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Document E3451
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection de l'environnement par le droit pénal.


E3451 déposé le 21 février 2007 distribué le 23 février 2007 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2007) 0051 final du 9 février 2007, transmis au Conseil de l'Union européenne le 9 février 2007)

Au cours de la réunion de la Délégation du 19 décembre 2007, M. Jérôme Lambert, rapporteur, a présenté cette proposition de directive qui entend tirer les conséquences d’un important arrêt du 13 septembre 2005 reconnaissant que la Communauté peut prendre des mesures en relation avec le droit pénal des Etats membres en matière de protection de l’environnement.

I. La Communauté européenne est compétente pour obliger les Etats membres à adopter des mesures pénales pour protéger l’environnement

En février 2000, le Danemark avait saisi le Conseil d’une initiative proposant l’adoption d’une décision-cadre relative à la lutte contre les infractions graves à l’environnement. Cette initiative a conduit à l’adoption de la décision-cadre 2003/80/JAI du 27 janvier 2003. Toutefois, cette dernière a fait l’objet d’un recours en annulation présenté par la Commission européenne, avec le soutien du Parlement européen.

Dès le dépôt de l’initiative danoise, la Commission a contesté la base juridique retenue (l’article 34 du traité sur l’Union européenne, relevant donc du « troisième pilier » concernant la coopération policière et judiciaire en matière pénale), faisant valoir qu’elle était compétente au titre de l’article 175 du traité instituant la Communauté européenne (ressortant du premier pilier) pour imposer aux Etats membres l’obligation de prévoir des sanctions pénales en cas d’infraction à la réglementation communautaire en matière de protection de l’environnement. Pour conforter sa position, la Commission avait également déposé, en mars 2001, une proposition de directive. Le Conseil avait préféré adopter la décision-cadre tout en y intégrant des éléments repris de la proposition de directive.

Finalement, dans un arrêt du 13 septembre 2005 (affaire C 176/03), la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a fait droit aux demandes de la Commission en jugeant que si, en principe, la législation pénale ne relève pas de la compétence de la Communauté, cela ne saurait empêcher la législation communautaire de prendre des mesures en relation avec le droit pénal des Etats membres, lorsque l’application de sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives, par les autorités nationales compétentes, constitue une mesure indispensable pour lutter contre les atteintes graves à l’environnement. Dans ces conditions, la décision-cadre a été annulée, puisqu’elle empiétait sur les compétences que l’article 175 du traité instituant la Communauté européenne attribue à la Communauté.

Plus récemment, dans un arrêt du 23 octobre 2007 (affaire C 440/05), la CJCE a retenu un raisonnement similaire pour annuler la décision-cadre 2005/667/JAI du 12 juillet 2005, visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires.

La présente proposition vise donc à remplacer les dispositions annulées de la décision-cadre, en les incluant désormais dans une directive ayant pour base juridique l’article 175 du traité instituant la Communauté européenne.

II. La définition d’un ensemble minimal d’infractions graves en matière d’environnement et un rapprochement des niveaux de sanction

L’objectif poursuivi est d’empêcher les auteurs d’actes criminels au détriment de l’environnement de profiter des différences importantes existant entre les législations des Etats membres.

a) Les infractions

Reprenant en grande partie les définitions énoncées dans la décision-cadre et prenant aussi en considération certains amendements adoptés en première lecture par le Parlement européen lors de l’examen de la proposition de directive déposée en 2001, le présent texte définit un ensemble minimal de comportements graves en matière d’environnement, qui doivent être qualifiés d’infractions pénales dans toute la Communauté lorsqu’ils sont commis intentionnellement, voire même, dans certains cas, par négligence.

Pour l’essentiel, les infractions concernent le rejet, l’émission ou l’introduction dans l’environnement de matières illicites (la nouvelle proposition ayant préféré le terme de « matières » plutôt que de « substances » comme prévu par la décision-cadre du Conseil, dans la mesure où le terme « matières » est plus général et couvre, par exemple, les organismes génétiquement modifiés), ainsi que le traitement, l’élimination, le stockage et le transport illicites de déchets dangereux susceptibles de causer des dommages substantiels à l’environnement ou aux personnes.

La plupart des infractions dépendent du résultat des activités mises en œuvre, notamment du fait que celles-ci nuisent ou sont susceptibles de nuire gravement aux personnes ou à l’environnement.

Toutes les infractions (sauf une) supposent la commission d’actes « illicites », le terme « illicite » désignant ce qui viole les textes de loi communautaires ou le droit national donnant effet à ces textes communautaires. Pour la seule infraction autonome de la réalisation d’un acte illicite, le résultat, à savoir le décès d’une personne ou toute lésion sérieuse causée à une personne, est d’une gravité telle que l’exigence d’illégalité n’est pas nécessaire pour justifier la criminalisation.

Une infraction concernant la dégradation substantielle illicite d’un habitat protégé a été ajoutée. De même, une infraction spécifique relative aux transferts illicites de déchets a été incorporée, qui tient compte de la nouvelle législation communautaire. Les transferts illicites de déchets ne doivent être considérés comme des infractions pénales que dans les cas graves, lorsqu’ils portent sur des quantités non négligeables et sont effectués à des fins lucratives.

Il importe de noter, enfin, que les personnes morales devront être tenues pour responsables des infractions commises pour leur compte par des personnes agissant en leur nom ou lorsqu’un défaut de surveillance ou de contrôle aura rendu possible l’intervention de ces personnes. Il n’est pas précisé, néanmoins, que cette responsabilité doit être pénale. Les Etats membres qui ne reconnaissent pas la responsabilité pénale des personnes morales dans leur droit national ne seront donc pas tenus de modifier leur législation.

b) Les sanctions

Les sanctions appliquées à l’égard des infractions commises au détriment de l’environnement doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. En complément de cette exigence, compte tenu des différences notables qui existent d’un Etat membre à l’autre entre les sanctions définies dans la législation, un rapprochement des niveaux de sanction a été prévu, au moins pour les cas particulièrement graves, pour que les peines obéissent à une échelle à 3 niveaux :

- de 1 à 3 ans d’emprisonnement en cas de négligence grave, causant une dégradation substantielle ;

- de 2 à 5 ans d’emprisonnement lorsque l’infraction cause la mort ou de graves lésions aux personnes ou lorsqu’elle est commise de manière délibérée ou dans le cadre d’une organisation criminelle ;

- de 5 à 10 ans d’emprisonnement lorsque la mort ou les lésions graves aux personnes sont délibérées.

Cette échelle à trois niveaux est conforme aux conclusions du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 25 et 26 avril 2002 et tient compte de l’élément moral (négligence grave ou propos délibéré) et de la circonstance aggravante correspondante.

Le régime d’amendes applicable aux personnes morales suit également une approche à trois niveaux correspondant à celle mise au point par le Conseil « Justice et affaires intérieures » pour les peines d’emprisonnement :

- de 300.000 à 500.000 € en cas de négligence grave ;

- de 500.000 à 750.000 € pour négligence grave entraînant la mort ou des lésions aux personnes ;

- de 750.000 à 1,5 Mds € s’agissant des actes délibérés entraînant la mort ou des lésions graves.

Les circonstances aggravantes pour lesquelles un rapprochement des sanctions est prévu sont définies par le résultat particulièrement grave d’une infraction, comme le décès d’une personne ou toute lésion grave causée à une personne, tout dommage substantiel à l’environnement ou bien encore la commission de l’infraction dans le cadre d’une organisation criminelle. Ces circonstances sont en général déjà considérées comme particulièrement graves dans le droit pénal des Etats membres et font déjà l’objet d’autres instruments communautaires.

Des sanctions alternatives sont suggérées tant pour les personnes physiques que pour les personnes morales. Ces sanctions, qui peuvent se révéler plus efficaces que des peines d’emprisonnement ou des amendes, incluent l’obligation de réparer les dommages causés à l’environnement, le placement sous surveillance judiciaire, l’interdiction d’exercer des activités commerciales et la publication des décisions judiciaires.

Même si, dans bien des cas, la confiscation des objets en rapport avec le crime se révèle une sanction efficace, il n’a pas été jugé nécessaire de prévoir une disposition spécifique à cet égard, étant donné que la plupart des infractions graves commises au détriment de l’environnement relèvent du champ d’application de la décision-cadre 2005/212/JAI relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime.

Toutefois, les dispositions de la proposition de directive relatives aux sanctions devraient être supprimées du texte. Elles sont, en effet, comparables à celles qui figuraient dans la décision-cadre 2005/667/JAI visant à renforcer le cadre pénal pour la répression de la pollution causée par les navires. Or, dans sa récente décision du 23 octobre 2007 précitée, la CJCE a jugé que « s’agissant de la détermination du type et du niveau des sanctions pénales à appliquer, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, celle-ci ne relève pas de la compétence de la Communauté ». Devrait seule subsister une disposition faisant obligation aux Etats d’adopter des sanctions « effectives, proportionnées et dissuasives ».

III. Des précisions sont nécessaires sur les incriminations proposées

a) La notion d’actes « illicites

La définition du terme « illicite » proposé par la Commission est plus large que celle qui était retenue par la décision-cadre. Afin de clarifier l’étendue des obligations de transposition des Etats membres, il serait souhaitable de rétablir, en la mettant à jour, la liste des textes communautaires qui existait en annexe à la décision-cadre et dont la violation sera incriminée. Le principe d’un renvoi à une telle liste a d’ailleurs été adopté récemment par les négociateurs du groupe « droit pénal matériel ».

b) La distinction entre les faits commis « de propos délibéré » ou « intentionnellement »

La proposition de directive a substitué la notion de faits commis de « propos délibéré » à celle retenue précédemment dans la décision-cadre de faits commis « intentionnellement ». La portée de cette substitution n’apparaît pas avec évidence, d’autant que d’autres instruments d’harmonisation des incriminations pénales s’en tiennent à la notion de faits commis intentionnellement (par exemple, la proposition de directive relative aux mesures pénales visant à assurer le respect des droits de propriété intellectuelle). Il serait préférable de s’en tenir à une notion agréée, en revenant à la notion d’actes commis intentionnellement.

c) La distinction entre les faits commis intentionnellement et ceux commis par négligence au moins grave

L’obligation d’incriminer les faits commis « de propos délibéré » et « par négligence au moins grave » pose la question de la distinction entre les agissements considérés et le niveau ou le degré de l’intentionnalité requise. La proposition de directive ne définit aucune des deux notions employées, ce qui semble laisser aux Etats membres une large liberté d’interprétation de ces concepts.

Pour sa part, s’agissant des infractions qui prennent en compte la réalisation d’un dommage ou d’un risque de dommage, le droit français distingue les faits commis « intentionnellement » de ceux résultant de « la violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence imposée par la loi ou les règlements ». Dans le premier cas, l’intention s’attache non seulement à la violation d’une obligation de prudence ou de sécurité, mais également à la connaissance, par son auteur, du dommage qui allait en résulter ou pouvait en résulter. Dans le second cas, l’intention s’attache à la violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, mais n’implique pas que l’auteur ait recherché le résultat produit, ni même qu’il ait eu conscience du dommage qui pouvait en résulter.

Un effort de précision supplémentaire quant à la portée des termes employés serait sans doute utile pour que les obligations de transposition à la charge des Etats membres apparaissent avec certitude, sauf à mentionner dans la proposition que les Etats membres conservent toute liberté d’interprétation pour définir ce que recouvrent les notions de « comportements intentionnels » et de « négligence grave ».

d) La notion de « dégradation »

Alors que la décision-cadre du 27 janvier 2003 faisait obligation d’incriminer les faits causant ou susceptibles de causer des « dommages substantiels » à des biens, des animaux, des végétaux, à la qualité de l’air, du sol ou des eaux, la proposition de directive fait référence aux faits causant ou susceptibles de causer une « dégradation substantielle » de la qualité de l’air, du sol, de l’eau, de la faune ou de la flore.

On peut s’interroger sur la différence faite entre ces deux notions, ainsi que sur les différence entre ces notions et celle de « dommage » qui est utilisée dans la directive du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, définie comme «  une modification négative mesurable d’une ressource naturelle ou une détérioration d’un service lié à des ressources naturelles, qui peuvent survenir de manière directe ou indirecte  ».

La multiplication des notions doit être évitée, sauf lorsque l’emploi de notions distinctes répond à la volonté de couvrir des réalités différentes bien identifiées. Si tel n’est pas le cas en l’espèce, il serait préférable de s’en tenir à la notion de « dommage substantiel » prévue par la décision-cadre ou d’envisager celle de « dommage affectant gravement » qui se rapproche des termes de la directive sur la responsabilité environnementale.

IV. Les activités nucléaires, couvertes par le traité EURATOM, doivent être exclues du champ d’application de la directive

Si l’harmonisation du droit pénal matériel pour les faits de pollution résultant des activités nucléaires devait s’avérer nécessaire, elle devrait être faite sur la base du traité EURATOM, qui demeure la seule base juridique appropriée.

Tout d’abord, parce que les caractéristiques très spécifiques de cette source d’énergie nécessitent le maintien d’un cadre juridique dédié, comme vient de le souligner le rapport de M. Maldeikis au titre du Parlement européen, faisant le bilan de cinquante ans de politique européenne dans le domaine de l’énergie nucléaire.

Ensuite, car une réglementation des activités nucléaires sur une base relevant du traité instituant la Communauté européenne affaiblirait le cadre juridique éprouvé, constitué sur la base du traité EURATOM, qui comporte d’ailleurs des dispositions visant la protection environnementale. Le Parlement européen, dans le rapport précité de M. Maldeikis, évoque, au sujet d’un possible développement du champ d’action du traité instituant la Communauté européenne au détriment du traité EURATOM, le risque de «  l’absence d’un cadre juridique cohérent  » et celui d’un «  déséquilibre  ». Il souligne également que l’«  absorption partielle  » du traité EURATOM dans un hypothétique chapitre dédié au traité CE «  affaiblirait l’ensemble de l’encadrement juridique du nucléaire en Europe et gommerait les procédures de contrôle spécifiques au nucléaire que contient aujourd’hui le traité EURATOM  ».

La Délégation a approuvé la proposition d’acte communautaire en l’état des informations dont elle dispose, sous réserve que  :

- les incriminations proposées fassent l’objet de précisions ;

- et que les activités nucléaires soient exclues du champ d’application de ce texte, puisque le traité EURATOM est plus approprié pour aborder les questions liées à l’encadrement pénal d’activités nucléaires au titre de la protection de l’environnement.