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SOMMAIRE
Présidence de M. Bernard Accoyer
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales
M. Christian Blanc,
Heures supplémentaires et politique salariale
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi
Commissaires à la réindustrialisation
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
Pôle sanitaire de l'ouest de la Réunion
M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer
Mouvement de protestation du personnel pénitentiaire
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche
Exonération des heures supplémentaires
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi
Extension du contrat de transition professionnelle
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité
2. Hauts revenus et solidarité
M. Pierre-Alain Muet, M. François de Rugy, M. Nicolas Perruchot, M. Yves Censi
3. Augmentation des salaires et protection des salariés et des chômeurs
M. Alain Vidalies, M. Roland Muzeau, M. Francis Vercamer, M. Benoist Apparu
4. Suppression du « délit de solidarité »
M. Daniel Goldberg, M. Patrick Braouezec, M. Claude Leteurtre, M. Éric Diard
Suspension et reprise de la séance
Présidence de Mme Catherine Vautrin
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Traitement judiciaire de la délinquance des mineurs
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Bilan de la lutte contre l’insécurité
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Lutte contre la violence aux personnes
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Bilan de l’application des peines planchers
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Effectifs des forces de police
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Groupements d’intervention régionaux
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Exécution des décisions de la justice des mineurs
Mme Rachida Dati, garde des sceaux
Unités territoriales de quartier
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur
Discussion de la loi pénitentiaire
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Francis Vercamer. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a annoncé sa décision de poursuivre la réforme du travail dominical, avec un texte qui serait examiné au mois de juillet prochain.
Le principe du repos le dimanche est un principe fondamental de notre droit social depuis 1906. Néanmoins, pas moins de 180 dérogations existent aujourd’hui, dérogations introduites par les gouvernements successifs, toutes étiquettes politiques confondues. Ces dérogations concernent des domaines très divers, tels que la santé, la sécurité, la communication, les loisirs, la restauration, ou encore le transport.
Aussi, mettre une dose de cohérence et d’équité dans une réglementation pour le moins confuse est une garantie de sécurité juridique, tant pour les entreprises qui mettent ces dérogations en pratique que pour les salariés qu’elles concernent.
Pour le Nouveau Centre, le travail le dimanche doit rester une exception, parce que le dimanche n’est pas un jour comme les autres.
M. François Rochebloine. Très bien !
M. Francis Vercamer. Le travail du dimanche doit être permis de façon exceptionnelle, sur la base du volontariat du salarié, et celui-ci doit bénéficier de garanties salariales renforcées, en rapport avec l’effort qu’il effectue.
Il est également impératif que ces dérogations au repos dominical soient accompagnées de contreparties sociales significatives en direction des salariés qui travaillent déjà le dimanche.
Monsieur le ministre, comptez-vous, dans le cadre de cette réforme législative, harmoniser la situation des salariés des secteurs d’activité déjà concernés par le travail dominical ?
Comment comptez-vous assurer une meilleure équité entre salariés du secteur privé travaillant déjà le dimanche et soumis à des régimes dérogatoires différents, concernant, par exemple, les contreparties salariales dont ils bénéficient ?
Enfin, quelle place comptez-vous par ailleurs donner aux partenaires sociaux dans l’élaboration de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Monsieur le député, face à la crise que connaît notre pays, tout gouvernement, quel qu’il soit, doit tout essayer, tout mettre en œuvre, tout rechercher pour préserver l’emploi, sans négliger la plus petite opportunité.
M. Roland Muzeau. Tout essayer, ce n’est pas faire n’importe quoi !
M. Brice Hortefeux, ministre du travail. Il est donc de notre devoir d’avancer ensemble sur l’aménagement de certaines dérogations bien précises, bien délimitées, au repos dominical. Nous aborderons ce débat, le moment venu, avec deux principes clairs et cohérents.
D’abord, il n’est pas question de remettre en cause le principe du repos dominical, qui est le temps de la vie familiale, de la vie sociale, et aussi, pour certains, de la pratique du culte chrétien.
M. Roland Muzeau. Pourquoi chrétien ? Rappel au règlement ! On n’est pas dans une église, ici !
M. Brice Hortefeux, ministre du travail. J’indique donc qu’il n’est pas question de généraliser le travail du dimanche.
Ensuite, nous devons proposer cette liberté de travailler le dimanche, afin de sauvegarder des emplois qui sont menacés, en fixant des règles simples permettant aux salariés qui le souhaitent, dans des zones bien définies, de travailler volontairement, et j’insiste bien sur cette notion de volontariat, avec toutes les garanties sociales.
Nous devons donc répondre à deux problèmes existants : dans les zones thermales et touristiques, il faut permettre à tous les commerces de détail d’ouvrir le dimanche, à l’exception, naturellement, des grandes surfaces alimentaires ; et dans les zones où le travail dominical se pratique déjà couramment, c’est-à-dire dans les grandes agglomérations de Paris, de Marseille, de Lille, il faut permettre aux salariés qui ont l’habitude et la volonté de travailler le dimanche de pouvoir continuer à le faire, et ce avec des garanties, effectivement, monsieur Vercamer, y compris salariales.
Je vous le dis très clairement, pour mettre fin à ce feuilleton à rebondissements du contentieux, il n’existe qu’une seule solution : c’est la loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Yves Cochet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports.
La pandémie grippale d’origine porcine que nous connaissons actuellement n’est pas terminée. Existe-t-il des rapports scientifiques indiquant les conditions d’émergence de cette pandémie grippale d’origine porcine en relation avec les concentrations porcines ? Car de telles concentrations de l’agriculture industrielle et productiviste existent au Mexique, mais aussi en France, notamment en Bretagne.
Par ailleurs, le ministère de la santé a distribué aux personnels médicaux un kit anti-grippe. Or ce kit ne contient qu’une vingtaine de masques P2, efficaces à moins de 90 %, et aucun masque P3, dont l’efficacité est de 100 %. Pourquoi ?
Dans ce même kit anti-grippe, il n’y a ni combinaison ni cape intégrale, qui protègent contre la contamination mécanique.
Enfin et surtout, si l’hémisphère sud est plus menacé que nous, puisqu’il va entrer dans l’hiver et nous dans l’été, il est possible que la pandémie s’y répande plus qu’au Nord. Toutefois, nous serions peut-être frappés dans six ou huit mois. La France et l’Union européenne ont donc intérêt, par solidarité, à aider les pays du Sud. Quel est le volume de l’aide que la France et l’Union européenne vont apporter aux pays touchés en nombre de masques, de combinaisons, de doses de Tamiflu et d’un éventuel vaccin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le député, je vous réponds à la place de Roselyne Bachelot, qui défend en ce moment même un projet de loi au Sénat. Comme nous travaillons ensemble au sein de la cellule interministérielle de crise, nous avons les mêmes réponses à vos questions.
D’abord, la France est préparée – l’OMS considère même qu’elle est l’un des pays les mieux préparés – à répondre à une éventuelle épidémie, qu’elle ait lieu maintenant ou plus tard, à l’automne, ce qui nous préoccupe également. Les laboratoires sont en train de travailler sur un vaccin adapté à cette grippe, qui doit nous permettre d’atténuer, dans la mesure du possible, les effets de l’épidémie.
En ce qui concerne les masques, la France dispose actuellement de 443 millions d’unités et a prévu d’en acheter 110 millions de plus d’ici à la fin de l’année pour assurer que les dates de péremption ne soient pas dépassées. Quant aux combinaisons, elles ne sont actuellement pas nécessaires compte tenu des modes de transmission.
J’en viens à l’aide aux pays du Sud. Aujourd’hui, vingt et un pays sont touchés, avec la caractéristique qu’aucun n’est africain. Nous avons commencé à acheminer l’aide vers les pays qui nous l’ont demandé, c’est-à-dire essentiellement le Mexique. Hier, nous avons envoyé un expert en épidémiologie et en bactériologie, et le ministère des affaires étrangères a expédié 100 000 doses de Tamiflu, répondant ainsi aux demandes qui nous étaient faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Henri Plagnol. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale.
La semaine dernière, le Président de la République a dessiné avec force sa vision du Grand Paris : une vision à la fois généreuse et ambitieuse. Le Grand Paris, c’est un double défi. C’est projeter notre région Île-de-France dans le XXIe siècle en mobilisant tous ses atouts pour la bataille de l’emploi et sa compétitivité en Europe et dans le monde. Mais c’est aussi, et surtout, améliorer la vie quotidienne des millions de Franciliens.
Au cœur de ces défis, il y a la nécessité d’améliorer le système des transports. Le transport, c’est vital pour l’emploi parce que c’est la mobilité, c’est essentiel pour respecter les engagements du Grenelle de l’environnement – si on invite les Franciliens à moins utiliser leur voiture sans rien leur proposer en échange, c’est l’échec assuré.
Le Président de la République a dressé un constat dans lequel tous les élus et tous les habitants d’Île-de-France se retrouvent : avec un système des transports à bout de souffle, c’est devenu une véritable épreuve que d’aller à son travail tous les jours.
Comment améliorer l’ordinaire des usagers des transports de l’Île-de-France ? Le Président de la République a dit que cela passerait par 35 milliards d’euros (« Il ne les a pas ! » sur les bancs du groupe SRC) et une loi spéciale. Peut-on en attendre, à court terme, une amélioration et, à moyen terme, le grand métro automatique régional, indispensable pour les transports de banlieue à banlieue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale.
M. Patrick Roy. Grand Paris, demi-Gouvernement !
M. le président. Monsieur Roy, je vous en prie !
M. Christian Blanc, secrétaire d’État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la situation des transports en région parisienne, qui est en effet très dégradée. Le sous-investissement chronique depuis quinze ans dans les transports est réel.
Le 29 avril, pour présenter le Grand Paris, le Président de la République a mis au cœur de son projet un nouveau schéma de transports collectifs à réaliser en urgence avec deux objectifs : permettre les liaisons banlieue-banlieue, impossibles aujourd’hui ; assurer la desserte des pôles économiques et des aéroports ; désenclaver les secteurs urbains délaissés, tels que Montfermeil et Clichy.
Nous allons créer la troisième génération de transports parisiens. Après le métropolitain et le RER, ce sera le réseau de métro automatique à grande capacité : un réseau de 130 kilomètres, des rames roulant de 60 à 80 kilomètres à l’heure, pouvant fonctionner jour et nuit. L’un des objectifs est de pouvoir rejoindre, depuis l’aéroport Charles de Gaulle, La Défense ou le centre de Paris en moins de trente minutes. Le réseau sera articulé sur le réseau existant, ce qui permettra de fluidifier le RER.
Nous nous donnons deux mois pour arrêter, conjointement avec la région, le réseau de transport optimal le plus efficient, ainsi que les modalités de son financement.
Le Grand Paris sera, certes, un chantier dans la région capitale, mais ses effets vont concerner l’ensemble du pays. Développer les potentiels d’une des quatre villes-monde, avec New York, Londres et Tokyo, concerne, par effet d’entraînement, toute l’économie nationale et tout particulièrement nos métropoles régionales. Le Grand Paris est donc un grand enjeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. la parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean Mallot. Monsieur le Premier ministre, selon l’INSEE, la part des dividendes dans la valeur ajoutée des entreprises a plus que doublé en quinze ans.
Nous savons que l’écart croissant entre la rémunération du travail et celle du capital constitue la cause principale de la situation de crise économique gravissime que nous connaissons et dont les conséquences sociales sont considérables.
Le chômage vient, en effet, d’augmenter de 22 % en un an. La détresse et le mécontentement populaire s’amplifient. Ils sont justifiés.
Vendredi dernier, la mobilisation a été très importante, considérable. Il y a eu quatre fois plus de participants que d’habitude dans les défilés unitaires organisés à l’occasion de la fête du 1er mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Face à cela, au niveau européen, le PPE, c’est-à-dire vos amis de droite, monsieur le Premier ministre, ne trouvent rien d’autre à proposer que toujours plus de flexibilité sur le marché du travail, en généralisant le CDD, y compris sans motif.
Votre réponse à vous, c’est le travail du dimanche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour notre part, nous avons présenté et discuté, jeudi dernier, dans notre hémicycle, une proposition de loi pour l’augmentation des salaires, donc pour le pouvoir d’achat, sans lequel tout plan de relance serait vain.
Nous voulons en particulier que, lorsqu’une entreprise est passible d’une exonération de cotisations sociales notamment sur les bas salaires, elle ne puisse en bénéficier qu’à condition d’avoir conclu, et pas seulement négocié, un accord collectif sur les salaires.
Les allégements de cotisations sont importants – plus de 25 milliards d’euros.
D’ailleurs, le candidat Sarkozy, en octobre 2006, s’était engagé à ce que ces exonérations soient « conditionnées dorénavant à la hausse du salaire ». Alors, monsieur le Premier ministre, en ce deuxième anniversaire de l’arrivée de votre patron à l’Élysée, allez-vous donner instruction à votre majorité de voter notre proposition de loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'état chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur Mallot, vous m’avez interrogé notamment sur la proposition déposée par le parti socialiste, dont nous avons débattu ensemble la semaine dernière.
Cette proposition de loi portait sur deux points principaux.
Le premier point est la conditionnalité des allégements de charges, que vous vouliez rendre obligatoire à l’obtention d’un accord salarial. Nous avons, de ce point de vue, une vision divergente. Elle repose sur une idée – et elle s’assume – toute simple. Votre proposition consiste à dicter la politique salariale dans les entreprises.
M. Jean Mallot. Non !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat. C’est tout à fait de votre responsabilité, et cela peut parfaitement être assumé.
Notre proposition, à nous, consiste à considérer que la politique salariale ne relève pas de la loi, mais – surtout après le 1er mai – que c’est aux partenaires sociaux d’en discuter…
Plusieurs députés du groupe SRC. C’est ce que nous disons !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. …et que c’est à l’intérieur de l’entreprise que les négociations salariales doivent être conduites.
En revanche, monsieur Mallot, il y a une deuxième chose importante, que vous n’avez pas soulignée : il y a un abus sur ces accords salariaux – et vous le savez très bien. C’est notamment le fait qu’au niveau des branches nous continuions à avoir depuis plus de quinze ans des minima de branche qui étaient inférieurs au SMIC. De ce point de vue, grâce à la loi que vous avez votée, un travail de fond a été enclenché pour ramener dans toutes les branches, conjointement avec Brice Hortefeux, tous les minima de branche au niveau du SMIC.
Ce sont, de ce point de vue, les choix qui sont adoptés par ce Gouvernement, qui entend travailler pour le pouvoir d’achat sans jamais oublier l’impératif de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. la parole est à M. Jacques Lamblin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jacques Lamblin. Ma question s’adresse à Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation.
Le Président de la République a confié hier, à neuf commissaires à la industrialisation la mission de construire une stratégie de crise pour les territoires qui sont placés sous leur responsabilité.
Affirmant qu'ils étaient l'incarnation de la volonté du Gouvernement de n'abandonner aucun salarié et aucun territoire, le Président a chargé ces commissaires de tout faire pour anticiper et éviter les plans sociaux massifs et les dépôts de bilan, en utilisant les puissants moyens mis en œuvre par le Gouvernement.
Permettez-moi, monsieur le ministre, avant de poser ma question, de souligner, avec force, la stratégie de mouvement, délibérée, assumée et réfléchie, suivie par le Président de la République.
Quel contraste avec l'indécision, la lenteur, la stérilité de l'opposition (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qui propose par exemple en février un plan de lutte contre une crise qui a débuté en septembre de l'année d'avant ! Il y a le feu le dimanche, les pompiers socialistes arrivent le jeudi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Opposition qui, par exemple, propose la relance par la consommation, comme en Angleterre. Comparez aujourd'hui la situation de la France et celle de l'Angleterre !
Opposition qui, par exemple, lorsqu'elle maîtrise l'exécutif, ne s'adapte pas à la situation. Voyez les régions, toutes socialistes ou presque. Seules trois sur vingt-deux ont programmé un plan de relance s'appuyant sur le FCTVA.
Bref, l'opposition parle beaucoup et agit peu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Les Français s'en rendent d'ailleurs compte. Ce n'est pas avec deux ou trois pardons que vous les endormirez.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aurez la mission de coordonner et d’appuyer l’action de ces commissaires. Quelle sera leur feuille de route en matière de réactivité, de prévention et d'accompagnement, tout particulièrement en Lorraine, puisque la Lorraine dont je suis issu, aura a son service un commissaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l’industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Lamblin, face à la crise économique, le Gouvernement a décidé de renforcer considérablement ses moyens de lutte contre les restructurations industrielles. Vous avez, mesdames et messieurs les parlementaires, adopté une nouvelle ligne de crédits qui sera disponible pour les restructurations économiques. Le Président de la République a installé hier les commissaires à la réindustrialisation, qui seront chargés, dans les neuf régions les plus fragilisées, de mettre en œuvre la politique d’accompagnement du Gouvernement en la matière.
Cette politique repose sur trois grands piliers.
Le premier pilier est l’anticipation : tout faire pour éviter des restructurations. Nous savons qu’en amont, par des reprises d’entreprises, par un travail méthodique, on peut éviter des restructurations économiques. Grâce au travail du Comité interministériel de restructuration industrielle mois, nous avons empêché, depuis six mois, la suppression de 22 000 emplois dans notre pays.
Le deuxième pilier est l’accompagnement social. Monsieur Lamblin, on ne ferme pas en France une usine en huit jours. Des lois sociales existent. Elles doivent permettre un accompagnement des salariés victimes de la crise. Les commissaires à la réindustrialisation seront chargés de cela.
Le troisième pilier est la revitalisation. Ces commissaires seront auprès des élus locaux chargés de travailler à la réindustrialisation des territoires. Ils seront placés auprès des préfets de région et coordonneront dans les bassins d’emplois en difficulté l’ensemble de la politique de l’État menée en matière de restructuration économique.
Vous pouvez constater, monsieur Lamblin, qu’il s’agit d’une vraie réponse. Dans votre région, M. Pierrat, placé auprès du préfet de région, gérera les bassins d’emplois les plus difficiles. Face à la crise, l’objectif du Gouvernement est bien d’apporter une réponse adaptée à chaque salarié victime de la crise, afin qu’aucun salarié ne soit laissé au bord du chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Frédérique Massat. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Jeudi dernier, nous avons ouvert le débat sur le bouclier fiscal. Malheureusement, votre majorité a préféré déserter l'hémicycle plutôt que d'avoir à justifier les raisons de son maintien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le dispositif mis en place et qui contribue à autant d'injustice sur le plan fiscal est unique au monde. En plus d'aggraver les injustices devant l'impôt, il a vidé les caisses de l'État et creusé les inégalités. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Pierre Gorges. C’est faux !
Mme Frédérique Massat. Ce cadeau accordé aux plus aisés est devenu indécent.
Ainsi, grâce à lui, cent contribuables vont se partager plus de 155 millions d'euros. (« C’est une honte ! » sur les bancs du groupe SRC.) De plus, les revenus pris en compte ne concernent pas que ceux du travail, ils englobent aussi ceux du capital. Rappelons que les bénéficiaires du bouclier fiscal peuvent être des contribuables qui n'ont aucune activité professionnelle. Au coeur des revendications dans les cortèges du 1er mai, la suppression du bouclier fiscal est devenue une nécessité.
Monsieur le Premier ministre, il n'est pas honteux de se tromper. Le bouclier fiscal était une erreur dès le départ. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Depuis deux ans, nous n'avons eu de cesse d'en dénoncer les ressorts idéologiques. Mais dans le contexte actuel, votre acharnement tourne au ridicule. Pourquoi continuez- vous à vous obstiner dans cette posture caricaturale ?
M. Éric Diard. C’est vous qui êtes caricaturaux !
Mme Frédérique Massat. Est-ce seulement pour maintenir l'illusion d'une fidélité aux slogans de campagne du Président de la République ?
Regardez autour de vous : votre politique est en décalage avec le contexte économique et social ! Et le bouclier fiscal en est l'emblème.
Monsieur le Premier ministre, à l'issue de ces questions d'actualité, nous allons procéder au vote sur la suppression du bouclier fiscal. Voici donc le moment pour votre majorité parlementaire de s'engager, oui ou non, dans la poursuite de cette politique injuste.
La balle est dans votre camp, nos concitoyens ont besoin d'actes concrets. En acceptant la suppression du bouclier fiscal, vous enverriez un signe fort à la population. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Madame la députée, vos chiffres sont, en effet, exacts puisque c’est moi qui vous les ai communiqués ! (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans le domaine fiscal, comme dans les autres, nous conduisons nos politiques dans la transparence la plus absolue. Lorsque vous parlez de restitution d’argent aux cent premiers bénéficiaires du bouclier fiscal…
M. Patrick Roy. Supprimez-le !
M. le président. Je vous en prie, monsieur Roy !
M. Éric Woerth, ministre du budget. ...vous oubliez, madame la députée, de rappeler que ces personnes acquittaient jusqu’à 130 % de leurs revenus avant l’instauration du bouclier fiscal.
M. Albert Facon. Et il leur en restait combien ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Fiscalisation ne doit pas rimer avec confiscation. Pour notre part, nous défendons la justice fiscale. Au demeurant, de quel côté se situe l’injustice fiscale ? Permettez-moi de vous rafraîchir la mémoire, chers collègues de l’opposition. Je vous rappelle que lorsque vous étiez au pouvoir, votre majorité a, en 2000, fait voter un régime de faveur pour les stock options. Voilà la réalité. (« Ouh ! » sur les bancs du groupe UMP.)
C’est notre majorité – UMP-Nouveau Centre – qui a fait adopter un régime normal concernant les stock options en rétablissant les contributions dont elles étaient exonérées. L’injustice fiscale – et je prends la France à témoin –, ce n’est pas le bouclier fiscal, c’est ce que vous avez fait à l’époque en faveur des stock-options ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello., pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Mme Huguette Bello. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
Le débat en cours sur l'avenir et les finalités de l'hôpital public nous mobilise tous. Il vient d'atteindre des sommets à la Réunion avec les dernières déclarations de la directrice de l'Agence régionale de l'hospitalisation, qui préconise non seulement l'éclatement du futur pôle sanitaire de l'ouest sur plusieurs sites, mais, surtout, de transférer toutes les activités chirurgicales à un groupe privé.
Ces déclarations interviennent trois mois à peine après le retrait de ce groupe privé du PSO et la validation d'un nouveau partenariat public-public. Elles suscitent une grande émotion chez les usagers et dans toute la communauté hospitalière. Un collectif pour la sauvegarde de l'hôpital public a été créé et la pétition citoyenne qui a été lancée rencontre un grand succès.
Cette émotion est à la mesure des attentes auxquelles l'actuel centre hospitalier ne peut plus répondre, ni en termes de capacités d'accueil, ni en termes de sécurité.
Le large rassemblement citoyen veut rappeler les engagements de Dominique de Villepin et de l'actuel secrétaire général de l'UMP pour la création, en 2010, d'un nouvel établissement – engagements jusqu'ici non tenus.
Tout se passe comme si ce projet vital était suspendu aux conditions et aux intérêts du partenaire privé. Les malades sont hospitalisés dans les couloirs, et les urgences explosent. Mais on attend. Le centre hospitalier a beau supporter la presque intégralité des investissements, la maîtrise des opérations lui échappe.
La question que tout le monde se pose est de savoir si le partenariat avec le secteur privé est incontournable, quelles que puissent être les conditions.
Nous voulons aussi savoir si le plan Santé outre-mer, prévu pour février dernier, a intégré que les outre-mers sont des terres propices aux monopoles privés et que la santé n'y échappe pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer.
M. Yves Jégo, secrétaire d’État chargé de l’outre-mer. Je veux vous rassurer, madame la députée, sur la volonté du Gouvernement de travailler à une recomposition de l’offre de soins, notamment dans le secteur ouest de la Réunion. L’un des partenaires privés du projet a, en effet, comme vous l’avez rappelé, fait défaut considérant que les propositions ne lui convenaient pas. C’est la raison pour laquelle la directrice de l’Agence régionale de l’hospitalisation a repris son travail afin de formater un nouveau projet avec les partenaires publics et de faire en sorte que nous puissions garantir la sécurité sanitaire et une offre médicale de qualité en associant l’ensemble des outils présents sur ce territoire.
Contrairement à ce que vous semblez croire, il n’y a aucune volonté de céder la chirurgie au secteur privé, mais celle de pérenniser l’offre de soins et de mieux l’organiser. Une fois ce travail de concertation achevé, la directrice de l’Agence régionale aura l’occasion de vous en rendre compte ainsi qu’à l’ensemble des élus. Je vous confirme que l’opération d’investissement sur le pôle sanitaire de l’ouest bénéficiera du Plan hôpital 2012, conformément à ce qui était prévu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Flajolet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. André Flajolet. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.
Parce que l’exercice de leur métier est de plus en plus difficile (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC) en raison d’une surpopulation carcérale chronique – la maison d’arrêt de Béthune, par exemple, compte 506 détenus pour 183 places –, les surveillants pénitentiaires ont débuté un mouvement de protestation nationale le 4 mai.
Leur mécontentement porte sur des revendications présentées à l’automne dernier. Depuis cette date, comme vous l’avez souhaité, de nombreuses réunions de travail ont permis de progresser sur ces sujets. Néanmoins, une partie des surveillants souhaite des avancées plus rapides.
Je ne nie pas les efforts consentis en faveur de l’administration pénitentiaire et de ses personnels. J’observe d’ailleurs que le Parlement a voté des budgets en forte hausse en faveur de cette administration, créant notamment près de 2 400 emplois pour les années 2008 et 2009, alors que de nombreux ministères réduisent leurs effectifs.
Par ailleurs, le programme d’ouverture de nouveaux établissements permet d’améliorer sensiblement les conditions de travail des personnels concernés, nous avons pu le constater avec la nouvelle prison de Lyon, mise en service dimanche dernier dans d’excellentes conditions.
Cependant, madame la ministre, l’immense diversité des causes d’incarcération, le stress des personnels souvent, l’anxiété des prisonniers parfois, réclament un temps d’écoute et appellent des réponses.
Aussi souhaiterais-je savoir quelles mesures supplémentaires vous entendez prendre afin de répondre à ces revendications et de permettre aux surveillants, ainsi qu’aux autres personnels pénitentiaires, d’exercer leurs fonctions au quotidien dans de meilleures conditions. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Patrick Roy. Et du procès de l’amiante !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison d’aborder ces sujets extrêmement préoccupants que sont la surpopulation carcérale et l’état des prisons.
Tout d’abord, je souhaite rendre hommage à l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire car ils exercent un métier difficile dans des conditions de plus en plus difficiles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC et GDR.)
M. Maxime Gremetz. C’est pour cela que vous envoyez les CRS contre eux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je rappelle que l’administration pénitentiaire est l’une des priorités du Gouvernement et du ministère de la justice.
Je tiens également à remercier l’ensemble des parlementaires de la majorité qui ont adopté le budget du ministère de la justice, budget en hausse qui a permis d’améliorer les conditions de détention par l’ouverture de nouvelles places de prison. D’ici à la fin de l’année, nous atteindrons le chiffre de 9 000 places créées sur les 13 000 prévues d’ici à 2012. Ils ont également permis d’augmenter les effectifs de l’administration pénitentiaire avec 1 100 emplois supplémentaires en 2008 et 1 264 en 2009, de sorte qu’il y aura création nette d’emplois dans ce secteur.
Je rappelle que nous avons un objectif : la sécurité des Français. Dans cette perspective, nous luttons contre la récidive par des aménagements de peine, dont le nombre a augmenté de plus de 50 % en deux ans.
Nous nous réunissons régulièrement avec les organisations syndicales, que j’ai encore reçues ce matin, ce qui nous a permis d’aboutir à des avancées majeures. Je citerai en particulier la création d’un bureau d’action sociale et des augmentations d’effectifs, notamment la nuit dans les petits établissements pénitentiaires ; nous entendons en outre revoir les modalités de contrôle des arrêts maladie, compte tenu des conditions de travail difficiles. Tout cela se fait grâce au soutien du Gouvernement.
Mais il ne faut pas oublier que d’autres avancées majeures seront consacrées par la loi pénitentiaire qui, je le rappelle, sera la deuxième en soixante ans. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Je souhaite que la majorité, mais aussi les parlementaires dans leur ensemble, soient au rendez-vous pour l’adoption de ce projet de loi pour la modernisation des prisons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean Launay. Monsieur le Premier ministre, qui a dit : « La réhabilitation du travail passe d’abord par une certaine morale » ? Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, à Agen, le 22 juin 2006. Eh bien, nous disons : chiche ! C’est la raison pour laquelle notre groupe a présenté, jeudi 30 avril dernier, une proposition de loi relative aux hauts revenus et à la solidarité fondée sur trois constats que Pierre-Alain Muet a détaillés et qu’il convient de rappeler : la crise est caractérisée aussi par une explosion des inégalités, tout particulièrement par une explosion des rémunérations des dirigeants ; il n’existe aucune justification économique à ce niveau de rémunération ; dans la conjoncture actuelle, la question de la justice fiscale est posée avec une acuité particulière, si l’on veut bien se pencher sur la question du bouclier fiscal.
Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas, avec votre majorité parlementaire, nous faire à la fois le reproche injustifié et injuste de ne pas avoir de propositions et affirmer, quand nous souhaitons en présenter, que nous faisons de l’obstruction parlementaire, ou, pire, refuser, comme cela s’est produit jeudi, de débattre véritablement avec nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous voulons répondre aux attentes des Français et corriger les injustices. Je m’adresse en particulier à M. Woerth dont le bouclier fiscal sert pour l’essentiel à effacer entre les trois quarts et la totalité de l’impôt de solidarité sur la fortune dont sont redevables les contribuables à patrimoine important.
M. Michel Herbillon. C’est un mensonge !
M. Jean Launay. Mettre en avant les contribuables modestes pour justifier le bouclier fiscal relève de l’hypocrisie et de la lâcheté politique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Le paquet fiscal, dans le contexte de hausse du chômage confirmée par l’OFCE, avec l’annonce de 800 000 chômeurs supplémentaires, constitue une choc de défiance. Quant aux mesures sociales annoncées le 18 février, elles sont uniquement ponctuelles.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quand allez-vous rééquilibrer le partage entre les salaires et les bénéfices ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur Launay, la France, comme tous les autres pays, subit de plein fouet les conséquences de la crise économique. Mais vous aurez noté qu’elle la supporte plutôt mieux que d’autres économies. Les prévisions de la Commission, que nous avons examinées à Bruxelles ce matin, montrent que les performances de notre pays sont deux fois moins mauvaises en 2009 que celles de l’Allemagne.
Dans ces circonstances, le Gouvernement n’est pas resté sans agir. Avec Xavier Bertrand, alors ministre du travail et des relations sociales, nous avons demandé au patronat de prendre ses responsabilités : nous attendons des dirigeants d’entreprise qu’ils soient mesurés et raisonnables. Qu’avons-nous obtenu ? Un code d’éthique : mission accomplie. Sous l’autorité du Premier ministre, nous avons pris deux décrets – l’un en date du 30 mars, l’autre du 20 avril, en application de la loi de finances rectificative –, qui mettent en place des systèmes de contrôle très précis à l’égard des entreprises qui font un appel public au financement de l’État. Sont dorénavant interdits les attributions de stock-options et d’actions gratuites, les systèmes de bonus fondés sur des critères non vérifiables de même que les bonus fondés sur les performances boursières. Nous avons également réglementé et interdit les retraites chapeaux dans la mesure où elles s’étendent au-delà de ce qui est prévu dans les régimes antérieurs.
Avec Brice Hortefeux, nous sommes allés plus loin en demandant aux organisations patronales de mettre en place un comité des sages qui soit en mesure, en qualité de tiers indépendant, d’apprécier les pratiques des entreprises qui procèdent à des licenciements ou décident de mesures de chômage partiel.
Enfin, monsieur Launay, accordez-moi au moins ceci : jeudi dernier, le Gouvernement a répondu à tous vos arguments. Et je crains, à l’énoncé de votre question, qu’au lieu d’avancer, vous ne tourniez un peu en rond. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. René-Paul Victoria. Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, l'université de La Réunion s'apprête à organiser les sessions finales d'examens pour valider cette année universitaire. Elle a tourné, il y a déjà quelques semaines, la page de légères perturbations.
Je tiens à saluer ici l'esprit de responsabilité dont a fait preuve la communauté universitaire réunionnaise, qui a tout mis en œuvre pour garantir l'avenir des étudiants.
Néanmoins, en métropole, des perturbations persistent. J'entends parler d'actes de violence, de blocages et, parallèlement, de demandes de validation automatique des examens. Cela me paraît d'autant plus scandaleux et injustifié que des universités comme celle de La Réunion ont tout fait pour sauver l'année universitaire de leurs étudiants et pour que les conditions soient réunies afin que les examens se déroulent sereinement.
Madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour l'organisation des examens et pour faire en sorte que l'année universitaire se termine sereinement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Patrick Roy. Et de la grève !
M. le président. Monsieur Roy !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, je suis pleinement mobilisée pour organiser aujourd’hui le rattrapage des cours dans les universités et la tenue des examens.
D’ores et déjà, une trentaine d’universités se sont mises en ordre de marche pour organiser ces rattrapages et décaleront les examens de quelques jours ou de quelques semaines.
Ma responsabilité est double.
J’ai d’abord une responsabilité à l’égard des étudiants et particulièrement des plus fragiles d’entre eux. C’est pourquoi j’ai demandé aux recteurs et aux directeurs de CROUS de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces étudiants ne souffrent pas de ces décalages, notamment dans le paiement de leur bourse ou dans leur logement.
Mais je suis également responsable de l’image de l’université française et de la qualité des diplômes nationaux.
M. Guillaume Garot. C’est réussi !
Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur. Je vous le dis solennellement, nous serons intransigeants. Il n’y aura pas de diplômes bradés, pas de diplômes sans rattrapage. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Après la réécriture du décret statutaire sur les enseignants-chercheurs, après l’annonce par le Premier ministre de la sanctuarisation des emplois universitaires, après le lancement d’une concertation sur la formation des maîtres du primaire et du secondaire, de plus en plus d’enseignants-chercheurs et une très grande majorité d’étudiants veulent que les cours reprennent, et il faut absolument que ce soit le cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Dans certaines universités, les motifs politiques ne doivent pas l’emporter sur les motifs universitaires.
Dans ce contexte, le silence assourdissant et pesant du parti socialiste (Protestations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui ne condamne ni les blocages, ni la violence, ni l’appel de la coordination nationale universitaire à boycotter les examens est injustifiable et irresponsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Huées sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Philippe Duron. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi,...
M. Patrick Roy. Et du chômage !
M. Philippe Duron. ...les chiffres du chômage du premier trimestre étaient préoccupants. Les prévisions économiques de la Commission européenne publiées aujourd’hui annoncent une nouvelle dégradation de l’économie et de l’emploi pour les mois à venir. L’exceptionnelle mobilisation du 1er mai témoigne de l’inquiétude, mais aussi de la combativité des salariés confrontés aux plans sociaux, à un chômage partiel de plus en plus fort, aux fins de contrat d’intérim ou de CDD.
À Caen, nous étions 15 000 à défiler, dans une région qui a connu la quatrième progression du nombre de demandeurs d’emploi puisqu’elle est de 24 % en un an.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a pris la décision d’exonérer des charges sociales, salariales et patronales, les heures supplémentaires. Cette mesure, dont le coût est estimé à plus de 3 milliards d’euros, va à l’encontre de l’emploi puisque le coût des heures supplémentaires sera moins élevé que celui des heures normales.
Vous allez détruire des emplois avec des fonds publics, ce qui est pour le moins paradoxal, et unique en Europe.
Notre Assemblée a débattu, jeudi, d’une proposition de loi déposée par le groupe SRC, qui prévoit, au contraire, de subordonner les exonérations de charges sociales à la conclusion d’accords salariaux en faveur du pouvoir d’achat car, comme chacun sait, la consommation constitue le meilleur soutien à la croissance dans notre pays.
Les socialistes vous proposent d’allonger l’indemnisation des très nombreux intérimaires qui ont perdu leur emploi, d’augmenter l’indemnisation du chômage partiel pour celles et ceux qui n’entreraient pas dans le nouveau cadre fixé par l’Unedic le 15 avril.
Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous enfin faire un vrai choix en faveur de l’emploi en revenant sur cette mesure inefficace et coûteuse ?
Mesdames, messieurs de la majorité, vous en avez la possibilité en vous prononçant, dans quelques minutes, en faveur de la proposition de loi du groupe SRC. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur le député, vous évoquez la situation difficile de l’emploi et surtout les chiffres du chômage sur le territoire.
M. Christian Bataille. C’est votre bilan !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Je me suis rendu, il y a peu, dans votre circonscription. J’ai pu y mesurer les difficultés et l’impact de la crise sur un territoire comme le vôtre et la préoccupation que suscite cette situation dans les familles.
Face à cela, le groupe socialiste propose la suppression des exonérations relatives aux heures supplémentaires. Abordons donc le sujet, mais abordons-le dans sa totalité !
À qui bénéficient aujourd’hui les heures supplémentaires ?
M. Jacques Desallangre. Aux patrons !
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Dans une proportion écrasante, aux salariés les plus modestes et aux ouvriers.
Actuellement, 2 milliards d’euros sont consacrés, par le biais des heures supplémentaires, au soutien des salariés les plus modestes.
Quand vous proposez, à travers une proposition de loi, de supprimer les exonérations pour les heures supplémentaires, il faut aller jusqu’au bout et avoir le courage de dire à ceux qui bénéficient sur tout le territoire, grâce à ces allégements, d’un complément de salaire, qu’ils en seraient privés. (« C’est faux ! sur les bancs du groupe SRC).
Monsieur Duron, vous faites preuve en général de beaucoup de bon sens en la matière et vous défendez de bonnes propositions à la fois pour le pouvoir d’achat et pour l’emploi. Mais quand on connaît les résultats catastrophiques qu’ont entraînés les 35 heures, supprimer en période de crise les allégements de charges sur les heures supplémentaires serait catastrophique en termes de pouvoir d’achat.
En revanche, nous pouvons nous retrouver s’agissant de l’indemnisation du chômage partiel puisque, dès la semaine dernière, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, elle a été portée à 95 % du salaire net au niveau du SMIC, 90 % dans les autres cas, alors que ce dispositif n’avait pas été amélioré depuis plus de dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Marc Laffineur. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi.
La France, comme le reste de l’Europe, subit la crise mondiale qui est d’une ampleur sans précédent. Le Président de la République, le Gouvernement, vous-même, vous battez avec une énergie exceptionnelle pour préserver le plus grand nombre possible d’emplois. De nombreux territoires sont très touchés. Ainsi dans le Segréen, comme je l’ai encore constaté cette semaine, des centaines d’emplois sont menacés, notamment dans le secteur automobile.
Face à cette situation, il est crucial d’innover en permanence. C’est ce qu’ont fait le Président de la République et le Premier ministre en créant le contrat de transition professionnelle qui permet à un salarié licencié de suivre pendant douze mois un parcours de transition, avec des périodes de formation pour mieux s’adapter à son environnement économique, tout en lui assurant une allocation égale à 80 % du salaire brut moyen des douze derniers mois.
Le Président de la République a annoncé hier que cinq nouveaux bassins d’emploi allaient bénéficier de ce contrat de transition professionnelle et qu’il serait étendu dans six autres, notamment dans le Segréen.
Monsieur le secrétaire d’État, merci de vous être battu pour obtenir ce résultat. Pouvez-vous nous dire de quels moyens bénéficieront les bassins d’emploi et quelles aides seront apportées aux salariés dans le cadre de ce contrat ? (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l’emploi. Monsieur Laffineur, je veux d’abord saluer votre investissement dans ce dossier puisque vous avez été de ceux qui, aux côtés de Jean-Louis Borloo, ont lancé l’initiative du CTP puis ont participé à son développement.
Hier, le Président de la République, avec Christine Lagarde, a annoncé une nouvelle étape dans l’extension de ces contrats. Ils couvrent désormais cinq nouveaux bassins d’emploi, à savoir Auxerre – et, je le dis pour Marie-Louise Fort, le territoire de Joigny –, Dreux, les Mureaux et Poissy, Saint-Quentin, territoire à propos duquel les élus, notamment Xavier Bertrand et Pierre André, nous avaient alertés, et la vallée de l’Arve.
M. Maxime Gremetz. Et Amiens ?
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. De plus, dans six bassins où il était déjà en application, dont celui de Segré, le CTP est étendu pour englober l’ensemble des territoires en souffrance.
En effet, sur ces territoires, les difficultés se concentrent. Le chômage y a monté plus vite, l’emploi industriel est plus menacé, la reconversion plus difficile. Souffrant plus, ils ont besoin de plus d’attention. Notre objectif est de déployer ce dispositif avant l’été, afin qu’il puisse être opérationnel dès juin pour ceux qui en auront besoin.
En pratique, le CTP assure une indemnisation de 100 % pendant un an à ceux qui ont été licenciés par des entreprises de moins de mille salariés. Ils bénéficieront aussi d’un véritable accompagnement sur mesure, avec un conseiller qui écoutera leur projet pour les aider à prendre un nouvel élan après cette période difficile. Enfin, ils pourront suivre une véritable formation leur permettant de se réorienter en direction des métiers qui peuvent recruter.
Au-delà du contrat de transition professionnelle, nous pensons à tous ceux qui, sur tout le territoire, se trouvent en situation difficile. C’est pour cela que, avec les partenaires sociaux, nous avons également amélioré la convention de reclassement personnalisé. Ainsi, nous prenons en compte les salariés sur tout le territoire, tout en portant attention à ceux qui, comme dans le Segréen, souffrent plus qu’ailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Dominique Raimbourg. Madame la garde des sceaux, nombre d’entre nous n’ont pas été convaincus par les explications que vous avez données sur la crise du monde pénitentiaire. Le personnel ne l’est pas plus, semble-t-il. J’ai donc un certain nombre de questions à vous poser.
Pourquoi avoir attendu, si l’on en croit la presse, jusqu’au 30 avril pour recevoir les syndicats des personnels, alors que la tension était vive depuis longtemps ? Pourquoi avoir laissé s’installer la surpopulation carcérale, alors que le nombre de personnes placées sous écrou a augmenté de 25 % entre 2002 et 2008 ? Plus encore, pourquoi avoir mené une politique pénale qui a aggravé cette surpopulation, avec les peines planchers, les instructions données aux procureurs de la République de les appliquer fermement mais sans le moindre effort d’imagination pour développer la libération conditionnelle ?
Comment prétendre lutter contre la récidive, comment demander au personnel pénitentiaire de participer à la réinsertion, quand, dans certains maisons d’arrêt, trois détenus se partagent une cellule de 9 mètres carrés ? Ainsi, la maison d’arrêt de Nantes, pour 291 places, accueille 400 détenus ; celle de la Roche-sur-Yon, plus de 100 détenus pour 40 places ; celle du Mans, près de 150 détenus pour 62 places. À quelle réinsertion s’attendre dans ces conditions ? Et pourquoi attendons-nous la loi pénitentiaire depuis dix-huit mois ? Pourquoi demander aujourd’hui le report de l’application des règles pénitentiaires européennes alors que nous sommes condamnés régulièrement par le Conseil de l’Europe ?
Madame la garde des sceaux, si l’ordre juste, c’est une sanction digne appliquée par un personnel qui a les moyens de le faire, avec un suivi à la sortie pour éviter la récidive et pour protéger les victimes, nous en sommes loin. À la vérité, nous sommes plus près du désordre et de l’injustice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et de nombreux bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Effectivement, la surpopulation carcérale est une réalité. Mais permettez-moi un bref rappel. Cette surpopulation carcérale existe depuis 1983 (Protestations sur les bancs du groupe SRC.). En second lieu, pour lutter contre cette surpopulation, les deux solutions sont de construire des établissements et d’aménager les peines. Or sous les gouvernements socialistes, aucun programme de construction de prison n’a été entrepris. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Aucun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Sept prisons !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour ce qui est des conditions de détention, selon vous, elles ne sont pas dignes de notre pays. Mais il ne fallait pas vous gêner, il fallait construire des établissements, il fallait aménager les peines ! (Protestations et brouhaha sur les bancs du groupe SRC.) Pour notre part, nous avons une politique pénale ferme, qui est de lutter contre la délinquance, lutter contre la récidive pour améliorer la sécurité des Français. Mais nous menons aussi une politique d’humanité : nous construisons des prisons pour améliorer les conditions de détention. Mais nous ne menons pas cette politique à n’importe quel prix, et pas à coup de grâces collectives dont on a vu les conséquences sur le taux de récidive : cela ne menait à rien. Nous aménageons les peines pour réinsérer les détenus, et le taux d’aménagement des peines a augmenté de plus de 50 % en deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J’accepterais de recevoir des leçons de la part de la gauche si, quand elle était au pouvoir, elle avait créé des places de prison pour que les conditions y soient dignes et aménagé les peines pour réinsérer les condamnés. Que ne l’a-t-elle fait ?
Enfin, la nomination d’un contrôleur général des lieux de privation de liberté était attendue depuis 2000. Nous avons créé ce poste, et le contrôleur général émet des recommandations pour améliorer les conditions de détention. Donc, vos leçons, cela suffit, car l’action, c’est nous ! (Applaudissements soutenus sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Pierre Morange. Ma question s’adresse à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
La fraude aux finances publiques constitue, sous ses différentes formes, une atteinte intolérable à notre pacte social.
M. Jacques Desallangre. Oui !
M. Pierre Morange. Nos concitoyens, qui s’émeuvent à juste titre des montants qu’elle représente, attendent que nous menions une lutte déterminée contre tous les comportements frauduleux et les pratiques abusives.
M. Roland Muzeau. Contre les patrons voyous, par exemple ?
M. Jacques Desallangre. Contre ceux du CAC 40 ?
M. Pierre Morange. Qui, à l’heure où notre pays connaît des déficits publics importants, n’a jamais éprouvé un sentiment d’injustice, voire de colère, en voyant des individus ou de véritables réseaux profiter de notre système fiscal et social pour s’enrichir illégalement au détriment non seulement de la collectivité publique, mais aussi de l’ensemble des citoyens ?
M. Jacques Desallangre. À la Société générale ? À l’IUMM ?
M. Pierre Morange. Les fraudes à la résidence, à la TVA, à l’identité, les fraudes dans les déclarations de revenus, pour ne citer que quelques exemples, se multiplient. D’autres plus sophistiquées, via des réseaux vendant par exemple des kits Assedic, ont fait leur apparition.
Dans ce contexte particulier, où la tradition sociale de notre pays se heurte aux réalités de la massification de la fraude, la nécessité de combattre la fraude aux finances publiques s’impose désormais comme une évidence. Le Président de la République et le Premier ministre vous ont confié la responsabilité de coordonner l’action que mènent en la matière les services de l’État et les organismes de protection sociale.
À l’occasion de l’installation du Comité national de lutte contre la fraude, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les actions proposées afin de combattre et de sanctionner ces pratiques inacceptables, et nous présenter le bilan de l’action menée depuis plus d’un an par la nouvelle Délégation nationale de lutte contre la fraude ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le député, j’ai installé ce matin, en présence d’un certain nombre de parlementaires,…
M. Jacques Desallangre. Allô ? Allô ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. …le Comité national de lutte contre la fraude, qui réunit l’ensemble des services qui ont à lutter contre ce fléau, c’est-à-dire les services sociaux, dont c’est une mission importante, les services fiscaux, ainsi que la gendarmerie et la police.
Pendant cette période de crise, nous voulons consacrer un effort particulier à la lutte contre la fraude, qui représente, en plus d’une atteinte à la justice et à l’égalité républicaine, une violence faite à notre pacte républicain. Les fraudeurs d’aujourd’hui bénéficient de manière indue d’un système, alors que les autres respectent les règles et la loi. Je m’étonne par conséquent de certaines remarques que j’entends sur les bancs de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous devons respecter la loi, et c’est la mission des agents des services fiscaux et sociaux d’y veiller.
M. Jacques Desallangre. L’État respecte surtout les grands patrons !
M. Éric Woerth, ministre du budget. Grâce à votre action, monsieur le député, et à celles d’autres parlementaires comme Dominique Tian, l’Assemblée nationale est à la pointe de cette lutte. Nous irons jusqu’au bout. Environ 4 milliards d’euros de fraude fiscale et sociale ont été répertoriés pendant l’année 2008.
M. Jacques Desallangre. En comptant l’argent qui passe par les paradis fiscaux ?
M. Éric Woerth, ministre du budget. Nous pouvons aller plus loin, pour lutter contre ceux qui s’organisent de façon souvent mafieuse pour tromper les caisses d’allocations familiales, la Caisse nationale d’assurance maladie et les services fiscaux. L’égalité républicaine doit jouer. En favorisant les échanges d’informations et en mettant à la disposition des contrôleurs des outils juridiques, nous ferons en sorte qu’ils aient les moyens d’effectuer leur travail.
Dans quelques minutes, je réunirai 600 personnes qui représentent l’ensemble des services de contrôle de l’État. Nous pouvons être fiers d’eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Bernard Cazeneuve. Avant de poser ma question, je rappelle à Mme la ministre de la justice qu’en 2001, le nombre de détenus était inférieur au nombre de places de prison disponibles, et que la gauche a lancé entre 1997 et 2002 la construction de sept prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Pierre Kucheida. Mme la ministre a menti !
M. Bernard Cazeneuve. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé.
De façon très péremptoire, le Président de la République a déclaré à Strasbourg, il y a quelques semaines, que l’hôpital souffrait non d’un manque de moyens, mais d’une mauvaise organisation. Dans le même temps, il a indiqué que les hôpitaux publics auraient bénéficié de milliards d’euros au cours des dernières années, laissant ainsi entendre qu’ils étaient mal gérés.
Depuis ces déclarations, l’examen de la loi de Mme Bachelot aidant, la contestation monte partout dans les hôpitaux de France, réunissant dans un même mouvement réprobateur de grands professeurs de médecine, dont certains siègent dans cet hémicycle, ainsi que des soignants et des non-soignants exaspérés par le déficit de moyens dont souffre l’hôpital.
Ce déficit résulte de deux phénomènes. (« Les 35 heures ? » sur les bancs du groupe UMP.) D’une part, l’enveloppe ONDAM augmente de 3 % là où l’activité des hôpitaux augmente de 4 %. Autant dire que le Gouvernement a inscrit les déficits des hôpitaux dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’autre part, la convergence tarifaire, dans le cadre de la tarification à l’activité, place sur le même plan les hôpitaux publics dont les charges et sujétions de service public sont lourdes et les hôpitaux privés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que les premiers affichent 800 millions de déficit, alors que la Générale de santé est en mesure de distribuer 400 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires.
Ma question est simple : allez-vous donner enfin à l’hôpital public les moyens dont il a besoin pour permettre l’accès de tous aux soins ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
M. Patrick Roy. Et de l’hôpital qu’on assassine !
M. le président. Monsieur Roy !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité. Monsieur le député, le projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires a été voté ici même le 18 mars. Il est à présent examiné par la commission des affaires sociales du Sénat, ce qui explique l’absence de Mme Bachelot, laquelle répond actuellement aux questions des sénateurs.
Ce texte important traite de l’organisation des soins à l’hôpital et en médecine libérale, et comprend des mesures de santé publique. Il propose une gouvernance renouvelée, qui permettra au directeur de décider mais qui donnera aussi plus de pouvoir aux médecins.
M. Jean-Paul Bacquet. C’est le contraire !
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Il associe en effet le président de la commission médicale d’établissement à toutes les décisions et, désormais, les médecins pourront, au sein des pôles médico-techniques, décider de l’organisation de leurs équipes, créer des services, recruter, gérer les investissements courants et développer leur activité.
Bien entendu, ce texte peut encore être amélioré. Le Gouvernement a déjà accepté 500 amendements au cours du débat à l’Assemblée nationale. Comme l’a annoncé le Président de la République, c’est bien un pilotage médicalisé de l’hôpital qui est proposé. Le texte pourra être encore précisé lors de son examen au Sénat.
Certains médecins sont inquiets, vous l’avez rappelé. (« Dont Bernard Debré ! » sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement, qui entend leurs préoccupations, partage leur volonté de défendre l’hôpital public, cœur de notre système de santé. Le texte confirme le caractère public des hôpitaux, qu’il s’agisse de leur statut, de leur financement ou des contrats qu’ils passent. Il vise à défendre l’hôpital public et à assurer sa pérennité. Le Gouvernement a suivi avec beaucoup d’attention la manifestation de mardi dernier. Il a entendu les inquiétudes qu’ont exprimées les personnels hospitaliers, même si toutes n’ont pas été causées par le projet de loi. C’est pourquoi il a annoncé un étalement du processus de convergence tarifaire.
M. le président. Nous avons terminé la séance des questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder au vote par scrutin public sur les trois propositions de loi examinées par l’Assemblée jeudi dernier.
Pour chacune des trois propositions, nous entendrons un porte-parole par groupe, à l’exclusion de toute autre prise de parole, y compris pour un rappel au règlement, ainsi qu’en a décidé la conférence des présidents.
M. Marcel Rogemont. Le nouveau règlement est arrivé ! On bâillonne la minorité !
Explications de vote et vote sur l’ensemble d'une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative aux hauts revenus et à la solidarité (nos 1544, 1595).
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans quelques instants, vous allez vous exprimer sur deux questions qui sont au cœur de la crise que nous traversons actuellement.
Au moment où le chômage explose, alors que 90 % des salariés ont vu leur pouvoir d’achat stagner depuis cinq ans, alors que la rémunération des dirigeants des grandes entreprises a littéralement explosé, peut-on accepter que l’argent public serve à verser des rémunérations excessives à des dirigeants dont l’entreprise a été sauvée de la faillite par le contribuable ?
Peut-on accepter qu’à un moment où nous avons besoin de solidarité, les seuls à être exonérés de toute solidarité soient les titulaires des grands patrimoines qui bénéficient du bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marcel Rogemont. Il fallait le rappeler !
M. Pierre-Alain Muet. Dans cet hémicycle, beaucoup pensent, comme nous, que c’est inacceptable. Pour notre part, nous ne nous contentons pas de le dire : nous proposons des mesures concrètes pour limiter ces dérives.
À l’occasion de l’affaire Dexia, Mme la ministre de l’économie s’est exprimée dans cet hémicycle en disant que le Gouvernement interdirait tout parachute doré, tout bonus, toute rémunération excessive aux dirigeants de Dexia.
M. Patrick Roy. C’est raté !
M. Pierre-Alain Muet. Pourtant, un des principaux responsables de Dexia est parti avec un parachute doré de 835 000 euros.
M. Patrick Roy. Scandaleux !
M. Pierre-Alain Muet. Un autre a bénéficié d’une retraite chapeau qui lui garantit à vie 600 000 euros par an. Et que dire du PDG de Valeo qui est parti avec 3 millions d’euros ?
M. Patrick Roy. Tout aussi scandaleux !
M. Pierre-Alain Muet. En proposant de limiter la rémunération des dirigeants des entreprises recapitalisées à vingt-cinq fois la rémunération la plus basse de l’entreprise, nous remettons de la cohérence et de la justice.
M. Marcel Rogemont. Et de la morale !
M. Pierre-Alain Muet. Nous remettons de la cohérence, parce que la rémunération d’un chef d’entreprise, c’est la rémunération du risque, ce n’est pas une rente. Nous remettons de la justice, parce qu’il est profondément choquant que la rémunération moyenne d’un dirigeant du CAC 40 soit égale à 300 fois le SMIC, alors que celle d’un patron de PME ne représente que trois fois le SMIC.
Enfin, comment accepter que les seules personnes à être exonérées de tout effort de solidarité soient les plus fortunés de nos concitoyens ? C’est pourtant ce que permet le bouclier fiscal. Je rappellerai les propos maintes fois entendus du ministre du budget : « Le bouclier fiscal empêche qu’un contribuable travaille plus d’un jour sur deux pour l’État. » C’est inexact ! Il est impossible, avec les seuls revenus du travail, d’atteindre la limite du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Roy. M. Karoutchi est blême ! (Sourires.)
M. Pierre-Alain Muet. Vous nous dites que le bouclier fiscal protège aussi des contribuables modestes. Ce n’est pas exact. Les contribuables qui bénéficient du bouclier fiscal sans être assujettis à l’ISF ne représentent que 1 % du montant du bouclier. Autrement dit, 99 % du bouclier fiscal va à ceux qui sont redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Marcel Rogemont. C’est scandaleux !
M. Patrick Roy. M. Karoutchi ne sourit plus…
M. Pierre-Alain Muet. Le bouclier fiscal bénéficie d’abord aux grandes fortunes. Les deux tiers de son montant vont à des contribuables qui possèdent un patrimoine de 15 millions d’euros.
Avec le bouclier version Villepin, chacun d’entre eux a reçu 231 000 euros en 2007. Avec le bouclier version Sarkozy, en 2008, le chèque a doublé et chacun a reçu 368 000 euros. Trouvez-vous normal qu’un contribuable qui possède un patrimoine de 15 millions d’euros reçoive un chèque de 368 000 euros, alors que, pendant deux ans, votre gouvernement n’a donné aucun coup de pouce au SMIC ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Trouvez-vous normal qu’un contribuable qui bénéficie de niches fiscales et qui réduit son revenu imposable – et donc son impôt sur le revenu – puisse, s’il possède de surcroît un patrimoine important, se faire rembourser, grâce au bouclier fiscal, tous ses impôts sur le patrimoine, et même la CSG ?
M. le président. Merci de bien vouloir conclure, mon cher collègue !
M. Pierre-Alain Muet. Supprimer le bouclier fiscal, ce n’est pas seulement rétablir la justice, c’est redonner à la fiscalité des revenus son vrai rôle. En effet, il ne s’agit pas de protéger les riches en taxant les faibles, mais d’exprimer ce qui fait la force et la cohérence d’une nation : la solidarité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ferai d’abord une remarque de forme concernant l’examen des propositions de loi déposées par les groupes et ce que l’on appelle communément les « niches parlementaires ». Je trouve déplorable l’attitude de l’UMP, principal groupe de la majorité, qui a tenté d’empêcher l’examen de ces textes, ce qui contredit les déclarations sur la revalorisation du Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Pour notre part, nous avons participé au débat sur les propositions de loi de l’UMP. Nous n’avons décidément pas le même comportement des deux côtés de l’hémicycle !
Cette remarque ne vous est pas adressée personnellement, monsieur le secrétaire d’État, mais je regrette que ni la ministre de l’économie ni le ministre du budget n’aient jugé utile d’être présents au moment du vote sur ces propositions de loi : cela en dit long sur l’attitude du Gouvernement à l’égard de l’initiative parlementaire ! (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
Sur le fond, la crise est là et, depuis plus de six mois, de plan de relance en plan de relance, rien ne permet, malheureusement, de prédire une sortie de crise rapide. Au contraire, le chômage ne cesse d’augmenter. La multiplication des plans sociaux et des fermetures d’usines ou d’entreprises n’augure rien de bon. Chacun reconnaît qu’il y a plus que jamais, dans notre pays – et partout –, un besoin de justice sociale, économique et fiscale.
Dans ce contexte, les Français ne supportent plus votre inaction face au scandale des salaires des dirigeants et autres bonus ou stock-options. Les très hauts salaires ne sont pas seulement choquants en période de crise, ils l’étaient tout autant avant. Et ce n’est pas tant la crise qui rend insupportables les écarts de rémunération, mais votre refus de reconnaître que c’est bien le système ayant produit de tels écarts qui est l’une des principales causes du déclenchement de la crise que nous connaissons aujourd’hui, ce système d’irresponsabilité mis en place par certaines élites économiques.
M. Michel Sapin. Il a raison !
M. François de Rugy. Au lieu de refonder ce système bâti sur l’inégalité, vous vous arc-boutez sur le bouclier fiscal qui institutionnalise les inégalités de revenus.
M. Woerth, ministre du budget, évoquait tout à l’heure, dans une réponse aux questions au Gouvernement, un sentiment de violence face à la fraude, mais avoir instauré ce bouclier, n’est-ce pas, en quelque sorte, avoir institutionnalisé la fraude fiscale ?
Dès le 4 mars, je proposais à la ministre de l’économie de plafonner le salaire des dirigeants, comme cela a été fait aux États-Unis par le président Obama. Le 28 mai prochain, je défendrai, au nom des députés Verts, une proposition de loi de transformation écologique de l’économie qui comporte un article proposant l’abrogation du bouclier fiscal. Nos collègues communistes présenteront également une proposition en ce sens.
C’est pourquoi les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront pour le texte de nos collègues socialistes qui prévoit la suppression du bouclier fiscal et le plafonnement des salaires des dirigeants des entreprises aidées par l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Nicolas Perruchot. Cette proposition de loi du groupe socialiste sur les hauts revenus et la solidarité est, une fois n’est pas coutume, le symbole du retour des vieilles recettes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas – et c’est d’ailleurs malheureux – mon collègue Pierre-Alain Muet qui nous a expliqué le contraire, voici quelques minutes.
En temps de crise, l’heure n’est pas à la gesticulation, mais à la proposition. Nos collègues socialistes feraient mieux d’utiliser leur niche parlementaire pour proposer des mesures nouvelles, pour inventer des dispositifs nouveaux et innovants, pour retrouver un semblant de crédibilité, plutôt que de répéter inlassablement depuis plusieurs mois les mêmes refrains.
Ainsi, le groupe Nouveau Centre est opposé à la suppression du bouclier fiscal. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En effet, le plafonnement est un mécanisme nécessaire afin d’ôter tout caractère confiscatoire à l’impôt sur l’actif net. Le principe du plafonnement est donc socialement juste, mais surtout économiquement justifié.
Afin de le rendre plus équitable, le groupe Nouveau Centre a proposé deux voies d’amélioration lors de l’examen du collectif budgétaire, visant, pour la première, à sortir dudit bouclier la CSG et la CRDS, et, pour la seconde, à en sortir une partie des impôts locaux.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le principe du bouclier fiscal que la gauche, je le rappelle, a elle-même créé, il y a une vingtaine d’années, mais de le rendre socialement plus juste et économiquement plus efficace.
En ce qui concerne le deuxième volet de cette proposition de loi, qui est somme toute plus intéressant, je rappelle que le groupe Nouveau Centre, en la personne de mes collègues Charles de Courson et Philippe Vigier, a plaidé pour l’encadrement de ces différentes formes de rémunérations, qu’il s’agisse des parachutes dorés, des retraites chapeaux, des distributions d’actions gratuites, des stock-options.
Dans ce long débat sur la rémunération des dirigeants que nous avons eu lors du collectif, nous avons défendu deux principes : la démocratisation et la transparence des stock-options – c’est à l’assemblée générale des actionnaires et non au conseil d’administration, de décider de la surrémunération des dirigeants – et la moralisation des stock-options, ce qui implique que les dirigeants des entreprises bénéficiant d’aides de l’État et mettant en œuvre des plans sociaux ne se verront pas attribuer de stock-options. Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, a fait adopter à l’unanimité un amendement visant à donner au Gouvernement les moyens de publier rapidement un nouveau décret permettant d’encadrer réellement ces différentes formes de rémunérations excessives. Cet amendement va en outre légèrement au-delà de ce que prévoyait le décret gouvernemental, puisqu’il encadre aussi, sans l’interdire, l’usage des bonus et des « retraites chapeaux ». Le groupe Nouveau Centre s’est réjoui que le Gouvernement se soit finalement décidé à soutenir cet amendement. Toutefois, le plafonnement de la rémunération des dirigeants d’une société, dès lors que celle-ci bénéficie d’aides publiques sous forme de recapitalisation, ne nous semble pas une mesure efficace et crédible.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi parce que…
M. Roland Muzeau. Parce que vous êtes de droite !
M. Nicolas Perruchot. …face à la crise, c’est la réactivité et la créativité qui comptent, non le retour aux vieilles recettes d’antan qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité.
À la démagogie socialiste, nous privilégions la force de la proposition et le souci de l’équité, afin de garantir la justice sociale et la solidarité aux plus fragiles et de permettre à notre pays de sortir plus fort de la crise. Vous voulez, mes chers collègues socialistes, éliminer les riches ; nous souhaitons, quant à nous, qu’il y ait moins de pauvres dans ce pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe UMP.
M. Yves Censi. Nous avons attentivement écouté Pierre-Alain Muet, après la violente diatribe tous azimuts de Jean-Marc Ayrault, l’autre jour. Vous nous promettiez un débat exigeant et sincère, mais vous vous êtes transformés en imprécateurs. S’il y a bien un point commun entre vos interventions, chers collègues, c’est la mauvaise foi. À vous entendre, la France serait devenue un paradis fiscal. À en croire le groupe socialiste, c’est aujourd’hui la politique américaine que les plus défavorisés des Français devraient envier : en gros, nous devrions recevoir des leçons des États-Unis en matière de protection sociale et de pouvoir d’achat. On croit rêver ! Vous donnez dans l’outrance. Vous allez trop loin dans l’offensive politicienne. Vous citez Barack Obama dans chacun de vos discours. Les États-Unis seraient un modèle social, tandis que la France serait devenue antisociale. Comment voulez-vous que nous prenions vos arguments au sérieux ? Comment voulez-vous que les Français vous prennent au sérieux sur ces sujets ?
M. Jacques Desallangre. Mais ils nous prennent au sérieux !
M. Yves Censi. Oui, nous vous avons écoutés attentivement. Et, puisqu'il faut de nouveau répondre à vos arguments, qui sont toujours les mêmes, nous cherchons aujourd'hui votre cohérence, chers collègues socialistes, et nous ne la trouvons pas ! À l’évidence, si nous n'avons nous-mêmes jamais contesté l'inquiétude des Français face à la violente crise mondiale qui touche aussi notre pays, nos concitoyens ne voient pas en vous un semblant de cohérence ou de proposition sérieuse pour offrir une alternative à la politique que vous contestez. Tout ce que vous trouvez à faire aujourd’hui est d'investir ce qui vous reste de crédibilité politique dans une entreprise de démolition permanente. Cette posture suscite d’ailleurs une très forte contestation dans vos propres rangs. Votre cohérence est difficile à trouver, tout simplement parce que vous la cherchez encore.
Vous voulez supprimer le bouclier fiscal. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne voulez pas l'amender, vous voulez le supprimer. (« Oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous aviez d'abord parlé de l’abolir, pour bien montrer que vous en contestiez le principe. Vous avez la mémoire courte ou sélective, chers collègues. Lorsque, en 1989, vous avez restauré l'ISF dans la loi de finances, vous avez vous-mêmes instauré un système de plafonnement. Souvenons-nous qu'un amendement avait même été voté, présenté par le président de la commission des finances de l’époque, Dominique Strauss-Kahn, pour ramener le plafonnement à 70 % , au lieu des 80 % proposés par le gouvernement d’alors. Certains principes sont bons lorsque vous êtes aux responsabilités, mais vous décidez de les diaboliser aujourd'hui, comme vous diabolisez et stigmatisez tout ce qui vient du Président de la République et des délibérations de la majorité UMP.
Vous tentez de masquer, dans cette proposition de loi, les mesures déjà prises par le Gouvernement sur les rémunérations excessives. Vous feignez d'ignorer les mesures législatives comme les accords trouvés par Christine Lagarde avec les représentants du patronat dans une charte qui est déjà appliquée. Malheureusement, votre démarche n'aura pour seule conséquence que de ternir l'image de millions de chefs d'entreprise qui ne sont et ne seront jamais concernés par vos accusations. Je regrette que vous vous comportiez en inquisiteurs dont le seul dessein est de brûler des hérétiques en place publique ! La France et les Français méritent mieux que cet obscurantisme. Je ne suis même pas sûr que vous réussirez, avec de telles positions, à atteindre votre objectif qui est – c’est un secret de polichinelle – de séduire les partisans de l'anticapitalisme. Décidément, vous avez tout faux : c'est pourquoi le groupe UMP votera contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. À la demande du Gouvernement et en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets donc aux voix par un seul vote les articles 1er, 2 et 3, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi, à l’exclusion de tout article additionnel.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de suffrages exprimés 540
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Explications de vote et vote
sur l’ensemble d’une proposition de loi.
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Alain Vidalies et plusieurs de ses collègues pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs (nos 1541, 1597).
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe SRC.
M. Alain Vidalies. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous avons examiné les propositions de loi du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche dans un contexte assez particulier. Le Gouvernement a demandé l’application de la procédure du vote bloqué. Les députés de la majorité ne sont pas intervenus dans le débat. Aujourd’hui, les ministres responsables ne sont même pas présents. Face à cette forme de dédain, je tiens à dire que nous sommes tout autant que vous porteurs d’une part de la souveraineté nationale et que ce mépris ne vous honore pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La proposition de loi dont j’étais le rapporteur regroupe deux propositions visant, d’une part, à mieux indemniser les chômeurs, anciennement salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée ou intérimaires, et de prolonger de six mois la durée de leur indemnisation ; d’autre part, à généraliser le contrat de transition professionnelle à l’ensemble du territoire, puisque c’est tout le territoire qui est touché par la crise. Or vous avez, là aussi, appliqué l’article 40. Le Gouvernement n’a donc pas permis la discussion sur ces deux propositions qui concernent la vie quotidienne des Français en temps de crise. Cela signe une politique : ce gouvernement préfère nous inviter à débattre de la généralisation ou de l’extension du travail du dimanche que de l’amélioration de l’indemnisation des chômeurs ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
L’article 1er de cette proposition de loi visait à lier le maintien des allégements de cotisations sociales et l’existence d’un accord salarial dans l’entreprise. C’est effectivement un débat de fond. Le ministre chargé de l’emploi a répondu que nous voulions dicter la politique salariale de l’entreprise. C’est une drôle de conception du rapport que les salariés ont avec leur travail. Vous vous méfiez des salariés. Le dialogue social présente toujours pour vous un risque. Nous pensons au contraire que, si l’on veut parvenir à une véritable relance de la consommation pour favoriser une augmentation de la croissance, les salaires doivent être augmentés. Comme nous ne sommes pas favorables à une économie administrée, c’est bien au niveau de l’entreprise ou de la branche que doit se dérouler cette négociation. C’est pourquoi cela doit être lié aux allégements de cotisations sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L’article 2 tendait à abroger la disposition de la loi TEPA sur les heures supplémentaires. En année pleine – 2008 –, elle coûte 4,4 milliards d’euros à l’État, à comparer aux 2,6 milliards pour l’ensemble du volet social du prétendu plan de relance.
Ce système absurde consiste à encourager sur fonds publics, avec l’argent du contribuable, la destruction d’emplois. Il suffit de regarder les chiffres. Au quatrième trimestre 2007, la croissance était de 0,4 % et les heures supplémentaires se sont élevées à 144 millions. Au quatrième trimestre 2008, la croissance était négative – moins 1,2 % – et on a pourtant enregistré 184 millions d’heures supplémentaires. Nous sommes donc capables, quand la croissance passe de 0, 4 % à moins 0, 2 % et que le nombre de chômeurs augmente de 115 000, d’augmenter de 40 millions le volume d’heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Auclair. Cela n’a rien à voir ! Vous n’avez rien compris !
M. le président. Calmez-vous, monsieur Auclair !
M. Alain Vidalies. Cette politique fait des victimes. Normalement, en situation de crise, les entreprises réduisent les heures supplémentaires, puis, si les difficultés persistent, mettent fin aux CDD et à l’intérim, et passent enfin au plan social. Nous avons constaté, cette fois-ci, une inversion des deux premières phases : les entreprises ont mis fin plus rapidement aux CDD et à l’intérim, et ont continué à recourir aux heures supplémentaires. C’est l’explication des chiffres que je viens de donner. Oui, ce système coûte cher et il a fait des victimes. Des gens ont été virés, ont quitté l’entreprise plus tôt à cause de ce système absurde que vous voulez continuer à imposer en situation de crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Lucien Degauchy. Menteur !
M. le président. Monsieur Degauchy !
M. Alain Vidalies. Si vous ne voulez pas, aujourd’hui, considérer ce qui s’est passé au moment du déclenchement de la crise, soyez attentifs à ce qui se passera au retour de la croissance : car les difficultés seront les mêmes. Lorsque la croissance repartira, les entreprises auront davantage intérêt à recourir de nouveau aux heures supplémentaires qu’à embaucher. Oui, ce système absurde joue contre l’emploi et il est temps de mettre fin à cette erreur fondamentale en votant notre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour le groupe GDR.
M. Roland Muzeau. Les vraies questions prioritaires sont l’emploi, la prévention des licenciements, la protection des chômeurs, la garantie de salaires décents et l’augmentation du pouvoir d’achat, sujets qui gouvernent le quotidien de nos concitoyens victimes de la crise systémique du capitalisme.
Je me dois pourtant de revenir sur les conditions pour le moins singulières dans lesquelles s’est déroulée, jeudi dernier, la journée d’initiative réservée à nos collègues du groupe SRC. Il s’est agi d’un coup de force contre la démocratie, fièrement revendiqué par le chef de file des députés UMP, à l’aide de procédures parlementaires et d’arguties réglementaires, manœuvres…
M. Jean-Michel Ferrand. Celles-là mêmes que vous employez !
M. Roland Muzeau. …visant à empêcher d’approcher au fond l’ensemble de ces questions et à tenter ainsi de masquer l’inadéquation et l’injustice des réponses apportées par ce gouvernement.
Cette manœuvre a échoué, mais en partie seulement.
M. Copé a bien été contraint de manger son chapeau, de retirer sa motion d’irrecevabilité aux supposées vertus pédagogiques et de laisser ainsi se dérouler la discussion générale sur les trois propositions de loi.
Pour autant, ne soyons pas dupes. Les débats auxquels seuls les députés de l’opposition ont réellement et effectivement participé la semaine dernière ne grandissent pas notre démocratie. Cette anticipation dans l’application de la réforme de notre règlement, censée être au service des droits du Parlement, a révélé en fait le vrai visage de la réforme constitutionnelle, véritable guillotine pour les droits de l’opposition. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)
L’application étroite de l’article 40 de notre Constitution, la saisine anticipée par le président de notre assemblée du bureau de la commission des finances dès le stade de l’examen en commission des affaires sociales de la proposition de loi pour l’augmentation des salaires et la protection des salariés et chômeurs, a également contribué à confisquer l’important débat sur la sécurisation des salariés victimes de licenciements, les droits des personnes privées d’emploi.
Il est vrai que cette discussion aurait éclairé, une fois de plus, la gestion à contretemps de cette question par le Gouvernement, qui a agréé la nouvelle convention d’assurance chômage, procyclique, inadaptée à la situation que nous connaissons, et qui joue encore de mesures de passe-passe en affichant la prime de 500 euros pour les chômeurs non indemnisés, une prime et non une allocation, excluant de fait les jeunes primo-demandeurs d’emploi, les personnes précaires ne pouvant justifier de deux mois d’activité.
Vous avez eu peur du débat, mesdames, messieurs du groupe UMP, tant sur le bouclier fiscal que sur la rémunération des dirigeants, les heures supplémentaires, les licenciements, la solidarité ou le séjour des personnes étrangères.
Si ces sujets correspondent à des engagements de campagne du Président de la République, cela ne nous et ne vous dispense pas de faire entendre d’autres voix, de proposer des solutions alternatives tenant compte de la violence inédite de la crise économique et sociale dans laquelle vos choix encourageant le capitalisme de casino ont plongé notre société.
Vous ne pouvez, sous prétexte que la France amortirait mieux que les autres pays européens les effets de la crise, avec de pâles lueurs d’espoir non pas de reprise mais de moindre brutalité dans le déclin de l’activité, continuer à protéger les vôtres, les grands patrons et leurs rémunérations indécentes qui exaspèrent les Français et les révoltent.
Votre seul credo, c’est d’honorer les promesses de campagne de votre Président, celui de la prétendue valeur travail et du pouvoir d’achat.
Combien de millions de chômeurs, de bénéficiaires du RSA supplémentaires, combien de manifestations de force dans la rue vous faudra-t-il encore afin que vous cessiez d’attendre et agissiez enfin pour remettre en cause la dictature de la finance et pour orienter notre modèle de développement au bénéfice de l’homme ?
Avant même la crise financière, les valeurs de nos concitoyens avaient déjà évolué, comme le révèle une enquête récente. La demande d’égalité est devenue plus importante que celle de liberté. D’autres idées, telles que le contrôle des entreprises, la présence forte de l’État pour satisfaire les besoins de chacun, ont largement fait leur chemin. Les partisans d’un changement radical de la société sont aussi en hausse.
Raul Magni-Berton, analysant ces résultats dans Le Monde, considère à juste titre que cette tendance s’est probablement encore accentuée et qu’elle peut en partie expliquer la faible popularité du gouvernement et les succès des journées nationales d’action.
Bien que la stratégie du Gouvernement soit à la minimisation de la mobilisation de ce Premier mai, pourtant quatre à six fois supérieure à celle de l’an dernier, vous ne pouvez plus décemment rester sourds aux exigences de justice sociale et d’urgence sociale qui ne cessent de s’exprimer.
Il faut arrêter de laisser le temps au temps, monsieur le secrétaire d’État, revoir l’ordre de vos priorités, mettre votre énergie non pas à défendre l’injuste bouclier fiscal ou le dispositif inique et stupide des heures supplémentaires, mais à répondre, par-delà les mots, par des mesures concrètes et d’ampleur, aux urgences que sont l’arrêt des licenciements économiques, la relance par les salaires, la protection des plus fragiles, notamment les personnes privées d’emploi.
La présente proposition de loi prend le contre-pied de certaines de vos réformes contre-productives renforçant les inégalités, clivant dangereusement notre société, desservant l’emploi et la croissance. Elle propose justement des mesures relatives à l’augmentation des salaires et à la protection des salariés et chômeurs. Les députés communistes, Verts, ultra-marins et du parti de gauche apportent donc leur soutien à cette initiative. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe NC.
M. Francis Vercamer. Cette période de crise attise les attentes de nos concitoyens à l’égard du Gouvernement, de la majorité et de toute la classe politique. Ils demandent des solutions concrètes, à la hauteur des difficultés qu’ils subissent au quotidien, et non de vaines agitations politiciennes. Or le texte du groupe socialiste est tout sauf un ensemble de propositions qui pourrait, avec pragmatisme, contribuer à atténuer les effets de la crise sur l’emploi.
Sur le fond, mesdames et messieurs du groupe socialiste, votre proposition de loi s’appuie sur une logique que vous défendez depuis l’arrivée de la crise, celle d’une relance par la consommation, financée exclusivement par l’endettement du pays.
Nous pensons, au Nouveau Centre, que cette volonté traduit une vision économique à courte vue, pour ne pas dire irresponsable.
Depuis le début de la législature, nous n’avons cessé de nous battre pour que le principe de responsabilité budgétaire préside à l’ensemble de nos actions, y compris en période de crise. Nous l’avons même fait inscrire dans le marbre constitutionnel lors de la révision de juillet dernier.
Les dettes que nous contractons aujourd’hui par l’emprunt devront être payées un jour. C’est la raison pour laquelle, si dettes il doit y avoir, elles doivent financer non pas des dépenses courantes, mais des investissements utiles à notre pays, permettant de soutenir nos entreprises et de maintenir l’emploi.
M. François Sauvadet. Très bien !
M. Francis Vercamer. Je m’étonne par ailleurs que, vous qui prétendez vous battre pour augmenter le pouvoir d’achat des Français, vous augmentiez vos impôts locaux dans des proportions rarement atteintes en France. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Augmenter le pouvoir d’achat des Français, c’est commencer par desserrer la pression fiscale qui pèse sur les ménages. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe NC.)
Vous préférez, quant à vous, invoquer dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi une hausse généralisée du SMIC, dont on devine qu’elle aggraverait la situation des entreprises, en particulier les PME et les TPE, et donc le chômage.
Vous proposez de lier le maintien des allégements de cotisations sociales à la conclusion effective d’accords salariaux annuels, mais, en réalité, plus on encadre les salaires, plus on contraint les partenaires sociaux à négocier, plus on décourage de fait la négociation.
Si l’on contraint les partenaires sociaux, ou s’ils savent que la loi viendra de toute façon se substituer à leur devoir de négocier pour régler un problème, ils auront tendance à ne pas se mettre autour de la table, ou à ne pas aller aussi loin qu’ils auraient pu le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Il faut, une bonne fois pour toutes, décider que l’État n’intervient pas dans le domaine de négociation des partenaires sociaux.
Nous sommes également défavorables à votre proposition d’abroger les dispositions relatives aux heures supplémentaires contenues dans la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
Il me semble en effet indispensable que les entreprises jouissent d’une certaine souplesse pour pouvoir s’adapter à l’évolution de la conjoncture, qu’il s’agisse des périodes de crise ou des périodes de relance, et les heures supplémentaires y contribuent.
Elles ont également permis à nombre de salariés modestes de voir leurs salaires augmenter grâce à l’exonération partielle de charges dont bénéficient les heures supplémentaires.
En revanche, il est primordial de mettre en œuvre tous les outils qui sont à notre disposition pour assurer aux salariés une protection efficace contre le chômage, et leur permettre de se reconvertir, de rebondir.
La nouvelle convention de reclassement personnalisé, l’extension de l’expérimentation du contrat de transition professionnelle, vont déjà dans ce sens, mais il faut ouvrir de nouvelles voies de sécurisation des parcours professionnels.
Le contrat de transition professionnelle et l’indemnisation des demandeurs d’emploi sont des sujets qui doivent donc être discutés par notre assemblée. Ce doit être en particulier l’un des axes de travail de la mission d’information sur la flexisécurité qui commence actuellement ses travaux.
C’est donc avec cette volonté d’ouvrir le débat sur des orientations concrètes qui apportent une réelle protection supplémentaire aux salariés que le groupe Nouveau Centre ne soutiendra pas votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour le groupe UMP.
M. Benoist Apparu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on pourrait se réjouir que l’opposition nous propose enfin quelque chose sur l’emploi et le pouvoir d’achat. Malheureusement, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est ni plus ni moins qu’un parti pris purement idéologique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui vise à défaire tout ce que nous avons fait depuis deux ans.
M. Jean Glavany. Ce que vous avez si bien fait ! Quel succès !
M. Benoist Apparu. Avant de commenter rapidement les articles de cette proposition, je voudrais m’arrêter quelques instants sur l’exposé des motifs, qui s’apparente plus à un tract politique distribué aux sorties de métro ou dans les marchés qu’à autre chose.
À vous lire, mesdames et messieurs du groupe SRC, la crise internationale n’est pas due aux subprimes, c’est la faute du Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Roland Muzeau. Celle du capitalisme !
M. Maxime Gremetz. De votre système, le système du fric !
M. Benoist Apparu. J’avoue d’ailleurs être surpris que Ségolène Royal n’ait pas encore adressé un courrier à tous les chefs d’État pour s’excuser, au nom de la France, de cette crise. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean-Paul Bacquet. C’est petit !
M. Maxime Gremetz. C’est nul !
M. Benoist Apparu. Venons-en aux principales mesures de cette proposition de loi.
La première tend à subordonner le maintien des allégements de cotisations sociales à la conclusion effective d’un accord salarial avant le 1er septembre 2009.
Je vous rappelle qu’il existe un dispositif similaire dans la loi en faveur des revenus du travail adoptée en novembre 2008. Si un patron n’ouvre pas de négociations salariales, le montant de ses réductions ou exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale est réduit de 2 %. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq. Il a peur !
M. Jacques Desallangre. Oh là là ! Il tremble !
M. Benoist Apparu. S’il ne le fait pas dans les trois ans, les allégements sont supprimés.
La nuance est de taille. Vous, vous imposez la conclusion d’un accord. Comment voulez-vous relancer le dialogue social en France si vous imposez à l’une des deux parties de conclure un accord salarial ?
La deuxième proposition que vous nous faites, dans l’article 2, c’est de supprimer les exonérations de charges sociales pour les heures supplémentaires prévues par la loi TEPA.
Votre équation économique est toujours la même : c’est en fait celle des 35 heures. Vous avez une conception arithmétique du temps de travail. Pour vous, si on le réduit, il peut y avoir plus de monde au travail. Malheureusement, la réalité économique est différente et le temps de travail ne peut pas se découper, se séquencer comme vous le préconisez. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas de lien effectif entre les heures supplémentaires et la montée du chômage. Sinon, le chômage n’augmenterait pas en France puisqu’il y a une réduction des heures supplémentaires.
M. Maxime Gremetz. On ne comprend rien à ce qu’il dit ! Qu’il parle français !
M. Benoist Apparu. Je ne m’étendrai pas sur les deux dernières mesures que vous proposez, puisqu’elles ont été annulées au titre de l’article 40. J’en profite pour rappeler à M. Vidalies que ce n’est pas le Gouvernement qui applique l’article 40. Je veux bien qu’on conteste cet article quand ça nous arrange, mais, en application du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, c’est le président de la commission des finances, et personne d’autre, qui décide.
Je souligne tout de même que le CTP, que vous voulez étendre, vous l’avez combattu. Quant à l’indemnisation, vous préconisez 80 %, alors que nous avons proposé 90 %.
Nous ne vous avons pas attendus pour prendre des mesures en faveur des chômeurs de notre pays et de ceux qui sont dans une situation difficile. Je pense notamment aux 100 000 contrats aidés, à la prime de 500 euros versée à 230 000 salariés et, bien évidemment, à toutes les mesures pour l’emploi des jeunes.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. À la demande du Gouvernement et en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets donc aux voix, par un seul vote, les articles 1er et 2, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi sur l’augmentation des salaires et la protection des salariés et des chômeurs.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 560
Nombre de suffrages exprimés 558
Majorité absolue 280
Pour l’adoption 228
Contre 330
(La proposition de loi n’est pas adoptée.)
Explications de vote et vote sur l’ensemble d’une proposition de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Daniel Goldberg et plusieurs de ses collègues visant à supprimer le délit de solidarité (nos 1542, 1600).
M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe SRC.
M. Daniel Goldberg. Monsieur le président – je ne dis pas « monsieur le secrétaire d’État » et m’en excuse auprès de M. Karoutchi, mais je souhaitais m’adresser au ministre de l’immigration, qui n’est pas présent –, mes chers collègues, le débat que nous avons eu jeudi dernier a été éclairant à plus d’un titre.
Il y eut, tout d’abord, la menace de M. Copé d’en finir, du seul fait que son groupe soit majoritaire, avec tous les débats de cette journée consacrée à l’opposition. Ensuite, vinrent des dispositions bien particulières : dans un premier temps, nous avons débattu sans vote – c’était jeudi dernier, et cela avait l’avantage de permettre à de nombreux collègues de l’UMP de rejoindre rapidement leurs circonscriptions ; je remercie d’ailleurs celles et ceux qui ont participé à nos échanges –, puis, aujourd’hui, nous votons quasiment sans débattre ; il est vrai que c’est plus confortable, qui plus est dans le cadre d’un vote bloqué !
Comme, par ailleurs, vous voulez cadenasser l’ensemble de nos échanges, avec un temps de parole restreint et un droit d’amendement muselé, prenez garde, chers collègues de la majorité, de ne pas supprimer aussi, dans votre élan, les votes. C’est sans doute ce qu’espère le chef de l’État : un modèle démocratique se limitant à l’instant de sa conférence de presse – mais, pour le coup, cela risquerait de se voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Gosselin. Grotesque !
M. Daniel Goldberg. Sur le fond, je voudrais éviter les faux débats où le ministre a sans cesse voulu nous ramener, y compris en mélangeant les années et les arguments. Nous sommes tous d’accord ici pour lutter contre les passeurs,…
M. Lucien Degauchy. C’est faux !
M. Daniel Goldberg. …contre les trafiquants qui montent des filières d’immigration clandestine et prospèrent sur la détresse humaine. Mais le fond de notre proposition, que vous n’avez jamais voulu prendre en considération, est d’écrire la loi de manière à différencier ces passeurs de tous ceux qui agissent par solidarité, par générosité, par fraternité, sans contrepartie aucune, pour aider au séjour d’une personne en situation irrégulière. Qui plus est, vous n’avez même pas réussi, dans le cadre de ces débats, à démontrer que ces filières que nous voulons combattre étaient démantelées, du seul fait de cet article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers.
M. Lucien Degauchy. Les passeurs sont des bonnes sœurs !
M. le président. Monsieur Degauchy, vous avez fini de hurler ?
M. Daniel Goldberg. Pourtant, cet article est clair dans sa rédaction, et je ne prendrai ici que les termes qui nous importent dans ce débat : toute personne qui, par aide directe ou indirecte, facilite le séjour irrégulier d’un étranger peut être incriminée. Aucune exemption n’est prévue, pas même à l’article L. 622-4, pour ce qui concerne l’aide apportée dans le cadre de la fourniture d’un repas ou d’un hébergement, quand il ne s’agit pas d’une situation de détresse absolue.
Les personnes qui viennent en aide aux étrangers en situation irrégulière le font, le plus souvent, en ayant parfaitement conscience de la situation de l’étranger pour ce qui est de la régularité de son séjour en France. Lorsque ces « aidants bénévoles » facilitent un tel séjour, le délit est donc constitué, car intentionnel.
De plus, le fait que l’opportunité ou non d’engager des poursuites soit laissée à l’appréciation du ministère public ne peut être satisfaisant pour les législateurs que nous sommes.
Enfin, des gardes à vue disproportionnées qui créent le désarroi chez celles et ceux qui font œuvre de solidarité, des inquiétudes professionnelles injustifiées – je pense aux travailleurs sociaux, qui sont inquiétés – et, plus encore, des décisions administratives comme le refus d’accorder la nationalité française à une personne du seul fait qu’elle a hébergé son conjoint, décision que le ministre a lui-même justifiée devant moi, il y a quelques jours, ces faits, relatés dans tout le pays, montrent bien que rien n’empêche que cette loi puisse s’appliquer durement.
Et, vous le voyez, je ne m’appuie même pas sur un certain nombre de jugements qui font polémique, mais sur le souhait de ces bénévoles – je le répète car il me semble que vous ne l’avez pas écouté –, qui nous ont demandé, à nous qui les avons rencontrés, de faire en sorte qu’ils ne soient plus hors-la-loi.
Quel que soit le résultat du vote, nous l’aurons emporté. Notre message, réaliste quant au fait que le droit doit s’écrire clairement pour s’appliquer justement, est aujourd’hui approuvé par une large partie de l’opinion. Le ministre a perdu à vouloir démontrer l’indémontrable. Il s’est perdu dans des justifications qui tenaient plus de la défense de son parcours personnel que de l’analyse concrète de ce que nous proposons.
S’il fallait un dernier élément pour le démontrer, il tient à l’ouverture d’esprit qui lui a manqué et qu’il aurait pu avoir en acceptant les seules modifications que nous proposions à l’article L. 622-4 : elles auraient permis, sans changer les éléments constitutifs du délit, d’exempter de poursuites celles et ceux qui contribuent à préserver l’intégrité physique ou la dignité d’une personne en situation irrégulière. Mais il a tout rejeté, en examinant à peine nos propositions, pour mieux endosser son nouveau rôle de « ministre de fermeture ». Mes chers collègues, il vous est encore possible de faire en sorte que les choses en aillent autrement.
Il est facile de conclure ses interventions en citant Jaurès, comme l’a fait le ministre encore récemment. Pour ma part, je préfère ne pas le trahir et lui rester fidèle, dans la lettre comme dans l’esprit, en rappelant que Jaurès demandait, peu de temps avant sa mort, de « protéger les ouvriers étrangers contre l’arbitraire administratif et policier pour qu’ils puissent s’organiser avec leurs camarades de France et lutter solidairement avec eux sans crainte d’expulsion ». Voilà le message de Jaurès que nous continuons, quant à nous, de défendre aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le groupe GDR.
M. Patrick Braouezec. Les lois successives promues par Nicolas Sarkozy, soit comme ministre de l’intérieur, soit comme Président de la République, vont toujours dans le même sens : la multiplication des dispositifs répressifs à l’encontre des migrants « non choisis ». Nous l’avons dit : nous sommes radicalement contre l’immigration choisie et surtout en désaccord avec les raisons que le Gouvernement avance.
Cette politique répressive, accompagnée d’objectifs chiffrés, conduit à de graves atteintes aux droits fondamentaux. La lutte contre l’immigration irrégulière, c’est-à-dire le nombre d’expulsions programmé pour 2009, est fixé à 27 000. Cette course au chiffre conduit les policiers et les préfectures à considérer comme secondaires l’étude précise de chaque cas et le respect de l’individu. Peu importe que les droits les plus élémentaires des personnes soient bafoués ; peu importe également que la France soit montrée du doigt par le Conseil des droits de l’homme !
Mais revenons à cette proposition de loi. M. Besson nous a dit que le droit à l’hébergement des migrants était respecté et même que l’État était généreux. Cela est faux. Il suffit de songer au cas de l’hébergement d’urgence, en baisse constante.
Cette politique d’aveuglement conduit non seulement à de plus en plus de violences à l’encontre des migrants en situation irrégulière, mais également à considérer comme des délinquants les personnes mobilisées face à la situation de précarité dans laquelle se trouvent des hommes et des femmes qui ont dû fuir leur pays pour des raisons politiques ou économiques.
Ces personnes travaillent pour des associations comme la CIMADE, victime de son travail citoyen, de sa compétence et de son refus de laisser faire une politique dangereuse pour les valeurs de partage et de solidarité qu’elle défend.
Non seulement on tente de remettre en cause le travail de certaines associations, mais nombre d’entre elles ont en outre vu le financement que leur allouait l’État revu à la baisse, ce qui porte préjudice à la qualité de leur travail d’accompagnement et d’expertise auprès des migrants. Ainsi, votre ministère n’accordera que 20 millions d’euros, et aucune information n’est donnée sur les critères à remplir pour en bénéficier.
Il est normal que, face aux drames humains que vivent les migrants, nombre de nos concitoyens se mobilisent. Ce faisant, ils s’exposent à commettre ce que des associations de défense des migrants ont appelé le « délit de solidarité ». Cette expression renvoie à l’infraction inscrite dans l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers.
Cet article nécessite quelques précisions. Lors d’une question au Gouvernement, M. Besson a précisé que 4 000 filières avaient été démantelées en 2008. Aucune des associations travaillant avec les migrants ne peut être associée à une filière. Dès lors, nous nous demandons si cet article L. 622-1 est approprié, compte tenu de l’amalgame qu’il permet entre passeurs et bénévoles, comme ce fut le cas pour les bénévoles traités comme des passeurs à Calais, mais aussi à Toulouse, et encore ailleurs.
Une seule solution : il faut changer la loi, comme nous l’avions déjà proposé lors des débats sur le CESEDA, sans être entendus.
Si la loi faisait cette différence, il ne serait alors pas possible de voir figurer dans la loi de finances, parmi les indicateurs de performance de la mission budgétaire « Immigration », le « nombre d’interpellations d’aidants », soit 5 000 pour l’année 2009.
Le terme « aidants » est volontairement confus et ne garantit pas que cet indicateur ne comptabilise que les membres des filières d’immigration, c’est-à-dire les trafiquants, et non les bénévoles. Vous voulez le changer, c’est très bien, mais cela ne suffit pas : il ne faut pas que les bénévoles qui refusent que les migrants meurent de faim ou de froid, ici, dans ce pays, soient associés, de près ou de loin, aux passeurs. Il faut donc changer cet article pour qu’il ne vise que ceux qui s’enrichissent de la lutte des migrants pour leur survie, car un tel amalgame est inacceptable.
La politique menée à l’égard des migrants et des personnes qui les soutiennent est une politique d’acharnement, qui stigmatise les uns et les autres et les instrumentalise afin de détourner l’opinion des véritables problèmes actuels : emploi, précarité, pouvoir d'achat, protection sociale.
Plus la crise sociale s’aggrave, plus votre gouvernement persévère dans des politiques sécuritaires attentatoires aux droits civils et politiques et à la solidarité, valeur que défendent nombre de Français. C’est pourquoi le groupe GDR votera pour cette proposition de loi, déposée par le groupe SRC, visant à supprimer le délit de solidarité. Notre groupe ne se trompe pas d’ennemis et refuse de renoncer à la solidarité, au partage et à l’accompagnement, de façon à ce qu’aucun homme, aucune femme, aucun enfant ne perde sa dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Claude Leteurtre, pour le groupe du Nouveau Centre.
M. Claude Leteurtre. L’examen de cette proposition de loi de nos collègues socialistes aura été l’occasion d’avoir, dans cet hémicycle, un débat important et utile pour tous ceux de nos concitoyens qui, touchés par le film Welcome, se sont passionnés pour ce « délit de solidarité » qui semble contraire aux principes les plus fondamentaux de notre pacte républicain.
Ce débat est important, en effet, car il aura permis à la représentation nationale toute entière de se rassembler autour de ce véritable impératif que constitue la lutte contre les réseaux mafieux de passeurs clandestins, ces criminels qui font leur lit dans la misère et dans la détresse d’hommes, de femmes et d’enfants prêts à tout risquer pour le rêve d’une vie meilleure. Alors que ces réseaux semblent à l’heure actuelle en pleine recrudescence sur notre territoire, tout particulièrement dans la région de Calais, il importe que soit réaffirmée notre pleine et entière détermination dans la lutte contre les filières d’immigration clandestine.
Ce débat est également utile, car il aura permis d’établir que le désormais célèbre article L. 622-l du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’était en rien à l’origine de l’existence, au sein de notre ordre juridique, d’un quelconque « délit de solidarité ». Nos collègues socialistes en sont eux-mêmes convenus : bien qu’en vigueur depuis plus de soixante ans, depuis une ordonnance prise par le gouvernement provisoire du général De Gaulle, cet article n’a jamais permis la condamnation d’une personne venue spontanément en aide à un clandestin en situation de détresse, et ce grâce aux exemptions expressément visées à l’article L. 622-4 de ce même code.
Comment un tel délit pourrait-il d’ailleurs exister alors que l’État et les collectivités locales viennent en aide à ces migrants en leur proposant une assistance, notamment sanitaire, et en subventionnant ces mêmes associations humanitaires qu’on les suspecte de combattre ?
S’il n’existe pas de délit de solidarité, il existe par contre des limites au-delà desquelles la simple solidarité ne permet plus de justifier l’assistance apportée à un migrant clandestin. Entrer dans la chaîne des passeurs, par exemple en transportant de l’argent pour eux, revient ainsi à se rendre complice de ce véritable trafic d’êtres humains et constitue incontestablement un délit. De même, aider un étranger en situation irrégulière à s’installer durablement dans notre pays dépasse largement le champ de la solidarité et revient à s’élever contre les lois de la République, qui demeure seule légitime à fixer les conditions de l’entrée et du séjour des étrangers sur son territoire.
Aussi, je le dis à nos collègues socialistes, en supprimant un délit dénué d’existence réelle, leur proposition de loi est purement superflue. J’ajouterai que, en conditionnant le délit à la preuve du but lucratif poursuivi par les passeurs, ils prennent le risque de fragiliser dangereusement l’assise juridique de la lutte qu’il est de notre devoir de mener contre ces véritables esclavagistes modernes. Pour ces raisons, les parlementaires du Nouveau Centre ne voteront pas ce texte.
Je conclurai en revenant sur l’un des points évoqués lors de notre débat : celui des interpellations et des placements en garde à vue de personnes n'étant en rien liées aux passeurs et qui ont le sentiment d’avoir vu leur droits bafoués.
Ce débat n’a rien à voir avec un prétendu délit de solidarité. Il concerne la nécessaire réforme de notre procédure pénale, qui, aujourd’hui, c’est un fait, n’accorde pas toute sa place à la présomption d’innocence et aux droits individuels. Ce chantier, que le Président de la République a souhaité ouvrir, est vaste et je forme le vœu qu’il nous offre l’occasion de nous retrouver afin de donner à notre pays une procédure pénale plus respectueuse des libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.
M. Éric Diard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le groupe socialiste est inutile, puisque la législation actuelle a fait ses preuves et que le délit de solidarité n’existe pas et n’existera jamais.
En effet, la loi en vigueur depuis 1945, c’est-à-dire les articles L. 622-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dispose que toute personne qui facilite ou tente de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en France s’expose à un risque de poursuite, à l’exception des personnes qui ont aidé un membre de leur famille. Il ne s’agit donc pas de poursuivre l’aide apportée à une personne, mais le fait de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour sur le sol français en méconnaissance des règles applicables. La personne, particulier, bénévole ou association, qui s’est limitée à héberger des clandestins en situation de détresse n’est pas concernée par cette législation. Personne en France, le ministre de l’immigration l’a rappelé, n’a jamais été condamné pour avoir seulement hébergé, nourri ou rechargé le téléphone portable d’un clandestin !
En outre, des immunités pénales sont prévues pour les proches et pour ceux qui ont aidé une personne en situation irrégulière ou en situation de détresse. Une immunité générale est instituée par l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors que « l’acte reproché était, face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l’intégrité physique d’un étranger, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ou s’il a donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte ». De ce fait, la proposition de loi déposée par le groupe socialiste visant à supprimer le « délit de solidarité» n’a aucun sens.
Plus de 4 000 personnes ont été mises en cause en 2008 sur le territoire français pour des faits d’aide à l’entrée et au séjour d’étrangers en situation irrégulière, et aucune d’entre elles n’a été inquiétée pour le seul fait d’avoir hébergé un étranger en situation irrégulière !
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est faux !
M. Éric Diard. Comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les personnes condamnées étaient allées beaucoup plus loin que la simple action humanitaire et avaient participé au travail des passeurs en toute connaissance de cause.
Il est faux de dire que la France traite mal les personnes en situation irrégulière. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) L’hébergement d’urgence est un droit reconnu à toute personne en situation de détresse, et je tiens à souligner que l’État est le premier à accueillir dans les centres d’hébergement d’urgence les étrangers en détresse, quelle que soit leur situation administrative. Il apporte, avec les collectivités locales, un soutien financier et technique très important. De plus, la France ne reconduit pas davantage à la frontière, en moyenne, que la plupart des pays européens. Notre pays a le délai de rétention le plus court d’Europe, avec trente-deux jours maximum, alors que cela peut aller jusqu’à six mois, voire davantage, dans de nombreux pays européens.
Il est temps de cesser d’affirmer que l’État harcèle les associations d’aide aux clandestins. L’État apporte, avec les collectivités locales, un important soutien à ces associations dont le rôle humanitaire est reconnu par tous.
D’autre part, l’adoption de cette proposition de loi désarmerait complètement les forces de police face à des réseaux d’esclavagisme moderne. En effet, les autorités seraient contraintes de prouver systématiquement le caractère lucratif ou onéreux avant d’engager toute action : or cette preuve, on le sait, est souvent impossible à apporter car l’argent est échangé en liquide. L’idée de dispenser de l’application de la loi ceux qui agissent sans but lucratif ou onéreux n’est donc pas cohérente avec la lutte contre ces trafics. La plupart des délits commis dans notre pays n’ont peut-être pas un objectif d’enrichissement personnel, mais n’en méritent pas moins d’être poursuivis.
Vous proposez que les associations venant en aide aux clandestins ne puissent plus être poursuivies pour leurs actions. Cela reviendrait tout simplement à supprimer toute possibilité de maîtrise de l’immigration dans notre pays. En effet, il suffirait alors à chaque filière clandestine de créer une association loi 1901 pour échapper à toute poursuite. Je tiens à rappeler que la loi actuelle permet chaque année le démantèlement de 150 filières clandestines et l’arrestation de 4 000 passeurs.
Vous affirmez que la législation française est plus sévère que le droit communautaire. Je tiens à vous rappeler que la directive communautaire du 28 novembre 2002 définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier a été adoptée à l’initiative de la France, à partir de notre propre législation. La finalité de cette directive a consisté à harmoniser a minima les dispositifs de lutte contre l’immigration clandestine, inexistants dans certains pays de l’Union européenne peu soumis aux pressions migratoires. La France ne se distingue pas par une transposition dure de la directive européenne : elle applique la clause d’exemption humanitaire.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Diard.
M. Éric Diard. La France, mes chers collègues, est une terre d’immigration, une terre de métissage ; chaque année, notre pays accueille légalement 200 000 étrangers et accorde la nationalité française à 100 000 personnes. Nous voulons continuer à lutter contre les filières d’immigration clandestine, ce que ce texte ne permettrait pas, bien au contraire. Par conséquent, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. À la demande du Gouvernement et en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, je mets donc aux voix, par un seul vote, les articles 1er et 2, ainsi que l’ensemble de la proposition de loi sur la suppression du délit de solidarité.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 553
Nombre de suffrages exprimés 551
Majorité absolue 276
Pour l’adoption 225
Contre 326
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, et à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, sur la lutte contre la délinquance.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse. Par ailleurs, l’auteur de la question bénéficie d’un droit de réplique dans la limite d’une minute si le nombre d’orateurs inscrits par son groupe le permet.
La ministre interrogée pourra naturellement répondre à cette réplique, dans la même limite d’une minute, avant que je donne la parole à l’orateur d’un autre groupe.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe UMP.
M. Jacques Alain Bénisti. Ma question s’adresse à Mme Rachida Dati.
Madame la garde de sceaux, comme vous le savez, le Conseil national des villes a rendu public, le 12 mars dernier, un avis sur l’application de la loi du 5 mars 2007, relative à la prévention de la délinquance, dans lequel il constate l’absence quasi-systématique de mise en œuvre de cette loi pourtant centrée sur la prévention de la délinquance juvénile. Sans doute serez-vous d’accord avec moi pour trouver le constat navrant : alors que l’on reproche souvent – voire constamment – au Gouvernement de ne prendre que des mesures répressives, ce texte n’est pas appliqué par bon nombre d’élus et représentants de la justice. Voilà qui incite évidemment à se poser des questions.
J’en parle en connaissance de cause. À l’époque, madame la ministre, nous avions travaillé ensemble à l’élaboration de ce texte, et je suis maire de l’une des quatre communes qui ont mis en place un conseil des droits et devoirs des familles, ainsi qu’un CLSPD nouvelle génération. J’ai pu constater que, malheureusement, certains conseils généraux comme celui du Val-de-Marne freinent toute initiative et refusent même de collaborer aux conseils des droits et devoirs des familles comme celui que j’ai créé dernièrement. C’est aussi fréquemment le cas pour les CLSPD où, en fonction de leur appartenance politique, les acteurs sociaux et parfois judiciaires y participent ou non. Je pourrais multiplier les exemples avec l’application à la carte des textes sur la récidive ou d’autres textes du même type.
En la matière, le problème est que la loi sur la prévention de la délinquance repose non seulement sur le maire, mais aussi sur plusieurs maillons qui doivent collaborer de façon transversale et surtout décloisonnée.
Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Bénisti.
M. Jacques Alain Bénisti. Ma question est donc simple : que peut-on faire pour remédier à cette situation et de quels moyens disposez-vous, madame la ministre, pour enfin faire appliquer cette loi qui va dans le sens d’un renforcement de l’action collective et sociale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le député, vous vous souvenez que ce texte a consacré juridiquement divers dispositifs expérimentaux mis en œuvre par des acteurs de la prévention de la délinquance, notamment par de nombreux élus dont vous faisiez partie. Vous aviez d’ailleurs remis un rapport qui a largement inspiré le texte adopté le 5 mars 2007.
Quels sont les apports importants de ce texte ? S’agissant du conseil des droits et devoirs des familles, le débat avait porté sur le fait de l’imposer ou non aux élus, en fonction de la taille des communes ; le choix a été laissé à la discrétion des conseils municipaux.
Si certaines dispositions comme la création de ces conseils des droits et devoirs des familles ont été difficiles à mettre en œuvre, il ne faut pas oublier les nombreuses avancées permises par ce texte. De nouvelles infractions ont été créées : le délit d’embuscade envers les forces de l’ordre, une avancée majeure réalisée lorsque le Président était ministre de l’intérieur ; le happy slapping, acte de violence filmé par téléphone portable, a fait l’objet d’une qualification pénale qui permet de le réprimer ; la détention ou le transport de produits incendiaires ou explosifs. En 2007, ces nouvelles infractions ont donné lieu à trois condamnations pour délit d’embuscade, deux pour happy slapping, neuf pour détention de produits explosifs.
Cette loi a aussi créé de nouvelles mesures : la sanction réparation ; les stages de responsabilité parentale dont vous avez été à l’initiative, monsieur Bénisti ; les stages de sensibilisation aux dangers de la drogue – 119 ont été mis en œuvre en 2007 ; les suivis socio-judiciaires pour les conjoints violents dans le cadre de violences conjugales. Un fonds interministériel de prévention de la délinquance a aussi été créé pour faciliter l’application de ce texte.
À part quelques dispositions, ce texte sur la prévention de la délinquance est donc largement appliqué.
Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe GDR.
M. François Asensi. Madame la garde des sceaux, les actes délictueux ou criminels commis par des mineurs sont un sujet sérieux qui ne doit ni être pris à la légère ni faire l’objet d’instrumentalisation politicienne ou de procès en stigmatisation.
La commune de banlieue parisienne dont je suis maire a été récemment le théâtre de l’attaque d’un fourgon blindé par trois mineurs de quatorze à seize ans. Cette opération, aussi criminelle qu’insensée, est l’œuvre de jeunes sans repères, désocialisés, qui mettent en danger leur propre vie et déstabilisent notre société – et en particulier ce quartier.
Mais si nous nous accordons en partie sur ce constat, je crains que les réponses que nous apportons à ces jeunes délinquants ne divergent profondément. De la création des centres éducatifs fermés à la réforme de l’ordonnance de 1945, vos propositions présentent l’enfermement des mineurs comme une panacée. Cette politique est inacceptable et inefficace : les lieux d’enfermement sont de véritables écoles de la récidive, malgré le travail consciencieux des personnels.
Le chiffre de 70 % de récidivistes à la sortie est ainsi évoqué par les syndicats.
Le traitement judiciaire de la délinquance des mineurs se doit dès lors de conserver sa spécificité, car il s’adresse à des personnes en devenir, aux trajectoires familiales et sociales complexes.
À cet égard, le désengagement de la PJJ, la Protection judiciaire de la jeunesse, de sa mission de protection de l’enfance en danger est particulièrement inquiétant. Le projet de loi de finances pour 2009 a entériné une division par deux des crédits et des effectifs du programme 2, consacré aux mesures civiles, depuis 2007. Nous n’avons pas là affaire à un recentrage de la PJJ mais à une véritable coupe budgétaire conforme à une certaine vision du mineur : celle d’un délinquant en puissance que l’on doit punir et surveiller. Sur le terrain, je constate au quotidien l’assèchement alarmant des moyens dédiés à la prévention des faits de délinquance et à leur sanction éducative.
Madame la ministre, entendez-vous revenir sur la chute des crédits alloués aux mesures civiles de la PJJ et faire prévaloir une approche alternative à l’enfermement dans votre projet de réforme de l’ordonnance de 1945 ?
Mme la présidente. La parole est à la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison, monsieur le député, d’évoquer, s’agissant de la délinquance des mineurs, une affaire récente.
N’opposons pas sanction et éducation : tel est d’ailleurs le principe de l’ordonnance de 1945, texte que nous avons souhaité adapter aux mineurs délinquants de 2009. Il a fait l’objet d’une trentaine de modifications, sans que soient remis en cause sa philosophie ni ses qualifications. Suite aux conclusions de la commission Varinard, nous avons donc rédigé un nouveau code pénal des mineurs, qui regroupe toutes les dispositions applicables à la délinquance des mineurs, phénomène croissant qui concerne des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. L’attaque du fourgon dont vous avez parlé a ainsi été commise par des jeunes de quinze à dix-sept ans. Or les faits, en termes de qualification pénale, sont de nature criminelle et non délictuelle.
S’il ne faut donc pas faire d’angélisme, nous parlons non des mineurs en général mais des mineurs délinquants, qu’il faut traiter le plus en amont possible. Or l’assistance éducative a diminué de plus de 10 % en dix ans, quand, de 1997 à 2002, les mesures pénales relatives aux mineurs délinquants ont augmenté de 94 %. Il importe donc de recentrer les moyens sur les mesures pénales à mettre en œuvre en amont. Les crédits de la PJJ ont ainsi été augmentés, et nous avons créé 100 postes d’éducateurs afin de mieux prendre en charge les mineurs délinquants.
L’an dernier, cinq centres éducatifs fermés proposant une prise en charge pédopsychiatrique ont été expérimentés par mon ministère. Souvent, en effet, les mesures pénales ne s’accompagnent pas d’un traitement des troubles du comportement ou de la personnalité. Les résultats de cette expérimentation sont très probants ; lesdits centres passeront ainsi au nombre de dix d’ici à la fin de 2009.
Nous avons, en un mot, souhaité rédiger un texte et créer des structures adaptés aux mineurs délinquants de 2009.
Mme la présidente. Merci, madame la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’ajoute que 680 mineurs sont incarcérés à ce jour – chiffre qui a d’ailleurs diminué depuis 2007 –, de sorte qu’il n’y a pas de surpopulation carcérale.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jardé, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Olivier Jardé. J’associe mon collègue Jean-Luc Préel à cette question, qui s’adresse à Mme la garde des sceaux.
Un nouveau schéma d’organisation de la médecine légale a été validé dès 2008 par vous-même, ainsi que par Mme la ministre de la santé et le Conseil supérieur de la médecine légale présidé par le directeur des affaires criminelles et des grâces. Il a pour socle des hôpitaux têtes de réseau et un réseau de proximité s’appuyant sur les établissements et la médecine de ville, afin de garantir le maillage territorial pour l’activité de la médecine légale du vivant.
En décembre dernier, le Premier ministre a rendu son arbitrage au sujet du financement de la médecine légale. Il a considéré que cette activité relevait de la mission régalienne de l’État, et qu’elle devait donc être financée par les frais de justice, c’est-à-dire par des crédits de votre ministère. Cet arbitrage permettait de remédier aux dysfonctionnements mis en évidence dans le rapport commun de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des services judiciaires de 2006, s’agissant du financement de la médecine légale dans les hôpitaux et de la prise en charge indue, par l’assurance-maladie, des actes réalisés dans les hôpitaux au bénéfice du ministère de la justice.
Suite à cet arbitrage rendu par le Premier ministre, la loi de finances pour 2009 a prévu, dans les 409 millions d’euros alloués au titre des frais de justice, 7 millions spécifiquement consacrés à la médecine légale, auxquels s’ajoutent les 25 millions déjà prévus au titre du remboursement, sur les frais de justice, des activités de médecine légale. Ce total de 32 millions d’euros couvre l’ensemble du volet thanatologique de la médecine légale, mais également une partie de la médecine légale du vivant. Or, depuis, aucune avancée n’est constatée, ce qui met en péril certaines unités, comme celle de Lagny.
Quelles mesures réglementaires comptez-vous prendre, madame la garde des sceaux, pour clarifier le paiement des actes de médecine légale aux établissements ? Quel est le calendrier précis pour la mise en œuvre sur le terrain de cette nouvelle organisation de la médecine légale ?
Mme la présidente. La parole est à la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La médecine légale du vivant est en effet une activité importante, monsieur le député, car elle permet notamment de constater les lésions et les traumatismes des victimes. Mme Alliot-Marie pourra d’ailleurs confirmer les progrès qu’elle a permis de réaliser à la police scientifique, en particulier pour retrouver les auteurs des actes ; mais elle n’est pas moins essentielle aux victimes, s’agissant de l’évaluation et de la réparation du préjudice. Elle doit donc être moderne et pérenne.
Le rapport de la mission interministérielle associant l’Inspection générale des affaires sociales et l’Inspection générale des services judiciaires, remis en janvier 2006, a mis en évidence certaines carences de notre médecine légale, dont les ministères de la justice et de la santé se sont dès lors engagés à rationaliser l’organisation. Un projet de schéma directeur prévoit la création de pôles régionaux et départementaux. Ainsi, 33 centres régionaux de thanatologie – science qui permet de déterminer les causes de la mort – verront le jour, et 50 structures hospitalières, dont la taille permet d’accueillir l’activité judiciaire, disposeront d’un service dédié à la médecine du vivant. Ce maillage territorial, complété par un réseau de proximité, permettra de couvrir la totalité des besoins en médecine légale du vivant. Chacune des structures disposera évidemment d’un personnel formé et adapté aux besoins judiciaires, à l’instar du dispositif de lutte contre l’usage des stupéfiants avec les médecins-relais.
Pour mener à bien cette réforme, les budgets du ministère de la justice pour la période de 2009 à 2011 ont fait l’objet d’une dotation supplémentaire au titre des frais de justice : 7 millions d’euros en 2009, 14 millions en 2010 et 30 millions en 2011.
M. Olivier Jardé. Très bien !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quelques points restent à résoudre avant d’engager la réforme : fixer le nombre et l’emplacement de ces structures ; organiser le paiement direct des hôpitaux, et non plus des praticiens. Il faudra donc former les magistrats en ce sens.
Mme la présidente. Merci, madame la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le plus difficile sera néanmoins pour le ministère de la santé, à qui il incombera de redéployer les moyens humains.
M. Olivier Jardé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux, pour le groupe SRC.
Mme Claude Darciaux. Madame la ministre de l’intérieur, j’approuve votre déclaration selon laquelle « la sécurité est la première des libertés, celle qui garantit l’exercice effectif de toutes les autres ».
Cependant les chiffres de la délinquance aujourd’hui sont le signe de l’échec de votre politique sécuritaire. En effet, dans ma commune de 9 500 habitants, le bilan de la délinquance est éloquent. En plus des atteintes aux biens des Longviciens et des cambriolages commis sur les commerces de proximité, on constate des actes d’incivilité. Depuis deux ans, les équipements municipaux sont régulièrement la cible d’incendies volontaires : incendie d’un gymnase en janvier 2007 ; incendie de locaux sportifs ; destruction totale par incendie de tennis couverts en mai 2007 ; incendie du centre social en avril 2009 ; voiture bélier contre la mairie en décembre 2006 ; deuxième voiture bélier en flammes contre la mairie, avec début d’incendie, en avril 2009 ; cocktails Molotov lancés sur des équipements municipaux ; « caillassage » de ma permanence parlementaire ; tentative d’incendie de mon véhicule personnel, sans parler des incendies de véhicules associatifs. Or le taux d’élucidation dans ma commune reste malheureusement de 0 % sur ces faits !
Ma ville avait en 2002 un bureau de police qui comptait douze agents, avec une police de proximité. Aujourd’hui il ne reste qu’un seul agent. Jusqu’à quand va t-on entretenir l’illusion que l’on répond aux problèmes de délinquance ? Malgré les treize textes destinés à améliorer la sécurité depuis 2002, les problèmes sont toujours là, la délinquance se développe et les populations les plus modestes en subissent les conséquences.
À quand le rétablissement de la police de proximité dans nos quartiers, madame la ministre ? À quand une vraie prise en charge judiciaire des jeunes délinquants ? À quand une augmentation des effectifs de police et de justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. J’aime les chiffres, madame la députée, surtout lorsqu’ils reposent sur des indicateurs constants. Ceux-ci nous montrent qu’en sept ans, la délinquance générale a diminué de 13,5 % et celle de proximité de 34 %, ce qui représente 788 800 faits enregistrés en moins. J’observe d’ailleurs que le nombre de faits enregistrés en 2008 est le plus bas depuis 1997.
Si vous voulez parler d’échec, madame Darciaux, laissez-moi citer les chiffres de la période de 1997 à 2002 : sur la base des mêmes indicateurs, la délinquance générale avait augmenté de 17,7 %, la délinquance de proximité de 10 % et les violences aux personnes de 55,6 % ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je comprends, madame la députée-maire, que vous soyez touchée par ce qui vous est arrivé, et je ne prétends pas que tout est réglé. Mais le taux d’élucidation a atteint, pour l’ensemble de la France, 38,6 %, contre 25 % en 2002. Bien sûr, il reste des choses à faire : je ne dirai jamais le contraire. La délinquance, d’ailleurs, diminue lorsque chacun œuvre en ce sens : ainsi, dans les villes ayant installé la vidéo-protection, la délinquance a baissé de 40 %. Certaines actions menées par les unités territoriales de quartier, que j’ai créées l’an dernier, permettent elles aussi de faire diminuer sensiblement la délinquance. Ces mesures vont d’ailleurs être généralisées à d’autres communes. Mais, je le répète, la baisse de la délinquance est le fruit d’une action commune ; ce n’est pas en attaquant la police et le ministère de l’intérieur que vous obtiendrez des résultats. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Claude Darciaux.
Mme Claude Darciaux. Les chiffres sont têtus, madame la ministre. Je me fais l’écho de la population que je représente et ne suis pas là pour polémiquer : je m’appuie sur des faits réels advenus dans ma commune et douloureusement ressentis par ses habitants. Vous parlez d’unités territoriales de quartier ; il n’y en a pas dans ma commune. Entre 1997 et 2002, les taux de délinquance n’atteignaient pas le niveau qu’ils atteignent aujourd’hui.
Quant aux moyens de vidéo-protection, j’en ai installé mais ils sont inexploitables. J’ai réuni un CLSPD, un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, et des commissions locales de sécurité avec l’ensemble des partenaires sociaux, qui se réunissent régulièrement. J’ai également embauché des médiateurs sociaux et des policiers municipaux ; mais en matière de sécurité, le maître d’œuvre doit rester l’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. J’ai toujours considéré, madame la députée, que la sécurité était une chaîne où chacun a ses responsabilités. Vous me parlez des problèmes de votre commune ; mais ils sont manifestement particuliers, car, dans l’ensemble de votre département, la délinquance générale a diminué de 13,3 % et la délinquance de proximité de 29,78 % depuis 2002. Cette tendance se confirme pour les premiers mois de 2009.
M. Bruno Le Roux. Vos chiffres sont faux, vous le savez !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. J’ignore donc d’où viennent les problèmes que vous avez évoqués ; chacun doit peut-être balayer devant sa porte, à commencer par vous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme Claude Darciaux. Ces propos sont scandaleux ! Je les relayerai auprès des habitants de ma commune !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe UMP.
M. Éric Ciotti. Madame la ministre de l’intérieur, lors du récent déplacement du Président de la République en Espagne, le Premier ministre espagnol a salué l’action de la France – et la vôtre, tout particulièrement – en matière de lutte contre le terrorisme, basque notamment. Nous le savons : le terrorisme sur notre territoire, qu’il soit d’origine basque ou corse, est un fléau majeur, décuplé par de nouvelles menaces qui témoignent hélas que le terrorisme est aujourd’hui devenu une manière de faire la guerre.
Quels sont aujourd’hui les accords internationaux et les actions de coopération internationale qui engagent la France – avec l’Espagne, par exemple – dans la lutte contre la menace terroriste ? Quel est l’état de la menace à laquelle notre pays est exposé ?
Mme la présidente. La parole est à la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Si l’ETA constitue une menace mortelle en Espagne, certains dirigeants de cette organisation terroriste se trouvent aussi sur le territoire français. Depuis le mois de novembre dernier, nous avons d’abord arrêté le chef militaire de l’ETA, connu sous le surnom de « Txeroki » puis, trois semaines plus tard, son successeur présumé, le dénommé « Gurbitz » et enfin, le 22 avril dernier, un autre responsable de cet appareil militaire.
Dans le même temps, nous avons procédé à de nombreuses arrestations pour des délits – des vols de véhicules, notamment – commis sur notre territoire, et avons interpellé des personnes armées, qui n’ont d’ailleurs pas nié appartenir à l’ETA. Aujourd’hui, 162 individus, dont 151 Espagnols, sont incarcérés en France pour des faits liés à ce terrorisme.
Il va de soi que ces très bons résultats sont dus non seulement à la détermination dont nous faisons preuve depuis de nombreuses années, mais aussi au renforcement de la coopération policière. Ainsi, en janvier 2008, j’ai créé avec mon homologue, M. Rubalcaba, une unité permanente de renseignement qui permet de suivre un certain nombre de personnes sur le territoire national. De même, lors du récent déplacement du Président de la République, nous avons davantage renforcé notre coopération en décidant une coordination régulière, au plus haut niveau, entre nos organisations de renseignement. C’est ainsi que nous parviendrons à mettre fin à des violences qui, souvent, menacent la vie des personnes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe SRC.
Mme Delphine Batho. Madame la ministre de l’intérieur, nous abordons un sujet grave et difficile qu’il convient de traiter avec humilité et sérieux, mais aussi avec lucidité, compte tenu de la dégradation de la situation sur le terrain.
On pourra toujours évoquer le bilan des uns et des autres ; seule compte la réalité, c’est-à-dire l’augmentation structurelle de la délinquance et des violences, face à laquelle tous les gouvernements de ces dernières années ont échoué, de même que l’actuelle majorité parlementaire. Citons des statistiques, puisqu’il le faut : je citerai celle de la violence contre les personnes, qui a augmenté de 46,5 % depuis 2002.
Certes, ce n’est sans doute pas avec vous que nous souhaiterions débattre du bilan récent en la matière, mais avec votre prédécesseur, l’actuel Président de la République. Certains célèbrent ces jours-ci le deuxième anniversaire de son accession à la présidence ; nous voudrions plutôt évoquer avec lui le bilan de sept années d’échec flagrant en matière de lutte contre l’insécurité.
M. Franck Gilard. La haine : voilà votre seul fonds de commerce !
Mme Delphine Batho. Vous ne parviendrez pas à camoufler cet échec derrière une nouvelle inflation législative, alors que quatorze lois ayant trait à la sécurité ont déjà été votées depuis 2002, avant qu’une quinzième ne soit bientôt présentée, pourtant promise à la même inefficacité.
De notre côté, nous souhaitons évoquer les solutions. Nous pensons que la montée de la violence n’est pas une fatalité. Nous proposons donc une nouvelle doctrine d’action fondée sur trois piliers : une véritable police de quartier affectée avant tout dans les endroits les plus difficiles, une sanction précoce au premier délit, reposant sur les options alternatives à l’incarcération et, enfin, une véritable politique de prévention fondée sur un encadrement éducatif renforcé.
M. François Rochebloine. C’est nouveau !
Mme Delphine Batho. J’aurai deux questions brèves, madame la ministre : pourquoi n’y a-t-il pas de police de quartier ? Renoncerez-vous, compte tenu de la situation actuelle, à la suppression de 8 000 postes de policiers que vous envisagez d’ici 2012 ?
Mme la présidente. La parole est à la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. J’ai eu des illusions pendant les premières secondes de votre intervention, madame Batho, lorsque vous parliez d’aborder un véritable problème avec sérieux et humilité, et sans polémique.
M. Lionel Tardy. Nous aussi !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Hélas, nous vous connaissons tous : vous n’avez pas pu résister à la tentation.
M. Bruno Le Roux. Nous vous connaissons tous aussi : vous avez échoué !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. L’échec, c’est celui de la politique que vous avez menée ! Quant à nous, vous ne pouvez pas nous en accuser : les statistiques, fondées sur les mêmes critères d’une époque à l’autre, sont celles que j’ai rappelées. Elles témoignent que nous avons ramené la délinquance à son niveau d’avant 1997.
Certes, au sein de cette diminution globale, on constate une augmentation des violences contre les personnes, en particulier dans la sphère intrafamiliale. C’est pourquoi j’ai demandé qu’une étude soit menée pour identifier les causes de cette délinquance et les solutions à adopter.
S’agissant de la police de quartier, madame Batho, j’espère que vous voterez les textes que je vous présenterai : en effet, les unités territoriales de quartier, loin d’une police de proximité qui ferait tout et n’importe quoi, sont composées de policiers qui font leur métier de policier et donnent de bons résultats. Cette réussite, entamée l’an dernier, sera poursuivie, et a d’ailleurs incité le Président de la République à accélérer la mise en place des unités territoriales de quartier que j’ai créées, et des compagnies de sécurisation que j’ai également créées – car ce n’est pas à vous que nous les devons.
Il est vrai qu’il nous faut mener une action globale à l’intention des jeunes : la police doit jouer son rôle, mais les mairies, l’éducation nationale, la justice ou encore les associations – notamment celles qui s’occupent de réinsertion – doivent jouer le leur. Nous devons utiliser les compétences réelles des uns et des autres, et ne pas demander aux policiers de jouer le rôle d’associations, d’animateurs ou de maires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Vous ressassez toujours les statistiques de la baisse des atteintes aux biens ; je reviendrai quant à moi sur vos propos relatifs aux unités territoriales de quartier – un dispositif que nous avons examiné de près. La France compte 750 zones urbaines sensibles. Or, même avec la généralisation envisagée par le Président de la République, vous prévoyez de consacrer en tout et pour tout, dans les années qui viennent, 2,5 % des effectifs de la sécurité publique à ce qui, à nos yeux, devrait constituer une priorité – le renforcement des effectifs là où les besoins sont les plus importants. Ainsi, vous adoptez une logique de saupoudrage, bien loin de nos propositions relatives à la police de quartier.
M. Franck Gilard. Qui est ce « nous » ?
Mme Delphine Batho. D’autre part, vous n’avez pas répondu à ma question concernant la suppression, d’ici 2012, de 8 000 postes de policiers dans le service public de la police nationale.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Je comprends que les statistiques vous gênent, madame Batho, mais elles sont réelles.
Les compagnies de sécurisation sont adaptées à certains quartiers, et non à d’autres. C’est pourquoi elles ne seront pas déployées sur l’ensemble des zones sensibles. Regardez le détail du dispositif : c’est tout le contraire du saupoudrage que nous faisons !
S’agissant de la prétendue suppression de 8 000 emplois, je vous ai déjà plusieurs fois répondu qu’il n’en est rien : 4 000 postes redeviendront de véritables postes de policiers, et seront remplacés par des postes administratifs. Les policiers, en effet, n’ont pas à effectuer de tâches administratives ; des personnels spécialisés s’en chargent. Je vous rappelle que l’accord que j’ai signé avec les syndicats nous permettra de récolter plus de 3 000 emplois. Critiquez autant que vous le voulez ; encore faut-il fonder votre critique sur la réalité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe GDR.
M. François de Rugy. Je ne pourrai en deux minutes lancer un grand débat théorique sur la police et la sécurité. Je me contenterai de rappeler que nous n’opposons pas la prévention et la sanction : selon nous, l’un ne va pas sans l’autre. À cet égard, le constat que nous effectuons sur le terrain nous contraint à mettre en cause l’efficacité de votre politique de sécurité – car c’est bien l’efficacité qui importe, au fond – alors que l’aspiration des Français à la sécurité et aussi à la tranquillité publiques est toujours aussi forte – et c’est bien normal.
Or, la montée de la violence contre les personnes est très préoccupante. À preuve : j’ai récemment discuté avec des commerçants des quartiers Nord de Nantes – je vous avais d’ailleurs interpellée, madame la ministre, sur la fermeture d’un commissariat dans cette zone – qui regrettent les contacts réguliers qu’ils entretenaient avec les policiers. Je pense en particulier aux débitants de tabac qui, après la hausse des prix du tabac en 2003, avaient obtenu que ce contact soit régulier. Il a peu à peu disparu ; or, ces commerçants sont régulièrement victimes d’agressions et de braquages, le plus souvent d’ailleurs pour de petits butins – ce qui montre combien la violence prime sur toute autre considération.
Quelles mesures concrètes prendrez-vous donc pour lutter contre cette forme de violence faite aux personnes ? Renforcerez-vous le lien entre ces professions commerçantes, particulièrement exposées, et les policiers, en favorisant le contact régulier, qui permet de détecter les problèmes en amont, et en instaurant des systèmes d’alerte des forces de police plus rapides, afin que celles-ci puissent intervenir dans les meilleurs délais en cas d’agression ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Il va de soi que la sécurité et la tranquillité figurent parmi les préoccupations des Français. Je note simplement que nos concitoyens ont dû ressentir une amélioration en la matière, puisque la crainte de l’insécurité, qui était leur première préoccupation en 2002 et après, n’apparaît plus aujourd’hui qu’en fin de liste.
M. Bruno Le Roux. Et pour cause : elle est remplacée par la crainte du chômage ! Ce n’est pas à votre avantage !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. S’agissant de la montée de la violence, j’ai déjà répondu : il existe différents types de violences. J’exclus d’emblée les violences à caractère intrafamilial, dont l’augmentation est certainement due au fait que les gens se confient désormais avec davantage de facilité. Certes, il existe une violence de proximité – ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire. Comment y répondre ? À Nantes, j’ai inauguré voici trois semaines l’hôtel de police.
Quant à demander la multiplication des commissariats, je rappelle que tout commissariat suppose que des gens travaillent à l’intérieur, et non sur le terrain. Or, ma priorité est d’affecter le maximum de policiers dans les quartiers, afin de parvenir à un véritable maillage ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Au contraire, en demandant un commissariat, vous demandez des policiers travaillant dans des bureaux, et non pas sur le terrain.
Enfin, je demande en effet la généralisation des contacts réguliers que vous évoquez. Vous parlez de petits braquages : je vous rappelle – peut-être ne l’avez-vous pas su – que j’ai lancé voici deux mois tout au plus un grand plan anti-braquage, qui ne s’appuie pas seulement sur la police, mais aussi sur les petits commerçants. Partout en France, nous souhaitons les aider à s’équiper et apprendre certaines techniques pour mieux lutter contre les braquages. Les commerçants disposeront désormais de policiers référents qui passeront régulièrement les voir. En outre, des contrôles aléatoires et durables seront effectués aux endroits où passent souvent les jeunes concernés – car il s’agit pour l’essentiel de jeunes, voire de très jeunes, qui, compte tenu du plan anti-drogues, ne disposent plus de certaines ressources et vont donc se les procurer dans les petits commerces.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. Ma question sera simple, précise et rapide, madame la ministre. Vous le savez, on estime que la consommation de drogues fait près de 250 victimes sur la route chaque année, soit près de vingt morts par mois. C’est donc à juste titre que le Gouvernement a fait du dépistage des stupéfiants chez les conducteurs une priorité de sa politique de sécurité routière ; nous ne pouvons que nous en féliciter.
À ce titre, les nouveaux tests salivaires anti-drogues « Rapid Stat » offrent un moyen rapide et efficace de procéder au dépistage.
Malheureusement, ces tests ne sont encore diffusés que très progressivement auprès des forces de l’ordre, ce qui est regrettable.
Je pense par exemple au cas de la compagnie de gendarmerie de Péronne, dans ma circonscription. En effet, aujourd’hui, un conducteur contrôlé dans ma ville, Albert, dans le ressort de cette compagnie, et soupçonné d’être sous l’emprise des stupéfiants, devra être conduit par deux gendarmes au centre hospitalier de Péronne, à vingt-cinq kilomètres de là, pour que des contrôles soient effectués. Cela représente naturellement une déperdition de temps et de moyens humains.
C’est pourquoi je souhaite que vous puissiez m’indiquer dans quels délais la compagnie de gendarmerie de Péronne, mais au-delà d’elle, l’ensemble des forces de l’ordre du territoire national seront dotées des tests « Rapid Stat ».
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, la consommation de stupéfiants est, avec la vitesse et l’alcoolisme, une des causes majeures d’accidents et de décès sur les routes. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de lutter contre elle. Dès mon arrivée au ministère, j’ai souhaité faciliter le dépistage de la drogue, qui est très long quand il est effectué au moyen de tests urinaires. D’où l’idée des tests salivaires, qui ont été expérimentés et qui sont maintenant totalement opérationnels.
C’est ainsi que 52 000 tests salivaires ont été livrés aux forces de l’ordre au cours de l’automne dernier pour qu’elles puissent commencer cette action. Cette première dotation sera très prochainement complétée par 100 000 tests supplémentaires, qui permettront d’équiper l’ensemble des compagnies de gendarmerie, en métropole comme outre-mer.
Les gendarmes de la compagnie de Péronne seront dotés de ces tests salivaires d’ici la fin du mois de mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Diefenbacher, pour le groupe UMP.
M. Michel Diefenbacher. Je souhaite interroger Mme la ministre de l’intérieur sur le redéploiement des zones de police et des zones de gendarmerie. Depuis vingt ans, cette réforme a été annoncée puis abandonnée à plusieurs reprises. Elle a été conduite à grande échelle au cours de la législature précédente, puisque les actions qui ont été menées durant cette période ont porté sur les deux tiers des départements français.
Je voudrais savoir quelle est l’appréciation globale que le Gouvernement porte sur l’efficacité de ces mesures. Elles ont évidemment un coût : il faut aménager les locaux, loger les gendarmes, rémunérer des fonctionnaires de police affectés en surnombre lorsqu’ils choisissent, au départ de commissariats qui ont été supprimés, des affectations où les effectifs sont déjà complets.
Il est important, puisque notre séance est une séance de contrôle budgétaire, de voir si l’investissement budgétaire qui a été consenti débouche, en contrepartie, sur des résultats favorables dans la lutte contre la délinquance.
Si les résultats de l’activité des services sont positifs, je voudrais savoir si les redéploiements vont se poursuivre au cours des années qui viennent. Car un travail de grande ampleur a été engagé au cours de la mandature précédente, il n’est pas pour autant terminé. Au cours des cinq années précédentes, ce sont 121 petits commissariats, dans des communes de moins de 20 000 habitants, qui ont été remplacés par des brigades de gendarmerie. Si mon décompte est bon, il en reste encore 54, c’est-à-dire que l’on a fait les deux tiers du parcours. Il en reste encore un tiers à faire.
Cela fait-il partie des objectifs du Gouvernement, étant précisé que parmi les 54 petits commissariats, cinq sont situés dans des chefs-lieux de départements ? Le fait de confier la sécurité publique, dans des chefs-lieux de départements, à la gendarmerie est-il toujours un sujet tabou, ou est-ce une mesure qui est envisageable ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Le coût de l’opération a été intégré par le Gouvernement, qui tablait sur une amélioration de l’efficacité. Ce coût a été de 15 millions d’euros. Pour ce qui est des résultats, nous constatons – mais je ne vais pas revenir sur les chiffres précis, qui donnent parfois de l’urticaire, ou en tous les cas des complexes, à ceux qui siègent dans la partie gauche de cet hémicycle – que dans les zones qui ont fait l’objet d’une restructuration, l’amélioration est supérieure de 1 % à ce qu’elle est au niveau national. Cela montre que la réorganisation des services a une réelle efficacité. C’est vrai pour la délinquance générale comme pour la délinquance de proximité. Et vous avez pu le constater à Marmande, dans le Lot-et-Garonne, que vous connaissez bien.
Compte tenu de l’importance des opérations déjà réalisées, il n’est pas question de rééditer une opération de cette ampleur, mais plutôt de procéder à des ajustements limités, qui tiennent compte de la stratégie de police d’agglomération. Celle-ci a été voulue par le Président de la République et permettra d’effectuer certaines réorganisations dans les grands centres urbains.
Enfin, vous évoquez certains chefs-lieux de départements peu peuplés. Pour des questions de principe et de coût, il n’est pas question de retenir en priorité cette réorganisation.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe SRC.
M. Bruno Le Roux. Madame la ministre de l’intérieur, je voudrais vous parler non pas de sécurité, mais de violence, dont la tendance haussière constitue une préoccupation depuis de nombreuses années. De ce point vue, vous nous présentez des chiffres en trompe-l’œil. Toutes les évolutions sont préoccupantes. C’est l’Observatoire national de la délinquance qui le dit lui-même.
Vous dites que les Français sont aujourd’hui plus rassurés. Je ne le crois pas. Je crois qu’ils sont d’abord préoccupés par le chômage. Je crois aussi que l’opposition d’aujourd’hui, à la différence de celle à laquelle vous apparteniez hier, ne met pas en cause le ministre de l’intérieur à chaque fois qu’il se passe un fait divers grave. Cela conduirait d’ailleurs à vous mettre en cause à chaque séance de question d’actualité, tant les policiers se font tirer dessus, les établissements attaquer. On pense également à un certain nombre d’agressions très graves.
Les évolutions, je le disais, sont très préoccupantes : les violences physiques ont augmenté de 46,5 % entre 2002 et aujourd’hui ; les vols violents avec arme à feu ont augmenté de 29,5 % dans les douze derniers mois pour ce qui est des commerces de proximité. L’évolution est aussi inquiétante au regard des armes utilisées. De nouvelles armes apparaissent, qui mettent à l’abri d’un certain nombre de poursuites, je pense en particulier aux armes à impulsion électrique.
Quatorze lois votées depuis 2002 n’ont pas permis cette tendance préoccupante de la hausse des violences. La police de proximité a été démantelée et n’a pas été remplacée, dans nos quartiers, par les unités territoriales. J’ai dans ma circonscription des postes qui sont attaqués régulièrement, de même que des commerces, tandis que des établissements sont en peine de sécurisation.
Ma première question est très simple, madame la ministre. Les effectifs sont aujourd’hui insuffisants dans les quartiers les plus touchés. Que comptez-vous faire pour enrayer ces phénomènes d’agressions contre les commerçants, d’agressions contre les personnes ?
Mais j’ai une deuxième question : interrogez-vous parfois le ministre de l’éducation nationale pour lui dire qu’il y a une corrélation entre ces évolutions que nous connaissons et les baisses continues d’effectifs dans l’éducation nationale et dans ces quartiers ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Dino Cinieri. Restons sérieux !
M. Franck Gilard. Tout est dans tout…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, il s’agit effectivement d’une question importante. En deux minutes, il est difficile de traiter de la violence dans notre société, mais c’est effectivement un phénomène que l’on constate.
On le constate notamment à l’intérieur des familles, je le disais tout à l’heure. Et les hausses dont vous parlez, si elles correspondent à l’augmentation de la population, correspondent également à des hausses de la révélation des violences intrafamiliales, qui sont une de mes préoccupations, en particulier dans leur lien avec l’alcoolisme.
Il y a aussi une violence qui se manifeste différemment. Je ne veux pas parler des bandes, mais simplement des groupes de jeunes. Autrefois, on réglait ses comptes à coups de poing. Aujourd’hui, de plus en plus, on utilise des armes blanches. On allait aux fêtes, et notamment à la Pelouse de Reuilly, pour s’amuser. La dernière fois que j’y suis allée, en quarante-huit heures, on a récupéré plus de 150 objets, couteaux ou autres, qui peuvent servir d’armes.
Je pense que le problème n’est pas lié à une insuffisance d’effectifs. Nous avons des effectifs beaucoup plus nombreux que ceux que vous aviez, grâce aux efforts qui ont été conduits depuis 2002, et notamment par le ministre de l’intérieur qui s’appelait Nicolas Sarkozy. La réalité, c’est que nous devons adapter les effectifs aux besoins, et procéder à un certain nombre de réorganisations.
C’est à cela que correspond notamment la police d’agglomération qui a été annoncée par le Président de la République, et qui va permettre de suivre, y compris à travers les départements, les éléments de violence.
Les agressions, les vols à main armée, oui, c’est un constat que j’ai fait il y a déjà un certain nombre de mois. J’ai élaboré un plan qui commence à donner des résultats. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux – je les aurai peut-être d’ici la fin de la séance –, mais les interpellations auxquelles nous avons procédé au cours de ces derniers mois montrent l’effectivité de ce plan et de cette action contre les vols à main armée.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.
M. Bruno Le Roux. Je vis ces évolutions au jour le jour, constatant des faits sur lesquels, malheureusement, la police ne peut intervenir, de plus en plus, qu’en police secours, en police de constatation, et de moins en moins en police de prévention, par sa présence, et notamment par sa présence de proximité.
Et si je ne devais dire qu’une seule chose pour terminer, durant la minute qui m’est impartie, c’est que je souffre de voir, dans un département que je connais bien, la façon dont on fait travailler les policiers. En raison des manques d’effectifs, et de la dureté à laquelle ils sont confrontés, ils ne peuvent pas mener un travail sur la durée. Contre le trafic de drogue, ils sont dans l’impossibilité de mener un travail régulier, qui permette le véritable démantèlement : ils sont obligés de faire des « coups » quand ils ont des effectifs qui viennent en renfort, et de voir le trafic reprendre par la suite.
Je vous demande donc de prendre la mesure, dans ces endroits où cela va encore très mal, malgré ce que vous pensez, des besoins qui sont ceux des policiers et de la population.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le rôle des policiers – mais je sais que ce n’était pas là votre politique quand vous étiez au pouvoir –, ce n’est pas la prévention, c’est la dissuasion, et c’est ensuite l’interpellation pour qu’il y ait des sanctions judiciaires. Il ne faut pas mélanger les genres.
Les policiers font un travail très dur, en effet. Je vous remercie de le dire aujourd’hui. Je pense qu’ils devraient être davantage soutenus, et d’une façon générale et au niveau de leur budget. Car il n’y a pas eu de diminution d’effectifs,…
M. Bruno Le Roux. Si ! Bien sûr que si !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. …mais une augmentation sensible des effectifs, et une réorganisation du travail des policiers.
C’est moi qui ai relancé les GIR sur le trafic de drogue. Et cela donne des résultats, puisque nous avons quasiment triplé les saisies de cannabis au cours de l’année 2008, et augmenté de 20 % les saisies de cocaïne. Voilà un travail efficace.
Ce qui motive aussi les policiers, c’est l’efficacité de leur travail. Et ce que je souhaite, c’est qu’ils aient le soutien de tout le monde sur ces bancs.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
M. François Rochebloine. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur.
Dans le cadre de la lutte contre la délinquance et les incivilités, le Gouvernement souhaite développer, à juste raison, les dispositifs de vidéo-protection sur l’ensemble du territoire national, et prioritairement sur les points sensibles de nos villes et de nos quartiers. Ce plan, qui a été détaillé à plusieurs reprises, prévoyait au minimum un triplement du nombre de caméras destinées à assurer la surveillance des lieux publics ainsi que des transports. Nous approuvons cet objectif, car il y va de l’efficacité de la mission des forces de police et donc de la sécurité de nos concitoyens. Aujourd’hui, tout le monde reconnaît l’utilité et l’intérêt de la vidéo-protection.
Ce plan suppose toutefois une concertation étroite, que dis-je, une collaboration avec les collectivités territoriales concernées. Malheureusement, certaines restent encore très réticentes à développer la vidéo-protection, ce qui n’est pas le cas des communes de Hem et de Drancy, où mes collègues Francis Vercamer et Jean-Christophe Lagarde attendent, par contre, madame la ministre, le financement de l’État.
Certaines collectivités territoriales restent encore très réticentes, disais-je, et j’ai en tête l’exemple d’une ville moyenne que je connais bien, et qui refuse l’installation de nouvelles caméras sur des sites pourtant très sensibles, telles que des zones situées à proximité de la gare, ou encore des rues piétonnes, et ce alors même que le financement est partiellement pris en charge par l’État.
Ma question est simple, madame la ministre : quelle action le Gouvernement entend-il mener pour vaincre les dernières réticences en ce domaine et ainsi faciliter le travail des forces de l’ordre dans leur mission de sécurité publique ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, la vidéo-protection est en effet un outil majeur de dissuasion de la délinquance, ainsi que d’élucidation. D’ailleurs, dans les quartiers équipés de manière importante, à Orléans, Cannes ou Strasbourg, la délinquance de proximité, celle qui touche le plus nos concitoyens, a reculé en sept ans de presque 48 % en moyenne.
On peut se demander pourquoi certaines communes ne l’admettent pas. En Seine-Saint-Denis, par exemple, seules vingt-trois communes sur quarante sont dotées de vidéo-protection. Et parmi ces vingt-trois communes, six seulement ont accepté le report d’images vers les commissariats.
Que les choses soient claires : mon objectif, c’est de tripler le nombre de caméras sur la voie publique, et de les raccorder au centre de supervision de la police ou de la gendarmerie. Et pour cela, je veux aider les collectivités locales à s’engager dans cette voie, en leur apportant des conseils, mais aussi un soutien financier qui est non négligeable, comme vous l’avez vu.
J’ai souhaité aussi les aider sur le plan technique, car il est vrai que certaines procédures étaient parfois dissuasives. J’ai donc essayé de mettre en place un système beaucoup plus facile, en créant un site extranet dédié au sein du ministère de l’intérieur, en élaborant un guide de méthodologie, en simplifiant les procédures, notamment dans le cadre du décret du 22 janvier 2009, et en m’appuyant sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance. Mais, plus que par de l’incitation, c’est par les résultats obtenus que nous convaincrons de plus en plus de communes. Un jour ou l’autre, les populations…
M. François Rochebloine. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. …finiront par demander aux municipalités qui ne se seront pas équipées de dispositifs de vidéo-surveillance pourquoi elles n’utilisent pas cette aide à la sécurité et à la protection de tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Patrice Calméjane. Madame la garde des sceaux, le programme du Président de la République prévoyait de lutter plus efficacement contre la récidive. Un mois après les élections législatives, vous avez présenté au Parlement un texte de loi instaurant les peines planchers, adopté le 26 juillet 2007. Pouvez-vous dresser un bilan de l’application de cette loi ?
Le Conseil constitutionnel a constaté que celle-ci respectait en tous points les exigences constitutionnelles de nécessité, de proportionnalité et d’individualisation des peines, contrairement à ce qu’affirmait l’opposition pendant le débat.
En Seine-Saint-Denis, département dont je suis élu et qui est particulièrement concerné par cette loi, quel bilan peut-on tirer de son application en 2008 ? En est-il résulté une surpopulation carcérale, comme certains le prédisaient en s’opposant à cette réforme ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le député, à ce jour, près de 27 000 récidivistes ont été condamnés sur le fondement de la loi du 10 août 2007, qui a institué les peines planchers, et 49 % d’entre eux ont été condamnés au moins à la peine plancher ferme, c’est-à-dire au moins à la peine minimale. Les tribunaux pour enfants appliquent également ce texte, puisque 44 % des mineurs récidivistes ont été de même condamnés à des peines planchers, dans le cadre des peines applicables aux mineurs.
À l’époque, cette loi a été décriée et caricaturée. On la disait dangereuse ou d’affichage.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Plutôt les deux !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Elle n’est ni l’une ni l’autre, elle est nécessaire pour lutter contre la délinquance qui empoisonne la vie quotidienne de nos concitoyens. Elle est ainsi appliquée, dans la majorité des cas, pour les vols, les vols avec violence et les violences, notamment les violences conjugales. C’est dire sa nécessité.
Un des objectifs de cette loi était de nous doter d’un cadre juridique clair pour répondre à la récidive par une sanction ferme mais surtout dissuasive. Il fallait que les récidivistes sachent à quoi ils s’exposaient. Un autre objectif était d’appliquer une même politique pénale à l’encontre des récidivistes sur tout le territoire.
On a pu déceler, certes, des applications différentes d’une cour d’appel à une autre ou d’un TGI à un autre. Dans votre département par exemple, le tribunal de grande instance de Bobigny n’est pas dans le peloton de tête pour l’application des peines planchers. J’ai demandé aux procureurs généraux de me transmettre des observations quand il n’y a pas application de la loi et de faire appel systématiquement. À Bobigny, le parquet fait appel dans 23 % des cas.
S’agissant de la surpopulation carcérale, que cette loi était censée aggraver, elle est stable depuis vingt ans. L’application des peines planchers l’a augmentée d’à peine 2 %.
Être ferme avec les récidivistes, mais aussi donner une deuxième chance à ceux qui présentent des garanties exceptionnelles de réinsertion, tel est l’objectif de cette loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Jacques Urvoas. Madame la ministre de l’intérieur, en 2002, lors de la discussion de la LOPSI, les députés socialistes avaient voté l’article 2 qui prévoyait des créations de postes dans les forces de police. C’est précisément sur ces créations de postes que porte ma question.
Combien y a-t-il de policiers en France ? À cette question, aucun des rapports que publie l’Assemblée ne répond par les mêmes chiffres. Selon M. Diefenbacher, l’année dernière, il y en avait 147 982 ; un autre rapport, de M. Geoffroy, en dénombre 148 563, ce qui représente un écart non négligeable. En 2009, il y a aussi des différences : les policiers seraient 146 180 pour M. Geoffroy, et 145 620 selon ce qu’a indiqué votre directeur général de la police nationale, le 6 janvier, lors d’une réunion au ministère de l’intérieur avec les organisations syndicales. Nous sommes en période de contrôle, d’où mes questions précises.
S’il n’y a pas de désaccord sur le fait qu’il y aura probablement moins de fonctionnaires de police l’année prochaine, notamment moins de personnels intégrés au corps d’encadrement et d’application, c’est-à-dire opérationnels sur la voie publique, là encore, je n’arrive pas à comprendre combien vont disparaître. Selon le rapport du Sénat, il y en aura 1 446 de moins ; selon celui de M. Diefenbacher, 1 432 et selon le directeur général, 880 seulement.
En résumé, combien exactement y a-t-il de fonctionnaires de police en France et combien relèvent du corps d’encadrement et d’application ? Confirmez-vous que 1 520 gardiens de la paix de moins sortiront des écoles cette année, alors qu’il y en avait eu 4 221 l’année dernière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Aux chiffres très précis de votre question, je ne peux pas répondre par des chiffres aussi précis. Je peux vous donner ceux dont je dispose et indiquer que les différences que vous relevez peuvent s’expliquer par le fait qu’on a ici pris en compte les personnels présents sur le terrain, là le statut, ou encore qu’on a ici omis et là compté les personnels détachés, par exemple au titre d’obligations syndicales. Mais cette séance de questions à un ministre ne me semble pas appropriée pour poser une telle question, même s’il est normal que j’y réponde. Je vous donnerai une réponse chiffrée par écrit. C’est la règle du jeu, me semble-t-il.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
M. Jean-Jacques Urvoas. Pour ces questions cribles, nous inventons tous les règles.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. C’est vrai.
M. Jean-Jacques Urvoas. Pour moi, le contrôle passe par des questions précises, et ne peut se limiter à des généralités. Je suis un Breton têtu, et puisque vous allez me donner une réponse par écrit, j’aimerais que vous puissiez y inclure les chiffres relatifs aux adjoints de sécurité.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Oui.
M. Jean-Jacques Urvoas. Je constate en effet les mêmes différences à cet égard : il y en aurait 9 893 et une suppression de 920 selon nos rapporteurs, et 9 123 selon la DGPN, alors qu’un article dans Le Monde évoque la suppression de 1 400, et que vous avez dit, le 29 mars à Toulouse, que vous relanciez le dispositif pour atteindre 12 000 adjoints de sécurité en 2013. Quelle est donc précisément votre perspective ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Je peux vous dire qu’au 1er avril 2009, les effectifs sont de 144 845, comprenant 118 695 actifs, 17 268 administratifs, 8 882 adjoints de sécurité. Je peux aussi vous donner la répartition entre les corps de conception et de direction, de commandement, d’encadrement et d’application, administratif, technique et administratif et adjoints de sécurité. Cela dit, j’ai cru comprendre que ce qui vous intéresse, ce sont les différences de chiffres. Pour vous donner une réponse, j’ai besoin d’interroger les personnes qui ont fourni ces chiffres, par exemple au journal Le Monde. Je vous répondrai donc par écrit.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Paul Garraud. Madame la ministre de l’intérieur, je souhaite revenir sur les groupes d’intervention régionaux, qui sont des unités opérationnelles regroupant la police, la gendarmerie, les services fiscaux, les douanes ou encore l’inspection du travail, pour agir de concert et plus efficacement contre la délinquance, en particulier contre les trafics organisés et les réseaux criminels.
Depuis leur création par Nicolas Sarkozy, le 22 mai 2002, ils ont traité 3 440 affaires ; 75 millions d’euros en numéraire ou en biens, tant mobiliers qu’immobiliers, ont été saisis par les trente GIR, ainsi que 1 620 véhicules, 2 143 armes, 7,2 tonnes de résine de cannabis, 162 kilos d’héroïne, 154 kilos de cocaïne et 117 000 comprimés d’ecstasy.
Il y a quelques mois, vous avez annoncé que les GIR allaient recentrer leur action sur la lutte contre le trafic de drogue, donc contre l’économie souterraine des quartiers, et que deux GIR supplémentaires seraient créés en Guadeloupe et en Martinique.
Il est manifeste que les trafics de stupéfiants sont liés à de très nombreuses infractions. Il est donc essentiel que ces unités pluridisciplinaires aient pour objectif principal la lutte contre ces trafics qui génèrent tellement de délinquance.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser quels sont les moyens mis en œuvre à cette fin et quels sont les premiers résultats de ce recentrage ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous l’avez indiqué, le bilan des GIR, depuis leur création en 2002 à l’initiative de Nicolas Sarkozy, est extrêmement positif. Au cours des dernières années, leur action s’était quelque peu dispersée face à la multiplicité des besoins. C’est pourquoi, en janvier 2008, j’ai souhaité les recentrer sur l’essentiel de leur activité, c’est-à-dire le trafic de drogue et l’économie souterraine, qui à la fois portent atteinte à la santé et déstabilisent une grande partie de nos quartiers.
En 2008, au cours de 916 opérations, 6 100 personnes ont été interpellées, 1 000 ont été écrouées et 21 millions d’euros ont été saisis. Pour mettre encore davantage les GIR au service de la sécurité quotidienne, j’ai donné de nouvelles orientations, dont je vérifie la mise en œuvre en réunissant leurs chefs une fois par semestre. C’est ainsi que nous avons eu les très bons résultats que j’indiquais à l’instant.
J’ai également décidé de mettre davantage encore l’accent sur la lutte contre la drogue. De ce fait, les affaires de stupéfiants représentent 43 % de l’action des GIR au premier trimestre 2009, contre 29 % en 2008 et 27 % en 2007. Il s’agit d’un travail effectif, pour lequel je sollicite l’ensemble des services territoriaux : le budget, le fisc et les douanes.
Enfin, j’ai souhaité une meilleure couverture du territoire, d’où la création, à Mayotte, en Guadeloupe et à la Martinique, de cinq GIR ultramarins et de deux antennes en métropole, à Bastia et à Nice. Le 1er septembre, j’ai mis en place une coordination nationale unique qui renforce le pilotage.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. François Pupponi. Madame la ministre, je suis étonné que le débat sur les bandes en France s’ouvre seulement à l’occasion de la proposition de loi de M. Estrosi. Le Président de la République, par ses propos, a donné le sentiment qu’il découvrait lui-même le phénomène, tout comme le Premier ministre, dont le site internet indique qu’« il ne s’agit pas d’actes isolés mais d’un problème nouveau pour la sécurité des Français et pour la République ». Les bras m’en tombent !
Dès 1990, les renseignements généraux se sont préoccupés de ce phénomène. Des statistiques ont été établies et les bandes sont une réalité dans nos territoires depuis bien longtemps. La ville dont je suis maire depuis 1997 a été confrontée à ce phénomène dès les années 1990. En 1997, nous y avons déploré le décès, par arme à feu, dans la rue, d’un jeune de dix-huit ans. Il a fallu annoncer ce drame à la famille et gérer les événements qui se sont ensuivis. Lorsque nous avons essayé de comprendre comment cela était arrivé, nous avons découvert que tout partait du vol d’une casquette verte, six mois plus tôt, devant le collège du jeune concerné. Ces phénomènes, nous les connaissons donc parfaitement, et je m’étonne que le Gouvernement et le Président de la République fassent semblant de les découvrir.
Nous connaissons donc parfaitement ces phénomènes. En outre, toutes les études réalisées par l’ensemble des structures concernées démontrent que nous savons comment les gérer.
Je suis convaincu, madame la ministre, que la proposition de loi ne sera pas efficace. Or, ce qui m’intéresse, c’est l’efficacité. Pour lutter efficacement contre ces phénomènes de bandes, il nous faut plus de partenariat. Nous l’avons réalisé dans certains lieux, et ça marche. Il nous faut plus de moyens de police – plus de policiers formés, plus de policiers spécialisés, en particulier dans la lutte contre le trafic de drogue et les économies souterraines.
Nous avons besoin de plus de magistrats qui s’impliquent dans ces phénomènes. Les collectivités locales doivent être dotées de plus de moyens pour prendre en charge sur le plan social tous ces phénomènes, pour faire en sorte qu’un jeune ne bascule pas dans la délinquance et dans les bandes.
Madame la ministre, au-delà de cette proposition de loi, qui est pour moi un non-événement car elle ne réglera pas le problème, je voudrais savoir quand vous nous doterez de tous les moyens dont nous avons besoin.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Monsieur Pupponi, le phénomène de bandes ressurgit régulièrement dans notre société, puis s’apaise parfois un peu.
Nous sommes tous confrontés à cela. En 1997, lorsque vous étiez au pouvoir – me semble-t-il –, vous avez également été confrontés à ce genre de problèmes.
Ce qui importe, c’est de réagir.
Les bandes sont extrêmement diverses. Les 222 bandes dont j’avais parlé sont à peu près connues. Elles regroupent environ 5 000 personnes, principalement en région parisienne. Leur activité tourne à 80 % autour de la drogue. Grâce au renforcement des GIR, des actions extrêmement importantes sont menées. Ce qui explique d’ailleurs un certain nombre de petits vols à main armée, dont nous parlions tout à l’heure.
Au-delà de tout cela, nous allons, pour une fois, être d’accord. La sécurité est une chaîne. Je pense que, face à des phénomènes de bandes organisées, mais aussi de violence des groupes, qui ne sont pas forcément des bandes, que nous avons évoqués tout à l’heure, une action collective s’impose.
C’est d’abord, bien évidemment, celle de la police. C’est la raison pour laquelle, dans un certain nombre d’endroits, la police de proximité et des compagnies de sécurisation sont présentes. Il me semblerait bon que toute la représentation nationale parle souvent de l’autorité de la loi et de la nécessité de la respecter.
Mais le rôle de la justice est également important. Les magistrats sont prêts à agir ; encore faut-il qu’ils en aient les moyens.
Il faut également une action des mairies et des associations. Un certain nombre de choses ne doivent pas être faites par les magistrats, ne doivent pas l’être par la police. Elles doivent l’être par l’éducation nationale certes, mais également par les associations et les mairies.
Monsieur le député, je me réjouis que vous puissiez mener de véritables actions pour ces jeunes et surtout que vous puissiez inciter vos collègues à vous suivre.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour une minute.
M. François Pupponi. Madame la ministre, cela fait bien longtemps que les élus socialistes – députés ou maires – travaillent pour une production commune en matière de sécurité. Nous n’avons donc aucun problème, ni aucun scrupule à le faire, même si on essaie depuis longtemps de nous faire un procès, qui est maintenant bien dépassé.
Pour lutter efficacement contre ces phénomènes de bandes, la police et les GIR ont besoin de renseignements. On connaît ces bandes. Elles sont dans les cages d’escalier, au pied des immeubles. Si nous disposions d’une police de proximité plus importante que précédemment, en tout cas beaucoup plus nombreuse qu’aujourd’hui – elle a quasiment disparu –, il y aurait des policiers de quartier capables de donner les renseignements aux GIR pour qu’ils agissent efficacement.
D’autre part, je pense qu’il faudrait que les juges s’impliquent davantage dans ce combat et acceptent de venir discuter avec les acteurs de terrain. Souvent, la justice est trop éloignée de ces phénomènes de bandes et ne parvient pas à bien les appréhender alors qu’ils sont, je le répète, anciens.
Nous n’avons aucun scrupule à travailler avec la police. Nous le faisons quotidiennement. Nous saluons son action. Les élus socialistes s’occupent depuis longtemps de sécurité et sont présents sur le terrain. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Je n’aurai pas la cruauté, monsieur Pupponi de vous dire que si vous vous impliquez sur le terrain, on n’en voit pas toujours les résultats. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christophe Caresche. Polémique !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Je pense que ce phénomène doit effectivement mobiliser tout le monde. C’est à quoi nous oeuvrons en relançant les GIR. Ils ont été créés par le Président de la République, quand il était ministre de l’intérieur, et non par vous auparavant.
M. Jean-Paul Garraud. Tout à fait !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Aujourd’hui, je relance l’action de ces groupements avec un certain succès.
Mme Delphine Batho. Cinquième relance !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. La création des unités territoriales de quartier répond au même souci. Elles font, y compris en Seine-Saint-Denis, un effort important en matière de renseignements, et elles obtiennent des résultats.
Les magistrats sont concernés. Quand j’ai fait les réunions de cohésion en Seine-Saint-Denis, réunions qui servent aujourd’hui de base au développement des UTEQ – car il ne s’agit pas d’un saupoudrage, mais d’une véritable politique –, …
Mme Delphine Batho. Les UTEQ, madame la ministre, c’est trente policiers sur le terrain !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. … le procureur était présent. Je pense que cette réponse est bonne.
Encore une fois, les magistrats ont aussi besoin – c’est leur honneur – d’avoir une loi qu’ils appliquent. Il faut que la loi existe.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gabrielle Louis-Carabin, pour le groupe de l’UMP.
Mme Gabrielle Louis-Carabin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur et de l’outre-mer.
L’Observatoire national de la délinquance a récemment publié les statistiques des violences par département pour l’année 2008. Parmi les dix départements les plus touchés figure la Guadeloupe. Les chiffres sont très mauvais : elle occupe le quatrième rang en matière d’« atteintes volontaires à l’intégrité physique », avec 5 523 faits recensés.
Les chiffres les plus frappants concernent les menaces et les violences sexuelles.
Pourtant, en 2007, la lutte contre la délinquance donnait des résultats assez satisfaisants. La délinquance générale sur l’ensemble du département enregistrait une baisse significative, de 4,22 %. L’État estimait, par conséquent, que la délinquance était maîtrisée, que ces résultats positifs ne demandaient qu’à être consolidés. Mais les chiffres de 2008 démontrent que la prévention de la délinquance doit être renforcée. En effet, les vols et les actes d’incivilité persistent. Ces jours-ci, la commune de Baie-Mahault a été très marquée par cette violence. Le maire réclame d’ailleurs des opérations coup de poing.
J’appelle aussi votre attention sur les violences conjugales, qui atteignent un niveau insupportable, ainsi que sur la toxicomanie très présente et fatale à notre jeunesse.
Au mois de mai 2008, je vous avais rappelé que le syndicat UNSA faisait part de la carence en moyens humains et matériels de la police dans ma région. Il y aurait, selon lui, un déficit d’encadrement.
J’estime que la sécurité est un droit élémentaire pour chacun, qui doit être respecté par chacun : on doit pouvoir circuler librement, en toute tranquillité, sans avoir peur.
Aussi, madame la ministre, quelles mesures prendrez-vous pour réduire, voire enrayer, ce phénomène de violence qui vient gangrener de nouveau notre société ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Madame Louis-Carabin, l’évolution de la délinquance en Guadeloupe, vous l’avez rappelé, est assez contrastée.
Dans le département, les atteintes aux biens ont baissé – il y a eu, en 2008, 500 délits de moins que pendant l’année précédente. Les délits de proximité ont également baissé – leur nombre a diminué de 150.
Dans le même temps, la délinquance générale est restée stable, malgré 300 délits supplémentaires en matière de stupéfiants réprimés grâce au travail des gendarmes et des policiers.
Il est vrai que la violence a progressé. Les événements de ce début d’année ont probablement participé de ce résultat.
Je sais que je suis le ministre en charge de la protection des Français. À ce titre, j’ai la responsabilité d’agir en tout point du territoire national. Et je note qu’il y a eu en Guadeloupe une augmentation importante des effectifs : de 24,6 % entre 2003 et 2009. Ce n’est pas négligeable.
J’ai créé également, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, un GIR Guadeloupe en 2008. Des besoins en matériel existent. Certains d’entre eux ont été pris en charge, notamment en matière de protection. Nous allons, très prochainement, dans le cadre du plan de relance, nous occuper du renouvellement des véhicules.
Vous avez eu raison de souligner l’importance des violences intrafamiliales. C’est une véritable préoccupation. J’ai appelé récemment l’attention des préfets sur la nécessité d’associer tous les acteurs de la chaîne de la sécurité – les élus locaux, la communauté éducative, les services sociaux – pour faire comprendre un certain nombre de choses. C’est par une action conjointe d’éducation, en même temps que de dissuasion par la présence policière, que nous permettrons à chacun de vivre bien dans cette belle île qu’est la vôtre.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Christophe Caresche. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Elle concerne une affaire révélée par un journal satirique, qui paraît le mercredi et n’a été démenti par aucun des protagonistes.
Un procureur de la République – pour ne pas le nommer, celui de Nanterre – s’est cru autorisé à organiser un dîner avec le patron de l’entreprise dont sa femme était employée, avec l’avocat de cette entreprise et le responsable de la police chargée d’une enquête mettant en cause cette même entreprise.
Cette affaire, je le répète, n’a été démentie par personne. Madame la ministre, vous vous êtes présentée à plusieurs reprises comme étant le chef des procureurs. À ce titre, je vais vous poser deux questions.
Premièrement, que pensez-vous du comportement de ce procureur ?
Deuxièmement, avez-vous envisagé ou envisagez-vous de prendre des sanctions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous évoquez une affaire qui concerne un dossier individuel. Il ne s’agit pas d’une instruction générale.
Une juge d’instruction a été saisie de cette affaire, qui est, comme vous le savez, couverte par le secret de l’instruction. Cette juge a d’ailleurs demandé que l’officier de police judiciaire présent à ce dîner soit dessaisi de cette enquête, comme elle en a la faculté.
S’agissant du procureur, je lui ai demandé des observations.
Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour une minute.
M. Christophe Caresche. Madame la garde des sceaux, je voudrais que vous précisiez la dernière partie de votre réponse.
Vous allez demander, si j’ai bien compris, des observations. Qu’est-ce que cela signifie ? Allez-vous demander des explications au procureur ? Cela signifie-t-il qu’en fonction de ces explications, vous pourriez envisager des sanctions ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le député, pour envisager des sanctions, encore faut-il qu’il y ait des éléments à charge.
Il s’agit d’un dîner privé et jusqu’à maintenant je ne me mêle pas de la vie privée des magistrats ! Un juge d’instruction a demandé qu’un policier ne soit plus en charge de l’enquête, et ce en lien avec ce dîner. Je vais demander des explications au procureur sur ce dîner.
Si cela relève du domaine privé, le garde des sceaux n’est pas, je le répète, en charge de la vie privée des magistrats.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le groupe de l’UMP.
Mme Michèle Tabarot. Madame la garde des sceaux, l’une des principales difficultés dans la lutte contre la délinquance des mineurs est le délai d’exécution des décisions de justice.
Le constat est connu : lorsque la sanction est trop tardive, le sentiment d’impunité se développe et s’accompagne d’un risque de récidive.
La mission d’information sur l’exécution des décisions de justice de notre commission des lois avait souligné un certain nombre de délais préoccupants : une moyenne supérieure à soixante jours pour la mise en œuvre des travaux d’intérêt général, et une durée des procédures supérieure à un an devant le juge des enfants et de plus de dix-sept mois devant le tribunal pour enfants.
Malgré les progrès enregistrés, les délais restent parfois trop longs pour préserver la vertu pédagogique de la sanction.
Je sais tout l’intérêt que vous portez à cette question. Vous l’avez rappelé à différentes reprises, notamment lors de la présentation de la réforme de l’ordonnance de 1945 et lors de l’installation de la commission Varinard en charge de la réforme de l’ordonnance de 1945.
Madame la ministre, en quoi le futur code de la justice pénale des mineurs permettra-t-il d’améliorer les délais de procédure et d’exécution des jugements prononcés à l’encontre des mineurs délinquants ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je voudrais tout d’abord préciser à M. Caresche que sa question n’avait rien à voir avec l’exercice qui est normalement possible dans cet hémicycle et dans le cadre des questions cribles.
Madame Tabarot, un des problèmes de la délinquance des mineurs réside – vous avez eu raison de le rappeler – dans l’exécution et les délais d’exécution de la décision de justice.
Un mineur n’a pas la même notion du temps qu’un majeur. C’est pourquoi il est primordial que les décisions de justice les concernant soient mises à exécution très rapidement.
Dès ma prise de fonctions, j’ai demandé à tous les procureurs qu’une réponse pénale soit apportée dès la première infraction. Il faut, d’emblée, apporter une réponse judiciaire et ne pas attendre que le mineur délinquant ait commis une multitude d’infractions. Nous sommes aujourd’hui à 93 % de taux de réponse pénale, soit une amélioration de treize points par rapport à 2002.
Vous avez largement participé, madame la députée, à l’élaboration de la réforme de la justice des mineurs et vous avez contribué dans le cadre de la commission Varinard à la rédaction du nouveau code pénal qui va dans le sens de l’amélioration de l’exécution des décisions de justice.
Au demeurant, le délai a été réduit de 30 % depuis 2007, passant de trente-deux à vingt-cinq jours. Nous avons en effet généralisé les bureaux d’exécution des peines pour les mineurs : nous en comptions à peine soixante en 2008, il en existe 117 aujourd’hui pour 156 tribunaux pour enfants. Dans ce cadre, le délai butoir ne va pas au-delà de quinze jours, l’exécution des décisions intervenant au bout d’une semaine dans la majorité des cas. C’est aussi cela qui permet de combattre efficacement la délinquance des mineurs.
Autre mesure importante : le dossier unique, que vous avez fortement soutenu. Auparavant, avec l’existence d’un dossier pour chaque fait commis, on pouvait aboutir à des sanctions de même nature prononcées par des autorités différentes : le délégué du procureur, le substitut, le juge pour enfants. Le dossier unique permet de prononcer une sanction pénale adaptée et individualisée en tenant mieux compte du parcours global du mineur. Le juge pour enfants qui fait également office de juge d’application des peines pourra moduler ses décisions en fonction de l’évolution du mineur, car celui-ci est un être en permanente mutation.
Je vous remercie encore, madame la députée, de votre implication dans la rédaction du nouveau code pénal des mineurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Gaudron, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Gérard Gaudron. Madame la ministre de l’intérieur, j’aurai tout d’abord une pensée pour le jeune aulnaisien Mamadou Fofana – qui n’a rien à voir avec l’assassin d’Ilan Halimi, hormis le nom – mort récemment d’un coup de couteau reçu près de la gare de Lyon, victime de la délinquance et de la violence gratuite exercée par des individus qui ne connaissent aucune limite et pour lesquels la vie n’a que peu de valeur.
Je souhaiterais, madame la ministre, obtenir des précisions quant à la prévention de la délinquance en général et, plus particulièrement, sur la situation en Seine-Saint-Denis, ainsi que sur le déploiement des unités territoriales de quartier – les UTEQ – sur le territoire national.
Pouvez-vous dresser un bilan rapide du fonctionnement de ces dernières et de leur efficacité, en dépit du caractère récent du dispositif ? De même en ce qui concerne les compagnies de sécurisation que vous êtes venue installer à Bobigny.
Je souhaiterais savoir ce qu’il en est réellement des effectifs des UTEQ : sont-ils pris sur les contingents déjà présents dans les quartiers ou non ? S’il est vrai que, grâce à votre action, la situation dans certaines villes s’est largement améliorée, ne justifiant peut-être plus un maintien en l’état du nombre de personnels, il n’en est pas de même dans les secteurs qui peuvent bénéficier d’une UTEQ.
Des rumeurs circulent selon lesquelles ce dispositif ne serait pas étendu. Qu’en est-il exactement, notamment pour l’éventuelle UTEQ d’Aulnay-sous-Bois ?
Par ailleurs, pour éviter des manques ponctuels d’effectifs dans les commissariats, ne pourrait-on pas réussir enfin à coordonner les mutations avec les sorties des écoles de police ?
Pouvez-vous enfin nous dire, madame la ministre, comment vous envisagez la coopération entre la police nationale et la police municipale ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Il y a beaucoup de questions en une seule, monsieur le député !
S’agissant des UTEQ, j’ai souhaité, dans le cadre des conférences de cohésion pour la Seine-Saint-Denis, que chacun puisse participer à cette chaîne de lutte contre l’insécurité. C’est à la suite de ces conférences que nous avons créé les UTEQ dans le but d’apporter une réponse concrète aux problèmes de quartiers sensibles, notamment de violences urbaines.
Les UTEQ sont composées d’environ vingt policiers qui reçoivent une formation spécialisée, comprenant une formation aux spécificités des quartiers. Leur mission est de lutter contre la délinquance et les violences urbaines, de rechercher du renseignement opérationnel et de procéder à des interpellations. Elles ont aussi vocation à renforcer le lien entre la population et la police. Il s’agit de policiers volontaires qui viennent compléter les effectifs locaux, car, comme vous l’avez souligné, il ne serait pas logique d’amputer ceux-ci.
Huit de ces unités sont opérationnelles : trois depuis avril 2008 en Seine-Saint-Denis, deux dans les Bouches-du-Rhône et, depuis fin 2008, trois en Haute-Garonne. Leur bilan est significatif, car la délinquance de proximité a considérablement baissé – plus de 900 individus ont été interpellés. Comme l’a souhaité le Président de la République, ce dispositif sera développé. Les cent UTEQ que je souhaitais créer d’ici à 2001 le seront dès fin 2010 ; quarante-deux le seront dans vingt-neuf départements, dont trois en Seine-Saint-Denis : à Aulnay-sous-Bois, à Drancy et à Sevran. Nous connaîtrons la même accélération pour les compagnies de sécurisation.
En ce qui concerne les sorties d’école, nous essayons de travailler en liaison avec le ministère de l’éducation nationale, pour parvenir à plus de réactivité, et d’assurer la présence de patrouilles plus nombreuses. De ce point de vue, le plan de relance nous permettra de mieux équiper ces régions.
Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Étienne Blanc. Le 6 mars dernier, le Sénat a adopté le projet de loi pénitentiaire, texte auquel vous-même et le Gouvernement êtes particulièrement attachés, madame la garde des sceaux. Ce texte contient une série de dispositifs nouveaux touchant à l’exécution des peines, à l’encellulement individuel, aux procédures disciplinaires dans les établissements pénitentiaires et – point essentiel – à l’aménagement des peines. Je souhaiterais savoir si ce texte pourra être examiné par notre assemblée avant l’été.
Cet après-midi, répondant à un de nos collègues sur la question épineuse de la surpopulation carcérale, vous avez indiqué que l’aménagement des peines était l’une des réponses envisageables. Sachant que ce projet contient toute une série de dispositions novatrices, son adoption devient pour le moins urgente.
D’ici là, le droit étant ce qu’il est, quelles dispositions prendrez-vous cet été pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale ?
Le Gouvernement a souhaité que les intérêts des victimes soient mieux pris en compte. De nombreuses associations de victimes font un certain nombre de propositions. Or dans le projet de loi pénitentiaire figure un dispositif nouveau sur l’aménagement et l’adaptation des peines. Selon les associations de victimes, l’aménagement d’une peine revient à dénaturer la peine prononcée par le juge du siège. Quelle est votre position de principe sur cette question, madame la garde des sceaux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est à juste titre que vous soulignez mon attachement au projet de loi pénitentiaire, deuxième loi sur le sujet en soixante ans !
S’agissant d’un vaste chantier dont on attendait l’ouverture depuis très longtemps, ce texte qui modernisera profondément le système pénitentiaire améliorera aussi bien les conditions de travail des personnels que les conditions de détention des personnes privées de liberté. Adopté en première lecture par le Sénat le 6 mars dernier, il devait ensuite vous être soumis au début de ce mois. Pour des raisons de calendrier parlementaire, tel ne sera pas le cas, puisque désormais le Gouvernement n’est plus le seul maître de l’ordre du jour. Pour ma part, je souhaiterais qu’il soit débattu avant les vacances d’été. Il s’agit, en effet, d’un texte majeur qui permettra, notamment, de lutter contre la surpopulation carcérale, phénomène hélas, déjà ancien. Pour cela, il faut construire des places de prison. Le gouvernement précédent s’y est employé et nous poursuivons dans cette voie. D’ici à la fin de l’année, nous atteindrons le chiffre de 9 000 places créées sur les 13 000 prévues d’ici à 2012.
Nous avons supprimé la grâce collective, nous n’avons pas recouru à la loi d’amnistie et le nombre des aménagements de peine a triplé en un an, augmentant plus de 50 % en deux ans. Il faut faire œuvre de pédagogie et expliquer qu’un aménagement de peine n’est en aucun cas une dénaturation de la peine, mais une autre modalité d’exécution de celle-ci. L’objectif est la réinsertion de la personne condamnée pour lutter contre la récidive dans l’intérêt de la sécurité de nos compatriotes. La crainte et le doute des victimes et des associations devraient être levés dès lors qu’on leur explique qu’avec l’aménagement de peine, il s’agit de lutter contre la récidive en réinsérant les personnes détenues. Dans certains cas, ces associations sont d’ailleurs consultées sur l’aménagement de peine.
J’espère que le projet de loi pénitentiaire sera examiné avant l’été. L’aménagement des peines en est un volet essentiel car il est important de réinsérer les personnes détenues. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement mène, depuis 2007, une politique volontariste dans ce domaine.
Mme la présidente. La séance des questions aux ministres est terminée.
Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi modifié par l’Assemblée nationale favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma