Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N°598

_______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 février 2003

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA DÉLÉGATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

POUR L'UNION EUROPÉENNE (1),

sur les négociations agricoles à l'Organisation mondiale
du commerce
,

ET PRÉSENTÉ

par M. François GUILLAUME,

Député.

________________________________________________________________

(1) La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

Organisations internationales.

La Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne est composée de : M. Pierre Lequiller, président ; MM. Jean-Pierre Abelin, René André, Mme Elisabeth Guigou, M. Christian Philip, vice-présidents ; MM. Pierre Goldberg, François Guillaume, secrétaires ; MM. Alfred Almont, Bernard Bosson, Bernard Deflesselles, Michel Delebarre, Bernard Derosier, Nicolas Dupont-Aignan, Jacques Floch, Pierre Forgues, Mme Arlette Franco, MM. Daniel Garrigue, Michel Herbillon, Marc Laffineur, Jérôme Lambert, Edouard Landrain, Robert Lecou, Pierre Lellouche, Guy Lengagne, Louis-Joseph Manscour, Thierry Mariani, Philippe Martin, Jacques Myard, Christian Paul, Didier Quentin, André Schneider, Jean-Marie Sermier, Mme Irène Tharin, MM. René-Paul Victoria, Gérard Voisin.

SOMMAIRE

_____

Pages

I. DES NEGOCIATIONS DIFFICILES DANS LESQUELLES L'UNION EUROPEENNE APPARAIT ISOLEE 13

A. Le cadre juridique des négociations 14

1) L'Accord sur l'agriculture de Marrakech 15

a) Une "révolution copernicienne" 15

(1) Une rupture historique provoquée par la guerrre commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe... 15

(2) ...Qui soumet les politiques agricoles à un objectif de réduction de leurs protections aux frontières et de leurs soutiens 17

b) La mise en œuvre contrastée de l'accord par les deux principaux membres de l'OMC 20

(1) L'Union européenne : des engagements tenus de manière satisfaisante 21

(2) Les Etats-Unis: un faux bon élève 25

(a) Le recours massif à des aides ayant une forte capacité de distorsion 26

(b) Une politique déguisée de subventions aux exportations 29

2) Le programme de travail fixé par la Déclaration ministérielle de Doha 32

a) Des objectifs conformes à la vision européenne des négociations mais non dépourvus d'ambiguïtés 33

b) La prise en compte des intérêts des pays en développement 37

c) Le calendrier des négociations 41

B. Des discussions tendues entre les quatre principaux acteurs de la négociation et dans lesquelles l'Europe paraît isolée 42

1) Le groupe de Cairns : une vision ultra libérale des échanges agricoles infirmée par certaines de leurs pratiques 43

2) Les Etats-Unis : une position de négociation offensive contredite par des propositions inéquitables et en porte à faux avec la nouvelle loi agricole 45

a) Une position offensive mais inéquitable 46

b) Une position décrédibilisée par la nouvelle loi agricole américaine 49

3) Les pays en développement : un nouvel acteur de poids aux revendications fortes 53

4) L'Union européenne : une position difficile en raison des attaques de mauvaise foi dont la PAC fait l'objet 56

a) Un quasi front commun contre la PAC 57

b) Des arguments irrecevables au regard de l'analyse objective des faits 58

II. LA REFORME DE LA PAC DE 1999 FIXE LES LIMITES DU MANDAT DE NEGOCIATION DE LA COMMISSION EUROPEENNE 63

A. Un mandat de négociation clair et plutôt solide... 64

1) Le mandat de négociation en vigueur : la défense de la PAC réformée à Berlin en mars 1999 65

a) L'accord de Berlin: une réforme permettant à l'Europe d'adopter une position offensive à l'OMC 65

b) Un mandat de négociation dépourvu d'ambiguïtés 69

2) Une proposition de modalités globalement conforme à ce mandat mais qui utilise dangereusement tout le crédit de négociation de l'Europe 72

a) L'accès au marché: une ouverture équitable, doublée d'un renforcement de la protection des indications géographiques et de la prise en compte du principe de précaution 74

(1) Des propositions garantissant "un partage du fardeau" 74

(2) Le renforcement nécessaire de la protection des indications géographiques 76

(3) Une meilleure prise en compte du principe de précaution 79

b) Les soutiens à l'agriculture 82

(1) Discipliner toutes les formes de subventions aux exportations 82

(2) Préserver les trois "boîtes"et mieux encadrer les aides agricoles américaines 84

c) Une timidité regrettable dans la défense du rôle multifonctionnel de l'agriculture 90

d) Le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement 93

(1) Des propositions généreuses... 93

(2) ...Qui doivent être accompagnées d'une redéfinition de la notion de pays en développement 95

e) Des objectifs de réduction imprudents en raison des marges de manœuvre disponibles 97

(1) Les marges de manœuvre disponibles... 97

(2) ...Imposent de respecter une certaine retenue 97

B. Une position de négociation qui risque d'être compromise par les discussions concernant la révision à mi-parcours de la PAC 104

1) Les propositions de la Commission européenne sur la révision à mi-parcours 104

2) Une position de négociation affectée sur trois points essentiels 106

a) Le découplage intégral des aides directes 107

b) Des baisses de prix inutiles et dangereuses 108

c) L'écoconditionnalité sans demande de contreparties 109

CONCLUSION : POUR UNE RECONNAISSANCE DES MODELES D'AGRICULTURE A L'OMC 113

TRAVAUX DE LA DELEGATION 119

Audition de M. Pascal Lamy, commissaire européen, sur les négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce, le 18 décembre 2002 119

Réunion de la Délégation du 5 février 2003 141

PROPOSITION DE RESOLUTION 145

ANNEXES 151

Annexe 1 : Liste des personnes entendues par M. Patrick Hoguet 153

Annexe 2 : Précédents rapports d'information de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur les problèmes de commerce international et autres éléments de bibliographie 155

Annexe 3 : Liste des pays membres et des observateurs de l'OMC 159

Annexe 4 : Table des sigles les plus fréquemment utilisés 161

Mesdames, Messieurs,

Près de 10 ans après l'accord conclu le 6 décembre 1993 à Bruxelles entre les Etats-Unis et la Communauté européenne, l'agriculture est à nouveau au centre des négociations commerciales multilatérales.

Cet accord, qui à la demande du Gouvernement Balladur avait remis en cause le fâcheux compromis de Blair House, intervenu le 20 novembre 1992 à Washington, a permis de finaliser les négociations du huitième cycle de négociations commerciales multilatérales organisé sous l'égide du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), ces dernières achoppant sur la question agricole, comme d'ailleurs aussi sur la question de la diversité culturelle. Le Cycle dit d'Uruguay, commencé à Punta del Este en 1986, s'est donc terminé à Genève, le 15 décembre 1993, et a abouti à la signature, le 15 avril 1994, de l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). A cet accord est annexé l'ensemble des résultats des négociations du cycle, dont un Accord sur l'agriculture, qui crée une véritable rupture dans le droit commercial multilatéral, en mettant fin à l'exception instituée au profit des politiques agricoles au sein des règles visant à encadrer les échanges commerciaux.

La révolution juridique opérée par cet accord a imposé de fortes contraintes aux membres de l'OMC, qui ont du adapter en conséquence leurs politiques agricoles. Toutefois, autant l'Europe a joué le jeu de manière transparente et responsable en respectant clairement ses engagements, autant d'autres partenaires et notamment les Etats-Unis ont biaisé avec les obligations souscrites à Marrakech pour augmenter massivement leurs soutiens à l'agriculture durant la période d'application de l'accord ou pour maintenir des pratiques restrictives.

Le cadre mis en place à Marrakech pour réguler les politiques agricoles était certes destiné à évoluer. Lors de la quatrième Conférence ministérielle de l'OMC (l'organe politique de décision de l'Organisation), réunie à Doha (au Qatar) du 9 au 14 novembre 2001, ses membres se sont déclarés prêts - « sans préjuger du résultat des négociations » - à négocier des réductions accrues de leurs soutiens à l'agriculture. Le programme de travail fixé par la Déclaration ministérielle du 14 novembre 2001 a ouvert dès lors un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales couvrant un vaste nombre de sujets, outre celui de l'agriculture, qui doit se conclure au plus tard le 1er janvier 2005. Cependant, en matière agricole, une échéance majeure approche : selon le calendrier établi par la Déclaration ministérielle, les membres de l'OMC doivent déterminer, d'ici le 31 mars 2003, les « modalités » de la négociation agricole ou objectifs (y compris des objectifs chiffrés) permettant d'atteindre l'objectif global de réduction des soutiens à l'agriculture évoqué par l'ordre du jour adopté à Doha. Ces « modalités » seront ensuite utilisées par les membres pour élaborer leurs offres de négociations ou « projets d'engagements globaux », qui seront discutés lors de la prochaine Conférence ministérielle de l'OMC, qui aura lieu à Cancun (au Mexique) du 10 au 14 septembre 2003.

Les négociations agricoles sont donc entrées dans le vif du sujet, la plupart des principaux membres de l'OMC ayant présenté des documents sur l'élaboration des modalités. Les discussions en cours sont extrêmement tendues, comme au temps du Cycle d'Uruguay, à la différence que, cette fois-ci, l'affrontement classique entre les deux principales puissances commerciales de la planète, les Etats-Unis et l'Union européenne, se double d'un affrontement entre pays en développement - ces derniers ayant acquis une véritable influence politique au sein de l'OMC depuis l'échec de la Conférence ministérielle de Seattle de 1999 - et pays développés, accusés par les premiers d'entraver le développement, voire le maintien, de leur production agricole.

En effet, les pays en développement, avec l'appui des analyses de plusieurs organisations économiques internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale ou l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), considèrent que les aides importantes accordées par les pays développés à leurs agriculteurs ont pour conséquence de pratiquer une forme de dumping sur le marché mondial des produits agricoles : d'après les pays du Sud, ces soutiens permettent aux pays « riches » de subventionner, et de vendre ainsi à bas prix, des produits qui viennent concurrencer leurs propres productions. Cette situation est dénoncée comme pouvant remettre en cause l'existence d'une agriculture vivrière assurant l'autosuffisance alimentaire de ces pays et la survie d'une paysannerie qui concentre une grande partie de leur population au niveau de vie très insuffisant.

Ce discours très critique à l'égard des politiques agricoles des « pays riches », combiné à celui très offensif des Etats-Unis et des pays du groupe de Cairns qui le relayent en matière de libéralisation des échanges agricoles, a trouvé une cible privilégiée dans la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne, devenue depuis peu la politique à abattre à l'OMC.

La « chasse aux sorcières » dont est victime la PAC ne s'arrête pas à l'OMC : l'isolement de l'Europe dans le domaine agricole a pu être également constaté à l'occasion de grandes réunions internationales, comme le Sommet mondial sur le développement durable des 26 août-4 septembre 2002. De nombreux pays participants souhaitaient que le plan d'action devant être adopté par le Sommet contienne un engagement visant l'Union européenne et allant bien au-delà du programme de travail de Doha, concernant la suppression progressive des subventions agricoles. La formulation finalement retenue a été, grâce à l'action cette fois-là conjointe des Etats-Unis et de l'Union européenne, identique à celle adoptée à Doha.

Or, c'est dans ce contexte multilatéral extrêmement difficile pour la PAC que la Commission européenne vient de proposer une nouvelle réforme de cette politique, ce qui ne peut que fragiliser sa position de négociation à l'OMC.

Le mandat de négociation de la Commission européenne à l'OMC était pourtant dépourvu de toute ambiguïté. Il a été donné par le Conseil des ministres de l'Union européenne du 26 octobre 1999 et a été confirmé depuis. Ce mandat consiste à défendre la PAC, telle qu'elle a été réformée par le Conseil européen de Berlin des 25 et 26 mars 1999 dans le cadre de l'« l'Agenda 2000 » à la fois pour des raisons internes et pour mieux préparer l'Union européenne aux négociations agricoles de l'OMC.

Le Conseil européen de Berlin ayant défini les marges de manœuvre de la Communauté européenne dans les négociations agricoles à l'OMC, la Commission européenne ne pouvait s'en affranchir lors de l'élaboration de sa proposition relative aux modalités des négociations agricoles. Cette dernière estime qu'elle s'est conformée effectivement à ce mandat, en présentant, le 16 décembre 2002, une proposition de modalités qui s'appuie, selon elle, sur le crédit de négociation dégagé par la réforme de la PAC de 1999. Ce texte a été adopté par le Conseil le 27 janvier 2003.

Cette proposition de modalités, si elle est globalement conforme au mandat du Conseil, n'en est pas moins critiquable sur deux points essentiels :

- En effet, la Commission européenne propose des baisses de la protection et des aides agricoles qui s'inscrivent dans le simple prolongement de celles décidées à l'issue du Cycle d'Uruguay. C'est dire qu'elle fait sienne la logique de libéralisation engagée à Marrakech, sans plus défendre à l'OMC la notion d'exception agricole, justifiée par la nécessité de sauvegarder le modèle européen d'agriculture et par les nouvelles attentes de la société.

Les demandes des citoyens concernant l'agriculture ont en effet profondément évolué depuis la conclusion de l'accord de 1994 : leurs exigences dans les domaines de la qualité et de la sécurité impliquent de sortir d'un cadre de régulation des échanges agricoles exclusivement fondé sur la libéralisation pour reconnaître à toute société le droit de compenser les contraintes engendrées par les exigences nouvelles de nos modes de production ou par la prise en compte des aspects de sécurité sanitaire ou de qualité.

- Deuxième réserve : les propositions de la Commission européenne tendent à utiliser tout le crédit de négociation que s'est donné l'Europe en réformant la PAC en 1999. Cette position de négociation ne laisse plus guère de marge de manœuvre à l'Europe avant la fin du cycle. Conséquence : tout ce qu'elle accepterait de « lâcher » en plus de ses propositions initiales imposerait une réforme de la PAC qui n'aurait été ni voulue ni prévue par les agriculteurs et les gouvernements européens au titre des échéances européennes internes.

La proposition de la Commission européenne sur la « révision à mi-parcours » de la PAC, qui n'est pas prévue sous ce format par l'accord de Berlin, dès lors qu'elle propose une réforme de grande ampleur de la PAC, aura par ailleurs pour conséquence d'accréditer, à tort, certaines des critiques de nos partenaires, ce qui ne pourra qu'être préjudiciable à la position de négociation de l'Europe à l'OMC.

La Commission européenne justifie cette proposition de réforme par sa volonté de répondre aux attentes des citoyens concernant la PAC et de « sanctuariser » celle-ci à l'OMC en modifiant le système d'aides à l'agriculture, afin de l'exempter, des obligations de réduction prévues par l'Accord sur l'agriculture. Cette réforme devrait permettre, selon elle, de maximiser le capital de négociation de l'Europe à l'OMC, afin d'obtenir « un peu plus en donnant un peu plus », pour reprendre les propos du Commissaire européen à l'agriculture, M. Franz Fischler.

Cette méthode est contestable pour deux raisons.

D'une part, elle place la Commission européenne hors du cadre fixé par l'accord conclu entre les chefs d'Etat et de gouvernement à Berlin, alors même qu'elle a globalement respecté ce dernier dans l'élaboration de sa proposition de modalités.

D'autre part, elle conduit la Commission européenne à adopter une stratégie de négociations qui comporte de sérieux risques pour la défense du modèle agricole européen à l'OMC.

En effet, les propositions de la Commission européenne concernant la révision à mi-parcours donnent aux membres de l'OMC un moyen de pression sur l'Union européenne pour obtenir de cette dernière de nouvelles concessions, qui iraient bien au-delà de ce qui a été prévu par le mandat de négociation de 1999 et menaceraient les principes essentiels de la PAC.

Le Rapporteur se réjouit donc que, face à ces risques de dérapage, la France ait rappelé à la Commission européenne ses obligations dans une Déclaration faite lors du Conseil du 27 janvier 2003, qui a adopté la proposition de modalités des négociations agricoles à l'OMC. Cette Déclaration rappelle que la Commission européenne doit mener les négociations dans le strict respect de son mandat et se conformer aux conclusions des Conseils européens de Berlin de mars 1999 et de Bruxelles d'octobre 2002, ce dernier ayant stabilisé les dépenses de la PAC jusqu'en 2013.

Le présent rapport d'information s'attachera à présenter d'abord le contexte général de la négociation agricole à l'OMC de Marrakech à Doha, qui se caractérise par un isolement de l'Union européenne, ainsi que les positions défendues par les principales parties prenantes à la négociation. Dans une deuxième partie, le rapport analysera la proposition de mandat pour les modalités générales et ses conséquences sans dissimuler en quoi les récentes propositions de la Commission européenne concernant la révision à mi-parcours de la PAC contredisent sa position de négociation et font peser de sérieux risques sur la capacité qu'aura l'Union européenne de défendre « l'exception agricole » à l'OMC. La conclusion soulignera que cet objectif justifie une action offensive de l'Europe, afin de rallier les pays en développement soucieux de préserver eux aussi la diversité de leurs modèles d'agriculture, aspect sur lequel l'Europe devra aussi concentrer ses propositions.

*

* *

Le présent rapport d'information a été préparé par M. Patrick Hoguet. M. François Guillaume a bien voulu accepter de le reprendre et de le présenter.

I. DES NEGOCIATIONS DIFFICILES DANS LESQUELLES L'UNION EUROPEENNE APPARAIT ISOLEE

Les négociations commerciales multilatérales visant à libéraliser l'agriculture sont affectées d'un paradoxe.

Ces négociations portent en effet sur des produits qui occupent une faible place dans les échanges économiques internationaux. Selon les dernières statistiques sur le commerce international publiées par le Secrétariat de l'OMC, les produits agricoles ne représentaient, en 2001, que 9,1 % des exportations et des importations mondiales de marchandises. La valeur du commerce mondial des produits agricoles n'était, pour la même année, que de 547 milliards de dollars, contre 4 477 milliards de dollars pour les produits manufacturés et 1 440 milliards de dollars pour les services commerciaux.

Mais le poids relativement peu important de l'agriculture dans les échanges commerciaux contraste fortement avec l'âpreté des négociations visant à libéraliser ce secteur. Ceci est dû au fait que l'agriculture est fortement aidée et protégée. Dans son rapport sur « Les politiques agricoles des pays de l'OCDE : suivi et évaluation 2002 », l'OCDE évalue le soutien total à l'agriculture de ses membres à 311 milliards de dollars en 2001, soit 1,3 % du PIB global de ces derniers(1). Le soutien aux producteurs, exprimé en pourcentage des recettes agricoles, est évalué à 31 %. En ce qui concerne les droits de douane appliqués aux produits agricoles, ceux-ci sont beaucoup plus élevés que ceux frappant les produits industriels  : l'OCDE estime que la moyenne pondérée des droits de douane appliqués par ses membres sur les produits agricoles est de 36 %, contre 14 % pour les produits industriels(2).

S'il existe donc bien une « exception agricole » dans les relations économiques internationales, elle s'explique par le fait que le soutien à l'agriculture revêt une nécessité stratégique pour trois types de raisons, souvent cumulées :

- des raisons politiques, comme la volonté d'assurer l'autosuffisance alimentaire ;

- des raisons économiques, comme la nécessité de protéger les consommateurs de variations de prix importantes, qui résultent d'un marché confronté à une demande en hausse et à une offre variant en fonction des aléas de récoltes, des conditions climatiques et de l'interventionnisme de certains pays exportateurs ;

- des raisons historiques, sociales et culturelles, l'agriculture étant un vecteur de valeurs importantes pour la société : elle peut occuper une place symbolique dans l'imaginaire collectif (cas des Etats-Unis et du Japon par exemple) ou apporter une contribution importante à l'aménagement du territoire (cas de l'Union européenne).

Ces impératifs demeurent. Ils justifient pour l'Europe, comme pour d'autres, dans ces négociations la défense de leur modèle propre d'agriculture.

A. Le cadre juridique des négociations

Le cadre juridique des négociations agricoles a été fixé par l'Accord sur l'agriculture annexé à l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il impose de strictes disciplines sur les politiques agricoles des membres de cette organisation.

Le Rapporteur rappellera les principales dispositions de cet accord avant d'analyser la manière dont les deux principaux membres de l'OMC concernés par le dossier agricole, l'Union européenne et les Etats-Unis, les ont mises en œuvre. Il présentera ensuite les objectifs des négociations dans ce secteur tels qu'adoptés par la dernière Conférence ministérielle de l'OMC, et cela à la lumière des positions prises dans ce débat par les principaux protagonistes.

1) L'Accord sur l'agriculture de Marrakech

a) Une "révolution copernicienne"

(1) Une rupture historique provoquée par la guerrre commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe...

L'Accord sur l'agriculture de Marrakech marque une rupture historique  : après plus de 45 années « d'exception agricole » dans le GATT, il soumet ce domaine d'activité essentiel pour le développement et l'équilibre territorial et social des nations à des disciplines commerciales multilatérales.

Ce secteur a, en effet, d'abord bénéficié d'un statut dérogatoire au GATT lors de l'adoption de cet accord en 1947. Certes, à cette date, le régime général du GATT s'appliquait aux produits agricoles à une exception près, qui permettait de déroger au principe de l'interdiction de l'imposition de restrictions quantitatives aux échanges stipulé par l'article XI de l'accord. De telles mesures pouvaient être prises à la condition qu'elles fussent jugées nécessaires, ce qui fut le cas à la suite d'une entente entre les Etats-Unis et l'Europe. Les premiers ont obtenu, en 1955, une dérogation (waiver) leur permettant d'enfreindre l'article XI du GATT, afin de pouvoir maintenir des restrictions aux importations à de nombreux produits agricoles, et la Communauté européenne, suite aux accords du Dillon round (1961-1962), a été autorisée à mettre en place un système de prélèvements variables aux importations, qui lui permettait d'isoler le marché européen des variations du prix du marché mondial.

Le contexte du Cycle d'Uruguay, lancé le 20 septembre 1986 lors la réunion de Punta del Este, a changé la problématique des négociations agricoles : la coopération économique entre les deux partenaires transatlantiques, imposée par la logique de la Guerre froide, qui voulait que l'Europe devienne une puissance commerciale, a cédé la place aux tensions. Certes auparavant des tensions et des rivalités s'étaient faites jour dans tel ou tel secteur (soja, poulet, etc.). Mais à la veille de ces négociations, les Etats-Unis étaient devenus le premier pays exportateur de produits agricoles et le second importateur mondial, tandis que la Communauté européenne était le premier importateur et le second exportateur mondial. Les deux grandes puissances agricoles avaient donc largement atteint l'autosuffisance, et entrèrent en conflit pour gagner des parts de marché. Avec l'appui des pays du groupe de Cairns, les Etats-Unis s'attaquent alors aux subventions aux exportations de l'Europe, mais évitent de mettre trop frontalement en cause les soutiens internes. La Communauté, quant à elle, défend une vision plus large de la négociation, qui a pour objectif d'encadrer toutes les formes d'aides à l'agriculture.

Suite à la réunion de Punta del Este, l'Europe obtient un compromis, qui constitue un succès pour elle, puisqu'il précise que la négociation doit porter sur toutes les formes de subvention à l'agriculture. Cependant, les négociations progresseront lentement jusqu'à ce que les Etats-Unis lancent, en juin 1990, une véritable offensive contre la PAC, en proposant de transformer les mesures de protection aux frontières en droits de douane et de les supprimer en 10 ans comme tous les soutiens liés à l'agriculture, ainsi que d'éliminer les subventions aux exportations en 5 ans. La réponse de la Communauté européenne consiste à proposer de réduire de 30 % les soutiens internes, tout en refusant de prendre des engagements séparés en matière de soutiens internes et de subventions aux exportations. Elle défend une approche qui vise à faire baisser de concert toutes les formes de subventions, afin d'obtenir une diminution de ses restitutions aux exportations équivalente à celle des soutiens internes américains. Le sommet bilatéral de Heysel de décembre 1990 se conclut par un échec après trois jours de négociation. En décembre 1991, le directeur général du GATT présente un document de compromis, qui fixe des disciplines dans trois secteurs : l'accès au marché, le soutien interne et les subventions aux exportations. Initialement refusée par l'Europe, cette approche, soutenue par les Etats-Unis, ainsi que par les membres du groupe de Cairns, servira de base à la proposition d'accord agricole élaborée à Blair House en novembre 1992. La Communauté européenne se ralliera finalement à la méthode des engagements séparés après avoir réformé, en mai 1992, la PAC.

(2) ...Qui soumet les politiques agricoles à un objectif de réduction de leurs protections aux frontières et de leurs soutiens

Les disciplines fixées par l'Accord sur l'agriculture peuvent être ainsi résumées  :

1. Pour l'accès au marché :

· Transformation de toutes les mesures de protection aux frontières en droits de douane fixes : ces équivalents tarifaires doivent eux-mêmes être réduits de 36 % en 6 ans (1995-2000) par rapport à la période de référence 1986-1988 ; cette réduction est modulée différemment selon chaque produit, entre 15 % et 36 %, avec une réduction minimale par ligne tarifaire de 15 % ;

· Instauration d'une clause de sauvegarde, qui se déclenche en cas soit de dépassement du volume des importants par rapport à un certain seuil, soit de chute du prix des importations au-dessous d'un certain seuil. 39 membres de l'OMC se sont réservés le droit d'utiliser des clauses de sauvegarde(3) ;

· Pour les produits qui ne font pas l'objet d'une tarification, engagements d'accès minimum aux pays tiers par l'ouverture de contingents tarifaires erga omnes, c'est-à-dire bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée ou NPF, avec un taux préférentiel fixé à 32 % du tarif de base, représentant pour chaque groupe de produits, en fin de période, 5 % de la consommation de la période de base 1986-1988. Le droit préférentiel étant lui-même soumis à la réduction de 36% en six ans ;

· Maintien de l'accès courant : les concessions tarifaires à l'importation déjà en vigueur en 1995 doivent être maintenues au moins à leur niveau de 1986-1988 ;

Pour l'Union européenne, ces engagements d'accès ont porté sur 14 groupes de produits : toutes les céréales (le blé, le maïs et le sorgho), le riz, le sucre, les matières grasses végétales, les légumes, les fruits frais à l'exception des citrons, la viande (toutes espèces confondues), la poudre de lait écrémé, le beurre, le fromage et les œufs. Ces engagements se sont traduits par 37 contingents tarifaires en accès minimum et 44 contingents tarifaires en accès courant.

2. Pour le soutien interne :

L'accord prévoit une réduction des volumes de soutien différenciée selon la nature des aides, classées dans différentes « boîtes » en fonction de leur degré de « découplage », c'est-à-dire de leur lien avec la production :

· La boîte « orange » comprend les aides couplées à la production : la Mesure Globale de Soutien (MGS), qui regroupe le soutien par les prix et les versements directs non exemptés d'obligation de réduction, doit être réduite de 20 % sur 6 ans par rapport à la période de base 1986-1988 ; cette réduction s'applique sur l'agrégat de l'ensemble des aides couplées. Seuls 34 membres de l'OMC ont pris des engagements concernant la réduction des soutiens classés en boîte orange(4). Par ailleurs, tous les membres de l'OMC, y compris ceux n'ayant pas pris de tels engagements, peuvent appliquer la clause de minimis, qui permet d'exclure de la MGS courante le soutien dont le montant est inférieur à 5 % de la valeur du produit considéré ou de la production agricole totale. Ce plafond est fixé à 10 % pour les pays en développement. Pour l'Union européenne, de 80,975 milliards d'écus sur la période de base (Union à 15), la MGS ne doit pas dépasser 67,159 milliards d'euros en 2000 ;

· La boîte « bleue » regroupe les aides liées à des programmes de limitation de la production : les aides directes fondées sur une superficie et des rendements fixes ou attribuées pour un nombre de têtes de bétail fixe (cas des aides compensatoires de la PAC) sont exemptées d'engagements de réduction. Elles sont en outre protégées de toute contestation devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC (ORD) par une clause de paix de 9 ans, qui expire le 31 décembre 2003. Cependant, pour chaque produit, la somme du soutien au titre de la MGS et d'une aide classée en boîte bleue (« MGS totale ») ne doit pas dépasser le soutien total accordé pendant la campagne de commercialisation 1992 (afin d'éviter les surcompensations) ;

· La boîte « verte » comprend les aides totalement découplées de la production (recherche, formation, agri-environnement, préretraite, aide alimentaire, etc) et bénéficie d'une exemption totale de réduction.

3. Pour les subventions aux exportations :

Aux termes de l'Accord sur l'agriculture, 25 membres de l'OMC seulement peuvent subventionner leurs exportations agricoles(5). Cette autorisation n'est toutefois accordée que dans la mesure où ces membres se sont engagés à réduire leurs subventions. Quant aux membres de l'OMC n'ayant pris aucun engagement dans ce domaine, ils ne sont pas autorisés à subventionner leurs exportations.

Les subventions à l'exportation doivent être réduites sur 6 ans de 21 % en volume et de 36 % en budget par rapport à la période de référence 1986-1990 (sauf pour la viande bovine : 1986-1992) ; cette réduction linéaire (avec une flexibilité annuelle de 1,75 % en volume et de 3 % en budget) s'effectue, pour l'Union européenne, selon 20 groupes de produits ; pour les produits transformés, seule la réduction budgétaire s'applique.

4. Pour les pays en développement :

Les objectifs chiffrés de réduction des soutiens et des protections aux frontières varient en fonction du niveau de développement des membres de l'OMC en vertu du « traitement spécial et différencié », qui prévoit des obligations moins contraignantes pour les pays en développement :

OBJECTIFS CHIFFRES DE REDUCTION DES SOUTIENS
ET DES PROTECTIONS AUX FRONTIERES

 

Pays développés

Pays en développement

 

6 ans : 1995-2000

10 ans : 1995-2004

Tarifs

   

Réduction moyenne pour tous les produits agricoles

- 36 %

- 24 %

Réduction minimale par produit

- 15 %

- 10 %

Soutien interne

   

Réduction de la MGS

- 20 %

- 13 %

Subventions aux exportations

   

Réduction en valeur

- 36 %

- 24 %

Réduction en volume

- 21 %

- 14 %

Conformément à ce principe, les pays les moins avancés (PMA) ne sont pas tenus de contracter des engagements réduction(6).

b) La mise en œuvre contrastée de l'accord par les deux principaux membres de l'OMC

Les deux principaux membres de l'OMC concernés par ces engagements agricoles, la Communauté européenne et les Etats-Unis, ont appliqué les obligations souscrites à Marrakech de manière contrastée : si l'Europe a effectivement réduit ses soutiens, et plus particulièrement ceux ayant une forte capacité de distorsion comme les subventions aux exportations, de manière satisfaisante et transparente, les Etats-Unis ont, en revanche, augmenté les aides agricoles à forte capacité de distorsion, tout en utilisant des formes de soutien ne faisant l'objet d'aucun encadrement à l'OMC.

(1) L'Union européenne : des engagements tenus de manière satisfaisante

La réforme de la PAC de mai 1992, outre ses objectifs internes, avait en partie pour objet d'adapter cette politique aux contraintes qu'annonçaient les discussions menées dans le cadre du Cycle d'Uruguay.

De fait, l'Union européenne a largement respecté les engagements souscrits à Marrakech.

De plus, leur mise en œuvre n'a pas été préjudiciable à la position exportatrice de l'Europe. Bien que l'Europe reste importatrice nette de produits agricoles (déficit de 22 milliards d'euros en 2001 contre 7,2 milliards d'euros en 1992), elle a globalement conservé ses parts de marché dans les échanges agricoles mondiaux : celles-ci se sont maintenues à environ 21 % du total durant les 6 années de mise en œuvre de l'Accord agricole(7). L'Union européenne a néanmoins perdu dans des secteurs importants des parts de marché au profit de l'Argentine (céréales secondaires), de l'Australie (blé, formage, poudre de lait entier, viande bovine), du Brésil (sucre), de la Nouvelle-Zélande (beurre, formage, poudre de lait entier) et des Etats-Unis (viande bovine, viande porcine, viande de volaille). Il résulte de ces évolutions qu'elle est désormais le quatrième exportateur mondial de blé et de farine de blé (derrière les Etats-Unis, l'Australie et le Canada), le troisième exportateur mondial pour les céréales secondaires (derrière les Etats-Unis et l'Argentine), le deuxième exportateur mondial pour le sucre (derrière le Brésil) et le beurre (derrière la Nouvelle-Zélande). Elle reste le premier exportateur mondial pour le fromage et la poudre de lait, le deuxième exportateur mondial de viande bovine (derrière l'Australie) et le deuxième exportateur de viande de volaille (derrière les Etats-Unis).

L'accès au marché :

Les engagements de droits consolidés de l'Union européenne portent sur 1764 lignes tarifaires. Le droit de douane consolidé moyen sur les produits agroalimentaires, qui était de 26 % au début de la période de mise en œuvre de l'accord, n'est plus que de 17 % au terme de cette période, selon une étude de l'INRA(8). Pour les Etats-Unis, le droit de douane moyen consolidé s'élève à 5,5 % selon les estimations de l'OCDE et à 9 % selon la Banque mondiale(9). Cependant, il convient de noter, qu'au terme de la période de mise en œuvre de l'accord, 350 droits applicables aux importations de produits agricoles sont nuls dans l'Union européenne et que 425 lignes tarifaires, soit 24 % des produits, entrent dans le marché communautaire avec un droit inférieur à 2 %. L'Europe applique donc des droits nuls ou minimes à 775 lignes tarifaires sur un total de 1764. Par ailleurs, seulement 8 % des lignes tarifaires de l'Union européenne ont un droit de douane supérieur à 50 %. Ces pics tarifaires concernent les produits laitiers, la viande bovine, les céréales et les produits à base de céréales, le sucre et les édulcorants. De plus, l'Union européenne n'a pas « dilué » ses engagements tarifaires : elle n'a utilisé le taux minimal de réduction des droits de 15 % sur aucune des lignes tarifaires et tous les droits ont été réduits d'au minimum 20 %, tandis que ceux sur les produits sensibles, comme le blé, ont été diminués de 36 %. La réduction tarifaire de l'Europe est donc « plus uniforme que dans la plupart des autres pays. Ceci signifie que l'Union européenne n'a pas ou peu alloué ses réductions tarifaires de manière stratégique entre les biens »(10).

S'agissant des contingents tarifaires, l'Union a mis en place 87 quotas au total, dont 37 qui relèvent de l'accès minimum et 44 de l'accès courant. Sur la période 1995-1999, le taux de remplissage pour l'accès courant est d'environ 70 % et celui de l'accès minimum de 73 %, ce qui place l'Union européenne nettement au-dessus de la moyenne générale de l'ensemble des membres de l'OMC(11).

Les exportations subventionnées

90% des exportations subventionnées notifiées à l'OMC sont le fait de l'Union européenne. Ce chiffre est souvent exploité par les adversaires de la PAC pour alimenter le discours visant à remettre en cause cette politique à l'OMC. Or, il ne tient pas compte des pratiques de nos principaux concurrents en matière d'aide alimentaire, de crédits à l'exportation et d'entreprises commerciales d'Etat, qui mobilisent des sommes importantes, mais ne sont pas soumises aux disciplines de l'OMC.

De plus, il ne reflète pas les efforts considérables accomplis par l'Union européenne pour réduire cette forme de soutien à forte capacité de distorsion sur les échanges agricoles. Sa part dans le budget agricole communautaire est passée de 30 % en 1993 à 8 % en 2001. Le montant des restitutions a été divisé par trois depuis 1991 : de 10,159 milliards d'euros en 1993 dans une Europe des Douze, elles sont tombées à 3,4 milliards d'euros en 2001 dans l'Europe des Quinze. Le poids des restitutions dans les dépenses du FEOGA-Garantie a ainsi fortement diminué, passant pour la même période de 29,5 % des dépenses du FEOGA-Garantie à 8,1 % des dépenses du FEOGA-Garantie. Selon un document publié par la Commission européenne le 16 décembre dernier, les subventions à l'exportation ne représentaient, en 2001, que 5,2 % de la valeur des exportations agricoles européennes, contre 25 % en 1992. Les dépenses budgétaires liées à cet instrument ne représentaient, quant à elles, que 7,5 % de la valeur de ces exportations en 2001, alors qu'elles en représentaient 29,5 % en 1992.

En ce qui concerne le respect des plafonds de subventions aux exportations par l'Union européenne, un premier bilan global, établi par le ministère de l'agriculture français et retracé dans le tableau ci-après, permet de constater que celle-ci a rempli ses engagements de façon plus conséquente que les Etats-Unis, et que les plafonds fixés en valeur s'avèrent moins contraignants que ceux fixés en volume et ce, sur toute la période.

Taux d'utilisation des subventions a l'exportation pour l'union europeenne
et les Etats-Unis par rapport aux plafonds autorisés à l'OMC

   

Union européenne

Etats-Unis

1995/96

Valeur

51 %

7 %

 

Volume

61 %

21 %

1996/1997

Valeur

59 %

17 %

 

Volume

80 %

15 %

1997/98

Valeur

46 %

23 %

 

Volume

66 %

26 %

1998/99

Valeur

59 %

28 %

 

Volume

76 %

18 %

1999/00

Valeur

69 %

71 %

 

Volume

90 %

75 %

2000/01

Valeur

42 %

19 %

 

Volume

62 %

19 %

Source : Secrétariat de l'OMC.

