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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2008-2009

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 5 novembre 2008

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Questions au Gouvernement

Contrats aidés

Mme Huguette Bello

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

Inondations dans la Loire

M. François Rochebloine

Élection du Président américain

M. Louis Giscard d'Estaing

M. François Fillon, Premier ministre

Emploi

M. Jean-Paul Bacquet

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Mesures de soutien en faveur des entreprises

M. Lionel Tardy

Situation au Congo

M. Michel Terrot

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes

Mobilisation chez Arkema

M. Jean-Louis Bianco

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Réforme du service public de l’emploi

M. Guénhaël Huet

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi

Capacités d’emprunt des collectivités territoriales

M. Michel Piron

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales

Immigration

M. Gérard Charasse

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

Crise de la filière volaille

M. Gérard Lorgeoux

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche

Situation du centre d'appel SFR à Toulouse

Mme Catherine Lemorton

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État

2. Communication de M. le président

3. Projet de loi de finances pour 2009

Seconde partie

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (suite)

M. François Rochebloine

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche

M. Guénhaël Huet

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Georges Colombier

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Daniel Fasquelle

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Louis-Joseph Manscour

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

Mme Frédérique Massat

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

Mme Corinne Erhel

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. André Chassaigne

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Francis Saint-Léger

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Bertrand Pancher

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Jérôme Cahuzac

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Jean Grellier

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

Mme Marie-Lou Marcel

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Bertrand Pancher

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Yannick Favennec

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture

M. Maxime Gremetz

M. Jean-Paul Chanteguet

Mme Dominique Orliac

Mme Catherine Quéré

M. Jean-Marie Morisset

M. Michel Diefenbacher

M. Daniel Garrigue

M. Jean-Claude Leroy

M. Philippe Armand Martin

Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales »

État B

Amendements nos 18, 147, 17, 146, 184, 49, 16

État D

Avant l’article 59

Amendements nos 177, 178, 179, 180, 181, 183

Article 59

Après l’article 59

Amendements nos 157, 200 (sous-amendement), 206 rectifié (sous-amendement), 201 (sous-amendement), 266, 248 rectifié

4. Ordre du jour de la prochaine séance


Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Contrats aidés

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, mes chers collègues, c’est en tant que députée mais aussi en tant que métisse de la Réunion que je veux saluer la victoire historique de Barack Obama. (Applaudissements sur tous les bancs.) L'impensable se réalise aujourd'hui sous nos yeux aux États-Unis. La victoire de Barack Obama, le succès de cet homme qui a su dépasser les clivages communautaires, ancestraux mais aussi modernes, invite désormais chacun d'entre nous à méditer et à faire vivre la pensée de Michel de Montaigne : « Chaque homme porte en soi la forme entière de l'humaine condition. »

Ma question s'adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l'emploi. En annonçant parmi les mesures de soutien à l'emploi le rétablissement d'une partie des contrats aidés supprimés au cours des années précédentes, le Président de la République vient de donner raison à tous ceux qui, en dépit des sarcasmes hostiles, ont toujours soutenu l'économie solidaire.

Ces contrats, qui ont été stigmatisés comme relevant de l'assistanat et dénoncés comme archaïques au nom d'une vision ultralibérale, sont avant tout, il faut le rappeler, une réponse à deux impératifs : ils permettent à des milliers de personnes d'accéder à un emploi ; ils sont une solution à des besoins que l'économie marchande ne satisfait pas. Soutenir les contrats aidés, ce n'est pas s'opposer à l'économie marchande, c'est au contraire inventer les emplois de demain.

Les diminutions massives des solutions d'insertion, quand il ne s'agissait pas de la suppression pure et simple de dispositifs efficaces et appréciés, ont fait bien des dégâts, ont causé bien des souffrances. Aucun territoire n'a été épargné, pas même les plus fragiles. Hier encore, on n'hésitait pas à comparer une commune de la Réunion et une commune de l'Île-de-France, région parmi les plus riches d'Europe, pour justifier la diminution des contrats aidés dans un département où plus du quart de la population active est au chômage.

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Bello.

Mme Huguette Bello. À la Réunion, la nouvelle donne suscite deux interrogations au sujet desquels nous attendons les réponses du Gouvernement avec impatience et gravité. Quelles conséquences le revirement pragmatique actuel aura-t-il sur le nombre de contrats aidés de la Réunion ? Par ailleurs, dans la mesure où nous avons toujours considéré ces emplois comme une réponse à de vraies missions, le Gouvernement est-il prêt à nous accompagner dans la consolidation de grandes filières d'activités qui relèvent pour l'instant de l'économie solidaire, en particulier les services à la personne, les services à l'environnement dont participe la protection de cette biodiversité réunionnaise…

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Madame Bello, permettez-moi d’abord de m’associer à votre enthousiasme devant la victoire, à l’élection présidentielle américaine, de M. Barack Obama. Tous ici, nous pouvons nous réjouir du triomphe de la diversité et de la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Pour répondre à votre question, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé d’ajouter 100 000 nouveaux contrats aidés à l’ensemble des contrats prévus pour l’année 2009. Nous savons en effet que les mois qui viennent seront difficiles.

M. Michel Lefait. Quel aveu !

Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Nous préférons donc agir plutôt que d’attendre, augmenter de 100 000 le nombre des contrats aidés plutôt que de compter 100 000 chômeurs de plus.

Ces nouveaux contrats aidés constitueront une nouvelle génération de contrats aidés en secteur non marchand. Ils se distingueront des contrats traditionnels, d’une part, parce que leurs bénéficiaires conserveront leur droit d’accès à « Pôle emploi », ce qui leur permettra d’avoir un soutien, toujours auprès du même référent, et, d’autre part, parce que, pendant la durée du contrat, les salariés pourront non seulement bénéficier d’actions de formation professionnelle, mais également faire des stages en entreprise. Nous voulons en effet que ces contrats aidés ne soient pas une voie de garage mais un vrai tremplin pour l’emploi.

En ce qui concerne la Réunion et les départements d’outre-mer, j’ai signé des instructions ce matin, madame Bello, pour que les contrats aidés bénéficient à tout le territoire. Laurent Wauquiez et moi-même travaillons avec Yves Jégo pour que votre département et tous les départements d’outre-mer bénéficient du même quota de contrats aidés qu’en 2008. Nous ne souhaitons pas attendre mais agir ; nous ne voulons pas abandonner ceux qui en ont besoin mais les accompagner. Nous augmentons donc le nombre de contrats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Inondations dans la Loire

M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Rochebloine. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Comme, hélas ! d’autres départements, la Loire a été touchée ce week-end par des intempéries particulièrement violentes, qui ont causé, nous le savons tous, des crues très importantes et de très lourds dégâts matériels.

Je voudrais rendre hommage à l’ensemble des services de secours, aux élus locaux, et bien sûr aux volontaires qui sont intervenus pour apporter aide et assistance aux populations sinistrées.

Au lendemain de ces inondations, madame la secrétaire d’Etat, la population est encore sous le choc : des familles ont dû être relogées et de nombreux artisans et commerçants ont subi de lourdes pertes. Il faut donc poser la question de la prévention des crues et celle de la mise en place de procédures d'alerte adaptées.

Dès lundi, vous vous êtes déplacée dans la vallée du Gier et vous êtes allée à la rencontre des habitants à Rive-de-Gier, la ville la plus touchée. Je vous en remercie très vivement, et la population a beaucoup apprécié votre présence sur le terrain.

Vous avez pu constater comme moi que l'absence d'un système de surveillance et d'alerte aurait pu avoir en effet des conséquences encore plus graves que celles enregistrées lors des crues dites centennales de 2003.

Certains reprochent aujourd'hui aux pouvoirs publics une communication trop tardive, le Gier n'étant pas classé comme une rivière dangereuse.

Compte tenu du caractère répété du phénomène, des décisions s'imposent très vite, comme vous l'avez-vous même reconnu, madame la secrétaire d’État, en suggérant la mise en place d'un plan de prévention des crues dans ce secteur urbanisé de fond de vallée.

Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous indiquer les mesures qu'il conviendra de prendre très vite pour qu'une telle situation ne se reproduise pas – tout en sachant que le risque zéro n'existe pas.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l’écologie. Plusieurs départements ont effectivement subi de très graves inondations, et, lundi matin, sur place, j’ai pu constater avec vous la détresse des habitants : les dégâts sont terribles, notamment pour les commerçants, dont beaucoup avaient déjà reçu leur stock de Noël. Le préjudice est donc important. J’ai pu constater aussi la formidable mobilisation de la municipalité, des services de l’État et des habitants, et la formidable réactivité des services de la protection civile, qui relèvent du ministère de l’Intérieur.

S’agissant de la prévention, l’État poursuit son programme de prévention des risques ; c’est un plan global qui concerne les inondations, mais aussi les incendies ou les chutes de blocs : 7 000 communes en sont déjà dotées. À Rive-de-Gier, l’étude d’aléas vient d’être lancée. Toutes les communes de la vallée disposeront ainsi d’un plan de prévention des risques d’inondation, et je souhaite que les élus se saisissent de cette opportunité pour bénéficier d’un programme d’action. Ces programmes sont accompagnés par l’État, non seulement sur le plan méthodologique mais aussi sur le plan financier ; une cinquantaine ont déjà été menés à bien, avec en moyenne un tiers de subventions et parfois beaucoup plus pour les équipements les plus sensibles. Ils sont financés par le fameux « fonds Barnier », dont le taux a été augmenté à 8 %, et pourrait l’être à 12 % ; 150 millions d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances.

S’agissant de la prévision, les services de prévention des crues ont été couplés avec les services de la météo. Ce système a bien fonctionné pour la Loire, puisque les services de la protection civile ont été mobilisés au bon moment et ont pu ainsi évacuer 200 personnes. Mais il est vrai que ce service n’est aujourd’hui présent que sur les grands cours d’eau, grâce à vingt-deux services de prévention des crues, et non pas sur les petits comme le Gier. Nous saurons tirer toutes les conséquences des événements de ce week-end pour étendre cette couverture géographique de façon pertinente.

En collaboration avec M. le ministre du budget, je répète que, comme l’a assuré Mme la ministre de l’Intérieur, les dossiers de demande de reconnaissance de catastrophe naturelle seront instruits le plus rapidement possible, conformément aux demandes légitimes des habitants.

Élection du Président américain

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d’Estaing, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Louis Giscard d'Estaing. Monsieur le président, mes chers collègues, j'associe à ma question tous les membres du groupe d'amitié parlementaire France – États-Unis d’Amérique que j'ai l'honneur de présider. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, le peuple américain vient de s'exprimer : Barack Obama sera le 44e Président des États-Unis d'Amérique.

M. Maxime Gremetz. Bravo !

M. Louis Giscard d'Estaing. La vitalité démocratique qui vient de se manifester aux États-Unis est à tout point de vue exemplaire, avec un taux de participation inégalé depuis 1908. De plus, à l'issue d’une campagne d'une intensité et d’une durée exceptionnelles, c’est la première fois dans l'histoire des États-Unis qu’un homme de couleur accède à la Maison Blanche. L'enthousiasme suscité par cette campagne axée sur la volonté de changement constitue une véritable opportunité pour donner une nouvelle impulsion à la relation franco-américaine et, au-delà, au dialogue entre les États-Unis et l'Europe.

En effet, l’engagement du Président de la République française comme Président en exercice de l'Union européenne, d’abord pour trouver une issue dans le conflit entre la Russie et la Géorgie, ensuite pour trouver les meilleures solutions à la crise financière et bancaire née aux États-Unis, rejoint le volontarisme exprimé par le candidat Barack Obama pendant sa campagne.

Comme un précédent Président français avait pris l'initiative de créer le G7, Nicolas Sarkozy a souhaité la tenue d'un G20 le 15 novembre prochain, qui lui donnera l'occasion de prendre un premier contact avec le futur Président des États-Unis à un moment où le monde souhaite que se tourne la page d'une logique unilatérale de l’administration américaine.

De nombreux enjeux nous mettent naturellement en situation de volonté de dialogue et de coopération : l'impact de la crise financière sur les principales économies, la lutte contre le réchauffement climatique, la recherche de situations de sécurité et de paix durables au Moyen-Orient, la contribution au développement solidaire du continent africain.

Compte tenu de cette élection, quelles perspectives se présentent pour l'avenir de nos relations avec la nouvelle présidence des États-Unis d’Amérique ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur divers bancs.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui, c’est une nouvelle page de l’histoire des États-Unis qui a commencé de s’écrire et la France est heureuse de saluer, avec chaleur et amitié, l’élection du nouveau Président des États-Unis.

M. Jean-Pierre Brard. La Fayette !

M. François Fillon, Premier ministre. Le peuple américain a marqué, avec cette élection, sa volonté profonde de changement. Il y a un siècle, le Président Roosevelt avait créé un scandale en recevant simplement à la Maison Blanche un Noir. Aujourd’hui, avec Colin Powell et Condoleezza Rice, l’élection de Barack Obama est le symbole d’une Amérique en train de se réconcilier avec elle-même, de se réunifier par-delà les préjugés raciaux et de tourner définitivement les pages sombres de la ségrégation. John McCain lui-même a souligné avec beaucoup d’élégance et de sincérité la force de ce symbole qui transcende les frontières.

Si les États-Unis ont désormais tous les moyens de se réconcilier avec eux-mêmes, il leur reste encore à se réconcilier avec une grande partie du monde, en quête de nouveaux équilibres diplomatique et économique.

Une opportunité s’ouvre donc pour le multilatéralisme, et vous savez que, sur ce point, la France a des propositions à faire prévaloir, pour une réforme profonde de l’Organisation des Nations unies, en particulier de son Conseil de sécurité, pour une réforme profonde du G8, que nous voulons voir élargi aux grands pays émergents et dans lequel nous voulons que tous les continents soient représentés, pour une réforme profonde du Fonds monétaire international, dont nous voulons qu’il joue un rôle central dans la gestion financière mondiale.

M. Maxime Gremetz. Et pour la suppression de l’OTAN !

M. François Fillon, Premier ministre. La nouvelle administration va devoir faire face à des dossiers extrêmement difficiles et l’espoir que fait naître l’élection de Barack Obama entraîne aussi, pour lui, des responsabilités internationales considérables.

Il y a la crise financière et la nécessaire refondation de la gouvernance mondiale. Il y a la question de l’environnement, sur laquelle les États-Unis n’ont jamais été moteur jusqu’à présent et pour laquelle nous allons avoir le rendez-vous de Copenhague l’année prochaine, rendez-vous que ni l’Europe ni les États-Unis ne doivent évidemment rater. Il y aura la question de l’Iran, qui, avec le nucléaire, défie la communauté internationale. Il y a le processus de paix israélo-palestinien. Il y a la question de l’Irak et de l’Afghanistan.

Ce que nous pouvons dire aujourd’hui, c’est que sur tous ces sujets, les États-Unis pourront compter sur l’amitié mais également sur la détermination de la France.

Mesdames et messieurs les députés, la lucidité doit nous conduire à ne pas tout attendre d’un homme qui a d’abord été élu pour défendre les intérêts de son pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean-Pierre Brard et M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Mais l’espoir nous porte à croire qu’avec l’élection de Barack Obama, un nouvel élan partagé est possible, et c’est à ce nouvel élan que je veux croire, avec l’ensemble de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, permettez-moi, au nom du groupe socialiste, de saluer la victoire de Barack Obama aux États-Unis. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous ne pouvons que saluer la vitalité d’une démocratie où 15 % d’électeurs supplémentaires se sont manifestés, nous satisfaire du rejet de l’ultralibéralisme de M. Bush et saluer l’immense espoir que cette élection lève dans le monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Madame la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, malgré vos dénégations répétées, pis vos propos lénifiants, les Français ont pleinement conscience aujourd’hui que la crise financière touche de plein fouet notre pays, avec ses conséquences économiques et sociales, en particulier les licenciements qui succèdent aux licenciements.

Les suppressions d’emplois se multiplient : La Redoute – 675 d’emplois –, Adecco – 600 emplois –, Hewlett-Packard – 580 emplois –, Sanofi-Aventis – 927 emplois –, Altadis – 1 060 emplois –, Crédit Agricole – 250 emplois –, Renault – 4 900 emplois –, Free-Alice – 320 emplois –, Tyco Electronics – 620 emplois –, CAMIF – 509 emplois –, Ateliers industriels de l’aéronautique de Clermont-Ferrand – 400 emplois.

C’est aussi le chômage technique aux Chantiers de l’Atlantique, chez Manitou, Paulstra, NTN Transmission, Hutchinson et, bien sûr, le groupe PSA et Renault.

C’est donc plus de précarité, plus de pauvreté pour les plus faibles. Or, dans le même temps, nous prenons connaissance de la rémunération toujours à la hausse des grands dirigeants français.

M. Patrick Roy. C’est scandaleux !

M. Jean-Paul Bacquet. Jean-Philippe Thierry – AGF – : 23,2 millions d’euros ; Pierre Verlucca – Vallourec – : 12,4 millions d’euros ; Jean-Louis Beffa : 10,2 millions d’euros ; Xavier Huillard : 10 millions d’euros ; Alain Dupont – Colas – : 7 millions d’euros ; Philippe Montagner – Bouygues Télécom – : 6 millions d’euros ; Henri Proglio – Véolia – : 5,8 millions d’euros !

Madame la ministre, il est indécent que les plus faibles perdent leur emploi ou une partie de leurs faibles revenus alors que les plus riches voient leurs rémunérations toujours à la hausse.

Il est indécent de constater que l’on trouve aujourd’hui 320 milliards d’euros pour les banques, qui s’affranchissent d’ailleurs totalement des injonctions gouvernementales. Cela dit, comment pourrait-il en être autrement puisque vous n’avez même pas exigé que l’État siège au conseil d’administration pour vérifier la bonne utilisation de ces fonds ?

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Bacquet !

M. Jean-Paul Bacquet. Ma question est simple : madame la ministre, quand allez-vous choisir d’augmenter les salaires et les retraites pour relancer la consommation des plus faibles et quand accepterez-vous de supprimer les privilèges, tel le bouclier fiscal que vous avez accordé aux plus riches ?

La crise actuelle n’est pas de la responsabilité des plus faibles. Ils en sont les victimes et il est de votre devoir de les aider ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Le rapport de la Cour des comptes !

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le député Bacquet, vous savez l’estime que j’ai pour vous, notamment au titre de nos rapprochements auvergnats, mais cette question n’est pas digne de vous ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez opposé de façon purement sectaire, d’un côté, une politique en faveur du grand capital et, de l’autre, une politique en faveur de l’emploi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que nos concitoyens attendent ce type de démagogie, de polémique au moment où il y a de la souffrance sur le terrain ?

M. Jean-Paul Bacquet. Répondez à ma question !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Je vais essayer de le faire le plus simplement possible.

D’abord, s’agissant des banques, quand il y a le feu dans la maison, la première chose à faire, c’est d’essayer de l’éteindre. Voulions-nous mettre par terre l’ensemble de notre système bancaire et ainsi compromettre l’épargne de tous les Français dont le compte en banque aurait été fragilisé ? Voulions-nous compromettre la totalité du financement de notre économie et des PME ? Non ! Il fallait donc d’abord éteindre l’incendie et réagir sur le terrain de la crise financière.

En revanche, il y a un problème qui est celui de l’emploi, vous avez raison. Je mesure l’ampleur de la tâche qui nous attend avec les difficultés et les crises qui se succèdent et auxquelles nous essayons de nous préparer. (« Pompier pyromane ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Le plan qui a été fixé par le Président consiste à agir dans trois directions.

Premièrement, il faut faire en sorte que nous ayons un service public de l’emploi qui soit à la hauteur pour répondre et accompagner le mieux possible les demandeurs d’emploi qui en auront besoin.

Deuxièmement, là où il y a des crises et des incendies que vous avez sollicités, il faut se doter d’outils permettant d’aider les gens qui ont perdu un emploi à en retrouver un le plus vite possible.

Troisièmement – c’est le plus important –, il ne faut pas se contenter de subir les pertes d’emplois, mais aller chercher les emplois de demain dans les secteurs des services et du développement durable. C’est une rude tâche, monsieur Bacquet, vous avez raison, mais elle mérite mieux que des polémiques et, surtout, elle appelle une action sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mesures de soutien en faveur des entreprises

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Ma question s’adresse à Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

Face à la crise internationale, le Président de la République et le Gouvernement ont pris de nombreuses initiatives visant à soutenir les banques, les entreprises et l’emploi.

Lors de la table ronde qui s’est tenue le 23 octobre à Annecy, en Haute-Savoie, les chefs d’entreprise vous ont fait part, ainsi qu’au Président de la République, de la nécessité de prendre des mesures complémentaires pour soutenir les entreprises. En effet, si les banques sont un partenaire majeur en ce qui concerne les investissements, trois autres partenaires jouent également un rôle fondamental dans le fonctionnement des entreprises : les clients, les fournisseurs et l’État.

Les fournisseurs allant de plus en plus faire appel à des sociétés d’assurance crédit pour se garantir contre les impayés, les entreprises vont être rapidement confrontées – c’est déjà le cas, d’ailleurs – à une réduction de leur encours fournisseurs et à un durcissement de leurs conditions de règlement. Beaucoup d’entre elles, qui disposaient de délais de paiement de soixante jours, doivent désormais procéder à des règlements comptants, ce qui, indépendamment des relations qu’elles entretiennent avec leur banque, a des conséquences dramatiques sur leur trésorerie.

Des pistes existent dans le domaine du crédit fournisseur, notamment des assureurs crédit : le gel de la cotation des entreprises pendant un délai de six mois, la réduction à trois mois du délai de carence qui qualifie l’insolvabilité présumée donnant lieu à indemnisation, afin de permettre aux entreprises assurées de récupérer leurs créances dans un bref délai, ou encore l’inscription dans la loi d’un préavis minimal, lorsque l’assureur crédit renonce à garantir un risque client.

Beaucoup de mesures peuvent être prises par l’État pour préserver la trésorerie des entreprises. En effet, les dettes fiscales et sociales constituent bien souvent leur premier poste de créance. Il convient, en cette période de crise, de consacrer le peu de trésorerie dont elles disposent au paiement de ce qui est prioritaire, à savoir les salaires et les fournisseurs, ce qui leur permettra de poursuivre leur activité.

Là aussi, de nombreuses pistes peuvent être approfondies. On peut, par exemple, geler les intérêts de retard et les pénalités dues par les entreprises en cas de retard inhabituel dans le paiement des cotisations sociales et fiscales.

M. le président. Venez-en à votre question, monsieur Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures vous comptez mettre en place dans ces différents domaines, notamment en ce qui concerne la relation entre l’État et l’entreprise ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, qui prouve votre connaissance des mécanismes de financement des petites et moyennes entreprises. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) J’ai d’ailleurs apprécié votre assiduité lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie, qui a traité une partie de ce problème.

Comme l’a indiqué Laurent Wauquiez, il fallait d’abord rétablir le circuit de financement pour les petites et moyennes entreprises. C’est ce que nous avons fait, avec Christine Lagarde, sous l’impulsion du Président de la République et du Premier ministre. Ainsi, dès le 2 octobre, 22 milliards d’euros ont été mis à la disposition des banques pour financer le développement des petites et moyennes entreprises.

M. Maxime Gremetz. Arrêtez !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Mais vous avez évoqué d’autres éléments importants, notamment la réduction des délais de paiement. Je rappelle que le Parlement a adopté un calendrier à cet égard. La France souffrait en effet d’un retard, puisque, dans notre pays, les clients mettaient en moyenne vingt jours de plus qu’en Allemagne pour régler une facture.

La loi réduisant les délais de paiement à soixante jours ou à quarante-cinq jours fin de mois sera appliquée dès le 1er janvier 2009. Mais, parce que nous sommes pragmatiques, la loi prévoit, sous réserve d’un accord interprofessionnel et dans le cadre d’un calendrier prévisionnel pour la période 2009-2011, des dispositions qui permettront de déroger à cette obligation. Parmi les accords interprofessionnels d’ores et déjà en discussion, certains ont été finalisés et transmis pour avis au Conseil de la concurrence.

Au reste, il n’y a pas que la réduction des délais de paiement pour améliorer la trésorerie des entreprises. Vous avez eu raison de pointer le problème délicat des assurances crédits. Christine Lagarde et moi-même nous en sommes emparés, et je puis vous assurer que, avant la fin du mois, un mécanisme de réassurance publique permettra d’éviter toute réduction de l’assurance-crédit. C’est la preuve que le Gouvernement est réactif, et je pense que l’on ne peut que s’en féliciter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Situation au Congo

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Terrot. Monsieur le ministre des affaires étrangères, les récents événements survenus en République démocratique du Congo replongent l’est de ce pays dans un véritable chaos. Aux portes de Goma, des factions rebelles se sont emparées de nombreux villages, semant la panique et provoquant l’exode massif des populations locales.

Malgré le cessez-le-feu unilatéral proclamé jeudi dernier par les rebelles, la crise humanitaire est catastrophique et la situation militaire demeure très tendue. C’est non seulement l’intégrité territoriale et la stabilité politique de la République démocratique du Congo qui sont menacées, mais aussi l’équilibre régional.

Dans ce chaos, la force de maintien de la paix de l’ONU est remise en cause. Forte de 17 000 hommes, dont 6 000 dans la région, elle constitue pourtant la plus importante mission de maintien de la paix dans le monde.

Par deux fois déjà, l’Union européenne était intervenue dans la région pour épauler l’ONU : en 2004, l’opération Artémis avait permis de mettre fin à des massacres et en 2006, l’EUFOR avait ramené le calme dans la capitale.

Monsieur le ministre, la situation s’aggrave et le temps presse ! Je salue l’initiative que vous avez prise avec votre homologue britannique de vous rendre dans la région pour rencontrer les acteurs du conflit et je connais votre engagement plein et entier dans ce type de crise. Qu’ont donné ces rencontres ? Quel rôle la France envisage-t-elle de jouer pour parvenir à une résolution rapide de la crise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Hélas, la situation réelle est peut-être encore plus dramatique que vous ne l’avez dit. Que faire ? Nous avons essayé, avec les membres de l’Union européenne, de réagir au plus vite. Une réunion du comité politique et de sécurité s’est tenue vendredi matin à Bruxelles.

Il y a dans cette région 17 000 soldats des Nations unies. Est-ce insuffisant ? En tout cas, ils sont certainement mal répartis puisque, comme vous le signalez, ils ne sont que 6 000 au nord-Kivu, et dans la ville de Goma et ses environs, qui sont menacés, ils ne sont que 800.

M. Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies, vient de demander ce matin 3 000 hommes de plus. Il ne s’adressait pas à l’Union européenne mais à toutes les nations. Son appel sera-t-il entendu ? Je ne sais pas.

Pour l’heure, 40 camps abritent 1 500 000 à 1 600 000 réfugiés, et l’immense majorité de ces camps ne sont pas accessibles à l’aide humanitaire. Il faut donc établir des corridors humanitaires. La MONUC a fait un mouvement protégé vers le camp de Rutshuru, qui était hors d’atteinte et qui a pu recevoir un peu de médicaments et de nourriture.

Sur le fond, nous avons rencontré les présidents à Kinshasa et au Ruanda ainsi que le président de l’Union africaine. Il s’agit d’une affaire africaine, dans laquelle il n’y aura pas de solution militaire. Il faut une solution politique régionale. J’espère que, le 7 novembre, tous les acteurs se retrouveront à Nairobi avec l’Union africaine, l’ONU et l’Union européenne. Nous ferons un bilan et nous verrons si nous devons assurer nous-mêmes certains transports humanitaires ou au moins sécuriser l’aéroport de Goma. Ce sera à l’Europe de répondre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mobilisation chez Arkema

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Louis Bianco. Je voudrais, tout d’abord, revenir sur la question posée, il y a un instant, par M. Jean-Paul Bacquet.

Les plans de licenciement et les licenciements annoncés par notre collègue sont une réalité. Il ne s’agit ni d’invention ni de polémique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

À l’intention de M. Laurent Wauquiez, du Gouvernement et de nos collègues de l’UMP, j’ajouterai ceci : bien sûr, la situation est difficile, nous le savons ; mais cessez de répéter qu’une seule politique est possible ! Écoutez l’opposition ! Dialoguez avec nous ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question s’adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi et porte sur la situation de l’entreprise chimique Arkema, créée, en 2005, à partir de la branche chimique de l’entreprise Total. Je précise que j’interviens au nom des trois parlementaires du département des Alpes-de-Haute-Provence.

En 2005, un premier plan social a abouti à la suppression de 660 emplois directs et indirects. Total, Arkema puis le Gouvernement nous avaient alors expliqué que ce plan permettrait la consolidation de l’emploi sur le site. Total et Arkema avaient pris des engagements pour pérenniser l’emploi, qui prévoyaient l’élaboration d’une stratégie industrielle et la création de nouvelles unités de fabrication. Ces engagements étaient concrétisés dans une convention de restructuration et de réindustrialisation, signée solennellement par l’État. Or, ils n’ont pas été tenus. Pire, lors du comité central d’entreprise qui s’est réuni le 6 octobre dernier, un nouveau plan social a été annoncé qui se traduirait par de nouvelles suppressions d’emplois.

Comment les travailleurs peuvent-ils croire dans la parole de Total et d’Arkema, pourtant confirmée par les pouvoirs publics ? Comment peut-on imaginer que les salariés, la population et les élus puissent se résigner à la perspective d’un nouveau traumatisme, alors que les plaies datant de 2005 sont encore vives ?

On nous explique que l’implantation d’une usine de silicium pour la fabrication de panneaux solaires, à laquelle nous travaillons activement, permettrait de compenser les nouvelles suppressions d’emplois annoncées par Arkema. Mais Total, Arkema et le Gouvernement ne peuvent pas se défausser de leurs engagements en arguant d’un futur projet éventuel : il en va de la crédibilité de la parole donnée.

M. le président. Monsieur Bianco, veuillez poser votre question.

M. Jean-Louis Bianco. Ma question est simple : oui ou non, le Gouvernement va-t-il empêcher le nouveau plan de licenciements prévu par Arkema ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur Jean-Louis Bianco, le site Arkema de Saint-Auban a déjà été rudement éprouvé par le passé – notamment lors du plan de licenciement de 2005 portant sur plus de 350 postes. Une convention de revitalisation avait alors été signée, permettant l’investissement de 50 millions d’euros pour la constitution d’un pôle vinylique. La situation n’est pas réglée pour autant, loin s’en faut.

M. Patrick Roy. Le chômage, c’est l’UMP !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. De nouvelles inquiétudes, que vous évoquiez, se font jour. Au début du mois d’octobre, les partenaires sociaux ont exercé leur droit d’alerte afin d’accéder à l’information et de suivre l’évolution de la situation. La direction d’Arkema a déjà donné quelques réponses concernant des branches de l’entreprise qui seraient en déficit ; nous resterons extrêmement vigilants, et nous sommes évidemment à l’écoute des informations venant du terrain que vous pourrez nous transmettre.

Toutefois, je ne veux pas que nous nous contentions de subir ou d’attendre. Nous devons aller chercher les emplois potentiels que nous pouvons créer dans ce bassin.

M. Jean Mallot. Blablabla !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. À la demande du Premier ministre, une réunion a été convoquée, cette semaine, à Matignon, pour travailler sur le projet d’une usine de production de silicium, potentiellement porteur de plusieurs centaines d’emplois, et nécessitant un investissement global de plus de 800 millions d’euros.

MM. Christian Eckert, Jean Mallot et Patrick Roy. Pompier pyromane ! Pompier pyromane !

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, veuillez laisser le secrétaire d’État s’exprimer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Monsieur Bianco, le Gouvernement est entièrement à votre disposition, tant pour essayer de traiter au mieux les difficultés que pour aller chercher les emplois de demain.

Vous constaterez, monsieur le député, que, si vos propos sont constructifs, et peuvent nous permettre de travailler ensemble sur le terrain, nous serons au rendez-vous. Mais lorsque votre discours relève de la pure polémique, ou que nous ne savons pas qui écouter dans l’opposition – Mme Aubry qui demande une hausse du SMIC ou Mme Royal qui, le lendemain, plaide pour sa baisse ? –, alors, il n’est pas possible d’être constructif à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Roy. Le chômage, c’est l’UMP !

Réforme du service public de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guénhaël Huet. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la crise que nous traversons depuis quelques semaines est l’une des plus graves que nous ayons connues depuis de longues années.

M. Patrick Roy. C’est vous qui l’avez créée !

M. Guénhaël Huet. C’est une crise financière d’abord, économique ensuite.

M. Maxime Gremetz. C’est une crise systémique !

M. Guénhaël Huet. Il faut maintenant craindre ses conséquences sur l’activité, l’emploi et le pouvoir d’achat. La très grande réactivité dont le Président de la République et le Gouvernement ont fait preuve pour y apporter des réponses très efficaces (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) doit être saluée ; je constate, du reste, qu’elle l’a été par tous nos partenaires européens.

Sous l’impulsion de la présidence française de l’Union européenne, tous les États membres ont mis en œuvre des plans d’action pour soutenir leur économie et le secteur bancaire. Cette mobilisation s’étend désormais au reste du monde.

En France, une garantie de l’État, à hauteur de 360 milliards d’euros, a été apportée pour rétablir la confiance sur les marchés financiers ; 22 milliards supplémentaires permettront de soutenir le financement des petites et moyennes entreprises, qui sont le premier employeur des Françaises et des Français. En outre, l’exonération jusqu’en 2010 de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements encouragera très largement l’investissement des entreprises.

Le troisième volet de ce plan d’action concerne directement l’emploi. L’assouplissement du droit du travail, notamment pour favoriser temporairement le recours des PME aux contrats à durée déterminée, est une mesure très importante. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) La création de 330 000 contrats aidés, soit 100 000 de plus que prévu, l’est tout autant. Dans la période difficile que nous vivons, il s’agit d’un outil tout à fait approprié pour venir en aide aux personnes les plus éloignées de l’emploi. À cette véritable sécurité sociale professionnelle, il convient d’ajouter l’extension du contrat de transition professionnelle à l’ensemble des bassins d’emploi touchés par la crise.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Huet.

M. Guénhaël Huet. Enfin, la réforme du service public de l’emploi est mise en œuvre, avec la fusion de l’ANPE et de l’ASSEDIC. Pouvez-vous nous détailler, monsieur le secrétaire d’État, le calendrier de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur Huet, vous m’interrogez sur l’un des volets fondamentaux de la réforme en cours et des actions menées dans le prolongement des initiatives prises par le Président de la République sur le front de l’emploi : la création de Pôle Emploi.

Cela fait vingt ans que l’on a laissé subsister, tout en étant parfaitement conscient de l’inefficacité du système, deux organismes – d’un côté, l’ANPE, chargée de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, de l’autre, l’ASSEDIC, chargée de leur indemnisation – entre lesquels les demandeurs d’emploi étaient pris dans un jeu de ping-pong. La réforme est maintenant en cours : vous l’avez votée et elle sera opérationnelle au 1er janvier 2009.

Conformément aux souhaits de Christine Lagarde, nous travaillons dans deux directions. Il s’agit, tout d’abord, de ne pas perdre de temps. Dans une période de crise, il est indispensable de se doter d’un pôle emploi efficace et en ordre de marche dès 2009. Ainsi, les guichets uniques seront au nombre de cent dès la fin de l’année, puis nous aurons 30 % de guichets uniques à compter du premier trimestre 2009 et 100 % à compter de l’été.

M. Maxime Gremetz. Et Whirlpool ? Et Valeo ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. J’ajoute qu’un programme de formation a été établi afin d’y préparer les agents.

Cela étant, nous n’entendons pas nous contenter du volet administratif de la réforme, qui consiste à placer les deux agences sous un toit unique. Nous voulons réformer en profondeur le service rendu aux demandeurs d’emploi, ce qui se traduira par des mesures très concrètes : ceux-ci passeront un seul entretien, auront affaire à un seul conseiller tout au long de leur parcours et bénéficieront de dispositifs d’aide harmonisés, qui ne dépendront donc plus de leur statut. Il s’agit, en bref, de disposer d’un service public de l’emploi qui devienne rapidement le plus performant d’Europe. Nous attendons en effet de ces mesures un gain d’efficacité de l’ordre de 15 % à 20 %.

Cette réforme a été trop souvent repoussée, faute de courage politique. Nous viendrons en rendre compte fréquemment devant la représentation nationale, afin que vous puissiez suivre vous-mêmes son avancement sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Capacités d’emprunt
des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Piron. Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, la crise financière mondiale qui affecte désormais les établissements financiers et, par voie de conséquence, de nombreuses entreprises, touche également les collectivités locales.

Au cours de ces dernières semaines, il semble que le volume des crédits disponibles se soit contracté. En tout cas, il est certain que les taux d’intérêt ont fortement augmenté, rendant plus difficile et surtout plus coûteux le recours à l’emprunt. Quand on sait que les communes, communautés de communes et d’agglomération, communautés urbaines, départements et régions assurent les trois quarts des investissements publics de notre pays, on mesure l’importance des financements bancaires et leur impact sur l’emploi.

C’est donc à juste titre, madame la ministre, que vous avez pris l’initiative de réunir lundi dernier les représentants des banques et des collectivités territoriales. Pourriez-vous nous dire aujourd’hui quelles conclusions vous comptez tirer de cette réunion et quelles suites vous entendez donner aux échanges qu’elle a permis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, Christine Lagarde et moi-même avons effectivement réuni, lundi dernier, les représentants des associations de collectivités territoriales et les banquiers afin de faire le point sur la situation des collectivités. Nous avions deux préoccupations. La première, immédiate, portait sur le blocage des capacités d’emprunt. À ce sujet, nous avons voulu dire aux banquiers et aux collectivités que le Gouvernement faisait un effort important en dégageant 5 milliards d'euros…

M. Maxime Gremetz. À 8 % !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. …destinés à restaurer ces capacités d’emprunt, de façon à ce que les collectivités puissent poursuivre leur contribution à l’investissement et à l’emploi.

Notre seconde préoccupation portait sur le cas d’un certain nombre de collectivités ayant emprunté au moyen de produits à risque. La plupart des collectivités optent pour des prêts à taux fixe, mais certaines ont souscrit des prêts à taux variable. Je précise que tous les prêts à taux variable ne sont pas des prêts à risque et que tous les prêts à risque ne représentent pas forcément un danger pour les collectivités. En tout état de cause, il me paraît de notre responsabilité d’examiner les quelques cas susceptibles de faire problème, afin d’apporter le cas échéant une solution aux communes ou aux départements qui pourraient se trouver en danger.

Nous avons également voulu préparer l’avenir afin d’éviter que ne surviennent des situations préoccupantes. C’est la raison pour laquelle il a été décidé trois mesures à l’issue de cette réunion. La première consiste en l’élaboration d’une charte des bonnes pratiques destinée aux banquiers et aux collectivités, de façon à ce que les emprunts puissent se faire naturellement et sans risque pour l’avenir.

La deuxième mesure vise à assurer une meilleure information des assemblées délibérantes – conseils municipaux ou régionaux –, dans la mesure où il paraît normal que les emprunts s’effectuent dans la plus totale transparence à l’égard des élus.

La troisième mesure qui, sans toucher à l’autonomie financière des collectivités locales, relève de la responsabilité de l’État, consiste à faire réaliser chaque année par l’administration une analyse de la situation globale des emprunts à risque souscrits par les collectivités, de façon à apprécier les perspectives.

En procédant de la sorte, nous apportons une réponse aux inquiétudes suscitées par la situation actuelle des collectivités, tout en préparant l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Immigration

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Gérard Charasse. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Monsieur le ministre, le député de l’Allier, et plus encore le Vichyssois que je suis, se félicite de la tenue récente, dans le cadre de la présidence française de l’Union, d’une Conférence de ministres européens dans la cité thermale.

Portant sur le choix de Vichy, une regrettable polémique a accompagné cet événement international, comme si notre ville était pestiférée, marquée à tout jamais, et malgré elle, par l’histoire. Je veux dire ici que les Vichyssois, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, ne sont en rien responsables de l’installation dans leur cité, en 1940, pour de simples raisons d’infrastructures et de capacité d’accueil, du gouvernement de l’État français.

Et d’ailleurs, je me bats depuis des années, avec les organisations de résistants, pour que l’histoire, la nôtre, celle de l’Europe et du monde, ne fasse plus référence au « régime de Vichy », mais à la « dictature de Pétain ». Le temps est venu de ne plus s’abriter derrière la géographie, mais de nommer ce régime pour ce qu’il était : une dictature. Les travaux de notre mission d’information sur les questions mémorielles, monsieur le président, doivent, je l’espère, nous y aider.

Des manifestations ont accompagné le déroulement de la Conférence européenne sur l’intégration. Si je condamne fermement les amalgames, les débordements et les actes de violence commis par des casseurs, je comprends néanmoins que la politique du Gouvernement en matière d’immigration fasse l’objet de critiques et de sévères contestations.

Monsieur le ministre, vous le savez, l’intitulé même de votre ministère n’est pas sans poser problème, tout comme les fondements égoïstes de la politique d’ «  immigration choisie ». Celle-ci organise la fuite des cerveaux vers l’Europe et renforce ainsi le lien de dépendance entre la France et ses anciennes colonies.

Par ailleurs, votre modèle d’intégration pour quelques-uns, modèle exposé à vos collègues européens, passe sous silence la détresse et la souffrance de tous les autres : les sans-papiers, les expulsés et tous les disparus en mer.

Quant à ceux qui passent à travers les mailles du filet, vous entendez leur imposer de trop sévères critères d’intégration. Dans le même temps vous diminuez le financement aux associations qui accompagnent les migrants dans leur vie quotidienne. Les crédits alloués au programme « Intégration et accès à la nationalité » devraient ainsi passer de 195 millions d’euros en 2008 à 78 millions en 2009.

Enfin, saluons la décision du tribunal administratif de Paris, qui vient d’annuler, au fond, votre appel d’offres relatif à la défense des étrangers en rétention.

M. le président. Merci de poser votre question.

M. Gérard Charasse. Cette décision, un succès pour la CIMADE, met en évidence l’incompatibilité de votre décret…

M. le président. Votre question, mon cher collègue !

M. Gérard Charasse. …avec une action effective

de défense des droits et de la dignité des étrangers placés en rétention.

Monsieur le ministre, votre politique oublie un certain nombre de principes d’humanisme…

M. le président. Bien, je pense que le ministre a compris.

M. Gérard Charasse. …et de laïcité de notre République.

Au moment même où le monde entier se félicite de l’accession à la Maison Blanche d’un fils d’immigré d’origine africaine, ne croyez-vous pas que le moment est venu de revoir votre politique d'immigration et d'intégration ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le député, merci, tout d’abord, d’avoir souligné qu’à côté du devoir imprescriptible de mémoire, nous étions ensemble pour défendre les intérêts de l’Auvergne, de l’Allier et de la circonscription de Vichy que vous représentez.

M. le président. Les membres de cette assemblée sont des représentants de la nation, monsieur le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration. Cela étant, il existe bien évidemment des différences entre nous.

Je vous le dis, la politique que je mène, sous l’autorité du Premier ministre et à la demande du Président de la République, c’est une politique d’immigration choisie, oui, mais aussi concertée.

Choisie, parce que la France, comme tous les pays d’Europe et tous les pays du monde, doit pouvoir choisir qui elle veut et peut accueillir sur son territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Scandaleux !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration. Mais aussi concertée : cette politique fait l’objet d’une concertation avec les pays terres d’émigration. Sinon, comment expliquer qu’en moins de quinze mois, six accords aient été signés avec les responsables des pays terres d’émigration, et que dix autres soient en préparation ? Et je le dis à Jean-Pierre Brard, cela concernera le Mali. Telle est ma première réflexion.

Deuxième réflexion, puisque vous évoquez le budget : le programme « Asile et immigration » augmentera, à périmètre constant, de 7,3 %. Quant à la capacité d’intervention en matière d’intégration, elle est sensiblement la même que dans la précédente loi de finances. Je ne vous adresse pas ce reproche, mais évitons de tomber dans le cliché un peu dépassé selon lequel un bon budget est un budget qui augmente.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration. Troisième réflexion : oui, à Vichy, nous avons réfléchi ensemble, à vingt-sept, sur toutes les questions d’intégration. Et d’ailleurs, nous sommes arrivés à un accord, malgré nos différences, qu’elles soient géographiques ou politiques. En effet, et vous le savez, monsieur le député Charasse, puisque vous avez participé, vous, à cette Conférence, ou du moins à certaines de ses étapes, la déclaration finale a été adoptée à l’unanimité.

Quatrième réflexion : vous évoquez la CIMADE et la situation des centres de rétention. Monsieur le député, de même qu’il n’y a pas qu’un seul parti pour défendre les électeurs, ni un seul syndicat pour défendre les travailleurs, il n’y aura pas une seule association pour s’occuper des personnes placées en rétention. La diversité, c’est toujours mieux que le monopole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’immigration. Enfin, monsieur le député, permettez-moi de souligner une bizarrerie, une curiosité. Comment se fait-il qu’à Strasbourg, 91 % des députés socialistes aient approuvé le Pacte européen, et qu’à Paris vous sembliez le contester ? Vérité à Strasbourg, messieurs les députés socialistes, contre-vérité à Paris : reconnaissez que les Français auront du mal à s’y retrouver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Crise de la filière volaille

M. le président. La parole est à M. Gérard Lorgeoux, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Lorgeoux. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche. J’y associe mon collègue Jacques Le Nay.

Le secteur agroalimentaire connaît aujourd’hui une forte mutation et les décisions de restructuration annoncées par certains groupes suscitent interrogations et incertitudes, en particulier dans la filière volaille.

Aujourd’hui, dans ma circonscription, avec l’annonce de la fermeture brutale de l’usine de découpe de dinde Dandy à Pontivy, ainsi que du site de production de dinde du volailler Doux, à Locminé, et avec la réduction de l’activité dans la filière canard à Pleucadeuc, c’est l’ensemble des bassins de vie et d’emploi du centre Morbihan qui est sinistré.

Le décompte est lourd : 235 emplois supprimés chez Dandy, 451 à Locminé et 62 à Pleucadeuc pour le groupe Doux, sans compter les CDD ni les emplois induits. (« Voilà le résultat de votre politique ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.) La situation est très inquiétante alors que le Morbihan est le premier département avicole de France.

La filière volaille souffre de la baisse des exportations et de la hausse des importations en provenance, en particulier, du Brésil. Le contexte de concurrence entre viandes est également défavorable au secteur.

Les chiffres sont éloquents : les importations européennes sont passées de 450 000 tonnes en 2000 à 1 100 000 tonnes en 2007, la part du Brésil progressant de 200 000 à 740 000 tonnes ; les importations en France explosent : elles ont crû de 20 % en 2007.

M. Jacques Desallangre. C’est la concurrence libre et non faussée !

M. Gérard Lorgeoux. Aujourd’hui, la filière avicole française s’inquiète du développement incontrôlé des importations de produits de volaille qu’entraînerait le classement des viandes de volaille huilées dans une catégorie tarifaire leur permettant de bénéficier de droits de douane très faibles.

M. le président. Posez votre question. (« Oui, la question ! » sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Gérard Lorgeoux. Alors que l’industrie avicole souffre des importations qui ont encore fortement progressé au cours du premier trimestre, il est inenvisageable de supporter un nouvel afflux de produits qui profiteraient d’une faille dans la protection douanière. (« La question ! » et brouhaha sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Merci de poser votre question.

M. Gérard Lorgeoux. Monsieur le ministre, pouvez-vous informer la représentation nationale des mesures qui seront prises afin d’arrêter ces importations qui menacent véritablement une filière qui a déjà perdu près de 5 000 emplois au cours des dernières années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le député, s’agissant des conditions d’importation de la viande de volaille huilée, nous sommes extrêmement attentifs à construire une réponse européenne, notamment sur la question du classement en produits frais ou en produits transformés. La Commission européenne a retiré récemment sa proposition de classement en produits transformés, ce qui est un premier pas. La réponse doit être européenne pour que certains pays n’autorisent pas des importations que d’autres refuseraient. Vous pouvez compter sur nous pour consolider la meilleure protection douanière, dans cette filière comme dans d’autres.

J’ajoute que nous avons à veiller à ce que le secteur agroalimentaire, celui de la volaille en particulier, bénéficie, en termes d’investissements et d’innovation, du plan que le Gouvernement a arrêté pour l’ensemble des industries agroalimentaires qui ont besoin de se restructurer. Cette filière et les entreprises agroalimentaires qui y sont liées ont droit à une part équitable dans ce plan de soutien aux PME.

En présence de problèmes d’emploi, comme c’est le cas à Locminé ou à Pleucadeuc, Xavier Bertrand l’a dit, nous mettrons en œuvre toutes les mesures d’accompagnement et de formation auxquelles les hommes et les femmes concernés ont droit.

Puisque nous parlons de commerce, le Président de la République l’a dit, et je le redis : nous n’accepterons pas un mauvais accord international à l’OMC, aux termes duquel les concessions très importantes que nous avons faites pour l’agriculture ne se verraient pas réciproquement équilibrées par des accès au marché de ces pays – vous avez cité le Brésil – en matière de services.

M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Enfin, je suis très attentif à ce qu’on applique des mesures de sécurité sanitaire extrêmement strictes à l’ensemble des produits agroalimentaires qui entrent en Europe, afin qu’ils respectent bien en la matière les mêmes normes que celles que nous imposons à nos propres producteurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Situation du centre d'appel SFR à Toulouse

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Catherine Lemorton. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Pouvons-nous affirmer que le Gouvernement est décidé à s'en prendre aux patrons voyous et aux méfaits du néolibéralisme dans notre pays (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC), comme ne cesse de l'affirmer le Président Sarkozy ? Nous en doutons.

Je citerai l’exemple de Toulouse, mais je pourrais aussi mentionner ceux de Poitiers et de Lyon. Quand à Toulouse, les collectivités territoriales participaient, il y a dix ans, pour 500 000 euros à l'installation d'un centre d'appel SFR, pouvaient-elles deviner que leur financement allait servir une politique sociale inadmissible ?

Pouvons-nous vous croire sincères quand vous déclarez vouloir moderniser la démocratie sociale et que vous laissez les 700 salariés de ce site recevoir leur avis d'externalisation par un simple courrier électronique, ou quand ces mêmes salariés se voient imposer un plan de départ volontaire signé par deux syndicats minoritaires ?

Pouvons-nous avoir confiance en votre volonté de venir en aide à l'économie réelle, quand vous laissez une entreprise, pourtant ultrabénéficiaire, baisser de 25 % des revenus déjà bas, accumuler retards et ponctions sur les salaires et instaurer des cadences de travail infernales ?

Pouvons-nous avoir confiance en vous quand, face aux interpellations des élus, face au taux d'absentéisme de plus de 50 % constaté en septembre dernier et au départ de nombreux salariés, vous ne répondez que par une lettre de soutien aux diverses actions décidées par la direction de ce centre ?

À toutes les questions que je viens de poser, la réponse est hélas toujours la même : « Non ! » Cette réponse nous lasse, car, derrière, des salariés se trouvent dans des situations personnelles extrêmement précaires, tant du point de vue social que du point de vue sanitaire.

Cette lassitude se transforme vite en colère quand, dans le même temps, nous savons que vous répondez positivement à la sollicitation du groupe Vivendi, actionnaire majoritaire de SFR, lorsqu’il demande une prolongation de son régime fiscal pour un gain de 3,5 milliards d'euros.

Le monde change. Les effets pervers et insidieux du système néolibéral sont connus et rejetés.

Madame Lagarde, sauver les banques n'est pas forcément sauver les Français ! Je viens de vous en apporter la preuve. Quand allez-vous donc enfin mettre en rapport vos actes et les discours du Président de la République ? Quand allez-vous enfin arrêter de tromper les Français, en tenant des propos volontaristes tout en poursuivant la même politique fondée sur le culte de la financiarisation ?

Quand allez-vous enfin accepter de vous poser de simples questions de bon sens, afin de faire passer l'économie réelle avant la finance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame Lemorton, vos propos appellent une clarification !

M. Patrick Roy. Où est Mme Lagarde ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En août 2007, une décision d’externalisation a été prise par SFR pour l’ensemble de son service client, en direction de la société Teleperformance, leader dans le secteur des centres d’appel.

M. Maxime Gremetz. C’est scandaleux !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Voilà la réalité !

Cet accord a été conclu, moyennant un certain nombre de contreparties, dont la première était le maintien des emplois existants sur le site de Toulouse, soit 650 salariés.

M. Patrick Roy. Dans quelles conditions ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Un certain nombre de salariés – vous avez eu raison de l’indiquer – ont, en fonction des avantages octroyés et des possibilités offertes, quitté l’entreprise dans de bonnes conditions.

L’entreprise Teleperformance s’est engagée à revenir au niveau d’emplois initial. Elle a engagé une politique de recrutement, qui se poursuit. Telle est la réalité, bien éloignée de ce que vous avez indiqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Communication de M. le président

M. le président. Mes chers collègues, lors de la séance d’hier après-midi, l’un de nos collègues a, depuis la tribune, mis en cause un membre du Conseil constitutionnel, jetant ainsi le discrédit sur cette institution.

Ces propos sont évidemment couverts par l’immunité prévue par l’article 26 de la Constitution. Pour autant, il ne me semble pas admissible d’abuser de cette immunité.

Celle-ci est destinée à garantir la liberté de parole dans cette enceinte, notamment vis-à-vis des autres pouvoirs, et non à tenir des propos contre lesquels les victimes ne peuvent faire valoir leurs droits.

Je tenais à dire que je désapprouve profondément les propos qui ont été tenus hier.

(M. Alain Néri remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Alain Néri,
vice-président
3

Projet de loi de finances pour 2009

Seconde partie

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 (n°s 1127, 1198).

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblé a commencé l’examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Nous en arrivons aux questions.

Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture et de la pêche, mes chers collègues, nous sommes nombreux à reconnaître la qualité et les résultats de la formation en alternance assurée par les Maisons familiales rurales – MFR. Vous-même, monsieur le ministre, vous la connaissez et vous l’appréciez. Vous savez que, grâce à leurs méthodes éprouvées et à l’engagement de leurs animateurs, les Maisons familiales rurales assurent à leurs élèves des débouchés professionnels bien supérieurs à ceux d’autres filières de formation.

Le concours financier de l’État aux MFR est assuré par une subvention à l’élève, dont le principe a été arrêté par la loi Rocard de 1984 sur l’enseignement agricole. Au fil des ans, les modalités concrètes de ce financement ont fait l’objet de négociations, parfois difficiles. L’État n’a cessé d’être en retard par rapport à l’application pure et simple de la loi. Pour sa part, l’Union nationale des MFR a toujours fait preuve de compréhension. À plusieurs reprises, elle a accepté de renoncer à une partie du rattrapage financier auquel la loi lui donnait le droit de prétendre. Pour la période 2009-2013, elle a ainsi accepté de réduire à une somme globale de 17 millions d’euros, dont le paiement serait étalé sur cinq ans, le montant supplémentaire dû au titre de ce rattrapage.

Mais l’accord qui devrait concrétiser cet « arrangement » n’est toujours pas signé. Aussi, la plus grande incertitude règne sur la capacité de l’État à honorer effectivement, en 2009, cet engagement, qui s’ajouterait bien entendu aux dépenses courantes de l’exercice.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur vos intentions ? Au demeurant, sachant que vous appréciez particulièrement l’action de ces établissements, je souhaite que vous régliez personnellement le problème, afin que justice leur soit rendue.

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Vous venez, monsieur Rochebloine, de louer la qualité des Maisons familiales rurales. Quelques semaines après ma nomination au Gouvernement en 2007, j’ai eu l’occasion, lors de leur congrès, de dire tout le bien que je pensais de ces établissements privés à rythme approprié.

Les Maisons familiales rurales pratiquent la formation par alternance spécifique à l’enseignement agricole que l’on ne retrouve pas dans l’enseignement général relevant de l’éducation nationale : 51 300 élèves sont ainsi scolarisés dans 403 établissements de grande qualité sur l’ensemble du territoire. L’État verse une subvention unique, globale et forfaitaire, qui couvre le fonctionnement de l’établissement et la rémunération de l’ensemble des personnels. Cette subvention s’élève à 201,57 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 198,57 millions en crédits de paiement, soit un effort supplémentaire – nécessaire – de 5,2 millions d’euros.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Cette subvention est calculée en fonction du nombre d’élèves et des niveaux de formation. Le point clef, c’est le coût du poste formateur dont la revalorisation a été bloquée pendant plusieurs années, ce qui a conduit à un contentieux avec l’État, réglé par le protocole d’accord du 26 juillet 2004.

Le projet de loi de finances dont nous discutons aujourd’hui enregistre une ouverture nette de 5 millions d’euros en crédits de paiement, qui permettra d’augmenter le nombre d’élèves financés et d’appliquer la revalorisation de la subvention, selon les dispositions du code rural. Il est à noter une ouverture de 3 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur les trois prochaines années scolaires afin de résorber l’écart entre les élèves prévus au contrat des établissements et les élèves financés : sur l’année scolaire 2007-2008, 900 élèves ne sont pas financés.

Je suis soucieux, monsieur Rochebloine, de respecter l’engagement de l’État, même si, je le reconnais, c’est avec une certaine progressivité : l’État va honorer ses engagements vis-à-vis des établissements privés à rythme approprié, malgré le contexte de maîtrise des dépenses publiques.

M. François Rochebloine. Quand ?

M. le président. Nous en venons à trois questions du groupe UMP.

La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Ma question, qui a trait à l’économie agricole et à l’environnement – et, donc, au développement durable –, porte sur le financement des prêts à moyen terme spéciaux accordés aux coopératives d’utilisation en commun, les CUMA.

Créées à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les CUMA se sont beaucoup développées au cours des années cinquante. Elles ont fait la preuve de leur efficacité en favorisant, entre autres, l’accès à la mécanisation dans les régions de petites exploitations pour lesquelles le coût de la mécanisation individuelle était prohibitif. En 1981, des prêts bonifiés pour l’acquisition de matériel ont été mis en œuvre, ce qui a contribué à accélérer le développement des CUMA. Un peu plus tard, dans les années 1990, un tournant s’est amorcé. De plus en plus, les CUMA se sont préoccupées de la protection de l’environnement, trouvant là un nouveau terrain d’exercice pour leurs adhérents. On compte aujourd’hui plus de 12 000 CUMA regroupant plus de 230 000 adhérents et employant 6 500 salariés, pour un chiffre d’affaires de 459 millions d’euros.

Si l’existence des CUMA n’est pas menacée, leur fonctionnement pose néanmoins problème. Nous assistons en effet depuis quelques années à une remise en cause du système des prêts bonifiés. Ils ont quasiment disparu depuis 2007 et la plupart des demandes n’ont pu être honorées. Il a fallu un arbitrage de M. le Premier ministre et de vous-même pour maintenir ces prêts pour la période 2009-2011. Cependant, l’enveloppe de trois millions d’euros qui a été accordée est nettement insuffisante pour couvrir l’ensemble des demandes. Généralement, on s’accorde sur un montant de 7 millions d’euros.

Quelles dispositions vous semble-t-il possible de prendre, monsieur le ministre, afin de renforcer ce dispositif très efficace en matière de protection de l’environnement et source d’économies tant pour les agriculteurs que pour les pouvoirs publics – ce qui est financé collectivement n’a plus à l’être individuellement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je suis un ministre qui joue la transparence. Si vous voulez que je vous dise que, pour tel ou tel besoin de notre agriculture, nous ne disposons pas de tous les moyens nécessaires, je veux bien le répéter, je l’ai reconnu ce matin. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, j’ai essayé de construire un budget qui ait un sens et de préserver l’ensemble des moyens d’intervention pour l’agriculture, l’investissement agricole, notamment en direction des jeunes. J’ai également essayé de mettre en œuvre les conclusions du Grenelle de l’environnement – les moyens en faveur de la pêche ont été considérablement augmentés – et de commencer à mettre en place un système durable de prévention et de gestion des crises.

Il est vrai que les CUMA, dont je reconnais l’importance, posent problème. En 2009, les prêts de modernisation ne comptent plus que le seul dispositif des prêts à moyen terme spéciaux aux CUMA. Comme vous le savez, le dispositif des prêts spéciaux de modernisation – les PSM – a été arrêté le 1er janvier 2008, à l’exception de quelques régularisations de dossiers déposés en 2007.

En 2009, il est prévu d’appliquer le taux de 4 % dans les zones de plaine, de 3 % dans les autres zones afin d’optimiser l’enveloppe d’autorisations d’engagement de 3 millions d’euros. Cette enveloppe est prévue chaque année pour ce dispositif dans le cadre du projet de loi de finances pluriannuel 2009-2011. Par ce biais, le ministère de l’agriculture et de la pêche réaffirme son attachement à l’encouragement des investissements collectifs, qui permettent de rationaliser les équipements et de maîtriser la progression des charges de mécanisation des exploitations sous l’effet d’économies d’échelle, tels qu’ils sont portés par les CUMA, dont je connais le rôle et l’importance.

Ces crédits étant insuffisants, vous l’avez rappelé, le Gouvernement donnera son accord à un amendement de votre rapporteur Nicolas Forissier, qui vise à transférer la moitié d’une dotation préalablement allouée en 2008 à l’Agence française d’information et de communication agricole et rurale, l’AFICAR, soit 700 000 euros vers les crédits de bonification des prêts aux CUMA.

M. le président. La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. La mission que nous examinons aujourd’hui a vocation à accompagner les évolutions du secteur agricole. Nous le savons, le renouvellement des générations est l’un des grands défis à relever pour maintenir, dans notre pays, dans nos territoires ruraux, une agriculture dynamique, innovante, tournée vers l’avenir et le développement durable.

L’actualité nous le démontre, l’agriculture n’est pas une activité du passé, bien au contraire. « Soutenir l’installation des jeunes, c’est le meilleur des investissements pour l’avenir », avez-vous déclaré lors de la présentation de ce budget. Une agriculture durable est effectivement une agriculture dont les générations se renouvellent : 10 000 jeunes agriculteurs s’installent chaque année en France, dont près des deux tiers bénéficient d’une aide de l’État. La politique française en faveur de l’installation en agriculture a démontré sa pertinence et son efficacité puisque, dix ans après leur installation, près de 95 % des jeunes agriculteurs qui ont bénéficié d’aides pour s’installer sont toujours en activité.

Malgré le contexte budgétaire contraint, le montant des crédits accordés aux dispositifs de l’installation est en hausse de 13,3 % pour 2009 et les deux exercices annuels suivants.

Le budget 2009 prévoit le financement des 1 000 premiers plans de professionnalisation personnalisés qui se substitueront à moyen terme aux stages à l’installation. Ces nouveaux plans devraient susciter de nouvelles vocations et accroître le nombre de candidats à l’installation.

Le budget doit garantir également une enveloppe de prêts bonifiés à l’installation stabilisée à hauteur de 130 millions par an sur la période 2009-2011. Compte tenu de la baisse progressive de la part communautaire, je sais, monsieur le ministre, que cela représente un effort croissant pour le budget national. C’est le signe de votre engagement en faveur de la politique de l’installation.

Dès lors, pouvez-vous nous confirmer votre volonté de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que nous puissions permettre, à celles et ceux qui font le choix de se lancer dans le noble métier d’agriculteur, de s’installer dans de bonnes conditions ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je remercie M. Colombier d’avoir rappelé la réalité des chiffres. L’agriculture durable est, en effet, une priorité pour le Gouvernement : c’est d’abord celle qui se prolonge, se transmet et se renouvelle à travers les installations. L’avenir de ce secteur repose donc sur la nécessité d’aider les jeunes à s’installer en nombre suffisant. C’est pourquoi nous consacrerons 152 millions d’euros à ces aides.

Je remarque que ces jeunes viennent souvent d’horizons très divers : près d’un tiers de ceux qui s’installent hors cadre familial ne vient pas du milieu rural, et leur niveau de qualification est élevé. Il nous semble donc nécessaire de créer, comme vous l’avez dit, un nouveau dispositif d’accompagnement prenant en considération ce nouvel enjeu.

Expérimenté dès juin 2007 dans cinq départements – l’Ardèche, l’Aube, l’Aveyron, le Morbihan et le Pas-de-Calais –, le dispositif comprend deux étapes principales pour les jeunes agriculteurs : le passage au « point info installation », destiné à accueillir tous les publics et à les informer sur ce sujet, puis un entretien avec deux conseillers qui se fonderont sur le profil du jeune et sur son projet pour lui prescrire des actions de professionnalisation personnalisées. Ce plan sera appliqué à partir du 1er janvier 2009, monsieur Colombier, au même titre que les conditions d’éligibilité aux aides de l’État à l’installation en agriculture.

L’objectif est de porter de 6 000 à 7 500 le nombre d’installations de jeunes bénéficiant chaque année d’une aide. L’ensemble des textes réglementaires devrait paraître dans les tout prochains jours, afin de permettre le lancement généralisé du dispositif au 1er janvier 2009. Le PLF pour 2009 prévoit que les dépenses afférentes seront assurées.

Enfin, en ce qui concerne les prêts bonifiés à l’installation, qui visent à faciliter la première installation des jeunes agriculteurs en leur permettant d’échelonner leurs investissements dans des conditions avantageuses, le présent PLF et ceux qui suivront consacrent la reconduction de l’engagement, que j’avais souscrit l’année dernière, de consacrer 130 millions par an à ces prêts.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je profite de la question précédente pour remercier le ministre d’avoir notamment choisi le département du Pas-de-Calais afin d’y expérimenter ce nouveau dispositif d’aide à l’installation des jeunes agriculteurs.

Ma question porte quant à elle sur la pêche.

Le 30 octobre dernier, lors d’une rencontre avec les représentants de cette filière, vous avez annoncé une accélération de l’application de votre plan pour une pêche durable et responsable, ramenée de trois à deux ans.

Qu’en est-il dans le budget pour 2009 ? Dans quelle mesure les moyens mobilisés permettront-ils d’accompagner les évolutions du secteur, confronté, vous le savez fort bien, à une crise exceptionnelle qui touche désormais l’ensemble de la filière et résulte d’une diminution de la ressource, mais également de graves dysfonctionnements de la politique commune des pêches ?

Plus précisément, dans quelle mesure ce budget est-il susceptible d’améliorer l’observation scientifique, que l’on sait défaillante, mais qui fonde la politique des quotas – très critiquée, notamment par les professionnels, au motif qu’elle ne repose pas sur un constat partagé ?

En outre, dans quelle mesure permettra-t-il de soutenir les entreprises en difficulté et d’aider les personnels à bord, les marins pêcheurs ?

Enfin, ce budget permettra-t-il d’accompagner la nécessaire modernisation de notre flottille et de préserver le modèle de la pêche artisanale, seul capable, à mon sens, d’incarner la pêche durable et responsable que vous appelez de vos vœux ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je vous remercie, monsieur le député : depuis dix-huit mois que je suis ministre de l’agriculture et de la pêche, vous avez, comme beaucoup de vos collègues, fait preuve de vigilance et d’efficacité, non seulement pour vous faire l’écho auprès de moi de préoccupations et d’inquiétudes, mais aussi pour expliquer les actions que nous menons. Or cet accompagnement des efforts du Gouvernement par les parlementaires – chacun jouant son rôle – m’est précieux dans mes relations avec les pêcheurs, sur le terrain ou dans les ports, et avec Bruxelles.

La crise très profonde du secteur de la pêche est liée à la fragilité de la ressource, et même à sa diminution, ainsi qu’au surcoût du gazole généralement utilisé par les pêcheurs, dont le prix a fortement augmenté avant de connaître aujourd’hui un certain répit.

Voilà pourquoi le Président de la République, lors de son déplacement au Guilvinec, où je l’avais accompagné, a décidé de lancer le plan pour une pêche durable et responsable, auquel j’ai beaucoup travaillé avec tous les professionnels et avec des parlementaires comme vous, monsieur Fasquelle. Ce plan représente 310 millions ; après la dernière crise pétrolière, nous avons décidé de ramener son application de trois à deux ans. Il permettra d’accompagner toutes les adaptations afin d’ouvrir des perspectives sûres à une filière en proie au doute et à l’inquiétude.

Le plan comprend quinze mesures regroupées en quatre chapitres, que je rappellerai brièvement. Le chapitre écologique et halieutique vise à optimiser la gestion de la ressource ; le chapitre social, à renforcer l’attractivité du secteur ; le chapitre économique, à développer durablement la pêche ; enfin, un dernier chapitre, auquel je tiens particulièrement, concerne la sécurité des bateaux et des marins pêcheurs.

Ce plan bénéficie de 133 millions en autorisations d’engagement et de 119 millions en crédits de paiement en 2008, sur le budget du ministère ; en 2009, 130 millions en autorisations d’engagement et 103 en crédits de paiement lui sont consacrés. En outre, vous l’avez rappelé, il faut ajouter à ces crédits nationaux les crédits communautaires du fonds européen pour la pêche.

Quant à la baisse des quotas alloués à la France, elle touche ces dernières années de nombreuses espèces – dont le cabillaud, le hareng et le maquereau – en raison de la situation biologique. Lors du conseil des ministres, je m’appuie sur l’expertise conjointe de mes services et de ceux de l’IFREMER afin de défendre les intérêts français. Les TAC et quotas ainsi obtenus par la France résultent de nos besoins, mais aussi des quantités maximales disponibles permettant d’assurer la pérennité de la ressource halieutique.

Ainsi, lors du conseil du 16 juillet 2008, je me suis battu – vous le savez, monsieur Fasquelle – pour obtenir une augmentation de 23 % des TAC de cabillaud dans la Manche et en mer Celtique, conformément à vos souhaits. Je suis néanmoins conscient de la faiblesse de certains des quotas octroyés à la France. Mais les nombreux échanges que mes services assurent tout au long de l’année entre les États membres permettent à nos professionnels de continuer à pêcher même lorsque les droits de pêche initialement alloués à la France ont été épuisés.

Enfin, par les aides à l’arrêt temporaire des activités de pêche, j’ai tenu à assurer une dotation suffisante – au titre du plan pour une pêche durable – pour faire face aux mesures d’arrêt et venir en aide aux marins pêcheurs pendant la période concernée. Près de 20 millions ont ainsi été octroyés depuis 2007. Mais, les limites actuelles de la maquette du fonds européen de développement étant en la matière atteintes, pour recourir à de nouveaux arrêts, je dois en demander la modification et solliciter des crédits supplémentaires dans le cadre du règlement « gazole » de la communauté européenne.

M. le président. Merci, monsieur le ministre, de cette réponse très éclairante.

Nous passons à la première série de questions du groupe SRC.

La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur une situation que vous connaissez bien : celle des petits agriculteurs de Guadeloupe et de Martinique, qui subissent de plein fouet les conséquences de l’application du plan chlordécone, lequel fixe les limites maximales de résidus, ou LMR, à 20 microgrammes par kilogramme pour les produits végétaux et pour ceux de la mer et de l’eau douce.

Cette décision, prise pour des raisons de santé publique et en vertu du principe de précaution, ne saurait être contestée. Mais la réalité est implacable : plus de 450 petits maraîchers et vivriers sont privés de revenus depuis le mois de juillet 2008, dont 210 en Martinique, selon les chiffres fournis par la DDAF. Que vont devenir ces centaines de pères et mères de famille ?

En juillet 2005, l’indemnisation des agriculteurs faisait partie des préconisations formulées par une mission d’information parlementaire sur le sujet. Pourtant, selon un rapport d’étape publié en mars 2008, le droit à compensation n’a pas débouché sur des résultats concrets.

Monsieur le ministre, le 10 septembre 2008, vous avez vous-même présenté en Conseil des ministres, à l’issue du Grenelle de l’environnement, un plan intitulé « Écophyto 2018 » dont l’axe 6 consiste à prendre en considération les spécificités des DOM-TOM. Ce plan avait été précédé par le plan d’action chlordécone 2008-2010, que j’ai mentionné. Des propositions visant à soutenir et à accompagner les agriculteurs directement touchés ont été formulées – aide à la reconversion, préretraite, aide aux investissements en cas de transfert de l’exploitation ou de réorientation de la production, aide aux agriculteurs en difficulté.

Mais, aujourd’hui, ces petits agriculteurs antillais sont toujours confrontés à la même situation dramatique, privés d’indemnisation et de toute perspective d’avenir. Nombre d’entre eux souhaitent tenter de nouvelles activités au moyen de la diversification agricole. Mais ils sont au bord du découragement.

Monsieur le ministre, quand comptez-vous appliquer les mesures incluses dans les différents plans annoncés, afin de remédier à des difficultés qui concernent la profession, mais engagent aussi l’alimentation de la population ? Indemniserez-vous ces professionnels, qui ont subi un préjudice irrémédiable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Merci, monsieur Manscour, d’appeler mon attention sur les problèmes spécifiques des Antilles, dont vous êtes élu et auxquelles, vous le savez, je suis très attaché.

Vous avez raison : le plan « « Écophyto » est un plan global, qui concerne le pays tout entier – métropole et outre-mer – et vise à réduire de moitié l’usage des produits phytosanitaires dans les dix années à venir, à condition, naturellement, de trouver des solutions alternatives.

Ce plan général, ambitieux et nécessaire à l’environnement et à la santé publique inclut le plan chlordécone 2008-2010 en Martinique et en Guadeloupe, que vous avez cité. Celui-ci vise à mieux surveiller la santé de la population, à réduire son exposition, à développer la connaissance des problèmes cliniques et environnementaux liés au chlordécone et à instaurer des mesures d’accompagnement pour l’agriculture, qui reposent notamment sur l’amélioration de la surveillance des sols et des produits des jardins familiaux.

En outre, des plans de contrôle et de surveillance prévoyant chaque année, pendant trois ans, le prélèvement de 1 500 échantillons ont été lancés par nos directions départementales des services vétérinaires et par les services de protection des végétaux.

D’autre part, un plan de surveillance centré sur les productions locales a été instauré en Martinique et en Guadeloupe. Il s’agit d’évaluer le niveau de contamination des denrées animales et d’origine animale produites aux Antilles et mises sur le marché.

Ces différents plans permettent de détecter les catégories susceptibles de poser des problèmes de conformité aux LMR applicables au chlordécone. À ce sujet, les autorités françaises ont retenu une LMR inférieure aux valeurs que préconisait l’AFSSA dans le rapport intitulé « Actualisation de l’exposition alimentaire au chlordécone de la population antillaise », qu’elle leur avait remis en septembre 2005. La limite retenue permet de préserver la santé du consommateur antillais, comme celle du consommateur européen.

Je me rendrai en décembre aux Antilles, notamment pour y dresser, un an après, le bilan des dégâts causés par le cyclone, et pour y étudier l’application du plan « banane durable », auquel je tiens particulièrement. Ce voyage me fournira l’occasion de faire également le bilan des aides économiques liées au chlordécone.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Frédérique Massat. Monsieur le ministre, l’élevage en montagne est essentiel tant à l’aménagement du territoire et à la biodiversité qu’à la qualité des productions ; vous l’avez dit ce matin, il s’agit bien de l’économie réelle.

Or la situation du pastoralisme, en particulier celle des éleveurs ovins en zone de montagne, devient alarmante. De ce point de vue, la FCO ne fait qu’aggraver un mal déjà profondément enraciné.

Dans ce contexte, le budget 2009 n’est guère rassurant. On y relève en effet de nombreuses régressions : la baisse de la dotation pour les agriculteurs en difficulté ; la stagnation de la dotation ICHN, qui ne connaît nullement l’augmentation promise en 2003 ; l’insuffisance des moyens accordés à la PHAE et permettant de répondre aux demandes des territoires. Comptez-vous revaloriser ces deux derniers outils ?

En outre, les dispositifs d’accompagnement à la transmission des exploitations sont entamés, le coût du service public de l’équarrissage est entièrement transféré aux filières et les crédits alloués aux investissements hydrauliques sont insuffisants. Enfin, la ligne budgétaire consacrée à l’animation rurale disparaît et le budget de la forêt est réduit, ainsi que les effectifs et les moyens de l’ONF. À ce sujet, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les sommes et le sort qui seront réservés aux services RTM ?

Pour conclure, monsieur le ministre, permettez-moi d’évoquer l’actualité de la fièvre catarrhale ovine – la FCO – en Ariège, où près de 1 200 élevages sont touchés, soit un cheptel sur deux. Cette situation engendre une grave crise économique et sociale. Au-delà des mesures que vous venez d’annoncer, les éleveurs ont besoin que vous leur confirmiez que les aides à la mortalité, à la repousse, au renouvellement du troupeau, au maintien des animaux ne seront pas gérées par des enveloppes fermées, mais par des enveloppes évolutives, adaptées aux besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Madame Massat, dans une discussion budgétaire, le jeu entre l’opposition et la majorité fait toujours percevoir le verre soit à moitié vide, soit à moitié plein.

M. Jean Mallot. Celui-là est bien vide !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Vous avez cité les crédits en stagnation ou en diminution, mais, dans un effort d’objectivité, vous auriez pu tout aussi bien souligner les dotations en augmentation, notamment pour l’installation des jeunes agriculteurs ou la prévention sanitaire, toutes choses qui intéressent la montagne.

Mme Frédérique Massat. Et le reste du pays !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Élu d’un territoire montagnard pendant dix-sept ans, je n’oublie pas ce que j’y ai appris. Depuis une trentaine d’années, la montagne est le seul territoire ayant bénéficié d’une politique de développement et d’aménagement spécifique. À cet égard, je veux saluer le diagnostic et les recommandations très intelligemment formulés par votre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier dans son travail sur la politique agricole et forestière.

Permettez-moi de souligner que ce budget comporte des avancées, notamment sur le plan structurel. Il s’agit d’adapter les outils de la PAC et de réorienter certains soutiens vers les productions et les territoires fragilisés par l’évolution des marchés, ce qui est le cas de la production ovine dont j’ai moi-même rappelé qu’elle avait été traitée de manière inéquitable par la PAC dans les années passées. Cela étant, je vais aussi vite que je le peux, madame Massat.

Le bilan de santé de la PAC aura lieu dans trois semaines. C’est au cours du premier semestre 2009 que nous nous prononcerons sur l’utilisation de ses outils et les mesures dont nous déciderons dans le cadre national, à partir de la boîte à outils européenne, seront mises en œuvre en 2010. En attendant, je m’efforce de mettre en place des mesures spécifiques conjoncturelles pour que certaines filières puissent tenir le coup. Elles concernent, bien sûr, l’élevage ovin, qui bénéficie cette année d’un plan de 17 millions d’euros contre 15 millions l’année dernière, mais aussi de beaucoup d’autres productions et filières, comme la filière laitière et les productions animales à l’herbe que nous allons davantage soutenir grâce à la réorientation des aides de la PAC.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le ministre, mon intervention, à laquelle j’associe ma collègue Annick Le Loch qui vous a interrogé à ce sujet en commission, portera sur l’augmentation des crédits de la pêche en 2009.

Le plan d’action pour une pêche durable et responsable, présenté en janvier dernier, devait mobiliser 310 millions d’euros sur trois ans, mais, face à l’urgence, vous avez choisi de le mettre en œuvre en deux ans, ce dont nous trouvons la traduction dans le présent budget.

Toutefois, de nombreux élus du littoral s’inquiètent de la place réservée aux mesures de sortie de flotte, qui peuvent s’avérer nécessaires dans des situations difficiles. Bon nombre de territoires littoraux demeurent très dépendants de la pêche. Or une réduction du nombre de bateaux implique une réduction du tonnage débarqué, des difficultés pour les entreprises, voire des cessations d’activité, ainsi qu’une reconversion difficile des marins et une diminution des installations. Elle a également des répercussions en termes d’aménagement du territoire, puisqu’un emploi en mer induit trois à quatre emplois à terre.

Dès lors, quelle compensation peut-on envisager pour les territoires littoraux ? Comment concilier plans de sortie de flotte et politique dynamique d’installation de jeunes pêcheurs, fondamentale pour l’avenir de la filière ? Enfin, a-t-on mesuré l’impact des plans de sortie de flotte sur le marché de l’occasion ?

Dans un tout autre domaine, pouvez-vous faire le point sur l’impact de la refonte de l’organisation économique de la filière légumes, notamment en Bretagne ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Madame Ehrel, je vous remercie d’avoir reconnu qu’un effort sans précédent est fait dans ce budget en faveur de la pêche, dont les crédits passent de 60 millions d’euros à 160 millions. Il correspond à l’engagement que nous avons pris de réaliser en deux ans le plan pour une pêche durable, sur lequel j’ai beaucoup travaillé avec les élus de toutes sensibilités – je le disais à M. Fasquelle – et les professionnels.

Ce plan comporte des aides à l’installation pour les jeunes pêcheurs, là où la situation le permet, c’est-à-dire quand la ressource est abondante. Les plans de sortie de flotte sont, à l’inverse, appliqués là où la ressource est fragile, afin d’ajuster la capacité de production dans l’intérêt de ceux qui restent.

Il s’agit également de développer la recherche scientifique, afin de permettre une meilleure articulation entre l’expérience des pêcheurs et les observations des chercheurs.

J’évoquerai encore les contrats bleus, qui proviennent du terrain. Deux d’entre eux, Ar Mor Glaz et le Fonds pour le développement durable de la pêche, ont été agréés, deux autres vont être validés et, peu à peu, ils concerneront tous les littoraux.

S’agissant de la sécurité des marins pêcheurs – question qui vous préoccupe beaucoup, madame Ehrel, et qui me tient à cœur –, je rappelle que chacun sera doté d’une balise individuelle.

Quant au plan de sortie de flotte, il concerne cette année 165 navires, pour un montant de 47 millions d’euros, ce qui représente une partie non négligeable des crédits. Les destructions de navire, comme le paiement des primes, ont débuté. Et, je le répète, ces plans de sortie sont appliqués là où un problème de ressource nécessite d’ajuster les capacités de production. Un plan de sortie de flotte pourra être ouvert dès que les résultats des examens individuels menés par les commissions régionales seront exploités. D’ores et déjà, sur les 927 dossiers examinés, une centaine de navires est susceptible d’être concernée par un plan de sortie de flotte. Je pourrai vous le confirmer par écrit ainsi qu’à Mme Le Loch.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe GDR.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, la plupart des députés de notre assemblée, quelle que soit leur sensibilité, ont un point de vue convergent sur les conditions d’évolution de la PAC. Nous avons pu le constater à l’occasion des rencontres interparlementaires sur l’avenir de la PAC, qui ont eu lieu lundi et mardi derniers à Bruxelles.

À cette occasion, la délégation de notre assemblée a tenu à réaffirmer trois objectifs structurants pour une future PAC rénovée.

Il s’agit, tout d’abord, de conserver un premier pilier fort et des aides couplées à la production, exigence essentielle pour maintenir des exploitations nombreuses, avec des rémunérations satisfaisantes et des pratiques culturales respectueuses de l’environnement.

Il s’agit, ensuite, de conserver des outils de gestion de l’offre, notamment en ce qui concerne le secteur laitier. La suppression des quotas laitiers aura en effet des conséquences gravissimes sur le maintien de la production et sur les zones fragilisées à handicap naturel. Elle représenterait une menace directe pour la pérennité des petites exploitations, qui ont des coûts de production plus importants et sont déjà pénalisées par leurs charges de collecte.

Il s’agit, enfin, d’écarter une renationalisation des politiques agricoles, en garantissant notamment le bon fonctionnement des possibilités offertes par l’article 68, à travers un fonds PAC européen abondé par des fonds nationaux.

Aujourd’hui, les éleveurs laitiers rencontrent des difficultés pour vendre leur production à des prix rémunérateurs. Ils vivent désormais au quotidien les conséquences de la remise en cause des modalités de fixation des prix, ainsi que de la pleine liberté accordée aux industriels et à la grande distribution.

Vous avez déclaré récemment, monsieur le ministre, qu’il n’y aurait « pas de détricotage des quotas », ce que nous avons apprécié, mais, en ajoutant « sans précaution », vous nous avez inquiétés. La France se préparait-elle à accepter la suppression des quotas, se contentant de demander des mesures d’accompagnement ? Ce lundi 3 novembre, le président de la commission de l’agriculture et du développement rural du Parlement européen, M. Neil Parish, a réaffirmé la volonté de la Commission et du Parlement de supprimer les quotas tout en évoquant, sur un ton compassionnel, « la douceur que nous souhaitons pour cet atterrissage ».

Ma question est simple, monsieur le ministre : quelle sera la politique défendue par la France au niveau européen en matière de quotas laitiers, alors que vous-même affirmez la nécessité d’outils de régulation ? Si les quotas étaient supprimés, quels seraient les outils de régulation de la production laitière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur Chassaigne, je vous ai respectueusement encouragé ce matin à être plus européen.

M. André Chassaigne. Je le suis !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je vous en félicite, mais cela ne doit pas vous empêcher de rester patriote. Vous ne pouvez ignorer, tant est grande votre compétence en ces matières, que la décision de supprimer les quotas laitiers en 2014-2015 a été prise par une majorité qualifiée d’États membres. La France a été mise en minorité, et ce n’était pas une minorité de blocage. Ce qui est donc en jeu aujourd’hui, c’est l’accompagnement de la filière laitière jusqu’à cette échéance, car, je le répète, je n’accepterai pas le déménagement de la filière hors du territoire français.

Certes, la majorité au sein du Conseil des ministres européen peut toujours s’inverser, le marché du lait étant très volatile et instable. Des pays comme l’Italie, favorables à la suppression de tous les quotas pour produire toujours plus, se rendront peut-être compte que cette politique peut avoir des conséquences graves pour leurs propres producteurs. Mais nous n’en sommes pas là.

Il s’agit donc aujourd’hui de limiter l’augmentation des quotas que souhaite la Commission, afin qu’elle soit raisonnable et contrôlée. C’est la position que je défendrai lors du bilan de santé de la PAC. Il s’agit ensuite de trouver, dans le budget européen, les moyens d’accompagner cette sortie progressive des quotas jusqu’en 2013-2014, afin qu’elle ne soit pas brutale. Pour cela, nous travaillons dans deux directions.

Avec le soutien de l’Union européenne, notamment sur le plan réglementaire, nous voulons mettre en place une sorte de contractualisation entre la production laitière et la transformation. Il faut rappeler que les quotas départementaux permettent de fixer la production locale des éleveurs mais s’imposent aussi à la transformation, ce qui a des conséquences directes pour les emplois industriels. La suppression des quotas risque d’aboutir à une concentration de la production laitière dans quelques régions les plus productives, sauf peut-être là où il y a des AOC.

D’autre part, nous voulons accompagner la production laitière dans les zones fragiles, et nous y sommes presque parvenus. Nous pensons trouver des moyens à travers l’article 68, qui autorise le transfert de crédits du premier pilier, et espérons obtenir un accord pour qu’une partie des crédits modulés puisse être utilisée, à cette fin, dans le deuxième pilier.

Encore une fois, je ne laisserai pas se détricoter les quotas sans précaution et sans mesures d’accompagnement.

M. André Chassaigne. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. Monsieur le ministre, je vous poserai deux questions.

La première concerne les conditions de remboursement du coût de vaccination contre le sérotype 1 de la fièvre catarrhale ovine. Comme deux ou trois autres départements, le département de la Lozère est classé pour partie seulement en zone à double vaccination. La totalité des animaux du département n’est donc pas soumise à la vaccination obligatoire contre les deux sérotypes 1 et 8. De ce fait, il semblerait que le Gouvernement ne compte pas prendre en charge le financement à hauteur de 50 % du coût de vaccination contre le sérotype 1.

J’avoue ne pas bien comprendre cette disposition qui, si elle devait s’appliquer, me paraîtrait totalement contraire au principe de l’égalité de traitement sur le territoire national. Elle ferait supporter aux éleveurs de Lozère et des autres départements concernés des coûts supplémentaires. Mais j’ai déjà évoqué le sujet avec vous, monsieur le ministre, et je crois savoir que vous allez me rassurer sur ce point : les éleveurs vous en seront extrêmement reconnaissants.

Mon second point concerne l’effondrement annoncé du prix du lait...

M. Jean-Paul Bacquet. Le prix de la tonne de lait a baissé de 70 euros !

M. Francis Saint-Léger. ...qui est déjà de 10 à 20 % sur les prix qui seront payés le 20 novembre prochain pour les volumes livrés au mois d’octobre, et qui pourrait atteindre 30 % au premier trimestre 2009. Quels moyens pensez-vous devoir mettre en œuvre afin d’obtenir une régulation et une stabilité, donc des garanties de prix nécessaires à cette production laitière ?

Les petits producteurs de lait du Massif central, et de Lozère en particulier, ne supporteront pas cette nouvelle crise, d’autant que les jeunes veaux de race laitière pure n’ont plus aucune valeur marchande...

M. Jean-Paul Bacquet. Ils valent 10 euros !

M. Francis Saint-Léger. ...et que ces éleveurs ont été exclus du premier dispositif de dédommagement de la FCO.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les réponses que vous voudrez bien apporter sur ces deux points.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur Saint-Léger, le Gouvernement a entendu l’appel extrêmement grave et responsable lancé à Clermont-Ferrand, il y a quelques jours, par tous les éleveurs du Massif central. Nous réfléchissons à des mesures économiques conjoncturelles, notamment des aides à la trésorerie, pour accompagner cette période très difficile, auxquelles s’ajouteront des aides pour les jeunes veaux notamment.

En tout cas, je travaille, dans la perspective de la conférence sur les revenus du 12 novembre, avec les banques, la MSA et les services du ministère des finances, à toutes les mesures ciblées qui permettront aux éleveurs de passer ce cap difficile.

À ces difficultés économiques s’ajoute la fièvre catarrhale ovine qui est la crise sanitaire la plus grave que nous ayons à affronter et qui mobilise toutes mes équipes depuis dix-huit mois, période au cours de laquelle les foyers de sérotype 8 ont régressé, tandis que ceux de sérotype 1 ont remonté.

Je me suis battu pour obtenir une stratégie vaccinale européenne, et nous y sommes presque parvenus. Et je me bats également pour accompagner, à travers des campagnes massives de vaccination, l’ensemble de l’élevage français.

Une nouvelle enveloppe du Fonds d’allégement des charges sera débloquée pour tenir compte des difficultés de trésorerie des exploitations, notamment du fait de l’extension de foyers de sérotype 1. Les mesures de prise en charge des cotisations sociales seront amplifiées. Une enveloppe exceptionnelle de 1 million d’euros, prise sur le budget du ministère, viendra s’ajouter à celle de 1,1 million gérée par la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole.

Enfin, monsieur Saint-Léger, ayant été sensible à votre préoccupation, exprimée également par M. Morel-A-L’Huissier et par plusieurs de vos collègues de votre région, j’ai décidé de financer la prise en charge complète des vaccinations contre le sérotype 1 dans votre département, comme dans les autres départements réglementés au titre de ce même sérotype. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Ce n’est pas une nouvelle puisque c’est ce que vous avez annoncé à Clermont-Ferrand !

M. André Chassaigne. Qui vaccine ?

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu me confier récemment une mission sur l’agriculture de montagne dans la cadre du bilan de santé de la PAC.

J’ai trouvé un grand intérêt et j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler sur cette mission avec deux inspecteurs généraux de l’agriculture, un ancien salarié de la direction départementale de l’agriculture, deux membres de votre équipe, M. Michel Cadot et M. Michel Dantin, et l’ensemble des personnels de la Direction générale de la forêt et des affaires rurales du ministère de l’agriculture.

Il en est ressorti qu’il existe, malgré tous les efforts qui ont été déployés, un écart de revenus de près de 35 % entre les agriculteurs de montagne et les agriculteurs de plaine.

Sur la base des recommandations du rapport que je vous ai remis début juillet 2008 en faveur de l’agriculture de montagne, relayé par les professionnels eux-mêmes et par le COPAMAC-SIDAM avec M. Jacques Chazalet, je souhaiterais connaître aujourd’hui les avancées qui pourraient être obtenues dans le cadre de la discussion européenne et les traductions budgétaires nationales qui peuvent être opérées, dès 2009, en matière de rééquilibrage des aides en faveur des systèmes fourragers via la mise en place d’une prime à l’herbe pour l’année 2009, ainsi que la mise en place d’un DPU minimum sur toutes les surfaces primables.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur le président, à la fin de la question précédente, plusieurs orateurs m’ont demandé qui allait vacciner contre le sérotype 1. Dès lors qu’il s’agit d’une vaccination obligatoire, ce sont les vétérinaires qui vaccineront dans le cadre habituel de leurs relations avec les éleveurs, et ils le feront de la façon la plus pragmatique. Je travaille actuellement à l’élaboration d’un protocole sur les échanges d’animaux en Europe qui me permettra de fixer une date dans les prochaines semaines.

Monsieur Morel-A-l’Huissier, je tiens de nouveau à vous remercier pour le travail très intéressant et constructif que vous avez réalisé sur l’évaluation de la politique de la montagne.

Le budget consacré aux indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, s’élève à plus de 510 millions d’euros en 2008, avec un cofinancement communautaire, contre 427 millions en 2001. Même si elle n’est pas suffisante, nous avons reconduit la part de l’État en 2009. La majoration des vingt-cinq premiers hectares a été progressivement augmentée de 10 % en 2002 à 35 % en 2007.

Je serai très attentif, dans le cadre de la négociation européenne, au réexamen des ICHN dont l’actualisation est prévue dans les zones défavorisées.

Autre outil, la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE. Dans le cadre du bilan de santé de la PAC, j’ai indiqué ma volonté de renforcer, comme vous l’avez souhaité vous-même, monsieur le député, la politique de soutien aux productions animales à l’herbe dans les aides du premier pilier.

Telles sont les orientations sur lesquelles je travaille et que j’aurai à faire partager, le moment venu, à l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le ministre, ma question concerne le devenir de l’élevage, sur lequel vous avez déjà partiellement répondu tout à l’heure.

Premier département agricole de Lorraine, avec 9 % de la population active et une production d’une valeur de 515 millions d’euros en 2006, la Meuse s’inquiète chaque jour un peu plus de la situation et du devenir de sa filière élevage, qui concerne 80 % des exploitations.

Ce département subit de plein fouet, comme tout notre territoire, les conséquences désastreuses de l’épizootie de fièvre catarrhale. En 2008, 2 661 ovins, 3 152 bovins de moins de huit mois et 3 750 bovins de plus de huit mois sont morts des suites de la FCO.

Pour pallier les lourdes conséquences de cette crise sanitaire, l’État a consenti un effort sans précédent, versant près de 4,5 millions d’euros au département de la Meuse depuis la fin de l’année 2007 au titre de l’aide forfaitaire et de l’aide complémentaire à la mortalité.

Toutefois, j’appelle votre attention sur le mode de distribution très complexe de ces aides, à l’origine de délais d’indemnisation qui conduisent les exploitations à l’asphyxie. Ainsi, certains dossiers déposés pour bénéficier de l’aide à la perte de chiffre d’affaires en périmètre interdit sont en attente depuis décembre 2007.

À ce contexte de crise sanitaire s’ajoutent une baisse de la consommation des produits issus de l’élevage et une hausse globale des coûts de production, du fait de l’envolée du prix des matières premières durant les deux premiers semestres. Cette hausse des charges contraint encore un peu plus le modèle économique des exploitants agricoles.

Enfin, les éleveurs font également face à une baisse continue du prix du lait payé au producteur, baisse actuellement débattue avec la filière agroalimentaire, laquelle, malgré son renoncement, le 1er novembre, à une baisse comprise entre 70 et 120 euros pour chaque tonne de lait, persiste à vouloir baisser ses prix aux producteurs.

Dans ce contexte, les 3 500 exploitants agricoles du département de la Meuse que je représente ici attendent de leur ministère qu’il donne, à l’occasion du vote du budget 2009, toutes les garanties de pérennisation de la filière élevage, aujourd’hui plus que menacée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur Pancher, le ministre qui vous parle est extrêmement soucieux de donner ce signal à ce grand département d’élevage qu’est la Meuse, ainsi qu’à l’ensemble du pays, même si nous ne sommes plus dans une économie administrée et que tout ne se décide pas dans un ministère, à Paris ou à Bruxelles.

Vous l’avez dit à juste titre, le secteur de l’élevage est confronté à des difficultés comme jamais il n’en a connu par le passé, en raison de contraintes conjoncturelles, telle l’augmentation du coût de l’énergie et du coût des aliments – ce qui fut une bonne nouvelle pour les producteurs céréaliers en a été une moins bonne pour les éleveurs qui nourrissent leur bétail avec ces matières premières – et de la valorisation insuffisante des productions. De ce fait, nombre d’éleveurs sont littéralement étranglés et souvent désespérés.

Je vous confirme que l’année 2007 a vu baisser le revenu des producteurs de viande bovine de manière significative – et je ne parle pas de la filière ovine qui connaît de plus grandes difficultés encore.

Aussi, afin de faire un constat objectif et d’agir en faveur de l’élevage, je réunirai, le 12 novembre prochain, l’ensemble des professionnels dans le cadre d’une conférence sur la situation de l’agriculture en général et de l’élevage en particulier. Mon objectif est de permettre, par des mesure ciblées d’allégement de charges financières, fiscales et sociales, de passer ce cap difficile. Je pense d’ailleurs que, à la faveur de la grande discussion que nous avons ouverte assez tôt sur l’avenir de la politique agricole commune, nous pourrions organiser des assises de l’élevage, avec les collectivités territoriales, afin de réfléchir à la place que nous voulons réserver, dans notre pays, tant à l’élevage laitier qu’au bassin allaitant.

Au-delà des mesures conjoncturelles qui pourront être prises le 12 novembre, je vous confirme que la vraie réponse se trouve dans une réorientation des aides de la PAC en faveur de l’élevage. C’est du reste ce sur quoi je travaille, notamment dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, qui devrait se conclure le 19 ou le 20 novembre prochain.

M. le président. Nous en revenons au groupe GDR.

La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le ministre, le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui a été adopté par l’Assemblée nationale, a réaffirmé assez logiquement la promotion de l’agriculture biologique.

Les consommateurs français sont demandeurs de produits issus de l’agriculture biologique, puisque les ventes ont augmenté de 10 % ces dernières années.

On rappelle souvent que la France est la première puissance agricole de l’Union européenne, mais elle n’est qu’à la cinquième place en matière de produits biologiques, avec seulement 2 % de la surface agricole utile. Et, si l’on calcule le ratio entre la surface agricole et celle consacrée à l’agriculture biologique dans chaque pays, la France n’arrive alors qu’à la vingt et unième place, ce qui est très préoccupant compte tenu de la demande des consommateurs, mais surtout de l’intérêt des agriculteurs qui ont franchi le pas de la conversion. En effet, à Orvault, dans ma circonscription, les agriculteurs qui sont passés à l’agriculture biologique ont vu leurs revenus augmenter.

Le Grenelle de l’environnement a fixé un objectif de 6 % de la surface agricole utile en agriculture biologique d’ici à 2012, et un objectif encore plus ambitieux à l’horizon 2020. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour y parvenir ?

On parle du doublement du crédit d’impôt et du déplafonnement des aides à la conversion. J’ai d’ailleurs déposé un amendement à l’article 53 du projet de loi de finances pour 2009 afin que le doublement du crédit d’impôt soit effectif en trésorerie dès 2009, comme le prévoit la loi de programme relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, et non en 2010.

Jusqu’à présent, les sommes consacrées aux aides à la conversion étaient assez peu élevées, puisqu’elles étaient plafonnées à 7 600 euros par an. Monsieur le ministre, vous avez promis de les déplafonner. Pouvez-vous aujourd’hui nous garantir à nouveau que ce sera bien le cas et nous assurer que ces sommes iront bien en direction de l’agriculture biologique, quelle que soit la taille des exploitations ? Enfin, pouvez-vous nous garantir également que l’Union européenne et la politique agricole commune permettront un tel déplafonnement ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur de Rugy, je trouve cet amendement intéressant, mais je ne vois pas où il se trouve.

M. André Chassaigne. J’ai déposé le même amendement, mais je ne le vois pas non plus !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. L’agriculture biologique est un mode de production économe en énergie dont les pratiques culturales préservent les sols et la biodiversité. C’est une forme d’agriculture d’avant-garde qui présente un intérêt indéniable pour la préservation de l’environnement...

M. Jean Mallot. Elle est indispensable !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. ...et un mode de production qui s’inscrit, à mes yeux, dans le développement durable. Il doit donc avoir toute sa place dans l’agriculture française...

M. Jean Mallot. Il doit avoir la première place !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. ...et dans ce nouveau modèle agricole que je veux promouvoir à travers ce budget et la politique agricole commune.

Par ailleurs, nous constatons que l’offre française de produits biologiques stagne alors que la demande des consommateurs augmente. Nous avons besoin d’un développement solide, régulier, de ce mode de production et d’une vision à long terme.

Voilà pourquoi, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, avec M. Jean-Louis Borloo, j’ai proposé le plan d’action « Agriculture biologique : horizon 2012 » avec l’objectif d’amener progressivement l’offre française de produits biologiques à un niveau suffisant en 2012 pour satisfaire la demande des consommateurs. Pour ce faire, nous avons fixé un objectif de 6 % de la surface agricole utile consacrée à l’agriculture biologique, contre 2 % actuellement.

Pour y parvenir, par-delà la volonté des agriculteurs eux-mêmes, j’ai décidé, en octobre 2008, de déplafonner les aides à la conversion – avec un plafond de 7 600 euros par exploitation – et de consacrer au sujet une enveloppe de 12 millions par an sur trois ans. C’est cette décision que traduit mon budget, monsieur de Rugy, ce qui vous incitera sans doute à le voter. Par ailleurs, le crédit d’impôt devrait être doublé et porté au plafond de 4 000 euros.

M. François de Rugy et M. André Chassaigne. Quand ?

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe SRC.

La parole est à M. Jérôme Cahuzac.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, ma question est relative à ce que, comme beaucoup d’autres, je crains être un véritable trou noir de la politique gouvernementale : les politiques menées en direction des retraités de l’agriculture.

Deux mesures ont été annoncées. La première, de 155 millions d’euros, fixe la retraite minimale à 633 euros pour l’exploitant et à 506 euros pour son conjoint – des niveaux qui placent ceux qui pourraient y accéder nettement en dessous du seuil de pauvreté. La seconde, à hauteur de 40 millions d’euros, est relative aux pensions de réversion. Ces mesures ne concerneront qu’un peu plus d’un agriculteur retraité sur dix, c’est-à-dire nettement moins de deux. C’est là tout l’effort que le Gouvernement semble prêt à fournir à l’intention de centaines de milliers de nos concitoyens qui ont travaillé toute leur vie et à qui nous devons une grande partie de l’indépendance alimentaire de notre pays et du succès de l’Europe dans ce secteur.

M. Germinal Peiro. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac. Ce trou noir, monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il en sortir, et quand ? Il est en effet impératif que les retraités de l’agriculture puissent enfin bénéficier de niveaux corrects de retraite.

Germinal Peiro, qui connaît parfaitement ces dossiers, vous a déjà interpellé sur le sujet. Je le fais à mon tour en vous posant cette question : comment le ministre de l’agriculture que vous êtes pourra-t-il convaincre le Gouvernement auquel vous appartenez de fournir un effort nettement plus important ? Vous avez déjà déclaré que tous les gouvernements y avaient travaillé. Permettez-moi de remarquer qu’il m’est arrivé de soutenir un gouvernement qui, sur une mandature, a fait cinq fois plus que ce que vous vous apprêtez à faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Première nouvelle !

M. Daniel Garrigue. Ce n’était pas financé !

M. Yves Censi. Vous avez la mémoire courte !

M. le président. Je vous prie d’écouter M. Cahuzac, monsieur Censi.

M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, j’ai bien compris votre réponse à M. Germinal Peiro, à savoir que l’absence de croissance rendait les choix difficiles. Ne croyez-vous donc pas opportun de revenir précisément sur certains des choix qui ont été effectués ? Je l’ai dit : chaque année, l’effort que vous ferez est bien moindre que celui que d’autres gouvernements ont pu faire – je le maintiens, monsieur Censi. Aussi ne vous paraît-il pas opportun de revenir sur le bouclier fiscal qui coûte 600 millions d’euros par an,…

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour les politiques de l’agriculture et le développement agricole et rural. Quel mélange des genres !

M. Jérôme Cahuzac. …lesquels pourraient utilement profiter aux retraités de l’agriculture : ils ne bénéficieront donc pas des mesures commandées par la dignité et que, vous et vos amis, vous aviez pourtant promis de prendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. André Chassaigne. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Comme nous avons peu de temps, je concentrerai ma réponse sur le sujet que vous avez évoqué et non sur la remise en cause des choix qui ont été faits à la suite de l’élection présidentielle. Je conçois que vous ne vous remettiez pas d’avoir perdu cette élection, mais on ne peut rouvrir de façon permanente le débat de politique économique. Personne ne saurait en effet reprocher au Président de la République d’avoir fait, après son élection, ce qu’il avait dit qu’il ferait. Ces choix, du reste, intéressent très largement les classes moyennes auxquelles vous devriez être plus attentif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Cahuzac. Connaissez-vous beaucoup de retraités qui sont concernés par le bouclier fiscal ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je reviens à l’agriculture, dont vous étiez sorti, monsieur Cahuzac.

Je ne saurais accepter que vous parliez d’un « trou noir ». Il y a une continuité entre les Premiers ministres, qui ont pris, chacun, à leur époque, des mesures en faveur des retraités. Cela a été le cas d’Alain Juppé, de Lionel Jospin,…

M. Jérôme Cahuzac. Jospin a fait cinq fois plus que vous !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. …de Jean-Pierre Raffarin et c’est aujourd'hui le cas de François Fillon qui, à l’occasion du salon du SPACE, a annoncé la revalorisation des petites retraites agricoles. Tout d’abord, je le répète, un montant minimum de retraite pour les agriculteurs à carrière incomplète sera créé, proportionnel à la durée de cotisation. Ce minimum s’élèvera à 633 euros par mois pour les chefs d’exploitation et pour les veuves, et à 503 euros pour les conjoints.

M. Jérôme Cahuzac. C’est en dessous du seuil de pauvreté !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Cette mesure bénéficiera à tous ceux dont les pensions, tous régimes confondus, ne dépassent pas 750 euros par mois. Le coût global de cette mesure s’élèvera à 155 millions d’euros, dont 116 millions dès 2009.

Si vous voulez que je reconnaisse que ces montants sont très faibles et souvent indignes, je le fais.

M. Jérôme Cahuzac. Plus que faibles !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Soyez toutefois un peu plus humble, monsieur Cahuzac, puisque c’est le résultat des politiques qui se sont succédé, dont celle que vous avez soutenue.

M. Jean-Paul Bacquet. On ne peut pas vivre avec cela !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Pour moi, ce n’est pas un sujet de polémique !

De plus, les veuves bénéficieront de la pension de réversion de la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par leur conjoint. Cette mesure prendra effet le 1er janvier 2010 et concernera 88 683 personnes, pour un coût total de 54,6 millions d’euros.

Voilà deux mesures d’équité. Je reconnais qu’elles sont insuffisantes, mais elles constituent des étapes supplémentaires. Nous nous efforcerons de continuer d’aller dans le sens de l’équité et de la dignité pour ces personnes âgées auxquelles nous sommes redevables de l’agriculture que nous connaissons.

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a déjà été dit, les filières d'élevage de notre pays sont en crise depuis plusieurs mois.

L'explosion du coût des matières premières s'ajoutant à des niveaux de prix déficients ou à des crises sanitaires, comme actuellement la fièvre catarrhale, fragilise bon nombre d'exploitations agricoles et suscite une grande inquiétude chez les éleveurs.

Certains producteurs cunicoles et ovins ont déjà dû cesser leurs activités. Les producteurs de porcs s'interrogent sur leur pérennité. Les aviculteurs doivent assurer leur renouvellement et moderniser leurs bâtiments d'élevage. Les éleveurs de bovins et les producteurs laitiers s'inquiètent du niveau des prix et de l'avenir de l'organisation et de la maîtrise de leur production.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, votre volonté de faire évoluer à partir de 2010 les modalités d'attribution des aides européennes en les transférant de manière significative vers les filières d'élevage. Concrètement et en termes d'échéancier, comment comptez-vous procéder et quels sont globalement les enjeux budgétaires et les grandes lignes de leurs modalités de répartition ?

En revanche, la situation dramatique de certains éleveurs exige qu’on réagisse dès cette fin d'année 2008 et toute l'année 2009, en vue d’assurer leur pérennité. Quelles sont les mesures que vous comptez prendre et leur répartition dans chaque filière ?

Vous avez également annoncé que vous utiliseriez des DPU dormants. Quel en serait le volume budgétaire et quelles modalités d'attribution comptez-vous proposer ?

Enfin, auriez-vous la volonté et la capacité de lancer une réflexion suivie d’une action d'envergure avec l'ensemble des organisations professionnelles agricoles en vue de redéfinir des concepts novateurs sur les modes et les volumes de production, pour les rendre compatibles avec les notions non seulement de développement durable et de respect de l'environnement, mais également d'aménagement du territoire et de l'espace rural, tout en y intégrant celles de rentabilité économique et d'acceptation sociale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur Grellier, j’évoquerai tout d’abord la filière cunicole qui, elle aussi, est confrontée à une crise grave. La production stagne depuis quelques années à 78 000 tonnes, et, si elle a progressé en 2007, on assiste à une baisse des abattages contrôlés de l’ordre de 16 % en août 2008 par rapport à l’année précédente. En 2008, j’ai accordé 1 million d’euros à la filière – 500 000 euros pour une aide aux entreprises d’abattage pénalisées par la vente des lapins congelés à un prix inférieur à celui habituellement constaté et 500 000 euros pour une aide aux organisations de producteurs actives dans le domaine de la commercialisation du lapin. La situation reste toutefois préoccupante. Un nouveau train de mesures devrait être engagé à l’occasion de la conférence des revenus que nous avons longuement évoquée depuis ce matin. Ce nouveau train pourrait s’articuler autour d’un dispositif du Fonds d’allégement des charges – le FAC –, pour ceux qui se sont modernisés en investissant et se trouvent aujourd'hui en grande difficulté, et d’un plan de communication vers les consommateurs en vue de relancer la consommation.

J’ai déjà longuement parlé de l’élevage ovin et vous confirme à la fois le diagnostic que j’ai fait dès mon arrivée au Gouvernement et le souci que j’ai eu d’y remédier concrètement par des plans conjoncturels – 15 millions l’année dernière et 17 millions en 2008. Cela n’étant pas suffisant pour 2009, je mobiliserai les DPU dormants pour 25 millions d’euros, somme qui restera encore insuffisante. J’essaierai de compléter aux plans européen et national ce soutien afin que les éleveurs ovins tiennent le coup jusqu’en 2010.

Cela me permet de rappeler le calendrier. Nous sommes, dans le bilan de santé de la PAC, au terme d’une longue négociation que j’ai conduite depuis dix-huit mois et que j’espère conclure les 19 et 20 novembre prochains en concertation avec le Parlement européen et la Commission européenne. Cette négociation difficile porte notamment sur la modulation, les quotas laitiers ou l’article 68, sujets sur lesquels il y a de nombreux désaccords entre les États membres.

Par-delà cet accord que j’espère construire le 19 novembre, nous devrons, nous Français, au cours du premier semestre 2009, déterminer en concertation avec les organisations agricoles et les élus l’emploi de ces outils. À quels ajustements procéder ? Où mettre le curseur ? Sur qui prélever et à qui attribuer les soutiens supplémentaires ? Comment financer le système de gestion de crise que j’ai évoqué ce matin ? Je vous retrouverai après ce débat national qui, je le rappelle, durera six mois et devra être transparent. Les mesures décidées prendront effet au 1er janvier 2010. Tel est, je le répète, le calendrier. Nous ne pouvons pas aller plus vite, mais le rythme est relativement soutenu.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Ma question, monsieur le ministre, sera double.

La première concerne l'avenir de l'enseignement technique agricole. Hier, lors de l'examen de la mission « Enseignement scolaire », je n'ai pu obtenir les réponses que j'attendais. C'est la raison pour laquelle j’interviens de nouveau sur le sujet aujourd'hui.

Cet enseignement offre aux jeunes de notre pays l'une des meilleures formations ainsi que de nombreux débouchés. Cette filière a fait ses preuves en proposant des formations qui répondent aussi bien aux besoins des entreprises qu'à la volonté de certains élèves d'apprendre en dehors du cadre de l'enseignement général.

Or nous constatons une réduction des moyens de l'enseignement agricole avec une diminution de 3 % de la dotation globale horaire pour cette année scolaire ainsi que pour les quatre années suivantes. À cela s’ajoute la réforme de la voie professionnelle, avec la généralisation des bacs professionnels en trois ans.

Pour la seule région Midi-Pyrénées, l'enseignement agricole compte quarante et un établissements publics et privés et plus de 10 000 élèves.

Monsieur le ministre, quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour permettre à l'enseignement agricole de remplir pleinement et dignement sa mission ?

Ma seconde question porte sur un problème cruellement ressenti dans la région et le département dont je suis l’élue : les conséquences du désengagement de l'État, tant en matière d'agriculture que d’agroalimentaire.

J'évoquerai plus particulièrement la situation difficile de l'élevage. Les éleveurs sont à la fois confrontés à la faible rémunération de leur travail et à la forte augmentation de leurs coûts de production, notamment en alimentation animale. Cette situation est aggravée par les effets d'une double épizootie de fièvre catarrhale se traduisant, cette année, par une double période de quarantaine pour les animaux voués à l'exportation, débouché économique traditionnel du département de l'Aveyron.

À titre d'exemple, le revenu des producteurs d'ovins allaitants a diminué de 32 % en 2006 et 2007. Le troupeau ovin de Midi-Pyrénées a considérablement régressé. Le revenu des agriculteurs d’Aveyron, pays d'élevage, a baissé de 27 %, alors qu'il a progressé, toutes productions confondues, au plan national en 2007.

C'est donc toute l'économie agricole de mon département qui est remise en cause.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour faire cesser la régression de ce troupeau et enrayer la baisse du revenu des éleveurs ? Enfin, les productions à l'herbe, vous le savez bien, sont les grandes oubliées de la PAC : dans le cadre de sa renégociation, quelles mesures défendrez-vous en la matière?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Madame la députée, vous évoquez deux sujets importants.

En ce qui concerne l’enseignement technique, doté de 1, 255 milliard d’euros en 2009 – plus 8 millions par rapport à 2008 –, il augmente sur la période. Comme je l’ai rappelé ce matin, j’ai le souci de préserver les moyens de l’enseignement public : c’est pourquoi ils augmentent pour conforter le soutien pédagogique, notamment les assistants d’éducation. Par ailleurs les investissements ne sont oubliés ni dans les collectivités d’outre-mer ni en métropole pour les établissements de l’État.

L’enseignement technique comprend également des établissements privés, dont les moyens seront revalorisés de manière significative – je le rappelle : plus 10 millions d’euros par an pour le temps plein et 3 millions pour le rythme approprié.

Enfin, les bourses attribuées sur critères sociaux bénéficient d’un nouvel effort, à l’occasion de la réforme du dispositif avec, en particulier, la création de bourses au mérite dotées d’un crédit de 1 million d’euros.

À propos de la FCO, personne, madame Marcel, ne peut contester la réactivité et le sens des responsabilités dont nous avons fait preuve – et je ne m’en attribue pas le seul mérite, car il revient à tous mes services, en particulier à la direction générale de l’alimentation, aux services vétérinaires, mais aussi aux vétérinaires libéraux, aux dirigeants professionnels agricoles.

Je suis arrivé au Gouvernement il y a plus de dix-huit mois et me suis trouvé confronté au sérotype n° 8 que personne ne connaissait. Apparu aux Pays-Bas, il s’est répandu dans douze pays plus au sud et se diffuse désormais dans l’Europe de l’Est. Comme il n’existait pas de vaccin, j’ai pris le risque de pousser les feux pour que les laboratoires en trouvent, puis en fabriquent un. Nous avons annoncé une vaccination de 40 millions de doses. Aujourd’hui, je lance des appels d’offres pour une nouvelle vaccination contre le sérotype n° 1 qui se répand, lui, à partir de l’Espagne. Notre efficacité est indéniable. Ainsi, nous avons mobilisé près de 165 millions d’euros de crédits nationaux et européens, et la Commission européenne vient d’ajouter 100 millions d’euros la semaine dernière pour la campagne de vaccination de 2009.

En ce qui concerne les mouvements d’animaux, madame Marcel, il s’agit d’un problème spécifique à votre département et même à toute votre région. Les mouvements dont vous parlez concernent l’exportation d’animaux vers l’Italie ou vers l’Espagne, ce qui me conduit à discuter, à négocier avec mes homologues de ces pays, mais aussi avec, si possible, nos autres partenaires européens.

Pour être précis, mon directeur de cabinet négociera encore lundi matin auprès de la Commission européenne. Une proposition de règlement devrait permettre de réduire sensiblement la période pendant laquelle on peut exporter après la deuxième vaccination. Nous allons essayer de réduire la période actuelle de 90 jours, qui est fort longue. Une réunion du comité spécialisé européen se tiendra le 11 novembre prochain ; nous en suivrons les développements de très près et j’espère que nous obtiendrons satisfaction. Je vais m’efforcer de convaincre mes homologues. Bref, nous négocions sur ces sujets, car nous ne sommes pas seuls, et l’on n’exporte pas des animaux vers un pays sans satisfaire aux conditions qu’il exige.

Je m’efforce d’obtenir les meilleures conditions de sécurité sanitaire et de flexibilité pour ces exportations. En attendant, nous avons mis en place certaines aides, notamment à la repousse et au soutien économique pour accompagner les éleveurs.

M. le président. Nous revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Je souhaite faire écho à ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, et souligner que les députés du groupe UMP sont tout à fait conscients des difficultés que vous pouvez rencontrer dans des situations particulièrement difficiles, comme le traitement de la FCO, ainsi que de tous vos efforts en faveur de l’agriculture de montagne.

Ma question concerne la filière laitière. Les prix du lait payé aux producteurs recommencent sérieusement à baisser. Dans mon département, la Lozère, on annonce ainsi, pour le quatrième trimestre 2008, une diminution de 40 à 70 euros pour 1 000 litres, et les industriels demandent une baisse de 100 à 120 euros par tonne pour le premier trimestre 2009. La situation n’est pas tenable au moment même où les recommandations de l’interprofession ont été dénoncées par la DGCCRF.

Prévu à l’article 68, le principe d’une aide supplémentaire accordée aux producteurs de montagne pour combattre les effets de la disparition progressive des quotas est retenu par la France dans le cadre du bilan de santé de la PAC, sans que ses modalités soient définies. Les professionnels avancent des montants variant de 20 à 40 euros pour 1 000 litres, plafonnés ou non. Il conviendrait peut-être de retenir le principe d’une proportionnalité de l’aide à la production effective, car c’est bien la production qui importe.

Cette aide rappellerait l’ancienne aide à la collecte qui a longtemps permis de compenser le surcoût supporté par les ramasseurs de lait, et que la Commission a condamnée. La question, en effet, est celle de la collecte et de la transformation : si une aide supplémentaire pouvait être accordée, elle devrait être essentiellement consacrée à la restructuration de la filière aval.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. La question du prix du lait est actuellement très sensible et difficile – je fais également écho à une préoccupation exprimée par le vice-président Le Fur. Nous avions un cadre de référence. Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles une décision du ministère des finances a contribué à faire évoluer la situation. Je me suis attaché, avec Mme Lagarde et M. Chatel, à recréer ce cadre de référence national que je souhaite consolider – peut-être par le biais d’un amendement – pour bien souligner la responsabilité centrale de l’interprofession. Nous en discuterons ultérieurement.

C’est dans ce cadre qu’ont lieu les négociations entre producteurs et industriels. Après la suspension des négociations hier soir, je fais appel à la responsabilité de chacune des parties pour, dans le cadre qui a été fixé et en comptant sur le sens des responsabilités de l’interprofession, trouver le juste prix, c’est-à-dire un prix qui tienne compte d’un marché difficile, qui s’est même retourné. Mais les producteurs de lait ont besoin d’un prix équitable et rémunérateur. Voilà l’appel que je lance aux parties.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Ma question porte sur le bilan de santé de la PAC et les outils de régulation des marchés. J’élargirai néanmoins mon propos afin que vous n’ayez pas à reprendre exactement, monsieur le ministre, les termes de l’excellente réponse que vous avez faite sur le même sujet à notre collègue Chassaigne.

Je souhaitais relayer les préoccupations des agriculteurs de mon département de la Meuse qui profitent certes de la libéralisation des échanges internationaux, comme l’ensemble des exploitants agricoles de notre pays, mais qui s’inquiètent de la suppression de certains outils de régulation des marchés.

Le basculement vers un régime d’assurance récolte et d’assurance revenu paraît en effet préjudiciable à la filière agricole française qui, pour lutter contre l’extrême volatilité des prix, a également besoin de l’intervention régulatrice de l’État et de l’Union européenne.

Par ailleurs, tout en adhérant aux nouveaux enjeux environnementaux mis en perspective par le Grenelle de l’environnement, les agriculteurs demandent que le transfert des aides du premier pilier de la PAC vers le second pilier soit reconsidéré et rééquilibré, afin d’éviter une trop forte baisse de leurs revenus. En effet, le revenu disponible de la « ferme Meuse » – 100 millions d’euros – est équivalent au montant des aides compensatoires perçues par les agriculteurs. Le transfert sera donc lourd pour les exploitants meusiens.

À quelques jours d’importantes décisions au niveau européen, je souhaiterais connaître, monsieur le ministre, les mesures envisagées par notre pays et par ses partenaires pour préserver l’excellence et la puissance de notre filière agricole.

Permettez-moi enfin d’insister sur la nécessité d’éclairer les exploitants agricoles, notamment les jeunes, sur le modèle économique sur lequel ils pourront s’appuyer au cours des prochaines décennies. S’il s’agit d’un modèle de libre-échange sur la base de prix rémunérateurs, il faut le leur dire clairement et libérer les contraintes. S’il s’agit au contraire d’un système de protection généralisée, il faut leur donner des garanties très fortes sur une longue période.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Votre question, monsieur Pancher, porte sur la négociation en cours. J’en profite pour souligner, mesdames et messieurs les députés que, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, je vous tiens tous, par courriel, très régulièrement informés – chaque mois –, le soir même du conseil des ministres auquel je participe et que je préside en ce moment, de ce que je viens de décider ou des orientations sur lesquelles nous avons travaillé avec mes homologues.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. J’entends continuer ce travail de transparence et d’information puisque vous êtes concernés, notamment par les décisions que nous devrons prendre au cours du premier semestre 2009 avec la boîte à outils sur laquelle nous allons probablement nous mettre d’accord le 19 ou le 20 novembre.

J’évoquerai de manière télégraphique les sujets que vous avez abordés. À propos des outils d’intervention, la Commission européenne voulait, dans un premier temps, tout supprimer, déréguler, le libre marché devant constituer, si je puis dire, la seule règle. Je ne crois pas à ce principe : je pense que, en matière agricole et alimentaire, nous avons besoin d’outils d’intervention, de régulation, même si nous ne les utilisons pas. Conservons-les, en effet, car nous avons affaire à l’alimentation, non à des automobiles ou à des ordinateurs. Nous nous battons donc pour garder une panoplie d’outils d’intervention. Cela reste un sujet difficile entre la Commission européenne et nous.

En ce qui concerne la modulation, la Commission souhaite un transfert à hauteur de 2 % par an, du premier pilier qui représente 9 milliards d’euros pour la France, vers le second pilier qui, lui, représente un seul milliard. Le premier pilier est composé en totalité de crédits européens, tandis que le second se caractérise par un co-financement obligatoire. Entre l’absence de modulation et les 8 % que souhaite la Commission, il va falloir trouver un compromis aux alentours de 4 ou 5 %. Peut-être sera-t-il facilité par le fait que l’argent qui sera transféré dans le second pilier pourrait être utilisé de manière plus souple – je pense à l’accompagnement de la production laitière, messieurs Chassaigne et Morel-A-L’Huissier – et peut-être avec un taux de co-financement national non de 50 %, mais qui soit plus faible. Je m’efforce donc d’obtenir ces assouplissements de la part de mes homologues de la Commission. Nous allons sans doute obtenir satisfaction, ce qui nous permettra peut-être de voir la modulation sous un autre jour.

Voilà les deux points sur lesquels nous avons encore beaucoup de travail d’ici au 19 novembre.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre, ma question concerne les prêts à moyen terme spéciaux pour les coopératives d’utilisation de matériel agricole, les MTS-CUMA. Grâce à l’arrêté du 11 avril 2007 qui a introduit des conditions financières favorables aux CUMA en abaissant les taux réglementaires, vous avez réaffirmé votre attachement au développement des équipements collectifs tels qu’ils sont promus par les CUMA. En juillet 2008, après deux années difficiles, car les enveloppes qui leur sont allouées n’ont pas pu couvrir tous les besoins, les prêts bonifiés ont été maintenus pour la période 2008-2011.

Malheureusement, le montant de l’enveloppe de 3 millions d’euros par an prévu par votre budget ne permettra pas de répondre aux besoins réels. Je connais, monsieur le ministre, vos contraintes budgétaires, mais, pour répondre aux attentes des CUMA, une enveloppe de 7 millions d’euros serait nécessaire.

Dans mon département de la Mayenne, quatre exploitations sur cinq adhèrent à une CUMA. Tous les agriculteurs n’ont pas accès aux mêmes conditions de financement de leurs matériels et les CUMA, en leur proposant des taux très attractifs, leur donnent la possibilité d’investir, ce qui constitue un avantage face à l’incertitude des prix et des revenus. Les CUMA permettent aux agriculteurs, de façon très efficace, de maîtriser les coûts de revient et, par conséquent, d’améliorer leur revenu.

Grâce aux CUMA, les jeunes agriculteurs accèdent à un parc de matériels performants à moindre coût, et cette organisation améliore leurs conditions de travail. Aussi, compte tenu des conséquences qu’aurait un manque de crédits, d’une part pour les exploitants agricoles, dont les demandes de prêts resteront en attente et, d’autre part, pour l’avenir des CUMA, qui sont de véritables coopératives de proximité et acteurs de territoire, quels moyens budgétaires comptez-vous mettre en œuvre en 2009 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Votre question, monsieur Favennec, prolonge celle de M. Huet. J’ai indiqué que votre rapporteur spécial, Nicolas Forissier, m’avait déjà interrogé à ce sujet lors de l’examen préalable du budget. Je rappelle donc que les prêts de modernisation ne comptent plus que le seul dispositif des prêts à moyen terme spéciaux aux coopératives d’utilisation de matériel agricole. Ce dispositif a été arrêté en 2008 à l’exception de la régularisation de quelques dossiers déposés auparavant.

En 2009, des taux de 4 % seront donc appliqués dans les zones de plaine et de 3 % dans les autres, pour optimiser l’enveloppe d’autorisations d’engagement de 3 millions d’euros, dont je conviens qu’elle n’est pas à la hauteur de ce qui était souhaité. Voilà pourquoi, monsieur Favennec, même si l’on n’atteint pas les sommes que vous avez évoquées ou qui sont mentionnées par la fédération nationale des CUMA, le Gouvernement sera favorable à un amendement que votre rapporteur spécial, M. Forissier, a prévu de défendre et qui vise à porter ce budget au-delà des 3 millions d’euros que je viens d’évoquer.

M. le président. Nous venons à une dernière question du groupe GDR.

La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. J’ai été contraint de quitter la réunion de la commission élargie sur l’emploi où je représente le groupe GDR, pour venir poser ma question.

Monsieur le ministre, la presse en a fait ses gros titres : « Picardie, les producteurs laitiers en colère. » La situation est en effet très difficile pour eux, en particulier pour les jeunes. En Picardie, l’agriculture est pour une bonne part composée de très grandes surfaces cultivées par les céréaliers et les betteraviers, mais, contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas que cela.

Ce sont plus de vingt mille jeunes ou moins jeunes qui, sur des surfaces de trente à trente-cinq hectares, n’ont pour seul revenu que celui du lait, qui ne leur permet même pas, malgré un travail énorme, d’atteindre le SMIC. J’ai rencontré ces jeunes agriculteurs, volontaires et talentueux. Tous disent que, si le prix du lait et les quotas laitiers ne sont pas réévalués, ils sont morts.

Je me fais ici le porte-parole de ces agriculteurs, qui n’arrivent plus à transmettre leurs exploitations, car, pour s’installer aujourd’hui, il faut vraiment en vouloir. Il faut donc les aider, d’autant qu’ils ne demandent pas de subventions mais des prix qui rémunèrent justement leur travail et leurs produits. Il en va de notre sécurité alimentaire mais aussi de l’avenir de l’agriculture en Picardie.

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Vous le dites fort bien, monsieur Gremetz, avec toutes ses astreintes, l’élevage laitier est l’un des métiers les plus durs de la production agricole – j’en sais quelque chose, pour avoir été pendant près de vingt ans élu dans une région d’économie laitière. Ces hommes et ces femmes méritent avant tout notre respect, et l’augmentation des prix que nous avons connue l’an dernier et qui a permis une meilleure rémunération de leur travail était une bonne nouvelle.

Le marché du lait est très volatile, ce qui me pousse à être extrêmement réservé sur la question des quotas. Nous devons veiller aux risques de surproduction. Dans la conjoncture présente, j’ai donné un signal clair sur les respect des quotas actuels. Il m’a semblé que l’offre devait être maîtrisée pour éviter un effondrement des prix, et j’ai donc rappelé que des pénalités seraient appliquées en cas de dépassement des quotas individuels par les producteurs.

Sans revenir sur le passé, je me suis attaché à recréer les conditions de la confiance, pour que le Comité national de l’industrie et de l’économie laitière puisse mener les discussions interprofessionnelles d’un cadre sécurisé. Aujourd’hui, c’est dans ce cadre que producteurs et industriels discutent – difficilement, il est vrai, compte tenu du retournement du marché. Chacun doit faire des efforts, mais je souhaite que les producteurs de lait puissent, pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur Gremetz, être payés à un juste prix. Je fais appel à la responsabilité de chacun pour que les discussion en cours aboutissent dans les jours qui viennent.

Nous devons enfin, au-delà des mesures conjoncturelles, anticiper sur les prochaines années. Comme je le disais à M. Chassaigne, nous devons accompagner l’économie laitière. Je veillerai ainsi, dans les deux piliers de la PAC et en usant éventuellement pour cela d’une partie des crédits de la modulation, à trouver, à partir de 2010, les moyens d’accompagner financièrement la production laitière dans les zones fragiles et les zones de montagnes.

Telles sont les orientations structurelles et conjoncturelles que soutient le Gouvernement.

M. le président. Nous en revenons au groupe socialiste pour une série de trois questions.

La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le ministre, vous le savez, l’élevage ovin va mal. Alors qu’en 1979, il comptait près de 13 millions de têtes, il n’en comptait plus en 2007 que 8,3 millions, soit une baise de 36 %, baisse qui s’est d’ailleurs accélérée au cours des trois dernières années, avec une perte de 600 000 têtes, soit 7 % du troupeau.

C’est aujourd’hui la recrudescence de la fièvre catarrhale ovine qui provoque mortalité, avortements, infertilité et maladies, et crée chez les éleveurs un sentiment profond d’inquiétude pour leurs troupeaux, leur production et leurs revenus.

Dans le cadre de la PAC, la production ovine ne bénéficie pas de compensations suffisantes ; non seulement elle est confrontée à de vrais problèmes de revenus depuis deux ans, mais elle ne couvre que 40 % de nos besoins.

Le maintien des brebis sur tout le territoire constitue pourtant un atout majeur pour la valorisation des paysages, l’entretien de l’espace et le dynamisme économique et social de nos campagnes. Or, si rien n’est fait, brebis et agneaux vont progressivement disparaître de nos territoires ruraux.

Monsieur le ministre, les moutonniers sont en colère et mobilisés. De Clermont-Ferrand à Paris le 13 novembre prochain, en passant par Limoges, Toulouse, Valence ou Marseille, ils ont manifesté leur désespoir. Ils ont le sentiment d’avoir été oubliés dans les négociations européennes précédentes et veulent être entendus dans le cadre du bilan de santé de la PAC en 2010.

Ils demandent à bénéficier d’un niveau d’aides équivalent à celui accordé à l’élevage bovin, soit une prime à la brebis de 37,50 euros. Pour 2009, ils réclament, sous forme d’une aide d’urgence, un complément de 160 millions d’euros, alors que dans votre budget ne sont inscrits que 30 millions supplémentaires.

Les solutions avancées, comme l’activation des DPU dormants ou le redéploiement de 10 % des paiements non utilisés grâce à l’article 68, outre qu’elles doivent être validées par la Commission européenne, risquent d’être insuffisantes, voire impossibles à mettre en œuvre.

Conscient de la gravité de la situation, vous avez, monsieur le ministre, lancé à Limoges, en octobre dernier, en compagnie de quatre autres ministres de l’agriculture, un appel à bâtir une réponse européenne. Cet appel sera-t-il entendu, et pourrez-vous, en 2009, mobiliser les moyens nécessaires au sauvetage de cette production ?

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Après Nicolas Forissier et bien d’autres, vous m’alertez, monsieur Chanteguet, sur la situation de l’élevage ovin. C’est encore une fois un élevage que je connais bien, sans doute l’une des filières les plus en difficulté aujourd’hui, et ce – je le dis comme je le pense – parce qu’elle a été traitée de manière inéquitable par la PAC.

Nous faisons face avec des mesures conjoncturelles de soutien, et pas uniquement des mots. Nous avons mobilisé 15 millions d’euros l’année dernière et 17 millions cette année, sans parler des mesures liées à la fièvre catarrhale ovine. Je vais mobiliser les DPU dormants. Cela ne suffira sans doute pas, et nous essayerons, avec l’appui du Premier ministre, de trouver dans le budget national et dans le budget européen des moyens complémentaires pour permettre à cet élevage de tenir le coup jusqu’en 2010, date à laquelle seront mises en œuvre les mesures de réorientation. J’entends faire de l’élevage ovin l’une des premières cibles de cette réorientation des aides de la PAC dans le premier pilier, et de manière significative pour que cet élevage retrouve un horizon de confiance.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le ministre, la France compte un peu moins de deux millions de retraités de l’agriculture. La situation d’urgence et de précarité de cette catégorie de retraités a beau être connue de tous, il faut encore la rappeler tant les chiffres sont éloquents : la grande majorité des retraités agricoles touche entre 170 et 700 euros par mois ; plus de la moitié des agriculteurs à la retraite perçoivent des pensions inférieures à 500 euros, et ils sont 70 % à percevoir moins de 630 euros ; la moyenne des retraites agricoles se situe autour de 370 euros par mois – ce qui est bien loin du SMIC, du minimum vieillesse ou du seuil de pauvreté ; 90 % des couples d’anciens exploitants agricoles touchent entre 800 et 850 euros par mois. À cela s’ajoutent enfin les quelque 15 000 femmes d’exploitants qui ne touchent, elles, aucune pension. Si ce constat est déjà, en lui-même, un véritable scandale, on comprend encore mieux la colère des retraités agricoles quand on se souvient des promesses du Président de la République lorsqu’il était encore candidat.

Les revendications des retraités de l’agriculture sont donc justes, honnêtes et parfaitement légitimes puisque, après avoir permis à notre agriculture d’être la plus performante du monde, ils se battent aujourd’hui pour que leurs retraites soient portées à 85 % du SMIC brut, pour que les pensions de réversion passent de 54 à 60 %, pour une revalorisation de 5 % par an pendant cinq ans et, enfin, pour que la retraite des conjointes et des veuves rejoigne le minimum vieillesse de 628 euros.

Des mesures ont certes été annoncées le 9 septembre dernier par vous-même, monsieur le ministre, mais le compte n’y est pas, et toutes ne sont pas entrées en vigueur. Précisons en outre que deux de ces mesures étaient déjà amorcées depuis janvier 2007 par le gouvernement précédent, à savoir la suppression des pénalités pour années manquantes et l’abaissement du nombre d’années de carrière non salariée agricole.

Bien sûr, ces mesures, même insuffisantes, apporteront une amélioration toujours appréciable pour les bénéficiaires concernés, mais sur la base de pensions agricoles calamiteuses ! Elles demeurent donc marginales, encore trop éloignées des attentes légitimes des retraités agricoles et ne suffiront pas à faire cesser le scandale des retraites agricoles qui, plus que jamais, perdure dans notre pays.

Monsieur le ministre, quand serez-vous en mesure de satisfaire ces revendications ? Comment entendez-vous faire progresser au plus vite le pouvoir d’achat des retraités agricoles, pouvoir d’achat qui ne cesse de reculer dans le contexte de crise actuel ?

Puisque le nombre d’agriculteurs en activité est en nette diminution, pourquoi ne pas envisager un nouveau mode de financement des pensions agricoles, qui passerait par un prélèvement sur les bénéfices des groupes de l’agro-alimentaire, du Crédit agricole ou encore des grandes coopératives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Vous avez plein d’idées, madame Orliac, que je ne vous ai pourtant pas vu, ni vous ni vos amis, mettre en œuvre lorsque vous étiez au Gouvernement. Je suis néanmoins d’accord avec vous sur un point : les demandes des retraités sont justes et honnêtes.

Alain Juppé, Lionel Jospin, Jean-Pierre Raffarin et aujourd’hui François Fillon, les Premiers ministres successifs ont tenté d’apporter des réponses à ce problème. Lionel Jospin, par exemple, a pris des décisions, et le gouvernement suivant les a mises en œuvre.

M. Michel Vergnier. C’est normal, monsieur le ministre, personne ne connaît le résultat des élections avant qu’elles n’aient eu lieu !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Quoi qu’il en soit, même s’ils ne sont pas suffisants, des efforts ont été accomplis ces quinze dernières années, et nous devons aborder cette question sans démagogie, dans la transparence et en faisant preuve d’humilité au vu des progrès qui restent à faire.

Le Président de la République tiendra les engagements qu’il a pris, sur la durée de son quinquennat. J’ai moi-même mis en place un groupe de travail qui a réuni toutes les organisations professionnelles et les principales associations de retraités agricoles. Dans la mesure où toutes les questions ne peuvent être réglées dans l’immédiat, nous avons dégagé des priorités et arbitré notamment en faveur des plus petites retraites et des pensions allouées aux veuves ou aux conjoints. Ces mesures ont été annoncées par le Premier ministre et leur financement est inscrit dans le budget pour 2009. Voilà, madame Orliac, une bonne raison de le voter, si vous souhaitez qu’elles puissent être mises en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Gaubert. C’est du chantage !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Monsieur le ministre, si je m’adresse à vous aujourd’hui, peut-être en marge du budget de l’agriculture, c’est pour vous faire part de ma détresse face aux mesures qui menacent nos filières viticoles et ce, dans un contexte prohibitionniste sur la consommation des produits viticoles.

Ma première inquiétude concerne l’augmentation des taxes. Le cognac, par exemple, va être doublement touché par les modifications votées lors du PLFSS, avec l’augmentation de deux taxes indexées sur l’indice des prix à la consommation, notamment la vignette sécurité sociale qui augmente de 23 % et ne touche que les petits producteurs, vendeurs directs qui n’exportent pas.

Je m’inquiète également de l’interdiction de la dégustation gratuite de produits alcooliques dans les salons, les foires mais aussi les chais ou les caves. Attachées à promouvoir une consommation modérée et qualitative, les filières doivent pouvoir faire découvrir leurs produits, sans quoi c’est la mort assurée pour tout un secteur économique majeur de notre pays.

Troisième inquiétude : il est question d'interdire la vente d'alcool dans les stations-service. Sachez que dans nos campagnes, les stations-service font souvent office d’épicerie de quartier, et qu’elles proposent souvent nos produits régionaux.

S'il faut désormais considérer que l'achat d'alcool doit être interdit dès qu'il concerne un automobiliste, ne va-t-on pas interdire l'achat d'une bouteille à celui qui se rend en voiture au supermarché ?

Quatrième inquiétude : le flou concernant la publicité sur internet, média indispensable pour les petits viticulteurs. Je sais que vous partagez ce point de vue.

Tous ces projets sont symptomatiques d'une dérive prohibitionniste qui ne résoudra pas le problème des comportements à risque, et ne servira qu'à priver de points de vente les consommateurs modérés et les touristes.

N'oubliez pas que la France reste le premier producteur mondial de vins et spiritueux et qu'elle compte 144 000 exploitations viticoles ! N’oubliez pas que le solde du commerce extérieur des vins et spiritueux est le plus important du secteur agro-alimentaire, que la filière viticole compte 239 000 actifs permanents – sans oublier les nombreux saisonniers – et que l'œnotourisme représente également un potentiel d'emploi qu'il ne faut pas négliger !

Allons-nous un jour interdire les voitures sous prétexte qu'il y a des chauffards, qu’il y a tous les jours des accidents et des morts ?

Toutes ces mesures sont prises alors que votre ministère est incapable de soutenir la promotion de nos produits à l'étranger. En effet, l'État s'est désengagé : il n’est plus actionnaire de la SOPEXA. À l'heure de la crise économique et financière, il est dommage de ne pas protéger les fleurons de notre économie !

Monsieur le ministre, les viticulteurs attendent que vous preniez leur défense !

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Madame Quéré, les viticulteurs savent que je les ai défendus pour obtenir une organisation commune du marché du vin qui n’aille pas vers la déréglementation générale et la suppression des droits de plantation. Nous sommes parvenus à le faire au niveau européen.

Ils savent que je les ai défendus en travaillant avec eux à un plan de modernisation de la viticulture.

Ils savent que je défends chacun de nos vignobles lorsqu’il y a des graves crises – c’est le cas dans certains vignobles du Sud – et pas seulement en dégageant tous les moyens conjoncturels pour les aider.

Ils savent que je les ai défendus dans des débats budgétaires précédents, notamment sur le sujet des boissons alcoolisées lors de la discussion du PLFSS, et sur l’indexation sur l’inflation des droits sur les alcools à partir du 1er janvier 2009, après un arbitrage de M. le Premier ministre. Je me suis fait l’écho des craintes des milieux professionnels, et nous sommes parvenus à modifier l’hypothèse initiale d’un rattrapage depuis la dernière modification des taux – il y a vingt-cinq ans en ce qui concerne le vin, ce qui aurait été insupportable.

Les viticulteurs savent que je les défends sur la question d’internet : la loi Evin doit vivre avec son temps ! Nous respectons l’esprit de cette loi, mais – Claude Evin lui-même a reconnu – il est nécessaire de l’adapter. Il faut toutefois adopter une position raisonnable.

Les viticulteurs savent que je défends l’exportation de nos vins, car j’y crois ! J’étais il y a peu à Hong Kong, où j’ai signé un accord sur l’œnotourisme et la culture du vin avec les autorités de Hong Kong, qui veulent acquérir une importance régionale dans ce domaine. Depuis la suppression des droits sur le vin à l’importation, les exportations françaises à Hong Kong ont augmenté de 70 % !

Cela nous ramène à la question d’internet : on ne peut pas discuter avec l’Asie, lui vendre nos vins et nous trouver en concurrence avec les vins d’Amérique latine, d’Afrique du sud ou d’Australie, sans utiliser internet ! C’est pourquoi Mme Bachelot et moi-même sommes arrivés à un accord, qui fera l’objet d’un amendement.

Je suis aussi attentif à ce que toutes les mesures qui visent à maîtriser la consommation d’alcool par les jeunes ne pénalisent pas des activités ordinaires, traditionnelles, authentiques, comme les dégustations dans les foires ou les manifestations agricoles. Limiter la boisson dans les open bars est une chose, interdire les dégustations en est une autre ! Comptez sur moi : je continuerai à le dire.

M. le président. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Jean-Marie Morisset.

M. Jean-Marie Morisset. Je souhaite évoquer le projet de révision des zones défavorisées, qui concernera de nombreux départements, et tout particulièrement ceux de Poitou-Charentes.

Comme vous le savez, le classement des territoires en zones défavorisées permet aux agriculteurs de bénéficier d'une majoration de la dotation d'installation aux jeunes agriculteurs, de bonifications supplémentaires sur les prêts, de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels pour les éleveurs ovins, caprins et bovins et de la prime supplémentaire pour les éleveurs ovins.

Aujourd’hui, plus de 65 % du territoire du département des Deux-Sèvres sont classés en zone défavorisée simple, ce qui permet aux éleveurs de bénéficier d'une enveloppe globale de plus de 5 millions d'euros.

Vous le savez, une renégociation des contours des zones défavorisées simples est en cours au niveau européen. Elle doit entrer en vigueur le 1er janvier 2010. Le nouveau zonage doit être défini uniquement selon des critères physiques, et non plus sur des critères socio-économiques comme lors du dernier classement, en 1989.

Or, une première cartographie élaborée selon les critères de sol proposés par la Commission européenne entraînerait pour le département des Deux-Sèvres la quasi-disparition des zones défavorisés. Seuls 10 % du territoire conserveraient ce statut.

Un tel scénario est difficilement envisageable. À l'heure où le monde agricole vit de grandes évolutions et où le secteur de l'élevage est touché par des crises à répétition, faire perdre au département des Deux-Sèvres le statut de zone défavorisée simple ne pourra qu’engendrer de nouvelles difficultés et remettre en cause la pérennité des exploitations d'élevage.

Je songe ici tout particulièrement à la filière ovine. Vous avez évoqué à plusieurs reprises votre souhait d'aider cette filière, actuellement en grande difficulté. Vos déclarations concernant le soutien volontariste au dossier des ovins sont encourageantes. Mais il ne faudrait pas que les nouvelles aides que vous envisagez sur les crédits non utilisés du deuxième pilier de la PAC soient compromises, et compensées par la suppression de la prime supplémentaire actuellement accordée au titre des zones défavorisées.

Il est donc nécessaire de maintenir une zone défavorisée simple la plus large possible et d’envisager des critères qui ne soient pas uniquement physiques pour que demeurent classées comme zones défavorisées simples les surfaces les plus vastes possible : pourquoi ne pas tenir compte de l'aspect bocager, du morcellement parcellaire, des zones d'élevage ?

Ce dossier est d'actualité pour les territoires concernés et les exploitations qui seraient ainsi écartées. Je me permets de vous solliciter pour connaître l’avancement de ce dossier, les propositions que vous pensez faire à la Commission européenne et le planning retenu. Je me permets aussi de vous demander s'il est dans votre intention de trouver des compensations pour les agriculteurs qui seraient exclus du dispositif.

Il en va du maintien du tissu rural, de l'emploi et de l'aménagement de nos territoires.

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. C’est un sujet que je suis avec beaucoup de vigilance. Le projet de révision des zones défavorisées simples se situe dans le cadre de la PAC et vise à répondre aux observations de la Cour des comptes européenne : dans son rapport du 27 juin 2003, celle-ci soulignait que l’éventail d’indicateurs utilisés par les États pour déterminer ces zones était largement dépendant de priorités nationales et pointait ainsi un risque important de disparité de traitement entre les bénéficiaires.

L’objectif est de mettre en place le nouveau zonage en 2010, sous réserve d’un acte en ce sens du Conseil européen. Depuis le mois de novembre 2007, la Commission a organisé de nombreuses réunions d’experts pour discuter des nouveaux critères de délimitation de ces zones défavorisées ; mes services ont participé très activement à ce processus.

Les simulations montraient jusqu’à présent que l’application de critères et le classement en zones affectées de handicaps spécifiques permettraient de conserver 90 % des bénéficiaires de l’ICHN. Lors de mes derniers échanges avec la Commission, la nécessité de mettre en place un dispositif de sortie a été évoqué par la France pour les communes qui ne bénéficieraient plus de ce classement. La Commission s’est montrée assez ouverte sur ces sujets. La proposition de la Commission au Conseil, puis au Parlement, devrait être présentée lors de la présidence tchèque, soit lors du second semestre 2009. Je vous invite à la plus grande vigilance sur le contenu de ces propositions ; le Gouvernement, pour sa part, n’y manquera pas.

M. le président. La parole est à M. Michel Diefenbacher.

M. Michel Diefenbacher. En cette période de rareté de la ressource budgétaire, je voudrais proposer une mesure qui ne coûte rien, mais qui est très attendue dans nos campagnes, et en particulier dans les zones de production fruitière. Elle concerne les conditions d’utilisation des produits phytosanitaires en arboriculture.

Comme vous le savez, ces conditions sont beaucoup plus restrictives en France que dans la plupart des autres pays européens, ce qui place nos producteurs dans une situation défavorable par rapport à leurs concurrents étrangers.

Mme Pascale Gruny. C’est vrai !

M. Michel Diefenbacher. Certaines de ces réglementations sont en outre purement et simplement inapplicables : c’est en particulier le cas d’un arrêté du 12 septembre 2006 qui interdit le traitement lorsque la vitesse du vent dépasse 19 km/h, et qui impose après le traitement un délai de quarante-huit heures avant que l’agriculteur puisse à nouveau pénétrer sur la parcelle traitée.

Une expérience a été menée dans mon département, le Lot-et-Garonne, sous le contrôle d’un huissier de justice. Il s’agissait de comparer deux parcelles plantées en pommiers, les règles ayant été strictement mises en œuvre sur l’une, un protocole appliqué dans les autres pays européens l’ayant été sur l’autre. Sur la première parcelle, la diminution du chiffre d’affaires a atteint, pour les fruits de petit calibre, 95 % !

Cette situation est évidemment insupportable pour nos agriculteurs : je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous envisagez de modifier ces règles. Les arboriculteurs attendent votre réponse avec beaucoup d’espoir.

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. L’arrêté interministériel du 12 septembre 2006 sur l’utilisation de ces produits phytopharmaceutiques a représenté une avancée significative dans la protection des personnes et de l’environnement. Nous ne reviendrons pas sur ces principes. Cela participe d’ailleurs du grand plan ÉCOPHYTO que nous avons mis en œuvre de manière consensuelle et constructive avec tous les acteurs.

Néanmoins, comme vous l’avez très bien dit, certaines filières professionnelles ont montré que certaines de ces mesures étaient inapplicables. Mes services ont d’ailleurs toujours indiqué que cet arrêté serait mis en place de manière réaliste, pragmatique, avec de la pédagogie et une mise en place progressive des contrôles.

Vous avez soulevé deux problèmes : l’impossibilité de traiter en cas de vitesse du vent supérieure à 19 km/h – je ne sais pas s’il faut un huissier pour constater cela (Sourires)…

M. Jean Mallot. Il faut un Morel-A-L’Huissier ! (Sourires)…

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. …et les délais prévus avant de pouvoir revenir sur la parcelle. J’ai décidé de rouvrir ce dossier pour tenir compte de la réalité des pratiques et de l’expérience acquise depuis la parution de cet arrêté et corriger ainsi ce qui doit l’être. Un groupe de travail a été mis en place par arrêté ministériel ; il réunira les organisations professionnelles agricoles concernées, le ministère de l’agriculture, le ministère de l’écologie et le ministère de la santé. Nous irons dans le sens que vous souhaitez et adapter la réglementation. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Depuis 1994, des mesures successives ont amélioré les retraites agricoles. Si elles ont souvent été significatives, ces avancées sont loin d’avoir corrigé la situation fragile de nombreux retraités agricoles, à la fois hommes et femmes. Cela suscite dans le monde rural un sentiment d’injustice…

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai !

M. Daniel Garrigue. …qu’exprimait aujourd’hui devant l'Assemblée nationale une importante délégation de l’Association nationale des retraités agricoles de France, conduite par son président, M. Henri Drapeyroux. Le 8 septembre dernier, dans le prolongement des engagements pris par M. le Président de la République et des propositions du groupe de travail que vous avez vous-même mis en place, monsieur le ministre, avec les représentants des retraités, M. le Premier ministre a annoncé deux mesures importantes.

D’une part, un montant minimum de retraite sera garanti pour ceux qui ont cotisé dix-sept ans et demi, et dont les pensions tous régimes confondus ne dépassent pas 750 euros par mois. D’autre part, les veuves bénéficieront d’une pension de réversion pour la retraite complémentaire obligatoire acquise à titre gratuit par leur conjoint. Ces mesures doivent être financées par le FFIPSA, parallèlement au rétablissement de l’équilibre de ce fonds.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner l’assurance que ces mesures seront mises en œuvre le plus rapidement possible ? C’est très légitimement et très impatiemment qu’elles sont aujourd’hui attendues par les retraités agricoles.

M. Jean-Paul Anciaux. Très bien !

M. Jean-Paul Bacquet. Très bonne question, à laquelle nous nous associons !

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Vous venez de rappeler les engagements pris par M. François Fillon, dans le prolongement de ceux de M. le Président de la République. J’ai déjà eu l’occasion de dire que ces mesures étaient une étape qui en appelait d’autres – je voudrais d’ailleurs corriger un oubli, qui n’était pas volontaire : j’ai tout à l’heure omis de citer M. Dominique de Villepin parmi les premiers ministres qui ont agi dans ce domaine.

Les mesures dont nous parlons vont être mises en œuvre dès 2009 pour une large part et en 2010. Je le répète, le Président de la République est très conscient du caractère indigne des plus petites retraites.

M. Jean Mallot. Il fait des annonces, c’est tout !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. C’est pour cela qu’à la suite du groupe de travail que j’avais mis en place, il a mis l’accent sur les plus petites retraites, notamment des veuves et des conjoints.

M. Jean Mallot. Il suffit de poursuivre l’effort de Jospin !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Nous poursuivrons, après avoir mis en place ce premier volet de mesures, autant que nous le pourrons, monsieur Garrigue. En tout cas, je vous remercie d’avoir fait écho aux préoccupations justifiées et légitimes des retraités de l’agriculture.

M. Jean Mallot. Il y a eu une baisse de rythme à partir de 2002, c’est clair.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Leroy, pour la dernière question du groupe SRC.

M. Jean-Claude Leroy. Monsieur le ministre, ma question porte sur l’enseignement public agricole.

Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont drastiquement limité les moyens de l’enseignement technique agricole public. Les effets négatifs de cette politique sont nombreux : réduction des horaires des enseignements obligatoires, suppression de nombreux dédoublements et des heures de soutien, réduction de l’offre d’enseignements facultatifs, regroupement d’élèves de différentes filières de formation, régression de la formation continue des personnels, etc. Les crédits alloués ces dernières années ont été manifestement insuffisants et les correctifs apportés par votre ministère aux budgets successifs, consistant pour la plupart en des redéploiements internes, n’ont pas couvert tous les besoins et ne correspondent pas à l’objectif de transparence affiché par la LOLF.

Cette année encore, la réduction des moyens se poursuit, avec une perte de 120 emplois au total – dont 73 pour l’enseignement public –, une suppression de 173 emplois étant d’ores et déjà prévue pour les trois années à venir.

Pourtant, les spécificités pédagogiques de l’enseignement agricole, comme la pluridisciplinarité, les modules d’initiative locale et d’adaptation régionale, les projets d’élèves, les missions d’animation et de développement des territoires, ont montré leur efficacité par l’excellence des résultats de l’insertion des élèves dans l’économie rurale.

Cette excellence est menacée, au moment même où l’enseignement agricole doit face à de nouveaux enjeux et relever de nouveaux défis, notamment celui de répondre aux nouvelles données alimentaires, environnementales et territoriales.

Dans ses premières préconisations, le cinquième schéma prévisionnel national des formations de l’enseignement agricole souligne la nécessité de mettre cet enseignement agricole au cœur de la recherche et de l’innovation. L’enseignement agricole doit être au centre des politiques de développement rural, il doit s’intégrer pleinement aux dispositifs visant à dynamiser le monde agricole et rural, comme les pôles de compétitivité, les pôles d’excellence rurale et les différents projets innovants. Il s’agit d’offrir à nos territoires et au monde agricole les lieux de formation de qualité qu’il mérite.

N’existe-t-il pas une contradiction, monsieur le ministre, entre l’ambition et la volonté affichées et la réalité des moyens attribués ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Monsieur Leroy, je trouve très légitime que vous évoquiez cette question ici – je l’ai moi-même abordée dans mon discours ce matin – même si elle n’est pas concernée par les crédits sur lesquels vous êtes appelés à voter aujourd’hui.

Je reste très engagé et en même temps très fier d’être le ministre de l’enseignement agricole, dans toutes ses dimensions, privé et public, et dans toutes ses formes d’établissement, que ce soit les maisons familiales et rurales, les collèges et les lycées, privés et publics, ou les grands établissements d’enseignement supérieur qui font référence au niveau européen.

Mon administration est amenée à mettre en œuvre les mesures de maîtrise des dépenses publiques, de non remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Toutefois, j’essaie de procéder de la manière la plus intelligente possible. Nous avons programmé 550 suppressions d’emplois dans l’ensemble du ministère : 88 postes d’enseignant et 64 postes de non enseignant dans l’enseignement public, 71 postes d’enseignant et 10 postes administratifs dans l’enseignement privé. Je tiens à être précis devant la représentation nationale.

Un très gros travail a été effectué pour redonner confiance et rapprocher tous les acteurs de cet enseignement agricole. J’en profite pour remercier plusieurs d’entre vous, Yves Censi, qui suit cette question très attentivement, mais également les rapporteurs et Mme Férat, au Sénat, qui a réalisé un travail formidable, notamment sur le cinquième schéma, que j’ai présenté récemment et qui soutiendra le choix de la qualité avec l’adaptation des formations, le développement de parcours individualisés de réussite, l’ouverture sur l’Europe.

Un deuxième axe d’action est dicté par la nécessité de l’innovation scientifique et technique, pédagogique et sociale.

Enfin, nous travaillons pour favoriser l’adaptation du pilotage, avec une offre de formation équilibrée, l’autonomie et la mise en réseau des établissements, certaines mutualisations, le renforcement des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, qui sont, pour moi, comme des rectorats.

J’ai aussi décidé de travailler avec l’éducation nationale. C’est ainsi qu’avec M. Darcos, nous avons organisé une première réunion des recteurs et des directeurs régionaux d’agriculture pour concevoir intelligemment les formes de mutualisation.

Je suis attaché à l’enseignement agricole, à ses spécificités. Les jeunes qui le suivent trouvent rapidement un travail, ils sont formés à tous les métiers de la production et de l’environnement, de l’entretien, de l’agro-alimentaire. Nous continuerons de faire de cet enseignement une priorité du budget du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin, pour la dernière question du groupe UMP.

M. Philippe Armand Martin. Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les inquiétudes exprimées par les usines de déshydratation, notamment dans ma région de Champagne-Ardenne.

La Commission européenne a proposé, le 20 mai dernier, la généralisation du découplage total de toutes les aides à l’horizon 2013. S’agissant des fourrages séchés, la Commission propose un maintien du régime actuel pour deux campagnes puis une intégration des aides à la transformation au profit des agriculteurs dans les droits à paiement unique découplé à compter de 2011.

Cette mesure aurait pour conséquence une diminution de près de 80 % de la production de luzerne en Europe et la fermeture de nombreuses usines de déshydratation.

Nous ne pouvons que nous inquiéter par ailleurs des conséquences d’une telle mesure sur le développement de l’agriculture biologique et, plus largement, sur l’économie, notamment pour la région Champagne-Ardenne. De nombreux investissements ont été réalisés : matériels de récolte, bilans énergétiques pour optimiser le rendement, recherche dans les procédés de substitution partielle de l’énergie fossile par la biomasse, etc.

Les qualités environnementales de cette culture sont unanimement reconnues par le monde agricole, la communauté scientifique et les mouvements environnementalistes : protection des sols et de la ressource en eau, amélioration de la biodiversité.

C’est pourquoi l’ensemble de la filière souhaite le maintien des aides directes à la transformation de la luzerne jusqu’en 2013, afin de laisser aux usines le temps de développer de nouveaux débouchés.

Il paraît manifeste, hélas ! que la Commission sera hostile à un report de l’échéance au-delà de cette date. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles démarches vous avez entreprises auprès des autres États membres afin qu’ils se joignent à la position française et où en sont les négociations à ce sujet ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. La Commission européenne a en effet présenté au conseil des ministres de l’agriculture un bilan des principales aides agricoles et des propositions d’évolution dans le cadre du bilan de santé dont j’ai beaucoup parlé aujourd’hui.

S’agissant des fourrages séchés, la Commission propose, vous l’avez rappelé, un maintien du régime actuel pour deux campagnes, puis, à compter de 2011, une intégration des aides communautaires à la transformation au profit des agriculteurs au régime des aides directes découplées.

Le régime des aides couplées à la déshydratation a permis de sécuriser jusqu’à présent, vous l’avez souligné, les surfaces nécessaires à la pérennisation de la filière, tout en contribuant à réduire la dépendance protéique de l’Union européenne. C’était une bonne mesure.

Les enjeux en termes d’emplois ruraux liés au secteur industriel de la déshydratation et les enjeux en termes agronomiques et environnementaux liés à la culture de la luzerne sont significatifs. Voilà pourquoi, monsieur Martin, la France continuera de porter une attention particulière à ce secteur important pour plusieurs régions françaises dont la vôtre. Il s’agit en effet d’éviter une déstabilisation de cette filière.

Pour répondre précisément à votre question, nous défendons la position d’un allongement de la période de statu quo, pendant laquelle les industriels pourront envisager un ajustement de leur secteur, pour porter au moins cette date jusqu’en 2013. Cette perspective suppose le soutien d’un certain nombre d’États de l’Union dans l’équilibre entre les demandes des États membres pour le bilan de santé. J’essaie, mesure par mesure, de réunir ce que j’appelle une majorité qualifiée pour aboutir à ce résultat. Mais vous pouvez être certain de ma détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales »

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », inscrits à l’état B.

État B

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 18 et 147.

La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, pour soutenir l’amendement n° 18.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan. L’amendement n° 18 est un amendement de la commission des finances. À l’heure où il fut adopté soufflait un fort vent en provenance de nos régions montagneuses, sans doute avec raison d’ailleurs.

L’objectif de cet amendement consiste à majorer de 10 % le montant forfaitaire par hectare accordé aux exploitants au titre de la prime herbagère agro-environnementale. Son adoption est une sorte d’appel, monsieur le ministre – en tout cas c’est ainsi qu’il a été présenté.

En tant que rapporteur de la commission des finances, j’ai exprimé,– c’était mon devoir – un avis défavorable, et ceci pour deux raisons principales.

M. François Brottes. Ce n’est pas beau, monsieur le rapporteur.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. C’est normal que je le dise.

M. François Brottes. Vous devez rapporter l’avis de la commission.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. C’est ce que je fais. Vous me permettez quand même de donner l’avis du rapporteur ? C’est la tradition parlementaire.

M. François Goulard. Mais oui, c’est le droit du rapporteur.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je rappelle – ensuite, vous trancherez comme vous voudrez, monsieur Brottes – qu’un effort très important a été décidé pour 2008, puisque le Gouvernement a engagé en autorisations d’engagement 450 millions d’euros sur le budget en cours d’exercice pour permettre la relance d’une nouvelle vague de prime herbagère agro-environnementale. Dans le projet de loi de finances pour 2009, les crédits de paiement sont stables, à hauteur de 120,3 millions d’euros, et les autorisations d’engagement sont en diminution, à 19,4 millions d’euros, ce qui est normal après l’effort engagé dans le budget pour 2008. Après une relance très forte, l’effort sur la PHAE est donc maintenu.

La proposition de l’amendement, qui consiste à prélever 12 millions d’euros sur les moyens de support du ministère, me paraît extrêmement difficile à appliquer, pour la simple raison que le budget pour 2009 traduit un effort très important de réorganisation du ministère, y compris au niveau déconcentré, avec une contraction de 8 % des crédits pour les services déconcentrés, de façon à appliquer la RGPP. Je ne vois pas très bien – et c’est mon devoir de rapporteur budgétaire que de le dire – comment on pourrait faire fonctionner tout cela avec un transfert de 12 millions d’euros sur la PHAE, alors que l’effort sur celle-ci est maintenu par ailleurs.

La commission des finances a adopté cet amendement – je crois ne pas trahir l’esprit du moment – pour lancer une sorte d’appel au Gouvernement. Je me suis efforcé, dans le cadre de mes fonctions, de donner les arguments que je viens de développer devant la représentation nationale. Nous attendons, monsieur le ministre, de connaître votre position sur ce dossier – voire vos engagements. Puis, l’Assemblée tranchera.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le rapporteur spécial, je comprends votre position – nous en avons parlé en commission des finances – mais, compte tenu de la situation toute particulière de l’agriculture de montagne, je ne peux pas retirer l’amendement.

M. Jean-Paul Anciaux. Bien sûr !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Et je tiens à ce qu’une position très claire soit exprimée. Toute la montagne rencontre aujourd’hui des difficultés, monsieur Barnier, vous le savez. Comme l’a dit M. Forissier, c’est un appel que nous vous lançons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet et M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. J’ai bien entendu l’explication du rapporteur spécial ainsi que votre appel, monsieur Morel-A-L’Huissier. Je n’ai pas besoin d’être convaincu de l’importance de l’économie agricole en montagne, je connais l’importance de la PHAE, ayant présidé pendant près de vingt ans un des départements les plus montagnards de France. Mais je ne peux pas accepter un amendement qui propose de réduire de 12 millions d’euros les frais de fonctionnement de mon ministère. Comment pourrais-je accepter facilement de réduire de 8,7 % les dépenses hors titre II de mon ministère dans l’état où je me trouve, avec l’ensemble des réformes que j’ai engagées ? Franchement, je ne peux pas gager une telle mesure.

Sur le fond, voilà pourquoi le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements et vous demande, en toute responsabilité, de ne pas les retenir. Cela dit, j’ai bien entendu votre appel, et je voudrais vous rassurer en vous disant que les crédits budgétés sur la PHAE seront suffisants. Je m’attacherai à ce que certains problèmes rencontrés en 2008 dans certains départements ne se reproduisent pas l’année prochaine. En 2009, nous aurons les moyens suffisants pour couvrir les besoins de la PHAE.

Par ailleurs, le bilan de santé de la PAC nous donnera l’occasion de repenser la PHAE dans un cadre plus général et de l’inscrire dans ce soutien très fort aux productions animales à l’herbe et à la prime à l’herbe que je souhaite mettre en œuvre dès le premier semestre 2009. En attendant cette réforme, dont vous serez saisis dans les tout prochains mois, je vous demande de ne pas compromettre le fonctionnement de mon ministère en adoptant ces amendements. Je m’attacherai à répondre à votre appel pour toutes les raisons personnelles et politiques que je vous ai indiquées.

M. le président. La parole est à M. François Brottes.

M. François Brottes. Je voudrais réagir aux propos de M. le rapporteur spécial. Lorsqu’un rapporteur présente un amendement, il doit rapporter honnêtement la position de la commission. C’est seulement ensuite qu’il peut dire, à titre personnel, tout le mal qu’il pense éventuellement de l’amendement. J’ai été très choqué par la manière dont M. Forissier a présenté une mesure qui a été votée par une majorité des membres de la commission. Cela n’est pas conforme à nos méthodes de travail. Quant à moi, je voterai ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Lorsque je regarde ces amendements avec attention, je m’aperçois qu’il s’agit encore de sectoriser certaines choses et je me garderai bien de porter une appréciation sur ce qu’ils peuvent induire. Mais puisque l’on parle de sectorisation et de la montagne, permettez-moi de dire que d’autres zones souffrent, notamment les zones d’élevage – je pense aux éleveurs du Massif Central. J’ai d’ailleurs préparé un petit dossier, monsieur le ministre, que je vous remettrai et auquel, j’en suis sûr, vous serez attentif. Aujourd’hui, certains situations sont critiques. Les revenus des agriculteurs ont été évoqués dans l’argumentaire de l’amendement, mais il faut les prendre dans leur ensemble. En effet, si on procède secteur par secteur, profession par profession, on va s’apercevoir que tous les revenus sont touchés, sauf peut-être dans le secteur des céréales.

Nous avons longtemps répété que les aides directes indispensables au revenu destinées uniquement à compenser la perte des ventes et la baisse des prix étaient très mal réparties puisqu’elles allaient à ceux qui en avaient le moins besoin. J’ai plutôt tendance à vous faire confiance sur la méthode, monsieur le ministre, mais vous avez évoqué ce matin un plan de sauvetage pour le Massif Central avec des mesures d’exonération de cotisations sociales, un report d’échéances bancaires en fin de tableau d’amortissement et des mesures compensatoires. Ces amendements me donnent l’occasion de dire qu’il faut réagir sur l’ensemble de la profession. Il ne faut pas partir du principe que certains souffrent plus que d’autres. Il y en a beaucoup qui souffrent !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il faut souligner, comme nous l’avons tous fait, l’immense difficulté à laquelle sont confrontés les éleveurs des zones de montagne. C’est presque une question de vie ou de mort, de survie !

Vous nous feriez presque culpabiliser, monsieur le ministre, en nous disant que cet argent serait pris sur le fonctionnement de votre ministère et devrait permettre de maintenir des élevages qui vont disparaître. Mais vous êtes beaucoup moins regardant quand il s’agit de mettre en œuvre la révision générale des politiques publiques dont on nous répète qu’elle s’impose. Aujourd’hui, sans doute êtes-vous un peu juste – chez nous on dit : « riquiqui » – quant à vos crédits, mais vous récoltez ce que le Gouvernement a semé !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je suis peiné par vos propos, monsieur Brottes. Vous dites que le rapporteur doit présenter honnêtement la position de la commission, mais c’est ce que j’ai fais en détaillant les débats que nous avons eus ! C’est quand même le rapporteur spécial qui signe le rapport, qui fait le travail. Il est normal – c’est la tradition parlementaire – que le rapporteur donne sa position quand il rapporte un amendement de la commission. C’est mon devoir de le dire en tant que rapporteur spécial, y compris compte tenu des implications budgétaires. Cela étant, c’est notre assemblée qui va trancher. C’est précisément cela l’honnêteté du rapport. Je pense que je n’ai pas failli à cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Si j’ai bien compris, l’avis de la commission est défavorable…

M. François Brottes. Non ! Vous voyez que cela n’est pas clair !

M. André Chassaigne. Ce n’est même pas le centralisme démocratique !

M. le président. Avis favorable de la commission, mais défavorable du rapporteur et du Gouvernement !

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Monsieur le ministre, je comprends bien la problématique qui se pose aujourd’hui, mais il aurait fallu m’en parler avant, j’aurais peut-être eu une autre attitude. Compte tenu de ce que vous me dites sur l’impossibilité de prendre en charge une telle mesure, je vais retirer l’amendement n° 147, mais le problème se posera dans un autre amendement sur l’ICHN et ma position sera alors différente.

M. le président. L’amendement n° 147 est retiré.

M. Jean-Paul Bacquet. Je le reprends !

(Les amendements identiques nos 18 et 147 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 17 et 146.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je vais recommencer à vous faire part honnêtement de la position de la commission puisque nous sommes dans la même situation que pour la PHAE. Il s’agit là des indemnités compensatrices de handicap naturel. La commission a adopté l’amendement n° 17, qui vise – l’appel est encore plus fort, monsieur le ministre –, après une augmentation régulière depuis 2004, à augmenter de 5 % dans le budget national, afin d’atteindre 40 % sur les zones de montagne, la part portant sur l’indemnisation des vingt-cinq premiers hectares. Nous sommes là dans la perspective d’un engagement qui avait été pris en 2003 – je suis bien placé pour en parler – et qui a été tenu régulièrement, l’objectif étant d’arriver à une part de 50 %. Cela étant, à titre personnel, comme rapporteur,…

M. Jean Mallot. Ah, c’est mieux !

M. François Brottes. C’est plus clair !

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. …mon devoir était de préciser, puisqu’il s’agit de 11,6 millions d’euros, que nous sommes dans la même situation, c’est-à-dire qu’il est proposé un prélèvement sur les moyens de fonctionnement du ministère qui rendrait les choses impossibles à mettre en œuvre. Toutes les conséquences de la réorganisation issue de la RGPP seront extrêmement difficiles à mettre en œuvre alors même que la dotation dévolue aux ICHN est stabilisée dans le projet de budget pour 2009 à 230 millions d’euros. Donc, l’effort est maintenu. Cela dit, je comprends l’appel et j’y ai moi-même intellectuellement souscrit, mais, en tant que rapporteur, je me dois de dire que nous avons là une impossibilité budgétaire. La commission a donc adopté cet amendement, avec l’avis défavorable du rapporteur, mais nous attendons la position du Gouvernement, qui va peut-être prendre des engagements pour l’année qui vient.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n° 146.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, je m’inscrit pour reprendre son amendement !

M. le président. Il n’est pas encore retiré, monsieur Chassaigne ! Ne préjugez de rien ! (Sourires.)

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. L’année dernière, M. Marleix avait déposé un amendement sur ce sujet. J’avais pris la précaution de limiter l’augmentation à 5 % pour reprendre le cours normal des évolutions – 35 % plus 5 % : 40 %. Je vous demande là, monsieur le ministre, un geste tout particulier, et je précise que je ne tiens pas à retirer cet amendement,…

M. François Brottes. Bien !

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. …en raison de ce que représente aujourd’hui l’ICHN pour les zones de montagne. Je suis certain que tous les montagnards comprennent cette démarche.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. J’ai toujours le même problème face à un amendement dont l’adoption reviendrait à prélever brutalement entre 11 et 12 millions d’euros sur mon budget, ce qui aurait des conséquences extrêmement graves dont vous viendriez d’ailleurs tous me parler aussitôt après. Je suis aussi conscient qu’il faut progressivement reprendre le cours des choses s’agissant de cette indemnité compensatrice de handicap naturel, qui concerne d’ailleurs soixante-quinze départements.

Monsieur Morel-A-L’Huissier, je peux prendre l’engagement de trouver, dans les jours qui viennent, avant l’examen de ce projet de budget par le Sénat, peut-être pas la somme que vous évoquez, mais une partie de celle-ci en opérant un redéploiement intelligent et judicieux dans mon budget. Sinon, nous ferions une erreur. Je verrai sur quel autre poste je peux trouver un peu d’argent dans le cadre d’une enveloppe, qui est maintenue et contrainte, mais laissez-moi le temps de faire cet ajustement pour être le plus efficace et le plus juste possible. En échange de l’engagement que je prends de trouver au moins une partie de cette somme entre maintenant et la discussion au Sénat, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. François Goulard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Je comprends bien votre position, monsieur le ministre, mais cet amendement a été voté par la commission des finances et à aucun moment l’on ne m’a posé le problème du financement de cette mesure. L’année dernière, nous l’avions retiré, car le rapporteur spécial nous avait dit que le budget était contraint, mais sur la mesure de compensation et sur le fonctionnement du budget de l’agriculture, il ne m’a pas été indiqué que cela pouvait faire difficulté. Donc, je maintiens l’amendement et vous verrez ensuite au Sénat la problématique qui peut se poser.

(Les amendements identiques nos 17 et 146 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 184.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Il s’agit de transférer 10 millions d’euros du programme 215 au programme 154. En effet, nous nous préoccupons beaucoup des associations d’éducation populaire, notamment des animations qui peuvent intervenir en milieu rural.

J’espère que vous porterez un grand intérêt à cet amendement, en attendant la mesure transitoire que présentera le rapporteur spécial. Mais sa proposition, sans doute moins douloureuse que la nôtre sur le plan financier, ne fait que nous encourager davantage à soutenir les associations d’éducation populaire dont nous avons tant besoin en milieu rural.

Notre amendement, que je vous recommande chaleureusement, vise à rétablir les soutiens qui leur sont supprimés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je rappelle que c’est le conseil de modernisation des politiques publiques qui, dans le cadre de la RGPP, a décidé de supprimer le financement que nos collègues proposent de rétablir. Son principe est de s’en tenir au financement de nos obligations communautaires.

Par ailleurs, nombre d’associations rurales – CIVAM, associations d’éducation populaire, MRJC – seront éligibles au CASDAR, le compte d’affectation spécial « Développement agricole et rural ».

M. André Chassaigne. Mais il ne s’agit pas de cela !

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Je suggère une autre piste, que j’ai évoquée récemment avec le président des chambres d’agriculture : ces associations pourront peut-être trouver des soutiens dans le monde institutionnel agricole.

Quoi qu’il en soit, en termes budgétaires, il est impossible de prélever 10 millions sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture », pour les raisons que j’ai déjà évoquées précédemment. À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Tout au long de la journée, j’ai expliqué que, même si notre budget augmente de 2,7 %, ce qui n’est pas le cas de tous les postes budgétaires gouvernementaux, nous avons dû procéder à des arbitrages. J’ai choisi comme lignes de priorité, avec l’approbation de l’Assemblée, les investissements liés à l’installation des jeunes agriculteurs, au développement durable, à la pêche, à la protection contre les crises ou à leur gestion. Par ailleurs, il a fallu préserver nos obligations communautaires, qui seront maintenues, au titre de l’animation rurale, à hauteur de 1,1 million.

Peut-être trouverons-nous la possibilité de financer par le CASDAR, à titre complémentaire, certaines politiques d’animation rurale. En outre, M. le rapporteur spécial présentera dans un instant une proposition de redéploiement à laquelle je suis prêt à émettre un avis favorable. Mais les contraintes budgétaires nous imposent une grande responsabilité, si nous voulons continuer à soutenir les besoins de l’économie agricole. C'est pourquoi je souhaite que cet amendement ne soit pas retenu.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, je vous ai fait remarquer ce matin que votre budget n’était pas bon. Vous voilà obligé d’admettre qu’il ne permet plus d’assurer certaines missions, comme celles qui relèvent du lien social.

Pourtant, si le monde rural ne connaît pas les mêmes difficultés de socialisation que bien des banlieues, c’est grâce aux associations d’éducation populaire, auxquelles certains d’entre nous doivent d’être présents dans cet hémicycle. Longtemps, en effet, elles ont suppléé à un système scolaire moins développé qu’il ne l’est aujourd’hui. Je pense d’ailleurs qu’elles continuent et continueront leur œuvre, car, dans le grand virage que représente le Grenelle de l’environnement, elles sauront assurer le lien entre les agriculteurs et les autres acteurs du monde rural.

Si, dans le contexte actuel, vous leur refusez quelques millions d’euros, ce qui revient à les étrangler, c’est bien la preuve que vous n’avez pas les moyens de la politique que vous prétendez mener. Pourquoi prétendre, en effet, qu’elles peuvent solliciter les collectivités locales ou les chambres d’agriculture, qui se tournent presque toutes vers les conseils généraux ? C’est une manière fort peu correcte de masquer le désengagement de l’État.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais faire part d’une certaine colère. Dans cet hémicycle, nous sommes nombreux à représenter le monde rural, qui se trouve aujourd’hui abandonné et livré à la désertification. Les populations y sont isolées. Les écoles disparaissent. Les lieux de vie s’éloignent.

Dans ce contexte, les associations d’éducation populaire de sensibilités diverses – les unes sont d’obédience chrétienne, d’autres sont laïques, d’autres encore sont nées d’un projet de vulgarisation agricole –, qui ont joué un rôle considérable dans le monde rural, subsistent encore. Et voilà que, leur supprimant ses aides, le ministère s’apprête à les étrangler !

Cela me paraît extrêmement grave, car notre société a plus que jamais besoin d’éducation populaire, de lien social, de rencontres et d’enrichissements mutuels. Que veut le Gouvernement ? Une société aseptisée, uniquement fondée sur l’argent, où l’on ne tienne plus compte de l’individu ? Ce qui lui manque – ce budget en apporte une nouvelle preuve –, c’est tout simplement la notion d’humanité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

(L'amendement n° 184 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 49.

La parole est à M. Georges Colombier.

M. Georges Colombier. Les populations devant être protégées des calamités naturelles liées à l’érosion des sols et des crues de torrents de montagne, il importe de maintenir les moyens d’action et le niveau des subventions au bénéfice des collectivités locales du service de restauration des terrains de montagne.

L’objet de cet amendement est d’augmenter les crédits RTM de la quatrième action du programme « Forêt », par le déploiement de crédits inscrits au programme « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » sur ceux de l’action 15. Les crédits affectés en 2008 au service de restauration des terrains de montagne pourront ainsi être maintenus.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné l’amendement. Sans doute le Gouvernement nous apportera-t-il plus de précision. Mais, si les crédits destinés à la restauration des terrains en montagne semblent être passés de 6 à 2 millions en autorisation d’engagement et de 5 à 2,3 millions de crédits de paiement entre 2008 et 2009, cette baisse n’est qu’apparente. Désormais, 2 millions sont financés par l’ONF au titre de ses missions d’intérêt général, la différence étant transférée vers le programme 206.

Sous réserve des explications du ministre, j’émets à titre personnel un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je ne m’étonne pas que le rapporteur spécial, dans sa sagacité, ait anticipé la réponse que je comptais faire aux auteurs de l’amendement.

Point n’est besoin de me convaincre de l’utilité des crédits visant à restaurer les terrains en montagne, surtout au lendemain de crues ou d’accidents climatiques qui ont bouleversé la vie de plusieurs départements. Par ailleurs, je confirme que la somme de 3 millions citée figure bien dans le budget et que les missions seront assumées : 1 million correspond à une mesure de périmètre, avec un transfert de crédits du département « Santé des forêts » vers le programme 206, le reste étant pris en charge par l’ONF dans les conditions indiquées par M. le rapporteur spécial.

Je comprends donc l’objectif de cette proposition, et je vous remercie d’avoir soulevé le problème, monsieur Colombier, mais l’amendement est satisfait. J’espère que, rassuré par ces explications, vous accepterez de le retirer.

M. le président. Accédez-vous à cette demande, monsieur Colombier ?

M. Georges Colombier. Me fiant aux explications données par le ministre, je retire l’amendement, en mon nom et en celui de M. Michel Bouvard.

(L'amendement n° 49 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 16.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Cet amendement adopté, sur ma proposition, par la commission des finances vise à une meilleure utilisation de certains crédits.

Le budget de la communication compte une somme de 1,4 million provenant des crédits initialement dévolus à l’AFICAR, l’Agence française d’information et de communication agricole et rurale, qui sera dissoute le 31 décembre.

Au lieu de maintenir cette somme dans le budget de la communication, pour laquelle le ministère n’a pas défini de stratégie particulière, je propose de la consacrer pour moitié, monsieur Vergnier, à soutenir des associations œuvrant en faveur du développement rural, qui recevraient ainsi 700 000 euros destinés à gérer la transition de l’année 2009.

L’autre moitié de la somme irait aux CUMA, qui répondent aux besoins des agriculteurs jeunes ou modestes.

M. Jean-Paul Anciaux. Ils jouent un rôle très important !

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Plusieurs collègues, dont M. Huet et M. Favennec, ont rappelé à juste titre les besoins réels qui s’expriment dans ce domaine. La somme de 3 millions affectée aux CUMA passerait ainsi à 3,7 millions, ce qui permettrait de doper leur action.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je confirme la dissolution prochaine de l’AFICAR, qui avait été créée il y a quelques années pour mener des opérations relevant d’un partenariat équilibré entre le ministère et les organisations professionnelles agricoles.

Cet argent a été utilisé, par exemple, en faveur du salon de l’agriculture ou du train, qui sert à la promotion de l’activité agricole dans toute la France. M. Vasseur a réalisé un excellent travail dans ce domaine. Mais, la mobilisation concomitante de crédits professionnels n’ayant pas pu être mise en œuvre, l’AFICAR sera bientôt dissoute.

Les crédits qui lui ont été affectés ne sont donc plus utiles. De son côté, le ministère conserve une stratégie de communication modeste et réaliste, qui s’organise essentiellement autour du salon de l’agriculture. L’idée de déployer ces crédits vers l’animation rurale et les CUMA me paraît donc judicieuse.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Notre groupe votera cet amendement, mais je veux souligner que la somme de 700 000 euros est très inférieure à celle de 10 millions, que nous avions proposé, par l’amendement n° 184, d’affecter aux mêmes buts.

(L'amendement n° 16 est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » inscrits à l’État B, modifiés par l’amendement n° 16.

(Les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », modifiés par l’amendement n° 16, sont adoptés.)

État D

M. le président. Je mets aux voix le compte spécial « Développement agricole et rural », inscrit à l’état D.

(Le compte spécial « Développement agricole et rural », inscrit à l’état D, est adopté.)

M. le président. Nous en venons aux amendements portant articles additionnels avant l’article 59 rattaché à la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales »

Avant l’article 59

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 177.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. L’amendement 177 ne coûte rien : nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, avant le 30 juin 2009, un rapport évaluant l’impact qu’aura eu la réorganisation de l’Office national des forêts sur le budget de l’État et des collectivités territoriales et sur la gestion forestière de la forêt française. Peut-être pourrait-il en charger un parlementaire en mission.

M. Brottes, qui en est cosignataire, fait valoir que la vente de bois ne peut pas financer toutes les activités annexes, mais importantes, liées à la forêt, qu’elles touchent à la biodiversité, au paysage, aux puits de carbone ou aux zones de loisir par exemple. Avec ce budget en l’état, on ne peut que nourrir les craintes les plus vives sur le financement de toutes ces activités. Quand la réorganisation en cours sera terminée, que pourrons-nous réellement financer avec les moyens disponibles et quels autres moyens faudra-t-il peut-être trouver pour couvrir le coût de ces actions ? C’est ce que ce rapport nous apprendrait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. La commission n’a pas pu examiner cet amendement. À titre personnel, je suis favorable au principe, sous réserve de remplacer, pour la remise du rapport, la date du 30 juin, un peu trop rapprochée, par celle du 10 octobre 2009, qui est la date limite pour la réponse aux questionnaires budgétaires.

M. Jean Gaubert. Bel esprit d’ouverture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Depuis longtemps, et plus encore après les cinq ans que j’ai passés à la Commission européenne, je suis partisan d’une culture de l’évaluation. Comprendre pour corriger les politiques agricoles ne me pose donc aucun problème et je suis favorable à cet amendement. Mais pour faire les choses sérieusement, donnons-nous jusqu’au 10 octobre comme le propose le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire.

M. Antoine Herth. rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire. Ayant eu un certain nombre de discussions avec M. Brottes et avec le président de la commission sur la question forestière, je tenais à m’exprimer à titre personnel. Le rapport qui est demandé est bienvenu et les deux amendements qui suivent en demandent d’autres en complément. Mais même ainsi, on ne couvre pas le sujet. Le Grenelle de l’environnement traduit un certain nombre d’attentes et plusieurs collègues compétents, en particulier M. Brottes qui a beaucoup travaillé sur plusieurs textes, et M. Censi, ne demandent qu’à s’exprimer sur ces questions. Il convient certes de s’interroger sur l’avenir de l’ONF, et la gestion forestière outre-mer mérite un travail particulier. Mais on est loin de couvrir tout le sujet. Comme le précise l’exposé des motifs de l’amendement défendu par M. Gaubert, l’ONF ne gère que 27 % de la forêt française. Le reste est du domaine privé. Il nous faudra un jour trouver des possibilités de mobiliser cette ressource forestière dans le cadre des objectifs du Grenelle de l’environnement. Je suis donc favorable à ce que l’on fasse ce rapport, comme une première étape, mais – et il faudra en discuter avec M. Ollier – le sujet mérite un travail plus approfondi dans le cadre de la commission des affaires économiques.

M. le président. Monsieur Gaubert, acceptez-vous la rectification proposée par le rapporteur ?

M. Jean Gaubert. Bien évidemment. Quant aux propos de M. Herth, ils sont frappés au coin du bon sens, comme souvent. Il est vrai que l’on pourrait fusionner les trois amendements n° 177, n° 178 qui concerne les DOM et n° 179 qui concerne la propriété privée, dont la surface est plus importante et qui peut procurer des revenus, pour demander au Gouvernement un seul rapport.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Forissier, rapporteur.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Ce serait en effet une bonne idée que de rassembler ces trois amendements, si c’est possible.

M. le président. Je vais les mettre aux voix successivement.

(L’amendement n° 177, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 178.

La parole est à M. Louis-Joseph Manscour.

M. Louis-Joseph Manscour. J’ai bien entendu la proposition de M. Gaubert. La forêt des DOM est une composante essentielle du patrimoine forestier national, grâce à sa biodiversité. Notre amendement n° 178 demande qu’une étude soit menée sur les moyens de gestion de la forêt dans ces départements afin d’éclairer la représentation nationale sur les orientations à prendre dans le futur proche.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Avis favorable, sous réserve de la même rectification que précédemment.

(L’amendement n° 178, tel qu’il vient d’être rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 179 qui donnerait lieu à la même rectification.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Il est défendu.

(L’amendement n° 179, tel qu’il vient d’être rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Ces trois amendements pourront être fondus en un seul au Sénat ou en CMP.

Je suis saisi d’un amendement n° 180.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Depuis huit ans, il n’y a pas eu de rapport sur l’évolution de la fiscalité agricole. Or il y a eu beaucoup de changements au cours de cette période, par exemple l’introduction des DPE, les diagnostics de performance énergétique. Il serait donc intéressant de faire le point pour savoir si la fiscalité favorise le dynamisme du monde agricole ou le freine. C’est pourquoi notre amendement n° 180 demande qu’un rapport sur l’évolution de la fiscalité agricole et des activités en lien avec l’agriculture soit remis au Parlement avant le 30 juin 2009. On pourra aussi y examiner les questions de cotisations et de charges sociales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Il est utile pour le Parlement de faire de nouveau ce travail. Avis favorable, sous réserve de reporter la date de remise au 10 octobre.

M. Jean Gaubert. D’accord.

(L’amendement n° 180, tel qu’il vient d’être rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 181.

La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Notre amendement 181 vise à faire le point sur les conséquences de la RGPP, mais je préfère interroger directement le ministre. La RGPP entraînera-t-elle une réduction des aides techniques que la DDAF apportait gratuitement jusqu’ici aux agriculteurs ? Si c’est le cas, les agriculteurs devront-ils lancer des appels d’offres et avoir recours à des cabinets privés ? Ce serait un désengagement de l’État qui aurait un coût social et économique pour les agriculteurs. Nous aimerions alors un point d’étape sur la réforme dans quelque temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j’y suis défavorable. En premier lieu, l’amendement mentionne déjà le désengagement de l’État, c’est-à-dire qu’il le présume acquis. En fait, c’est un amendement d’appel…

M. Michel Vergnier. C’est pour cela que j’ai interrogé directement le ministre.

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. Enfin, ces aspects de la RGPP relèvent du travail des rapporteurs spéciaux. Il n’est pas besoin d’un rapport spécifique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Effectivement, c’est le travail des rapporteurs spéciaux que d’évaluer les effets des modifications des administrations publiques sur le terrain. Ils le font déjà de façon scrupuleuse, ce qui satisfait votre préoccupation.

Surtout, il n’est nullement question que la réorganisation des directions départementales mette en cause les services rendus aux agriculteurs. Pour certains problèmes qui ne feront que prendre plus de poids, comme les questions foncières, le fait que les ingénieurs de l’équipement et les ingénieurs de l’agriculture soient réunis dans la nouvelle direction départementale des territoires facilitera les choses. La réforme sera totalement opérationnelle au 1er janvier. Si, en plus du travail des rapporteurs spéciaux, une évaluation complémentaire se révélait indispensable, il serait légitime que nous disposions d’un délai plus réaliste que celui que vous proposez.

Mais je le répète, je m’attacherai à ce que les services aux agriculteurs soient préservés.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Effectivement, dans ce cas, nous comprenons que ce peut être le travail du rapporteur spécial. Nous apprécierions donc beaucoup, monsieur le rapporteur spécial, que vous incluiez cette question dans votre rapport pour la loi de finances de 2010. Nous retirons l’amendement.

(L’amendement n° 181 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 183.

La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. L’enveloppe des prêts bonifiés est fongible, ce qui est normal. Nous aimerions savoir quelle en est la répartition, en particulier ce qui est accordé aux CUMA, les coopératives d’utilisation du matériel agricole. Vous avez indiqué que les bonifications étaient maintenues. Mais il se trouve qu’on a diminué les bonifications des prêts aux jeunes agriculteurs pour les CUMA parce que les taux d’intérêt avaient baissé. Seulement, les taux d’intérêt remontent, et les bonifications ne suivent pas. Il est à craindre qu’à un moment ou à un autre vous n’ayez à procéder à des arbitrages. Il serait normal que nous en soyons informés. C’est pourquoi notre amendement 183 demande un rapport sur l’évolution des enveloppes de prêts bonifiés dont bénéficient les CUMA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur spécial. La question technique, et très précise, évoquée par l’amendement n° 183 relève du travail du rapporteur spécial. Nous disposons d’ailleurs, à ce sujet, d’informations disponibles dans les documents budgétaires et le rapport annuel de performance.

Toutefois, monsieur Gaubert, je partage votre préoccupation – j’ai ainsi reçu, avant ce débat, le président de la Fédération nationale des coopératives d’utilisation de matériel agricole, la FNCUMA –, et les questionnaires budgétaires pourront désormais poser des questions plus nombreuses et précises au Gouvernement, quitte à ce que je me déplace pour effectuer des contrôles.

Cette solution devrait vous satisfaire, sans qu’il soit besoin de demander au Gouvernement un rapport supplémentaire. Je ne suis donc pas favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je partage l’avis du rapporteur, à qui il appartient, en effet, d’analyser l’évolution des enveloppes consacrées par l’État aux prêts bonifiés dont bénéficient les CUMA.

Sous réserve de l’engagement de M. Forissier à travailler sur cette question, cet amendement pourrait être retiré.

M. le président. La parole est à M. Patrick Roy.

M. Patrick Roy. Je ne résiste pas, monsieur le ministre, au plaisir de vous dire combien notre débat me paraît extrêmement utile.

Je voudrais vous remercier, et dans ma bouche, de tels propos ne sont pas fréquents (Sourires), pour l’esprit d’ouverture dont vous, et la majorité, avez fait preuve.

M. Michel Vergnier. Comme quoi, la terre, c’est du lien !

M. Patrick Roy. Cette attitude honore le Gouvernement, elle honore la France. S’il pouvait en être tout le temps ainsi, ce serait formidable !

Après les interventions du rapporteur et du ministre, nous retirerons, évidemment, l’amendement n° 183.

(L’amendement n° 183 est retiré.)

Article 59

M. le président. Sur l’article 59, je ne suis saisi d’aucun amendement.

(L’article 59 est adopté.)

Après l’article 59

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 59.

Je suis d’abord saisi d’un amendement n° 157, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Cet amendement traite de la réforme du service public de l’équarrissage.

L’évolution favorable de la situation sanitaire des troupeaux confrontés à l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, a permis à l’État d’entamer, en 2005, une réforme de l’équarrissage qui doit progressivement permettre aux filières animales d’assurer la gestion des déchets liés à leurs activités selon le principe « pollueur-payeur ».

En octobre 2005, la gestion des déchets d’abattoirs a été transférée aux abatteurs, avant celle des déchets de boucherie et d’atelier de découpe, en 2006. Une nouvelle étape doit logiquement être franchie maintenant pour ce qui concerne la gestion des animaux morts sur les exploitations.

L’amendement n° 157 propose, tout d’abord, de ne pas maintenir le service public pour les animaux trouvés morts dans les exploitations métropolitaines. Le service sera maintenu pour les animaux trouvés morts sur la voie publique et pour l’Outre-mer. Ensuite, l’amendement prévoit de maintenir, dans l’attente d’une organisation complète des filières pour prendre en charge le coût de collecte et de traitement des animaux morts en exploitation, la possibilité de prélever la taxe d’abattage au profit de l’office chargé de l’élevage. Enfin, il précise les obligations des éleveurs afin de préserver la qualité sanitaire du système actuel.

La prise en charge de l’organisation de l’équarrissage par les filières – préférée au système des marchés publics – permettra, d’une part, une négociation directe des prix avec les équarisseurs, et, d’autre part, une possibilité de récupération de la TVA. Comme dans les deux premières étapes de la réforme, le coût global de l’équarrissage devrait diminuer d’environ 25 % – la baisse a même atteint 30 % pour le transfert de la gestion des déchets aux abatteurs.

En dehors de l’outre-mer qui n’est pas concerné par cette libéralisation, les professionnels sont préparés. Nous avons mené avec eux une longue concertation, fructueuse et constructive.

M. le président. Je suis saisi de trois sous-amendements, nos 200, 206 rectifié et 201 rectifié, présentés par M. Le Fur, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le problème de l’équarrissage se pose en termes économiques et sanitaires. Monsieur le ministre, je veux saluer votre travail, et celui de votre équipe, sur le sujet.

Avant la grande crise de l’ESB de 1997, le service public de l’équarrissage s’autofinançait : ceux qui ramassaient les cadavres s’en servaient pour financer le coût de l’équarrissage. Mais la crise de l’ESB a supprimé cette recette : l’équarrissage n’était plus qu’un coût.

Depuis, l’État a multiplié les expédients, et, tous les ans, chaque ministre se trouvait, avec nous, confronté à ce problème qui persiste aujourd’hui, malgré la sortie de la crise sanitaire.

Puisque le problème des déchets d’abattoirs est désormais réglé – leur gestion a été confié aux abatteurs –, reste à résoudre celui des animaux morts dans les exploitations. Il n’est pas question de faire payer exagérément les agriculteurs concernés car, certains, en particulier en période de crise, pourraient être tentés d’enterrer les cadavres dans un champ après les avoir recouverts de chaux, ce qui créerait un problème sanitaire majeur.

Il n’est pas, non plus, question d’en rester au statu quo en matière de coûts d’équarrissage. En effet, seules deux grandes entreprises étrangères proposent leurs services en la matière. Elles sont certes sérieuses, mais elles exercent, de fait, une sorte de duopole. L’apparition de nouveaux partenaires doit donc être favorisée, ce que permettent mes sous-amendements.

La meilleure collecte possible des cadavres d’animaux doit, d’une manière ou d’une autre, être assurée. Il faut tenir compte du fait que les coûts de cette collecte peuvent être très différents d’une région à l’autre, mais veiller à ne pas pénaliser, a contrario, les zones d’élevage dense, car si elles sont favorisées en termes de coût, elles sont aussi soumises à la concurrence de pays comme le Danemark ou les Pays-Bas.

Monsieur le ministre, si je souscris aux objectifs de votre amendement, je propose de le compléter par trois sous-amendements.

Le sous-amendement n° 200 traite de la question des cadavres d’équidés. Si les structures professionnelles organisées, comme il en existe dans la filière bovine, ont pu être réunies dans une interprofession, il n’en est pas de même dans la filière équine. Je propose donc que le traitement du cheval reste du domaine du service public.

Comment gérer autrement le cas de l’agriculteur retraité, passionné de chevaux, qui conserve dans son exploitation une ou deux juments ? Si l’un des animaux crève, nous ne pouvons pas laisser l’agriculteur seul, confronté au coût qui en découle.

Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous considérer l’amendement n° 200 comme un amendement d’appel. D’autres solutions que celle-là sont peut-être envisageables. Il faut, en tout cas, les mettre en œuvre.

Le sous-amendement n° 206 rectifié s’inspire d’expériences européennes, et en particulier de l’expérience allemande. Il donne la possibilité aux exploitations de traiter sur place un certain nombre de cadavres, sous réserve que les conditions sanitaires soient parfaitement réunies et que, en conséquence, les traitements en question soient reconnus et agréés par l’administration. La taille des élevages ayant augmenté, il s’agit sans doute d’une solution d’avenir, d’autant que les plus petits d’entre eux pourraient se regrouper – pourquoi ne créeraient-ils pas des CUMA ?

Enfin, l’amendement n° 201 rectifié tente de faire évoluer la situation actuelle d’oligopole qui prévaut, sur le territoire national, en matière d’équarrissage. Pourquoi ne pas imaginer que des entreprises de l’agroalimentaire, par exemple, prennent des initiatives en la matière ? Cela permettrait de diminuer considérablement les coûts.

Monsieur le ministre, les trois sous-amendements que je viens de présenter sont de nature à perfectionner le dispositif que vous nous proposez. En tout état de cause, j’espère que la concertation que vous avez su mener et que l’ouverture dont vous avez fait preuve nous permettront d’en finir avec un débat récurrent depuis 1997.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements de M. Le Fur ?

M. Bruno Le Maire, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du plan pour la sécurité alimentaire. La commission des finances n’a pas examiné ces sous-amendements. J’exprime donc, à leur sujet, un avis personnel.

Le sous-amendement n° 200 soulève une question importante. Une différence réelle existe bien entre le coût de traitement des cadavres d’équidés – 250 euros par tonne – et celui des cadavres de ruminants – 113 euros par tonne. Il faut aussi tenir compte des propriétaires qui ne conservent qu’un cheval ou deux.

M. Michel Vergnier. S’ils sont deux, ce sont des chevaux !

M. Bruno Le Maire, rapporteur spécial. Vous avez raison, monsieur Vergnier. Méfiez-vous des agrégés de lettres : en général, ils parlent mal le français. (Sourires.)

Cependant, monsieur Le Fur, je reste très attaché au respect du principe de l’intérêt général, et je ne suis pas partisan de multiplier les exceptions dans le domaine législatif. Si nous commençons à accepter un traitement différencié par type d’animal, alors adieu veaux, vaches, cochons… En respectant le sens de l’intérêt général, le ministre de l’agriculture doit trouver une solution qui ne fasse pas de différences entre les divers types d’animaux. Je ne suis donc pas favorable au sous-amendement n° 200.

En revanche, j’émets un avis très favorable sur le sous-amendement n° 206 rectifié. Les éleveurs doivent pouvoir, en effet, disposer d’un outil de traitement des cadavres qui soit agréé. J’insiste sur le caractère précis et exact du terme « agréé » qui remplace, après rectification du sous-amendement, le mot « reconnu ». En Normandie, les éleveurs qui possèdent un cheptel nombreux, parfois jusqu’à 500 bêtes, pourraient ainsi s’équiper de leur propre dispositif d’équarrissage, ou s’organiser avec leurs voisins pour mutualiser leurs ressources et créer un système d’équarrissage autonome. À partir du moment où le dispositif est officiellement agréé – j’y reviens, car je suis rapporteur spécial pour la sécurité alimentaire –, je pense que la solution est bonne, tant sur le plan économique que sanitaire.

Le transfert du service public de l’équarrissage vers les filières professionnelles, proposé par le sous-amendement n° 201 rectifié, permettrait à l’État, comme aux éleveurs, dont nous savons tous à quelles difficultés ils sont confrontés aujourd’hui, de faire des économies. En renforçant la concurrence, en permettant à certaines zones géographiques de disposer de leur propre système d’équarrissage, nous favoriserions une réduction des coûts. Je voudrais toutefois que le ministre de l’agriculture nous donne l’assurance que, dans ce cas, un coût-plafond d’équarrissage sera bien fixé pour l’ensemble du territoire national afin d’éviter de trop grandes disparités. Sous réserve de cette précision extrêmement importante, qui évitera que certains ne bénéficient d’un coût très faible tandis que d’autres seraient soumis à des prix exagérément élevés, j’émets un avis favorable au sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois sous-amendements ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Tout d’abord, je remercie Marc Le Fur pour l’esprit très constructif dans lequel nous avons travaillé avec lui et d’autres députés, ici présents, afin d’aboutir à un dispositif raisonnable, stable et durable.

Comme M. Le Maire, je ne suis pas favorable au sous-amendement n° 200. Le maintien des équidés dans le service public se traduirait par l’obligation pour l’État de passer un marché public spécifique, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui. En outre, il est difficile d’identifier les éleveurs et les propriétaires amateurs. Cette situation rend très délicate une organisation collective de cette filière qui permette de maîtriser les coûts et gêne la recherche d’une solidarité entre les différentes formes d’élevage. En effet, certains éleveurs n’ont pas besoin d’être aidés, alors que d’autres, que je rencontre tous les jours sur le terrain, méritent de l’être, notamment les éleveurs de chevaux de trait.

Je souhaiterais donc, monsieur Le Fur, que vous retiriez ce sous-amendement, afin de nous donner le temps de travailler avec la filière pour identifier les éleveurs professionnels équins – c’est notamment le cas des agriculteurs retraités. Il s’agit de leur permettre d’intégrer le système collectif que nous mettons en place dans la filière ruminants et de bénéficier ainsi de la mutualisation des coûts, au même titre que les autres secteurs de l’élevage. Cette évolution serait, me semble-t-il, de nature à répondre aux inquiétudes que vous avez exprimées en relayant les préoccupations de la filière équine.

Sur les sous-amendements nos 206 rectifié et 201 rectifié, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée. Je précise à Bruno le Maire que le dispositif que nous proposons doit permettre une régulation et éviter des coûts différenciés selon les régions.

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Monsieur le rapporteur de la commission des finances pour la sécurité alimentaire, méfiez-vous des maîtres d’école de la République laïque : ils sont particulièrement pointilleux sur l’orthographe et la grammaire ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire, rapporteur spécial. Vous avez raison !

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, je profite de ce débat sur l’équarrissage pour vous interroger sur le problème des farines animales. J’étais, comme vous le savez, le rapporteur de la commission d’enquête sur l’ESB, dont les conclusions sont aujourd’hui confirmées. En effet, ayant identifié les farines animales infectées comme étant responsables de l’ESB et de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, nous avions prévu que les cas d’ESB, donc de Creutzfeldt-Jakob, diminueraient considérablement au fil du temps, même si la période d’incubation est de vingt-cinq ans.

Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez si les farines à haut risque continuent d’être détruites dans les cimenteries et s’il existe encore des stockages importants de farines dites à bas risque. Si tel est le cas, pouvez-nous préciser leur coût pour le budget de l’État car, selon mes informations, il ne serait pas neutre ?

M. le président. La parole est à M. Daniel Boisserie.

M. Daniel Boisserie. Je me réjouis que les enseignants soient devenus des spécialistes de l’élevage au fil des années. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je m’inquiète de vos propositions concernant l’équarrissage. Si je salue le travail accompli par votre ministère – car je sais que votre tâche est très difficile –, j’ai du mal à vous croire lorsque vous affirmez que le nouveau dispositif entraînera une économie de 25 % pour les agriculteurs. En effet, l’aide de l’État est supprimée. Le produit de la taxe d’abattage sera utilisé, mais je souhaiterais, pour ma part, que cette taxe puisse être réduite, car les abatteurs et les abattoirs sont en difficulté. Quoi qu’il en soit, je pense que cette réforme se traduira par une augmentation importante du coût pour les éleveurs, et cela m’inquiète.

Ce week-end, j’ai vu un jeune agriculteur en pleurs. Non pas parce que, cette année, son bénéfice est inférieur à celui de l’année dernière, mais parce que, en raison de la fièvre catarrhale, il ne peut expédier ses animaux. Ceux-ci sont donc considérés comme du stock qui, en tant que résultat, est imposable. Or il n’a plus de trésorerie. Les éleveurs, notamment les jeunes, sont ainsi dans une situation extrêmement délicate, monsieur le ministre, et je tenais à vous en alerter.

Par ailleurs, je crains qu’il n’y ait des disparités entre territoires. Je souhaiterais donc que vous nous confirmiez qu’un tarif unique sera bien appliqué sur l’ensemble du territoire et que, pour les éleveurs, le nouveau dispositif représentera bien une économie.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, quoi qu’on en dise, votre mesure se traduira, au final, par un coût supplémentaire pour les éleveurs ; c’est la réalité. Or ceux-ci vivent déjà une situation extrêmement difficile et je crains qu’en l’aggravant encore, on ne compromette le maintien de l’élevage dans certaines zones.

Le problème de l’équarrissage est, c’est vrai, une patate chaude que se passent les ministres de l’agriculture successifs depuis quatre ou cinq ans : chaque année, nous débattons de ce problème. Je peux donc saluer les propositions qui ont été faites et qui visent à améliorer les conditions d’élevage, à valoriser les sous-produits animaux, à généraliser les structures collectives et à constituer à terme une association unique pour l’ensemble de la filière de l’élevage – ce qui signifie que les différents types d’élevage seraient regroupés dans une seule filière.

Mais les sous-amendements de M. Le Fur risquent de remettre en cause la péréquation. Prenons l’exemple du sous-amendement n° 206 rectifié : il est bien évident que ce sont les éleveurs qui ont les plus grandes exploitations et les moyens les plus importants qui pourront s’équiper pour le traitement des cadavres. Cela se fera donc au détriment des plus petites exploitations et portera atteinte à une forme de péréquation, qui ne doit pas être seulement géographique, mais aussi verticale en fonction de la taille de l’élevage.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je regrette ce nouveau désengagement de l’État, qui se traduira par des coûts supplémentaires pour les agriculteurs, et je pense qu’il faut se méfier de sous-amendements que je qualifierai de pervers.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Monsieur le ministre, sur un sujet aussi complexe, personne n’a de certitude. Si j’ai bien compris, il s’agit de maintenir une forme d’unicité, en tout cas un dispositif « bordé » au niveau national. Mais, dès lors que vous prévoyez de supprimer, pour certains secteurs, le service public de l’équarrissage, je ne vois pas comment vous pourrez empêcher n’importe quel opérateur d’exercer cette activité. Au reste, M. Le Fur en tire les conclusions, en proposant d’autoriser chaque éleveur à s’équiper pour le traitement des cadavres. Pourquoi une coopérative agricole, par exemple, ne pourrait-elle pas fournir le service d’équarrissage à ses adhérents, d’autant que les éleveurs devront pouvoir attester qu’ils ont conclu un contrat pour ce service ? La situation est donc très compliquée, car la suppression du service public fait s’écrouler tout l’édifice.

S’agissant du sous-amendement n° 200, je suis d’accord avec vous, monsieur le ministre. Je connais également de nombreux éleveurs de chevaux, notamment une qui siège souvent derrière moi dans cet hémicycle : ils doivent assumer leurs responsabilités d’éleveurs.

Je suis également très réservé sur le sous-amendement n° 206 rectifié. Tout d’abord, je me demande dans quelle mesure cette disposition, qui permet à des éleveurs de s’équiper en vue du traitement des cadavres, sera opérationnelle. En effet, la réputation des animaux morts n’étant pas très bonne, cette mesure risque de compliquer davantage encore l’installation et le développement des élevages, qu’il est déjà très difficile aujourd’hui de faire accepter. Je ne suis pas sûr que la méthode chinoise soit adaptée à certaines régions.

M. le président. La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Il s’agit d’une question compliquée, qui est pendante depuis un certain temps. Je souhaiterais donc que nous puissions trouver un point d’équilibre qui permettra, sur la base de l’amendement du Gouvernement, de mettre les choses en route. Comme je l’ai dit tout à l’heure, monsieur Gaubert, je suis partisan de l’évaluation. Je propose donc que l’on engage le processus – car nous avons beaucoup travaillé – et que l’on procède ensuite à une évaluation du dispositif pour voir s’il fonctionne.

Certains d’entre vous ont exprimé des inquiétudes à propos de la baisse des coûts. Nous avons observé une baisse lors des deux premières étapes ; nous espérons qu’elle se reproduira. Il y a la récupération de la TVA. Encore une fois, nous évaluerons le dispositif, mais il me semble que nous devons aller au bout de cette réforme.

Celle-ci vise également à créer davantage de concurrence, en encourageant les interprofessions à s’organiser afin de discuter avec les professionnels ou les entreprises dans de meilleures conditions. Ce sont ces associations interprofessionnelles qui vont passer les marchés. Il pourrait ainsi y avoir un marché national, voire des marchés régionaux, qui veilleront, non pas à établir un tarif unique, mais à respecter un équilibre. Nous avons les outils pour y parvenir et éviter trop de disparités.

S’agissant de l’ESB, monsieur Vergnier, j’ai bien relu les rapports sur le sujet, notamment ceux de l’Assemblée nationale. Dans le cadre de la politique volontariste du Gouvernement en matière d’élimination des farines animales – farines qui seront déstockées et détruites intégralement en 2010 –, les opérations de déstockage se sont accélérées en 2007. Les cinq derniers sites sont en cours de déstockage et, depuis le 1er janvier 2008, 270 000 tonnes supplémentaires de farines ont été détruites dans les cimenteries. Un tonnage équivalent devrait être vidé des entrepôts entre 2009 et 2010, date prévue pour la fin des opérations. La hausse du coût de l’énergie a entraîné une réfaction du coût du traitement des farines, qui constituent, je le rappelle en passant, un carburant d’appoint pour les cimenteries.

Par ailleurs, je suis également préoccupé par la tremblante classique ovine, qui touche certains élevages et qui a des conséquences sur la production de lait. Je travaille d’ailleurs sur un règlement communautaire sur ce sujet.

Enfin, mesdames et messieurs les députés, avant de vous proposer de voter l’amendement du Gouvernement sous-amendé par deux sous-amendements sur lesquels j’ai fait appel à la sagesse de votre assemblée, je voudrais dire deux choses.

Premièrement, nous maintenons en 2009 les crédits de l’État à hauteur de 44 millions d’euros, même si un ajustement doit avoir lieu ultérieurement pour nous adapter à la mise en œuvre de cette nouvelle organisation.

Deuxièmement, je voudrais faire une dernière proposition, à laquelle votre assemblée sera certainement sensible. Compte tenu du problème général de revenus auquel sont confrontés les éleveurs, que plusieurs d’entre vous ont évoqué, je souhaite que le Gouvernement trouve en 2009 les moyens de prendre à sa charge la dette des éleveurs sur le système d’équarrissage, s’élevant à 11 millions d’euros ; c’est l’une des propositions que je soumettrai au Premier ministre dans le cadre de la conférence du 12 novembre sur les revenus de l’agriculture et des éleveurs.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je prends par conséquent l’engagement de ramener à zéro la dette des agriculteurs, afin de leur permettre de commencer à travailler dans le cadre du nouveau système d’équarrissage sur des bases saines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je veux dire à M. Chassaigne que je comprends sa position ; cependant, il me semble que maintenir la situation de l’offre dans le domaine de l’équarrissage aurait pour conséquence de conforter le duopole d’entreprises de type CAC40 qui domine le secteur. Il convient, au contraire, de permettre à d’autres entreprises de s’installer.

Par ailleurs, afin de simplifier les choses et de remercier ainsi le Gouvernement, qui accomplit des efforts considérables en faveur des agriculteurs – j’en veux pour preuve l’information essentielle que vient de nous donner M. le ministre –, je retire le sous-amendement n° 200 relatif aux équidés.

(Le sous-amendement n° 200 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Mes collègues et moi-même ne voterons pas le deuxième sous-amendement de M. Le Fur pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure ; en revanche, nous voterons le troisième. Pour ce qui est de l’amendement n° 157 du Gouvernement, nous nous abstiendrons, non par défiance, mais parce que nous n’avons pas eu le temps d’expertiser de manière approfondie ce texte relativement complexe.

(Le sous-amendement n° 206 rectifié est adopté.)

(Le sous-amendement n° 201 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 157, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Les groupes SRC et GDR se sont abstenus sur le vote du sous-amendement n° 157.

Je suis saisi d’un amendement n° 266.

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. L’amendement n° 266 vise à répondre aux préoccupations exprimées par certains députés, notamment M. Le Fur, sur la question du prix du lait, qui se trouve au cœur de la crise que traverse actuellement l’élevage. Comme je l’ai déjà indiqué, nous nous sommes employés à recréer au niveau national l’encadrement de la négociation libre et privée entre producteurs et industriels, tout en confortant l’interprofession laitière, qui joue un rôle essentiel et à qui j’adresse, à ce titre, les remerciements du Gouvernement. J’espère que les différentes parties trouveront, dans les jours qui viennent, un accord de prix équitable et satisfaisant pour les producteurs de lait.

Je suis conscient de la nécessité d’adresser un signal en direction des acteurs de la filière laitière. Comme je l’ai dit, Mme Lagarde, M. Chatel et moi-même avons travaillé sur le statut juridique de l’organisation interprofessionnelle laitière. Aujourd’hui, il semble utile, au moins sur le plan symbolique, de conforter et de clarifier la situation juridique de cette organisation en apportant une plus grande visibilité aux opérateurs de la filière, de façon à garantir la qualité des produits et la stabilité des prix dans l’intérêt des consommateurs. Cela passe notamment par l’encouragement des relations contractuelles entre les opérateurs de la filière que sont les producteurs et les transformateurs. Tel est l’objet de l’amendement que je vous propose au nom du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur. La commission n’a pas pu examiner cet amendement. À titre personnel, je suis très favorable à cette proposition qui constitue un signe fort de nature à conforter notre filière laitière, notamment au travers du CNIEL et des centres régionaux interprofessionnels de l’économie laitière.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Un certain nombre de députés souhaitaient déposer cet amendement, ce qu’ils n’ont malheureusement pas pu faire pour des raisons de procédure. Je remercie par conséquent M. le ministre d’avoir accepté de le présenter au nom du Gouvernement.

La filière laitière vit des jours très difficiles, et je puis vous assurer que cet amendement sera considéré avec la plus grande attention dans nos campagnes. Hier encore, la réunion visant à trouver un accord sur le prix du lait s’est soldée par un échec. Les agriculteurs de nos départements attendent de nous que nous rendions possible, par la loi, la détermination du prix du lait – ce qui revient à soustraire la formation de ce prix à l’application des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce. Une lettre de la DGCCRF du printemps dernier avait largement contribué à compliquer la situation en se prononçant pour une dérégulation du marché.

L’amendement du Gouvernement nous offre la chance de sortir de cette période de confusion pour revenir à des principes de régulation positive auxquels nous sommes tous favorables. L’adoption de cette proposition doit nous permettre de définir à nouveau des indices servant de base à la détermination d’un prix de référence pour les vendeurs et les acheteurs, sans que ceux-ci se rendent coupables d’une distorsion de concurrence.

Il est indispensable que nous adoptions cet amendement. Je vous remercie à nouveau, monsieur le ministre, de nous avoir aidés à apporter une solution aux producteurs laitiers. Les éleveurs nous seront, je crois, reconnaissants de la décision que nous nous apprêtons à prendre.

M. le président. La parole est à M. Jean Gaubert.

M. Jean Gaubert. Je veux dire à M. le ministre que nous allons voter cet amendement afin que la situation que connaissent les producteurs laitiers puisse se débloquer. Cependant, ne nous y trompons pas : ce n’est pas cela qui va faire monter le prix du lait ! Nous allons voter cet amendement par cohérence, parce que nous étions en désaccord avec l’esprit de la LME sur un certain nombre de points, notamment l’obtention d’une baisse des prix au moyen de la concurrence : une concurrence accrue se traduit par une plus grande pression exercée sur les industriels puis, par répercussion, sur les éleveurs. La régulation – dont il a beaucoup été question ces jours-ci à Bruxelles – est nécessaire, notamment sur le marché du lait, et nous estimons qu’il convient d’aller dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voterai, moi aussi, cet amendement qui va dans le sens de la régulation.

Cependant – et en dépit des reproches récemment formulés au sujet du niveau de dépenses de l’Assemblée –, je voudrais proposer que chaque député soit équipé d’une balayette et d’une petite pelle en plastique. Quand on fait de la casse, il faut ramasser les débris ! Je peux vous dire qu’après l’adoption d’une série de décisions tendant à supprimer les possibilités de négociation sur les prix – je pense en particulier à la loi de modernisation de l’économie –, vous allez être très occupés ! Vous pouvez d’ores et déjà vous apprêter à réparer, en restaurant la régulation, les dégâts occasionnés dans de nombreux domaines. Vous regretterez alors certainement d’avoir proclamé qu’il ne fallait aucune contrainte, qu’il fallait aller vers la libéralisation et vers la suppression des conditions générales de vente. La situation de la filière laitière n’est que l’un des exemples démontrant la nécessité d’avoir un État présent et de pouvoir disposer d’indications en termes de prix.

(L’amendement n° 266 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 248 rectifié.

La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Cet amendement vise à développer et parfaire une expérience exemplaire conduite par les professionnels du bois et de l’ameublement réunis au sein d’organismes tels que l’UNIFA, le FCBA, le CTBA et les Centres techniques industriels – dont on a célébré les soixante ans à Bercy en juillet dernier. Dans un contexte international de concurrence féroce, ces professionnels se sont regroupés pour unir leurs forces et faire en sorte de développer leur propre système de recherche appliquée, en parallèle de la recherche fondamentale s’effectuant dans le cadre universitaire. Ils ont ainsi réussi à créer un effet de levier extrêmement efficace en matière d’innovation et de recherche appliquée.

Dans ce qui était un esprit de coproduction législative avant l’heure, nous avions travaillé avec ces professionnels – auxquels se sont progressivement associés l’ensemble des professionnels du bâtiment – afin d’aboutir, en accord avec l’administration de Bercy et celle du ministère de l’agriculture, qui exercent une cotutelle en la matière, à la rédaction d’un amendement instaurant une taxe affectée. Cet amendement emportait l’adhésion des professionnels concernés, mais également de nombreux députés sur tous les bancs, notamment M. Chassaigne, qui s’y était associé – de même qu’à l’amendement portant sur le comité des arts de la table. Nous sommes ainsi parvenus à mettre au point un mode de fonctionnement basé en partie sur l’autofinancement, en partie sur des ressources provenant des importations. L’expérience a montré que ce système pouvait être perfectionné en travaillant à nouveau avec l’ensemble des acteurs du secteur afin d’optimiser la taxe. Il se trouve en effet que, dans le secteur du bois et de l’ameublement, certains commercialisent directement des produits finis, tandis que d’autres réalisent une bonne partie de leur chiffre d’affaires sur le montage et la construction.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Censi.

M. Yves Censi. L’amendement n° 248 rectifié consiste donc à adapter la taxe à la diversité des situations des professionnels du bois.

Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais évoquer la situation du FCBA, qui mérite largement d’être soutenu. Je sais qu’il existe un projet de déménagement du siège de cet organisme, décidé par votre ministère. Si nul ne conteste ce projet, je me permets toutefois d’appeler votre attention sur la force de proposition que constitue le FCBA et je vous invite à écouter les suggestions qu’il souhaite formuler au sujet de ce projet de déménagement, qui ne doit pas avoir pour conséquence de le mettre à genoux sur le plan financier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Forissier, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. Je suis favorable, à titre personnel, à cette proposition constituant une adaptation de bon sens. Il paraît en effet logique de soumettre à la taxe une partie seulement du chiffre d’affaires des entreprises dont l’activité ne réside pas exclusivement dans la fabrication de produits en bois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture. Je suis favorable à cet amendement, et je lève le gage.

Cette proposition est conforme à l’accord qui a été signé par les professionnels et mon collègue Luc Chatel, au terme d’une longue négociation portant sur le financement de la promotion du bois en tant que matériau.

Je serai très attentif aux propositions du FCBA. Je suis très soucieux de la qualité du dialogue que nous avons avec lui. Je le dis à l’Assemblée nationale, nous avons un problème parce que cet institut technologique a une partie de ses locaux dans un site qui appartient au ministère de l’agriculture, dans le XIIarrondissement, où nous avons décidé de regrouper une partie de nos services. Vous savez en effet que les locaux du ministère vont être regroupés sur deux sites au lieu de six : le siège historique de la rue de Varenne, que vous connaissez, et ce nouveau site, donc, qui sera écologiquement impeccable – et qui, je l’espère, intégrera du bois –, dans le quartier de Picpus.

Puisque nous arrivons, monsieur le président, au terme de l’examen des crédits de mon ministère, je tiens à vous remercier, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée nationale et tous les parlementaires, qui ont participé depuis ce matin à la discussion de ce budget dans un esprit constructif.

(L'amendement 248 rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’agriculture, à la pêche, à l’alimentation, à la forêt et aux affaires rurales.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2009 :

Anciens combattants.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)