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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2009-2010

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 9 février 2010

Troisième séance du mardi 9 février 2010

Présidence de M. Marc Le Fur
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

LOPPSI

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n os 1697, 2271, 1861).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures vingt-sept pour le groupe UMP, dix heures cinquante-cinq pour le groupe SRC, cinq heures vingt-sept pour le groupe GDR, quatre heures dix-sept pour le groupe Nouveau Centre et cinquante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, mes chers collègues, assurer la sécurité de nos concitoyens, et ce de manière continue sur l’ensemble du territoire, constitue pour l’État l’une des prérogatives les plus fondamentales. C’est donc avec la conscience d’aborder un élément situé au cœur de notre pacte républicain que nous commençons à débattre du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Il s’agit, ni plus ni moins, de poser les orientations stratégiques et les grandes priorités de notre politique de sécurité intérieure à l’horizon 2013. Si le débat qui s’ouvre est d’une grande importance, il est aussi très attendu. Depuis environ deux ans, lors de nos discussions budgétaires, nous sommes confrontés au curieux paradoxe qui consiste à décliner dans les lois de finances des orientations posées et définies dans un projet que le Gouvernement n’avait pas encore soumis au Parlement. Nous avions tous déploré cette situation, vous compris, monsieur le ministre.

Au-delà de ces questions de calendrier, le texte est attendu car, alors que la première LOPSI avait permis, entre2003 et2007, un recul significatif de la délinquance générale, et ce par le moyen d’une politique volontariste et ambitieuse, nous observons, depuis plusieurs mois, un léger retournement de tendance en ce qui concerne le nombre de crimes et délits constatés. Même si cette hausse semble aujourd’hui s’infléchir, elle nous rappelle qu’il est primordial de redéfinir, de façon large et exhaustive, notre stratégie en matière de sécurité intérieure.

Dans la droite ligne de la Révision générale des politiques publiques, et alors qu’il s’agit de concilier, d’une part, l’effort général de maîtrise des dépenses publiques souhaité par nos concitoyens, et, de l’autre, la nécessité de garantir le plus efficacement possible leur sécurité, le cœur de ce projet de loi réside bel et bien dans le concept de performance: répondre aux nouveaux défis de la sécurité intérieure, faire mieux à partir d'une utilisation optimale des moyens existants et sans céder à la tentation d'une fuite en avant budgétaire et financière. C'est pourquoi je tiens, avant toute chose, à saluer au nom des députés du Nouveau Centre la plupart des grandes orientations définies au sein de ce texte.

Quelques mois à peine après avoir discuté du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, il s’agit de franchir une nouvelle étape du rapprochement entrepris depuis 2002 entre police et gendarmerie nationale, de poursuivre la chasse aux doublons administratifs, afin de passer d'une logique de stricte mutualisation des moyens à celle, plus large, d’un développement complémentaire de ces deux forces.

Si je laisserai mon collègue Philippe Folliot, qui suit depuis longtemps les affaires relatives à la gendarmerie nationale, évoquer plus longuement ce point, je veux insister sur le rapprochement au sein d'une même administration de l'ensemble des forces concourant à une même politique, et poser la question du rattachement à la tutelle du ministère des finances des services des douanes. Alors que ces services collaborent désormais étroitement avec ceux du ministère de l'intérieur, notamment dans le cadre de la lutte contre les réseaux d'économie souterraine, il y aurait tout lieu, aujourd'hui, de poursuivre le décloisonnement de notre politique de sécurité en dépassant les seuls cas de la police et de la gendarmerie, et en rattachant le service des douanes au ministère de l'intérieur, comme nous le demandons avec constance depuis 2002. Ce serait à nos yeux un gage de transversalité et un moyen non négligeable pour améliorer l’efficacité de nos services de sécurité intérieure.

Au-delà de ce décloisonnement administratif, nos forces de sécurité continueront de voir leurs missions recentrées sur le cœur de métier. Le développement de la vidéo-protection ou de la visioconférence permettra ainsi de les libérer de taches souvent qualifiées, et à juste titre, d'indues, telles que les gardes statiques ou les extractions judiciaires. Cependant, si la visioconférence est un outil à privilégier, elle ne doit pas être imposée au juge lorsqu'il estime nécessaire une confrontation directe – ce que ne contredit d’ailleurs pas, monsieur le rapporteur, l’amendement que vous avez fait adopter en commission.

Les gardes statiques sont des charges indues sur lesquelles il convient de réfléchir. Dans ma circonscription, le tribunal de Bobigny absorbe ainsi, pour sa sécurisation, des forces de police qui seraient mieux utilisées quelques mètres plus loin, dans la rue, voire dans les centres commerciaux: vous avez d’ailleurs eu l’occasion monsieur le ministre, de le constater par vous-même.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Tout à fait!

M. Jean-Christophe Lagarde. Quant à la zone de rétention de Roissy – sur laquelle j’ai presque honte de revenir tant elle a fait l’objet de débats au sein de notre assemblée –, les salles d’audience dont elle est pourvue devraient normalement permettre d’éviter aux centaines de personnes qui y sont retenues de se déplacer, mais les juges refusent eux-mêmes de s’y rendre. Tous les ministres de l’intérieur qui se sont succédé ont constaté ce problème; certains sont même devenus garde des sceaux.

M. Jacques Alain Bénisti. Tout arrive! (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Pourquoi ne peut‑on obtenir de ces fonctionnaires, fussent-ils magistrats, qu’ils se déplacent sur les lieux? Faute de pouvoir le faire, on est obligé d’assurer des navettes incessantes entre l’aéroport de Roissy et le palais de justice de Bobigny. Face à une situation aussi absurde, la visioconférence, monsieur le rapporteur, est plus qu’utile: elle devrait presque devenir obligatoire.

M. Philippe Folliot. Tout à fait!

M. Jean-Christophe Lagarde. S’il est nécessaire de voir l'activité de nos forces de sécurité recentrée sur le cœur même de leur mission, nous ne pouvons nous dispenser d'un questionnement sincère et pragmatique au sujet de l'adéquation des moyens déployés sur un territoire donné et le volume des troubles à la sécurité qui y sont constatés. Ainsi, il n’est pas rare que, pour un nombre de policiers par habitants à peu près équivalent, le nombre de crimes et délits dans tel territoire soit deux fois plus élevé que dans tel autre. Si la police d’agglomération est utile, notamment lors d’événements graves où une plus grande souplesse en termes d’effectifs est nécessaire, elle ne doit pas accentuer le déséquilibre entre Paris et la petite couronne s’agissant des effectifs de chaque commissariat.

J’appelle votre attention sur ce point: la ville de Drancy, dont j’ai l’honneur d’être le maire, est régulièrement citée parmi les communes ayant le moins de policiers par habitants en Seine-Saint-Denis. C’est déjà un sujet d’interrogation pour moi, mais je comprends encore moins pourquoi il faut quatre fois plus de policiers à Paris qu’en Seine-Saint-Denis. Même si les services officiels absorbent une partie des effectifs, nous savons tous que le déséquilibre reste flagrant. Celui-ci, me semble-t-il, peut être corrigé par la police d’agglomération, et pas seulement lors des événements graves, pour lesquels, s’ils se produisent à Paris, des effectifs peuvent être disponibles dans les commissariats de proche banlieue: ce qui fonctionne dans un sens peut fonctionner dans l’autre. Aussi nous réjouissons-nous que le projet de loi ait l’ambition de moderniser en profondeur l’organisation administrative ainsi que la gestion des ressources humaines au sein de la police et de la gendarmerie, et ce afin de répartir les effectifs de façon plus cohérente sur le territoire national.

Enfin, le recours accru aux moyens et aux méthodes de la police technique et scientifique ouvrira de nouvelles perspectives à l'évolution des taux d'élucidation. Comme je l’ai dit en commission, nous souhaitons que la police et la justice françaises passent de la culture de l’aveu à celle de la preuve. Pour cela, nous devons nous doter de moyens techniques. Les orientations que vous proposez permettent d’espérer que la recherche de la preuve primera progressivement celle de l’aveu, lequel est régulièrement sujet à caution ou obtenu dans des conditions discutables. Les moyens techniques que vous entendez mettre à disposition pour les enquêtes, et pas seulement les grandes enquêtes criminelles, sont des éléments importants de cette révolution de nos mœurs policières et judiciaires.

Reste que, comme on l’a souligné, les technologies ne doivent pas remplacer les moyens humains mais permettre d’améliorer, à effectifs constants, les performances des services de police. Si la technologie ne peut être un remède miracle, elle est encore sous-employée; le projet de loi vise donc à en permettre une utilisation plus systématique.

M. Thierry Benoit. Très bien!

M. Jean-Christophe Lagarde. Alors que le texte de 2002 ambitionnait d'organiser un saut tant qualitatif que quantitatif s’agissant des moyens affectés à notre politique de sécurité, le projet dont nous discutons est frappé du sceau de nos difficultés budgétaires. Il est ainsi moins question d'engagements financiers de long terme pour augmenter les effectifs de police et de gendarmerie que de redéploiement, à effort budgétaire constant, des moyens existants; c’est là un principe de bonne gestion.

La situation de nos finances publiques, mes chers collègues, n'est certainement pas un argument à balayer d'un revers de main. L'étendue de nos déficits et le poids de notre dette posent d'abord une question politique, puisque c'est bien de notre capacité à les réduire aujourd'hui que dépendront les marges de manœuvre budgétaires avec lesquelles l'État devra, demain, répondre à de nouveaux défis. C'est aussi une question morale, dans la mesure où nos dépenses actuelles continuent de facto d'être financées par les prélèvements dont devront s'acquitter nos enfants demain et les enfants de nos enfants après-demain.

Le principe du non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique constitue l’un des leviers de cet effort de responsabilité budgétaire que nos concitoyens ont raison d’exiger de l’État. Pour autant, il ne peut s’agir d’un ratio unique que l’on appliquerait d’une manière strictement comptable, froide et aveugle à l'ensemble des administrations publiques. Convenons-en, mes chers collègues: le caractère intrinsèquement régalien de notre politique de sécurité intérieure, les nouveaux défis que l'évolution permanente de la grande criminalité comme de la petite délinquance ne cessent de poser à la police et à la gendarmerie nationales, lesquelles se voient toujours confier de nouvelles missions, rendent inenvisageable une stricte application de ce principe en matière de sécurité.

En l'espèce, nous nous réjouissons que le taux de non‑remplacement des policiers et gendarmes partant en retraite ait été ramené à un pour trois. Il nous semble toutefois que ce ne sera pas suffisant dans les années qui viennent: la suppression progressive de plusieurs milliers d'emplois de policiers ou de gendarmes risque d’éroder les effectifs, y compris opérationnels, alors qu’il est nécessaire de les stabiliser tout en assurant une meilleure efficacité; les orientations que vous proposez, monsieur le ministre, le permettront.

Dès lors, mes chers collègues, le présent texte doit être, pour le législateur, l'occasion de poser le principe d'une sanctuarisation, à leur niveau actuel, des effectifs de la police et de la gendarmerie.

J’ai rappelé tout à l’heure, à l’occasion d’un rappel au règlement, qu’un amendement déposé en ce sens avait très curieusement été censuré par le président de la commission des finances, dont je souhaiterais qu’il s’explique, afin que nos soyons parfaitement informés de la nouvelle jurisprudence de la commission.

En tout état de cause, il serait bon de procéder à des réaffectations là où elles sont nécessaires, afin que les emplois libérés par nos réformes de structure soient utiles et rendent la police plus performante. Ainsi, comme je l’ai régulièrement rappelé à vos prédécesseurs, monsieur le ministre, je souhaiterais que nous réfléchissions à la réaffectation des compagnies républicaines de sécurité. En la matière, les marges de progression sont importantes. Nous ne sommes plus dans les années 70: les manifestations sont moins nombreuses, il y a moins de services d’ordre classiques à assurer, et la gendarmerie nationale y pourvoit régulièrement à travers la gendarmerie mobile. Un de vos lointains prédécesseurs, M. Robert Pandraud, considérait qu’un tiers des CRS pourraient quitter leur compagnie pour être réaffectés dans des commissariats, où ils auraient une meilleure connaissance du terrain que lorsqu’ils interviennent en groupes dans les quartiers difficiles. Il y aurait là, à coût budgétaire constant, un progrès qui serait rapidement visible par nos concitoyens.

En corollaire de cette nécessaire stabilisation des effectifs, se pose la question de la fidélisation des personnels de nos forces de sécurité servant dans les zones réputées difficiles. Depuis 2002, on entend vanter, non sans un certain angélisme, l’ancienne police de proximité. Pour avoir eu l’occasion de la tester, je n’ai jamais constaté qu’elle ait été efficace, si ce n’est pour rassurer les bonnes gens à dix-huit heures, alors qu’elle était rarement présente là où il y avait de la délinquance. En vérité, si ce débat théologique sur la police de proximité me laisse perplexe, il semble évident, car constaté sur le terrain, qu’une police qui fonctionne bien est une police qui connaît bien la population et les quartiers auxquels elle s’adresse.

M. Manuel Valls. Et voilà!

M. Jacques Alain Bénisti. Absolument!

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est donc de fidélisation et d’adaptation qu’il nous faut parler. Nous en finirions ainsi avec les faux procès théologiques pour réfléchir à quelque chose qui pourrait recevoir une application immédiate. Je suis convaincu, monsieur le ministre, que l’on ne fait pas la police de la même façon dans une ville très dense et très concentrée comme Clichy-sous-Bois, dans une ville qui vit largement sur dalle comme Bobigny – pour parler de deux communes que je connais bien dans mon département – ou dans une ville très étendue comme Drancy, qui compte plus de 120 kilomètres de rues et où il est évident qu’on ne peut pas se contenter de la patrouille pédestre qui ne vise qu’à faire de la communication en direction des braves gens.

Aujourd’hui, faute de pouvoir retenir sur place les policiers ayant une réelle expérience du terrain dont ils sont chargés d’assurer la tranquillité, nous voyons se multiplier des situations conflictuelles qui seraient parfaitement évitables. Je cite souvent cet ancien fonctionnaire du commissariat de Drancy qui, pendant vingt-cinq ans, s’est occupé de la délinquance des mineurs. Il a pris sa retraite mais habite toujours la commune: il peut traverser n’importe quel quartier, il est connu et respecté de tous. Il ne faisait pas partie d’une police de proximité; c’était un simple agent, un fonctionnaire de police qui, parce qu’il était fidélisé et connu sur son territoire, pouvait exercer son métier dans de bonnes conditions.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien!

M. Jean-Christophe Lagarde. Au-delà de sa stricte dimension de programmation et d’orientation, ce projet de loi vise à encadrer juridiquement la modernisation de nos pratiques, à favoriser le développement de la vidéoprotection ou le recours accru aux fichiers d’analyse sérielle ou d’antécédents, mais aussi à adapter notre arsenal juridique à l’évolution des menaces qui pèsent sur notre sécurité intérieure et qui vont de la criminalité organisée à la petite délinquance, en passant par la cybercriminalité ou par le développement anarchique des activités dites d’intelligence économique.

Ce projet de loi apporte divers outils juridiques nouveaux qui, pour la plupart, paraissent utiles. Ainsi, en ce qui concerne la sécurité routière, qui s’inscrit elle aussi dans le cadre de la sécurité intérieure, le projet de loi prévoit notamment d’étendre les possibilités de confiscation des véhicules ayant servi à commettre une infraction, telle que la conduite sans permis, lorsque l’auteur de l’infraction en est également le propriétaire. Permettez-moi, monsieur le ministre, non seulement d’exprimer ma satisfaction – cela fait des années que je réclame une telle mesure –, mais de penser aussi qu’il serait bon d’élargir l’infraction. On ne comprendrait pas, en effet, qu’il soit impossible de saisir le véhicule de quelqu’un qui l’aurait prêté, en toute connaissance de cause, à un conducteur sans permis.

M. Philippe Folliot. Tout à fait!

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a cinq ans, dans ma commune, un père de famille prêtait régulièrement son véhicule à son fils de seize ans et demi: celui-ci, conduisant sous l’emprise de l’alcool et du cannabis, tua un jour un jeune homme qui attendait son bus après un match de tennis. Dans un tel cas, le père est tout aussi coupable que son fils, il doit pouvoir être pénalement sanctionné et savoir que ce qui, sans doute, à ses yeux, vaut plus qu’une vie humaine – son véhicule – risque de lui être confisqué.

M. Philippe Folliot. Très bien!

M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous remercie également, monsieur le ministre, d’avoir pris en compte notre préoccupation à l’égard de ce qui pourrit la vie de milliers de familles, le squat des halls d’immeuble. Si la création, en 2002, du délit d’entrave à la circulation dans les halls d’immeuble présentait un certain intérêt, puisqu’il permettait l’intervention des forces de police, il n’en demeure pas moins qu’il reste en l’état extrêmement difficile à qualifier devant un tribunal. Un hall d’immeuble est certes un lieu de passage, mais c’est aussi un lieu privé qui n’est pas fait pour qu’on y stationne pendant des heures, pour s’y amuser ou pour s’y livrer à toutes sortes d’occupations générant des troubles. À ce titre, l’examen de ce projet de loi doit également être l’occasion d’aller plus loin et de permettre de sanctionner par une contravention le fait d’y stationner en réunion ou d’y provoquer des troubles de toute nature.

Mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi constitue un moment privilégié, un débat où nous déterminerons pour les années à venir les principes directeurs de notre politique de sécurité intérieure. À ce titre, je forme le vœu qu’il permette au législateur de dépasser postures et partis pris idéologiques pour retrouver l’ambition qui doit être la sienne dès lors qu’il s’agit de la sécurité de nos concitoyens.

J’ai désormais quelques années d’expérience de ce genre de débat et je voudrais, en conclusion, rappeler les regrettables excès qui ont marqué de précédentes discussions. Pour certains, toute mesure nouvelle doit être stigmatisée comme attentatoire aux libertés publiques. Souvenons-nous ainsi du débat sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG. Quelles déclarations enflammées n’avons-nous pas entendues sur les atteintes aux libertés individuelles, sur la menace que constituaient ces fichiers pour la République! C’est tout juste si elle n’avait pas été déclarée en danger! Aujourd’hui, plus personne ne conteste l’utilité du fichier et personne n’a observé, où que ce soit, qu’il avait attenté à quelque liberté que ce soit. Cet exemple doit nous appeler à la mesure: de la même façon, il me semble que la vidéoprotection n’est pas attentatoire aux libertés.

M. Philippe Folliot. Bien dit!

Mme Laurence Dumont. On en reparlera!

M. Jean-Christophe Lagarde. Ne la considérons pas non plus comme une solution miracle, mais comme un outil permettant de réduire plus rapidement la délinquance, ainsi qu’on l’observe dans toutes les villes qui en sont équipées. Certaines zones étant mieux surveillées, les effectifs de police peuvent se concentrer dans d’autres endroits. J’ai lu, dans la presse, que ce projet de loi était liberticide puisqu’il étendait la vidéoprotection: de telles considérations me laissent pantois. Est-ce que les 22000 caméras déjà installées en France ont créé 22000 zones d’atteinte aux libertés? Bien sûr que non! En réalité, elles sont installées dans les zones noires, auxquelles la police a difficilement accès, où les tentations de commettre un délit sont plus fortes, comme les zones commerciales ou mal urbanisées. Il me semble que l’objectif d’y installer 70000 caméras ne fera pas de la France un État policier, où les libertés seraient mises en danger.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais évoquer la mesure concernant les mineurs de moins de treize ans. Il est parfois bon que ceux-ci puissent être raccompagnés à leur domicile par les forces de police, notamment lorsqu’ils courent un danger en restant dans la rue, et il serait ridicule de stigmatiser votre volonté de donner cette possibilité au préfet, mais il ne paraît pas souhaitable de généraliser la mesure, qui doit rester exceptionnelle, individuelle.

M. Philippe Folliot. Très bien!

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous avons l’exemple, dans nos communes, d’enfants qui, toutes les nuits, se trouvent livrés à eux-mêmes et qui sont donc, dans les faits, abandonnés par leurs parents: le président du conseil général pourrait les placer sous protection, dans des institutions qui pourvoiraient à leur éducation, mais il ne le fait pas. Dans ce cas, en effet, le préfet pourrait se substituer à lui pour faire en sorte que l’enfant ne traîne pas dans la rue. Mais, en règle générale, sauf circonstances extraordinaires – en cas d’émeute, par exemple –, cela devra rester l’exception. Pour être efficace, la mesure doit être individuelle.

Ainsi, vous le voyez, monsieur le ministre, tout en exprimant quelques réserves sur tel ou tel article de votre texte, les députés du Nouveau Centre approuveront à la fois les outils techniques dont vous entendez doter la police et la gendarmerie, les mesures juridiques nouvelles que vous nous soumettez et la stratégie qui se traduit ainsi dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien!

M. le président. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.

M. Jacques Alain Bénisti. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat que nous abordons aujourd’hui revêt une importance particulière car il s’inscrit dans la continuité des textes déjà votés depuis 2002 et bien sûr, après leur évaluation, il définit les grands axes de la politique de sécurité pour les quatre années à venir.

Si la philosophie du texte est claire et cohérente, on ne peut que se féliciter de ce que le Gouvernement maintienne le cap des réformes, et je dirais même des réformes qui ont fait leurs preuves. Car la LOPSI a obtenu des résultats très probants en matière de sécurité et l’on ne peut que s’en féliciter. Les chiffres montrent que les choses s’améliorent et qu’une certaine forme de délinquance recule.