Le tableau suivant indique pour les 6 années de mise en œuvre de l'Accord, les niveaux d'utilisation des engagements pris par l'Union européenne en valeur.

TAUX D'UTILISATION DES ENGAGEMENTS CONCERNANT LES RESTITUTIONS PAR RAPPORT AUX PLAFONDS AUTORISES A L'OMC (EN VOLUME)

 

1995/96

1996/97

1997/98

1998/99

1999/00

2000/01

 

% d'utilisation

% d'utilisation

% d'utilisation

% d'utilisation

% d'utilisation

% d'utilisation

Blé et farine de blé

14

75

72

83

100

71

Céréales secondaires

48

90

70

123

161

65

Riz

54

144

50

99

101

99

Colza

0

0

0

0

0

0

Huile d'olive

96

104

73

0

0

0

Sucre

55

80

118

112

73

69

Beurre et huile de beurre

30

59

37

38

46

49

Lait écrémé en poudre

72

84

57

74

146

47

Fromage

99

99

84

62

89

95

Autres produits laitiers

98

100

11

91

110

91

Viande bovine

90

110

94

76

87

58

Viande porcine

70

55

42

154

150

29

Viande de volaille

96

99

105

99

101

91

Œufs

75

56

90

104

97

85

Vins

76

111

115

98

99

99

Fruits et légumes frais

99

99

98

93

111

98

Fruits et légumes transformés

53

81

61

56

72

53

Source : Ministère de l'Agriculture.

On notera que l'Union européenne a parfaitement respecté ses niveaux d'engagement, et ce, sur toutes les campagnes, mais elle a dû recourir à la clause de report autorisée par l'Accord sur l'agriculture dans les deuxième, troisième, quatrième et cinquième années de sa mise en œuvre pour certains produits (riz, viande bovine, vins, fruits et légumes frais, alcool). Ce mécanisme permet de reporter les crédits non utilisés au cours de l'année n-1 pour les ajouter aux engagements de l'année n.

Pour une partie de ces produits, les niveaux d'engagement de ces deux dernières années sont devenus contraignants : il s'agit notamment des céréales secondaires, du riz, de la viande porcine et des alcools. Pour d'autres produits, les engagements sont restés moins contraignants sur toute la campagne ou le sont devenus en fin de campagne. C'est le cas de l'huile d'olive, du colza, du beurre, de la viande bovine, des œufs et du tabac brut. Enfin, dans les cas du fromage, de la viande de volaille, des vins et des fruits et légumes, les engagements ont été contraignants sur toute la période.

Le soutien interne

Les soutiens internes ont sensiblement évolué tout au long de la période de mise en œuvre de l'accord. Les soutiens en boîte verte sont passés d'environ 9 milliards d'euros en 1986-1988 à plus de 19 milliards en 1998-1999. La boîte bleue, qui regroupe les aides compensatrices crées en 1992, est passé d'un niveau nul à 20,5 milliards en 1998-1999. La boîte orange a fortement diminué durant cette période, passant de 81 milliards d'euros à 46,9 milliards.

Cette évolution a permis à l'Union européenne de respecter largement son niveau d'engagement concernant la MGS totale : la dernière notification de la Communauté à l'OMC sur ce sujet, en date du 22 juin 2002, indique que la MGS totale courante pour la campagne de commercialisation 1999/2000 s'élève à 47,885 milliards d'euros pour un niveau d'engagement autorisé de 69,46 milliards d'euros.

(2) Les Etats-Unis: un faux bon élève

Le Rapporteur analysera plus loin les conséquences prévisibles de la nouvelle loi agricole américaine sur les engagements pris par les Etats-Unis à l'OMC.

Mais il tient à rappeler dès à présent que la précédente loi agricole, le Federal Agricultural Improvement and Reform Act (FAIR Act) de 1996, a eu, malgré les intentions vertueuses affichées des effets pour le moins ambigus sur le respect des objectifs fixés par l'Accord sur l'agriculture : les Etats-Unis ont en pratique accru leurs soutiens internes et à l'exportation depuis la conclusion de l'Accord sur l'agriculture, alors que ce dernier prévoyait une diminution de ces aides.

(a) Le recours massif à des aides ayant une forte capacité de distorsion

L'évolution des soutiens à l'agriculture aux Etats-Unis est le reflet d'une politique qui a abouti à les augmenter massivement, alors même qu'ils avaient adopté en 1996 une politique qui se voulait exemplaire pour conserver leur leadership dans les négociations commerciales multilatérales.

La Mesure Globale de Soutien de référence des Etats-Unis pour la période 1986-1988 (48,7 milliards de dollars) comprenait les paiements compensateurs aux producteurs de grandes cultures (deficiency payments), qui étaient en vigueur au moment de la signature de l'Accord. La loi de 1996 avait déconnecté ces paiements de tout lien avec la production. Ils ont alors été comptabilisés en boîte verte et donc exemptés d'obligations de réduction. Cette évolution avait en partie pour objectif de permettre aux Etats-Unis d'afficher, vis-à-vis de leurs partenaires, une politique agricole « vertueuse » au regard des règles de l'OMC.

Mais cette politique qui se présentait de façon avantageuse n'a été, dans les faits, qu'un écran de fumée en raison de la forte augmentation de deux types d'aides à forte capacité de distorsion, les « marketings loans » d'une part, qui ont été reconduits par la loi de 1996, et les aides exceptionnelles aux agriculteurs, versées depuis 1998.

Les marketing loans ou prêts de commercialisation sont classés en boîte orange. Ils permettent aux producteurs spécialisés dans les grandes cultures de bénéficier d'un prêt, dans l'hypothèse où leur récolte n'est pas commercialisée immédiatement, et de rembourser ce prêt si les prix du marché ont baissé à un taux inférieur à celui contracté. Ce soutien fonctionne en réalité comme une garantie de prix, qui a tourné à « plein régime » avec la chute des cours mondiaux agricoles, qui a suivi la crise financière asiatique de 1997 et a perduré jusqu'à la fin de la campagne 2000/2001. Les dépenses liées à cet instrument sont passées de 0 à 2,7 milliards de dollars en 1998, puis à 6,2 milliards de dollars en 2001. Une étude réalisée en 2000 par Henry de Gorter, professeur d'économie agricole à l'Université de Cornell, a évalué à 17 % l'augmentation de la production américaine de blé due aux aides de marketing loans et à 71 % celle des exportations de blé en 1999(12).

Par ailleurs, pour enrayer la chute des revenus des agriculteurs, l'administration américaine a dû verser 25 milliards de dollars d'aides exceptionnelles entre 1998 et 2001.

Or, ces soutiens ont un impact direct sur la production et les échanges. Le producteur recevant avec les marketing loans une aide directe égale à la différence entre le prix de marché et le prix de soutien, l'aide est donc d'autant plus élevée que le prix du marché est bas. Ce système d'aides incite donc le producteur à mettre sur le marché davantage de quantités produites, ce qui entretient mécaniquement la baisse des prix et l'augmentation concomitante des prêts de commercialisation et des aides exceptionnelles.

Ainsi, pendant que l'Europe plafonnait ses dépenses agricoles dans le cadre de l'Agenda 2000, celles des Etats-Unis ont explosé pendant les 6 années d'application du Fair Act pour représenter, selon la Commission européenne, une enveloppe budgétaire totale de 95,6 milliards de dollars, à comparer avec l'enveloppe initiale américaine de 48,7 milliards de dollars, soit un quasi-doublement.

Ce constat de dérapage s'impose également si l'on compare le soutien global (tous produits confondus) versé par agriculteur : l'Union européenne a versé, chaque année, environ 5 000 dollars d'aides par agriculteur au cours des 5 dernières années ; aux Etats-Unis, ce soutien a bondi de 2 500 dollars en 1996 à presque 15 000 dollars en 2001(13).

Selon les calculs d'Agri-US Analyse, la lettre mensuelle sur l'agriculture et la politique agricole américaines, établis à partir de l'estimation du soutien aux producteurs (ESP) de l'OCDE, le soutien global aux producteurs de céréales et d'oléagineux ayant fortement augmenté aux Etats-Unis depuis 1995, tandis qu'il diminuait légèrement dans l'Union européenne, les Etats-Unis ont quasiment rattrapé l'Europe en termes de volume d'aides versées aux secteurs des céréales et des oléagineux  : sur la période 1995-1997, l'ESP de ces deux secteurs atteignait en moyenne 6,9 milliards de dollars par an aux Etats-Unis et 22,4 milliards de dollars par an dans l'Union européenne, mais sur la période 1999-2001, il s'est élevé à 19,5 milliards de dollars aux Etats-Unis contre 20,3 milliards de dollars dans l'Union européenne(14).

L'augmentation des soutiens américains a conduit l'Alliance des producteurs européens d'oléagineux (EOA) à demander à la Commission européenne, le 20 décembre 2002, d'examiner au titre du règlement (CE) n° 3286/94 du Conseil du 22 décembre 1994 le préjudice causé par ce système d'aides. Cette procédure peut aboutir au dépôt d'une plainte devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC(15). Selon l'OEA, les Etats-Unis ne se conforment plus à leur engagement de ne pas subventionner les cultures d'oléagineux au-delà du niveau constaté en 1992, ce qui cause un préjudice de plus de 500 millions d'euros aux producteurs européens d'oléagineux.

(b) Une politique déguisée de subventions aux exportations

On ne doit pas oublier non plus que les Etats-Unis restent le premier pays exportateur de produits agricoles dans le monde. Selon le dernier rapport du ministre en charge du commerce extérieur des Etats-Unis, le United States Trade Representative (USTR), M. Robert Zoellick, en 2001, dans un contexte de ralentissement marqué du commerce mondial, les exportations agricoles des Etats-Unis, qui représentaient 7 % du total de leurs exportations, ont augmenté de 4 %, tandis que les exportations de biens manufacturés diminuaient de 6 % et celles de produits de haute technologie baissaient de 11 %. Le dernier rapport de l'OMC sur les statistiques du commerce mondial, quant à lui, indique que la valeur des exportations agricoles des Etats-Unis a atteint en 2001 70,2 milliards de dollars, contre 68,40 milliards de dollars pour les importations.

La politique agricole américaine utilise en fait toute une panoplie d'instruments visant à stimuler la vente dans le monde des produits issus de leurs grandes cultures, qui ont les mêmes effets que les subventions à l'exportation.

- Le Fair Act a ainsi prévu de verser des aides aux exportateurs américains (Export Enhancement Program), qui sont à l'évidence comparables aux restitutions communautaires à l'exportation, afin de leur permettre de rester compétitifs sur des marchés à l'exportation spécifiques face aux pratiques commerciales considérées comme « déloyales » de leurs concurrents. Les dépenses liées à cette aide ont augmenté de 350 millions de dollars pour l'année fiscale 1996 à 579 millions pour l'année fiscale 2000 pour atteindre finalement 478 millions de dollars pour l'année fiscale 2002.

- Par ailleurs, les Etats-Unis ont mis en place, à partir de 1956, des mécanismes de soutien public aux crédits directs à l'exportation et/ou de garanties de crédits à l'exportation, qui ont des conséquences sur les échanges agricoles. Le ministère de l'agriculture américain (United States Department of Agriculture ou USDA) gère actuellement trois programmes de garanties de crédits : le Supplier Credit Guarantee Program (SCGP), l'Export Guarantee Program (GSM-102) et l'Intermediate Export Credit Program (GSM-103). Un quatrième programme (Facilities Guarantee Program) permet de garantir des crédits alloués à la mise en place d'installations pouvant favoriser l'exportation des produits agricoles américains. Le Fair Act de 1996 a attribué aux programmes GSM-102 et GSM-103 une enveloppe minimale de 5,2 milliards de dollars pour la période 1996-2002. Le rapport de l'OCDE sur « Les politiques agricoles des pays de l'OCDE : suivi et évaluation 2002 » estime que, pour l'année 2001, la valeur financière totale des garanties de crédit à l'exportation accordées par les Etats-Unis a augmenté d'environ 5 % par rapport à l'année 2000, pour s'établir à plus de 3 milliards de dollars.

La plupart des analystes s'accordent à dire que ces programmes ont sur les marchés et la concurrence des effets au moins aussi importants que les aides directes à l'exportation. En effet, la grande majorité des garanties concernent des crédits de plus d'un an (par exemple entre 90 jours et 3 ans pour le GSM-2 et entre 3 et 10 ans pour le GSM-3), une durée supérieure à celles des crédits commerciaux usuels (soit un délai compris entre 60 et 180 jours environ). La garantie permet donc de réduire le coût de financement des prêts, et donc de réduire indirectement le prix des produits agricoles et d'augmenter le volume des produits échangés. Les Etats-Unis justifient le dépassement des délais commerciaux usuels par le fait que la plupart des bénéficiaires sont des pays importateurs de denrées alimentaires à faible revenus. Or, dans la pratique, ces garanties de crédit ont permis d'assurer des débouchés commerciaux dans les pays ayant un revenu moyennement élevé comme le Mexique et la Turquie (47 % des garanties accordées en 1998), ainsi qu'aux pays ayant des revenus élevés comme la Corée du Sud (13 % des garanties accordées en 1998)(16). Cette tendance est confirmée par les derniers chiffres publiés par l'USDA : les allocations de garanties prévues pour l'année fiscale 2002 pour le programme GSM-102 s'élèvent à 300 millions de dollars pour la Chine et Hong-Kong, 850 millions de dollars pour la Corée du Sud, 500 millions de dollars pour le Mexique et 345 millions de dollars pour la Turquie. En comparaison, les allocations annoncées pour l'ensemble de l'Amérique centrale s'élèvent à 250 millions de dollars et celles pour l'Afrique de l'Est à 5 millions de dollars.

Les montants engagés au titre de ces programmes et leurs effets sur les marchés justifient donc leur encadrement à l'OMC, au même titre que les autres formes de subventions à l'exportation. Il s'agit d'une exigence forte de l'Union européenne et d'autres membres de l'OMC, y compris les pays libéraux du Groupe de Cairns.

- L'aide alimentaire américaine est également utilisée à des fins commerciales. Selon le rapport de l'OCDE « Politiques agricoles des pays de l'OCDE : suivi et évaluation 2002 », la valeur financière de l'aide alimentaire des Etats-Unis en 2001 se chiffrerait à 1,6 milliard de dollars, contre 280 millions de dollars pour l'Union européenne et 200 millions de dollars pour le Canada. Le ministère de l'agriculture américain verse de l'aide alimentaire pour répondre à des situations d'urgence, mais cette aide peut prendre aussi la forme de crédits devant être remboursés (jusqu'à 30 ans) et de dons pouvant être vendus sur le marché local pour financer des programmes de développement économique. Ces formes d'aides sont contestables, dès lors qu'elles sont utilisées comme des instruments permettant d'écouler des excédents et de promouvoir les ventes sur les marchés étrangers. Agri-US Analyse estime qu'environ 15 % des exportations américaines de blé ont transité par l'aide alimentaire en 2001.

- Enfin, les marketing loans fonctionnent comme des subventions aux exportations et ont des conséquences très défavorables sur les échanges. En effet, ils permettent aux farmers américains d'augmenter leur production et de l'écouler dans un contexte de très bas prix sans en subir les conséquences au niveau de leurs revenus, à l'inverse des producteurs concurrents, directement affectés par ce qui est un encouragement au dumping. Les agriculteurs des pays concurrents qui souhaitent exporter leurs productions sont donc obligés de les vendre à des prix déprimés par la politique agricole américaine et qui sont de plus en plus inférieurs à leurs coûts de production.

Contrairement aux autres pays développés, les pays en développement pauvres ne disposent pratiquement d'aucune arme pour se protéger de ce dumping agressif. Pire encore, dans certains cas ils ne peuvent même pas recourir aux flexibilités prévues par l'Accord sur l'Agriculture pour aider et protéger leurs agriculteurs : les moyens budgétaires et les outils d'intervention qu'ils pourraient mobiliser ayant été laminés par les programmes d'ajustement structurel négociés avec les institutions financières internationales, situation qu'il conviendra de réviser (voir infra).

Le seul recours disponible à ce stade pour ces pays et pour certains produits seulement est l'Organe de règlement des différends de l'OMC. Le préjudice causé par la politique agricole américaine a incité en effet certains pays en développement à contester ces instruments devant l'ORD. Le Brésil a déposé, le 27 septembre 2002, une plainte contre les subventions américaines aux producteurs de coton. Ce pays accuse les Etats-Unis d'utiliser des subventions aux exportations prohibées par les règles de l'OMC et de verser un montant de soutien aux producteurs de coton deux fois plus élevé que le plafond d'engagement (1,9 milliard de dollars) autorisé par l'OMC. A cette occasion, plusieurs responsables de pays d'Afrique de l'Ouest ont indiqué qu'ils souhaitaient déposer une plainte commune à l'OMC contre l'aide versée aux producteurs de coton américains. Bien que les coûts de production aux Etats-Unis soient deux fois plus élevés que le prix mondial du coton, les producteurs américains ont accru en 15 ans leur part dans les exportations mondiales, qui équivaut à un tiers du total. En 2001, 4 milliards de dollars d'aides ont été versés à ce secteur pour une production dont la valeur totale est évaluée à 3 milliards de dollars. L'ONG britannique Oxfam estime que les exportateurs de coton de l'Afrique subsaharienne ont perdu en 2001 301 millions de dollars de revenus en raison des effets des soutiens américains(17).

2) Le programme de travail fixé par la Déclaration ministérielle de Doha

Le cadre des négociations agricoles en cours était défini par l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture de Marrakech, relatif à la poursuite du processus de réforme du commerce des produits agricoles.

Aux termes de cet article, les membres de l'OMC, « reconnaissant que l'objectif à long terme de réductions progressives substantielles du soutien et de la protection qui aboutiraient à une réforme fondamentale est un processus continu », convenaient que des négociations en vue de la poursuite du processus seraient engagées le 1er janvier 2000, soit un an avant la fin de la période de mise en œuvre de l'accord. Le paragraphe d) de l'article 20 précise par ailleurs que ces négociations doivent tenir compte des considérations autres que d'ordre commercial et du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres.

a) Des objectifs conformes à la vision européenne des négociations mais non dépourvus d'ambiguïtés

Les négociations agricoles ont été engagées de manière distincte le 1er janvier 2000 au titre de « l'agenda incorporé » pour respecter l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture et cela sans résultat significatif. C'est le programme global de négociations adopté le 14 novembre 2001 par la Conférence de Doha, avec un mandat renforcé, qui a véritablement lancé le processus des négociations agricoles.

La fixation des objectifs de ces négociations a donné lieu à de vives tensions entre les membres de l'Organisation, qui se sont cristallisées sur la question des subventions aux exportations, dont la suppression était demandée par les Etats-Unis, le groupe de Cairns et de nombreux autres pays en développement ayant fait alliance sur ce sujet contre l'Union européenne. Ces pays souhaitaient que la Déclaration ministérielle devant être adoptée par la Conférence de Doha mentionne explicitement cet objectif.

L'Union européenne, quant à elle, défendait une toute autre logique de négociation, plus large et équilibrée. En premier lieu, l'Europe refusait que la Conférence de Doha, qui devait se borner à fixer l'ordre du jour des prochaines négociations commerciales multilatérales, ne détermine par avance les résultats de la négociation. C'est la raison pour laquelle elle considérait que la mention, par la Déclaration ministérielle, de la suppression des subventions aux exportations était inacceptable. En second lieu, le mandat de négociation devait donner toute sa place aux considérations autres que celles d'ordre commercial : le volet de négociations concernant la poursuite de la libéralisation des échanges agricoles devait être équilibré par un volet de négociations permettant d'aborder la question de la multifonctionnalité de l'agriculture à l'OMC.

Sur ces deux points, le texte agréé n'est pas dépourvu d'ambiguïtés :

Le paragraphe 13 de la Déclaration ministérielle de Doha est en effet ainsi rédigé : « Faisant fond sur les travaux accomplis à ce jour et sans préjuger du résultat des négociations, nous (les membres) nous engageons à mener des négociations globales visant à : des améliorations substantielles de l'accès aux marchés ; des réductions de toutes les formes de subventions à l'exportation, en vue de leur retrait progressif ; et des réductions substantielles du soutien interne ayant des effets de distorsion des échanges ».

Trois éléments positifs apparaissent à la lecture de ce paragraphe :

· La Déclaration prend soin de préciser que l'énoncé de ces objectifs ne « préjuge pas du résultat final » des négociations, ce qui répond à l'exigence de l'Union européenne concernant la logique des négociations. Cela signifie par exemple que l'étendue de la libéralisation des échanges agricoles ne sera définie, conformément à la logique de toute négociation, qu'au terme du nouveau cycle. Il n'existe donc aujourd'hui aucun engagement à négocier la suppression pure et simple des subventions aux exportations, en dépit des termes « en vue de leur retrait progressif ».

· Par ailleurs, il est acquis que le processus de négociation est global : les objectifs des négociations portent sur les trois volets de la libéralisation des échanges agricoles consacrés à Marrakech, c'est-à-dire que les membres de l'OMC ont pris l'engagement de négocier et de définir des obligations dans les domaines de l'accès aux marchés, des subventions à l'exportation et du soutien interne.

·  Enfin, cet ordre du jour est relativement équitable dès lors qu'il vise toutes les formes de soutiens. Il implique donc des efforts de la part tous les pays développés membres de l'OMC et pas seulement de l'Union européenne, régulièrement mise en position d'accusée dans ce domaine.

Là où ce texte n'est pas sans danger, c'est qu'il oriente déjà fortement pour certaines aides agricoles les résultats qui seront recherchés.

Ainsi se trouve établie une base de négociation pour l'élaboration de disciplines concernant les formes de subventions utilisées par les partenaires de l'Union européenne y échappant jusqu'ici. Cet engagement répond à la demande de l'Europe, qui ne peut accepter de diminuer ses restitutions que si les autres formes de subventions aux exportations (crédits à l'exportation, utilisation abusive de l'aide alimentaire et fixation non transparente des prix agricoles par les organismes d'Etat) font l'objet de disciplines rigoureuses à l'OMC. En ce qui concerne les crédits à l'exportation, les règles devant encadrer ces soutiens font l'objet de mentions particulières aussi bien dans l'Accord sur l'agriculture que dans la Déclaration ministérielle de Doha. Aux termes de l'article 10.2 de l'Accord sur l'agriculture, les membres « s'engagent à œuvrer à l'élaboration de disciplines convenues au niveau international pour régir l'octroi de ces crédits, de garanties de crédit à l'exportation ou de programmes d'assurance et après accord sur ces disciplines à n'offrir (ces soutiens) qu'en conformité avec lesdites disciplines ». Le travail avait été engagé à l'OCDE : les participants à l'Arrangement de l'OCDE relatif à des lignes directrices pour les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public, qui a pris effet en 1978, ont entrepris, en 1996, des négociations sur un accord pour le secteur de l'agriculture. La Décision sur la mise en œuvre adoptée par la Conférence de Doha prend note du rapport du Comité de l'agriculture de l'OMC rappelant l'existence de la négociation en cours à l'OCDE sur ces crédits, cette négociation ayant abouti « à un projet de texte qui était acceptable pour la plupart mais pas pour la totalité des participants concernés ». En effet, le Canada a refusé de signer ce texte, car il établit des disciplines concernant l'utilisation de l'aide sous la forme de crédits à l'exportation. Les Etats-Unis ont fait savoir qu'ils n'étaient pas disposés à signer un accord auquel le Canada ne serait pas partie ! Il reste que la Décision sur la mise en œuvre fait le lien entre les discussions à l'OCEE et implique la multilatéralisation, dans le futur accord sur l'agriculture, de l'arrangement qui serait conclu à l'OCDE. Mais on le voit, le chemin à parcourir pour arriver à un accord est encore incertain...

Sur le soutien interne, la Déclaration ministérielle engage tous les membres de l'OMC à négocier des « réductions substantielles des aides ayant des effets de distorsion des échanges ». La Commission européenne, dans une évaluation globale des résultats de la Conférence de Doha, publiée le 19 novembre 2001, a indiqué que ceci implique des réductions dans la boîte orange, tout en permettant de garder les concepts des boîtes « verte », qui regroupe les aides entièrement découplées, et « bleue », qui comprend les aides liées à la maîtrise de la production et s'avérant, dans la pratique, comme on le verra plus loin, moins distorsive que d'autres formes de soutiens.

· Sur l'accès au marché, la Déclaration fait en effet référence à des négociations visant à des « améliorations substantielles ». Même si cet objectif est supposé s'appliquer à tous les produits, ainsi qu'à tous les sujets (y compris la protection des indications géographiques), il n'en qualifie pas moins de façon forte les concessions mutuelles attendues.

· Sur la concurrence à l'exportation, le texte fait référence à la « réduction de toutes les formes de subventions à l'exportation en vue de leur retrait progressif », ce qui anticipe là aussi quelque peu sur le point d'aboutissement de ces négociations !

Autre résultat positif de Doha, l'inclusion dans le champ de la négociation des aspects « autres que commerciaux ».

La Déclaration ministérielle indique en effet que : « nous (les membres) prenons note des considérations autres que d'ordre commercial reflétées dans les propositions de négociations présentées par les Membres et confirmons que les considérations autres que d'ordre commercial seront prises en compte dans la négociation comme il est prévu dans l'Accord sur l'agriculture » (paragraphe 13).

Ce paragraphe établit une base pour la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture, c'est-à-dire de la contribution qu'apporte l'agriculture à la préservation de l'environnement, à la sécurité et à la qualité alimentaires et à l'aménagement du territoire. Cette reconnaissance est demandée par l'Union européenne et par d'autres membres de l'OMC, comme on le verra plus loin, afin que la libéralisation des échanges agricoles puisse être réalisée sans porter préjudice aux préoccupations de citoyens concernant les aspects qualitatifs de l'agriculture.

Des engagements importants ont également été pris pour la négociation des aspects liés à l'extension de la protection des indications géographiques. Celle-ci est indispensable à la reconnaissance par l'OMC d'une agriculture qui fasse le lien entre la valeur des produits et les terroirs. Elle permet aussi de garantir les revenus des agriculteurs des pays développés et des pays en développement qui vendent des produits de qualité identifiables par leurs dénomination et de protéger les consommateurs des pratiques abusives en matière d'appellations. L'Union européenne a obtenu que soit établi un registre multilatéral d'enregistrement des indications géographiques pour les vins et spiritueux d'ici à la Conférence ministérielle de Cancun, qui aura lieu du 10 au 14 septembre 2002. Par ailleurs, la Déclaration ministérielle indique que les questions relatives à l'extension de la protection des indications géographiques à des produits autres que les vins et spiritueux seront traitées au Conseil des ADPIC, en vue d'une action appropriée d'ici la fin de l'année 2002 (paragraphe 18).

b) La prise en compte des intérêts des pays en développement

Les pays en développement ne peuvent plus être présentés seulement comme des exportateurs de produits primaires : les produits manufacturés représentent aujourd'hui 70 % de leurs exportations. Les textiles et les vêtements occupent désormais une part plus importante (12 %) que les produits agricoles (10 %) dans leurs échanges extérieurs.

Il reste qu'en matière de politique agricole ces pays considèrent qu'ils sont victimes d'une inégalité de traitement à l'OMC : d'après eux, l'Accord sur l'agriculture est « taillé sur mesure » pour reconnaître les soutiens à l'agriculture accordés par les pays riches, qui sont ainsi protégés par les règles de l'OMC, alors qu'il ne prévoit rien pour encourager les aides aux agriculteurs du Sud. Cette situation injuste aboutit, selon eux à favoriser, de manière inéquitable, les agriculteurs des pays riches et à pénaliser les agriculteurs pauvres du monde en développement.

Cette inégalité de traitement est un fait. Si l'on examine la liste des pays ayant notifié une MGS à l'OMC, sur les 145 membres que comprend cette organisation, dont les trois quarts sont des pays en développement, 40 d'entre eux ont notifié une MGS positive parmi lesquels seulement 18 pays en développement ont notifié une MGS supérieure au seuil de minimis autorisé pour les pays en développement(18). Cinq pays en développement ont notifié une MGS inférieure au seuil de minimis, non soumise à réduction : Chili, Pakistan, Philippines, Turquie et Uruguay.

L'Accord sur l'agriculture comprend néanmoins quelques flexibilités pour les pays en développement. En premier lieu, les PMA ne sont pas obligés d'appliquer les obligations de réduction en matière de soutien et de protection des frontières. En deuxième lieu, la clause de minimis autorise les pays en développement à soutenir les prix des produits agricoles dans la mesure où la valeur de ce soutien n'excède pas 10 % de la valeur de la production. Cette clause est particulièrement intéressante pour le soutien aux produits vivriers, qui présente un intérêt crucial pour les pays en développement : en effet, la valeur du soutien calculée ne s'applique que sur la part de la production qui est échangée et pas sur celle qui est vendue sur les marchés locaux. En dernier lieu, les politiques de subventions aux investissements agricoles, aux intrants accordés aux agriculteurs pauvres et les programmes de développement rural sont autorisés dans le cadre du traitement spécial et différencié et n'ont pas à être inclus dans la MGS. Toutefois, les niveaux de soutien de 1992 ne peuvent être dépassés.

Il reste que la plupart des pays en développement ne peuvent accéder à des instruments de politique agricole comparables à ceux des pays riches en raison de leurs moyens budgétaires limités. En pratique, la plupart des soutiens notifiés à l'OMC par les pays en développement relèvent de la catégorie verte et comprennent les services à l'agriculture (comme l'infrastructure, la recherche, l'aide alimentaire) et les programmes environnementaux. Mais bien que ces mesures soient essentielles, elles demeurent difficilement accessibles pour des pays dont les deux tiers de la population active travaille dans l'agriculture.

La pression des pays en développement et la volonté de l'Union européenne de faire du nouveau cycle de négociations un « cycle de développement » ont conduit les membres de l'OMC à commencer à remédier à cette inégalité de traitement dénoncée par les pays du Sud. Le programme de travail adopté à Doha comprend des engagements importants pour la prise en compte des préoccupations des pays en développement.

· S'agissant de la Déclaration ministérielle elle-même, celle-ci a fixé un cadre de négociations visant à prendre en compte, de manière effective, les intérêts des pays en développement. Son paragraphe 12 indique que les membres « conviennent que le traitement spécial et différencié pour les pays en développement fera partie de tous éléments de la négociation et sera incorporé dans les listes de concessions et d'engagements et, selon qu'il sera approprié, dans les règles et les disciplines à négocier, de manière à être effectif d'un point de vue opérationnel et à permettre aux pays en développement de tenir effectivement compte de leurs besoins de développement, y compris en matière de sécurité alimentaire et de développement rural ».

Les accords de l'OMC comprennent déjà près d'une centaine de dispositions relatives au traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement et des PMA, qui ont pour objectif une meilleure insertion de ces pays dans le système commercial multilatéral. Ces dispositions sont traditionnellement classées en 5 objectifs : l'amélioration de l'accès au marché pour les produits des pays en développement, la sauvegarde et la promotion de leurs intérêts, la possibilité de moindres niveaux d'engagements de leur part, l'octroi de périodes de transitions plus longues pour l'application des accords et l'assistance technique. Dans le domaine de l'agriculture, l'accord de Marrakech a, comme cela a déjà été dit, octroyé aux pays en développement des obligations moins contraignantes que celles des pays développés en ce qui concerne la réduction des soutiens et leur a accordé des périodes de mise en œuvre des engagements plus longues que celles accordées aux pays développés.

En outre, certaines des dispositions relatives au traitement spécial et différencié ont été rédigées sous la forme de « clauses de meilleurs efforts », mais elles sont juridiquement non contraignantes, notamment celles demandant aux pays développés de faire un effort particulier pour ce qui est de l'accès à leurs marchés des produits agricoles exportés par les pays en développement. C'est la raison pour laquelle les pays en développement ont souhaité inscrire dans la Déclaration ministérielle plusieurs engagements visant à garantir la négociation d'un accord agricole adapté à leurs besoins. La Déclaration précise à cet effet que le traitement spécial et différencié devra être effectif d'un point de vue opérationnel et que ce traitement devra permettre d'inclure les nouvelles demandes des pays en développement demandant à être exemptés des disciplines de l'OMC(19) et des soutiens agricoles visant à aider les populations rurales pauvres et à garantir leur autosuffisance alimentaire.

· La Conférence de Doha a également adopté une Décision sur les questions et les préoccupations liées à la mise en œuvre des accords de Marrakech. Cette Décision comporte un paragraphe 2 consacré à l'Accord sur l'agriculture, qui :

appelle à la modération des membres dans la contestation des mesures notifiées au titre de la catégorie verte par les pays en développement pour promouvoir le développement rural et répondre de manière adéquate aux préoccupations concernant la sécurité alimentaire ;

- approuve les recommandations du rapport du Comité de l'agriculture sur l'aide alimentaire. Ces recommandations précisent que « dans le cadre de leurs politiques, lois, programmes et engagements en matière d'aide alimentaire, les membres de l'OMC qui sont donateurs prendront les mesures appropriées visant à faire en sorte ;

. que, dans la plus large mesure possible, le niveau de leur aide alimentaire aux pays en développement soit maintenu dans les périodes au cours desquelles les tendances des cours mondiaux des produits alimentaires de base sont à la hausse ;

et que toute l'aide alimentaire destinée aux pays les moins avancés soit fournie intégralement à titre de don et, dans la mesure du possible, aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires membres de l'OMC également ».

c) Le calendrier des négociations

La Déclaration ministérielle de Doha a fixé des échéances claires aux négociations agricoles.

Celles-ci devront se conclure le 1er janvier 2005, comme l'ensemble des autres négociations ouvertes par le programme de travail de Doha. Elles seront soumises au principe de l'engagement unique, en vertu de paragraphe 47 de la Déclaration ministérielle. Ce principe implique que les négociations forment un tout et que leurs résultats devront être acceptés ou rejetés en bloc par les membres de l'OMC. La règle de l'engagement unique rend donc indivisibles les négociations, ce qui garantit leur globalité et permet de faciliter l'élaboration d'un accord final équilibré.

Le paragraphe 13 de la Déclaration ministérielle fixe deux grandes étapes intermédiaires pour les négociations agricoles. Premièrement, « les modalités pour les nouveaux engagements, y compris les dispositions pour le traitement spécial et différencié, seront établies au plus tard le 31 mars 2003 ». Les négociateurs doivent avoir établi d'ici cette date les objectifs, y compris les objectifs chiffrés, en vue d'atteindre les buts fixés par la Déclaration ministérielle. Puis, les « participants présenteront leurs projets de Listes globales fondées sur ces modalités au plus tard à la date de la cinquième session de la Conférence ministérielle ». Lors de cette nouvelle étape, les membres de l'OMC présenteront des projets d'engagements globaux, c'est-à-dire leurs offres de négociations, à leurs partenaires.

Ce calendrier a été précisé par le Comité de l'agriculture au sein duquel se déroulent les négociations. Cet organe a été institué par le Comité de négociations commerciales, qui est présidé par le Directeur général de l'OMC, M. Supatchai Panitachadki, et qui supervise, depuis le 1er février 2002, la conduite de l'ensemble des négociations prévues par la Déclaration de Doha. Présidé depuis le 15 février 2002 par M. Stuart Harbinson, ancien représentant spécial de Hong-Kong, le Comité de l'agriculture a arrêté, le 26 mars 2002, le programme de travail suivant pour l'établissement des modalités :

- sessions informelles du 17 juin au 19 juin 2002 et formelle le 20 juin, consacrées aux subventions et aux restrictions à l'exportation ;

- sessions informelles du 18 novembre au 20 novembre et formelle du 22 novembre consacrées à la suite des discussions ;

- présentation avant le 18 décembre, par M. Stuart Harbinson, d'une note récapitulative, sur la base des discussions ayant eu lieu ;

- session informelle et formelle du 22 au 24 janvier 2003, consacrée à l'examen de la note récapitulative en vue de la présentation d'un premier projet de modalités ;

- session informelle et formelle du 24 au 28 février 2003 : échanges de vue sur ce projet, afin de l'améliorer ;

- session informelle et formelle du 25 au 31 mars 2003, consacrée à l'examen du texte final.

C'est dans le cadre de cet échéancier que l'Union européenne a été et est soumise à de fortes pressions pour ce qui est de ses positions. Car le processus a commencé, sans qu'elle ait tout de suite affiché ses objectifs. Ce qui n'a pas été sans provoquer quelques tensions entre les principaux groupes parties à la négociation.

B. Des discussions tendues entre les quatre principaux acteurs de la négociation et dans lesquelles l'Europe paraît isolée

Un an après Doha, l'agriculture reste le dossier le plus difficile à l'OMC.

Les négociations agricoles sont en effet entrées dans une phase décisive. Elles font apparaître des clivages importants entre pays développés et pays en développement, d'une part, mais elles dessinent aussi un front commun contre la PAC, qui est accusée, sur la base d'a priori inacceptables, de tous les maux par de nombreux membres de l'OMC.

