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Délégation pour l’Union européenne

mercredi 25 juillet 2007

14 h 45

Compte rendu no 5

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Communication de M. Alfred Almont sur l’application par la France d’un taux d’accises réduit sur le rhum traditionnel produit dans les départements d’outre-mer (E 3571)

II. Audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et la préparation de la Présidence française de l’Union

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

IV. Informations relatives à la Délégation

I. Communication de M. Alfred Almont sur l’application par la France d’un taux d’accises réduit sur le rhum traditionnel produit dans les départements d’outre-mer (E 3571)

Le Président Pierre Lequiller s’est préalablement félicité du règlement de la situation des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus depuis plusieurs années en Libye, et a salué l’action du Président de la République, de son épouse, ainsi que l’Union européenne, sous l’égide de Mme Benita Ferrero-Waldner, commissaire aux relations extérieures et à la politique européenne de voisinage. Il s’agit d’une excellente nouvelle tant pour les droits de l’homme et les principes qui fondent les interventions humanitaires, que pour l’Europe et la place qu’y tient la France.

M. Alfred Almont, rapporteur, a rappelé que l’objectif de la proposition de décision du Conseil était de prolonger le régime fiscal préférentiel dont bénéficie un certain contingent de rhum traditionnel des départements d’outre-mer à destination de la métropole, et d’accroître le volume concerné. Il s’agit d’une mise en œuvre du paragraphe 2 de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne, qui permet de prendre en compte les spécificités et difficultés des régions ultrapériphériques.

Une telle mesure qui donne un accès préférentiel au marché métropolitain, et garantit l’équilibre économique des distilleries, reste indispensable au maintien de la filière canne-sucre-rhum, qui souffre d’un grave déficit de compétitivité par rapport à ses principaux concurrents, comme il l’a été constaté dans le cadre de la procédure de réexamen à mi-parcours de la décision du Conseil, du 18 février 2002, qui en constitue l’actuelle base juridique.

La filière conserve un rôle majeur dans l’équilibre économique de chacun des départements concernés. Ses coûts de production y sont plus élevés que ceux des principaux concurrents que sont les pays ACP et les pays tiers tels que le Venezuela, Cuba et le Brésil, et sont en outre accrus par les contraintes résultant du respect des normes communautaires en matière environnementale et de sécurité. Les parts de marché du rhum originaire des DOM diminuent dans l’ensemble de l’Union européenne, et même, dans une certaine mesure en métropole.

La Commission a donc suivi la demande de la France et propose de prolonger jusqu’au 31 décembre 2012 ce régime fiscal préférentiel, qui repose sur un taux d’accises réduit appliqué à une certaine quantité de rhum traditionnel.

S’agissant du volume du contingent de production concerné, la Commission propose de l’accroître, et de le faire passer de 90.000 hectolitres d’alcool pur à 108.000 hectolitres d’alcool pur par an, ce qui correspond au prolongement des tendances actuelles, et paraît convenir, même si les professionnels ont initialement demandé un contingent supérieur.

M. Pierre Sellal, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, a indiqué que la proposition, présentée par la Commission quelques semaines auparavant, avait déjà fait l’objet d’un début d’examen au niveau du groupe technique compétent. On semble s’acheminer vers une décision positive à la majorité qualifiée, à l’automne. En effet, le vote intervient à la majorité qualifiée, nonobstant le caractère fiscal de la matière, en application de la disposition précitée du Traité relative aux régions ultrapériphériques. Les débats sur le régime fiscal applicable au rhum ou encore sur la banane dans une Europe élargie montrent qu’il est moins aisé qu’auparavant de faire prendre en compte les spécificités des départements d’outre-mer. Il est donc nécessaire d’engager une réflexion sur l’avenir, pour l’après 2012 en l’espèce, plus précisément sur les mécanismes alternatifs permettant de continuer à faire valoir les difficultés propres à ces territoires.

M. Alfred Almont, rapporteur, a rappelé l’intérêt économique et social de la filière canne-sucre-rhum, qui repose sur une gamme très complète de productions et fournit en outre avec la bagasse une source d’énergie renouvelable pour la production électrique.

M. Jean-Claude Fruteau a fait part de son plein accord avec le rapporteur. Une telle aide fiscale est extrêmement importante pour l’économie de l’outre-mer. Ce dossier doit donc être soutenu auprès des instances européennes. S’il est effectivement de plus en plus difficile de faire admettre les spécificités des départements d’outre-mer dans une Europe à vingt-sept, il faut néanmoins souligner que le bien fondé des actions menées en faveur des régions ultrapériphériques s’appuie sur une expérience ancienne. Le deuxième paragraphe de l’article 299 du traité instituant la Communauté européenne a servi de base à plusieurs dispositifs spécifiques. La France devrait d’ailleurs davantage s’inspirer de la vision de l’Europe et prévoir des politiques spécifiques en faveur de ces régions, plutôt que de se limiter trop souvent à leur appliquer ses politiques générales selon le poids relatif de leurs populations.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Délégation a ensuite approuvé la proposition d’acte communautaire.

II. Audition de M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, sur le suivi de la Conférence intergouvernementale et la préparation de la Présidence française de l’Union

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que M. Pierre Sellal, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, était venu régulièrement auprès de la Délégation pendant les temps forts des débats européens. La Conférence intergouvernementale ayant été ouverte le lundi 23 juillet 2007, les membres de la Délégation souhaiteraient disposer d’informations sur le déroulement de ses travaux. Par ailleurs, la Délégation a établi la liste des députés qui iront en septembre défendre le Traité auprès de nos partenaires européens. Il a indiqué que M. Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, a reçu les membres de la Délégation le 24 juillet 2007 et a présenté la réflexion engagée à ce stade sur les priorités politiques de la future Présidence française de l’Union. Il est en effet très important que cette présidence puisse se préparer très en amont. Le traité simplifié sera alors rédigé et en cours de ratification. A cet égard, il serait souhaitable que la France puisse être parmi les premiers pays à le ratifier. Il a demandé à M. Pierre Sellal comment était préparée la Présidence française à Bruxelles.