Cependant, depuis 1998, on a constaté – et tout le monde, y compris nos collègues de gauche, s’accorde sur ce point – que la délinquance a augmenté dangereusement et que le climat de violence est devenu très prégnant dans notre pays. Cette violence et cette délinquance sont d’autant plus insupportables qu’elles sont commises sans retenue, de plus en plus souvent par des mineurs de plus en plus jeunes.

Contrairement à ce que prétendent certains, les difficultés économiques que nous connaissons ne sont pas les seules causes de cet état de fait. Je pense au contraire qu’il résulte d’une multitude de facteurs, plus complexes et plus profonds. Si nos quartiers connaissent des difficultés et si la délinquance perdure, même si elle a diminué ces dernières années, cela ne peut en tout cas être mis sur le compte du Gouvernement qui a multiplié les actions dans les quartiers. Et vous le savez tout aussi bien que moi, mes chers collègues, puisque nous avons voté dans cet hémicycle bon nombre de textes à ce sujet.

Comme nos débats en commission l’ont montré, la principale difficulté vient du fait que nous jouons au chat et à la souris: les textes votés donnent des résultats, mais la délinquance s’adapte et se transforme. Il est donc nécessaire d’aller plus loin et, surtout, de s’adapter aux nouveaux risques et aux nouvelles menaces. Après une phase d’évaluation des mesures et des actes mis en place depuis 2002, ce texte marque une nouvelle étape et, surtout, offre aux forces de l’ordre de nouveaux outils plus modernes et plus efficaces qui leur seront utiles dans leur lutte incessante contre la délinquance.

La ligne conductrice de ce texte est claire: la modernisation, en particulier grâce aux moyens techniques et aux nouvelles technologies. Au groupe UMP, nous soutenons et appelons de nos vœux cette modernisation.

Je suis de ceux qui prônent une politique bicéphale, tout à la fois préventive et répressive, l’une ne pouvant réussir sans l’autre. Après que nous avons adopté de nombreuses mesures préventives, qui ont eu des effets positifs, il s’agit aujourd’hui de compléter l’arsenal répressif. Je n’ai aucun doute sur la volonté du Gouvernement de maintenir l’équilibre entre les deux.

Pour entrer un peu plus dans le fond du texte, je souhaiterais revenir sur quatre points essentiels: les fichiers de police, la vidéosurveillance, la police municipale et la prévention de la délinquance.

À propos des articles 10 à 16, relatifs aux fichiers de police, il faut rappeler que, lors des débats sur la simplification du droit, il avait été annoncé qu’une suite de mesures seraient intégrées au texte LOPPSI II. Je me réjouis que le Gouvernement ait tenu promesse. Certes, j’aurais souhaité que l’on aille un peu plus loin pour certaines dispositions, mais c’est un premier pas dans le bon sens.

Ce texte vise à élargir le champ des infractions permettant la création de fichiers sectoriels pour toutes les infractions punies d’au moins cinq ans d’emprisonnement. L’objectif est clair: il s’agit de faire en sorte que la petite et la moyenne délinquance ne passent plus au travers des mailles du filet. De plus, un logiciel de rapprochement judiciaire va voir le jour, et je suis très favorable, vous le savez, à tous les projets qui tendent à créer plus de transversalité dans le partage d’information entre forces de l’ordre, comme la création du fichier ARIANE regroupant les fichiers STIC de la police nationale et JUDEX de la gendarmerie. Je ne peux que m’en réjouir.

Parallèlement, les fichiers seront mieux contrôlés, ce qui me tient également à cœur. Il est notamment prévu de créer une nouvelle fonction de magistrat référent chargé de contrôler le fichier ARIANE ainsi que les fichiers d’analyse sérielle. Il s’agit là d’une garantie forte apportée à la protection des libertés, que Delphine Batho et moi avions développée dans notre rapport.

Concernant la vidéosurveillance, je ne peux que vous faire part de mon expérience de maire ayant installé des caméras dans certains points stratégiques de sa commune. Le résultat est sans appel: non seulement la délinquance diminue significativement mais surtout le taux d’élucidation augmente très sensiblement. Je suis donc très favorable à la mise en place d’une politique visant à la poursuite de l’installation de caméras dans des endroits stratégiques.

Le texte apporte également des garanties à nos concitoyens en termes de protection de la vie privée et des données personnelles, ce dont nous ne pouvons également que nous satisfaire. Cela étant, je tiens à mettre un bémol concernant leur fonctionnement, car, si les communes sont aidées, en investissement, pour leur installation, il n’en va pas de même par la suite. Je pense qu’il serait bon de réfléchir à un système de mutualisation des coûts de fonctionnement, les centres de supervision coûtant très cher aux collectivités. Nous en rediscuterons d’ailleurs certainement au cours de nos débats.

Il faut également saluer les résultats obtenus depuis la création de la police d’agglomération, qui regroupe désormais 33000 fonctionnaires de Paris et la petite couronne. Le texte qui nous est présenté va plus loin et prévoit la mise en place d’une « police du grand Paris ». En tant qu’élu du Val-de-Marne, j’approuve totalement cette mesure.

J’ai d’ailleurs pu mesurer l’efficacité de la police d’agglomération lors de la tentative de vol à main armée avec prise d’otages qui a eu lieu dans le bureau de poste de ma commune. Les services de police de Paris n’ont mis que vingt-cinq minutes pour intervenir et maîtriser les braqueurs, ce qui n’aurait jamais été possible auparavant. Tout le monde sait, monsieur le ministre, que, en Île-de-France, la délinquance ignore les frontières des départements, et il était temps qu’il en aille de même pour les forces de l’ordre.

Ce projet va également rééquilibrer la répartition du nombre de policiers sur les différents départements car il n’était pas normal que Paris dispose d’un policier pour 200 habitants et qu’il ne s’en trouve qu’un pour 2000 habitants dans le Val-de-Marne. N’est-ce pas, monsieur Goujon?

M. Philippe Goujon. N’exagérons rien!

M. Jean-Christophe Lagarde. M. Bénisti a raison!

M. Jacques Alain Bénisti. J’approuve également le souhait du ministre d’étendre les possibilités d’affectation des biens saisis en cours d’enquête, encadrées et soumises à certaines conditions.

Je salue aussi les dispositions en faveur d’une meilleure reconnaissance de la police municipale introduites par le rapporteur. La coordination entre police municipale et police nationale – ou gendarmerie – doit être renforcée, car elles sont complémentaires, et les synergies existantes doivent être valorisées. Le texte proposé répond totalement, monsieur le ministre, aux demandes des deux corps.

Je suis, pour ma part, très favorable à ce que soient conférées des prérogatives de police judiciaire aux responsables des polices municipales.

Le cadre proposé dans ce projet de loi est une première étape importante qui va dans le bon sens, celui d’une plus grande coopération entre les polices, ce que nous devons, les uns et les autres, encourager.

S’agissant du volet « Prévention de la délinquance », que je connais un peu, mes collègues du groupe UMP et moi-même pensons qu’il est urgent d’apporter des réponses fortes à la nette recrudescence des actes délictueux voire criminels impliquant des mineurs. À ce titre, offrir la possibilité d’instaurer un couvre-feu dans une zone définie, pour une durée déterminée ou concernant un mineur nommément désigné qui a déjà fait l’objet d’une condamnation pénale me semble être une bonne chose. Un mineur de moins de treize ans, non accompagné de ses parents ou de son tuteur légal, n’a rien à faire dans la rue après minuit, n’en déplaise à certains! Cette mesure est d’autant moins choquante que le rapporteur a pris soin de l’assortir d’une disposition qui vise à renforcer le contrat de responsabilité parentale, qui aide les familles en difficulté éducative à trouver, sous la forme de mesures d’aide et d’actions sociales, un soutien qui leur permette de surmonter cette difficulté. Il s’agit bien là de renforcer les actions préventives en parallèle des actions plus répressives.

En outre, des familles toujours plus nombreuses se trouvent dépassées par leurs enfants, qu’elles ne comprennent plus. Il importe donc que nous puissions leur offrir des dispositifs d’aide pour traverser ces périodes difficiles. Le conseil des droits et devoirs des familles, qui commencent, dans certaines communes, à se mettre en place, sera d’ailleurs un outil essentiel pour mieux gérer les problématiques familiales liées à la délinquance des mineurs.

L’équilibre entre répression et prévention est donc bien préservé. Comme vous le voyez, mes chers collègues, ce texte comporte des mesures de bon sens qui répondent aux attentes des forces de l’ordre mais aussi à celles des familles, qui ont besoin qu’on les soutienne lorsqu’elles rencontrent des difficultés temporaires dans l’éducation de leurs enfants.

La stratégie du Gouvernement est donc claire et cohérente et se fonde sur des résultats tangibles et des attentes légitimes exprimées par les intéressés. Je suis persuadé, monsieur le ministre, que les outils offerts par ce texte, qui seront bientôt à la disposition des forces de police, faciliteront leur travail et le rendront plus efficace encore.

La modernisation ne passe pas forcément par des renforts en personnel mais bien davantage par une meilleure qualité et une meilleure organisation du travail et, bien sûr, par de plus grandes possibilités d’action et de synergie pour lutter, sur le terrain, contre une délinquance toujours en mouvement.

M. Philippe Goujon. Absolument!

M. Jacques Alain Bénisti. La performance est aussi une affaire d’organisation et de modernisation, non pas seulement d’effectifs.

J’ose croire, mes chers collègues, que ces questions dépasseront les clivages politiques et les débats de politiciens pour permettre, in fine , à nos forces de l’ordre de mieux travailler en leur accordant la possibilité d’utiliser enfin les technologies modernes qui s’offrent à elles. En tout cas, je peux vous assurer, mes chers collègues, que les membres du groupe UMP soutiendront le modernisme et l’efficacité de ces nouvelles mesures, ainsi que toute initiative qui ira dans le sens du renforcement de la lutte contre la délinquance, en particulier la lutte contre la délinquance des mineurs.

Si les victimes de ces méfaits nous observent aujourd’hui, monsieur le ministre, c’est l’ensemble des Français qui nous jugeront sur nos décisions et sur l’efficacité de nos actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Manuel Valls.

M. Manuel Valls. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il ne fallait retenir qu’un premier chiffre dans l’océan des statistiques qui caractérisent l’évolution de la délinquance entre 2002 et 2009, je retiendrais et vous livrerais celui de 32,6 %, c’est-à-dire le pourcentage d’augmentation des violences exercées à l’encontre des dépositaires de l’autorité, policiers, gendarmes, enseignants, dont on a beaucoup parlé ces derniers jours et qui mériteraient plus de respect de la part du ministre de l’éducation nationale, et agents des transports en commun. Plus grave encore, la société se fait partout plus dure; M. Bénisti vient de le dire. L’ensemble des violences faites aux personnes ont progressé de 14 %, soit 54493 délits supplémentaires. Quant aux violences physiques gratuites, qui n’ont pas toujours le vol pour mobile, elles explosent, comme l’a rappelé Delphine Batho, avec une progression de près de 50 %.

Voilà des chiffres qui signent un bilan.

Cette hausse de la délinquance est confirmée par l’enquête dite « de victimation » conduite en 2009 par l’INSEE, qui estime à près de 850000 le nombre de victimes de violences physiques hors ménage et hors vol en 2008, contre 736000 en 2006, soit une croissance de 11,5 %. Ces enquêtes, menées, tout d’abord, par la région Île-de-France, montrent, encore mieux que les pourcentages précédents, l’étendue de la violence. Ces actes, nous le savons tous, sont commis par des individus toujours plus jeunes, toujours plus violents.

Si l’on peut se réjouir que les atteintes aux biens chutent de 22 % sur la même période – vous ne cessez de nous rappeler ce chiffre –, les spécialistes s’accordent à reconnaître, on le sait, que cela est dû, en grande partie, au travail des industriels, qui rendent toujours plus inviolables leurs produits, comme les véhicules et les téléphones mobiles.

Échec de la police, de la gendarmerie, des forces de l’ordre, monsieur le ministre? Non. Échec de l’orientation politique donnée à nos forces de l’ordre? Oui, totalement. Votre politique du chiffre est ainsi clairement invalidée.

Malheureusement, la LOPPSI est imprégnée de la même logique. Certes, elle comporte évidemment des éléments intéressants, dont nous discuterons à l’occasion de l’examen des articles et des amendements, mais c’est la logique qui compte.

Je ne m’en réjouis pas, et il faut rester modeste face à ce qui est un échec. La société française s’installe dans une violence de plus en plus gratuite et de plus en plus précoce, une violence qui frappe chaque jour un peu plus nos concitoyens, parmi les plus modestes et les plus fragiles.

Face à ce constat, j’aurais aimé, monsieur le ministre, que l’on sorte des clichés, si faciles, qui ne trompent personne. Or vous avez cru bon, à quelques semaines des élections régionales, de rejouer la même sérénade avec votre majorité. M. Ciotti en est le spécialiste, qui nous rappelle sans cesse les chiffres de la période 1997-2002. Peut-être savons-nous, monsieur Ciotti, pourquoi nous avons perdu les élections en 2002, mais je voudrais vous rappeler que cela remonte à huit ans et que c’est sur votre seul bilan que les Français vous jugent aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En 2002, vous avez raison, M. Nicolas Sarkozy a su s’emparer de la question sécuritaire, mais pour ne finalement la traiter que superficiellement. Il a mis en place un traitement réactif, se focalisant sur le symptôme, non sur la cause. Sa méthode, fondée, avec un certain succès, sur la gestion à chaud des dossiers et les effets médiatiques, a entraîné une inflation législative sans précédent. En moins de huit ans, dix-sept lois ont été adoptées en cette matière, et vous continuez, avec les mêmes discours et les mêmes méthodes, reprenant par exemple votre idée d’un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans.

J’en suis désolé, monsieur le ministre, cela ne marche pas! La délinquance de tous les jours, les cambriolages, les agressions, les phénomènes de bandes, la prolifération des armes, la dérive d’un certain nombre de mineurs, des comportements parfois barbares, les agressions à l’école sont les éléments particulièrement inquiétants d’une dérive générale qui ne peut, évidemment, être ignorée. Face aux mêmes chiffres, face aux mêmes faits, quels discours, quelles questions auraient été les vôtres si vous aviez été dans l’opposition?

Mme Delphine Batho. Très bien!

M. Manuel Valls. Prendre en compte le principe de complexité, évaluer les politiques publiques, admettre la réalité, ne pas sous-estimer – évidemment! – la souffrance des victimes: voilà les points qui devraient rassembler tous les républicains quand il s’agit de faire, sur cette question, le bilan de huit années de pouvoir.

Nous sommes d’accord pour considérer les faits dans leur brutale actualité, pour considérer qu’il faut y répondre par des politiques adaptées aux situations, par du « sur mesure » et non par un « prêt à penser » idéologique qui voudrait que la réalité s’adapte aux préjugés, à vos préjugés. Cela nécessite du travail et du courage.

Du travail pour connaître les auteurs, les victimes et les territoires les plus touchés par les différentes criminalités. Ce sont les objectifs qu’il faut assigner aux forces de l’ordre.

Du courage pour sortir des incantations ou des lamentations de l’instant, pour dialoguer avec celles et ceux qui, sur le terrain, sont en première ligne.

J’ai parfois le sentiment d’entendre les débats que nous avons eus entre 2002 et 2007. Je vous le dis franchement – nous sommes nombreux à le penser –, ce projet de loi n’est pas liberticide. Il pose évidemment des problèmes du point de vue constitutionnel, mais le vrai sujet c’est celui de l’efficacité. Sortons donc de la confrontation archaïque entre les tenants de l’excuse absolutoire, qui considèrent qu’il n’y a pas d’auteurs mais seulement des victimes, et les partisans de la répression aveugle, qui ont pour seul souci l’élimination des auteurs, quelles que soient les motivations de leur acte! Essayons de construire une politique de sécurité moderne, comme l’ont fait la plupart des pays industriels!

Vous n’avez pas fait ce choix. Vous refusez de revoir votre stratégie, à supposer que vous en ayez une, ce dont je doute. Vous devriez écouter ceux qui vous disent depuis 2002, et le fameux débat de juillet2002, que la suppression de la police de proximité est le péché originel de Nicolas Sarkozy en matière de sécurité. Nous le payons cher. Jean-Christophe Lagarde nous invitait à en débattre, mais la police de proximité ne faisait que se mettre en place et la réduire à la surveillance des stades ou des sorties d’école à dix-huit heures n’a pas beaucoup de sens.

Delphine Batho vous l’a dit tout à l’heure avec beaucoup de force, nous sommes retournés à une police des années 60, coupée de la population, hiérarchisée et centralisée, orientée uniquement sur l’expertise technique, d’où le malaise qui existe aujourd’hui dans la police nationale, et c’est dangereux. Entre1997 et2002, sur tous les bancs de la droite, vous demandiez du bleu dans les quartiers. Or, aujourd’hui, monsieur le ministre, les citoyens ne voient pas de bleu dans les quartiers; ils demandent une présence de la police et, malheureusement, la politique que vous avez choisie est contraire aux objectifs que vous espériez atteindre à l’époque.

La suppression de 10000 postes d’ici à 2012 confirme la volonté du Gouvernement de s’enfermer dans cette stratégie qui – pardon de vous le dire – nous conduit droit dans le mur! Il faut d’ailleurs dire à quel point les UTEQ ont été une mesure de replâtrage et d’affichage qui a permis à Mme Alliot-Marie de marquer sa différence avec son illustre prédécesseur et sur laquelle, j’en suis convaincu, vous allez revenir.

Je suis convaincu aussi qu’une police des quartiers ancrée sur le terrain, avec des missions claires, agissant en partenariat avec les acteurs de ce terrain, serait bien plus efficace. Là encore, évitons les faux débats! Nous sommes nombreux dans nos mairies à mettre en œuvre la vidéoprotection, parce que c’est un outil que nous considérons comme efficace,…

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien!

M. Manuel Valls. …à condition qu’elle soit sous la responsabilité du maire – nous défendrons ce point dans nos amendements. Nous sommes nombreux à avoir des polices municipales, mais nous souhaiterions un débat sur leur rôle, sur leur lien avec la police nationale, au lieu de cette fuite en avant, en l’absence de la réflexion stratégique que demandait Mme Alliot-Marie il y a encore quelques mois. Je vous ai écouté, monsieur Bénisti, évoquer la question de la petite couronne par rapport à Paris, mais la délinquance ne s’arrête pas là. Pourquoi ne pas parler de la grande couronne? Il y a le RER, des lignes de bus. Nous sommes tous concernés par ces questions. Nous déposerons un amendement pour plus d’efficacité.

Monsieur le ministre, je reconnais que votre tâche n’est pas facile. Votre fidélité au Président de la République vous oblige à poursuivre sur le même chemin erroné.

M. Christian Paul. Cela n’excuse pas tout!

M. Manuel Valls. Pourtant, je vous le dis très honnêtement et très franchement: il est temps de changer de stratégie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Nous sommes aujourd’hui saisis du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, présenté comme « un dispositif d’exception pour un sujet d’exception » et affirmant s’attaquer au problème de la sécurité.

Soyons clairs, ce projet n’est pas sans poser de nombreuses questions quant à l’évolution des libertés publiques et privées de ce pays. Depuis 2008, ce gouvernement impose une vision essentiellement répressive des problèmes de société en optant pour un amoncellement sans précédent de textes de loi visant à durcir la législation pénale ou les modes de surveillance.

Les problèmes sont ils résolus pour autant? Loin s’en faut! Au point de pouvoir affirmer qu’au lieu d’apporter une réponse aux problèmes rencontrés par les citoyens, les politiques prônées par ce gouvernement se soldent par un échec, comme vient de le rappeler Manuel Valls. Même si les chiffres de 2009 accusent une baisse relative de la délinquance, le ministre de l’intérieur a dû convenir qu’il y avait une poursuite de la hausse des violences.

Or, au lieu de prendre acte de l’inefficacité de cette inflation législative pénale en cherchant, par exemple, à recréer une confiance citoyenne, notamment dans les quartiers populaires, le Gouvernement propose un texte qui accroît la séparation sociale. À cet égard, l’exposé des motifs du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, en dressant la liste exhaustive des prétendues « menaces » intérieures et extérieures, révèle une conception de la société à la limite de la paranoïa, en tout cas de la suspicion généralisée.

Il en résulte un amalgame de mesures sans liens particuliers entre elles, visant tantôt à créer de nouvelles incriminations ou à aggraver les anciennes, tantôt à permettre à l’État d’instituer un régime d’impunité pour ses agents de renseignements ou de mieux surveiller et punir des populations ciblées.

Comme si le contenu de ces dispositions alarmantes n’était pas suffisant, le projet de loi est rédigé de façon complexe et inintelligible. En tout cas, il permet diverses interprétations. Le Syndicat de la magistrature fait bien de s’interroger sur les raisons qui poussent le Gouvernement à rendre ce texte inintelligible pour le justiciable et les professionnels en charge de le mettre en application.

Dans ce fatras de nouvelles dispositions, je voudrais me focaliser sur les éléments les plus inquiétants au regard des libertés publiques et du principe d’égalité des citoyens devant la loi. Je m’attarderai donc sur les aspects que revêtent la surveillance, la création d’un bloc d’impunité autour de la raison d’État, le dispositif particulier de la sécurité routière et les dispositions en faveur de la sécurité quotidienne et de la prévention de la délinquance. J’aborderai aussi la question des droits de la défense.

