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Assemblée nationale

Commission élargie

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles et de l’éducation

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 26 octobre 2011

Présidence de M. Michel Diefenbacher,
secrétaire de la Commission des finances,
et de Mme Michèle Tabarot,
présidente de la Commission
des affaires culturelles,

La réunion de la commission élargie commence à vingt et une heures.

projet de loi de finances pour 2012

Enseignement scolaire

M. Michel Diefenbacher, président. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, je vous souhaite la bienvenue. Je vous prie de bien vouloir excuser le président Cahuzac, qui ne pouvait être présent ce soir et m’a demandé de le suppléer.

Nous sommes réunis pour examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Les rapporteurs interviendront tout d’abord pour une durée maximale de cinq minutes chacun, et M. le ministre leur répondra ; les orateurs des groupes disposeront ensuite de deux minutes pour s’exprimer. Enfin, après la réponse de M. le ministre, je donnerai la parole à tous ceux qui souhaitent intervenir, pour une durée de deux minutes.

Le temps total qui nous est imparti est de trois heures maximum. Peut-être n’irons-nous pas jusque-là. L’important est que chacun puisse s’exprimer et que les débats soient aussi riches que possible.

Mme la présidence Michèle Tabarot. Je me réjouis de co-présider cette réunion de la commission élargie consacrée à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », et salue à mon tour M. le ministre.

La Commission des affaires culturelles a désigné trois rapporteurs pour avis : Dominique Le Mèner s’est penché sur l’attractivité de la voie professionnelle, et Xavier Breton et Gérard Gaudron ont travaillé ensemble sur l’enseignement primaire et secondaire. Ils ont choisi de consacrer l’essentiel de leur rapport aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED). Nous espérons, monsieur le ministre, que vous serez attentif à leurs travaux, qui seront examinés par notre commission le mercredi 2 novembre, le vote intervenant le mercredi 9 novembre.

M. Yves Censi, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Compte tenu du temps réduit qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur quatre sujets.

Monsieur le ministre, je souhaite d’abord vous interroger sur la mise en œuvre des réformes. Le budget de l’éducation nationale est à 96 % un budget de masse salariale, et le ministère est le premier employeur de France. Les débats se concentrent donc sur l’évolution des emplois, qui vont diminuer de 14 000 à la rentrée scolaire 2012. Cela résulte de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. S’il est normal que le ministère de l’éducation nationale participe à l’effort d’assainissement de nos finances publiques, il me semble que l’on n’insiste pas assez sur toutes les réformes de la politique éducative qui ont été engagées depuis 2007 pour renforcer l’efficience de notre système éducatif. On ne peut en effet faire fonctionner les établissements d’enseignement et les académies de la même façon avec une réduction des emplois aussi significative que celle intervenue depuis 2007. Pourriez-vous nous présenter un premier bilan de l’ensemble des réformes ? Je pense à la réforme du primaire, engagée dès 2008, à celle du lycée, lancée en 2010, et aux évolutions qui ont marqué tant la formation initiale que la carrière des enseignants. En quoi ont-elles modifié notre système scolaire ? Comment permettent-elles aujourd’hui de faire mieux avec moins ?

Ma deuxième question porte sur les liens avec l’enseignement supérieur, essentiels pour la réforme du lycée. Si l’on réforme les séries et valorise l’enseignement des langues, c’est pour faciliter la réussite des élèves en BTS, en IUT, à l’université ou dans les grandes écoles. Il faut donc ouvrir l’enseignement secondaire sur l’enseignement supérieur et créer des passerelles pour mieux faire connaître les différentes formations aux élèves et leur permettre d’acquérir au plus tôt les méthodes de travail qui leur seront utiles. Il ne suffit plus aujourd’hui de viser la réussite au baccalauréat.

Le choix des formations supérieures s’effectue au moyen du portail internet APB – admission post-bac –, qui n’est pas toujours d’un abord facile pour les élèves et leurs parents.

Avec la masterisation, la formation des enseignants est désormais assurée par l’université. Certes, vous travaillez de concert avec votre collègue Laurent Wauquiez, et les administrations travaillent aussi ensemble, que ce soit au niveau central ou entre rectorats et universités. Mais n’est-il pas temps de réunifier – pourquoi pas en mai 2012 ? – le ministère de l’éducation nationale et celui de l’enseignement supérieur, pour donner une véritable impulsion politique au développement de synergies entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur ? Pouvez-vous nous dire ce qui est fait pour « fluidifier » les relations entre les deux ?

La Cour des comptes a remis en septembre au comité d’évaluation et de contrôle (CEC) un excellent rapport sur la médecine scolaire, qui déplore le manque de reconnaissance dont elle fait l’objet en dépit d’un travail formidable, notamment en matière de prévention. Le projet de budget lui consacre près de 444 millions d’euros. Que comptez-vous faire pour mettre son rôle en lumière ? Comment renforcer son pilotage, tant au niveau national qu’au niveau local – entre recteurs, ARS et collectivités territoriales ? Des indicateurs de performance pourraient-ils être mis en place pour mesurer son action autrement que par la simple mention de la visite obligatoire à six ans ?

Nous avons adopté lundi soir en séance publique un amendement du Gouvernement appliquant au budget de l’Etat le « coup de rabot » d’un milliard d’euros annoncé par le Premier ministre le 24 août. Pour les missions du budget général, l’effort global à consentir est de 600 millions. Dans quelle mesure le ministère de l’éducation nationale sera-t-il concerné ? Sur quelles lignes budgétaires ferez-vous porter l’effort ?

Enfin, il manquait à la loi du 5 janvier 2007, dite loi Censi, une disposition concernant les délégations syndicales. Un consensus existe aujourd’hui pour parachever le texte. Où en sommes-nous ?

M. Michel Diefenbacher, président. Je remercie Yves Censi d’avoir scrupuleusement respecté son temps de parole.

M. Gérard Gaudron, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour l’enseignement scolaire. Conformément aux usages de notre commission, Xavier Breton et moi-même avons choisi un thème d’investigation auquel nous consacrerons l’essentiel de notre avis : les RASED.

Il s’agit là d’un sujet important et sensible. La réforme de 2008, qui a combiné suppression de postes et « sédentarisation » de certains maîtres, est mal vécue par les intéressés. La confusion entre aide personnalisée et aide spécialisée a en effet – au moins la première année – « brouillé » le rôle des RASED. Depuis lors, ils se sentent affaiblis en raison d’une diminution des départs en formation spécialisée et d’un étranglement – c’est le terme que nous avons entendu – des frais de déplacement.

L’exécution du budget 2012 se fera sous la contrainte de la suppression de 5 700 postes – sans fermeture nette de classe – dans l’enseignement public du premier degré. Les RASED devront y contribuer.

L’inquiétude des personnels et des parents d’élèves est donc réelle.

Quelles sont les perspectives d’évolution des réseaux ?

Les témoignages que nous avons entendus nous ont convaincus que les maîtres spécialisés disposent souvent des outils leur permettant de comprendre les difficultés rencontrées par les élèves qui ne parviennent pas à comprendre les codes implicites qui régissent le travail en classe.

Cependant, et malgré tout le savoir-faire des personnels, les réseaux n’ont jamais donné pleine satisfaction. Une évaluation – peu connue – a été conduite en 1996-1997 par l’Inspection générale de l’éducation nationale. L’auteur du rapport, que nous avons entendu, a identifié des dysfonctionnements, en particulier les dérives de certains maîtres qui tendent à privilégier la psychologie au détriment de la construction des processus d’apprentissage. Sont également critiqués la pratique consistant à retirer des élèves de la classe pour les aider et le défaut de pilotage des réseaux.

D’une manière générale, l’externalisation du traitement de la difficulté scolaire ne peut donner satisfaction à ceux qui ont foi en la promesse d’égalité de l’école. On ne peut accepter éternellement un système dans lequel un enseignant spécialisé arrive tel jour, à telle heure, pour « prélever » trois élèves dans la classe afin de renforcer leurs compétences.

M. Xavier Breton, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour l’enseignement scolaire. Compte tenu des éléments que vient d’exposer Gérard Gaudron, nous aimerions connaître votre sentiment, monsieur le ministre, sur trois scénarios d’évolution pour les RASED, sachant qu’un bilan qualitatif de la réaffectation des enseignants spécialisés dans les classes ou les écoles éclairerait utilement notre réflexion.

Un premier scénario est celui de l’extinction progressive des réseaux. Il serait évidemment incompréhensible. En outre, il suppose que tous les enseignants du primaire soient en mesure de gérer des classes hétérogènes.

Le deuxième scénario est celui de la suppression de la distinction entre maître E et maître G pour ne retenir qu’une seule spécialité. Les maîtres spécialisés seraient alors concentrés dans les écoles à plus gros besoins. Une intervention massive de ces enseignants sur des classes charnières comme le cours préparatoire pourrait en effet être profitable, à condition de définir cette politique sur la base de critères objectifs.

Le troisième scénario combine sédentarisation des maîtres E dans les écoles difficiles et maintien d’équipes de maîtres G, organisées à l’échelle d’un département ou d’un bassin, afin de permettre des interventions ponctuelles, destinées notamment à soulager les enseignants face à certains comportements.

Dans tous les cas de figure, ne faut-il pas élargir le périmètre d’intervention des maîtres spécialisés ? Les postes vacants et la sédentarisation conduisent aujourd’hui à privilégier les deux premières années de l’école élémentaire. Ne faut-il pas effectuer un travail de prévention en maternelle – au moins en grande section ? Et pourquoi oublier les classes du cycle 3 ?

Faut-il par ailleurs autoriser les enseignants spécialisés à participer à l’aide personnalisée, afin d’accroître le potentiel de soutien aux élèves en difficulté ?

Enfin, ne convient-il pas d’élargir le vivier de recrutement des psychologues scolaires en levant l’obligation de devenir professeur des écoles et en organisant une formation spécifique d’une durée de six mois à un an ?

M. Dominique Le Mèner, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, pour l’enseignement professionnel. Comme l’an dernier, notre commission a fait le choix de consacrer un avis spécifique aux crédits de l’enseignement professionnel, marquant ainsi l’importance particulière qu’elle attache à cette voie. Une réforme de l’enseignement professionnel a été mise en œuvre progressivement à compter de la rentrée scolaire 2009. J’ai donc choisi de consacrer des développements approfondis à l’attractivité de la voie professionnelle, qui me semble être le grand enjeu de la réforme du lycée professionnel.

À l’issue de ces travaux, je souhaite poser trois questions au ministre.

Les professeurs de collège ont une influence sur les choix d’orientation des élèves de troisième, mais ils connaissent plutôt mal la voie professionnelle, ce qui contribue à perpétuer des pratiques d’orientation par défaut dans cette voie. Quelles initiatives prendre pour mieux les sensibiliser à la voie professionnelle rénovée ?

Plusieurs dispositifs – y compris l’alternance – ont été créés pour faire découvrir la voie professionnelle le plus tôt possible. Mais ne faudrait-il pas un dispositif intermédiaire entre le dispositif d’initiation aux métiers en alternance (DIMA), qui engage le jeune pour un an, et les dispositifs « prépa pro », qui ne sont pas spécialement orientés vers l’alternance ? Pourquoi ne pas offrir aux élèves de troisième la possibilité d’effectuer quelques semaines en alternance ?

Comme ils redoublent de moins en moins au collège, les élèves entrent de plus en plus jeunes au lycée professionnel. Or la législation restreint ce qu’ils peuvent faire lorsqu’ils sont en stage en entreprise avant seize ans. Comment donner un contenu plus efficace aux stages des jeunes de moins de seize ans dans le respect du droit du travail ?

M. Michel Diefenbacher, président. J’ajouterai deux questions à celles des rapporteurs.

La première concerne l’accompagnement des élèves handicapés. Une des priorités du budget est de consolider les efforts engagés pour scolariser les enfants handicapés. Pour accueillir plus de 214 000 élèves handicapés en milieu ordinaire, 54 millions d’euros sont affectés à la rémunération de 2 166 assistants de vie scolaire collectifs, 204 millions à celle de 9 000 assistants de vie scolaire individuels, 69 millions à celle de 4 300 assistants de scolarisation, et 130 millions à celle de 32 000 emplois aidés. Compte tenu de l’importance de ces besoins et de leur caractère permanent, il faut proposer un véritable statut aux personnels qui mettent en œuvre cette politique et leur offrir une formation adaptée. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, ce qui est fait en ce sens et les perspectives professionnelles qui seront offertes à ces agents ? Le projet de loi sur la titularisation dans la fonction publique est-il une voie envisageable ?

Indépendamment de l’application de la règle du « un sur deux », l’éducation nationale doit d’autre part assurer des recrutements de qualité. Or tous les postes offerts aux concours ne sont pas pourvus, loin s’en faut. Selon le rapport d’Yves Censi, seuls 42 % des postes ont été pourvus en 2011 lors du concours de recrutement d’enseignants en lettres classiques dans le second degré. Les quelques revalorisations indemnitaires accordées depuis 2007 ne suffisent donc pas à répondre à cette crise des vocations. La qualité de l’enseignement risque d’en pâtir, puisque le ministère doit faire appel aux recalés des concours. Quelles mesures comptez-vous donc prendre pour attirer les étudiants vers le service public de l’éducation ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Je suis heureux de défendre ce budget devant vos deux commissions réunies.

