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Document E1285
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur l'approche de l'UE en vue du cycle du millénaire de l'OMC.


E1285 déposé le 28 juillet 1999 distribué le 3 août 1999 (11ème législature)
   (Référence communautaire : COM(1999) 0331 final du 8 juillet 1999)

Le sujet traité dans cette communication répond à une volonté : apporter un soutien déterminé au gouvernement dans sa démarche destinée à convaincre ses partenaires européens et la Commission de la nécessité de favoriser l’accès des PME aux marchés publics, à l’instar du dispositif appliqué par les Etats-Unis.

De quoi s’agit-il ?

La France souhaite mettre en place un cadre européen permettant de favoriser les PME pour l’attribution des marchés publics. Défendue par le Président de la République, dans son discours de Reims d’août 2005, et le Premier ministre, dans la déclaration de politique générale, puis reprise dans un Mémorandum transmis en juillet 2005 à la Commission européenne, cette proposition nécessiterait, pour être mise en œuvre, une réforme des directives communautaires concernant les marchés publics et l’obtention préalable, par l’Europe, d’une exemption aux règles de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC ou AMP.

En demandant une telle dérogation, l’Europe obtiendrait la parité avec les Etats-Unis, qui bénéficient d’une exemption à l’AMP au bénéfice de leur Small Business Act , lequel constitue un outil puissant et efficace pour la croissance de leurs PME.

La Délégation doit s’associer aux demandes de l’Exécutif et interpeller les institutions européennes : il est en effet urgent de doter nos PME d’un instrument de politique économique et industrielle dont elles sont trop malheureusement privées et qui permettra de les armer face à la compétition internationale.

I. Une nécessité : doter les PME d’un outil comparable au Small Business Act des Etats-Unis

A. L’accès préférentiel des PME aux marchés publics : un levier efficace pour affronter la compétition internationale

Le sujet traité ici est en lien direct avec l’un des grands défis posés à l’Europe du 21ème siècle : son tissu économique subira-t-il la mondialisation ou saura-t-il se renforcer pour mieux s’armer dans la compétition internationale ?

L’Europe commence enfin à réfléchir à ce que pourrait être l’ébauche d’une stratégie offensive face à la mondialisation.

Même si les initiatives prises souffrent de l’absence d’une doctrine claire et cohérente, l’approche européenne de la mondialisation ne se limite plus au sujet des négociations tarifaires, mais s’appuie désormais sur plusieurs cadres de référence : la stratégie de Lisbonne, le Programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (PIC) et la politique industrielle, laquelle a fait l’objet d’une communication spécifique de la Commission européenne le 5 octobre 2005.

Toutes ces actions privilégient le rôle des PME, qui sont le ressort d’un tissu économique dynamique et compétitif. Représentant plus de 50 % du PIB européen et 75 millions d’emplois dans l’Union, leur développement s’impose de plus en plus comme une vraie priorité pour l’Europe.

Or, tout comme les PME sont un levier essentiel pour la croissance et l’emploi, les marchés publics, qui représentent environ 9 % du PIB français (110 milliards d’euros par an) et 16 % du PIB européen, sont un levier clef pour la croissance de ces entreprises.

C’est dans ces conditions que le Conseil européen du printemps dernier (23 et 24 mars 2006) a souligné la contribution des PME au processus de Lisbonne et demandé que « l’accès des PME aux marchés (soit) amélioré par la facilitation de leurs accès aux marchés publics ».

Il est donc indispensable de favoriser l’accès des PME aux marchés publics : l’Europe ne peut se passer de ce qui doit être considéré comme un instrument de politique économique et industrielle majeur.

B. Une Europe en situation d’infériorité face au dispositif précurseur et efficace du Small Business Act américain

La mise en place d’un dispositif européen favorisant l’accès des PME aux marchés publics est d’autant plus indispensable que notre grand « partenaire-rival » économique, les Etats-Unis, recourent, depuis plus de 50 ans, à un tel outil, avec des résultats.

Par exemple, lors de l’année fiscale 2004, les PME américaines ont bénéficié d’un volume de 69,2 milliards de dollars de marchés publics, soit 23 % de tous les contrats directs attribués grâce au Small Business Act .

Adoptée dès 1953, cette loi dispose que les agences fédérales américaines doivent réserver une « proportion équitable » de leurs achats aux PME, ce qui signifie, concrètement, que l’objectif de « participation » des PME aux marchés passés par les administrations, sur l’ensemble du pays, ne peut être inférieur à 20 % de la valeur de tous les contrats directs attribués au cours d’une année fiscale.

Cet objectif est atteint de trois manières :

- tous les marchés inférieurs à 100 000 dollars sont réservés aux PME ;

- tous les marchés auxquels au moins deux PME peuvent répondre sont réservés aux PME ;

- tous les marchés supérieurs à un million de dollars doivent comporter un engagement de confier une fraction déterminée de la sous-traitance à des PME.

Par ailleurs, comme la notion de PME est entendue très largement par la Small Business Administration , qui est chargée de mettre en œuvre la loi de 1953, la politique de marchés réservés qu’elle anime a des ramifications presque infinies.

La taille « standard » pour que les PME puissent soumissionner est de 500 employés ou moins ; cependant, la limite est de 750 employés dans des secteurs aussi divers que la cellulose, les boîtes en papier, les transformateurs, les conteneurs en verre, les instruments de navigation, voire de 1 000 employés dans les secteurs de la chimie, des produits sidérurgiques, des ordinateurs, du téléphone, des moteurs et des générateurs ou 1 500 employés dans le domaine des télécommunications( 1).

L’existence de cet outil explique en partie pourquoi, selon le réseau européen de starts-up favorables à l’adoption d’un Small Business Act européen, 2000 entreprises européennes ont un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, contre 3 200 aux Etats-Unis, alors que ce pays compte 100 millions d’habitants de moins que l’Union européenne.

Des études récentes ont fait ressortir que les PME américaines se développement quatre fois plus vite que les PME européennes. Or ce sont elles qui sont les plus porteuses en termes d’innovation, de développement de nouveaux marchés et de création d’emplois.

Il n’est pas étonnant que, dans ce contexte, la Small Business Administration n’ait pas peur d’afficher, dans son « plan stratégique pour la période 2003-2008 », l’objectif suivant pour l’année 2008 : faire en sorte que les PME bénéficiant des contrats publics aient un taux de création d’emplois supérieur au taux national( 2).

Ce contexte impose donc de rétablir un équilibre entre les instruments de croissance des Etats-Unis et de l’Europe, cette dernière étant déjà gravement handicapée par l’absence de politique industrielle et de politique monétaire favorable aux exportations.

Pour cela, l’Europe doit obtenir de l’OMC la dérogation juridique lui permettant d’acquérir un avantage concurrentiel comparable à celui des Etats-Unis.

II. Réagir en obtenant de l’OMC la dérogation qui nous permettra par la suite de mettre en place des mécanismes préférentiels d’accès des PME aux marchés publics

A. Obtenir la dérogation pour que l’Union européenne puisse bâtir sa propre démarche

Avant toute réforme des directives européennes encadrant les marchés publics, il faut, au préalable, demander une exemption dans le cadre de nos engagements à l’OMC et, plus particulièrement, vis-à-vis de l’Accord sur les marchés publics dit « AMP ».

En effet, les marchés publics ne sont pas couverts par un des accords multilatéraux de l’OMC, qui s’appliquent à tous les membres de l’Organisation, mais par un régime spécifique. L’AMP a été signé le 4 avril 1994 à Marrakech, lors de la conclusion du cycle d’Uruguay, mais il est l’un des accords plurilatéraux de l’OMC, ce qui signifie qu’il n’est signé que par quelques membres de l’Organisation, soit 28 en tout, dont le Canada, la Communauté européenne, les Etats-Unis, le Japon et la Suisse.

Entré en vigueur le 1er janvier 2006, l’Accord s’applique aux marchés dépassant certains seuils et consacre, pour les opérations concernées, un principe de non discrimination entre les produits, les services et les fournisseurs des différentes parties.

Il prévoit des exceptions générales qui recouvrent les mesures nécessaires à la protection de la morale, de l’ordre public ou de la sécurité publique et de la vie humaine, ainsi que les achats indispensables à la sécurité nationale ou à la défense nationale.

L’ensemble de ces dispositions constitue les disciplines ou règles de base de l’accord. Mais l’accord est composé également des listes d’engagements pris par les membres de l’OMC signataires, par le biais desquelles ceux-ci s’engagent à appliquer les disciplines à tel ou tel secteur. Ces engagements précis peuvent donc s’accompagner de restrictions sectorielles, par exemple les marchés publics concernant les transports en commun, ou d’exclusions établies en fonction des différents degrés de l’administration centrale ou territoriale.

Si l’accord ne comporte pas de dispositions explicites favorisant un accès privilégié à la commande publique, les Etats-Unis, le Canada et la Corée du Sud ont veillé à obtenir une dérogation en faveur de leurs PME. Par exemple, les Etats-Unis ont précisé dans leur liste d’engagements que leur mécanisme préférentiel jouant en faveur des PME pour l’attribution des marchés publics sont exclus des disciplines de l’AMP.

Face à ce contexte, il serait illogique que l’Europe n’ait pas les moyens de définir ses propres dispositifs en faveur des PME . Ce serait d’autant plus absurde qu’aucune règle n’interdit de demander une telle exemption et l’accord sur les marchés publics est en cours de renégociation, l’article XXIV :7 b) et c) invitant les parties, au plus tard la troisième année à compter la date de son entrée en vigueur, à engager de nouvelles négociations en vue de l’améliorer. Selon les termes d’une décision prise le 21 juillet 2005 par le comité des marchés publics de l’OMC, les parties à l’accord se sont fixées pour objectif d’achever ces négociations à la fin 2006. Un retard est toutefois possible, ce qui pourrait reporter la fin de la renégociation au premier semestre 2007.

L’opportunité de se doter, enfin, de dispositifs en faveur des PME doit être absolument saisie. La France n’est pas isolée dans sa démarche, puisqu’au 16 octobre 2006, selon une liste dont la valeur n’est qu’indicative, quatorze Etats membres ont marqué, avec une fermeté variable, leur soutien à son initiative. Parmi eux, on compte l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la Pologne. A cette date, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, le Royaume-Uni et la Suède apparaissaient plutôt opposés.

Ce qui importe aujourd’hui, c’est d’obtenir la faculté de déroger à l’AMP, car une fois finalisés, les accords négociés s’appliquent sur une longue durée. Il ne s’agit pas de préjuger des dispositifs communautaires qui pourraient être mis en œuvre et exiger des discussions approfondies entre les Etats membres.

B. L’idéal à atteindre : pour un Small Business Act européen

La Délégation doit demander à la Commission d’obtenir de l’OMC la dérogation qui permettra à l’Union européenne de faciliter l’accès des PME aux marchés publics.

Dans cette perspective, deux voies sont ouvertes :

- inclure dans les engagements de la Communauté une dérogation qui, à l’instar de celle accordée aux Etats-Unis, exclut des disciplines de l’AMP le dispositif réservant certains marchés publics aux PME ;

- négocier une clause d’interprétation, équivalente à un amendement à l’accord, qui serait alors insérée dans le corps des disciplines de l’accord.

Dans les deux cas, l’accord de tous les autres signataires de l’AMP doit être obtenu.

Dans un « non papier » communiqué par la France aux Etats membres en avril 2006, une autre piste est évoquée : elle consiste à maintenir les marchés publics réservés dans le champ d’application de l’AMP, tout en précisant que celui-ci prévoit la possibilité de mettre en œuvre des mesures préférentielles au profit des PME, appliquées de manière non discriminatoire et dans les mêmes conditions à toutes les PME originaires des parties contractantes. Comme une disposition de cette nature serait sans effet sur la couverture des engagements européens, l’Europe pourrait ainsi éviter d’avoir à négocier des compensations avec les autres signataires de l’AMP.

Des mesures concrètes doivent être ensuite adoptées pour faciliter l’accès des PME aux marchés publics, en rattachant cette initiative à la stratégie de Lisbonne et en s’appuyant sur les recommandations contenues dans les conclusions du Conseil européen de mars 2006.

Le Mémorandum que la France a préparé sur le sujet propose à cet effet plusieurs mesures, à adopter tant au niveau national que communautaire :

- introduire une proportion minimale de PME parmi les entreprises admises à présenter une offre ;

- mettre en place un mécanisme préférentiel en faveur des PME ayant présenté des offres jugées compétitives et acceptables par rapport aux autres entreprises. Ce mécanisme pourrait être proposé dans des domaines précis ou au bénéfice d’entreprises ciblées, comme les PME innovantes.

On notera que l’initiative française est parfois soupçonnée d’avoir un caractère protectionniste. Or, l’expérience montre que c’est le fonctionnement actuel des marchés publics qui est souvent protectionniste, puisque fréquemment les collectivités publiques et notamment les collectivités territoriales hésitent à faire appel aux PME et préfèrent se tourner vers les grands groupes. Ceux-ci sont en effet choisis moins pour les prix qu’ils pratiquent que pour leur taille et les garanties qu’ils sont censés apporter. Il n’est pas rare que des PME moins disantes soient écartées sur la base de critères faisant appel à de tous autres éléments. Le mécanisme préférentiel en faveur des PME proposé par la France aurait, dans ces conditions, l’immense mérite d’élargir le champ de la concurrence, en faisant davantage entrer les PME dans le jeu.

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* *

M. Daniel Garrigue, rapporteur, a présenté ce document au cours de la réunion de la Délégation du 24 octobre 2006.

Il a conclu en précisant qu’il importait de négocier au plus vite une dérogation à l’OMC sur l’accès des PME aux marchés publics : l'Europe disposera ainsi du temps nécessaire pour bâtir son propre Small Business Act.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué qu’il serait souhaitable d’évoquer cette question lors de l’audition du commissaire Günter Verheugen la semaine prochaine par la Délégation.

Sur la proposition du rapporteur, la Délégation a ensuite adopté la proposition de résolution suivante, qui fixe les principes devant guider l’action de l’Union, sans entrer dans les modalités de mise en œuvre d’un mécanisme communautaire ou national favorisant les PME dans l’attribution des marchés publiques :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil relative à l’approche de l’Union européenne en vue du cycle du Millénaire de l’Organisation Mondiale du Commerce (COM [1999] 331 final/n° E 1285),

Considérant qu’une approche européenne ambitieuse de la mondialisation et de la compétition internationale repose très largement sur le développement d’un tissu dynamique de petites et moyennes entreprises (PME), dont la contribution à la croissance, à l’innovation et à l’emploi, est unanimement reconnue ; considérant aussi que l’Union européenne a constamment reconnu cet impératif, en particulier à travers la Stratégie de Lisbonne, le Programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (PIC) et, très récemment, lors du Conseil européen de mars 2006 ;

Considérant que plusieurs Etats, le Canada, la Corée du Sud et les Etats-Unis, ont mis en place par une dérogation aux règles de l’Accord sur les marchés publics (AMP), adopté dans le cadre de l’OMC, des dispositifs préférentiels d’accès des PME aux marchés publics ; considérant qu’en particulier le Small Business Act américain, institué dès 1953, a été un puissant facteur de développement des PME américaines, notamment des plus innovantes ;

Considérant qu’une renégociation de l’AMP est en cours et que, sans préjuger des dispositions que les Etats membres pourraient ensuite définir en ce domaine, il est essentiel que l’Union européenne obtienne, dans le cadre de cet accord, une dérogation comparable à celle déjà obtenue par les Etats précédemment cités ;

Considérant qu’un nombre appréciable de nos partenaires partage nos analyses ;

1. Soutient la démarche du gouvernement français consistant à demander que soit amendé, par le biais d’une dérogation ou d’une clause d’interprétation, l’Accord sur les marchés publics de l’OMC afin que l’Union européenne dispose, en faveur des PME, d’une marge de manœuvre similaire à celle dont bénéficient les membres de l’OMC qui ont veillé à obtenir une telle dérogation ;

2. Juge souhaitable que par la suite, compte tenu de l’effet de levier que joue la commande publique sur les PME, l’Union européenne dote ces dernières d’un outil s’inspirant du Small Business Act des Etats-Unis, lequel s’intégrerait parfaitement dans les objectifs de compétitivité et de croissance fixés par la Stratégie de Lisbonne et répondrait aux conclusions du Conseil européen des 23 et 24 mars 2006 demandant que « l’accès des PME aux marchés soit amélioré par la facilitation de leur accès aux marchés publics ».

Cette proposition de résolution s’appuie, faute d’une proposition d’acte communautaire relative aux marchés publics disponible pouvant servir de base juridique, sur une communication de la Commission européenne de juillet 1999, préalable au lancement du nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, dont l’un des paragraphes est consacré à l’amélioration des règles encadrant les marchés publics.

(1) « Rapport 2005 sur les obstacles au commerce et à l’investissement des Etats-Unis », document de la Commission européenne publié en mars 2006.
(2) Cité par le « Performance and Accountability Report Fiscal Year 2005 », publié en novembre 2005 par la Small Business Administration.