La vidéosurveillance se voit généralisée, ce qui était une des promesses du candidat Nicolas Sarkozy. Désormais, les entreprises privées, agissant comme personnes morales de droit privé, seront autorisées à placer des caméras donnant sur la voie publique. Les préfets pourront aussi autoriser l’installation de caméras en cas de « manifestations ou rassemblements de grande ampleur présentant des risques pour l’ordre public », cela avec l’accord du maire de la ville.

On assiste ainsi à une privatisation rampante du domaine public et de sa surveillance. Une telle politique se fonde une nouvelle fois sur un postulat d’efficacité qu’aucune étude n’est venue valider, et certainement pas l’exemple britannique qui précise que 80 % des images sont inutilisables et que 3 % seulement des délits ont pu être résolus à Londres avec ce système. Il s’agit, pour un responsable de Scotland Yard récemment cité dans le journal Libération , d’un « véritable fiasco ». Cela aurait dû inciter le Gouvernement à davantage de retenue.

A propos de la surveillance généralisée et sans contrôle de la population, diverses dispositions concernent les fichiers de police judiciaire, entre autres la recodification et l’adaptation des fichiers « d’antécédents ».

Rappelons que si le contrôle du traitement automatisé des informations nominatives reste confié aux procureurs de la République, ce qui est normal au vu des termes de l’article 66 de la Constitution‚– elle est « gardienne de la liberté individuelle » –, confier le contrôle de telles banques de données nominatives au parquet n’a de sens que si le statut de celui-ci est modifié pour garantir son indépendance, comme le demande fort justement le Syndicat de la magistrature, ce qui est toujours loin d’être le cas.

Il faut signaler que la constitution d’une telle base de données centralisée pour toute la population française n’est absolument pas compatible avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme concernant le droit au respect de la vie privée et familiale.

Ajoutons que ce projet prévoit d’augmenter la taille des fichiers dédiés aux infractions « présentant un caractère sériel », en abaissant de sept à cinq ans le quantum des peines encourues par les personnes mises en cause pour de telles infractions.

Cette nouvelle extension du fichage est injustifiée. Je voudrais juste rappeler que notre pays compte déjà cinquante-huit fichiers. Tout se passe comme si les limites du fichage de la population étaient sans cesse repoussées, au nom d’une efficacité toujours postulée, mais rarement étayée.

Manifestement, le fichage généralisé est en marche. Je souscris aux propos de Pierre Piazza, maître de conférences en science politique à l’université de Cergy-Pontoise, qui constate que « les dispositifs biométriques sont mis en place beaucoup plus rapidement que le cadre juridique censé protéger les libertés individuelles et la vie privée ».

N’oublions pas que le traité de Prüm, initialement signé en mai2005 par sept États de l’Union européenne et instaurant la mise en réseaux de bases de données biométriques, va être appliqué par l’ensemble des États membres, en l’absence de sérieux débats parlementaires ou citoyens. N’y a-t-il pas ici un véritable déficit démocratique?

En outre, si les autorités de protection de données existent bien, leurs moyens sont souvent limités. Ainsi, en France, la CNIL, qui dispose de pouvoirs de régulation, de contrôle et de sanction, compte quelque 120 personnes, contre 400 en Allemagne!

« Bon nombre des conséquences induites par la mise en place des dispositifs biométriques d’envergure n’ont pas été rigoureusement évaluées », pointe encore Pierre Piazza. « Selon les pouvoirs publics qui les mobilisent, ces procédés servent à lutter contre la fraude identitaire, la délinquance, l’immigration clandestine, le crime organisé, le terrorisme, etc. Mais les principes de proportionnalité et de finalité qui sont supposés être au coeur de la protection des données à caractère personnel ne sont pas toujours respectés ». Il y a effectivement de quoi s’inquiéter!

La surveillance, hélas, ne concerne pas seulement le fichage des personnes. Il s’agit aussi de surveiller l’utilisation des nouvelles technologies. Une série de mesures sont envisagées, à tel point que nombre d’associations des utilisateurs d’internet se sont mobilisées. Ce type de mesures ne revient-il pas à mettre en place un système de surveillance digne de Big Brother , même si le ministre a affirmé qu’il ne s’agissait que « de protéger les utilisateurs d’internet »?

En fait, il s’agit bien de surveiller les utilisateurs des nouvelles technologies en facilitant les captations à distance des données numériques se trouvant dans un ordinateur ou transitant par lui, grâce à l’introduction d’un cheval de Troie, évidemment sans le consentement de l’intéressé, mais avec l’aval d’un juge – c’est la moindre des choses!

Il sera alors possible d’accéder aux données, de les collecter, les enregistrer, les conserver, les transmettre, d’« écouter » les frappes au clavier, etc., surveillance qui pourra durer jusqu’à huit mois et être mise en place à n’importe quelle heure.

Si la raison première est louable – il s’agissait de surveiller les réseaux pédophiles et le crime organisé –, la méthode non seulement ouvre la porte à une surveillance sans limite de tous les PC connectés à internet, mais risque de poser la question de la sécurité pour ces mêmes PC.

L’un des objectifs de ce projet est d’actualiser les moyens des forces de l’ordre face aux nouvelles technologies pour, entre autres, faciliter la maîtrise du flux migratoire et la lutte contre la fraude des documents officiels en instaurant une « carte nationale d’identité électronique » déjà annoncée en 2009.

Je continue avec les aspects problématiques de ce projet de loi et le chapitre IV intitulé « Protection des intérêts fondamentaux de la Nation », qui prévoit de créer un régime d’impunité judiciaire pour les agents de renseignement, leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu’ils utilisent une identité ou une qualité d’emprunt – article 20 du projet.

Pis, la révélation, même involontaire, de « toute information qui pourrait conduire directement ou indirectement à la découverte de l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une fausse qualité, de l’identité réelle » de ces agents ou de leur appartenance à l’un des services spécialisés de renseignement sera désormais réprimée sur le plan pénal par des peines allant de trois ans à dix ans d’emprisonnement, au prétexte vraiment sans fondement que « la nécessité opérationnelle de protéger l’identité de l’agent de renseignement et de son informateur apparaît indispensable ».

Sont également protégés, au même titre, les sources ou collaborateurs occasionnels d’un service spécialisé de renseignement. Mais ne soyons pas dupes, ces nouvelles dispositions pénales auront pour conséquence non seulement d’entraver gravement la liberté de la presse qui ne pourra plus révéler d’éventuels scandales ayant trait aux pratiques illégales ou abusives de ces services, mais aussi de porter atteinte à l’action de la justice et au principe fondamental de la recherche d’auteurs d’infractions. Les magistrats, eux-mêmes, seront passibles de telles sanctions s’ils enquêtent sur des dysfonctionnements. Il s’agit simplement de faire triompher la raison d’État au détriment de la justice et de la nécessaire recherche de la vérité. Combien d’assassinats politiques ont eu lieu sur le territoire français sans que les assassins soient arrêtés au nom de ladite raison d’État? Je pense aux meurtres de Mehdi Ben Barka, d’Henri Curiel, d’André Mecili, de Dulcie September, de Pierre Goldman et de bien d’autres.

J'en viens à la partie de ce projet qui n'envisage la sécurité routière que sous l'angle de la répression.

Pour les infractions les plus graves, il est prévu l'instauration d'une peine complémentaire de confiscation du véhicule si l'auteur en est propriétaire; l'interdiction, pendant cinq ans au plus, de conduire un véhicule non équipé d'un système d'anti-démarrage par éthylotest en cas de blessures involontaires ou d'homicide commis au volant; et la création d'une nouvelle incrimination pénale en cas de trafic de points de permis de conduire.

Signalons au moins une bonne mesure prise par la commission: l'obligation faite aux bars de nuit et discothèques de mettre gratuitement à disposition des éthylotests. Mais les aspects positifs s'arrêtent là, en effet, ce projet permettra de rattacher l'automaticité de la confiscation à un précédent pénal sans lien direct avec la nouvelle infraction poursuivie, ce qui est contraire aux principes fondateurs du droit pénal.

Bien sûr, les jeunes ne sont pas oubliés dans ce projet. Parmi les dispositions adoptées, le couvre-feu pour les mineurs et le contrat de responsabilité parentale sont deux mesures symboliques qui susciteront sans doute de vrais débats.

Le ministre de l'intérieur avait annoncé, à la surprise générale, son souci d'instaurer un couvre-feu général pour les mineurs délinquants de treize ans, sans que rien dans l'actualité ne justifie une telle disposition. Face aux réactions sur la possible inconstitutionnalité d'une interdiction d'aller et venir imposée aussi largement à toute une partie de la population, vous avez été invité à mieux tenir compte de la jurisprudence du Conseil d'État. Dès lors, il a été décidé que cette disposition serait mise en place par les préfets, département par département. Les préfets « pourront restreindre la liberté d'aller et venir des mineurs de treize ans » non accompagnés sur la voie publique, entre vingt-trois heures et six heures du matin « s'ils les jugent exposés à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité ». Certes, la décision préfectorale devra être motivée au regard des considérations locales et ne vaudra que pour une période limitée. Mais alors que cette disposition est prise dans l’intérêt de la sécurité du jeune, la nouveauté réside dans le fait qu'elle concerne l'ensemble des jeunes de treize ans, délinquants ou non. Sans vouloir être sarcastique, ironique, ou interrogatif, je rappelle qu’il y a des enfants délinquants avant et après treize ans. En quoi un enfant de treize ans pose-t-il plus de problème qu’un enfant de douze ou quatorze ans? Je reviendrai sur cet article 24 bis car je ne comprends pas pourquoi il ne s’appliquerait qu’aux enfants de treize ans. C’est pour le moins curieux, et l'on comprend que ce projet de loi n’est qu’un texte d’affichage motivé par des soucis électoralistes, à quelques semaines des élections régionales.

Quelle innovation cette disposition apporte-t-elle au regard du droit actuel? Aucune. En effet, un enfant de treize, voire quatorze ou quinze ans, trouvé par la police ou même par un simple quidam, isolé dans la rue au cœur de la nuit, doit être conduit au commissariat pour que ses parents soient prévenus. Et si ces derniers s’avéraient injoignables, ou hors d'état de faire face à la situation, alors il doit être confié par le parquet à l'aide sociale à l'enfance. Ne pas réagir devant un enfant esseulé dans la nuit dans la rue relève de la non-assistance à personne en danger et peut valoir cinq ans d'emprisonnement.

Tout comme les quelques arrêtés municipaux instituant un couvre-feu qui ont vu le jour depuis une dizaine d'années sous le contrôle des tribunaux administratifs, ce texte n'apporte rien sur le plan juridique. Il se veut un rappel formel de la loi civile à destination des parents et des enfants, et des obligations pesant sur la police et sur chacun d’entre nous.

Il sera intéressant de voir comment cette disposition va s'appliquer si elle est maintenue: comment le préfet décidera-t-il? Avec quels éléments? Devant quelle défense? Avec quels recours pour l'intéressé?

On aurait pu imaginer d'autres modes de communication pour rappeler aux parents leur responsabilité de surveiller et d'encadrer leur enfant, et rappeler aux enfants que leur place durant la nuit est chez eux, avec leurs parents. Il a plutôt été choisi de menacer les parents d'une amende de quatre cent cinquante euros. Ce n’est pas cette somme qui les amènera à instaurer ou restaurer leur autorité, ni à réaliser que seul dans la rue durant la nuit, leur enfant est en danger. Si la crainte d'une amende avait une telle vertu, ce serait fantastique.

Ce faisant, on fait l'économie d'une vraie campagne de communication sur les responsabilités parentales et le devoir de surveillance des parents, qui est plus étendu que ce que vise la loi.

Les horaires retenus ont-ils seulement un sens, et répondent-ils au souci de protéger les enfants? Pourquoi vingt-trois heure? Pourquoi pas vingt-deux, ou vingt-et-une heures? À ces heures, il serait normal que les enfants ne soient pas seuls dans la rue. Protéger les plus jeunes n'est-ce pas aussi l'opportunité de rappeler à certains parents qu'ils ne doivent pas sortir le soir en laissant seuls des enfants en bas âge au domicile, les plus âgés de dix à quatorze ans étant en charge de surveiller les plus petits? Une fois de plus, les rapports parents-enfants sont vus au détriment de la construction de la relation parents-enfants.

Dans le prolongement de la disposition sur le couvre-feu, la deuxième mesure ajoutée consiste à étendre les possibilités de recours au « contrat de responsabilité parentale ». Cette mesure, prise par le président du Conseil général, n'a de contrat que le titre puisqu'elle consiste à imposer aux parents un suivi social, accompagné d’une suspension des allocations familiales.

Or, la loi du 31 mars 2006 contient déjà ce type de disposition. Force est de constater qu'elle ne marche pas sur le terrain car elle est totalement contradictoire avec l'orientation moderne de l'action sociale en général, et de l'aide sociale à l'enfance en particulier, qui se veut une prestation de service proposée aux familles, et apportée avec leur accord.

Les présidents des conseils généraux répugnent d’ailleurs à mobiliser leurs travailleurs sociaux qui refusent, pour leur part – et c’est tant mieux –, d’être des « surveillants sociaux », mais se revendiquent « médecins du social ». Le contrat de responsabilité parentale entend instrumentaliser l'action sociale derrière le souci – par ailleurs légitime – de la prévention de la délinquance. Ce faisant, il fait peser le risque majeur de brouiller l'image du travailleur social, alors qu’il tente de gagner la confiance des parents et des enfants. Le danger est de renvoyer les travailleurs sociaux à l’image de contrôleurs sociaux à laquelle ils tentent d'échapper depuis quarante ans.

Par ce projet, le législateur montre une nouvelle fois qu'il a une singulière image de l'action sociale; il est dans l'incohérence par rapport à ses propres lois et va générer de la crispation et des résistances.

Quand je dis qu'il n’y a rien de neuf dans ce texte, je me trompe. Il y a un élément nouveau, qui permet au préfet de décider d'un couvre-feu individuel pour un jeune. On ne saurait mieux dire que le Gouvernement, n'a décidément pas confiance dans la justice, procureur et juge confondus.

Je terminerai avec les propositions de notre groupe en matière de renforcement des droits de la défense lors de la garde à vue, devenue un « instrument banal de procédure » selon l'aveu récent du Premier ministre.

Il est grand temps que soit instauré: la présence de l'avocat, dès la première heure, au cours des interrogatoires; le rétablissement de l'information systématique, en début de mesure, du droit de garder le silence; la généralisation de l'enregistrement audiovisuel des auditions; le droit d'accès, pour l’avocat, à l'intégralité du dossier de la procédure, et non aux seuls procès-verbaux d'auditions; la suppression des régimes dérogatoires, à l'exclusion des dispositions protectrices des mineurs; la présentation systématique de la personne mise en cause lors des prolongations de garde à vue, en présence de son avocat. De telles avancées sont d'autant plus nécessaires que: « Nous ne pouvons faire comme si la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme n'existait pas », comme l’a souligné avec emphase le chef d’État.

En effet, la Cour de Strasbourg a rappelé dans deux arrêts récents, Salduz contre Turquie du 27 novembre 2008, et Danayan contre Turquie du 13 octobre 2009, que toute personne retenue par la police doit pouvoir bénéficier d'une défense effective dès le début de sa privation de liberté.

Les termes de l'arrêt Danayan sont sans ambiguïté: « L'équité de la procédure requiert que l'accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ».

À l'heure où plus d'un Français sur cent a été confronté à la garde à vue pendant l'année écoulée – plus de 800000 gardes à vue –, il est urgent de mettre en conformité le code de procédure pénale avec le droit conventionnel et singulièrement avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Seule la présence de l'avocat, dès le début de la mesure de garde à vue, et son accès immédiat au dossier peuvent garantir au prévenu un procès équitable.

Sachons écouter les professionnels de la justice qui réclament cette mise en conformité et plutôt que de prendre des mesures répressives et réductrices des libertés, réfléchissons, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale à venir, à un renforcement radical des droits de la défense pour parvenir à une véritable égalité.

Il serait grand temps que le Gouvernement tire toutes les conséquences de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l'homme sur la régularité des gardes à vue.

Depuis septembre2001, de nombreux pays, dont le nôtre, ont adopté des stratégies de protection contre le terrorisme, présentées au grand public comme impliquant nécessairement plus de surveillance de chaque individu. Un tel lien de cause à effet n'a pas été démontré de manière scientifique, mais il n'en demeure pas moins que ces technologies sont devenues à la mode sous l'exemple et parfois la pression américaine. Nous devons ainsi à la précédente administration du président Bush la généralisation des passeports biométriques. Dans le même temps, nos concitoyens ne sont pas suffisamment informés de l'existence même de ces technologies d'identification. Parmi les nouveautés que présentent ces technologies, leur discrétion est sans doute l'une des plus inquiétantes.

L'attachement des Français aux institutions de protection des données personnelles et à la possibilité de sauvegarder leur vie privée est bien réel, comme le prouve la récente mobilisation contre la mise en place des fichiers EDVIGE. S'ils n'expriment pas les mêmes craintes à l'égard des nouvelles technologies de surveillance, c'est parce qu'ils n'en mesurent pas l'impact, notamment en termes d'atteinte à la vie privée.

L'adoption de mesures sécuritaires par les États s'effectue toujours dans l’urgence, sous l’emprise d’un contexte émotionnel très fort. Ce texte ne déroge pas à la règle, et notre groupe le regrette. Ce n'est ni dans l'urgence ni dans l'émotion que les libertés privées peuvent être préservées. À la lecture de ce projet auquel il ne faut pas oublier d'ajouter les projets de 1999, 2005 et 2006, portant sur des questions de sécurité sur le plan national. Nous devons prendre conscience que l’objectif est de criminaliser tout type d'activité, y compris celles qui ont pour base la motivation politique.

Au travers de ce projet qui limite les libertés publiques et individuelles, la fonction du droit est, non plus de changer le système juridique ou même de l'améliorer, mais d'être un instrument de répression politico-idéologique et de remise en cause des droits politiques et civils.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. La sécurité est un droit essentiel pour chacun de nos compatriotes. Sans la sécurité, il n’est pas possible de profiter des autres droits et libertés. Comment envisager le quotidien quand on ne peut pas sortir de chez soi le soir, ni aller travailler sans craindre d’être cambriolé? Comment prendre sa voiture avec la crainte que l’automobiliste en face ne commette une infraction grave à l’origine d’un accident?

Ces éléments du quotidien font que nos concitoyens considèrent que la sécurité est essentielle, et qu’il est du devoir de l’État de leur assurer le droit à la sécurité. Pour cela, il faut des moyens humains, matériels et juridiques.

En préalable à mon propos, je souhaite rendre un hommage plus particulier à l’ensemble de nos concitoyens qui assurent des fonctions de sécurité, policiers et gendarmes au premier chef. C’est une mission difficile, et leur engagement peut aller jusqu’au sacrifice suprême: celui de la vie. Tous les ans, nombre de gendarmes ou de policiers meurent en service pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Le parallèle peut être tiré avec nos forces armées, car, à bien des égards, les missions qu’accomplissent nos soldats en opérations extérieures et nos policiers et gendarmes relèvent d’une forme de continuum de la sécurité intérieure et extérieure, tel que l’a établi le Livre blanc de la défense et de la sécurité.

Le caractère multiforme des menaces qui pèsent sur notre pays, et particulièrement le terrorisme, nous fait prendre conscience de l’importance de ne pas dissocier les éléments relatifs à la sécurité intérieure et à la sécurité extérieure. Pour cela, la notion de recherche d’information est essentielle.

Participant, voilà quelques années, à une mission parlementaire au Kosovo, j’ai pu constater sur le terrain la nécessité de ne pas conserver au cœur de l’Europe une zone de non droit. En effet, cette situation avait des conséquences jusqu’en France. Sur place l’action menée par nos gendarmes a été essentielle, notamment en matière de recherche d’informations. Les ramifications de divers réseaux mafieux ou islamistes sur notre territoire ont ainsi pu être découvertes grâce à l’identification de véhicules suspects.

Tout comme les formes de l’insécurité, la délinquance évolue et change de forme. Il est donc logique, et même légitime, que nous adaptions les outils juridiques destinés à répondre à ces évolutions. Celles-ci peuvent être technologiques mais aussi humaines: il est clair que la maturité des délinquants mineurs n’est pas la même aujourd’hui que dans les années 1950.

Je ne rentrerai pas dans le détail comme l’a fait Jean-Christophe Lagarde dans son intervention d’une très grande qualité.

M. Thierry Benoit. Vous ferez aussi bien!

M. Philippe Folliot. Il reste que groupe Nouveau Centre et apparentés est profondément convaincu que la liberté et la sécurité ne doivent pas être opposées. Il faut, au contraire, trouver le juste équilibre entre l’exigence de liberté et la nécessité de la sécurité.

Ce projet de loi met en place des outils juridiques et des moyens qui prennent en compte les nouvelles technologies.

Ainsi, la vidéosurveillance, ou vidéoprotection, est seulement un outil qui doit être reconnu comme tel mais qui ne constitue pas l’alpha et l’oméga de la politique menée en matière de sécurité. Nous devons, en tout état de cause, veiller à ce que le tout-technologique ne se substitue pas à l’humain. Quel que soit le nombre de caméras que l’on installera, rien ne remplacera le contact de terrain du policier ou du gendarme.

M. Serge Blisko. Mais il n’y en a plus!

M. Philippe Folliot. En tant que vice-président de la commission de la défense, je suis sensible aux questions militaires. Or, en matière de politique de défense, le tout-technologique a échoué, comme l’a montré le choix des États-Unis de mener une guerre fondée sur la technologie au détriment de l’humain.