En m’interpellant sur le sens des réformes, M. Censi me permet d’introduire mon propos liminaire. Le défi majeur que doit aujourd’hui relever l’éducation nationale est celui de la personnalisation. En cent vingt ans, l’école de la République aura connu trois grandes révolutions. Il y a eu l’école gratuite, laïque et obligatoire à la fin du XIXsiècle, puis la démocratisation – d’aucuns diraient la massification – à la fin du XXsiècle, entre 1975 et 1995 : en l’espace d’une génération, on est passé de 20 % à 70 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Mais nous n’avons pas tiré toutes les conséquences de cette massification ni suffisamment modifié le fonctionnement interne de notre système éducatif. On ne peut travailler de la même façon avec 70 % d’une classe d’âge dans la classe qu’avec 20 %. C’est ce qui justifie la politique que nous portons depuis quatre ou cinq ans, celle de la personnalisation. Il faut passer de l’école pour tous à la réussite de chaque élève. C’est bien d’aller à l’école ; encore faut-il en sortir avec une qualification. Rappelons qu’un jeune qui quitte le système scolaire sans diplôme a trois fois plus de risques d’être au chômage que son camarade diplômé. Le diplôme est donc la meilleure réponse à la crise. Or entre 150 000 et 180 000 jeunes quittent encore chaque année le système scolaire sans qualification. Le nombre d’étudiants échouant à la fin de la première année d’université, malgré l’engagement et le travail de nos enseignants, est un autre gâchis.

La réponse à ce constat, c’est la personnalisation. Personnalisation des parcours, avec une orientation progressive, choisie, réversible, mais aussi personnalisation des pédagogies. Toutes les réformes que nous avons engagées depuis 2007 vont dans ce sens, qu’il s’agisse de la réforme du primaire, avec la mise en place de l’aide personnalisée, de l’accompagnement éducatif au collège, avec la prise en charge des élèves en difficulté après 16 heures, pour une aide aux devoirs ou des activités culturelles, ou de la réforme du lycée. Je pense aussi aux stages de remise à niveau, qui permettent de remédier aux difficultés au sein même de l’établissement scolaire.

Vous m’avez également interrogé sur le resserrement des liens avec l’enseignement supérieur. Au-delà de l’organisation gouvernementale, il est en effet important d’assurer une bonne coopération entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur. J’en donnerai deux exemples récents. Le premier est celui de la mise en place de la réforme de la formation des maîtres. Désormais, les futurs enseignants sont formés à l’université, comme dans la plupart des grands pays développés. Si nous voulons prétendre à l’excellence pour nos universités, c’est là que nos professeurs doivent être formés. Nous avons donc beaucoup œuvré, Valérie Pécresse et moi-même, à l’harmonisation des relations entre l’institution qui forme – l’université – et celle qui va recruter – le ministère de l’éducation nationale. Nous avons ainsi mis en place à la rentrée, avec le ministère de l’enseignement supérieur, des masters en alternance pour permettre aux étudiants qui suivent un master disciplinaire ou en sciences de l’éducation de passer trois à six heures par semaine dans une classe dès l’année de master 1.

Le deuxième exemple est celui de la réforme du lycée. Nous avons beaucoup travaillé sur le parcours d’orientation. Il s’agit de préparer les élèves à l’entrée à l’université, qui est souvent un saut dans le vide, dans l’idée d’une orientation progressive. Chacun a droit à l’erreur, mais il faut que le système éducatif soit capable de réorienter les jeunes concernés très tôt, sans leur donner un sentiment d’échec.

Vous avez émis quelques doutes sur le fonctionnement du dispositif APB. Il a pourtant mis fin à la « loi de la jungle » qui prévalait en matière d’orientation, et à une certaine méconnaissance des différentes formations possibles. Il fonctionne plutôt bien : 83 % des bacheliers ayant formulé un vœu se sont vu faire une proposition, la proportion montant à 96 % chez les bacheliers du baccalauréat général. Certes, le dispositif est parfois complexe, mais Laurent Wauquiez travaille à des améliorations, notamment pour que les élèves puissent faire machine arrière dans leur parcours d’inscription.

Vous avez par ailleurs évoqué la médecine scolaire. Le rapport que la Cour des comptes a remis au Parlement en octobre reconnaît que la médecine scolaire présente, dans sa forme actuelle, un grand intérêt. Nous avions prévu 112 recrutements l’an dernier, mais nous nous heurtons comme partout au problème de l’attractivité des métiers de la médecine. La difficulté à recruter des médecins – que vous connaissez bien comme élu d’un département rural – vaut aussi pour la médecine scolaire. C’est pourquoi nous avons décidé d’affecter en 2012 une partie du retour catégoriel – c’est-à-dire de l’affectation de la moitié des économies réalisées grâce au non remplacement d’un départ à la retraite sur deux – à la revalorisation de la rémunération des médecins scolaires en début de carrière, pour rendre ces postes plus attractifs. J’ai également signé une convention avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN). J’ai enfin demandé à ce que les ARS se mobilisent pour établir des coopérations entre médecine de ville et éducation nationale à l’échelle des bassins de vie, afin de pallier les défaillances lorsque nous n’avons pas pu recruter de médecins.

S’agissant du coup de rabot d’un milliard d’euros, il est à ce jour prévu de prélever 19 millions d’euros sur les crédits de mon ministère, soit 0,48 % des crédits hors titre II. Pour les compenser, nous proposons que les opérateurs mobilisent à hauteur de six millions d’euros leurs fonds de roulement – lesquels représentent tout de même quelque 80 millions. Nous proposons également de recaler les crédits prévus en 2012 pour les bourses et, de manière plus marginale, pour les fonds sociaux sur les exécutions constatées en 2010 et 2011.

Pour ce qui est de la loi Censi, nous avons eu de nombreux échanges avec le secrétaire général de l’enseignement catholique, notamment pour évaluer les moyens nécessaires à sa complète entrée en vigueur. Nous convenons de leur ampleur. Nous pensons que la proposition de loi Warsmann qui doit être prochainement examinée au Sénat serait un véhicule législatif idoine pour apporter les améliorations nécessaires. Je suggère de travailler en ce sens avec le rapporteur du Sénat.

M. Gaudron et M. Breton, dont j’ai apprécié le constat équilibré sur le sujet, m’ont interrogé sur les RASED. Ces réseaux tels qu’ils fonctionnaient jusqu’en 2008, contrairement à ce qui est parfois dit de manière caricaturale, ne donnaient pas entière satisfaction. Ils faisaient déjà l’objet de critiques, notamment de la part de certains chercheurs en sciences de l’éducation. La principale de ces critiques portait sur leur manque d’investissement dans les écoles : les RASED intervenaient parallèlement aux équipes pédagogiques, sans assez d’interaction avec les maîtres travaillant au quotidien avec les élèves.

Mon prédécesseur avait entamé des réformes que nous avons poursuivies, notamment la sédentarisation des RASED. Dans la réforme du primaire de 2008, ont aussi été redéfinis les rôles respectifs dans une même classe des maîtres et des éducateurs spécialisés. Chaque maître consacre désormais deux heures de son service hebdomadaire à du soutien personnalisé. Nous avons également organisé des stages de remise à niveau, dont 244 000 élèves de CM1 et de CM2 ont bénéficié cette année, soit 15 % d’une classe d’âge, ce qui est exactement la proportion d’élèves rencontrant des difficultés en lecture et écriture. Nous avons aussi mis en place un accompagnement éducatif dans les écoles d’outre-mer ainsi que dans les ZEP, et lancé le projet personnalisé de réussite scolaire pour les élèves les plus en difficulté.

La politique d’utilisation des RASED aussi a évolué. Une circulaire de juillet 2009 l’a recentrée sur la prise en charge des élèves en grande difficulté. En 2010-2011, on dénombrait 12 304 enseignants, soit 12 047 équivalents temps plein, sur des postes RASED, dont 3 667 psychologues. L’action de ces derniers doit être confortée et leur nombre sanctuarisé. J’ai proposé aux syndicats, qui le réclamaient depuis longtemps, que les psychologues soient désormais recrutés au niveau du mastère. Cela se justifie au vu de l’utilité de leur mission. La réévaluation du dimensionnement et de l’efficacité de l’action des maîtres E et des maîtres G se poursuivra : la distinction entre les deux n’a pas vocation à disparaître tant que nous ne disposerons pas d’une évaluation plus fine.

En conclusion sur le sujet, le maillage de l’aide spécialisée sur l’ensemble du territoire doit être optimisé et cette aide doit être recentrée sur les élèves en grande difficulté afin que moins d’enfants quittent le premier degré sans maîtriser les savoirs fondamentaux.

M. Le Menèr m’a interrogé sur l’enseignement professionnel. La voie professionnelle n’est pas assez connue au collège. Nous entendons y remédier grâce à la généralisation du parcours de découverte des métiers et des formations : en classe de cinquième, cela passe par la découverte d’une large palette de métiers de tous niveaux, des visites sur site, des contacts avec les professionnels ; en classe de quatrième, par la présentation des différentes voies de formation et une journée entière passée dans un autre établissement de formation ; enfin, en classe de troisième, par une séquence obligatoire pour tous d’observation en milieu professionnel.

Tous les élèves de collège et leurs enseignants seront ainsi mieux sensibilisés à l’enseignement professionnel. Nous pourrons, si vous le souhaitez, discuter du collège unique. Ce n’était pas l’appellation initialement retenue par René Haby : la loi qui porte son nom prévoyait la mise en place d’un « collège pour tous ». L’important est en effet que tous les élèves d’une classe d’âge aillent au collège, pas qu’ils y fassent tous la même chose. Il faut être cohérent : on ne peut pas à la fois défendre la personnalisation des parcours et soutenir que tous les collégiens devraient suivre exactement le même. Il faut une différenciation, sans que celle-ci ne devienne une pré-orientation qui, dès l’âge de 12 ou 13 ans, affecte dans certaines filières sans retour possible. Les expérimentations engagées doivent être élargies et approfondies. Ce sera le cas à la rentrée 2012 avec les classes de 3ème « prépa pro », dont les premières ont été ouvertes cette année. Elles remplaceront définitivement les 3ème DPG qui accueillent aujourd’hui 31 000 élèves. Nous devons également développer l’alternance, aujourd’hui proposée dès la 4ème, entre le collège et les entreprises, les lycées professionnels ou les CFA. Le Président de la République m’a demandé de réfléchir à une alternance renforcée dans le cadre de la préparation à la voie professionnelle.

M. Diefenbacher m’a interrogé sur la scolarisation des enfants handicapés, notamment sur les personnels leur venant en aide. Il est vrai que ceux-ci ont longtemps été recrutés sous contrat précaire, qu’il s’agisse de contrats aidés ou parfois d’assistants d’éducation, ce qui a pu s’en ressentir en matière de formation. Il y aujourd’hui 60 % de plus d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire que lors du vote de la loi de 2005. Nous y avons mis les moyens : en 2011, les crédits consacrés à cet effet ont progressé de 13 % et ils augmenteront encore de 30 % en 2012. Nous avons ouvert des classes ULIS et CLIS supplémentaires et recruté davantage de personnels d’accompagnement.

Nous rencontrions jusqu’alors plusieurs difficultés : manque de formation, précarité des contrats et difficulté à changer d’intervenant auprès de l’enfant une fois qu’un lien très fort s’était créé avec lui et sa famille. Nous avons signé des conventions avec les associations de parents d’enfants handicapés de façon qu’elles puissent, à la fin d’un contrat, reprendre l’intervenant, même si les personnels restent rémunérés par l’État.

Le Président de la République avait annoncé lors de la conférence nationale sur le handicap le recrutement de 2 000 assistants de scolarisation – c’est là une nouvelle dénomination. Ces professionnels, qui ne seront pas en contrat aidé, bénéficieront d’une formation et d’un accompagnement spécifiques. Mille six cent cinquante ont déjà été recrutés. Nous disposons aujourd’hui du nombre d’auxiliaires de vie scolaire prescrits par les MDPH. Pour autant, il se peut que dans certains départements, on observe un décalage entre les besoins recensés au niveau local et les affectations de crédits de la part des services de l’État. Nous travaillons à une meilleure coordination pour que les auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) soient bien présents là où on en a besoin.

S’agissant de la crise du recrutement des enseignants, j’ai lu beaucoup d’articles relevant soit d’une mauvaise information soit d’une désinformation. Nous avons allongé d’un an la formation initiale des enseignants, désormais recrutés au niveau du mastère et non plus de la licence. Or, il y a dans notre pays deux fois moins d’étudiants en mastère qu’en licence. Une sélection est donc déjà opérée en amont par l’université, dont il faut d’ailleurs se féliciter, mais qu’il convient de prendre en compte.

Beaucoup d’analyses s’appuient sur les chiffres de l’an dernier, qui était une année de transition avec une cohorte qui a pu passer deux fois le concours, ce qui biaise les données. Pour les concours externes du second degré, il y avait 69 351 candidats inscrits pour 8 600 places. Le nombre d’inscriptions a augmenté de 11,3 % à l’agrégation, de 5,3 % au CAPES et, pour la première fois depuis très longtemps, de 20% aux concours de professeur de mathématiques, où on rencontrait des difficultés chroniques. Pour le premier degré, le nombre d’inscrits n’a pas varié, restant comme l’an passé de 42 000.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, l’objectif de personnalisation de l’enseignement pour chaque élève, sur lequel vous avez insisté, est tout à fait pertinent. Mais les crédits pédagogiques diminuent. Or, le succès de la personnalisation dépend aussi de la mobilisation de ce que vous avez vous-même appelé « les ressources humaines » de l’éducation nationale. Serait-il envisageable de redéployer ces crédits sur le budget de 2012 pour renforcer cet objectif ?