M. Pierre Sellal, Ambassadeur, Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, a fait le point sur la Conférence intergouvernementale et ses perspectives. La CIG s’est formellement ouverte le 23 juillet, soit un mois après le Sommet européen. Ce délai d’un mois, très bref, témoigne du degré de priorité attribué à cette CIG et du sentiment d’urgence chez les participants. La séance d’ouverture, formelle, a été très courte, avec les interventions du président du Conseil, du président de la Commission, du représentant du Parlement européen, et une déclaration de la délégation polonaise, cette dernière intervention semblant heureusement ne pas augurer de grandes difficultés pour les discussions à venir. La conférence du 23 juillet a adopté un calendrier de travail, l’objectif étant d’aboutir à un accord dès le mois d’octobre, à l’occasion du Conseil européen informel qui se tiendra à Lisbonne les 18 et 19 octobre. Aucune autre réunion formelle de la CIG n’est à ce stade prévue dans l’intervalle; le travail de mise au point du texte s’effectuera au sein d’un groupe technique, qui engage cet exercice dès ces jours ci et le reprendra de nouveau à partir de la fin du mois d’août, entre experts juridiques des Etats membres. Il s’agit en effet d’un exercice très spécifique, au regard des CIG du passé, qui consiste cette fois à procéder à une transcription scrupuleuse, sous la forme d’articles d’un traité, du mandat et de l’accord politique de juin 2007. Il convient à cet égard de relever que, conformément à la tradition communautaire et sur la base de l’accord unanime des délégations exprimé au niveau des Représentants permanents la semaine dernière, le travail de rédaction et de relecture d’ensemble se fera sur la base de la seule version française du projet de traité.

En réalité, le travail de fond et la négociation politique ont eu lieu au cours des semaines qui ont précédé le Conseil européen de juin et pendant celui-ci; la "véritable" CIG, sous l’égide de la présidence allemande, aura en fait précédé sa convocation formelle, et tel était bien l’objectif des Etats membres, en particulier de la France.

Dès lors, le calendrier de travail imparti à la CIG est très bref, il se caractérise par un minimum de réunions formelles et une prépondérance du travail technique, ce qui ne signifie pas un parti pris d’opacité car ses résultats seront accessibles à tous. Une fois l’accord conclu, il faudra quatre à cinq semaines aux juristes linguistes pour finaliser le texte qui sera soumis à la signature des Etats membres; les ratifications devraient donc pouvoir commencer comme prévu à partir de janvier 2008, afin d’atteindre l’objectif d’une entrée en vigueur du Traité en janvier 2009.

M. Pierre Sellal a ensuite ajouté plusieurs commentaires sur les différentes questions évoquées à propos de l’accord du Conseil européen et de la CIG.

Que signifie tout d’abord l’expression « traité simplifié » ? L’approche décidée par le Conseil européen a consisté à tourner le dos à la démarche constitutionnelle. Cette démarche se voulait refondatrice, en dotant la construction européenne d’une nouvelle base juridique, qui aurait remplacé tous les traités existants ; force est de constater que cette démarche a échoué, peut-être parce qu’elle a suscité plus d’inquiétude que d’adhésion. Certains y ont vu la perspective d’un « super Etat » , d’autres se sont émus de voir "constitutionalisées" des politiques dont ils n’approuvaient pas les objectifs (c’était le débat en France sur la fameuse "troisième partie" du traité); toujours est-il que le rejet de cette approche et du traité qui en était issu a été net en France et aux Pays–Bas, et que cela a amené d’autres pays à suspendre leur processus de ratification. Aussi devait on rechercher une voie alternative, celle d’un traité réformateur plutôt que refondateur. L’expression employée en anglais, celle de « reform treaty », se traduit par « traité modificateur » ou « réformateur », mais ce ne sera vraisemblablement pas le nom du traité définitif .

Le futur traité ne se substituera pas aux traités existants, il ne les remplacera pas mais les complètera et les améliorera. Il y a donc à la fois simplification et banalisation par rapport à la démarche constitutionnelle désormais caduque. C’est la méthode qui a été suivie jusqu’ici pour adapter et compléter le traité de Rome, avec l’Acte unique, le traité d’Amsterdam, ou le traité de Nice. La simplification réside aussi dans le fait que les ajouts et modifications sont destinés à prendre en compte les besoins fonctionnels de l’Union élargie. Enfin, le traité sera simplifié en ce qu’il sera dépourvu de redondances et de répétitions inutiles ; par exemple, puisque la Charte des droits fondamentaux existe, il est inutile d’en reprendre le texte in extenso  dans le traité; c’est également le cas pour les dispositions des traités de Rome qui constituaient la troisième partie du traité constitutionnel. Au total, le volume du traité simplifié devrait représenter moins de la moitié du volume du traité constitutionnel.

La deuxième question soulevée est celle du caractère très précis du mandat donné à la CIG. Pourquoi un mandat aussi exhaustif, pourquoi un document aussi peu lisible ? Ceci résulte de la volonté primordiale de tenir une CIG très courte, qui puisse être non de négociation mais de pure transcription : le mandat devait comporter le minimum d’ambiguïté, ce qui explique le caractère très précis, très pointilleux des conclusions du Conseil européen, assorties de nombreuses notes de bas de page, et leur caractère énumératif. Ces conclusions consistent en effet en une liste des modifications à apporter aux traités actuels, pour reprendre, parmi celles convenues en 2004, celles qui contribuent à améliorer le fonctionnement de l’Union européenne. Enfin, le caractère très précis du mandat s’explique par le souci de se donner les meilleures chances pour obtenir une ratification par tous les Etats membres. Il s’agissait de prendre en compte les différents problèmes rencontrés dans le processus de ratification précédent : pour tenir compte du vote des Français, tourner le dos à la démarche constitutionnelle ; pour les Pays-Bas, essayer de répondre aux difficultés soulevées notamment au sein du Parlement néerlandais, dans un contexte politique particulièrement complexe; pour la Pologne, surmonter la prévention vis-à-vis de la « double majorité »; pour le Royaume-Uni, la question était encore plus délicate car, au moins au début des négociations, le Royaume-Uni tendait à rechercher à la fois une « édulcoration » des possibilités d’action de l’Union dans les domaines les plus sensibles (coopération policière et judiciaire, politique étrangère et de sécurité, possibilités de décider à la majorité qualifiée) et aussi à être dispensé de l’application de ces politiques. Les partenaires du Royaume-Uni, et en particulier la France, ont souhaité préserver le niveau d’ambition le plus élevé possible pour l’action collective, quitte à imaginer des formules permettant de laisser le Royaume-Uni en dehors. Cette démarche était la plus justifiée: le Royaume-Uni ne pourra être contraint contre sa volonté dans certains domaines, mais il ne pourra pas entraver l’action décidée par ses partenaires.