M. Manuel Valls. Très bien!

M. Philippe Folliot. Au combat, l’entraînement, la valeur et la motivation des hommes priment sur la qualité des matériels. À certains égards, les événements d’Afghanistan sont riches en enseignements: les alliés ont dû adapter leurs méthodes pour tenir compte des réalités humaines.

Il serait donc irresponsable de rejeter la vidéo, mais il faut savoir que cet outil ne constitue pas la panacée.

De la même façon, les fichiers et toutes les sources d’informations doivent être mieux utilisés. Dans le respect des libertés individuelles, il faut pouvoir les croiser pour améliorer l’efficacité des forces de police et de gendarmerie sur le terrain.

Chacun ne peut que se féliciter des avancées du projet de loi qui permettront aux forces de l’ordre, grâce à des nouveaux moyens technologiques, de fermer ou de hacker préventivement des sites pédopornographiques.

Alors que l’e-économie se développe, les dispositions relatives à l’utilisation frauduleuse de l’identité sur internet concernent de nombreux Français. Il en est de même de celles visant la délinquance ayant trait à la captation de données à distance.

L’utilisation proposée par le projet de loi de la visioconférence permet un usage positif et rationnel des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Aujourd’hui, 1200 fonctionnaires, essentiellement des gendarmes, sont mobilisés par des tâches d’extractions judiciaires, qui, pour nombre d’entre elles, ne sont vraiment justifiées. Les solutions proposées par le projet de loi constituent réellement un progrès.

En ce qui concerne les questions de sécurité quotidienne et de prévention de la délinquance, j’émets, à titre personnel, quelques réserves quant à la généralisation du couvre-feu pour les mineurs.

Il me semble que cet outil peut être utilisé de manière ponctuelle et avec parcimonie. Nous devons donc veiller à ce que sa mise en œuvre soit encadrée afin qu’il en soit fait usage à bon escient. J’espère que l’examen du projet de loi permettra de le faire évoluer en ce sens.

L’aggravation des peines pour ceux qui ont porté atteinte aux personnes vulnérables est une bonne chose.

Notre collègue Jean-Christophe Lagarde a fait adopter en commission des lois un excellent amendement concernant les arrestations des personnes soumises à une procédure d’extradition.

Monsieur le ministre, nous nous rencontrons une fois par an, lorsque nous assistons à la finale du championnat de France de rugby. Depuis trois ans, vous venez encourager une équipe dont la persévérance n’a malheureusement pas été récompensée de ses efforts …

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le ministre est atteint du syndrome de l’échec! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. J’espère que, lorsque nous nous retrouverons au mois de juin, l’ASM sera opposé au Castres olympique… et que l’histoire se répétera pour une quatrième fois. (Sourires.)

Cela dit, il faut surtout que nous constations l’existence d’une différence majeure entre le rugby et le football en ce qui concerne les violences dans les enceintes sportives. Elle montre que la pédagogie est nécessaire: le travail de la fédéra tion française de rugby et la culture propre à ce sport permettent aux uns et aux autres de se respecter, et les supporteurs des équipes adverses peuvent assister aux matchs sans qu’il soit nécessaire de les séparer.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai!

M. Philippe Folliot. L’article 32 traite des polices municipales. J’émets à nouveau quelques réserves car, en matière de politique de sécurité, il me paraît nécessaire que l’État garde la main.

Les polices municipales peuvent constituer un outil complémentaire, mais nous devons veiller à ce qu’elles ne se substituent pas trop à l’État. Il ne faut pas que nous créions une société où les communes riches pourraient assurer la sécurité de leurs habitants en recrutant de nombreux policiers municipaux, tandis que les communes pauvres n’y parviendraient pas.

Beaucoup a déjà été fait en matière de sécurité routière ou en ce qui concerne la lutte contre les criminalités organisées. Les groupements d’intervention régionaux ont permis de mener une action globale contre les réseaux mafieux ou les économies parallèles. Les mesures relatives à la vente des biens saisis sont donc positives.

Je veux aussi évoquer les questions de défense et de gendarmerie.

La LOPSI avait donné lieu à une iniquité de traitement flagrante entre la police et la gendarmerie. La police bénéficiait d’une annualisation et de 250 millions d’euros par an, ce qui n’était pas le cas de la gendarmerie. Aujourd’hui, il me semble essentiel que les 11,5 milliards d’euros annuels de la mission « Sécurité » se répartissent de façon équilibrée entre la police et la gendarmerie.

Certes, tant que vous serez là, monsieur le ministre, je n’aurai pas de soucis. Mais deux forces cohabitent au sein du même ministère, l’une, civile et syndiquée, et l’autre, militaire et soumise à un devoir de réserve. Le rôle du ministre est donc essentiel pour maintenir entre elles un équilibre, notamment en ce qui concerne, par exemple, les profils de carrières.

Le projet de loi permettra d’opérer une mutualisation positive des moyens techniques et logistiques. Je pense aux matériels aériens, nautiques ou blindés des deux forces; aux bornes de signalisation par empreintes digitales de la police qui seront mises à la disposition de la gendarmerie; aux moyens de communication et de logistique. Là encore, cette évolution doit respecter un équilibre.

Le portage commun de certaines prestations de soutien constitue aussi un progrès. Il en est de même de la reconnaissance des savoir-faire, comme ceux de la gendarmerie mobile – dont le centre d’entraînement de Saint-Astier est cité dans le rapport annexé au texte. On peut aussi évoquer l’équipement et la maintenance du parc automobile commun, ou encore la réponse à la menace nucléaire, radiologique, biologique et chimique – je pense, en particulier, à l’unité de gendarmerie de Satory dont les qualités sont unanimement reconnues.

Dans le domaine des ressources humaines, des actions conjointes seront, bien entendu, menées. Je pense notamment à la formation des personnels civils de la gendarmerie, qui sera commune à celle de la police. Toutefois, ces deux forces sont fondamentalement différentes. C’est pourquoi, si nous devons veiller à favoriser certaines mutualisations et à créer des passerelles, il convient néanmoins d’agir avec prudence dans la définition d’un tronc commun et de prévoir quelques garde-fous.

Je me félicite que soit reconnu le savoir-faire de la gendarmerie en matière de formation des cavaliers, des maîtres-chiens et des plongeurs et je note avec satisfaction que les progrès technologiques sont pris en compte, notamment pour les équipements, qui seront mieux adaptés, et les tenues. Sur ce denier point, monsieur le ministre, je vous demande d’être vigilant quant aux procédures d’alotissement, afin que nos entreprises puissent répondre aux appels d’offres. Par le passé, on a en effet constaté quelques dérives et un recours systématique aux importations.

En ce qui concerne les armes, les moyens d’observation nocturne ou la vidéo embarquée, des progrès seront faits pour établir un schéma commun aux deux forces.

S’agissant de la procédure ATHENA, qui s’applique lors des grands événements, n’oublions pas, monsieur le ministre, le rôle déterminant joué par la réserve de la gendarmerie,…

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Absolument!

M. Philippe Goujon. C’est très important!

M. Philippe Folliot. …dont la présence garantit bien souvent la réussite de ces grands événements.

Il convient également de saluer le regroupement des services de l’institut de recherche et de criminologie de la gendarmerie nationale à Pontoise.

Par ailleurs, vous prévoyez une modernisation des systèmes d’alerte, grâce à l’utilisation des SMS. Encore faut-il se trouver dans une zone couverte par le réseau téléphonique, ce qui, hélas! n’est pas le cas dans de nombreux territoires ruraux. Néanmoins, le service et l’accueil des victimes seront améliorés, grâce à la dématérialisation des procédures, et c’est un élément essentiel.

Quant à la politique de sécurité routière, elle répond à une attente de nos concitoyens. À cet égard, les mesures relatives à la confiscation des véhicules sont importantes. Encore faut-il que le réseau routier soit adapté, mais c’est un autre sujet.

Le recentrage des activités des gendarmes et des policiers sur leur métier permettra une gestion rénovée – j’ai fait allusion tout à l’heure à la problématique des personnels civils. Toutefois, s’agissant de la gendarmerie, un élément fondamental apparaît comme le grand oublié de ce projet de loi d’orientation: l’immobilier, dont, lorsque la gendarmerie était rattachée au ministère de la défense, nous avions coutume de dire qu’il était le « système d’arme » de la gendarmerie. Or, trop longtemps, l’immobilier a servi de variable d’ajustement dans le budget général, voire dans celui de la gendarmerie. Cette situation n’a que trop duré, les écarts sont trop importants. Un tiers du parc des brigades de gendarmerie est ainsi jugé, par la gendarmerie elle-même, très dégradé, voire vétuste. Pour avoir exercé dans une vie professionnelle antérieure des activités dans le secteur du logement social, je puis vous dire que j’ai visité des logements occupés par des gendarmes qu’aucun bailleur social n’oserait mettre en location.

S’agissant de la valorisation des carrières et des personnels, il faut poursuivre les efforts engagés, notamment à travers le PAGRE, qui est un élément essentiel pour parvenir à une parité globale avec la police et en finir avec le tiraillement traditionnel de la gendarmerie entre l’armée de terre et la police. Au reste, vous avez dit vous-même à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que des passerelles seraient mises en place entre ces deux systèmes parallèles. Ainsi, l’herbe étant toujours plus verte dans le champ du voisin, les policiers qui souhaiteront devenir gendarmes le pourront et, inversement, des gendarmes pourront devenir policiers. En tout état de cause, cela doit se faire dans le respect de la diversité des parcours et des histoires.

Enfin, je veux dire quelques mots des dispositions concernant plus spécifiquement la défense, qui s’inscrivent dans le droit fil du Livre blanc. Les règles applicables aux régimes d’accès aux installations d’importance vitale seront modifiées. On dénombre sur le territoire national 2000 points sensibles, qui méritent une attention particulière: bâtiments publics, centrales nucléaires, usines d’armement, grands centraux de télécommunication, gares, ports et aéroports. Nous approuvons ces nouvelles règles, qu’il s’agisse de l’accréditation des opérateurs ou de la consultation d’autorités administratives.

Par ailleurs, certaines remarques sur la protection de nos agents de renseignement m’ont paru déplacées et désobligeantes. Il est en effet nécessaire d’assurer, comme cela est prévu dans le texte, la protection juridique de ceux de nos concitoyens qui sont engagés dans ce métier particulièrement difficile et sensible. Je pense notamment à la normalisation des usages d’une identité d’emprunt et aux sanctions pénales encourues par ceux qui concourraient, d’une manière ou d’une autre, à fragiliser nos agents de renseignement.

Nous approuvons également l’encadrement des activités privées d’intelligence économique, qui sera assuré par la délivrance par le ministre de l’intérieur d’un agrément tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales; une évaluation est nécessaire.

En conclusion, je veux rappeler que la politique de sécurité doit être équilibrée. Elle doit ainsi couvrir l’ensemble du territoire national. Si la situation est particulièrement tendue dans certaines zones urbaines, notamment en banlieue, n’oublions pas les territoires ruraux, monsieur le ministre! Le même fait sera perçu différemment selon qu’il se sera produit en ville ou en milieu rural, où l’on est habitué à vivre dans une certaine quiétude. D’autant que nous faisons face actuellement à des phénomènes de délinquance itinérante.

Ainsi que je l’indiquais au maire de Castres lors d’une réunion du conseil municipal consacrée à la vidéoprotection, la sécurité repose sur quatre piliers: la prévention, la dissuasion, la répression et la réinsertion. Le projet de loi permet de doter les dispositifs de dissuasion et de répression de moyens supplémentaires. Il nous appartiendra de faire en sorte que, dans des textes ultérieurs, la prévention et la réinsertion bénéficient du même traitement. Ainsi, les chiffres de la délinquance seront meilleurs, nos concitoyens vivront en toute sécurité et ils en seront plus heureux. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Quelle belle conclusion!

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je suis de ceux qui n’opposent pas sécurité et liberté…

M. Manuel Valls. Très bien!

M. Arnaud Robinet. …et qui croient que seul un juste accommodement entre ces deux valeurs fondamentales permette de les garantir. Il n’y a guère plus qu’à la gauche de cet hémicycle que l’on fait encore un enjeu idéologique (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Manuel Valls. Merci de nous réveiller!

M. Jean-Jacques Urvoas. Je ne regrette pas d’être venu!

M. Arnaud Robinet. …de ce qui devrait être, pour nous tous, l’évidence même.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui parvient à ce juste accommodement. Je pense notamment à ceux de ses articles qui encadrent la vidéoprotection. Favoriser raisonnablement le développement des caméras sur notre territoire tout en renforçant les garanties prévues pour préserver la vie privée des personnes, c’est ce que permet ce texte et c’est au fond exactement ce que veulent nos concitoyens.

Je le vois dans ma ville de Reims, où les habitants de certains quartiers, excédés par les incivilités et les déprédations, ne comprennent pas pourquoi la municipalité continue de leur refuser la vidéoprotection qu’ils demandent légitimement et qui a fait ses preuves en centre-ville. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Manuel Valls. Les municipales, c’est en 2014!

M. Arnaud Robinet. Grâce au plan de triplement du nombre des caméras sur le territoire et aux avancées permises par le projet de loi, la vidéoprotection sera vraiment mise au service de nos concitoyens. C’est un progrès pour la dissuasion, parce que les petits délinquants les plus futés sauront qu’il y a des caméras et y réfléchiront à deux fois avant de faire leurs mauvais coups.

M. Jean-Jacques Urvoas. Ils seront cagoulés ou ils iront ailleurs!

M. Arnaud Robinet. C’est aussi un progrès pour la répression, parce que de nombreuses infractions qui restaient auparavant impunies auront été filmées, ainsi que leurs auteurs.

M. Jean-Jacques Urvoas. Même Ciotti n’y croit pas!

M. Arnaud Robinet. La vidéoprotection est en cela un précieux auxiliaire des forces de l’ordre. Par exemple, il y a quelques mois de cela, à Reims (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC) , les caméras installées par la municipalité précédente ont encore permis à la police d’appréhender plusieurs voyous qui venaient de commettre un certain nombre d’agressions dans le centre-ville.

Prévention, protection, sécurité: voilà ce que les Français attendent de nous. C’est pourquoi je dirai oui à ce texte; c’est pourquoi la gauche, en ne le votant pas pour des raisons idéologiques (« Ah! » sur les bancs du groupe SRC) , continue de se tenir à l’écart des préoccupations des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Très bien!

M. Manuel Valls. Rendez-nous Ciotti!

M. le président. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne vous parlerai ni de gendarmerie ni de rugby (Sourires.)

M. Philippe Folliot. C’est dommage, ce sont deux sujets très intéressants!

Mme Marietta Karamanli. Le projet de loi, qui fixe les priorités s’agissant de la sécurité de nos concitoyens, est annoncé depuis 2008. Les menaces qu’il vise – pour certaines bien réelles – auront donc attendu près deux ans avant d’être examinées par la représentation nationale.

Je me permettrai de faire quatre observations, qui tournent toutes autour de deux questions: les mesures proposées sont-elles utiles, donc efficaces?

Mme Delphine Batho. Bonne question!

Mme Marietta Karamanli. La multiplication des moyens policiers est-elle par nature un gage d’efficacité?

Monsieur le ministre, dans l’exposé des motifs de votre projet de loi, vous indiquez que « la politique de sécurité intérieure ne saurait s’exonérer d’une obligation, continue et dynamique, de performance », tout en rappelant que « tant que le taux d’élucidation n’aura pas dépassé 50 %, délinquants et criminels bénéficieront de fait d’un avantage par rapport aux victimes. »

Membre du Conseil de l’Europe, j’ai souhaité consulter un rapport de 2008 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice. Il y est mentionné que la France présentait deux particularités – les données portent sur 2006 –: celui du nombre de plaintes enregistrées, plus de 5 millions, et celui du nombre d’affaires classées sans suite, 70 %.

Pour ne prendre que l’Allemagne, qui compte 82 millions d’habitants contre 66 millions pour la France, le nombre de plaintes était de près de cinq millions et le taux d’affaires classées sans suite de 26 %! Le fort taux de classement sans suites relevé en France était dû, dans près de trois millions de cas, à la non-identification des auteurs des infractions. Selon une étude à caractère sociologique faite il y a quelques années, les cas où les poursuites étaient envisagées correspondaient à des infractions où l’apparition du délit était directement liée à un constat de la police.

Cette observation vaudrait bien la création d’un vrai débat national, puisqu’elle tendrait à révéler l’existence d’un phénomène d’autosuffisance du système de poursuites, où les seules victimes seraient celles que le système désigne et pas forcément celles qui portent plainte! Le projet ne donne aucune explication sur la nature de ce dysfonctionnement majeur ni, évidemment, sur les mesures les plus adaptées pour répondre aux demandes de réparation et de sanction des justiciables, notamment des plus faibles.

Ce projet se veut un catalogue de dispositions visant à renforcer des moyens dont nous ne savons pas s’ils sont aptes à répondre aux dysfonctionnements mis en évidence. Pour paraphraser Woody Allen, nous pourrions dire que « le Gouvernement ne connaît pas la question posée mais il y répond! »

M. Serge Blisko. Bien vu!

Mme Marietta Karamanli. Ma deuxième observation porte sur l’absence de proportionnalité du dispositif en matière de cybercriminalité.

L’article 4 du projet prévoit une disposition de nature, nous dit-on, à lutter contre la pornographie pédophilique. Quelle maman, quel papa dignes de ce nom ne seraient pas d’accord avec la finalité de l’objectif? Toutefois, à y regarder de plus près, on se dit que l’idée gouvernementale ressemble plus à un expédient aléatoire visant à la suppression d’images qu’à un renforcement des moyens de répression proprement dits.

La demande de l’autorité administrative aux fournisseurs d’accès à internet de bloquer l’accès aux images et représentations pédophiles ne doit pas servir par défaut de politique de prévention et de lutte contre la pédophilie.

M. Serge Blisko. Exact!

Mme Marietta Karamanli. Le blocage administratif ne peut être que subsidiaire et intervenir une fois que les responsables de ces images ont été repérés et poursuivis et que l’ensemble des prestataires de services a été mis en demeure sans délai, mais de façon proportionnelle au regard de leurs responsabilités respectives, de faire cesser les faits délictueux ou criminels.

La technologie ne doit pas servir seulement à « effacer » de l’accès public des images à réprimer, elle doit être le support d’une lutte sans merci contre les trafiquants et exploitants sexuels. Selon certaines expériences, le blocage ne peut constituer à lui seul le vecteur de cette lutte, car il contient en lui-même un risque de « surblocage » – des sites n’ayant rien à voir avec ces diffusions pouvant être bloqués par erreur – ou de « sous-blocage » – le ou les sites visés échappant au blocage en recourant à divers expédients tels les sites miroirs, les changements d’adresse IP plus fréquents que la mise à jour de la liste noire, le contournement dit fastflux , une technique utilisée pour dissimuler des sites de phishing ou disséminateurs de malwares , ou des réseaux anonymisants de type TOR. Le dispositif gouvernemental apparaît donc inadapté et malheureusement inefficace.

Ma troisième observation porte sur l’absence de revue d’efficacité de la vidéoprotection.

Les articles 17 et 18 visent à aménager le régime juridique de la vidéoprotection, appelée naguère vidéosurveillance. Selon le projet, il s’agit de favoriser la réalisation du plan de triplement des caméras installées sur le territoire. Au Royaume-Uni, qui en compte plus que dans tout autre pays européen – 500000 à Londres contre 300000 en France –, Scotland Yard a conclu à leur globale inefficacité dans un rapport publié en 2008. Plusieurs études ont montré que, dans certaines zones, une même personne pouvait être filmée trois cents fois en une seule journée!

Fixer un objectif quantitatif sans réflexion préalable sur la nature des images, leur possible utilisation devant la justice, les aléas, notamment en termes de reconnaissance fine des personnes qui y apparaissent, en déléguer la possible utilisation à des personnes privées, c’est risquer de franchir le pas entre une surveillance de dissuasion et une paranoïa inutile. Je pèse mes mots: cette expression est celle utilisée par les nombreux opposants, y compris les conservateurs anglais, pour qualifier le système dans lequel la Grande-Bretagne s’est engagée sans résultats probants sur la criminalité, et dans lequel vous nous proposez de la suivre, monsieur le ministre. La Chambre des Lords elle-même a estimé qu’un tel système est de nature à miner les libertés fondamentales.

À tout le moins, votre projet aurait dû s’accompagner d’une obligation pour l’État de rendre compte d’un suivi et d’une évaluation réguliers devant le Parlement, afin d’estimer l’efficacité de cette généralisation, ses résultats dans la résolution des affaires pénales et la prévention des infractions, son coût et, in fine , l’estimation de l’équilibre entre ses possibles avantages et ses coûts et les risques qu’elle comporte pour les libertés publiques et individuelles. Or rien n’est prévu! En un mot, votre projet apparaît trop mal conçu pour être vraiment utile.

Ma quatrième observation est relative à l’urgence à tester des scanners dans les aéroports et l’absence de garanties données aux passagers.

Le projet tel qu’amendé va autoriser, à titre expérimental, le déploiement de scanners corporels dans les aéroports; cette technique sera proposée comme une alternative aux passagers qui refuseront des palpations plus poussées et devrait ainsi avoir pour effet de les inciter à l’accepter.