Nous ne pouvons que souscrire à vos propos sur la mastérisation. Avant la réforme, formation et enseignement scolaire étaient étroitement liés, l’ensemble de la formation étant géré par votre ministère. Il faut aujourd’hui veiller à ce qu’il n’y ait pas de schisme culturel entre, d’un côté, la formation universitaire, et, d’un autre côté, son application dans l’enseignement. Des efforts seront nécessaires pour que les universités travaillent bien dans le sens de cette réforme. Lors de la mise en place en leur sein des instituts d’administration des entreprises, les évolutions nécessaires ont demandé quelques années. Ce qui nous occupe aujourd’hui ne peut attendre.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Les crédits pédagogiques diminuent de 10 %, conformément à l’exigence posée par le Premier ministre pour l’ensemble des crédits de fonctionnement. Mais il existe d’importants fonds de roulement inutilisés dans les établissements. Il ne suffit pas d’affecter des crédits, encore faut-il qu’ils soient employés. Notre objectif est de mieux les mobiliser.

J’ai souhaité, avec mes collègues chargés de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse puis aujourd’hui Laurent Wauquiez, mettre en place un comité de suivi de la mastérisation, associant d’un côté la conférence des présidents d’université (CPU), de l’autre la direction générale de l’enseignement scolaire pour assurer une bonne coordination entre le ministère de l’enseignement supérieur et mon ministère. C’est dans cet esprit, alors que ce comité n’existait pas encore, que nous avons envisagé la mise en place à cette rentrée de mastères en alternance. Alors qu’en mai dernier, seules neuf académies étaient partantes, seize en ont finalement ouvert.

M. Michel Diefenbacher, président. Nous en venons aux questions des porte-parole des groupes.

M. Olivier Jardé. Je souhaite vous interroger sur le protocole d’évaluation en grande section de maternelle annoncé il y a quelque jours pour le repérage précoce des enfants les plus fragiles. Il faut être cohérent : on ne peut pas déplorer que 15 % des enfants quittent l’école primaire sans maîtriser la lecture et refuser l’idée d’un repérage précoce des lacunes qui nuiront aux apprentissages. En quoi consistera ce repérage ?

Ma deuxième question concerne les enfants intellectuellement précoces, qu’on appelait autrefois surdoués. Le sujet n’est pas mineur puisqu’il y aurait un élève par classe dans ce cas. Après une mission de l’Inspection générale en 2003, une circulaire a été prise en 2007, concernant les élèves qui, bien qu’à haut potentiel, se trouvent en échec scolaire. Mais, selon le ministère lui-même, en 2009, elle n’était appliquée que dans 80 établissements. Que comptez-vous faire pour permettre à ces élèves de développer pleinement leurs potentialités ?

Ma troisième question porte sur les RASED. Où en est la réforme de ce dispositif-ressource, élément de la politique d’adaptation et d’intégration scolaire ? La fréquence de prise en charge des élèves est trop faible : que signifie aider un élève une demi-heure par semaine ? Quand l’aide apportée en classe ou sur le cycle ne permet pas d’atteindre les objectifs visés, quelles actions spécifiques proposez-vous ?

Je voudrais enfin évoquer la situation de l’enseignement agricole. Je n’ignore pas que son budget relève du ministère de l’agriculture, mais c’est un sujet important pour le député de la Somme que je suis. Depuis plusieurs années, les suppressions d’emplois et les restrictions budgétaires ont conduit à la fermeture de nombreuses classes et au désarroi des équipes enseignantes. Il serait fâcheux de poursuivre sur cette pente dangereuse. Les jeunes en seraient pénalisés, mais aussi notre agriculture et nos territoires ruraux qui ont besoin que s’y maintienne un tissu social. Monsieur le ministre, plaiderez-vous auprès de votre collègue chargé de l’agriculture la nécessité de soutenir un enseignement agricole de qualité ?

M. André Schneider. Votre principal objectif, monsieur le ministre, est de passer de l’école pour tous à l’école de la réussite pour chacun. Vous vous en donnez les moyens. Avec plus de 61 milliards d’euros d’autorisations d’engagement pour 12 millions d’élèves, votre budget est le premier de la nation. L’éducation reste donc bien la priorité du Gouvernement.

Dans le temps de parole qui m’est imparti, je me limiterai à deux questions. La première porte sur l’évaluation des élèves. Plus elle sera fine et bien répartie sur l’ensemble du cursus scolaire, plus nous serons en mesure d’aider les élèves à réussir. Je m’étonne donc que certaines de vos propositions, qui vont dans ce sens, puissent faire l’objet de polémiques stériles. Grâce à votre action – il suffit de voir les résultats des évaluations réalisées à la fin de l’année scolaire 2010-2011 –, des résultats significatifs ont d’ores et déjà été obtenus. Quels sont les grands axes de votre politique en ce domaine ?

De même, quels sont les grands axes de votre politique en matière d’orientation, en particulier vers les filières technologiques et professionnelles, ainsi que vers les formations en alternance, auxquelles le député alsacien que je suis est fortement attaché ?

M. Yves Durand. Je crains, monsieur le président, de ne pas pouvoir respecter les deux minutes de temps de parole qui nous sont imparties. Je suis choqué de la manière dont nous débattons ce soir du premier budget de la nation, celui de l’éducation nationale, censée être la priorité de tous.

M. Michel Diefenbacher, président. Les temps de parole ne sont pas fixés par le président de séance. Ils l’ont été par la conférence des présidents, et ont donc été acceptés par l’ensemble des groupes. La règle a jusqu’à présent été respectée par tous. Je vous demande donc, monsieur Durand, de bien vouloir faire de même, par loyauté vis-à-vis de la conférence des présidents et par respect à l’égard de vos collègues. L’objectif est que chacun puisse s’exprimer et que nous ayons le temps d’écouter les réponses du ministre.

M. Yves Durand. Nous avons toute la nuit, monsieur le président.

M. Michel Diefenbacher, président. Non, trois heures.

M. Yves Durand. Ce n’est pas sérieux !

M. François Rochebloine. Il y a un règlement, respectez-le !

M. Yves Durand. Pour le dernier budget de la mandature, nous aurions pu espérer disposer d’un bilan de la politique éducative menée depuis cinq ans et de quelques perspectives. Nous devrons nous en passer.

Ce budget est schizophrénique, sans aucun lien avec la réalité ni la situation actuelle de l’école, et les propos du ministre ne font, hélas, que le confirmer. Tous les rapports de l’OCDE, notamment ceux issus des enquêtes PISA, comme de la Cour des comptes contredisent vos déclarations. Notre système éducatif se classe aujourd’hui parmi les plus moyens des pays développés alors qu’il était en tête des classements il y a encore quelques années.

Le niveau d’encadrement diminue, notamment dans le primaire, contrairement à ce qui est écrit. Vous citez des moyennes, tout en sachant pertinemment qu’elles ne signifient rien.

Le métier d’enseignant n’attire plus, en grande partie du fait de la réforme de la formation qui perturbe beaucoup les jeunes enseignants. J’en veux pour preuve – nous ne devons pas disposer des mêmes chiffres vous et moi – que 10 % des postes n’ont pu être pourvus l’an dernier au CAPES. Cet assèchement du vivier sera catastrophique dans les années à venir. N’y est sans doute pas étranger non plus le fait que nos enseignants soient parmi les moins bien payés et les moins bien considérés des pays de l’OCDE, comme les enquêtes de cette institution l’ont établi. Ce ne sont pas 150 euros de plus pour trois mois qui apporteront une solution ! Et, bien entendu, le gel du point d’indice dans la fonction publique n’arrange rien.

La scolarisation des moins de deux ans est en baisse drastique. C’est d’ailleurs là, hélas, semble-t-il, votre seule ambition. Au nom, bien sûr, du dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite, principe que la Cour des comptes elle-même juge inadapté, et même stupide. Bien que la qualité de l’enseignement en pâtisse, vous persistez en prévoyant de supprimer encore 12 000 postes en 2012.

Alors que chacun s’accorde sur la nécessité de faire porter l’effort sur l’enseignement primaire, vous y supprimez plus de 5 500 postes. Comment, dans ces conditions, pourrez-vous tenir la promesse du Président de la République que dans le primaire, au final, ouvertures et fermetures de classes s’équilibrent ? La réponse se trouve, hélas, dans le bleu. On y apprend que certaines modalités d’enseignement des langues vivantes seront supprimées, que l’importance des moyens d’éducation affectés en-dehors des classes va être remis en cause, de même que le dispositif de remplacement des enseignants absents. On y apprend aussi que les effectifs dans les classes maternelles et élémentaires augmenteront. Autant dire que la qualité de l’enseignement va se dégrader encore.

M. Michel Diefenbacher, président. Permettez-moi de vous faire observer que vous parlez depuis quatre minutes.

M. Yves Durand. Nous connaissons votre réponse, monsieur le ministre…

M. François Rochebloine. Alors, ne posez pas de questions !

M. Yves Durand. …tout n’est pas question de postes. Nous pourrions à la limite le penser aussi si vous ne supprimiez pas également tous les crédits pédagogiques, comme l’a d’ailleurs déploré M. Censi lui-même.

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Je n’ai pas dit qu’ils étaient supprimés.

M. Yves Durand. Eh bien, moi, je le dis. Les crédits de fonctionnement affectés aux lycées diminuent de 40 %. Or, ce sont précisément ces crédits qui permettent la personnalisation que vous vantez, monsieur le ministre. Qu’il y a loin des discours aux actes !

Je conclus, monsieur le président, mais avouez que la façon dont nous travaillons sur ce budget n’est pas acceptable. Espérons que tout cela change bientôt.

Quel bilan précis pouvez-vous dresser, monsieur le ministre, de l’aide personnalisée ? Quels résultats a-t-elle donnés dans les ZEP, que, soit dit au passage, vous remettez en cause ?

Pouvez-vous enfin nous indiquer combien d’élèves supplémentaires sont attendus dans les dix à quinze prochaines années ? Je crains en effet que votre budget, déjà schizophrénique, ne soit également aveugle. Il est faux de prétendre, comme vous ne cessez de le faire dans l’hémicycle, que le nombre d’élèves diminue. Il y eu un boom démographique en 2000 et en 2003. Avec de 60 000 à 80 000 élèves de plus par an dans les cinq ans à venir, comment ferez-vous face après avoir supprimé autant de postes ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Ce projet de budget, qui affiche une progression apparente de 0,86 %, est en réalité en baisse de 1,75 % quand on tient compte de la prévision d’inflation et du poids des pensions. Le texte confirme la volonté du Gouvernement de supprimer 14 280 postes à la rentrée prochaine, ce qui portera à 69 800 le nombre de suppressions programmées depuis 2007. Les représentants des organisations syndicales que j’ai rencontrés m’ont dit les graves inquiétudes de la profession et le profond malaise qui s’est installé. De nombreux enseignants s’interrogent sur le sens de leur mission et sur l’incroyable déstabilisation provoquée par les réformes successives et l’amputation de leurs moyens. Je ne reviens pas sur l’enquête de l’OCDE qui a démontré que le salaire des enseignants a diminué en France entre 2000 et 2009, ajoutant au manque de reconnaissance ; certains gestes désespérés parlent d’eux-mêmes.

S’agissant du premier degré, comment comptez-vous permettre à l’éducation nationale d’accueillir les 5 300 nouveaux élèves prévus à la rentrée prochaine ? Notre pays sera-t-il toujours au dernier rang pour ce qui concerne le taux d’encadrement ? Continuerez-vous de faire baisser le taux de scolarisation à l’école maternelle, où n’est plus inscrit qu’un enfant sur cinq , contre plus d’un sur trois en 2001 ? Vous féliciterez-vous de la division par treize des crédits pédagogiques pendant le quinquennat, et du fait que 5 000 élèves handicapés se soient trouvés sans accompagnant à la dernière rentrée ?

Pour ce qui est du second degré, comptez-vous aggraver encore les défaillances du dispositif de remplacement des enseignants absents et « rationaliser » toujours plus les moyens en personnel non enseignant ? Quelles mesures vous déciderez-vous à prendre en réaction au rapport sur l’évaluation de la médecine scolaire présenté par la Cour des comptes au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de notre assemblée, et dans lequel elle évoquait des « déserts médico-scolaires » ?

Dans un courrier adressé aux parlementaires, vous dites souhaiter « redonner à l’école son rôle d’ascenseur social » et vouloir « une évolution d’ensemble de l’institution scolaire ». Or, nous sommes à l’heure du bilan, et le Conseil économique, social et environnemental a révélé que notre système éducatif a cessé, dans la période récente, d’être un facteur de réduction des inégalités, devenant responsable de leur aggravation. Avec le Président de la République, vous avez une part de responsabilité dans cette situation ; c’est pourquoi les députés du groupe GDR voteront résolument contre ce projet de budget.

M. André Schneider. Permettez-moi, monsieur le président, une mise au point. Je conçois que l’on puisse juger très bref un temps de parole de deux minutes mais, pour ma part, je me suis astreint à respecter la règle fixée, et je me rends compte l’avoir fait au détriment du groupe UMP.