Dans la note récapitulative distribuée le 18 décembre 2002, le président du Comité de l'agriculture, M. Stuart Harbinson, a fait preuve d'un relatif pessimisme quant au respect du calendrier de négociation convenu : il note en effet que de « larges écarts existent encore en ce qui concerne les aspects fondamentaux du programme de réforme » et appelle à « un effort majeur de négociation et à une souplesse de toutes les parties, essentiels afin de pouvoir établir les modalités ... dans le temps prescrit ».

1) Le groupe de Cairns : une vision ultra libérale des échanges agricoles infirmée par certaines de leurs pratiques

Créée en 1986, le groupe de Cairns associe 17 pays formant un ensemble hétérogène(20). Les plus importants d'entre eux disposent d'avantages naturels comparatifs, comme l'immensité des espaces (Australie ou Canada), le climat (Nouvelle-Zélande ou Chili) ou la qualité des sols (Argentine).

Le groupe de Cairns se situe à l'avant-garde des pays réclament la libéralisation intégrale des échanges agricoles. En effet, il a toujours milité en faveur d'une réduction drastique des protections aux frontières et des soutiens internes à l'agriculture et de la suppression pure et simple des subventions aux exportations.

Les propositions de « modalités » transmises par ce groupe à l'OMC reflètent cette vision de la « régulation » des échanges agricoles par le recours quasi exclusif au marché.

Les propositions de modalités du groupe de Cairns

S'agissant de l'accès au marché, la proposition du 6 septembre 2002 prévoit :

- de réduire les droits de douane des pays développés de 25 % ;

- d'augmenter l'accès des produits agricoles des pays en développement exportés sous quotas sur les marchés des pays développés, afin que celui-ci représente 20% de la consommation domestique des pays développés ;

- d'éliminer la clause de sauvegarde pour les pays développés ;

- de réduire d'au moins 50 % les tarifs des pays en développement inférieurs à 250 % et d'augmenter leurs quotas d'importations, afin que celles-ci représentent 14 % de la consommation interne.

S'agissant du soutien interne
, la proposition du 27 septembre 2002 prévoit :

- de réduire les MGS des membres ayant pris des engagements dans ce domaine à un niveau égal à zéro en 5 ans pour les pays développés et en 9 ans pour les pays en développement ;

- de supprimer l'exception prévue par l'article 6.5 de l'Accord sur l'agriculture en vertu de laquelle les versements directs au titre de programme de limitation de la production ne sont pas soumis à l'engagement de réduire le soutien interne si ces versements sont fondés sur une superficie et des rendements fixes. Cela signifie, en clair, la suppression de la boîte bleue et donc des aides directes de la PAC créées en 1992 ;

- de préserver la clause de minimis pour les pays en développement.

Enfin, en ce qui concerne les subventions aux exportations,
la proposition du 27 novembre 2002 prévoit de les éliminer pour tous les membres de l'OMC, mais dans un délai de 3 ans pour les pays développés et de 6 ans pour les pays en développement, et après une réduction initiale 50 % lors du premier de jour de mise en œuvre du nouvel accord sur l'agriculture.

Ces propositions ne sont pas acceptables, car elles reviennent à ôter à tout membre de l'OMC, y compris aux pays en développement, le droit de disposer d'un modèle propre d'agriculture. Elles constituent de fait une attaque directe à la souveraineté et à la sécurité alimentaires des peuples. Elles visent à mettre en place un « modèle » d'échanges agricoles entièrement dérégulé, qui serait dominé par les pays dotés d'importantes ressources naturelles et organisé par les sociétés contrôlant les circuits de production et de distribution. Ce « modèle » mettrait fin à la diversité des agricultures, qu'elles soient conçues comme activité économique et instrument d'aménagement du territoire (cas de la PAC) ou comme agriculture vivrière, indispensable à l'autosuffisance alimentaire des pays en développement.

Ce modèle ultra libéral peut être taillé à la mesure de pays qui se sont spécialisés dans l'exportation de mono-produits, comme l'Australie (moutons, bovins et blé), la Nouvelle-Zélande (mouton, lait), l'Argentine (blé, bovins) ou le Brésil (sucre, soja, volaille). Mais il ne peut cas servir de modèle pour la plupart des agriculteurs et des consommateurs dans le monde, qui considèrent, à juste titre, que la question agricole ne se résume pas à la simple fourniture de produits agricoles vendus au prix le plus bas.

Enfin, l'horizon ultra libéral des pays du groupe de Cairns est contredit par certaines de leurs pratiques agricoles. En effet, un certain nombre de soutiens et de protections peu transparents sont utilisés par ces pays pour préserver leur agriculture. Le Canada, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande, utilisent par exemple des sociétés commerciales disposant de droits exclusifs et spéciaux à l'exportation. Le Wheat Board du Canada dispose ainsi d'un monopole d'exportation pour le blé et rémunère les producteurs en fonction des prix obtenus. Ces sociétés détiennent parfois des parts importantes sur le marché mondial (30 % du marché laitier pour le board néo-zélandais) qu'elles acquièrent en subventionnant leurs exportations par le biais de prix différenciés en fonction de la destination des produits. L'Union européenne a demandé que ces sociétés commerciales d'Etat fassent l'objet de disciplines à l'OMC. De leur côté, les Etats-Unis ont saisi à plusieurs reprises l'Organe de règlement des différends de l'OMC pour contester ces pratiques : ils ont déposé, le 17 décembre 2002, une plainte contre la politique commerciale du Wheat Board canadien et obtenu, le 20 décembre 2002, la condamnation en appel du régime canadien de subventions aux exportations de lait, qui permet aux producteurs et aux transformateurs laitiers de négocier des contrats d'exportation de lait à des prix différents de ceux pratiqués sur le marché de leurs pays.

2) Les Etats-Unis : une position de négociation offensive contredite par des propositions inéquitables et en porte à faux avec la nouvelle loi agricole

Depuis la présentation, le 26 juillet 2002, de leur proposition de modalités, les Etats-Unis n'ont cessé de revendiquer le leadership des négociations agricoles à l'OMC. Mais quel crédit doit-on accorder à un pays dont les propositions reviennent à le soustraire aux efforts qu'il demande aux autres et sont infirmées par une politique agricole contraire aux objectifs des négociations engagées à Doha ?

a) Une position offensive mais inéquitable

La proposition des Etats-Unis prévoit un processus de réforme du commerce des produits agricoles étalé sur 5 ans (de 2006 à 2010), comprenant les éléments suivants :

· S'agissant du soutien à l'exportation, les Etats-Unis réclament l'élimination des subventions directes en cinq ans et par tranches égales, ainsi que l'élimination des monopoles d'Etat à l'exportation. Ils proposent par ailleurs de mettre fin aux privilèges financiers accordés aux sociétés commerciales d'Etat et de renforcer leurs obligations en matière de transparence à l'OMC. Ils souhaitent aussi interdire les taxes à l'exportation sur les produits agricoles, sauf pour les pays en développement qui pourraient les utiliser sous certaines conditions pour se procurer des revenus. Enfin, ils proposent d'établir des disciplines spécifiques concernant les garanties de crédit à l'exportation et de renforcer les obligations de notification à l'OMC pour l'aide alimentaire.

· S'agissant de l'accès au marché, les droits seraient réduits selon une formule qui permet de réduire davantage les tarifs plus élevés que les bas tarifs, aucun tarif ne devant excéder 25 %. Selon les Etats-Unis, le droit de douane moyen appliqué par les membres de l'OMC sur les produits agricoles passerait de 62 % à 15 %, et de 12 % à 5 % aux Etats-Unis. Les Etats-Unis proposent en outre d'augmenter de 20 % les quotas d'importations agricoles soumis à des droits de douane pour éliminer ensuite ces droits dans un délai de 5 ans. S'agissant des entreprises commerciales d'Etat, les Etats-Unis souhaitent accroître les droits à commercer des tierces parties, afin de permettre à n'importe quelle entité d'importer des produits agricoles. Enfin, les Etats-Unis réclament la suppression de la clause de sauvegarde agricole.

· S'agissant du soutien interne, les Etats-Unis indiquent dans leur proposition que, si l'Union européenne peut accorder, dans le cadre du plafond de MGS qu'elle doit respecter à l'OMC, chaque année à ses agriculteurs plus de 60 milliards de dollars de soutiens ayant des effets de distorsion, et le Japon plus de 30 milliards de dollars, les Etats-Unis ont une référence de 19 milliards seulement. Ils proposent de limiter pour tous les pays l'utilisation des soutiens domestiques ayant des effets de distorsion à 5 % de la valeur de leur production agricole. Les soutiens liés à un programme de limitation de la production, classés en boîte bleue, devraient aussi respecter ce plafond. Les soutiens restant en deçà du plafond de minimis continueraient à être exemptés, de même que les soutiens classés en boîte verte dont les critères seraient maintenus.

Ces propositions, qui sont présentées comme étant très généreuses par les Etats-Unis, sont avant tout inéquitables. Elles sont fondamentalement déséquilibrées, car elles exigent, ainsi que l'a noté le Commissaire en charge de l'agriculture et de la pêche, M. Franz Fischler, des efforts bien moins considérables de la part des Etats-Unis que des autres membres de l'OMC.

Le déséquilibre des propositions américaines se situe en effet à tous les niveaux de la négociation :

· L'accès aux marchés

Les propositions américaines ont pour objet d'imposer aux membres de l'OMC un abaissement très significatif de leurs droits de douane. Or, la protection aux frontières des marchés agricoles domestiques demeure un instrument essentiel de régulation et d'équilibre de ces marchés, en particulier pour les pays en développement. Pour ces derniers, un abaissement trop significatif des droits de douane aurait pour conséquence de perturber leurs marchés au point remettre en cause leur sécurité alimentaire. L'essentiel de l'effort de réduction des droits de douane proposé par les Etats-Unis serait donc porté par les pays qui ont le plus besoin de conserver une protection de l'agriculture. On rappellera à cet effet que 69 % des lignes tarifaires agricoles du Bengladesh ont des droits supérieurs à 100 %, ce pourcentage étant de 22,9 % pour la Colombie, de 44,7 % pour l'Inde et de 50,3 % pour la Tunisie.

La proposition américaine de baisse des droits aurait aussi des conséquences très négatives pour l'Union européenne. Le plafonnement des tarifs douaniers à 25 % remettrait en cause la protection des produits agricoles faisant l'objet d'une organisation commune de marché, ces produits étant généralement taxés sur le marché communautaire à plus de 50 %. L'augmentation des importations qui en résulterait, combinée aux effets des concessions accordées aux pays tiers en termes d'accès au marché communautaire pour compenser l'intégration de nouveaux Etats membres dans le tarif douanier commun, serait hautement problématique pour nos agriculteurs, qui réalisent 70 % de leurs exportations vers les autres Etats membres.

La suppression de la clause de sauvegarde aurait les mêmes effets perturbateurs. Cette clause permet en effet de réagir avec souplesse et de manière sélective lorsque les marchés sont perturbés par des volumes d'échanges inhabituels ou des prix anormalement bas. Les Etats-Unis l'ont d'ailleurs eux-mêmes utilisée à de nombreuses reprises : ils y ont recouru 221 fois en cumulé de 1995 à 2000, contre 52 fois seulement pour l'Union européenne(21).

· Les subventions à l'exportation

Les propositions américaines exigent l'élimination des subventions directes à l'exportation, c'est-à-dire de celles qui présentent le moins d'intérêt pour eux, mais n'offrent pas de réelles contreparties en ce qui concerne les autres formes de soutiens. Pour ces dernières, les propositions des Etats-Unis restent en effet très floues : elles se contentent de demander l'établissement de disciplines sur les garanties de crédit aux exportations et le renforcement de la transparence en ce qui concerne l'aide alimentaire. La proposition des Etats-Unis n'établit en outre aucun lien entre l'encadrement à l'OMC des crédits à l'exportation et le projet de texte élaboré à l'OCDE, alors que ce lien est explicitement prévu par la Décision sur la mise en œuvre adoptée par la Conférence de Doha.

· Le soutien interne

La proposition des Etats-Unis réinvente le mode de calcul des soutiens internes tel qu'il est actuellement prévu par l'Accord sur l'agriculture, en établissant une distinction entre deux catégories de soutien : le soutien exempté, car comportant des distorsions minimes, regroupant les aides de la boîte verte, dont les critères seraient maintenus, et le soutien ayant des effets de distorsion, qui serait soumis à un engagement de réduction fondé sur la valeur de la production. Les Etats-Unis proposent de plafonner le montant de ce dernier type de soutien à 5 % de la valeur totale de la production agricole. De plus, les Etats-Unis proposent de soumettre les aides liées à un programme de maîtrise de la production au nouveau plafond de soutien qui sera autorisé par l'OMC. Les mécanismes de soutien de la PAC sont donc directement visés par cette proposition, qui constitue une attaque contre les aides de la boîte bleue alors que l'OCDE a reconnu les effets positifs des versements fixes par hectare classés dans cette boîte sur le processus de réforme des politiques agricoles(22).

b) Une position décrédibilisée par la nouvelle loi agricole américaine

Les propositions américaines sont par ailleurs décrédibilisées par l'augmentation massive des aides prévue par la nouvelle loi agricole, le Farm Security and Rural Investment of 2002 (FSRIA), qui sera appliquée pendant la période 2002-2007. Cette loi a été signée le 13 mai 2002 par le Président des Etats-Unis et ratifiée le 15 mai 2002 par le Congrès. Les paiements « contra-cycliques » qu'elle a institués ont été versés à partir du 1er octobre 2002.

Selon le Congressional Budget Office, l'organisme dépendant du Congrès chargé d'évaluer le coût des politiques publiques, les dépenses prévues par cette loi devraient s'élever à 119,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 59 % par rapport à ce qu'aurait coûté la prolongation du FAIR Act de 1996.

L'accroissement important du budget s'accompagne en outre de dispositions et d'instruments qui tendent à « recoupler » le soutien à l'agriculture américaine.

Dans le secteur des grandes cultures, les prix garantis servant à calculer les subventions du système des « marketing loans », sont augmentés en moyenne de 5 %, dans un éventail allant d'une diminution de 5 % pour le soja à une augmentation de 16 % pour le blé, les prix garantis restant stables pour le coton et le riz. Pour la première fois, des prix garantis sont introduits pour les pois secs, les pois chiches et les lentilles.

La loi instaure par ailleurs un nouveau mécanisme d'aides dites « contra-cycliques », qui est censé remplacer les aides d'urgence octroyées depuis 1998. Ce type d'aide repose sur la définition d'un objectif de prix du marché pour 7 produits (blé, maïs, orge, sorgho, riz, soja et autres oléagineux), qui déclenche le versement d'un paiement compensatoire si le « prix effectif » tombe en dessous du « prix d'objectif ». Les paiements sont calculés sur la base des cultures cultivées pendant une période de référence et laissent donc en théorie la liberté de l'assolement à l'agriculteur. Cependant, pour la plupart des terres arables américaines, on peut prévoir, pour des raisons d'assurance contre le risque principalement, que les cultures plantées seront les mêmes que celles de l'année de référence, les prix d'objectif guidant alors les choix d'assolement, comme pour un dispositif couplé à la production.

Dans le secteur du lait, le système de prix de soutien est prorogé et un système de paiements contra-cycliques est introduit pour un montant total de 1,3 milliard de dollars pour les 6 ans que va durer la loi agricole.

La loi prévoit enfin la possibilité d'actualiser les surfaces de référence pour les paiements fixes (en prenant la période 1998-2001), ce qui incite à se poser des questions sur le caractère découplé de ces aides.

En ce qui concerne les aides à l'exportation, le FSRIA conserve tous les programmes existants, ainsi que leur enveloppe budgétaire, jusqu'en 2007 (Export Enhancement Program, programmes de garanties de crédits GSM-102 et GSM-103 et programmes pour les dons de produits alimentaires ) et en crée de nouveaux. Ces derniers visent notamment à aider les exportateurs de produits agricoles à financer des projets du secteur public et privé permettant d'améliorer la situation sanitaire et phytosanitaire des exploitations (élaboration par exemple de protocoles bilatéraux sur la santé animale et les produits génétiquement modifiés). La loi étend par ailleurs la définition des pratiques commerciales déloyales qui déclenchent l'Export Enhancement Program à l'action des sociétés commerciales d'Etat et aux réglementations « injustifiées » telles que l'étiquetage qui affectent les nouvelles technologies dont les biotechnologies.

Quels seront les effets de cette loi sur les marchés mondiaux et sur les engagements pris par les Etats-Unis à l'OMC ?

S'agissant des effets sur les prix mondiaux, le ministère français de l'agriculture observe d'abord que le système d'aides mis en place par les paiements contra-cycliques et les marketing loans n'inciteront guère les agriculteurs américains à réduire leur production puisque ces aides leur garantissent un revenu constant, quel que soit le prix des produits. Ensuite, les Etats-Unis exportant 25 % de leur production agricole et jusqu'à 40 % pour un produit comme le blé, la nouvelle loi agricole américaine crée un risque de superproduction et de baisse des cours mondiaux. Ce risque n'a pu être ignoré par les Perspectives agricoles 2002-2007 publiées par l'OCDE. Même si cette organisation n'a pas disposé du temps nécessaire pour procéder à une évaluation des effets de la nouvelle loi agricole pour les intégrer dans ses Perspectives, elle estime qu'on « peut en tout cas certainement s'attendre à ce que cette législation, en diminuant le facteur risque, encourage le développement des investissements dans le secteur agricole, conduise peut être à une augmentation de la production au cours des années où les prix sont bas (selon ce que l'on a déjà constaté) et entraîne une hausse globale du potentiel de production. Cette tendance serait encore renforcée si, comme cela a été pris en considération par le Congrès, les agriculteurs avaient la possibilité d'augmenter leurs rendements et leur superficie cultivée de base, et donc de recevoir des aides au développement de la production. Cette nouvelle loi aura très certainement des répercussions importantes à l'horizon des perspectives ».

En ce qui concerne les engagements pris à l'OMC, les Etats-Unis affirment qu'ils respecteront leur plafond de MGS, qui est fixé à 19,1 milliards de dollars par an. La nouvelle loi agricole comprend d'ailleurs une disposition qui impose au ministre de l'agriculture américain de maintenir les dépenses budgétaires liées aux aides dans les limites des engagements souscrits par les Etats-Unis à l'OMC.

Mais la Commission européenne constate, en premier lieu, que ce plafond comprend à la fois les dépenses budgétées ainsi que les aides publiques de soutien au prix variant d'une année sur l'autre. Or, les Etats-Unis appuient leur argumentation en ne citant que leurs prévisions de dépenses budgétées : ils « oublient » d'y ajouter 4 à 5 milliards de dollars d'aides supplémentaires pour le soutien au prix dans les secteurs du sucre et des produits laitiers.

En deuxième lieu, les dépenses étant liées aux variations des prix du marché, les Etats-Unis ne peuvent affirmer à l'avance qu'ils respecteront le plafond de la MGS. Toute situation de chute des cours, un scénario qui s'est vérifié ces dernières années, entraînerait inéluctablement le dépassement du plafond des 19,1 milliards de dollars. En outre, le système d'aides prévu par la loi étant de nature à enclencher une spirale déflationniste des prix, celui-ci pourrait conduire au non-respect des engagements contractés par les Etats-Unis à l'OMC.

En dernier lieu, le respect ou non du plafond de la MGS dépendra de la classification des différents soutiens. Il est probable que les Etats-Unis chercheront à respecter leurs engagements en classant de manière contestable leurs soutiens les plus importants dans les catégories exemptes d'obligation de réduction. Les partisans de la nouvelle loi agricole estiment notamment que les paiements contra-cycliques devraient être comptabilisés comme étant des soutiens non spécifiques à un type de produit et donc échapper aux contraintes de l'Accord agricole en utilisant la clause de minimis, qui permet de ne pas inclure dans le calcul de la MGS le soutien non spécifique par produit et dont la valeur n'excède pas 5 % de la valeur totale de la production agricole américaine. La Commission européenne considère, en revanche, que ces paiements sont versés en fonction des fluctuations de prix d'un produit agricole et que ces fluctuations sont mesurées par rapport à un prix de référence fixé pour chaque produit agricole : ces paiements sont donc spécifiques à un type de produit. Le ministère français de l'agriculture, quant à lui, juge également que les aides contra-cycliques sont directement liées à la production : si l'agriculteur américain n'a pas à produire pour en bénéficier, le fait que leur versement dépende d'un prix garanti pour un produit donné suffit à disqualifier ces aides de la boîte verte : elles relèvent donc de la MGS. Par ailleurs, les partisans de la loi agricole soutiennent que les paiements fixes doivent être exemptés du calcul de la MGS en raison précisément de leur statut d'aide découplée. Cependant, la Commission européenne observe que la loi agricole permet aux agriculteurs américains de réviser les surfaces et les rendements de référence, afin que les paiements soient calculés sur la base des campagnes 1998-2001 et non sur ceux de la période de référence. Dans ces conditions, ces paiements ne peuvent être éligibles à la boîte verte, car l'Accord sur l'agriculture dispose que seuls les paiements assis sur une période de base définie et fixe sont éligibles à cette boîte.

3) Les pays en développement : un nouvel acteur de poids aux revendications fortes

Les pays en développement ont acquis un réel poids politique dans les négociations commerciales multilatérales depuis l'institution de l'OMC et l'échec de la Conférence ministérielle réunie à Seattle en novembre 1999. L'entrée de la Chine, approuvée par la Conférence ministérielle de Doha, le 10 novembre 2001, a d'ailleurs été présentée comme un symbole de l'influence acquise par le Sud au sein du système commercial multilatéral.

L'échec de la Conférence de Seattle témoigne d'une réalité complaisamment ignorée par certains partisans du discours « anti OMC » : l'organisation internationale mise en place en 1995, contrairement aux institutions financières internationales qui pondèrent le nombre des voix de leurs membres en fonction de leur poids économique, prend ses décisions selon la règle du consensus, qui attribue un droit de veto effectif à chacun de ses membres. Le caractère démocratique du fonctionnement de l'organisation a été démontré avec éclat lors de la Conférence de Seattle : celle-ci a échoué non seulement en raison du désaccord persistant entre les pays développés sur le contenu de l'ordre du jour du prochain cycle, mais aussi à cause du refus des pays en développement de participer à de nouvelles négociations qui ne placeraient pas les questions de mise en œuvre des accords de Marrakech par les pays du Sud au centre de ces négociations et d'accepter les positions provoquantes des Etats-Unis sur le volet social...

Le Rapporteur a déjà indiqué combien les questions de développement ont été placées au cœur des objectifs des négociations agricoles en cours. Cette avancée pour l'OMC et l'équilibre global des négociations, qui exigeait la prise en compte des intérêts de membres les plus faibles, doit être saluée. Elle constitue désormais un facteur permanent de la négociation agricole, mais aussi un élément de complication celle-ci.

Certaines propositions émises par les pays en développement posent en effet un réel défi aux négociateurs et à la cohérence du système multilatéral.

Il ne faut pas oublier d'abord que ces pays abritent la majorité des agriculteurs vivant dans le monde. Ainsi, l'Inde comprend 260 millions d'actifs agricoles et la Chine 510 millions, contre seulement 3 millions pour les Etats-Unis et 6,8 millions pour l'Union européenne à Quinze et 10,6 millions pour l'Union élargie. D'après la FAO, sur l'ensemble de la population active des pays en développement, plus de la moitié est employée dans l'agriculture.

Ensuite, les pays en développement ne forment pas un bloc homogène. Dans cet ensemble, il convient de distinguer plusieurs groupes de pays en développement : certains connaissent un déficit alimentaire structurel, mais disposent d'un pouvoir d'achat élevé, comme les pays du Golfe persique, d'autres sont des puissances agricoles à part entière, comme les pays en développement membres du groupe de Cairns, défendant une vision libérale des échanges agricoles. Mais il existe aussi des pays à déficit alimentaire, comme ceux du pourtour Sud de la Méditerranée ou l'Inde et le Pakistan, devant assurer l'alimentation de populations urbaines à fort taux de croissance démographique. Enfin, il faut compter avec les pays en développement enclavés ou insulaires, comme les pays de la Caraïbe, Madagascar, Maurice, ainsi qu'avec de nombreux pays africains, qui souhaitent conserver les préférences commerciales que l'Europe leur accorde et instituer des protections assurant le développement d'une agriculture vivrière.

Si l'on met à part les demandes des pays du Sud membres groupe de Cairns, les revendications des autres membres en développement de l'OMC présentent certaines similitudes : ces pays souhaitent que l'Accord sur l'agriculture leur reconnaisse de manière permanente le droit de soutenir leurs populations rurales pauvres et d'assurer par différentes aides et protections leur autosuffisance alimentaire.

L'enjeu de la sécurité alimentaire, comprise ici comme la garantie d'une alimentation produite localement et permettant de nourrir la population d'un pays, reste fondamental pour de nombreux pays en développement. Selon la FAO, les trois-quarts des 800 millions de personnes qui souffrent de malnutrition chronique vivent dans les zones rurales ; celles-ci abritent également 75 % des pauvres vivant dans le monde. On rappellera par ailleurs que 40 millions de personnes vivant dans 25 pays sont actuellement menacées de famine dans l'Afrique sub-saharienne.

Certains pays du Sud estiment que l'impératif politique de la sécurité alimentaire justifie l'instauration de règles séparées au sein de l'Accord sur l'agriculture pour les pays développés et les pays en développement. Tel est le cas du groupe africain, qui rassemble 41 pays d'Afrique, ou de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (ou ANASE), qui comprend comme membres de l'OMC la Birmanie, Brunei, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et Singapour. Un autre groupe, composé de Cuba, la République dominicaine, le Honduras, le Pakistan, Haïti, le Nicaragua, le Kenya, l'Ouganda, le Zimbabwe, le Sri Lanka et El Salvador, a suggéré que tous les pays en développement puissent adopter une approche fondée sur une liste positive, afin d'indiquer les produits ou les secteurs qu'ils souhaiteraient voir assujettis aux disciplines de l'Accord agricole, et ajuster leurs droits de douane pour protéger leur sécurité alimentaire. L'Inde, quant à elle, souhaite instituer des dérogations permanentes aux règles de l'Accord agricole en faveur des pays en développement, afin que ceux-ci puissent subventionner et protéger leurs exploitations de petite taille. Elle a notamment proposé le 15 janvier 2001 de créer une boîte de sécurité alimentaire regroupant des mesures exemptes de toutes disciplines multilatérales, comme par exemple les aides visant à lutter contre la pauvreté rurale et à promouvoir le développement rural, l'emploi rural et la diversification de l'agriculture et les aides versées à des produits spécifiques bénéficiant aux agriculteurs disposant de faibles revenus.

Ces propositions doivent être prises en compte, mais il faut éviter que les pays en développement ne soient exonérés de toute discipline commerciale en matière agricole, car cela reviendrait à créer une « OMC à deux vitesses ».

D'une part, il n'est pas souhaitable de créer des exceptions générales, s'appliquant à tous les pays du Sud, car leurs niveaux de développement varient fortement. S'il convient de réfléchir à l'institution d'exceptions, celles-ci doivent être ciblées pour aider les seuls pays devant protéger et soutenir une agriculture vivrière. De plus, ces exceptions doivent s'appliquer à des catégories de soutiens strictement définies, afin d'éviter les pratiques abusives.

D'autre part, la Commission européenne a déconseillé aux pays en développement de se laisser tentés par la fausse solution que serait le relèvement pays par pays des tarifs douaniers, hors de toute organisation régionale. D'abord, cette stratégie aboutirait à entraver les échanges régionaux entre pays en développement, y compris appartenant à la même zone alors qu'en fait la régulation des échanges agricoles des pays en développement implique que ceux-ci s'organisent sur une base régionale : cette stratégie est la seule qui aidera les pays en développement à construire des marchés solvables pour développer leur agriculture vivrière et donc leur autosuffisance alimentaire.

4) L'Union européenne : une position difficile en raison des attaques de mauvaise foi dont la PAC fait l'objet

Depuis le lancement du cycle de négociations, tout un corpus de rapports et d'articles a été publié pour dénoncer les effets des politiques agricoles des pays riches sur l'agriculture des pays en développement.

Ces critiques sont non seulement portées par des ONG, comme Oxfam, qui mène une campagne active pour la suppression des dettes des pays pauvres et l'établissement d'un système commercial discriminatoire en faveur des pays en développement, mais aussi par certaines institutions financières internationales. L'économiste en chef de la Banque mondiale, M. Nicholas Stern, dans une intervention prononcée le 19 novembre 2002 à Munich, après avoir indiqué que le montant total des soutiens accordés par les pays riches à l'agriculture s'élevait à 300 milliards de dollars par an et était sept fois supérieur à celui de l'aide publique au développement, a déclaré que les recherches effectuées par la Banque montraient que l'élimination complète des droits de douane et des subventions agricoles des pays riches augmenterait le commerce des produits agricoles de 17 % et les exportations des pays à bas revenus et à revenus moyens de 24 %(23). Ceci aboutirait à augmenter le revenu agricole global annuel de ces pays de 60 milliards de dollars environ.

Ces analyses sont intéressantes, mais elles doivent être utilisées avec prudence : elles ne peuvent servir de seule justification à l'établissement du modèle de régulation des échanges agricoles de demain. De plus, d'autres études indiquent que la libéralisation intégrale des échanges agricoles profiterait d'abord aux grands pays exportateurs. Le World Economic Outlook du FMI, publié en septembre 2002, estime que la suppression de tous les soutiens agricoles dans les pays développés aboutirait à augmenter le revenu réel de ces pays de 0,4 %, mais considère aussi que les gains de cette libéralisation seraient concentrés sur l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande, qui verraient leur PIB augmenter de 0,94 %. L'Amérique latine et l'Afrique subsaharienne verraient leur PIB croître dans une fourchette comprise entre 0,3 et 0,6 % seulement, tandis que celui de l'Afrique du Nord et des pays du Moyen-Orient diminuerait de 0,26 %(24).

La cible privilégiée de ce discours « anti-subventions » reste toutefois l'Union européenne, dont la politique agricole fait l'objet d'une présentation caricaturale.

a) Un quasi front commun contre la PAC

L'Union européenne se trouve systématiquement en position d'accusée dans les négociations agricoles. Après avoir été critiquée pour son retard pris dans la présentation de sa proposition de modalités, elle est accusée de pratiquer la politique agricole la plus protectrice et la plus dommageable pour les membres en développement de l'OMC.

Cette analyse est reprise et largement diffusée auprès des responsables publics et de l'opinion mondiale par la presse anglo-saxonne influente, du Financial Times à The Economist.

Un article publié dans Le Monde daté du 28 novembre 2002 et intitulé « Agriculture : l'Europe étrangle les pays pauvres » résume à lui seul tout l'argumentaire du front des ennemis de la PAC, coalition hétéroclite qui va de l'Inde aux pays du groupe de Cairns en passant par les Etats-Unis et les leaders d'opinion anglo-saxons. L'auteur, M. Mark Vaile, est le ministre australien du commerce extérieur et préside le groupe de Cairns. Il critique l'ampleur des dépenses de la PAC qui, malgré les réformes engagées, continuent à avoir de « graves conséquences extérieures » pour porter une très grave accusation contre l'Europe : cette dernière, par ses soutiens, affame les pays en développement.

Cette volonté de culpabiliser l'Europe, qui trouve parfois des relais au sein des Etats membres, est inacceptable : elle vise à mettre l'Union européenne sur la défensive à l'OMC, alors que celle-ci est le membre de l'Organisation qui a le marché le plus ouvert aux exportations agricoles des pays en développement.

b) Des arguments irrecevables au regard de l'analyse objective des faits

Les statistiques démontrent, en effet, de manière irréfutable que l'Union européenne n'est pas une « forteresse » agricole fermée aux exportations des autres pays, et notamment celles des pays en développement, ni une puissance prédatrice sur les marchés extérieurs et abusivement favorisée par ses soutiens.

Outre le fait que l'Europe est le premier importateur mondial de produits agricoles (60 milliards de dollars en 2001), elle est aussi - et de loin - le plus gros importateur de produits agricoles des pays du Sud. Selon Eurostat, à elle seule, elle importe plus que les Etats-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande réunis, soit en 2001 35 milliards d'euros contre 31 milliards. Ce même groupe de pays exporte en revanche vers les pays en développement beaucoup plus de produits agricoles que l'Union européenne (33 milliards d'euros contre 19 milliards).

La comparaison des échanges commerciaux agricoles entre les pays en développement et les Etats-Unis et l'Union européenne est particulièrement significative.

Importations agricoles en provenance des pays
en developpement

Milliards de dollars

1998

1999

2000

Moyenne 1998-2000

Union européenne

37.8

35.8

33.1

35.5

Etats-Unis

20.6

20.9

20.8

20.8

Exportations agricoles en direction des pays
en developpement

Milliards de dollars

1998

1999

2000

Moyenne 1998-2000

Etats-Unis

25.3

23.4

25.7

24.8

Union européenne

16.8

14.7

16.5

16.0

Source : Commission européenne.

Selon une note de la Commission européenne publiée le 16 décembre 2002, l'Union européenne absorbe 85 % des exportations agricoles de l'Afrique et 45 % de celles de l'Amérique latine. Une étude comparative des régimes préférentiels des Etats-Unis et de l'Union européenne à l'égard des pays d'Afrique et des Caraïbes réalisée en 2001 par les services d'expansion économique de l'Ambassade de France à Washington, souligne que les importations par l'Union européenne des produits des pays ACP (soit 77 pays) se composent à 40 % de produits agricoles. L'Union absorbe 65 % des exportations agricoles des ACP contre seulement 14 % pour les Etats-Unis.

Cette ouverture résulte en grande partie des préférences commerciales accordées par l'Union européenne aux pays en développement. Dans leur proposition de modalités, les Etats-Unis estiment que le droit de douane moyen appliqué par l'Union européenne sur l'ensemble des importations agricoles s'élève à 30 %. Dans sa note du 16 décembre 2002, la Commission européenne répond qu'en termes réels le droit de douane moyen de l'Europe est environ trois fois moins élevé que celui indiqué par les Etats-Unis. Le régime commercial bénéficiant aux pays ACP permet à plus de 80 % des exportations agricoles de l'Afrique d'entrer à des taux préférentiels ou nuls sur le marché communautaire. Par ailleurs, dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes », l'Union européenne accordera en 2009 un accès libre à tous les produits des 49 PMA, une ouverture à comparer à la part des exportations entrant en franchise de droits chez les autres puissances commerciales : selon la CNUCED, cette part s'établit à 52 % aux Etats-Unis, à 49 % au Japon et à 45 % au Canada. Au total, selon un document publié en avril 2002 par la Commission européenne l'Union absorbe 70 % des exportations agricoles des 49 PMA en direction des pays de la Quad (Canada, Union européenne, Etats-Unis et Japon).

Les difficultés des agricultures des pays en développement proviennent en fait de la dépendance de nombre de ces pays à l'égard des recettes tirées des exportations de produits tropicaux. Les prix de ces produits sont souvent soumis à de fortes variations en raison de la disparition, depuis une décennie, des mécanismes de régulation et de stabilisation du cours de ces denrées. C'est la dérégulation de ces marchés agricoles qui est responsable de la situation de ces pays et non la PAC. Ce n'est donc pas l'Europe qui étrangle les pays pauvres, mais l'excès de libéralisation.

On observera enfin que la structure des échanges agricoles des Etats membres de l'Union européenne ne contribue guère à valider l'analyse selon laquelle l'Europe pratique un dumping agricole sauvage : les pays européens vendent en effet leurs produits agricoles principalement à d'autres pays européens. L'exemple de la structure des exportations agricoles de la France est particulièrement éclairant à cet égard. Les échanges intracommunautaires forment en 2001 72 % de l'ensemble des ventes du secteur agricole et agro-alimentaire français. L'Espagne, l'Allemagne et l'Italie représentent 67 % des débouchés à l'export pour les produits agricoles, sylvicoles et piscicole français et le premier client hors Union européenne de la France pour ces produits sont Hong-Kong et la Chine avec 8 % des ventes.

Enfin, la critique qui consiste à pointer du doigt le plafond de soutien de 67 milliards de dollars autorisé par l'OMC pour qualifier les aides européennes de « massives » doit être relativisée.

L'Union européenne dispose en effet de nombreux arguments pour défendre ce plafond d'aides vis-à-vis de ses partenaires :

- En premier lieu, il faut insister sur le fait que l'Union européenne a respecté ses engagements concernant la MGS, qu'elle a réduit de manière progressive. Les Etats-Unis ont, à l'inverse, augmenté leur MGS durant la période d'application de l'accord.

- En deuxième lieu, l'Union européenne se situe bien en deçà de son plafond de MGS et cette tendance ne peut que se poursuivre en raison de l'application de la réforme décidée à Berlin en 1999. Par contre, il est probable que les Etats-Unis, qui ont initialement respecté leur plafond pour augmenter ensuite fortement leurs soutiens à forte capacité de distorsion, utiliseront 100 % de leur MGS ou dépasseront celle-ci après six années de mise en œuvre du FARM Act.

- Enfin, la MGS notifiée à l'OMC par l'Europe est celle d'une politique qui bénéficie à 7 millions d'agriculteurs contre 3 millions pour les Etats-Unis.

Forte de ces arguments fondés sur des faits, l'Europe doit s'attacher à les valoriser dans les négociations agricoles à l'OMC. A l'inverse, l'Union européenne commettrait une erreur stratégique si elle compromettait sa position de négociation en fragilisant à l'interne une politique agricole dont les principes doivent être défendus sur le plan multilatéral.

II. LA REFORME DE LA PAC DE 1999 FIXE LES LIMITES DU MANDAT DE NEGOCIATION DE LA COMMISSION EUROPEENNE

L'exercice engagé à l'OMC est hautement périlleux pour l'Europe en raison du front commun constitué contre la PAC.

Les critiques sont infondées, mais ce sont elles que l'on entend.

Pourtant, l'Europe n'a pas à s'excuser d'avoir construit une partie de son projet de vie en commun sur l'agriculture. Elle n'a pas à rougir de ce choix, qui est codifié dans le traité instituant la Communauté européenne, car elle renierait alors sa propre histoire. Son modèle agricole est aussi un choix de civilisation : si la PAC doit évoluer pour tenir compte de nouvelles aspirations sociales, cette politique restera toujours au cœur de la construction européenne.

En outre, comme cela déjà été souligné, ce modèle agricole n'est pas celui d'une « forteresse » : le marché communautaire est bien le marché qui est le plus ouvert au monde, surtout aux produits des pays en développement. Ce modèle a su, de plus, s'adapter de manière souple et sans retours en arrière aux contraintes posées par l'OMC.

Ces différentes raisons, qu'il ne faut cesser de rappeler, justifient que l'Europe adopte une stratégie offensive à l'OMC. Cette position est d'autant plus légitime qu'elle est confortée par la réforme de la PAC décidée dans le cadre de l'Agenda 2000. Grâce à cette dernière, l'Europe dispose à l'heure actuelle de réelles marges de manœuvre dans les négociations, qui lui permettent de prendre l'initiative à l'OMC.

Malgré ces conditions avantageuses, la position de l'Europe à l'OMC est mise en danger par les initiatives récentes de la Commission européenne concernant la révision à mi-parcours de la PAC. Celles-ci auront en effet une incidence sur le déroulement des négociations, car elles laissent entendre aux membres de l'OMC que l'Europe serait prête à remettre en cause son modèle agricole, alors que si des adaptations sont nécessaires, celui-ci doit être cependant sauvegardé.

A. Un mandat de négociation clair et plutôt solide...

Le mandat de négociation de la Commission européenne pour le nouveau cycle a été donné par le Conseil des ministres de l'Union européenne en octobre 1999, avant la tenue de la Conférence ministérielle de l'OMC de Seattle.

Il fait des décisions prises lors de l'accord intervenu au Conseil européen de Berlin des 24-25 mars 1999 sur l'Agenda 2000 la base de la position de négociation de l'Union européenne à l'OMC.

Ce mandat de négociation s'imposait pour trois raisons.

D'abord, ce mandat s'appuie sur une réforme qui, au-delà de ses objectifs internes, avait en partie pour objet de renforcer la position de l'Europe dans les prochaines négociations agricoles à l'OMC. Les efforts fournis par les agriculteurs européens à cette occasion doivent, en toute logique, être défendus à l'OMC et non remis en cause par des initiatives allant au-delà des efforts déjà accomplis par l'Union européenne.

Ensuite, cette réforme a été scellée par les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Berlin : elle constitue donc un véritable pacte entre l'Europe et ses agriculteurs : revenir sur les termes de ce pacte signifierait que ce sont les contraintes extérieures qui déterminent la politique agricole de l'Union européenne et non les objectifs poursuivis par les citoyens européens et leurs gouvernements. Si les négociations à l'OMC doivent être prises en compte par l'Union européenne, elles ne peuvent à elles seules fonder le contenu de la PAC.

De plus, ce mandat négociation s'appuie sur une réforme qui contribue à réguler les échanges agricoles mondiaux, ce qui doit être souligné dans les négociations en cours.

On observera enfin que ce mandat de négociation correspond à celui demandé par l'Assemblée nationale dans sa résolution adoptée le 26 octobre 1999 sur la préparation de la Conférence ministérielle de Seattle(25). Le point 7 de cette résolution indique en effet que l'Assemblée nationale « demande que, dans le domaine agricole, la politique agricole commune réformée constitue le mandat de négociation de la Commission européenne, ce mandat ayant pour objectif le maintien de la préférence communautaire, du revenu agricole et de la capacité exportatrice de l'agriculture européenne ».

1) Le mandat de négociation en vigueur : la défense de la PAC réformée à Berlin en mars 1999

a) L'accord de Berlin: une réforme permettant à l'Europe d'adopter une position offensive à l'OMC

Afin de se préparer aux deux échéances majeures de l'élargissement et des négociations agricoles à l'OMC, comme pour tenir compte des évolutions de la société européenne et des conditions propres à l'agriculture, les chefs d'Etat et de gouvernement réunis au Conseil européen de Berlin des 24 et 25 mars 1999 ont adopté un ensemble de mesures approfondissant la réforme de la PAC de 1992 dans un cadre financier qui stabilise les dépenses agricoles pour la période 2000-2006.

Ces mesures sont résumées dans l'encadré ci-après.

Les réformes décidées à Berlin

L'Agenda 2000 adopté au Conseil européen de Berlin le 26 mars 1999 et qui définit le financement de l'Union européenne pour la période 2000-2006, a prévu la réforme des quatre organisations communes des marchés (OCM) des grandes cultures, de la viande bovine, du lait et du vin.

1. Pour les grandes cultures, la réforme consiste en :


une baisse du prix d'intervention des céréales de 15 % (de 119,19 euros/tonne à 101,31 euros/tonne) en deux étapes de 7,5 % chacune (1er juillet 2000 et 1er juillet 2001), partiellement compensée (50 %) par une aide augmentée de 54,34 euros/tonne à 63 euros/tonne (58,7 euros/tonne en 2000/2001) ; le taux de référence de gel des terres passe à 10 % ;

la suppression du prix de référence et l'alignement de l'aide compensatoire aux oléagineux sur l'aide compensatoire aux céréales (de 94,24 euros/tonne à 63 euros/tonne) en trois étapes (1er juillet 2000, 2001 et 2002) avec clause de réexamen avant 2002 en fonction de l'évolution des surfaces ;

le maintien d'un régime spécifique pour les protéagineux mais diminution de l'aide compensatoire de 78,49 euros/tonne à 72,5 euros/tonne.

2. Pour la viande bovine, la réforme consiste en :

une baisse de 20 % des prix d'intervention (de 2 780 euros/tonne à 2 224 euros/tonne en 2002) en trois étapes (2000-2002), la modification du régime d'intervention par la mise en place d'une aide au stockage privé et la mise en place d'un filet de sécurité (intervention publique) lorsque le prix communautaire est inférieur à 1 560 euros/tonne (56 % du prix d'intervention), avec une compensation par :

une hausse des aides compensatoires : la Prime au Maintien du Troupeau de Vaches Allaitantes (PMTVA) passe de 145 euros/tête avec une prime nationale complémentaire qui passe de 30 euros/tête à 50 euros/tête (et suppression du plafond de 120 000 kg de référence laitière) et la Prime Spéciale Bovins Mâles (PSBM) de 135 euros/tête à 201 euros/tête pour les jeunes bovins (taurillons), de 2 x 108,7 euros/tête à 2 x 150 euros/tête pour les bœufs ; les compléments extensifs sont également revalorisés (à partir de 2002, le premier palier passe de 36 euros/tête entre 1 et 1,4 UGB/ha à 40 euros/tonne entre 1,4 et 1,8 UGB/ha et le second palier de 52 euros/tête à 80 euros/tête si le facteur de densité est inférieur à 1 UGB/ha) ; enfin, une enveloppe de flexibilité de 472,5 M euros (dont 93,4 M euros pour la France) sera répartie entre les Etats membres ;

la mise en place d'une prime à l'abattage pour tous les veaux (de race à viande ou de race laitière) de 80 euros/tête ;

l'augmentation du plafond national des primes : + 3 % de la meilleure référence 1995-1997 pour tous les Etats Membres pour la PMTVA et pur la PSBM + 10 % pour l'Espagne, + 5 % pour le Portugal et + 2 % pour la Grèce avec suppression du plafond de 90 UGB par exploitation.

3.
Pour le lait, la réforme consiste en :

une prorogation du régime des quotas jusqu'en 2006 avec une clause de révision en 2003 en vue de l'expiration du régime actuel après 2006 ;

une baisse de 15 % des prix d'intervention du beurre (de 3 282 euros/tonne à 2 790 euros/tonne) et de la poudre de lait écrémé (de 2 050 euros/tonne à 1 743 euros/tonne) en 3 étapes à partir du 1er juillet 2005 compensée par une prime de 5,75 euros par tonne de référence individuelle en 2005, de 11,49 euros/tonne QL en 2006 et 17,24 euros/tonne QL en 2007, éventuellement majorée de 45 euros/tonne QL dans le cadre d'une enveloppe de flexibilité nationale ;

- une augmentation de 2,4 % des quotas laitiers nationaux (+ 2,831 Mt sur 117,5 Mt) : + 1,5 % en 2005/2006 pour chaque Etat membre sauf Grèce, Espagne, Irlande et Italie (augmentations spécifiques dès 2000/2001) et augmentation spécifique supérieure pour le Royaume Uni et l'Autriche.

4. Pour le vin, la réforme consiste en
 :

- une augmentation de 1,5 % des droits de plantations nouvelles (+ 51 000 ha dont 13 565 ha pour la France) et création d'une réserve communautaire de 17 000 ha (soit une augmentation totale du potentiel de 2 %) ;

- le remplacement de la distillation préventive, de la distillation obligatoire et de la distillation de soutien par une aide au stockage privé et par une distillation volontaire et une distillation de crise facultative.

Cette réforme permet à l'Europe d'adopter une position offensive dans les négociations agricoles de l'OMC.

Elle a en effet consenti des efforts importants pour rapprocher ses producteurs des évolutions du marché mondial, les prix communautaires ayant été baissés dans ce but.

Elle a maintenu en outre l'obligation de jachère dans le secteur des grandes cultures, le taux de gel étant fixé à 10 % sur la période 2000-2006, ce qui renforce les aspects de sa politique de maîtrise de l'offre et contribue à réguler la production et les marchés mondiaux.

Le soutien global a également diminué en raison du caractère partiel des compensations à la baisse des prix. Dans ce cadre, le découplage des aides directes communautaires a été renforcé par l'institution d'une aide identique pour les céréales et les oléagineux.

De plus, la baisse des prix dans les secteurs des céréales, de la viande bovine et du lait a conduit à réduire également le montant des restitutions à l'exportation qui, ainsi que l'a déjà souligné le Rapporteur, ne représentent plus que 3 milliards d'euros en 2001.

Enfin, l'accord de Berlin a plafonné les dépenses de la PAC à 40,5 milliards d'euros en moyenne annuelle entre 2000-2006 en excluant le soutien au développement rural. Cette maîtrise du budget agricole contraste fortement avec l'explosion des dépenses américaines et doit donc être mise en avant à l'OMC.

Cette politique budgétaire responsable va se poursuivre grâce à l'accord intervenu au Conseil européen de Bruxelles du 25 octobre 2002 sur le financement de la PAC de l'après 2006. Suite à l'impulsion donnée par la France et l'Allemagne, les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze ont décidé que les dépenses liées aux marchés et aux paiements directs dans l'Union à 25 ne devront pas dépasser, entre 2007 et 2013, le montant en termes réels du plafond pour l'année 2006 arrêté à Berlin pour l'Union à 15, ni le plafond proposé en ce qui concerne les dépenses correspondantes pour les nouveaux Etats membres pour l'année 2006. Le montant total en valeur nominale des dépenses et des paiements directs pour chaque année de la période 2007-2013 est plafonné au niveau des plafonds de 2006 (soit 45,3 milliards d'euros), majorés de 1 % par an pour tenir compte de l'inflation. Sur la base des conclusions du Conseil européen de Bruxelles, le Conseil « Affaires générales » du 18 novembre 2002 a ainsi fixé les plafonds de dépenses agricoles du premier pilier de la PAC pour l'Union élargie :

Rubrique 1 A (dépenses de marché et paiements directs)
UE à 25 aux prix courants (en millions d'euros courants)

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

TOTAL UE à 25

plafond

42 979

44 474

45 306

45 759

46 217

46 679

47 146

47 617

48 093

48 574

Cet accord constitue un compromis pour l'agriculture européenne et française qui sauvegarde l'essentiel dès lors qu'il :

conforte durablement les aides de la PAC par la stabilisation budgétaire et le maintien d'un lien avec la production ;

signifie, comme l'a très clairement exprimé le Président de la République à l'issue du Conseil européen, que la PAC ne sera pas bouleversée de fond en comble cette année à l'occasion de la révision à mi-parcours. Toute évolution de cette politique qui s'avère nécessaire ne pourra être décidée qu'en fonction des intérêts européens et dans le respect des principes fondateurs de la PAC ;

- constitue, s'agissant de l'OMC, un engagement supplémentaire de l'Union européenne en faveur de la stabilisation des dépenses agricoles au moment où les Etats-Unis augmentent massivement leur budget agricole.

b) Un mandat de négociation dépourvu d'ambiguïtés

Les éléments de stabilisation et de régulation contenus dans la réforme de 1999 doivent être défendus à l'OMC : tel est l'objet du mandat de négociation donné en octobre 1999 par le Conseil à la Commission européenne.

Les conclusions du Conseil européen de Berlin des 25 et 26 mars 1999 indiquent que « les décisions adoptées en matière de réforme de la PAC constitueront des éléments essentiels pour la définition du mandat de négociation de la Commission en vue des futures négociations multilatérales à l'OMC ».

Le cadre de la négociation a donc clairement été fixé par les chefs d'Etat et de gouvernement. Le Conseil « Affaires générales », qui réunit les ministres des affaires étrangères des Quinze, a confié, le 26 octobre 1999, à la Commission européenne un mandat pour l'ensemble des négociations agricoles, qui rappelle
dans ses conclusions relatives à l'agriculture, que la réforme de 1999 constitue la base de la négociation :

Les conclusions du Conseil du 26 octobre 1999 relatives
aux négociations agricoles

En ce qui concerne les principaux domaines de la négociation :

- la position de l'Union sera basée sur l'ensemble des mesures de l'Agenda 2000 arrêtées par le Conseil européen de Berlin au sujet de questions commerciales clés telles que l'accès au marché, l'aide aux exportations et l'engagement en faveur d'une réduction du soutien. En ce qui concerne l'amélioration de l'accès, l'Union, qui compte parmi les grands exportateurs de denrées alimentaires, doit agir de façon à contribuer à l'expansion des échanges mondiaux, qui résultera du nouveau cycle de négociations. L'Union est disposée à poursuivre les négociations dans le cadre du processus visant à réduire les entraves au commerce, sachant que ce processus est plus avancé dans certains secteurs agricoles que dans d'autres, et le soutien interne tout comme les subventions aux exportations, tout en cherchant à obtenir une amélioration des possibilités offertes aux exportateurs de l'UE et en garantissant que toutes les formes de soutien à l'exportation soient traitées sur un pied d'égalité en incluant d'autres formes, moins transparentes, de soutien à l'exportation (aide alimentaire, crédits à l'exportation et acheteurs ou exportateurs uniques) ;

- l'Union est disposée à négocier des réductions des aides, à condition, notamment, que le concept de catégories « bleue et verte » soit prorogé. La « clause de paix » et la « clause spéciale de sauvegarde », se sont révélées des instruments très utiles pour la mise en œuvre de l'Uruguay Round. Des instruments analogues seront nécessaires à l'avenir ;

- en ce qui concerne les considérations autres que d'ordre commercial, l'Union veillera à faire valoir le rôle multifonctionnel de l'agriculture, la sûreté alimentaire, qui inclut le principe de précaution, la qualité des aliments et le bien être des animaux ;

- l'Union entend promouvoir activement le traitement spécial et différencié des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés.

Ce mandat politique n'a pas été modifié depuis : il continue donc de déterminer la marge de manœuvre de la Commission européenne dans les négociations à l'OMC. Le Commissaire européen en charge du commerce extérieur, M. Pascal Lamy, l'a d'ailleurs reconnu en déclarant, a plusieurs reprises, qu'il disposait, pour les négociations agricoles, d'un compte en banque, « crédité » des mesures décidées à Berlin. Cela voulait bien dire qu'il ne dispose pas, à l'heure actuelle, de lignes de crédits supplémentaires accordées par le Conseil.

Les Etats membres doivent donc exercer toute leur vigilance pour que les initiatives prises par la Commission européenne n'excèdent pas les limites de ce mandat. Ils disposent des moyens politiques nécessaires pour le faire, car le Commissaire doit rendre compte périodiquement des négociations au « Comité 133 » et au Conseil(26). Ce mécanisme a fonctionné lors de la Conférence de Seattle : on a pu constater que les initiatives du Commissaire qui paraissaient s'écarter des positions arrêtées par les Etats membres, comme la création d'un groupe de travail sur les biotechnologies, ont fait l'objet de « recadrages » de la part des Etats membres.

La vigilance des Etats membres s'est exercée lors du Conseil du 27 janvier 2003, qui a adopté la proposition de modalités après avoir supprimé la référence inacceptable faite par la Commission européenne à la suppression de certaines subventions aux exportations. Le texte évoque désormais le « retrait progressif » de certaines subventions, utilisant ainsi les termes du mandat de négociations de Doha.

Par ailleurs, la France a adopté à cette occasion une Déclaration, qui rappelle fermement à la Commission européenne les termes de son mandat de négociation. En effet, aux termes de cette Déclaration, la « délégation française attend de la Commission qu'elle mène les négociations dans le strict respect de son mandat et qu'elle se conforme aux conclusions des Conseils européens de Berlin (24-25 mars 1999) et de Bruxelles (24-25 octobre 2002). La France y veillera tout au long de la négociation et y tiendra compte dans sa position finale sur le résultat de la négociation ».

Le Rapporteur se félicite de l'adoption de cette Déclaration qui indique clairement à la Commission européenne les « lignes jaunes » qu'elle ne devra pas franchir pendant les négociations. Ce rappel utile est bienvenu et témoigne d'un état d'esprit rassurant pour la suite des négociations.

Les parlements nationaux et le Parlement européen pour leur part doivent pouvoir exercer leur pouvoir d'information et de contrôle dans ce domaine. A cet égard, le Rapporteur observe que les documents du Comité 133 sont transmis, sous respect de conditions de confidentialité, au Parlement européen. Il serait souhaitable que le Gouvernement transmette les documents les plus importants du Comité 133 concernant les négociations multilatérales à la Représentation nationale.

2) Une proposition de modalités globalement conforme à ce mandat mais qui utilise dangereusement tout le crédit de négociation de l'Europe

La Communauté européenne a notifié à Genève, le 14 décembre 2000, une proposition globale de négociation conforme au mandat de Berlin, qui avait été adoptée à l'unanimité par le Conseil du 21 novembre 2000.

La proposition de la Commission européenne relative aux modalités de la négociation agricole transmise aux Etats membres le 16 décembre 2002 s'est appuyée sur ce document, mais pour proposer une vision qui excède celle fixée par le mandat et induit, par conséquent, des réformes non décidées au plan interne de la PAC.

Le Conseil Agriculture du 27 janvier 2003, qui a adopté la proposition de modalités, a d'ailleurs modifié le texte initial de la Commission européenne pour supprimer son élément le plus contestable, qui contredisait directement le mandat de négociations, à savoir la proposition prévoyant de supprimer certaines subventions aux exportations.

Lors de son audition par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le 18 décembre 2002, le Commissaire européen en charge du commerce extérieur, M. Pascal Lamy, a indiqué que la Commission européenne avait présenté avec retard sa proposition de modalités au Comité 133. Il a expliqué ce retard par le fait que la Commission européenne souhaitait élaborer sa proposition à partir des orientations que la Commission européenne souhaitait proposer dans le cadre de la révision à mi-parcours de la PAC. Le schéma retenu par le Commissaire européen en charge de l'agriculture, M. Franz Fischler, prévoyait en effet une présentation des propositions législatives de réforme de la PAC en octobre 2002 pour une adoption au Conseil en mars 2003. Entre temps, la décision intervenue au Conseil européen de Bruxelles a retardé le projet de réforme de la PAC, qui n'a été présenté par la Commission européenne que le 22 janvier 2003. M. Pascal Lamy a regretté, lors de l'audition, que l'Europe ne se donne pas davantage de marges de manœuvre dans les négociations à l'OMC en entérinant rapidement une réforme de la PAC.

Le Rapporteur ne partage cette analyse. Il se réjouit au contraire que l'accord politique conclu au Conseil européen de Bruxelles ait conduit la Commission européenne à s'en tenir au « crédit de négociation » abondé par les réformes précédentes de la PAC. Ce crédit de négociation est en effet le seul conforme au mandat donné par le Conseil en octobre 1999.

Les premières évaluations de la proposition de modalités conduisent cependant à constater que l'Europe prend le risque d'utiliser, d'entrée de jeu, la totalité du crédit de négociation ouvert par la réforme de Berlin.

L'esprit de ce texte est par ailleurs fortement marqué par la logique de Marrakech, qui est celle de la poursuite d'une libéralisation des échanges agricoles, et ceci est conforme à l'Accord sur l'agriculture. Mais la question qu'il convient de se poser dès maintenant est celle de savoir jusqu'où peut-on poursuivre cette logique si l'on veut tenir compte des préoccupations des citoyens concernant la défense des modèles d'agriculture et du surcoût que cela implique.

La Commission européenne n'a pas proposé, ce qui est significatif, de modifier l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture relatif à la poursuite continue du processus de libéralisation des échanges. Or, cet article, qui prévoit d'engager de nouvelles négociations un an avant la fin de la période de mise en œuvre des disciplines précédemment conclues, programme de manière automatique un nouveau cycle de baisse des droits et des aides agricoles, après celui que nous engageons, et ainsi de suite.

La proposition de la Commission européenne aurait dû rompre avec cette conception d'une continuité mécanique de la libéralisation afin de sauvegarder, et donc de reconnaître, le caractère multifonctionnel de l'agriculture européenne.

a) L'accès au marché: une ouverture équitable, doublée d'un renforcement de la protection des indications géographiques et de la prise en compte du principe de précaution

(1) Des propositions garantissant "un partage du fardeau"

· En ce qui concerne la réduction des droits de douane sur les produits agricoles, la Communauté européenne propose de reprendre la formule retenue pour le Cycle d'Uruguay, impliquant une réduction moyenne globale des droits consolidés de 36 % et une réduction minimale de 15 % par ligne tarifaire.

La proposition européenne garantit l'équité des engagements qui seront pris à l'issue de ces négociations, car l'effort de réduction des droits devra être assumé par tous les membres de l'OMC. Elle assure donc un véritable « partage du fardeau », à l'inverse de la formule proposée par le groupe de Cairns et les Etats-Unis.

La Commission européenne estime que cette formule connue et éprouvée permettra de parvenir de manière efficace à des réductions tarifaires généralisées. Elle correspond en outre à l'engagement prévu par l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture de réduire de manière progressive la protection s'appliquant à tous les membres. Enfin, la souplesse de cette formule permet aux membres de tenir compte de la situation particulière de certains secteurs.

La Communauté européenne accepte par ailleurs que les pays en développement puissent prendre des engagements moins contraignants, afin d'atteindre leurs objectifs légitimes en matière de sécurité alimentaire et d'autres objectifs liés à la multifonctionnalité de l'agriculture. Elle accepte également que les PMA prennent des engagements minimaux dans le domaine de la réduction des droits de douane.

La proposition relative aux modalités des négociations agricoles prévoit en outre que les pays développés accordent un accès en franchise de droits à toutes les exportations des PMA, l'Europe ayant déjà montré l'exemple pour l'accès des produits agricoles des PMA avec l'adoption de l'initiative « Tout sauf les armes ».

Mais la Communauté européenne propose aussi d'accorder un accès en franchise de droits aux exportations agricoles des pays en développement représentant au moins 50 % des importations des pays développés. Le Rapporteur estime que cette proposition n'est pas acceptable en l'état, car sa générosité avantagerait aussi bien les exportations des pays pauvres que celles des pays exportateurs du groupe de Cairns. Or, un traitement spécial et différencié en matière d'accès des produits agricoles des pays en développement sur les marchés des pays développés ne peut avoir de sens que s'il exclut les pays émergents sur le plan agricole (voir infra) pour s'appliquer à des groupes de pays ciblés, définis en fonction de besoins de développement agricole et alimentaire mesurables et vérifiables.

· La Communauté européenne propose également d'améliorer la gestion des contingents tarifaires, par l'adoption de règles permettant de s'assurer que les quotas ont été remplis, et de renforcer la sécurité juridique des modalités de gestion des contingents compatibles avec l'OMC.

Les règles actuelles ne sont pas entièrement satisfaisantes, car les instructions relatives aux modalités de calcul des quantités d'engagement (ou volume du quota) correspondant à l'accès courant et à l'accès minimum ont laissé une grande liberté aux membres de l'OMC. Dans certains cas, seul l'accès minimum a donné lieu à la mise en place de quotas permettant une baisse des droits pour une quantité limitée de produits importés. En outre, les données statistiques relatives à la consommation et aux échanges n'étant pas toujours disponibles au niveau de détail requis, certains pays ont calculé les quantités d'engagements à un niveau agrégé pour les réallouer ensuite à des niveaux plus fins. Aussi, pour certains produits, les quantités d'engagement ont été moindres que celles qui auraient résulté d'un calcul direct.

· Enfin, la proposition relative aux modalités des négociations agricoles propose à juste titre de maintenir un instrument similaire à la clause de sauvegarde spéciale, afin de permettre aux membres de l'OMC de réagir aux variations perturbatrices de prix ou de volumes des produits. Cet outil facilite en outre le processus de réduction des droits, puisqu'il garantit que celui-ci n'entraînera pas des afflux d'importation trop brusques. Rappelons ici que 36 membres de l'OMC se sont réservés le droit d'utiliser cette clause de sauvegarde, parmi lesquels 25 pays en développement, comme l'Afrique du Sud (pour 166 produits), le Botswana (160 produits), le Guatemala (107 produits), le Mexique (293 produits), le Maroc (374 produits), la Namibie (166 produits), ou les Philippines (118 produits).

(2) Le renforcement nécessaire de la protection des indications géographiques

La Communauté européenne estime que l'amélioration de l'accès aux marchés exige, en contrepartie, des conditions de concurrence loyales pour les produits dont la réputation est liée à leur origine géographique et à un savoir-faire traditionnel. Elle propose, dans ce but, de renforcer la protection juridique des productions de qualité par le respect des indications géographiques et des appellations d'origine.

Le volet relatif à la protection des indications géographiques constitue en effet un élément essentiel des négociations agricoles à l'OMC.

L'Accord de Marrakech sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) a établi un cadre de protection des indications géographiques. Il définit les indications géographiques comme des références qui servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d'un membre ou d'une région ou localité de ce territoire dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique (article 22.1). Les parties doivent avoir les moyens d'empêcher l'utilisation d'indications qui induisent le public en erreur quant à l'origine géographique du produit (article 22.2). En outre, l'enregistrement de marque utilisant une indication usurpée doit être refusée ou invalidée, soit d'office si la législation le permet, soit à la requête d'une partie intéressée (article 22.3).

Le champ d'application de ces dispositions est relativisé par l'article 23.1 de l'accord, qui fait seulement référence aux vins et aux spiritueux et non aux autres produits, actuellement dépourvus des protections prévues par l'ADPIC.

L'ADPIC prévoit cependant de renforcer ces protections. Son article 23.4 dispose que les membres de l'OMC devront négocier au sein du Conseil de l'OMC en charge des ADPIC (Conseil ADPIC) l'établissement d'un registre multilatéral de notification et d'enregistrement des indications géographiques.

La Déclaration ministérielle de Doha a précisé le calendrier de ces négociations. Les paragraphes 12 et 18 indiquent que la question l'extension de la protection des indications géographiques accordée aux vins et spiritueux devrait faire l'objet d'une recommandation du Conseil des ADPIC au Comité de négociations commerciales d'ici fin 2002. Les membres de l'OMC sont convenus de négocier l'établissement d'un registre de notification et d'enregistrement des indications géographiques dans ce secteur d'ici la Conférence ministérielle de Cancun.

L'alliance formée sur ce sujet entre pays européens et pays en développement est capitale pour contrer la stratégie de négociation des Etats-Unis et de certains pays du « nouveau monde » producteurs de vin. Ils insistent sur la lourdeur de la mise en place d'un registre multilatéral, et tentent de convaincre les pays en développement qu'ils n'ont rien à gagner dans l'institution d'un système supranational protégeant les milliers d'indications géographiques de la Communauté européenne.

Aussi, pour les vins et les spiritueux, les Etats-Unis proposent-ils d'établir une procédure de notification permettant que les obligations en matière d'appellations ne soient imposées qu'aux membres de l'OMC volontaires pour participer à un tel système.

Or, ce système « à la carte » aboutirait à créer un tel déséquilibre entre les obligations des membres y participant et les autres qu'il viderait de sa substance la protection des indications géographiques.

Il est vrai que les Etats-Unis n'ont aucun intérêt à voir se renforcer la protection des appellations de vins à l'OMC. La réglementation américaine autorise en effet l'usurpation par les producteurs de ce pays de dénominations communautaires de très grande réputation. Les exemples les plus connus sont le Bourgogne (Burgundy), le Claret, le Chablis, le Champagne, le Malaga, le Madère, le Sauternes et le Sherry. La loi d'Amato de 1997 a codifié cette réglementation relative à l'utilisation des noms de vins semi-génériques dans le droit fédéral.

Au-delà du secteur du vin, la Communauté européenne a transmis par ailleurs, en juin 2002, une communication appelant à l'extension des protections d'indications géographiques prévues par l'ADPIC aux autres produits issus de l'agriculture, à laquelle ont souscrit 20 autres membres de l'OMC (Bulgarie, Chypre, Cuba, Géorgie, Hongrie, Inde, Islande, Kenya, Lichtenstein, Malte, Maurice, Pakistan, République tchèque, Roumanie, Slovénie, Sri Lanka, Suisse, Thaïlande et Turquie). En réaction, les Etats-Unis ont transmis à l'OMC en septembre 2002 une note conjointe avec le Guatemala, l'Argentine, l'Australie, le Canada, le Chili, El Salvador, la Nouvelle-Zélande, le Paraguay, les Philippines, la République dominicaine et Taiwan, critiquant ces propositions dès lors qu'elles visent à établir des protections supplémentaires pour les indications géographiques.

L'opposition entre l'Union européenne et la coalition Etats-Unis/pays tolérant les usurpations d'indications a empêché le Conseil des ADPIC de formuler une recommandation concernant l'extension de la protection des indications géographiques avant la fin de l'année 2002, conformément au calendrier arrêté par la Déclaration ministérielle de Doha. Cette question doit être traitée par la prochaine session du Conseil des ADPIC, prévue pour les
18-20 février 2003.

La démarche européenne est pourtant la seule qui puisse offrir toutes les garanties nécessaires aux pays souhaitant protéger la réputation de qualité et d'excellence de leurs productions locales. Elle répond donc aux préoccupations des pays en développement qui souhaitent se prémunir contre l'usurpation d'indications mondialement connues. Certains grands pays du Sud ont souscrit à l'approche de l'Union européenne précisément dans ce but. Ainsi, le ministre du commerce extérieur de l'Inde et le ministre délégué du commerce extérieur de la France, M. François Loos, en ont souligné l'intérêt lors de leurs entretiens bilatéraux du 25 novembre 2002, en citant l'exemple de la protection du riz Basmati et du thé Darjeeling.

Enfin, on observera que la proposition européenne préserve les éléments de souplesse de l'ADPIC en faveur des pays en développement. En effet, le registre multilatéral devrait permettre aux pays qui le souhaitent de ne pas être affectés par l'enregistrement d'indications géographiques s'ils se trouvent dans l'un des cas de figure suivants prévus par l'ADPIC :

- les membres de l'OMC pourront se soustraire aux effets juridiques de l'enregistrement d'une indication si celle-ci est manifestement non conforme aux dispositions de l'article 22.1 ;

- les membres de l'OMC ne sont pas tenus de protéger les indications géographiques qui ont cessé d'être protégées dans leur pays d'origine ou qui sont tombées en désuétude, conformément à l'article 24.9 ;

- l'article 24.6 prévoit enfin que les membres ne sont pas tenus de protéger une indication géographique qui est devenue le terme générique employé pour désigner le produit en question.

(3) Une meilleure prise en compte du principe de précaution

L'ouverture maîtrisée des marchés impose aussi une meilleure prise en compte du principe de précaution par l'OMC. En effet, la libéralisation des échanges agricoles ne peut être acceptable pour nos concitoyens que si elle s'accompagne d'un renforcement des règles garantissant la sécurité des produits agricoles importés.

La proposition de modalités de la Communauté européenne propose de clarifier l'utilisation du principe de précaution par l'établissement d'une définition stricte des critères d'application de celui-ci, en conformité avec l'article 5.7 de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires tel qu'interprété par l'Organe d'appel de l'Organe de règlement des différends de l'OMC dans l'affaire du « bœuf aux hormones ».

Le principe de précaution, selon lequel le doute scientifique concernant l'innocuité d'un produit pour la santé humaine doit bénéficier au consommateur, est un principe de base de la sécurité alimentaire. A la suite des différentes crises sanitaires ayant affecté la Communauté européenne, le Conseil européen de Nice des
7-9 décembre 2000 a adopté une résolution à ce sujet, dans laquelle il considère « qu'il y a lieu de recourir au principe de précaution dès lors que la possibilité d'effets nocifs sur la santé ou l'environnement est identifiée et qu'une évaluation scientifique préliminaire sur la base des données disponibles, ne permet pas de conclure avec certitude sur le niveau de risque ». L'Union européenne a adopté sur la base de ces conclusions et d'une communication de la Commission européenne en date du 2 février 2000 un règlement (CE) n° 178/20002 du 18 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la sécurité alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité alimentaire et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires. Il consacre à son article 7 le principe de précaution, ainsi défini : « dans des cas particuliers où une évaluation des informations disponibles révèle la possibilité d'effets nocifs sur la santé, mais où il subsiste une incertitude scientifique, des mesures provisoires de gestion du risque, nécessaires pour assurer le niveau élevé de protection de la santé choisie par la Communauté, peuvent être adoptées dans l'attente d'autres informations scientifiques en vue d'une évaluation plus complète du risque ».

L'application du principe de précaution que fait l'Union européenne en cas de doute scientifique sur la sécurité sanitaire d'un produit n'est pas encore reconnue à l'OMC, même si cette organisation n'ignore pas ce principe. C'est la raison pour laquelle l'Europe doit obtenir une clarification des conditions de sa mise en œuvre dans les négociations en cours.

Le principe de précaution et l'OMC

L'article 5.7 de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires permet aux membres de l'OMC d'adopter de manière provisoire des mesures sanitaires ou phytosanitaires dans les cas où les preuves scientifiques pertinentes sont insuffisantes. Ces mesures seront adoptées « sur la base des renseignements pertinents disponibles, y compris ceux qui émanent des organisations internationales compétentes ainsi que ceux qui découlent des mesures sanitaires ou phytosanitaires appliquées par d'autres membres. Dans de telles circonstances, les membres s'efforceront d'obtenir les renseignements additionnels nécessaires pour procéder à une évaluation plus objective du risque et examineront en conséquence la mesure sanitaire ou phytosanitaire dans un délai raisonnable ». Selon le rapport rendu le 16 janvier 1998 par l'Organe d'appel de l'ORD dans l'affaire du « bœuf aux hormones », si le « principe de précaution est effectivement pris en compte à l'article 5 :7 de l'Accord SPS », il n'a « pas été incorporé (dans l'accord) comme motif justifiant des mesures qui sont par ailleurs incompatibles avec les obligations des membres énoncées dans des dispositions particulières dudit accord ».

L'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires et celui sur les obstacles techniques au commerce ne reconnaissent que les normes alimentaires du Codex alimentarius comme normes de référence à l'OMC. Créée en 1962, à la suite d'un accord entre l'OMS et l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), cette Commission élabore des guides et des normes, afin de protéger la santé du consommateur. Elle n'a toujours pas reconnu le principe de précaution.

L'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires admet toutefois que les Etats puissent prendre des mesures de protection plus fortes que celles suggérées par le Codex, mais à la condition qu'elles soient justifiées par des critères scientifiques ou qu'elles procèdent de risques bien établis.

L'accord reconnaît donc le droit à un membre de fixer le niveau de protection qu'il juge approprié et qui peut correspondre à un risque nul. Ce droit est absolu, mais toute mesure reste soumise à un test de cohérence et d'adéquation.

Par ailleurs, la précaution doit être incorporée dans l'évaluation du risque. S'il ressort de l'évaluation que la probabilité d'un risque n'est pas nulle, une mesure définitive est considérée comme légitime. Si la probabilité d'un risque n'est pas avérée, une mesure peut être prise, mais elle doit être provisoire et encadrée.

Enfin, les règles du GATT tiennent compte des préoccupations de santé publiques par le biais de l'article XX relatif aux exceptions générales aux obligations de l'OMC. L'article XXb prévoit que des mesures dérogatoires aux obligations de l'OMC peuvent être prises à condition que celles-ci soient nécessaires à la protection de la vie ou de la santé humaine, animale ou végétale. Mais les mesures prises sur la base de l'article XX ne doivent pas être appliquées « de façon à constituer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international » (préambule de l'article XX du GATT).

Ce combat pour la reconnaissance effective du principe de précaution sera difficile, car la vision européenne de la sécurité alimentaire s'oppose à celle des Etats-Unis pour lesquels la charge de la preuve incombe non au producteur mais au consommateur qui doit prouver le risque que peut faire courir un produit.

Cette différence de conception est particulièrement vive dans le domaine de la commercialisation des organismes génétiquement modifiés (OGM). On sait que depuis 1999 un moratoire sur la mise sur le marché de nouveaux OGM a été imposé par sept Etats membres (Autriche, Belgique, Danemark, France, Grèce, Italie et Luxembourg) en raison de l'absence d'une législation communautaire appropriée sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM. Cette situation est susceptible d'évoluer avec l'adoption, le 9 décembre 2002, d'un règlement prévoyant que chaque opérateur de la chaîne de production et de distribution sera tenu d'informer l'opérateur suivant de la présence d'OGM dans ces produits par une documentation et un étiquetage appropriés, sauf en cas de présence accidentelle d'OGM dans une proportion inférieure à 0,9 %. Il reste que les Etats-Unis, dont le tiers des surfaces de maïs et les trois quarts des surfaces de soja sont occupées par des plantes transgéniques, ont dénoncé ce moratoire, en lançant de graves accusations contre ses effets. Le ministre du commerce extérieur américain, M. Robert Zoellick, a estimé qu'il contribuait à la famine en Afrique après que la Zambie ait refusé, en octobre 2002, une cargaison de 15 000 tonnes de maïs provenant des Etats-Unis et destinée à des fins d'aide alimentaire au motif qu'il était transgénique. Le 12 novembre 2002, plus de 25 organisations agricoles américaines ont demandé à l'administration américaine d'engager une procédure devant l'ORD contre le moratoire européen. M. Robert Zoellick s'est déclaré, le 12 janvier 2003, favorable à une telle initiative. C'est dire si la détermination de l'Europe devra être forte en ce domaine également.

b) Les soutiens à l'agriculture

(1) Discipliner toutes les formes de subventions aux exportations

La Communauté européenne propose de procéder à de nouvelles réductions des restitutions à l'exportation à condition que d'autres formes d'aide aux exportations agricoles fassent l'objet de disciplines à l'OMC : crédits à l'exportation, recours abusif à l'aide alimentaire internationale, emploi de monopoles à l'exportation ou d'entreprises commerciales d'Etat. Pour ces soutiens, la proposition de modalités de la Commission européenne prévoit de calculer les engagements de réduction à partir de la période pour laquelle sont disponibles les plus récentes statistiques.

La proposition relative aux modalités prévoit une réduction moyenne « substantielle » du volume des subventions à l'exportation et une réduction moyenne des dépenses budgétaires liées à ces subventions de 45 % à condition que des flexibilités soient prévues selon la nature des produits et que toutes les formes de soutiens aux exportations soient traitées sur un pied d'égalité.

S'agissant des crédits à l'exportation, la Communauté européenne propose d'imposer des disciplines sur ces aides et de les soumettre à des engagements de réduction équivalents à ceux pris pour les subventions aux exportations. Plus particulièrement, les soutiens publics aux crédits à l'exportation dont la durée de remboursement excède un délai maximal à définir et les volumes budgétaires que ces soutiens représentent doivent être consolidés et réduits selon un pourcentage égal à celui qui sera négocié pour les subventions aux exportations. Les conditions de garanties applicables aux crédits à l'exportation doivent se rapprocher de celles en vigueur pour les crédits commerciaux, avec une obligation de remboursement échelonnée de 6 mois en 6 mois.

S'agissant du recours abusif à l'aide alimentaire internationale à des fins commerciales, l'Union européenne a présenté en décembre 2001 à l'OMC une proposition qui vise à établir de strictes disciplines en la matière. Ainsi, l'aide alimentaire ne pourrait plus être fournie que sous la forme de dons et non de crédits, afin de ne pas accroître l'endettement des pays en développement. L'Union européenne propose aussi que l'aide alimentaire soit fournie sur la base de produits achetés sur le marché local ou régional dans un double objectif  : l'aide pourra mieux correspondre aux besoins des populations bénéficiaires, c'est-à-dire à des groupes de population vulnérables bien définis, et ne mettra pas en péril les productions locales. Enfin, ces dons ne doivent être autorisés que dans le cadre de l'aide humanitaire d'urgence et après une demande formulée par les organisations internationales compétentes. Conformément à ces principes généraux, la proposition relative aux modalités des négociations agricoles de la Communauté européenne prévoit de ne fournir l'aide alimentaire que sous forme de dons en nature à des groupes vulnérables ciblés ou à des pays affectés par des crises humanitaires. Les organismes internationaux compétents devront aider l'OMC à identifier ces populations ou ces situations. Enfin, les membres de l'OMC devraient verser lorsque cela est possible une aide monétaire directe pour financer l'achat de produits alimentaires au sein du pays bénéficiaire ou auprès d'autres pays en développement.

En ce qui concerne les sociétés commerciales d'Etat, la proposition de modalités de l'Union européenne prévoit de les encadrer par des disciplines multilatérales précisant notamment qu'aucune exportation ne doit être vendue à un prix inférieur à celui payé par ces sociétés aux producteurs du produit en question. Toutes les opérations de ces sociétés devraient être notifiées à l'OMC, en particulier celles concernant les coûts d'acquisition des produits et la tarification des exportations agricoles.

Par ailleurs, la Commission européenne s'est dite, dans sa proposition du 16 décembre 2002, prête à éliminer les subventions aux exportations sur certains produits clefs tels que le blé, le tabac, l'huile d'olive et les graines oléagineuses. Outre que cette proposition, même si elle était justifiée au fond, est prématurée avant même que s'engage la véritable négociation, elle est inacceptable en l'état dès lors qu'elle constitue une renonciation imprudente, qui - si elle était maintenue - empêcherait toute réaction à une désorganisation du marché résultant de pratiques anormales de certains partenaires voire d'évolutions monétaires qui bouleverseraient les conditions d'échanges équitables. Le Rapporteur se réjouit donc que le Conseil du 27 janvier 2003, qui a adopté la proposition de modalités, ait supprimé la référence à l'élimination des restitutions pour ne proposer que le « retrait progressif » de ces subventions, terme qui reprend celui utilisé par la Déclaration de Doha.

(2) Préserver les trois "boîtes"et mieux encadrer les aides agricoles américaines

Selon la proposition de modalités de la Communauté européenne, la réduction du soutien couplé à la production et aux prix doit se poursuivre en utilisant les trois boîtes.

· La boîte orange

La Communauté européenne propose de poursuivre le processus de réforme engagé par l'Accord de Marrakech par une nouvelle réduction de 55 % de la mesure globale de soutien, en partant du niveau d'engagement consolidé final figurant dans l'accord de 1994. Cet engagement doit être modulé pour les pays en développement, afin de tenir compte de leurs besoins spécifiques.

La proposition concernant la baisse de la MGS va imposer de réelles contraintes sur la politique agricole américaine : si la baisse de 55 % devait s'appliquer, le plafond de la MGS des Etats-Unis passerait des 19,1 milliards de dollars du plafond actuel à 8,6 milliards. Selon les calculs d'AgriUS Analyse, les paiements contra-cycliques et les programmes d'assurance récolte/revenu ne pourraient plus être exemptés de réduction. Le montant effectif des aides de boîte orange « pourrait osciller selon le niveau des prix du marché et des dommages aux cultures, entre 7,6 et 23,4 milliards de dollars...Le plafond de 8,6 milliards de dollars serait rapidement contraignant en cas de baisse des prix entraînant le déclenchement des marketing loans ».

Parallèlement, la proposition de modalités souhaite coupler cette réduction à un renforcement des disciplines régissant les soutiens classés en boîte orange, afin d'éviter les abus constatés dans ce domaine.

Ce « recadrage » des aides de la boîte orange vise à mettre un terme à certaines pratiques des Etats-Unis.

La Communauté européenne propose dans ce but :

de supprimer la clause de minimis pour les pays développés, qui permet d'exclure de la MGS courante le soutien dont le montant est inférieur à 5 % de la valeur du produit considéré ou de la production agricole totale. Les Etats-Unis ont utilisé cette disposition pour retirer de leurs engagements de réduction des montants significatifs de soutiens : ils ont ainsi soustrait, en 1998, un montant de soutien interne de 4,7 milliards de dollars, équivalent à 46 % de leur MGS courante. Cette règle a avantagé les producteurs américains des grandes cultures, car elle a permis aux Etats-Unis de ne pas comptabiliser dans la MGS courante les paiements contre les pertes de marché et les programmes d'assurance récolte et d'assurance revenu. La Commission européenne a indiqué que cette clause avait ainsi permis aux Etats-Unis de soustraire au total 20 milliards d'euros d'aides de ses engagements de réduction ;

d'instituer des disciplines spécifiques aux aides variant avec les prix du marché et bénéficiant aux produits dont une proportion substantielle est exportée. Cette proposition vise directement les paiements compensateurs de marketing loans. Cette demande de la Communauté européenne a été rajoutée à l'initiative de la France, la proposition initiale de la Commission européenne ne faisant que prévoir un renforcement des règles relatives au soutien interne autre que par produit comme les programmes d'assurance récolte. Cet objectif de négociation, oublié à tort par la Commission européenne, figurait d'ailleurs dans la proposition globale de négociation de l'Union européenne du 14 décembre 2000, conformément au mandat donné par le Conseil en novembre 2000 : la Communauté européenne proposait en effet « qu'une discipline spécifique soit appliquée à différentes subventions de la boîte orange qui ont pour effet de doper les résultats à l'exportation en compensant les fluctuations de prix ».

Le Rapporteur estime que la Commission européenne et les Etats membres doivent calculer à cet effet, sur la base de travaux d'experts, les équivalents en subventions aux exportations des marketing loans, afin que ces derniers soient traités pour ce qu'ils sont, c'est-à-dire des aides à l'exportation. L'Association générale des producteurs de blé et autres céréales propose de déterminer l'équivalent subvention à l'exportation (ESE) des marketing loans de la manière suivante : en volume, l'ESE serait égal au volume de la production ayant reçu cette aide multiplié par le ratio moyen exportations/production du produit considéré et, en valeur, l'ESE serait égal au montant de ces aides multiplié par le ratio moyen exportations/production du produit considéré. Les quantités et les valeurs des ESE constitueraient les plafonds à partir desquels seraient calculés les engagements de réduction. Les Etats-Unis devraient alors respecter ces nouvelles disciplines en réduisant soit la part de la production recevant une aide de marketing loans, soit la part de la production exportée ou abaisser le montant unitaire des aides de marketing loans. Ces options sont identiques à celles que doit choisir l'Union européenne pour respecter ses engagements en matière de subventions aux exportations.

Le « recadrage » des aides de la boîte orange devrait néanmoins aller plus loin que celui actuellement proposé pour remédier définitivement aux déséquilibres affectant l'Accord sur l'agriculture dans ce domaine.

Plusieurs études ont en effet démontré que les disciplines de cette boîte sont affectées d'une inégalité de traitement qui pénalise l'Europe et avantage les Etats-Unis(27).

Pour ne citer que l'étude d'Isabelle Albouy et de Jean-Christophe Debar, celle-ci souligne que les règles actuelles de la boîte orange ne répondent pas aux objectifs fondamentaux de l'Accord sur l'agriculture, car elles ne permettent pas de distinguer le degré réel de distorsion de chacune des mesures qui y sont incluses. Cette étude estime que les trois principaux types d'aides qui composent la MGS - soutien des prix de marché, aides de garantie de prix et autres dépenses de soutien - doivent être isolés et faire l'objet de disciplines spécifiques, proportionnées à leur capacité réelle de distorsion. Dans ce schéma, les aides directes de garantie de prix comme les marketing loans devraient être soumises aux mêmes disciplines que les subventions aux exportations.

· La boîte bleue

On rappellera que les aides de la boîte bleue ne sont pas soumises à des obligations de réduction. Mais ce statut favorable est limité dans le temps : l'engagement - connu sous le nom de clause de paix - pris par les parties contractantes de ne pas contester ces mesures de soutien ne court en effet que jusqu'en décembre 2003.

Cette clause de paix résulte d'une demande des négociateurs européens, qui ont pu obtenir ainsi que les paiements compensatoires à la baisse des prix de 1992 échappent à tout effort de réduction.

La Communauté européenne propose de maintenir la boîte bleue, ainsi que les règles et les disciplines qui leur sont applicables. La proposition relative aux modalités prévoit que soit conservée l'exemption des versements directs prévue par l'article 6.5 de l'Accord sur l'agriculture, qui soustrait des obligations de réduction les versements fondés sur une superficie et des rendements fixes ou effectués pour 85 % du niveau de base de la production ou pour un nombre de têtes fixes s'agissant des versements pour le bétail.

Cette demande de prorogation du statut spécifique des aides directes de la boîte bleue se justifie pour trois raisons.

En premier lieu, ces aides sont liées à un programme de maîtrise de l'offre : elles contribuent donc à la stabilisation des marchés agricoles, à l'inverse des aides aux revenus américaines qui incitent à l'augmentation de la production. L'OCDE a d'ailleurs estimé que les versements relevant de la catégorie bleue ont eu des résultats positifs sur la réforme agricole, qui démontrent qu'ils continuent d'être un instrument important pour la poursuite de celle-ci. Son rapport sur la matrice d'évaluation des politiques agricoles de févier 2000 indique en effet que « l'impact d'un montant donné de soutien peut largement différer parmi les mesures de soutien choisies pour octroyer ce soutien. Les paiements à l'hectare, même lorsqu'ils sont associés à une obligation de culture, se sont avérés relativement plus efficaces en termes de revenus et ont créé moins de distorsions aux échanges que toute autre forme de soutien [soutien des prix du marché, versements fondés sur la production ou versements fondés sur l'utilisation d'intrants variables]. Les paiements fondés sur l'utilisation d'intrants variables se sont avérés être le type de soutien aux producteurs le plus inefficace et, à peu d'exceptions près, ont créé les plus grandes distorsions aux échanges ».

En deuxième lieu, ces aides sont appelées à occuper une place de plus en plus importante dans les mécanismes de la PAC. Les aides directes doivent en effet augmenter de 35 % sous l'effet des mesures adoptées par le Conseil européen de Berlin, mais elles représentent déjà 65 % des dépenses du FEOGA-Garantie. Elles jouent un rôle essentiel dans la stabilisation du revenu des agriculteurs, qui se justifie par le fait qu'elles visent à compenser - et de manière seulement partielle - les baisses de prix. De plus, ces baisses de prix ayant été en partie décidées au vu des contraintes imposées par les négociations commerciales multilatérales, les aides directes constituent la contrepartie indispensable des efforts d'adaptation demandés aux agriculteurs. Aussi, doivent-elles être impérativement préservées.

En dernier lieu, ces aides constituent l'un des piliers du volet agricole de l'élargissement : elles seront en effet introduites graduellement dans les dix futurs Etats membres de l'Union européenne, conformément aux conclusions du Conseil européen de Bruxelles des 24 et 25 octobre 2002. Celles-ci ont été confirmées par le Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre 2002, qui a clôturé les négociations d'adhésion de 10 pays candidats (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie et Slovénie). L'Union européenne versera, à compter de la date prévue pour l'élargissement, le 1er mai 2004, aux agriculteurs des Etats membres un montant équivalent à 25 % des aides compensatrices perçues par les agriculteurs des Quinze en 2004. Ce taux sera ensuite porté à 30 % en 2005, 35 % en 2006, 40 % en 2007, puis sera augmenté de 10 % par an pour atteindre 100 % en 2013.

Il reste que le maintien nécessaire de cette boîte dans sa configuration actuelle est contesté, car celle-ci apparaît comme étant trop exclusive, c'est-à-dire créée pour répondre aux seuls besoins de l'Europe.

Dans ces conditions, il conviendrait de donner à la boîte bleue l'objectif explicite de stabilisation du revenu et de la production agricoles. Cette boîte comprendrait donc les mesures autorisées au titre du soutien des revenus agricoles et de la maîtrise de la production. La boîte bleue ainsi conçue serait liée à la reconnaissance du droit de chaque membre de l'OMC à maintenir son modèle agricole. Serait ainsi reconnu le droit qu'a chaque collectivité de contribuer à la rémunération des agriculteurs, car ces derniers interviennent dans un marché peu comparable aux autres, structurellement affecté par des variations de prix importantes (demande en hausse et offre soumise à des aléas), pour réaliser un objectif public essentiel, qui est de produire pour tous une alimentation saine et abondante sans créer d'excédents.

· La clause de paix

La Communauté européenne propose de proroger la clause de paix, qui selon elle est le corollaire de la spécificité de l'Accord sur l'agriculture.

· La boîte verte

La Communauté européenne souhaite maintenir la notion de boîte verte, qui regroupe les aides entièrement découplées et exemptes de toute obligation de réduction.

Elle se déclare globalement satisfaite des critères actuels de cette boîte, car ils permettent de prendre en compte les mesures qui répondent aux aspirations de la société telles que la protection de l'environnement, le maintien de la vitalité des zones rurales et la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire pour les pays en développement et le bien-être des animaux.

Dans ce but, la proposition de modalités présentée par la Commission européenne indique que les soutiens visant à atteindre les objectifs évoqués ci-dessus doivent continuer à être autorisés à la condition que ces mesures soient proportionnées, transparentes et appliquées de manière à créer le moins de distorsions.

Les mesures « vertes » retenues par la Communauté européenne étant en fait celles destinées à promouvoir le rôle multifonctionnel de l'agriculture, le Rapporteur propose qu'aux côtés de la boîte bleue de stabilisation du revenu et de la production agricoles, soit instituée une « boîte pour la multifonctionnalité », qui regrouperait les aides aux fonctions agricoles autres que productives et comprendrait toutes les mesures anciennement classées en boîte verte.

c) Une timidité regrettable dans la défense du rôle multifonctionnel de l'agriculture

Conformément à l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture, la Déclaration ministérielle de Doha indique que les considérations autres que d'ordre commercial font partie intégrante des négociations agricoles.

Pour l'Union européenne, cela implique que le rôle multifonctionnel de l'agriculture soit reconnu.

Cette activité productive génère, en effet, des biens et des services qui présentent des caractères d'externalité dites positives ou de biens publics car bénéficiant à l'ensemble des citoyens : le développement durable, la protection de l'environnement, la vitalité des zones rurales, la lutte contre la pauvreté, la sécurité sanitaire des aliments, les préoccupations légitimes des consommateurs et le bien-être animal.

Ces fonctions ne pouvant être assurées par le marché, elles doivent être prises en charge par la puissance publique et justifient le versement d'aides spécifiques aux agriculteurs. Le concept de la multifonctionnalité de l'agriculture permet donc de reconnaître l'interdépendance entre la fonction productive de cette activité et ses autres fonctions et de concilier le maintien d'une activité viable sur le plan économique avec l'exploitation durable et équilibrée d'un territoire.

La prise en compte du caractère multifonctionnel de l'activité agricole à l'OMC constitue donc un enjeu fondamental des négociations en cours, car elle légitime le maintien de « l'exception agricole » dans le système commercial multilatéral.

Par ailleurs, la reconnaissance de la multifonctionnalité de l'agriculture permet de préserver la diversité des agricultures, celles du Nord comme celles du Sud. Elle repose sur une vision de l'agriculture qui est le contre-exemple du « modèle agricole » des pays du groupe de Cairns, dominé par de grandes exploitations à vocation mono-exportatrice.

La prise en compte de la contribution de l'agriculture à la vitalité des zones rurales et à la lutte contre la pauvreté permet en outre de justifier les soutiens destinés à préserver une agriculture vivrière, dont le maintien est crucial pour les pays pauvres. Aussi, l'Europe doit-elle jouer la carte de la multifonctionnalité auprès des pays du Sud : ce concept les aidera à rebâtir, sous le couvert des règles de l'OMC, les instruments manquants actuellement à leur politique agricole.

Cet effort de pédagogie doit se porter d'abord sur les pays ACP membres de l'OMC, qui ont tout intérêt à participer à l'élaboration d'un cadre juridique leur permettant de protéger leur agriculture vivrière.

Mais il doit également permettre à l'Union européenne de nouer la plus large alliance possible à l'OMC, incluant aussi bien des pays développés soucieux de protéger leur agriculture pour des raisons culturelles, comme le Japon ou la Norvège, que de grands pays en développement, comme l'Inde, pour lesquels la question de l'autosuffisance alimentaire demeure vitale.

D'ores et déjà, l'Union européenne n'est plus seule dans son combat pour la reconnaissance du rôle multifonctionnel de l'agriculture. Suite à la Conférence de Ullensvag sur les considérations agricoles autres que d'ordre commercial, réunie du 1er au 4 juillet 2000 en Norvège, la Communauté européenne a présenté le 28 septembre 2000 une communication sur le sujet à l'OMC, conjointement avec 22 autres pays (Barbade, Burundi, Chypre, Corée, Estonie, Fidji, Islande, Japon, Lettonie, Liechtenstein, Malte, Maurice, Mongolie, Norvège, Pologne, République tchèque, Roumanie, Sainte-Lucie, Slovaquie, Slovénie, Suisse et Trinité-et-Tobago).

Malgré ce contexte favorable, la proposition de modalités ne contient curieusement aucune référence explicite au concept de multifonctionnalité. Certes, ce document aborde des questions qui intéressent directement la multifonctionnalité, mais sans les intégrer à cette notion. Le Rapporteur s'étonne cependant qu'au moment où l'Europe doit porter sa vision de l'agriculture à l'OMC la Commission européenne oublie de mentionner, dans ses propositions de négociation, une notion aussi essentielle pour l'agriculture et les consommateurs européens.

Le Rapporteur estime que cet omission est regrettable, car elle semble traduire un manque d'ambition pour la défense de notre modèle agricole et alimentaire. Elle doit donc être rectifiée.

Ce manque d'ambition contraste d'ailleurs de façon incompréhensible avec la témérité de ses propositions concernant les objectifs chiffrés de la négociation (voir infra).

L'Union européenne doit donc adopter à l'OMC une position offensive pour la reconnaissance de la multifonctionnalité. Elle doit en outre demander l'inscription de cette notion à l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture relatif à la poursuite du processus de libéralisation si celui-ci devait être maintenu : la négociation serait ainsi durablement encadrée dans ses objectifs puisqu'elle sera juridiquement tenue de respecter les éléments constitutifs de l'exception agricole.

· En ce qui concerne le développement rural, la proposition de modalités prévoit de faire reconnaître par l'Accord sur l'agriculture les mesures visant à soutenir la diversification des exploitations, la promotion de l'environnement, la prévention de catastrophes naturelles et l'aménagement du territoire.

· En ce qui concerne le bien-être des animaux, la Communauté européenne propose d'exempter des engagements de réduction les coûts induits par la mise en conformité des pratiques agricoles avec les normes relatives au bien-être animal.

d) Le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement

(1) Des propositions généreuses...

Le Rapporteur a indiqué auparavant que, sous couvert d'améliorer le traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement, certains pays du Sud membres de l'OMC proposent de créer un corpus de règles séparées en matière de disciplines agricoles pour les pays riches et les pays pauvres.

Cette proposition remettant en cause la notion même de disciplines commerciales communes, le Rapporteur tient à souligner que l'institution d'exceptions au profit des pays en développement doit préserver un certain équilibre global entre les droits et les obligations respectifs des pays en développement et des pays développés.

Il faut donc créer un traitement spécial et différencié pour les agricultures des pays en développement qui soit adapté à leurs besoins, mais qui ne remette pas en cause le cadre commun multilatéral au bénéfice des pays du Sud exportateurs agricoles.

La proposition de modalités de la Communauté européenne avance quelques pistes générales de réflexion intéressantes sur ce sujet, mais qui doivent être nuancées pour tenir compte des divers types de pays en développement. Elle prévoit :

- de réduire de manière significative la progressivité des droits de douane sur les exportations de produits agricoles des pays en développement ;

- d'appliquer des engagements de réduction moins contraignants aux pays en développement, sur une période de mise en œuvre plus longue ;

d'examiner de manière appropriée le problème que pose pour les pays en développement des taux d'inflation élevés pour le respect des engagements de réduction, y compris d'étudier la possibilité de prendre des engagements dans des monnaies ou des paniers de monnaie stables ;

de créer une boîte de « sécurité alimentaire » tenant compte des éléments suivants :

une clause de sauvegarde spécifique pour les pays en développement, afin de faciliter la mise en œuvre des engagements de réduction des droits et de prendre en compte les préoccupations de ces pays concernant les produits agricoles sensibles du point de vue de leur sécurité alimentaire ;

la révision de la clause de minimis pour les pays en développement, afin de lui donner plus de flexibilité. Cela signifie en clair que la Communauté européenne est prête à réviser à la hausse le montant de minimis actuellement autorisé pour les pays en développement, qui est de 10 % ;

l'examen des besoins en matière de soutiens internes des pays en développement, afin de faciliter l'adoption par ces pays de politiques de soutiens spécifiques à des produits agricoles déterminés, contribuant à leur sécurité alimentaire et à leur diversification rurale.

On rappellera qu'à l'inverse des propositions européennes, qui constituent une base de réflexion approfondie pour faire avancer la question du traitement spécial et différencié, la proposition de modalités des Etats-Unis prévoie une réduction indifférenciée des tarifs agricoles à un taux maximal de 25 %, la suppression de la clause de sauvegarde et « d'identifier» (identifying) les mesures de soutien aux agriculteurs pauvres pouvant être exonérées des engagements de réduction.

On ne peut donc qu'être frappés du contraste entre la générosité respective des propositions américaine et européenne ; ceci doit être souligné et faire partie de la stratégie de communication qui doit être engagée par l'Union européenne auprès des pays en développement pour expliquer que sa politique agricole et ses propositions ne constituent pas du protectionnisme affiché ou rampant.

(2) ...Qui doivent être accompagnées d'une redéfinition de la notion de pays en développement

Le Rapporteur estime que le renforcement du traitement spécial et différencié doit s'accompagner d'une réflexion sur la notion de pays en développement : en effet, les mesures « discriminatoires » qu'il comporte s'appliquent aujourd'hui indifféremment à des pays aussi peu comparables que la Malaisie, le Maroc ou le Nigeria.

La seule catégorie de pays en développement clairement identifiée à l'OMC est celle des PMA. Il convient donc de distinguer d'autres catégories au sein des pays en développement, afin d'affiner le traitement spécial et différencié applicable dans le cadre du prochain accord agricole. Dans ce but, il serait utile que les négociateurs à l'OMC puissent travailler sur la base de notions reconnues sur le plan international.

Une première piste consisterait à utiliser la notion de pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), qui est reconnue par la FAO. Sont classés dans cette catégorie 82 pays qui ont droit aux prêts concessionnels de l'Association internationale de développement du groupe de la Banque mondiale (pays dont le revenu par habitant est inférieur à 875 dollars) et connaissent une situation nette du commerce des produits alimentaires (céréales, racines, légumineuses, graines oléagineuses, huiles, viandes et produits laitiers) déficitaire depuis trois ans(28).

Une autre solution consisterait à réfléchir sur la notion d'index de développement et de spécialisation, utilisée par le schéma de préférences généralisées de la Communauté européenne. Ce dernier accorde des préférences tarifaires aux pays en développement, qui peuvent être toutefois retirées aux produits originaires d'un pays bénéficiaire si l'index de développement du pays est supérieur à 2 et l'index de spécialisation du secteur concerné dépasse un seuil de 100 %. L'index de développement, qui est calculé sur la base d'une équation, fait référence au niveau de développement industriel d'un pays par rapport au celui de l'Union européenne. L'index de spécialisation fait référence à l'importance d'un secteur (agriculture, industrie ou services) dans les importations communautaires en provenance d'un pays bénéficiaire(29). Une réflexion pourrait être engagée au niveau multilatéral pour identifier avec précision les pays du Sud non émergents tributaires de leur exportations agricoles ayant besoin d'un traitement spécial et différencié adapté.

L'objectif de ces propositions est de parvenir à distinguer parmi les pays en développement ceux qui nécessitent effectivement un traitement spécial et différencié ambitieux, notamment les pays à faible revenu et à déficit vivrier, de ceux pour lesquels, en matière agricole, le recours à une telle dérogation serait manifestement injustifié, comme ce serait le cas pour les pays émergents tels que l'Argentine, le Brésil, la Thaïlande ou la Corée.

e) Des objectifs de réduction imprudents en raison des marges de manœuvre disponibles

(1) Les marges de manœuvre disponibles...

Le Commissaire européen en charge du commerce extérieur, M. Pascal Lamy, a confirmé, le 18 décembre 2002, à la Délégation pour l'Union européenne, que l'Europe disposait déjà d'un important crédit de négociation à l'OMC pour les discussions concernant l'agriculture grâce aux réformes de la PAC entreprises en 1992 et 1999.

Ce crédit de négociation est égal à la différence entre les engagements souscrits par l'Europe à partir de 1995 en matière de baisse des droits et des soutiens et la marge de négociation dégagée par les réformes de la PAC de 1992 et de 1999 qui ont permis à l'Europe de respecter largement les plafonds d'engagements prévus par l'Accord sur l'agriculture.

Lors de son audition par la Délégation pour l'Union européenne, le Commissaire européen a ajouté que c'est le crédit de négociation donné par la réforme de 1999 qui a déterminé la fixation des réductions prévues par la proposition relative aux modalités de la négociation agricole, soit une baisse moyenne de 35 % des droits de douane consolidés, de 55 % de la MGS et de 45 % des subventions aux exportations.

La conformité de ces propositions avec le crédit de négociation doit être examinée avec attention, car ce dernier n'est pas illimité : les marges de manœuvres disponibles justifient en effet une certaine retenue dans la négociation.

(2) ...Imposent de respecter une certaine retenue

L'examen des marges de manœuvre dégagées par la réforme de 1999 en ce qui concerne les trois volets des négociations à l'OMC (l'accès aux marchés, les subventions aux exportations et les soutiens internes) indique que toute concession qui irait au-delà de ces dernières serait préjudiciable à la PAC.

Or, selon le ministère de l'agriculture, la proposition de modalités utilise tout le crédit de négociation de l'Europe. Si elle permet à l'Union européenne d'afficher un document ambitieux à l'OMC, elle comporte aussi le risque majeur de ne plus lui laisser de marges de manœuvre dans les discussions à venir, si nos partenaires durcissent leurs exigences.

· Les propositions concernant la baisse de la protection tarifaire (baisse des droits de douane de 36 % en moyenne et baisse minimale de 15 % par ligne tarifaire) sont susceptibles de remettre en cause la préférence communautaire.

Selon le ministère de l'agriculture, les marges de manœuvre consécutives à l'accord à Berlin autorisées par les baisses de prix peuvent permettre une baisse équivalente des droits de douane, de l'ordre de 30 %, pour les secteurs des céréales, de la viande bovine et du lait. La proposition de négociation la Communauté européenne se " cale " sur cet acquis, mais toute concession qui irait au-delà de ce maximum pourrait conduire à mettre à mal le principe d'une préférence communautaire.

A cette observation d'ordre général s'ajoute le fait que pour les céréales, la règle des 155 %, qui limite le niveau des droits à l'importation afin que le prix d'importation plus les droits payés ne soit pas supérieur à 155 % du prix d'intervention, constitue une contrainte à prendre en compte, même si elle est relativement protectrice du marché céréalier communautaire et qu'elle ne doit pas être abandonnée. S'agissant du lait, la réforme de l'OCM n'entre en vigueur qu'en 2005, ce qui fait que toute concession commerciale antérieure concernant ce secteur serait prématurée et remettrait en cause " l'acquis " de Berlin.

Pour les autres secteurs, une nouvelle baisse éroderait de manière substantielle la protection tarifaire, notamment dans les domaines de la volaille, des tomates, des pommes de terre. Un secteur comme le sucre ne dispose quasiment d'aucune marge de manœuvre, compte tenu du niveau de prix interne. L'entrée à droit zéro du sucre produit par les PMA prévue pour 2009 constitue un autre facteur à prendre en compte.

Le ministère de l'agriculture estime que la sensibilité très diverse des différents secteurs à baisse de la protection tarifaire rend nécessaire de conserver une certaine marge de flexibilité, qui prendrait la forme d'une modulation, dans la réduction des droits, en particulier dans les secteurs non réformés.

Suite aux demandes de garanties formulées par les Etats membres concernant le volet tarifaire des négociations lors du Conseil du 27 janvier 2003, la Commission européenne a adopté le même jour une Déclaration précisant que « les modalités proposées tracent les lignes directrices générales quant à la méthode à appliquer pour faire des propositions. La question de la transposition de cette méthode en propositions spécifiques ne sera soulevée qu'ultérieurement et devra, par ailleurs, être traitée et considérée comme une question interne à la Communauté. La Commission soumettra au Conseil un projet détaillé de proposition relative à l'accès aux marchés afin qu'il puisse faire l'objet d'une discussion au Conseil ».

Cela signifie que les résultats tarifaires de la négociation ne seront transposées en droit communautaire qu'au terme du processus classique de décision de la Communauté européenne : la Commission européenne devra faire des propositions transposant les résultats de la négociation, qui seront ensuite discutées et adoptées par le Conseil, ce dernier gardant donc tout son pouvoir d'appréciation pour adapter en interne l'issue des négociations tarifaires.

A cette garantie au niveau de la procédure, s'ajoute un autre engagement de la Commission européenne, qui concerne le fond de la négociation : celle-ci précise en effet que « tout au long de cet exercice sur l'accès aux marchés, la Commission restera vigilante en ce qui concerne les produits particulièrement concernés à la concurrence internationale. A cet égard, et comme nous l'avons déjà indiqué la semaine passée, la Commission accordera une attention spéciale aux produits qui ont fait l'objet dans le passé de réductions substantielles ainsi qu'aux produits particulièrement sensibles. »

· En ce qui concerne les restitutions aux exportations, leur suppression éventuelle, comme le proposait le texte initial de la Commission européenne pour certains produits, était inacceptable.

Pour se justifier, la Commission européenne a fait observer que l'Europe n'utilisait plus les restitutions pour le tabac, les oléagineux et l'huile d'olive, ce qui est vrai.

En revanche, sa proposition de suppression des restitutions pour le blé n'était pas recevable et risquait d'inciter les autres membres de l'OMC à exiger l'élimination d'autres restitutions.

D'abord, cette proposition n'était pas conforme au mandat de négociation du Conseil d'octobre 1999, ni au programme de travail adopté à Doha, qui rappelons-le ne contient aucun engagement daté en vue de l'élimination des subventions aux exportations.

De plus, la suppression des subventions aux exportations, dans le contexte actuel de la préférence communautaire, créerait de sérieuses difficultés pour nos agriculteurs. L'Union européenne ne saurait y renoncer de manière immédiate et sans contrepartie sans devoir recourir à des mesures drastiques de maîtrise de la production, l'exportation restant un débouché essentiel pour une partie importante de la production céréalière et laitière européenne. L'interdiction de toute forme de subvention à l'exportation obligerait donc les Etats membres à augmenter de manière considérable le taux de jachère ou à durcir le régime des quotas laitiers.

S'agissant du blé, la suppression des restitutions ne peut être acceptée si l'on veut préserver un prix garanti communautaire. Une solution acceptable pourrait consister à ne pas utiliser des restitutions d'une année sur l'autre, mais elle ne serait concevable qu'à la condition que soient prises en compte l'évolution des prix mondiaux et celle du dollar américain pour permettre le recours à cet instrument de régulation en cas de forte chute des cours. C'est la raison pour laquelle la France a demandé que la Commission européenne étudie la faisabilité de sa proposition au regard de la problématique des fluctuations monétaires. Le Rapporteur appuie fortement cette position.

Le maintien de flexibilités dans l'utilisation des restitutions pour le blé est en outre rendu nécessaire par le fait qu'à l'heure actuelle les évolutions du marché mondial pour ce produit ne sont aucunement maîtrisées en raison d'une part, des effets de la politique agricole américaine, et d'autre part, de l'émergence des producteurs de la Mer Noire, la Russie et l'Ukraine. Ces deux pays ont développé massivement leur production de blé et peuvent casser les prix de leurs exportations au point de faire perdre à l'Europe ses parts de marchés traditionnelles, notamment dans le bassin méditerranéen. Ainsi, selon France Exports Céréales, la part de marché de la France dans les importations de blé du Maroc et de la Tunisie est passée de 63 % à 12 % et de 56 % à 20 % respectivement entre 2 000 et les huit premiers mois de 2002, tandis que celle de la Russie est passée au cours de la même période de 0 % à 26 % et de 0 % à 12 % respectivement Dans ce contexte extrêmement difficile pour l'Union européenne, l'abandon des restitutions serait un choix suicidaire d'autant que les Etats-Unis pourront toujours s'adapter aux évolutions défavorables des prix mondiaux par le recours aux marketing loans.

Pour les produits laitiers, les restitutions restent nécessaires dans un contexte où la part de marché de la Communauté dans le marché mondial du beurre a régressé de 16 % les dix dernières années au profit de la Nouvelle-Zélande (dont les exportations ont augmenté de 35 % entre 1992 et 1994 et 1997-1999) et celle dans le marché mondial du fromage (37 % environ) a diminué d'environ 5 % alors que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis ont doublé leurs exportations entre 1992-1994 et 1997-1999.

S'agissant de la viande bovine, l'Europe a exporté 500 000 tonnes de cette production en ayant recours aux restitutions, ce qui reste en deçà du plafond de 820 000 tonnes autorisées à l'OMC. Mais elle doit toujours combler un écart de compétitivité avec l'Argentine et probablement les Etats-Unis qui peuvent exporter à bas prix sans restitution en raison de leur système d'aides.

Enfin, sur les autres secteurs, les restitutions sont indispensables pour équilibrer le marché (cas du sucre) ou le dégager en cas de crise conjoncturelle (viande porcine et viande de volaille).

Le Conseil du 27 janvier 2003 a donc modifié le texte de la Commission européenne, afin que la proposition de modalités ne mentionne plus la suppression des subventions aux exportations. La proposition de modalités ne fait référence maintenant qu'au retrait progressif (« phasing out ») des subventions aux exportations pour certains produits, c'est-à-dire qu'elle utilise les termes du mandat de Doha sans aller au-delà. De plus, il est précisé que l'Union européenne ne fera cette avancée que si ses partenaires font autant d'efforts pour les mêmes produits. Le document ajoute que ces efforts devront porter sur toutes les formes de subventions aux exportations y compris les crédits à l'exportation et les paiements compensateurs. D'autre part, cette proposition ne vise plus certains produits particuliers, comme le blé. Enfin, la proposition de modalités précise que les subventions qui pourraient être retirées progressivement « devraient concerner les produits présentant un intérêt particulier pour les pays en développement », ce qui reflète le souci de l'Union européenne de faire du cycle actuel un cycle de développement.

Le Rapporteur se félicite que le Conseil ait « recadré » la proposition de modalités initiale pour en faire disparaître son aspect le plus contestable, en contradiction manifeste avec le mandat de négociation donné à la Commission européenne.

· En ce qui concerne la réduction de 55 % de la MGS, celle-ci ne devrait pas créer de difficultés majeures pour l'Union européenne, qui peut s'appuyer sur les marges procurées par la réforme de l'Agenda 2000. On sait que le plafond actuel de la MGS de l'Union à 15 est de 67 159 milliards d'euros. L'augmentation du plafond consécutive à l'élargissement ne représenterait que de 7 % du plafond actuel, qui passerait ainsi à 71 791 milliards d'euros. Or, la MGS totale courante devrait baisser à 37 milliards d'euros en 2008 (soit une diminution de 27 % par rapport à la MGS moyenne des années 1995/1996 à 1998/1999 et de 19 % par rapport à la MGS de 1998/1999) après la mise en œuvre des réformes décidées à Berlin et compte tenu des prévisions de production établies par la Commission européenne pour l'Union élargie. Le chiffre atteint est égal à celui qui résulte d'application d'une baisse de 55 % à la MGS de 67 159 milliards d'euros notifiée à l'OMC.

L'évolution de la MGS par secteur est retracée dans le tableau ci-après communiqué par l'Association permanente des chambres d'agriculture :

Evolution de la MGS courante europeenne notifiee a l'OMC

En millions d'euros

MGS moyenne
1996-1998

MGS 2008-2009

Variation (%)

Total céréales

7 440

5 398

- 27

Total autres grandes cultures et cultures textiles

8 218

9 362

14

Fruits et légumes

10 404

10 683

3

Vins, huile d'olive et bananes

3 880

2 650

- 32

Produits laitiers et viande bovine

19 495

9 722

- 50

S'agissant des aides de la boîte bleue qui bénéficient d'un statut précaire à l'OMC, la réforme de 1999 doit les augmenter de 35 %. Le Rapporteur se réjouit donc que la proposition de modalités de la Commission européenne prévoit le maintien de la boîte bleue et la prorogation de la clause de paix : cette demande essentielle pour notre politique agricole doit être considérée comme une condition sine qua non à la conclusion de tout accord.

En conclusion, la Commission européenne s'est imprudemment placée le dos au mur avec ses propositions chiffrées de négociation : elle épuise en effet son crédit de négociation quasiment d'entrée de jeu et ne se laisse aucune de marge de manœuvre pour la suite des discussions.

Cette tactique est non seulement dangereuse, mais tend aussi à " coupler " de manière insidieuse les négociations multilatérales et la révision à mi-parcours : toute concession qui irait au-delà de ce que propose la Commission européenne conduirait automatiquement à réformer la PAC au delà de l'Agenda 2000.

C'est pourquoi le Rapporteur tient, d'ores et déjà, à souligner que les chiffres proposés ne peuvent être considérés comme des engagements de négociation acceptables que si l'Europe obtient autant d'efforts de la part de ses partenaires lors de la fixation des modalités de la négociation agricole.

En outre, toute concession ultérieure dans les négociations, allant au delà de ces propositions, doit être considérée comme étant politiquement inacceptable.

B. Une position de négociation qui risque d'être compromise par les discussions concernant la révision à mi-parcours de la PAC

La révision à mi-parcours de la PAC, qui a fait l'objet de la communication présentée par la Commission européenne le 10 juillet 2002, était prévue par l'accord de Berlin. Ce dernier avait demandé à la Commission d'étudier les évolutions de marché dans quatre secteurs réformés par l'Agenda 2000 (céréales, oléagineux, protéagineux et lait) et de faire éventuellement des propositions.

La révision à mi-parcours devait donc se limiter à d'éventuels ajustements dans les secteurs réformés en 1999. La logique et les termes mêmes de l'accord de Berlin voulaient donc que la PAC ne fasse pas l'objet d'une réforme de grande ampleur trois années à peine après la précédente, qui n'a pas encore produit tous ses effets.

L'exercice auquel s'est livré la Commission européenne a pourtant consisté à sortir du mandat donné par les chefs d'Etat et de gouvernement pour proposer un bouleversement complet de la PAC. Elle a en partie justifié cette initiative par les contraintes que posent les négociations à l'OMC, alors qu'elle devait défendre dans cette organisation la PAC réformée de 1999. La position de négociation de l'Europe à l'OMC est désormais brouillée et affaiblie, ce que les adversaires de la PAC dans cette enceinte ne manqueront pas d'exploiter.

1) Les propositions de la Commission européenne sur la révision à mi-parcours

Sur la base de sa communication du 10 juillet 2002, la Commission prévoit dans ses propositions du 21 janvier 2003 :

de remplacer à partir de 2004 les différentes aides directes par une aide unique par exploitation entièrement « découplée », c'est-à-dire calculée non en fonction de la production mais du niveau historique des subventions perçues par l'exploitation sur la période de référence 2000-2002. Le versement de cette aide serait soumis au respect de conditions relatives au respect de l'environnement, à la sécurité alimentaire et au bien-être des animaux. En cas de non-respect de ces conditions, l'aide serait diminuée à proportion de la gravité de l'infraction. Le découplage concernerait d'abord les céréales, les oléagineux, les protéagineux, la viande bovine et ovine, le riz et le blé dur ;

- de réduire de 1 % en 2 006 jusqu'à 12,5 % en 2 012, les paiements compris entre 5 000 et 50 000 euros et de 19 % les paiements supérieurs à 50 000 euros. Une partie du produit de cette modulation dynamique obligatoire serait affectée au financement d'action nationales de développement rural ;

- d'utiliser les moyens supplémentaires dégagés par la modulation obligatoire pour compléter les mesures financées dans le cadre de la politique de développement rural dans trois nouveaux domaines : encouragement à la qualité alimentaire ; respect des normes ; bien-être animal ;

de diminuer de 5 % le prix d'intervention pour les céréales, déjà réduit de 15 % sur deux ans, et de 50 % celui pour le riz. La Commission européenne propose par ailleurs d'avancer d'un an, c'est-à-dire en 2004, la réforme de l'OCM produits laitiers par rapport au calendrier de Berlin, et de réviser les baisses des prix d'interventions convenues en 1999 : celles-ci seraient de 7 % par an pour le beurre et de 3,5 % par an pour la poudre de lait entre 2004 et 2008 et seraient accompagnées d'une augmentation supplémentaire des quotas laitiers de 1 % en 2007 et en 2008 sur la base des quantités de référence de 1999.

Ces propositions, qui feront l'objet d'un rapport d'information séparé, appellent deux observations préalables au regard du dossier OMC.

D'abord, le « paquet Fischler » sort du cadre du mandat donné à la Commission européenne par le Conseil européen, celle-ci arguant du droit d'initiative de la Commission pour ne pas s'estimer contrainte par l'accord de Berlin. Il reste qu'il place les Etats membres devant le fait accompli, ce qui est éminemment contestable sur le plan politique, même si cela n'est pas stricto sensu contestable sur le plan juridique.

De plus, le projet de la Commission affaiblit la position de l'Union à l'OMC en voulant donner des gages de bonne volonté à ses partenaires commerciaux par une nouvelle réforme de la PAC, alors même que le mandat de négociation européen repose sur la défense de l'accord de Berlin de 1999 et que les Etats-Unis ont augmenté leurs soutiens à l'agriculture de plus de 50 %.

C'est sur ce point capital que le Rapporteur souhaite insister.

2) Une position de négociation affectée sur trois points essentiels

La Commission européenne estime que ses propositions de réforme aideront l'Europe à mieux défendre la PAC à l'OMC.

Cela est très contestable.

Il est vrai que, depuis la préparation de sa communication sur la révision à mi-parcours de la PAC, la Commission européenne donne parfois le sentiment de craindre la perspective de la négociation à l'OMC, alors même que la réforme de 1999 l'a dotée d'une bonne base de négociation qu'elle est en charge et en capacité de valoriser.

A l'inverse, en choisissant de préconiser une nouvelle réforme de la PAC, elle ne peut qu'inciter les autres membres de l'OMC à lui en demander davantage. L'Union européenne risque d'être soumise à de très fortes pressions pour donner des concessions remettant en cause le cadre de la PAC fixé par le Conseil européen de Berlin. Si elle devait y céder, cela obligerait l'Union européenne à réformer de nouveau sa politique agricole, en anticipant ainsi sur l'échéance convenue de 2006, et qui doit intervenir principalement au regard des nécessités d'évolutions internes de la PAC.

Cette précipitation de la Commission européenne revient à mettre en doute la capacité de l'Europe à défendre ses intérêts. En effet, ce n'est pas en faisant des concessions avant même de négocier, que l'Europe pourra disposer de l'autorité et de la crédibilité nécessaires pour défendre son modèle de civilisation agricole à l'OMC.

Pour s'en convaincre, il suffit de constater que, sur trois points essentiels, ces propositions interfèrent directement avec les négociations engagées à l'OMC :

a) Le découplage intégral des aides directes

Le découplage intégral est présenté par la Commission européenne comme « la » solution miracle à la question du maintien des aides européennes à l'OMC.

La création d'une aide au revenu unique découplée et assise sur des références historiques aurait pour conséquence de « verdir » les aides directes européennes à l'OMC, c'est-à-dire de les classer dans la boîte verte de l'Accord agricole, qui est exempte de toute obligation de réduction.

A première vue, cette idée semble constituer la solution idoine pour « sanctuariser » les aides de la PAC à l'OMC, car elle rendrait inutile le recours aux aides soumises à obligation de réduction et classés en boîte orange et aux aides classées en boîte bleue.

Mais cette idée revient pratiquement aussi à abandonner la boîte bleue que la Commission européenne est chargée de défendre à l'OMC, en vertu du mandat qui lui a été donné par le Conseil.

De plus, elle contredit le texte de la proposition de modalités adoptée par le Conseil, qui demande expressément le maintien des boîtes orange et bleue.

Or, l'Europe ne peut vouloir faire deux choses contradictoires à la fois - préserver les soutiens par les prix et les aides directes de la PAC à l'OMC, tout en proposant en interne un découplage intégral des soutiens...pour paraître encore plus vertueuse à l'OMC.

Enfin, les propositions de la Commission européenne sur le découplage intégral des aides directes de la PAC risque de créer une asymétrie dangereuse avec la politique agricole américaine.

La Commission européenne propose en effet d'adopter le découplage au moment même où les Etats-Unis, avec la nouvelle loi agricole de mai 2002, accroissent de manière très significative leur budget agricole et choisissent « recoupler » les soutiens à leurs producteurs.

La nouvelle loi agricole américaine tire les conséquences de l'échec du Fair Act de 1996. Ce texte avait opté pour un système d'aides découplées, assises sur des références historiques, en contrepartie de la suppression de l'obligation de jachère.

Ces velléités de découplage n'ont pas résisté aux demandes d'aides des agriculteurs américains confrontés à la chute des cours mondiaux et à au risque que la crise des prix ne débouche sur une crise d'endettement. La grande réforme de 1996 a dès lors été mise entre parenthèse par les quatre années successives de versement d'aides exceptionnelles et la montée en puissance du programme de marketing loans. C'est pourquoi la nouvelle loi agricole repose principalement sur deux aides couplées, les marketing loans, et le paiement contra-cyclique qui représentent respectivement 44 % et 28 % des aides et cela sans aucun effort de maîtrise de la production !

Dans ces conditions, peut-on croire que l'introduction du découplage en Europe va inciter les Etats-Unis à abandonner un système de soutien conçu en fonction de leurs propres objectifs internes et non des contraintes imposées par les négociations à l'OMC ?

La Commission européenne semble le penser en tout cas. C'est la théorie de « la vertu contagieuse » : si l'Europe dispose d'une politique agricole exemplaire, elle montrera le chemin aux autres et assurera le leadership de la négociation agricole.

La vertu est quelque chose de remarquable, mais elle risque de peser fort peu dans les négociations qui viennent et qui mettent en jeu des intérêts commerciaux et sociétaux considérables. L'Europe a donc d'abord le devoir d'expliquer en quoi la PAC d'aujourd'hui peut contribuer à stabiliser les prix mondiaux et ne constitue pas un obstacle aux exportations des pays en développement.

Enfin, il est regrettable que la Commission européenne propose de « désarmer » les agriculteurs européens au moment où ceux-ci devront affronter la concurrence de produits américains « dopés » par les aides institués par le FSRI Act.

b) Des baisses de prix inutiles et dangereuses

La Commission européenne utilise en partie l'argument des négociations à l'OMC pour proposer une nouvelle baisse du prix des céréales de 5 %, qui s'ajouterait à celle de 15 % intervenue dans le cadre de l'Agenda 2000, ainsi qu'une une baisse du prix du riz de 50 %, de 7 % pour le beurre et de 3,5 % pour la poudre de lait.

Ces baisses de prix sont inopportunes, particulièrement dans le domaine des céréales.

D'abord, une baisse supplémentaire du prix des céréales ne pourrait se justifier que par l'argument de la compétitivité des produits européens sur les marchés à l'exportation. Or, ces derniers risquent de voir chuter à nouveau les cours mondiaux du blé suite à l'augmentation massive des aides agricoles américaines ou aux pratiques telles que celles utilisées par les producteurs de blé de la Mer Noire. Pourquoi la Commission européenne cherche-t-elle, dans ces conditions, à aligner à tout prix les prix communautaires sur un « prix mondial », qui est largement fictif car déterminé par l'interventionnisme commercial des concurrents de l'Union européenne ? On risque de s'engager là dans une course à la baisse sans fin !

Par ailleurs, toute baisse supplémentaire de prix a des conséquences dangereuses pour le marché communautaire, car elle fragilise la protection extérieure de celui-ci, c'est à dire la préférence communautaire qui doit rester un des fondements de la PAC. Les accords du GATT ont en effet plafonné le prix d'entrée des céréales sur le marché communautaire à 155 % du prix d'intervention. Ce mécanisme, qui ne s'applique qu'à ce produit agricole, a été institué à la demande des Etats-Unis qui voulaient éviter que le prix de leurs céréales exportées sur le marché communautaire ne soit trop élevé en cas de hausse des cours mondiaux. Dans ces conditions, toute baisse des prix d'intervention affaiblirait la protection tarifaire de la Communauté européenne, car elle conduirait à une augmentation des importations. Elle risquerait en outre de remettre pour partie en cause la reconquête du marché de l'alimentation animale au détriment des produits américains.

c) L'écoconditionnalité sans demande de contreparties

Les propositions de la Commission européenne prévoient en outre de soumettre le versement de l'aide unique découplée au respect de strictes normes réglementaires concernant l'environnement, la sécurité des aliments, ainsi que la santé et le bien-être des animaux. En cas de non-respect du principe d'éco-conditionnalité, il est prévu de réduire les paiements directs proportionnellement au risque ou au dommage considéré.

La mise en place de ce cadre réglementaire comporte un risque : celui de voir coexister dans le marché communautaire deux types de produits, des produits sûrs et chers issus de la PAC, et des produits issus de pays tiers, vendus à des prix beaucoup plus compétitifs, sauf à leur imposer la même éco-conditionnalité, ce qui ne sera pas sans soulever de graves contestations devant les instances de règlement des conflits de l'OMC.

Le facteur prix restant un élément déterminant, cette asymétrie entre produits communautaires et les produits des pays tiers risque de tourner au désavantage des agriculteurs européens, comme le note le sénateur Jean Bizet dans une communication à la Délégation du Sénat pour l'Union européenne en date du 30 juillet 2002(30). Un degré d'exigence plus élevé dans la Communauté pourrait aboutir à l'apparition d'excédents sur le marché intérieur, constitués des produits de la PAC invendus en raison de leur moindre compétitivité-prix, qu'il sera difficile de résorber par le recours aux subventions aux exportations en raison des nouvelles contraintes qui résulteront du prochain cycle.

De plus, la concurrence de produits importés et vendus à bas prix pourrait conduire à une baisse des prix rémunérant les agriculteurs européens, ce qui déstabiliserait profondément le monde agricole.

Si l'Europe doit répondre aux attentes légitimes de la société concernant le caractère durable de l'activité agricole, elle ne peut toutefois consentir à un grand effort en matière d'écoconditionnalité des aides de la PAC sans exiger des contreparties de la part de ses partenaires à l'OMC.

C'est la position du Parlement européen, qui a adopté, le 7 novembre 2002, une résolution sur la révision à mi-parcours de la PAC rappelant « à la Commission européenne qu'elle doit appliquer dans les négociations multilatérales les mêmes critères que ceux qu'elle impose aux agriculteurs européens en matière de conditionnalité des aides directes ».

Pour atteindre ce but, l'Europe dispose de deux stratégies.

Elle peut essayer de faire adopter par l'OMC des normes sanitaires plus strictes, conformes à celles prévues par sa propre réglementation, et obtenir également la reconnaissance du principe de précaution telle qu'elle l'applique. Mais cette voie paraît très difficile en raison de la position des Etats-Unis et des pays en développement sur la question des normes sanitaires. Les premiers considèrent que les accords de Marrakech constituent un cadre suffisant pour régler les questions ayant trait à la protection de la santé humaine. Par ailleurs, ils sont opposés, comme cela a déjà été souligné, à toute forme de reconnaissance du principe de précaution à l'OMC, qui constitue, selon eux, une entrave injustifiée à la liberté de commerce. Les pays en développement, quant à eux, ne souhaitent pas se voir imposer d'autres obligations que celles résultant de l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires, car ils estiment que ces dernières sont déjà très lourdes à mettre en œuvre.

L'autre voie consiste à sortir des automatismes de la logique de Marrakech pour que soit reconnu par l'OMC le droit de chaque membre et/ou de chaque groupement régional à protéger son modèle agricole et donc à assurer à ses produits une préférence minimale qui tienne compte de ces contraintes au sens large du terme. Il s'agirait d'une forme de protection à finalité sanitaire, environnementale et sociale. Le combat en faveur du maintien de l'exception agricole trouve là aussi sa justification.

CONCLUSION : POUR UNE RECONNAISSANCE
DES MODELES D'AGRICULTURE A L'OMC

Quelle doit être l'ambition de long terme de l'Europe pour les négociations agricoles ?

Au-delà de la fixation des « modalités » de la négociation, qui doit intervenir au plus tard le 31 mars prochain, l'Union européenne doit engager dès maintenant, afin de préparer l'offre globale qu'elle devra soumettre à la Conférence ministérielle de Cancun en septembre 2003, une réflexion sur la forme et les limites que doit revêtir « l'exception agricole » à l'OMC.

L'Europe doit poser les jalons d'une sortie des automatismes de la « logique de Marrakech », qui est celle d'une régulation de l'agriculture trop exclusivement fondée sur le marché. A ce jeu, seuls les Etats-Unis et quelques autres grands pays exportateurs peuvent gagner, au détriment des autres modèles agricoles, et contrôler ainsi l'alimentation mondiale.

Dès lors, nous devons refuser que des disciplines commerciales fondées sur l'objectif de libéralisation totale des échanges n'aboutissent à imposer un modèle unique d'agriculture. Il s'agit là d'un enjeu politique central, qui doit conduire l'Europe à conduire le combat en faveur d'une OMC respectueuse des modèles d'agriculture.

Aussi, l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture, qui programme, de cycle en cycle, la baisse systématique des soutiens et des protections dont bénéficie l'agriculture, doit-il être révisé pour que soit pleinement reconnue le bien-fondé de l'exception agricole.

La Commission européenne, qui a toujours eu le souci de répondre aux attentes des citoyens concernant le développement durable, ne peut manquer ce rendez-vous crucial pour l'avenir des agricultures, qu'elles soient du Nord ou du Sud. Elle doit donc porter dès aujourd'hui le combat en faveur de l'exception agricole.

Le maintien de cette exception agricole à l'OMC implique la reconnaissance du droit permanent de chaque membre de l'organisation à protéger ses agriculteurs à la mesure des contraintes imposées par la société.

Tout affaiblissement de cette protection revient, tôt ou tard, à remettre en cause le modèle agricole qu'une collectivité est en droit de se choisir souverainement.

La protection de l'agriculture est d'autant plus justifiée que la régulation des marchés agricoles par les prix n'en est pas une, ces derniers ne résultant pas d'un équilibre entre offre et demande globale, mais étant déterminés par l'interventionnisme commercial des différentes puissances agricoles(31). Les Etats-Unis l'ont d'ailleurs compris en mettant en place un système de garantie de prix (par les marketing loans) qui, de fait, isole leurs agriculteurs de l'évolution des prix mondiaux.

Le combat en faveur de la reconnaissance des modèles d'agriculture n'implique pas la disparition des disciplines agricoles de l'OMC. Mais, ainsi que l'a souligné le ministre de l'agriculture, de la pêche, de l'alimentation et des affaires rurales dans une communication faite le 15 janvier 2003 au conseil des ministres, l'unique mission de l'OMC est de minimiser les effets des politiques agricoles sur le commerce international et non d'interdire toute politique agricole.

Grâce à la reconnaissance de l'exception agricole, l'Europe pourra conserver les aspects économiques, sociaux et environnementaux de son agriculture. La qualité et la sûreté des aliments sont les caractéristiques principales de l'agriculture européenne. Et puisqu'elles répondent à des demandes sociales fortes, l'Europe est légitimement fondée à demander à l'OMC le droit de protéger son agriculture à un niveau qui reflète les exigences de ses citoyens. Le Rapporteur estime qu'une réflexion doit être engagée au niveau des instances communautaires et nationales, associant responsables politiques, professionnels et représentants de la société civile, afin de définir en commun ce niveau de protection pour que celui-ci soit ensuite défendu à l'OMC. Ce niveau de protection, qui doit combiner tarifs douaniers et exigences requises par les normes sanitaires et qualitatives communautaires, permettra de déterminer la marge de négociation de l'Europe en matière de baisse des droits : tout ce qui se situe en deçà du « seuil de protection » nécessaire au maintien de notre modèle agricole ne pourra pas être négocié à l'OMC, car cela remettrait en cause la capacité des agriculteurs européens à honorer le contrat de qualité et de sécurité qui les lie à leurs concitoyens ou à assurer notre nécessaire autosuffisance alimentaire dans les principaux secteurs, ce qui reste encore à réaliser dans les domaines, par exemple des protéines végétales ou en matière de viande ovine.

La reconnaissance d'une protection préférentielle des modèles d'agriculture à l'OMC constitue donc la seule alternative viable au retrait programmé et progressif de toutes les formes de subventions aux exportations. En effet, à partir du moment où le marché intérieur peut atteindre à l'équilibre en répondant aux besoins des consommateurs par une offre de qualité qui soit adaptée et protégée du dumping agricole des pays tiers, le recours aux restitutions ne se justifie plus, sauf cas de dérèglement grave des marchés. La reconnaissance d'une protection préférentielle de l'agriculture pourra donc apporter une réponse économiquement et politiquement acceptable aux demandes de suppression des subventions aux exportations émanant des pays en développement.

En ce qui concerne les pays en développement, la consécration de la notion d'exception agricole permettra de répondre à leurs préoccupations concernant le traitement spécial qui devra leur être accordé dans le prochain accord agricole.

D'abord, elle légitimera l'institution d'une protection adaptée de leurs productions agricoles, qui aidera ces pays à reconquérir leurs marchés vivriers nationaux et à garantir leur autosuffisance alimentaire.

Ensuite, ces pays devront être encouragés à constituer des ensembles régionaux leur permettant de développer leur modèle agricole, à l'exemple de ce qu'a fait l'Europe avec la PAC. Comme le souligne Jean-Luc Duval, agriculteur, ancien président des Jeunes Agriculteurs et membre du Conseil de prospective agricole européenne et internationale dans son ouvrage « Fin des paysans, Faim du monde », nous proposons « la mondialisation des expériences concluantes, en matière de développement économique : la mondialisation de l'expérience européenne. Il faut mondialiser ce qui marche...Nous sommes favorables à l'instauration mondiale de plusieurs préférences communautaires ».

Toutefois, le degré de protection autorisé pour les pays en développement devra être adapté à leurs besoins : il devra être le plus élevé pour les pays pauvres à déficit vivrier, mais rester moindre pour les pays émergents.

L'Europe doit donc bâtir une alliance avec les pays du Sud pour que soit consacrée l'exception agricole.

L'Union européenne dispose d'un atout important pour mobiliser les énergies autour de ce grand objectif : l'Accord de Cotonou qui l'associe aux 77 pays ACP prévoit l'établissement de zones de libre-échange entre elle et les ACP. Elle incite dans ce but ces derniers à se regrouper au sein d'accords commerciaux régionaux. La communication de la Commission européenne du 25 juillet 2002 sur « la lutte contre la pauvreté rurale » préconise par ailleurs d'utiliser les fonds communautaires d'aide au développement pour renforcer « l'harmonisation régionale des politiques agricoles et de sécurité alimentaire » des pays pauvres. L'Europe est donc la mieux placée pour défendre à l'OMC le droit des pays du Sud à construire leurs propres politiques agricoles sur une base régionale. Elle doit s'y attacher.

*

* *

Les négociations agricoles à l'OMC constituent donc tout à la fois un défi et une chance pour l'Union européenne.

Jamais la pression des discussions multilatérales sur la PAC n'a été aussi forte. Notre modèle agricole est en danger : il est attaqué sur tous les fronts.

L'Europe ne doit pas subir cette pression de manière passive. Elle n'a pas à rougir d'une politique agricole qui est la plus transparente de celles notifiées à l'OMC et qui s'est déjà amplement réformée dans ses aspects les plus contestables.

En proposant de bouleverser une politique agricole qui a fait ses preuves au motif qu'elle serait en voie d'épuisement, la Commission européenne a fragilisé une position de négociation européenne déjà rendue difficile par l'âpreté des discours hostiles à la PAC à l'OMC.

L'Europe ne doit pas nécessairement faire plus que les autres pays développés pour apparaître comme le « bon élève » de l'OMC, sans en être payée de retour. Au contraire, elle doit exiger des pays développés qu'ils fassent autant d'efforts qu'elle. Dans ce but, elle doit résolument adopter à l'OMC une position offensive pour obtenir un traitement équitable de toutes les politiques agricoles. Ce sont les Etats-Unis qui devraient être en position défensive à l'OMC. Leur propre politique ne peut plus légitimer leur prétention à revendiquer un statut de puissance agricole modèle qui leur donnerait vocation à conduire les négociations. Quelques autres pays devront aussi être dénoncés dans leurs pratiques les plus contestables.

Pour l'Europe, le but central de son action internationale doit être d'élaborer des règles commerciales multilatérales respectueuses des différents modèles d'agriculture.

L'Union européenne doit ainsi donner le ton des négociations à l'OMC. En y défendant l'exception agricole, elle défendra aussi une conception de l'économie et de la société qui concilie marché et régulation, et aura valeur d'exemple dans le monde instable d'aujourd'hui.

{texte de la conclusion...}

TRAVAUX DE LA DELEGATION

Audition de M. Pascal Lamy, commissaire européen, sur les négociations en cours à l'Organisation mondiale du commerce, le 18 décembre 2002

Le Président Pierre Lequiller s'est déclaré très heureux d'accueillir M. Pascal Lamy, Commissaire européen en charge du commerce extérieur, le suivi des négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) constituant un sujet d'intérêt majeur pour les parlementaires. Après avoir salué l'arrivée de M. Gérard Voisin comme membre de la Délégation et la présence de M. Gérard Bapt, il a rappelé que le premier cycle de négociations commerciales multilatérales organisé dans l'enceinte de l'OMC a été ouvert par la Conférence ministérielle de Doha de novembre 2001.

Ce cycle doit s'achever au plus tard le 1er janvier 2005, mais l'Europe devra d'ici là faire face à deux grandes échéances : en premier lieu, la présentation des offres de libéralisation dans le secteur des services et la définition des modalités des négociations agricoles en mars 2003, et en second lieu, l'élaboration des modalités des négociations concernant la concurrence, l'investissement, la transparence dans les marchés publics et la facilitation du commerce en septembre 2003, lors de la Conférence ministérielle de Cancun.

Le Président Pierre Lequiller a souligné l'importance de cet exercice multilatéral pour l'Union européenne, qui se déroule en parallèle à deux grands chantiers internes : l'élargissement, qui a franchi une étape décisive avec la décision prise par le Conseil européen de Copenhague, et les travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe.

M. Pascal Lamy, Commissaire européen en charge du commerce extérieur, a indiqué qu'il évoquerait d'abord les négociations à l'OMC, puis le caractère exemplaire de la politique commerciale commune, dont la réussite justifie, à ses yeux, l'extension de sa méthode à d'autres domaines des relations extérieures.

Abordant le premier thème de son exposé, M. Pascal Lamy a souligné que les négociations à l'OMC constituent le sujet central de la politique commerciale commune de l'Union. Les volets bilatéraux et régionaux de cette politique sont essentiels, mais c'est à l'OMC que l'Union européenne défend sa vision globale des relations commerciales. Celle-ci consiste à énoncer que la libéralisation du commerce international doit s'accompagner d'une régulation. Bref, si l'Europe souhaite augmenter la vitesse de circulation sur l'autoroute des échanges commerciaux, elle milite aussi en faveur de l'élaboration d'un code de la route étoffé, qui garantisse une bonne application des règles du jeu. L'Union européenne défend certes aussi ses intérêts commerciaux, mais sa stratégie de négociation ne se limite pas à une conception étroite ou mercantiliste du commerce multilatéral, comme celle défendue par les Etats-Unis. Ces derniers ne veulent, le plus souvent, que libéraliser les échanges, dans les secteurs qui les intéressent.

La vision de l'Union européenne permet de concilier son statut de grand marché ouvert avec son souhait que l'OMC prenne en compte les intérêts sociétaux concernant, par exemple, l'environnement, la santé, la protection des consommateurs et ceux de ses partenaires en développement.

Le Commissaire européen a ensuite évoqué le calendrier des négociations, avant d'aborder deux négociations sensibles, celles relatives à l'agriculture et aux services.

S'agissant du calendrier général des négociations et du déroulement de celles-ci, le Commissaire européen a rappelé que la Conférence de Doha de 2001 a lancé un processus en quatre phases. D'abord, l'objectif de Doha consistait à choisir le menu des négociations : cette Conférence a ainsi marqué l'accord politique des membres de l'OMC sur la liste des ingrédients devant composer le compromis final. L'année 2002 a été celle des préparatifs, l'année 2003 sera celle des travaux en cuisine, avant qu'un plat ne soit servi pour accord final au plus tard avant la fin de l'année 2004.

Le Commissaire européen a estimé que l'Union européenne a été très active pendant la phase des préparatifs, en soumettant des propositions substantielles dans tous les domaines de la négociation.

Ainsi, en matière de tarifs industriels, l'Europe a proposé une formule visant à réduire les pics tarifaires, qui permettra par exemple de diminuer ceux des Etats-Unis dans le secteur textile. Par ailleurs, l'Europe a fait part de ses demandes de libéralisation de secteurs dans le domaine des services, ainsi que de ses propositions concernant les règles de base à établir pour les sujets dits de régulation - investissement, concurrence, facilitation des échanges. Sur ce dernier point, le Commissaire européen a souligné l'importance que revêt l'élaboration de ces cadres juridiques, en observant que les procédures douanières et de vérification peuvent représenter jusqu'à 5 à 10 % du coût des échanges, un chiffre à comparer avec celui, devenu réduit, des tarifs industriels.

En ce qui concerne l'accès des pays en développement aux médicaments brevetés, l'Union européenne a joué un rôle de pont entre le Nord et le Sud. Le président du groupe de travail à l'OMC vient de mettre sur la table des négociations un compromis qui obtient l'accord de tous les membres de l'OMC, à l'exception d'un seul, les Etats-Unis. Enfin, l'Europe est très active dans la question de l'articulation des dispositions des accords OMC avec celles des accords multilatéraux sur l'environnement qui peuvent restreindre les échanges. Elle se propose de bâtir dans ce domaine une construction juridique qui permette de concilier ces deux catégories de règles.

S'agissant des négociations sensibles, l'agriculture et les services constituent deux sujets majeurs pour l'Europe, aussi bien du point de vue des intérêts à défendre que de celui des citoyens, inquiets quant aux menaces de privatisation des services publics à l'OMC actuellement propagées par certaines ONG.

Le Commissaire européen a d'abord évoqué la question des négociations agricoles. L'Europe devait respecter une échéance importante avant la fin de l'année 2002, car elle devait transmettre sa proposition concernant les « modalités » de la négociation agricole, c'est-à-dire les engagements chiffrés à atteindre en matière d'accès aux marchés et de réduction des soutiens internes et des subventions aux exportations.

La Commission européenne a éprouvé quelques difficultés à présenter à temps un document au Conseil pour transmission à l'OMC, car elle souhaitait élaborer une proposition de modalités à partir des réformes devant être engagées dans le cadre de la révision à mi-parcours de la politique agricole commune (PAC). Cet élément de flexibilité supplémentaire pour les marges de négociation de l'Europe à l'OMC n'a pu être obtenu en raison des décisions intervenues au niveau du Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles en octobre dernier. La Commission a donc soumis aux Etats membres une proposition de négociation s'appuyant sur le « crédit de négociation » acquis lors des réformes de la PAC de 1992 et de 1999.

Sur ce dernier point, le Commissaire européen a précisé que ce crédit de négociation est égal à la différence entre les engagements mis en œuvre par l'Europe à partir de 1995 en matière de réduction des droits de douane et des soutiens à l'agriculture et la marge de négociation dégagée par les réformes précédentes de la PAC. L'Europe a largement respecté ses obligations, car ces réformes lui ont permis de rester en dessous des plafonds d'engagement issus du précédent cycle de négociations.

Le Commissaire européen a regretté que la révision à mi-parcours de la PAC marque le pas, car elle aurait permis à l'Europe de se donner davantage de flexibilité à l'OMC. Il a jugé que le retard pris dans la révision à mi-parcours est préjudiciable pour la position de négociation de l'Europe à l'OMC : comme celle-ci s'appuie sur les réformes antérieures de la PAC, toute évolution ultérieure de cette politique peut conduire les membres de l'OMC à demander à l'Europe de fournir davantage d'efforts dans la négociation, ce qui risque de faire payer deux fois la PAC à l'OMC.

Le Commissaire européen a détaillé les propositions faites sur la base du crédit de négociation actuel, soit une baisse de 55 % des soutiens liés à la production, de 45 % des subventions aux exportations et de 35 % de la moyenne pondérée des droits de douane sur les produits agricoles. Il a indiqué que ces engagements pourraient être tenus sans nouvelle réforme de la PAC, avant d'insister à nouveau sur le fait que toute nouvelle réforme ne pourrait qu'abonder le « compte en banque » de l'Europe à l'OMC.

Après avoir remarqué la forte hétérogénéité des intérêts de négociation en présence, ceux des pays libéraux tels l'Australie et la Nouvelle-Zélande coexistant avec ceux des Etats-Unis, dont le volume de soutien est comparable à celui de l'Union européenne, et ceux des pays d'Afrique à déficit alimentaire, il a estimé que la proposition européenne permet d'établir une libéralisation des échanges agricoles discriminatoire en faveur des pays en développement. Le document proposé par la Commission européenne prévoit de généraliser l'accès à droit zéro de toutes les exportations des 49 pays les moins avancés accordé par le marché communautaire à l'ensemble des pays développés et d'octroyer un accès à droit zéro à 50 % des exportations agricoles des pays en développement.

Le Commissaire européen a néanmoins jugé difficile la position de négociation de l'Union européenne, malgré sa solidité, en raison des attaques de mauvaise foi dont la PAC fait l'objet à l'OMC. L'Union européenne est souvent présentée comme une forteresse agricole, fermée au monde et dont la politique n'a pas évolué depuis cinquante ans. Or, tout ce discours, relayé au niveau de la presse par des intérêts clairement identifiables, est démenti par les faits. En premier lieu, l'Europe est le premier importateur de produits agricoles en provenance de l'ensemble des pays en développement, ainsi que des plus pauvres d'entre eux. Elle importe de ces pays davantage que les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l'Australie pris ensemble. En second lieu, la PAC n'a cessé de se réformer ces derniers temps en particulier dans ses aspects les plus contestables. Ainsi, ses subventions aux exportations ont diminué considérablement pour ne plus représenter que 8 % du budget agricole.

L'Union européenne a non seulement des intérêts défensifs, mais aussi offensifs, dans des domaines comme la protection des indications géographiques, la sécurité des consommateurs, le droit à l'information et le bien-être des animaux.

Les services sont également un secteur politiquement sensible. En tant que premier importateur et exportateur de services du monde, l'Union européenne a en effet beaucoup à gagner à la libéralisation du commerce international des services qui représentent 60 % du PIB de la Communauté européenne et le premier secteur d'emploi de sa population active. Les Européens ont acquis un savoir-faire et des avantages comparatifs certains dans les services et ont intérêt à réduire les barrières à leur entrée, notamment sur les marchés des télécommunications, des services aux entreprises, des services financiers, des transports, de l'énergie et du tourisme.

Les négociations sur les services sont un peu particulières dans la mesure où elles reposent sur la libre volonté des parties par rapport à un jeu d'échanges d'offres et de demandes et où personne ne peut obliger personne. Chacun indique ses souhaits à l'ouverture des négociations et réagit à ceux des autres et le cycle recommence jusqu'à l'accord.

Parmi les points sensibles figure le débat sur la libéralisation des services. Les négociations portent sur les échanges de services (par exemple les transports, le conseil, les services aux entreprises, l'électricité ou le gaz...) et non sur leur déréglementation ou privatisation. Elles ne visent pas à remettre en cause le droit des gouvernements à réglementer le secteur des services. Le Commissaire européen a pris l'initiative de fournir une argumentation adressée par courrier en date du 9 décembre à tous les parlementaires français ainsi qu'aux autres parlements nationaux des Etats membres, pour confirmer qu'aucune obligation ne figure dans l'Accord général sur le commerce et les services (AGCS) susceptible de réduire la souveraineté des Etats en la matière. De toute façon, le mandat de négociation fixé par le Conseil et le Parlement européen interdit de prendre des engagements qui auraient pour conséquence soit de déréglementer, soit de privatiser les services publics en Europe. Les inquiétudes qui s'expriment ici ou là résultent de la confusion entre ce que l'Union européenne fait en interne et ce qu'elle fait en externe en prenant en compte les volontés et positions des autres partenaires commerciaux.

L'Union européenne vient de faire l'Histoire avec l'élargissement et elle va refaire l'Histoire avec la Convention sur l'avenir de l'Europe qui est une échéance essentielle pour 2003. Elle aboutira à la refondation de l'Union européenne si cela réussit, mais sinon l'échec sera aussi historique, car l'Union a absolument besoin d'une réforme du fonctionnement de son système institutionnel en 2004. Les débats de la Convention sont de bon augure, même s'ils sont restés jusqu'à présent dans la stratosphère bruxello-strasbourgeoise. Ils devraient entrer rapidement dans l'atmosphère politique pour atterrir dans les mains des citoyens qui se prononceront lors des référendums. Le processus se passera bien ou mal selon que les autorités politiques se chargeront ou non d'expliquer les réformes aux citoyens et les parlementaires doivent être les précurseurs de l'introduction des débats dans la politique française.

Tout en tenant compte de ce qui a été fait depuis cinquante ans, il faut redessiner les institutions européennes pour renforcer leur efficacité et leur légitimité. L'efficacité est un objectif essentiel, qui a été atteint largement dans la grande majorité des domaines, à l'exception de la PESC et de la gouvernance économique. La légitimité d'un pouvoir, davantage à distance des citoyens que le pouvoir national, exige de renforcer l'obligation d'expliquer les politiques aux citoyens, avec un souci de transparence et de visibilité des institutions. La Convention s'est beaucoup occupée jusqu'à présent de l'architecture institutionnelle sous l'autorité du Président Giscard d'Estaing, mais la Commission insiste pour qu'elle débatte davantage de ce que les Européens veulent faire ou non ensemble pour que ce point capital soit clair dans leur esprit.

En matière de politique commerciale, la clairvoyance des pères fondateurs les a conduits à bâtir un mécanisme de décision efficace qui a donné de l'influence à la Communauté européenne dans un monde d'« éléphants ». Il existe aujourd'hui un consensus idéologique central au Conseil et au Parlement européen sur ce que doit être une bonne politique commerciale de l'Union européenne, respectueuse notamment des aspects sociaux et environnementaux, résultat d'un compromis après les débats et les éclats de jadis.

La machinerie créée dès l'origine marche, avec une Commission qui propose une politique et un mandat de négociation du Conseil qui décide à la majorité qualifiée. Le pouvoir seulement consultatif du Parlement européen est certes un travers, mais la Commission peut le corriger en tenant davantage compte de ses avis. Ensuite la Commission négocie et exécute. Tout le monde sait qui fait quoi.

Ce système simple, facile à comprendre, qui fonctionne en particulier grâce à la Commission jouant le rôle de catalyseur de confiance ou de réducteur de méfiance au nom de l'intérêt général de l'Union européenne, s'appelle la méthode communautaire. Avant d'inventer un système qui marchera au vingt-deuxième siècle, il faudrait s'interroger sur les raisons pour lesquelles l'Union européenne n'appliquerait pas ce modèle dans les domaines où le processus de décision ne fonctionne pas, à savoir la PESC et la gouvernance économique.

Le Président Pierre Lequiller a noté que l'Union européenne avait toujours défendu une approche large des négociations, qui englobe à la fois la libéralisation des échanges et leur régulation. Il a interrogé le Commissaire sur le point de savoir si ces deux volets progressaient de concert ou si, au contraire, le renforcement des règles marquait le pas par rapport aux négociations visant à ouvrir des marchés. Dans le même esprit, l'Europe peut-elle rallier d'autres membres de l'OMC, notamment les pays en développement, à sa conception du nouveau cycle de négociations ?

Il a souhaité connaître l'état des lieux des discussions actuellement en cours à propos de l'accès des pays en développement aux médicaments protégés par les règles de brevetabilité de l'OMC.

S'agissant du domaine de l'agriculture, il s'est interrogé sur l'inconvénient qu'aurait présenté une réforme de la politique agricole commune anticipant l'ouverture des négociations commerciales multilatérales, alors que les Etats-Unis avaient adopté une attitude inverse.

Il a évoqué les travaux de la Convention en indiquant que le groupe sur l'action extérieure n'avait pas retenu sa proposition d'introduire l'encouragement à la diversité culturelle dans les principes et objectifs de l'action extérieure de l'Union. Il a noté qu'en revanche, le groupe recommandait d'étendre le vote à la majorité qualifiée aux services et à la propriété intellectuelle pour la conclusion d'accords internationaux. Il a estimé que le passage à la majorité qualifiée dans ces domaines devait être contrebalancé par des garde-fous au niveau des principes et des objectifs de l'action extérieure, afin d'éviter les dérives d'une mondialisation mal maîtrisée, au moins dans le domaine culturel.

M. Patrick Hoguet a remercié le Commissaire européen pour la clarté de son exposé et a salué la force de son engagement. Relevant le consensus prévalant au sein de l'Union sur les bases de la position européenne dans le domaine des négociations commerciales multilatérales - ouverture des marchés, mais régulation - il a estimé que l'opinion publique n'était pas sur cette ligne. Il a souhaité savoir si la Commission avait effectué un bilan des effets de la libéralisation des échanges induite par les accords de Marrakech et a considéré qu'il conviendrait d'informer nos concitoyens de ces effets, en mettant notamment en lumière les facteurs de dynamisation de l'économie européenne. Dans le même esprit, il a estimé nécessaire de porter à la connaissance de l'opinion la réalité du fonctionnement de l'OMC, notamment le fait que celle-ci a maintenant intégré un ensemble de préoccupations qualitatives, relatives en particulier au domaine de la santé - comme elle l'a montré en ce qui concerne la question de l'amiante. Il a souligné que les règles de l'OMC permettraient la prise en compte des intérêts des plus faibles vis-à-vis des plus forts. Il a ainsi souhaité que la Commission puisse fournir un argumentaire précis et simple relatif aux avantages qu'apporte l'OMC dans les relations commerciales multilatérales.

Il a ensuite fait référence à l'article récemment publié dans le journal « Le Monde » par le Président du groupe de Cairns, M. Mark Vaile, qui accuse l'Europe d'étrangler les pays pauvres à travers la politique agricole commune. Il a souligné les risques que la libéralisation des échanges agricoles, promue par les Etats-Unis et le groupe de Cairns, comporte pour les agriculteurs des pays en développement. Il s'est demandé s'il ne convenait pas que l'Europe incite à la création d'ensembles régionaux au sein desquels les pays en développement pourraient mettre en œuvre leurs propres politiques agricoles et ainsi réduire leur dépendance alimentaire. Il a estimé que, dans le cadre des négociations commerciales, l'Europe pourrait sans doute davantage mettre en lumière auprès des pays en développement les objectifs qu'elle poursuit en faveur des économies de ces pays, afin de dissocier ceux-ci du groupe Cairns.

Sur ce point, M. François Guillaume a rejoint l'opinion émise par M. Patrick Hoguet et a considéré, dans le même esprit, que les différentiels liés aux bas niveaux de salaires ne constituaient pas un avantage relatif suffisant pour les pays en développement dans le cadre des échanges internationaux de produits agricoles. Il a estimé que sans les protections que comportait, dès le début du marché commun, la politique agricole commune vis-à-vis des importations américaines, l'agriculture européenne aurait été écrasée. Il s'est par ailleurs félicité que la réforme de la politique agricole commune n'ait pas été engagée avant l'ouverture des négociations commerciales multilatérales, en évitant ainsi l'erreur qui avait été commise en 1992, alors qu'en 1986 un accord avait pu être trouvé à Punta del Este, prévoyant une réduction équilibrée des soutiens à l'agriculture, tant du côté américain que du côté européen. Evoquant la réduction de 55 % des aides directes mentionnée par le Commissaire européen, il a estimé qu'une telle mesure entraînerait, pour le secteur céréalier, une perte d'au moins 50 euros par hectare, ce qui ne pourrait que signifier un arrêt de la production. Il a indiqué que la réduction des aides directes avait déjà eu pour conséquence de diminuer très sensiblement la production française d'oléoprotéagineux, alors même que notre balance commerciale accuse un déficit dans ce secteur.

Il a souhaité savoir si les projets de négociation intégraient l'élargissement de l'Union à de nouveaux membres, considérant que les élargissements précédents n'avaient pas été suffisamment intégrés. Rappelant par ailleurs que les Etats-Unis avaient, pour leur part, décidé d'augmenter de 75 milliards de dollars les soutiens à leur agriculture, il a jugé l'attitude de l'Europe trop passive dans ce domaine.

En conclusion, il a considéré que la question consistait finalement à savoir si l'Europe est désireuse d'avoir une agriculture productive, conquérante, capable de répondre aux besoins, solvables ou non, ou si elle opte au contraire pour une agriculture environnementale, assortie d'un revenu agricole minimum.

En réponse, le Commissaire Pascal Lamy a apporté les précisions suivantes :

- l'Union européenne retient une conception large en matière d'ouverture des échanges, au regard d'une part des Etats-Unis et d'autre part des pays en voie de développement. Cela place l'Europe dans une position tactique qui peut se révéler incommode, mais qui est cependant pleinement assumée. A Doha, un point important a été marqué par l'Union quant à l'étendue du domaine de négociation : un accord séparé sur chaque sujet est désormais nécessaire pour aboutir à un accord général. Il convient d'être ferme à l'approche de Cancun : l'Union ne sera attentive aux revendications de ses partenaires que dans la mesure où ceux-ci seront ouverts aux préoccupations européennes ;

- s'agissant de l'accès aux médicaments, il faut rappeler les difficultés liées à la capacité des pays en développement à accéder à des systèmes individuels de licence obligatoire leur donnant droit à des prix différenciés. Il convient d'établir une distinction entre les pays en développement disposant d'une capacité de production pharmaceutique (pour lesquels la question a été réglée à Doha) et les autres ; la recherche médicamenteuse étant financée par des capitaux privés, cela rend légitime une protection juridique de la propriété intellectuelle qui apparaît comme la condition nécessaire à la poursuite de la recherche. Mais la contrepartie de cette protection touche aux difficultés qu'ont les pays en développement à accéder aux médicaments pour les maladies (sida, malaria, tuberculose). Un compromis vient d'être présenté, et l'Union européenne se joint aux 143 pays qui le soutiennent. Si les Américains sont pour le moment réservés, c'est pour des raisons de rédaction juridique qui leur font craindre - à tort - que le système proposé pourrait être étendu à des médicaments traitant des maladies non infectieuses ;

- sur le dossier agricole, il faut distinguer deux aspects. Le premier concerne les réformes successives de la PAC, engagées par l'Union européenne pour des raisons qui lui sont propres et parce qu'elle estime que cela va dans le sens de ses intérêts. Le second est lié à ce que l'Union accepte de mettre dans le champ de la négociation internationale, à l'OMC. Un effet de cliquet se produit dès lors qu'une question est intégrée dans la négociation internationale. Le Conseil européen a gelé, pour une durée de dix ans, l'enveloppe des paiements directs à l'agriculture. Or au même moment, les Etats-Unis annoncent une augmentation sensible de leurs dépenses publiques dans le secteur agricole, ce qui rend particulièrement difficile la négociation transatlantique. On aurait dû faire la réforme en interne avant car la situation actuelle permet à nos partenaires de connaître notre jeu, ce qui n'est pas souhaitable ;

- le principe de la diversité culturelle doit être inscrit dans le futur Traité constitutionnel, parmi les principes généraux de l'Union. Ce concept, d'origine française, a beaucoup progressé depuis une dizaine d'années, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières de l'Union. Il existe aujourd'hui un consensus dans ce domaine, qui s'inscrit dans le sens de la position défendue par la France ;

- une extension du vote à la majorité qualifiée est indispensable du fait de l'élargissement à dix nouveaux pays en matière de politique commerciale. En paralysant le processus décisionnel, la règle de l'unanimité condamne en effet l'Europe à cautionner la logique dominante, alors même qu'elle prétend vouloir l'infléchir. Plutôt que l'unanimité, une protection par le traité est préférable et il y a lieu de refuser - conformément au principe de subsidiarité - toute harmonisation européenne dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la santé. Il faudrait ainsi parvenir à une homothétie juridique et constitutionnelle entre les compétences internes et externes d'une part, et les procédures de décision internes et externes, d'autre part ;

- les effets des accords de Marrakech se sont avérés positifs pour l'Union européenne - comme le montre son solde commercial en expansion - et pour de nombreux pays en développement, dont les exportations de textiles vers l'Union ont augmenté de plus de 50 % depuis 1995. Il est toutefois vrai que certains de ces pays n'en ont pas tiré profit en raison de problèmes de gouvernance ;

- comme s'y emploie la Commission, il est nécessaire d'expliquer aux citoyens les avantages et les inconvénients de la mondialisation des échanges. Les problèmes d'asymétrie de la politique commerciale, liés à la diversité des niveaux de développement, ne facilitent toutefois pas une telle démarche pédagogique, même si l'on peut observer que l'idée progresse de favoriser les échanges commerciaux des pays en voie de développement ;

- s'agissant du bilan de l'Organe de règlement des différents (ORD), ce dernier est un mécanisme juridictionnel qui a permis d'accomplir de réels progrès, en ce qu'il repose sur des règles dont la violation est sanctionnée. Certes, il existe une propension à en juger l'efficacité au travers des contentieux commerciaux transatlantiques qui en sont la partie visible. Mais, ce mécanisme exerce aussi un important effet préventif, qui amène, par exemple, les membres de l'OMC à renoncer à certaines interdictions à l'importation, au motif qu'elles pourraient être jugées illicites et donner lieu à un contentieux devant l'ORD ;

- il est conforme aux textes que l'OMC se penche sur les aspects qualitatifs du commerce international, en particulier dans les domaines sanitaire et phytosanitaire. L'Union européenne dispose également du même droit, ce qui a été confirmé par l'ORD dans les contentieux concernant l'amiante et les crevettes ;

- l'article de M. Mark Vaile est une présentation caricaturale de la PAC et des propositions de l'Union en matière agricole et industrielle. L'Union a, en effet, préconisé la mise en place d'une boîte de sécurité alimentaire, qui prévoit notamment le recours par les pays en voie de développement à un mécanisme de sauvegarde qui leur permet de se prémunir contre les hausses du prix à l'importation de produits agricoles. Il est important, en tout état de cause, de souligner que les intérêts de l'Australie, des Etats-Unis, de la Nouvelle-Zélande et des autres acteurs du groupe de Cairns sont profondément divergents de ceux des pays en voie de développement ;

- il n'est pas exact d'affirmer que, depuis une dizaine d'années, l'évolution de la PAC se soit réduite à l'octroi de concessions aux Etats-Unis et à une politique d'aveuglement permanent. S'il existe un accord sur l'objectif de la PAC qui est de permettre le maintien des activités agricoles, en revanche des divergences apparaissent quant à ses modalités de mise en œuvre. L'Union européenne a tenté, au cours des années quatre vingt et quatre vingt dix, de porter remède aux défauts du modèle original de la PAC - en particulier ceux liés à la surproduction - en compensant les différentiels de productivité à l'aide de mécanismes dérogeant aux règles classiques de l'économie de marché. Sauf à mettre la PAC en péril, il est impossible d'appliquer ces dernières à toutes les exploitations quelle que soit leur taille ;

- à PAC constante, l'Union européenne est en mesure de faire valoir dans les négociations qu'elle a déjà procédé notamment à une réduction de 55 % des soutiens à la production. Il ne s'agit toutefois pas d'une anticipation des décisions qui pourront être prises dans l'avenir ;

- les conséquences de l'élargissement ont été déjà prises en compte dans l'établissement des propositions de l'Union, hormis celle de la candidature de la Turquie, en l'absence de négociations avec cet Etat ;

- les règles de l'OMC impartissent aux Etats-Unis, comme aux autres Etats, l'obligation de respecter les disciplines qu'elles instaurent. C'est pourquoi l'Union s'attachera à demander avec fermeté la suppression des aides d'un montant de 20 milliards de dollars que le Gouvernement américain envisage d'accorder aux agriculteurs.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué que si, comme c'est probable, un référendum est organisé sur la future constitution européenne, le débat qu'il suscitera abordera inévitablement des sujets connexes. A cet égard, il est essentiel que l'on fasse mieux connaître aux opinions publiques les actions positives conduites par l'Union européenne : si l'on sait convaincre les citoyens sur ce que l'Europe a réussi jusqu'ici à faire, on parviendra d'autant plus aisément à les convaincre sur ce qu'elle a l'intention de faire demain. Après avoir rappelé que le Premier ministre avait décidé de lancer une campagne d'information en France sur le sujet, il a demandé au Commissaire européen ce que la Commission comptait faire pour favoriser cette prise de conscience.

M. Daniel Garrigue a souhaité connaître la position de la Commission au sujet des organismes génétiquement modifiés (OGM), qu'il s'agisse de la recherche - dans un contexte marqué, d'un côté, par les efforts considérables engagés par les Etats-Unis et la Chine et, de l'autre, une Europe en retrait, en raison du principe de précaution - ou des relations avec les pays en développement - notamment les pays africains - qui, s'ils utilisent les OGM, risquent de se voir fermer nos marchés. Il a souhaité savoir quelle était la position de la Commission s'agissant des indications géographiques. Il a demandé au Commissaire européen sur quel fondement juridique la Commission s'appuyait pour envisager des sanctions, sous forme de suspension de versement des fonds structurels, à l'égard des pays n'ayant pas transmis la liste des zones sensibles « Natura 2000 ».

Rappelant qu'un compromis a été obtenu avec 143 Etats sur les médicaments, M. Jacques Floch a indiqué que les Etats-Unis et la Suisse cherchaient à limiter l'importation de médicaments chez eux, notamment de médicaments moins chers provenant de pays en développement. Il a demandé quelles étaient les grandes lignes de la politique internationale en la matière. Il a estimé que si la Convention sur l'avenir de l'Europe avait un rôle majeur, celui d'élaborer la nécessaire réforme des institutions communautaires, ses travaux étaient malheureusement marqués par des attitudes assez corporatistes de la part de certains parlementaires européens et de certains représentants du Conseil et de la Commission. Qu'entend faire la Commission pour y remédier ? D'autre part, faut-il étendre - et si oui comment - le droit de regard des parlements nationaux sur l'action de l'Union européenne ?

M. Michel Delebarre a souhaité savoir si l'entrée dans l'Union de dix nouveaux Etats allait modifier le mandat de négociation international de la Commission et, si c'était le cas, sur quels points. Rappelant par ailleurs les propos du Commissaire européen sur l'élaboration d'une « plate-forme idéologique partagée » et sur la nécessité de plaider pour des règles environnementales et sociales, il s'est demandé si les règles sociales n'allaient pas faire l'objet d'un veto - notamment des Etats-Unis - ou, en tous cas, servir de variable d'ajustement dans les négociations alors qu'elles devraient être considérées comme une priorité. Il a souhaité savoir, s'agissant des travaux de la Convention, s'il n'existait pas une contradiction entre la conception pragmatique consistant à conserver et à étendre progressivement ce qui fonctionne bien et la conception d'organisation idéale que semble rechercher la Convention. Il a estimé que si un référendum était organisé en France sur la future constitution européenne, il n'est pas certain, compte tenu des craintes que suscitent notamment l'élargissement, la politique agricole commune et la remise en cause des fonds structurels, et quelle que soit la campagne d'information menée en la matière, que le peuple lui apporte une réponse positive.

Le Président Pierre Lequiller a indiqué à ce sujet que s'il partageait la même inquiétude, il estimait qu'il n'était plus possible de faire avancer l'Europe sans l'accord des citoyens. A cet égard, la Convention pourrait être une date charnière dans l'histoire de l'Europe.

M. Pascal Lamy a apporté les précisions suivantes :

- les avis de l'Union européenne et des Etats-Unis sur les OGM divergent. Les Américains sont favorables aux OGM tant que leur nocivité n'est pas prouvée. Les Européens pensent au contraire qu'il convient de s'abstenir de les utiliser dans la mesure où leur caractère inoffensif n'est pas absolument certain. Ce sujet n'est pas à l'ordre du jour des négociations menées dans le cadre de l'OMC. Les dispositions actuellement en vigueur à l'OMC permettent de prendre des mesures d'autorisation au cas par cas en fonction des avis scientifiques. Les décisions prises par l'Union européenne sont compatibles avec cette approche. Il convient toutefois de souligner que certains Etats membres étaient favorables à un moratoire sur les autorisations, ce qui a entraîné le gel des procédures. L'Union européenne est en train de mettre fin à ce moratoire. La procédure du moratoire aurait pu faire l'objet d'une contestation au sein de l'OMC, qui pourrait considérer que l'attitude de l'Europe à l'égard des OGM est avant tout motivée par une volonté protectionniste. Or, ce n'est pas le cas. Si les mesures mises en œuvre dans le cadre de l'Union européenne lui semblent disproportionnées avec l'objectif d'une meilleure protection de la santé publique, il appartiendra à l'OMC de se prononcer ;

- il n'est possible d'autoriser les OGM qu'au cas par cas. Le problème est particulièrement délicat en matière d'aide aux pays en voie de développement. En effet, l'aide alimentaire américaine est constituée de stocks de produits contenant des OGM. Par contre, les Européens achètent 90 % de leur aide alimentaire dans les régions qui en sont bénéficiaires sans se soucier de l'origine des produits. Ils conseillent toutefois aux bénéficiaires de cette aide de transformer en farines les produits d'OGM. L'Union européenne n'a pas apprécié que les Etats-Unis mettent en avant l'insuffisance alimentaire de certaines populations pour lui reprocher une attitude trop stricte à l'égard des OGM ;

- les indications géographiques constituent un sujet essentiel pour l'Union européenne dans les négociations menées au sein de l'OMC, par exemple en ce qui concerne le secteur des vins et les spiritueux. Sur ce sujet, l'Europe a des alliés, notamment en Chine, et dans le sous-continent indien, qui défend par exemple le dossier du riz basmati. Toutefois, l'Europe ne pourra pas défendre l'ensemble des indications géographiques. Il faudra définir des priorités dans la négociation ;

- l'Union européenne s'est dotée d'une politique ambitieuse de protection de l'environnement, et de mise en œuvre d'un programme de zones naturelles. Il y a toujours eu un lien entre cette politique et la politique des fonds structurels, qui doit respecter les engagements pris en matière de protection des zones d'habitat naturel ;

- la Commission a proposé au Conseil et au Parlement européen une législation communautaire interdisant les réimportations parallèles de médicaments. L'objectif est de s'assurer que les médicaments vendus à bas prix par les industries pharmaceutiques arrivent dans les pays qui en ont besoin. Il convient d'identifier les exportateurs et les importateurs potentiels, ainsi que les maladies concernées. L'Union européenne considère que tous les pays doivent pouvoir être exportateurs mais que seuls les pays en voie de développement ont vocation à être importateurs ;

- le triangle formé par le Conseil, la Commission et le Parlement européen constitue une mécanique délicate où chacun cherche à préserver son pré carré, ce qui est d'ailleurs normal et que l'on observe aussi au niveau national. Cela peut même constituer un indice montrant que l'Europe est parvenue au stade adulte. L'important réside, en fait, dans le fonctionnement efficace des institutions et non pas dans leur structure. Malheureusement, les Français ont trop tendance à privilégier les architectes, au détriment des ingénieurs ;

- s'agissant du rôle des parlements nationaux au niveau communautaire, il faut renforcer l'implication des parlements et, de façon générale, de l'ensemble des corps intermédiaires, afin de combler l'espace subsistant entre l'Europe et les citoyens. Il y a lieu de noter, néanmoins, que la plupart des parlementaires intervenant auprès de la Commission proviennent des pays du Nord de l'Europe. On peut donc en déduire que le contrôle des institutions communautaires par les parlements est, en premier lieu, une affaire relevant des autorités nationales et de leur volonté d'associer les parlements à ce contrôle, comme le prouve l'exemple du Danemark. Dès lors, la COSAC ou le Congrès ne sont que des réponses abstraites à un problème insuffisamment traité au niveau national.

M. Guy Lengagne a jugé, à cet égard, que le SGCI n'informait pas suffisamment les parlementaires français des activités du Conseil.

Le Président Pierre Lequiller a observé que la Délégation recevait, au préalable, les ordres du jour des différents Conseils et l'ensemble des documents communautaires dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

M. Pascal Lamy a souligné que les autorités françaises ont invoqué à plusieurs reprises le maintien de réserves d'examen parlementaire.

Le Président Pierre Lequiller a tenu à nuancer les propos du Commissaire européen relatifs à l'insuffisante implication des autorités nationales, notamment françaises. Depuis le début de la législature, les initiatives européennes de l'Assemblée nationale se sont multipliées. A titre d'exemple, des débats en commission et en séance publique ont été organisés avec le Président Valéry Giscard d'Estaing ; le Président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré, a annoncé la création de séances de questions consacrées spécifiquement à l'Europe ; une réunion va bientôt être organisée avec les parlementaires du Bundestag à l'occasion du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, et la Délégation a tenu de nombreuses auditions communes avec les commissions de l'Assemblée nationale.

Il a également dénoncé l'accentuation des luttes de pouvoir entre les trois institutions européennes, qui ne prennent pas assez en compte les intérêts essentiels de l'Europe et qui n'ont pas le souci de la visibilité des institutions par les citoyens. Cela est flagrant dans les réunions publiques qu'il a pu organiser, où aucun participant n'est en mesure de citer le nom du Président du Conseil, le nom du Président de la Commission ou encore cinq noms de parlementaires européens français. Il faut espérer que la Convention européenne pourra formuler des propositions fortes, sinon on s'achemine vers des lendemains difficiles.

M. Pascal Lamy a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

- en ce qui concerne les implications de l'élargissement sur la politique commerciale de l'Union, il est certain que l'on ne va pas assister à un bouleversement car les pays candidats on déjà aligné leur politique commerciale sur l'acquis communautaire. D'autre part, même s'il existe des différences d'intérêts entre ces pays, il ne faut pas oublier que des divergences existent déjà à l'heure actuelle. Enfin et surtout, l'ensemble des pays candidats ne représente qu'entre 5 et 10 % du produit national brut de l'Union européenne, ce qui écarte tout risque de déstabilisation ;

- dans le domaine social, il faut distinguer entre deux types d'effets. D'abord, alors que l'ouverture des échanges retentit sur la division internationale du travail, il n'existe pas d'instance internationale qui traite le sujet. Certes, l'Organisation Internationale du Travail a posé des normes sociales fondamentales, comme des droits syndicaux minimaux ou l'exigence de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Mais l'application de ces règles conventionnelles n'est pas abordée dans les discussions de l'OMC. Lorsqu'on y considère la situation commerciale d'un des membres, il n'est pas possible d'examiner s'il ne tolère pas le travail forcé. Car les Etats-Unis et les pays en développement ont été particulièrement hostiles à la création d'un lien formel entre les questions commerciales et les questions sociales. Sur ce point, il conviendrait de se livrer à un travail d'explication.

Deuxièmement, l'ouverture des échanges produit aussi ses effets chez nous et il nous appartient de les prévenir, en menant des restructurations et des reconversions adéquates. Même si l'Europe peut apporter son aide par le biais des fonds structurels, cela relève principalement de politiques nationales. Aux Etats-Unis, il existe ainsi un programme fédéral d'ajustement à la politique commerciale extérieure ;

- quant à la Convention, la démarche résolument ambitieuse du Président Giscard d'Estaing doit être saluée. Le point essentiel est d'allier légitimité et visibilité. C'est dans ces termes que se pose le problème de la présidence européenne : si elle est bicéphale, elle manquera de visibilité ; si elle est unique, ce sera une institution neuve dont la légitimité restera à asseoir. Il apparaît cependant que c'est une idée dont l'heure viendra un jour. A cet égard, il faut remarquer que les Français sont cependant peut-être plus attachés à la fonction présidentielle que d'autres Européens ;

- au sujet du référendum qui pourrait suivre l'élargissement, de gros efforts de communication sont à faire. Ce travail incombe tant à la Commission qu'aux Etats membres, ce qui ne le rend pas plus aisé : en parlant à plusieurs voix, le message passe plus difficilement. Au moins, l'attitude messianique des années 1990 a disparu ; il n'est plus question que la vérité descende d'elle-même sur des citoyens qui n'auraient pas encore compris. Il faut désormais discuter, expliquer et convaincre. La tâche n'est pas facile, vu les anxiétés et les craintes qui nourrissent parfois la tentation du populisme, notamment à l'Est. De ce point de vue, le Président de la Convention a eu raison de placer d'emblée le débat sur le terrain des questions de fond. Il ne s'agit pas à la Convention d'une énième modification des traités, mais d'un départ sur de nouvelles bases.

M. Pierre Forgues s'est interrogé sur le respect des règles censées accompagner l'ouverture des marchés. Il a regretté que les négociateurs européens semblent faire porter leurs efforts plutôt sur l'ouverture que sur la régulation qui doit l'encadrer. Est-il aujourd'hui possible d'arrêter un produit à la frontière, par exemple un produit textile ? Sur le marché des petites villes, des articles de belle qualité sont vendus à des prix si bas qu'ils posent la question de la rémunération du producteur. Sans aller jusqu'à parler de travail forcé, peut-on contrôler qu'un produit n'a pas été fabriqué par des enfants ? Tous les jouets achetés en France sont, rappelons-le, fabriqués en Chine.

Quant à la distinction ou au distinguo entre commerce mondial et commerce intra-communautaire, que recouvre-t-il ? On peut se demander si les institutions communautaires fonctionnent si bien. Comment justifier alors que les directives peinent à être transposées ? Les députés français sont déjà considérés comme responsables de ce qui se passe à l'échelon communautaire. Qu'ils puissent être mieux associés au processus de décision européen paraît donc une bonne chose.

Au sujet de l'agriculture, ou plutôt des agricultures, l'expérience personnelle et locale prouve qu'un exploitant peut faire mieux que survivre avec vingt hectares. Certes, la politique de la montagne y est pour une part, mais l'Europe n'apporte pas autrement de subventions significatives. Que faut-il entendre par une baisse des subventions agricoles de 55 % ? Si pareille baisse est possible, c'est qu'on donnerait trop aujourd'hui aux exploitants. Mais si c'est juste assez, que faut-il en penser ? Il n'y pas de raison apparente à ce qu'un prix agricole doive être le même en Argentine et dans l'Eure. Certes, l'Europe importe déjà beaucoup de produits d'Amérique latine, mais elle y reste très critiquée parce qu'elle continuerait à mettre des obstacles aux échanges. Là encore, du chemin reste à faire et l'OMC doit être à la hauteur des ambitions initiales.

M. Nicolas Dupont-Aignan s'est associé à l'inquiétude de M. François Guillaume au sujet de la politique agricole commune. Il s'est demandé comment on pouvait affirmer qu'une baisse de 55 % des subventions était impliquée par les décisions déjà prises. Le malaise agricole est profond dans le pays et il faut s'attendre à des mouvements de protestation. Il ne paraît pas possible de conserver après 2007 un même budget agricole pour vingt-cinq membres que pour quinze.

Se déclarant favorable au libre-échange, il a insisté sur la nécessité de tirer d'abord un bilan du passé avant d'entamer de nouvelles négociations. La désindustrialisation touche désormais jusqu'aux entreprises les plus sophistiquées. Les effets bénéfiques du libre-échange se font sentir dans la longue durée, mais il conviendrait de dresser un bilan des conséquences immédiates des dernières négociations multilatérales, où les Etats-Unis sont largement perçus comme ayant imposé leurs exigences aux autres partenaires.

Il a enfin demandé des précisions sur les contours de la clause de sauvegarde alimentaire qui pourrait être négociée au profit des pays en développement.

M. Edouard Landrain a souhaité savoir si la Commission estime que les recommandations et normes européennes ont été bien appliquées par les Etats membres en matière de sécurité maritime. Il a également regretté que le siège de l'Agence européenne de sécurité maritime ait été, même provisoirement, fixé à Bruxelles alors qu'il aurait dû légitimement se situer à Nantes. Il a interrogé le Commissaire sur sa position en ce qui concerne la réforme de la politique commune de la pêche et la conservation des ressources halieutiques.

M. Gérard Voisin a souligné que les députés européens français, auxquels revient un rôle essentiel d'information des parlementaires et surtout des citoyens français, ne remplissent pas bien cette mission. Il a estimé que la Délégation pour l'Union européenne devrait favoriser leur implication au niveau national, en particulier dans le contexte de l'échéance de 2004.

Le Président Pierre Lequiller a rappelé que la Délégation pour l'Union européenne a déjà invité des parlementaires européens, et qu'ils ne sont effectivement pas toujours assez disponibles. La réforme du mode de scrutin devrait améliorer sensiblement la situation sur ce point.

En réponse aux intervenants, M. Pascal Lamy a apporté les précisions suivantes :

- il n'y a pas de dispositif permettant, à l'heure actuelle, d'empêcher l'importation et la libre circulation d'un produit fabriqué par des enfants. Il n'y a en effet pas de consensus international sur ce point. L'Organisation internationale du travail (OIT) peut cependant recommander à ses membres, face à une telle situation, de cesser leurs relations commerciales avec un Etat - ce qu'elle a fait dans le cas birman, et les Etats membres de l'Union européenne ont mis en œuvre cette recommandation.

En revanche, si un produit importé apparaît vendu à perte, l'Union européenne dispose d'une législation anti-dumping très élaborée et efficace. Elle permet de sanctionner les prix arbitrairement bas et les subventions illégales, par l'imposition de droits de douane. C'est un instrument important de défense commerciale ;

- en ce qui concerne les produits alimentaires comportant des OGM, l'Union européenne dispose d'une norme commune dans ce domaine, qui soumet leur importation à des contrôles importants. Son effectivité est, certes, tributaire de l'existence de capacités de détection réelles ;

- sur la diminution des aides agricoles, l'Union européenne a accepté la fixation de plafonds en 1995. Des réformes ont été réalisées, au terme desquelles on n'aide pas moins, mais différemment. Le transfert d'une proportion importante des aides de la « boîte jaune » à la « boîte verte » relève de cette logique. Quant à la notion de « prix mondial agricole », elle est effectivement d'une fiabilité douteuse ;

- sur la proximité de l'Europe pour les citoyens, il y a encore beaucoup à faire pour expliquer ce que l'Europe fait et ne fait pas. L'idée selon laquelle l'ouverture des échanges est positive pour tous, par exemple, n'est pas encore passée, alors qu'elle a permis de créer des centaines de milliers d'emplois. Il faut faire valoir ces arguments ;

- s'agissant des zones régionales, l'Union européenne incite les pays africains, notamment, à se regrouper au sein de tels groupements régionaux, mais cela prend du temps ;

- le contrôle démocratique de l'Union doit être renforcé, mais il est excessif de dire que la Commission ne fait pas l'objet d'un tel contrôle : la démission de la Commission présidée par Jacques Santer, en 1999, à la suite d'une commission d'enquête du Parlement européen et sous la menace d'une motion de censure, en est l'illustration. La nécessité d'obtenir l'approbation unanime du Conseil en est un autre exemple. Mais il est vrai que la visibilité de ces contrôles peut être renforcée ;

- en matière de sécurité du transport maritime, les Etats membres, après le naufrage de l'Erika, n'ont accepté, à tort, qu'une partie de ce qui leur était proposé par la Commission. Ils n'ont également mis en œuvre, à tort également, qu'une partie de ce qu'ils avaient accepté. La Commission a d'ailleurs engagé plusieurs procédures d'infractions à ce sujet, y compris contre la France. Cette question ne peut, en état de cause, être réglée qu'au niveau européen, afin notamment de rendre l'Union européenne plus forte au sein de l'Organisation maritime internationale (OMI) ;

- la réforme de la politique commune de la pêche ne relève pas de la politique commerciale commune. Sur cette question, il existe encore un décalage très fort entre ce qui est nécessaire, mettre un terme à l'épuisement des ressources et baisser les prises, d'une part, et les préoccupations des professionnels du secteur, d'autre part. Il faudra trouver un équilibre entre ces deux exigences. Quant au siège de l'Agence européenne de sécurité maritime, il était prévu qu'à défaut d'accord unanime des Etats membres sur la fixation de ce siège, celle-ci serait installée provisoirement à Bruxelles à compter du 1er janvier 2003. Cette solution transitoire était nécessaire pour ne pas entraver sa mise en place ;

- les parlementaires européens ne sont effectivement pas très visibles. Les contraintes auxquelles ils sont soumis en termes d'emploi du temps l'expliquent largement. Il faut effectivement changer le mode de scrutin. L'organisation du travail du Parlement européen, trop complexe et pas toujours rationnelle, devrait également être améliorée, afin de laisser aux députés européens davantage de temps pour assumer leur rôle d'information au niveau national.

Réunion de la Délégation du 5 février 2003

M. François Guillaume a souhaité rendre hommage au travail réalisé par M. Patrick Hoguet, qui a examiné de manière approfondie un sujet très complexe. Ce dernier s'est notamment attaché à rappeler l'entrée progressive de l'agriculture dans les négociations commerciales multilatérales et à analyser les subtilités des différents textes encadrant le champ des négociations.

M. François Guillaume a estimé que ce travail devait déboucher sur une réflexion plus large sur l'agriculture et les problèmes des pays en développement. Il s'agit d'explorer les solutions concrètes que l'Union européenne pourrait proposer aux pays du Sud, afin que ces derniers puissent bénéficier de dérogations au sein des règles commerciales multilatérales leur permettant de développer leur agriculture. Ce secteur emploie en effet une partie importante de la population des pays pauvres et constitue pour ces derniers une source de devises non négligeable. La Délégation devrait donc étudier ce thème majeur de près.

L'exposé de M. François Guillaume a été suivi d'un débat.

Le Président Pierre Lequiller a remercié M. François Guillaume d'avoir accepté de reprendre un rapport préparé par M. Patrick Hoguet et il a indiqué que la Délégation aurait encore l'occasion de discuter de ces différentes questions lors d'une audition, commune avec la commission des affaires économiques, du ministre de l'agriculture, M. Hervé Gaymard. En outre, dans le cadre des grands débats de la Délégation pour l'Union européenne, organisés salle Lamartine en présence de la presse et du public, un débat entre MM. Franz Fischler et Hervé Gaymard, présidé par M. Jean-Louis Debré, pourrait être organisé début mai. A cet égard, il a indiqué que le débat entre MM. Joschka Fischer et Dominique de Villepin, qui devait avoir lieu le 12 février prochain, a dû être annulé en raison d'un sommet germano-espagnol fixé à la même date.

M. Christian Paul a fait part de son intérêt pour l'intervention de M. François Guillaume, tout en regrettant que la position qu'il défend n'anticipe pas les évolutions probables et soit trop statique. Il serait souhaitable que la proposition de résolution puisse faire passer deux messages. En premier lieu, il faudrait enregistrer le fait que la logique des aides compensatoires est progressivement dépassée, notamment par les dispositions de la dernière loi d'orientation agricole, et qu'il faut accepter une évolution vers des aides contractualisées. Il serait donc opportun d'approfondir les questions relatives à la multifonctionnalité pour ne pas subir l'approche de la Commission européenne concernant le découplage. En second lieu, la question des restitutions mériterait d'être travaillée pour sortir des idées reçues. On pourrait alors avancer l'idée qu'en contrepartie de concessions sur les restitutions aux exportations, certaines préférences communautaires pourraient être maintenues.

Le Président Pierre Lequiller a observé que ce dossier soulevait effectivement un problème tactique. Il est évident que des évolutions de la position française auront lieu, même s'il est intéressant de constater que les réserves de la France sur le découplage intégral sont partagées actuellement par douze Etats membres, mais il ne faut pas esquisser de façon prématurée nos concessions futures, ce qui est malheureusement la position adoptée par M. Franz Fischler.

M. Christian Paul a jugé que « la ficelle pourrait apparaître trop grosse » puisque tout le monde sait qu'il faudra bien parvenir à un compromis.

M. Jean-Marie Sermier, après avoir observé que les logiques régissant l'OMC et la PAC étaient opposées, a estimé qu'un consensus devrait être difficile à trouver lors du prochain sommet de Cancun en septembre 2003, car les conditions seront très différentes de celles du sommet de Doha, réuni deux mois après les attentats du 11 septembre 2001. La France ne doit donc pas hésiter à défendre une position très ferme, d'autant que son agriculture représente le quart de l'agriculture européenne. Dans le même ordre d'idées, l'Europe ne doit pas céder lors des négociations sur le lait en avril prochain car elle perdrait les moyens financiers nécessaires pour les années suivantes dans ce secteur.

M. François Guillaume a jugé que la position de M. Christian Paul constituerait une maladresse, dans la mesure où il n'est pas habile, dans le cadre d'une négociation, de dévoiler son jeu à l'avance. C'est malheureusement ce qu'a déjà fait la Commission européenne en révélant son projet de modification de la PAC, permettant ainsi aux Américains d'entamer les discussions à partir de ces nouvelles propositions. Il a également considéré que les autorités françaises n'ont aucun intérêt à prendre position pour des aides pouvant être assimilées par les agriculteurs à des aides de type social dont ils ne veulent pas.

A cet égard, il faut rappeler qu'il y a moitié moins d'installations de jeunes agriculteurs que ce que l'on escomptait, à savoir seulement 6.000 par an. Ceux qui s'engagent dans la vie professionnelle aujourd'hui veulent devenir chefs d'entreprise et non partir dans une voie où ils seront tributaires d'aides, non seulement pour réaliser leurs marges, mais aussi pour couvrir leurs charges. Aussi les jeunes exploitants potentiels, forts de leurs qualifications, préfèrent-ils souvent s'orienter vers d'autres secteurs.

Le Président Pierre Lequiller a avancé l'idée de trouver, d'une manière générale, une formule qui n'exclue pas des évolutions, mais sans dévoiler aujourd'hui les points sur lesquels négocier, jugeant préférable que l'Assemblée nationale adopte une position particulièrement ferme.

M. Jérôme Lambert s'est interrogé sur ce qu'il fallait entendre par « rémunération normale », la norme étant difficile en ce domaine à définir. En adoptant un raisonnement économique pur, la rémunération des agriculteurs n'apparaît plus aujourd'hui comme suffisante. Pour ce qui est de l'installation, il a observé qu'en Charente, la pression foncière empêchait les jeunes agriculteurs d'acheter des terres. Lorsqu'un terrain attire dix acquéreurs, ce ne sont pas toujours les plus jeunes qui sont retenus. Les SAFER doivent remplir tout leur rôle.

M. François Guillaume a renchéri, en expliquant que le dispositif réglementaire actuel encourageait la course aux surfaces toujours plus grandes.

A la suite des observations de M. Christian Paul, qui s'inquiétait de ce que le cadre budgétaire ait été arrêté avant même toute décision sur la réorientation de la politique agricole, le Président Pierre Lequiller a rappelé que, dans l'accord obtenu au Conseil européen de Bruxelles du 25 octobre 2002, la préservation de l'enveloppe budgétaire jusqu'en 2006 n'excluait pas des évolutions par la suite, la position française n'étant pas figée.

M. François Guillaume a complété ce propos en signifiant que les décisions de Bruxelles dressaient un garde-fou à la baisse sans qu'elles soient pourtant un obstacle à la hausse.

Au cours de l'examen de la proposition de résolution, M. François Guillaume a souhaité insérer, à la fin du point 4, la mention suivante : « demande en particulier un encadrement strict des sociétés commerciales d'Etat », précisant qu'il visait ainsi les boards en place dans les Etats du groupe de Cairns.

Le Président Pierre Lequiller a ensuite souligné l'importance des points 10 et 11. Les discussions engagées sont un débat idéologique où l'Europe se trouve mise en accusation alors que son action ne porte pas préjudice aux pays en voie de développement. Il s'est d'autre part demandé s'il était opportun d'insérer dans la proposition de résolution une formule plus ouverte.

MM. Marc Laffineur et Daniel Garrigue ont répondu par la négative en soulignant que la représentation nationale devait apporter aux ministres un appui solide dans la négociation.

Reprenant la question de la tactique à adopter au cours des négociations, M. François Guillaume a souligné que l'Europe avait déjà fait mouvement en consentant des concessions pour lesquelles il reste encore à obtenir aujourd'hui des contreparties. S'il reste un geste à faire, c'est en faveur des pays en voie de développement. Une proposition en leur faveur devrait leur permettre de bénéficier d'une exception agricole et alimentaire grâce à laquelle ils puissent se développer, ce qui n'est pas possible avec les règles actuelles imposées par l'OMC. Pareille proposition recueillerait à n'en pas douter l'assentiment général.

Le Président Pierre Lequiller a annoncé que la Délégation suivrait le cours des négociations jusqu'à Cancun et même au-delà, car il apparaît déjà que tout n'y sera pas réglé. Il a de nouveau remercié M. François Guillaume d'avoir su reprendre si vite un travail si important.

La Délégation a adopté la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

CONCLUSIONS ADOPTEES PAR LA DELEGATION

PROPOSITION DE RESOLUTION

L'Assemblée nationale,

- Vu l'article 88-4 de la Constitution,

- Vu la communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement européen du 8 juillet 1999 relative à l'approche de l'Union européenne en vue du cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce (COM [1999] 331 final/n° E 1285),

- Vu l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC), auquel sont annexés les différents accords concluant les négociations commerciales du Cycle d'Uruguay, notamment l'Accord sur l'agriculture, signé le 15 avril 1994, dont la ratification a été autorisée par la loi n° 94-1137 du 27 décembre 1994, et entré en vigueur le 1er janvier 1995,

- Vu la Déclaration adoptée le 14 novembre 2001 à Doha par la Conférence ministérielle de l'OMC, qui fixe l'ordre du jour du nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales,

- Vu la proposition de la Communauté européenne relative aux modalités des négociations agricoles adoptée le 27 janvier 2003 par le Conseil,

Considérant que les membres de l'OMC doivent déterminer, d'ici le 31 mars 2003, les modalités des négociations agricoles, c'est-à-dire les objectifs chiffrés de baisse des droits de douane et des soutiens à l'agriculture, pour élaborer ensuite leurs projets d'engagements globaux ou offres de négociation, qui seront discutés lors de la Conférence ministérielle de l'OMC de Cancun des 10-14 septembre 2003 ;

Considérant que la politique agricole commune (PAC) fait l'objet, dans le cadre de ces négociations, d'attaques inacceptables de la part des Etats-Unis et d'autres membres de l'OMC, notamment les pays du groupe de Cairns, qui rendent difficile la position de négociation de l'Union européenne, alors même que celle-ci s'est largement acquittée, de manière responsable et transparente, des obligations souscrites à Marrakech, à l'inverse des Etats-Unis, qui n'ont cessé d'augmenter leurs aides agricoles, et qu'elle est le premier importateur de produits agricoles en provenance des pays en développement ;

Considérant que les discussions concernant la révision à mi-parcours de la PAC risquent d'interférer dangereusement avec les négociations à l'OMC, en conduisant nos partenaires à durcir leurs exigences, et de fragiliser la capacité de l'Union européenne à défendre ses intérêts ;

Considérant que l'enjeu central des négociations en cours est d'obtenir la reconnaissance de la diversité des modèles agricoles régionaux à l'OMC.


Sur la proposition de modalités des négociations agricoles de la Communauté européenne
 :

1. Demande à la Commission européenne de respecter le mandat de négociation arrêté par le Conseil du 25 octobre 1999 qui s'appuie sur la réforme de l'Agenda 2000, laquelle a marqué un effort important pour adapter la PAC aux exigences de la société et au contexte international, alors que certains des partenaires, notamment les Etats-Unis, empruntaient à l'OMC la voie inverse en accroissant leurs engagements budgétaires en faveur de l'agriculture, en supprimant toute maîtrise de la production et en mettant en œuvre des mécanismes notamment les aides de « marketing loans » perturbant le marché mondial par une aide indirecte à la baisse des prix ;

2. Déplore que les offres d'engagement chiffrées utilisent de manière imprudente tout le crédit de négociation dont dispose l'Union européenne suite à la réforme de l'Agenda 2000, au point de ne plus lui laisser aucune marge de négociation si ses partenaires durcissent leurs exigences ; demande donc que ces propositions constituent non un point de départ mais fixent les objectifs à atteindre pour que l'Union européenne obtienne autant de concessions de la part de ses partenaires et notamment des Etats-Unis, ces derniers devant prendre des engagements sur la base du volume des aides antérieur à celui prévu par la nouvelle loi agricole américaine ; juge enfin que toute concession qui irait au-delà de ces propositions serait inacceptable, car elle obligerait l'Union européenne à réformer la PAC dans le seul but de respecter les contraintes issues du nouveau Cycle ;

3. Estime que les propositions concernant la réduction de la protection tarifaire (baisse moyenne des droits de 36 % et baisse minimale de 15 % par ligne tarifaire) sont susceptibles de remettre en cause la préférence communautaire pour les organisations communes de marché non réformées dans le cadre de l'Agenda 2000 comme pour les autres et qu'il est nécessaire que l'Union européenne conserve une certaine marge de flexibilité dans la diminution des tarifs douaniers, en particulier dans les secteurs non réformés de la PAC ;

4. Se félicite que le Conseil des ministres de l'Union européenne ait supprimé dans le texte de la proposition de négociation la référence à l'élimination de certaines subventions aux exportations pour retenir une formule sur le retrait progressif de celles-ci par toutes les parties à la négociation conforme au texte de la Déclaration ministérielle adoptée par la Conférence de Doha ; rappelle que l'Union européenne ne saurait renoncer à cet instrument sans une discipline équivalente de la part de nos partenaires ; demande en particulier un encadrement strict des sociétés commerciales d'Etat de certains pays et de leurs privilèges à l'exportation ;

5. Constate qu'en matière de soutiens internes les aides de « marketing loans » des Etats-Unis sont, suite aux délibérations du Conseil, directement visées par la proposition de négociation  ; regrette néanmoins que la proposition de négociation ne prévoie pas de soumettre ces aides aux disciplines applicables aux subventions aux exportations ; exige donc que l'Union européenne demande l'institution de telles disciplines aux « marketing loans », afin d'obtenir un traitement équitable à l'OMC entre la PAC et la politique agricole des Etats-Unis ;

6. Se félicite que la proposition de négociation prévoie le maintien de la boîte bleue, qui regroupe les aides liées à un programme de maîtrise de la production, celles-ci jouant un rôle désormais fondamental dans les mécanismes de la PAC et ayant des effets de distorsion sur la production nettement inférieurs à certains soutiens américains, ainsi que la prorogation de la « clause de paix », qui protège ces aides de toute contestation devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC ;

Sur les objectifs de long terme des négociations agricoles
 :

7. Estime que la mission de l'OMC doit se limiter à réguler exclusivement les effets des politiques agricoles sur le commerce international sans poser une interdiction de principe de ces dernières ;

8. Juge nécessaire de réviser l'article 20 de l'Accord sur l'agriculture, relatif à la poursuite du processus de réforme des politiques agricoles, afin que soit consacrée une exception agricole au sein des règles commerciales multilatérales, fondée sur le caractère spécifique de cette activité et l'impérieuse nécessité d'assurer à tout pays sa sécurité alimentaire ; estime que la reconnaissance de l'exception agricole exige la mise en place d'un mécanisme international de régulation des marchés agricoles tout en permettant à tout membre de l'OMC, ainsi qu'à tout groupement régional, de développer son propre modèle agricole ;

9. Considère que cette exception agricole doit aussi prendre la forme d'une protection tarifaire adaptée de chaque modèle d'agriculture, reflétant le surcoût qu'impose aux agriculteurs les exigences de qualité et de sécurité alimentaires de la société ;
10. Demande à l'Union européenne de conduire le combat en faveur de la préservation de la diversité des agricultures en vue de préparer la Conférence ministérielle de Cancun et de nouer dans ce but une alliance avec les pays en développement à faibles revenus et à déficit alimentaire souhaitant protéger leurs agricultures vivrières dans un cadre national ou régional ;

11. Demande à la Commission européenne d'encourager les pays en développement à se regrouper au sein d'ensembles régionaux favorisant leur sécurité alimentaire ; estime nécessaire que, dans ce but, les pays en développement soient autorisés par l'OMC à mettre en place des préférences agricoles régionales spécifiques ; considère néanmoins que ce traitement doit être exclusivement réservé aux pays ayant besoin d'assurer leur autosuffisance alimentaire, ces derniers devant être identifiés sur la base de critères objectifs et internationalement reconnus.

ANNEXES

Annexe 1 :
Liste des personnes entendues par M. Patrick Hoguet

A Bruxelles :

M. Jao Pacheco, Chef adjoint d'unité en charge de l'OMC à la Direction générale de l'agriculture de la Commission européenne

A Paris :

· Association générale des producteurs de blé et autres céréales :

- M. Jean-Jacques Vorimore, Vice-président ;

- M. Pascal Hurbault, Chargé de mission.

· Association permanente des chambres d'agriculture :

- M. Luc Guyau, Président ;

- M. Daniel Bigou, Sous-Directeur des Affaires européennes et internationales ;

- M. Guillaume Baugin, Chargé de mission ;

- M. Guillaume Brulé, Chargé de mission.

· Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles :

- M. Jean-Paul Bastian, Vice-Président ;

- M. Claude Soudé, Chef du Service international ;

- Mme Nadine Normand, Chargée de mission.

· Jeunes Agriculteurs :

- M. François Vanier, Vice-président.

Annexe 2 :
Précédents rapports d'information de la Délégation
de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur
les problèmes de commerce international et autres éléments de bibliographie

1) Précédents rapports d'information de la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne (à compter de 1992)

_ M. Alain Barrau

- rapport d'information n° 1721, Union européenne et Mercosur : mariage ou union libre ? (Rio, 28-29 juin 1999), présenté le 17 juin 1999 ;

- rapport d'information n° 2269, Pour un dialogue fructueux entre l'Union européenne et le Mercosur, présenté le 22 mars 2000 ;

- rapport d'information n° 3211, Des alliances pour une mondialisation maîtrisée, présenté le 28 juin 2001 ;

- rapport d'information n° 3429, L'Assemblée nationale et l'OMC : Compte rendu de mandat, présenté le 30 novembre 2001.

_ M. Camille Darsieres

- rapport d'information n° 2178, De l'OMC à l'organisation commune du marché de la banane : le respect des droits des travailleurs, présenté le 10 février 2000.

_ M. Yves Dauge

- rapport d'information n° 1776, Le nouveau partenariat UE-ACP : changer la méthode, présenté le 1er juillet 1999.

_ M. Patrick Hoguet

- rapport d'information n° 679, Les enjeux de la négociation du GATT (Cycle d'Uruguay), présenté le 2 novembre 1992 ;

- rapport d'information n° 1066, Les résultats du cycle d'Uruguay du GATT, présenté le 5 avril 1994 ;

- rapport d'information n° 1713, Cycle d'Uruguay : conclusion et mise en œuvre communautaire , présenté le 22 novembre 1994 ;

- rapport d'information n° 1621, Une action communautaire pour le tiers-monde : le système des préférences généralisées, présenté le 14 décembre 1994 ;

- rapport d'information n° 2070, La convention de Lomé : un modèle en danger ?, présenté le 31 mai 1995 ;

- rapport d'information n° 2948, L'Organisation mondiale du commerce : une entreprise encore inachevée présenté le 2 juillet 1996.

_ M. Jean-Claude Lefort

- rapport d'information n° 1386, Les relations économiques transatlantiques à l'épreuve de la mondialisation, présenté le 11 février 1999 ;

- rapport d'information n° 2750, L'OMC a-t-elle perdu le Sud ? Pour une économie internationale équitable assurant le développement des pays pauvres, présenté le 23 novembre 2000.

_ Mme Béatrice Marre

- rapport d'information n° 1247, La PAC en quête de nouvelles missions présenté le 3 décembre 1998 ;

- rapport d'information n° n° 1824, De la mondialisation subie au développement contrôlé : les enjeux de la Conférence de Seattle, présenté le 30 septembre 1999 ;

- rapport d'information n° 2477, Vers une démocratie planétaire ? Les leçons de la Conférence de Seattle, présenté le 15 juin 2000 ;

- rapport d'information n° 3212, La sécurité alimentaire à la recherche de son Autorité, présenté le 28 juin 2001 ;

- rapport d'information n° 3355, Les parlements et l'OMC : une place à conquérir. La préparation de la rencontre parlementaire de Doha, présenté le 19 octobre 2001.

_ M. Robert Pandraud

- rapport d'information n° 3256, La politique commerciale de l'Union européenne, présenté le 19 décembre 1996.

2) Autres éléments bibliographiques

- Isabelle Albouy et Jean-Christophe Debar, OMC : le diable est dans la boîte orange, Economie rurale, n° 266, novembre-décembre 2001 ;

- Anthony AUMAND, Yannick JADOT, Jean-Pierre ROLLAND, Tancrède VOITURIEZ, La multifonctionnalité de l'agriculture dans les futures négociations de l'OMC, rapport de SOLAGRAL, septembre 1999 ;

- Alain Blogowski et Véronique Borzeix, L'accord sur l'agriculture du cycle d'Uruguay. Bilan et perspective pour l'Union européenne, Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture et de la pêche, n° 13, mars 2001 (première partie) et n° 14, septembre 2001 (deuxième partie) ;

- Jean-Christophe Bureau, Annie Hofstetter, Youssef Chahed et Véronique Borzeix, La mise en œuvre de l'accord de Marrakech : le volet accès au marché, Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture et de la pêche, n° 12, octobre 2000 ;

- Dominique Carreau et Patrick Juilliard, Droit international économique, CGDJ, 1998 ;

- Commission européenne, Direction générale de l'Agriculture, European agriculture entering the 21st century, octobre 2002 ;

- Fabien Delcros, Le statut juridique de l'agriculture à l'OMC, Etat des lieux au moment du lancement des négociations, Revue du Droit de l'Union européenne, n° 3, 2001 ;

- Jean-Luc DUVAL, Fin des paysans, Faim du Monde, le cherche midi, 2002 ;

- Fonds monétaire international (FMI), World Economic Outlook, septembre 2002 ;

- Harry de Gorter, Aides à l'agriculture. Comparaison des politiques céréalières américaine et européenne : conséquences pour les négociations à l'OMC, étude réalisée en novembre 2000 à la demande du groupe Céréaliers de France ;

- Tassos Haniotis, The new US farm bill from an EU perspective, communication au 78ème congrès de l'AGPB, 6 juin 2002 ;

- Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :

. Perspectives agricoles de l'OCDE 2002-2007, 2002 ;

. The Uruguay Round Agreement on Agriculture. An evaluation of its implementation in OECD countries, 2001 ;

. Politiques agricoles des pays de l'OCDE. Suivi et évaluation 2002, 2002 ;

- Organisation mondiale du commerce (OMC) :

. Market Access : Unfinished Business, 2001 ;

. Rapport annuel 2002 ;

. Rapport annuel du directeur général, Tour d'horizon de l'évolution et de l'environnement commercial international, novembre 2002 ;

. Statistiques sur le commerce mondial 2002 ;

. WTO Agriculture Negotiations, The issues and where we are now, 10 octobre 2002 ;

- Jean-Claude Patsy, Agriculture et alimentation à l'OMC : les attentes de la société, Avis du Conseil économique et social, séance des 9 et 10 octobre 2001.

Annexe 3 :
Liste des pays membres et des observateurs de l'OMC

a) Liste des pays membres

Afrique du Sud, Albanie, Allemagne, Angola, Antigua-et-Barbuda, Argentine, Arménie, Australie, Autriche, Bahreïn, Bangladesh, Barbade, Belgique, Belize, Bénin, Bolivie, Botswana, Brésil, Brunei, Bulgarie, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Canada, Chili, Chine, Chypre, Colombie, Communauté européenne, Congo, Corée, Costa Rica, Côte d'Ivoire, Croatie, Cuba, Danemark, Djibouti, Dominique, Egypte, El Salvador, Emirats arabes unis, Equateur, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Fidji, Finlande, France, Gabon, Gambie, Géorgie, Ghana, Grèce, Grenade, Guatemala, Guinée, Guinée-Bissau, Guyana, Haïti, Honduras, Hong Kong, Chine, Hongrie, Iles Salomon, Inde, Indonésie, Irlande, Islande, Israël, Italie, Jamaïque, Japon, Jordanie, Kenya, Koweït, Lesotho, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macao, Madagascar, Malaisie, Malawi, Maldives, Mali, Malte, Maroc, Maurice, Mauritanie, Mexique, Moldavie, Mongolie, Mozambique, Myanmar*, Namibie, Nicaragua, Niger, Nigeria, Norvège, Nouvelle-Zélande, Oman, Ouganda, Pakistan, Panama, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Paraguay, Pays-Bas - pour le Royaume en Europe et pour les Antilles néerlandaises -, Pérou, Philippines, Pologne, Portugal, Qatar, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République dominicaine, République kirghize, République slovaque, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Rwanda, St-Kitts-et-Nevis, St-Vincent et les Grenadines, Sainte-Lucie, Sénégal, Sierra Leone, Singapour, Slovénie, Sri Lanka, Suède, Suisse, Suriname, Swaziland, Taiwan, Tanzanie, Tchad, Thaïlande, Togo, Trinité-et-Tobago, Tunisie, Turquie, Uruguay, Venezuela, Zambie, Zimbabwe.

* Birmanie

b) Liste des observateurs

_ Gouvernements ayant le statut d'observateur :

Algérie, Andorre, Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Bahamas, Biélorussie, Bhoutan, Bosnie-Herzégovine, Cambodge, Cap-Vert, Ethiopie, Ex-Rép. yougoslave de Macédoine, Fédération de Russie, Kazakhstan, Laos, Liban, Népal, Ouzbékistan, Saint-Siège, Samoa, Sao Tome et Principe, Seychelles, Soudan, Tadjikistan, Tonga, Ukraine, Vanuatu, Viêt-nam, Yémen, Yougoslavie.

A l'exception du Saint-Siège, les pays ayant le statut d'observateur doivent engager les négociations en vue de leur accession dans les cinq ans qui suivent l'obtention de ce statut.

Annexe 4 :
Table des sigles les plus fréquemment utilisés

ADPIC

Accord sur les droits de propriété intellectuelle (OMC)

CNUCED

Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement

FAO

Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture

FMI

Fonds monétaire international

GATT

Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (OMC)

OCDE

Organisation de coopération et de développement économiques

OMS

Organisation mondiale de la santé

ORD

Organe de règlement des différends de l'OMC

OTC

Accord sur les obstacles techniques au commerce (OMC)

PMA

Pays les moins avancés

PNUD

Programme des Nations Unies pour le développement

QUAD

Quadrilatérale

SPG

Système de préférences généralisées

SPS

Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires

USTR

Département du commerce extérieur américain

Annexe-1

1 () L'estimation du soutien total est l'indicateur utilisé par l'OCDE pour mesurer la valeur monétaire annuelle de tous les transferts bruts des contribuables et des consommateurs découlant des mesures de soutien à l'agriculture, déduction faite des recettes budgétaires associées.

2 () OCDE, « Post Uruguay Round Tariff Regimes : Achievements and Outlook », 1999.

3 () Afrique du Sud (pour 166 produits), Australie (10), Barbade (37), Botswana (161), Bulgarie (21), Canada (150), Colombie (56), Costa Rica (87), Equateur (7), Etats-Unis (189), Guatemala (107), Hongrie (117), Islande (462), Indonésie (13), Israël (41), Japon (121), Corée (111), Malaisie (72), Mexico (293), Maroc (374), Namibie (166), Nicaragua (21), Norvège (581), Nouvelle-Zélande (4), Panama (6), Philippines (118), Pologne (144), République tchèque (236) Roumanie (175), Salvador (84), Slovaquie (114), Suisse-Lichtenstein (961), Taiwan (84), Tunisie (32), Union européenne (539), Uruguay (2), Venezuela (76).

4 () Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Bulgarie, Canada, Colombie, Corée, Costa Rica, Croatie, Chypre, Etats-Unis, Hongrie, Islande, Israël, Japon, Jordanie, Lituanie, Mexique, Maroc, Moldavie, Norvège, Nouvelle-Zélande, Papouasie Nouvelle-Guinée, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Union européenne et Venezuela.

5 () Australie, Brésil, Bulgarie, Canada, Colombie, Chypre, Etats-Unis, Hongrie, Indonésie, Islande, Israël, Mexique, Norvège, Nouvelle-Zélande, Panama, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suisse-Lichtenstein, Turquie, Union européenne, Uruguay et Venezuela.

6 () La catégorie des PMA a été établie par la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le développement (CNUCED) en 1971. Elle regroupe actuellement 49 pays, classés en fonction d'un critère de revenu (PNB par habitant inférieur à 765 dollars), d'un critère de qualité de vie (combinant l'espérance de vie à la naissance, la consommation calorique par habitant, le taux d'alphabétisation des adultes et le taux de scolarisation pour le primaire et le secondaire) et d'un indice de diversification économique (combinant la part de l'industrie dans le PIB, la consommation annuelle d'électricité et un indice de concentration des exportations). Ces 49 pays sont : Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Bhoutan, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Cap-Vert, Comores, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée-Bissau, Haïti, Iles Salomon, Kiribati, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Maldives, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République démocratique populaire lao, République-Unie de Tanzanie, Rwanda, Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tchad, Togo, Tuvalu, Vanuatu, Yémen et Zambie.

7 () Commission européenne, « European agriculture entering the 21st century », octobre 2002.

8 () Etude de février 2000 cité dans les Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture, n° 13, mars 2001.

9 () Chiffres cités par une étude du Secrétariat de l'OMC de 2002, « Market Access : Unfinished Business », p. 49.

10 () « La mise en œuvre de l'Accord de Marrakech : le volet accès au marché » de Jean-Christophe Bureau, Annie Hofstetter, Youssef Chahed et Véronique Borzeix, Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture, n° 12, octobre 2000, p. 19

11 () « L'Accord sur l'Agriculture du cycle de l'Uruguay. Bilan et perspectives pour l'Union européenne » d'Alain Blogowski et Véronique Borzeix, Notes et études économiques de la Direction des affaires financières du ministère de l'agriculture, n° 13, mars 2001, p. 117.

12 () Henry de Gorter, « A comparison of US and EU Government Policies for the cereals sectors : Implications for the WTO trade Negotiations », étude réalisée pour les céréaliers de France en novembre 2000.

13 () « The new US farm bill from an Eu perspective », Tassos Hamiotis, communication préparée pour le 78ème Congrès de l'Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), 6 juin 2002.

14 () Agri-US Analyse, n° 84, juillet-août 2002.

15 () Ce règlement, entré en vigueur le 1er janvier 1995, permet à toute personne physique ou morale ou toute association n'ayant pas la personnalité juridique, agissant au nom d'une industrie communautaire, et qui estime avoir subi un préjudice résultant d'obstacles au commerce ayant un effet sur le marché de la Communauté, de déposer une plainte auprès de la Commission européenne. Celle-ci mène alors une enquête pour vérifier la réalité du préjudice subi. Si ce dernier est fondé, la Commission européenne entame des consultations avec la partie ayant causé le préjudice. En cas d'échec de ces consultations, la Commission européenne a la possibilité de porter l'affaire devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC.

16 () Notes et études économiques, Direction des affaires financières, ministère de l'agriculture, n° 14, septembre 2001.

17 () « West Africa unites for attack on subsidies », Financial Times, 3 octobre 2002.

18 () Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Corée, Costa Rica, Jordanie, Maroc, Mexique, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Taiwan, Thaïlande, Turquie, Uruguay et Venezuela.

19 () Cette demande importante des pays en développement est analysée plus loin.

20 () Afrique du Sud, Argentine, Australie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Philippines, Thaïlande, Uruguay.

21 () « L'Accord sur l'agriculture du cycle d'Uruguay », OCDE, 2001, p. 31.

22 () Ce point est développé plus loin.

23 () La Banque mondiale classe les pays ayant un revenu par tête inférieur à 755 dollars dans la catégorie des pays à bas revenus et les pays ayant un revenu par tête compris entre 756 et 9 265 dollars dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire.

24 () FMI, World Economic Outlook, pp. 85-86.

25 () Résolution sur le document E 1285 (COM [1999] 331final) présentée par Mme Béatrice Marre dans le cadre de son rapport d'information n° 1824, « De la mondialisation subie au développement contrôlé : les enjeux de la Conférence de Seattle ».

26 () Le Comité 133 est composé de représentants des Etats membres. La Commission doit lui soumettre toutes ses propositions en matière de politique commerciale, y compris l'ensemble des documents qu'elle fait circuler à l'OMC dans le cadre des différentes négociations.

27 () Henry de Gorter, « A comparison of US and EU Government Policies for the cereals sectors : Implications for the WTO trade Negotiations », étude réalisée pour les céréaliers de France, et « OMC : le diable est dans la boîte orange », Isabelle Albouy et Jean-Christophe Debar, Revue d'économie rurale, n° 266, novembre-décembre 2001.

28 () Afghanistan, Albanie, Angola, Arménie, Azerbaïdjan, République de Bangladesh , Bhoutan, Bolivie, Bosnie-Herzégovine, Burkina Faso, Burundi, Bénin, Cambodge, Cameroun, Cap-Vert, République Centrafricaine, Chine, Comores, République démocratique du Congo, République du Congo, République démocratique de Corée, Cuba, Côte d'Ivoire, Djibouti, Égypte, Équateur, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Ghana, Guatemala, Guinée, Guinée équatoriale, Guinée-Bissau, Géorgie, Haïti, Honduras, Inde, Indonésie, Kenya, Kirghizistan, Kiribati, Laos, Lesotho, Libéria, l'ex-République Yougoslave de Macédoine, Madagascar, Malawi, Maldives, Mali, Maroc, Mauritanie, Mongolie, Mozambique, Nicaragua, Niger, Nigeria, Népal, Ouganda, Ouzbékistan, Pakistan, Papouasie-Nouvelle Guinée, Philippines, Rwanda, Salomon, Iles Samoa, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Sri Lanka, Swaziland, République arabe de Syrie, Sénégal, Tadjikistan, République unie de Tanzanie, Togo, Turkménistan, Tuvalu, Vanuatu, Yémen, Zambie.

29 () Ces critères figurent à l'annexe 2 du règlement n° 2501/2001 du 10 décembre 2001 portant application d'un schéma de préférences généralisées pour la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004.

30 () Bulletin n° 65 de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne.

31 () Patrick Hoguet, « Pour un observatoire de la préférence communautaire », Le Figaro du 3 octobre 2002.

© Assemblée nationale