Je rappelle tout d’abord que le Parlement européen a souhaité une étude d’impact d’ensemble, de façon à ce que l’Union européenne adopte une position commune favorable à la sécurité et à l’efficacité des mesures à prendre; que la commission des affaires européennes de notre assemblée a exprimé sa volonté que le déploiement de tels dispositifs soit étroitement lié à la question de l’échange de données entre compagnies aériennes et États, question à traiter également au niveau de l’Union.

Dans l’hypothèse où une telle autorisation serait donnée – ce qui reviendrait à rendre légale une technique qui ne l’est pas à l’heure actuelle –, je souhaite vivement que la période d’expérimentation soit limitée strictement; qu’il soit précisé que l’enregistrement des données est interdit; que la consultation des clichés soit rendue impossible pour n’importe quel tiers hors l’agent autorisé.

Pour terminer, monsieur le ministre, vous nous direz certainement que votre projet n’a rien d’attentatoire aux libertés et doit permettre à chacun de vivre libre et sans crimes. Nous vous rappellerons que toute atteinte aux libertés ne peut se justifier que si elle est proportionnée à l’objectif de sécurité qu’elle poursuit, uniquement à la condition que cet objectif soit clairement défini et que cette atteinte permette de lutter efficacement contre le crime et la délinquance, et pas seulement contre la peur qu’ils suscitent. À cet égard, votre loi n’apparaît ni bien conçue ni efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Souchet.

M. Dominique Souchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité est aujourd’hui l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Assurer cette sécurité est une mission régalienne par excellence. Ce que constatent aujourd’hui nos concitoyens, c’est que les formes de la délinquance et de la criminalité s’accroissent et se diversifient en liaison directe avec la globalisation de l’économie, la suppression des contrôles aux frontières internes de l’Union européenne et l’échange permanent des informations.

L’État a donc le devoir de définir une palette de moyens humains, techniques, juridiques et financiers permettant à nos forces de sécurité de faire face aux nouveaux avatars de la délinquance. C’est là l’objet même de ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2.

Ce projet peut paraître, à première vue, décousu, mais il comporte en réalité un fil rouge, consistant en l’ambition de traiter l’ensemble des formes de violence qui menacent aujourd’hui nos concitoyens, et de définir pour chacune d’entre elles une réponse appropriée. Il s’agit de partir des nouvelles formes de délinquance dont sont victimes nos concitoyens, telles qu’elles sont effectivement constatées sur le terrain, pour édicter non pas une règle unique qui serait inopérante, mais une multitude de mesures complémentaires, chacune étant adaptée au type de délinquance auquel les Français sont aujourd’hui exposés et confrontés. Vous avez vous-même, monsieur le ministre, tenu à densifier ce texte – ainsi, d’ailleurs, que notre commission des lois – et nous allons poursuivre sur cette voie.

En ce qui concerne, par exemple, la violence dans les stades, qui prend des proportions inquiétantes, il est important d’adopter des mesures véritablement dissuasives. C’est pourquoi j’ai apporté mon soutien aux amendements qui vont être déposés après l’article 23, visant à aggraver les peines encourues par les supporters violents.

La loi doit, bien évidemment, tenir compte des évolutions démographiques qui affectent notre société. L’accroissement du nombre de personnes âgées et l’augmentation des agressions dont elles sont victimes doivent nous inciter à renforcer, là encore, le caractère dissuasif de la loi, donc à réprimer plus sévèrement les cambriolages et les vols dont les victimes sont les personnes les plus vulnérables. Un amendement du Gouvernement le prévoit, ce dont je me réjouis.

L’ambition de la loi est également de moderniser l’organisation de nos politiques de sécurité, c’est-à-dire de mettre les progrès technologiques au service de la sécurité des Français. Cela implique de faire évoluer les modes d’action de notre politique de sécurité, par exemple de renforcer la vidéoprotection ou de permettre la captation par nos forces de sécurité des données informatiques à distance, comme le prévoit, à juste titre, ce projet de loi.

Nous devons donc renouveler en profondeur nos modes d’action, tout en veillant à préserver ce qui fait l’excellence de nos forces de l’ordre. À cet égard, contrairement à la LOPSI 1 de 2002, qui avait permis de créer 6200 postes de policier et 6050 postes de gendarme, ce nouveau projet de loi n’aborde pas la question des effectifs.

M. François Pupponi. Eh non! Ils ne sont pas masos, tout de même!

M. Dominique Souchet. Or il me semble essentiel que nos concitoyens puissent disposer d’une visibilité concernant le format des forces de sécurité pour les années à venir.

Il ne s’agit pas, de ma part, de demander des créations de postes qui seraient incompatibles avec notre situation budgétaire. Néanmoins ce projet de loi ne pourrait-il pas, ne devrait-il pas garantir une stabilisation des effectifs des forces de sécurité? Dans la mesure où les missions que doivent assumer policiers et gendarmes se multiplient et se diversifient, il me semble que, comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues en commission, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne devrait pas leur être appliquée mécaniquement. Une telle décision aurait le mérite de rappeler que la sécurité est bien un droit inaliénable et que, de ce fait, sa protection ne peut être traitée par le biais d’une règle qui a ses mérites, mais ne peut pas être appliquée de manière indifférenciée.

Les forces de l’ordre sont garantes de la sécurité et de la liberté de nos concitoyens. Dans notre pays, elles sont organisées selon un schéma dualiste qui a prouvé toute son efficacité et une heureuse complémentarité. L’existence des deux corps reste, aujourd’hui comme hier, parfaitement justifiée par la pluralité des missions et la complémentarité des compétences. Elle permet une saine émulation entre policiers et gendarmes et constitue une garantie démocratique.

Il est certain que toutes les économies d’échelle doivent être recherchées. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, auquel je n’étais personnellement pas favorable, a été décidé principalement dans cette perspective. Il faudra prendre garde que, à la faveur de ce transfert, le concept original, que de nombreux pays nous envient, de force de police à statut militaire, ne soit progressivement altéré.

Je suis inquiet lorsque j’entends certains responsables de syndicats de policiers prétendre que « rapprochement » et « complémentarité » sont synonymes de fusion. Il faudra veiller avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre, à ce que l’objectif de mutualisation ne se transforme pas, par glissements successifs, en processus de fusion. Si la gendarmerie venait à perdre sa culture et ses valeurs propres, si les préoccupations corporatistes venaient à prévaloir sur le sens du service public et le devoir de loyauté, nous aurions tout à y perdre.

Il est indispensable que, par-delà le socle commun qui réunit police et gendarmerie – leur mission de sécurité intérieure‚–, nous gardions deux institutions distinctes dans leur organisation et leur fonctionnement. L’uniformisation des formations, des organisations, des statuts, des missions et la suppression de la formation militaire de base des gendarmes produiraient en effet un nivellement dont il n’est pas sûr que la sécurité des Français serait bénéficiaire.

Je suis particulièrement attaché, comme beaucoup de nos collègues, au modèle de proximité de la gendarmerie, avec son statut militaire, parce que j’ai constaté sur le terrain sa remarquable efficacité. Il faut absolument que nous conservions, en particulier dans nos départements ruraux, cette culture de proximité avec le territoire et la population que la gendarmerie a élaborée et tissée à travers les siècles.

En effet, c’est une composante de notre identité nationale, dont nous venons de débattre. Elle constitue un instrument irremplaçable de sécurisation de nos concitoyens, aujourd’hui comme hier, car la délinquance est de plus en plus mobile et choisit souvent de se développer en milieu rural pour échapper aux zones urbaines, davantage quadrillées. L’importance des prises de drogue effectuées récemment dans les zones rurales l’atteste par exemple.

Nous devons donc faire attention de ne pas dépouiller inconsidérément nos brigades opérant en zones rurales: la sécurité des Français, qu’ils soient ruraux ou urbains, n’aurait rien à y gagner.

M. Manuel Valls. Voilà la vérité!

M. Dominique Souchet. Je veux donc, monsieur le ministre, saluer vos efforts pour moderniser les moyens d’action de nos forces de l’ordre. Cependant, les résultats en faveur de la sécurité des Français ne seront au rendez-vous que si, en même temps, est maintenu le caractère opérationnel de nos forces de sécurité, dans le respect de leurs compétences et de leurs statuts respectifs, mais aussi de leurs moyens.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. François Pupponi. Les cages d’escalier vont se vider! (Sourires.)

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de nouvelles menaces et de nouveaux risques apparaissent. Cet environnement changeant interdit tout immobilisme, comme il nous oblige à revoir nos modes de pensée.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Très bien!

M. Philippe Goujon. Adapter notre arsenal législatif aux nouvelles formes de délinquance et de criminalité, c’est ce que fait le Gouvernement avec constance depuis2002. Se dire qu’on va légiférer une fois pour toutes reviendrait tout simplement à tenter vainement de s’abriter derrière une nouvelle ligne Maginot. Ce serait commettre là une faute inexcusable et s’apprêter à perdre la guerre contre l’insécurité.

L’adaptation des lois pénales a été l’une des clés du succès de la politique de sécurité depuis2002 et la proposition de loi contre les bandes nous a encore permis de franchir très récemment, grâce à mon cher collègue M. Ciotti, une nouvelle étape utile. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Bartolone. Mieux vaut entendre ça que d’être sourd!

M. Philippe Goujon. Absolument, mes chers collègues de l’opposition! Je confirme et persévère!

Aujourd’hui, nous accomplissons un saut qualitatif, le « toujours plus » cédant la place au « toujours mieux », gage d’une meilleure sécurité de nos concitoyens à un meilleur coût. La recherche de l’efficience constitue un tournant majeur de notre politique de sécurité intérieure. La rupture technologique que consacre ce projet de loi accélérera la poursuite de la baisse de la délinquance et l’amélioration du taux d’élucidation, sans pour autant augmenter le format des forces de sécurité.

Rappelons néanmoins que leur nombre n’a jamais été aussi élevé que depuis que Nicolas Sarkozy est arrivé place Beauvau, avant de devenir Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Alain Bénisti. Parfaitement!

M. Philippe Goujon. Qui plus est, le métier de policier s’est transformé, mes chers collègues. Il n’y a que vous qui ne le voyez pas.

Même si nous l’avions dénoncée d’emblée tant elle était éloignée de la réalité du terrain, la fiction du policier généraliste – car ce n’est qu’une fiction‚–, capable de jouer au foot et en même temps de traquer les délinquants (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), telle qu’elle a été idéalisée au colloque de Villepinte a échoué, conduisant à l’explosion de la délinquance du temps – souvenez-vous!‚– de la naïveté du gouvernement Jospin.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Très bien!

M. Philippe Goujon. Aujourd’hui, ce qui fonctionne au contraire – il faut vous faire à cette nouvelle conception et à la réalité qu’elle recouvre‚– c’est l’hyperspécialisation, comme pour la lutte contre la cybercriminalité. De plus, dans un contexte budgétaire contraint, la recherche de la performance est la priorité.

M. Manuel Valls. Lui, au moins, il dit la vérité!

M. Philippe Goujon. La performance est aussi organisationnelle, avec l’approfondissement de la mutualisation et de la coopération entre les forces. C’est tout le sens du rattachement effectif de la gendarmerie au ministère de l’intérieur – ce qui n’est pas une fusion, et ne le sera pas non plus à l’avenir‚– et de la création de la police d’agglomération. Celle-ci mérite d’ailleurs de faire école; elle ne dessert pas du tout Paris, bien au contraire, car elle a déjà donné des résultats, notamment le 31 décembre dernier – nous étions d’ailleurs ensemble sur le terrain, monsieur le ministre‚–…

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Souvenir inoubliable! (Sourires.)

M. Philippe Goujon. …avec 20 % de voitures incendiées en moins dans le Grand Paris. Bravo, monsieur le ministre de l’intérieur, pour ce premier succès! (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Le renforcement des moyens de la police technique et scientifique permettra de passer de la religion de l’aveu à celle de la preuve, et d’améliorer encore les taux d’élucidation, qui ont d’ailleurs doublé depuis que la gauche n’est plus au pouvoir. Le passage à une police technique et scientifique de masse, qui bénéficiera à tous nos concitoyens, permettra de lutter beaucoup plus efficacement contre la petite et moyenne délinquance.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Bien sûr!

M. Philippe Goujon. Cela implique d’ailleurs de moderniser les grands fichiers d’identification comme le fichier automatisé des empreintes digitales – le FAED‚– et le fichier national automatisé des empreintes génétiques, ou FNAEG, afin de tendre vers 100 % de signalisation.

L’évolution technique, avec la géolocalisation des véhicules de police, la lecture automatisée des plaques d’immatriculation, la dématérialisation des contraventions ou le dépôt de pré-plaintes en ligne par exemple, optimisera les moyens. On peut dire en quelque sorte que la vidéo-protection, pour sa part, est à la sécurité ce que la police technique et scientifique est à la police judiciaire: elle permettra d’améliorer encore davantage les taux d’élucidation et réduira la délinquance, comme dans toutes les villes où elle est implantée. Elle économisera de surcroît des effectifs en les proportionnant lors des interventions. Il nous faudra, à ce sujet, rattraper notre retard et accélérer, comme le souhaite le Président de la République, l’équipement de nos villes.

Enfin, monsieur le ministre, vous avez apporté des modifications substantielles à ce projet de loi par rapport à la version du printemps dernier, en réécrivant notamment le rapport annexé à l’article 1 er . Éric Ciotti a lui aussi fait preuve d’une réelle créativité sur ce projet.

Je retiendrai deux dispositions majeures.

D’une part, vous mettez très justement l’accent sur la répression des cambriolages et des atteintes aux personnes vulnérables.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Bien sûr!

M. Philippe Goujon. Pour mieux assurer la sécurité du million et demi de personnes âgées ayant au moins quatre-vingt-cinq ans que compte notre pays, j’ai déposé un amendement, avec Édouard Courtial, afin qu’une interdiction de séjour puisse être prononcée à titre de peine complémentaire à l’encontre de l’auteur d’un vol avec violence ou d’un vol au préjudice d’une personne vulnérable.

Les plus vulnérables, ce sont aussi les élèves qui ont à subir des violences à l’intérieur ou aux abords des établissements scolaires, comme le montre, malheureusement! l’actualité récente. Aussi comptons-nous sur le vote et l’application de la proposition de loi sur les violences de groupe, ainsi que de plusieurs dispositions du présent texte, pour y mettre fin.

D’autre part, un autre objectif nouveau de cette loi concerne la lutte contre le trafic de drogue: le plan global prévoit d’agir aussi bien contre les gros trafiquants que contre les dealers de proximité, complétant ainsi le plan de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.

À Paris, d’ailleurs, le préfet de police en a fait sa priorité et je pense que c’est de ces politiques que le maire de Paris aurait dû s’inspirer, plutôt que de proposer l’ouverture des salles de shoot

M. Manuel Valls. Les municipales n’auront lieu qu’en 2014!

M. Philippe Goujon. …ou de préconiser la légalisation de la consommation de cannabis, comme l’a fait M. Vaillant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Assumez, mes chers collègues!

La politique de sécurité doit être avant tout cohérente. Ce projet de loi, monsieur le ministre, est ambitieux et pragmatique; il se révèle ainsi à la hauteur des défis que nous devons relever. En dessinant les conditions d’une meilleure sécurité pour demain, il permettra de garantir partout et pour tous nos concitoyens ce droit fondamental qu’est la sécurité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour la performance de la sécurité intérieure, annoncé depuis2007, aurait pu être l’occasion pour le Gouvernement de tirer les enseignements d’une législation répressive aussi pléthorique qu’inefficace.

Vous auriez pu renoncer à une politique du chiffre, imposée aussi bien à la justice qu’à la police, dont les missions et les objectifs sont supplantés par une culture du résultat, au service d’une stratégie de communication et d’affichage manipulant des statistiques – arrestations, gardes à vue‚– qui n’expriment en rien les compétences de ces institutions, qui sont réelles, et leur efficacité, qui pourrait être augmentée.

Vous auriez pu amorcer un changement de cap dans les politiques d’État menées en matière de sécurité; vous auriez pu saisir enfin cette occasion pour annoncer une stratégie de sécurité publique reposant sur une meilleure territorialisation de l’organisation des dispositifs, sur une progression des effectifs, une augmentation des moyens et un déploiement des dispositifs.

Oui, vous auriez pu tout simplement reconnaître l’échec de votre politique en matière de sécurité depuis2002. Cet échec, la police le révèle, les magistrats le questionnent, les avocats le dénoncent et les Français le vivent et le subissent quotidiennement.

M. Manuel Valls. Très bien!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ainsi, votre projet de loi, parce que vous continuez à vous fourvoyer dans de vieilles recettes pour guérir des maux chaque jour renouvelés, porte les germes du prochain texte, tout aussi peu efficace, que vos services sont sans nul doute en train de préparer dans la perspective de la prochaine élection nationale.

Ce projet de loi s’inscrit dans la philosophie de tous les précédents: il produit moins de sécurité et plus de risques d’atteinte aux libertés.

M. Philippe Goujon. Quel aveuglement!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est aussi imprégné d’un parfum particulier: celui du renoncement. L’État se désengage de tous les secteurs publics en se défaussant, au mieux sur les collectivités territoriales, au pire sur les particuliers pour l’organisation de leur propre sécurité, y compris dans l’espace public. Ce sont là des signes inquiétants lorsque, jour après jour, les fonctions régaliennes sont entamées: justice, éducation, santé, logement; et je n’en cite que quelques-unes!

Si vous le permettez, je ne retiendrai que deux exemples dans votre projet de loi pour illustrer ce désengagement: les dispositifs relatifs à la vidéosurveillance et à la police municipale.

En autorisant des structures ou établissements privés à installer des systèmes de vidéosurveillance dans l’espace public, le Gouvernement ouvre la voie à une privatisation de la sécurité des personnes. Ce faisant, vous mettez le pied dans la porte. Vous avez beau dissimuler vos intentions, pour des raisons de marketing évidentes, derrière le vocable de « vidéoprotection », le contenu reste le même.

De vives réserves et de très grandes inquiétudes se sont manifestées sur cette espèce de délégation partielle au privé au nom de la réalisation du plan de triplement des caméras installées sur le territoire. C’est pourquoi, à travers nos amendements, nous voulons replacer le maire au cœur du dispositif. Nous entendons également confier à la CNIL le pouvoir d’autoriser et de contrôler des systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique, comme le recommandait d’ailleurs le rapport d’information déposé au Sénat par MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier en décembre2008.

M. Manuel Valls. Absolument!

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quant au renforcement des pouvoirs de la police municipale, il s’inscrit dans le même esprit et, pire, entretient une confusion très dommageable. Alors que la révision générale des politiques publiques a conduit à une réduction sans précédent des effectifs, compromettant certaines des missions premières de la police nationale, le Gouvernement souhaite tout simplement charger la police municipale de missions qui n’entrent pas dans les compétences du maire, de qui elle tient sa compétence et son autorité.

Je pense donc qu’il est utile de vous rappeler les fondamentaux.

En vertu de la loi, la police municipale est placée sous l’autorité directe du maire. Elle est chargée, par l’article2112‑2 du code général des collectivités territoriales d’assumer « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Elle n’a donc pas vocation à se substituer à la police nationale et ne dispose, selon la jurisprudence constante du Conseil d’État, d’aucune mission de maintien de l’ordre. Il s’agit d’une police de surveillance, de tranquillité publique et de service à la collectivité dans sa vie quotidienne, placée à la disposition des pouvoirs de police du maire, dans un lien de confiance avec les habitants qui en assument par ailleurs – je me permets de le rappeler‚– le financement.

C’est donc un outil de prévention, un instrument de sécurité et de tranquillité, qui a pour mission première la cohésion sociale. Après avoir supprimé avec dédain la police de proximité, vous mettez en cause la spécificité de la police municipale, ce qui est une preuve supplémentaire de votre méconnaissance des réalités de terrain et du mépris que vous avez envers les habitants. Or ceux-ci n’entendent pas que l’État leur fasse supporter dans ce cadre communal des charges qui relèvent de la compétence régalienne.

La police municipale, sous l’autorité du maire, ne doit pas être dévoyée, et vous ne pouvez pas commettre la faute – car il s’agira bien d’une faute‚– de faire courir le risque à cette police, ainsi qu’au maire, d’errements pires que le mal que vous prétendez combattre.

Les deux exemples que je viens de prendre illustrent l’égarement dans lequel le Gouvernement entraîne notre corps social, et, je le dis très fermement, nos communes, en cédant à son idéologie, en confondant l’enjeu de la sécurité publique – légitime et fondamental pour nos concitoyens – avec les stratégies partisanes qui, en définitive, inspirent toute son action. C’est autant à cette idéologie qu’à cette conception de l’État que nous voulons nous opposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, je ne reviendrai pas sur les principales avancées de ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Ce texte va dans le bon sens en confirmant la recherche de la performance, grâce notamment à une meilleure mutualisation des moyens entre nos deux forces de sécurité, en particulier pour ce qui est de l’acquisition des matériels.

Comme élu d’un territoire littoral et rural, je souhaite aussi réaffirmer fortement l’importance de la présence sur le terrain de la gendarmerie nationale, qui assure des missions de proximité auprès de nos concitoyens.

Beaucoup s’interrogent sur les missions qui seront confiées à l’avenir à cette arme, notamment dans les domaines de la police judiciaire, scientifique, ou encore dans la collecte, l’exploitation et l’analyse du renseignement. Je suis bien conscient, monsieur le ministre, que vous avez répondu à ces préoccupations lors de l’examen du texte relatif à la gendarmerie. Néanmoins, certaines inquiétudes demeurent perceptibles. C’est pourquoi je vous serais très reconnaissant des assurances que vous pourriez nous apporter à ce sujet.