M. Michel Diefenbacher, président. Chacun l’aura constaté.

267165M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. M. Jardé m’a interrogé sur les protocoles dits d’ « évaluation » à l’école maternelle. Je tiens à préciser à ce sujet que le document qui a été diffusé n’avait pas vocation à l’être : il s’agit d’un document de travail interne au ministère et encore en discussion. Du reste, le terme d’ « évaluation » n’est pas le vocable qui convient, car il peut entraîner une confusion avec le dispositif qui vaut pour le premier degré, qui vaudra désormais aussi en fin de classe de cinquième et qui concerne la totalité d’une cohorte ; j’y reviendrai. Pour l’école maternelle, il n’est absolument question de cela : il s’agit de repérer les difficultés scolaires – et non pas, j’y insiste, les troubles du comportement. Le document est en cours de réécriture et il sera soumis aux organisations syndicales car nous allons effectivement travailler au repérage précoce des difficultés. Tous les spécialistes du langage indiquent que l’apprentissage de la lecture se joue à la fin de la dernière année d’école maternelle et à l’entrée au cours préparatoire ; nous devons donc repérer les difficultés dès qu’elles apparaissent afin d’apporter aux élèves concernés l’enseignement personnalisé dont ils ont besoin.

Je ne suis pas favorable à la création de structures spéciales pour les enfants intellectuellement précoces. Je considère préférable d’intégrer ces enfants dans les classes « ordinaires » en prévoyant d’enrichir et de personnaliser l’enseignement qui leur est dispensé, en l’accélérant le cas échéant et en leur proposant des options complémentaires.

J’ai abordé la question des RASED dans ma réponse à vos rapporteurs pour avis.

Comme vous l’avez justement indiqué, l’enseignement agricole n’est pas de ma compétence, mais M. Le Maire, ministre de l’agriculture, et moi-même avons souhaité mieux articuler la carte des formations de l’enseignement agricole et de l’enseignement général. Nous avons signé une convention à cette fin le 8 septembre.

Monsieur Schneider, je suis partisan d’une évaluation permanente de notre système éducatif, visant à améliorer ses performances. Je pense avoir été le premier ministre de l’éducation nationale qui ait assumé les conclusions de l’enquête internationale PISA, bien qu’elle n’ait pas été à notre avantage. On nous a expliqué pendant des années que cette enquête, centré sur un enseignement de tradition anglo-saxonne, ne correspondait en rien à notre système éducatif, présenté comme unique au monde. Les enquêtes PISA sont sans doute imparfaites, mais elles permettent de nous comparer.

Aussi avons-nous institué un système d’évaluation qui a une double mission. Parce qu’il permet de mesurer l’évolution des enfants, il permet à l’enseignant d’adapter sa pédagogie si nécessaire. Ces évaluations ont aussi un objectif national, en ce que la remontée des informations donne une photographie instantanée de la performance de notre système éducatif et permet de mesurer son évolution. L’évaluation a lieu à la fin du CE1 et désormais aussi à la fin du CM2 puis, au collège, en fin de classe de cinquième, ce qui permettra, en suivant les cohortes pendant plusieurs années, de disposer d’indications sur l’évolution de la performance nationale de notre système éducatif. On peut ensuite, en ciblant par académie ou par établissement, faire évoluer la pédagogie sur le plan local.

À l’automne 2009, vous avez adopté la loi relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. La délégation interministérielle à l’orientation coordonne le service public de l’orientation. L’éducation nationale a créé le parcours de découverte des métiers et des formations que j’ai évoqué précédemment. L’accompagnement individuel a été renforcé par le tutorat. Les stages passerelles tendent à reconnaître le droit à l’erreur et à permettre les changements de filières quand ils sont encore possibles, sans que l’élève perde une année. Enfin, la banque nationale des stages créée avec l’Office national d'information sur l'enseignement et les professions (ONISEP) tend à ce que les élèves des filières professionnelles trouvent plus facilement un stage et qu’aucun ne puisse se voir refuser un diplôme faute d’avoir été accueilli en entreprise.

Monsieur Durand, vous m’avez taxé de schizophrénie. Je lis les statistiques objectivement et nous lisons sans doute les mêmes rapports, mais vous les analysez de manière biaisée. Puis-je vous rappeler que les élèves évalués par l’enquête PISA de 2009, nés en 1994, sont entrés à l’école en 1997 où ils ont accompli l’essentiel de leur scolarité jusqu’en 2010 ? Ce sont donc les enfants des réformes engagées au cours de la première moitié des années 1990. J’accepte la critique, mais elle doit être objective. La performance ou plus exactement, si l’on vous en croit, la contre-performance de notre système éducatif, s’explique par l’incapacité qui s’est manifestée à prendre en compte la massification de l’enseignement. On ne peut enseigner pareillement des classes de niveau homogène qui rassemblent 10 % d’une classe d’âge qui est l’élite de la nation et des classes où se retrouvent 80% d’une génération, avec des niveaux absolument hétérogènes. C’est pourtant ce qu’a fait l’éducation nationale pendant 25 ans, continuant de s’organiser de la même manière. Imaginez une entreprise qui vivrait la mondialisation et la chute du Mur de Berlin sans rien remettre en cause de sa structuration...

M. Régis Juanico. L’éducation nationale n’est pas une entreprise !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Nous faisons ce qui aurait dû être fait il y a quinze ou vingt ans : nous essayons d’adapter le système éducatif au monde d’aujourd’hui en faisant davantage confiance aux acteurs locaux, en leur donnant plus d’autonomie et de marges de manœuvre. Je considère que les équipes éducatives sont plus qualifiées que le ministre, le recteur ou l’inspecteur d’académie pour définir la pédagogie adaptée aux enfants qu’ils accueillent. Telle est la politique que nous menons.

Par ailleurs, il est faux de dire que le taux d’encadrement serait en France à un niveau d’une faiblesse record.

M. Yves Durand. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est l’OCDE !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. La France compte 35 000 professeurs de plus qu’en 1990…

M. Yves Durand. C’est heureux !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. …quand le ministre de l’éducation nationale était M. Jospin – et ce, alors qu’il y a 500 000 élèves en moins dans le système éducatif. Le taux d’encadrement est meilleur qu’il ne l’était au début des années 1990. Le nombre d’élèves par classe de maternelle était en moyenne de 27,9, il est maintenant de 25,7 ; il y avait 22,5 élèves en moyenne en CP-CM2 et c’est toujours le cas ; 24,3 élèves en moyenne en collège, ils sont 23,6 ; 23,1 en lycée professionnel pour 19,1 maintenant, et 31 au lycée général contre 26,8 aujourd’hui.

M. Yves Durand. Mais ce sont des moyennes !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Soit, mais ce qui compte, c’est de pouvoir diversifier les moyens. Je connais certains lycées parisiens dans lesquels les parents seraient prêts à inscrire leur enfant dans une classe où il serait le quarantième élève, et d’autres où 22 élèves par classe, c’est beaucoup. C’est pourquoi nous voulons différencier notre politique éducative.

Par ailleurs, alors que vous connaissez l’état des finances publiques, vous critiquez sans cesse le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite…

M. Yves Durand. Encore une fois, ce n’est pas moi, mais l’OCDE !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite nous a permis d’augmenter de 10 % la rémunération des enseignants en début de carrière. Nous sommes le seul pays qui l’ait fait et, pendant ce temps, en Espagne, le Gouvernement vient de décider de manière autoritaire de baisser de5 % le salaire des enseignants et leur a demandé de travailler deux heures de plus par semaine! De grâce, analysons les choses objectivement, et corrigeons aussi ce qui doit l’être dans l’étude de l’OCDE, qui ne tient compte ni du régime indemnitaire – qui représente en moyenne 7 % du salaire d’un professeur en milieu de carrière –, ni de ce que chaque professeur de France fait en moyenne 1, 3 heure supplémentaire par semaine, ce qui représente quelque 7 % de son temps de service. L’écart est donc de 14 % entre les chiffres présentés dans l’étude de l’OCDE et la réalité, c’est-à-dire la fiche de paye d’un enseignant en France.

J’ai traité tout à l’heure de la baisse des crédits pédagogiques.

Madame Amiable, les enseignants s’interrogent à juste titre sur leur mission car leur métier a changé. Tous les responsables politiques devront prendre position pour dire ce que nous attendons collectivement de l’école et, quand nous serons d’accord sur ce point, indiquer quelles doivent être les missions des enseignants. Leur métier n’est plus celui de 1950, époque à laquelle l’enseignant était d’abord un instructeur. Sa première mission demeure de transmettre le savoir, mais on attend aussi de lui l’accompagnement des élèves par le soutien scolaire, et qu’il consacre une partie de son temps, en équipe, à l’amélioration de la pédagogie.

Estimer l’évolution du nombre d’élèves est un exercice très difficile. Ainsi, pour le premier degré nous avons constaté à la rentrée une baisse des effectifs de 10 700 élèves alors que nous avions prévu une augmentation de 29 000 élèves . Dans le second degré, l’effectif a augmenté de 20 000 élèves alors que nous tablions sur 37 000 élèves supplémentaires.

En matière de médecine scolaire, le problème est celui des déserts médicaux en général. La conclusion de partenariats avec la MGEN et la médecine de ville ainsi que la revalorisation de la médecine scolaire me semblent les meilleurs moyens de rendre ce métier plus attractif.

M. Robert Lecou. Dans un monde en mutation, l’école est, avec la famille, l’un des piliers qui permettent de construire les futurs citoyens. Le sport participe activement de cette entreprise, et vous avez dit votre volonté de développer le sport à l’école. Mais cet excellent objectif est-il compatible avec la nécessaire réduction de la dépense publique et le volume des enseignements obligatoires ?

Mme Colette Langlade. Monsieur le ministre, comme nombre de mes collègues, j'ai été alertée à la rentrée par des responsables d’établissements scolaires qui ne disposaient pas d’enseignants en nombre suffisant pour assurer la bonne marche de leur établissement. Je ne reviendrai pas sur les causes de ces situations mais sur les solutions que vous avez proposées. Trop souvent, c'est aux titulaires sur zone de remplacement (TZR) que l’on fait appel. Or, ils ne doivent pas servir de variable d'ajustement dans la dotation horaire des établissements ! Aussi, quelles mesures entendez-vous prendre ? Comptez-vous faire appel à des professeurs retraités, à des étudiants dont la formation est inachevée, à Pôle emploi comme vous l'aviez annoncé au printemps 2010 ? Remplacer un enseignant, ce n'est ni un job étudiant ni de la garderie ; cela demande une réelle formation. La réussite des élèves ne peut s'accommoder de bricolages aussi irresponsables. Il est urgent de revenir sur les trop nombreuses suppressions de postes dans l'éducation nationale ; il en va de l'avenir de nos enfants et de notre système éducatif.

Le Président de la République vous a demandé de réfléchir à l’introduction obligatoire de l’alternance dans les dernières années d’enseignement conduisant au baccalauréat professionnel et au CAP. Dans un contexte économique peu favorable, et étant donné la préférence des élèves pour les lycées professionnels publics – qui accueillent près de 600 000 élèves –, ce sera un frein au développement académique de l’apprentissage. De plus, la loi Cherpion a institué un dispositif contre-nature, dans lequel le jeune peut signer un contrat d’apprentissage sans maître d’apprentissage, ce compris des activités saisonnières ou d’intérim ! Il ne faudrait pas que, par un système de vases communicants, les lycées professionnels se voient privés de moyens, au bénéfice des centres de formation d'apprentis (CFA) des régions.

Enfin, les formations doivent se discuter dans le cadre des contrat régionaux de développement de la formation professionnelle – contrats signés entre l’État et les présidents de région. Or, vous n’en avez dit mot. Sont-ils dûment étudiés et harmonisés ?

Je ne saurais conclure, monsieur le ministre, sans vous faire observer que nous vivons dans le même pays, où nous rencontrons les mêmes enseignants, les mêmes élèves et les mêmes parents d’élèves.

M. Alain Marc. Les députés des zones rurales ont tous le même souci de maintenir l’attractivité de leurs départements et, pour cela, le maillage d’écoles primaires. Nous savons les contraintes budgétaires mais le réseau des écoles rurales, en Aveyron comme ailleurs, permet, dans un contexte de crise économique accentuée par la crise agricole, de maintenir un certain espoir en l’avenir. C’est une chance pour nous que des populations veuillent vivre dans des régions parfois éloignées de tout bourg, mais une inquiétude réelle se fait jour sur le maintien de nos écoles et je souhaite que vous apaisiez l’inquiétude des maires et des populations rurales à ce sujet. Dans ce contexte, je tiens à souligner que les classes à plusieurs niveaux ont fait la preuve de leur pertinence pédagogique. Une classe unique permet à de jeunes agriculteurs de scolariser leurs enfants même dans des zones isolées.

J’aimerais par ailleurs savoir quelle feuille de route vous fixez aux conseillers pédagogiques à l’école primaire, personnels essentiels qui assurent l’interface entre les enseignants et l’inspection académique et qui sont aussi les promoteurs de la politique assignée par la nation à l’école.

M. François Rochebloine. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des personnels de l'éducation nationale sous contrat aidés, qui se trouvent en situation précaire.

