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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 10 juin 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2011

1. Première partie (suite)

Après l'article 4 (suite)

Amendement no 1241

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 1570 (sous-amendement), 1506 (sous-amendement), 1546 (sous-amendement)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 1565 (sous-amendement), 1569 (sous-amendement), 1242, 1243

Article 5

M. Pierre-Alain Muet

M. Christian Eckert

Amendements nos 405, 644, 645, 650, 651, 653, 659

Rappel au règlement

Mme Sandrine Mazetier

Article 5 (suite)

M. Pierre-Alain Muet

Amendements nos 1388, 1389

Après l’article 5

Amendements nos 1299, 865, 866, 871, 872, 874, 880

Rappel au règlement

M. Christian Eckert

Après l’article 5 (suite)

Amendements nos 885, 886, 891, 892, 900, 425, 419, 926, 932, 934, 940, 284, 1561 rectifié, 1563

M. François Baroin, ministre

Amendements nos 1529, 1439, 1440, 1443, 1445, 1446, 1448, 1454, 905, 906, 909, 912, 914, 920, 285, 624, 625, 628, 630, 631, 633, 1111 rectifié, 1117 rectifié, 1120 rectifié

Article 6

Mme Sandrine Mazetier

M. Jérôme Chartier

Application de l’article 57 du règlement

Rappels au règlement

M. Pierre-Alain Muet

M. Jean-Pierre Brard

Article 6 (suite)

Amendements nos 1333, 1334

Rappel au règlement

Mme Sandrine Mazetier

Article 6 (suite)

Amendements nos 1244, 1335, 1329 rectifié, 1245, 1573 (sous-amendement), 1332, 1338, 408, 1336, 360, 1331, 1337 rectifié, 1246, 1330, 1339

Après l’article 6

Amendements nos 1293, 1311, 724, 725, 728, 730, 731, 733, 739

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2011

Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 (n°s 3406, 3503, 3501).

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 1241 portant article additionnel après l’article 4.

Après l'article 4 (suite)

M. le président. L’amendement n° 1241 fait l'objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement, monsieur le ministre du budget, traite de façon extrêmement légère et limitée de l’assurance-vie.

Dans le cadre du groupe de travail que vous avez mis en place, la première piste qui était venue à l’esprit pour financer la réforme prévue était d’aller voir du côté de l’assurance-vie. Nous y avons finalement renoncé et je crois que nous avons été sages de ne pas suivre les multiples propositions, notamment celles de notre collègue Olivier Carré.

L’assurance-vie se porte bien. Certains disent que, depuis le mois de janvier, la collecte se ralentit mais il n’y a pas du tout de mouvement de décollecte. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : elle représente aujourd’hui environ 1 400 milliards d’euros, c’est-à-dire 75 % du PIB. Selon moi, et je crois que nous avons tous la même position à la commission des finances, les règles fiscales la concernant doivent rester stables. C’est d’ailleurs l’un des rares secteurs où elles n’ont pratiquement pas été modifiées depuis une douzaine d’années.

Cela étant, nous avons voté ce matin des relèvements de 35 à 40 % et de 40 à 45 % pour les très grosses successions en ligne directe. L’assurance-vie, chacun le sait, n’est pas seulement un produit pour s’assurer sur la vie, c’est également un produit extrêmement important pour les successions.

M. Christian Eckert. Et voilà !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Or, en cas de décès, le taux de taxation des sommes concernées, même si le bénéficiaire n’est pas un héritier en ligne directe, n’est pas de 35 ou de 40 %, a fortiori de 45 % : il est de 20 %, sans aucun plafond.

La commission des finances a donc estimé indispensable de prendre une mesure symétrique à celle que nous propose le Gouvernement à l’article 2, qui relève les taux de 35 à 40 % et de 40 à 45 %, et de faire passer le taux de taxation des sommes figurant sur un contrat d’assurance-vie de 20 à 25 %. Sinon, nous nous retrouvions dans une situation paradoxale : alors que le Gouvernement nous proposait il y a encore quelques mois d’aller chercher des ressources du côté de l’assurance-vie, on accroîtrait finalement encore l’avantage fiscal relatif dont elle bénéficie. Il faut garder un équilibre.

Ce léger alourdissement de 20 à 25 % ne concerne évidemment que les très gros contrats, dont certains ont récemment défrayé la chronique, des contrats qui font rêver, à quelques centaines de millions d’euros.

Comme nous avons regardé du côté de l’assurance-vie, nous en avons découvert quelques aspects totalement ignorés, qui donnent un peu à réfléchir. Je vais en évoquer deux, que nous proposons de corriger.

Pour des raisons professionnelles, vous êtes muté à l’étranger et, pendant votre séjour à New-York, à Londres ou ailleurs, vous souscrivez un contrat d’assurance-vie chez un assureur ou une banque française, ce qui est tout à fait possible. Revenant en France, vous continuez d’abonder votre assurance-vie. Or parce qu’elle a été souscrite à l’étranger, elle ne sera jamais fiscalisée. Est-ce normal ? Bien sûr que non.

Autre exemple, vous choisissez de démembrer la clause bénéficiaire, avec, par exemple, la nue-propriété pour vos enfants ou vos neveux et l’usufruit pour votre conjoint. Comme dorénavant, et c’est une bonne chose, il y a une exonération du conjoint en cas de succession, l’assurance-vie échappe à la fiscalité, aussi bien pour l’usufruit que pour la nue-propriété, peu à peu valorisée.

Entendons-nous bien, monsieur le ministre. La commission des finances a toujours défendu l’assurance-vie.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Y compris récemment !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme il y a dix ans, monsieur Cahuzac, entre 1997 et 2002 aussi.

Tout à l’heure, je parlais de 1 300 ou 1 400 milliards. Il est tout de même utile d’avoir une assurance-vie pour répondre au besoin de financement de l’État. Il ne faut jamais oublier que, dans l’assurance-vie, il y a des obligations d’État. Cela concerne aussi le financement des entreprises. Grâce à un excellent amendement présenté il y a quelques années par M. Fourgous, nous avons facilité le basculement sur l’investissement des entreprises.

Notre position est donc parfaitement équilibrée, comme souvent d’ailleurs à la commission des finances. Nous ne souhaitons pas pénaliser l’assurance-vie, mais nous ne voulons pas ajouter d’incitation fiscale pour un produit qui en cumule déjà, et c’est une bonne chose, tout un ensemble.

M. le président. Les sous-amendements, nos 1570, 1506 et 1546 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, pour présenter le sous-amendement n° 1570 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1241.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Cet amendement a un triple objectif : relever de 20 à 25 % le taux de prélèvement applicable aux sommes versées aux bénéficiaires d’un contrat d’assurance en cas de décès ; soumettre au prélèvement les contrats d’assurance-vie lorsque le bénéficiaire avait son domicile fiscal en France au moment du décès ou l’a eu pendant au moins six années au cours des dix années précédant le décès, ou dès lors que l’assuré a son domicile fiscal en France au moment du décès ; répartir l’abattement de 152 500 euros entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en cas de démembrement de la clause bénéficiaire.

Il y a une question de principe. Nous nous sommes entendus pour écarter l’assurance-vie du champ global de cette réforme. Nous avions réfléchi à la possibilité de taxer, par un parallélisme des formes, les très gros contrats, par exemple à 1,3 million, qui est désormais la porte d’entrée du nouvel ISF. Lorsque l’on a 1,3 million en assurance-vie, il y a neuf chances sur dix en effet pour que l’on soit assujetti à l’ISF. Nous avons écarté cette piste, considérant que les mesures portant sur les donations, les successions et la lutte contre l’évasion fiscale étaient suffisantes pour financer l’ensemble.

Nous soutenons la démarche concernant les deux derniers objectifs, le prélèvement pour les contrats d’assurance-vie souscrits à l’étranger et la répartition de l’abattement de 152 500 euros. En revanche, nous avons une réserve sur le relèvement de 20 à 25 % du taux de taxation des contrats. C’est la raison pour laquelle je vous propose un sous-amendement visant à le maintenir à 20 %. Cela nous paraît plus sage car la stabilité fiscale est un gage de confiance pour les Français qui sont attachés à ce produit.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre le sous-amendement n° 1506.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission des finances a jugé sain de relever le taux de taxation de 20 à 25 % au-delà de l’abattement de 152 500 euros.

Imaginez un contrat d’assurance-vie avec trois bénéficiaires. L’abattement fiscal est de trois fois 152 500 euros. J’ajoute, parce que le président de la commission me le souffle, qu’en cas de succession, l’assurance-vie est dans un compartiment à part. Vous bénéficiez donc en tout état de cause de l’abattement prévu pour une succession de 159 000 euros par part et, dès lors qu’il y a une assurance-vie, on ajoute un abattement de 152 500 euros par bénéficiaire. S’il y a dix bénéficiaires, cela fait dix fois 152 500 euros.

Le Gouvernement est réservé…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il est même franchement hostile !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …même si cela avait été envisagé pour les très gros contrats. Dont acte, monsieur le ministre. Le sous-amendement que je vous propose va exactement dans votre sens, c’est-à-dire qu’il aligne strictement le passage de 20 à 25 % sur le passage de 30 à 35 % et de 40 à 45 % pour les successions.

En effet, pour une succession, il existe l’abattement par part de 159 000 euros, mais encore, pour entrer dans le taux de 35 %, porté à 40 %, il faut atteindre 900 000 euros.

Le sous-amendement transpose ce système aux contrats d’assurance-vie. Ainsi, il faudra non seulement que s’applique l’abattement de 152 500 euros par bénéficiaire, mais également que le contrat se monte à 900 000 euros par bénéficiaire : si ces derniers sont au nombre de dix, le contrat d’assurance-vie doit être de 9 millions d’euros pour subir le passage de 20 à 25 %.

Cela me paraît, monsieur le ministre, parfaitement équilibré. Sur les quinze millions de Français qui bénéficient d’une assurance-vie, combien y en a-t-il qui ont des contrats de plusieurs dizaines de millions d’euros ? Je ne crois pas qu’ils soient très nombreux. La crainte du Gouvernement, s’inquiétant que les assurés puissent penser que l’augmentation s’applique à eux, me paraît peu fondée dans la mesure où l’augmentation n’interviendra en réalité qu’à un niveau très élevé.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir le sous-amendement n° 1546.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Sur l’assurance-vie, qui a suscité de très nombreux débats, nous sommes parvenus à un constat commun : la fiscalité de la détention ne doit pas être modifiée. Certains ont voulu le faire. Certains ont même imaginé trouver dans cette assiette de quoi financer une suppression totale de l’ISF ; ils y ont renoncé ou y ont été contraints, à raison. Il faut faire attention car, comme l’ont très bien dit le rapporteur général et le ministre, les produits de l’assurance-vie assurent le financement de long terme des entreprises ainsi que le financement de la puissance publique. Il est douteux que ces financements ne soient pas aussi nécessaires dans les temps à venir que jusqu’à présent.

Sanctuariser la fiscalité de la détention me paraît donc sage. Ceux qui ont voulu taxer ce qu’ils appelaient eux-mêmes des « plus-values latentes » faisaient, je crois, courir un risque au financement de long terme des entreprises et au financement de la puissance publique, et ce d’autant plus que les récentes normes Solvency II – notre collègue Jérôme Chartier connaît cela très bien – obligent les compagnies d’assurance à détenir des produits d’État afin de se conformer aux nouveaux ratios.

Nous parlons donc de la fiscalité non pas de la détention mais de la transmission. La détention doit être sanctuarisée mais la transmission, c’est une autre affaire.

En entendant le rapporteur général et le ministre, je me demande de quelle façon pourraient être perçus ces débats par l’écrasante majorité de nos concitoyens. La transmission des fonds placés en contrats d’assurance-vie bénéficie déjà d’un avantage dérogatoire spécifique via un abattement d’un peu plus de 152 000 euros par part. À cet abattement spécifique s’ajoute évidemment l’abattement général de la transmission, qui est d’un peu moins de 160 000 euros. Par part, la somme qu’il faut abattre est donc déjà de plus de 300 000 euros, c’est-à-dire trois fois le patrimoine médian. Certes, l’assurance-vie est compartimentée mais je ne vois pas comment on pourrait prétendre que l’abattement général des successions ne s’applique pas à cet abattement-là ; si tel n’est pas le cas, merci de nous le préciser, monsieur le ministre.

Il me semble que c’est suffisant. Aussi, faire entrer cette fiscalité dans une forme de droit commun, tout en préservant l’abattement spécifique à l’assurance-vie, ne compromettrait en rien l’essentiel, c’est-à-dire la détention des produits d’assurance-vie.

Or il semble que l’on aille encore plus loin et, au moment où il s’agit, à tout le moins, de préserver l’équilibre de nos finances publiques, nous parlons à présent de patrimoines d’au moins 900 000 euros, auxquels s’ajoutent les 152 500 euros ainsi que, je le crains, l’abattement général, tout cela par part ! Expliquez-moi comment, à un moment où des efforts vont être demandés à tous nos concitoyens, on peut sanctuariser, en succession, des patrimoines d’un million d’euros.

Certains envisagent même de déporter vers la consommation un effort, par exemple, pour la famille, aujourd’hui assuré par les entreprises, d’ailleurs sans réelle légitimité : au nom de quoi les entreprises acquittent-elles près de cinq points de cotisations familiales, pour un montant de l’ordre de 35 milliards ? Certains appellent cela la TVA sociale ; d’autres sont totalement hostiles à une telle mesure. Mais enfin on envisage de déporter vers la consommation un effort de plusieurs milliards, et au même moment on sanctuariserait des patrimoines d’au moins un million d’euros – à supposer que l’abattement général ne s’applique pas, il reste les 900 000 euros plus les quelques 152 500 euros –, s’agissant de la transmission ?

Il faut avoir conscience des efforts que l’on s’apprête à demander au pays, les uns et les autres, à brève échéance, et veiller à ne pas donner l’impression que, décidément, certains, comme dans La Ferme des animaux de George Orwell, sont plus égaux que d’autres.

M. Franck Gilard. Très bonne référence !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. C’est pourquoi je présente cet amendement qui vise à ce que la transmission des produits d’assurance-vie, sans tomber dans le patrimoine commun, s’en rapproche, en conservant l’abattement spécifique de 152 500 euros mais en en restant là.

Le rapporteur général propose que le taux de taxation passe de 20 à 25 %, effort très modeste. Le Gouvernement n’y étant pas favorable, le rapporteur général propose alors, par un sous-amendement, de n’appliquer cette majoration de cinq points qu’aux patrimoines d’au moins 900 000 euros.

Convenez qu’il s’agit d’un effort extraordinairement modeste au regard de ce que nous serions en droit de demander ! Je ne comprendrais pas, le rapporteur général faisant preuve d’une extrême modération, que le Gouvernement refuse le sous-amendement et que la majorité préfère suivre l’avis du ministre.

Pour ma part, je crois qu’adopter le sous-amendement que je propose serait sage. Cela donnerait le signal que la solidarité est plus qu’un mot et un thème de discours et qu’elle se traduit en actes. Cela n’aurait aucune incidence sur la détention de l’assurance-vie, et nous en finirions avec une fiscalité de la transmission dérogatoire à un point tel qu’elle finira par être totalement incomprise et que la fiscalité de la détention pourrait au bout du compte s’en trouver elle-même compromise, ce qui serait grave tant pour les entreprises que pour la puissance publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1546 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Tout en comprenant : ce sous-amendement consiste à aligner purement et simplement la fiscalité des successions d’assurance-vie sur la fiscalité générale des successions. Comme nous aurons certainement à reparler de l’assurance-vie dans le cadre de la réforme de la dépendance, nous n’avons pas souhaité aller aussi loin.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 1565 et 1569.

La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour soutenir le sous-amendement n° 1565.

M. Michel Diefenbacher. Ce sous-amendement est identique au sous-amendement n° 1535 que devait présenter notre collègue Michel Bouvard, lequel ne peut malheureusement pas être là pour le faire.

Il s’agit de préciser les contrats d’assurance-vie dénoués par décès auxquels serait appliquée la majoration de cinq points, de 20 à 25 %, du taux de taxation proposée par la commission des finances.

Dans la rédaction proposée par la commission des finances, cette majoration s’appliquerait à tous les contrats et versements, y compris aux contrats en cours et aux versements effectués antérieurement. Je propose de limiter cette majoration aux nouveaux contrats ou, pour les contrats en cours, aux versements effectués postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative.

Comme vous le savez, les incertitudes qui pèsent sur l’évolution du régime de taxation ont conduit, depuis le début de l’année, à une baisse significative de la collecte au titre de l’assurance-vie d’environ 13 %. Le respect du taux de taxation de 20 % pour tous les versements faits avant l’entrée en vigueur de la loi dont nous discutons permettrait de rassurer les épargnants et montrerait concrètement notre volonté d’éviter les inconvénients souvent dénoncés d’une trop grande instabilité fiscale.

J’observe d’ailleurs qu’une telle mesure serait tout à fait cohérente avec ce qui avait été fait en 1998, lorsque le taux de taxation de 20 % avait été instauré : il avait alors été décidé que cette taxation ne s’appliquerait qu’aux versements futurs.

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour soutenir le sous-amendement n° 1569.

M. Yves Censi. Avec l’accord de Jean-François Mancel, cosignataire de ce sous-amendement, je le retire, au bénéfice du sous-amendement du Gouvernement, qui me paraît présenter une solution plus judicieuse.

(Le sous-amendement n° 1569 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1565 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sous-amendement n’est pas passé devant la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable. Appliquer la majoration aux nouveaux contrats seulement, sachant que les contrats d’assurance-vie se déroulent sur des décennies, serait condamner la mesure à n’avoir qu’un impact extrêmement réduit.

Autant, monsieur Diefenbacher, vous avez raison pour 1998, autant il n’en va pas de même pour les modifications de l’assurance-vie intervenues l’an dernier s’agissant des prélèvements sociaux. Ces derniers concernent désormais – c’est une très bonne chose – les assurances-vie en cas de succession.

Je rappelle aussi que, l’an dernier, a été mis en place le prélèvement au fil de l’eau, qui s’applique à tous les contrats en cours.

Par ailleurs, dernier argument : le passage d’un taux de 35 % à 40 % ou de 40 % à 45 % sur les successions s’applique évidemment aussi sur le stock.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces sous-amendements ?

M. François Baroin, ministre. Avis défavorable aux sous-amendements nos 1546 et 1565, pour les raisons développées par M. Carrez. Bien entendu, en logique pure, on peut comprendre les arguments, mais la logique pratique amène le Gouvernement à ne pas modifier sa position. Le Gouvernement est également défavorable au sous-amendement n° 1506 pour préserver la cohérence de construction du texte.

Pour compléter la réflexion collective, je souligne qu’il y a un lien entre la détention et la transmission. Ici, nous ne travaillons que sur la transmission, mais j’attire l’attention de la représentation nationale sur l’existence de ce lien. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons être prudents puisqu’il s’agit de la gestion globale de l’assurance-vie.

M. le président. Sur le vote du sous-amendement n° 1546, je suis saisi par le groupe SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. L’amendement de la commission des finances a été, comme à son habitude, fort brillamment défendu par le rapporteur général. Je me félicite que le ministre des comptes publics reconnaisse la position de principe, constante chez le rapporteur général et à la commission des finances, d’essayer de supprimer les angles morts. Il faut en effet trouver des solutions juridiques efficaces pour qu’il y en ait le moins possible. En l’occurrence, la rédaction qui a été proposée par Gilles Carrez me semble efficace et je suis heureux qu’elle soit saluée par le Gouvernement à travers son sous-amendement.

S’agissant de l’assurance-vie et du relèvement du taux, nous avons deux sujets.

Le premier, ce sont les conclusions du groupe de travail de la majorité. Au cours de ses plusieurs mois d’activité, il a examiné, pendant un temps, Gilles Carrez s’en souvient, la piste assurance-vie. C’est un dossier très bien travaillé par Olivier Carré, qui est avec nous,…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On l’attendait avec impatience !

M. Jérôme Chartier. …et par nombre d’autres parlementaires. Au terme d’un arbitrage, il a été décidé qu’on ne toucherait pas à l’assurance-vie. En effet, on a observé qu’à partir du moment où les discussions du groupe de travail commençaient à être rendues publiques de façon informelle, cela avait un effet sur la collecte de l’assurance-vie. Je vous donne un chiffre : les trois premiers mois de 2011, nous avons eu la plus forte décollecte de l’assurance-vie depuis huit ans.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, il n’y a pas eu de décollecte, mais une moindre progression de la collecte !

M. Jérôme Chartier. Le rapporteur général est toujours précis dans les termes, et il a raison. Néanmoins, il me donnera acte que cela a été la plus basse collecte constatée depuis huit ans, ce qui signifie qu’il y a un effet direct entre les annonces publiques sur les réformes possibles de la fiscalité de l’assurance-vie et les décisions prises par les personnes qui investissement dans l’assurance vie.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jérôme Chartier. J’en termine, monsieur le président, mais cet amendement est important.

Gilles Carrez et le président de la commission des finances l’ont par ailleurs rappelé : l’assurance-vie sert à la fois aux entreprises et au financement des comptes publics. Par conséquent, ce n’est pas le moment opportun, dans le contexte mondial actuel et spécialement dans celui de notre pays, de toucher, en plus à la marge, au taux d’imposition de l’assurance-vie. Cela donnerait en outre le sentiment à l’opinion que la majorité a décidé d’impacter l’assurance-vie dans la réforme de l’ISF.

M. Yves Censi. Très bien !

M. le président. Je sais bien que nous sommes dans un moment important du débat sur ce projet de loi de finanecs, mais je vous rappelle qu’il reste 1 200 amendements à examiner.

M. Jean-Pierre Brard. On a le temps, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’assurance-vie, comme tous les dispositifs incitatifs, doit être examinée selon deux principes : l’efficacité économique et la justice fiscale.

S’agissant de l’efficacité économique, il n’y a pas beaucoup d’arguments pour défiscaliser de façon spécifique certains produits d’épargne. Le seul que l’on peut entendre, c’est que cela favorise l’épargne longue. De fait, l’assurance-vie favorise l’épargne longue des entreprises et le financement de la dette publique à travers l’investissement dans les obligations d’État. Et la détention d’assurance-vie fait l’objet d’une défiscalisation considérable. Ajouter à cette dernière des dispositions importantes en matière de fiscalité de la transmission reviendrait à en faire un produit servant à échapper à la fiscalisation des transmissions de patrimoines. C’est bien connu : avant le plafonnement, sous un gouvernement de gauche, quand on voyait les produits d’assurance-vie prendre énormément de valeur sur les marchés, tout le monde se demandait quelle grande fortune était sur le point de décéder.

Je pense donc que l’amendement de la commission a l’avantage d’être complètement cohérent avec la politique gouvernementale de relèvement des taux de la transmission. Je ne vois pas au nom de quoi on peut refuser de mettre en cohérence la fiscalité de la transmission concernant l’assurance-vie avec les mesures que vous prenez, monsieur le ministre. Je ne comprends absolument pas vos arguments. J’ajoute que cet amendement, qui contient de très bonnes choses, fait l’objet d’un consensus pour en conserver tout ce qui concerne certaines niches supplémentaires. Complété par le sous-amendement du président de la commission des finances, il est cohérent avec la politique que vous préconisez tout en mettant vraiment de la justice sociale là où il en manque beaucoup.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je veux faire deux remarques.

Tout d’abord, ces mesures ne sont pas chiffrées, ni dans l’exposé des motifs ni même dans quelque autre document. Or il est toujours difficile à notre assemblée de se prononcer lorsqu’on lui propose des mesures non chiffrées. Nous voudrions tout de même savoir de quels montants il est question. Vous nous dites sempiternellement, monsieur le ministre, que cette réforme est équilibrée financièrement, mais voilà, encore une fois, un dispositif dont on ne connaît pas le montant.

Ma seconde remarque est peut-être au moins aussi importante. M. Le rapporteur général nous a rappelé que les encours actuels de l’assurance-vie s’élèvent environ à 1 400 milliards d’euros et qu’il y a autour de 15 millions de contrats détenus dans notre pays. Il suffit d’avoir fait le cours élémentaire pour calculer que l’encours moyen d’un contrat d’assurance-vie est de 93 000 euros, que l’on peut arrondir à 100 000 euros. Cela veut dire, monsieur le rapporteur général, qu’avec l’abattement spécifique de 152 000 euros, ceux qui détiennent un montant moyen ne payent déjà absolument rien sur la transmission de l’encours de leur assurance-vie. Et je n’ai parlé que de la moyenne : je suis sûr que si on se référait à l’encours médian, la somme serait inférieure.

Il n’y a donc évidemment aucune raison de suivre le Gouvernement. Nous voterons bien entendu le sous-amendement de Jérôme Cahuzac car il répond à nos interrogations. S’il n’était pas voté, nous aviserons par défaut s’agissant des autres sous-amendements et de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Juste une demande de précision technique puisqu’il semble qu’un doute existe dans l’esprit de mes collègues : le cumul des deux abattements spécifiques à l’assurance-vie – 152 500 euros – et de l’abattement général – 159 325 euros – est-il possible ? Pour ma part, je crois qu’ils se cumulent en cas de transmission, celle-ci bénéficiant de surcroît d’un taux préférentiel puisqu’il s’agit d’assurance-vie. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. Ça fait beaucoup de sous !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Si ce cumul est confirmé, je vous demande, monsieur le ministre, d’envisager avec sérieux le sous-amendement du rapporteur général qui limite l’augmentation du taux de prélèvement aux patrimoines excédant 902 838 euros par part auxquels s’appliquent ces abattements. Mesurons tout de même de quel niveau de patrimoine il s’agit et quel avantage fiscal considérable on donne à des niveaux qui ne le sont pas moins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, la réponse à votre question est non parce qu’il s’agit de deux compartiments différents. Il n’y a donc pas de cumul des deux avantages. C’est effectivement important de le préciser avant le vote.

(Le sous-amendement no 1570 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les sous-amendements n°s 1506 et 1546 tombent et le scrutin public n’a plus d’objet.

Monsieur Diefenbacher, maintenez-vous votre amendement ?

M. Michel Diefenbacher. Non, monsieur le président.

(Le sous-amendement n° 1565 est retiré.)

(L'amendement n° 1241, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1242.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement, proposé par notre collègue Michel Bouvard, est d’ordre technique. Il vise à assouplir les conditions d’agrément des dations.

(L'amendement n° 1242, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 1243.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un excellent amendement rédigé par notre collègue Olivier Carré sur les SCPI et les OPCI.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Les OPCI, créées par la loi de finances du 30 décembre 2005, avaient plusieurs années pour recevoir, par fusion, des SCPI. Mais il fallait attendre la publication d’un certain nombre de décrets, puis de règlements de l’AMF. Ceux-ci ont mis beaucoup de temps à arriver, ce qui a empêché les fusions dans les délais prévus. Il est donc proposé de reporter la date butoir d’une année pour que les SCPI puissent fusionner dans des OPCI.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

M. le président. Sur le vote de l'amendement n° 1243, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le ministre, je n’ai pas eu de réponse à ma question sur le chiffrage de la mesure envisagée… et là, bis repetita ! On nous dit que c’est une disposition très technique, une histoire compliquée. Je veux bien le croire à la lecture de l’exposé des motifs. Peu d’entre nous comprennent exactement ce qu’il en est. En plus, il n’y a aucun chiffrage ! J’ai beau fouiller le document, je n’en vois aucun. Combien cela coûte ? Je vois que l’amendement est gagé, ce qui veut dire que la mesure proposée coûte quelque chose : un million, 5 millions ? J’aimerais tout de même le savoir avant le vote.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vais une fois encore faire de la pédagogie politique : quand le Gouvernement fait des cadeaux, il préfère que l’opinion ne sache pas combien cela coûte aux contribuables.

Je rappelle que j’ai donné des chiffres et que le ministre, atteint certainement de mutisme…

M. François Baroin, ministre. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, j’ai dit que je vous tenais par le mollet et que je ne vous lâcherai pas jusqu’à la fin de la discussion.

M. François Baroin, ministre. Il faudrait vous mettre une muselière, alors ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je le répète, Mme Bettencourt payait 40 millions d’impôts et n’en paiera plus que 10 millions.

M. Franck Gilard. C’est de la rage !

M. Jean-Pierre Brard. Non, mon cher collègue, rassurez-vous, je ne suis pas enragé, sauf vis-à-vis des privilèges que vous défendez, alors que nous, nous défendons les petites gens, que vous oubliez complètement pour beurrer la tartine des privilégiés.

La question que pose Christian Eckert est tout à fait légitime. Nous devons savoir combien coûte la mesure proposée par M. Carré et par la commission, et que le Gouvernement, sans aucun critique, accepte alors que, visiblement, c’est un nouveau cadeau.

Vous n’avez pas non plus répondu depuis lundi, monsieur le ministre, à la critique de la Commission européenne, qui vous a tiré les oreilles parce que vous n’avez pas pris, selon ses critères – qui n’ont certes pas valeur de parole d’évangile –, les mesures qui conviennent pour réduire les déficits que vous laissez filer.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Je rappelle à M. Eckert et à M. Brard qu’il s’agit seulement de reporter d’une année un dispositif qui devait s’éteindre en 2012 du fait que sa mise en application, qui devait avoir lieu en 2007, n’a pas pu intervenir dans les temps impartis en raison de retards de parution des décrets, puis des arrêtés, et surtout des règlements de l’AMF.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je confirme !

M. Olivier Carré. Or ces règlements sont essentiels pour l’homologation des OPCI puisque ceux-ci sont ouverts à l’épargne publique. C’est très technique, j’en suis désolé, mais ce domaine fait partie de ceux où le Parlement peut aider à corriger certains aléas provenant de l’environnement réglementaire. La mesure que je propose doit représenter quelques millions d’euros, mais au sens restreint du terme.

M. Claude Bartolone. C’est bien la première fois que ce n’est pas un gros magot !

M. Olivier Carré. Je ne suis pas ici en train de défendre un amendement qui relèverait de la turpitude. Il n’y a pas de turpitude. Vous parlez de cadeau : je me mets à la place des porteurs qui ont subi, pendant un certain nombre d’années, l’attente des règlements de l’AMF, pour eux il ne s’agissait pas vraiment de cadeau ! Il n’est ici question que d’un report d’un an. Les interrogations soulevées sont légitimes, mais cet amendement ne vaut pas tant d’émoi.

M. le président. Je vous redonne la parole M. Brard, à titre exceptionnel.

M. Jean-Pierre Brard. Merci pour votre mansuétude, monsieur le président.

Au moins, M. Carré reconnaît que nos questions sont légitimes. Cela étant, je me mets à la place des personnes qui sont dans les tribunes et qui doivent se demander dans quelle langue nous parlons alors que nous évoquons le dispositif qui doit s’éteindre, le règlement de l’AMF, les OPCI, etc.

Heureusement, notre collègue Olivier Carré explique que toutes ces choses très techniques ne représentent qu’une poignée de cacahuètes, peut-être quelques millions d’euros. Et d’ajouter : je pense aux porteurs. Vous faites bien d’y penser ! Vous, vous me faites penser au porteur d’eau, à ceci près que ce sont les intérêts des privilégiés que vous portez.

Voyez que disant cela, nous rendons tout de suite votre propos plus clair. Je suis sûr que les personnes qui suivent les débats sur internet ou depuis les tribunes comprennent alors que vous beurrez la tartine des privilégiés.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1243.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 60

Nombre de suffrages exprimés 60

Majorité absolue 31

(L’amendement n°1243 est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Pierre-Alain Muet. Cet article 5 vise à assouplir encore un dispositif que nous ne cessons de critiquer parce qu’il s’agit en réalité d’une niche fiscale importante de l’ISF : le pacte Dutreil.

Ce pacte permet déjà de retirer les trois-quarts de la valeur des parts ou actions de société faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation. Avec cet article, vous proposez, d’une part, de permettre l’entrée de nouveaux actionnaires dans un engagement collectif existant sans avoir à conclure un nouveau pacte et, d’autre part, de permettre à l’un des actionnaires du pacte de céder ses titres sans remettre en cause les exonérations d’impôt qui lui sont attachées.

C’est en faire une niche dont la seule fonction sera de s’exonérer en grande partie de l’ISF.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Cet article est relatif au régime fiscal des pactes d’actionnaires, dits pactes Dutreil, qui permet d’être exonéré de droits de mutation à titre gratuit et d’impôt de solidarité sur la fortune pour trois-quarts de la valeur des parts ou actions de société faisant l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée de six ans.

Vous voulez encore élargir ce dispositif en permettant l’entrée de nouveaux actionnaires dans un engagement collectif existant sans qu’ils aient à conclure un nouveau pacte. En quoi l’esprit du texte actuel est-il respecté ? En plus, vous permettriez à un actionnaire du pacte de céder ses titres sans remettre en cause les exonérations d’impôt de solidarité sur la fortune, à titre gratuit.

Nous voyons qu’il s’agit d’un nouveau cadeau aux plus privilégiés. Une fois de plus, aucune étude d’impact n’ayant été présentée, nous ne savons pas quels sont les montants en jeu. Vous proposez d’adopter un dispositif non chiffré, vous contentant de dire que vous y êtes favorables. Nos collègues de l’UMP vont, en catimini, faire voter une mesure dont on ne connaît absolument pas l’impact financier sur le budget. Pourtant, nous en aurions bien besoin.

M. le président. Je suis saisi de sept amendements identiques, nos 405, 644, 645, 650, 651, 653 et 659.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour défendre l’amendement n° 405.

M. Jean-Pierre Brard. Alors que l’objectif affiché par le Gouvernement à l’occasion de cette réforme est de simplifier l’ISF pour le rendre « plus juste et plus efficace », curieusement, à aucun moment il n’a été question de remettre en cause les avantages fiscaux tels que le dispositif dit ISF-PME, malgré quelques hésitations.

Ce dispositif permet aux petites et moyennes entreprises françaises de bénéficier d’environ un milliard d’euros par an de financements exonérés d’ISF à hauteur de 50 %, ce qui coûte près de 600 millions d’euros aux finances publiques.

Pas de remise en cause, non plus, des fameux pactes Dutreil qui permettent d’exonérer à concurrence des trois-quarts de leur valeur les parts ou actions de société qui font l’objet d’un engagement collectif de conservation. Cette mesure permet essentiellement aux actionnaires familiaux, qui ne sont pas aux commandes des entreprises et qui ne sont donc pas autorisés comme leurs frères ou cousins mandataires sociaux à exonérer de leur patrimoine la valeur de leurs actions au titre des biens professionnels, de bénéficier malgré tout d’une ristourne importante sur leur ISF sans avoir à céder leur part de participation.

Ce dernier dispositif est même assoupli afin de permettre à des associés non-signataires de l’engagement initial de rejoindre un engagement collectif à condition de proroger pour deux ans l’engagement collectif initial. Cette disposition est d’autant plus inacceptable dans son principe qu’elle n’est pas chiffrée, comme l’a souligné Christian Eckert.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 644.

M. Pierre-Alain Muet. Quand on introduit de nouvelles niches fiscales, il importe en premier lieu de les chiffrer. Dans le cas présent, nous ignorons quel sera le coût de cet assouplissement des pactes Dutreil pour les finances publiques. Monsieur le ministre, pourriez-vous le préciser ?

M. le président. Sur le vote des amendements n° 405, 644, 645, 650, 651, 653 et 659, je suis saisi par les groupes GDR et SRC d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 645.

M. Christian Eckert. Il s’agit d’un amendement de suppression de l’article 5.

Dans la situation actuelle, les actionnaires réunis dans un pacte pouvaient déjà être exonérés des droits de mutation sur les trois-quarts de la valeur des parts, ce qui n’est pas rien.

Les arguments ont déjà été avancés à l’occasion de l’examen d’autres articles : il s’agit là de protéger la propriété, d’encourager la conservation de la propriété des entreprises intermédiaires notamment. On nous dit que cela a merveilleusement fonctionné. Soit. Dans ce cas, pourquoi élargir tout à coup cette exonération considérable à ceux qui acquerraient des parts, sans pour autant les obliger à respecter les mêmes conditions d’engagement à détenir ces titres pendant une durée minimale de six ans ? Pourquoi accorder cet avantage alors que la détention est extrêmement volatile ?

En plus, vous proposez de permettre aux actionnaires de céder les titres en franchise d’impôt, on ne sait pas pourquoi ni comment ni avec quelle garantie. Bref, tout va devenir déductible, au moins pour les trois-quarts, pour les détenteurs de parts dans les PME ou les entreprises intermédiaires.

Peut-être allez-vous nous dire quel est le volume de ce cadeau. Est-ce un petit ou un gros paquet cadeau ? Nous ne le savons pas. Il est évidemment hors de question que nous votions pour un tel article, à l’aveugle.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour défendre l’amendement n° 650.

M. Claude Bartolone. Mes chers collègues, je vous invite tous à consulter les pages des notaires et autres sites spécialisés sur l’optimisation fiscale pour voir exactement la manière dont ils traitent les pactes Dutreil.

Il est intéressant de constater que les pactes Dutreil sont généralement classés à la rubrique « Comment optimiser la succession de sa société ? ». On y indique que cette disposition est destinée à permettre à des associés ne remplissant pas les conditions pour bénéficier de l’exonération au titre des biens professionnels, d’être néanmoins exonérés à hauteur de leurs droits sociaux.

Voilà ce dont nous sommes en train d’améliorer « le rendement » : un outil créé pour faire un sacré cadeau fiscal dans le cadre de la transmission d’entreprises. Nous sommes en train d’en rajouter une couche.

Pour revenir à un sujet dont il a été question dans cet hémicycle hier : regardez comment sont parfois traités vos cadeaux fiscaux, vos prêts ou vos avantages. Comme Jean-Pierre Brard l’a dit hier, tous les élus de la Seine-Saint-Denis sont traumatisés par la situation de PSA à Aulnay. Voilà une entreprise à laquelle l’État a accordé pour trois milliards d’euros de prêts et qui, alors même que l’encre du chèque n’était pas encore sèche, a lancé dans la nature une note secrète envisageant la fermeture de ce site.

Mme Laure de La Raudière et M. Guy Geoffroy. Le Gouvernement s’en occupe !

M. Claude Bartolone. Comment s’en occupe-t-il ? En faisant une promesse de Gascon…

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Oh là !

M. Claude Bartolone. Sans vouloir être désagréable avec les Gascons, le Gouvernement dit en gros : laissez passer tranquillement l’élection présidentielle et nous verrons après.

Mme Laure de La Raudière. C’est un procès d’intention !

M. Claude Bartolone. Même la direction de PSA avance l’argument suivant : voyons d’abord quelle sera l’espérance de vie de la C3 et nous verrons ensuite quels investissements nous ferons et où nous les ferons.

Voilà le résultat de ce genre de politique industrielle à base de cadeaux et de prêts sans contrepartie : une baisse des recettes fiscales et pas de politique industrielle.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 651.

Mme Aurélie Filippetti. Le pacte Dutreil est effectivement l’une des niches fiscales les plus scandaleuses. C’est presqu’une incitation à l’optimisation fiscale. Nous devrions peut-être donner des cours d’optimisation fiscale dans les lycées – si tant est qu’il y ait des professeurs pour assurer ces cours – puisque cela devient le sport national, l’alpha et l’oméga des finances publiques pour la majorité actuelle.

C’est tout à fait le contraire d’une politique économique productive, destinée à l’économie réelle, favorisant la création d’entreprises. C’est au contraire favoriser ce capitalisme de rentiers, d’héritiers qui est la marque de fabrique du capitalisme français.

Je vous renvoie aux études de Thomas Philippon sur le capitalisme d’héritiers qu’il qualifie même de capitalisme de castes, qui est la marque du système fiscal en France.

Ce pacte Dutreil revient à favoriser encore une fois une petite caste. Cette consanguinité très propre à l’économie des entreprises françaises ne stimule absolument pas l’économie productive mais incite au contraire à l’optimisation fiscale.

Les handicaps au développement économique qui peuvent exister en France sont liés, non pas à la lourdeur administrative, à la pesanteur fiscale ou à une quelconque inadaptation du système universitaire, mais à ces mécanismes qui permettent à un capitalisme d’héritiers de se reproduire toujours plus.

Depuis tout à l’heure, j’ai l’impression que nous sommes revenus en 1830, à Guizot et à sa célèbre réponse à tous les problèmes de la France : « Enrichissez-vous ! »

M. Franck Gilard. Avec vous, c’est : appauvrissez-vous !

Mme Aurélie Filippetti. Eh bien, c’est le leitmotiv de cet après-midi.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n° 653.

Mme Sandrine Mazetier. Je défends également un amendement de suppression de l’article 5.

Je conseille à chacun de mes collègues de prendre connaissance, s’ils ne l’ont pas encore fait, de l’historique du régime des « Pactes Dutreil » établi par le rapporteur général Gilles Carrez. Ils découvriront comment, d’une bonne mesure prise pour protéger les PME, on a fait un produit d’optimisation fiscale sans équivalent, que l’on s’apprête encore à renforcer, si jamais l’article 5 était voté.

À la page 156 du rapport de Gilles Carrez, il est rappelé l’origine de la mesure, la loi de finances pour 2000, et les conditions de son application : il était prévu un engagement collectif de conservation, d’une durée minimale de huit ans, portant sur une fraction des droits financiers et des droits de vote – 25 % pour les sociétés cotées, 34 % pour les sociétés non cotées. De plus « l’un des associés de l’engagement collectif devait exercer dans la société, dans les cinq années suivant la date de la transmission par décès, son activité professionnelle principale. » Enfin, « les héritiers, donataires ou légataires, devaient prendre l’engagement de conserver les parts ou actions transmises pendant une durée de huit ans à compter de la date d’expiration de l’engagement collectif ».

Comme on le voit, l’objectif de la mesure était la protection de l’entreprise, sa conservation, sa viabilité et, d’une certaine manière, sa prospérité après le décès de tel ou tel de ses propriétaires.

La loi pour l’initiative économique de 2003, dite loi Dutreil, avait déjà complètement détourné cette mesure de ses objectifs initiaux.

M. le président. Veuillez conclure, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. Vous nous proposez aujourd’hui d’aller encore beaucoup plus loin et de faire de ce qui était une mesure de protection des entreprises, de leurs salariés et de l’économie française un produit d’optimisation fiscale qui pille les recettes de l’État.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour défendre l’amendement n° 659.

M. Victorin Lurel. C’est quand même une grosse affaire ! Or nous nous épuisons, depuis un moment, à demander à M. le ministre l’évaluation de cette mesure parce que, dans l’annexe du rapport de M. Gilles Carrez, il n’y a pas de chiffres.

Si l’on se réfère aux éléments figurant à la page 157 du rapport, en 2010, cette mesure a coûté, au bas mot, 627 millions d’euros : 157 millions d’exonération partielle de l’ISF, et 470 millions pour l’application de cette disposition aux droits de mutation à titre gratuit, pour un nombre de bénéficiaires de l’ordre de 2 000 à 2 500 par an. Ce n’est pas rien. On aimerait avoir un chiffre actualisé. On ne peut avoir proposé une telle mesure sans en avoir évalué l’impact sur les finances publiques.

M. Besson, qui fait partie aujourd’hui de votre gouvernement, faisait remarquer, lors de la discussion de la loi Dutreil : « S’ajoutant à de multiples exonérations fiscales, la réduction de l’ISF fait de la création d’entreprise une affaire de fortune alors que l’objectif que nous aurions dû tous nous donner aurait dû être de démocratiser l’entreprenariat, c’est-à-dire de faciliter l’accès de tous à la création d’entreprises. Vous voulez, en procédant par paliers, supprimer l’ISF mais vous n’osez pas le dire. Toutes vos mesures sont d’abord pour les rentiers. »

Je soumets ces propos à votre sagacité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai rarement entendu autant d’énormités en si peu de temps. Elles témoignent d’une ignorance totale…

M. Pascal Clément. Une ignorance crasse !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …de l’économie et du monde de l’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je le dis d’autant plus gentiment que je suis moi-même fonctionnaire d’origine. Ce qui manque à la plupart de nos collègues, c’est de n’avoir jamais mis les pieds dans une entreprise.

M. Jean-Pierre Door. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vais sortir de ce verbiage général pour vous parler de façon concrète de ce qui se passe dans une entreprise familiale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’avez cessé de nous faire la leçon. Acceptez d’écouter une histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Une entreprise est créée en 1950. Elle part de rien et se développe jusqu’à employer aujourd’hui plusieurs centaines de salariés. Cinquante ans après sa création, c’est un membre de la troisième génération qui est à sa tête. Le créateur de l’entreprise a eu trois enfants, lesquels ont eu, eux-mêmes, trois ou quatre enfants. Il y a donc une quinzaine de descendants de la troisième génération.

Certains d’entre eux sont, comme M. Eckert ou Mme Filippetti, des enseignants ou, comme M. Brard l’a été, professeurs des écoles.

M. Jean-Pierre Brard. J’ai été instituteur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils ont choisi un très beau métier, celui d’enseignant, mais ils ont 3 ou 4 % de l’entreprise.

Votre frère, monsieur Eckert – si vous me permettez de vous inclure dans mon histoire – lui, est resté dans l’entreprise, dont il est le président du directoire ou le directeur général. Les parts qu’il possède dans l’entreprise sont considérées comme biens professionnels et ne sont donc pas soumises à l’ISF. Très désireux de développer l’entreprise, il viendra vous tenir le raisonnement suivant, monsieur Eckert : « Certes, je te comprends. Enseignant certifié dans un collège,…

M. Christian Eckert. Agrégé, monsieur le rapporteur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …tu ne gagnes que 2 000 euros.

M. Jean-Pierre Brard. Ça, c’est un salaire de fin de carrière !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. « Il t’est donc difficile de payer l’ISF.

M. Yves Censi. Malgré l’application de mesures catégorielles !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. « Donc, tu me demandes, pour pouvoir payer l’ISF avec ton salaire d’enseignant dans un collège,…

M. Christian Eckert. Un salaire de misère !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …de te payer des dividendes. Mais, si mon père et mon grand-père ont réussi à développer l’entreprise, c’est parce que tous les bénéfices ont, chaque année, été réinvestis dans celle-ci. Elle s’est développée et a gagné des marchés à l’étranger parce qu’elle a réussi à acheter la dernière machine outil et, ainsi, à être plus performante. En investissant tous les bénéfices, elle a évité la délocalisation en Chine.

M. Christian Eckert. C’est une veritable success story ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. « Je te demande donc, mon frère, de comprendre et d’accepter qu’on ne verse pas beaucoup de dividendes. D’ailleurs, je compte faire une démarche auprès du ministre de l’économie et des finances pour lui expliquer qu’il faut absolument diminuer cet ISF. Je devrais recevoir un accueil favorable puisque, en 2000, le problème des successions a déjà été évoqué. »

Souvenez-vous ! Le chef d’entreprise d’UPSA, magnifique laboratoire à Agen, décède brutalement. La veuve, éplorée, ne peut pas payer les droits de succession. Résultat : UPSA est racheté par un laboratoire américain !

Je pourrai citer des dizaines de laboratoires pharmaceutiques, des dizaines d’entreprises dans l’alimentaire – fabrication de biscuits, de sirop –, des dizaines d’entreprises de bijouterie ou autres qui ont connu le même sort.

Nous avons perdu des dizaines de milliers d’emplois parce que nous n’avons pas été capables d’adapter la fiscalité de la transmission et du développement de nos entreprises aux réalités économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. Absolument !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nos collègues de gauche et nous aussi avons vécu sous l’empire d’une non-culture économique.

J’en parlais, il y a quelques instants, avec Pascal Clément. Quand on vous apprend, dès l’école primaire, la lutte des classes et l’opposition entre capital et travail, on a une vision tronquée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais, petit à petit, nous nous sommes, quant à nous, affranchis de cette culture. Petit à petit, nous avons pris un peu de hauteur et de distance.

M. Pierre-Alain Muet. Un peu de sérieux !

M. Christian Eckert. Cela va bientôt être de la faute des enseignants !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela s’est fait de la façon la plus humble. En fait, cela a été un acte d’humilité. En 2003, avec l’aide de notre collègue Hervé Novelli et l’approbation explicite de notre ancien collègue Didier Migaud, qui avait eu un mal fou à faire passer dans son groupe l’idée d’engagement de conservation au titre des successions, j’ai, très modestement, proposé d’étendre la mesure à l’ISF.

Voir des entreprises être vendues parce que le conseil de famille ne peut plus payer l’ISF est, en effet, dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Mais à quel prix !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous savez comment ça se passe, monsieur Eckert, vous qui avez un esprit rationnel.

M. Christian Eckert. Nous allons sortir nos mouchoirs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Qu’est devenue l’entreprise de biscuits à laquelle j’ai fait allusion et dont je ne peux pas donner le nom ici ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas du gâteau !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Elle a été vendue à un groupe international, qui a transféré, dès la première année, le centre de recherche aux Pays-Bas puis, trois ans après, la direction commerciale et, maintenant, l’unité de fabrication qui se trouvait dans l’Ouest.

Mme Laure de La Raudière. Eh oui !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il faut savoir – et c’est tout à notre honneur de le faire – sortir de l’idéologie, des idées reçues et de ce qu’on peut avoir appris parfois un bêtement à l’école.