Ce projet de loi renforce aussi les moyens de lutte contre la cybercriminalité, ainsi que les moyens de détection et de vidéosurveillance. Beaucoup de nos concitoyens vous en félicitent.

Pour ma part, je souhaite insister plus particulièrement sur l’introduction, après l’article 18, d’un amendement dont j’ai été l’auteur, comme co-rapporteur de la commission des affaires européennes sur la sécurité aérienne. Il propose, à titre expérimental, pour une durée limitée et, dans un premier temps, pour les voyageurs à destination des seuls États-Unis d’Amérique, un usage restreint des scanners corporels dans les aéroports, afin que les autorités françaises soient en mesure d’apprécier l’intérêt du déploiement de ces appareils.

Notre commission des lois a adopté cet amendement, qui est ainsi devenu le nouvel article 18  bis de cette LOPPSI. Je tiens à souligner que cet amendement a été repris et défendu par notre rapporteur Éric Ciotti, auquel j’exprime toute ma gratitude. J’ai aussi été sensible, monsieur le ministre, à l’appréciation que vous avez portée sur cette initiative.

Cet amendement s’inscrit dans la continuité d’une communication présentée au mois de décembre2008, avec notre collègue Marietta Karamanli, devant la commission des affaires européennes. Nous y avions souligné la difficulté, pour ne pas dire l’impossibilité légale, d’expérimenter de tels appareils.

En effet, la perspective du déploiement des scanners corporels en lieu et place des portiques de sécurité dans les aéroports européens provoque des réticences bien compréhensibles: ces équipements, qui permettent de reconstituer une image du corps humain débarrassé de ses vêtements, sont susceptibles de constituer une atteinte à l’intimité des passagers du transport aérien et aux libertés publiques.

Dans ces conditions, il semble préférable d’expérimenter ce dispositif en l’entourant de très fortes garanties, plutôt que d’attendre que ce genre d’appareils soient utilisés partout dans le monde et que la France soit, dans quelques années, contrainte par une directive européenne de les accepter.

Cet article prévoit que ces fouilles et visites ne pourront être réalisées qu’avec le consentement de la personne contrôlée, au moyen d’un dispositif d’imagerie utilisant les ondes millimétriques. En outre, pour garantir l’anonymat des personnes concernées, l’analyse des images visualisées sera effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de l’individu. Aucun stockage ou enregistrement des images ne sera autorisé. Enfin, un décret en Conseil d’État déterminera les aéroports et destinations pour lesquels le recours au contrôle par dispositif d’imagerie utilisant les ondes millimétriques sera autorisé.

Cet article 18  bis propose donc une expérimentation fortement encadrée, basée sur le volontariat, pour une durée de trois ans. Au vu des résultats de cette expérimentation, les pouvoirs publics seront en mesure d’apprécier l’utilité des scanners corporels, ainsi que la pertinence de la généralisation d’un tel dispositif au regard des libertés individuelles.

Cet article 18  bis est un article d’équilibre qui permettra d’assurer à nos compatriotes une meilleure sécurité, en particulier sur les vols transatlantiques qui connaissent des menaces croissantes. Il apportera aussi des garanties fermes en termes de libertés publiques et individuelles auxquelles nous sommes, sur tous ces bancs, très attachés.

Il s’inscrit donc bien dans l’esprit de ce projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui est un texte d’équilibre visant à garantir la sécurité de nos concitoyens, tout en respectant les libertés publiques.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Permettez-moi, tout d’abord de relever – à l’instar de ma brillantissime collègue Delphine Batho (Sourires) – que le texte que vous nous présentez aujourd’hui est plus proche d’un catalogue de mesures diverses que d’une véritable loi d’orientation. Or, dans ces mesures, la LOPPSI est marquée par l’imprécision des éléments qui concernent la gendarmerie.

C’est dommage, car ce débat nous donne l’occasion de dresser un premier bilan du rapprochement des forces de gendarmerie et de police: si la loi officialisant ce rapprochement ne date que du 3 août dernier, le regroupement opérationnel est en réalité effectif depuis le 1 er  janvier 2009.

Tant dans la définition des moyens de la gendarmerie qu’en ce qui concerne son organisation, nous souffrons toujours d’un manque de visibilité dû à l’absence d’un travail transversal sur la loi de programmation militaire, la RGPP, la loi sur la gendarmerie et aujourd’hui la LOPPSI. Cette inquiétude est, je le sais, partagée par nombre de députés membres de la majorité. Mes excellents collègues Marc Joulaud et Yves Fromion ont ainsi, lors de l’examen en commission, posé d’excellentes questions, mais elles sont restées sans réponse. Ainsi, nous ne savons toujours pas comment seront répartis les crédits entre la police et la gendarmerie.

De même, rien dans ce projet de loi ne nous assure qu’il n’y aura plus de fermeture de brigades ou d’escadrons, comme à Saint-Malo ou à Dijon, et que la continuité territoriale de la sécurité continuera à être assurée de manière égalitaire pour tous les citoyens. Le général Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, nous a annoncé que la gendarmerie mobile sera sédentarisée dans certains territoires afin de pallier le manque d’effectifs. Vous comprendrez que ces propos provoquent des interrogations.

Des formules alambiquées ouvrent la porte à une nouvelle révision du partage des zones entre police nationale et gendarmerie nationale, ainsi qu’à une révision de la carte des brigades de gendarmerie, au motif énoncé, au motif officiel de mieux répondre aux besoins de sécurité. Or le même général Gilles nous a annoncé au mois de juillet des réunions de concertation entre les préfets et les élus locaux. Monsieur le ministre, j’aimerais savoir où nous en sommes sur ce point.

Mme Marylise Lebranchu. Manifestement, le ministre ne sait pas.

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Vous nous expliquez qu’une revue des compétences de chaque force est en cours, qui doit déboucher sur un « schéma d’organisation » destiné « à limiter les doublons ». Concrètement, avec ce partage des compétences, les différentes forces ne seront donc plus généralistes, mais spécialisées. Or n’étant plus généralistes, n’étant plus polyvalentes, elles n’auront plus d’existence indépendante possible. Qu’est-ce donc là, sinon les prémices d’une fusion?

M. Philippe Goujon. Pas du tout!

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Prenons la question de la mutualisation des matériels et des moyens reprise par le projet de loi. Selon le rapport annexé, elle fixe comme but l’accroissement de ce que vous appelez les synergies entre police et gendarmerie. Quelques exemples concrets seront, me semble-t-il, particulièrement éloquents.

En ce qui concerne les hélicoptères et les blindés, on constate pour l’instant une mutualisation à sens unique puisque seuls les gendarmes possèdent de tels équipements. L’immobilier sera géré en commun… par la police! Certaines formations de spécialistes seront communes. On rirait si ce n’était pas si triste: la gendarmerie nationale formera les maîtres-chiens; la police assurera la formation au renseignement. Il y a deux poids, deux mesures.

Vous entendez par ailleurs mutualiser la formation des personnels civils, alors même que cette formation commune risque d’altérer voire de dissoudre la militarité des personnels civils de la gendarmerie, comme l’a fort opportunément relevé le président de la commission de la défense lui-même.

Dans tout cela, il y a les textes, il y a la pratique, et il y a les symboles. Vous avouerez, monsieur le ministre, que le décret du 15 décembre 2009 amputant le budget de la gendarmerie de 23,5 millions d’euros, versés au budget de la police pour permettre à celle-ci de boucler son budget annuel, n’est pas de bonne augure. Peut-être est-ce un premier exemple de mutualisation?

Nous vous le demandons très solennellement: la gendarmerie ne doit pas devenir une variable d’ajustement de la LOPPSI.

Mon autre inquiétude majeure concerne l’article 32 du projet de loi, qui donne aux préfets de police de trois départements de la région parisienne la charge de l’ordre public et la direction des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale. Cet article dénature, me semble-t-il, le texte et l’esprit de la loi sur la gendarmerie que nous avons adoptée au mois de juillet. II va à l’encontre du respect de la chaîne hiérarchique, consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie. Nous aurons l’occasion de rappeler cette grave atteinte à nos travaux précédents lors de la discussion des amendements.

Je terminerai en regrettant le caractère hétéroclite de ce texte, qui aurait pu être utilement allégé, notamment en inscrivant les articles 19 à 21 dans un texte consacré à la défense, puisqu’il s’agit de modifier le code de la défense. On aurait pu faire plus simple; on aurait pu faire plus concret; mais je veux croire, monsieur le ministre, que le dense brouillard de ce texte n’a pas pour objet de masquer de funestes desseins à l’encontre de la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Notre rapporteur Éric Ciotti et, avant moi, Jacques-Alain Bénisti, ont parfaitement remis en perspective ce projet de loi. Je partage leur point de vue et l’accent qui est ainsi mis sur la performance me semble être la voie la plus adaptée aux évolutions de la délinquance et de la criminalité.

Si vous le permettez, monsieur le ministre, je dirai quelques mots de l’un des nombreux aspects de ce projet de loi: l’utilisation de la vidéoprotection. Je dois vous avouer avoir du mal à comprendre que cette question puisse faire l’objet – comme c’est parfois le cas encore aujourd’hui – de débats totalement idéologiques.

Comme notre rapporteur le rappelle très justement, la France a mis du temps à se convertir à cette technologie et il a fallu attendre l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité du 21 janvier 1995 pour que nous dépassions notre prudence extrême sur ce sujet. En quinze ans, nous avons pu nous rendre compte de l’efficacité et de l’intérêt de la vidéoprotection dans la lutte contre la délinquance, qu’il s’agisse de ses formes les plus graves – comme le terrorisme – ou de la délinquance de voie publique quotidienne.

Je ne pense naturellement pas que la vidéosurveillance soit la solution à tout. Il ne s’agit que d’un moyen, d’une technique, qui permet à la fois de prévenir les délits et les crimes et de faciliter les enquêtes quand ils sont néanmoins commis. Je suis donc tout à fait favorable aux dispositions du projet de loi qui visent non seulement à accompagner l’important effort financier destiné à augmenter le nombre de caméras, mais aussi et surtout à accroître l’efficacité de ces dispositifs. Bien entendu, il va sans dire que les protections apportées aux citoyens en termes de libertés individuelles doivent être maintenues.

J’ai eu l’occasion de visiter, pas plus tard que ce samedi, le centre opérationnel de vidéoprotection de la ville de Nice. J’avoue avoir été très impressionné par l’utilité du dispositif mis en place par le maire de Nice, Christian Estrosi. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si jamais il y avait un centre de vidéosurveillance mis en place par une commune de gauche en Provence-Alpes-Côte d’Azur, je serais prêt à le visiter; mais à chaque fois qu’il y a un vote, vous votez contre!

M. François Pupponi. On va vous inviter chez nous; ça fait longtemps qu’on s’y est mis!

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, écoutez l’orateur.

M. Thierry Mariani. Cette expérience m’amène à considérer que les efforts de l’État et des collectivités territoriales en matière de sécurité doivent être mieux coordonnés et que des partenariats doivent être trouvés.

Mme Marylise Lebranchu. Les caméras n’ont rien changé!

M. Thierry Mariani. Il ne s’agit évidemment pas – que les choses soient bien claires – d’opérer le transfert de l’État vers les collectivités de la compétence régalienne de la protection des biens et des personnes. Il s’agit, et l’exemple de la vidéo-protection est à mon sens intéressant à cet égard, que l’État et les collectivités puissent s’associer sur tel ou tel projet d’investissement touchant à la sécurité des Français.

Ainsi, est-il complètement aberrant de penser que l’État peut avoir son mot à dire si un conseil régional souhaite équiper les lycées dont il a la charge d’un dispositif de vidéoprotection? Est-il complètement fou d’imaginer que le préfet d’un département puisse être informé quand les trains font l’objet d’un équipement de cette nature? À l’inverse, ne peut-on imaginer que l’État concoure financièrement, dans la logique des contrats de projet, au financement de ces installations? J’aurais pu évoquer également l’installation de caméras de protection dans les gares accueillant des trains express régionaux, voire dans les TER eux-mêmes.

Monsieur le ministre, contrairement à d’autres, je ne dis pas que les collectivités territoriales doivent s’ériger en rempart vis-à-vis de la politique nationale. Je crois, au contraire, qu’État et collectivités doivent démultiplier leurs efforts.

Ces raisons m’ont poussé à déposer, avec mon collègue Éric Ciotti, un amendement visant à concrétiser, de manière technique, ma conception d’une relation constructive entre l’État et les collectivités. Cet amendement tend en effet à autoriser les régions – je précise tout de suite: sur la base du volontariat – à agir de manière conventionnelle avec l’État dans la lutte contre la délinquance.

Je le répète, il s’agit non pas de déléguer aux régions la compétence régalienne de la protection des biens et des personnes mais d’encourager et de soutenir, notamment dans le cadre du financement de la vidéoprotection, des projets d’investissements en la matière dans le cadre des compétences régionales, notamment pour ce qui concerne les lycées, leurs abords, les transports ferroviaires ou les gares. Dans mon esprit, cet engagement conjoint prendrait la forme d’une convention conclue parallèlement au contrat de projet État-région.

J’espère que cette idée fera son chemin et que nos collègues la soutiendront. J’ai pu voir avec satisfaction qu’elle avait reçu un avis favorable de la commission des lois. J’espère, monsieur le ministre, que votre avis sera, lui aussi, favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bartolone.

M. Claude Bartolone. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant à minuit, je me suis posé la question de savoir quels arguments je pourrais trouver pour essayer d’intéresser le Gouvernement, le rapporteur et cette assemblée à la question qui nous est posée sur la sécurité.

Cherchant un arbitre impartial, j’ai souhaité ne pas m’appuyer sur les propos de mes collègues qu’ils soient de droite ou qu’ils appartiennent à mon groupe, préférant faire référence à un courrier dans lequel un de vos préfets, nommé par la droite, Jean-François Cordet, décrivait la situation dans le département de la Seine-Saint-Denis. Ce courrier ne lui a pas porté chance puisque, après l’avoir adressé au ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire que vous connaissez bien, il a été viré, placardisé.

M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il est à l’OFPRA!

M. Claude Bartolone. Nous savons très bien ce que cela signifie dans la carrière préfectorale lorsqu’on se retrouve à ce genre de poste.

Ce courrier est très intéressant car, à partir de ce que le préfet écrivait à l’époque à son ministre de tutelle, il permet de savoir ce qui a changé et ce que votre texte va modifier.

Il essayait de décrire, dans des termes choisis, la réalité de ce département: son côté jeune, son côté pauvre, son million et demi d’habitants. Ce département, qui gagne cinq mille habitants par an, est obligé d’effectuer une mutation et d’évaluer les forces de police nécessaires, et leur qualité, pour assurer la sécurité.

Il évoquait les sujétions spéciales connues par ce département, dont certaines existent toujours – Jean-Christophe Lagarde en a cité quelques-unes en parlant du TGI de Bobigny ou du centre de rétention administrative de Bobigny – même si, il faut le reconnaître, la sujétion liée aux manifestations du Stade de France est moins pressante. Il en est une que vous devriez prendre en considération, monsieur le ministre, compte tenu de ses conséquences sur la faiblesse des effectifs au quotidien: le département de Seine-Saint-Denis est le champion de France en ce qui concerne les visites ministérielles: près de deux cents cette année. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Mariani. Quelle chance!

M. Claude Bartolone. Cela vous donne une idée de l’effort qu’il faut faire pour sécuriser ces visites et des conséquences que cela a sur la présence au quotidien de nos policiers.

Dans son courrier, le préfet soulevait également une question sur laquelle je veux revenir, qui ne concerne pas le seul département de la Seine-Saint-Denis: celle des effectifs de police, Il ne sera pas possible, monsieur le ministre, d’assurer la sécurité sans effectifs de police. Alors que l’on évoque 9000 suppressions de postes entre2007 et2010, le département ne pourra pas, les élus vous le disent, qu’ils soient de droite ou de gauche, assurer la sécurité avec moins de policiers. Aujourd’hui, il nous manque 400 à 600 policiers, même si ce chiffre relève du secret de la défense nationale: pour obtenir le nombre exact de policiers affectés à un territoire, il faut vraiment se lever tôt.

Mme Delphine Batho. Absolument!

M. Claude Bartolone. Entre les dates retenues comme références, entre les dates d’arrivée et les dates de départ, il est difficile d’avoir une idée précise sur le nombre exact de policiers présents sur le terrain. C’est plutôt grâce au sens de l’observation des maires, qui sont très sensibles au nombre de policiers présents dans chacun de leur commissariat, que l’on peut faire une estimation.

Monsieur le ministre, je pourrais évoquer d’autres éléments spécifiques à la situation des policiers dans le département de la Seine-Saint-Denis, auxquels votre projet de loi ne pourra pas ou ne veut pas répondre; je préfère insister sur la jeunesse des effectifs, notamment des commissaires.

Alors que le département aurait besoin de stabilité, pour encadrer l’ensemble des policiers, pour que ces policiers connaissent leur territoire, on constate que, au bout de deux ans, la quasi-totalité des effectifs a bougé. C’est un sérieux handicap. Il y aurait intérêt à prendre en compte l’ensemble de ces handicaps.

Nous assistons en effet – nous nous en rendons compte au travers des chiffres qui sont communiqués – à une évolution constante de la nature des crimes et des délits commis, qualitativement et quantitativement. Les actes recensés sont de plus en plus graves. Ils sont multiformes, allant d’une délinquance mafieuse à une violence très spontanée, écume d’une vague marquée par la dégradation des relations quotidiennes entre les citoyens.

Le nombre d’infractions constatées augmente également. L’insécurité est de plus en plus enracinée dans certains quartiers périurbains, dans un contexte national d’augmentation des violences physiques soulignées par l’observatoire national de la délinquance. La Seine-Saint-Denis est ainsi au premier rang des départements concernés. En 2009, les atteintes volontaires à l’intégrité physique ont augmenté de 4 %, les violences physiques non crapuleuses de 3,5 %, et les violences physiques crapuleuses de plus de 7 %. Ce sont des chiffres officiels, monsieur le ministre.

Du coup, nous sommes confrontés à la réalité de votre texte, qui, d’une certaine manière, essaie de mettre l’accent d’abord sur la vidéosurveillance, laquelle semble être l’alpha et l’oméga pour remplacer les policiers, pour remplacer cette police de proximité dont nous avons besoin, pas simplement en police du quotidien mais également en police judiciaire, pour pouvoir mener des enquêtes, obtenir des renseignements.

Puisque j’évoque cette police du quotidien, permettez-moi, monsieur le ministre, de mettre en avant une réelle préoccupation pour l’élu de la Seine-Saint-Denis que je suis: le sentiment que, du fait de cet affaiblissement de la police du quotidien, de ce relâchement du lien républicain entre police et population, les relations entre jeunes et policiers se dégradent.

M. Serge Blisko. Eh oui!

M. Claude Bartolone. Dans nombre de quartiers populaires, les jeunes ne connaissent plus le policier au quotidien. Lorsqu’ils ont un contact avec la police, c’est, bien souvent, avec les compagnies de sécurisation, avec tout ce que cela peut représenter comme danger, pour ces jeunes et pour les policiers, jeunes eux aussi.

Mme Delphine Batho. Les contacts se font à l’occasion des flagrants délits!

M. Claude Bartolone. Je ne crois pas du tout que la simple installation de la vidéosurveillance puisse régler ce dossier délicat et avant de conclure, je voudrais vous montrer, monsieur le ministre, les difficultés auxquelles nous pourrions être confrontés si nous ne retenions que cette approche technique de la sécurité.

Vous avez eu l’occasion de venir, et je vous en remercie, après que les élus de Saint-Denis en particulier vous ont interpellé sur l’évolution du commerce du crack tout autour de la gare de Saint-Denis. Il est vrai que, après votre visite, la présence policière a été beaucoup plus importante. Vous avez même redécouvert les locaux qui avaient été construits par Jean-Paul Huchon et la région Île-de-France et mis à la disposition de la police nationale.

Mme Delphine Batho. Eh oui!

M. Claude Bartolone. Des effectifs ont été dépêchés qui se trouvent désormais dans ces locaux. Immédiatement, on a assisté à un effet splash, c’est-à-dire que ce n’était plus la gare de Saint-Denis qui était concernée par le trafic mais le quartier des Poètes à Pierrefitte-sur-Seine. Situé à quelques encablures mais n’étant pas pourvu en termes d’effectifs de la même manière que la gare de Saint-Denis, ce quartier s’est trouvé confronté à un phénomène qu’il ne souhaitait pas.

Monsieur le ministre, vous l’avez compris, j’ai essayé de faire passer quelques messages.

Malgré les quinze textes adoptés depuis 2002, malgré la lettre du préfet Cordet, pour la Seine-Saint-Denis les choses n’ont pas beaucoup changé. Les relations entre les jeunes et la police dans ce département le plus jeune et le plus pauvre de France restent à établir. La police municipale ne pourra pas être appelée en renfort en cas de crises urbaines, comme celles que nous avons malheureusement connues – même si j’espère qu’il ne s’en reproduira pas de sitôt –; la police municipale ne pourra pas répondre à ces défis, et la vidéosurveillance ne permettra pas de répondre à ce besoin de sécurité, indispensable dans ce département jeune, pauvre, qui connaît l’arrivée d’une nouvelle population, un développement économique et un renouvellement urbain.

Les efforts que ce département consent risquent d’être gâchés parce que sans effectifs de police qui viennent compléter l’ensemble de l’arsenal de prévention et de sécurité, il y a peu de chance que nous puissions obtenir les résultats que vous annoncez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Hostalier.