Cette année encore, dans le cadre de la préparation de la rentrée scolaire, plusieurs chefs d’établissement des collèges et lycées de ma circonscription m’ont fait part des difficultés de gestion que suscite la réglementation. Ces chefs d'établissement ont la responsabilité de recruter cette catégorie de personnels précaires, embauchés sur la base d’un contrat de six mois, renouvelable quatre fois, pour les moins de 50 ans, en liaison avec les services de Pôle emploi.

Ce dispositif est destiné à permettre à des chômeurs de longue durée de retrouver une activité. L’objectif est donc l’insertion ou la réinsertion dans le monde du travail. Malheureusement, ce système est difficilement gérable par les établissements, car faut-il encore que les arbitrages budgétaires permettent le maintien des postes aidés et de nouveaux recrutements. Il est vrai qu'en théorie l'embauche de ces emplois aidés ne saurait être assimilée à une dotation complémentaire en moyens de fonctionnement, mais ces considérations administratives ne peuvent occulter le fait que des femmes et des hommes vivent mal cette précarité permanente ; on ne peut que les comprendre. J’ai déjà évoqué dans le passé cette situation malheureuse. Ne peut-on assouplir le dispositif en vigueur ?

Dans un autre domaine, je me désole que les auxiliaires de vie scolaire ne puissent être reconduits, alors qu’ils donnent toute satisfaction. J’ai entendu vos explications, mais cette situation crée néanmoins des difficultés.

Enfin, les maisons familiales et rurales accomplissent un travail remarquable, dont l'éducation nationale pourrait utilement s’inspirer.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, vous l’avez affirmé dans l’un de vos écrits : l'égalité des chances implique que l’État puisse assurer aux élèves des conditions d'enseignement comparables sur l'ensemble du territoire, et que la répartition des moyens devait tenir compte des contraintes structurelles, territoriales et sociales. On ne peut qu'être d'accord avec vous mais, étant venu visiter nos écoles, vous avez pu vous rendre compte que la réalité de l'enseignement scolaire outremer est tout autre, et votre politique n’en tient pas compte. Le taux d'échec scolaire et le taux de redoublement sont bien supérieurs à ceux de la métropole, et le nombre d'élèves en ZEP y est deux fois plus élevé.

Vous le voyez, les contraintes territoriales et sociales sont beaucoup plus marquées dans nos territoires, qui cumulent tous les handicaps.

Simultanément, nos jeunes enseignants stagiaires du second degré, contraints de participer au mouvement académique, se voient affectés du jour au lendemain dans une académie de l’hexagone, avec les conséquences que l’on connaît : frais de transport, de logement, de déménagement, etc. Et si, en 2011, les quatorze stagiaires de Martinique ont pu éviter un départ contraint et précipité, à l’avenir, selon les informations dont nous disposons, le maintien des stagiaires sur place serait jugé trop onéreux pour l’académie de Martinique. Le rectorat envisagerait même de financer leur billet d’avion.

Notons que les autres académies d’outre-mer sont confrontées au même problème.

Monsieur le ministre, l’année de stage est cruciale pour la titularisation et le déroulement de la carrière des enseignants. Par quelles dispositions comptez-vous favoriser le maintien de ces stagiaires dans leur académie d’origine et permettre ainsi à nos élèves, déjà en grande difficulté, de bénéficier de leur enseignement ?

Mme Marianne Dubois. Depuis la loi de 2005 sur le handicap, l’intégration scolaire des enfants et des jeunes handicapés est en constante progression. On peut parler d’une véritable révolution, dont nous ne pouvons que nous féliciter. J’aimerais toutefois m’attarder sur le cas des jeunes sourds intégrés en milieu scolaire ordinaire.

La loi de 2005 pose deux principes fondamentaux : d’une part, l’intégration scolaire, l’État étant chargé de garantir les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation en milieu ordinaire ; d’autre part, la liberté de choix des parents entre la communication bilingue – langue des signe et langue française – et la communication en langue française.

Si l’éducation nationale a développé des emplois d’auxiliaires de vie scolaire, ceux-ci ne sont pas adaptés aux besoins des enfants sourds. En effet, les parents peuvent souhaiter que l’enseignement soit dispensé à leur enfant en langue des signes ; or, pour maîtriser cette langue difficile, il faut plusieurs années et des compétences poussées.

Certes, les parents souhaitent tous que leur enfant soit scolarisé dans l’école la plus proche. Mais, dans le cas de la surdité, la bonne solution consiste à regrouper les enfants autour de professeurs des écoles très motivés et très bien formés et de personnels très qualifiés. Cela permet de mutualiser les moyens et de garantir la qualité de l’enseignement.

J’appelle également votre attention, monsieur le ministre, sur les lycéens sourds : ils manquent d’interfaces et d’interprètes pour les cours, les conférences et les stages, ils ont besoin de davantage de temps pour les reprises de cours et pour les examens.

Comment améliorer la prise en charge par l’éducation nationale de ces jeunes sourds, qui doivent être très motivés pour réussir leur scolarité ?

M. François Rochebloine et M. Jacques Pélissard. Très bien !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Sur le sport à l’école, j’ai répondu à M. Lecou cet après-midi en séance publique, lors des questions au Gouvernement, notamment en rappelant l’importance des valeurs du sport à l’école.

Dans le PLF pour 2012, 3,25 milliards d’euros sont affectés aux activités sportives, chiffre à comparer aux 247 millions d’euros alloués au programme « Sport ». Dans l’enseignement secondaire, plus de 32 000 équivalents temps plein encadrent la pratique sportive. Que M. Lecou soit donc rassuré : les moyens sont là !

Nous voulons conforter la pratique sportive et l’éducation physique et sportive dans les établissements scolaires. J’ai rappelé cet après-midi l’action que nous avons menée avec l’Union nationale du sport scolaire afin de diversifier l’offre sportive dans les établissements, notamment pour mieux l’adapter aux jeunes filles, trop peu nombreuses à pratiquer un sport. Il s’agit aussi de permettre aux élèves de co-organiser les activités sportives en devenant vice-présidents de l’association sportive au côté du chef d’établissement, comme c’est déjà le cas dans un tiers des lycées.

J’ai enfin rappelé l’importance de l’expérimentation sur les rythmes scolaires – cours le matin, sport l’après-midi. Elle a eu un vif succès l’année dernière, où elle touchait 120 collèges. Nous avons donc décidé de doubler en cette rentrée le nombre d’établissements concernés pour le porter à 250, ce qui représente 15 000 élèves.

Sur le remplacement, madame Langlade, permettez-moi d’abord de rappeler brièvement le système en vigueur. Nous commençons par faire appel aux titulaires sur zone de remplacement, qui sont là pour pallier l’éventuelle défaillance d’un enseignant. Mais il peut arriver qu’aucun TZR ne soit disponible ou que ceux qui le sont ne relèvent pas de la discipline ou de l’académie voulue. J’ai donc décidé d’assouplir le dispositif pour qu’un TZR puisse dépanner un collègue d’une académie voisine. Ensuite, une fois utilisé le contingent de TZR, on recourt à des contractuels – comme on l’a toujours fait, du reste.

Mme Monique Boulestin. Dès le début de l’année ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Il ne s’agit pas de bricolage, mais d’un système. Aujourd’hui, le taux de remplacement est de 92 % dans le premier degré et de 96,2 % dans le second degré. Malgré l’efficacité du système, il est très difficile d’atteindre 100 %. Ainsi, lorsqu’un professeur de philosophie est absent, il se peut que ne soient disponibles que, dans son académie, un professeur de mathématiques et, dans sa discipline, un TZR d’une autre académie : comment faire quand les absences se multiplient, par exemple pendant une épidémie de grippe ?

Voilà pourquoi nous avons besoin d’un volant de contractuels. Cela n’a rien de honteux. Il s’agit soit d’anciens enseignants depuis peu à la retraite, soit de futurs enseignants lorsque l’on fait appel à des étudiants en fin de cursus. On ne peut pas me reprocher à la fois le manque de formation pédagogique devant les classes et le recours à des étudiants ! Celui-ci se pratique dans tous les métiers, notamment à l’hôpital : lequel d’entre vous, arrivant aux urgences, n’appelle pas « docteur » un jeune étudiant en troisième année de médecine qu’il est bien heureux de trouver là ?

En ce qui concerne l’apprentissage, il ne s’agit pas de mettre en concurrence les lycées professionnels et les centres de formation d’apprentis. Vous avez raison de rappeler l’importance des schémas régionaux, aujourd’hui appelés contrats de plan régional de développement des formations professionnelles – CPRDF –, dont une partie a déjà été signée par les recteurs et les présidents de région. Ils font partie des travaux menés au niveau déconcentré et associent les académies et les services des régions afin d’optimiser la carte des formations à l’échelle d’un bassin de vie. Pourquoi ouvrir une section de lycée professionnel à proximité d’un CFA qui fonctionne très bien, pourquoi en fermer une lorsqu’il n’y a pas lieu de le faire ?

M. Marc a évoqué l’école rurale, que je connais bien : le département dont je suis l’élu perd 1 000 habitants par an et certains de ses cantons ne comptent que 4 habitants au kilomètre carré. Qu’il se rassure, ainsi que tous les élus ruraux : nous menons la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux avec discernement. En premier lieu, nous nous sommes d’abord intéressés aux postes d’enseignants qui n’étaient pas devant les élèves. Ainsi, sur les 16 000 suppressions de postes résultant de l’exécution du budget pour 2011, 8 900 concernaient le premier degré, dont 5 600 correspondaient à des professeurs en surnombre, qui n’étaient pas devant les élèves du fait d’un décalage entre le nombre de recrutements des années précédentes et le nombre de départs à la retraite.

J’avais annoncé que, cette année, la différence entre le nombre de classes supprimées et le nombre de classes ouvertes serait d’environ 1 500. Après discussion et réunion des conseils départementaux de l’éducation nationale, il a été décidé que seules 1 050 classes au total seraient supprimées. Voilà un exemple du discernement dont nous faisons preuve et du travail sur mesure que nous accomplissons sur le terrain, avec les inspecteurs d’académie. L’année prochaine, monsieur Durand, le solde sera nul : le Président de la République a été formel. Le nombre de classes à la rentrée 2012 sera donc le même qu’à la rentrée 2011.

Nous nous efforçons de garantir la transparence et le dialogue. Il ne s’agit pas de vanter le travail accompli sous mon autorité, car la démarche est antérieure. Je parle sous le contrôle des élus d’expérience ici présents : depuis une dizaine d’années, la concertation entre les services de l’éducation nationale dans les départements et les élus sur la carte scolaire a beaucoup progressé.

M. Yves Durand. C’est pour cela que les élus ont voté pour la gauche aux sénatoriales !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Nous tentons de faire des projections et de travailler en bonne intelligence pour résoudre les problèmes au cas par cas. Mais dans certains territoires, les élus s’arc-boutent aux classes uniques, comme l’a rappelé M. Marc. Ainsi, dans mon département, on a pratiqué pendant des années les regroupements éclatés : chacun voulant garder sa classe, le CP était installé dans une école, le CE1 dans celle du village voisin et le CM2 dans un autre village. Au bout de dix ans, on s’est aperçu qu’il fallait rénover les locaux dans cinq écoles au lieu d’une seule, que l’absence de concertation entre enseignants posait un problème pédagogique et que l’accueil périscolaire du matin et la demi-pension étaient très compliqués à organiser. Désormais, les élus de droite comme de gauche travaillent sur des regroupements pédagogiques intercommunaux et, avec toutes les possibilités offertes aujourd’hui, on préfère construire une école neuve proposant l’accueil périscolaire du matin, la demi-pension et le centre de loisirs le week-end, une école où œuvre une équipe pédagogique de sept ou huit enseignants et RASED. Je le répète, nous faisons du sur mesure, mais l’objectif est de rendre le système éducatif plus efficient.

M. Marc a raison de rappeler le rôle essentiel des conseillers pédagogiques du premier degré pour porter les réformes, les appliquer et pour former et accompagner les enseignants. Ces questions nous mobilisent en permanence.

M. Rochebloine a évoqué un sujet d’actualité. La fin de l’année scolaire 2010-2011 a en effet été marquée par des tensions à propos des assistants administratifs des directeurs d’école. Depuis toujours, ces postes sont occupés par des contrats du type des emplois jeunes ou des contrats aidés ; on peut le regretter, mais c’est ainsi. Or, à la fin de l’année dernière, des contrats arrivaient à leur terme et je n’avais pas obtenu du ministère du budget des arbitrages favorables à leur renouvellement. Le Président de la République a décidé que 20 000 contrats aidés supplémentaires seraient conclus au printemps, et j’ai obtenu de Bercy que 4 000 d’entre eux soient affectés sur ce type de poste. Désormais, nous avons 13 000 à 14 000 assistants administratifs d’école, soit autant qu’à la rentrée 2010. La situation est donc en cours d’amélioration.

Comme pour les AVS, il peut y avoir dans certains endroits une différence entre les attentes de l’école et les crédits effectivement disponibles au niveau de l’inspection d’académie, mais, sur l’ensemble du territoire, nous disposons des moyens nécessaires pour satisfaire les besoins qui se faisaient sentir en début d’année.

M. François Rochebloine. N’oublions pas les collèges et les lycées, monsieur le ministre !

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Je ne les oublie pas, mais les directeurs d’école se font davantage entendre, car ils sont dépourvus de statut spécifique, à la différence des principaux et des proviseurs – même s’ils bénéficient de décharges de service en fonction de la taille de l’établissement.

