuse! – relativement gardé le silence sur le sujet et de n’avoir pas préempté le service civique pour en faire une mauvaise réponse au problème réel du chômage des jeunes.
M. Marcel Rogemont. Il a dû oublier!
M. Bernard Lesterlin. Le texte, dont Mme la rapporteure et M. le haut-commissaire nous ont rappelé les grandes lignes, n’est pas la grande loi d’orientation que nous aurions pu appeler de nos vœux, une loi de mobilisation de toute la société faisant du service civique universel et obligatoire pour tous les jeunes la pierre angulaire de la construction d’une société solidaire, une loi par laquelle toute une tranche d’âge, 700000 jeunes, garçons et filles, consacreraient quelques mois de leur vie dans l’intérêt de tous et de chacun.
Cet élément du parcours de vie aurait été considéré comme normal pour tous si, dès le début des années quatre-vingt-dix, nous y avions travaillé ensemble pour préparer le jour où le Président Chirac devait annoncer, en 1996, la professionnalisation de nos armées et la suspension de la conscription obligatoire. Tout le monde aurait trouvé normal, et même positif, que l’on élargisse le service national aux jeunes filles, qu’on passe d’un service militaire à un service civil puis civique, en lui donnant un contenu d’éducation à la citoyenneté.
Ce moment de vie collective aurait pu être l’occasion de dresser l’état des lieux de la santé de notre jeunesse, de faire passer des messages utiles sur la prévention et sur l’hygiène de vie, d’identifier ceux de nos jeunes qui sont victimes de l’illettrisme, leur apprendre le B-A-BA du secourisme, la sécurité routière et la conduite automobile, aiguiller même ceux qui souffrent de carences vers des solutions adaptées; bref, de faire une pause de remise à niveau pour installer, après l’école républicaine, un pallier recréant les conditions d’une nouvelle égalité des chances, quelque part entre l’adolescence et la vie adulte, entre les études et la vie active. Oui, nous avons, il y a dix ans, lorsque le dernier contingent a quitté les casernes, raté une belle occasion de faire œuvre utile pour chaque jeune individuellement et pour la société tout entière.
Une telle occasion manquée ne se rattrape pas. Il faut reconstruire, non pas dans la nostalgie de nos vieux souvenirs du service militaire, mais avec l’objectif de répondre aux besoins de notre temps. En dix ans, le service national est sorti de la mémoire collective. Les jeunes de dix-sept ans qui arrivent à la JAPD n’en ont aucune idée. Alors, du regret d’une occasion manquée, construisons une espérance; mais construisons-la avec les adolescents d’aujourd’hui, pour qu’ils s’approprient cette opportunité que peut constituer pour chacun d’entre eux le service civique.
Comment penser que l’on se trompe quand on écoute les jeunes, trop peu nombreux, qui ont vécu un engagement de service civil volontaire? Ils en parlent comme d’une chance de découvrir l’autre, de se sentir utile. Ils ont envie de continuer et ils vont revitaliser le volontariat associatif qui se cherchait un nouveau souffle et dont les cadres, comme nous, prennent de l’âge. Surtout, ils se découvrent eux-mêmes, en même temps qu’un monde qu’ils n’auraient jamais découvert si le service civil ne leur avait pas permis de sortir de leur quartier, de rencontrer des gens, parfois plus malheureux qu’eux, tout simplement contents de les voir, d’accueillir leur sourire, comme ces grands-mères, veuves isolées dans des contrées rurales – nous savons de quoi je parle, madame la rapporteure.
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Lesterlin.
M. Bernard Lesterlin. Ces femmes qui vivent seules, que les petits-enfants viennent voir quand ils ont le temps, seraient si contentes si elles connaissaient et savaient faire fonctionner les messageries électroniques, pour recevoir de temps en temps un courriel et une photo du petit. Le facteur ne frappe même plus à la porte pour apporter des mandats ou demander des nouvelles.
Mme la présidente. Monsieur Lesterlin, nous attendons votre conclusion.
M. Bernard Lesterlin. Je veux, par cet exemple, vous donner le champ de l’innovation en matière sociale et environnementale que nous offre le service civique. Mes collègues développeront nos propositions à travers nos amendements. Et je terminerai ainsi: la jeunesse de ce pays n’a que faire de nos querelles;…
M. Régis Juanico. Exact!
M. Bernard Lesterlin. …elle a besoin de nous montrer que c’est elle qui est capable de construire une société solidaire. Je l’en crois capable, alors ne la décevons pas par nos débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Mme Marie-Hélène Amiable. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd’hui invitée à débattre de la proposition de loi relative au service civique transmise par le Sénat, à la suite d’une initiative du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
D’emblée, je précise qu’au regard des questions importantes que cette proposition de loi soulève, en relation avec la jeunesse, l’engagement citoyen, la cohésion nationale, la mixité et le brassage culturel et social, les députés communistes et républicains, ceux du Parti de gauche sont évidemment intéressés par sa discussion. Néanmoins je tiens aussi à préciser qu’ils regrettent fortement d’y être contraints dans ces conditions.
Nous vous avons interpellé à plusieurs reprises pour exiger l’ajournement d’un texte dont l’adoption refermerait prématurément un débat naissant.
Depuis la suppression du service militaire, en 1997, une multitude de dispositifs visant la création de services civiques a été adoptée, le plus souvent dans l’urgence, en esquissant à peine les jalons d’une réflexion qui devrait s’engager sur la refonte d’un creuset républicain et déterminer les finalités et les modalités d’une période de vie qui pourrait être consacrée, avant la pleine entrée dans l’âge adulte, à un engagement au service de l’intérêt général.
Il y a quelques semaines, mon collègue François Asensi est allé jusqu’à vous proposer que ce débat mûrisse utilement dans le cadre d’une mission parlementaire réunissant les différentes tendances politiques, sans exclusive. Nous n’avons pas eu de réponse à ces interpellations et, de fait, nous constatons aujourd’hui que notre ordre du jour n’a pas été modifié.
Le Gouvernement a donc inscrit la discussion de cette proposition de loi dans le cadre d’une semaine d’initiative gouvernementale alors qu’il aurait normalement pu laisser cette possibilité à un groupe parlementaire. Ce choix témoigne tout à la fois de votre empressement et d’une volonté…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. De répondre aux problèmes des jeunes!
Mme Marie-Hélène Amiable. …de reprendre à votre compte un texte qui vous offre l’opportunité, dans le cadre d’un ordre du jour législatif embouteillé, de mener une avantageuse communication sur l’action du Gouvernement en faveur de la jeunesse.
M. Jean-François Lamour. C’est mesquin!
Mme Marie-Hélène Amiable. Je détaillerai un peu plus tard notre forte suspicion quant au fait que le dispositif proposé soit aussi l’occasion de masquer davantage le chômage massif de la jeunesse. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Vous gâchez la fête!
Mme Marie-Hélène Amiable. Le zèle du Gouvernement est encore plus manifeste à la lecture de l’ultime amendement qu’il proposera à notre discussion. Afin de permettre – selon son exposé sommaire – la « montée en puissance rapide du service civique », le Gouvernement envisage de ne pas attendre l’installation de l’agence, c’est-à-dire le 1 er juillet 2010, pour délivrer les premiers agréments. Il prévoit aussi un « agrément temporaire de droit pour tous les organismes pour lesquels l’agrément ou le conventionnement de volontariat associatif ou de volontariat civil de cohésion sociale et de solidarité est valable au moment de la promulgation de la loi ».
C’est à se demander si la loi est nécessaire puisque l’on n’aura pas besoin d’attendre sa pleine mise en œuvre pour commencer à recruter! Ce n’est pas vous, monsieur le haut-commissaire, qui me contredirez puisque, interrogé sur la date d’entrée en vigueur du dispositif, vous avez déclaré avant-hier à la presse: « Tout de suite, très vite »!
Nous croyons qu’un plan d’urgence contre le chômage et la désespérance de la jeunesse est nécessaire tout de suite et très vite, particulièrement dans les banlieues populaires.
Nous pourrions évidemment saluer les objectifs plutôt louables, en apparence, de cette proposition de loi relative au service civique, qui tend à unifier les principaux dispositifs actuels de volontariat sous un statut homogène et simplifié, afin de relancer un service civil volontaire qui n’a pas rencontré pour l’instant le succès escompté. Je rappelle qu’au lieu des 50000 volontaires envisagés pour la fin 2007 seulement 6298 ont été recrutés depuis la création de ce dispositif par la loi pour l’égalité des chances de mars2006. La moyenne de 3000 engagés par an, représente effectivement une part infime des 750000 à 800000 jeunes de la classe d’âge correspondante.
Nous pourrions aussi nous retrouver dans certaines des intentions affichées par les auteurs de la présente proposition de loi au Sénat: renforcer l’engagement au profit d’un projet collectif d’intérêt général, recréer du lien social, permettre à des jeunes, parfois à la recherche de repères, de s’engager au service des autres, de faire l’apprentissage de la citoyenneté et leur offrir ainsi de sérieuses perspectives d’insertion grâce à l’expérience acquise.
Nous constatons enfin sur le terrain une relative satisfaction tout à la fois des volontaires et des organismes qui les accueillent. Nous reconnaissons le formidable travail effectué par certaines associations qui cherchent à développer le service civique malgré le faible encouragement des pouvoirs publics.
Néanmoins force est de constater que le texte, depuis sa version initiale jusqu’à sa version modifiée par les travaux sénatoriaux puis en commission à l’Assemblée nationale, souffre de graves insuffisances.
La proposition de loi ne tire ainsi aucune conséquence de l’objectif qu’elle s’était assignée à l’article 1 er : « Renforcer la cohésion sociale et de promouvoir la mixité sociale ».
Selon le dispositif proposé l’engagement de service civique restera volontaire. De mon côté, je soutiendrai un amendement destiné à rétablir l’article 1 er AA, supprimé en commission, qui prévoyait qu’un rapport serait remis au Parlement avant le 31 décembre 2010 pour, après consultation des organismes, institutions et partenaires, dresser un état des lieux de la politique française « en matière de cohésion sociale et républicaine » et évaluer « le rôle qu’un service civique obligatoire et universel peut jouer dans sa préservation et son développement ».
Je comprends que donner un caractère obligatoire à un service civique n’est peut-être pas dans l’air du temps, mais cela reste à prouver, d’autant que cela pourrait constituer un droit nouveau pour la jeunesse. En Norvège, par exemple, au titre d’une sorte de service civil, environ 10 % des habitants ont passé une année de leur vie, entre dix-huit et vingt-cinq ans dans ce que l’on appelle des universités populaires qui leur ont permis de découvrir des environnements nouveaux, par exemple dans les domaines artistiques ou sportifs, à l’international ou autour d’un engagement social.
Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, ont avancé une proposition intéressante, dans le cadre du débat qui s’est tenu au Sénat le 10 juin 2009 sur le service civique, selon laquelle la transformation éventuelle en service obligatoire devrait être décidée démocratiquement, c’est-à-dire soumise à référendum, et cela cinq ans après la mise en place de ce service. Ce référendum serait précédé d’un important débat national impliquant les élus, les parlementaires, les acteurs des services publics, les associations et organisations de jeunes et d’éducation populaire et, au-delà, chaque citoyen, en particulier les jeunes sur le contenu, la forme, l’organisation de ce service national.
Cependant l’éventualité d’en faire un droit aurait un coût de l’ordre de 3 à 5 milliards d’euros par an, qui ne rentrerait alors pas dans l’enveloppe de 40 millions d’euros qui semble être celle qui vous est octroyée, monsieur le haut commissaire, pour la mise en place du dispositif, et des éventuels 500 millions d’euros lorsqu’il tournera à plein régime, dont le financement ne semble pas assuré à ce jour, mais peut-être allez-vous me rassurer.
M. Marcel Rogemont. Bien sûr! C’est un magicien!
Mme Marie-Hélène Amiable. Pourtant le Président de la République avait fait de la création d’un service civique obligatoire, je le rappelle, un engagement de campagne!
Mme Marie-Hélène Amiable. De plus, vous ne donnez aucune garantie quant aux moyens que vous mettrez en œuvre pour atteindre cette mixité sociale, à part de très vagues déclarations à la presse sur des quotas de jeunes peu diplômés.
Pour répondre aux critiques concernant l’information et l’orientation des jeunes vers le dispositif, vous proposez un amendement qui, tout en affichant de bonnes intentions, n’affiche aucun moyen en conséquence.
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche formuleront l’exigence d’un « égal accès des citoyens au service civique » en défendant un amendement à l’article 4, mais ils attendent aussi de votre part l’inscription dans la loi d’engagements précis supplémentaires.
Ainsi nous défendons depuis longtemps l’instauration de ce que nous appelons un « service national de solidarité », dont nous avons détaillé les principes et l’organisation dans plusieurs propositions de loi déposées sous la précédente législature.
Pour l’essentiel, il s’agirait d’un engagement de six à douze mois, proposé aux jeunes femmes et aux jeunes hommes de dix-huit à vingt-cinq ans, y compris les résidents de nationalité étrangère. Il serait réalisé selon un projet élaboré avec l’intéressé au cours de la dernière année de sa scolarité ou dans les deux ans suivant l’obtention d’un diplôme d’études supérieures.
Il pourrait s’effectuer en France ou à l’étranger, dans des associations ou des structures publiques, dans les domaines de la défense, de l’action humanitaire, de la coopération, de la prévention, de l’aide à la personne, de la défense des droits, de l’éducation ou de l’environnement.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Parfait! Merci de votre soutien!
Mme Claude Greff, rapporteure et M. Jean-François Lamour. Alors votez le texte!
Mme Marie-Hélène Amiable. Il comporterait une période de formation de deux mois minimum, assurée par l’État. Cette formation offrirait d’une part les outils indispensables à la citoyenneté que sont une éducation juridique, une éducation à la santé, l’obtention du permis de conduire, mais également un accompagnement autour de l’orientation personnelle et professionnelle. Dans le cadre de la présente proposition de loi, nous demanderons, par le biais d’un amendement, que le temps consacré à la mission ne puisse excéder vingt-quatre heures par semaine pour permettre ce temps de formation.
Cette période serait validée pour la retraite et prise en compte dans tous les diplômes d’État et dans le cadre d’un processus de validation des acquis de l’expérience.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Il faut voter le texte!
Mme Marie-Hélène Amiable. Elle devrait s’accompagner d’une allocation prise en charge, pour moitié par l’État et pour l’autre moitié par l’organisme d’accueil, qui ne pourrait être inférieure au seuil de pauvreté – nous y tenons beaucoup – soit 750 ou 900 euros, selon l’indicateur retenu, pour une personne seule,…
Mme Claude Greff, rapporteure . Nous n’en sommes pas loin!
Mme Marie-Hélène Amiable. …afin de permettre au jeune d’accomplir son service dans des conditions de vie décentes, mais aussi d’une véritable couverture sociale et d’une aide à l’insertion.
En comparaison, votre texte crée un statut de volontaire dès seize ans, ce qui nous semble particulièrement inadapté. Il exclut de son bénéfice les jeunes étrangers vivant en France depuis moins d’un an tandis qu’un jeune Français aura l’entier loisir d’aller effectuer un service civique à l’étranger. Nous n’apprécions que modérément la tentative, bien que visiblement avortée, de rétablir ce délai à trois ans, d’autant que notre groupe au Sénat en avait obtenu la réduction.
Nous déplorons aussi le fait que, selon un amendement de Mme la rapporteure adopté par la commission, le bénéfice d’un contrat d’accueil et d’intégration ne permet plus à un jeune étranger de déroger à cette condition.
Le service civique n’est entouré d’aucune garantie en termes de formation. Il ne s’inscrit pas dans le code du travail…
Mme Claude Greff, rapporteure . Ce n’est pas un travail!
Mme Marie-Hélène Amiable. …mais prévoit pourtant une durée d’engagement de quarante-huit heures par semaine pouvant être réparties sur six jours.
Le texte ne donne pas non plus d’indication sur les congés, ni sur la rémunération exacte du volontaire, qui sera variable.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Ce n’est pas un travail!
Mme Marie-Hélène Amiable. Nous attendons un engagement important du Gouvernement à ce niveau, d’autant que nous n’aurons pas le loisir d’avancer de propositions puisque, contrairement à ce qui s’est passé au Sénat, la commission des finances a jugé notre amendement irrecevable au titre de l’aggravation des charges publiques.
Enfin, l’engagement de service civique n’offre plus d’obligation d’affiliation à la retraite complémentaire des volontaires…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. À la demande des acteurs!
Mme Marie-Hélène Amiable. … tel que prévu dans la proposition de loi initiale. Là encore, nous regrettons que notre demande n’ait pas passé le barrage de la recevabilité financière alors qu’elle avait été discutée sans problème par les sénateurs.
Les manques du dispositif, ajoutés les uns aux autres, laissent entrevoir la création d’un statut très concurrentiel par rapport aux deux millions d’emplois salariés du secteur associatif, ce qui nous inquiète. Nous proposerons donc plusieurs amendements destinés à éviter la création d’un sous-salariat qui permettrait aussi de masquer l’aggravation du chômage et l’inaction du Gouvernement en la matière.
Aujourd’hui, ce dernier a refusé l’ouverture d’un large débat réunissant les acteurs associatifs, politiques, syndicaux et la jeunesse, afin d’aboutir à un projet ambitieux et réellement valorisant.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Nous l’avons fait pendant cinq mois!
Mme Marie-Hélène Amiable. Compte tenu de l’écart important entre la proposition de loi qui nous est soumise, avec toutes les insuffisances que j’ai décrites, et notre conception d’un « service national de solidarité » destiné à la jeunesse, véritable opportunité, qui s’inscrirait dans un ensemble de droits nouveaux en faveur des jeunes en matière d’emploi, de formation, d’autonomie, d’accès au logement, de transports, de santé, de culture, les députés communistes, républicains et du Parti de gauche ne pourront pas soutenir en l’état ce texte, …
Mme Claude Greff, rapporteure et Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis. C’est vraiment dommage!
Mme Marie-Hélène Amiable. … sauf si vous décidez de le modifier substantiellement.
Je regrette de contrarier le consensus annoncé par M. le Haut commissaire…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Souhaité, pas annoncé!
Mme Marie-Hélène Amiable. …mais nous ne croyons pas aux miracles, même s’ils sont républicains.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.
M. Philippe Folliot. Madame la présidente, monsieur le haut commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour. (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC.) Il est retenu dans sa circonscription par une visite ministérielle, mais il sera présent cet après-midi, lors de l’examen des amendements. Je tenais à souligner toute son implication et l’intérêt qu’il porte à cette question.
Nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen de la proposition de loi relative au service civique qui vise à redonner un second souffle à l’engagement citoyen, et cela au moment où se déroule le débat sur l’identité nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C’est donc avec satisfaction que le groupe Nouveau Centre et apparentés voit le civisme et la citoyenneté inscrit à l’ordre des priorités de la cohésion nationale, au rang des valeurs de la République car c’est bien ce dont il est question dans cette proposition de loi
Depuis la suspension de la conscription en 1997, toutes les tentatives de lancement de dispositifs de service civique n’ont pas rencontré le succès escompté. Pour comprendre les enjeux propres au service civique volontaire il est important de revenir sur les nombreuses fonctions que le service militaire remplissait.
Tout d’abord la concrétisation du pacte républicain que représentaient le service militaire et son apport à la construction de la nation par le brassage et le rapprochement des citoyens étaient majeurs. Il introduisait dans la vie des jeunes Français une période citoyenne, un acte républicain, qui leur permettait de côtoyer des personnes et de construire des liens avec celles-ci, qui seraient, sans cela, restées en dehors de la sphère de leur vie quotidienne.
Il permettait, grâce à l’ouverture de nouveaux horizons et à la formation qu’il offrait à de nombreux conscrits, de bénéficier d’une véritable perspective d’insertion sociale, voire professionnelle, grâce à la mixité des parcours précédemment évoqués, mais aussi le rattrapage des faiblesses scolaires ou éducatives, la formation complémentaire, l’amélioration sanitaire ou le début d’intégration dans la vie professionnelle par des outils propres.
Ainsi, la suppression du service national a créé un vide préjudiciable dans la relation citoyen-nation, ainsi que la nostalgie de moments forts, d’un passé à la fois proche et éloigné dans l’imaginaire collectif et dans l’esprit de nos jeunes concitoyens. On peut regretter son caractère peu universel puisque seul un jeune Français sur deux assumait ses obligations militaires peu avant la suppression de la conscription, ce qui ne manquait pas de poser des problèmes.
Il ne reste aujourd’hui du service militaire de l’époque que la journée d’appel de préparation à la défense, qui présente l’avantage d’être totalement universel. Je souscris aux propos tenus par de nombreux collègues sur tous les bancs de notre assemblée visant à réformer le dispositif, afin qu’il devienne plus attrayant.
Le but essentiel de la journée d’appel et de préparation à la défense est de maintenir des liens et des relations entre le jeune et l’institution militaire. Cependant il me semble indispensable que soient introduits des éléments ayant trait à la citoyenneté.
Il fallait dès lors donner une nouvelle forme à cet engagement au nom du devoir civique, traditionnellement conçu comme une composante importante du creuset républicain, inculquant aux jeunes générations le sens du devoir et la conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs compatriotes.
Rappelons en effet que les citoyens ont non seulement des droits, garantis par leur appartenance à la nation, mais aussi des devoirs envers cette dernière. Au nombre de ces devoirs, l’engagement citoyen doit donc être réhabilité auprès d’une jeunesse de plus en plus individualiste, qui privilégie ses droits personnels, parfois au détriment des obligations que suppose la solidarité nationale. En effet, dans le contexte actuel de crise financière et sociale, et alors que le sentiment d’appartenance à la nation se perd de plus en plus, il est urgent d’inventer des moments où le lien entre citoyen et nation est renforcé.
À la suite de différentes initiatives parlementaires, et après la crise des banlieues survenue en novembre 2005, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances avait ouvert la voie à une première tentative de création du service civique, en autorisant la délivrance à des personnes morales de l’agrément de service civil.
Malheureusement, ce dispositif n’a pas eu la portée escomptée: au 31 décembre 2008, seules 5900 personnes s’étaient engagées depuis le lancement du service civil volontaire, en septembre 2006, et 3200 volontaires étaient en poste. Ces insuffisances s’expliquaient en premier lieu par la complexité et la confusion administratives qui touchaient les différentes formes de service civique et nuisaient à la visibilité du dispositif, et, de fait, à son attractivité.
L’objet de la proposition de loi votée au Sénat, grâce à l’impulsion donnée par le Président de la République et surtout par vous, monsieur le haut-commissaire à la jeunesse, vise ainsi à remédier aux difficultés rencontrées par le service civil en créant un service civique ambitieux, susceptible de concerner 10 % d’une classe d’âge, soit 70000 jeunes, d’ici à cinq ans.
Ce texte s’est principalement attaché à unifier la plupart des principaux statuts existants sous le label « service civique » et à simplifier la procédure d’accueil des volontaires. Il en résulte un engagement citoyen de six à douze mois, dans le cadre d’une mission à caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou encore d’une mission de défense et de sécurité civile ou de prévention. Destiné aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, cet engagement leur donne droit à une indemnisation de 600 euros, le financement de leur protection sociale étant assuré par la personne morale agréée qui accueille le volontaire selon des modalités fixées par décret.
Comme l’a souligné notre rapporteure, le service civique est d’abord un véritable moment citoyen, l’occasion pour les jeunes de consacrer du temps aux autres, à la collectivité.
Ce texte comporte plusieurs avancées notables, qui concernent en particulier l’ouverture du volontariat de service civique aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Il distingue le service civique des autres formes d’engagement qui existent dans la société civile; je songe en particulier au bénévolat. Il évite autant que possible les risques de confusion avec l’emploi salarié; il clarifie la gouvernance de l’agence du service civique.
En effet, il ne faut absolument pas confondre le service civique avec un énième dispositif social: il n’a pas du tout la même finalité que des dispositifs que nous avons connus et qui ne s’adressaient aux jeunes qu’afin de favoriser leur insertion sociale. Sur ce point, nous devons tous être vigilants: je le dis et je le répète, le service civique ne sera pas un succès s’il n’intéresse qu’une seule catégorie de jeunes, en particulier les plus modestes.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument!
Mme Claude Greff, rapporteure. Tout à fait!
M. Philippe Folliot. Ainsi, nous ne pourrons considérer le service civique comme un succès que si la première tranche de 70000 jeunes est représentative de la jeunesse dans toute sa diversité.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument!
M. Philippe Folliot. Il s’agit d’un enjeu essentiel du dispositif, aujourd’hui et à terme.
Enfin, le texte crée un dispositif juridique uniforme applicable à tous les types de volontariats de service civique; je songe plus précisément à celui qui est ouvert aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Il s’agit d’une avancée majeure; je tiens à souligner la pertinence de cette mesure, qui contribue à la cohérence globale que la proposition entend conférer au service civique.
La proposition supprime les dispositions relatives au volontariat associatif. Néanmoins, au même titre que le volontariat international en entreprise et en administration, le volontariat associatif doit rester praticable dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui: être ouvert aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, réalisable en trois ans et fractionnable, afin de s’adapter à la spécificité de certains parcours professionnels.
Je reviendrai également sur l’exclusion du bénévolat, que nous ne comptons pas remettre en cause, car nous nous fions aux mesures qui seront adoptées à l’issue du bilan que dressera le futur rapport d’évaluation, mais que nous considérons comme une occasion manquée de lier service civique et bénévolat. La construction de passerelles destinées à un nombre limité de bénévoles effectuant les mêmes missions que le service civique et dont l’engagement est très contraignant – secouristes, accompagnateurs scolaires ou chefs scouts – était une bonne idée; peut-être faudra-t-il envisager d’y revenir.
En effet, nous savons que la grande loi fixant le statut des bénévoles et que nous appelons de nos vœux n’est pas pour demain; il faudra agir plus efficacement en ce sens. Nous devons donc saisir au plus vite l’occasion qui nous est donnée de leur offrir un statut, au lieu de se réfugier derrière l’éventualité d’une loi sans cesse repoussée aux calendes.
J’en viens, pour finir, à la portée du service civique à plus long terme.
Parce que le service civique, obligatoire ou non, doit être avant tout attrayant, valorisant et utile à la société, nous sommes tout à fait favorables à l’existence d’une phase de montée en puissance du service civique volontaire. Je tiens toutefois à souligner que cette proposition de loi est à nos yeux un pas en avant, une étape essentielle vers un service civique obligatoire. On ne passe pas de 3200 à plusieurs centaines de milliers de volontaires d’un coup de baguette magique, ni d’un point de vue politique, ni d’un point de vue budgétaire.
M. Marcel Rogemont. C’est dommage!
M. Philippe Folliot. Cette montée en puissance demandera du temps, mais aussi une impulsion initiale suffisamment forte. Également destiné à la jeunesse, mais dans des conditions spécifiques, le dispositif « Défense deuxième chance », concerne aujourd’hui à peine 1500 jeunes, au lieu des 20000 initialement visés, et cet écart lui est préjudiciable. J’espère donc, monsieur le haut-commissaire, que tout sera fait, notamment en matière budgétaire, pour mener la présente opération dans de bonnes conditions.
En somme, ce texte propose un système pertinent et nécessaire et constitue indéniablement une avancée. Néanmoins, mes chers collègues, cette avancée que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux, et à laquelle j’adhère pleinement, doit n’être qu’une étape, indispensable mais transitoire, sur la voie qui nous mène vers un service civique obligatoire.
Je souhaite maintenant m’exprimer sur le texte à titre personnel.
M. Marcel Rogemont. Il est vrai que vous n’êtes pas nombreux! (Sourires.)
M. Philippe Folliot. Je reconnais que la clarification administrative des différents statuts créés est améliorée. Gardons-nous toutefois de nous féliciter: le système qui se fait jour demeure complexe. Pour lui éviter le sort du service civil, il faudra consentir un véritable effort de communication à l’intention du public visé.
Par ailleurs, je prends acte de l’exclusion du bénévolat de ce dispositif. Bien que leurs missions soient identiques, les deux engagements sont de nature distincte. Ainsi, l’inclusion aurait pu démotiver de nombreux candidats au bénévolat, qui demande beaucoup de temps.
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Folliot.
M. Philippe Folliot. Je suis toutefois partisan d’une valorisation du bénévolat pour lui-même, parallèlement au service civique, afin de répondre aux attentes de personnes qui honorent régulièrement le pacte républicain et que nous ne saurions laisser plus longtemps au bord du chemin. Permettez-moi d’être plus naïf ou plus optimiste que certains de mes collègues sur ce point. Nous devons étudier les problèmes spécifiques auxquels les bénévoles sont confrontés, ne serait-ce qu’en termes de responsabilité…
M. Jean-François Lamour. Très bien!
M. Philippe Folliot. …, même si quelques avancées notables ont été réalisées ces dernières années en la matière.
Parce que c’est la jeunesse d’aujourd’hui qui fera la France de demain, je souhaite l’adoption de cette proposition de loi, qui donne à la jeunesse les atouts indispensables pour construire la France à laquelle nous aspirons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.
M. Jean-François Lamour. Monsieur le haut-commissaire, nous souhaitions ce rendez-vous depuis bien longtemps; j’irai jusqu’à dire qu’il s’agit du rendez-vous de la dernière chance pour le volontariat associatif et le service civique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
En effet, nous avons désormais fait le tour de la question.
Depuis 1996, date à laquelle le service national a été suspendu, nous avons tous étudié le problème, à l’instar de nombreuses associations: comment faire en sorte que nos jeunes puissent, à un moment de leur vie, faire don au pays d’une partie de leur temps, de leurs compétences, et satisfaire leur désir de prendre part à un projet d’intérêt général? À ce problème, nous souhaitons tous, sur tous les bancs – on l’a entendu‚–, trouver la solution la plus efficace et la plus visible possible.
Monsieur le haut commissaire, vous avez dit tout à l’heure que le Gouvernement avait manqué d’intérêt ou de volonté lorsqu’il avait créé le service civil. Peut-être est-ce en partie vrai, s’agissant notamment des moyens.
M. Marcel Rogemont. Sans doute!
M. Jean-François Lamour. Néanmoins ce n’est pas la seule explication. Ainsi, je me souviens que plusieurs secteurs du monde associatif n’étaient pas favorables au développement du volontariat…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est vrai aussi.
M. Jean-François Lamour. … et que les syndicats eux-mêmes redoutaient les effets du dispositif sur le marché du travail.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est également vrai.
M. Jean-François Lamour. Je me souviens aussi que de nombreux jeunes ne comprenaient pas bien ce que nous souhaitions; ils se contentaient d’une action bénévole régulière, compétente, qui leur permettait de faire don à d’autres de leurs talents et de leur personne.
De ce point de vue, le présent texte permet deux avancées principales. Je tiens à saluer le travail de nos deux rapporteures, en particulier de Claude Greff, qui avait déjà étudié le volontariat associatif en 2004.
Première avancée: l’instauration du volontariat est plus visible et plus simple. La structure de droit public créée à la suite de la suspension du service national était presque incompréhensible pour la quasi-totalité des acteurs du secteur.
Deux associations – Unis-Cité en particulier, citée par François Hostalier – ont, depuis les années quatre-vingt-dix, joué un rôle majeur. En portant à bout de bras cette idée, elles ont contribué à développer le volontariat associatif, en dépit de leurs faibles moyens. Leurs travaux ont permis de comprendre que les structures et les cadres juridiques prévus ne répondaient pas à la montée en puissance du dispositif de volontariat et de service civil.
Le texte que vous portez, monsieur le haut-commissaire, et qui a été amendé en commission, est de nature à simplifier le service civique et à le rendre plus visible. Quelques interrogations demeurent cependant quant à votre proposition d’associer service civique et volontariat associatif dans les mêmes tranches d’âge.
J’ai bien entendu votre préoccupation, mais votre proposition ne semble pas très claire.
M. Marcel Rogemont. En effet!
M. Jean-François Lamour. Je souhaite que vous nous précisiez les attentes du secteur associatif – du CNAJEP notamment, dont vous nous avez parlé. Nous devons comprendre pourquoi vous souhaitez introduire du volontariat associatif dans la période du service civique.
M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas utile.
M. Jean-François Lamour. Nous ne réussirons notre pari que si nous rendons visible le service civique.
La seconde avancée majeure de cette proposition de loi concerne les moyens qui y sont consacrés. Vous avez annoncé 40 millions d’euros pour 2010, et environ 500 millions nécessaires sur une durée de cinq à six ans pour accueillir 75000 jeunes. Banco, monsieur le haut-commissaire! Nous savons tous, en effet, que ce qui fait défaut aujourd’hui, ce sont les moyens.
Vous avez réussi, monsieur le haut-commissaire, là où d’autres avaient échoué. Pour paraphraser Michel Audiard, « vous avez la puissance de feu d’un croiseur et des flingues de concours », ce qui vous a permis de capter 40 millions d’euros (Sourires) , mais c’est insuffisant. Il est indispensable que vous obteniez, peut-être en pointant un revolver sur la tempe de l’un de vos collègues…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Ce n’est pas notre genre! (Sourires.)
M. Jean-François Lamour. …les 500 millions d’euros nécessaires. Car c’est là que le bât blesse, si je puis dire. La force du service civique réside dans l’accompagnement et la formation des jeunes. Or, si vous ne pouvez aider les associations, nous échouerons. Le rendez-vous d’aujourd’hui est celui de la dernière chance!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui!
M. Jean-François Lamour. Pour ma part, je crois profondément à ce projet; je l’ai du reste soutenu depuis le début en tant que ministre, et maintenant en tant que parlementaire. Le service civique constitue un apport indéniable pour le monde associatif, pour notre société et pour ceux qui sont le plus en difficulté.
Donnons-nous les moyens de réussir, enfin, à faire monter en puissance le volontariat et le service civique. Notre pays et les jeunes en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Faure.
Mme Martine Faure. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord redire que nous devons cette proposition de loi relative au service civique à l’initiative d’un parlementaire de gauche, le sénateur Yvon Collin, initiative qui témoigne, avec les propositions de loi déposées par Jean-Marc Ayrault et Daniel Vaillant à l’Assemblée nationale, de Roland Courteau et Marcel Rainaud au Sénat, de l’intérêt indéfectible des socialistes pour le service civique.
M. Bernard Lesterlin. Très juste!
Mme Martine Faure. Si, comme l’écrivait Albert Camus, « la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent », alors il est grand temps de concrétiser une idée généreuse et novatrice et de se doter d’un outil attractif, valorisant, accessible au plus grand nombre et qui garantira la transmission des valeurs de la République aux jeunes générations.
Il n’est jamais trop tôt pour éveiller la conscience des jeunes, pour les inciter à se demander ce qu’ils peuvent faire pour leur pays et pour les inscrire dans une dynamique d’échange où celui qui donne est, dans le même temps, celui qui reçoit.
Mme Michèle Delaunay. Excellent!
Mme Martine Faure. Aussi bien le service civil volontaire, institué par Jacques Chirac en 2006, que les divers dispositifs proposés à sa suite, se sont révélés inadaptés et inopérants. Pour atteindre l’objectif préconisé par le Livre vert de la jeunesse, qui est de recruter 10 % d’une classe d’âge – soit 70000 à 75000 jeunes – en 2015, l’engagement de l’État est indispensable tant pour la gestion que pour le financement.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui!
Mme Martine Faure. Or, parmi les causes identifiées de l’échec du service civil volontaire – 50000 volontaires civils par an attendus, moins de 3000 au bout de trois ans –,…
M. Jean-Claude Viollet. C’est parce qu’il n’est pas obligatoire!
Mme Martine Faure. …on peut certes incriminer la complexité du dispositif et son manque de visibilité – comme l’a rappelé Jean-François Lamour –, mais aussi et surtout les carences budgétaires. Il est donc impératif que les moyens soient à la hauteur des ambitions affichées.
Mme Claude Greff, rapporteure . Le Président de la République le veut!
M. Jean-Claude Viollet. Nous voilà rassurés!
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Il faut voter les budgets!
Mme Martine Faure. Monsieur le haut-commissaire, vous avez obtenu, pour 10000 volontaires, 40 millions dans le programme163 du budget 2010, mais après?
M. Marcel Rogemont. Eh oui!
Mme Martine Faure. Pouvez-vous garantir la pérennité du financement?
Mme Claude Greff, rapporteure . Bien sûr!
Mme Martine Faure. L’Inspection générale des affaires sociales l’énonce clairement dans son rapport de novembre2009: « La contrainte budgétaire a [...] beaucoup pesé sur le service civil et contribué à sa confidentialité. »
Pour assurer la montée en puissance du dispositif, le coût est estimé à 500 millions d’euros par an.
M. Bernard Lesterlin. Une paille!
Mme Martine Faure. Qui financera? L’État? Nous aimerions le croire.
M. Marcel Rogemont. Les citoyens!
Mme Martine Faure. Je rappelle que, dès le premier trimestre 2008, il manquait 7 millions d’euros à l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances pour boucler son budget. Les collectivités territoriales, toujours mises à contribution et auxquelles la suppression de la taxe professionnelle vient de porter le coup de grâce, ne pourront pas apporter de soutien financier. Nous restons donc dans l’incertitude quant au financement au-delà de 2010, ce qui ne laisse pas d’être inquiétant si l’on songe aux contrats dont la durée dépassera l’exercice.
Le service civique se distingue du salariat car il ne se confond ni avec l’emploi, ni avec la formation professionnelle: c’est « du » travail, ce n’est pas « un » travail. Mais il se distingue aussi du bénévolat: le versement d’une indemnité est prévu, dont le montant sera fixé par décret. Pour mémoire, un jeune volontaire du service civil coûte actuellement 635 euros par mois. Il serait incompréhensible, monsieur le haut-commissaire, que l’indemnité attachée au futur service civique ne soit pas au moins équivalente.
Je ne sais pas, madame la présidente, si j’ai épuisé mon temps de parole.
Mme la présidente. Vous disposez encore de quelques instants, madame la députée.
Mme Martine Faure. En conclusion, je tiens à saluer la qualité des travaux de notre commission et j’adresse mes remerciements à sa présidente, à mesdames les rapporteures, ainsi qu’à Bernard Lesterlin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le haut-commissaire, loin des débats qui sèment le doute, la division et parfois la haine, il y a quelque chose de réellement enthousiasmant dans un projet partagé comme celui-ci qui représente une chance et un espoir pour les jeunes. Cette chance, il ne faut pas la gâcher; cet espoir, il ne faut pas le décevoir. Nous comptons donc sur votre détermination pour créer les conditions nécessaires à son accomplissement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc.
M. Bruno Bourg-Broc. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la question dont nous débattons aujourd’hui est primordiale pour l’avenir de notre jeunesse, de notre cohésion sociale, mais également de nos valeurs républicaines.
Depuis la suspension du service militaire en 1997, la recherche de son équivalent en tant que facteur d’intégration sociale, culturelle et républicaine est toujours d’actualité. Suite à la crise des banlieues de 2005, notre majorité a voté en 2006 la loi pour l’égalité des chances instituant un service civil volontaire.
Un peu moins de quatre ans plus tard, le constat est unanime: ce service civil volontaire n’est pas suffisamment attrayant ni adapté à ses objectifs. Trois raisons à cela: un manque flagrant d’information et de visibilité; un manque de reconnaissance; une absence complète de valorisation de l’expérience ainsi acquise.
Il est donc nécessaire, et il est de notre devoir, de faire évoluer ce texte. Que recherchons-nous exactement? L’engagement de l’individu au service de la société et de l’intérêt général, ainsi que l’engagement du jeune citoyen au service de la nation.
L’objectif est d’apprendre le vivre-ensemble au sein de la même République, de transcender les individualismes, de promouvoir l’ouverture aux autres, de respecter les différences, mais également de s’en enrichir. Aujourd’hui, la transmission des valeurs civiques se perd et, pour qu’elles reprennent une place essentielle dans notre société, il faut que chacun ait la volonté de participer à un projet collectif. Le désir des nouvelles générations de s’engager au profit d’une action ou d’une cause qu’elles considèrent noble et juste ne cesse de croître. L’État doit les aider à réaliser les projets correspondant à leurs aspirations et s’avérant, de surcroît, utiles pour les autres. Nous devons enrayer – autre aspect de ce texte – la crise du sens, cette perte des repères qui affecte notre jeunesse, en apportant une réponse claire: permettre à chacun de nos concitoyens de trouver la place sociale qui lui revient.
Le texte qui nous est proposé a pour ligne directrice la formation à la citoyenneté, avec l’apprentissage du civisme sans lequel l’intégration est impossible. Le service civique doit aider à l’intégration des jeunes, sans laquelle il ne saurait y avoir d’insertion de l’individu au sein de la société qui l’entoure.
Le service civique sera consacré à des missions d’intérêt général qui permettront de favoriser l’engagement en créant ou en renforçant des liens entre des personnes qui n’auraient sûrement jamais eu l’occasion de se rencontrer.
L’engagement des jeunes, à travers ce dispositif réajusté, sera récompensé par une attestation et pourra être mis en avant sur un CV: c’est une excellente chose. Cet engagement sera reconnu et valorisé: c’est ce qu’en attendent les jeunes qui souhaitent mettre en pratique les valeurs républicaines de civisme, pour promouvoir activement le lien social, pour répondre à un besoin de solidarité.
Nous proposons d’accroître les échanges intergénérationnels et de redécouvrir les vertus de la solidarité. Ce brassage ne peut-être que bénéfique, car nos jeunes d’aujourd’hui accordent une grande importance à la relation qu’ils entretiennent avec leurs aînés, lorsqu’ils prennent conscience de son bienfait.
C’est pourquoi l’encadrement du service civique – à travers une indemnisation, la signature d’un contrat, des aménagements prévus pour les étudiants – répond clairement à l’attente des jeunes. Les responsabiliser à la citoyenneté, au devoir de défense nationale, leur inculquer la conscience citoyenne, voilà ce qui est en jeu. En ces temps de cette crise majeure qui touche l’ensemble de la jeunesse française, il est de notre devoir de lui redonner confiance par le biais de dispositifs permettant aux jeunes de prendre conscience qu’ils sont utiles à la société dans laquelle ils vivent.
À terme, le service civique doit s’intégrer dans le parcours de tous les jeunes. Implicitement, cet objectif pose la question du service civique obligatoire, qui, à juste raison, n’est pas proposé aujourd’hui. Le bon fonctionnement de ce dispositif est lié à votre totale implication, dont je ne doute pas un instant, monsieur le haut-commissaire, dans la mise en œuvre de ce texte. Le volontariat est une bonne chose pour le moment car il faut un délai de mise en route. Dans les années à venir, il incombera à la future Agence du service civique de soumettre au Parlement l’éventualité de le rendre obligatoire si les objectifs fixés sont atteints.
Oui, ce texte est primordial pour redonner confiance à notre jeunesse, en lui montrant qu’elle a une place importante dans le fonctionnement de notre société et de nos institutions. Il est également primordial car la cohésion sociale et nationale doit être le fer de lance de nos décisions, pour le bien de notre société. Enfin, il est primordial car il nous offre l’occasion de réaffirmer nos valeurs républicaines que sont la citoyenneté, le civisme, le volontariat et l’aide apportée aux autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rogemont.
M. Marcel Rogemont. « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour votre pays »: c’est ainsi que John Fitzgerald Kennedy s’adressait à la jeunesse en 1961. Nul doute que ces paroles nous permettent de prendre la mesure de l’enjeu du service civique national aujourd’hui.
La prise en compte de cet enjeu a connu quelque retard. La suppression hâtive du service militaire en 1997 n’a jamais été suivie d’un réel débat sur la jeunesse et la citoyenneté dans notre République. À cet égard, comme mes collègues le rappelaient, il est dommage que le débat sur les propositions de loi socialistes, notamment en novembre2003, n’ait pas permis de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons depuis 1997.
C’est dans ce contexte qu’Yvon Collin, sénateur radical de gauche, a proposé une loi visant à créer un service civique national dont l’ambition est de mettre en place un système permettant aux jeunes de s’engager au service de l’intérêt général. Nous sommes tout à fait favorables à une telle proposition: le service civique est gage de cohésion sociale, en tant qu’il constitue un engagement citoyen fondé sur la solidarité.
Je salue donc l’ensemble du travail accompli par les uns et par les autres, mais je souhaite insister sur deux questions: le financement et le bénévolat.
S’agissant du financement, beaucoup d’incertitudes fragilisent gravement la mise en place du service civique, ce qui risque de ruiner la bonne volonté qui anime cette proposition de loi.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez déclaré, en commission et dans la presse, que le service civique serait financé à 100 % par l’État. Vous avez également indiqué que l’indemnité s’élèverait à 800 euros par mois.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Non, j’évoquais le coût pour l’État.
M. Marcel Rogemont. Admettons qu’il s’agisse de 640 euros seulement. Il suffit cependant de multiplier cette somme par douze puis par 10000 pour constater que le budget de 40 millions d’euros prévu ne sera pas suffisant.
Vous avez également affirmé que cette indemnité pourrait être financée pour partie par l’allocation logement. Nous demandons des précisions à ce sujet.
Nous demandons également des précisions sur le montant de cette indemnité et les modalités de son versement: seul un financement clair permettra une bonne application du dispositif.
Le président Sarkozy déclarait en Avignon le 29 septembre dernier: « Je veux une génération qui ait envie de s’engager et qui soit en capacité de le faire.» Permettez qu’avec davantage d’humilité je dise: « Nous voulons une génération qui ait envie de s’engager et qui soit en capacité de le faire. » Mais encore faut-il, pour cela, que le discours d’Avignon se traduise dans le budget. Espérons donc que cet acte de foi soit concrétisé de manière pleine et entière, car le pont d’Avignon commence bien, mais finit mal… (Sourires.)
Notre deuxième interrogation porte sur la relation entre le bénévolat et le service civique. Je crains que le fait d’accréditer des personnes bénévoles sur une période de trois ans – 150 week-ends – n’aboutisse à entretenir la confusion plutôt qu’à établir des passerelles, comme vous le prétendez.
M. Patrick Beaudouin. Absolument!
M. Marcel Rogemont. Le bénévole aurait une contrepartie: l’attestation de service civique. Or, le service civique n’est pas du bénévolat. Pour que le service civique remplisse sa mission initiatique, il faut que le volontaire s’engage pour une période continue et non en pointillés lors d’actions de week-end.
Mme Claude Greff, rapporteure . Très juste!
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . C’est dans la loi, il faut la voter.
M. Marcel Rogemont. C’est ce que nous allons faire.
Votre approche peut laisser penser que la confusion que vous entretenez entre bénévolat et service civique n’a d’autre but que de faire du chiffre: les objectifs quantitatifs que vous vous êtes assignés seraient atteints grâce aux bénévoles qui, par définition, ne reçoivent pas d’indemnités.
Si vous envisagez un principe d’égalité entre ceux qui effectueraient le service civique sur une période déterminée et ceux qui le feraient de manière discontinue,…
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Marcel Rogemont. …vous avez encore, monsieur le haut-commissaire, du pain sur la planche. Comptez sur nous pour vous aider à clarifier les distinctions entre service civique et bénévolat, service civique et volontariat.