Dans cet exercice, n’a-t-on pas renoncé à des objectifs essentiels ? Toutes les véritables améliorations institutionnelles qu’apportait le projet de constitution sont en réalité maintenues : un président stable pour le Conseil européen, un Haut représentant pour la politique étrangère aux attributions élargies, l’extension du périmètre du vote à la majorité qualifiée, la réduction de l’effectif du collège des commissaires à partir de 2014, le principe du vote à la double majorité (même si l’application de cette nouvelle règle, en vertu du compromis négocié avec la Pologne, a été différée à 2014 voire 2017). Ainsi, tout ce qui était nécessaire et novateur pour le fonctionnement de l’Union élargie est préservé.

Certaines des modifications proposées ont donné lieu à des interprétations contradictoires. C’est le cas pour la suppression de la mention de la concurrence parmi les objectifs de l’Union, et pour l’ajout d’un protocole sur les services publics. Le protocole sur les services publics a été introduit à la demande des Pays-Bas, avec le soutien actif de la France. S’agissant de la concurrence et des objectifs du Traité, le changement, proposé par la présidence allemande à l’initiative de la France, consistant à ne plus faire de la concurrence "libre et non faussée" un objectif de même rang que la paix et le bien-être des citoyens est un signe important. La concurrence est un outil, un instrument au service de la croissance, du progrès social et de la prospérité, et non un objectif en soi. Pour autant, cette élimination de la concurrence au sein de la liste des objectifs de l’Union n’avait pas pour but, et n’aura pas pour résultat, de priver de base juridique la politique communautaire; les instruments dont la Commission dispose à cet égard sont parfaitement préservés. Mais elle devra en faire un usage, sous le contrôle de la Cour de justice, tenant compte de ce signe voulu par le Conseil européen et traduit dans le traité. Les décisions communautaires en matière de concurrence consistant à déterminer si des distorsions de concurrence ont des contreparties proportionnées liées à la prise en compte d’autres objectifs de portée générale ; le fait que la concurrence ne se situe plus au même niveau que ces autres objectifs aura nécessairement une certaine influence.

Enfin, des modifications supplémentaires ont été ajoutées par rapport au traité constitutionnel : dans les objectifs se trouve introduite, sur proposition de la France, une notion nouvelle, la « protection des citoyens européens », ce qui est un ajout significatif, important pour la conduite des politiques communes. Et il sera fait référence dans le nouveau Traité à l’action collective à mener contre le changement climatique et à la notion de solidarité énergétique.

En conclusion, M. Pierre Sellal a relevé que cet accord, et le traité qui en sera issu, devrait marquer un épilogue de la négociation autour du cadre institutionnel de l’Union, qui a débuté dès après le traité de Maastricht, mais sans qu’aucune solution définitive n’ait pu être trouvée au cours de ces dernières années. Il a estimé que, pour la France, cet accord clôt la période délicate ouverte par l’échec du référendum de 2005. Il est d’autant plus de nature à restaurer son crédit et son autorité que la France a su faire partager la méthode qu’elle préconisait pour introduire les modifications institutionnelles nécessaires à l’Union sans pour autant ressusciter un traité caduc, que le Président de la République a conféré à ses propositions la crédibilité nécessaire en s’engageant à soumettre le futur traité à la procédure d’autorisation de ratification par le Parlement, qu’il a pris une part décisive à la recherche des solutions aux dernières difficultés soulevées par les uns ou les autres. C’est un résultat de bonne augure pour la présidence française de 2008, qui devrait être débarrassée de l’hypothèque institutionnelle, et pouvoir se consacrer à la relance des politiques communes dont la mise en oeuvre interviendrait ensuite dans le cadre des institutions rénovées.

Abordant ensuite les perspectives de la Présidence française et sa préparation, M. Pierre Sellal en a souligné l’importance, car cet événement ne se reproduira pas avant 2022, et que ce sera peut-être également la dernière présidence qu’un Etat membre exercera dans toute sa plénitude, compte tenu du fait qu’en cas d’entrée en vigueur du nouveau traité le 1er janvier 2009, les nouveaux arrangements - Présidence stable du Conseil européen et Haut représentant de l’Union pour la politique étrangère et la sécurité présidant le Conseil Relations extérieures - seront mis en place dès cette date. Il appartiendra d’ailleurs à la présidence française de préparer les dispositions propres à permettre l’entrée en fonction dans les meilleurs conditions de ces nouvelles dispositions; ce sera sans doute un travail délicat, qui concernera notamment l’organisation du secrétariat du Conseil et les relations entre celui-ci et la Commission.

M. Pierre Sellal a également fait observer que le deuxième semestre de l’année 2008 sera le dernier semestre de travail utile de l’actuelle mandature du Parlement européen et de la Commission, compte tenu du fait que le Parlement européen sera renouvelé en 2009 et que la Commission - comme le montre l’expérience - souhaitera faire aboutir la discussion de ses propositions et de ses programmes d’action durant cette avant-dernière année de mandat. Cette période devrait ainsi donner vocation à la Présidence française d’achever le programme législatif actuel de l’Union et de préparer un cadre de référence pour les politiques à mener au cours du cycle suivant.

M. Pierre Sellal a abordé les exigences qui en résultent au plan de la préparation et de l’organisation de la Présidence française. Se référant sur ce point à la Présidence allemande, qui, a-t-il indiqué, a été regardée comme un modèle, il a considéré qu’il appartenait d’abord à chacun des ministères concernés de solliciter les moyens nécessaires et de s’organiser, en liaison avec le coordinateur interministériel, Secrétaire général de la Présidence française, qui a été nommé il y a quelques semaines. Il a également fait observer que les conseillers de la Représentation permanente auraient en règle générale la responsabilité d’exercer la présidence des groupes et comités du Conseil, au nombre de près de 200, tout en continuant d’assumer leurs fonctions traditionnelles, ce dédoublement fonctionnel imposant un accroissement des effectifs, estimé à 30 fonctionnaires supplémentaires.

Puis, M. Pierre Sellal a évoqué l’élaboration du calendrier de travail de la Présidence française, exercice méticuleux et très contraint qui constitue une première expression des choix et priorités de la présidence. Il a rappelé qu’il incombait à une présidence de soumettre sept mois avant qu’elle ne prenne ses fonctions le calendrier de ses travaux aux autres Etats membres, ce qui suppose que soient réglées des questions importantes comme la date du Conseil européen conclusif de décembre ou encore celle d’un éventuel Conseil européen informel au mois d’octobre, le nombre et le contenu des réunions ministérielles, la séquence des Conseils. La mise au point de ce programme impose un travail d’arbitrage et la définition de priorités, actuellement en cours.

A cet égard, il a cité le recensement de ce qu’il a qualifié de "figures imposées" telles que, pour ce qui concerne les obligations extérieures, l’organisation des sommets avec les pays tiers. Au deuxième semestre sont prévus à ce stade des sommets avec l’ASEM, l’Inde, la Chine, la Corée,la Russie et l’Ukraine. Des réflexions sont en cours en ce qui concerne le Brésil, les partenaires méditerranéens. Pour ce qui concerne les échéances d’ordre interne à l’Union qui coïncideront avec le semestre de présidence française, on peut citer le "bilan de santé" de la PAC, qui avait été prévu par la réforme de 2003; le rendez-vous convenu en 2005 pour procéder à un examen à mi-parcours du cadre financier de l’Union; le bilan du fonctionnement du marché intérieur que la Commission a prévu de présenter.

M. Pierre Sellal a indiqué que, compte tenu du foisonnement inhérent aux activités de l’Union, des contraintes qui pèsent sur elles et de la nécessité d’établir des priorités lisibles, une présidence se doit d’accomplir un effort particulier de mise en cohérence de l’action de l’Union. Il a suggéré à cet égard, étant fait observer que ce travail est en cours et que le Président de la République et le gouvernement présenteront en temps utile ses conclusions, que le programme de la présidence pourrait vraisemblablement s’ordonner autour de quelques thèmes directeurs.

Abordant ces derniers, il a d’abord cité la croissance et l’emploi.

Il s’agit d’abord de la stratégie de Lisbonne, qui ne doit pas être seulement de l’ordre du discours, mais se traduire en actions et en résultats, comme l’a souhaité le Président de la République. Cela suppose la mise en œuvre de réformes, notamment structurelles, qui sont de la responsabilité pour l’essentiel des Etats membres, mais avec un accompagnement européen adéquat. La Présidence française devrait également être l’occasion d’engager la réflexion sur l’après-Lisbonne, puisque l’horizon de la stratégie, lancée en 2000 dans un contexte économique différent de celui d’aujourd’hui, était 2010. Il conviendra donc de réfléchir à de nouveaux objectifs, assortis de moyens pertinents.

Il sera également nécessaire de rechercher une mobilisation plus efficace des politiques et instruments favorables à la compétitivité, ce qui couvre un large spectre allant de l’aide aux petites et moyennes entreprises au soutien aux industries stratégiques.

C’est dans ce contexte que sera certainement recherché le renforcement du rôle et des responsabilités de l’Eurogroupe, en tant que cadre de dialogue pour une meilleure gouvernance économique de l’Union européenne.

Enfin la France oeuvrera pour que, dans les négociations économiques avec les pays tiers, qu’elles soient bilatérales, régionales ou multilatérales, l’Union européenne soit inspirée par la promotion active et déterminée des intérêts européens et le principe de la réciprocité avec les partenaires.

Le deuxième axe de priorités sera la lutte contre le changement climatique, la politique énergétique qui y est associée et la sécurité de l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne. Le plan d’action adopté par le Conseil européen du mois de mars est très ambitieux et la Commission va soumettre plusieurs dizaines de propositions à partir de l’automne. Ce sera une tâche de très grande ampleur et d’une extrême importance, tant au plan domestique, avec l’adoption des normes nécessaires, qu’au plan externe, dans les négociations avec les pays tiers que l’Union devra convaincre de participer à l’effort commun. C’est en effet au deuxième semestre 2008 que devra s’engager une réflexion sur l’après-Kyoto, à la lumière du processus qui débutera lors de la conférence de Bali qui se tiendra cet automne.

Le troisième thème sera la maîtrise des migrations, priorité de la France et de l’Union européenne. Bien que cela soit passé un peu inaperçu, en raison des négociations institutionnelles, cette question occupe une place importante dans les conclusions du Conseil européen de juin. Il faut s’en réjouir car il s’agit d’un cadre de référence, affirmant des principes et des objectifs politiques qui correspondent aux propositions de la France, exprimées par l’actuel Président de la République lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Ces conclusions affirment la nécessité d’une politique migratoire globale fondée sur des principes communs; elles soulignent que celle-ci suppose un partenariat entre les pays d’immigration, les pays de transit et l’Union européenne, de façon à lutter contre l’immigration clandestine, à mettre en œuvre une bonne gestion de l’immigration légale, à s’attaquer résolument aux causes profondes de l’émigration, via des actions de développement et de codéveloppement.

Un quatrième thème horizontal sera la protection des citoyens européens, qu’il est prévu d’ajouter aux objectifs de l’Union européenne inscrits dans le Traité. Ce thème très riche, essentiel si l’on veut que l’Union manifeste son écoute aux attentes et, parfois, aux appréhensions exprimées par ses citoyens, doit être décliné aux plans économique, social, et dans le domaine de la sécurité sous toutes ses formes; il doit inspirer tant les politiques internes que les relations entre l’Union européenne et ses partenaires , dans l’économie mondialisée.

Le cinquième thème stratégique concernera l’organisation des relations entre l’Europe et son environnement . Ce thème recouvre les négociations d’élargissement en cours ou à venir, notamment avec les pays des Balkans occidentaux, la très difficile question du Kosovo, la politique de voisinage dont l’attractivité doit être renforcée, la dynamisation des relations entre les pays du pourtour méditerranéen; c’est dans ce contexte que s’impose aussi une réflexion sur la question des frontières de l’Union européenne, que le Président de la République souhaite poser dès la fin de cette année.

Naturellement, en fonction de l’actualité, de l’état des dossiers tel qu’il apparaîtra au 1er juillet prochain, des délibérations gouvernementales, d’autres thèmes pourront s’ajouter ou compléter cette esquisse d’organisation de notre futur programme.

En conclusion, M. Pierre Sellal a souhaité évoquer les méthodes à mettre en œuvre pour une bonne préparation et une conduite optimale de la Présidence française. Il a rappelé que le travail d’analyse et de réflexion sur les objectifs et les priorités ne saurait être seulement national. Il est nécessaire de travailler dès maintenant avec la Commission, qui a le monopole de l’initiative. Il faut également travailler avec les autres Etats membres, être attentifs à leurs propres attentes et difficultés, si l’on entend réunir le moment venu les consensus ou les majorités nécessaires aux décisions que nous proposerons.

La préparation doit aussi être menée avec les présidences qui nous entourent, la Présidence slovène, qui va précéder la Présidence française, ainsi que les présidences suivantes, d’autant plus qu’il est maintenant de règle d’adopter un programme de travail sur 18 mois et que, dans cette perspective, la France est « tête de cordée » avec les futures présidences tchèque et suédoise qui lui succèderont.

Enfin, le Parlement européen, en tant que codécideur, est un acteur essentiel pour la mise en œuvre de ces objectifs. La référence doit être la Présidence allemande, qui a organisé pendant son semestre 90 visites ministérielles et quatre déplacements de la chancelière au Parlement européen. Une relation très étroite est une clé d’une Présidence réussie.

Le fait que la Présidence française se déroule à un moment très important, voire stratégique est une chance. C’est une réelle opportunité pour proposer et inspirer de nouvelles perspectives pour les politiques communes et de nouveaux horizons pour le projet européen.

Après avoir remercié M. Pierre Sellal pour son intervention, le Président Pierre Lequiller a estimé que les déplacements que feront les membres de la Délégation dans différents pays de l’Union au mois de septembre, et qui seront consacrés au traité simplifié et à plusieurs dossiers de l’Union, permettront d’approfondir le travail très intéressant mené avec le gouvernement.

Il a souhaité que la Délégation mène une réflexion en amont sur les différents thèmes évoqués pour la Présidence française, par exemple le bilan de santé de la PAC, l’indépendance énergétique et l’immigration.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite estimé que le fait que la Présidence française se déroule peu de temps avant les élections européennes était une chance, car ces élections seront l’occasion de débattre de questions de fond, comme le caractère libéral ou social de l’Union européenne, qui avaient malheureusement interféré avec le débat sur la Constitution européenne.

M. Pierre Moscovici a félicité l’ambassadeur pour sa présentation des deux grands thèmes retenus, la CIG et la Présidence française de l’Union Européenne. Il a d’abord mis l’accent sur l’évolution de l’état d’esprit en soulignant que la démarche constitutionnelle était, il y a quelques mois, considérée comme formidable et que, aujourd’hui, son abandon est perçu comme la solution. D’un point de vue sémantique, on peut regretter que le Traité soit qualifié de « simplifié », alors qu’il s’agit en réalité d’un traité extrêmement compliqué. C’est pourquoi il faudra trouver un autre terme qui tienne compte de la réalité. S’il y a aussi des avancées incontestables dans le nouveau traité, on peut déplorer, en même temps, un recul dans l’ambition. Ainsi sur la Charte des droits fondamentaux, un sujet où il faut être extrêmement vigilant, on constate une forte tentation de multiplier les « opting-out ». Il faut également bien suivre les dispositions sur le vote à la majorité qualifiée. Ensuite il faut souligner le manque de précision dans certaines expressions du Traité : ainsi le terme de service public reste à définir.

Après avoir constaté l’importance du domaine de la concurrence, sujet également très complexe, en débat, il a souhaité connaître l’appréciation de l’ambassadeur sur la faisabilité du respect des délais envisagés et sur les éventuels risques de dérapage, du fait de difficultés susceptibles d’apparaître. Il a souhaité savoir s’il existait une estimation de la liste des pays où un référendum est envisageable pour la ratification du Traité.

Après avoir relevé la nécessité pour la France de veiller à ce que le budget établi pour sa présidence soit réaliste, il s’est demandé si le système de la présidence tournante et de la présidence stable du Conseil européen dans le nouveau traité n’allait pas être très compliqué en pratique. Concernant le voisinage et les frontières de l’Union européenne, il a souhaité connaître la position de la France sur le futur statut de la Turquie. Ensuite, il a mis l’accent sur l’amélioration des relations avec le Parlement européen et a recommandé une mobilisation de la Présidence française sur ce défi, qui nécessite l’émergence d’une vraie culture de discussion et de débat avec le Parlement européen.

Enfin, s’adressant au Président Pierre Lequiller, il a demandé des informations sur les modalités envisagées pour suivre, au sein de la Délégation, d’une manière approfondie, les questions mises en avant pour la future Présidence française.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué son souhait de créer un groupe de suivi sur la Turquie comprenant plusieurs membres de la majorité et de l’opposition, dans la mesure où les avis peuvent être partagés dans une même formation politique, et rappelé qu’il avait conduit dans ce pays une mission de six députés en septembre 2004.

La Délégation devra reprendre les différents thèmes évoqués par le Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, M. Jean-Pierre Jouyet, et par le représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne, M. Pierre Sellal, afin d’assurer leur suivi dans la perspective de la Présidence française, y compris de la présidence de la COSAC assumée par les Délégations de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Il a confirmé son accord pour renforcer les liens avec les députés du Parlement européen mais jugé anormal que le Parlement européen soit représenté par trois observateurs à la CIG, tandis que les Parlements nationaux ne le sont pas au moment où le nouveau traité renforce les Parlements nationaux dans le processus de décision au niveau européen.

M. Hervé Gaymard a déclaré que la qualité de l’exposé de M. Pierre Sellal reflétait celle de son travail auprès des institutions communautaires et que le Représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne devrait avoir rang ministériel compte tenu de l’importance des sujets traités.

Il a souhaité surplomber les sujets évoqués par une question sur les groupes pionniers, concept qui avait commencé sous de mauvais auspices lors de son lancement par l’Allemagne à l’encontre de pays du Sud de l’Union soupçonnés de vouloir rejoindre la zone euro prématurément. On se demande désormais ce que certains Etats membres font dans l’Union européenne, compte tenu des entraves qu’ils mettent en permanence à la volonté de l’Union de construire des politiques communes offensives, au nom de leur conception de l’Europe limitée à une zone de libre-échange. Il a demandé au représentant permanent son avis technique mais aussi son opinion plus politique sur les possibilités qu’offre le nouveau traité aux pays ambitieux pour échapper à l’immobilisme et aller de l’avant.

M. Didier Quentin a demandé quels seraient les éléments du Traité sur lesquels les parlementaires devraient insister pour assurer une bonne vulgarisation et rendre ce texte plus attractif auprès du grand public, rarement séduit par des dispositions institutionnelles souvent trop techniques. Par ailleurs, la notion de protection des citoyens européens figurant dans le mandat de la CIG mériterait d’être approfondie. Il serait également utile de savoir si la formule du partenariat privilégié à proposer à nos amis turcs reste ou non d’actualité. Enfin, en sa qualité de Président du groupe d’amitié France-Japon, M. Didier Quentin s’est inquiété de l’absence de mention de la relation de l’Union européenne avec le Japon, deuxième puissance économique du monde, dans les priorités de la Présidence française pour les relations extérieures de l’Union qui ont pourtant une coloration fortement asiatique.

M. Jérôme Lambert a d’abord souligné que le débat constitutionnel n’avait pas été biaisé, mais plutôt illustré par des questions de politique concrète. Après avoir entendu le rappel de ce que la Pologne et le Royaume-Uni avaient obtenu dans le mandat de la CIG, il s’est demandé ce que la France, à l’origine du rejet du traité constitutionnel, avait elle-même obtenu. Il s’est déclaré en accord avec l’idée d’une Union européenne protectrice, mais la question est de savoir jusqu’où et comment. Or l’harmonisation fiscale et sociale n’a pas fait le moindre petit pas jusqu’à présent.

A cet égard, le renforcement des coopérations renforcées est une question sensible et mériterait d’être précisé pour répondre aux interrogations des Français. Le réexamen de la PAC figure également dans les préoccupations de nos compatriotes et est un rendez-vous de 2008 pour lequel il serait intéressant de connaître l’état de réflexion de nos partenaires.

M. Pierre Forgues a observé que la préoccupation actuelle de donner le plus de chance possible à la ratification est une manière de reconnaître que le traité constitutionnel n’avait pas été conçu dans cet esprit.

Il a ensuite demandé si la dérogation accordée au Royaume-Uni ne s’étendrait pas à d’autres Etats membres et si l’on avait bien mesuré les dangers de ces dérogations nous conduisant à la construction non pas d’une mais de plusieurs Europe.

Par ailleurs, la requalification de la concurrence libre et non faussée d’objectif en instrument est une belle formule, mais il s’est interrogé sur sa portée si l’instrument devait servir tous les jours.

Enfin, l’émergence d’une Europe protectrice ne biaise pas le débat mais répond au contraire à ce qui était demandé par beaucoup de Français. Encore faudrait-il définir ce qu’on entend par Europe protectrice face à la mondialisation.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Sellal a apporté les précisions suivantes :

- Sur la lisibilité du Traité et sur la façon de le rendre plus attractif et compréhensible pour les citoyens, il a tout d’abord indiqué que sa dénomination était provisoire, le plus probable étant qu’il porte le nom du lieu de sa signature. Si l’on souhaite qu’il soit ratifié en 2008, il faut qu’il soit signé sous Présidence portugaise. Il pourrait dès lors porter le nom de traité de Lisbonne.

Il a admis que la vertu de ce traité "modificatif" ne tient ni à son ordonnancement architectural ni à sa parfaite lisibilité pour le public. En tout état de cause, il est difficile de rendre attractif un règlement intérieur institutionnel. Les citoyens attendent de l’Europe qu’elle prenne, dans les délais impartis, des décisions adéquates, efficaces et justes, la manière dont ces décisions sont prises, à condition qu’elles le soient démocratiquement , étant somme toute secondaire. Une des erreurs de cette longue période de négociations institutionnelles est peut-être d’avoir essayé de susciter une adhésion profonde des citoyens à des formules institutionnelles qui ne peuvent qu’être complexes dans la mesure où il s’agit de concilier, sans aucun équivalent dans le monde, la souveraineté de vingt-sept Etats membres avec un embryon d’Etat fédéral pour certaines compétences. Au demeurant, si on les expose de manière détaillée, il est probable que le processus décisionnel européen n’apparaîtrait pas plus compliqué que le système décentralisé français, l’organisation fédérale allemande ou celle du système belge.

S’agissant des pronostics relatifs aux délais de ratification, il a rappelé que chaque ratification de traité, depuis celui de Maastricht, a donné lieu à des « accidents ». Tel a été le cas précédemment en Irlande et au Danemark et plus récemment en France et aux Pays-Bas. Cependant il s’est dit frappé depuis le printemps et l’élection présidentielle française, par le sentiment d’urgence et de résolution qui domine dans pratiquement toutes les délégations, pour de plus ou moins bonnes raisons , afin de tourner la page du problème institutionnel. Il est vraisemblable que ce sentiment d’urgence va continuer à imprimer son rythme aux négociations sur la rédaction du traité en application du mandat. Ainsi, la délégation polonaise a renoncé lundi dernier à une demande formulée après le Conseil européen visant à renforcer le mécanisme dit de Ioannina.

Il a rappelé que l’organisation d’un référendum est obligatoire en Irlande mais qu’un autre « accident » de ratification apparaît très peu probable dans ce pays dans le contexte politique et économique actuel. Par ailleurs, d’autres Etats membres devront se prononcer sur le choix du mode de ratification, par voie référendaire ou parlementaire. Aux Pays-Bas, il appartiendra au Conseil d’Etat de donner un avis en fonction du contenu du Traité. S’agissant du Danemark, le ministère de la justice devra apprécier si, compte tenu des transferts de souveraineté, une ratification référendaire s’avère nécessaire.

Le Président Pierre Lequiller a précisé qu’aux Pays-Bas, où il s’est rendu, si le Conseil d’Etat doit donner son avis, le Parlement n’est pas obligé de le suivre, ce qui peut poser problème en cas de majorité très ténue. Cependant, dans la mesure où les Pays-Bas ont obtenu satisfaction sur la plupart des points, et notamment sur ceux soulevés par l’opposition , il est probable que la ratification devrait être acquise.

M. Pierre Sellal a fait le même pronostic. Il a fait observer que les satisfactions obtenues par les Pays-Bas sur leurs demandes rejoignaient sur de nombreux aspects nos propres vœux, et que nous avons favorisé à ce titre aussi leur aboutissement; il en est ainsi de la structure même du futur nouveau traité, éloigné du défunt traité constitutionnel, du renforcement du rôle des Parlements nationaux dans le cadre du contrôle de subsidiarité, de la référence renforcée aux principes et aux critères de l’élargissement, enfin et surtout du protocole sur les services publics, très heureuse novation du nouveau futur traité qui correspond à un objectif poursuivi de longue date par la France. Il s’ajoute à la base juridique qui permettra de légiférer dans ce domaine.

Il a évoqué les incertitudes pesant sur les modalités de la ratification par la Pologne. La nécessité d’un vote des sept assemblées parlementaires belges implique toujours des délais importants pour la ratification dans ce pays.

Mais si le calendrier est tenu - avec un accord sur le fond lors du Conseil européen d’octobre et une signature du Traité dans les semaines qui suivent - les vingt-sept ratifications peuvent être acquises en 2008. Tel est, en tout état de cause, l’objectif qui doit être fixé.

- En ce qui concerne le provisionnement des frais occasionnés par la Présidence française , il a marqué son accord avec M. Pierre Moscovici qui a rappelé le souvenir cuisant de la Présidence française de 2000 dont le budget avait été très largement sous-estimé. Il est à noter que les Conseils européens "formels" se déroulent désormais à Bruxelles. Cependant, même si l’on peut faire des économies sur certains postes de dépenses, force est de constater qu’une Europe à vingt-sept, par l’effet du nombre de délégations, génère plus de coûts. Il sera donc nécessaire de provisionner un budget réaliste.

- S’agissant du fonctionnement de la présidence du Conseil, il a admis que le système tel qu’issu de la précédente CIG, et en fait de la Convention, est complexe et ne correspond pas à certaines présentations qui en ont été faites. Pour le Conseil, la présidence tournante continue et la présidence stable n’est prévue que pour le Conseil européen. Tel n’était pas au départ la préférence de la France qui souhaitait rationaliser plus fortement le système de la présidence en instituant une présidence stable et homogène dans toutes les formations du Conseil. La Présidence française devra travailler à la mise en place concrète de ces nouvelles dispositions. Il s’agira de répartir les rôles entre le président du Conseil européen, le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la sécurité qui présidera le Conseil chargé des relations extérieures, tout en étant vice-président de la Commission, et le gouvernement de la présidence tournante dont les ministres exerceront la présidence des autres formations du Conseil, de déterminer comment chacun de ces pôles exercera son autorité sur le secrétariat général du Conseil. La question de la présidence des instances préparatoires est également posée et devra faire l’objet de dispositions concrètes.

M. Pierre Sellal a estimé avec le Président Pierre Lequiller, que la personnalité des responsables influera considérablement sur cette répartition des rôles.

M. Pierre Moscovici a souligné que cette problématique conduit à s’interroger sur la fonction du Président du Conseil européen : n’est-il que le président de ce Conseil chargé de la préparation des réunions ? A-t-il un pouvoir hiérarchique sur les autres présidents ? Il existe un risque de confusion des genres et des éclaircissements sont nécessaires sur la fonction et les moyens du président du Conseil européen.

Le Président Pierre Lequiller a fait observer qu’il s’était pour sa part prononcé, lors de la Convention, en faveur d’une présidence unique du Conseil européen et de la Commission .

Sur ce point, M. Pierre Sellal a conclu que la fonction de président du Conseil européen restait à inventer. Deux évolutions sont possibles , entre une présidence très forte qui en fera le véritable président de l’Union et une présidence purement fonctionnelle des réunions du Conseil européen. Entre les deux, des solutions intermédiaires sont concevables et dépendront en partie des trois personnalités qui seront désignées, peut-être de façon concomitante ou au moins coordonnée : président du Conseil européen, président de la Commission et Haut représentant.

- En réponse aux questions concernant l’adhésion de la Turquie, M. Pierre Sellal a indiqué que les négociations se poursuivent selon le cadre adopté en octobre 2005, avec les ajustements issus de la décision de la fin 2006 qui a gelé certains chapitres de la négociation dans la mesure où la Turquie n’avait pas respecté ses engagements au titre du protocole d’Ankara. Il a rappelé que la position de la France exprimée par le Président de la République est que la Turquie n’a pas vocation à adhérer à l’Union, mais que les discussions peuvent et doivent se poursuivre sur certains chapitres car elles contribuent au rapprochement souhaitable entre ce pays et l’Union. Cette position a été illustrée lors de la conférence intergouvernementale d’adhésion qui a suivi le Conseil européen, où la France a accepté l’ouverture de la négociation sur deux chapitres nouveaux visant au rapprochement progressif du système économique et financier turc avec la norme européenne, sans que ce rapprochement conduise nécessairement à une adhésion. Il est parfaitement possible de continuer sur le même chemin au cours des mois qui viennent et d’ouvrir de nouveaux chapitres, étant entendu que certains des 35 chapitres, peu nombreux, posent des problèmes politiques spécifiques car leurs enjeux sont directement liés à une perspective d’adhésion qui n’est pas la nôtre. Sur la question d’un éventuel partenariat privilégié avec la Turquie, on doit se référer au cadre de négociation adopté par le Conseil le 3 octobre 2005 qui, si l’adhésion se révélait impraticable, fait référence à un « ancrage dans les structures européennes » par le « lien le plus fort ». Il n’y a donc pas une mention d’un concept clairement défini et, le cas échéant, il conviendra de déterminer le contenu de ce "lien".

- S’agissant des perspectives en matière de coopération renforcée, il faut d’abord rappeler que cette possibilité existe d’ores et déjà dans les traités, et que la pratique en existe hors des procédures prévues par celui-ci. Si, à l’issue du Conseil européen, on a surtout insisté sur les dérogations accordées à tel ou tel Etat clairement identifié - c’est le cas du Royaume-Uni pour la coopération judiciaire et pour l’application de la Charte des droits fondamentaux, ce pourrait être le cas de la Pologne sur cette dernière question - , il ne faut pas oublier que les nouvelles procédures autoriseront des coopérations renforcées réunissant certains pays et pas d’autres, sans que les uns et les autres ne soient désignés à l’avance. On doit néanmoins constater que cet instrument juridique est d’utilisation peu aisée et il n’a jamais été employé dans le cadre institutionnel existant. Un exemple récent, lié à la discussion d’une proposition concernant des règles procédurales dans le domaine de la justice illustre les réticences de nombreuses délégations à s’engager dans cette voie ; alors qu’une vingtaine de pays étaient d’accord sur le fond du texte, seule une petite dizaine d’entre eux aurait été prêts à mettre en œuvre une coopération renforcée, peut-être par crainte de créer des divisions et un précédent à leurs yeux dommageable au sein de l’Union. Une autre voie, empruntée pour le traité de Prüm et qui pourrait peut-être être explorée en matière de fiscalité, par exemple pour rapprocher les législations en ce qui concerne l’assiette de l’impôt sur les sociétés, consisterait à se mettre d’accord à quelques uns et à agir concrètement avant d’inscrire cette démarche, dans un second temps, dans les procédures du traité.

- En ce qui concerne les points positifs obtenus par la France lors du Conseil européen, il convient de rappeler, en premier lieu, que plusieurs avancées portées par d’autres délégations correspondent à des aspirations exprimées par les Français lors de la campagne référendaire, comme par exemple le protocole sur les services publics. Surtout, il ne faut pas oublier que les dix-huit Etats ayant déjà ratifié le projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe ont accepté de renégocier avec les deux pays ayant repoussé ce texte par référendum, et de souscrire à un nouveau traité, différent, qu’ils devront à nouveau ratifier. En outre, on peut se féliciter qu’il n’y ait eu aucun recul de substance sur le plan institutionnel, en particulier la capacité de décider.

- Sur la requalification de la concurrence libre et non faussée non plus en objectif de l’Union, mais en instrument contribuant aux buts économiques et sociaux de ses politiques, on peut affirmer que ce changement a à la fois une portée symbolique et des incidences concrètes que l’on appréciera en pratique. Toute décision en matière de concurrence relève d’une appréciation sur le degré d’atteinte admissible à la concurrence pure et parfaite. Si cette dernière est perçue comme un absolu, un objectif en soi, aucune atteinte ne sera tolérée ; si d’autres intérêts importants peuvent lui être opposés, ou au moins pris en considération, - comme l’emploi ou la sécurité - on peut estimer que les décisions de la Commission et de la Cour de Justice en seront infléchis. L’application future des règles de la concurrence montrera si cet infléchissement, décidé par les Etats avec le nouveau traité, jouera à la marge ou de façon plus étendue.

- Un bilan d’étape de la réforme de la PAC avait été prévu en 2003, et il sera effectué en 2008. L’enjeu n’est certainement pas de lancer une nouvelle réforme, mais d’apprécier les conditions de mise en œuvre des mesures arrêtées en 2003, et d’envisager si nécessaire quelques ajustements. La France veillera au respect de cette logique d’un "bilan de santé". Mais on peut insister de nouveau sur le fait que la Présidence française se déroulera à un moment stratégique où l’Union commencera à réfléchir sur les politiques à mener après les échéances tracées par les perspectives financières pour 2007/2013. Il est certain qu’il serait de l’intérêt de la France de contribuer activement à la définition des paramètres de cette réflexion à l’occasion de sa présidence, y compris en ce qui concerne les défis et les opportunités pour une PAC dynamique dans l’avenir.

- L’idée de protection figure désormais parmi les objectifs de l’Union européenne. Ce peut être une formule rhétorique ou la référence pour de nouvelles politiques. L’important est que cet objectif inspire l’action des institutions, que celles-ci tiennent davantage compte de cette attente. Ainsi, sur le plan économique et social, elle peut conduire à établir des normes au sein de l’Union mais aussi à les promouvoir à l’extérieur pour, par exemple, lutter contre le dumping social, règlementaire ou environnemental ou la concurrence désorganisée.

- S’agissant des relations de l’Europe avec le Japon, il est exact qu’il n’y a pas de sommet prévu pour le second semestre 2008, mais cela n’enlève rien à l’importance des relations que l’Europe entretient avec ce pays, notamment s’agissant des questions liées au changement climatique.

M. Didier Quentin a précisé que la Présidence française coïncidera avec la célébration du 150e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et le Japon.

Le Président Pierre Lequiller a vivement remercié M. Pierre Sellal pour toutes les informations apportées au cours de cette audition.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n’ayant été formulée sur les textes suivants, la Délégation les a approuvés.

Ø Agriculture

- proposition de règlement du Conseil relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur et dans les pays tiers (document E 3555) ;

- proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1947/2005 en ce qui concerne les aides nationales octroyées par la Finlande pour les semences et les semences de céréales (document E 3577) ;

- proposition de règlement du Conseil portant ouverture de contingents tarifaires communautaires autonomes et transitoires pour l'importation de certains produits agricoles originaires de Suisse (document E 3589).

Ø Energie

- proposition de décision du Conseil concernant la prolongation d'un an du programme complémentaire de recherche à exécuter par le Centre commun de recherche pour la Communauté européenne de l'énergie atomique (document E 3588).

Ø Santé

- Livre Blanc Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l'obésité (document E 3556).

Ø Transports

- proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au transport intérieur des marchandises dangereuses (document E 3380).

Point B

- proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage (document E 3594).

La Délégation a approuvé ce texte.

IV. Informations relatives à la Délégation

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé rapporteurs d’information :

M. Daniel Fasquelle, sur le bilan et les perspectives de la politique commune de la pêche ;

MM. Jacques Myard et Emile Blessig, sur le monopole des jeux et les règles communautaires ;

M. Daniel Garrigue, sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés ;

MM. Hervé Gaymard, Jean Dionis du Séjour et Jean-Claude Fruteau, sur le « bilan de santé » de la politique agricole commune ;

MM. Pierre Lequiller et André Schneider sur l’indépendance énergétique de l’Europe ;

MM. Emile Blessig et Christophe Caresche, sur le suivi de la directive « services » ;

- MM. Michel Delebarre et Bernard Deflesselles, sur Galileo ;

Mme Chantal Brunel, sur le processus d’adhésion de la Croatie à l'Union européenne ;

Mme Odile Saugues, sur le processus d’adhésion de l’Ancienne République yougoslave de Macédoine à l'Union européenne ;

M. Bernard Deflesselles, Mme Elisabeth Guigou, MM. Michel Herbillon, Pierre Moscovici et Didier Quentin sur le processus d’adhésion de la Turquie à l'Union européenne ;

M. Bernard Deflesselles, sur le processus euro-méditerranéen ;

MM. Jérôme Lambert et Thierry Mariani, sur le suivi de la politique européenne de voisinage ;

M. Gérard Voisin, sur l’évolution de la situation à Chypre.

La Délégation a confié une communication à :

- Mme Marietta Karamanli, sur le Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs (E 3447) ;

M. Jérôme Bignon, sur le projet de directive sur la libéralisation du service postal (E 3285) ;

M. Michel Delebarre, sur le Livre vert : vers une politique maritime de l’Union : vision européenne des océans et des mers (E 3245) ;

M. Didier Quentin, sur le Livre vert sur l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires (E 3549).

Puis, sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a établi la liste des députés « missi dominici » appelés à défendre le traité simplifié auprès de nos partenaires européens et à débattre de certains dossiers majeurs de l’Union, au cours de la deuxième quinzaine de septembre 2007 :

Allemagne et Pologne

MM. Pierre Lequiller, Bernard Deflesselles, Marc Laffineur et Jérôme Lambert 

Belgique

M.  Daniel Fasquelle

Espagne

Mme Marietta Karamanli

Hongrie

M.  Christophe Caresche

Irlande

Mme Arlette Franco

Italie

M.  Régis Juanico

République tchèque

M.  Daniel Garrigue

Roumanie

M.  Thierry Mariani

Suède

M.  Guy Geoffroy