M. Christian Eckert. Eh bien, merci ! On ne raconte que des âneries à l’école ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mes chers collègues socialistes, vous devriez d’ailleurs revendiquer et assumer les pactes qu’on appelle Dutreil, parce que le top départ a été donné en 2000, et c’était une très bonne chose.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’était pas le top départ du pillage !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La différence entre vous et nous, c’est que, quand vous faites de bonnes choses, nous sommes prêts à le dire. Mais, quand c’est nous qui faisons des propositions, même excellentes, vous n’avez pas le courage de le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission. En 1997, nous étions d’accord !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je prends ici un pari : quoi qu’il arrive en 2012, s’il y a un pan de notre fiscalité sur l’entreprise dont je suis certain qu’il restera stable, c’est celui-là. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Comment ne pas être touché par la grâce de la parabole familiale développée avec ferveur et espérance par le rapporteur général ? Je veux lui rendre hommage et lui dire combien nous avons apprécié à sa juste valeur cet engagement, que nous partageons pleinement.

C’est vrai qu’il y a quelque chose d’assez étonnant…

M. Richard Dell'Agnola. Et de pathétique !

M. François Baroin, ministre. ...dans le maniement du paradoxe par les socialistes sur cette problématique : d’un côté, ils affirment vouloir développer l’économie et créer des emplois et, de l’autre, par les amendements de suppression des dispositions des pactes Dutreil, ils tendent à favoriser le rachat par des fonds anonymes et lointains, dans une économie mondialisée, de richesses produites en France sur plusieurs générations, qu’ils dilapideront peut-être par la suite.

Devant cette contradiction, je ne vois pas comment les députés du groupe socialiste peuvent avoir un programme économique au sens large et demander la suppression des dispositifs dérogatoires au droit commun qui permettent à nos entreprises familiales de rester dans le giron patrimonial. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le rapporteur général vien de faire un grand numéro. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai entendu des paroles inacceptables.

M. Pascal Clément. Ce sont vos amendements qui sont inacceptables !

M. Pierre-Alain Muet. On nous dit qu’on ne connaît pas l’économie.

M. Christian Eckert. Parce qu’on a appris la lutte des classes à l’école !

M. Pierre-Alain Muet. Or j’ai l’habitude, lorsqu’est proposée une incitation fiscale ou une mesure économique, d’en demander l’évaluation. Je l’ai fait pendant vingt-cinq ans à la tête d’un institut de conjoncture, ainsi que dans d’autres institutions, y compris à Bercy.

On peut toujours tenir des discours, comme vient de le faire le rapporteur général, mais ce qui compte c’est de mesurer l’efficacité des mesures qu’on propose.

Avant de décider, nous devons connaître l’impact qu’elles auront. C’est un travail que savent faire les instituts économiques. Nous en avons de brillants en France. Vous en avez autour de vous, monsieur le ministre. Et on trouve les meilleurs spécialistes de ce sujet à Bercy.

Donnez-nous des évaluations sérieuses et nous pourrons discuter des mesures que vous proposez. La plupart de vos propositions ne sont jamais chiffrées. On ne connaît jamais leur impact économique.

Par ailleurs, vous n’avez pas de leçon de politique économique à nous donner.

Vous avez tout le temps le mot de compétitivité à la bouche.

M. Pascal Clément. Et vous, celui d’impôt !

M. Pierre-Alain Muet. Or que se passe-t-il depuis 2003 ? Chaque année, la France accumule 10 milliards de déficit extérieur de plus.

Ça a commencé en 2003. En 2004, le creusement du déficit s’est situé entre 5 et 10 milliards.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muet !

M. Pierre-Alain Muet. Je demande le droit de disposer d’un peu de temps, comme le rapporteur général. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Ce n’est pas ainsi qu’on procède !

M. Pierre-Alain Muet. Permettez que j’explique.

Où en sommes-nous en termes de compétitivité ? La France accuse un déficit de 50 milliards.

Où en sommes-nous en termes de croissance ?

M. le président. Je vous demande de conclure, monsieur Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Non, je terminerai mon propos, monsieur le président.

M. le président. Ce n’est pas à vous de décider, monsieur Muet !

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, vous pouvez laisser un débat s’instaurer en réponse à l’intervention du rapporteur général.

M. le président. Mais vous êtes six ou sept à avoir demandé la parole.

Vous avez épuisé les deux minutes dont vous disposiez.

M. Pierre-Alain Muet. Si vous me permettez de conclure, je donnerai quelques chiffres.

M. le président. Allez-y, je vous donne quelques secondes supplémentaires.

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez, depuis 2002, une croissance qui est inférieure d’un demi-point à la croissance européenne et un déficit extérieur comme la France n’en a jamais connu. Je rappelle que, pendant les cinq années qui précédaient, au cours desquelles nous étions au pouvoir,…

M. le président. Merci, monsieur Muet.

M. Pierre-Alain Muet. …notre croissance était supérieure d’un demi-point à la croissance européenne, atteignant le taux de 3,2 %, et l’on avait vingt à trente milliards d’euros d’excédent extérieur. C’est la politique macroéconomique qui fait la différence, et, là, je crois qu’on peut juger…

M. le président. Monsieur Muet, je suis obligé de vous interrompre.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, pour ceux de nos collègues qui voulaient faire la sieste, c’est mal parti, à cause du niveau sonore qui augmente. (Sourires.) La faute à qui, tout cela ? La faute au rapporteur général qui a pris des accents de tribun que nous ne lui connaissions pas.

Je ne vois plus M. Geoffroy mais il a dit tout à l’heure quelque chose d’inexact à propos de PSA : il a dit que le Gouvernement s’en occupait. Certes, jusque-là, c’est vrai, mais pourquoi le Gouvernement s’en occupe-t-il ? Il s’agit simplement pour lui de donner une consigne : surtout, vous n’en parlez pas avant le mois de juin 2012. Ensuite, on mettre la tête des ouvriers sur le billot…

Je reviens au sujet.

J’ai entendu des choses invraisemblables, monsieur le rapporteur général. Vous citiez une entreprise de biscuits, une entreprise qui ramasse d’ailleurs la galette, si j’ose dire. Pour ma part, je peux vous en citer une autre, que vous connaissez puisque nous l’avons visitée ensemble : une très belle entreprise de fauteuils, qui est à Montreuil et que nous avons toujours aidée, car il n’y a pas besoin d’avantages fiscaux pour faire tourner une entreprise. Il faut une volonté des dirigeants d’entreprise, et non pas seulement toujours l’appât du gain, l’âpreté au gain. Quand j’entends le rapporteur général ou le ministre dire que l’on favorise l’expatriation des entreprises…

M. Yves Censi. Vous n’avez pas la tête d’un capitaine d’industrie !

M. Jean-Pierre Brard. Comparez donc avec les Mittelstandsbetriebe d’Allemagne. Elles ne s’expatrient pas, elles, car il y a une grande différence entre elles et les nôtres : la fibre patriotique. Cela change pas mal de choses, il n’y a pas que des questions de fiscalité.

Enfin, monsieur le président, avant que vous ne me rappeliez à l’ordre, qu’ai-je entendu ? Des choses invraisemblables ! On apprendrait la lutte des classes à l’école. Vous auriez dû dire, monsieur le rapporteur général : à l’école… du parti ! On ne l’apprend pas à l’école de la République.

J’ai entendu une autre chose : à l’école, on apprenait – horreur ! – le partage. Savez-vous, où j’ai appris le partage ?

M. Yves Censi. Au petit séminaire !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur général, vous allez tout de suite reconnaître le lieu : j’ai appris le partage à l’église de Nogent, où j’allais au cours de catéchisme.

M. Pascal Clément. C’est pour ça que le fond est bon, chez Brard !

M. Jean-Pierre Brard. Vous reniez même vos origines ! Vous vouez ainsi les meilleures idées de l’Église catholique aux gémonies.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti.

Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le rapporteur général, j’ai vraiment beaucoup de respect pour vous. C’est donc avec beaucoup de tristesse que je vous ai entendu rappeler les origines professionnelles de Jean-Pierre Brard, de Christian Eckert et de moi-même, comme si le fait d’être enseignant ou de l’avoir été à un moment de sa vie était insultant. Cela ne me semble en tout cas pas encore un métier honteux ; c’est un beau métier.

Si j’ai appris la lutte des classes, monsieur le rapporteur général, ce ne sont pas les enseignants qui me l’ont fait découvrir. Je l’ai tout simplement apprise – pardonnez-moi cette parenthèse personnelle – là où j’ai grandi : en Lorraine, en Moselle, dans les cités ouvrières et les cités minières,…

M. Pascal Clément. On va pleurer !

Mme Aurélie Filippetti. …où le paternalisme familial a fait beaucoup de dégâts sur des générations d’ouvriers qui – oui, c’est vrai – ont été exploitées, spoliées, opprimées. C’est là que l’on apprend la lutte des classes, et c’est grâce à l’école et à l’enseignement que l’on se dit ensuite que la société ne se résume pas à un combat entre le bien et le mal et que les choses sont un peu plus complexes que cela.

Cela dit, puisque vous nous racontez une histoire et que je suis, moi, sûre de votre honnêteté, que pensez-vous, monsieur le rapporteur général, du paternalisme familial, par exemple dans l’affaire Wendel, pour continuer de parler de la Lorraine ? Ce sont des dirigeants d’une entreprise familiale qui ont spolié d’autres actionnaires de la famille et d’autres héritiers, en utilisant des mécanismes, notamment ceux du pacte Dutreil, pour réaliser des plus-values, obtenir des exonérations et faire de l’optimisation fiscale.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je vais éviter de redire ce qui a été bien dit par mes collègues mais, quand même, faire porter sur les enseignants la responsabilité de l’absence de culture industrielle dans notre pays, c’est un petit peu gros.

Je ferai trois réflexions.

Premièrement, le chiffrage de ces mesures – je le maintiens – n’est pas disponible. C’est quand même, quelque part, gênant.

M. Pascal Clément. Non seulement nos collègues sont incompétents mais, en plus, ils sont de mauvaise foi !

M. Christian Eckert. Deuxièmement, votre bouclier, avant votre nouvel ISF allégé, tout cela, c’est en vigueur depuis plusieurs années. Quels en sont les résultats en termes de retours d’exilés fiscaux ? Donnez-nous donc le nombre d’évadés fiscaux qui sont revenus ! J’ai eu l’occasion de le dire : tout ce qui nous a été indiqué en commission des finances montre que le nombre de départs et d’entrées n’a pas varié sensiblement sur les dix dernières années, avant ou après le bouclier fiscal majoré, avant ou après la loi TEPA.

Troisièmement, et c’est le plus important, avec votre nouvel ISF allégé, light, le taux marginal est réduit : il passe de 1,8 % à 0,5 %. Il faut donc des contreparties. On ne peut pas à la fois réduire l’assiette et baisser le taux ; on vous l’a déjà dit et on vous le redira, tout le week-end s’il le faut ! Vous prévoyez en même temps une réduction de l’assiette – les mesures Dutreil – et un abaissement du taux ! Si vous réduisez le taux, il faut élargir l’assiette. Or vous ne le faites pas.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Votre intervention, monsieur le rapporteur général, était tout à fait intéressante, car elle montrait bien la différence qu’il peut y avoir entre la manière dont la droite souhaite sortir des difficultés économiques et la nôtre.

D’une certaine façon, votre coup de colère m’a rappelé énormément de coups de colère que j’ai eu l’occasion d’entendre au cours de ma carrière de parlementaire, chaque fois que la droite était majoritaire et qu’elle expliquait qu’il fallait rogner un avantage social ou accorder un avantage fiscal pour essayer de développer l’économie. Je vous assure que je n’ai même pas besoin de m’énerver pour vous dire qu’on entendait déjà cela avec Thatcher, Bush et l’école de Chicago. C’est vieux comme le capitalisme financier !

M. Pascal Clément. Vous, c’est très neuf ! Neuf comme Marx !

M. Claude Bartolone. La région Île-de-France – vous êtes bien placé pour le savoir, monsieur le rapporteur général – est, notamment en Seine-Saint-Denis, un lieu d’implantation pour un certain nombre d’entreprises. Or, malgré le nombre élevé de PME dans ce département, je n’ai jamais vu de chefs d’entreprise se précipiter à la rencontre des élus locaux pour parler de défiscalisation des successions. On nous parle en revanche de plus en plus de formation professionnelle, car ces chefs d’entreprise ont pris conscience du nombre des départs en retraite à venir au cours des prochaines années et de l’effort à consentier pour la formation des salariés de demain. On nous parle de plus en plus de construction de logements sociaux, on nous parle de plus en plus de transports, on nous parle de plus en plus de besoins de services publics. Une entreprise doit pouvoir arriver sur un territoire et y trouver des salariés pour produire dans les meilleures conditions possibles.

Je vous invite, monsieur le rapporteur général, à rencontrer, quand vous voulez, les représentants des PME de mon département.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Bartolone !

M. Claude Bartolone. À la limite, ils nous demandent beaucoup plus de services publics. Ils protestent même contre la suppression de la taxe professionnelle, compte tenu de la situation que cela crée pour les collectivités locales. En tout cas, ils ne nous demandent pas une ration supplémentaire de réductions fiscales.

M. Yves Censi. Vous ne craignez pas le ridicule, vous !

M. le président. La parole est à M. Richard Dell'Agnola.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai demandé la parole, monsieur le président !

M. le président. Non, j’ai déjà donné la parole à suffisamment d’intervenants !

Mme Sandrine Mazetier. Quels sont les critères pour avoir la parole, monsieur le président ?

M. Richard Dell'Agnola. Je veux venir à l’appui de la démonstration – il ne s’agissait pas d’une réaction de colère – que vient de faire Gilles Carrez.

Nous sommes issus du même département, où nous nous sommes battus pendant vingt-cinq ans pour y faire admettre l’idée d’essor économique et qui est toujours dirigé par les anciens amis de M. Brard. C’est donc à un problème de culture que nous sommes confrontés : il s’agit d’élus qui n’ont pas la culture de l’entreprise, voire qui s’en méfient, et nous connaissons des exemples qui montrent les difficultés rencontrées pour aménager ce département. Nous avons eu tous les conflits sociaux imaginables – SKF et ses boulons –, des friches industrielles pas développées, etc.

Bref, la vision du développement économique était complètement passéiste et « archéo », à tel point qu’il y avait dans ce département des atouts et des chances qui n’étaient pas saisis. Il a ainsi fallu vingt-cinq ans pour qu’un observatoire économique soit mis en place, alors qu’il en existait un depuis bien longtemps en Seine-Saint-Denis, département pourtant tenu par des gens qui partageaient la même idéologie. Je ne parle pas, bien entendu, du matraquage fiscal et de la taxe professionnelle qui asphyxiaient les entreprises et les poussaient à partir. Bref, conflits sociaux attisés, non-développement des friches industrielles, absence de vision économique, méfiance vis-à-vis des acteurs économiques, fiscalité confiscatoire : voilà ce que Gilles Carrez et moi déplorions car d’aucuns voulaient vitrifier le département pour empêcher un développement et des mutations auxquelles on pouvait s’attendre, pour empêcher qu’il ne leur échappe.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Richard Dell'Agnola. Le gel du foncier, le gel des terrains empêchent donc le développement économique. Nous sommes dans cette configuration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le débat est un peu passionné mais la matière s’y prête, et nous en avons un peu l’habitude.

Je suggère pour ma part que nous nous rappelions que l’industrie représente 12 % de la valeur ajoutée produite aujourd’hui dans notre pays. Je vous suggère aussi de vous rappeler ce qu’elle était au moment de l’instauration du pacte Dutreil, en 2004, et en 2002, en 1997, en 1995. On peut même remonter plus loin. Regardez ce qu’elle était à la date de chacune des alternances politiques que notre pays a connu.

Cette désindustrialisation est continue, constante, elle n’a pas vraiment connu d’accélération selon que les uns ou que les autres étaient au pouvoir et, aujourd’hui, rien ne semble pouvoir ou devoir l’arrêter, ce dont nous pouvons tous nous lamenter. Si nous la déplorons tous, peut-être faut-il admettre que, de ce côté-ci de notre hémicycle, nos collègues ne sont pas illégitimes à parler de l’entreprise et que, de ce côté-là, les votes ne furent peut-être pas irréprochables au point de permettre de l’éviter. Peut-être donc pourrait-on ne pas juger certains illégitimes, peut-être pourrait-on ne pas juger toutes les mesures prises injustes ou scandaleuses ; la vérité me semble plus complexe et, au regard de ce qu’a été la désindustrialisation de notre pays depuis maintenant vingt ou vingt-cinq ans, j’appelle tous à un peu de modestie.

Il a été décidé, tous gouvernements confondus, au gré des alternances, que notre pays se dirigerait vers une économie de services, alors que les économies de services ne peuvent compenser la valeur ajoutée perdue et qu’elles n’ont de chance de prospérer qu’à la condition, précisément, du maintien d’une activité industrielle minimale.

Voyons ce qui se fait en Allemagne, pays dont on sait que l’industrie y représente 25 % de la valeur ajoutée produite. La Cour des comptes a mené une étude comparative sur la France et l’Allemagne et rendu un rapport dont les conclusions sont connues de tous. Contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains ou prétendu par d’autres, il n’est pas vrai, mes chers collègues, que le coût du travail ou la fiscalité ont une importance déterminante pour expliquer la différence constatée entre la production de richesses en Allemagne et la production de richesses en France. En revanche, le rapport est absolument catégorique sur le fait que nous avons un clair déficit de compétitivité en termes de recherche, d’innovation et d’investissement. Au moins pouvons-nous tomber d’accord sur ce point.

C’est alors au regard de ce constat qu’il nous faut nous interroger sur la pertinence de notre droit fiscal existant et des dispositions proposées à l’occasion de l’examen des lois de finances. Certains estiment que personne ne touchera à ce dispositif fiscal appelé pacte Dutreil. J’ignore pour ma part ce que sera l’avenir et ce que la nécessité commandera.

En revanche, si le pacte Dutreil peut être perçu comme parfaitement légitime pour de petites ou moyennes entreprises en voie de devenir des entreprises de taille intermédiaire, il bénéficie incontestablement à des sociétés qui ne sont que des sociétés de gestion patrimoniale.

M. Pascal Clément. Je suis d’accord.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Le rapporteur général et moi-même pourrions citer au moins deux exemples importants.

Si le pacte Dutreil peut être nécessaire pour maintenir un tissu de PME dans les départements, rien ne justifie les avantages fiscaux considérables accordés à des sociétés patrimoniales…

M. Pascal Clément. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …et dont bénéficient des ayants droit qui non seulement ne travaillent pas, mais de surcroît n’ont jamais travaillé de leur vie.

M. Christian Eckert. Des noms !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Peut-être pourrions-nous nous accorder sur ce sujet et nous donner rendez-vous à l’occasion de la prochaine loi de finances : le pacte Dutreil serait ainsi légitimé de façon incontestable, des deux côtés de l’hémicycle, afin que ne puissent plus en bénéficier ces entreprises patrimoniales qui, à mes yeux, en profitent indûment, avec des mécanismes d’optimisation fiscale qui ne produisent en rien de la richesse collective et certainement pas des emplois.

Mme Sandrine Mazetier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Mon rappel se fonde sur l’article 58-1 du règlement.

Monsieur le président, je ne comprends pas pourquoi vous avez refusé de me donner la parole pour répondre à Gilles Carrez, qui m’avait personnellement interpellée. Vous êtes libre de présider la séance comme vous l’entendez, mais je voudrais comprendre pourquoi, alors que ma parole vaut celle d’autres parlementaires, vous avez refusé de me la donner.

J’aurais eu l’occasion de dire à Gilles Carrez que, s’il connaît le curriculum vitæ de certains de nos collègues, il ne peut connaître celui de tous, et que, s’il s’intéresse vraiment à la réalité des entreprises industrielles de notre pays, il sera d’accord avec ce qu’il a lui-même écrit dans son rapport et répété en commission : il avait qualifié d’excellent le dispositif Migaud-Gattaz. Yvon Gattaz…

M. Franck Gilard. Un fondateur !

Mme Sandrine Mazetier. …ancien patron du CNPF, était lui-même à la tête d’une entreprise familiale visée par ce dispositif. Excellent à l’époque où il a été instauré, ce dispositif a comblé une faille de notre système et a permis de régler nombre de difficultés dans notre tissu industriel. Mais, comme l’a rappelé Jérôme Cahuzac, le pacte Dutreil ne vise pas seulement ce type d’entreprise…

M. le président. Il faut conclure, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. …et les nombreux assouplissements que Gilles Carrez a rappelés dans son rapport ont totalement détourné le dispositif de son but initial. Aujourd’hui, ceux qui en bénéficient ne sont pas les entreprises du type Radiall qui, je rassure ceux de mes collègues qui pourraient en douter, se porte toujours très bien.

M. le président. Madame Mazetier, vous conviendrez que ce n’était pas un rappel au règlement. Je vais donc rappeler ce qu’est le règlement de notre assemblée. Sur les amendements, je pouvais ne donner la parole qu’à une personne. Or je l’ai donnée à six intervenants. Par ailleurs, j’ai annoncé le scrutin public il y a quarante-cinq minutes. Aussi, madame Mazetier, je vous demanderai, ainsi qu’au rapporteur général et au président de la commission, de respecter à peu près votre temps de parole.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis d’accord.

M. le président. L’habitude est de laisser parler les intervenants. Mais il nous reste plus de 1 000 amendements à examiner. Si vous voulez que nous avancions un peu, nous pouvons le faire démocratiquement. Je vais simplement faire davantage respecter le règlement. (« Vous avez raison ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Clément. Notre président préside très bien !

Article 5 (suite)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 405, 644, 645, 650, 651, 653 et 659.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 60

Nombre de suffrages exprimés 60

Majorité absolue 31

(Les amendements nos 405, 644, 645, 650, 651, 653 et 659 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de un quart d’heure pour réunir mon groupe.

M. le président. Je vous accorde cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 1388.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n° 1388, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de précision, n° 1389, présenté par la commission.

(L’amendement n° 1389, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. Après l’article 5, je suis saisi d’un amendement n° 1299.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement porte sur la notion, que nous avons déjà évoquée ici, de patrimoine actif et de patrimoine dormant. Les bénéfices distribués et les bénéfices réinvestis doivent être clairement distingués. Cet amendement propose donc de réserver l’exonération de trois ans, puis l’abattement de 50 % pour les deux ans qui suivent, s’appliquant aux entreprises participant aux pôles de compétitivité, aux seuls bénéfices réinvestis dans l’entreprise et non à ceux distribués dans l’entreprise. Je pense que nous pourrions tous nous accorder sur cet amendement.

(L’amendement n° 1299, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 865, 866, 871, 872, 874 et 880.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 865.

M. Pierre-Alain Muet. Une réforme fiscale digne de ce nom ne peut que poser le principe selon lequel tous les revenus doivent être soumis au barème de l’impôt sur le revenu. Il n’y a aucune raison qu’une partie des revenus, notamment ceux du capital, y échappe. C’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le taux de prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu. Une véritable réforme de l’imposition sur les revenus ferait jouer tout son rôle au barème. La fiscalité, qui doit être la plus simple, la plus neutre et la plus juste possible, doit être séparée d’autres politiques, telles que la politique industrielle. Nous avons discuté, avant la suspension de séance, de la nécessité de conforter la compétitivité des entreprises. La meilleure façon d’y parvenir, c’est d’avoir une fiscalité simple et lisible. Cela nous permettra de mener, parallèlement, à travers les pôles de compétitivité des régions et les clusters, de véritables politiques industrielles.

Nous avons comparé la France et l’Allemagne. Si l’Allemagne connaît aujourd’hui un excédent commercial de 150 milliards d’euros, alors que notre pays enregistre un déficit de 50 milliards, c’est parce que l’Allemagne a maintenu son industrialisation, son tissu industriel. Depuis l’origine, il existe dans les länder des clusters, des pôles de compétitivité, aux seins desquels les PME peuvent grandir.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muet !

M. Jérôme Chartier. C’est le « pacte Dutreil » !

M. Pierre-Alain Muet. Non, cela n’a rien à voir avec le « pacte Dutreil » et avec les dispositifs fiscaux. L’étude menée montre que c’est cette politique industrielle qui fait la différence.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas vrai !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 866.

M. Christian Eckert. Pierre-Alain Muet vient de le souligner, le taux d’imposition des dividendes et des actions peut être acquitté forfaitairement au taux de 19 % depuis le 1er janvier 2011. Or seul un contribuable sur dix paie un impôt dont le taux moyen sur l’ensemble des revenus dépasse 10 %. Il est même paradoxal de constater que, parfois par ignorance, parce qu’ils ont le sentiment que leur taux d’imposition correspond à la tranche marginale, certains contribuables qui ont de petits portefeuilles, en dehors d’un PEA, optent pour le prélèvement libératoire à 19 % alors qu’il leur est défavorable. Mais il est vrai que les feuilles d’imposition précisent le taux moyen d’imposition de l’ensemble des revenus.

Dans un esprit de justice et d’équilibre, que personne ne pourra contester, nous proposons de supprimer cette possibilité qui ne bénéficie finalement qu’à ceux dont le taux moyen d’imposition est supérieur à 19 %, donc ceux qui perçoivent des revenus extrêmement importants.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour défendre l’amendement n° 871.

M. Claude Bartolone. Ce prélèvement libératoire est intéressant lorsque le taux moyen d’imposition est supérieur à 19,14 %. À la lecture des chiffres qui sont donnés par les différents sites de conseils en matière d’impôt, on voit bien quels sont les assujettis à l’IRPP qui sont visés, et nous ne pensons pas que, dans la situation d’endettement et de déficit que connaît notre pays, ce soit à eux qu’il faille faire des cadeaux. Cet exemple traduit bien l’écart entre les propos que l’on a entendus, il y a quelques jours, sur les bénéficiaires du RSA et ce que l’on réserve à ceux qui relèvent de l’IRPP, et qui sont visés dans cet amendement. Votre logique consiste à distribuer cadeaux sur cadeaux à ceux qui ont des moyens : ce n’est pas ainsi que l’on aidera notre pays à sortir de la crise. Nous mesurons combien votre approche diffère de celle de la gauche pour ce qui est des cadeaux, d’un côté, et du pouvoir d’achat, de l’autre.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 872.

Mme Aurélie Filippetti. Le prélèvement forfaitaire libératoire avantage les familles les plus aisées et celles qui peuvent avoir recours à des conseils avisés pour l’utiliser de manière rationnelle. En affirmant cela, je ne fais que répéter ce que précisait le Conseil des prélèvements obligatoires en mai 2009 dans son rapport sur les ménages. Nous souhaitons, pour notre part, que la fiscalité du capital et celle du travail soient traitées de façon identique et que le travail ne soit pas pénalisé par rapport au capital. D’ailleurs, d’après le Conseil des prélèvements obligatoires, le coût budgétaire n’est pas négligeable, puisqu’il s’élève à 548 millions d’euros. L’administration fiscale estime que 8 % des ménages des tranches marginales supérieures d’imposition peuvent ainsi réduire leurs revenus et descendre dans la tranche inférieure.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 874.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais appeler l’attention de notre assemblée sur un autre aspect de cet amendement qui propose – et je pense que tout le monde en sera d’accord – de soumettre à un taux retenu à la source de 25 %, contre 19 % actuellement, les dividendes distribués à des personnes non résidentes fiscalement. Une réflexion a été engagée sur l’exit tax, à savoir l’imposition des non-résidents fiscaux, afin d’en faire bénéficier l’État français. Cette première mesure serait indolore pour les contribuables domiciliés fiscalement en France et, en revanche, un peu plus douloureuse pour ceux qui ne sont pas imposés dans notre pays. De plus, cette progression est légère, puisque nous proposons de passer le taux retenu à la source de 19 % à 25 %. Je ne vois rien, dans cette proposition, qui ne soit pas acceptable par l’ensemble de ceux qui se trouvent ici, un vendredi après-midi, pour veiller à ce que notre pays se porte mieux. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas avec ce projet de loi de finances rectificative. Nous essayons de l’amender dans le bon sens. Accompagnez-nous dans cette voie !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour défendre l’amendement n° 880.

M. Victorin Lurel. Vous nous reprochez d’être archaïques, de ne pas avoir une culture d’entreprise et de proposer des mesures défavorables à la compétitivité de l’entreprise France. Mais, quand je vois l’ensemble des mesures que nous vous proposons, j’ai le sentiment que nous sommes beaucoup plus justes que vous. Nous travaillons au redressement des finances publiques. Si l’on fait la somme des niches et des fenêtres que vous venez d’ouvrir, ce sont des millions qui partent.

M. Christian Eckert. Des milliards !

M. Victorin Lurel. Vous tentez d’arbitrer entre vos électeurs et une catégorie sociale privilégiée. Vous voulez favoriser ce que vous prétendez être une culture d’entreprise et assurer les élections. Vous ouvrez alors des niches, des portes, des fenêtres, des boulevards ! J’avoue que cela me surprend quelque peu ! Vous nous faites un faux procès et vous le savez. Nous vous demandons seulement d’être justes…

M. Jean-Pierre Brard. Il est impossible qu’ils le soient !

M. Victorin Lurel. …et de faire porter l’effort de redressement sur toutes les catégories de Français !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. La commission a rejeté ces amendements.

Je ne fais pas la même lecture que Mme Filippetti du rapport sur le patrimoine des ménages présenté en 2009 par le Conseil des prélèvements obligatoires. En effet, il y est indiqué que le prélèvement forfaitaire libératoire se généralise en Europe, qu’il convient d’en tenir compte et que, par ailleurs, l’épargne étant très mobile, dès lors qu’il y a cette généralisation avec un taux d’une lecture immédiate, il faut faire très attention au risque de délocalisation de l’épargne.

D’autre part, il est vrai que, dans le domaine fiscal, et essentiellement à travers le PFL, les taux d’imposition des revenus financiers sont inférieurs à ceux des revenus du travail. Mais ce n’est pas vrai en matière de prélèvements sociaux, puisqu’il y a un écart de quatre points, le travail étant assujetti à 8 % et les revenus financiers aux alentours de 12 %.

Il est curieux de constater que le PFL se généralise, alors que les États-Unis et le Royaume-Uni, même s’il est en Europe, ont opté pour le barème. Cette question est ouverte et nous serons obligés d’y réfléchir en faisant probablement très attention à ce qui se passe en Europe. Nous ne pouvons toutefois pas la régler dans le cadre de l’examen de cet amendement. Donc avis défavorable.

M. le président. Le vote sur les amendements nos 865, 866, 871, 872, 874 et 880 fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. J’aimerais répondre au rapporteur général qui a reconnu que la question du prélèvement obligatoire ou du barème se posait. Il est vrai que la plupart des pays européens ont opté pour le prélèvement libératoire. Mais reconnaissons que, depuis une vingtaine d’années, tous les pays ont abaissé la fiscalité sur les revenus du capital. Aujourd’hui, après la crise que nous venons de traverser, nous devons faire le mouvement inverse en rétablissant, comme cela se fait dans certains pays anglo-saxons, le barème de l’impôt sur le revenu et en échangeant des informations à l’échelle européenne.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques n°s 865, 866, 871, 872, 874 et 880.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(Les amendements identiques, n°s 865, 866, 871, 872, 874 et 880, ne sont pas adoptés.)

M. Christian Eckert. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 58, alinéa 1, du règlement, relatif au déroulement de nos travaux.

Le règlement prévoit que, entre le moment où le scrutin public est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée et le moment du vote, il doit s’écouler cinq minutes. Or il y a eu exactement deux minutes et quatre secondes entre le coup de sonnette et le déclenchement du scrutin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne mets pas en cause la présidence, mais il faut veiller à l’application de notre règlement. Cinq minutes, c’est la règle ; il faut l’appliquer !

M. le président. Monsieur Eckert, je vous remercie de faire cette remarque, car vous donnez la preuve que vous ne pensez qu’à une chose : faire de l’obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous avez fait exprès de demander le scrutin au dernier moment et vous avez visiblement mis un chronomètre en route – vous trompant d’ailleurs au passage, car le temps écoulé était plus important que ce que vous avez dit. Or il y a une jurisprudence constante qui veut que, quand quelqu’un cherche manifestement à faire de l’obstruction, le président n’est pas tenu de respecter le temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Ah bon ? Vous n’êtes pas tenu d’appliquer le règlement ?

M. Pascal Clément. Allez donc l’enseigner !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Quelle remarque délicate, monsieur Clément !

Après l’article 5 (suite)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 885, 886, 891, 892 et 900.

J’annonce d’ores et déjà que je demande un scrutin public sur le vote de ces amendements.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. C’est de l’obstruction !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 885.

M. Pierre-Alain Muet. Je signale au passage que mon collègue Eckert a parfaitement raison de souligner qu’il faut respecter le règlement.

Bien que vous ayez certains doutes, exprimés par le rapporteur général, vous n’avez pas adopté la disposition tendant à faire passer tous les revenus du capital au barème. Il y a une autre solution, qui est de s’appuyer sur la directive européenne qui préconise de porter progressivement le prélèvement libératoire sur les revenus du capital à 35 %. C’est ce que nous proposons de faire à travers le présent amendement. Il est évident que, avec un tel taux, ce sera pour l’essentiel le barème de l’impôt sur le revenu qui sera la référence.

Je continue à penser que, après la crise que nous avons connue, la question se pose réellement dans tous les pays européens d’en finir avec l’idée que l’on peut continuer à abaisser la fiscalité sur les revenus du capital. On sait bien, d’ailleurs, pourquoi cette diminution a eu lieu. C’est tout simplement parce que ces revenus sont mobiles et que la concurrence fiscale pousse tous les pays à continuer à taxer fortement les facteurs fixes et à détaxer les facteurs mobiles.

C’est ainsi que l’on arrive à la situation aberrante selon laquelle, de notre fiscalité, on taxe assez fortement ce qui est immobile – les immobilisations, les immeubles – et le travail. Vous reconnaîtrez toutefois que, dans une situation de chômage, il n’est pas pertinent de faire peser l’ensemble de la taxation sur le travail et sur les revenus du travail, et qu’il faut vraiment procéder à un rééquilibrage.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 886.

M. Christian Eckert. Je voudrais d’abord répondre à ceux de mes collègues qui m’ont fort élégamment suggéré de retourner dans l’enseignement. J’apprécie vivement cette remarque qui, je l’espère, figurera au compte rendu de la séance. Je suis très fier, après avoir eu des parents petits fonctionnaires, et en étant issu d’une ville minière, d’avoir pu passer l’agrégation de mathématiques, puis d’avoir enseigné les mathématiques à des générations d’élèves, dont beaucoup sont devenus ingénieurs, polytechniciens, voire élèves de l’École normale supérieure. Il est vrai que je pourrais être tout aussi utile en faisant cela que je ne le suis ici. Je ne suis donc pas gêné d’évoquer mon cas personnel.

Plus sérieusement, et pour en revenir à cet amendement, qui est finalement un amendement de repli, il est vrai que le rapporteur général a reconnu – et je l’en remercie – que la question est importante et qu’elle mériterait d’être traitée à l’avenir. Si cela pouvait être fait au niveau européen, ce serait déjà un progrès, puisqu’on nous fait toujours miroiter la concurrence et la délocalisation possible de l’épargne. Il est tout aussi vrai, monsieur le rapporteur général, qu’il y a une différence avec les prélèvements sociaux.

C’est pourquoi nous proposons, non plus la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, mais tout simplement de le porter de 19 % à 35 %. Cela permettrait à ceux qui sont en dessous de bénéficier du barème, et aux autres, c’est-à-dire aux plus fortunés, de continuer à bénéficier d’un prélèvement forfaitaire libératoire, mais avec un seuil plus élevé.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour soutenir l’amendement n° 891.

M. Claude Bartolone. Finalement, en déposant ces amendements, nous avions l’impression d’être utiles à la majorité. En effet, le moins que l’on puisse dire est que, au cours du dernier débat budgétaire, il y a eu une certaine chasse à la niche fiscale. Or le prélèvement libératoire présente les caractères d’une niche fiscale, dans la mesure où son existence permet à un contribuable d’échapper, pour une partie de ses revenus, aux contraintes fiscales s’appliquant au régime commun.

À travers cet amendement, nous vous proposons d’adopter une disposition qui permet d’en finir avec un certain nombre de niches fiscales, notamment sur les revenus issus de placements bancaires. Il est bon d’y insister : cette niche permet à ceux qui ont une tranche marginale d’imposition à l’IRPP supérieure au taux du prélèvement libératoire de réduire leur fiscalité. Or, et c’est ce que nous essayons de démontrer depuis le début de l’après-midi, lorsqu’on se trouve dans la situation financière qui est la nôtre aujourd’hui, avec le déficit et le niveau d’endettement que nous connaissons, peut-être n’a-t-on pas intérêt à multiplier ces cadeaux faits à des personnes qui ne sont pas spécialement en grande difficulté. Bref, vous avez la possibilité de satisfaire une demande qui a été formulée notamment par le rapporteur général pendant une grande partie de la discussion sur la loi de finances. Encore une fois, nous vous proposons d’encadrer une niche fiscale.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 892.

Mme Aurélie Filippetti. Il s’agit en effet d’un amendement de repli. En ce qui concerne le prélèvement libératoire, le Conseil des prélèvements obligatoire dit qu’il est difficile de suivre les revenus du patrimoine, en raison de la généralisation de ce mécanisme, et d’estimer l’effet de la hausse des prélèvements sur les choix qui peuvent être faits par les épargnants. Mais le Conseil dit aussi qu’il n’y a aucune économie de gestion liée au prélèvement libératoire, puisque cela entraîne des coûts pour les établissements financiers – banques et assureurs – chargés de la collecte. Cela ne réduit pas pour autant dans les mêmes proportions les coûts de gestion de l’administration.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n° 900.

M. Victorin Lurel. Je reprends ce que disait à l’instant Claude Bartolone : nous avions la tenace impression d’être utiles au Gouvernement, et plus largement à la nation, en faisant de telles propositions, car il s’agit là de niches fiscales importantes.

Le rapporteur général le disait : les pays européens ont fait le choix entre taux et barème, et la plupart ont choisi des taux. Vous avez refusé un adossement au barème progressif dans l’impôt sur le revenu. Avec cet amendement de repli, nous vous proposons un taux forfaitaire qui permettrait de régler le problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 885, 886, 891, 892 et 900.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 51

Nombre de suffrages exprimés 51

Majorité absolue 26

(Les amendements identiques nos 885, 886, 891, 892, 900 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 425.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Cet amendement s’inscrit dans la suite logique des débats que nous avons eus tout à l’heure sur la fiscalisation de la détention et surtout de la transmission des produits d’assurance-vie. Nous sommes donc tous d’accord pour dire que ces produits ont deux fonctions essentielles : le financement de long terme des entreprises et de la puissance publique. À travers cet amendement, je souhaite renforcer ces deux finalités, non pas en modifiant la fiscalité qui les concerne en visant la détention, mais en allongeant la durée de détention qui ouvre droit à cette fiscalité, de façon que ces produits remplissent bien les deux missions que j’évoquais.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons évoquées tout à l’heure dans le débat sur les assurances-vie.

(L’amendement n° 425, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 419.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. En 2006 a été mis en place un abattement sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières qui aboutit à ce que, au-delà de cinq ans de détention, cet abattement soit d’un tiers pour chaque année de détention supplémentaire. Bref, au bout de huit ans, il n’y a plus d’assiette.

Or, pour assurer le financement de la réforme des retraites, c’est un alourdissement de la fiscalité sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières qui a été instauré. Je ne crois donc pas raisonnable, si l’on veut que ce plan de financement pour la réforme des retraites soit crédible, de conserver un système qui aboutit à une disparition de l’assiette, et donc à un rendement de cette taxe nettement inférieur à celui espéré. Je propose donc, à travers cet amendement, de revenir sur cette disposition qui abat d’un tiers par année de détention au-delà de cinq ans la fiscalité sur les plus-values de cessions des valeurs mobilières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas adopté cet amendement parce qu’elle considère – ce que le ministre nous confirmera certainement – que la question sera réglée dans le cadre de la loi de finances pour 2012.

En effet, le président de la commission a tout à fait raison de souligner la contradiction entre la réforme des retraites, que nous avons votée en septembre dernier, qui prévoit une recette de 700 à 800 millions sur les plus-values mobilières, et le fait – mais on pouvait l’avoir oublié – que nous avions voté en 2006 un dispositif de suppression progressive de ces plus-values, qui ne prend effet qu’à partir de 2012. L’heure de vérité arrivera donc lors de l’examen de la loi de finances pour 2012.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. L’avis est défavorable, et je ne prends pas d’engagement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je prends acte de ce qui, d’une certaine manière, est un accord de principe du rapporteur général. Celui-ci considère que, en 2012, l’heure de vérité ayant sonné, il faudra trancher. Je comprends aussi que le Gouvernement ne veuille pas s’engager formellement devant la représentation nationale. Je précise toutefois que cet amendement vise à supprimer également l’exonération des plus-values de cessions de titres de dirigeants de PME lors de leur départ à la retraite. Ce dispositif a été mis en place en 2006, en même temps que l’exonération des plus-values mobilières, mais son entrée en vigueur a, quant à elle, été immédiate.

Il me semble, monsieur le ministre, que, si vous espérez réellement de l’exit tax les recettes que vous nous dites, il faut éviter cette possibilité de fuite. En effet, elle ne manquera pas d’être utilisée, sauf si l’on envisage que ces dirigeants, devenus retraités, ne bénéficieront pas des meilleurs conseils fiscaux possibles. Or on sait que, en matière d’optimisation fiscale, la France dispose de professionnels tout à fait reconnus et compétents. Dès lors, cette possibilité leur sera naturellement suggérée et elle sera donc utilisée.

Je comprends que, pour les plus-values de cessions mobilières, le rapporteur général souhaite que l’heure de vérité vienne lors de la loi de finances initiale pour 2012. Nous verrons à ce moment-là quelle vérité apparaît ! Mais, puisque l’exit tax est examinée dans le présent projet de loi, je crois qu’il serait prudent, si l’on veut que les perspectives de recettes soient crédibles, de fermer cette possibilité de fuite, qui ne manquera pas d’être utilisée, à moins que l’on ne préfère s’aveugler sur les possibilités d’optimisation fiscale des contribuables concernés.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 419.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. J’aimerais tout de même avoir l’avis du Gouvernement sur l’aspect que je viens d’évoquer !

M. le président. Je vais donner la parole à M. le ministre, mais il me semble qu’il ne me l’avait pas demandée.

M. François Baroin, ministre. Rassurez-vous, monsieur le président, votre lucidité n’est en rien altérée. En effet, je n’avais pas demandé la parole, mais, par respect pour le président de la commission des finances, je vais répéter ce que j’ai dit tout à l’heure. Que ce soit sur les objectifs ou sur la préparation du projet de loi de finances pour 2012, je ne veux pas prendre d’engagement. Non pas que, sur le fond, nous ne puissions pas avoir un débat de qualité qui permette de respecter nos objectifs en matière de réduction des déficits, mais le moment n’est pas venu.

(L’amendement n° 419 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 926, 932, 934 et 940.

La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 926.

M. Christian Eckert. Soucieux de dégager de nouvelles recettes pour un budget qui en a bien besoin, nous vous proposons, par cet amendement, d’abaisser de 40 % à 20 % le niveau de l’abattement proportionnel sur le montant des dividendes perçus.

Cet abattement a été historiquement présenté comme un moyen d’éviter la double imposition des dividendes, qui, soumis à l’impôt sur les sociétés avant leur distribution, ne devraient pas subir un second prélèvement lorsqu’ils sont versés aux détenteurs du capital. Or cette justification est largement remise en question. En effet, le taux réel d’imposition des sociétés est très éloigné du taux facial de l’IS, qui est de 33,3 %, puisque, pour les grands groupes du CAC 40, il s’approche de 12 %.

Par ailleurs, des parts importantes des bénéfices ne sont soumises à aucune imposition. Tel est le cas, par exemple, des bénéfices enregistrés dans le cadre de plus-values de cessions de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans. Leur exonération, due à ce que l’on appelle « la niche Copé », a été adoptée de façon inconsidérée, car personne n’avait prévu son coût. Par cet amendement, nous vous proposons donc d’abaisser – comme le suggère, du reste, le Conseil des prélèvements obligatoires –, le taux de l’abattement sur les dividendes perçus de 40 % à 20 %.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 932.

Mme Aurélie Filippetti. La « niche Copé » exonérant quasi totalement les plus-values de cessions de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans, elle rend injustifiée l’application d’un abattement de 40 % sur les dividendes qui pourraient être distribués à raison du bénéfice qu’elles constituent. C’est pourquoi nous proposons d’abaisser cet abattement à 20 %.

Je rappelle que le Conseil des prélèvements obligatoires a évalué le coût de cette niche à 12 milliards d’euros en 2008 et à 8 milliards ces deux dernières années. La part restant à la charge des sociétés concernées est une quote-part de 5 % pour frais et charges qui est taxée au taux de 33 %, ce qui donne un taux effectif d’imposition de 1,67 %. Le Conseil des prélèvements obligatoires suggère de porter cette quote-part à 10 % ou 20 %. Quant à nous, nous proposons de la porter à 20 %, ce qui permettrait d’éliminer une partie non négligeable de l’optimisation fiscale liée à l’utilisation de la « niche Copé ». En effet, si les grandes sociétés parviennent à se voir appliquer un taux d’imposition sur les bénéfices de 12 %, voire, pour certaines entreprises du CAC 40, de 8 % – loin de la valeur faciale, qui est de 33 % –, c’est bien parce qu’elles utilisent de tels dispositifs.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 934.

Mme Sandrine Mazetier. Il est proposé, par cet amendement, de réduire le niveau de l’abattement proportionnel de 40 % sur le montant des dividendes perçus. Cet abattement considérable est présenté historiquement comme un moyen d’éviter une double imposition des dividendes versés, qui, soumis à l’impôt sur les sociétés avant leur distribution, ne devraient pas subir un second prélèvement lorsqu’ils sont versés aux détenteurs du capital. Cette justification est largement remise en question. En effet, le taux réel d’imposition des sociétés est très éloigné du taux facial de 33,3 % et s’approche en réalité de 12 % pour les grands groupes. Au reste, lors de la journée des PME, intitulée Planète PME, qu’elle organisera la semaine prochaine, la CGPME compte bien rappeler combien l’imposition auxquelles sont soumises les PME en France est insupportable au regard de celle dont bénéficient les grands groupes.

Par ailleurs, des parts importantes des bénéfices enregistrés ne sont soumises à aucune imposition. C’est notamment le cas des bénéfices enregistrés dans le cadre de plus-values de cessions de parts d’entreprises détenues depuis plus de deux ans. Ainsi que vient de le rappeler Aurélie Filippetti, l’exonération quasi totale de ces plus-values, du fait de la « niche Copé » – dont il faut rappeler ce qu’elle est, afin de permettre aux électeurs de se déterminer en étant pleinement éclairés sur les intentions de Jean-François Copé –…

M. le président. Merci, madame Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. …rend totalement injustifiée l’application, ensuite, d’un abattement de 40 % sur les dividendes qui pourraient être distribués à raison du bénéfice qu’elles constituent.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 926, 932, 934 et 940, je suis saisi d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n° 940.

M. Victorin Lurel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 926, 932, 934 et 940.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(Les amendements identiques nos 926, 932, 934 et 940 ne sont pas adoptés.)

M. Christian Eckert. Vous n’avez pas respecté le délai de cinq minutes !

M. le président. Monsieur Eckert, j’ai été conciliant, car la demande qui m’a été faite portait sur un amendement qui n’a pas été défendu. J’aurais donc très bien pu refuser de procéder au scrutin public. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Roatta. Vous êtes trop bon, monsieur le président. Vous auriez dû refuser !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 284.

Sur cet amendement, je demande un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je vous remercie d’anticiper, monsieur le président : vous lisez dans mes pensées, ce qui prouve un grand degré de connivence entre nous. Elle n’est pas encore politique, mais cela viendra. (Sourires.)

Notre amendement vise à dissuader l’attribution gratuite ou préférentielle aux salariés d’actions de l’entreprise où ils travaillent, en taxant à 95 % ces indemnités et avantages, lorsque ceux-ci excèdent le montant annuel du SMIC. Nous estimons, en effet, que le régime fiscal et social dérogatoire des stock-options est source de privilèges exorbitants et que ce mode de rémunération brise la solidarité entre les salariés, en alignant la situation de certains d’entre eux sur celle des actionnaires et en aggravant les inégalités de traitement. Il a pour effet de détourner les cadres dirigeants des objectifs de production de biens et services, et favorise le « court-termisme » de la distribution de dividendes et la spéculation.

Les stock-options sapent les bases d’un partage clair et juste de la valeur ajoutée entre le capital et le travail. C’est pourquoi il convient d’en décourager l’usage et la distribution en proposant une taxation à 95 %.

Vous remarquerez que notre amendement ne se borne pas à décourager la distribution de stock-options. Il prévoit aussi la possibilité de conclure, au sein des entreprises, des accords spécifiques relatifs aux éléments de rémunération, indemnités et avantages autres que le salaire de branche. Les avantages de rémunération distribués peuvent ainsi échapper à une imposition dissuasive, pour peu que les représentants des salariés et les employeurs s’accordent expressément sur leur montant et sur leurs bénéficiaires. Le présent amendement comporte donc également un volet incitatif, et non simplement dissuasif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. La brève réaction du rapporteur général et du ministre est fort intéressante. Voyez-vous, nous, nous comprenons les mécanismes de l’économie politique. C’est pourquoi, comme nous l’avons proposé l’autre jour en suggérant d’inclure les œuvres d’art dans l’assiette de l’impôt sur la fortune, nous voulons taxer ce qui est idéologique et spéculatif. En revanche, nous n’avons pas la même approche dès lors qu’il s’agit de rémunérer le travail.

J’ai eu l’occasion d’assister récemment à l’assemblée générale des actionnaires de GDF-Suez. Figurez-vous que M. Mestrallet a décidé d’attribuer d’office des actions à tous les salariés de l’entreprise, aux quatre coins de la planète. On voit bien quel est son objectif : le conditionnement idéologique. Il s’agit de pousser les salariés à renoncer à la bataille pour les salaires en faisant d’eux des agents du grand capital, aussi modestes soient-ils. Autrement dit, M. Mestrallet veut utiliser les petites mains pour remplir les grandes poches des véritables actionnaires, qui, eux, n’assistent pas à l’assemblée générale, mais siègent au conseil d’administration. Aussi, je comprends, monsieur le ministre, que, de nouveau, vous demeuriez silencieux.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 284.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 56

Nombre de suffrages exprimés 56

Majorité absolue 29

(L’amendement n° 284 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1561 rectifié et 1563, pouvant être soumis à une discussion commune.

Le vote de ces amendements fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 1561 rectifié.

M. François Baroin, ministre. Il s’agit de donner un cadre juridique indiscutable aux engagements que nous avions pris lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011. En effet, si nous avions souhaité que l’outre-mer participe aux efforts de réduction du déficit public, nous avions néanmoins décidé de maintenir les dispositifs de défiscalisation dérogatoires au droit commun applicables aux politiques publiques prioritaires menées dans ces territoires, notamment celle du logement social.

Le présent amendement propose donc de maintenir à 40 000 euros ou 15 % du revenu imposable le plafond d’imputation applicable à la seule réduction d’impôt mentionnée à l’article 199 undecies C du code général des impôts. Le plafond de 36 000 euros ou 13 % du revenu net imposable resterait applicable aux autres réductions d’impôt pour investissement outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n° 1563.

M. Victorin Lurel. L’amendement n° 1561 rectifié respecte un engagement pris, ici, solennellement par le Gouvernement et qui s’était traduit dans le texte et, surtout, l’esprit de l’article 105 de la loi de finances initiale pour 2011. Or – le ministre a employé, à ce propos, le mot de « couac » –, il semble qu’une erreur matérielle se soit glissée dans un décret publié au Journal officiel le 15 mai dernier. Il convenait donc de la corriger.

Mais notre amendement entend aller au bout de la correction. En effet, engagement avait été pris de ne pas appliquer la réduction homothétique – vulgairement appelée « le coup de rabot de 10 % » – au logement social et aux incitations fiscales en faveur de l’emploi à domicile. Votre amendement ne porte que sur l’article 199 undecies C, c’est-à-dire sur l’acquisition ou la construction de logements sociaux, et fixe un plafond de 40 000 euros. Lorsqu’un investisseur met en œuvre les articles 199 undecies A ou 199 undecies B – le Girardin industriel –, le plafond reste fixé à 36 000 euros.

Je peux comprendre que votre amendement soit inspiré par la volonté de favoriser le logement social, en faisant bénéficier celui-ci d’un arbitrage au détriment de l’investissement dans l’industrie, l’agriculture et les autres activités. Cependant, le plafonnement global à 36 000 euros que vous avez instauré l’an dernier n’a pas produit des résultats franchement positifs. Nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement en loi de règlement, mais je peux d’ores et déjà vous dire qu’il n’a été dépensé cette année que 20 millions d’euros sur l’enveloppe de dépenses de 110 millions d’euros initialement prévue ! Vous le savez, l’outre-mer doit actuellement faire face à une crise majeure du logement, en particulier du logement social – une crise sur laquelle les mesures d’incitation fiscale ne semblent pas avoir un effet notable.

Je vous fais grâce de la lecture intégrale de l’article 105 de la loi de finances pour 2011, je rappellerai simplement qu’il y était dit que tous les plafonds de crédits d’impôt étaient multipliés par 0,9 – ce qui équivaut à une diminution de 10 %. Aujourd’hui, l’amendement n° 1561 rectifié du Gouvernement propose de maintenir le plafond à 40 000 euros uniquement pour le logement social. Avec mon amendement n° 1563, je propose pour ma part de procéder à une correction intégrale en rétablissant le plafond de 40 000 euros pour l’ensemble des investissements effectués en outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je peux toutefois vous dire que, lorsque Jérôme Cahuzac, Didier Migaud et moi-même avons effectué une mission en outre-mer, nous étions tous trois très réticents à l’idée d’utiliser la technique de la défiscalisation pour le logement social. Pour nous, monsieur le ministre, le logement social doit être financé par la ligne budgétaire unique. Certes, nous avons mis le doigt dans l’engrenage, mais nous devons désormais être vigilants.

Notre souci est de voir le logement social être correctement financé en outre-mer. J’ai craint, à un moment donné, que le dispositif de l’article 199 undecies C relatif au logement social, par nature peu risqué – il est rare qu’un bailleur social fasse faillite –, en vienne à cannibaliser l’article 199 undecies B relatif à l’investissement industriel, qui comporte plus de risques. À vous entendre, monsieur Lurel, ce n’est pas le cas : l’incitation fiscale au logement social n’a pas l’air très efficace.

Cela m’inspire une deuxième réflexion, monsieur le ministre. Faire bénéficier le plafonnement des avantages pour le logement social d’une exception constitue une entorse à la règle du plafonnement des niches fiscales. Or, nous nous étions tous mis d’accord sur le fait que l’on appliquait les 10 % de réduction à l’outre-mer comme partout ailleurs, ce qui faisait passer les plafonds de 40 000 euros à 36 000 euros. Avec la mesure que vous proposez, monsieur Lurel, un investisseur outre-mer pourrait faire 36 000 euros de défiscalisation au titre des articles 199 undecies A et 199 undecies B, et 40 000 euros, soit 4 000 euros de plus, au titre de l’article 199 undecies C. Est-ce bien ainsi que vous voyez les choses ? Je ne peux pas émettre d’avis, mais je m’interroge.

En tout état de cause, j’estime qu’il est essentiel que le logement social en outre-mer fasse l’objet d’un financement budgétaire.

M. Michel Piron. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je ne peux que souscrire à ce que vient de dire M. le rapporteur général. Il me semble que cet amendement contrevient à la règle du coup de rabot de 10 % pour un bénéfice qui ne me paraît pas en valoir la peine. En effet, le financement du logement social en outre-mer se fait au moyen d’un dispositif tellement compliqué qu’il ne fonctionne pas. En 2010, 20 millions d’euros ont été dépensés à ce titre alors que 110 millions d’euros avaient été budgétés ; 60 millions d’euros sont prévus pour 2011, qui ne seront évidemment pas consommés. Dans ces conditions, faire passer le plafond de 36 000 euros à 40 000 euros ne peut se justifier que par des motivations contestables. La première consisterait en un simple effet d’affichage, au risque de rompre avec la règle des 10 %. Or, à partir du moment où cette règle n’est pas respectée pour l’outre-mer, il est à craindre qu’elle soit violée dans d’autres domaines. Agir de la sorte me paraît donc fort imprudent.

La deuxième motivation que l’on peut imaginer est la volonté de permettre à quelques très gros défiscalisateurs de bénéficier, au moyen de ce dispositif, d’une défiscalisation supplémentaire – ce qui ne me paraît pas souhaitable non plus.

Si une réforme doit intervenir, c’est plutôt vers l’abrogation du dispositif qu’il faut tendre, afin d’en revenir au financement du logement social en outre-mer par la ligne budgétaire unique. Vous qui avez été ministre de l’outre-mer, monsieur Baroin, vous en connaissez parfaitement les tenants et les aboutissants et savez donc que, dans tous les départements et territoires d’outre-mer – à l’exception notable de la Nouvelle-Calédonie –, c’est la ligne budgétaire unique qui permet de financer le logement social, et certainement pas les mécanismes de défiscalisation, quand bien même on relèverait leur plafond de 4 000 euros comme il est proposé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je ne pensais pas que l’on en viendrait à débattre de l’utilité des dispositifs spécifiques à l’outre-mer. Il me paraît légitime, de la part des parlementaires ultra-marins, de chercher à préserver des outils qui ont fait leurs preuves et sont, je le rappelle, indispensables au développement de ces territoires frappés par des problèmes trois fois plus importants qu’en métropole, qu’il s’agisse du chômage – en particulier de celui des jeunes –, des contrats aidés ou du logement – surtout le logement social.

Il ne s’agit, avec l’amendement n° 1461 rectifié, que de respecter un engagement pris lors du débat sur la loi de finances pour 2011. En ma qualité de ministre du budget, j’assume le fait que, en raison d’une rédaction ambiguë, la loi n’a pas permis d’atteindre l’objectif que nous nous étions fixé. Cependant, sur le fond, il n’y a rien de nouveau par rapport à ce qui avait été voté, à savoir un coup de rabot de 10 % sur les plafonds de défiscalisation en outre-mer, à l’exception du logement social.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Cahuzac, j’ai été ministre de l’outre-mer. Durant deux ans, j’ai exercé cette fonction passionnément et j’en ai tiré de nombreux enseignements en matière de « vivre ensemble », d’équilibre et de stabilité des valeurs, mais aussi d’outils à mettre en œuvre. Du fait de leur isolement géographique qui constitue une forme de handicap, les territoires d’outre-mer doivent bénéficier d’un soutien particulier, sans faille, de la part de l’État.

La ligne budgétaire unique est effectivement un outil qui nous permet de maîtriser le fléchage du subventionnement. Toutefois, cet outil a ses limites. Comme on l’a vu, il y a trois fois plus de retards de construction de logements sociaux dans les territoires d’outre-mer qu’il n’y en a dans les villes de France métropolitaine. C’est pourquoi nous avons souhaité nous doter d’un outil supplémentaire, afin de tenter de combler, au moins partiellement, le retard dont souffre l’outre-mer. Je ne peux pas vous garantir que cela va fonctionner, mais au moins disposons-nous d’un outil supplémentaire.

Nous savons bien, en réalité, que la clé du problème du logement social réside dans la maîtrise du foncier, que ce soit pour l’État ou pour les collectivités locales. De ce point de vue, nous devons engager une action déterminée pour libérer le foncier et favoriser, de la part des bailleurs sociaux, des plans de construction répondant aux besoins des populations.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Les représentants de l’outre-mer n’avaient pas souhaité la mise en œuvre de ce dispositif faisant cohabiter la ligne budgétaire unique et la défiscalisation, un tel système étant trop aléatoire – et j’espère que nous en tirerons prochainement les conclusions qui s’imposent.

Quoi qu’il en soit, le phénomène de cannibalisme évoqué par M. le rapporteur général commence à me faire peur. Alors que nous avions initialement prévu une enveloppe fiscale de 1,2 milliard d’euros au titre de l’article 199 undecies B – le Girardin industriel –, seuls 700 millions d’euros ont été mis en œuvre. L’an dernier, ce sont 700 millions d’euros qui ont été utilisés sur les 800 millions d’euros prévus au titre du même article, et 20 millions d’euros au lieu de 110 millions d’euros au titre du logement social. Le fléchage permettant de faire cohabiter les deux modes de financement n’est donc pas tout à fait au point.

Par ailleurs, alors qu’il avait été décidé de « sanctuariser » la ligne budgétaire unique, force est de constater qu’elle ne l’est pas : nous avons perdu 21 millions d’euros en autorisations d’engagement et en consommation. En ce qui concerne l’exécution, on assiste à une concurrence entre deux administrations, la DDEA – ex-DDE – et la DGFIP – ex-Direction générale des impôts –, pour savoir qui dispose des agréments préalables. Il y a là une lourdeur bureaucratique qui empêche l’exécution de fonctionner comme elle le devrait.

Enfin, je veux dire au rapporteur général que l’on a déjà vu un bailleur social faire faillite, en l’occurrence la SA HLM de Guyane. Si cela n’a pas été le cas en Guadeloupe, il a tout de même été nécessaire de recapitaliser une société en difficulté. À l’heure actuelle, l’une des pratiques posant problème est la vente en l’état futur d’achèvement – la VEFA.

En tout état de cause, j’aimerais entendre l’avis du Gouvernement sur l’amendement que j’ai proposé. Pour répondre à ce qu’a dit M. le rapporteur général, les investissements réalisés au titre des articles 199 undecies A, B et C ne sont pas cumulables, puisque la somme globalement investie ne doit pas dépasser 36 000 euros. Mon amendement vise, lui, à porter l’ensemble des plafonds à 40 000 euros. Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, je suis disposé à le retirer, mais en contrepartie d’un engagement de M. le ministre de revoir cette question lors de l’examen de la loi de finances initiale pour 2012.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Je veux insister sur l’intérêt de la proposition formulée par notre collègue Victorin Lurel. Lorsque, il y a quelques mois, Gaël Yanno et moi-même avons été chargés d’un rapport sur la LODEOM, nous avons déjà été très restrictifs sur la défiscalisation en matière de logement social. Nous avons en effet pris conscience du fait que la défiscalisation avait un coût, et que bon nombre d’organismes de logement social avaient du mal à s’adapter à cette technique particulière : alors même qu’ils manipulaient très facilement la ligne budgétaire unique, certains opérateurs se montraient beaucoup moins à l’aise dès lors qu’il s’agissait de mettre en œuvre des investissements défiscalisés.

Quand on connaît les besoins en matière de logement social et ce que représente le secteur du bâtiment pour l’activité en outre-mer – étant précisé que la crise que nous avons connue en métropole l’année dernière vient seulement de commencer à produire ses effets en outre-mer –, on comprend que tout ce qui pourrait être de nature à ralentir l’activité du bâtiment en outre-mer, notamment la construction de logements sociaux, doit absolument être évité : cela aurait forcément un effet négatif sur la situation du logement social et l’activité économique en général.

Au demeurant, même si les choses ont été revues récemment, un certain nombre de circulaires ont préconisé, à un moment donné, de limiter le recours à la ligne budgétaire unique quand il était possible de mettre en œuvre des dispositifs de défiscalisation. Une telle situation ne peut avoir pour effet que de multiplier les difficultés ! Compte tenu des besoins de l’outre-mer et du coût de la défiscalisation, il me semble qu’il vaut mieux sanctuariser la LBU plutôt que de chercher encore à favoriser la défiscalisation.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1561 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 41

Nombre de suffrages exprimés 39

Majorité absolue 20

(L’amendement n° 1561 rectifié est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 1563 tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 1529.

Le vote de cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Nous avons vraiment un président d’élite : le scrutin public est déjà annoncé alors que je n’ai encore rien demandé. (Sourires.)

Notre pays détient le triste record du nombre de niches fiscales et sociales. Elles représentent, au total, 171 milliards d’euros.

Cette situation n’est pas seulement unique en Europe, elle est une illustration de l’injustice de votre politique fiscale. En effet, elle est due aux nombreuses mesures en faveur des ménages les plus riches que vous avez prises ces dernières années. On peut chiffrer à 40 % la baisse de l’imposition des ménages les plus favorisés, et ce n’est pas votre réforme de la fiscalité du patrimoine qui va modifier la donne, bien au contraire.

De fait, en 2007, chacun des cent contribuables qui profitaient le plus de l’existence de ces niches avait économisé en moyenne 1,13 million d’euros d’impôts. Vous venez d’ailleurs de consentir un abattement de 300 euros par enfant à charge sur l’ISF de ces mêmes contribuables.

Devant ce scandale, la majorité a adopté l’an dernier une mesure de plafonnement des niches qui est resté sans effet puisqu’elle n’a permis de récupérer que quelques dizaines de millions d’euros en un an. S’il a été décidé de renforcer modestement le plafonnement, nous restons toutefois dans le symbolique.

Pour notre part, nous proposons d’abaisser ce plafond de façon plus significative en le fixant à 10 000 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. Je vais procéder au scrutin. Chacun a bien regagné sa place ?

M. Christian Eckert. Monsieur le président, ne nous pressez pas : les cinq minutes réglementaires ne se sont pas écoulées.

M. le président. Monsieur Eckert, cela ne vous empêche tout de même pas de regagner votre place !

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1529.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 46

Nombre de suffrages exprimés 46

Majorité absolue 24

(L’amendement n° 1529 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 1439, 1440, 1443, 1445, 1446, 1448, 1454.

Le vote sur ces amendements fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 1439.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement vise à soumettre les plus-values de cessions mobilières et immobilières à une imposition de droit commun. Au nom des mêmes arguments que ceux que nous avons présentés concernant le prélèvement libératoire, et en suivant la même logique, nous souhaitons simplement que leur soit appliqué le barème de l’impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert pour défendre l’amendement n° 1440.

M. Christian Eckert. La majorité n’a qu’une expression à la bouche : la revalorisation du travail. Le problème, c’est qu’elle en reste au slogan : les actes ne suivent pas. Ils ne suivent pas, par exemple, en ce qui concerne les salaires. Ceux des fonctionnaires ont été gelés – mais, vous avez exprimé tout à l’heure l’amour bien connu que vous leur portez.

Aujourd’hui, le barème de l’impôt sur le revenu ne s’applique pas aux plus-values de cessions mobilières et immobilières. Cela déroge au principe de l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen selon lequel la contribution commune « doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés ». Dans cet esprit, plus un contribuable a de « facultés », plus il devrait payer un pourcentage élevé d’impôts. Or ces plus-values de cessions mobilières et immobilières sont soumises au même taux d’imposition de 19 %.

Nous proposons en conséquence d’intégrer les plus-values de cessions mobilières et immobilières dans les revenus soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Cette proposition doit évidemment s’articuler avec les règles d’assiette concernant ces plus-values, dont certaines peuvent être conservées – comme l’exonération de la résidence principale –, quand d’autres appellent une réforme.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour soutenir l’amendement n° 1445.

M. Claude Bartolone. Le Gouvernement a fait le constat que le bouclier fiscal lui avait causé un tort considérable ; il veut donc le supprimer. Mais, pour camoufler ce revirement, il accorde de nouveaux cadeaux fiscaux, et il nous demande d’adopter des dispositions qui aggravent encore un peu plus les inégalités.

Nos amendements visent au contraire à résorber ces inégalités. Leur adoption entraînerait, d’une part, une diminution du montant des impôts dus par les ménages modestes qui réalisent des cessions, et, d’autre part, une majoration de l’imposition des ménages les plus aisés qui bénéficient aujourd’hui d’un prélèvement proportionnel au taux de 19 %, inférieur, de fait, à leur taux moyen d’imposition.

Cet amendement répond à l’un des vœux du Gouvernement qui dit vouloir favoriser l’accession sociale à la propriété, puisqu’il s’agit, en quelque sorte, d’une mesure de soutien aux accédants modestes.

J’ajoute que ce dispositif correspond aussi à votre souhait d’encourager la mobilité sur le marché du travail : il est en effet favorable au travailleur modeste qui s’est lancé dans l’accession à la propriété et qui doit vendre sa résidence principale pour changer de job. Pour cela, il faut qu’il soit proportionnellement moins imposé qu’un propriétaire disposant de revenus élevés.

En définitive, cet amendement pourrait aider le Gouvernement à atteindre certains de ses objectifs, tout en améliorant la justice fiscale.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 1446.

Mme Aurélie Filippetti. En matière de fiscalité, la modernité, c’est la progressivité, pas la proportionnalité. L’application d’un taux identique d’imposition de 19 % sur les plus-values de cessions mobilières et immobilières, pour tous les ménages, quel que soit leur niveau de revenu, constitue bien une injustice fiscale. Or il nous avait semblé que la notion de justice fiscale était chère aux auteurs de la réforme dont nous débattons.

C’est la raison pour laquelle nous proposons de remplacer l’imposition proportionnelle actuelle par une imposition au barème qui serait plus juste pour les ménages les moins aisés et qui mettrait davantage à contribution les contribuables les plus aisés – en l’espèce, ceux dont le taux moyen de contribution est supérieur à 19 %.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 1448.

Mme Sandrine Mazetier. S’il était adopté, cet amendement permettrait de rétablir un tout petit peu de justice fiscale.

Il s’agit d’assurer que les plus-values de cessions mobilières et immobilières sont soumises à une imposition de droit commun au barème de l’impôt sur le revenu, et non plus à une imposition proportionnelle à 19 %.

Pour les ménages modestes qui réaliseraient des cessions, cet amendement est préférable aux propositions visant à relever le taux proportionnel d’imposition, dès lors que l’imposition moyenne qu’ils doivent acquitter au barème de l’impôt sur le revenu est inférieure au taux proportionnel actuellement prévu ou majoré.

Notre proposition pourrait conduire à la fois à une diminution du niveau d’imposition des ménages modestes qui réalisent des cessions, et à une majoration de l’imposition des ménages les plus aisés qui bénéficient d’un prélèvement proportionnel à un taux inférieur à leur taux moyen d’imposition.

Nous faisons preuve de beaucoup de bonne volonté en vous présentant cet amendement. Monsieur le ministre, réfléchissez bien. En pleine année électorale, ne serait-il pas bon que le Gouvernement puisse annoncer qu’il a fait reculer le niveau d’imposition des ménages modestes ? Nous sommes, d’une certaine manière, extrêmement généreux avec vous, puisque si notre amendement était adopté, nous nous priverions d’un argument fort dans la campagne électorale pour vous en fournir de très solides.

M. Christian Eckert. Saisissez donc la perche qui vous est tendue ! (Sourires.)

M. Victorin Lurel. Profitez de notre générosité ! (Sourires.)

Mme Sandrine Mazetier. Imaginez à quels sacrifices nous sommes prêts pour peu que les ménages les plus modestes en profitent ! Notre démarche n’a vraiment rien d’électoraliste : notre obsession, c’est la justice fiscale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour défendre l’amendement n° 1443.

M. Gérard Bapt. Cet amendement a pour objectif de permettre que les plus-values de cessions mobilières et immobilières soient soumises à une imposition de droit commun au barème de l’impôt sur le revenu, et non plus à une imposition proportionnelle à 19 %. Cette mesure favoriserait à l’évidence les ménages les plus modestes.

Pour compléter les propos de Mme Mazetier et de M. Bartolone, je précise que, en l’occurrence, il ne s’agit pas seulement d’aider le Gouvernement à réaliser les objectifs qu’il a pu afficher : à la veille d’une élection présidentielle, il s’agit plutôt d’aider le Président de la République afin que le bilan du quinquennat corresponde à ses déclarations. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Le 14 janvier 2007, au parc des expositions de la porte de Versailles, le Président de la République déclarait : « Tout vaut mieux que de taxer l’homme au travail. » Or notre amendement vise précisément à avantager le travail en minorant la taxation des ménages modestes qui ont pu, grâce à leur travail, faire l’acquisition d’un petit patrimoine immobilier.

Monsieur le ministre, je suis persuadé que cet argument décisif emportera votre conviction. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour défendre l’amendement n° 1454.

M. Victorin Lurel. Il n’est pas interdit d’introduire un peu d’humour dans ce débat, ni de penser généreusement à l’avenir politique immédiat du Président de la République. Il n’est pas interdit non plus d’espérer que la majorité parlementaire veuille se doter d’un certain vernis social en adoptant notre amendement.

« Il faut être absolument moderne », disait Rimbaud. En matière de fiscalité, nul doute que cela devrait vous inciter à préférer le barème progressif au taux proportionnel.

Si nous nous souvenions simplement de ce que nous avons appris sur les bancs de l’université, ce ne serait pas faire preuve d’archaïsme ou d’immobilisme. Or que nous démontrait-on concernant la TVA, impôt proportionnel par excellence ? Qu’elle était un impôt injuste. Mutatis mutandis, le raisonnement s’applique au taux proportionnel en vigueur sur les plus-values de cessions mobilières et immobilières.

Si vous adoptiez cet amendement, vous enverriez un message aux classes populaires et moyennes : « On pense à vous ! »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je voudrais répondre au rapporteur général et au Gouvernement.

Ils ont développé une argumentation un peu laconique.

M. François Baroin, ministre. Cela ne vous a pas échappé !

M. Christian Eckert. Comment peut-on s’en tenir au mot « défavorable » alors même que nous ouvrons un chantier dont chacun a souligné l’intérêt, pour la justice fiscale bien sûr mais également pour la majorité et le Président de la République ?

Sérieusement, cette affaire de taxation forfaitaire des plus-values immobilières permet aux classes moyennes, chacun l’aura compris, d’échapper à ce taux de 19 %. En effet, cela a été rappelé tout à l’heure, seul un contribuable sur dix est imposé à plus de 10 % sur l’ensemble de ses revenus. Or ces 19 % sur les plus-values immobilières, c’est pour tout le monde. Si on utilisait le barème, pour les plus gros, ce serait plus que 19 % tandis que pour les autres, c’est-à-dire neuf contribuables sur dix, ce serait moins, ce qui serait logique. Je suis sûr que l’opération serait financièrement équilibrée, tout en permettant de répartir autrement et plus justement l’impôt.

J’aurais aimé entendre l’avis du rapporteur et du Gouvernement. Faute d’adopter cette mesure aujourd’hui, peut-être pourrait-on prévoir de rouvrir ce chantier à l’occasion de la prochaine loi de finances, ce qui nous rapprocherait encore un peu plus des échéances.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 1439, 1440, 1443, 1445, 1446, 1448 et 1454.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 54

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

(Les amendements nos 1439, 1440, 1443, 1445, 1446, 1448 et 1454 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 905, 906, 909, 912, 914 et 920.

Le vote sur ces amendements fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 905.

M. Pierre-Alain Muet. Puisque vous venez de refuser d’imposer les plus-values au barème, ce qui aurait été la justice fiscale, nous proposons de suivre les recommandations de la Commission européenne qui suggère de porter tous ces prélèvements proportionnels à 35 %. Je croyais que vous étiez fortement attachés à la justice fiscale mais force est d’observer, dans toutes les mesures dont nous discutons, que c’est l’inverse : vous n’avez de cesse d’offrir des cadeaux aux plus fortunés, on l’a vu ce matin encore.

M. Pascal Clément. Vous n’en avez pas marre de raconter cela ? C’est insupportable ! Honorez votre nom, monsieur Muet !

M. Pierre-Alain Muet. Rappelez-vous, monsieur le député, ces trois cents euros d’abattement sur l’ISF que vous avez voté ce matin pour les enfants alors même que l’ISF n’est pas familialisé.

En portant le prélèvement à 35 %, vous feriez un petit pas vers la justice fiscale. Nous allons voir si la lumière peut jaillir de ce débat de votre côté.

M. Jean-Pierre Door. Ne rêvez pas !

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n° 906.

M. Christian Eckert. Ce point touche certes un nombre peu important de nos concitoyens mais il porte sur des sommes énormes, et ce type d’amendement, qui vise à rétablir un peu d’équilibre et de justice, aurait mérité un examen attentif. Peut-être la présente proposition est-elle un peu moins bonne et moins efficace que la précédente mais puisque vous n’avez pas voulu de cette dernière, nous vous demandons de repasser de 19 % à 35 % le prélèvement forfaitaire. Alors que les amendements précédents avaient pour but que les plus modestes bénéficient d’un taux inférieur à 19 %, celui-ci vise à rééquilibrer les choses, en imposant plus qu’actuellement les plus hauts revenus. Je pense que vous devriez approuver cet objectif.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n° 909.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre.

M. Jean-Pierre Brard. Ni de réussir pour persévérer.

M. Gérard Bapt. Cet amendement de repli vous offre une session de rattrapage. Il vise à remplacer le taux de 19 % par le taux de 35 % sur l’ensemble des taxations sur les plus-values, à l’exception de celles sur la résidence principale qui reste exonérée de taxation au titre de l’impôt sur le revenu. Il me semble, monsieur le ministre, qu’une telle proposition mérite votre considération.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 912.

Mme Aurélie Filippetti. Je voudrais rappeler les engagements du Président de la République lors de sa campagne en 2007 : « Tout vaut mieux que de taxer l’homme au travail. Tout vaut mieux que de taxer le travailleur qui crée la richesse. Je veux taxer le pollueur plutôt que le travailleur. Je veux taxer les importations qui ne respectent pas les normes internationales plutôt que le travail. Je préfère taxer la consommation plutôt que l’emploi. C’est le travail qui crée le travail. Le travail contribuera à rééquilibrer nos finances publiques. »

M. Jérôme Chartier. Cela vous va très bien de citer, continuez !

Mme Aurélie Filippetti. Visiblement, ce n’est pas le choix qui a été fait dans cette réforme. Encore une fois, vous préférez privilégier le capital, notamment le patrimoine, au détriment du travail.

Nous, nous vous proposons, et nous défendrons cette réforme au cours de l’année à venir, un rééquilibrage de la fiscalité entre le travail et le capital pour que soient réellement favorisés les gens qui travaillent et non pas une société de la rente. Ils doivent être incités à contribuer à la richesse économique.

Notre amendement, qui est un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent, vise à augmenter jusqu’à 35 % la taxation sur les plus-values de cessions mobilières et immobilières. Cela correspond à des recommandations de la directive européenne sur l’épargne. C’est un taux relativement raisonnable, même si nous aurions préféré que soit adoptée une imposition au barème, comme c’est le cas sur l’impôt sur le revenu.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 914.

Mme Sandrine Mazetier. J’imagine que c’est parce que le ministre est un peu distrait qu’il n’a pas été sensible aux arguments que nous développions sur l’amendement précédent.

M. François Baroin, ministre. C’est vrai.

Mme Sandrine Mazetier. Pourtant, il aurait dû y être sensible au regard des propos que le candidat à la présidence de la République avait tenus lors de la campagne et qui ont marqué d’une certaine manière le début du quinquennat.

Il disait à Tours, le 10 avril 2007 : « Je veux un État dans lequel chaque gestionnaire public, chaque ministre, chaque fonctionnaire, soit jugé sur ses résultats. Je veux que chaque Français qui paie des impôts sur les revenus de son travail retrouve la conviction que son argent n’est ni jeté par les fenêtres ni détourné de son objectif, qui est le bien être de tous. » D’ailleurs, le premier gouvernement du quinquennat prévoyait un secrétariat d’État chargé d’évaluer le travail des ministres. Il y avait cette culture du résultat, une rhétorique du résultat. La progression de chaque ministre dans sa carrière était indexée au résultat qu’il pouvait apporter au Président de la République.

Je suggère donc au ministre, assis aujourd’hui au banc du Gouvernement, de se remémorer que tout bon résultat qu’il pourra fournir au Président de la République est bon à prendre, y compris pour sa progression dans la carrière. Comme il semble qu’un remaniement ultime se prépare, qu’il réfléchisse à ce qu’il peut apporter à un Président de la République, dont chacun sait qu’il compte se représenter. Quoi de mieux que de pouvoir lui dire : j’ai fait quelque chose pour rééquilibrer la fiscalité du capital par rapport à celle du travail.

Dans ces conditions, je pense, monsieur le ministre, que vous devriez donner un avis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n° 920.

M. Victorin Lurel. Je persiste et je signe dans ma philosophie – on vient de me dire que j’étais fonctionnaire et que je n’avais pas la culture de l’entreprise. J’ai le sentiment tenace que le fait d’augmenter ce taux forfaitaire jusqu’à 35 % participe d’une philosophie de la justice fiscale et d’une meilleure répartition sur l’ensemble des contribuables, en fonction de la faculté contributive de chacun – les ménages un peu plus aisés devraient payer un peu plus d’impôt. Il s’agit bien de rééquilibrer l’impôt sur le capital et l’impôt pesant sur le travail. Il s’agit, là aussi, d’une œuvre de justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable. M. Eckert nous ayant reproché de ne pas répondre précisément, je le ferai en deux mots.

Il y a une demi-heure, vous avez défendu, chers collègues socialistes, toute une série d’amendements qui visaient à supprimer le prélèvement forfaitaire libératoire et à basculer au barème et, là, vous nous proposez, au contraire, d’augmenter ce prélèvement forfaitaire libératoire. Ce faisant, vous êtes très, très dur avec les classes moyennes. En fait, vous n’aimez pas les classes moyennes.

M. Yves Censi. Ça, c’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rendez-vous compte, avec un taux de 35 %, tous les ménages avec deux enfants qui gagnent moins de 140 000 euros seraient très durement pénalisés car ce taux serait très supérieur au taux qu’ils paient au titre du barème de l’impôt sur le revenu.

M. Yves Censi. Les socialistes sont très approximatifs !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vraiment inconséquent. Ces amendements sont totalement contradictoires les uns avec les autres. On est en droit de se demander si ce qui vous motive avant tout n’est pas de pas de nous faire perdre le plus de temps possible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Monsieur le rapporteur général, je vous donne acte de votre réponse et je vais vous répondre, mais n’en profitez pas pour dire, dans un jugement un peu hâtif, que nous n’aimons pas les classes moyennes. Personne n’a ici le monopole de l’amour ni des classes moyennes ni des autres classes.

Cela dit, puisque je vous sais généralement attentif, il ne vous aura pas échappé que, avant cet amendement dont j’ai souligné la faiblesse, nous avons présenté un autre amendement que vous avez rejeté de façon un peu rapide qui, justement, avait pour objet de revenir au barème et d’éviter l’effet pervers que vous soulignez, à juste titre. L’amendement précédent était meilleur, je l’ai dit, mais vous ne devriez pas en profiter pour essayer de nous reprocher de faire preuve d’une inimitié à l’égard des classes moyennes qui serait égale à celle que vous avez tout à l’heure manifestée à l’encontre des enseignants et des fonctionnaires.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 905, 906, 909, 912, 914 et 920.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 57

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

(Les amendements nos 905, 906, 909, 912, 914 et 920 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 285.

Le vote de cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin public est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement a pour objet d’abroger la fameuse niche Copé – à vrai dire, et c’est tout le problème, ce n’est pas une niche, c’est un chenil – un dispositif dont le conseil des prélèvements obligatoires a chiffré le coût en 2009 à 8 milliards d’euros.

À l’heure où le Gouvernement s’attache à faire payer aux plus modestes le coût et les conséquences de sa politique d’austérité, il n’est pas inutile de rappeler quels sont les favoris du régime, ceux contre lesquels aucune mesure de restriction n’est prévue, et qui pourront, demain comme hier, après la crise comme avant la crise, continuer de s’engraisser sur le dos d’autrui.

M. Jean-François Mancel. S’engraisser ?

M. Jean-Pierre Brard. Oui, s’engraisser, c’est-à-dire de faire du gras, et d’une façon illégitime parce que vous vous nourrissez de la substance de ceux qui travaillent.

Il ne manquera pas de libéraux sur les bancs de droite pour aligner les fariboles habituelles sur la compétitivité et l’attractivité de la France pour tenter de justifier la niche Copé comme tant d’autres mesures ruineuses pour nos finances publiques. Et pourtant, les mesures que vous avez prises ont été un échec. Vous n’avez pas réussi à endiguer le chômage. Vous n’avez pas réussi à réduire le déficit. Au contraire, via les suppressions d’emplois et la réduction des services publics, vous réduisez le train de vie du pays et vous aggravez les difficultés des familles. Le maintien d’une telle niche entre pourtant de toute évidence en contradiction avec l’objectif louable que vous affichez de réduction du volume des dépenses fiscales et de rétablissement des finances publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ne saurais me satisfaire des réponses lapidaires du rapporteur général et du ministre.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous ne m’avez toujours pas répondu : est-il vrai que Mme Bettencourt paie cette année 40 millions d’euros et que, grâce à votre système – et l’on peut soupçonner la niche Copé d’y être pour quelque chose –, elle ne paiera plus que 10 millions d’euros ? Je ne dis pas cela pour vous, monsieur le ministre, dont je sens les oreilles un peu fatiguées de m’entendre répéter la même chose depuis quatre jours déjà.

M. Franck Gilard. Mme Bettencourt est célibataire !

M. Jean-Pierre Brard. Non, elle est veuve. Soyez humain, mon cher collègue !

Si je dis cela, donc, c’est surtout pour les gens qui nous regardent, car ils ne suivent pas forcément nos débats depuis lundi et il faut leur rappeler ce qu’est votre politique en faveur des privilégiés.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 285.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 43

Nombre de suffrages exprimés 43

Majorité absolue 22

(L’amendement n° 285 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 624, 625, 628, 630, 631 et 633.

Le vote sur ces amendements fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 624.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement concerne le plafonnement des exonérations relatives à l’assurance-vie. J’ai sous les yeux ce que disait le candidat Nicolas Sarkozy, le 18 avril 2007 : « L’égalité des chances, c’est, pour l’enfant qui naît dans une famille où il n’y a pas de patrimoine, d’avoir les mêmes chances que celui qui est né dans une famille où il y a du patrimoine. »

M. Jérôme Chartier. C’est vrai ! Est-ce que vous êtes d’accord avec ça ?

M. Pierre-Alain Muet. Or, pour réaliser cette égalité, il faut des services publics financés par l’impôt.

M. Jérôme Chartier. Alors, vous êtes d’accord avec ce que dit le candidat Sarkozy ! Donc, vous êtes en phase avec nous ! Venez nous rejoindre, nous vous attendons !

M. Pierre-Alain Muet. Et la façon la plus intelligente de réaliser cette égalité, c’est naturellement de maintenir une imposition de la transmission du patrimoine. Il faut donc faire en sorte que l’assurance-vie ne soit plus ce qu’elle est depuis très longtemps, c’est-à-dire une façon de défiscaliser la transmission du patrimoine. Par conséquent, il est évidemment raisonnable d’abaisser à 100 000 euros le seuil actuel de 152 500 euros en franchise de droit.

M. Yves Censi. Donner leur chance aux uns ce n’est pas supprimer la chance des autres !

M. Pierre-Alain Muet. Christian Eckert a rappelé que, en moyenne, le patrimoine transmis était de 100 000 euros. Est-il normal d’exonérer plus de la moitié des patrimoines transmis au titre de l’assurance-vie alors que celle-ci est elle-même défiscalisée ? La logique est sans doute d’accorder un avantage fiscal pour la détention, mais pas un avantage exorbitant pour la transmission.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je veux rappeler ici que l’ensemble des contrats d’assurance-vie représente des avoirs de l’ordre de 1 400 milliards d’euros et qu’il y a environ 15 millions de contrats. Comme vous êtes tous, ou presque, des enfants de l’école de la République, vous avez calculé que le montant moyen de chaque contrat…

M. Jérôme Chartier. Faites attention aux chiffres ! Parfois vous faites des erreurs !

M. Christian Eckert. …est de 93 333 euros – j’arrondirai à 100 000 euros. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de limiter non pas l’abattement classique sur l’ensemble du patrimoine transmis, mais l’abattement spécifique sur les contrats d’assurance-vie qui est aujourd’hui de 152 500 euros. L’abaisser à 100 000 euros permettrait de se caler à peu près sur la moyenne. Et puisque vous évoquiez la possibilité de travailler sur l’assurance-vie à l’occasion d’un prochain texte, sans doute serait-il utile d’en connaître le montant médian, car la moyenne cela n’est pas forcément la médiane.

M. Yves Censi. Ah, quand même !

M. Jérôme Chartier. Vous êtes tellement fort !

M. le président. N’interrompez pas M. Eckert qui en arrive à sa conclusion !

M. Christian Eckert. M. Chartier a besoin de retourner à l’école, peut-être comme moi d’ailleurs à ce qu’en disent certains de ses collègues ! Pour calculer la moyenne, vous prenez le total et vous divisez par le nombre. Quant à la médiane, c’est la valeur qu’il faut atteindre pour que plus de la moitié des individus se trouvent en dessous. Je serais curieux de connaître le montant médian des contrats d’assurance-vie, mais peut-être le ministère pourra-t-il nous donner ce chiffre.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour soutenir l’amendement n° 628.

M. Gérard Bapt. Que dire de plus (« Rien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) pour essayer de convaincre la majorité ?

Vous le voyez, monsieur le président, quand je m’interroge sur la façon de convaincre la majorité, elle nous dit d’emblée qu’il n’est pas besoin de débat parlementaire puisque nous ne pourrons la convaincre sur rien. C’est la négation de la quintessence de la République ! Ici se fait la loi ; ici sont entendus les arguments des uns et des autres dans le sens de l’intérêt général, et ce que viennent d’exprimer mes collègues, MM. Muet et Eckert, va à l’évidence dans le sens de l’intérêt général, de la République. Chers collègues de la majorité, en adoptant cet amendement, qui n’incitera pas les foyers les plus riches à franchir les frontières vers des exils fiscaux, vous vous rapprocherez de votre objectif proclamé d’avantager le travail par rapport au capital.

M. le président. Il est vrai, monsieur Bapt, qu’il n’y a jamais de répétitions dans cet hémicycle ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

La parole est à M. Claude Bartolone, pour soutenir l’amendement n° 630.

M. Claude Bartolone. Je ne veux pas prendre la parole simplement pour permettre cet acte pédagogique que représente la répétition, mais je profiterai de cet amendement pour revenir sur l’une des saillies de notre rapporteur général qui disait tout à l’heure que nous n’aimions pas les classes moyennes. Cela laisserait supposer que, chaque fois que l’on invente une taxe, on doit en déduire que l’on n’aime pas ceux à qui elle va s’appliquer ! Je me suis donc amusé à faire un florilège des taxes que vous avez votées depuis que Nicolas Sarkozy est Président de la République : taxe sur le revenu du capital pour le RSA – vos dernières attaques prouvent déjà que vous n’aimez pas le RSA, mais c’est bien la première fois que vous n’aimeriez pas le capital ! –, augmentation des cotisations retraite – cela voudrait dire que vous n’aimez pas les retraités ! –, taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles – vous n’aimez donc pas non plus les mutuelles ! –, taxe sur l’intéressement et la participation, franchises médicales, taxe sur les opérateurs de téléphone, etc.

Bref, monsieur le rapporteur général, vous êtes, comme nous, face à une situation économique et financière difficile et vous êtes à la recherche de recettes. Et nous, nous sommes aussi dans cette optique, nous recherchons des recettes pour pouvoir trouver des financements, mais nous voulons que le poids de ces financements soit plus équitablement réparti. Or, à quoi assistons-nous ? Au cours de la même semaine, le Gouvernement et certains membres de la majorité sont intervenus pour essayer de pénaliser les allocataires du RSA sans que l’on puisse se poser la question de ce que doit être la fiscalité de ceux qui ont plus de moyens. Cela donne une idée de la situation dans laquelle vous êtes et de votre projet économique et social. Nous vous proposons donc une nouvelle fois un amendement qui pourrait permettre d’égaliser l’effort réclamé aux uns et aux autres.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l’amendement n° 631.

Mme Aurélie Filippetti. Il est décidément bien dommage que l’opposition n’ait pas été associée au groupe de travail qui avait été mis en place pour préparer cette réforme. Nous touchons effectivement à des sujets essentiels, des sujets très « balzaciens ». Michel Piron est parti, mais toute La comédie humaine parle de cela : la famille, la transmission du patrimoine, la transmission de la richesse, l’héritage. Je parlais tout à l’heure de Guizot, mais 1835 c’est aussi Le père Goriot de Balzac. Le père Goriot se saignait pour ses deux filles auxquelles il voulait transmettre quelque chose, mais il meurt finalement ruiné. C’était émouvant.

Pensons aussi au cousin Pons, qui aimait d’un amour sans doute un peu coupable aux yeux de certains dans cet hémicycle, si j’en crois nos débats d’hier matin, son ami Schmuck auquel il voulait transmettre son patrimoine, mais il ne pouvait pas le faire car les règles de la transmission ne le permettaient pas. Ces questions de transmission sont passionnantes. Elles sont au cœur du modèle de la société et ont inspiré l’un des plus grands écrivains du XIXe siècle.

M. Jean-Pierre Brard. Jusqu’à Nicolas Rastignac !

Mme Aurélie Filippetti. Rastignac c’est justement l’exemple de celui qui part de rien et veut arriver à tout. Malheureusement, la société française est très inégalitaire et encore très influencée par la situation économique des parents. Aux États-Unis, en revanche, sur les cinquante plus grosses fortunes deux seulement sont aux mains d’héritiers. En France, la proportion est totalement inverse : quarante-cinq sur cinquante de ces fortunes appartiennent à des héritiers d’un patrimoine et non à des chefs d’entreprise comme ceux qui ont créé Google ou Facebook. Limiter l’héritage, c’est donc une manière de stimuler la création d’entreprise.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n° 633.

Mme Sandrine Mazetier. Claude Bartolone a eu raison de rappeler les taxes qui s’étaient abattues comme les plaies d’Égypte sur les classes moyennes depuis le début du quinquennat, mais il n’a pas cité celles qui sont prévues dans les articles suivants de ce projet de loi de finances rectificative. Il y aura en effet désormais, en plus de la taxe sur les malades, la taxe sur les justiciables, mais nous verrons cela lorsque nous examinerons l’article 20.

Aurea mediocritas, la vérité est souvent dans la moyenne.

M. Yves Censi. Elle n’est jamais dans la moyenne ! Quelle erreur !

Mme Sandrine Mazetier. Christian Eckert a eu raison de faire ce rapide calcul qui consiste à diviser le nombre de titulaires de contrats d’assurance-vie par le montant total, …

M. Guy Geoffroy. C’est plutôt l’inverse !

Mme Sandrine Mazetier. …et il est arrivé à près de 100 000. Cela tombe bien car c’est exactement le seuil au-dessus duquel nous vous proposons d’imposer les legs de ces contrats d’assurance-vie. Nous vous proposons non pas de les taxer à partir du premier euro, mais d’abaisser l’abattement à 100 000 euros, au lieu de 152 500 euros. Quant à la taxation que nous vous proposons, elle n’est pas non plus prohibitive. La vérité est souvent dans la moyenne. Penchez-vous sur la moyenne des montants transmis et vous verrez que notre proposition ne s’abattrait pas sur les classes moyennes, bien au contraire puisqu’elle permettrait d’alléger leur fardeau fiscal qui est décidément bien lourd.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Si l’assurance-vie avait existé du temps de Balzac, je suis sûr que le père Goriot, le père Grandet et même Rastignac en auraient souscrit (Sourires), grâce à l’abattement de 152 500 euros ! Donc il ne faudrait surtout pas le détruire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. Jean-Pierre Brard. Vous me permettrez d’exprimer une divergence avec Sandrine Mazetier, alors que j’étais en parfaite communion avec Aurélie Filippetti. Yves Censi disait : « La vérité n’est jamais dans la moyenne. » Et, pour le coup, je serais plutôt d’accord avec lui plutôt qu’avec notre collègue Sandrine Mazetier qui affirmait, elle, qu’elle se situait dans la moyenne. Or, Jaurès le rappelait, la vérité est toujours révolutionnaire, et je ne suis pas certain pour le coup qu’Yves Censi me suive bien longtemps sur ce chemin-là.

M. Yves Censi. Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Pierre Brard. Nicolas Sarkozy déclarait quant à lui…

M. Guy Geoffroy. Vous avez décidément de bonnes lectures !

M. Jean-Pierre Brard. Vous n’allez pas pavoiser si longtemps, monsieur Geoffroy ! Nicolas Sarkozy déclarait donc vouloir demander un effort supplémentaire aux hauts revenus du capital. Mais que faites-vous de peur qu’ils s’appauvrissent ? Vous leur mettez sur la table deux milliards d’euros supplémentaires, alors que les déficits atteignent des abîmes dans notre pays et que les difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois n’ont jamais été aussi grandes pour les plus modestes.

Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne électorale, prétendait s’adresser à ceux qui se levaient tôt et travaillaient dur ; il affirmait qu’il fallait taxer les plus riches. Mais, à l’arrivée, ce sont eux que vous privilégiez. Il ne disait donc pas la vérité. La vérité n’est donc pas au milieu mais sur nos bancs, tandis que l’affabulation règne de l’autre côté de cet hémicycle.

Je vous vois sourire, monsieur le ministre, et je vous comprends, mais je vous rappelle que vous n’avez toujours pas répondu à ma question sur l’imposition de Mme Bettencourt !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 624, 625, 628, 630, 631 et 633.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(Les amendements n° 624, 625, 628, 630, 631 et 633 ne sont pas adoptés.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 1111 rectifié, 1117 rectifié et 1120 rectifié.

Ces amendements font l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 1111 rectifié.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement est lié dans notre esprit à un autre amendement que nous examinerons dans un moment. Il propose d’augmenter de 50 % la prime pour l’emploi, car nous voulons, en contrepartie, supprimer cette arme de destruction massive qu’est la subvention aux heures supplémentaires.

Supprimer cette subvention revient évidemment à favoriser l’emploi, puisque aussi bien les travaux de l’INSEE que ceux de l’OFCE montrent qu’elle détruit entre 70 000 et 80 000 emplois. Mais, pour maintenir le niveau de rémunération de ceux qui effectuaient des heures supplémentaires, nous proposons d’augmenter la prime pour l’emploi accordée aux plus modestes. J’ajoute que vous n’avez ni augmenté ni même indexé cette prime pour l’emploi, alors qu’elle l’avait été sous les gouvernements précédents.

C’est donc à la fois une mesure de justice sociale et d’efficacité économique car, combinée à la suppression de la subvention aux heures supplémentaires, elle permettrait de créer des emplois et, avec un coût nul pour les finances publiques, aurait un effet favorable sur les revenus.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour défendre l’amendement n° 1117 rectifié.

M. Claude Bartolone. Comme vient de le rappeler M. Muet, c’est la troisième année consécutive que la prime pour l’emploi n’est pas revalorisée. Je rappelle qu’il s’agit d’une aide accordée aux personnes qui exercent une activité professionnelle, leur procurant au plus, pour un célibataire sans enfant, 17 451 euros de revenus par an. Vous imaginez ce que peut représenter cet avantage pour plus de dix millions de travailleurs modestes. Et c’est là que se dessine l’écart qu’il peut y avoir entre vos propositions et les nôtres. Nous essayons, nous, au travers de cet amendement, de revaloriser le pouvoir d’achat des plus modestes.

Et nous essayons de faire, comme vient de le dire M. Muet, une différence par rapport aux heures supplémentaires car nous connaissons les difficultés que peuvent rencontrer, notamment en Île-de-France, les travailleurs modestes lors de la recherche d’un logement pour obtenir des garanties et signer un bail. Or, le caractère aléatoire des heures supplémentaires les empêche de présenter des garanties suffisantes pour obtenir ce premier bien d’utilité publique que représente le logement.

Par cet amendement, nous vous donnons la possibilité de rattraper cette erreur que vous avez commise il y a trois ans et de faire un geste significatif en direction de ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale lorsqu’ils travaillent.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier pour soutenir l’amendement n° 1120 rectifié.

Mme Sandrine Mazetier. M. Bartolone l’a dit, cet amendement est significatif de notre volonté d’assurer la justice fiscale et la justice sociale. Il s’agit de rendre du pouvoir d’achat à « des clients fiscaux captifs », les catégories modestes. Dès lors que l’on augmente la prime pour l’emploi, celle-ci sera immédiatement dépensée en France et nulle part ailleurs. Ce sera un bienfait pour la croissance et la consommation. C’est vertueux.

Si vous en doutez, rappelez-vous les objectifs initiaux de la loi TEPA et les propos de Mme Lagarde qui disait elle-même qu’il fallait non seulement travailler plus mais dépenser plus et mieux : « Il est naturel de vouloir profiter de son gain, ce n’est pas tout d’avoir de l’argent, il faut pouvoir le dépenser et il faut le dépenser bien. À quoi bon travailler, économiser, emprunter, si les plus modestes se voient accablés sous leurs dettes ou si les plus fortunés jettent l’argent par les fenêtres ? Dépenser plus, dépenser mieux, c’est le double objectif que poursuit la loi ».

Eh bien, nous vous proposons avec cet amendement de permettre aux catégories modestes, donc aux bénéficiaires de la prime pour l’emploi, de pouvoir dépenser plus et mieux. Si vous adoptez cet amendement, vous pouvez être certains que le bénéfice de cet argent supplémentaire se retrouvera immédiatement dans l’économie française. Les points de croissance, en ce moment, sont rares. L’adoption de cet amendement vous permettrait de réaliser à coup sûr un investissement fiscal vertueux, bon pour les entreprises, bon pour la consommation et surtout bon, ce qui serait exceptionnel de votre part, pour les catégories les plus modestes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je m’étonne du caractère simpliste de l’avis du rapporteur général et du Gouvernement. Certes, vous avez commis dans ce projet de loi un péché originel…

M. Michel Piron. Les termes bibliques reviennent souvent dans l’argumentation de l’opposition.

M. Christian Eckert. …puisque face à l’injustice de notre système fiscal, vous avez décidé de concentrer le temps et l’action du Gouvernement à une seule catégorie, celle qui bénéficiait du bouclier fiscal, soit 1,6 % des contribuables.

Vous avez pris le problème à l’envers et les amendements que nous défendons mettent en évidence le fait que vous ayez oublié la très grande majorité des contribuables.

Nous vous proposions de majorer de 50 % la prime pour l’emploi. Je m’étonne que vous refusiez de débattre de cette mesure qui touche une très grande partie des contribuables, les plus modestes, alors que vous consacrez tout un projet de loi et toute une semaine de travail parlementaire, voire davantage, à la petite minorité que nous évoquions tout à l’heure.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 1111 rectifié, 1117 rectifié, 1120 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 34

Nombre de suffrages exprimés 34

Majorité absolue 18

(Les amendements identiques nos1111 rectifié, 1117 rectifié, 1120 rectifié ne sont pas adoptés.)

Article 6

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article 6.

Mme Sandrine Mazetier. En cette veille de week-end de Pentecôte, je dois me confesser devant vous : cet article 6 n’est pas le plus détestable de ce projet de loi de finances rectificative. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. C’est la descente de l’Esprit Saint !

Mme Sandrine Mazetier. Cet article concerne une structure qui nous est totalement étrangère, les trusts. Fidèle à sa grande capacité à nous raconter des histoires, le rapporteur général nous fait découvrir d’une manière passionnante l’origine des trusts en remontant jusqu’aux croisades. Le récit en est fascinant.

M. Jean-Pierre Brard. Et même avant ! À l’Empereur Alexandre.

Mme Sandrine Mazetier. Même si ce rapport a beaucoup de charme, je me permettrai tout de même de poser quelques questions au rapporteur général.

M. le président. Vous devez conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Déjà ?

Mme Sandrine Mazetier. On ne sait pas en effet si les dispositions de l’article s’appliqueront aux trusts détenus par des résidants, aux personnes fiscalement domiciliées en France. Concernent-elles les seuls biens situés sur le territoire français, quelles sont les opérations visées, et surtout comment être sûr que ces dispositions s’appliqueront réellement et que nous aurons les informations nécessaires à l’application de cet article qui, je le répète, nous satisfait ?

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Que dire après l’aveu de Mme Mazetier qui reconnaît l’utilité de cet article sur les trusts ? Pour une fois, nous sommes en parfait accord avec l’opposition. Ces dispositions sont excellentes et je suis certain que nous allons les voter à l’unanimité.

Application de l’article 57 du règlement

M. le président. Conformément à l’article 57 du règlement, deux orateurs d’avis contraire s’étant exprimés, je vais demander à l’Assemblée si elle souhaite clôturer la discussion sur cet article.

(L'Assemblée est favorable à la clôture de la discussion.)

M. le président. La discussion est donc clôturée.

M. Pierre-Alain Muet. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je regrette que sur un sujet qui avait recueilli un large consensus…

Plusieurs députés UMP. Justement !

M. Jérôme Chartier. Passons aux amendements directement !

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez une singulière conception du débat. Quand un texte fait débat, vous trouvez normal que l’on y consacre du temps, aussi me semble-t-il tout aussi logique que l’on débatte de dispositions sur lesquelles un consensus s’est dégagé mais que l’on peut encore améliorer. Je regrette, monsieur le président, que vous ayez choisi cette solution.

M. le président. Vous venez de donner vous-même la réponse, monsieur Muet : s’il y a consensus, il n’y a pas lieu de discuter.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je ne sais pas qui, du président ou du ministre, est le plus fatigué mais nous, nous sommes en pleine forme.

M. François Baroin, ministre. Je vais très bien aussi.

M. Jean-Pierre Brard. Mais je n’approuve pas du tout l’utilisation du knout ou de la schlague – selon vos références linguistiques. Je demande donc une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour une minute et nous restons sur place.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante-six.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 6 (suite)

M. le président. Nous en venons à la discussion des amendements.

Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n°1333 de M. Gilles Carrez.

(L'amendement n° 1333, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel n°1334 de M. Gilles Carrez.

(L'amendement n° 1334, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme Sandrine Mazetier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. Madame Mazetier, je vous redonne la parole mais c’est sans doute la dernière fois car nous en sommes au troisième rappel au règlement et ce que vous allez dire n’en sera sans doute pas un.

Mme Sandrine Mazetier. Je vous remercie de votre générosité dans l’application de l’article 58-1 du règlement.

Vous avez choisi, et le règlement vous y autorise, d’interrompre la discussion générale sur cet article 6 qui aborde, pour la première fois, la question des trusts. Nous avions une série de questions. Si j’ai pu en poser quelques-unes, aucun autre de mes collègues n’a pu le faire. Nous aimerions au moins savoir si nous obtiendrons des réponses. Comme vous êtes directement passé à la discussion des amendements sans même donner la parole au rapporteur pour qu’il puisse me répondre, je me permettais de faire ce rappel au règlement.

M. le président. Ce n’était pas un rappel au règlement.

Article 6 (suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°1244.

Le vote sur cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

La parole est au rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement permet de répondre à quelques-unes des questions que Mme Mazetier a posées.

L’article 6 est très important et va dans le bon sens. Les trusts n’existent pas en droit français. Par définition, ils ne sont que des entités qui relèvent de droits étrangers mais qui soulèvent des difficultés en raison de l’opacité qui entoure le type de biens qu’ils peuvent détenir et surtout la réalité des constituants, voire des bénéficiaires.

Le trust est composé d’un constituant, d’un bénéficiaire et d’un gestionnaire, l’administrateur du trust, que l’on appelle le trustee.

Ce sont là des constructions de droit étranger. Nous avons eu l’occasion, avec le président Cahuzac, de dîner récemment avec le Premier ministre de Jersey et toute son équipe qui nous ont expliqué…

M. Jean-Pierre Brard. Comment ils truandent…

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …comment Jersey s’était spécialisée dans la gestion des trusts, ce qui est d’ailleurs lié à l’histoire des croisades puisque Jersey n’applique ni le droit anglo-saxon ni le droit français mais le droit normand. Lorsque les croisés partaient, ils abandonnaient leurs biens pour plusieurs années voire pour toujours car à cette époque ils avaient très peu de chance de revenir, aussi en confiaient-ils la gestion. Grâce au droit arabe, ils ont découvert comment confier à un trustee ces biens pendant une durée indéterminée. Cette procédure fut conservée pieusement par le droit normand.

L’article 6 vise à réintroduire l’ensemble des biens dans le champ de l’ISF et des droits de mutation. Il y a deux cas. Dans le cas d’un résident fiscal français constituant d’un trust qui, par construction, est à l’étranger, l’ensemble des biens du trust, qu’ils soient en France ou à l’étranger,…

M. Michel Piron. À Byzance, par exemple !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …seront assujettis à l’ISF et aux droits de mutation. Dans le cas d’un non-résident, dès lors qu’on les connaîtra, les biens que le trust détient en France seront assujettis à l’ISF et aux droits de mutation.

L’article fait une bonne coordination entre l’ISF, les droits de mutation et, à défaut de connaissance des biens, une taxe spécifique. L’amendement vise à améliorer le texte sur un point. Le constituant juridique du trust pouvant être en apparence une société juridique, par exemple une banque aux Bahamas ou une société de personnes, alors qu’il y a en réalité une personne physique derrière, nous allons au-delà de ce constituant, qui peut n’être qu’une façade. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est un sujet très intéressant et très important. Les trusts, c’est Byzance, comme dirait M. Piron, plus que la Normandie d’ailleurs, parce que vous gagnez à tous les coups. Il n’y a en effet aucune harmonisation fiscale dans l’Union européenne, puisqu’il faut l’unanimité.

Les trusts, c’est une pratique très fréquente en Grande-Bretagne et dans les territoires qui sont, paraît-il, indépendants, mais qui en dépendent en réalité, et la perfide Albion utilise ce système avec un enthousiasme rare. Nous n’en sortirons vraiment que lorsque nous aurons, au niveau de l’Union, des règles nous permettant de nous débarrasser de ces pratiques anormales, qui représentent vraiment des privilèges fiscaux pour ceux qui en bénéficient ou qui en vivent, mais il n’y a pas de volonté politique en ce sens dans le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je ne reviendrai pas sur l’article, qui va dans le bon sens, mais je voudrais poser une question assez précise au rapporteur général.

Je me suis laissé dire qu’un certain nombre de trusts étaient constitués pour qu’on y loge des œuvres d’art. Vous avez refusé d’inclure les œuvres d’art dans le champ de l’ISF, mais elles sont bien entendu assujetties aux droits de succession. Nous avons tout de même quelques exemples célèbres de personnes résidant aux États-Unis et possédant d’énormes collections d’œuvres d’art, dont la succession n’est d’ailleurs pas totalement clôturée. Si des œuvres d’art sont logées dans des trusts, elles ne seront certes pas imposées à l’ISF, mais seront-elles imposées aux droits de mutation ? Cela aurait pu éviter une affaire que quelques-uns ont en mémoire.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1244.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 35

Nombre de suffrages exprimés 33

Majorité absolue 17

(L’amendement n° 1244 est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1335 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 1335, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1329 rectifié.

Le vote sur cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à préciser que la transmission des biens, droits et produits ne bénéficiera pas d’une application autonome, et donc une seconde fois, des abattements personnels, ni d’une application indépendante des barèmes progressifs.

Monsieur Eckert, les œuvres d’art n’étant pas soumises à l’ISF, il n’y a pas de raison a priori de les mettre dans des trusts. Si elles y sont, c’est surtout pour une question de droits de succession.

M. Christian Eckert. C’est ce que j’ai dit !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le dispositif du Gouvernement est intéressant, parce que, si jamais l’œuvre est connue alors qu’elle n’a pas été déclarée, on lui appliquera la taxe de 0,5 %, c’est-à-dire que l’exonération pour œuvre d’art saute dès lors que le bien n’a pas été déclaré et qu’on peut apporter la preuve qu’il est dans un trust. Nous avons une rédaction qui me paraît solide.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1329 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 42

Nombre de suffrages exprimés 40

Majorité absolue 21

(L’amendement n° 1329 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1245, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 1573.

Les votes sur l’amendement et le sous-amendement feront l’objet d’un scrutin public.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 1245.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement vise à instaurer une solidarité de paiement. Je le disais tout à l’heure, il y a le constituant, le bénéficiaire et le gestionnaire. Là, il s’agit de prévoir que le bénéficiaire peut être solidaire du constituant. Dans l’hypothèse où l’on a du mal à identifier le constituant, il est plus facile d’identifier le bénéficiaire.

M. le président. La parole est à M. le ministre pour soutenir le sous-amendement n° 1573 et donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 1245.

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement du rapporteur général sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 1573. Nous partageons les préoccupations du rapporteur général, mais c’est une règle qui, de notre point de vue, risque de poser dans bien des cas des difficultés d’application alors même que les contribuables concernés sont de bonne foi. Je propose donc de l’appliquer seulement lorsque le gestionnaire du trust est établi dans un paradis fiscal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’y suis favorable, mais je souhaiterais le compléter.

C’est un débat que nous avons eu lors de l’examen de la loi de finances rectificative de la fin 2009 lorsque nous avons discuté de la lutte contre la fraude dans les territoires non coopératifs. Cela ne doit pas concerner seulement les territoires non coopératifs, ceux qui font partie de la fameuse liste noire, où il y a d’ailleurs de moins en moins d’États. Ce qu’il faut, c’est que nous ayons des informations, qu’il y ait une convention d’assistance administrative entre les deux pays pour pouvoir échanger des informations fiscales.

Je vous suggère donc, monsieur le ministre, d’ajouter, après les mots : « et dans le cas où l’administrateur du trust est soumis à la loi d’un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A » – c’est la liste noire – les mots : « ou n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement, ».

Je ne voudrais pas citer un pays proche, mais le fond du problème, c’est que nous devons pouvoir avoir les informations que nous demandons.

M. le président. Monsieur le ministre, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement en ce sens ?

M. François Baroin, ministre. C’est bien l’esprit et je suis favorable à la rédaction que suggère le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Le rapporteur général a soulevé une bonne question – comme d’habitude, allais-je dire. Nous découvrons le sous-amendement du Gouvernement en séance et j’avoue ne pas me souvenir exactement du libellé de l’article 238-0 A, mais, si l’accord se limite à un échange d’informations, cela ne sert pas à grand-chose. Il faut bien préciser les choses, un accord de coopération doit nous permettre d’aller jusqu’au recouvrement.

Nous avons souvent mis en doute l’intérêt des accords de coopération entre États. Il est un peu facile de dire qu’il n’y a plus de paradis fiscaux parce que des accords de coopération ont été signés. Tout dépend de ce qu’il y a dans ces accords, et le rapporteur général soulève à juste titre un vrai problème.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. C’est évidemment une question essentielle. Comme l’a dit Christian Eckert, cela dépend de ce qu’il y a dans les accords, mais pas seulement. Si la liste noire s’est dégonflée, c’est parce qu’il y a des accords entre États voyous. Il faut donc tenir compte des signataires des accords.

Le rapporteur général nous a expliqué qu’il devait y avoir une convention entre États ou avec la France. Le « ou » n’est pas pertinent, il doit toujours y avoir une convention avec la France car l’on peut considérer que notre État, sans être exemplaire vu ce qu’il tolère à Monaco et ailleurs, est tout de même moins critiquable que d’autres. Si vous allez aux Bahamas, par exemple, vous verrez des immeubles avec des bureaux sans personne dedans mais, en bas, il y a des plaques. Ce sont celles des plaque companies, les compagnies qui n’ont qu’une plaque. Par ailleurs, savez-vous que les Bahamas, qui sont un État voyou, voient néanmoins leur réseau routier financé par l’Union européenne ? Non seulement on se fait plumer, mais on dit merci.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur le sous-amendement n° 1573, tel qu’il a été rectifié par le Gouvernement, pour insérer, à l’alinéa 2 de l’amendement n° 1245, après le mot « défaut, », les mots : « et dans le cas où l’administrateur du trust est soumis à la loi d’un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A ou n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement, ».

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 46

Nombre de suffrages exprimés 42

Majorité absolue 22

(Le sous-amendement n° 1573 rectifié est adopté.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1245, sous-amendé par le sous-amendement n° 1573 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 42

Nombre de suffrages exprimés 37

Majorité absolue 19

(L’amendement n° 1245, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1332 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 1332, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1338 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 1338, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 408.

Le vote de cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Merci de devancer ma demande, monsieur le président. Il y a davantage de connivence entre vous et moi qu’entre le ministre et moi. Vous n’avez toujours pas répondu à ma question sur les impôts payés par Mme Bettencourt, monsieur le ministre. Je vous assure que, lorsque je vous aurai interrogé pour la deuxième douzaine de fois, je demanderai une suspension de séance pour aller trinquer avec vous à la buvette à sa santé.

L’amendement n° 408 tend à interdire aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux.

On peut écouter le prêchi-prêcha de certains de nos dirigeants de banque mais, dans cette affaire, comme dirait François Fillon, il ne faut pas être seulement croyant mais aussi pratiquant. Les trusts sont des mécanismes de droit anglo-saxon qui n’ont souvent d’autre finalité que de servir à des opérations de défiscalisation. Cet article nous fournit des armes juridiques permettant de fiscaliser le patrimoine placé dans un trust. Le présent amendement a pour objet de modifier le prélèvement auquel sont assujettis les trusts et de le fixer à un taux de 1,8 %.

Monsieur le ministre, j’espère que vous vous inspirerez de la prise de position de François Fillon, lors de la séance des questions au Gouvernement, prise de position qui ne s’est pas encore, il est vrai, traduite par des actes, mais qui manifestait clairement une intention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 408.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 45

Nombre de suffrages exprimés 43

Majorité absolue 22

(L’amendement n° 408 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1336 de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 1336, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, vous demandez un scrutin public sur tous les amendements. Parfois, nous avons le temps de les discuter, vous respectez les cinq minutes, mais, d’autres fois, nous n’avons même pas le temps de rejoindre nos places pour voter ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous comptons sur votre sagesse pour que nous ne soyons pas continuellement obligés de faire de l’exercice et que nous puissions, sur certains amendements, nous passer d’un scrutin public.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Vous n’avez qu’à rester à votre place !

M. le président. Monsieur Muet, le médecin que je suis est soucieux de votre santé et considère qu’un peu d’exercice ne peut pas faire de mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 360.

Le vote sur cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Je me demandais, monsieur le président, quelle était votre spécialité du côté de la faculté de médecine.

En ce qui concerne cet amendement, je constate, monsieur le ministre, que, dans cet article 6, vous souhaitez soumettre à prélèvement fiscal toutes les catégories de trust sauf une, chère au cœur de l’un des frères de notre président : les trusts constitués pour gérer les mécanismes de retraites chapeaux. Comme lors de la réforme des retraites, je remarque que les réflexes claniques, népotiques, ont la vie dure.

Le rapport de la commission des finances sur ce mécanisme est si laconique que l’on mesure votre embarras, monsieur le rapporteur général. Nous savons pourtant que rien ne vous échappe : ce que je suis en train de dénoncer n’a donc pu vous échapper. Vous êtes ainsi amené à justifier une disposition injustifiable car ne bénéficiant qu’à quelques grands patrons privilégiés.

Notre amendement tend à supprimer ce cadeau fiscal aux bénéficiaires de retraites chapeaux. Si ma critique est injuste, monsieur le rapporteur général, il vous suffit, pour vous en exonérer, d’approuver mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Brard, vous n’étiez pas en commission. Pourtant, nous avons trouvé votre amendement extrêmement intéressant.

M. Jean-Pierre Brard. Il suffit que je ne sois pas là !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme vous, nous avons eu beaucoup de mal à comprendre la justification d’une telle exonération pour ce type de trust. Dans le doute, nous avons adopté votre proposition.

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. Jean-Pierre Door. Ça s’arrose !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Nous n’avons pas la même lecture. Je ne mets naturellement pas en doute la sincérité de la commission, mais j’attire l’attention de la représentation nationale sur deux points.

Tout d’abord, l’exclusion de ces trusts répond à un principe de non-discrimination. Il n’y a pas de raison de taxer des trusts constitués dans un but d’épargne retraite alors même qu’une exonération d’ISF est prévue pour les rentes viagères constituées dans un cadre professionnel.

En outre, la taxation des trusts de retraite aux prélèvements sui generis poserait un problème d’attractivité de la place de Paris.

M. Yves Censi. Évidemment !

M. François Baroin, ministre. Ces trusts, c’est-à-dire les fonds de pension, sont des investisseurs majeurs dans nos entreprises. Le sujet n’est donc pas neutre. Si d’aventure cet amendement était voté, la réponse immédiate d’un certain nombre de fonds de pension qui ont choisi la place de Paris serait immédiate. Comme ces gens investissent dans le monde entier et qu’ils ne sont liés par aucune autre considération que la situation stable de notre pays en la matière, ils partiront sans difficulté, dans la seconde, pour Londres ou vers d’autres places européennes ou mondiales.

M. Yves Censi. Le ministre s’exprime avec sagesse !

M. Christian Eckert. Cela ne changerait rien à l’économie réelle !

M. François Baroin, ministre. Il s’agit d’un enjeu de financement majeur pour nos entreprises.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jean-Pierre Brard. Le député idolâtre !

M. Jérôme Chartier. Merci, monsieur Brard, pour vos qualificatifs toujours flatteurs. J’en ai d’autres pour vous.

Dès que vous présentez un amendement, j’ai l’habitude, je ne sais par quel atavisme, de voter contre. Cet atavisme va en l’occurrence se confirmer. Comme Gilles Carrez, j’étais au départ plutôt attiré par votre amendement et j’ai voté de la même manière que le rapporteur général, mais…

M. Jean-Pierre Brard. Mais !

M. Jérôme Chartier. …ce genre de dispositifs très techniques présente un problème, comme vous avez pu l’observer lorsque nous avons discuté de la loi sur la régulation bancaire et financière. Parfois, un vote à la va-vite en commission des finances peut avoir des conséquences insoupçonnées en raison de l’extrême complexité de certaines réalités.

J’ai une proposition à vous faire. Dans la mesure où nous avons la chance de pouvoir compter sur une discussion au Sénat et sur un retour en commission mixte paritaire, nous allons pouvoir approfondir ce point très technique lors de la navette. Je propose donc de voter contre l’amendement…

M. Christian Eckert. Pourquoi ? Au contraire !

M. Jérôme Chartier. …afin de ne pas inquiéter d’éventuelles sociétés implantées sur le territoire national, qui partiraient si une législation mal adaptée les y entraînait, et d’en discuter de nouveau en commission mixte paritaire, afin de parvenir à une mesure parfaitement adaptée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suivrai volontiers la proposition de Jérôme Chartier.

Il y a un cas de figure – c’est celui que vous aviez à l’esprit, monsieur Brard, j’en suis sûr – qui est inacceptable. Une grande entreprise française utiliserait à l’étranger la formule du trust pour verser des compléments de retraite à tel ou tel de ses salariés. Cela, monsieur le ministre, c’est à proscrire absolument.

M. Jérôme Chartier. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais il y a d’autres cas. À l’étranger, les trusts existent ; imaginons un Français qui aurait effectué toute sa carrière dans une entreprise américaine : son complément de retraite, comme cela s’est toujours fait là-bas, est organisé dans le cadre d’un trust, par exemple à Chicago. Notre Français vient prendre sa retraite en France. Avec l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Brard, il serait assujetti, en tant que bénéficiaire, au paiement de la totalité de la fiscalité au titre du trust. Comme il est de bonne foi, à l’évidence, cela ne colle pas !

Monsieur le ministre, il faudrait donc profiter du passage au Sénat pour nous rassurer en distinguant bien ces deux cas. Nous voulons absolument proscrire le premier, mais le second est bien entendu acceptable.

M. Jérôme Chartier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Comme nous approchons de la fin de la discussion sur l’article 6, je souhaite donner voix à une préoccupation qui, sans cela, ne serait pas exprimée dans cet hémicycle. M. Garrigue n’étant pas présent, il ne pourra en effet défendre l’amendement qu’il avait déposé sur le sujet de la fiducie.

À l’origine, la fiducie était réservée aux seules personnes morales ; Mme Lagarde avait, à l’époque, donné des garanties. Or, un an et demi plus tard, la loi de modernisation de l’économie a étendu la possibilité de constituer une fiducie aux personnes physiques et ouvert aux avocats la qualité de fiduciaires.

Comme l’article 6 a pour objet de créer une fiscalité particulière pour ces structures opaques et jusqu’à présent épargnées que sont les trusts, j’ai trouvé important le propos de notre collègue, selon lequel nous avions créé, avec les fiducies et surtout avec leur ouverture aux personnes physiques, des structures opaques, des trusts qui n’en portent pas le nom.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais non !

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement ne peut être repris, mais je souhaiterais que le président de la commission et le rapporteur général s’expriment à ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. La réaction de nos collègues est très intéressante. C’est : « Au feu, les pompiers ! »

M. Jérôme Chartier. Mais non !

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur Chartier, je vous connais comme si je vous avais fait ! (Rires.)

M. Jérôme Chartier. Il est vrai que vous pourriez être mon père !

M. Jean-Pierre Brard. Je pourrais en effet être votre papa, mais je vous garantis que, si c’était le cas, je n’en serais pas fier ! (Rires.) Un fils aussi infidèle aux convictions de son papa ! Non, j’ai deux fils et j’en suis fier.

Le ministre a dit que le sujet n’était pas neutre, et c’est vrai, puisque vous faites une exception unique, pour un type de trust qui, comme par hasard, correspond exactement aux activités d’un des frères du Président de la République. Je comprends que cela vous gêne beaucoup plus encore que l’affaire de Mme Bettencourt, parce que cela touche le Palais et ses dépendances.

Il ne s’agit pas du tout d’un problème technique. M. Chartier, patelin, propose, pour une fois, non de rejeter brutalement l’amendement, mais d’approfondir la question. C’est comme plonger au fond d’un trou d’eau : le plongeur ne ressort jamais. Voilà ce que propose M. Chartier : la noyade pour protéger le frère de Sa Majesté ! Il fallait que les choses soient dites et que le masque tombe. C’est ce que j’ai contribué à faire, et vous imaginez bien que nous ne voterons jamais votre texte.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 360.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 55

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L’amendement n° 360 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1331.

Le vote sur cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Dès lors que le bien dans le trust est connu, il est taxé selon la voie normale. Il s’agit de prévoir que cette taxation normale ne s’applique que s’il y a vraiment eu une déclaration normale, et non en cas de contrôle fiscal.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1331.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(L’amendement n° 1331 est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1337 rectifié de M. le rapporteur général est rédactionnel.

(L’amendement n° 1337 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de précision n° 1246 de M. le rapporteur général.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Si cet amendement était voté, les bénéficiaires qui acquitteraient spontanément leur ISF et respecteraient leurs obligations déclaratives resteraient néanmoins solidaires du paiement du prélèvement dû par l’ensemble des autres bénéficiaires du trust. Cela signifie que seraient traités de la même manière les contribuables qui s’acquittent de leurs obligations déclaratives et ceux qui ne déclarent pas leur patrimoine. Le prélèvement que nous proposons vise au contraire à encourager les déclarations. Il ne vise à pénaliser que les personnes qui dissimulent leur fortune par les trusts. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voulais par cet amendement prévoir le cas où il n’y aurait déclaration que sur une partie des biens qui sont dans le trust : dès lors, le taux de prélèvement normal s’applique sur cette partie, mais le prélèvement exceptionnel au titre des trusts s’applique sur l’autre partie. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n° 1246 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de précision, n° 1330, de M. le rapporteur général.

(L’amendement n° 1330, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 1339 de M. le rapporteur général est défendu.

(L’amendement n° 1339, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. Après l’article 6, je suis saisi d’un amendement n° 1293.

La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. J’entends reprendre le débat que nous avons déjà eu dans cette enceinte sur les LBO puisque certains nous ont dit que c’était la panacée universelle et que ce dispositif avait permis de sauver un grand nombre d’entreprises, alors que nous, nous maintenons, particulièrement après la crise que l’on vient de traverser, que les LBO présentent plusieurs inconvénients.

Le premier inconvénient, c’est que, en période de crise, les sociétés concernées sont fragilisées. L’assureur-crédit COFACE a relevé que, sur les 1 600 LBO en France, 900 sont en zone de surveillance et de nombreux en zone d’alerte. Je ne dis pas que les LBO sont à l’origine de ces difficultés, mais ils les aggravent, car le dispositif consiste à prêter beaucoup et à se rembourser sur la bête. En cas de crise, les profits de l’entreprise diminuent et elle n’arrive plus à financer les remboursements.

Second inconvénient : comme on se paye sur la bête, cela provoque des achats et des reventes à des fréquences très rapprochées, et il n’y a bien souvent plus de politique industrielle à moyen terme dans les petites et moyennes entreprises – chacun en a des exemples dans son environnement.

Nous ne proposons évidemment pas d’interdire le système LBO, mais il faut qu’on ne puisse y entrer qu’à partir du moment où le rapport entre les capitaux propres et la dette financière n’est pas inférieur à 66 %, ce qui permettrait à la société d’avoir un socle plus important. Elle pourrait ainsi résister en cas de tempête.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est bien connu.

(L’amendement n° 1293, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1311.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement propose un système qui existe en Allemagne et qui consiste à ne pas retirer l’ensemble des intérêts d’emprunt du bénéfice imposable. On le sait, l’ensemble des intérêts d’emprunt pouvant être retirés de l’assiette, certaines entreprises ont intérêt à s’endetter, y compris pour en acheter d’autres. Plafonner à 30 % les charges d’intérêt déductibles de l’impôt sur les sociétés – c’est le paramètre retenu en Allemagne – permettrait d’éviter les inconvénients du dispositif actuel. Je rappelle que le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires fait la même proposition. Si elle était suivie, elle conduirait à une augmentation cumulée des bénéfices de 41 milliards d’euros et donc à une recette supplémentaire pour l’État de 11 milliards d’euros sur trois ans.

M. le président. Je me permets de vous interrompre, monsieur Muet, pour rappeler que j’ai demandé un scrutin public sur cet amendement.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Pierre-Alain Muet. Le décompte des cinq minutes commence donc à partir de maintenant, monsieur le président. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Chartier. Quel comptable ! Quelle mesquinerie !

M. le président. Monsieur Muet, Je l’avais déjà demandé, mais je croyais que vous l’aviez oublié. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. Vous ne l’aviez pas annoncé, mais, quoi qu’il en soit, j’aimerais que l’on consacre un petit peu de temps à cet amendement. Je me souviens en effet très bien que la logique du projet de loi de finances rectificative, c’était la convergence avec l’Allemagne. Nous avons déjà discuté de notre proposition, le rapporteur général a dit que c’était un vrai sujet et qu’il fallait se pencher sur la question.

M. Jérôme Chartier. J’ai fait un rapport sur le sujet !

M. Pierre-Alain Muet. Nous en avons débattu à la commission des finances, reconnaissant que la possibilité de déduire l’ensemble des intérêts posait un problème. Mais je regrette que, dans le cadre de la convergence avec l’Allemagne, le Gouvernement ou la majorité n’ait pas retenu le dispositif que nous proposons : il est très efficace et rapporterait beaucoup. Par conséquent, il remplirait le double objectif d’éviter une incitation défavorable à l’investissement et de faire bénéficier les finances publiques de 11 milliards d’euros sur trois ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Monsieur Muet, nous avons eu en effet un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, et, pour ma part, dans le rapport d’information que je livre chaque année sur l’application de la loi fiscale, j’ai étudié en particulier le sujet que vous abordez. Je pourrai mettre à votre disposition, au début du mois de juillet, des éléments complémentaires sur la façon dont nous pourrions limiter de façon intelligente les dispositifs de sous-capitalisation. Mais on ne peut pas le faire brutalement, même en s’inspirant de l’exemple allemand, comme vous le proposez. Au passage, je rappelle que, en Allemagne, les allers-retours ont été nombreux, la législation a été modifiée presque tous les deux ou trois ans. Je rappelle aussi que la législation allemande prévoit une franchise de 1 million d’euros.

J’en profite, monsieur le ministre, pour vous adresser une requête : j’ai envoyé un questionnaire extrêmement précis, je sais que les réponses commencent à arriver et je souhaite que vous me le transmettiez rapidement, parce que le mois de juillet approche et que cela va être un gros travail. Je vous remercie par avance.

M. Jean-Pierre Brard. Devoirs de vacances !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable sur l’amendement et bien sûr favorable à l’envoi du document dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Nous évoquons ce sujet depuis longtemps et, chaque fois, je suis frappé de vous entendre répondre que ce n’est pas le moment, que ce n’est pas la loi qui convient. Apparemment, ce n’est pas encore le moment aujourd’hui. J’aurais compris que le rapporteur général ou le ministre sous-amende pour proposer un système de lissage : il faut tenir compte de nos amendements, qui ne sont pas conçus au petit bonheur la chance. Nous nous sommes fondés sur le rapport évoqué par Pierre-Alain Muet et sur la comparaison avec l’Allemagne. Je veux bien que les Allemands aient fait des allers-retours, mais, s’ils sont arrivés au plafonnement à 30 %, c’est qu’ils ont trouvé que ce système était équilibré. On ne cesse de nous répéter que les Allemands sont la référence, mais, quand nous proposons un système qui a été testé efficacement dans ce pays, on nous répond que ce n’est pas le moment, que c’est trop tôt. Nous serons très attentifs aux travaux que va conduire le rapporteur général durant l’été – en lui souhaitant tout de même de prendre quelques semaines de vacances, car personne ne doute qu’il travaille beaucoup. Mais nous sommes toujours un peu choqués de ces atermoiements. Ce n’est jamais le moment, sauf pour alléger l’ISF de 2 milliards d’euros.

M. Jérôme Chartier. Parce qu’on a supprimé le bouclier !

M. Christian Eckert. Cette mesure est tout de même arrivée très brutalement. Pendant quatre ans, la majorité et le Gouvernement ont défendu le bouclier en expliquant que c’était une mesure de justice fiscale, avec tous les arguments possibles et imaginables, y compris la référence à l’Allemagne, et aujourd’hui, quand on vous propose une mesure qui s’y réfère aussi, vous refusez en prétendant que ce n’est pas le moment. Nous tenons vraiment à cet amendement.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1311.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L’amendement n° 1311 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 1317.

Le vote sur cet amendement fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement s’inspire du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui s’est penché sur toutes les niches fiscales relatives à l’impôt sur les sociétés. Parmi ces dispositifs, il a longuement insisté sur le régime mère-fille. Il propose que ce régime s’applique aux seuls cas dans lesquels la société mère détient plus de 10 % des titres de sa filiale. Je rappelle que, aujourd’hui, ce régime est applicable à partir de 5 %. Cette mesure permettrait de réduire le coût de cette dépense fiscale et, surtout, de rendre un peu moins mité notre taux d’imposition sur les sociétés. On a beaucoup parlé de la nécessité de favoriser les PME. Or vous savez tous qu’elles payent en moyenne 30 % de leurs profits en impôt sur les sociétés, alors que les sociétés du CAC 40 n’en payent que 8 %, la plus grande en payant 0 %. Mais nous reparlerons de la plus grande dans l’article qui suit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’amendement n° 1317.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L’amendement n° 1317 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour une minute.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-deux, est reprise à dix-neuf heures quarante-trois.)

M. le président. La séance est reprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce fut aussi court qu’une minute de silence !

M. Christian Eckert. Monsieur le président, cela n’a même pas duré une minute ! Ne nous fâchez pas à cette heure-ci !

M. Jérôme Chartier. Vous êtes déjà fâché, monsieur Eckert !

M. Pierre-Alain Muet. Rappel au règlement !

M. le président. Nous n’avons déjà entendu que trop de rappels au règlement qui n’en étaient pas, mes chers collègues. Vous êtes parlementaires depuis suffisamment longtemps pour savoir que personne n’est dupe.

Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 724, 725, 728, 730, 731, 733 et 739.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 724.

M. Pierre-Alain Muet. C’est un amendement important, parce que le monde a connu une crise financière importante…

M. Yves Censi. Heureux de vous entendre le reconnaître !

M. Pierre-Alain Muet. …et qu’il a fallu venir au sauvetage des banques. Le Gouvernement aurait d’ailleurs pu intervenir en achetant des actions, ce qui aurait rapporté quelques milliards aux finances publiques. Or il a préféré des titres très spécifiques. Notre amendement propose d’établir une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 % dont seraient redevables les établissements de crédit agréés et des entreprises d’investissement. C’est une taxe additionnelle, disais-je, mais il est vrai que les banques ne payent pas forcément, en pratique, 33 % de leurs profits en impôts.

M. Jérôme Chartier. Elles payent déjà la taxe sur les salaires !

M. Pierre-Alain Muet. Nous avons besoin d’instaurer une taxe exceptionnelle sur les profits des banques, ce qui est tout à fait justifié à un moment où elles ont reconstitué très largement leurs profits. Si l’État était intervenu par le biais d’achat d’actions, il aurait gagné plusieurs milliards d’euros, selon la Cour des comptes, alors qu’il n’a tiré de son intervention qu’un bénéfice très modeste. Par conséquent, cette taxe exceptionnelle serait bienvenue pour financer le déficit de nos comptes publics.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour défendre l’amendement n° 725.

M. Christian Eckert. Cet amendement ressemble beaucoup au précédent.

Monsieur Chartier, il s’agit là de créer une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés et non pas de ramener le taux de 33 % à 15 %. À titre exceptionnel et compte tenu du fait que nous avons transféré du crédit privé vers du crédit public, il nous semble juste, équitable et équilibré de faire contribuer les établissements de crédit au budget de l’État.

Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que certains d’entre vous avaient voté en faveur de l’amendement Migaud, adopté en commission des finances. Cet amendement prévoyait un taux de 10 %, mais qu’à cela ne tienne : présentez un sous-amendement fixant le taux à 10 % et nous serons d’accord.

De façon assez extraordinaire, le vote de repentance de certains parlementaires de la majorité en commission des finances s’est évaporé, a fait pschitt au moment du scrutin dans l’hémicycle. Notre insistance vous rend service : à un moment où les Français sont indignés par le montant des frais prélevés sur les cartes bancaires – qui contribuent largement à reconstituer les bénéfices des banques sur le dos des petits, des usagers qui sont contraints de disposer d’un certain nombre de services –, l’adoption de cet amendement vous serait utile pour retrouver un peu la confiance de l’opinion.

M. le président. Le vote sur les amendements nos 724, 725, 728, 730, 731, 733 et 739 fera l’objet d’un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour défendre l’amendement n° 728.

M. Gérard Bapt. Le présent amendement tend à établir une taxe additionnelle de 15 % à l’impôt sur les sociétés qui pèserait sur les établissements de crédit.

Il me souvient, mes chers collègues, que nous avions ici, à une voix près, voté une taxation exceptionnelle sur les bénéfices des banques. À l’époque, le Gouvernement nous avait expliqué que la productivité du secteur bancaire en pâtirait. À mon grand regret, l’un de nos collègues UMP, qui avait tout d’abord voté pour l’amendement de Didier Migaud – alors président de la commission des finances –, s’était déjugé par la suite, et l’amendement avait été repoussé.

M. Yves Censi. C’était son droit !

M. Gérard Bapt. Pourtant, la bonne santé de l’industrie bancaire – confirmée par la publication récente de bénéfices et de bonus records – permettrait de mettre les établissements de crédit à contribution, pour la solidarité nationale, en créant cette taxe additionnelle de 15 %.

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l’amendement n° 731.

Mme Aurélie Filippetti. Effectivement, les banques ont été aidées au moment de la crise, en 2008, par l’État français et donc par la solidarité nationale. Cela avait d’ailleurs suscité un certain émoi chez nos concitoyens dans la difficulté, étonnés que l’on trouve subitement de l’argent pour financer la recapitalisation des banques, alors qu’il n’y avait pas d’argent pour donner un coup de pouce au SMIC ou à d’autres mesures sociales.

Mme Laure de La Raudière. Cela n’a rien à voir !

Mme Aurélie Filippetti. D’après Mme la ministre, les banques ont remboursé l’argent qui leur avait été avancé, mais, comme l’État n’avait pas pris de participation au capital de ces établissements, il n’a pas pu retirer la plus-value qu’il aurait dû réaliser.

M. Olivier Carré. Il a touché plus de 2 milliards d’euros d’intérêts !

Mme Laure de La Raudière. C’était un prêt à 8 % !

Mme Aurélie Filippetti. Le fait que l’État ait apporté son soutien à ces banques a contribué à l’appréciation de leur valeur. Cette garantie a un coût qui aurait dû être apprécié à sa juste valeur si l’État avait pris une réelle participation au capital de ces banques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. C’est faux, et vous le savez !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour défendre l’amendement n° 733.

Mme Sandrine Mazetier. Si nos collègues veulent s’exprimer, je leur suggère de demander la parole, je suis sûre que le président la leur donnera.

Il vous est manifestement insupportable d’entendre notre proposition, pourtant relativement modeste : le présent amendement tend à établir une taxe additionnelle de 15 % à l’impôt sur les sociétés qui pèserait sur les établissements de crédit. Cette taxe ne serait pas prélevée sur n’importe quelles sociétés mais sur les banques.

Des amendements de ce genre ont été adoptés, en commission d’abord, dans l’hémicycle ensuite. Le Gouvernement a dû demander une seconde délibération pour les contrer. À un moment, vous étiez donc sensibles à ce genre de discours car, comme les Français, vous constatiez que les banques ne s’étaient vraiment pas comportées comme il le fallait. Est-ce que cela a changé depuis ? Non. L’amendement que nous proposons reste donc adapté et opportun.

Si la situation des banques, les rémunérations qu’elles versent et l’état des finances publiques avaient prodigieusement évolué depuis 2008, nous n’aurions pas à présenter ce type d’amendement. Vous savez comme moi que ce n’est pas le cas. Il faut chercher des recettes, nous vous en proposons.

L’actualité nous montre que certains, outre-Atlantique, ont des exigences vis-à-vis des établissements bancaires. Pourquoi n’aurions-nous pas ce minimum d’exigences que Barack Obama…

M. Guy Malherbe. C’est votre référence !

Mme Sandrine Mazetier. …avait manifesté et que le régulateur américain manifeste encore ? Je vous invite à lire l’article publié dans Les Échos sous le titre : « Le régulateur américain met la pression sur les grandes banques. » Pourquoi s’interdire de se pencher sur les bénéfices des banques ? Ce n’est pas tabou !

M. le président. La parole est à M. Victorin Lurel, pour soutenir l’amendement n° 739.

M. Victorin Lurel. Tout de même, ce sont des choses importantes, surtout quand on se fait traiter d’archaïques ! Faire payer les banques, ce n’est pas archaïque. Face à 20 milliards d’euros, on se gausse et on se bat la poitrine parce qu’on a perçu 2,7 milliards d’euros. Les seuls profits de la BNP et de la Société générale ont atteint 7,8 milliards d’euros ; les bonus des traders ont explosé ; les prestations bancaires ont aussi explosé, il suffit pour s’en convaincre de consulter l’enquête de l’UFC-Que Choisir.

Il est d’autant moins indécent de faire payer les banques qu’elles ont bénéficié de taux fort avantageux. Très sincèrement, je ne comprends pas ce tropisme à l’égard des institutions financières. Nous sommes moins progressistes que Barack Obama !

M. Guy Geoffroy. On est en France !

M. Yves Censi. Vous êtes tous devenus américanolâtres !

M. Victorin Lurel. C’est exactement ce que l’on constate quand on regarde les lois de régulation bancaire et financière adoptées aux États-Unis : nous sommes moins progressistes et justes.

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone, pour défendre l’amendement n° 730.

M. Claude Bartolone. Chers collègues, pourquoi vous énervez-vous lorsque nous évoquons Barack Obama ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Après tout, reprenez les déclarations de Nicolas Sarkozy lors du dernier Forum de Davos, lorsqu’il soutenait Obama dans sa volonté de dissuader les banques de spéculer pour elles-mêmes. Nous essayons de vous ramener à vos fondamentaux. Lorsque le Président de la République dit : « Quand on gagne à tous les coups, on n’est pas dans un système d’économie de marché. » On vous donne la possibilité de revenir sur ce système qui a amené les banques à gagner au moment où elles étaient en difficulté, parce que les pouvoirs publics les ont aidées. Aujourd’hui, alors qu’elles vont bien mieux, elles seraient dispensées d’un effort de solidarité nationale qui serait utile à l’ensemble de la nation ?

Je vous renvoie une nouvelle fois au discours du Président de la République à Davos : « Le métier de banquier n’est pas de spéculer […], c’est de financer le développement de l’économie. »

M. Yves Censi et M. Jérôme Chartier. Très juste !

M. Claude Bartolone. Comment voulez-vous que les banques puissent mieux financer le développement de l’économie ? En ayant, comme nous vous le proposons, une taxation supplémentaire compte tenu des bénéfices qu’elles ont eu l’occasion d’engranger cette année et qui nous permettrait d’intervenir dans de meilleures conditions pour moderniser l’économie, l’aider à se développer et contribuer à la justice fiscale.

Je pourrais citer d’autres maximes du Président de la République et je finirai par celle-ci : « L’absence de règles tue le capitalisme. » Avec cet amendement, nous vous proposons de fixer des règles afin de vous permettre, pour quelques jours encore, de sauver le capitalisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il s’agit moins de la taxation du profit des banques que d’interroger le Gouvernement sur ce qu’est la politique actuelle des pouvoirs publics en France à l’égard de certaines rémunérations, probablement jugées excessives par tout le monde sur ces bancs.

Les rémunérations des dirigeants du CAC 40 ont augmenté de 24 % en moyenne. Cette augmentation déjà considérable masque pourtant des inégalités : certaines hausses de rémunération, notamment pour les dirigeants de grandes banques en France, ont été nettement supérieures. On se souvient que, il y a quelques semaines, les dirigeants des très grandes banques françaises ont bénéficié pour cette année non seulement d’une augmentation de rémunération, mais aussi de plans très favorables de stock-options et de bonus.

Or Mme Lagarde nous avait indiqué que le MEDEF avait élaboré un code de bonne conduite et qu’elle veillerait à son application. Doutant probablement que celui-ci suffise, elle avait confié à M. Camdessus – un homme tout à fait respectable avec lequel Gilles Carrez et moi-même avons travaillé sur d’autres sujets – le soin de vérifier que ces rémunérations restent dans des proportions convenables, acceptables, compréhensibles, admissibles – à chacun de trouver l’adjectif qui conviendrait. À ma connaissance M. Camdessus est toujours mandaté pour vérifier que les rémunérations que s’accordent certains dirigeants restent décentes. Vous est-il possible de faire un bilan de son action sur ce sujet ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements qui viennent d’être défendus.

S’agissant de la question soulevée par le président de la commission des finances, le Gouvernement est déterminé à mettre en place, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, des dispositions de nature législative pour effectuer une contribution sur les revenus exceptionnels.

En ce qui concerne le rapport Camdessus, les documents seront à votre disposition dès qu’ils seront définitivement rédigés, à la fin de ce premier semestre.

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Je souhaite revenir, après les discussions que nous avons eues en aparté, sur le soutien apporté aux banques. Nul ne conteste que les prêts qui ont été accordés aux banques ont rapporté 2,7 milliards au budget.

M. Guy Geoffroy. Ce n’était pas dit tout à l’heure !

M. Christian Eckert. Nous n’allons pas dire le contraire.

Mais ne nous traitez pas de menteurs lorsque nous affirmons qu’une entrée au capital des banques aurait rapporté beaucoup plus.

Je prends un exemple. Lorsque l’État a souscrit des actions de préférence sur la BNP, actions sans droit de vote qui sont obligatoirement rachetées au même prix, sans plus-value, l’action de la BNP valait 27 euros – je vous fais grâce des centimes. Au moment où la banque a remboursé ses prêts, l’action BNP valait 58 euros. La plus-value aurait donc été, rien que pour la BNP, de 5,8 milliards d’euros.

M. Yves Censi. C’est de la pure spéculation !

M. Christian Eckert. Si nous avions fait le même calcul sur l’ensemble des organismes bancaires, c’est 12 milliards d’euros que nous aurions pu retirer.

M. Yves Censi. C’est honteux !

M. Christian Eckert. Le Gouvernement a fait le choix de la sécurité. Mais, tout le monde le sait, en matière d’investissement, la sécurité se paye.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Vous oubliez le Crédit Lyonnais ! On ne gagne pas à tous les coups !

M. Christian Eckert. Il eût sans doute également été préférable de rentrer au capital avec droit de vote : cela aurait peut-être permis d’éviter un certain nombre de dérives, comme celles que vient de dénoncer le président de la commission des finances.

Voilà la vérité. Il n’y a pas plus de menteurs d’un côté de cet hémicycle que de l’autre. Comme je l’ai dit hier, les chiffres sont têtus.

C’est simplement ce qu’ont voulu dire mes collègues, notamment Sandrine Mazetier et Aurélie Filippetti.

M. Yves Censi. C’est de la mauvaise foi !

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements nos 724, 725, 728, 730, 731, 733 et 739.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 53

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(Les amendements identiques nos 724, 725, 728, 730, 731, 733 et 739 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)