Enfin, madame la présidente, je conclus mon propos par cette phrase de Rabindranath Tagore: « Je dormais et je rêvais que la vie n’était que joie. Je m’éveillai et je vis que la vie n’est que service. Je servis et je compris que le service est joie. » Donnons cette joie à notre jeunesse! (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Calméjane.
M. Patrice Calméjane. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, le service civique volontaire promis par notre Président de la République, Nicolas Sarkozy, voit le jour à travers une proposition de loi du groupe sénatorial RDSE, que le Sénat a adoptée avec le soutien du Gouvernement. Aujourd’hui, ce texte vient devant nous.
Le service civique volontaire remplacera le service civil mis en place par le président Chirac suite à la suppression du service militaire. D’une durée de six mois à deux ans, il sera accessible à toute personne de plus de seize ans ayant la nationalité française, celle d’un État membre de l’Union européenne ou celle d’un État partie à l’accord sur l’espace économique européen.
Je salue au passage l’annonce faite ce matin, au moment où les gouvernements allemand et français tiennent un conseil des ministres commun à l’Élysée, d’un service civique franco-allemand.
Les volontaires s’engageront pour une mission d’intérêt général au sein d’une association, fondation ou collectivité. Ils bénéficieront d’une couverture sociale, de droits à la retraite, d’un accompagnement, d’une validation des acquis de l’expérience avec une attestation de fin de service. Une indemnisation d’environ 600 euros bruts mensuels sera accordée aux moins de 25 ans. Le jeune sera encadré par un tuteur, financé par l’État. Une seule institution pilotera le dispositif, l’Agence du service civique et de l’éducation populaire.
Mes chers collègues, nul besoin de s’étendre davantage sur la présentation de ce texte. Attachons nous plutôt à l’analyser. Je crois fondamentalement que cette initiative parlementaire doit être défendue. Depuis la disparition du service militaire, la cohésion et la mixité sociales, fondements d’une société épanouie, solidaire et moderne, n’ont pas été remplacés ou plutôt compensés. La présente proposition entérine l’action gouvernementale de développement d’une politique en faveur des jeunes et permet ainsi la formalisation de repères et d’indices à même d’enrayer un certain mal de citoyenneté.
À cet égard, je rappelle que le président Chirac avait annoncé la création d’un service civil volontaire lors de son allocution du 14 novembre 2005, prononcée en réaction aux émeutes qui s’étaient produites cette même année et dont j’ai été témoin en Seine-Saint-Denis. Le contexte dans lequel cette présentation a pris place est assez révélateur des attentes liées à ce service civil. Néanmoins, notons qu’un glissement sémantique s’est opéré avec le passage du terme « civil » à celui de « civique », à la connotation beaucoup plus étatique et institutionnelle. Cela témoigne d’un raidissement de l’injonction républicaine face à un malaise sociétal.
Le caractère obligatoire du service a été source de discussions. Sur cette question, je crois qu’il faut admettre que l’État est le premier à devoir s’obliger: il doit faire que la citoyenneté de chacun puisse être encouragée à travers la possibilité de réaliser un service civique sans être pour autant précarisé du fait de cet engagement.
C’est pourquoi j’ai déposé un amendement relatif au paiement des impôts. Il me semble juste que, comme pour le service national, celui-ci soit reporté pour une durée équivalente à celle de l’engagement de la personne volontaire, sans pénalités. J’espère que vous soutiendrez cette proposition.
J’ai également déposé un amendement visant à ajouter un mot, qui me semble capital, à l’article 4 qui définit les caractéristiques du service civique. Les missions d’intérêt général susceptibles d’être accomplies dans le cadre d’un service civique doivent certes concourir à la « prise de conscience de la citoyenneté européenne » mais aussi et surtout, à mon sens, « française ».
Ce texte vise la jeunesse en mal de repères alors même que nous avons récemment ouvert un débat sur ce qu’est notre identité nationale…
Mme Michèle Delaunay. Un vrai flop!
M. Patrice Calméjane. …et l’on peut se demander si ce dispositif n’apporte pas une réponse concrète à un malaise bien présent dans toutes les strates de notre société.
Les bénéficiaires de ce service civique sont strictement encadrés par les dispositions du texte, ce qui me semble être un excellent palliatif au service national. Ce service consti tuera un tremplin pour l’apprentissage de la citoyenneté et des valeurs qui font de la France un exemple pour toutes les autres nations.
À cet égard, une question, qui peut susciter la polémique, doit être posée: pourquoi ne pas étendre le dispositif aux personnes qui demandent la nationalité française, en modulant les avantages financiers et sociaux? Pourquoi ne pas tenter de se calquer sur ce système d’apprentissage pour renforcer le sens civique et la cohésion sociale parmi les étrangers en mal d’identité?
De manière plus pragmatique, je dirai, en tant qu’élu de la petite couronne, mon espoir de voir les volontaires du service civique aider dans ses tâches la brigade de sapeurs-pompiers de ma commune – dont je connais les difficultés et dont je salue l’efficacité –, notamment lors de grands événements ou dans le travail d’aide aux sans-domicile-fixe.
Je forme le vœu que nous puissions peser le sens et les enjeux du service civique volontaire en tant que service national républicain.
Je remercie, pour finir, les deux rapporteures de ce texte, mesdames Greff et Hostalier, qui n’ont pas connu le service national, mais sont soucieuses de l’avenir des femmes dans notre pays.
Enfin, je voudrais saluer les jeunes de ma circonscription présents dans les tribunes, et qui se rendent régulièrement à l’Assemblée nationale. Dans le même esprit, d’autres élèves seront présents à mes côtés cet après-midi pour raviver la flamme sous l’Arc de Triomphe. Cela constitue aussi à mes yeux une partie de la formation au civisme dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Langlade.
Mme Colette Langlade. Madame la présidente, monsieur le haut commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, cette proposition de loi relative au service civique prise à l’initiative de notre collègue sénateur du groupe RDSE, Yvon Collin, traduit notre préoccupation profonde, sur tous les bancs de nos deux assemblées, en matière d’engagement de nos jeunes au service des autres, au service de notre pays.
Je ne reviendrai pas sur l’historique du service civique, de la suppression du service national obligatoire en 1997 à la loi du 31 mars 2006 sur l’égalité des chances. J’axerai plutôt mon intervention sur l’ambition de ce texte: promouvoir l’engagement des jeunes. La richesse qu’ils représentent ne doit pas être gâchée. Ils ne demandent, pour la plupart, qu’à s’engager et à mettre leur énergie au service des autres et de la communauté.
Cette proposition a pour vocation de permettre d’aider ceux de nos jeunes qui sont volontaires à s’accomplir, mais aussi à accomplir quelque chose.
Au-delà, le service civique permettra au jeune engagé l’apprentissage de la citoyenneté à travers un travail de cohésion, d’insertion, d’engagement et d’investissement. Cette expérience, que je souhaite formidable pour celles et ceux qui la vivront, sera l’occasion de favoriser et, espérons-le, de renforcer la mixité sous toutes ses formes, qu’elle soit sociale, générationnelle ou culturelle.
Sans vouloir raviver la polémique sur l’identité nationale, je préfère pour nos jeunes une expérience du type service civique, qui enseigne la citoyenneté, à un débat dangereux sur l’identité nationale.
Mes chers collègues, pour éviter l’échec de ce dispositif, un certain nombre d’écueils doivent être évités.
Ainsi, le service civique ne doit pas être pour le jeune une activité dite « occupationnelle ».
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Tout à fait!
Mme Colette Langlade. Il n’est pas et ne doit pas être considéré comme un emploi et, à ce titre, il ne doit pas servir d’alibi pour diminuer les statistiques du chômage d’une tranche d’âge de la population. Je regrette un peu, monsieur le haut-commissaire, que vous n’ayez pas abordé ce thème dans votre intervention.
Il faut que les jeunes ayant accompli ce service civique soient ensuite accompagnés, que leur effort leur garantisse une meilleure insertion professionnelle, que Pôle emploi anticipe le nombre et la qualité pour élaborer un plan de formation.
Le service civique nécessite un investissement total de la part de l’engagé, mais aussi de la part de la société, qui doit valoriser l’expérience acquise. Ce ne doit pas non plus être une voie de garage réservée à une catégorie sociale qui connaîtrait des difficultés d’insertion.
Ces écueils peuvent évités. Monsieur le haut-commissaire, vous indiquiez lors de votre audition devant notre commission, le 23 septembre dernier, qu’il n’y avait pas de problème d’argent malgré la crise. Renouvelleriez-vous cette affirmation aujourd’hui devant notre assemblée? La réussite du service civique tient également à l’engagement de l’État à financer le dispositif et à assurer le suivi des jeunes à la sortie.
En conclusion, le dispositif mis en place par cette proposition de loi est une chance qu’il faut saisir pour permettre à notre jeunesse de créer et de renforcer un lien, que j’espère puissant, avec notre pays et nos concitoyens. Certes, le travail n’est pas achevé pour autant, et beaucoup reste à faire, mais j’estime que c’est une étape prometteuse et ambitieuse qu’il serait regrettable de manquer. (Applaudissements.)
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Quelle belle unanimité!
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric Reiss. Monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, le service civique, enfin!
Félicitations, madame la rapporteure, pour la constance du travail conduit depuis plusieurs années – le temps citoyen, c’était en 2003 – et qui trouve sa concrétisation aujourd’hui. Renforcer la cohésion sociale dans un contexte difficile de crise est l’un des objectifs ambitieux de cette proposition de loi.
Merci, monsieur le haut-commissaire, pour votre implication déterminante dans ce dossier. Reconnaître la valeur de la jeunesse pour préparer son entrée dans la vie active a été, si j’ose dire, le fil rouge de votre Livre vert. (Sourires.) Vous savez sans doute mieux que quiconque quels sont les droits mais aussi les devoirs de nos jeunes, prêts à assumer leurs responsabilités pour un service civique qui s’inscrit, comme vous l’avez rappelé, dans un véritable projet de société.
Dans un monde de l’immédiateté, de l’éphémère et du superficiel, où chacun veut tout et tout de suite, nos jeunes ont besoin de repères et de valeurs pour devenir les citoyens responsables de demain. Le service civique que j’appelle de mes vœux leur permettra, s’ils en font le choix, de se mettre un temps au service de la République, de se rendre utiles à notre pays et de retrouver le goût de l’effort partagé. « On ne se grandit que dans la mesure où on se donne à quelque chose de plus haut que soi », nous a enseigné Saint-Exupéry.
M. Alain Cousin. Belle référence!
M. Frédéric Reiss. Quoi de plus noble, quoi de plus formateur, quoi de plus généreux que de donner du temps aux autres pour des missions d’intérêt général reconnues prioritaires pour la nation?
Je partage l’avis de notre rapporteure quand elle insiste sur la notion d’engagement volontaire. Les jeunes ne doivent pas devenir les bénéficiaires passifs d’un nouveau dispositif. Ils ne doivent pas subir le service civique, mais au contraire devenir acteurs de leur propre réussite. Pour cela, le dispositif doit être attractif et donner envie au plus grand nombre de s’y engager.
Une attention particulière devra être apportée à celles et ceux qui, lors de la journée d’appel de préparation à la défense, révèleront des difficultés à lire, écrire et compter.
C’est pourquoi il est important de souligner que le service civique doit promouvoir la mixité sociale dans le cadre d’une véritable solidarité active. Je suis assez favorable à l’idée de rassembler les jeunes volontaires, au moment de leur engagement, pour un temps commun de formation « civique » ou « citoyenne ». Comme le souhaite notre rapporteure pour avis, il pourra leur être rappelé à bon escient l’importance des missions de défense, de sécurité civile ou de prévention, quelque peu oubliées après la suppression du service militaire.
Dans son discours au Congrès, le Président de la République a souligné combien les parents avaient peur pour l’avenir de leurs enfants. « Pourquoi l’avenir est-il à ce point vécu comme une menace et si peu comme une promesse? », s’est-il interrogé. Il est vrai que l’ampleur du chômage des jeunes ne peut que générer inquiétude et incertitude. Les 16-25 ans, diplômés ou non, « galèrent » souvent de longs mois pour trouver un premier emploi. J’ai la conviction que les six à douze mois de service civique leur permettront de mieux ouvrir les portes de l’insertion professionnelle, avec un moral retrouvé et du cœur à l’ouvrage.
Certes, tous les jeunes n’auront pas envie de passer par le service civique pour démarrer dans la vie active. Tant mieux pour ceux qui décrochent rapidement un contrat après leur apprentissage ou leur formation universitaire. Mais ceux qui auront fait le choix du service civique bénéficieront d’un encadrement de qualité, d’une rémunération, d’une couverture sociale et de la validation des trimestres pour la retraite. Autant de facteurs qui garantissent aux jeunes une formation par l’expérience et une valorisation du service civique sur leur CV, « sur la première ligne », avez-vous dit, monsieur le haut-commissaire.
L’Agence du service civique, créée sous forme de GIP par un amendement du Gouvernement, jouera un rôle de premier plan pour les orientations stratégiques, la gestion des agréments et le soutien financier de l’État. Ses missions de contrôle et d’évaluation nécessiteront un suivi régulier. Au Parlement d’y veiller.
Le service civil volontaire créé en 2006 n’a pas connu, comme plusieurs collègues l’ont rappelé, le succès escompté. Mais il existe un certain nombre de dispositifs anciens, qu’il faudra pérenniser à côté du nouveau service civique. Je pense au volontariat international en administration, au volontariat international en entreprise, au volontariat de solidarité internationale ou encore au service volontaire européen. La dimension internationale de l’engagement citoyen est indispensable.
M. Alain Cousin. Très bien!
M. Frédéric Reiss. En encourageant nos jeunes générations d’aujourd’hui et celles de demain à s’engager dans le service civique, nous leur permettront non seulement d’affirmer leur identité en partageant les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, mais aussi de prendre conscience que la solidarité est le ciment de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Michèle Tabarot, présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Très bien!
Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem.
M. Pascal Deguilhem. Monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la commission des affaires culturelles, mesdames les rapporteures, nous le savons depuis quelque temps, de nombreux jeunes sont en mal de repères, mais beaucoup manifestent aussi un très fort désir de s’investir, de s’engager pour une cause, pour les autres tout simplement, ou ont le sentiment que c’est dans un environnement social au sein duquel se transmettent les valeurs que l’on se construit soi-même.
Il est de notre responsabilité, en tant qu’élus de la nation, de nous tourner vers notre jeunesse dans la diversité de ses parcours, de lui faire confiance et de lui proposer une politique ambitieuse afin que, dans cet environnement social, elle puisse trouver sa juste place. C’est le sens de cette proposition de loi. C’est un début de réponse aux besoins de notre jeunesse et de la société, un modeste début cependant.
Le service civique peut être, doit être pour notre jeunesse l’occasion de s’engager au service d’un projet collectif au nom de l’intérêt général et des principes de la République. Le service civique est une chance pour nos jeunes et notre société. Et si sa mise en œuvre se fait dans de bonnes conditions, en particulier pour les temps de sensibilisation, et avec les moyens nécessaires, il prendra assurément place dans le parcours de nombreux jeunes.
Il permettra un réel apprentissage de la vie en communauté et une prise de conscience par les jeunes de leur appartenance à la nation française. Cette étape sera également l’occasion pour eux de prendre conscience qu’être citoyen, c’est partager un destin commun, des droits et des devoirs. Nous ne devons pas laisser s’affaiblir l’éducation au civisme et à la citoyenneté. Il est temps de la remettre à l’ordre du jour de manière saine et constructive, et l’accompagnement des jeunes dans le service civique est à ce titre essentiel.
Apprendre à vivre ensemble, dans le respect de l’autre, dans le respect de la différence, dépasser les individualismes, telle est également la vocation de ce service civique. Avec la famille et l’éducation nationale, il revient à l’État de faire vivre ces valeurs.
À travers le service civique, les jeunes doivent être mobilisés pour des missions véritablement utiles, par lesquelles ils pourront mesurer concrètement leur apport. Le service civique sera un temps de vie consacré à l’intérêt général. Ce temps doit être mis à profit pour former des citoyens éclairés.
Une partie de ce temps doit également permettre d’accompagner les jeunes vers le monde professionnel. Sans remplacer les lieux de formation scolaire, universitaire, ou d’apprentissage, il s’agit de transmettre les notions essentielles pour comprendre et intégrer le monde du travail et la vie citoyenne. Cela passe par un accompagnement individualisé qui prenne en considération le parcours de chacun, mette en évidence les compétences et motivations décelées initialement mais confortées au cours de l’expérience, et permette de renforcer les chances de chaque jeune de trouver une formation ou un emploi – pourquoi pas? – à l’issue de son engagement, non pas nécessairement en lien avec le lieu d’accueil de la mission ou son objet propre, mais grâce au capital de confiance acquis, facilitant ainsi une insertion dans le monde des adultes.
Pour attirer les jeunes, le service civique ne doit pas être un engagement par défaut, et il doit être valorisé dans les parcours individuels. Même si l’engagement désintéressé est le socle du dispositif, les volontaires méritent d’être reconnus pour les valeurs qui les portent. En effet, un tel engagement pour la société ne peut être aujourd’hui demandé aux jeunes sans que leur soit apportée la garantie que leur effort sera reconnu. Les formations de l’enseignement supérieur, par exemple, doivent favoriser cette prise d’initiative en facilitant la disponibilité des jeunes.
La semestrialisation du LMD ouvre d’ailleurs de réelles perspectives susceptibles d’attirer de nombreux étudiants dans le dispositif. Combien d’étudiants se retrouvent au cours de leur parcours universitaire avec un semestre à vide? Assurément, l’engagement dans une mission de service civique ne viendra pas se télescoper avec le temps d’enseignement.
La période effectuée en service civique doit donc donner lieu à une valorisation des acquis de l’expérience ou ouvrir droit à des crédits ECTS.
La réussite du service civique passera – nous en sommes convaincus mais il faudra en convaincre d’autres – par une implication déterminée du monde scolaire, du monde universitaire et du monde de la formation professionnelle.
Je citerai un exemple que je connais bien: les jeunes officiels de l’Union nationale du sport scolaire. Ces 90000 jeunes officiels, jeunes arbitres, issus du million de licenciés sportifs scolaires, ne sont, bien que recevant une formation, ni reconnus ni valorisés. Ils le seront, à n’en pas douter, dans des missions liées au développement des pratiques, aux politiques de quartiers ou d’animation.
M. Régis Juanico. Excellent!
M. Pascal Deguilhem. Idem pour les jeunes secouristes.
Monsieur le haut-commissaire, comme mes collègues, je suis très heureux, que, pour une fois, une large majorité puisse se dégager dans nos assemblées, à l’occasion de cette proposition d’un élu de l’opposition. Il aurait été dommage de ne pas envoyer collectivement, pour des raisons partisanes, un signal positif à notre jeunesse, qui en a réellement besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en politique comme dans beaucoup d’autres domaines, ce n’est pas l’idée qui compte, mais sa mise en œuvre. Le service civique est une excellente idée; sa mise en œuvre est difficile, voire périlleuse.
C’est une excellente idée qui cherche à répondre à l’angoissante question de l’intégration sociale. À force de n’être composée que d’individus économiquement complémentaires, passant d’une famille de plus en plus éclatée à une vie de travail de plus en plus nomade, à aucun moment notre société ne suscite ce sentiment d’appartenance auquel Mme la rapporteure est justement attachée, ni ne répond au besoin de solidarité, de sorte que ses membres sont tentés de trouver refuge dans toutes sortes de communautarismes de substitution.
Michèle Alliot-Marie jugeait récemment la question de l’unité nationale plus fondamentale que celle de l’identité nationale. S’interroger sur le fait de savoir qui nous sommes révèle plus une inquiétude qu’une certitude. L’important, aujourd’hui, est peut-être davantage de savoir ce que nous avons envie de faire ensemble, et si nous en avons encore envie.
M. Régis Juanico. Eh oui!
M. Christian Vanneste. Le service national apparaît à beaucoup comme ce moment privilégié où les Français de tous horizons venaient précisément vivre ensemble, partager un projet commun et donner de leur temps personnel à la communauté nationale. C’était un de ces rites d’initiation fondateurs du sentiment d’appartenance, rites durant lesquels la complémentarité devient ressemblance. Plus la démocratie et la République ont gagné, plus elles ont exigé ce don de soi, égalitaire et universel. Aussi est-ce avec une certaine nostalgie – une nostalgie quelque peu amnésique car l’institution était devenue essentiellement masculine et de moins en moins égalitaire avec le temps – que l’on regarde aujourd’hui la place vide. Le service civique serait donc chargé de la remplir afin de viser à nouveau les objectifs du service national: d’abord celui de brasser les personnes, de réaliser une véritable mixité sociale; ensuite, celui de permettre à toute une génération d’accomplir ce rite du don sans lequel il n’y a pas de véritable communauté; Enfin, celui de servir, en les apprenant, les valeurs de la République.
Mais là commencent les difficultés.
La première est de taille: le service civique ne pourra, dans le meilleur des cas, qu’être proposé à quelques dizaines de milliers de personnes pour une classe de 750000 jeunes dont 600000 seulement pourront être concernés. Le service civique ne peut donc être obligatoire, parce que nous n’en avons pas les moyens. J’avais souhaité pour ma part qu’il le soit pour tous ceux qui postulent un emploi public statutaire. Je regrette de ne pas pouvoir défendre l’amendement correspondant à cette proposition, en raison de l’article 40. Il faut noter que le système italien, dont Luc Ferry a vanté le succès, comprend un avantage de points pour les concours d’accès à la fonction publique.
Le service civique doit être rigoureusement distingué du bénévolat. Celui-ci est l’occasion pour une personne généreuse de servir une cause qui la passionne. Le bénévolat est personnel, il n’est pas nécessairement citoyen. Le service civique est un échange symbolique entre un citoyen et la cité: il doit reposer sur un engagement, concentré dans le temps et l’espace, imposant des contraintes, notamment celle de travailler et de vivre avec des Français venus d’autres horizons. Ce n’est pas la même chose de participer gratuitement à l’entraînement d’une équipe de foot, le week-end, dans un quartier de la ville qu’on habite, même si le but est l’insertion, et d’aller pendant six mois dans une autre ville participer, avec toute une équipe, à une campagne contre l’illettrisme.
M. Patrick Beaudouin. Très juste!
M. Christian Vanneste. Le service civique est un échange qui doit comprendre, d’une part, un apport de la personne qui fournit son temps et ses compétences, et, d’autre part, une reconnaissance de la société sous forme d’une indemnité, d’une valorisation des acquis de l’expérience, d’une protection sociale, d’une acquisition de droits à la retraite, voire d’un accès à certains emplois, sans que tout cela puisse si peu que ce soit remplacer un véritable emploi ni lui faire concurrence.
De plus, il est important que la dimension sociale et nationale du service civique soit claire dans les missions qui lui sont confiées. Celles-ci doivent être peu nombreuses, et fédérées autour de grandes priorités nationales; elles doivent correspondre à des luttes coordonnées contre les retards ou les fléaux qui touchent notre pays à travers, par exemple, la prévention en matière de santé, la lutte contre l’illettrisme, l’accompagnement des personnes âgées, l’encadrement des travaux d’intérêt général.
Enfin, il subsiste un écueil et un paradoxe: ceux qui vont s’engager dans le service civique seront ceux qui assument une citoyenneté pleinement consciente; ceux qui sont exclus d’un tel sentiment ne feront pas ce choix alors qu’ils en tireraient le plus grand bénéfice pour eux-mêmes et pour la société. L’information la plus large, la motivation la plus précoce et la plus persuasive sont donc nécessaires. La journée d’appel et de préparation à la défense qui a un autre objet est très insuffisante…
M. Claude Bodin. Tout à fait!
M. Christian Vanneste. …et trop tardive pour répondre à ces préoccupations. Il est nécessaire que l’information soit diffusée en amont à l’école, au collège et au lycée par des présentations mises en œuvre par l’agence du service civique.
Mme Claude Greff, rapporteure . Très bien!
M. Christian Vanneste. Tel est le sens qu’il faut donner au troisième alinéa de l’article consacré à celle-ci.
Pour conclure, je pense que c’est de la qualité et du rayonnement de l’agence que dépendra le succès du service civique. C’est une administration qui ne pourra réussir sans un supplément d’âme, sans être habitée par le sens de sa mission. Cela est encore plus important que la question des moyens dont elle disposera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Pérat.
M. Jean-Luc Pérat. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, le service militaire obligatoire que quelques-uns d’entre nous ont connu…
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Absolument!
M. Jean-Luc Pérat. …a été supprimé il y a treize ans, laissant un vide certain. Ce maillon manquant dans la formation des jeunes, fondé sur la citoyenneté, sur la solidarité et sur l’engagement, revient dans nos débats. Il faut s’en réjouir. Cette proposition de loi est issue d’une initiative parlementaire de la gauche. Déposée par Yvon Collin, président du groupe RDSE au Sénat, discutée lors de la séance du 27 octobre 2009 et adoptée à une très large majorité, elle suscitera très certainement un large consensus au cours de nos débats. Le groupe SRC les entame avec la ferme détermination de donner à cette proposition de loi toute sa place au service de la jeunesse, en attente de signes forts enfin concrets. Vous soutenez cette initiative, monsieur le haut-commissaire à la jeunesse, et vous ambitionnez de lui donner la facilité d’application, la souplesse et la simplicité requises. Nous en sommes tout à fait d’accord. Cet engagement volontaire d’une durée de six à douze mois donnant lieu à une indemnisation respectueuse du jeune, avec une prise en charge par l’État de la couverture sociale, nécessite une gouvernance d’État sans faille, lisible et partenariale.
Je m’attarderai, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, sur ce que nous attendons d’un service civique renforçant la cohésion sociale et assurant la promotion de la mixité sociale.
La réussite de ce projet passe par une organisation exemplaire s’appuyant sur des bases solides, à savoir une mobilisation des services de l’État, la création d’une structure mutualisée sous forme d’une agence du service civique et de l’éducation populaire, et prendra sa véritable dimension sous réserve que soient disponibles les moyens humains et matériels adéquats.
La définition des orientations stratégiques et des missions prioritaires du service civique devra se faire à partir des constats de terrain, des attentes identifiées et des besoins recensés. Nos territoires ont chacun leurs spécificités; ils sont prêts à s’engager dans ce dispositif au service de la jeunesse, mais ils devront pour cela être écoutés et surtout entendus. Il s’agit de leur répondre concrètement et au plus près de leur réalité. On ne pourra échapper à l’innovation, à l’expérimentation et surtout aux propositions émanant de la jeunesse elle-même. La porte devra être grande ouverte aux partenaires de proximité prêts à s’engager pour renforcer la cohésion sociale et faciliter la mixité sociale.
Le pilotage du dispositif par l’État devrait rassurer l’ensemble des acteurs. Son financement s’élève à 40 millions d’euros pour 2010, crédits inscrits à votre budget, monsieur le haut-commissaire. Tout le monde doit être sur le pont pour relever ce défi qui concerne notre jeunesse. Personne ne doit décevoir! Nous sommes inquiets cependant pour les années à venir, en raison de l’incertitude la plus complète sur le financement qui abondera le dispositif: permettra-t-il, d’ici à cinq ans, à 10 % d’une classe d’âge d’effectuer un service civique? Il faut espérer que toute montée en charge ne se fera pas au détriment budget dévolu à la vie associative et à l’éducation populaire, déjà bien mal en point! La réussite voulue et attendue du service civique sera peut-être un argument de poids pour pérenniser les crédits nécessaires. Espérons, pour notre jeunesse, que l’inquiétude de notre groupe soit démentie!
Revenons à la gouvernance concrète.
Le service civique ne peut être considéré comme un emploi ni comme le substitut d’une bourse,…
Mme Claude Greff, rapporteure . Tout à fait!
M. Jean-Luc Pérat. …car s’engager sur le plan civique, c’est faire le choix de consacrer une courte période de sa vie à la nation. Pour être valorisante, cette période doit constituer la clef d’entrée vers un service volontaire, utile et apprécié. C’est pourquoi les services compétents de l’État se devront d’être brillants, volontaristes et engagés pour donner toute l’ampleur nécessaire au dispositif. Dès lors, la promotion et la valorisation du service civique auprès des publics concernés, des organismes d’accueil, des établissements d’enseignement et des branches professionnelles susciteront la mobilisation générale. La simplification de la procédure d’agrément pour l’organisme d’accueil, par rapport à celle en vigueur pour le service civil volontaire, facilitera la méthodologie d’application. Nous nous en réjouissons car, souvent, la complexité administrative a refroidi les plus belles initiatives. Ce sera votre mission, monsieur le haut-commissaire, que de veiller au bon déroulement d’une gouvernance efficace et réaliste.
Le recours à l’intermédiation nous apparaît adapté pour faciliter le recrutement, l’accompagnement et la formation des volontaires pour le service civique, ouvrant la porte aux structures plus modestes susceptibles d’être intéressées par le dispositif.
Une stratégie d’ouverture s’avère également nécessaire pour que notre service civique acquière une véritable dimension européenne car les Italiens, les Allemands et les Polonais réfléchissent à un dispositif semblable.
La gouvernance devra être au rendez-vous de la valorisation. En effet, une attention et une reconnaissance personnalisées revêtent une grande importance. L’attestation accordée au terme du service civique et un descriptif des activités exercées seront très certainement un atout dans la vie du jeune; les compétences acquises, la formation suivie, plaideront incontestablement en sa faveur dans un CV encore en construction.
Cette proposition de loi suscite beaucoup d’intérêt et d’attente. L’État doit être au rendez-vous, il n’y a pas de droit à l’erreur. Il faut relever ce beau défi et réussir. C’est un signe fort d’espoir et d’ambition en direction de notre jeunesse. Nous serons, dans ce débat, constructifs, attentifs et vigilants; nous espérons être entendus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Claude Greff, rapporteure . Très bien!
M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.
Mme Françoise Guégot. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, depuis la suppression du service militaire, que d’errances dans la recherche d’un palliatif à la perte de valeurs et de sens d’une jeunesse parcellisée! Trop souvent notre volonté s’est trouvée prisonnière d’une vision passéiste, reposant sur une nostalgie: celle du service militaire. Or, force est de constater que la société a changé: les remèdes d’hier ne peuvent être ceux d’aujourd’hui. Ne nous trompons pas de débat: le service civique n’a pas vocation à remplacer le service militaire. Il doit être un outil permettant de restaurer les bases du contrat social, en priorité pour une génération dont le seul fondement commun est bien souvent le chômage.
L’enjeu est de taille: comment créer les conditions d’émergence du sentiment d’appartenance à une communauté imaginée, sentiment indispensable au vivre-ensemble? Je dis bien « indispensable au vivre-ensemble », car il s’impose à l’esprit des citoyens indépendamment de leur volonté. Il est au fondement de notre pacte républicain.
C’est pourquoi la nature et l’organisation des missions d’intérêt général devront répondre à des exigences: exigence de brassage social car les missions proposées devront revêtir prioritairement un caractère collectif, notamment à travers des missions-chantiers; exigence de solidarité, les missions devant permettre et encourager la rencontre des générations puisque notre pacte républicain repose également sur la solidarité intergénérationnelle; enfin, exigence de responsabilité partagée entre l’État et les jeunes, l’État offrant à chaque jeune non seulement la possibilité de s’engager, mais aussi une rémunération décente lui permettant d’être autonome, les jeunes s’engageant de leur côté à suivre et à respecter le contrat républicain incarné par leur mission d’intérêt général. C’est en respectant ces trois exigences que l’on se donnera véritablement les chances de voir émerger une jeunesse dépassant ses affres dans une société pacifiée.
Dès lors, quel dommage que nous ne puissions avoir de prise sur la définition des missions! La responsabilité de l’Agence du service civique n’en sera que plus grande. Elle devra non seulement circonscrire les missions en respectant les trois exigences que je viens de mentionner, mais également garantir le sérieux des organismes d’accueil labellisés.
Mme Claude Greff, rapporteure . C’est vrai!
Mme Françoise Guégot. Si le service civique a pour vocation principale de redonner un sens au vivre-ensemble, c’est aussi un formidable moyen pour chaque jeune de poursuivre son apprentissage individuel. J’entends par là que ces expériences de vie permettront certainement à un jeune une meilleure connaissance de ses centres d’intérêt, de sa sensibilité sur le monde et de ses désirs professionnels.
En effet, confronté à des situations qu’il ne connaîtra pas, un jeune pourra éprouver tantôt du plaisir, tantôt du rejet. À l’évidence, le service civique peut être un moyen d’accès à la préparation d’un parcours et de choix professionnels.
Ma conviction est la suivante: c’est en mettant en avant une approche de compétences et de valeurs que l’on favorisera la construction personnelle d’un citoyen capable de s’intégrer dans la société. Le service civique doit l’y aider.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire . Tout à fait!
Mme Françoise Guégot. Le service civique est une formidable occasion de concilier l’exigence du vivre-ensemble et la découverte personnelle.
Pour terminer, j’insisterai sur le fait qu’il doit être considéré à la hauteur de ce qu’il représente: nous devons le doter d’une forte valeur symbolique; il ne doit pas être réduit à la remise d’une attestation d’engagement.
M. Pascal Deguilhem. Tout à fait!
Mme Françoise Guégot. Le service civique doit devenir un élément structurant de la vie des jeunes, une étape centrale pour celui ou celle qui le choisit. Dans cet esprit, il doit dès lors donner lieu à des remises solennelles d’attestations d’engagement.
Dans une période où beaucoup de questions sont posées quant au sens de l’appartenance à une nation, le service civique est une solution intelligente qui, j’en suis certaine, répondra aux attentes de nombreux jeunes de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Claude Greff, rapporteure . Merci!
Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis Juanico. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mesdames les rapporteures, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, avec cette proposition de loi sur le service civique, les jeunes disposeront d’un cadre clairement identifié pour s’engager dans un projet collectif d’intérêt général et exprimer leur générosité.
À un moment où le chacun-pour-soi et l’individualisme triomphent, nous avons besoin de repères collectifs forts dans notre société. Le service civique, en tant qu’engagement désintéressé au bénéfice de la collectivité, représente une étape importante dans la construction d’une citoyenneté active pour les jeunes générations.
La proposition de loi affirme clairement les objectifs de ce service civique: renforcer la cohésion sociale et la solidarité. Ces objectifs sont plus que jamais nécessaires dans un contexte de crise sans précédent où nous sentons bien la nécessité, partout sur nos territoires, de recréer du lien social et humain.
Mme Claude Greff, rapporteure . Tout à fait!
M. Régis Juanico. Le service civique n’est pas une idée tout à fait nouvelle. Sans remonter à la loi Jourdan de 1798…
Mme Claude Greff, rapporteure . C’est un peu loin, ça!
M. Régis Juanico. …qui posait pour la première fois le principe d’une conscription militaire pour les jeunes de 20 à 25 ans, les formes civiles du service national, comme l’aide technique ou la coopération, existaient déjà en 1965.
Au début des années 1990, ces formes civiles représentaient 15 % du contingent des appelés, soit 30000 jeunes.
Dans le passé, reconnaissons-le, l’imaginaire collectif de notre peuple a eu tendance à idéaliser le rôle intégrateur du service national. Disons-le nettement, celui-ci n’a jamais été universel, car il était strictement masculin à quelques exceptions près…
Mme Claude Greff, rapporteure . Bien sûr!
M. Régis Juanico. …et il n’a jamais vraiment été obligatoire.
Si, en 1914, la part d’une classe d’âge masculine incorporée était de 95 % – soit 260000 jeunes hommes –, un tiers des jeunes gens, dans les années 1990, étaient exemptés pour raisons médicales ou réformés pour raisons administratives.
Le service national n’a jamais été non plus égalitaire dans la mesure où 80 % des jeunes de niveau « bac plus deux » échappaient au service militaire quand 80 % des jeunes de niveau CAP l’effectuaient.
C’est pourquoi nous considérons ce texte comme une première étape vers un service civique obligatoire, universel et aussi égalitaire que possible.
M. Marcel Rogemont. Il fallait le rappeler!
M. Régis Juanico. C’était un engagement des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2007, y compris Nicolas Sarkozy.
Le service civique doit être un moyen privilégié de tisser des liens entre les jeunes et entre les générations. Nous constatons tous sur le terrain que la mixité sociale recule dans notre pays, en raison de la ségrégation urbaine et aussi de l’assouplissement de la carte scolaire dans les collèges.
M. Claude Bodin. Mais non!
M. Régis Juanico. Si nous voulons que le service civique joue un véritable rôle de brassage social, qu’il soit ouvert largement aux jeunes de toutes origines, de toutes conditions, notamment à ceux issus des milieux les plus modestes, nous devons faire preuve de volontarisme et nous fixer des ambitions très fortes, allant au-delà de l’objectif limité de 10 % d’une classe d’âge. Je rappelle qu’en Allemagne 100000 jeunes sont concernés par le service civique!
Le service civique sera utile s’il est synonyme de temps collectif et d’échanges. C’est pourquoi la dimension locale et mutualisée des formations citoyennes qui seront délivrées aux volontaires est fondamentale. Nous y reviendrons en cours d’examen du texte.
Le service civique sera utile s’il permet aux jeunes de sortir de leur cadre de vie traditionnel et de partir à la découverte de nouveaux horizons. C’est pourquoi la prise en charge des frais liés à la mobilité géographique, aux transports ou à l’hébergement, est cruciale.
Mme Claude Greff, rapporteure . C’est important!
M. Régis Juanico. Nous avons souhaité, à travers ce texte, que le service civique se traduise par un engagement plein et entier au sein d’une collectivité ou d’une association. J’en suis persuadé, le service civique sera un puissant levier au service du monde associatif.
En revanche, soyons très clairs, le civique volontaire n’est ni du bénévolat ni du salariat.
Mme Claude Greff, rapporteure . Très bien!
M. Régis Juanico. Nous partageons l’objectif de la proposition de loi: simplifier et rationaliser les différentes formes d’engagement et de volontariats en les rendant plus lisibles.
Toutefois, dans la mesure où le volontariat international en administration et le volontariat de solidarité internationale restent régis par leurs propres dispositions, nous pensons qu’il faut également maintenir les dispositions spécifiques du volontariat associatif créé par la loi du 23 mai 2006.
M. Pascal Deguilhem. Très bien!
M. Régis Juanico. Sur ce point, nous sommes en désaccord avec le texte issu de la commission et nous proposerons des amendements.
M. Marcel Rogemont. Je ne suis pas sûr que Mme la rapporteure soit contre!
M. Régis Juanico. De la même façon, nous n’étions pas favorables à la possibilité de délivrer une attestation de service civique pour les bénévoles.
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Juanico.
M. Régis Juanico. J’en arrive à ma conclusion, madame la présidente.
S’il faut veiller à mettre en place des mesures spécifiques de promotion et de valorisation du bénévolat, et mieux reconnaître l’engagement associatif, nous pensons que ce doit être dans un cadre distinct de celui du service civique. Mais nous serons prêts, monsieur le haut-commissaire, à vous accompagner dans ce chantier.
Si ce texte n’est pas tout à fait parfait, je tiens à souligner qu’il a été considérablement enrichi par les travaux de tous les membres de la commission.
Mme Claude Greff, rapporteure . C’est un vrai travail parlementaire!
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Exact!
M. Régis Juanico. Sans doute faudra-t-il franchir de nouvelles étapes, mais, en adoptant cette proposition de loi, nous ferons plus et mieux pour le sentiment d’appartenance à la nation et pour l’attachement aux valeurs républicaines des jeunes générations que les débats stériles et confus qui viennent de se tenir sur l’identité nationale. Monsieur le haut-commissaire, nous comptons sur vous pour transmettre ce message à M. Besson! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je ne suis pas un petit télégraphiste! (Sourires.)
M. Marcel Rogemont. Vous avez quelque chose contre La Poste?
Mme Claude Greff, rapporteure . Il est solidaire du Gouvernement!
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bodin.
M. Claude Bodin. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, à l’évidence, au-delà des clivages politiques, il y a consensus pour convenir que le service civil actuel doit être rendu plus visible et plus simple.
Il est clair que nous n’avons pas réussi à donner suffisamment d’élan et de force au service civil volontaire établi par la loi du 31 mars 2006, puisque celui-ci concerne moins de 3000 volontaires chaque année.
À l’usage, les divers dispositifs se sont révélés trop complexes et peu opérants, de sorte que les objectifs souhaités et attendus n’ont pas été atteints.
Force est de constater qu’une impression de vide a pu s’installer après la suppression du service national, lequel n’a finalement été remplacé que par une banale journée d’appel de préparation à la défense,
Comme nombre de nos concitoyens, je regrette sincèrement la suppression du service militaire en 1997. Héritier de la Révolution française, avec la fameuse levée en masse de l’an II, il était, avec l’école, un véritable creuset de la République, et, pour la jeunesse, un temps fort de brassage social et culturel.
M. Marcel Rogemont. De la moitié de la République seulement, puisqu’il excluait les femmes!
M. Claude Bodin. Certes ce service, devenu « national » et non plus exclusivement militaire, était obsolète et inégalitaire: il ne concernait que les garçons et était vécu comme une contrainte dont on ne percevait pas ou peu l’utilité. Il semblait désuet à de nombreux conscrits, dont près de 200000 bénéficiaient au demeurant d’exemptions diverses.
Néanmoins, le service militaire possédait d’évidentes vertus et de nombreux avantages. Il permettait un réel apprentissage de la vie en communauté…
M. Marcel Rogemont. C’était le goulag! (Sourires.)
M. Claude Bodin. …et une prise de conscience par les jeunes adultes de leur appartenance à une nation, la nation française, et à une communauté de citoyens partageant des droits et des devoirs.
C’était aussi l’occasion de faire le bilan scolaire et le bilan de santé des jeunes appelés.
N’oublions pas que la conscription a été, malgré tous ses défauts, un outil essentiel d’intégration de l’ensemble des populations vivant sur le sol français. Ainsi, à l’ombre du drapeau tricolore, des jeunes, d’horizons très différents et ne parlant pas forcément la même langue maternelle, ont appris à se connaître les uns et les autres et à s’estimer.
S’il n’est nullement question, ne serait-ce que pour des raisons pratiques et budgétaires plus que philosophiques, de rétablir un quelconque service militaire, il faut lui trouver un équivalent moderne, qui puisse remplir les mêmes missions, et non pas un ersatz.
Alors que la crise touche de plein fouet une jeunesse déjà en mal de repères et de citoyenneté, les législateurs que nous sommes ont le devoir d’améliorer le dispositif actuel, qui est inadapté et inefficace. Les jeunes doivent être en mesure de bénéficier de l’expérience que constituera un service désormais qualifié de civique.
Ce service civique volontaire aura pour mission de répondre au besoin d’engagement de la jeunesse, en donnant à celle-ci l’envie de s’investir dans un acte de citoyenneté au profit de la communauté et de se rendre utile à la nation. Il constituera avant tout l’occasion de faire l’apprentissage ou le réapprentissage du civisme, sans lequel il ne saurait y avoir d’insertion et d’appartenance de l’individu à la société qui l’entoure.
J’insiste, mes chers collègues, sur cette notion de citoyenneté qui doit être au cœur du nouveau dispositif.
Or, la qualité de citoyen étant intimement liée à la détention de la nationalité, je ne peux que regretter que le Sénat ait choisi d’ouvrir le service civique aux résidents étrangers. Il y a dans ce choix, monsieur le haut-commissaire, l’amorce d’une dérive et de confusions extrêmement regrettables que le Gouvernement devrait corriger. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Et la Légion étrangère?
M. Marcel Rogemont. Nous sommes tous des étrangers!
M. Claude Bodin. Il eût été préférable de conserver les conditions d’accès actuellement requises pour les volontariats civils.
De nombreux secteurs peuvent être bénéficiaires du service civique. On peut mentionner des missions d’intérêt général telles que la solidarité, l’environnement durable, les services à la personne, la culture.
L’objectif fondamental est de lutter contre l’individualisme qui engendre incivilités et violences et dilue le sentiment d’appartenance à la collectivité nationale. Le service civique doit recréer du lien social.
Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Claude Bodin. Toutefois, mes chers collègues, il convient de veiller à ce que le service civique ne devienne pas une voie de garage, réservée aux seuls jeunes issus des milieux les plus défavorisés, en situation d’échec scolaire ou en difficulté d’insertion professionnelle.
Il ne doit pas non plus être conçu comme un emploi, nécessairement dégradé, ni se substituer à une bourse.
S’engager sur le plan civique doit être avant tout faire le choix de consacrer une période de sa vie à la nation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.
Mme Michèle Delaunay. Moi aussi, madame la présidente, je me réjouis que le texte dont nous débattons soit issu d’une proposition de loi de la gauche. Ce n’est pas si fréquent, monsieur le haut-commissaire, qu’il ne faille s’en féliciter.
Ce projet correspond à une véritable nécessité, après la suppression un peu hâtive du service national en 2007, et la très insuffisante réussite du service civil qui ne compte que 3000 jeunes engagés alors que l’Allemagne en réunit quelque 100000.
Nous transformerons cette nécessité en authentique avancée si plusieurs conditions sont remplies. Je vous propose d’en examiner trois: l’information, la valorisation, notamment universitaire, et l’accès au statut européen.
Le service civil a souffert d’un réel déficit d’information et de visibilité, de la lourdeur et de l’opacité des procédures, aussi bien pour les volontaires que pour les structures d’accueil.
De nombreux jeunes – je pense notamment à ceux des quartiers fragilisés comme les Aubiers ou la Benauge à Bordeaux – passent à côté d’une chance qui peut être, sinon déterminante, du moins un bon tremplin pour la suite de leur vie citoyenne et professionnelle.
Aujourd’hui, il ne s’agit donc pas seulement de faire, monsieur le haut-commissaire, mais de faire savoir; pour cela il faut compter sur le vecteur précieux que constituent les associations agréées d’éducation populaire: je pense à toutes les antennes de la Jeunesse ouvrière, bien entendu à Unis-Cité, aux MJC et au CNAJEP, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire, qui les réunit.
Or les dernières lois de finances, loin de montrer un soutien suffisant de l’État aux politiques de jeunesse et d’éducation populaire, ont au contraire amputé les crédits qui leur sont dédiés – de 15 % en 2009. Il faudra vraiment toute votre énergie, monsieur le haut-commissaire, pour redresser la barre: nous y comptons.
M. Marcel Rogemont. Sera-ce suffisant? Il manque tout de même 500 millions d’euros!
Mme Michèle Delaunay. Il faut expliquer la nature et les enjeux du service civique, bien montrer qu’il ne s’agit en aucun cas d’un « petit boulot » au rabais, mais bien d’un service – n’est-ce pas, d’ailleurs, le sens du mot « ministre », fonction, monsieur le haut-commissaire, que vous n’avez pas voulu exercer?
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Cela peut servir! (Sourires.)
Mme Michèle Delaunay. D’un service civique – et non seulement civil – destiné à réaffirmer dans la pratique les valeurs républicaines de solidarité et de partage. C’est déjà, au demeurant, le sens qu’ont su donner à leur projet de nombreux volontaires; j’avoue n’être pas mécontente d’avoir parrainé vingt-quatre d’entre eux et contribué, avec Unis-Cité, au financement de projets relatifs aux technologies de l’information et de la communication, et aux liens intergénérationnels à destination des personnes âgées de Bordeaux.
Deuxième point: pour toucher un public aussi large et motivé que possible, il convient de garantir à chaque jeune, indépendamment de son niveau de diplôme, la valorisation de son expérience. Donnons aux jeunes des armes d’un nouveau genre pour évoluer dans un système compétitif: cela valorisera leur carrière et, surtout, donnera du sens à l’engagement civique.
Depuis le début du mois de janvier, les étudiants de l’École de management de Bordeaux peuvent effectuer un service civique, lequel est pris en compte dans leur scolarité. Suivis par un tuteur, ils sont engagés dans un projet de lutte contre l’exclusion et les discriminations, dans une mission de solidarité entre générations. La solidarité devient ainsi pour eux une unité de valeur, dans tous les sens du terme.
Certaines universités ou écoles sont néanmoins frileuses.
M. Daniel Boisserie. C’est le moins que l’on puisse dire!
Mme Michèle Delaunay. Souvent, les universités ne disposent pas des moyens nécessaires pour vérifier si l’intervention des jeunes volontaires est sérieuse, et si elle peut faire l’objet d’une valorisation de leur cursus; sur cette question des moyens également, monsieur le haut-commissaire, toute votre énergie sera nécessaire.
Mme la présidente. Merci de conclure.
Mme Michèle Delaunay. Déjà?
Troisième point: il est essentiel de donner du corps à la dimension européenne du service civique. Nous devons à ce sujet rencontrer nos partenaires car, sans une dimension européenne, l’identité nationale n’aurait pas de force.
Voilà ce que nous souhaitons, monsieur le haut-commissaire. Il s’agit, par ce projet d’intégration et de mixité sociale, de donner davantage de chair à la citoyenneté.
Mme Michèle Delaunay. Montrons l’exemple en la défendant sur le terrain.
Mme la présidente. Non, madame Delaunay: c’est terminé.
M. Marcel Rogemont. Dommage! Il y avait beaucoup de choses intéressantes!
Mme la présidente. Oui, mais les règles s’appliquent à chacun, et chacun a des choses intéressantes à dire. Pour que tous les orateurs puissent s’exprimer ce matin, chacun doit respecter son temps de parole.
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
Mme Muriel Marland-Militello. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est vital pour notre société tout entière, car il aidera de très nombreux jeunes à appréhender et à vivre leur citoyenneté tout en leur permettant de mieux connaître le monde dans lequel ils vivent. C’est un texte structurant pour la société française d’aujourd’hui et de demain.
Depuis le passage à l’armée de métier et la fin de la conscription voulue par le président Jacques Chirac, le vide créé en termes de lien social et de mixité sociale peine à être comblé. Ainsi, moins de 3000 personnes par an s’engagent aujourd’hui dans une forme de volontariat. Parmi les raisons identifiées pour expliquer cette faible mobilisation figurent la très grande complexité des différents statuts de volontariat, et surtout le manque d’information. En supprimant la pléthore de volontariats différents, on rend le dispositif plus lisible, ce qui ne manquera pas d’attirer de nombreux jeunes citoyens, à condition, bien sûr, qu’on leur en offre la pleine possibilité dès leur majorité.
Au lieu de leur imposer une contrainte, un service civique volontaire permet de proposer aux jeunes la chance de remplir des missions intéressantes pour eux et utiles à la collectivité nationale. Je tiens ici à saluer le travail accompli par nos deux rapporteures, Claude Greff et Françoise Hostalier, qui ont fortement contribué à améliorer la proposition transmise par le Sénat.
Sans revenir sur les détails que l’on a déjà évoqués, je veux souligner quelques points précis. Le service civique, pour donner les résultats ambitieux escomptés, doit être crédible et audacieux. Nous y parvenons.
M. Marcel Rogemont. Pas tout à fait: il faudrait de l’argent!
Mme Muriel Marland-Militello. Pour être crédible, il faut que la mise en place du dispositif, et plus particulièrement la définition des missions reconnues prioritaires par la nation, se fasse – c’est une évidence – en étroite concertation avec les représentants de la nation: je suppose, mes chers collègues, que vous ne me démentirez pas.
M. Marcel Rogemont. Certainement pas!
Mme Muriel Marland-Militello. Je suis donc très sensible au fait que quatre parlementaires fassent partie du comité stratégique du service civique.
M. Marcel Rogemont. C’est bien, à condition que l’opposition y soit représentée!
Mme Muriel Marland-Militello. Cette concertation avec le pouvoir législatif se fera également à travers le comité de suivi et le rapport d’évaluation qui nous sera présenté avant le 31 décembre 2011.
Pour être crédible, significative et valorisée, l’attestation de service civique doit également avoir une forte valeur intrinsèque. C’est pourquoi je me réjouis que la commission des affaires culturelles ait adopté l’un de mes amendements visant à mettre en place une réelle évaluation au terme de la mission, afin de faire le point sur les compétences acquises.
Ce service civique, qui s’adresse à tous, est audacieux. Il constitue une chance pour le monde associatif, car il sera un tremplin pour s’y engager. Non seulement il fournira aux associations et aux fondations des jeunes volontaires motivés et efficaces, mais il donnera à ces derniers le goût de s’investir pour les autres, faisant d’eux les futurs bénévoles et donateurs dont le monde associatif a tant besoin.
Je crois important d’en rester à la solution pertinente qui a été arrêtée en commission: offrir le volontariat de service civique à tous les majeurs, sans discrimination entre les moins de vingt-cinq ans et les autres. Cette solution correspond en outre aux besoins du monde associatif, comme le montre le courriel de la CNAJEP – que vous avez tous reçu, je pense –, acteur de premier plan au niveau national et international dans le domaine de la jeunesse et de l’éducation populaire réunissant plus de soixante-dix mouvements nationaux implantés sur notre territoire.
Je tiens à cette solution, car elle correspond aux principes de notre République: liberté, égalité, fraternité. Liberté car elle laisse aux jeunes de 18 à 25 ans un choix et leur offre des opportunités plus nombreuses; égalité car elle n’enferme pas la jeunesse dans des cases en fonction de l’âge; fraternité enfin, car elle évite toute une hiérarchie entre les différentes formes d’accomplissement du service civique.
Mme la présidente. Merci de conclure.
Mme Muriel Marland-Militello. Je tiens pour conclure, madame la présidente, à évoquer l’attestation de service civique aux personnes bénévoles, dont la délivrance est soumise à des conditions si rigoureuses qu’elle ne pourra peut-être pas avoir lieu. Nous étudierons ce point dans le cadre de mon groupe d’étude sur le bénévolat et de la mission qui m’a été confiée avec Jean-Pierre Decool sur la valorisation du bénévolat. Je…
Mme Michèle Delaunay. C’est l’égalité de traitement! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse.
M. Gérard Charasse. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, alors que le service militaire fut créé il y a cent cinq ans, ce n’est qu’en 2001 que le dernier contingent a servi sous les drapeaux, suite à la suspension décidée en 1996 par le président Chirac.
Dès mars2000, une première loi avait introduit des formes de volontariat civil. Le service civil volontaire en vigueur aujourd’hui a donc été instauré par la loi de 2005 relative à l’égalité des chances. Toutefois, le service civil n’est jamais parvenu à combler le vide laissé par la professionnalisation, et ce en raison d’un manque de visibilité, d’ambition et surtout de moyens.
Ce constat partagé s’est traduit par un consensus politique, notamment lors de l’élection présidentielle de 2007, sur la nécessité d’instaurer un service civique. Depuis, ce projet a été développé et affiné par le rapport Ferry de 2008 et, surtout, par le Livre vert sur la jeunesse que vous avez remis, monsieur le haut-commissaire, au printemps 2009.
Parallèlement, la mission commune d’information du Sénat a rendu son rapport sur le sujet. C’est sur cette base que, à la demande du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, la Haute Assemblée a débattu du service civil volontaire le 10 juin 2009.
La proposition de loi déposée par Yvon Collin, président radical de gauche du groupe RDSE, et adoptée par le Sénat le 27 octobre dernier, est donc le fruit d’une mûre réflexion, entamée de longue date. Son adoption a été plus que confortable, puisqu’elle s’est faite à l’unanimité moins une voix, ce qui traduit le caractère consensuel de cette nouvelle conception du service national, lequel, au-delà de la défense, a aussi pour vocation de défendre et de promouvoir la cohésion sociale et républicaine.
Le nouveau service national comprend donc désormais le recensement, la journée de défense et de citoyenneté – laquelle remplace l’ancienne journée d’appel et de préparation à la défense –, le service civique volontaire et les autres formes de volontariat, parmi lesquelles le volontariat associatif, qui, n’ayant manifestement rien à voir avec le service civique, doit en rester clairement distingué: répétons-le haut et fort.
Mme Claude Greff, rapporteure . Tout à fait!
M. Gérard Charasse. À ce titre, les députés radicaux de gauche et apparentés au groupe SRC se félicitent que notre commission de la défense ait permis de mettre en exergue l’esprit de défense, insuffisant dans le texte initial.
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Merci!
M. Gérard Charasse. Le service civique, ouvert à tous les jeunes dès la fin de leur scolarité obligatoire, s’effectue pendant six à douze mois dans une association agréée, une collectivité territoriale ou encore un établissement public, qu’il soit national ou local. L’accueil de mineurs pose, aux yeux des députés radicaux de gauche et apparentés, un problème de responsabilité qu’il sera important de résoudre. Nous défendrons donc un amendement sur ce point.
Pour autant, le service civique ne doit pas être exclusivement conçu selon une dimension franco-française: un service civique européen permettrait en effet la rencontre des jeunes de tous les pays de l’Union, à l’instar des programmes de formation Erasmus et Leonardo,…
Mme Claude Greff, rapporteure . Bien sûr!
M. Gérard Charasse. …et donnerait ainsi une portée concrète à la notion de citoyenneté européenne que l’on retrouve dans la proposition de loi, sans que l’on sache vraiment à quoi elle correspond au juste. De ce point aussi, nos amendements permettront à l’Assemblée de débattre dès aujourd’hui.
Mes chers collègues, par leurs propositions, les députés radicaux de gauche et apparentés au groupe SRC entendent apporter leur contribution à un beau projet, lequel est une étape nécessaire pour un service civique obligatoire et universel.
Nous espérons que ce nouveau service civique renforcera la conscience partagée des droits et des devoirs de chacune et de chacun au sein de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Claude Greff, rapporteure, et Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Très bien!
Mme la présidente. Je vous remercie pour votre concision, mon cher collègue.
La parole est à M. Philippe Nauche.
M. Marcel Rogemont. Nous voulons écouter Brive-la-Gaillarde! (Sourires.)
M. Philippe Nauche. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, en 1903, Jean Jaurès prononçait son célèbre « Discours à la jeunesse » et déclarait: « Instituer la République, c’est proclamer que les citoyens des grandes nations modernes, obligés de suffire par un travail constant aux nécessités de la vie privée et domestique, auront cependant assez de temps et de liberté d’esprit pour s’occuper de la chose commune. »
Jusqu’en 1997, ce temps libéré pour la chose commune a pris la forme du service national, qui permettait de réaffirmer les valeurs républicaines de fraternité et de laïcité. Nous mesurons aujourd’hui que sa disparition a eu des conséquences dommageables, non seulement pour la transmission des valeurs républicaines, mais aussi pour ce brassage social et culturel que le service national favorisait, au moins en théorie et malgré toutes ses imperfections – non-mixité et caractère très relatif de l’universalité.
Depuis lors, le besoin de préserver la cohésion nationale s’est fait à ce point ressentir que l’on a institué une multitude de dispositifs – censés remplacer le service national en tant que pierre angulaire de notre engagement citoyen – pour permettre aux jeunes de s’investir en tant que volontaires. Or force est de constater que, si le projet de service civique proposé aujourd’hui rassemble au-delà des frontières partisanes, si chacun s’accorde à considérer qu’il pourrait permettre de recréer les conditions du brassage de toute une classe d’âge, d’améliorer le sens du civisme et de renforcer la cohésion nationale, il vaut mieux le prendre pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il aurait pu être.
Il semble en effet difficile de parler de projet structurant pour l’ensemble de la société quand l’ambition affichée est de ne toucher que 10 % d’une classe d’âge. Je crains, de plus, que toutes les leçons de l’échec relatif du service civil n’aient pas été tirées. Il faudrait ainsi prendre en considération les problématiques de financement. Celles de communication ne sont pas moins importantes: quelques annonces en cours d’instruction civique ou lors de la journée de défense et de citoyenneté ne feront, au mieux, que placer les jeunes dans l’état passif de celui qui reçoit une foule d’informations. Le risque reste grand de n’attirer vers ce nouveau dispositif qu’une certaine catégorie de jeunes: les mieux informés, les mieux conseillés, les plus diplômés, ceux-là mêmes qui furent concernés par le service civil volontaire.
À défaut de pouvoir parler de réussite quantitative, nous allons donc devoir mettre l’accent sur l’aspect qualitatif et veiller à ce que le choix des projets par l’Agence du service civique se fasse dans les conditions les plus strictes. À cet égard, je ne peux que me féliciter que les domaines de la défense, de la sécurité, de la prévention et de la sécurité civile fassent partie des champs du service civique.
Il faudra aussi veiller à ce que les modalités d’emploi de ces jeunes, hors du cadre du droit du travail, se déroulent dans des conditions d’exercice professionnel sécurisé, bien sûr, mais aussi d’un intérêt constant pendant toute la durée d’affectation.
Quelles que soient les bonnes intentions qui sous-tendent ce projet, nous devons l’aborder avec une certaine modestie. S’il est vrai que les deux candidats au second tour de l’élection présidentielle de 2007 s’étaient prononcés pour un service civique, celui-ci était alors envisagé dans une dimension mixte et universelle. Tel avait été, auparavant, le sens de la proposition de loi Ayrault-Vaillant rejetée par la majorité de droite en 2003. Tel était aussi le sens du rapport d’étape remis par M. Kouchner à Mme Royal en février 2007, dans la perspective de la campagne présidentielle. (« Eh oui! » sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Nul n’est prophète en son pays!
M. Philippe Nauche. On parlait alors d’ambition, de rencontre des jeunes avec la nation, de dialogue entre les générations et les territoires: telle est bien l’ambition que nous devons partager au travers de cette proposition de loi, même si, à mon sens, ce texte ne doit être considéré que comme la première pierre d’un plus grand édifice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme Françoise Hostalier, rapporteure pour avis . Très bien!
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Cousin.
M. Alain Cousin. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, il est bien naturel que je souhaite m’associer à cette belle initiative, qui vise à créer un grand service civique, offrant à nos jeunes l’occasion de développer leur sentiment d’appartenance à la collectivité nationale, riche de nos valeurs républicaines, et d’y consacrer, de façon volontaire et raisonnée, leur temps, leur talent et leur envie de partage.
L’esprit de cette loi est non seulement d’offrir une cohérence et une lisibilité accrues à l’ensemble des dispositifs existants, mais surtout de redonner du sens aux notions d’engagement, d’intérêt général et de citoyenneté. Je suis heureux que cette noble ambition soit issue d’une initiative parlementaire, qui rejoint les objectifs du Gouvernement.
Cet engagement civique au service de l’intérêt général peut se décliner dans les domaines sociaux, environnementaux, humanitaires ou culturels. Mais je suis pour ma part également soucieux du domaine économique. J’ai le plaisir et l’honneur de présider l’établissement public UBIFRANCE, l’Agence française pour le développement international des entreprises. Parmi ses missions, les pouvoirs publics lui ont confié la gestion et le développement du volontariat international en entreprise. En ce moment même, 6300 jeunes, femmes et hommes, portent haut nos couleurs dans 140 pays. Accueillis dans les représentations de nos entreprises à l’étranger – grands groupes et PME – qui cofinancent ce programme, ils découvrent le monde et ouvrent des marchés à l’heure où nous nous battons pour relancer notre économie.
Ces volontaires assurent par leur action une mission d’intérêt général: la promotion et la valorisation des entreprises françaises à l’étranger. Ils apprennent nos valeurs auprès d’hommes et de femmes, nos expatriés et français de l’étranger, qui les guident et les accompagnent.
Cette aventure humaine, unique, fait d’eux des citoyens français ouverts sur les autres cultures et prêts à défendre nos valeurs dans un monde qui se complexifie et se globalise. Comme nombre d’entre vous, je vois beaucoup de ces volontaires lors de mes missions à l’étranger et je trouve chez eux de l’énergie, des idées, et, comme l’a si bien dit Mme Greff, des envies. Je suis fier et – pourquoi ne pas le dire? – souvent ému de les voir si jeunes et si impliqués, prêts à transmettre, à créer, à partager.
UBIFRANCE a piloté plus de 25000 missions VIE depuis la création de la formule en 2000. Nous fêterons ses dix ans le mois prochain. Le Gouvernement a placé ce dispositif au cœur des politiques de l’emploi par son intégration dans le mécanisme de la taxe d’apprentissage. De plus, il contribue très nettement à l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, puisque environ 70 % des volontaires sont embauchés directement à la fin de leur mission par l’entreprise qui les a accueillis.
Je souhaite et j’estime essentiel que cette formule, issue du génie français, soit pleinement incluse dans le champ du service civique.
Le civisme du XXI e siècle doit reprendre les fondamentaux que nous connaissons tous sans se couper de notions modernes que sont l’insertion et la compétitivité de nos entreprises. Ce n’est pas incompatible.
Un jeune qui intègre la vie professionnelle en contribuant à placer haut le pavillon du savoir-faire français dans le monde, au sein d’une communauté humaine, cela me semble bien correspondre à l’objectif que nous nous fixons.
Mme Claude Greff, rapporteure . Tout à fait!
M. Alain Cousin. C’est le chemin que la commission des affaires culturelles a pris, c’est celui sur lequel je veux résolument m’engager et c’est, j’en suis sûr, celui que la majorité d’entre nous choisira. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron.
M. Gérard Gaudron. Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est une vraie réponse à une vraie et forte demande sociétale.
En effet, depuis la suspension du service militaire souhaitée par le président Jacques Chirac en 1996, la jeunesse française était privée d’une structure qui avait notamment contribué à transmettre les valeurs et les règles de notre République à des jeunes provenant de milieux et d’horizons divers. Mais, surtout, le service militaire était un vrai moment d’intégration et d’apprentissage du vivre-ensemble dans une même nation.
On avait pu, alors, regretter l’absence de possibilités d’engagement pour les jeunes, et c’est pourquoi la loi du 31 mars 2006 avait institué un service civil volontaire. Mais le bilan de cette opération s’est révélé décevant, car ce ne sont guère plus de 6000 volontaires qui en ont bénéficié. L’une des principales raisons de ce bilan mitigé, à mon sens, c’est que, faute d’une véritable communication, le dispositif est resté quasi confidentiel. En outre, le texte qui l’instituait était si complexe qu’il en a découragé plus d’un.
La présente proposition de loi améliore donc les dispositifs existants, en leur conférant davantage de souplesse et en leur assurant une meilleure promotion.
L’objectif poursuivi vise précisément à renforcer la cohésion nationale grâce, entre autres, à la transmission aux jeunes des valeurs qui fondent notre pacte républicain, à travers un tutorat efficace institué par la loi. Ainsi, chaque année, plusieurs milliers de volontaires seront mobilisés grâce au service civique: 10000 sont prévus en 2010, ce qui est considérable, mais le désir de servir son pays et les autres n’a pas disparu, et, contrairement à ce que l’on pense souvent, il se manifeste notamment dans les quartiers réputés les plus difficiles. Je rappelle toutefois que, pour la transmission des valeurs, le rôle des parents, des familles, mais également de l’école, reste fondamental.
Le dispositif repose sur la nécessité de susciter une démarche volontaire, ce qui est déjà, en soi, un acte citoyen et une preuve d’engagement à l’égard de la société. Par ailleurs, le service civique peut constituer pour les jeunes une mission valorisante, un tremplin pour engranger des connaissances qui les aideront, en fin de contrat, à trouver un emploi.
La commission des affaires culturelles a enrichi le texte, sous l’impulsion de notre rapporteure Claude Greff, qui a souhaité donner une dimension européenne à ce service. Cette idée fort intéressante de service civique européen devra nécessairement être prise en compte.
Le débat en commission a révélé l’intérêt des parlementaires pour les valeurs véhiculées par le service civique. Être conscient d’être citoyen de notre République, c’est essentiel. Avec ce texte, c’est la génération des citoyens de demain, qui n’aura plus peur de s’investir pour la collectivité et qui s’engagera pour des causes collectives, au service de tous, qui est mise en valeur.
Ce service repose sur la liberté d’engagement. Certains auraient souhaité qu’il soit obligatoire: pour ma part, je fais confiance aux jeunes pour qu’ils s’impliquent personnellement, car il existe une mine de domaines d’intervention: l’aide aux personnes âgées ou handicapées, le soutien scolaire sont de bons exemples. Cependant, il convient de prévoir un système d’information efficace à travers l’Agence, afin de permettre à des jeunes en marge de la société de s’intéresser au service civique. Dans ce cas précis, il faudra que l’information vienne à eux. Il sera bon que le rapport adressé aux parlementaires en fin d’année prochaine examine si ce nouvel outil a atteint son cœur de cible. Il sera alors temps d’envisager de lui donner un caractère obligatoire.
Le service civique permettra aux jeunes de seize à vingt-cinq ans de s’ouvrir aux autres sur une durée continue de six à douze mois. On devrait d’ailleurs reculer l’âge limite à trente ans, pour permettre à ceux qui font des études longues de s’engager.
Mais le service civique concerne tous les jeunes: il devrait donc toucher 10 % d’une classe d’âge et pas seulement les plus diplômés. Il a une vocation universelle. L’objectif est que les jeunes s’ouvrent aux autres et ne sombrent pas dans l’individualisme qui affecte tant nos sociétés modernes.
Non seulement la proposition de loi prévoit un système d’indemnisation, ce qui va dans le bon sens, mais elle définit également, grâce à un cadre juridique précis, les structures susceptibles de proposer le service civique. Celui-ci valorisera, notamment en termes de parcours professionnel, celles et ceux qui l’effectueront, et je ne parle pas de son incidence sur le calcul de la pension de retraite.
Le texte préserve la distinction entre volontariat et bénévolat et ne constitue pas, rappelons-le, une solution de facilité qui permettrait, faute de mieux, d’employer les jeunes de manière temporaire dans un contexte économique que l’on sait difficile.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez annoncé que le service civique, à l’horizon 2015, mobiliserait 500 millions d’euros par an et concernerait 75000 jeunes. Ces chiffres témoignent d’un effort significatif de la nation. J’espère simplement que la gestion du système sera simple, compréhensible et aisée pour tous.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Boisserie.
M. Daniel Boisserie. Quelle chance historique vous avez, monsieur le haut-commissaire! Vous siégez au banc du Gouvernement pour l’examen d’un texte qui va recueillir la quasi-unanimité des suffrages. Voilà qui est fantastique!
Cette proposition de loi a cependant un petit goût de nostalgie. La professionnalisation des armées a en effet créé un vide que le service civique n’a jamais réussi à combler, et ce en raison de son manque de visibilité, de sorte que, treize ans après la suppression du service militaire obligatoire, nous nous interrogeons à nouveau sur l’opportunité d’imposer un service d’intérêt général à notre jeunesse.
Depuis la fin du service militaire, il manque en effet un maillon dans la formation de nos jeunes, un maillon fondé sur nos valeurs républicaines, sur la solidarité, la fraternité et la citoyenneté.
Toutes ces notions, le service militaire les transmettait pour partie. Il permettait ainsi à des jeunes issus de milieux sociaux et intellectuels bien différents de se rencontrer, de partager une expérience, de vivre ensemble pendant toute une année. Je suis de ceux qui regrettent ce service obligatoire pour tous.
C’est pourquoi, moi qui, comme beaucoup d’autres, ai consacré un certain nombre de mois au service de la République, je ne peux que saluer la louable initiative d’instituer ce service civique dans lequel on peut à la fois donner et recevoir. Je me félicite que l’initiative d’Yvon Collin, sénateur de gauche, vous permette, monsieur le haut-commissaire, de rebondir aujourd’hui.
Ce texte sur le service civique a le mérite de faire oublier l’échec de la loi de 2006 sur l’égalité des chances, dû au manque cruel de moyens financiers. Les moyens prévus n’étaient effectivement pas à la hauteur de l’enjeu.
M. Marcel Rogemont. C’est toujours le même problème!
M. Daniel Boisserie. Cette proposition de loi a également le mérite de mettre un terme aux multiples formes de volontariat en les englobant toutes, à l’exception du volontariat de la défense. Elle marque ainsi la fin des volontariats de coopération à l’aide technique, de prévention, de sécurité et de défense civile, ainsi que celle du service volontaire civil.
Ce texte est, en outre, particulièrement positif car le Gouvernement lui a finalement – j’insiste sur cet adverbe – apporté son soutien, avec l’annonce faite par Martin Hirsch d’une dotation de 40 millions d’euros pour la première année. Il convient également de noter que le Gouvernement s’est rendu aux arguments des parlementaires socialistes, qui avaient attiré son attention sur le risque de voir ce service civique devenir une manne pour certains employeurs qui auraient pu, d’une façon détournée, trouver là une main-d’œuvre à moindre frais.
N’hésitons pas à souligner, mes chers collègues, que, de par son accessibilité dès la fin de la scolarité obligatoire, c’est-à-dire dès l’âge de seize ans, le service civique va bien au-delà du simple service national.
Cependant, ce texte doit, à l’évidence, être complété – c’est l’objet d’un certain nombre d’amendements socialistes – afin d’éviter d’éventuelles inégalités de traitement entre volontaires du service civique. Il faut en effet encourager leur mobilité géographique pour leur permettre de découvrir de nouveaux horizons, ce qu’ils ne pourraient tous faire faute de moyens suffisants. Cela suppose, bien entendu, la prise en charge de leurs frais de transport, mais aussi la possibilité d’être logés et nourris sur place. Il est impensable que le volontaire ou sa famille supporte ces dépenses.
Enfin, ce service permet à des jeunes défavorisés de s’intéresser à un métier, à un travail, dans lequel ils se sentent valorisés et reconnus, dans l’esprit du compagnonnage qui associe à une formation technique une éducation citoyenne obligatoire. Je dirais même qu’il faut, dans ce projet partagé, donner à l’employeur la possibilité de verser une indemnité supplémentaire, dès lors qu’elle est justifiée et méritée.
Je forme le vœu que ce texte puisse être adopté rapidement et qu’il soit simple et lisible. Je souhaite que le Gouvernement prenne un engagement solennel de pérennisation et que l’esprit de la loi ne soit pas dévoyé comme cela a pu être le cas par le passé. Enfin, je reprends à mon compte le vœu de Mme Delaunay, qui, faute de temps, n’a pu exprimer toute sa pensée: puisse ce service civique être étendu à l’ensemble des pays européens! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Bonne idée!
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, dernier orateur inscrit.
M. Régis Juanico. L’orateur de la vingt-cinquième heure!
M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur Juanico, les orateurs de la vingt-cinquième heure sont traités comme les ouvriers de la onzième, c’est-à-dire comme tout le monde… (Sourires.)
Je serai bref, car je n’ai que trois choses à vous dire: premièrement, ce texte est attendu; deuxièmement, il est nécessaire; troisièmement, il suscite quelques interrogations, qui ne m’empêcheront cependant pas de le voter même s’il n’y est pas totalement répondu au cours de son examen.
Ce texte est attendu. Nombre des précédents orateurs l’ont dit: depuis la suppression du service national, il fallait trouver le moyen de faire en sorte que les jeunes qui quittent l’environnement familial et scolaire disposent, avant d’entrer dans un univers quelque peu plus brutal et normé, d’une forme de sas qui leur permette d’être confrontés aux réalités du monde des adultes sans en payer complètement la note. Le service national avait cette fonction; le service civique doit également servir à cela, ce dont je me réjouis.
Ce texte est nécessaire car c’est trop souvent, malheureusement, un message sinon de rejet, du moins de défiance, qui est adressé à la jeunesse de notre pays.
M. Daniel Boisserie. Il en va ainsi depuis que vous êtes au pouvoir!
M. Jean-Frédéric Poisson. Il est assez rare qu’elle jouisse de la confiance nécessaire pour mener à bien les opérations prévues par le texte que nous examinons. En somme, nous nous apprêtons donc à dire aux jeunes générations qu’elles sont, bien entendu, parfaitement capables de s’engager au service du bien commun et que les conditions réunies leur permettront de réussir, qu’elles sont parfaitement capables d’apprendre quelque chose et d’exercer ensuite leurs responsabilités de citoyens adultes. Voilà qui tranche avec l’habitude répandue de ne parler de notre jeunesse que pour pointer ceux qui sont délinquants, ceux qui ne réussissent pas, ceux qui sortent du système ou s’écartent du droit chemin. Après tout, le dispositif que vous proposez, monsieur le haut-commissaire, offre même à ceux-là une possibilité de découvrir l’engagement et de connaître la grandeur et la noblesse du service d’autrui.
Autre bonne nouvelle, ce texte délivre aussi un message d’exigence. C’est en cela, également, que je trouve qu’il est nécessaire. Il est bon que nos assemblées et le Gouvernement assurent aux jeunes que, s’ils peuvent, bien sûr, s’adapter au monde des adultes et réussir comme citoyen, c’est à certaines conditions et moyennant le respect de certaines règles et exigences auxquelles il est de la responsabilité de chacun de se plier.
Pour terminer, monsieur le haut-commissaire, j’exprimerai deux réserves.
La première porte sur le fait que n’apparaissent pas clairement les possibilités offertes aux jeunes de s’investir dans des contextes à caractère cultuel. (Murmures sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je n’ignore pas qu’il s’agissait d’éviter que des mouvements sectaires puissent en bénéficier. Vous m’accorderez cependant qu’aucune raison ne justifie que certains mouvements à caractère confessionnel, qui encadrent des jeunes, qui gèrent des paroisses, etc., n’aient pas la possibilité d’accueillir les jeunes effectuant leur service civique. Un dispositif de nature à leur offrir cette possibilité doit pouvoir être trouvé.
M. Marcel Rogemont. Dans les paroisses?
M. Jean-Frédéric Poisson. Les conseils paroissiaux, monsieur Rogemont, sont des structures associatives déclarées et tout à fait encadrées. Il doit même s’en trouver dans votre circonscription!
M. Régis Juanico. C’est que M. Rogemont en garde un mauvais souvenir! (Sourires.)
M. Jean-Frédéric Poisson. Par ailleurs, je suis toujours réservé lorsqu’un texte prévoit la création d’une nouvelle agence ou d’un nouvel organisme public. Lorsque nous avions discuté de la création du contrôleur général des lieux privatifs de liberté, nous avions débattu – Françoise Hostalier s’en souvient certainement – de la question de savoir s’il ne fallait pas en profiter pour regrouper les organismes publics ayant des vocations comparables. À l’heure où la RGPP commence à produire ses effets, vous comprendrez, monsieur le haut-commissaire, que je sois attaché au fait que les organismes publics ne prolifèrent pas outre mesure et plus que de besoin.
Je tenais à vous dire tout cela, mais je voterai de toute façon ce texte, et je le ferai avec joie.
Mme la présidente. Mes chers collègues, la discussion générale est close.
Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion de la proposition de loi relative au service civique.
(La séance est levée à treize heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma