Accueil > Projet de loi de finances pour 2016 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2016) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Jeudi 29 octobre 2015

Présidence de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la Commission des finances

La réunion de la commission élargie commence à vingt-deux heures quinze.

projet de loi de finances pour 2016

Engagements financiers de l’État
Remboursements et dégrèvements

M. Dominique Lefebvre, président. Je vous remercie, monsieur le ministre des finances, d’avoir répondu à l’invitation de l’Assemblée nationale. L’objet de cette commission élargie est de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2016 consacrés aux missions « Engagements financiers de l’État » et « Remboursements et dégrèvements », ainsi que sur les comptes spéciaux qui s’y rattachent.

Selon les règles établies pour les commissions élargies, les rapporteurs spéciaux interviendront pour une durée de cinq minutes chacun. Il vous appartiendra ensuite de vous exprimer, monsieur le ministre. Après quoi, je donnerai la parole aux responsables des groupes puis aux députés qui souhaitent vous poser des questions, auxquelles vous répondrez pour terminer.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial, pour la mission « Engagements financiers de l’État ». La mission « Engagements financiers de l’État » est dotée pour 2016 de 45,2 milliards d’euros en crédits de paiement. Elle comprend sept programmes, dont le plus important en volume budgétaire, le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », représente à peu près 98 % des crédits de la mission. Comme chaque année, cette mission constitue le troisième poste de dépenses budgétaires, après les missions « Remboursements et dégrèvements » et « Enseignement scolaire ».

Depuis le début de la législature, nous assistons à un net ralentissement de la croissance de la dette publique. Cette dernière avait presque doublé au cours des deux précédentes législatures, passant de 958 milliards d’euros en 2002 à 1 870 milliards d’euros en 2012, du fait des crises qui se sont succédé, mais également de l’absence de véritables mesures d’assainissement de nos finances publiques.

Depuis 2012, la majorité actuelle s’est engagée dans un effort sans précédent de meilleure maîtrise des dépenses publiques, dont nous récoltons les premiers fruits. De fait, l’augmentation annuelle de la dette publique en euros courants a diminué de 30 % entre la période 2002-2012, au cours de laquelle elle progressait de 123 milliards d’euros par an, et la période 2013-2015, au cours de laquelle elle n’a augmenté que de 85 milliards d’euros par an. En points de PIB, nous assisterions entre 2015 et 2016 à une stabilisation du poids de la dette : de 96,3 % en 2015, il passerait à 96,5 % en 2016 puis chuterait à partir de 2017. Ces données incontestables marquent un tournant dans la gestion de nos finances publiques.

Cette amélioration ne doit pas pour autant conduire à sous-estimer le poids de la dette publique. La charge de la dette demeure le troisième poste de dépense du budget de l’État et les besoins de financement annuels restent importants en raison, principalement, des déficits nominaux à financer chaque année, même s’ils diminuent progressivement, et de la nécessité de couvrir les fortes émissions de dette réalisées au cours de la précédente législature, pendant la crise des dettes souveraines. C’est la raison pour laquelle les prévisions du Gouvernement relatives aux conditions de financement de notre dette sur les marchés sont prudentes et reposent sur des hypothèses de remontée des taux d’intérêt progressive.

Par ailleurs, cette mission comprend, depuis la loi de finances initiale (LFI) pour 2015, le programme relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales et à certains établissements publics ayant souscrit des contrats de prêt ou des contrats financiers structurés à risque. Instauré en loi de finances pour 2014, ce fonds devait initialement être doté de 1,5 milliard d’euros au cours des quinze années suivantes. Conformément à l’engagement pris par le Gouvernement au mois de février dernier, cette dotation devrait être doublée, dans le cadre du collectif budgétaire de fin d’année, pour atteindre un montant total de 3 milliards d’euros. Cela permettra d’apporter une aide aux collectivités les plus exposées à ces emprunts dits « toxiques ». Selon les informations qui m’ont été transmises, le 30 avril 2015, 80 % des 850 collectivités concernées avaient déposé une demande d’aide, soit 676 collectivités. Les deux tiers d’entre elles sont des communes, dont 40 % comptent moins de 10 000 habitants.

Je me permets, monsieur le ministre, de vous poser quelques questions.

En ce qui concerne le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », l’évolution du rapport de la dette publique au PIB serait plus favorable en 2015 et 2016 que ne le prévoyait la loi de programmation des finances publiques : la dette atteindrait 96,3 % du PIB en 2015, au lieu de 97,1 %, et 96,5 % en 2016, au lieu de 97,7 %. Pouvez-vous rappeler succinctement quelles hypothèses permettent d’anticiper une quasi-stabilisation de la dette à compter de 2016 et préciser les perspectives envisagées pour 2017 ?

Par ailleurs, vous nous avez confirmé lors de l’examen de la LFI 2015 que, depuis 2014, la dette supportée par EDF au titre de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) est bien intégrée à la dette publique au sens du traité de Maastricht. Pouvez-vous rappeler le montant de cette dette en 2015 et les prévisions faites pour 2016 ? Pourriez-vous également nous présenter la réforme de la CSPE qui devrait intervenir en collectif de fin d’année et les mesures envisagées pour garantir la solidarité nationale en matière de financement de la production d’énergie ? Je songe notamment à la situation particulière des territoires ultramarins.

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques adoptée le 6 août dernier comporte de nombreuses mesures en faveur de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié. Quels seront les effets de ces mesures sur les dépenses fiscales associées au programme 145 « Épargne » pour les années à venir ?

Enfin, pouvez-vous nous confirmer que les crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement du programme « Fonds de soutien relatif aux contrats financiers et prêts structurés à risque » seront bien doublés dans le cadre du collectif budgétaire de fin d’année ? Et quel est le montant des décaissements prévus en 2015 et en 2016 au titre des aides apportées aux collectivités concernées ?

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale, pour la mission « Remboursements et dégrèvements »Cette année encore, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont l’un des principaux angles morts de notre budget. Leur montant total dépasse les 100 milliards d’euros, ce qui en fait la mission la plus volumineuse du budget de l’État et dénote une tendance de fond à financer les politiques publiques par des dépenses fiscales plutôt que des crédits budgétaires classiques.

Mes réserves concernant le périmètre de la mission sont les mêmes que l’année dernière.

En premier lieu, des montants considérables retracés dans cette mission devraient être traités en atténuation de recettes directement en première partie de la loi de finances. Je pense en particulier aux 49 milliards d’euros liés aux restitutions de TVA. À l’inverse, il est difficile de chiffrer concrètement le montant des restitutions correspondant à certains crédits d’impôt comme le CICE. L’analyse du Parlement s’en trouve donc brouillée et compliquée.

Les remboursements d’impôts locaux, pour leur part, sont également traités en atténuation de recettes en première partie, alors qu’ils constituent une politique à part entière de l’État et que les crédits ne devraient pas être « évaluatifs » au sens de la LOLF – nos débats récents concernant le revenu fiscal de référence l’ont encore démontré. Les crédits correspondant doivent, à mon sens, être rapprochés de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », afin que l’ensemble des relations financières entre l’État et les collectivités locales puisse être traité de manière cohérente. Actuellement, il y a, d’un côté, les dégrèvements d’impôts locaux, « sanctuarisés », voire oubliés, et, de l’autre, les compensations d’exonérations d’impôts locaux, rabotées chaque année à proportion de l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF).

À l’heure où nous envisageons de réformer ladite dotation, est-il cohérent de laisser de côté la question des dégrèvements d’impôts locaux ? L’imputation de ces derniers sur la présente mission, et non sur celle relative aux collectivités locales, semble en effet faire obstacle à une réflexion d’ensemble.

J’en viens au sujet important de la mission cette année : les contentieux européens. Ceux-ci ont déjà pesé lourdement sur nos finances publiques entre 2007 et 2014 : 870 millions d’euros, dont 220 millions d’intérêts moratoires, pour le contentieux précompte, et 1,150 milliard d’euros, dont 200 millions d’euros d’intérêts moratoires, pour le contentieux OPCVM.

En raison de la montée en charge du contentieux OPCVM et de l’apparition de deux nouveaux contentieux, de Ruyter et Steria, ce coût s’alourdira encore au cours des deux prochaines années : il devrait atteindre 1,8 milliard d’euros en 2015 et 2,4 milliards en 2016. Le contentieux de Ruyter devrait nous coûter 500 millions d’euros, dont la moitié sera prise en charge par l’État. L’enjeu du contentieux Steria pourrait être, au total, de 1 milliard d’euros, mais le chiffre est encore à prendre avec précaution. La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés pourrait, en outre, être l’objet d’un nouveau contentieux, dont l’enjeu total serait de 340 millions d’euros. Nous continuons donc d’adopter des dispositions fiscales contraires au droit européen : le contentieux de Ruyter vise l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents, qui avait été instauré par la loi de finances rectificative (LFR) d’août 2012, de même que la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, que je viens d’évoquer.

Quels risques ces nouveaux contentieux et l’éventuelle reprise du précompte immobilier font-ils peser sur les finances publiques à compter de l’année 2017 ? Les décisions très favorables à l’État français prises au niveau national, exigeant du demandeur de démontrer que le dividende a déjà fait l’objet d’une taxation similaire à l’étranger, pourraient effectivement être remises en cause au niveau européen. Ne risque-t-on pas une nouvelle condamnation qui ne ferait que reporter dans le temps nos obligations de rembourser ?

Par ailleurs, l’article 104 de la loi de finances pour 2014 prévoit que la commission des finances doit être informée tous les semestres sur les risques de contentieux européens et leur incidence éventuelle, chiffrée, sur nos finances publiques. Or il ne me semble pas que nous ayons reçu un quelconque document à ce sujet. La loi est-elle bien respectée, monsieur le ministre ?

Il est nécessaire de veiller plus rigoureusement à la conformité aux traités européens des mesures fiscales prises en loi de finances. Deux dispositions de la loi de finances rectificative d’août 2012 se révèlent contraires aux traités européens ! Comment expliquer que nous adoptions encore des mesures sujettes à contentieux ? À terme, la solution ne serait-elle pas une harmonisation fiscale européenne, seule à même de garantir le respect de la liberté de circulation des capitaux et la liberté d’établissement des personnes à l’intérieur de l’Union ? C’est, en effet, au nom de ces libertés que la Cour de justice européenne nous condamne.

J’en viens aux remboursements de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Chaque fois que le tarif de la TICPE de droit commun augmente, l’écart avec le tarif fixe applicable aux transporteurs routiers, aux taxis et aux agriculteurs s’accroît d’autant. Ne vous semblerait-il pas opportun que les tarifs particuliers applicables à ces catégories suivent automatiquement le tarif de droit commun ? Il suffirait que la loi prévoie, non pas un tarif fixe pour ces catégories, mais un écart fixe avec le tarif de droit commun.

Cela étant, sous réserve d’une évolution des remboursements de TICPE pour permettre l’application de la contribution climat-énergie à toutes les catégories de professionnels comme aux ménages, je vous propose, chers collègues, d’adopter les crédits de la mission.

M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial, pour les comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et pour le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ». Je consacrerai les quelques minutes de mon intervention au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », que j’envisagerai à la fois dans sa dimension budgétaire et dans sa dimension stratégique.

L’année 2013 fut celle de la conception de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire, l’année 2014 celle de sa définition puis de sa concrétisation ; l’année 2015 est celle des premiers résultats. Le moment est donc également venu d’un bilan d’étape, au terme de la première année de pleine mise en œuvre du nouveau cadre qui régit l’action de l’État au sein des entreprises dans lesquelles il détient une participation.

Les principes sont connus : il s’agit de permettre à l’État, dépositaire de l’intérêt général, d’agir en investisseur avisé, grâce à une gestion active de ses participations. Celles-ci sont d’un montant, significatif : environ 120 milliards d’euros, dont 74 milliards d’euros de titres cotés de soixante-dix-sept entreprises. L’État actionnaire est un atout pour la France dans une économie mondiale marquée par la concurrence internationale, la financiarisation et le court-termisme, dont les objectifs contrarient, souvent, les investissements requis par la transition écologique et numérique et, parfois, l’intérêt social de l’entreprise elle-même, et pèsent aussi sur le choix de la localisation de sites de production, de laboratoires de recherche-développement, de centres de décision.

Quel bilan le Gouvernement fait-il de cette première année de pleine mise en œuvre du nouveau cadre, à la fois du point de vue des intérêts patrimoniaux de l’État et, plus largement, du point de vue de la compétitivité de l’appareil productif, puisque cette doctrine de l’État actionnaire s’inscrit dans une stratégie globale ?

Le principe « et désendettement et réinvestissement » est au cœur de la doctrine énoncée par le Gouvernement. Depuis 2012, des cessions de participations ont permis de dégager 6,2 milliards d’euros de recettes, et, l’an dernier, pour la première fois depuis 2006, 1,5 milliard a été affecté au désendettement. En même temps, l’enjeu de compétitivité rend impératif le réinvestissement dans l’énergie, les transports, l’aéronautique et d’autres secteurs encore. C’est là une double approche qui relève d’une gestion dynamique. Les opérations décidées par l’État doivent, en effet, tenir compte de plusieurs facteurs : la préservation, à moyen terme comme à long terme, de ses intérêts patrimoniaux, qui sont ceux des Français, la stratégie industrielle des entreprises concernées, les conditions de marché et le cadre législatif et réglementaire européen. Compte tenu de ces facteurs, pouvez-vous nous confirmer que ces deux objectifs de désendettement et de réinvestissement président bien à l’affectation du produit des cessions de participations en 2015 et en 2016 ? Le cas échéant, quel sera le calendrier suivi ?

Enfin, la nouvelle doctrine a fixé ou clarifié des principes de gouvernance – de l’État actionnaire et pour l’État actionnaire. Je pense à la diversification de l’expérience professionnelle requise pour les administrateurs qu’il désigne afin de le représenter et de porter ses exigences. Je pense aussi au droit de vote double sur l’ensemble du portefeuille des entreprises cotées, instauré en 2014 pour soutenir l’actionnariat de long terme et l’investissement durable et stable, car il est aussi légitime qu’efficace de distinguer l’actionnaire qui fait un tour et s’en va de celui qui reste et s’engage.

La vocation de l’État actionnaire est aussi, sans s’immiscer dans la gestion quotidienne des entreprises concernées, de faire prévaloir des pratiques qui concourent à la régulation des activités économiques et qui se diffusent à l’ensemble des secteurs d’activité – le commissaire aux participations de l’État y a insisté à juste raison lors de son audition. Il s’agit notamment, l’actualité du secteur aérien le rappelle, d’encourager le dialogue social, facteur de compétitivité, comme le soulignait le rapport Gallois. Il s’agit aussi d’encourager le civisme fiscal des entreprises et de leurs filiales, et de faire en sorte, en conseil d’administration, que la liste des implantations à l’étranger de ces entreprises soit rendue publique. Il s’agit également d’encadrer les rémunérations des dirigeants mandataires sociaux d’entreprises à participation publique. Un autre enjeu, que nous évoquons chaque année, est le renforcement de la mixité des conseils d’administration et de surveillance. La proportion de femmes siégeant au conseil d’administration des entreprises relevant du périmètre de l’Agence des participations de l’État est ainsi passée de 16,2 % en 2012 à 27,2 % en 2015, progrès réel qui doit être conforté et amplifié.

Sur l’ensemble de ces enjeux – qui relèvent, au fond, de l’exemplarité –, quelle évaluation le Gouvernement fait-il d’un an d’application de la nouvelle doctrine de l’État actionnaire ?

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Votre commission examine aujourd’hui un ensemble extrêmement vaste constitué de crédits du budget général et de plusieurs comptes spéciaux, aux problématiques extrêmement variées et aux enjeux financiers considérables, étroitement liés à la trajectoire de redressement des finances publiques. Je m’arrêterai sur quatre sujets : la charge de la dette ; les emprunts toxiques ; les participations financières de l’État ; les remboursements et dégrèvements d’impôts. Cela devrait me permettre d’aborder tous les sujets évoqués par Mme et MM. les rapporteurs spéciaux.

La charge budgétaire de la dette reste contenue, malgré l’augmentation de l’encours de dette. En 2012, la charge de la dette atteignait 46,3 milliards d’euros, puis elle a diminué à 44,9 milliards en 2013 et à 43,2 milliards en 2014. En 2015, la baisse se poursuit et la charge de la dette devrait s’établir à 42,4 milliards, soit 2 milliards de moins que la prévision inscrite en loi de finances initiale. Pour 2016, avec une prévision de 44,5 milliards d’euros, elle resterait inférieure de près de 2 milliards d’euros au niveau atteint en 2012.

Nous engrangeons donc aujourd’hui des niveaux de taux très faibles, qui nous aideront durablement à contenir la charge d’intérêt pour les années à venir. Je rappelle que la maturité moyenne des titres émis par l’État est de sept ans. C’est donc en moyenne pendant sept ans que ces taux bas viendront minorer la charge de la dette assumée par le budget de l’État. Je rappelle aussi que si nos besoins d’émission de dettes sont élevés en ce moment, c’est parce que nous devons refinancer les tombées de dette émise sous le quinquennat précédent.

Les faibles taux dont nous bénéficions – le taux à dix ans s’établit à 0,84 % – résultent à la fois du crédit dont l’État jouit auprès de ses créanciers et de la politique menée par la Banque centrale européenne. Le crédit de la France auprès des investisseurs est bon, comme le montre l’écart de taux avec l’Allemagne, extrêmement faible et parfaitement stable. En d’autres temps, avant 2012, cet écart était de plus d’un point – cent points de base en jargon. Il n’est plus aujourd’hui que d’un quart de point, ou vingt-cinq points de base, ce qui montre la crédibilité de notre politique économique. C’est aussi le résultat d’une confiance retrouvée dans la solidité de la zone euro, à laquelle nous avons très largement contribué, et du travail de l’Agence France Trésor, qui explique efficacement tout cela aux investisseurs intéressés.

Enfin, je souhaite y insister, notre prévision pour 2016 est extrêmement prudente. Nous partons de l’hypothèse d’une hausse marquée des taux à dix ans, qui les feraient passer d’environ 0,8 % aujourd’hui à 1,4 % à la fin de l’année, soit un quasi-doublement assez improbable, puis à 2,4 % à la fin de l’année 2016. Nous avons donc budgété le risque d’une hausse des taux et sommes prêts à en supporter les conséquences financières s’il devait se réaliser. Observant à la fois un principe de prudence constant et les anticipations des investisseurs, nous anticipons une remontée des taux d’intérêt pour éviter toute mauvaise surprise en cours de gestion. Cette prudence se traduit dans l’ensemble de nos prévisions.

En matière de dette publique, nos hypothèses pour l’an prochain s’établissent, pour la croissance du PIB, à 1,5 %, pour le déficit, à 3,3 % du PIB, et, pour le désendettement, à 2 milliards d’euros de produits de cession d’actifs. Sous ces hypothèses parfaitement réalistes, la dette publique, qui comprend la dette de l’État mais également celle des administrations de la sécurité sociale et des collectivités locales, devrait atteindre 96,5 % du PIB en 2016 et demeurer proche de ce niveau en 2017. Nous sommes donc bel et bien en passe de réussir à stabiliser la dette publique après huit ans de hausse continue. De même, pour la première fois, la dette de la sécurité sociale baissera en valeur en 2015, certes modestement, mais cette baisse s’amplifiera en 2016.

Comme M. Lurel l’a lui-même souligné, une réforme de la CSPE interviendra dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui sera présenté dans une quinzaine de jours. D’une part, le prélèvement sera sécurisé sur le plan juridique par une transformation en taxe intérieure sur la consommation d’électricité. D’autre part, le circuit de financement sera réformé pour être intégré au budget de l’État et ainsi permettre un meilleur contrôle par le Parlement et également par le Gouvernement. L’impact sur nos finances publiques sera inchangé, puisque la CSPE est déjà intégrée aux prélèvements obligatoires et aux dépenses publiques. Enfin, le dispositif de péréquation en faveur des zones non interconnectées, notamment outre-mer, est évidemment préservé, comme l’ensemble des dispositifs financés par la CSPE, tels que le soutien à la production d’énergie renouvelable et les tarifs sociaux.

Vous m’avez également demandé quel était le montant de la dette de la CSPE. Auprès d’EDF, il est d’environ 6 milliards d’euros à la fin de l’année 2015. Un premier remboursement de quelques centaines millions d’euros devra être constaté en 2015.

Les avis sont très partagés sur le soutien qu’il convient ou non d’apporter aux collectivités ayant contracté des emprunts toxiques. Certains élus, dont des députés, et non des moindres, considèrent que les collectivités se sont montrées irresponsables et ne doivent pas être aidées ; d’autres estiment qu’elles ont été trompées par les banques ; d’autres encore considèrent que l’État aurait failli à son rôle de régulation. Le Gouvernement, pour sa part, a toujours considéré que la responsabilité était partagée entre les banques, l’État, les collectivités territoriales, position d’ailleurs conforme aux conclusions de la commission d’enquête de votre assemblée sur ce sujet. En outre, personne ne peut nier qu’il faille résoudre le problème auquel nous faisons désormais face. Le risque pour les finances publiques est trop élevé, ne laissons pas la situation s’envenimer sans agir.

Le Gouvernement a fait preuve de réactivité face à la très forte appréciation du franc suisse en début d’année, qui a renchéri le coût de tous les emprunts indexés sur cette devise. Alors que la doctrine d’emploi du fonds de soutien était prête, il a fallu à la fois en doubler le montant – il sera porté à 3 milliards d’euros par le projet de loi de finances rectificative de fin d’année – et réécrire intégralement les modalités d’emploi de ses ressources. La taxe de risque systémique des banques, finançant la moitié du fonds, sera donc également doublée par l’article 9 du projet de loi de finances pour 2016. Après le vote du PLF 2016 et compte tenu des reports de crédits des années antérieures, le fonds disposera d’un montant total de 278 millions d’euros de crédits de paiement, disponible pour les décaissements des années 2015 et 2016, ce qui est largement suffisant.

En effet, une fois les notifications faites, une collectivité a trois mois pour accepter l’aide, puis le fonds dispose d’un à deux mois pour verser le montant attribué. Nous prévoyons donc des versements d’une cinquantaine de millions d’euros en 2015, puis, en 2016, une année pleine de versements, dont le montant sera proche de 200 millions d’euros dans l’éventualité où toutes les collectivités accepteraient les offres du fonds. Plus de 700 collectivités et établissements ont déposé un dossier auprès du service de compétence nationale qui assure la gestion du fonds, ce qui traduit le succès, si j’ose dire, du dispositif. Ce service procède désormais, depuis le mois dernier, aux premières notifications officielles d’aide, et les premiers versements interviendront avant la fin de l’année. Le dossier est compliqué mais je crois que nous pouvons considérer que nous sommes sur le point d’entrevoir le bout du tunnel.

En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », l’élaboration en 2014 d’une stratégie de l’État actionnaire, puis la publication de l’ordonnance relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ont marqué une étape extrêmement importante. L’ordonnance a été ratifiée et complétée lors de l’adoption cette année de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. L’État actionnaire doit défendre une vision de long terme. Il doit donc être actif et faire entendre sa voix pour garantir le développement de nos entreprises, de leur activité, de leur emploi, pour défendre, aussi, nos intérêts stratégiques, tout particulièrement dans le champ de la défense nationale, de l’énergie, sans oublier le secteur automobile.

Le patrimoine de l’État, c’est évidemment celui de tous. Je suis donc personnellement particulièrement attentif à le faire fructifier et à en recueillir les fruits, mais je suis également attaché à l’exemplarité de nos entreprises. Nous devons faire preuve d’une vigilance toute particulière, par exemple quant aux rémunérations des dirigeants, afin de promouvoir des principes de modération. De même, j’ai appelé l’attention des dirigeants des entreprises à participation publique sur l’enjeu de l’optimisation fiscale. Nous avons demandé aux administrateurs de l’État qu’ils s’expriment en conseil d’administration, et ils l’ont fait, afin que la liste des implantations à l’étranger de ces entreprises soit rendue publique et que le conseil d’administration soit régulièrement informé des évolutions à envisager en la matière.

C’est pour être entendu et influent sur ces différents aspects que l’État a veillé à bénéficier, comme les autres investisseurs de long terme, de la mise en place, dans l’ensemble des entreprises, des droits de vote double ; ceux-ci seront effectifs au mois d’avril 2016, en application de la loi dite « Florange ». En 2015, notre montée au capital de Renault et d’Air France nous aura permis de nous assurer que ces droits de vote double seront bien mis en œuvre dans ces entreprises, ce qui n’était pas évident.

Nous avons mené en 2015 une gestion active du portefeuille des participations. Les opérations de cessions réalisées, concernant notamment Safran, l’aéroport de Toulouse et ENGIE, nous ont permis de dégager les ressources nécessaires à des investissements utiles – je pense, encore une fois, à Renault et Air France, mais aussi à l’Agence française de développement. Cependant, les cessions doivent également nous permettre de réduire notre endettement. Aussi 1,5 milliard d’euros a-t-il été affecté en 2014 au désendettement et, pour la première fois depuis 2007, nous avions inscrit l’objectif ambitieux de 4 milliards d’euros de désendettement en 2015. Étant donné la dégradation des conditions de marché au cours de ces derniers mois, nous avons revu à la baisse nos cessions en 2015 ; il s’agit de ne pas brader des actifs qui appartiennent à la collectivité. Par conséquent, l’objectif de désendettement pour 2015 a été ramené de 4 milliards d’euros à 2 milliards d’euros. Ce sont les conditions de marché qui nous permettront ou non de l’atteindre.

Le projet de loi de finances pour 2016 ne marquera pas de rupture, avec un volume de prévision de recettes inchangé de 5 milliards d’euros, dont 3 milliards d’euros sur le programme 731, consacré à l’investissement, et 2 milliards d’euros sur le programme 732, celui du désendettement, compte tenu des besoins qui ont pu être identifiés jusqu’à présent. Cette orientation témoigne de l’importance donnée par le Gouvernement à la fois à la maîtrise de la dette et à la poursuite d’opérations actives de réinvestissement stratégique – des besoins se feront sentir en matière de logement intermédiaire, pour AREVA et autres.

Mme Sas a appelé notre attention, à juste titre, sur les contentieux fiscaux. Le contentieux OPCVM affecte fortement le budget de l’État depuis plusieurs années. Pour 2015, nous anticipons prudemment un coût de 1,75 milliard d’euros. Au vu des décaissements à fin septembre, il est possible que ce coût soit finalement revu à la baisse. Le contentieux dit « précompte mobilier » est aujourd’hui suspendu à un possible nouveau rebondissement, une nouvelle saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, dans une procédure qui dure depuis dix ans ou un peu plus. Nous estimons que cette saisine, dont l’objet serait de remettre en cause un arrêt du Conseil d’État, n’est pas justifiée. Nous anticipons donc que la Cour de justice ne sera pas saisie en 2016 et que le contentieux sera entièrement apuré. Si la Cour était saisie, l’apurement du contentieux serait repoussé au-delà de 2016. Je précise que c’est bien le Conseil d’État qui a rendu, en toute indépendance, un arrêt favorable à l’intérêt de l’État ; nulle décision du Gouvernement n’est en cause. Attendons donc de voir si la Commission européenne décide de saisir la Cour de justice.

Ces contentieux fiscaux sont un enjeu majeur pour les finances publiques ; vous avez raison d’en souligner l’importance, madame la rapporteure spéciale. Mes services sont, bien entendu, à votre entière disposition, et votre rapport constitue d’ailleurs une source d’information précieuse pour la représentation nationale. Le champ de l’article 104 de la loi de finances initiale pour 2014, que vous mentionnez, excède les seuls contentieux fiscaux. Je vous invite à vous rapprocher du secrétariat général aux affaires européennes, qui suit l’ensemble des procédures au niveau communautaire et qui saura vous donner tous les détails sur ces questions. Je suis prêt à vous accompagner personnellement jusqu’audit secrétariat général pour que l’ensemble des informations nécessaires vous soit données.

J’appelle votre attention sur le fait que la LOLF nous contraint fortement en ce qui concerne le traitement des dégrèvements d’impôts locaux. Son article 10 prévoit, en effet, que ces crédits sont évaluatifs et doivent être isolés sur des programmes spécifiques. Ce caractère évaluatif est d’ailleurs protecteur pour les collectivités territoriales : il leur garantit que les remboursements qui leur sont dus leur seront effectivement versés. Vous êtes, bien entendu, dans votre rôle en proposant des évolutions de la nomenclature budgétaire, mais, même si l’on rattachait les dégrèvements d’impôts locaux à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », on ne pourrait pas avoir de vue globale et unique des concours aux collectivités dès lors que l’essentiel de ces concours passe par le prélèvement sur recettes et non par les missions du budget général.

Enfin, concernant les remboursements de TICPE aux routiers, aux taxis, aux agriculteurs, je reconnais dans votre proposition, madame la rapporteure spéciale, votre souci de renforcer la fiscalité écologique. Le Gouvernement le partage, puisqu’a été inscrite en première partie du PLF une accélération, dès 2016, de la convergence des tarifs entre le gazole et l’essence. Toutefois, ce que vous proposez conduirait de fait à réduire les remboursements de TICPE accordés à des secteurs par ailleurs confrontés à des conditions économiques difficiles. Je ne crois donc pas que la fiscalité écologique doive progresser à leur détriment, et je répète qu’une partie de vos revendications est satisfaite par la première partie de la loi de finances.

Je n’ai pas répondu à M. Lurel sur les dépenses fiscales rattachées au programme « Épargne ». Les trois mesures inscrites dans la loi Macron – le régime des impatriés, qui a été assoupli, les conditions d’attribution des bons de souscription des parts de créateurs d’entreprises, les modalités d’imposition des actions gratuites – ont un impact sur les finances publiques de 100 millions d’euros.

Je reviens enfin, un instant, à l’affaire de Ruyter. Elle n’est pas liée à une disposition de la loi de finances rectificative de 2012, mais à une disposition prise au début des années 2000, et nous réglons ce point en PLFSS par une modification de l’affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, sans renoncer pour autant aux recettes.

M. Dominique Lefebvre, président. Une disposition a été votée, la semaine dernière, qui devrait permettre de maintenir cette contribution affectée, pour l’essentiel, au fonds de solidarité vieillesse, mais l’arrêt de la Cour de justice n’en conduit pas moins à procéder à des remboursements sur les derniers exercices.

Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Olivier Faure. Plutôt que d’accabler le ministre de questions, je reviendrai sur quatre points, pour mettre en évidence et appuyer, au nom du groupe Socialiste, républicain et citoyen, la démarche du Gouvernement : la charge de la dette, le financement du fonds d’aide aux collectivités locales pour sortir des emprunts toxiques, l’agilité et la vision de l’État actionnaire dans la gestion de ses participations, la TICPE. En ce qui concerne celle-ci, un amendement voté en première partie de la loi de finances répond, sinon complètement, au moins indirectement, aux souhaits d’Éva Sas.

Sur la gestion de la charge de la dette, vous avez rappelé à la fois vos prévisions prudentes, votre anticipation d’une hausse des taux d’intérêt et la nécessité de refinancer un volume significatif de titres à moyen terme émis par vos prédécesseurs durant la crise financière de 2008-2009, qui arrivent à échéance. Je veux, à mon tour, souligner que ce refinancement est bien lié à ce qui s’est passé avant que nous n’accédions aux responsabilités. Nous devons poursuivre le redressement de nos finances publiques, mais n’oublions pas que cette dette est l’accumulation de près de quatre décennies de déficit public continu. D’ailleurs, la dernière fois que la dette a baissé en France, c’était entre 1999 et 2001, sous un gouvernement que vous avez bien connu, monsieur le ministre, tandis que l’emballement de la dette publique s’est produit sous les gouvernements de droite successifs, connaissant même une forte accélération entre 2007 et 2012, période au cours de laquelle la dette publique a augmenté de plus de 600 milliards d’euros, soit plus de vingt-cinq points de PIB – chacun devrait l’avoir à l’esprit.

Vous avez rappelé la philosophie du programme 344 et du financement de l’aide aux collectivités locales. Je voudrais avoir confirmation que les capacités d’intervention du fonds de soutien seront portées à 3 milliards d’euros dans le cadre de la loi de finances rectificative.

En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », vous l’avez rappelé à la suite du rapporteur spécial Guillaume Bachelay, nous avons engagé une nouvelle étape de la modernisation de l’actionnariat public, avec, successivement, la publication d’une doctrine et l’adoption, en août 2014, de l’ordonnance relative aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique. Cela permet à l’État actionnaire de gérer plus activement ses participations, notamment en cédant certaines d’entre elles pour réinvestir là où c’est le plus utile et pour se désendetter. La loi pour la croissance et l’activité poursuit dans cette voie en simplifiant le cadre juridique de l’intervention de l’État actionnaire et en intégrant au sein de l’ordonnance le dispositif de l’action spécifique qui permet à l’État de conserver un certain contrôle sur les entreprises privatisées de secteurs majeurs ou stratégiquement sensibles. Je voulais, à mon tour, au nom du groupe socialiste, saluer cette vision et cette agilité retrouvées.

En première partie du projet de loi de finances, nous avons adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement sur l’aide aux transporteurs routiers qui achèteraient des véhicules roulant au biocarburant, notamment au biogaz. Cet amendement ne coûte pas très cher, environ 5 millions d’euros. Rassurez-moi, monsieur le ministre : vous n’aurez pas la mauvaise idée de revenir, au cours de la navette, sur une disposition adoptée à une assez large majorité par notre assemblée ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l’État » concentre l’essentiel des crédits alloués à la mission « Engagements financiers de l’État ». Depuis 2015, la mission porte, en outre, les moyens consacrés par l’État à l’accompagnement des collectivités locales dans la recherche d’une solution pérenne et globale au problème des emprunts toxiques contractés par certaines d’entre elles.

L’endettement de la France est l’une des questions les plus préoccupantes pour notre pays, car il conditionne notre souveraineté budgétaire. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne tire pas du tout les mêmes conclusions que les vôtres. Nous attendons toujours les résultats concrets de votre politique sur le niveau stratosphérique d’endettement de notre pays. La dette publique a dépassé le seuil symbolique des 2 000 milliards d’euros en 2014 ; elle s’établit à plus de 2 100 milliards au 30 juin 2015, ce qui représente 97,6 % du PIB. C’est une nouvelle hausse de 16 milliards par rapport au trimestre précédent et l’on s’approche dangereusement des 100 % du PIB. Pire, cet endettement à mi-année est déjà supérieur à celui que le Gouvernement vise pour 2016 dans le projet de loi de finances, soit 96,5 %.

Pour 2016, la France aura un besoin de financement très important. Le Gouvernement va procéder à des émissions obligataires pour un montant record de 187 milliards d’euros. Ces émissions très élevées sont justifiées par la hausse significative des tombées de dette en 2016. Monsieur le ministre, vous avez rappelé que la gestion antérieure avait engendré ces déficits. Que diront les observateurs économiques de la dette que vous avez constituée durant ce quinquennat et qu’il faudra gérer pour l’avenir ?

Depuis 2012, le Gouvernement n’a cessé de reporter la date à laquelle la part de la dette publique dans le PIB devait engager son déclin et de revoir à la hausse la trajectoire de celle-ci. Alors que le programme de stabilité 2013-2017 n’a été présenté que quelques mois après l’adoption de la loi de programmation pour les années 2012 à 2017, le niveau maximal que devait atteindre la dette publique, initialement estimé à 91,3 % du PIB en 2013, a été réévalué à 94,3 % en 2014. Ce point culminant a de nouveau été revu par le programme de stabilité 2014-2017, à 95,6 % du PIB pour les années 2014 et 2015. Au total, le niveau de dette prévisionnel en fin de mandature, c’est-à-dire en 2017, qui était évalué à 82,9 % dans la loi de programmation 2012-2017, a été porté à 96,9 % dans le programme de stabilité 2015-2018, soit une hausse de 14 points de PIB – prévision qui risque prochainement d’être à nouveau revue à la hausse. Cela tend à démontrer que le Gouvernement a une maîtrise des plus limitées de l’évolution de notre dette publique qui représente pourtant plus de 31 000 euros par Français. Le fardeau pour les nouvelles générations du financement de la dette au quotidien ne fait donc que s’alourdir.

Quant au besoin de financement de la France, il s’élèvera en 2016 à 187 milliards d’euros. Si nous sommes paralysés par des taux d’intérêt anormalement bas, dès que ces derniers remonteront, notre pays se trouvera confronté à des difficultés extrêmes. Un niveau élevé de dette publique nous expose à un accroissement rapide de la charge de la dette en cas de remontée des taux d’intérêt. À cet égard, il ne saurait être exclu que survienne, à relativement brève échéance, un resserrement de la politique monétaire américaine. Et la relative atonie de la conjoncture économique ne nous aide pas. Dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2016, la rapporteure générale elle-même s’inquiète d’une remontée des taux d’intérêt qui aurait des effets importants sur le déficit public. Le Gouvernement n’a pas droit à l’erreur et doit engager les réformes structurelles nécessaires à un ralentissement pérenne de la dépense publique. Ce projet de budget ne contient pas de vraie réforme. Si quelques efforts sont consentis, ils proviennent essentiellement d’économies de constatation et, à certains égards, de la poursuite de la logique du rabot.

Pour ces raisons, le groupe Les Républicains ne votera pas les crédits de cette mission.

Mme Eva Sas, rapporteure spéciale, pour la mission « Remboursements et dégrèvements »Revenant sur la TICPE, je précise qu’il ne s’agit que d’appliquer la trajectoire de hausse de la contribution climat-énergie prévue sur plusieurs années à l’ensemble des catégories de véhicules. Si nous ne changeons pas aujourd’hui la législation, certains professionnels tels que les taxis et les routiers se verront appliquer un tarif fixe sur plusieurs années tandis que les ménages verront leur tarif de carburant augmenter régulièrement. Il me paraît nécessaire d’avoir une réflexion d’ensemble à ce sujet.

En ce qui concerne les contentieux, je trouve appréciable pour la bonne information de la représentation nationale que l’administration nous ait fourni une liste exhaustive de ceux existant à ce jour. Il est également positif que le Gouvernement procède à une mise en conformité progressive au travers des différentes lois de finances, de façon à éviter que ces contentieux ne se poursuivent. C’est ainsi que la présente loi de finances rectifie certains éléments constitutifs du contentieux de Ruyter, engendré par une disposition de la LFR 2012 prévoyant l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers tirés de biens situés en France et appartenant à des non-résidents. Il faut conclure de cela que nous ferions bien de vérifier la conformité aux traités européens des mesures que nous proposons dans les lois de finances de cette mandature de façon à éviter de nouveaux contentieux.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial, pour la mission « Engagements financiers de l’État »Madame Dalloz, sur la période de 2002 à 2012, il fallait emprunter chaque année 123 milliards d’euros, soit plus de 40 milliards par trimestre ; selon vos calculs, nous en sommes aujourd’hui à 16 milliards par trimestre. Il y a donc bien décélération. Quant aux rachats anticipés de dette, ils s’élevaient à 28 milliards d’euros en 2014 et ils seront de 16 milliards en 2015. Ce sont donc bien des émissions de dette effectuées entre 2008 et 2012 qui posent problème. Et la décélération est forte également, puisqu’elle s’élève à 84 milliards d’euros en moyenne.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Je prends note des appréciations des uns et des autres, qu’elles soient positives ou négatives. Il ne me semble pas opportun de relancer le débat sur les responsabilités de chacun en matière d’endettement, madame Dalloz. Les économistes, en professionnels rigoureux, observeront les chiffres ; ils verront que les déficits étaient bien plus élevés dans la période précédant 2012, que c’est à partir de cette même année qu’ils ont commencé à baisser, en particulier grâce aux sommes que nous avons empruntées sur les marchés, comme il convenait de le faire. Souvenez-vous que la dette a doublé en dix ans et observez de combien elle aura augmenté au cours de ce quinquennat, sous notre propre gestion. Cela est incomparable. Si nous sommes obligés d’emprunter 187 milliards, c’est parce que nous refinançons une dette. D’ailleurs, la cause principale de la diminution de la dette est le poids moindre des intérêts. Nous allons, en effet, refinancer sur le marché, à des niveaux bien plus faibles et sur sept ans en moyenne, une dette qui était beaucoup plus chère. Contrairement à ce que j’entends parfois dire chez les Républicains, ce refinancement constitue bien une économie structurelle, puisqu’il dure pendant sept ans.

Monsieur Faure, le doublement du fonds des emprunts toxiques sera inscrit dans le projet de loi de finances rectificative, avec 1,5 milliard d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement. Cela permettra des notifications à la fin de l’année 2015. Pour ce qui est des crédits de paiement, leur doublement de 50 à 100 millions d’euros est prévu dans le projet de loi de finances. Le report des crédits de cette année nous permettra de faire face à l’ensemble des besoins de l’an prochain.

Le Gouvernement ne vous proposera pas de revenir sur l’amendement en faveur des véhicules au gaz naturel ; il proposera des économies supplémentaires, en fin de seconde partie, pour le financer.

Enfin, madame Sas, s’agissant du contentieux de Ruyter, je ne conteste pas que certaines dispositions votées en août 2012, à un moment tout à fait particulier, aient fait l’objet de décisions négatives. Nous veillons donc désormais attentivement à éviter toute disposition contraire aux traités, parfois même nous en rectifions, pour ne pas nous mettre en situation difficile, même si la vigilance ne suffit pas toujours à se mettre à l’abri de tout risque contentieux. En tout cas, pour ne pas nous exposer à autant de problèmes qu’avec les OPCVM, qui nous coûtent encore extrêmement cher aujourd’hui, nous nous efforçons d’être plus prudents que nos prédécesseurs.

M. Dominique Lefebvre, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures dix.

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