Monsieur Manscour, l’ordre du jour du conseil des ministres était entièrement consacré ce matin au bilan de l’action gouvernementale menée dans le cadre du Conseil interministériel de l’outre-mer. Cela m’a permis de rappeler ce qui a été fait en matière d’éducation pour remédier aux problèmes que vous avez relevés. Nous avons ainsi consacré des moyens importants à la prévention de l’illettrisme et au développement de la lecture. Dans toutes les écoles d’outre-mer, nous instaurons systématiquement l’accompagnement éducatif, ce qui veut dire que les enfants sont accueillis après seize heures, notamment pour l’aide aux devoirs. Nous recourons également au programme parlé, programme pédagogique destiné à l’apprentissage de la lecture et qui permet d’obtenir de bons résultats. Je l’ai constaté chez vous, en Martinique.

Le problème des stagiaires est complexe et ancien. Rappelons le caractère national du recrutement des enseignants, auquel tous ici sont très attachés et qui garantit à nos compatriotes ultramarins la valeur de leur recrutement. Cette année, sur les 85 professeurs stagiaires, 6 seulement ont été affectés en métropole. Nous nous efforçons d’améliorer la situation au cas par cas en favorisant autant que possible le maintien des stagiaires dans leur département d’origine, conformément au souhait formulé par le Président de la République lors du Conseil interministériel de l’outre-mer.

Madame Dubois, la scolarisation des enfants sourds a fait l’objet de plusieurs expérimentations : enseignement de la langue des signes française à de jeunes entendants volontaires au lycée ; épreuve facultative de LSF au baccalauréat, étendue à toutes les académies ; programmes de LSF conçus pour permettre un parcours bilingue ; introduction d’un programme de LSF en primaire à partir de la rentrée 2008. Aujourd’hui 7 400 élèves sourds sont scolarisés en milieu ordinaire.

En outre, deux mesures du « Plan sourds » concernent particulièrement mon ministère. Depuis la rentrée 2011, nous menons deux expérimentations dans trois académies. D’une part, la mise à disposition en classe ordinaire de codeurs de langage parlé, que se partagent plusieurs élèves et à l’utilisation desquels nous formons les enseignants concernés. D’autre part, le recours aux technologies de l’information et de la communication sous la forme de dispositifs d’échange direct entre les élèves sourds et les professeurs grâce à un ordinateur à synthèse vocale.

Notons enfin que peu d’élèves sourds sont scolarisés en structure collective, ce qui témoigne de leur intégration.

M. Frédéric Reiss. Ma première question portait sur la grogne des directeurs d’école, mécontents de voir disparaître l’aide administrative, née d’engagements pris par le ministère en 2006. Puisque vous avez répondu à M. Rochebloine, monsieur le ministre, je dirai simplement qu’il faudra un jour créer des EPEP – établissements publics de l’enseignement primaire – et doter les directeurs d’école d’un véritable statut. D’autre part, je suis tout à fait d’accord avec vous sur les regroupements pédagogiques intercommunaux, mais ceux-ci fonctionneraient sans doute mieux avec un seul directeur.

Ma seconde question concerne l’expérimentation d’écoles du socle commun dans plusieurs académies, notamment en zone de « Réseau ambition réussite ». Dans le dossier de rentrée que vous avez présenté, vous insistez sur l’expérimentation et l’innovation, notamment au sein des programmes ECLAIR. À mon sens, il faut un cadre juridique au fonctionnement de ces écoles, à la composition des conseils d’administration, qui devra réserver une place aux représentants du premier degré, comme à l’échange entre enseignants du premier et du second degré. Qu’en pensez-vous ?

M. Claude Bodin. Chaque année, l’État investit massivement pour son école. En 2012 encore, près de 62 milliards d’euros, soit 28 % du budget de l’État, seront consacrés à l’enseignement scolaire, ce qui est tout à fait remarquable.

Malheureusement, les résultats sont mitigés. Je citerai deux chiffres, qu’il faut d’ailleurs mettre en rapport l’un avec l’autre : 15 % des élèves entrant au collège souffrent de graves lacunes dans la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul ; 16 % de jeunes, soit quelque 130 000 par an, quittent le secondaire sans diplôme ni qualification.

Ce constat n’est pas nouveau ; il appelle des positions courageuses et réalistes. Il faut rompre résolument avec les fondements de notre système éducatif pour faire évoluer une institution par trop marquée, reconnaissons-le, par les erreurs et les réformes de l’après-Mai 68,…

M. Patrick Bloche. Entendre ça à cette heure-là, c’est rude !

M. Claude Bodin. …qui a produit un nivellement par le bas des exigences.

Il paraît urgent de réintroduire un système de filtrage tout au long du parcours scolaire, afin d’éviter que des enfants ne se retrouvent sur les bancs du collège et du lycée sans avoir le niveau requis ni la motivation nécessaire. Il faudrait instaurer ces filtres au plus tôt, dès l’entrée en sixième, puis dans le secondaire, en revalorisant le brevet pour en faire non plus une formalité, mais un véritable passeport pour le lycée.

D’une manière générale, il faut revaloriser nos diplômes. Le taux d’échec des étudiants en premier cycle universitaire montre que l’objectif de 80 % de réussite au baccalauréat par classe d’âge est une erreur. Vous avez évoqué ce point dans votre propos liminaire, monsieur le ministre. À quoi bon délivrer généreusement un diplôme qui ne prépare pas bien à l’université le futur étudiant ? N’est-il pas temps de revenir à une juste sélection par le travail, l’effort et le mérite ?

Les élèves qui n’ont manifestement pas le niveau nécessaire pour continuer de fréquenter une filière générale ne devraient-ils pas être orientés au plus tôt, bien avant l’entrée dans le secondaire, vers une filière professionnelle qui devrait servir non de déversoir pour élèves en difficulté, mais bien de voie d’excellence vers un métier, donc vers l’emploi ?

M. Jacques Pélissard. J’approuve les objectifs d’évaluation que vous avez évoqués, monsieur le ministre, comme celui de maîtrise de la dépense publique.

Toutefois, au nom de l’Association des maires de France, j’appelle votre attention sur les classes primaires. En deçà d’un certain seuil, la diminution du nombre de classes risque de nuire au taux d’encadrement et d’entraîner une déprise des zones agricoles. Après son discours en Lozère, le Président de la République vous a adressé le 3 août dernier une lettre indiquant qu’à démographie constante, il n’y aurait pas de suppression nette de classes primaires. Compte tenu du nombre d’emplois et de l’indicateur 4.2, qui correspond à la part du potentiel enseignant en responsabilité d’une classe, pouvez-vous confirmer que cet objectif sera atteint ? Tous les maires de France en seraient très heureux.

M. Gérard Charasse. Monsieur le ministre, une bonne partie de la représentation nationale, par-delà les clivages politiques classiques, est atterrée par votre budget. Il n’est plus le premier en moyens, puisque le service de la dette le dépasse de 3,3 milliards d’euros. En d’autres termes, la gestion des dix dernières années, en particulier la fiscalité de niches, se paye à tel prix qu’elle dépasse l’investissement dans l’avenir de notre pays, c’est-à-dire dans sa jeunesse.

Au lieu de défendre votre département ministériel, vous avez choisi d’appliquer avec zèle les directives présidentielles. Vous l’avez dit vous-même. D’où un nombre record de suppressions de postes – 14 000 cette année, 80 000 au cours de la législature.

L’OCDE le dit, améliorer l’école, c’est améliorer la qualité du personnel enseignant. Nous faisons le contraire : les modalités actuelles de recrutement, dont je suis témoin à Vichy, conduisent devant les élèves des personnes parfois recrutées par téléphone, de bonne foi sans doute, mais qui n’ont rien à faire là.

En particulier, il faut inclure dans les corps de l’éducation nationale les auxiliaires de vie scolaire et les emplois vie scolaire. En effet, alors que l’on envisage de prolonger l’année scolaire, ces personnels sont recrutés en moyenne mi-octobre, quittent leur poste parfois en avril et dépendent juridiquement de personnels de direction qui ne sont responsables ni de leur embauche, ni de leur activité professionnelle, ni de leur temps ou de la qualité de leur travail.

Monsieur le ministre, comment entendez-vous remédier à cette anomalie juridique et pédagogique ?

M. Régis Juanico. Monsieur le ministre, serez-vous encore en place à la prochaine rentrée pour appliquer le budget que vous défendez ce soir ?

M. Yves Censi, rapporteur spécial. Et vous, serez-vous encore là ?

M. Régis Juanico. Cette question se pose pour nous tous, en effet. Et qui dit que M. Chatel ne sera pas appelé à d’autres fonctions ministérielles d’ici là ?

Monsieur le ministre, nous sommes plusieurs à nous faire l’écho auprès de vous du malaise persistant de la communauté éducative et du rejet dont votre politique y fait l’objet. De fait, depuis votre entrée en fonctions, vous avez mené une politique de mise sous tension du système éducatif qui le déstabilise profondément.

Reprenons l’exemple des RASED. Dans mon département, les personnels RASED ont reçu le jeudi 29 septembre de la direction générale de l’enseignement scolaire un questionnaire à remplir et à rendre pour le vendredi 30 à dix heures. Sans doute devait-il servir aux travaux de nos collègues Gaudron et Breton. Selon ces personnels, le tableau proposé trahissait une profonde méconnaissance de leur métier. Voilà un bon exemple de votre méthode et une illustration de ce que vivent quotidiennement les personnels de l’éducation nationale dans les inspections académiques, les écoles, les collèges et les lycées.

Gérard Gaudron a reconnu tout à l’heure que les RASED ont été affaiblis ces dernières années. Vous avez soutenu quant à vous qu’ils n’avaient pas donné entièrement satisfaction et évoqué un « maillage à optimiser » – un doux euphémisme pour désigner des suppressions de postes. Voilà ce qui va se passer en 2012, comme en 2011.

On oublie en effet de dire que bien des postes supprimés à la rentrée 2011 étaient des postes « hors classe ». Les personnels administratifs, les personnels RASED, ceux qui se consacrent aux élèves à besoins éducatifs particuliers – domaine dont le budget est en nette régression – sont donc victimes des suppressions de postes en 2011.

Il en ira de même en 2012, puisque vous annoncez explicitement que les 14 000 postes qui seront supprimés concerneront d’abord des enseignants qui ne sont pas devant les classes. Cela mérite des éclaircissements, s’agissant en particulier des personnels RASED, qui font bien leur métier.

Mme Chantal Berthelot. Monsieur le ministre, pour être déjà venu en Guyane, vous savez comme moi que l’école y est l’enjeu majeur. Avec une croissance démographique de 3,7 % par an, 75 000 élèves étaient scolarisés à la rentrée 2011 dans l'ensemble des établissements publics et privés du premier et du second degré, pour une population de 230 000 habitants. Les enfants non scolarisés sont encore beaucoup trop nombreux – on en compte 3 000, qui vivent principalement dans l'ouest de la Guyane –, et seulement 44 % des adultes de plus de 25 ans sont diplômés de l'enseignement supérieur, contre 71 % au niveau national. Le nombre d'enseignants a certes augmenté de 21 % entre 2002 et 2009, mais par le recours à 27 % d’enseignants contractuels employés à l’année.

Ces données sont tirées de l'excellent document intitulé L’état de l’école en Guyane, publié en juillet 2011 à l'initiative de Mme Florence Robine, recteur de l’académie de la Guyane, avec l’INSEE et Irig Défis.

Ces données ont-elles été intégrées dans le budget pour 2012 ? Surtout, allez-vous donner au rectorat de Guyane les moyens de faire face au défi de l'évolution démographique et d'accroître le niveau de qualification des jeunes Guyanais ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur Reiss, les 4 000 emplois aidés affectés à l'éducation nationale sur les 20 000 annoncés par le Président de la République seront en grande partie consacrés à l'assistance administrative dans les écoles, ce qui est très attendu par les écoles primaires.

L’école du socle commun est une piste intéressante et le rapport que vous avez rédigé comporte à cet égard plusieurs orientations. J'ai été frappé de constater en Finlande que ce pays avait supprimé toute rupture entre le premier le second degrés. Les résultats d'une enquête sur la victimation au collège, que j'ai publiés hier, montrent bien que l'entrée au collège en sixième est une véritable rupture dans la scolarisation, les élèves de sixième étant par exemple beaucoup plus inquiets que leurs camarades des années suivantes. Le continuum semble donc très intéressant dans l'esprit de la loi de 2005 instaurant un socle commun.

Deux expérimentations sont actuellement en cours dans ce domaine, à Richelieu et à Grand-Pressigny, en Indre-et-Loire. Dans les deux cas, profitant de la baisse du nombre de collégiens, les classes des écoles primaires vont rejoindre physiquement l'enceinte du collège, l'ensemble faisant l’objet d'une convention entre la commune et le conseil général.

J'ai également proposé que, pour remédier aux difficultés de lecture des enfants entrant en sixième sans maîtriser parfaitement les fondamentaux, des professeurs des écoles viennent dorénavant aider leurs collègues du secondaire en assurant cette remédiation dans le domaine de la lecture. Ce n'est pas le même métier que d'être professeur des écoles ou professeur de collège. Une fois l’élève entré dans le cycle du collège, si les fondamentaux ne sont pas maîtrisés, qui est mieux placé que le maître du primaire pour apporter la médiation ? Tous les liens, toutes les passerelles sont les bienvenus.

Il nous faut maintenant réfléchir aux questions juridiques et administratives. Faut-il un statut particulier ? Faut-il regrouper les écoles sous la responsabilité d’un seul directeur ? Ces questions dessinent un déclinaison de la mise en œuvre du socle commun instauré par la loi de 2005, qui prévoit des fondamentaux – les sept piliers – et leur acquisition progressive.

Monsieur Bodin, si nous avons voulu, en 2005, mettre en place un socle commun de connaissances et de compétences et recentrer l'apprentissage sur quelques fondamentaux, c'est bien pour en permettre l'acquisition progressive. Chaque enfant, selon son rythme, doit acquérir ces piliers tout au long de la scolarité obligatoire – c’est tout le sens de la personnalisation.

Je ne suis pas favorable, je le répète, au rétablissement de l'examen d'entrée en sixième, contraire à l’idée de socle commun que je viens d'évoquer et qui suppose une pédagogie personnalisée pour l'acquisition des fondamentaux. Qu'adviendrait-il en effet des 15 % d’élèves qui ne passeraient pas en sixième ? Cette pratique nous contraindrait à revoir l'ensemble de l'organisation et du fonctionnement des écoles.

Vous soulignez à juste titre que l'objectif ne doit pas être de porter au niveau du bac un pourcentage donné d'une une classe d'âge, mais de faire en sorte que 100 % des élèves sortent de l'école avec une solution. De fait, le ministre de l'éducation nationale n'est aujourd’hui pas en mesure de garantir aux parents que, quoi qu'il arrive, leurs enfants sortiront de l'école avec un bagage et une solution. C'est là que nous devons améliorer l'efficacité du système : de l'École polytechnique au CAP, il faut trouver une solution. Notre système éducatif doit être capable de s'adapter, de personnaliser, d'individualiser, de différencier les moyens, de faire plus pour ceux qui ont le plus de besoins, mais aussi de détecter les meilleurs pour leur permettre d’aller vers l'excellence – car l’école de la République est aussi celle qui mène vers l'excellence –, afin d’obtenir 100 % de réussite. Je partage donc votre vision sur ce point.

Je suis en revanche réservé quant à l'idée d'une orientation précoce. Le but n'est pas le collège unique, mais le collège pour tous : que 100 % d'une génération aille au collège est un vrai progrès, mais il faut des parcours différenciés pour des enfants qui, à 13 ou 14 ans, ont des difficultés dans certaines disciplines et pourraient trouver un meilleur épanouissement s'ils étaient orientés vers d'autres domaines. Il ne faut donc pas rétablir une orientation trop précoce. On ne peut pas affirmer le droit à l'erreur et le caractère réversible de l’orientation et, dans le même temps, envoyer – pour grossir le trait – les enfants à l'usine dès 12 ans. Les parcours doivent donc être différenciés et permettre un retour pour une orientation définitive. Il doit s'agir d'une pré-orientation réversible.

Monsieur Pélissard, je tiens à vous rassurer en votre qualité de président de l’Association des maires de France : il y aura le même nombre de classes à la rentrée 2012 qu'à la rentrée 2011. Cela représente un effort important en termes d'organisation, car nous allons poursuivre le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Certaines classes fermeront et d'autres ouvriront, car l'éducation nationale doit s'adapter à l'évolution démographique et à la situation de la carte scolaire, mais le nombre restera constant dans le cadre du budget que vous examinez.

Monsieur Charasse, monsieur Juanico, vous m’avez interrogé sur le nombre de postes, en demandant comment nous ferions face aux prochaines rentrées. Je serais tenté de vous demander en retour comment on faisait, voilà 20 ans, avec 35 000 professeurs de moins et 500 000 élèves de plus – ces chiffres sont attestés et faciles à vérifier. Le système fonctionnait-il alors moins bien qu'aujourd'hui ? Le système éducatif peut améliorer ses performances, son efficience et son efficacité avec plus de différenciation, d'autonomie, de confiance aux acteurs locaux et d'individualisation des parcours.

L'exemple de recrutement que vous citez, monsieur Charasse, est quelque peu caricatural. Je rappelle que, dans leur immense majorité, les enseignants sont recrutés sur concours. Sur les 17 000 recrutements auxquels l’éducation nationale procède cette année – restant ainsi le premier recruteur de France –, 80% sont des enseignants, dont 90 % sont recrutés sur concours pour la vie. Peu de pays font cela.

J’ai rappelé tout à l’heure à Mme Langlade quelle était notre politique de remplacement. Nous faisons en effet appel à des contractuels, que nous allons chercher là où les compétences se trouvent : auprès des anciens enseignants, de ceux qui n’enseignent pas à l’éducation nationale et des futurs enseignants. Nous travaillons pour cela avec Pôle emploi – qui possède, vous en conviendrez, des compétences en matière de recrutement. Qu'y a-t-il de choquant à ce que, pour recruter des contractuels sur la base d'une description de fonctions, nous allions les chercher chez les professionnels concernés ?

Monsieur Juanico, nous ne supprimons pas les RASED, même s’ils sont moins nombreux qu’ils ne l’étaient voici quelques années. Leur mission a du reste été revue, comme je l’ai rappelé tout à l’heure. J’ai également indiqué quel était le taux d’encadrement pour ces personnels et je ne puis souscrire à votre jugement selon lequel le document élaboré par l’administration de mon ministère ne serait pas conforme à la réalité –l’administration de la direction générale de l'enseignement scolaire est compétente et performante.

Madame Berthelot, vous avez rappelé que la Guyane a bénéficié d'importantes créations de postes pour accompagner le mouvement démographique. Nous avons stabilisé les lauréats des concours pour assurer une affectation pluriannuelle, lancé un plan de formation pour encourager les contractuels locaux à passer les concours et débloqué 6 millions d'euros de crédits en 2012 pour la construction scolaire. Nous avons également créé un internat d’excellence – que j’ai eu l’occasion de visiter – à Maripasoula. Tout cela témoigne de l'engagement de l'État en faveur du département de la Guyane.

M. Georges Colombier. Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur les moyens accordés par le Gouvernement à l'enseignement privé.

Nous sommes convaincus qu'il faut plus que jamais prendre en compte les contraintes pesant sur nos finances publiques. Nous savons aussi qu’en matière d'éducation comme ailleurs, l'augmentation sans fin des moyens ne résout pas tous les problèmes. L’enseignement privé assume depuis plusieurs années maintenant sa part d’efforts dans le budget de l'éducation nationale. Entre 2008 et 2010, l'enseignement privé sous contrat a ainsi rendu 4 600 postes alors que les effectifs scolarisés ont progressé de 10 000 et que, selon les OGEC, 30 000 demandes d’inscription chaque année ne seraient pas satisfaites, faute de places.

En 2011, l’enseignement privé a ainsi rendu 1 533 emplois, soit 20 % de l’effort demandé à l'éducation nationale, alors qu'il représente tout juste 17 % des effectifs scolarisés. En 2012 sont prévues 1 530 suppressions de postes sur un total de 14 000. Or, si les effectifs de l'enseignement secondaire ont connu une baisse de 272 000 élèves dans les établissements publics, ils ont progressé de 7 000 élèves dans l'enseignement privé pour la même période. Il est également à noter que chaque poste rendu par l'enseignement privé correspond à la suppression d'une classe, compte tenu du fait que tous les enseignants sont devant les élèves, ce qui n'est pas le cas pour l'enseignement public.

Dans ce contexte, les suppressions de postes ont des conséquences importantes en termes d'organisation des enseignements au sein des établissements privés. Il est donc important de tenir compte de la situation particulière de ces derniers au moment de l'allocation des moyens budgétaires. Comment comptez-vous maintenir la qualité de l'enseignement dispensé dans le privé tout en demandant un effort surdimensionné à cette partie de notre éducation nationale ?

M. Étienne Pinte. Ma question, qui porte également sur l'enseignement privé, complétera parfaitement l'intervention de M. Colombier.

Un groupe de travail sur l'enseignement privé, qui se réunit depuis plusieurs mois sous la présidence de notre collègue Valérie Boyer, nous a permis de prendre conscience des difficultés rencontrées par ce secteur.

Je tiens d'abord à souligner la faiblesse du forfait d'externat versé par l'État, qui serait actuellement sous-estimé de 15 %, et la grande diversité des subventions versées par les collectivités territoriales.

Par ailleurs, les travaux réalisés dans les écoles privées sous contrat ne sont pas exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, alors que les collectivités territoriales qui construisent ou rénovent des établissements publics bénéficient de fait de cette exonération par le biais du Fonds de compensation de la TVA.

Il faut encore rappeler l'inégalité de traitement entre les parents des enfants scolarisés dans le privé et dans le public en matière de restauration scolaire. Très souvent en effet les collectivités territoriales aident ou financent cette prestation dans le secteur public, alors que la charge en revient intégralement aux parents dans le secteur privé.

En quatrième lieu, de nombreux parents d'enfants handicapés ne parviennent pas à obtenir un assistant de vie scolaire – ce qui est d’ailleurs aussi trop souvent le cas dans l’enseignement public.

Enfin, le problème le plus grave pour les années à venir est celui du financement de la mise en œuvre de la loi du 11 avril 2005, qui implique la mise aux normes des bâtiments pour les rendre accessibles aux handicapés. Selon les organismes de gestion de l'enseignement privé, le coût de cette mise aux normes s'élèverait à 1,6 milliard d'euros.

Jusqu'à quel point faut-il supprimer des postes dans l'enseignement privé, qui accueille environ 20 % des élèves scolarisés dans notre pays, alors que les 20% de suppressions de postes ne sont pas encore atteints ?

Mme Martine Martinel. Monsieur le ministre, dans un entretien que vous avez récemment accordé au journal Le Monde, vous êtes revenu, en en minimisant l'intérêt, sur la forme et les modalités de l'évaluation prévue en grande section de maternelle. Pourquoi ne pas supprimer, dans un budget contraint, une évaluation nationale coûteuse et redondante avec la pratique constante des enseignants dans leurs classes ?

Dans le même temps, un rapport récent de l'Institut de veille sanitaire et de l’INSEE a fait apparaître de très fortes inégalités, selon les régions, quant à la santé des enfants scolarisés en grande section de maternelle. Cette inégalité sanitaire, souvent fondée sur des habitudes de vie, a un fort retentissement sur la réussite scolaire des élèves. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce domaine ?

M. André Chassaigne. Avant de poser ma question, je tiens à déplorer le fait qu’il ne soit pas répondu aux questions écrites posées par certains députés – je l’ai constaté personnellement et pourrais fournir une liste de questions auxquelles il n'a pas été répondu. Il n'est pas juste – et il est même antirépublicain – que des questions similaires posées par certains autres députés reçoivent des réponses. Cette situation est grave, car elle exprime une forme de mépris envers la représentation nationale, ou du moins envers une partie de celle-ci.

J’en viens à ma question, qui porte sur la scolarisation des moins de trois ans et que je centrerai particulièrement sur les communes rurales. Le code de l'éducation stipule dans son article L.111-1 que les écoles et établissements d'enseignement situés dans les zones d'environnement social défavorisé doivent bénéficier d'un encadrement renforcé. Les articles L.113-1 et D.112-1 prévoient un accueil prioritaire des enfants de deux ans « dans les écoles et les classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé, que ce soit dans les zones urbaines, rurales ou de montagne et dans les régions d'outre-mer, et particulièrement en zone d'éducation prioritaire ».

Des actions sont engagées auprès des tribunaux administratifs pour exiger l'accueil et la comptabilisation des enfants de moins de trois ans dans les effectifs des écoles situées notamment en zones de revitalisation rurale. Ces actions se multiplient depuis la décision du juge administratif de Pau sur le cas de l'école de la commune de Luz-Saint-Sauveur. Malgré votre recours, le Conseil d'État a en effet débouté votre ministère et vous vous êtes pourvu en cassation.

Cette dérobade judiciaire ne masque pas une forme de discrimination permanente dont sont victimes les territoires ruraux fragiles devant le service public d'éducation. L'Association des maires de France, dont le président vient de s’exprimer sur la situation des écoles rurales, s'en est d’ailleurs récemment faite le relais.

La gestion quotidienne de cette situation est ubuesque : les inspecteurs d’académie exercent un véritable harcèlement auprès de ces écoles à propos des prévisions d’effectifs, leur demandant de ne pas prendre en compte les élèves inscrits à moins de trois ans, alors que ces écoles ont par ailleurs obligation d’accueillir ces enfants. Cela relève de la schizophrénie.

Avez-vous la volonté de faire cesser cette discrimination à l'encontre des élèves des territoires ruraux et allez-vous cesser de contourner la loi, pour des raisons purement budgétaires, au détriment de ces élèves ?

Ayant exercé toute mon activité professionnelle dans un collège rural qui possédait un internat, je constate que la fonction de l'internat se limite aujourd'hui de plus en plus étroitement aux internats d'excellence et que les inspecteurs d'académie refusent les demandes d’inscription en internats ordinaires qui leur sont adressées. C'est pourtant un mauvais calcul que de tirer un trait sur ces internats ordinaires, qui ont un rôle privilégié à jouer auprès d’élèves venant de milieux défavorisés, présentant des troubles de comportement ou dont les parents rentrent tard le soir du fait de leur activité professionnelle.

Mme Monique Boulestin. Monsieur le ministre, vous venez d'être destinataire du rapport Jolion qui, dès les premières lignes, reconnaît ce que tous les observateurs avaient déjà souligné : la réforme – c'est-à-dire le démantèlement – de la formation des maîtres a été principalement amorcée pour des raisons budgétaires et ne pourra pas donc pas faire l'objet, année après année, de simples ajustements ou réajustements.

Chacun sait, y compris le Président de la République, que la formation professionnelle des enseignants n'est pas au point. Tout d'abord, le calendrier des épreuves, en particulier la place du concours durant la deuxième année du master, vient d'être remis en cause par votre ministère. Les étudiants doivent en effet, cette année-là, réussir le master ou réussir le concours pour être recrutés. Que proposez-vous face à ce choix absurde, qui crée par ailleurs une nouvelle catégorie d'enseignants précaires : les « reçus-collés » ?

Deuxième point et non le moindre : les reçus au concours pour la seule année 2010 se retrouvent dans des classes, sans avoir reçu aucune formation. L'absence de cadrage national et de moyens dévolus à la formation dans les dotations du ministère aux académies place bon nombre d’entre elles dans des situations d'improvisation inédites, entre le choix d'une formation minimale des enseignants débutants et l'abandon des élèves pendant cette formation, faute de moyens de remplacement.

Enfin, troisième point noir : la « professionnalisation » du cursus avec un stage qui n'est ni obligatoire, ni valorisé au sein du concours, lui-même perçu comme complètement déconnecté de l'exercice réel du métier d'enseignant.

Le métier de professeur s'apprend de façon méthodique et organisée, à la fois à partir d'incontestables fondamentaux scientifiques – les « savoirs savants » universitaires – et au sein d'une école d'application chargée tout simplement d’apprendre à apprendre.

Pensez-vous redonner toute leur place à de véritables écoles professionnelles, à l'image de ce qui existe dans d'autres professions, afin de revaloriser le métier d'enseignant ?

M. Jean-Luc Pérat. À vous entendre, monsieur le ministre, il semble que vous découvriez les bienfaits de l’EPS et du sport à l'école. Vous accordez à la pratique sportive toutes les vertus possibles, mais refusez de la développer pour tous les élèves. Vous faites le constat que le sport n'est pas assez valorisé à l'école, mais vous oubliez – ou tentez de nous faire oublier – que le gouvernement auquel vous appartenez en qualité de ministre de l'éducation nationale est responsable de cette situation, avec la suppression de 4 000 postes d'enseignants d’EPS en cinq ans et le refus d’augmenter les horaires d’EPS obligatoire dans le primaire et dans le secondaire, d'intégrer dans le socle commun un huitième pilier consacré à la culture sportive et corporelle, d'augmenter le coefficient de l’EPS au brevet des collèges et de mettre en place, au moment de la réforme de la voie professionnelle, la filière axée autour des métiers du sport que vous prétendez aujourd’hui souhaiter.

Le Président de la République avait pris sur les questions d'éducation physique et de sport de multiples engagements, qui sont restés dans les starting-blocks. Vous envisagez, quant à vous, de passer à la vitesse supérieure : celle de la communication, avec l'opération « Cours le matin, sport l’après-midi », qui concerne très peu d'élèves et comporte en outre le risque de confusion dangereuse entre l'animation sportive sans exigences d’apprentissage et l’enseignement de l’EPS, tout en engageant la sortie de cette dernière du service public d’éducation.

L’EPS et le sport sont reconnus comme des piliers de l'équilibre de l'épanouissement des élèves. Leurs bienfaits ne sont plus à démontrer, comme vous le reconnaissez vous-même. Entre l'intention et la réalisation, il y a un réel fossé. Quelles réponses pouvez-vous nous apporter sur ces points ?

Mme Marie-Christine Dalloz. La circonscription dont je suis élue présente la particularité nationale de comporter, à la rentrée 2011, deux collèges fléchés « langue turque première langue ». Cette circonscription abrite en effet une importante communauté d'origine turque et l'on peut comprendre, dans une perspective d'intégration réussie, le souhait de l'inspecteur d'académie de proposer une telle filière. J'ai néanmoins été surprise d'en être informée par la presse.

L’enjeu fondamental est la maîtrise de la langue maternelle, et je m’inscris en faux contre les propos de mes collègues qui invoquent la question des moyens, car l’inspecteur a trouvé les moyens nécessaires pour doter ces établissements de deux enseignants.

La création de ces enseignements était destinée à alléger le programme des enseignements des langues et cultures d’origine – ELCO – assurés au sein de l’école publique et dont il est souvent difficile de connaître la teneur. De fait, les enseignants de ces ELCO, financés non par les deniers publics, mais par les pays d’origine, ont parfois dispensé des enseignements qui n’avaient rien de laïque, ce qui est inacceptable.

Comment peut-on contrôler le travail des enseignants de ces ELCO et s’assurer qu’il est compatible avec la laïcité qui doit prévaloir dans notre système éducatif public ?

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. M. Colombier et M. Pinte m’ont interrogé sur l’enseignement privé. Je veux d’abord rappeler que, depuis la loi Debré, l’enseignement privé sous contrat fait partie intégrante de notre système éducatif. Ensuite, selon une règle non écrite appliquée depuis de nombreuses années, il bénéficie de 20 % des dotations du ministère pour son fonctionnement au motif qu’il représente globalement 20 % des élèves. Et le même principe s’applique lorsque des efforts sont à accomplir : il doit en accomplir 20 % – je pense au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Si l’on avait appliqué strictement cette règle des 20 % en 2011, l’enseignement privé sous contrat aurait dû rendre 3 200 postes sur les 16 000 figurant dans le projet de loi de finances initiale. Après un long échange avec les représentants de l’enseignement catholique notamment, nous avons retenu l’argument selon lequel certains postes – TZR, surnombres, RASED – n’existent pas dans l’enseignement privé. J’ai donc accepté d’opérer une déduction et ce sont en définitive 1 533 postes qui ont été retirés à l’enseignement privé sous contrat en 2011. Nous procèderons exactement de la même manière en 2012 : 1 350 postes ne seront pas remplacés à la rentrée 2012.

Par ailleurs, ce projet de budget prévoit une augmentation de 17,7 millions du forfait d’externat, soit une hausse de 2,9 %, ce qui est significatif au regard des actuelles contraintes budgétaires. Certes, la TVA sur l’investissement dans les bâtiments ne fait pas l’objet d’un reversement via le FCTVA, mais c’est parce qu’il s’agit de biens privés pour lesquels il n’y a pas d’exonération de TVA.

S’agissant des assistants de vie scolaire, nous avons eu de nombreux contacts avec le secrétaire général de l’enseignement catholique sur la question de l’accueil des enfants handicapés, mais je n’ai pas entendu dire que l’enseignement catholique aurait plus de difficultés que l’éducation nationale à recruter de tels personnels. Cela dit, si l’on peut améliorer les chose dans certaines académies, il faut nous le dire.

Quant à la mise aux normes des bâtiments prévue par la loi de 2005, le Président de la République a récemment évoqué la question avec les principales associations et fédérations de handicapés qu’il a reçues. Il a clairement dit qu’il n’était pas favorable à un report d’application de la loi, mais qu’il était prêt à discuter d’aménagements – certains parlementaires ont fait des propositions. C’est une question qui dépasse le cadre des établissements scolaires privés et concerne les collectivités territoriales. Mais aujourd’hui, la loi ne prévoit pas l’intervention de fonds publics dans des écoles privées, quand bien même elles seraient sous contrat.

Mme Martinel m’a interrogé sur les évaluations. J’ai souhaité que le mot « évaluation » soit retiré de la procédure de repérage des enfants en grande difficulté en maternelle pour éviter toute confusion avec le système des évaluations en primaire CE1-CM2. Ce dernier est en effet un ensemble de tests servant de guide d’utilisation à l’enseignant, mais les évaluations sont aussi utilisées au niveau national pour apprécier le système éducatif et ses performances. Ce sont deux choses très différentes.

Je suis désolé si M. Chassaigne n’a pas obtenu de réponses à ses questions écrites, mais cela n’est pas de mon fait. Et je n’ai pas le sentiment de répondre moins aux élus de l’opposition qu’à ceux de la majorité. Nous sommes en train de réorganiser le service des questions écrites avec un nouveau logiciel. Certaines questions écrites très pointues – je ne doute pas que cela soit le cas des vôtres, monsieur Chassaigne – nécessitent une expertise de nos services, mais nous n’opérons aucune discrimination entre les parlementaires.

En ce qui concerne la scolarisation des enfants de deux ans, vous connaissez ma position. L’école est obligatoire à six ans, et nous aurons encore des débats sur la scolarisation à trois ans à laquelle je ne suis pas complètement opposé. Cela dit, actuellement, la règle, c’est la scolarisation l’année des trois ans, mais nous faisons en sorte que, dans les bassins de vie identifiés comme en difficulté – zones de revitalisation rurale, zones d’éducation prioritaire –, les écoles puissent accueillir les enfants de deux ans. Aujourd’hui, la proportion des enfants de cet âge dans les écoles est de 12 % sur l’ensemble du territoire, mais il y a des écarts considérables selon le passé des régions et les systèmes de garde complémentaires existants. Dans l’académie de Lille, par exemple, on doit avoir 42 % de scolarisation des deux ans, contre 4 % seulement à Paris. Donc, nous ne rejetons pas le principe de la scolarisation des deux ans, mais nous le plaçons au second rang, après l’accueil de tous les enfants à trois ans, qui est la règle générale.

Madame Boulestin, nous avons voulu la masterisation pour élever d’une année le niveau de recrutement de nos enseignants. C’est un signal fort. Et parce qu’on leur demande une année de travail supplémentaire, ils sont mieux payés à l’embauche. Mais nous avons aussi souhaité la masterisation pour que les étudiants s’engageant dans la filière des métiers de l’enseignement puissent trouver d’autres débouchés. L’étudiant qui est collé à son concours peut retomber sur ses pieds et envisager une autre carrière s’il est titulaire d’un master. C’est important.

Il est faux, madame la députée, de prétendre que les étudiants se préparant au métier d’enseignant n’ont aucune formation. Dès le master 1, ils suivent des séquences de 108 heures de formation pratique. En master 2, une pratique accompagnée est prévue. Je rappelle qu’un tiers du service des professeurs stagiaires est consacré à la formation pratique. Quant aux masters en alternance, que nous avons mis en place à la rentrée, ils permettent à des étudiants d’effectuer trois à six heures de cours par semaine et d’être rémunérés 3 000 à 6 000 euros par an. C’est aussi une façon de permettre à des jeunes issus de milieux moins favorisés d’accéder au métier d’enseignant.

Monsieur Pérat, je n’ai pas attendu aujourd’hui pour découvrir les vertus du sport ! Dans mon discours au CNOSF de mai 2010, j’ai en effet annoncé ma volonté de renforcer la politique d’éducation physique et sportive et le développement d’activités sportives au sein des établissements scolaires. Vous me faites le procès selon lequel cela ne concernerait pas tout le monde, mais c’est faux : le développement du sport scolaire, via l’UNSS que le ministre de l’éducation nationale préside, c’est pour tous, dans tous les établissements scolaires. Et c’est pour tous, dans tous les établissements scolaires, que nous élargissons l’offre scolaire, via les associations sportives, en impliquant davantage les parents d’élèves et les enfants.

Bien sûr, l’expérimentation « Cours le matin, sport l’après-midi » ne concerne que 15 000 élèves, ce qui est déjà beaucoup d’ailleurs, mais nous ne pourrions mécaniquement faire plus car nous n’avons pas suffisamment d’équipements sportifs sur l’ensemble du territoire. Il s’agit non pas de généraliser un tel système, mais de le proposer. Actuellement, 250 établissements sont concernés, c’est-à-dire plus de deux par département, et, vu le succès rencontré par cette opération, on peut imaginer qu’elle va s’étendre encore pour que les parents puissent choisir, mais je défends l’idée de projets pédagogiques différents sur l’ensemble du territoire.

Ensuite, il n’y a aucune confusion entre EPS et sport. Les élèves qui bénéficie de « Cours le matin, sport l’après-midi » ont bien toutes leurs heures d’éducation physique et sportive, mais ils en ont aussi soit avec leur propre professeur d’éducation physique et sportive dans le cadre de ses heures d’AS, soit avec des techniciens des fédérations sportives. Ce n’est pas une insulte de travailler avec ces techniciens, de les faire venir dans les établissements scolaires, de coopérer avec eux ! J’ai signé une douzaine de conventions avec les grandes fédérations sportives qui considèrent que c’est une opportunité formidable et le président du Comité national olympique et sportif français me disait récemment que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas vu un tel engagement de l’éducation nationale dans le sport et la pratique sportive.

Madame Dalloz, les ELCO sont contrôlés par les inspecteurs de l’Éducation nationale, et la direction générale de l’enseignement scolaire a envoyé une directive pour que ce contrôle soit effectif. Je souligne que ces enseignements relèvent de conventions internationales qui mériteraient d’être toilettées. Il serait notamment bon de réaffirmer certains principes comme celui de laïcité.

M. Michel Diefenbacher, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour la clarté et la précision de vos réponses.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt-trois heures quarante-cinq.

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