Mme Françoise Hostalier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi qui nous est proposé traite de très nombreux domaines, je n’en retiendrai que cinq.

Tout d’abord, j’évoquerai les nouveaux moyens de communication à travers lesquels nos sociétés vivent une véritable révolution qui induit des évolutions radicales, sans aucun doute les plus importantes que nous ayons connues depuis plusieurs décennies. Cela bouleverse notre quotidien et joue également un rôle au plus haut niveau. J’en veux pour preuve la nouvelle « guerre froide » qui s’ouvre entre Google et la Chine, c’est-à-dire entre deux modèles de société, et tous les risques nouveaux de ce que l’on appelle la cybercriminalité.

L’impression d’accélération due aux médias et la déresponsabilisation due au monde virtuel déstabilisent les individus, surtout les jeunes, brouillent les repères sociaux et créent une nouvelle ère en matière de délinquance.

La loi doit encadrer le mieux possible les évolutions et sanctionner tout ce qui serait contraire aux valeurs fondamentales de notre société. Évidemment à ce niveau, nous sommes dans la partialité, particulièrement dans ce domaine de la communication. Il faut être vigilant et respecter la ligne entre protection et censure.

Notre rôle commun, c’est d’accompagner ces progrès et ces attentes nouvelles, en protégeant nos concitoyens de ces nouveaux risques et en évitant la loi d’opportunité ou de circonstance qui ne s’inscrirait pas dans une logique globale. C’est toute la difficulté de la loi qui nous est proposée.

Existe-t-il plus ou moins de violence? De quelle violence parle-t-on? Le moindre fait divers qui se passe dans le plus petit village peut devenir immédiatement un fait national de première importance. Un jeune ou un enseignant est agressé dans un lycée et c’est, dans l’instant, toute la politique éducative qui est mise en cause.

Autre exemple, moins dramatique mais tout de même spectaculaire, de l’emballement de l’information et de la difficulté à en maîtriser l’impact: mardi dernier, un Mirage de la base aérienne de Cambrai a passé le mur du son à vingt-deux heures trente-cinq. Cependant la véritable onde de choc a été sur internet: à vingt-deux heures quarante, il y avait déjà une fenêtre ouverte sur Facebook qui a reçu 11000 membres en l'espace de deux jours, et il y a eu 60000 connexions sur l'information concernant ce fait divers, qu'un grand quotidien régional avait mis en ligne.

Vous proposez d'utiliser cette puissance de communication pour diffuser des messages d'alerte; il s’agit de l’alinéa197 de l'annexe. Ce sera certainement efficace en termes de rapidité, mais quelle garantie pourra-t-elle être donnée quant à la fiabilité de l'information reçue et aux risques de dérives?

Mon deuxième sujet est l'usage de l'empreinte génétique.

Parmi les progrès scientifiques qui révolutionnent aujourd'hui les enquêtes de police, il faut citer l'usage de la lecture de l'ADN qui, en quelques années, notamment à travers les feuilletons télévisés, est devenu banal pour le grand public. À titre d'exemple, je me rappelle qu'il y a moins de dix ans, lorsque les femmes bosniaques rescapées du massacre de Srebrenica nous avaient demandé d'utiliser la procédure de recherche d’ADN pour identifier les corps retrouvés dans les charniers, cela nous semblait totalement impossible techniquement et financièrement. Finalement, les progrès ont été si rapides que l'identification de plus de six mille corps a pu être faite et ensuite, dans les grandes catastrophes comme celles du World Trade Center, le tsunami ou aujourd'hui, en Haïti, pour retrouver les filiations des enfants isolés, le recours à cette méthode est une évidence.

À l'inverse, ce progrès scientifique peut se révéler totalement pervers. Le projet de loi apporte quelques réponses; mais je pense qu'il faudra rester attentif à toutes les dérives possibles de l'utilisation de ces moyens d'identification ou de renseignement sur les personnes à des fins qui ne correspondraient pas à l'intérêt général.

Le troisième sujet est la prévention de la délinquance des mineurs.

À cet égard, je ne suis pas du tout convaincue de l’efficacité des articles y afférent. Je pense que le problème de la démission parentale, car c'est bien de cela qu'il s'agit, doit être traité à la source, c’est-à-dire dès le début de la parentalité et accompagné de manière plus directe, avec le rôle incitatif du versement ou non des allocations familiales et autres prestations sociales.

Quatrième sujet: l'insécurité routière.

À ce niveau, en tant qu'usagers, nous sommes tous favorables aux mesures qui renforcent la sécurité. Néanmoins le mieux est l'ennemi du bien! La multiplication de radars de toutes sortes qui piègent les automobilistes dans des zones où le doute est parfois permis sur la nature de la limitation ou son manque de lisibilité, ne réconcilie pas l'automobiliste de bonne foi avec la sécurité routière.

M. Claude Bodin. Absolument!

Mme Françoise Hostalier. J'étais favorable à l'amendement déposé par quelques collègues, mais rejeté en commission, qui aurait permis de ne pas sanctionner par un retrait de points, mais uniquement par une contravention, les petits excès de vitesse. Je pense qu'une telle mesure serait tout aussi incitative et éviterait les dérives actuelles devant les tribunaux.

Pour terminer, j’estime que le rapprochement, l'harmonisation et la complémentarité entre les forces de police et de gendarmerie sont très positives. Je peux témoigner en tout cas, en ce qui concerne mon secteur du nord de la France, que la coopération sur le terrain est excellente et qu'elle obtient, par cette volonté de complémentarité, de très bons résultats.

Je souhaite donc relayer la crainte des élus locaux que ces bons indicateurs en termes de délinquance et de résolution de dossiers n’entraînent des diminutions de moyens, notamment de suppressions ou de regroupements d'effectifs de police ou de gendarmerie. Je rappelle, monsieur le ministre, que, dans le secteur des Flandres, nous avons déjà été fortement échaudés en matière de carte judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Monsieur le président, je commencerai mon propos par une sorte de rappel au règlement.

Monsieur le rapporteur, nous ne sommes pas le 9 février 2002, mais le 9 février 2010. Votre discours sur le soi-disant laxisme des socialistes et leur incapacité à s’occuper de l’importante question de la sécurité ne passe plus. Nous avons pu avoir des torts dans le passé. Nous avons essayé de les analyser et, je le dis à Thierry Mariani, il peut venir dans toutes les municipalités socialistes: nous y avons implanté sans aucun scrupule des caméras et nous travaillons quotidiennement avec les commissaires de police pour le bien de nos populations. Oui, nous travaillons avec les forces de police afin que les délinquants soient arrêtés, remis à la justice et lourdement sanctionnés. Nous n’avons plus aucun problème avec cela, à supposer que nous en ayons eu un, un jour! Vous avez pu le faire croire aux Français, mais je tiens à vous rassurer: tel n’est plus le cas aujourd’hui.

En revanche, j’ai le sentiment que, de votre côté, vous commencez à avoir certains défauts que nous avions à l’époque: vous n’entendez pas ce que l’on vous dit. Monsieur le ministre, vous pouvez croire aux statistiques et être rassuré par les rapports de vos services, place Beauvau. Vous pouvez vous faire plaisir en disant que cela va mieux. Toutefois si vous allez sur le terrain et si, comme nous, vous rencontrez quotidiennement des Français, vous ne pouvez pas avoir ce sentiment. L’insécurité est en effet redevenue une préoccupation première pour nos concitoyens.

Tous les jours, nous sommes contactés dans nos permanences par des gens qui ont été agressés ou cambriolés. Oui, nous avons déjà connu cette situation en 2002. Les gens se plaignaient pour les mêmes raisons. Puis ils ont eu le sentiment que les choses s’amélioraient, car nous y avons travaillé collectivement, mais, depuis trois ou quatre ans, nous avons le sentiment que la situation s’aggrave à nouveau.

On nous avait tout promis: le karcher, la racaille qui allait disparaître, le bleu qui allait être à la mode sur nos territoires. Nous allions voir de l’uniforme partout! Nous le souhaitions et nous étions contents d’accueillir des policiers. Comme l’a souligné Claude Bartolone, des commissariats ont été financés par les régions, notamment en Île-de-France où le conseil régional a assuré 90 % du financement des commissariats dans les zones urbaines sensibles. Certains de ces locaux sont aujourd’hui fermés, faute de policiers. Je vous invite ainsi à visiter la gare de Garches-Sarcelles, où un local de police financé par la SNCF et la région Île-de-France est fermé depuis deux ans, faute d’effectifs. C’est la réalité quotidienne de nos territoires. Vous nous aviez promis beaucoup, mais nous n’avons rien.

Je pourrais même vous expliquer, monsieur le ministre – en off –, comment font certains responsables de commissariats pour que leurs statistiques soient bonnes. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, avait dit qu’il convoquerait dans son bureau les cinq préfets et les cinq commissaires les plus mauvais, autrement dit ceux qui auraient les plus mauvaises statistiques. Certains commissaires étaient venus me voir en me disant de ne pas m’inquiéter, car ils feraient en sorte de ne pas aller place Beauvau. Aujourd’hui encore, comme il faut faire baisser les statistiques, certains commissariats de police ne prennent plus les plaintes. Ils incitent à faire des mains courantes, lesquelles ne sont pas prises en compte dans les statistiques.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous fais une proposition: changeons les statistiques en comptabilisant les mains courantes et essayons d’en faire l’analyse pour tenter d’avoir une vision plus précise de ce que vivent nos concitoyens. C’est aussi cela la réalité de la vie quotidienne des Français sur nos territoires.

Revenons au texte.

Je suis contrarié par tous les éléments que je viens d’indiquer, mais je suis, je l’avoue, quelque peu admiratif, car vous êtes en train de faire le hold-up de l’année. Vous avez vidé les caisses et vous ne pouvez plus assurer le fonctionnement normal des forces de la police nationale et de la gendarmerie. Vous allez supprimer en trois ans 9000 fonctionnaires ou gendarmes et, comme il faut tout de même continuer à assurer la sécurité sur le territoire français, vous demandez aux mairies de payer l’installation de caméras. Votre texte précise même que les sociétés privées auront le droit d’installer des caméras pour filmer ce qui se passe sur la voie publique.

Autrement dit, n’importe qui, une société ou un bailleur, pourra installer une caméra en toute tranquillité et surveiller ce qui se passe sur la voie publique. C’est un dispositif extrêmement nouveau, qui peut être considéré comme dangereux. Cela est peut-être nécessaire pour lutter contre l’insécurité, mais j’espère que vous accepterez au moins, lors de notre débat, que ce soit le maire qui coordonne l’ensemble des caméras sur le territoire communal, que la lecture des images filmées soit placée sous la responsabilité du maire et que seul un officier de police judiciaire puisse saisir ces images.

Tous les commissaires souhaitent disposer de caméras et veulent, en cas de besoin, pouvoir récupérer, auprès des maires ou des sociétés privées qui auront payé ces caméras, les images filmées par les mairies. Les municipalités et les sociétés privées installent des caméras, mais ce sont les forces de police nationale qui récupèrent et utilisent les images payées par le contribuable. C’est un aveu d’échec de la police nationale qui reconnaît ne pas pouvoir payer les caméras. Elle demande donc aux élus locaux de le faire, alors que c’est elle qui utilisera les images filmées.

Après un tel constat, on peut se demander si tous les Français seront traités de la même façon sur l’ensemble du territoire national. En effet, les communes riches vont pouvoir installer, comme elles le font déjà, des caméras partout, permettant d’assurer une plus grande sécurité de nos concitoyens. Dans les territoires pauvres en revanche, les habitants, du fait du manque de moyens, n’auront pas le même droit à la sécurité. Où est l’égalité du citoyen devant la loi et devant la sécurité? Ce sera la richesse de la collectivité qui déterminera le nombre de caméras et le nombre de sociétés implantées sur le territoire communal. Vous allez, monsieur le ministre, créer des citoyens de seconde zone.

On peut tout à fait imaginer que le niveau de financement de la vidéosurveillance ne soit pas le même suivant les communes. Est-il normal que l’État finance la vidéosurveillance de la même façon dans les communes très riches et dans les communes très pauvres? Dès lors que vous décidez de faire payer la vidéosurveillance par les collectivités locales, monsieur le ministre, nous devons y réfléchir ensemble.

Un autre point me gêne dans votre texte, qui vise à ce que le chef de la police municipale devienne adjoint de police judiciaire: vous le placez sous l’autorité d’un OPJ dans un commissariat, donc sous l’autorité du procureur. Cela signifie que, demain, les polices municipales seront sous les ordres de la police nationale, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Dans ce cas, disons-le haut et fort: l’État n’a plus les moyens d’assurer le fonctionnement normal de la police nationale. Par conséquent, on municipalise la police et on demande aux collectivités de mettre à disposition des policiers municipaux.

Voilà ce qui se cache derrière ce texte! Cela peut choquer certains, d’autres peuvent estimer que c’est tout à fait normal, mais au moins, ayons ce débat car aujourd’hui – je le dis avec solennité – c’est peut-être la fin de la police nationale, si chère au cœur des Français puisqu’elle leur assure d’être traités de la même façon sur l’ensemble du territoire national, d’où qu’ils viennent et quels qu’ils soient. Voilà ce qui est en jeu dans ce texte et nous devons en débattre tous ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Quelle est votre vision de la police nationale, monsieur le ministre? Comment va-t-elle se développer sur le territoire national? Quel rôle doit jouer le maire?

Depuis de nombreuses années, le maire a été placé, quelle que soit la majorité, au cœur d’un dispositif de sécurité sur un territoire communal, dans le cadre du conseil local de prévention de la délinquance. Nous avions inventé collectivement la coproduction de sécurité. Sur le territoire d’une commune, en effet, si le commissaire ne parle pas au maire, les choses ne peuvent pas se passer normalement. C’est ensemble qu’ils peuvent faire reculer l’insécurité sur un territoire communal. Or dans votre texte, le maire n’est plus associé au dispositif; on lui demandera seulement de payer les caméras et c’est le préfet qui décidera du couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans. Le maire ne pourra pas non plus contrôler les caméras implantées par des sociétés privées. Peu à peu, on le dépossède d’un rôle important, même s’il s’agit de coproduction, car il n’est pas question pour le maire de se substituer au commissaire. Ils assurent ensemble la sécurité sur le territoire communal.

Ce qui me gêne le plus dans ce projet, c’est l’amendement que vous avez retiré en commission, mais que vous avez l’intention, si j’ai bien compris, de déposer à nouveau en séance et selon lequel le préfet pourra décider de l’implantation de caméras dans une commune et envoyer la facture au maire. Où est la libre administration des collectivités locales?

M. Claude Bartolone. Le Conseil constitutionnel s’en occupera!

M. François Pupponi. Comment peut-on imaginer que l’État, qui n’a plus les moyens de payer, décide des communes où installer des caméras et envoie la facture aux maires? Avez-vous une idée du coût de l’implantation de caméras et d’un centre de vidéosurveillance? Je suis en train de tenter l’expérience dans ma ville, car je pense que la vidéosurveillance a un intérêt, pas forcément pour éradiquer l’insécurité, mais pour permettre aux policiers d’interpeller plus facilement les délinquants; j’en suis intimement convaincu.

Cela étant, l’implantation de soixante-dix caméras dans une commune comme la mienne, représente au moins 800000 euros d’investissement et 300000 à 400000 euros de fonctionnement annuels. Ce n’est pas moi qui le dis, mais un bureau d’études diligenté par le ministère de l’intérieur. Si demain, le préfet décide d’implanter ces caméras et m’oblige à les payer alors que je n’en ai pas les moyens, ce sera au détriment d’autres services publics. Estimez-vous normal que l’État, qui n’est plus capable d’assumer cette responsabilité, oblige les collectivités qui ne le veulent pas à implanter des caméras et à payer la facture?

Je pense, monsieur le ministre, que si vous franchissez ce pas - puisque l’amendement a été retiré en commission – cela ne nous entraînera pas dans la bonne direction. Je le répète, contribuons ensemble à une coproduction de la sécurité sur le territoire. N’excluez pas le maire, car alors vous commettriez une erreur historique! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Calméjane.

M. Patrice Calméjane. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte de loi, de par son intitulé, nous fixe d'emblée ses objectifs: la performance de la sécurité intérieure.

Il importe de faire remarquer que ce projet comporte deux volets: un très technique et un autre beaucoup plus humain et social, ce qui pour un texte affichant une telle ambition sécuritaire, est essentiel. Il a, en effet, le mérite de balayer deux facettes importantes et complémentaires à la bonne application d'une réglementation: une technique – parce qu'il est évident que, de nos jours, dans notre société, pour être performant et en adéquation avec les évolutions de société, il faut utiliser les nouvelles technologies face aux nouvelles menaces et craintes existantes – et une autre dimension plus humaine, prenant en considération les diverses attentes variées et parfois différentes des générations.

Quatre points dans ce texte retiennent particulièrement mon attention et sur lesquels je vais revenir.

Le premier est relatif à la vidéoprotection. Ce terme est important car il faut faire la différence avec la vidéosurveillance. En effet, l'objet premier de ce système n'est nullement d'être dans la surveillance pure et simple des faits et gestes des personnes, mais bien dans une approche de prévention et de protection. Dans ma commune, Villemomble, comptant un peu plus de 28000 habitants, nous avons programmé, après un diagnostic établi en partenariat avec la police, les établissements scolaires et les services communaux, dix-neuf points de vidéoprotection équipés de trente-deux caméras, et ce sur seulement quatre kilomètres carrés. Il est indéniable que ce genre de technicité dans une commune rassure et apaise les populations, mais aussi – il ne faut pas l'oublier – facilite le travail des services de la police nationale.

Je crois, mes chers collègues, que ma commune, et indéniablement d'autres, même de gauche, sont des exemples concrets d'une réussite alliant technique et humain, qu'il faut développer rapidement. Tel est l’objet de ce texte. J'ajoute qu’il serait parfois utile d'interroger les populations concernées par ces futures installations de manière à instaurer un climat de confiance et de sérénité et de répondre ainsi parfaitement aux exigences de nos concitoyens.

C’est pourquoi, à propos de la vidéoprotection, je souhaite dire quelques mots sur un problème soulevé au regard des compétences et des divers obstacles administratifs et techniques auxquels nous sommes confrontés sur le terrain pour leur mise en œuvre.

Ainsi, il serait peut-être nécessaire de préciser certains points quant aux possibilités offertes aux responsables communaux sur le sujet, mais également sur le matériel et sur leurs performances pour que leur niveau soit tel que les images s’avèrent exploitables. Ce type de cahier des charges n’existe pas pour l’instant. Cela pourrait d'ailleurs relever de la compétence de la commission nationale de la vidéosurveillance dont je suis membre en ma qualité de député.

Le deuxième point concerne les couvre-feux.

La politique de sécurité quotidienne et de prévention de la délinquance défendue par ce projet est également un système efficace qui me semble très souvent utile, opportun, voire inévitable. Néanmoins, reconnaissons-le, il est regrettable de devoir en arriver à prendre de telles mesures tendant à restreindre la liberté d'aller et venir des mineurs à certaines heures, puisque cela devrait être un devoir des familles. Il est, en effet, navrant de devoir pallier, par ces mesures de couvre-feu, des carences de la surveillance parentale et familiale.

Il est donc fondamental de dire les choses telles qu'elles sont et d'expliquer le pourquoi du comment, puisque l'objet même de ce genre de mesure n'est absolument pas de parvenir à un climat de restriction permanente et de surveillance; il s’agit d’assurer la protection et la prévention de toutes formes de violences ou agressions. Le projet évoque également les contrats responsabilité parentale, ce qui me semble être une bonne réponse aux manques de cohésion et d'autorité qui peuvent exister au sein d'une famille.

Comme j'ai pu l'évoquer précédemment, toutes les générations et tous les milieux sont concernés par la question de la sécurité et de la prévention. C'est la raison pour laquelle je souhaite brièvement traiter de l'aide que nous pouvons apporter aux personnes âgées ou vulnérables.

Il existe déjà un système, notamment mis en place dans ma commune comme dans d'autres: la téléassistance. Entre 180 et 200 personnes sont abonnées à ce service. Certes cette technique se cantonne actuellement à la santé, mais il me semblerait judicieux de l'élargir à une sécurité au quotidien en prévenant notamment des cambriolages, escroqueries ou autres agressions. Le vieillissement démographique donne naissance à de nouvelles fragilités, et nous nous devons de nous y adapter. L'actualité nous l'a rappelé récemment.

Le troisième point sur lequel je veux intervenir concerne la sécurité routière.

Grâce à de petites lois et à des textes simples d'application, il est possible de juguler des situations extrêmement dangereuses. En témoigne la proposition de loi que j'avais rédigée, avec trois de mes collègues, relative aux mini-motos. L'encadrement réglementaire de leur utilisation a permis de diminuer et d'éviter, en partie, des accidents et situations dramatiques.

Il me semble également essentiel de revenir sur le problème de la pénalisation des conducteurs immatriculés à l'étranger. En effet, il est de plus en plus courant que des infractions de la route soient commises par des véhicules étrangers et je crois qu'il est nécessaire de travailler sur la concrétisation rapide d'accords bilatéraux avec tous les pays de l'Union européenne sur ce sujet. Actuellement seuls deux pays – la Suisse et le Luxembourg – sont couverts, ce qui est regrettable, tant du point de vue sécuritaire que budgétaire.

Enfin, quatrième et dernier point que je souhaite évoquer: la cybercriminalité.

Là encore, l’évocation de cette problématique dans ce projet témoigne de l'actualité dans laquelle il est construit. Internet et ses travers sont pris en compte pour parvenir à une performance de sécurité intérieure. Il était, en effet, inévitable de considérer les évolutions technologiques et la démocratisation de l'outil informatique dans un projet aux telles ambitions. Cependant, il serait utile, dans cette optique d'optimisation des moyens, de repenser la redistribution des effectifs de la gendarmerie et de la police. J'en profite d'ailleurs pour saluer le travail effectué par les gendarmes de l’IRCGN de Rosny en la matière. J'ai d'ailleurs accompagné M. Ciotti le rapporteur UMP ainsi que notre collègue du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, M. Urvoas, à une visite de ce dispositif; je les remercie pour leur travail.

En évoquant le groupe socialiste, je ne peux m'empêcher de dire ou plutôt de répéter à l'opposition, qui ne manque pas, une fois de plus, de condamner, de critiquer, de dénigrer ce projet, que, grâce aux mesures précédentes qui ont pu être prises en la matière, le taux de la délinquance est en continuelle décroissance depuis sept ans. (Rires et vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laurence Dumont. En quoi ce texte est-il nécessaire alors?

M. Patrice Calméjane. Dans votre réponse lors de la séance des questions au Gouvernement en début d'après-midi, monsieur le ministre, vous avez résumé votre texte en trois mots: protection, autorité et justice.

Cela m'amène donc pour terminer, monsieur le ministre, à vous rappeler, comme dans toutes mes interventions auprès de vous actuellement, le problème que rencontre le nouveau commissariat du Raincy-Villemomble et mon attente quant à votre engagement de lancer des travaux. Le rapport souligne explicitement la nécessité de faire de l'immobilier un levier de modernisation. Dans cette optique, je vous demande à nouveau où en sommes-nous sur l'avancement de ce dossier? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comme nombre de mes collègues, je tenais à vous faire part de mes regrets face à une certaine partie du texte, sorte de fourre-tout. Nous y devinons ainsi le désarroi qui vous saisit devant le réel. Après huit ans d’annonces tonitruantes, de « karchérisation », de nettoyage promis et jamais réalisés, après dix-sept lois consacrées à l’augmentation de la répression de la délinquance, à l’aggravation des peines, en résumé, devant ces piètres résultats, nous comprenons votre désarroi et tenons à l’exposer aujourd’hui.

En effet, et M. Pupponi vient d’en donner un bon exemple, contrairement à ce que vous nous affirmez, violences urbaines, émeutes, guerres des bandes, perte de confiance entre la population et la police en témoignent. J’évoquerai aussi le haut-le-cœur généré par la description de certaines de ces 800000 ou 900000 gardes à vue dont beaucoup sont abusives. Je pense aux témoignages donnés, jour après jour, par des victimes de ces gardes à vue totalement injustifiées, qui sont traitées, en général, de manière totalement dégradante. Beaucoup de mes collègues ont démontré – et je n’y reviendrai pas – l’impasse dans laquelle vous vous trouvez.

Néanmoins, quelques articles du projet LOPPSI, peut-être moins évoqués, ce soir, présentent un certain intérêt. Tel est le cas, en particulier, de la protection des agents du renseignement à l’article 20 qui n’appelle pas, de ce point de vue, de remarque de notre part. Tout au plus peut-on s’interroger, monsieur le ministre, sur la description des divers agents que vous entendez protéger et sur l’aggravation des peines en fonction des révélations, lesquelles pourraient entraîner pour eux des dommages très graves.

Vous avez tout de même, dans un alinéa, étendu le bénéfice de cette protection et de cette dissimulation d’identité – qui peut être comprise pour un certain nombre d’agents permanents dont la liste doit être dressée par le Président de la République, par le Premier ministre et le SGDN – aux collaborateurs occasionnels et aux sources. Je m’interroge parce que, en termes galants, ces choses sont mises: qu’est-ce qu’un collaborateur occasionnel ou une source qui mériterait une protection absolument totale, sinon, on le sait parfaitement, des personnages peu recommandables, que la littérature policière appelle « indics », et qui ne méritent pas tant d’égards de votre part? S’il convient effectivement d’éviter que leur nom ne tombe dans le domaine public, on ne peut, pour autant, les assimiler à des agents de renseignement comme les autres et les protéger de la même manière.

De plus, et cela fait longtemps que nous réfléchissons à ce problème, j’avoue que nous sommes très déçus par cette première tentative tendant à donner une définition de l’activité privée d’intelligence économique. Je crains que vous n’ayez fait une confusion extrêmement dommageable, monsieur le ministre. Je me réfère, pour en parler, à l’un de nos meilleurs spécialistes, M. Carayon, qui a rédigé, en 2003, un rapport incontestable sur l’intelligence économique, la compétitivité et la cohésion sociale.

Il y a donc, à mon sens, une confusion absolue, s’agissant de l’intelligence économique, activité de source ouverte, de plus en plus sanctionnée par un diplôme délivré par des universités ou de grandes écoles. Les personnes qui se lancent dans cette tâche, pour le compte d’entreprises, de laboratoires ou d’universités, ou au niveau gouvernemental, travaillent de façon tout à fait ouverte. Il s’agit, en fait, de la veille scientifique, de la veille technologique, de traductions dans un domaine spécialisé ou de discussions avec des collègues scientifiques ou ingénieurs d’autres pays. Cette activité d’intelligence économique ne peut pas être confondue avec la malheureuse définition que vous donnez dans votre texte et qui tend à en faire des espions privés, voire des contre-espions ou des agents d’influence, ce qu’ils ne veulent pas être. Cela aura pour effet de générer une très grande incompréhension et un désagrément pour la carrière de ces personnes. Une telle confusion avec des sociétés de recherches privées de renseignements – nouveau nom donné aux détectives privés spécialisés, en particulier, dans le domaine industriel, que nous connaissons depuis des années – risque de détourner les potentialités de l’intelligence économique.

Vous souhaitez certes, dans ce projet de loi, améliorer la déontologie, le contrôle, la prévention d’activités en liaison très étroite avec le travail des fonctionnaires. De ce point de vue, le délai de viduité de trois ans, qu’il faut absolument respecter, pour les policiers, gendarmes ou autres agents publics désirant travailler en tant qu’agents privés, est le bienvenu.

Je tenais donc à vous faire part de ce désagrément et de notre impression d’un texte bâclé, mal défini, confus, surtout erroné et d’une occasion manquée de clarifier un domaine qui prend de plus en plus d’importance. Il est dommage, monsieur le ministre, que nous n’ayons pas pu travailler en étant moins soumis aux lobbies de l’intelligence économique et surtout des sociétés de recherches privées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.

M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, assurer de manière continue la sécurité de nos concitoyens constitue pour l’État l’une de ses prérogatives les plus fondamentales. C’est pourquoi nombre d’entre nous attendaient avec impatience ce projet de loi qui doit prolonger les efforts engagés sous la précédente législature. Il apparaît en effet plus que jamais nécessaire de rendre la politique de sécurité encore plus performante face aux nouveaux phénomènes de violence.

Ce texte que nous avons à examiner en première lecture nous permet de franchir une nouvelle étape puisque son objectif est d’adapter la police et la sécurité à l’évolution de la délinquance. Il y a dans cet hémicycle de nombreux parlementaires qui, comme moi, sont maires de leur commune, qui vivent au quotidien les problèmes de délinquance sous différentes formes et qui font le constat que la violence gratuite ne fait qu’augmenter.

Nous assistons à une banalisation de la délinquance. Ce fait est d’autant plus grave qu’il n’est pas circonscrit à des banlieues de grandes villes parisiennes ou de province mais qu’il s’inscrit également, quotidiennement, dans des villes de moyenne importance. Dans ces villes, dont plusieurs d’entre nous assurent la gestion et que nous aimons tous, comme ma ville de Cavaillon, il est arrivé que l’on brutalise, frappe, ou même tue dans certains quartiers pour un regard, le refus d’une cigarette, une mauvaise note ou une réprimande.

Les représentants des services publics sont régulièrement agressés, que ce soient les sapeurs-pompiers, les représentants d’ERDF ou d’autres. Ces services ne peuvent parfois faire leur travail que s’ils sont escortés par les forces de police.

Je pense aussi aux délinquants des cités qui roulent dans des voitures de luxe alors que, bien souvent, ils sont dans des situations financières précaires et dépendent même des aides sociales de l’État. Ces fonds ont naturellement une provenance douteuse, voire illicite, comme des trafics de drogue. Je pense également à tous ces mineurs qui errent dans les rues la nuit ou qui se distinguent par leur absentéisme scolaire. Il est primordial d’instaurer une mesure de protection consistant à limiter la circulation des mineurs seuls en pleine nuit, lorsque les circonstances locales l’exigent.

Le contrat de responsabilité parentale, qui se voulait une réponse aux émeutes en banlieues, semble connaître un échec puisque les présidents de conseil général font la sourde oreille et ignorent le dispositif. Seuls vingt-trois contrats de responsabilité parentale ont été signés entre2006 et2008 et, selon la Caisse nationale des allocations familiales, il n’y a eu aucune suspension du versement des prestations familiales pour non-respect de ces contrats.

En ce qui concerne la prévention de la délinquance des mineurs, si de nombreuses mesures ont été prises ces dernières années avec des avancées réelles, nous devons aller encore plus loin. Aujourd’hui, un acte de violence sur cinq est commis par un mineur.

Le sentiment d’impunité qui se développe chez les délinquants entraîne l’agacement des élus locaux comme de l’ensemble de la population. Pour les victimes, pour les habitants des quartiers qui souhaitent vivre en sécurité, l’absence de punition des coupables est insupportable et injuste.

Trop nombreux sont ceux qui échappent à la police et à la justice. Il existe trop de phénomènes que nos concitoyens ne comprennent pas. On me demande souvent comment se fait-il que le bruit et les trafics persistent dans certains quartiers alors que les auteurs sont parfaitement connus et que la police est constamment alertée et pourquoi les interventions des forces de l’ordre consistent en un simple contrôle d’identité.

Il est évident que nos concitoyens ont besoin de se sentir compris et protégés. Notre devoir est de redonner à tous un sentiment de sécurité.

Tout le monde se plaint qu’il existe deux justices, avec deux poids deux mesures: une pour des citoyens ordinaires, à qui l’on retire un point sur leur permis parce qu’ils ont roulé à 52 kilomètres-heure en ville au lieu de 50, et une autre pour les délinquants dont j’ai parlé précédemment, qui continuent à circuler librement en défiant sans cesse la police et la justice mais également les honnêtes gens. Le sentiment d’injustice est flagrant et, bien sûr, cela entraîne un malaise dans notre société.

Il est donc primordial de considérer concrètement cette situation, d’avoir conscience que nous sommes à un tournant dans notre société, société au sein de laquelle les délinquants doivent comprendre qu’il ne peut y avoir d’impunité. Nous avons en effet la volonté de rendre la justice équitable. Nous avons la volonté d’adapter cette dernière à la réalité du terrain. Nous avons la volonté de sanctionner pour que la crainte change de camp et soit chez les délinquants.

Notre devoir est d’entendre la réalité du terrain et de sortir de débats idéologiques qui n’ont fait, pendant ces vingt dernières années, qu’aggraver la situation. Plus que jamais, il apparaît indispensable de fournir des efforts supplémentaires en matière de prévention et de lutte contre toute forme de délinquance, en renforçant notamment les sanctions. La meilleure des préventions tient en effet à la certitude de la sanction et donc à son application immédiate.

C’est pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, que je vous encourage dans votre démarche pour réduire durablement la délinquance.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Encore un débat sur la sécurité, monsieur le ministre! Après dix-sept textes présentés depuis 2002 par votre majorité, il en faut donc un dix-huitième, sans doute pour masquer l’inefficacité des précédents.

Avec celui-ci, nous avons un catalogue de mesures allant de l’intelligence économique à la vidéosurveillance, partant vraisemblablement du principe que la technologie va remplacer l’homme.

La vidéosurveillance en est une bonne illustration. Vous avez souhaité dans ce texte la rebaptiser vidéoprotection, parce que « le mot de vidéosurveillance est inapproprié, il peut laisser penser à nos concitoyens, à tort, que ces systèmes pourraient porter atteinte à certains aspects de la vie privée ». Vidéoprotection reflète plus fidèlement tant la volonté du législateur que l’action conduite en faveur de nos concitoyens, disiez-vous.

Permettez-moi d’en douter, pour plusieurs raisons.

La première tient au contenu même des multiples rapports français et étrangers sur la faible efficacité de ces dispositifs de surveillance, en raison du manque de moyens pour en assurer un réel suivi. Cela ne marche pas; cela ne fait pas baisser la criminalité.

Deuxième raison: il s’agit bien d’une surveillance et non d’une protection, puisque, à défaut de développer des moyens en police de proximité et de déployer des forces de l’ordre, vous préconisez le développement de caméras, incapables par définition d’intervenir en cas de besoin.

Troisième raison: l’État ne saurait se retrancher derrière la mise en œuvre de ces dispositifs pour déclarer assurer la protection des citoyens lorsqu’il les sous-traite au secteur privé, magasins et autres commerces. Vous proposez ainsi aux entreprises privées d’assumer le coût de la surveillance, sans que cela soit d’une quelconque efficacité dans la protection des citoyens. Les seuls gagnants, finalement, sont, d’une part, le budget de l’État et, d’autre part, les sociétés de vidéosurveillance qui ont fleuri depuis quelques années.

Pire, vous autorisez les transmissions d’images entre personnes publiques ou privées, que ces images soient publiques ou privées. Vous organisez donc une véritable délégation de mission de police à une personne privée, par pur souci d’économie. Votre étude d’impact précise que « la continuité territoriale d’une collectivité pourra être assurée à moindre coût en matière de surveillance par des personnes publiques et privées », la commune faisant l’économie de l’installation là où des implantations privées existent.

Dois-je vous rappeler la recommandation du rapport de la commission des lois du Sénat en 2008, qui demandait « de ne pas déléguer la vidéosurveillance de la voie publique à des personnes privées, en raison des risques pour les libertés publiques »?

Le président de la commission, nationale de vidéosurveillance avait, lui aussi, dit son opposition au visionnage des images de la voie publique par des personnes privées, en avançant la « perte de confiance du public dans la vidéosurveillance ».

Quatrième raison: vous ne pouvez prétendre protéger le citoyen alors que le développement massif de la vidéosurveillance peut porter atteinte aux libertés publiques, atteinte d’autant plus avérée que vous ne prévoyez pas de contrôle satisfaisant, en termes tant d’autorité de contrôle, que de moyens. La CNIL a été exclue de ce projet, à son grand regret, alors qu’elle-même a pointé le flou juridique en la matière et les risques pour les libertés publiques.

Monsieur le ministre, non seulement vous bafouez les libertés fondamentales des citoyens en sous-traitant les dispositifs de surveillance au secteur privé, pour alléger les coûts et les effectifs de l’État, mais vous avez même essayé d’imposer aux collectivités la mise en place de vidéosurveillance sur leurs territoires, et ce en dépit de leur opposition.

Dans sa sagesse, la commission des lois n’a pas retenu votre amendement. J’espère sincèrement qu’il en sera de même et que la majorité tiendra bon jusqu’à l’issue de la procédure parlementaire. Faute de quoi, ce texte risquerait d’écorner sérieusement deux éléments essentiels de la Constitution: le respect de la liberté des personnes et le principe de libre administration des collectivités, ce qui fait tout de même beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bodin.

M. Claude Bodin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons ce soir prolonge les efforts engagés sous la précédente législature pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens en matière de sécurité.

La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure pour la période 2002-2007 a en effet permis une indispensable remise à niveau des moyens de la police et de la gendarmerie nationale. Rappelons qu’entre1997 et2002, la délinquance avait bondi de 17,75 %. C’est dire si cette loi était nécessaire.

Elle a porté ses fruits: de 2002 à 2009, la délinquance générale a chuté de 15 %, la délinquance de proximité, celle qui affecte le plus nos concitoyens, de 35 %, et, surtout, le taux d’élucidation est passé de 25 % à près de 38 %.

Mme Laurence Dumont. Pourquoi alors présenter encore un texte?

M. Claude Bodin. Toutefois, pour que ces résultats perdurent, il est essentiel de rendre la politique de sécurité encore plus performante face aux nouveaux phénomènes de violence. Notre société évolue, la délinquance aussi. Nous ne pouvons pas nous permettre de rester à la traîne.

Tel est l’objet de cette LOPPSI 2, qui dessine la nouvelle politique de sécurité de la France pour les quatre années à venir. Le cap fixé par le Président de la République est clair et ferme: aucune parcelle du territoire de la République ne doit être négligée, aucune population ne doit être oubliée.

L’accent est donc mis sur la performance. L’objectif principal de la LOPPSI est en effet de moderniser l’organisation des forces de police et de gendarmerie, en s’appuyant notamment sur les progrès technologiques. Cette orientation se retrouve au niveau des moyens budgétaires, qui seront concentrés sur le développement des nouvelles technologies et de la police technique et scientifique de masse, dont le champ d’intervention et les méthodes seront étendus à toutes les formes de délinquance et de criminalité.

Au premier rang des technologies adaptées figure la vidéoprotection qui, d’un avis unanime, constitue un moyen efficace de dissuasion, donc de prévention.

Monsieur le ministre, vous nous proposez de tripler le nombre de caméras installées sur l’ensemble du territoire: c’est une bonne chose. Ainsi, seront installés des systèmes de vidéoprotection dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol. J’ai déposé un amendement qui étend ce dispositif aux lieux exposés également à des risques de racket ou de trafic de stupéfiants, tels que les abords des collèges, des lycées, des gares ou des centres commerciaux de quartier.

Au-delà de ces moyens technologiques, des moyens opérationnels sont nécessaires pour mieux lutter contre la délinquance.

Dans le domaine de la sécurité publique, les frontières entre zones de compétence des différentes forces de sécurité sont souvent artificielles, mais elles complexifient l’action des forces de l’ordre car les délinquants se jouent pour leur part de ces limites départementales.

Même si la coordination entre les services a été améliorée, les procédures demeurent longues quand des délinquants se déplacent d’un département à un autre. Pour adapter l’organisation de la sécurité aux bassins de délinquance, le texte propose, à juste titre, la création d’une police d’agglomération afin de renforcer la coordination entre les services de sécurité.

Depuis septembre2009, dans le cadre de la police d’agglomération installée en région parisienne, ce sont désormais 33000 policiers, sous le commandement unique du préfet de police, qui assurent la sécurité des plus de six millions d’habitants de Paris et des départements de la petite couronne.

L’article 32 du projet de loi apporte donc les modifications législatives nécessaires à la mise en place de cette police du grand Paris. Néanmoins, en tant qu’élu du Val d’Oise, je m’inquiète de voir apparaître une coupure entre la petite et la grande couronne, alors que la problématique est bien souvent la même en matière de sécurité ou de bandes, devenues extrêmement mobiles. Ne faudrait-il pas mettre en place un dispositif régional, dans le cadre d’un contrat régional de sécurité,…

Mme Delphine Batho. Très bien!

M. Claude Bodin. …à l’instar de ce qui a été fait pour la police des transports?

Mme Delphine Batho. Eh oui!

M. Claude Bodin. Par ailleurs, il me semble indispensable de prévoir dans les années à venir un redécoupage des circonscriptions de sécurité publique, de façon à les adapter à l’évolution des populations dans les départements urbains.

Au cœur des grandes priorités de la LOPPSI figure l’amélioration de la sécurité routière, par le renforcement de la lutte contre les comportements à risque. Parmi les peines complémentaires encourues, l’article 28 prévoit la suspension du permis de conduire, pour une durée maximale de trois ans, pour tout conducteur se trouvant en état de récidive de grand excès de vitesse, suspension applicable y compris pour des déplacements professionnels.

Si l’objectif de renforcer le caractère dissuasif des sanctions est tout à fait louable, il me semble néanmoins excessif d’ôter l’outil de travail à des personnes qui risquent ainsi de perdre leur emploi. Pour cette raison, j’ai déposé un amendement qui supprime ce dispositif pour la conduite dans le cadre d’une activité professionnelle.

Chers collègues, le tout répressif doit avoir ses limites. Dépasser la vitesse maximale autorisée est bien évidemment répréhensible et doit être sanctionné, mais cette infraction, commise sur l’autoroute, n’a pas la même gravité que si elle a lieu sur une route départementale ou en agglomération.

Mme Françoise Hostalier. Tout à fait!

M. Claude Bodin. En revanche, aucune mansuétude ne peut être accordée pour une conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants.

Mme Françoise Hostalier. On est d’accord!

M. Claude Bodin. Le temps me manque, monsieur le ministre, pour aborder dans le détail les nombreuses améliorations apportées par votre texte en matière de lutte contre l’insécurité. Pour conclure, je mettrai donc l’accent sur deux ensembles de mesures qui vont particulièrement dans le bon sens.

Il en va ainsi du couvre-feu à l’égard des mineurs de moins de treize ans, pour ne pas les laisser livrés à la loi de la rue pendant la nuit, et des diverses mesures pour faciliter au quotidien le travail des 20000 policiers municipaux qui participent pleinement à la mise en œuvre de la politique de sécurité.

À n’en pas douter, monsieur le ministre, cette LOPPSI 2 apporte des réponses concrètes et efficaces aux nouvelles formes de délinquance que subissent nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures:

Questions au Gouvernement;

Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 10 février 2010, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma