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M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales
amendement no 163, amendements nos 160, 161, amendement no 165, amendement no 164, amendement no 166, amendement no 88, amendement no 90
amendement no 47, amendement no 188, amendement no 94, amendement no 190, amendement no 194, amendement no 95, amendement no 78, amendement no 97, amendement no 195, amendement no 100
amendement no 79, amendement no 14, amendement no 23, amendement no 204, amendement no 203, amendement no 206, amendement no 200, amendement no 207, amendement no 208, amendement no 111, amendements nos 114, 113, 115
amendement no 81, amendement no 116, amendement no 82, amendement no 83, amendements nos 118, 307
amendement no 183, amendement no 184, amendement no 103, amendement no 105, amendement no 187
amendement no 106, amendement no 191, amendement no 107, amendement no 199, amendement no 293, amendement no 121
amendement no 192, amendement no 193, amendement no 189, amendement no 201, amendement no 122, amendement no 123
amendement no 249, amendement no 252, amendement no 250, amendement no 222, amendement no 173, amendement no 223, amendement no 224, amendement no 225, amendement no 226, amendement no 227
Mme la présidente . La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n os 1697, 2271, 1861).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures trente pour le groupe UMP, dont quatre-vingt cinq amendements restent en discussion; de six heures trente-huit pour le groupe SRC, dont soixante-dix amendements restent en discussion; de trois heures vingt-huit pour le groupe GDR dont vingt-huit amendements restent en discussion; de deux heures quarante-six pour le groupe Nouveau Centre dont trente-huit amendements restent en discussion; de quarante-deux minutes pour les députés non inscrits.
Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n°159 à l’article 10.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°159.
Mme Delphine Batho. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement
M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Défavorable!
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales. Même avis.
(L’amendement n°159 n’est pas adopté.)(Les amendements n os 160 et161, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n°163.
Mme Delphine Batho. Cet amendement tend à reprendre une disposition que nous avions incluse, avec M. Bénisti, dans la proposition de loi n°1738 qui avait été adoptée par la commission des lois: mettre en place un traitement en temps réel des demandes de rectification ou d’effacement des données en cas d’urgence, lorsqu’une personne risque de subir un préjudice immédiat, par exemple si elle est candidate à un emploi pour lequel une enquête administrative préalable est nécessaire et que les fichiers STIC ou JUDEX contiennent à son sujet des informations erronées susceptibles de faire obstacle à l’embauche.
Il n’existe pas, en effet, à ce jour, de procédure rapide. Quand on exerce son droit d’accès indirect à la CNIL, les délais peuvent s’étendre de douze à dix-huit mois, ce qui est extrêmement long. Aujourd’hui, un million d’emplois sont concernés. Cette procédure de traitement en temps réel permettrait d’éviter que des personnes soient privées d’un emploi en raison d’erreurs commises dans le STIC ou le JUDEX.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.
Le problème que vous soulevez, Mme Batho, est important et mérite que l’on y apporte des réponses adaptées, ce que nous faisons en créant, pour la première fois, un magistrat référent.
Il est vrai, aujourd’hui, que le traitement des demandes d’actualisation auprès du Procureur de la République n’est pas très rapide car ces magistrats sont chargés d’une multitude de missions, ce qui ne sera plus le cas du magistrat référent. En l’espèce, ce texte représente un progrès majeur en termes de garantie des libertés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le magistrat référent que nous proposons de créer disposera des mêmes attributions que le procureur de la République. Lorsque l’accès direct dont il disposera – ce qui représente une nouveauté importante, vous en conviendrez – le conduira à découvrir des données à rectifier ou effacer, il pourra demander au gestionnaire du traitement d’y procéder, notamment en cas de requalification judiciaire.
Le Gouvernement considère par conséquent que l’amendement est satisfait par la rédaction actuelle. Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’amendement n’est pas satisfait!
J’ai bien compris que vous aviez l’intention de créer un magistrat référent – il s’agit là encore d’une proposition que nous avions également formulée – mais nous vous proposons de passer à une étape supérieure, en instaurant une procédure de traitement en temps réel pour les personnes qui pourraient se voir refuser l’accès à un emploi en raison de données erronées contenues dans certains fichiers. L’expression « traitement en temps réel » a d’ailleurs été suggérée par le président de la commission des lois. Je regrette la position du rapporteur à ce sujet.
(L’amendement n°163 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°165.
Mme Delphine Batho. Nous venons justement de parler des délais du droit d’accès indirect, qui vont d’un an à dix-huit mois. Ajoutons que le nombre de demandes d’accès indirect via la CNIL aux fichiers a augmenté de 67 % en un an, ce qui est considérable. La CNIL se retrouve ainsi confrontée à une demande croissante des citoyens qui veulent vérifier les données les concernant contenues dans les différents fichiers, ce qui allonge d’autant les délais.
Cet amendement, en reprenant à nouveau une suggestion que nous avions déjà formulée à l’occasion du rapport parlementaire sur les fichiers de police, tend à distinguer le droit d’accès indirect pour les personnes inscrites dans les fichiers en tant que personnes mises en cause, de la création d’un droit d’accès direct pour les personnes inscrites dans les fichiers au seul titre de victimes. Si une personne se trouvait inscrite en tant que personne mise en cause et victime, il est bien évident que le droit d’accès direct lui serait fermé.
La création de ce droit d’accès direct pour les victimes permettrait de considérablement simplifier les démarches et de soulager la CNIL.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.
Par cet amendement, madame Batho, vous souhaitez ouvrir aux victimes un droit d’accès direct aux fichiers d’antécédents judiciaires. Nous pouvons comprendre vos préoccupations mais, concrètement, cette mesure serait très difficile, voire impossible à mettre en œuvre. Prévoir deux voies d’accès, l’une directe, l’autre indirecte, via la CNIL, serait très complexe, d’autant qu’il pourrait très bien arriver qu’une même personne soit à la fois victime et auteur, dans des affaires différentes, ce qui conduirait à des situations inextricables.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Parfois, le mieux est l’ennemi du bien.
Le droit d’accès aux bases de données de la police obéit à des modalités particulières car certaines informations ne doivent pas être divulguées. Le droit d’accès indirect est une procédure qui présente l’avantage immédiat de faire intervenir un acteur indépendant, la CNIL, laquelle, avec le gestionnaire du traitement, décide quelles données peuvent être communiquées ou non. Dans ces conditions, le droit d’accès indirect apparaît comme une garantie pour le requérant lui-même puisque ce n’est pas le gestionnaire du traitement seul qui déclare telle donnée communicable ou confidentielle.
Pour toutes ces raisons le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le secrétaire d’État, le STIC et le JUDEX ne contiennent aucune information confidentielle sur les victimes. Je ne vous parle pas là des fichiers EDVIGE ou CRISTINA!
Rappelons tout d’abord que la loi Informatique et libertés consacre pour les personnes un droit d’accès aux données les concernant.
Je pense par ailleurs, monsieur le rapporteur, que vous avez mal lu l’amendement puisqu’il y est bien précisé que le droit d’accès direct pourrait être ouvert aux personnes inscrites dans le fichier au seul titre de victimes.
Quant à l’argument de la complexité, il m’étonne d’autant plus que beaucoup de fichiers gérés par le ministère de l’intérieur relèvent de la procédure du droit d’accès direct. Aucune difficulté matérielle n’empêcherait d’ouvrir ce droit.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Et que faites-vous du secret de l’enquête?
Mme Delphine Batho. Je vous parle des victimes! Je ne vous demande pas un droit d’accès à l’enquête ou au procès-verbal! Je ne vais pas développer davantage car je pense avoir été assez claire.
(L’amendement n°165 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n°164.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Cet amendement concerne, non plus les fichiers d’antécédents judiciaires, mais les fichiers d’analyse sérielle ANACRIM et SALVAC. La LOPPSI procède à une modification majeure qui nous paraît inutile alors que ces systèmes de fichiers sont très pertinents: abaisser le seuil des peines des crimes et délits pour lesquels ces logiciels peuvent être mis en œuvre. Cette disposition n’est pas nécessaire car ces fichiers entrent dans le cadre de la lutte contre la grande criminalité. Aussi proposons-nous de rétablir les dispositions de la loi de 2003.
Pour être très clairs, nous sommes opposés au projet porté aujourd’hui par la gendarmerie d’un logiciel d’intelligence artificielle, PÉRICLÈS, et qui fait débat. À l’occasion de la rédaction du rapport sur les fichiers de police, nous avons rencontré un certain nombre d’interlocuteurs qui se sont montrés pour le moins sceptiques ou dubitatifs face à ce projet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.
Nous abordons là un point essentiel: l’amélioration des taux d’élucidation. Nous avons beaucoup travaillé sur ces questions dans le cadre de la préparation du rapport et nous nous sommes notamment rendus, avec Jean-Jacques Urvoas, au STRJD de Rosny-sous-Bois où les gendarmes nous ont exposé leur projet de nouveau logiciel de rapprochement.
C’est vrai, nous unifions les seuils de peine des fichiers d’analyse sérielle pour les ramener à cinq ans d’emprisonnement, alors que n’étaient auparavant concernés que les crimes et délits portant atteinte aux personnes et punis de plus de cinq d’emprisonnement ou ceux portant atteinte aux biens et punis de plus de sept ans d’emprisonnement. Cet élément est très important. S’y ajoute une procédure de logiciel de rapprochement élargie à laquelle vous avez souscrit puisque certains de vos amendements tendent à abaisser les seuils prévus pour leur utilisation.
J’insiste aujourd’hui sur ce dispositif. Les forces de police et les unités de gendarmerie disposent d’éléments détenus dans un cadre tout à fait légal, qui concerne des procédures. Il s’agit de mettre en place des systèmes modernes et informatisés afin de rapprocher ces procédures de sorte que des faits commis par la même personne puissent être reliés entre eux. Ce point est crucial, notamment en matière de réponse pénale.
On n’infligera pas la même sanction pénale à l’auteur de trente ou quarante cambriolages qu’à l’auteur d’un seul. Frédéric Péchenard rappelait qu’environ 5 % des délinquants connus des services de police ou des unités de gendarmerie commettent 50 % des délits.
Si l’on ne veut pas se fier au seul flair de l’enquêteur, il faut réunir tous ces éléments détenus, je le rappelle, légalement. L’enquêteur doit pouvoir compter sur des instruments automatisés permettant le rapprochement scientifique des données. Il s’agit d’un dispositif clef de la LOPPSI pour améliorer le taux d’élucidation.
Notre but est de mieux répondre aux victimes. Nous sommes ainsi passés d’un taux d’élucidation de 26 % en 2002 à presque 40 % aujourd’hui. Grâce aux logiciels, aux fichiers de rapprochement prévus par le texte, nous pourrons atteindre l’objectif, certes ambitieux mais réaliste, de 50 % en 2013.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Chacun convient que l’utilisation des analyses sérielles est indispensable à la résolution de certaines affaires. Le Gouvernement ne vise qu’à mettre en cohérence les seuils de peines encourues à partir desquelles ces fichiers peuvent être utilisés.
Sans réelle justification, ces seuils sont actuellement différents pour les atteintes aux biens – à savoir sept ans – et pour les atteintes aux personnes: cinq ans. L’harmonisation permettra de prendre en compte les vols aggravés prévus par l’article311-4 du code pénal, vols tristement d’actualité, de même que les vols à l’encontre des personnes particulièrement vulnérables – eux aussi malheureusement d’actualité – ou encore les vols accompagnés d’actes de destruction ou de détérioration.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. La discussion laisse apparaître une très grande confusion. Certes il convient de créer des fichiers ou des logiciels de rapprochement des modes opératoires en matière de délinquance de masse, devant permettre d’élucider plus facilement les cambriolages, les vols à main armée. Nous en reparlerons au moment d’examiner l’article 11 ter .
Pour l’heure, à l’article 10, il est question d’analyses sérielles réservées à la grande criminalité et c’est un mensonge que de faire croire que le système ANACRIM ou le système SALVAC s’appliquera demain matin à la petite délinquance ou aux vols aggravés.
C’est donc une erreur de vouloir modifier les seuils de peines: une telle mesure ne correspondra à rien dans la pratique. En outre, ces logiciels élargissent sensiblement un périmètre d’investigation qui pourra concerner jusqu’aux témoins. Aussi ne me paraît-il pas nécessaire de sortir du système en vigueur qui fonctionne très bien.
Pouvez-vous par ailleurs nous renseigner sur le nombre de fois où les logiciels ANACRIM ou SALVAC ont été utilisés au cours de l’année 2009?
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Les procédures en question s’appliqueront bien aux cambriolages. Il ne vous aura pas échappé que le ministre de l’intérieur avait présenté un amendement visant à aggraver les peines en matière d’atteinte aux biens, donc pour les cambriolages. Ces peines seront portées à plus de cinq ans.
Le dispositif est tout à fait cohérent puisqu’on abaisse le seuil pour les fichiers de rapprochement et on augmente les peines pour les cambriolages qui seront concernés par ces procédures.
Mme Delphine Batho. C’est faux!
(L’amendement n°164 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°166.
Mme Delphine Batho. Puisque cet amendement est cohérent avec celui qui vient d’être rejeté, je vais le retirer. Je le présente néanmoins brièvement.
Nous proposions de réserver les fichiers d’analyse sérielle aux crimes, à la délinquance la plus grave et, par conséquent, d’élargir les capacités de traitement de ces logiciels à l’ensemble des procès-verbaux d’une procédure, ce qui peut se révéler très utile pour les enquêteurs.
(L’amendement n°166 est retiré.)Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 88.
M. Éric Ciotti. Amendement rédactionnel, tout comme l’amendement n° 90.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec le rapporteur selon lequel l’amendement n° 88 serait rédactionnel.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Disons qu’il est de coordination!
M. François Pupponi. Même! On ne peut en effet pas considérer comme simplement rédactionnelle la suppression des mots « inquiétante ou suspecte ». Le rapporteur propose que le texte s’applique pour toute disparition, alors que la définition prévue était précise puisque concernant les disparitions « inquiétantes ou suspectes ». Il serait donc bon que le rapporteur nous explique pour quelle raison il souhaite élargir les possibilités d’intervention à toutes les disparitions.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Ces amendements sont conformes à ce que nous avons décidé en commission. Pour les mineurs, en effet, aux termes de l’article 74-1 du code de procédure pénale, aucune disposition ne qualifie la disparition susceptible de déclencher une enquête. C’est donc dans un souci de coordination que je vous invite à voter les amendements n os 88 et 90.
(L’amendement n° 88 est adopté.)Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement de coordination n° 90, présenté par le rapporteur qui vient de le défendre en même temps que l’amendement n° 88.
(L’amendement n° 90, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 10, amendé, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je souhaite apporter quelques précisions sur les amendements que nous venons d’examiner.
Je m’accorde avec vous, madame Batho, pour considérer qu’il faut lever toute ambiguïté. Il convient bien de distinguer les fichiers d’analyse sérielle s’appliquant à la grande délinquance, c’est-à-dire aux peines de plus de cinq ans de prison, des logiciels de rapprochement judiciaire qui ne sont pas des fichiers de personnes et qui restent temporaires car liés à la stricte durée d’une enquête et placés sous le contrôle direct du magistrat chargé de la procédure.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 46 qui tend à supprimer l’article 11.
M. Patrick Braouezec. Je le retire, madame la présidente.
(L’amendement n° 46 est retiré.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°186.
Mme Delphine Batho. Cet amendement concerne le déroulement des enquêtes administratives.
La loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité de 1995 définit les circonstances dans lesquelles de telles enquêtes sont réalisées, notamment pour l’accès à certains emplois. Nous proposons d’ajouter à l’article deux alinéas précisant notamment que toute consultation des fichiers dans le cadre d’une enquête administrative fait l’objet par la suite d’une demande d’actualisation des données, de façon à les rectifier si des erreurs ont été constatées.
Cette proposition est conforme aux dispositions de l’article 15 bis de la proposition de loi sur les fichiers de police adoptée par la commission des lois.
L’amendement prévoit donc une disposition de bon sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.
Votre proposition, madame Batho, étant donné que l’on compte environ un million de consultations des fichiers d’antécédents judiciaires par an, conduirait à un allongement de la durée des procédures de consultation au détriment des personnes pour lesquelles de telles demandes sont réalisées dans le cadre d’habilitations pour occuper certains emplois.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Le Gouvernement se montre très sensible à la question de la mise à jour des fichiers d’antécédents judiciaires, notamment dans le cadre d’enquêtes administratives. On sait qu’une mention maintenue dans le fichier alors qu’elle aurait dû être effacée peut en effet porter préjudice à la personne concernée.
Reste que le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement qui ne paraît pas réaliste. Le rapporteur l’a rappelé: on enregistre chaque année environ un million de consultations à des fins purement administratives.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Laissez-moi évoquer un cas, pour montrer à quel point la situation est absurde.
Prenons des policiers du service départemental d’information générale dans le Val-de-Marne – nous en avions rencontré – qui mènent une enquête administrative sur un candidat souhaitant intégrer la police nationale. En consultant les fichiers, ils tombent sur une vieille histoire qui ne tient pas debout et qui aurait dû être effacée depuis longtemps.
L’amendement prévoit qu’au lieu de garder cette information pour eux, ils écrivent au procureur de la République pour lui demander de rectifier l’erreur qu’ils ont constatée dans les fichiers.
M. François Pupponi. C’est du bon sens!
Mme Delphine Batho. Tout à fait!
(L’amendement n°186 n’est pas adopté.) (L’article 11 est adopté.)Mme la présidente. À l’article 11 bis , la parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 92.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de coordination.
M. Manuel Valls. Nous nous méfions de vos amendements de coordination!
(L’amendement n° 92, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 11 bis , amendé, est adopté.)Mme la présidente. À l’article 11 ter , la parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement de suppression n° 47.
M. Patrick Braouezec. Cet article traite des logiciels de rapprochement judiciaire et autorise donc les services de police à ficher les données personnelles de tout individu visé par une enquête. Cette disposition peut concerner énormément de monde, surtout de nombreuses personnes présumées innocentes.
Un justiciable est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. Or, j’insiste, cet article autorise le fichage de personnes présumées innocentes. Si les logiciels de rapprochement judiciaire peuvent sans doute enregistrer les modes opératoires et différentes données sur les crimes et délits dont les auteurs ont fait l’objet d’une condamnation définitive, il apparaît exorbitant que toute personne visée par une enquête voie ses données personnelles enregistrées.
Les logiciels visés par cet article sont autorisés par le Conseil d’État après un simple avis de la CNIL, garde-fou bien dérisoire à l’heure où les fichiers se multiplient et où leur volume connaît une croissance exponentielle.
Nous demandons donc la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.
Je suis déjà revenu de façon globale sur les deux types de procédures. Tout comme le secrétaire d’État, madame Batho, je vous donne raison de bien distinguer fichiers de rapprochement et logiciels de rapprochement. Nous pensons que ces outils d’intelligence artificielle – les logiciels de rapprochement – sont utiles. J’avais cru comprendre, madame Batho, que vous vous y étiez montrée favorable dans le rapport que vous avez rédigé avec notre excellent collègue Jacques Alain Bénisti.
Quant à vous, monsieur Braouezec, il ne faut surtout pas supprimer ce dispositif essentiel. J’y insiste: les faits les moins élucidés sont les moins graves. Il est certes heureux que le taux d’élucidation des crimes soit très élevé mais on ne compte que 15 % d’élucidation pour les vols, 12,5 % pour l’ensemble de la délinquance de proximité et 14,4 % pour les cambriolages. Nous proposons donc un dispositif essentiel pour améliorer les taux d’élucidation que je viens de donner.
M. Patrick Braouezec. Si vous ne donnez pas les moyens d’investigation suffisants, votre dispositif ne servira à rien!
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Défavorable.
Les auteurs de l’amendement, opposés à l’enregistrement de personnes visées par des enquêtes, personnes par définition présumées innocentes, souhaitent supprimer l’article 11 ter proposant la mise en œuvre des logiciels de rapprochement judiciaire. Or il ne s’agit pas de créer des fichiers de personnes mais seulement d’aider l’enquêteur à faire face au volume et à la complexité des informations dont il dispose déjà dans le cadre de ses enquêtes.
En outre, des précautions particulières ont été prises pour préserver l’anonymat des personnes: lorsque sont exploitées des données pouvant faire indirectement connaître leur identité, celle-ci ne peut apparaître qu’une fois les opérations de rapprochement effectuées, et uniquement pour celles de ces données qui sont effectivement entrées en concordance.
(L’amendement n° 47 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n°188.
Mme Delphine Batho. Je confirme que le groupe socialiste est favorable aux fichiers de rapprochement judiciaire qui permettent de rapprocher des modes opératoires, c’est-à-dire, par exemple, de se rendre compte que trois vols à main armée ont été commis de la même façon, ou que, s’agissant de cambriolages, telle façon d’ouvrir les portes est récurrente.
C’est donc un outil utile, mais à certaines conditions. À cet égard je ne peux pas vous suivre, monsieur le rapporteur, sur la notion de fichier d’intelligence artificielle.
M. Éric Ciotti, rapporteur . J’ai parlé de logiciel.
Mme Delphine Batho. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Les machines et les ordinateurs ne vont pas remplacer les enquêteurs. Il convient simplement de mettre à leur disposition un certain nombre de bases de données, en encadrant celles-ci de la façon la plus sécurisée possible.
L’amendement n°188 propose d’inscrire dans la loi le seuil de peine s’agissant des délits concernés par ces fichiers. Alors que l’article 11 ter renvoie simplement à un décret, il nous semble préférable que ce soit le législateur qui fixe le seuil de peine. Nous proposons de le fixer à un an pour les atteintes aux personnes, et à deux ans pour les atteintes aux biens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Madame Batho, il est évident que l’intelligence artificielle ne se substituera jamais au flair du policier. M. Urvoas était là quand nous avons auditionné M. Péchenard. Lorsqu’il était le patron de la brigade criminelle, un jour, en remontant dans son bureau avec l’un de ses collègues enquêteurs, il a vu une personne qui attendait devant son bureau, en tant que témoin dans une procédure. L’inspecteur qui l’accompagnait s’est rappelé, parce que le visage de cette personne lui était familier, que cinq ans auparavant, il l’avait entendue dans le cadre d’une procédure: c’était en fait l’auteur d’un double meurtre.
Ce sont des cas de ce type qui vont pouvoir être résolus, parce qu’il sera possible de rapprocher des faits. Dans cet exemple, il s’agit de crimes, mais j’étends cette démonstration, qui, je l’espère, vous convaincra, pour une fois, à l’ensemble de la problématique.
Contrairement à ce que semble indiquer l’exposé sommaire de cet amendement, je vous précise, madame Batho, que les seuils de peine applicables ne seront pas fixés par un seul et même décret. Chaque logiciel de rapprochement judiciaire sera créé par un décret en Conseil d’État distinct, qui retiendra le seuil de peine qui semblera le mieux adapté en l’espèce. Voilà pourquoi nous ne pensons pas que ce seuil doive être inscrit dans la loi. Il faut conserver de la souplesse et nous sommes convaincus que le Conseil d’État veillera à la proportionnalité du dispositif. Retenir des seuils trop bas, inférieurs, par exemple, à ce que propose l’amendement, ne serait vraisemblablement pas accepté.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est un peu la même argumentation que précédemment. Les auteurs de l’amendement proposent de fixer des seuils d’infraction pour la mise en œuvre des logiciels de rapprochement judiciaire. Ceux-ci ne pourraient être utilisés que pour les crimes et délits punis de plus d’un an de prison s’agissant des atteintes aux personnes, ou de plus de deux ans d’emprisonnement pour des atteintes aux biens.
L’instauration de tels seuils pourrait être compréhensible s’il s’agissait de constituer, pour les services enquêteurs, des fichiers de personnes. Or il s’agit seulement d’aider les enquêteurs à faire face au volume et à la complexité des informations dont ils disposent déjà dans le cadre de ces enquêtes. Ce logiciel n’est qu’une aide à l’exploitation de ces informations, qui sont déjà présentes dans le dossier de procédure.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Notre approche était tout à fait pragmatique. Nous ne parlons pas dans le vide. Nous nous appuyons sur deux projets qui existent. L’un s’appelle le projet LUPIN, de la préfecture de police, et l’autre est le système CORAIL, de la direction de la police judiciaire de la préfecture de police. L’un est adapté aux cambriolages. L’autre permet de rapprocher ce que l’on appelle les télégrammes judiciaires.
Les seuils que nous proposons ici, et qui sont ceux retenus par la proposition de loi, correspondent tout à fait aux besoins de ces deux outils. Encore une fois, on ne peut pas renvoyer la fixation de ces seuils de peine à un ou plusieurs décrets. C’est au législateur de les fixer.
(L’amendement n°188 n’est pas adopté.)Mme la présidente. L’amendement n° 94 du rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement n° 94, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. J’en viens à l’amendement n°190.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Il s’agit, en particulier compte tenu de ce qui vient d’être dit, d’exclure de ces logiciels de rapprochement judiciaire toute donnée concernant les personnes témoins. C’est une précision qui manque dans le texte de l’article 11 ter , et qu’il nous paraît impératif de faire figurer.
M. Serge Blisko. Évidemment!
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . J’ai déjà développé l’argumentation. Je ne vais donc pas la reprendre.
Pourquoi se priver, madame Batho, d’éléments qui sont en procédure? Ainsi que je l’ai souligné, l’objectif de ces logiciels est d’opérer des rapprochements. Si des témoins ont été cités dans plusieurs procédures, il est important de pouvoir procéder à des rapprochements. Qu’une même personne soit témoin dans deux, trois ou quatre affaires, cela est forcément de nature à faire naître une suspicion, et mérite que l’on regarde les choses de manière plus approfondie. Cet élément sera extrêmement important pour faire aboutir certaines enquêtes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Cet amendement propose d’interdire l’exploitation des informations concernant les personnes susceptibles de fournir des informations utiles à l’enquête. Cette limitation nous paraît doublement injustifiée. Pour prendre un seul exemple, mais qui se produit fréquemment – l’actualité récente nous en apporte encore confirmation –, une personne entendue comme témoin dans plusieurs enquêtes pour viol, à plusieurs années d’intervalle, peut se révéler être le violeur. Faut-il se priver d’effectuer ce rapprochement, que bien souvent, l’enquêteur seul n’est pas en mesure d’établir? Poser la question, c’est y répondre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Nous sommes dans la confusion la plus totale. S’agissant de témoins dans une affaire de viol, nous sommes dans le cas de SALVAC et ANACRIM, dont nous avons parlé: les informations sur les témoins peuvent faire partie de l’ensemble des données qui sont brassées par ces logiciels. Par conséquent, ne me parlez pas d’une affaire de viol. Nous parlons ici de cambriolages, de petite délinquance. Il ne s’agit pas du tout des crimes que vous évoquez. Ce n’est pas un argument recevable. Je pense qu’il faut éviter ce type de confusion.
M. Manuel Valls. Très bien!
(L’amendement n°190 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n°194.
Mme Delphine Batho. La durée de conservation des données personnelles est un élément essentiel, qui doit être fixé par le législateur. Le texte est très flou sur ce point. Nous proposons de l’aligner sur la durée de conservation des données du fichier du système EUROPOL, qui concerne la très grande criminalité. Nous proposons donc, ce qui est une position très raisonnable, que, s’agissant des logiciels de rapprochement judiciaire concernant la petite délinquance, la durée de conservation des données personnelles ne soit pas supérieure à ce qu’elle est pour la très grande criminalité dans le fichier EUROPOL.
M. Serge Blisko. C’est le moins que l’on puisse faire!
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable. Nous estimons que le projet du Gouvernement est beaucoup plus protecteur que ce que vous proposez, madame Batho. En effet vous proposez l’effacement des données dans un délai de trois ans maximum, c’est-à-dire à la discrétion des gestionnaires de fichier à l’intérieur de ce délai. Ce que propose le projet de loi est plus exigeant: les données devront être effacées à la clôture de l’enquête, c’est-à-dire, en pratique, le plus souvent, bien avant les trois ans écoulés. Nous sommes donc beaucoup plus protecteurs des libertés que vous ne l’êtes en l’espèce, madame Batho.
(L’amendement n°194, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. L’amendement n° 95 du rapporteur est rédactionnel.
(L’amendement n° 95, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 78.
M. Patrick Braouezec. Puisque vous maintenez les logiciels, le moins que l’on puisse faire est de confier le contrôle de leur utilisation à l’autorité judiciaire proprement dite plutôt qu’au parquet.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le rappeler, l’autorité judiciaire est, aux termes de l’article 66 de la Constitution, la gardienne de la liberté individuelle. Le parquet n’est pas une autorité judiciaire, du fait de sa dépendance à l’égard de l’exécutif.
Nous proposons de tenir compte de cela, et de confier le contrôle de l’utilisation des fichiers, ce qui serait un moindre mal, à un juge du siège, ce qui sera une garantie supplémentaire pour les libertés publiques et les droits des justiciables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Monsieur Braouezec, vous énoncez une énormité juridique. Le Conseil constitutionnel a en effet précisé, dans sa décision n° 93-326 du 11 août 1993, que la Constitution incluait les magistrats du parquet dans la notion d’autorité judiciaire. L’avis est naturellement défavorable.
M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas pour autant que le parquet est indépendant! Il l’est même de moins en moins!
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État . Les procureurs de la République sont les magistrats qui assument, dans la très grande majorité des cas, la direction des enquêtes policières. Ils sont donc, de ce fait, les mieux placés pour assurer le contrôle de l’utilisation des fichiers de police judiciaire.
En outre, et puisqu’ils sont l’autorité de poursuite, ce sont eux qui donnent une qualification juridique aux infractions, et qui, par conséquent, sont les mieux placés pour s’assurer que les données figurant dans les fichiers sont conformes aux qualifications retenues.
Enfin, monsieur le député, je me permets de vous rappeler que le titre VIII de la Constitution dispose que les procureurs, comme les magistrats du siège, sont bien des autorités judiciaires. Je vous conseille de revoir la Constitution.
(L’amendement n° 78 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n° 97.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit de corriger une erreur de référence.
(L’amendement n° 97, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n°195.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je veux d’abord répondre au rapporteur sur l’amendement n°194 concernant la durée de conservation des données personnelles. Sa démonstration était si convaincante que j’ai moi-même douté. En réalité, il y a une grande différence entre un délai de trois à compter de la date de l’enregistrement des informations – c’est ce que nous proposions dans cet amendement – et un délai de trois ans à compter du dernier acte enregistré dans le cadre d’une procédure.
Quant à l’amendement n°195, il propose de faire figurer dans la loi la précision qui figure normalement dans toute disposition législative créant des fichiers ou des logiciels de police, à savoir qu’aucune interconnexion avec d’autres traitements ou fichiers n’est possible. C’est une disposition récurrente de la loi informatique et libertés. Très étonnamment, cette mention ne figure pas à l’article 11 ter , ce qui peut paraître préoccupant. Nous proposons donc de clarifier ce point.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable.
Ces logiciels, madame Batho, ne contiennent pas de données nominatives.
Mme Delphine Batho. Bien sûr que si!
M. Éric Ciotti, rapporteur . Par conséquent, aucune interconnexion ne peut être effectuée sur la base d’éléments nominatifs avec des fichiers existants. La procédure proposée par le texte veut que si les rapprochements sont positifs, alors ils permettent de lever l’anonymat.
Il ne semble pas opportun de s’interdire d’opérer des interconnexions avec d’autres fichiers: bien évidemment avec ARIANE, qui sera un logiciel de procédure, mais aussi, par exemple, avec le fichier des personnes recherchées. Il reviendra au décret en Conseil d’État créant chaque logiciel de le décider.
En revanche, il ne sera pas possible de créer des interconnexions avec les fichiers qui interdisent eux-mêmes toute forme d’interconnexion avec d’autres fichiers, comme la base de données « prévention des atteintes à la sécurité publique ».
M. la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Les auteurs de l’amendement proposent de mentionner dans la loi l’interdiction d’interconnexion avec les autres traitements. Cette proposition paraît peu pertinente dans la mesure où de telles interconnexions sont incompatibles avec l’objet même des logiciels de rapprochement judiciaire. Ceux-ci ne sont pas, en effet, des fichiers de personnes mais seulement des outils techniques d’aide à l’enquête, facilitant le traitement des informations réunies dans le cadre d’une enquête judiciaire en cours.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Des données personnelles vont être enregistrées dans ces logiciels: c’est écrit en toutes lettres à l’article 11 ter. Nous avons vu fonctionner les logiciels LUPIN et CORAIL: ils fournissent des noms propres, des adresses, des informations sur des peines prononcées contre des personnes récidivistes. Ne dites pas qu’il n’y a pas d’informations personnelles.
M. André Wojciechowski. Sous couvert d’anonymat!
Mme Delphine Batho. Ce n’est pas parce que ces informations sont rendues anonymes et qu’elles collent seulement si on a opéré des recoupements qu’il n’y a pas de données personnelles dans ces fichiers.
Par ailleurs, tous les fichiers avec lesquels vous avez évoqué des interconnexions possibles font aujourd’hui l’objet d’une interdiction totale – et heureusement! – d’interconnexion. Il est donc très étonnant que le rapporteur nous indique que les nouveaux logiciels pourront être interconnectés avec ceux-ci. Cela signifierait un changement de nature considérable des outils.
Le cloisonnement des fichiers informatiques est non seulement nécessaire à la protection des données enregistrées, mais correspond aussi à la façon dont travaillent les enquêteurs. Ceux-ci ne demandent pas les systèmes américain ou anglo-saxon de métafichier qui brasserait des quantités de données considérables dans lesquelles on ne peut rien retrouver. S’il faut avoir des outils pointus, pertinents et modernes, ceux-ci ne doivent pas aboutir à la confusion.
Le refus de cet amendement sur les interconnexions montre qu’il y a potentiellement une dérive dans les dispositions de l’article 11 ter , que nous regrettons, car nous étions plutôt favorables à ces logiciels de rapprochement judiciaire.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Je veux apporter une précision importante: s’il peut y avoir des données nominatives, c’est seulement après que les recoupements se sont avérés positifs. Pour le reste, ce sont seulement des modes opératoires que l’on enregistre.
(L’amendement n°195 n’est pas adopté.)Mme la présidente. L’amendement n°100 du rapporteur est de précision.
(L’article 11 ter, amendé, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour défendre l’amendement n°197.
Mme Delphine Batho. Cet amendement a trait à un débat qui a déjà eu lieu hier soir, introduit par un amendement du rapporteur sur l’octroi de prérogatives nouvelles aux agents des douanes. Il pose le problème du rattachement des douanes au ministère de l’intérieur en demandant une étude de faisabilité au Gouvernement. Une telle suggestion a déjà été repoussée hier soir et par le rapporteur et par le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Le débat a, en effet, été ouvert hier soir. Avis défavorable à cet énième rapport.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Avis défavorable également. Nous avons motivé notre refus hier soir.
(L’amendement n°197 n’est pas adopté.) (L’article 11 quater est adopté.)Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous commençons l’étude des articles relatifs à la vidéosurveillance. En la matière, vous y allez fort, si j’ose dire, puisque vous proposez de remplacer le mot « vidéosurveillance » par « vidéoprotection ».
Un grand débat a eu lieu dans le pays sur l’intérêt de la vidéosurveillance. La quasi-totalité des collectivités locales, des maires concernés par des problèmes de sécurité ont fini par accepter d’installer de la vidéo sur leurs communes. Même si, ici ou là, certains considèrent encore que ce système n’est pas positif, désormais un grand nombre d’élus locaux voient dans les caméras un complément indispensable à une politique de sécurité.
Cela dit, tout le monde est d’accord aussi pour reconnaître que des caméras ne peuvent pas remplacer des policiers: elles ne peuvent que les aider à mener leurs enquêtes. Si l’on peut douter de l’intérêt préventif d’une caméra – les avis sont partagés –, on est convaincu que les images filmées peuvent aider les policiers, puis la justice, à élucider des délits commis sur un territoire. Sur ce point, il peut y avoir un large consensus entre nous.
Par contre, il ne faut pas, comme vous le faites, tomber dans l’excès. Vous êtes en train d’effectuer une opération de communication. Depuis huit ans, vous promettez aux Français que la sécurité va s’améliorer dans le pays. Or on voit bien, malgré les statistiques que vous essayez de nous vendre, que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Alors que le Président de la République nous avait promis monts et merveilles, on constate que les actes délictueux, en particulier les attaques contre les personnes, sont de plus en plus graves, violents et réguliers. Les gens sont de nouveau concernés par l’insécurité dans leur vie quotidienne.
Comme vous êtes dépassés par cette évolution, vous essayez à nouveau de persuader les Français que vous allez vous occuper et du sentiment et de la réalité de l’insécurité. Pour cela, vous inventez le terme de vidéoprotection, laissant ainsi penser qu’une caméra peut protéger. Qu’elle puisse surveiller et aider les policiers, nous en sommes d’accord, mais faire croire aux Français qu’elle peut les protéger, c’est un abus de langage qui, à terme, vous portera préjudice; après tout, c’est votre problème. Comme vous les avez déçus en leur faisant croire qu’une fois élus vous alliez tout régler, vous les décevrez à nouveau avec la vidéoprotection.
Il n’est pas raisonnable d’asseoir une opération de communication sur un sujet aussi sensible, alors qu’un consensus commence à se dégager s’agissant de la façon d’utiliser les caméras pour lutter efficacement contre l’insécurité et les actes délicteux. C’est la raison pour laquelle nous proposerons un amendement de suppression.
Je le dis avec solennité, car vous savez parfaitement que l’insécurité est un sujet sensible. Vous commencez à constater que des promesses non tenues dans ce domaine sont extrêmement mal perçues par les Français, car ils vivent au quotidien douloureusement cette insécurité. Vous persistez dans l’erreur en communiquant plutôt qu’en agissant. Vous savez très bien que les caméras et la vidéoprotection que vous promettez ne pourront jamais remplacer les 9000 policiers et gendarmes que vous allez supprimer dans les trois ans qui viennent.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Dell’Agnola.
M. Richard Dell’Agnola. Le système de vidéoprotection permet non seulement d’enregistrer des images, de lancer des poursuites policières et d’obtenir des flagrants délits, mais aussi de mettre en place de la prévention. J’en parle en connaissance de cause.
Dans ma ville, un équipement très important, le palais omnisports, était régulièrement l’objet d’intrusions de la part de bandes qui tentaient de provoquer des problèmes et occasionnaient des dégâts, vidant les extincteurs. Dès lors que nous avons installé des caméras de vidéoprotection à l’intérieur et à l’extérieur du palais omnisports, elles ont joué un rôle de prévention. Aujourd’hui, il n’y a plus d’actes de cette nature, car chacun sait qu’il pourra être pris sur les images.
De la même façon, certains sites de la ville sont placés sous vidéoprotection, ce qui permet d’éviter les accidents, voire les actes d’insécurité.
M. Patrick Braouezec. Et dans les autres quartiers?
M. Richard Dell’Agnola. C’est donc bien un système de prévention: les individus, sachant qu’ils risquent d’être filmés, renoncent à commettre des méfaits. Le système a prouvé son efficacité, et la connexion des caméras des villes avec la police nationale permet une prévention encore plus grande.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. D’après ce que vous venez de dire, certains lieux sont sous surveillance, ou sous protection, et d’autres pas. Avec une telle logique, c’est tout le territoire qui devrait être placé sous vidéosurveillance ou vidéoprotection. On verse là dans l’irrationnel! Vous vous rendez compte, bien sûr, que jamais on n’arrivera à quadriller – heureusement, d’ailleurs! – tout le pays.
Du reste, il faut des personnes derrière ces caméras. Quels moyens mettez-vous pour cela? On sait très bien, je le préciserai en défendant notre amendement de suppression de l’article, que la vidéosurveillance ou vidéoprotection n’est pas efficace. Certains pays reviennent dessus parce qu’ils s’aperçoivent qu’elle n’a jamais été efficace.
Cessons de voir la vidéosurveillance ou vidéoprotection comme le remède à tous les maux et délits qui surviennent sur le territoire; revenons aux moyens humains, les seuls efficaces pour la prévention, la protection et l’investigation. Les arguments développés par le rapporteur mettent en relief que, de toute manière, pour les fichiers comme pour la vidéosurveillance ou vidéoprotection, la question reste toujours celle des moyens humains d’investigation, pour remonter des filières, démanteler des réseaux et assurer l’égalité devant la loi sans remettre en question les libertés individuelles.
M. Franck Gilard. C’est un problème culturel!
M. Patrick Braouezec. Exactement! Personnellement, je pars du principe que chaque individu est innocent au départ, pas coupable. C’est toute la différence avec vous!
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.
M. Jacques Alain Bénisti. Pour reprendre ce qu’avait bien commencé M. Pupponi, nous sommes tous ici des parlementaires, mais aussi parfois des maires. M. Braouezec est même président d’une communauté d’agglomération très importante où il y a de très graves problèmes de délinquance.
Cet article ne devrait vraiment pas susciter de polémique.
M. Patrick Braouezec. Alors, comme cela, vous décidez qu’il n’y a pas débat!
M. Jacques Alain Bénisti. L’action de lutte contre la délinquance ne peut pas, nous en sommes d’accord, être concentrée essentiellement sur la vidéosurveillance ou vidéoprotection pour assurer la protection de nos administrés et la surveillance des délinquants. J’avais fait remarquer à l’ancien garde des sceaux que je ne voyais pas l’utilité de remplacer vidéosurveillance par vidéoprotection: on surveille les faits délictueux, les délinquants prêts à agir ou agissant.
M. Patrick Braouezec. Vous surveillez tout le monde!
M. Jacques Alain Bénisti. Nous n’avons pas parlé des actes de délinquance commis alors qu’il n’y avait personne derrière les caméras. Le procureur de la République peut voir le film des faits délictueux et intervenir ensuite pour l’arrestation des délinquants. Tout le monde en a donc besoin.
M. Pupponi a souligné que ce n’était pas avec la vidéosurveillance que nous allions régler tous les problèmes de la délinquance. Nous sommes d’accord, mais c’est un élément extrêmement important, notamment pour les investigations qui suivent.
M. François Pupponi. Nous sommes d’accord aussi.
M. Jacques Alain Bénisti. Ne nous racontons pas d’histoires!
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Voisin.
M. Gérard Voisin. Je ne suis pas un fanatique de vidéoprotection, de vidéosurveillance. Je suis maire d’une commune de 8000 habitants et je n’ai jamais voulu y installer des caméras et un système de surveillance, contrairement à la ville-centre proche.
En revanche, je viens de me battre pour installer une caméra à l’entrée du cimetière. Je ne voudrais pas faire parler les morts dans une commune où je suis né, en Bourgogne et en Saône-et-Loire, et non en Corse.
M. Manuel Valls. M. Pupponi va demander une suspension de séance!
M. François Pupponi. C’est une grave accusation! Fait personnel! (Sourires.)
M. Gérard Voisin. Rien n’est plus abject que de voler des angelots, des fleurs, des croix dans nos cimetières. Cela se passe dans nos communes, y compris dans la mienne, qui est extrêmement paisible. Je n’ai pas trouvé d’autres moyens de dissuasion, voire de contrôle. J’espère ainsi découvrir qui commet de tels délits.
J’ai dit que je ne voulais par faire parler les morts, mais, s’il y a bien une caméra qui était nécessaire dans ma commune, c’est celle-là. Je ne comprends pas les propos tenus par nos collègues de gauche.
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 17 A.
Je suis d’abord saisie de deux amendements, n os 80 et198, tendant à supprimer l’article 17 A.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l’amendement n° 80.
M. Patrick Braouezec. Je trouve un peu dérisoire la tentative du Gouvernement de jouer avec les mots en transformant la vidéosurveillance en vidéoprotection.
Je suis d’accord avec M. Pupponi: la vidéosurveillance n’est en rien protectrice. Elle ne peut en aucun cas être assimilée à une forme de protection, puisque la vidéosurveillance intervient, par définition, la plupart du temps a posteriori et une fois que l’infraction a été commise.
Un certain nombre d’études – nous avons l’exemple de la Grande-Bretagne – ont largement démontré le caractère illusoire d’une généralisation de la vidéosurveillance ou vidéoprotection, quel que soit le nom qu’on lui donne. Selon les résultats d’une étude britannique, 80 % des images sont inutilisables et seulement 3 % des vols ont pu être résolus à Londres grâce à ce système. À l’aune du fiasco de la vidéosurveillance outre-Manche, on aurait pu réfléchir à d’autres moyens, sans doute plus performants, pour lutter contre la criminalité.
Je vais citer un exemple pour montrer que la question de la vidéosurveillance ne se règle pas simplement par la pose d’une caméra.
J’ai reçu, il y a quelque temps, une femme qui avait été suivie jusque chez elle par des individus. On lui avait volé ses papiers, mais visiblement pas sa carte bleue. Elle était donc un peu rassurée. Or, lorsqu’elle a voulu retirer de l’argent, elle s’est aperçue que l’on avait substitué à sa carte bleue une autre, volée auparavant dans un magasin sous vidéosurveillance et pour laquelle une plainte avait été déposée. Les forces de police n’ont pas mené d’enquête, car elles n’en avaient pas les moyens. Cela prouve que la vidéosurveillance n’a pas de sens en soi si l’on ne dispose pas à la fois de moyens de police et d’investigation.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour défendre l’amendement n°198.
M. François Pupponi. La défense de cet amendement me permettra de répondre à certains de mes collègues de la majorité.
Nous n’avons plus aucun problème au sein de notre groupe pour défendre la vidéosurveillance. (« Ah! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous l’avons tous mise en œuvre.
M. Franck Gilard. Excellente nouvelle!
M. François Pupponi. Il n’y a pas de débat là-dessus. Nous ne sommes plus en 2002, mais en 2010! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Alain Bénisti. Vous avez évolué!
M. Manuel Valls. Pas vous!
M. François Pupponi. Énormément!
En revanche, mes chers collègues, en vous écoutant, j’ai le sentiment de nous voir, tels que nous étions, nous, en 2002. Faites attention de ne pas finir comme nous sur ce sujet-là! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Copé. Vaillant va adorer!
M. François Pupponi. Oui, M. Vaillant l’a dit. Même si, quelque part, monsieur Copé, le fait que vous finissiez comme nous, sur ce sujet, ne me déplairait pas.
Cela fait huit ans que vous promettez la sécurité aux Français et ils voient bien que les promesses ne sont pas tenues. Mes chers collègues, certains d’entre vous sont maires et vous recevez, comme nous dans vos permanences, lors de réunions publiques des gens qui se plaignent. Et il suffit d’observer l’actualité. M. Voisin a dit qu’il avait même dû installer dans sa commune de 8000 habitants une caméra parce qu’il y avait des vols dans le cimetière. C’est dire!
Si je puis me permettre, mon cher collègue, j’ai moyennement apprécié le rapport que vous avez établi entre le fait de contrôler ce qui se passe dans un cimetière et la Corse. (Sourires.) Je ne comprends pas vos propos. Il s’agit presque d’un fait personnel et je ne voudrais pas que ce soit une allusion pour garder l’une des deux régions que vous administrez! Je plaisante et j’ai une pensée particulière pour mon ami Camille de Rocca Serra.
Notre amendement vise à supprimer l’article 17 A.
Vous voulez faire croire aux Français que vous allez enfin réussir dans le domaine de la sécurité, en mettant des caméras partout, caméras que vous ne paierez même pas, car vous allez les faire payer aux autres, aux collectivités. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
L’amendement n°300 du Gouvernement vise en effet à permettre l’inscription d’office dans les budgets communaux des caméras que le préfet aura décidé d’installer. Vous allez donc les faire payer par les communes et les sociétés privées. Votre gouvernement n’est même plus en capacité d’assurer, comme vous le dites, la vidéoprotection, car vous n’en avez plus les moyens.
Ne trompez pas les Français! Les caméras ne permettront pas de régler tous les problèmes de sécurité!
M. Jacques Alain Bénisti. D’accord!
M. François Pupponi. C’est un élément indispensable d’une politique de sécurité efficace,…
M. Yves Bur. C’est un outil!
M. François Pupponi. …surtout lorsque les effectifs de police et de gendarmerie sont suffisants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je tiens à m’exprimer sur le fond du dossier avec la querelle sémantique entre « vidéosurveillance » et « vidéoprotection ».
La vidéosurveillance, c’était la loi de 1995. Il existait des réticences à l’égard de ces moyens technologiques nouveaux. Aujourd’hui, elles ont été levées; vous l’avez vous-même exprimé, monsieur Pupponi.
Sur le fond, nous n’allons pas reprendre le débat entamé lors de la discussion générale. M. le ministre de l’intérieur a pointé, parmi les quatre contradictions majeures qui caracté risaient votre discours, la vidéosurveillance. Vous venez de tenir un discours réaliste sur ce sujet. Cependant nous n’avons pas entendu tous les orateurs de votre groupe faire de même. S’il n’y avait pas de problème, pourquoi interviendrez-vous sur ce thème?
Nous ne disons pas que la vidéoprotection est la seule solution, qu’elle va résoudre tous les problèmes, se substituer aux effectifs de police. Loin de nous cette pensée! Nous pensons simplement qu’elle constitue une solution pragmatique, concrète qui donne des résultats. Le rapport de l’inspection générale de la police et de la gendarmerie nationale a démontré, monsieur Braouezec, contrairement à vos propos, que la vidéoprotection est d’abord un puissant élément de prévention, d’élucidation également.
Dans les 164 circonscriptions de sécurité publique qui ont été analysées, il a été constaté – c’est scientifique, incontestable – que la délinquance chutait très fortement.
M. Patrick Braouezec. Elle augmente ailleurs puisqu’elle progresse en général!
M. Éric Ciotti, rapporteur . Toutes les grandes villes monsieur Braouezec, y compris celles que vos amis ou vos anciens amis administrent encore – elles sont rares, j’en conviens –, sont aujourd’hui équipées de vidéoprotection.
L’utilité de cet outil ne saurait être contestée. J’avoue donc ne pas comprendre les questions posées et cette querelle sémantique.
Avis défavorable sur ces deux amendements. Cela me permet ainsi de répondre aux suivants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet un avis défavorable aux deux amendements.
Le Gouvernement veut développer la vidéoprotection, qui a fait ses preuves. La loi du 21 janvier 1995 avait créé la notion de « vidéosurveillance ». Elle laissait donc entendre qu’il s’agissait de surveiller.
La réalité montre qu’il s’agit aussi de protéger des bâtiments et des installations publics, de protéger des installations utiles à la défense, de réguler le trafic routier, de constater des infractions aux règles de circulation, de protéger la population, de prévenir et d’élucider les atteintes aux personnes et aux biens. Le rôle protecteur est très fort. Il convient donc bien de parler de « protection », et non de « surveillance », et de mettre enfin les mots en accord avec les faits.
Je ne peux pas vous laisser dire, monsieur Pupponi, que le Gouvernement fait payer les autres. Le plan de développement, initié par le Président de la République en 2007, a permis de grandes avancées. Le fonds interministériel de la prévention de la délinquance a contribué au financement de plus de 315 projets vidéos en 2007, 310 en 2008, 538 en 2009. Il a été abondé en 2009 pour compléter l’équipement de 75 communes et sécuriser plus d’une centaine d’établissements scolaires. L’actualité nous montre, c’est vrai, qu’il reste encore des choses à faire.
Sur trois ans, cela a représenté 42 millions d’euros et 10000 caméras placées.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Notre collègue Catherine Vautrin, à l’occasion de l’examen de ce texte, a fait des propositions pour sanctionner l’utilisation frauduleuse d’identité. Or c’est un peu ce que vous faites et nous tenons à le dénoncer quand vous prétendez protéger nos concitoyens avec ce dispositif de sécurité. Les caméras sont éventuellement utiles pour les élucidations, et pas toujours, mais elles ne protègent malheureusement ni nos concitoyens ni même les forces de police.
Au printemps 2007, comme tous les ans, se tient sur la pelouse de Reuilly la Foire du Trône, équipée de caméras. Des resquilleurs essaient de monter sur des manèges sans payer. En plus des caméras, des gardiens de la paix assurent la protection des visiteurs et des forains. À l’occasion d’une bousculade contre des resquilleurs, un tout jeune gardien de la paix est mort, décapité par la machinerie d’un manège. Les caméras n’ont en aucun cas été dissuasives pour les resquilleurs. Elles n’ont protégé ni les forains ni les gardiens de la paix qui intervenaient. Elles n’ont même pas permis d’élucider cette affaire, car les angles de prises de vue n’étaient pas suffisants pour identifier les personnes mises en cause.
Ces caméras n’ont en aucun cas pu combler le manque d’effectifs criant constaté sur les quelques hectares de la Foire du Trône ce printemps-là. Les effectifs étaient, au même moment, utilisés, à quelques encablures, à Paris pour protéger le siège de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle, qui s’appelait Nicolas Sarkozy. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Marleix, secrétaire d’État. Ce n’est pas digne!
Mme Sandrine Mazetier. Arrêtez de laisser croire qu’un outil technologique se substituera à la présence humaine et pourra protéger nos concitoyens, et de le penser!
M. Yves Bur. Qu’est-ce que vous racontez?
Mme Sandrine Mazetier. Un outil n’est utile que par l’usage qui en est fait et compte tenu des possibilités offertes par cet usage.
Vous trompez nos concitoyens et je me demande si vous ne vous intoxiquez pas vous-même. C’est la démonstration que vous venez de nous faire. C’est ce que nous voulions dénoncer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Copé.
M. Jean-François Copé. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir eu l’habileté, si je puis dire, de me permettre de parler après l’ensemble des députés socialistes.
M. Manuel Valls. Il y en a encore un!
M. Jean-François Copé. Cela nous a permis de mesurer une nouvelle illustration des deux infinis: entre les propos tenus par M. Pupponi et ceux de Mme Mazetier, nous avons une assez belle illustration de l’état de l’opposition aujourd’hui.
M. Pupponi nous a dit en creux, lui qui est maire et qui sait naturellement, comme un certain nombre d’entre nous, ce que nous devons affronter sur le terrain, que beaucoup de progrès avaient finalement été accomplis depuis l’époque, qu’il a à peine voulu qualifier, où M. Vaillant était ministre de l’intérieur; lequel a probablement été le plus inefficace de tous les ministres de l’intérieur de toute la V e République. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
À l’inverse, pour Mme Mazetier la vidéosurveillance est l’horreur absolue.
Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas ce que j’ai dit!
M. Jean-François Copé. Il n’y a rien de tel que de regarder les faits, comme l’a très bien rappelé Éric Ciotti. Si, pour ma part, je défends la possibilité d’exercer conjointement une fonction nationale et une fonction locale…
M. Manuel Valls. Très bien!
M. Jean-François Copé. …c’est parce qu’il est important pour un élu de témoigner, à l’Assemblée nationale, de ce qu’il vit au quotidien en tant que maire.
M. Manuel Valls. Tout à fait!
M. Jean-François Copé. À Meaux, j’ai fait installer cent vingt-cinq caméras dans l’ensemble de la ville. En tant que tel ce dispositif n’est pas suffisant car il faut concevoir un travail autour de la vidéosurveillance. Cela suppose des réunions très régulières regroupant police nationale, police municipale, parquet, collèges, médiateurs, protection judiciaire de la jeunesse et, cela va de soi, les représentants de la municipalité. Moyennant quoi, là où nous dénombrions près de cent quinze crimes et délits pour mille habitants en 2003-2004, nous en sommes aujourd’hui à soixante-douze. Voilà des faits, un résultat. La vidéosurveillance a été, de ce point de vue, un appui extraordinaire qui a conduit à l’accroissement du taux d’élucidation dans des proportions spectaculaires: nous sommes proches de 50 %. Dire cela, ce n’est ni de gauche ni de droite, chers collègues: c’est un fait.
Soyez clairs et dites-nous, chers collègues du parti socialiste, si vous êtes pour ou contre la vidéosurveillance.
M. François Pupponi. On est pour!
M. Jean-François Copé. M. Pupponi y est favorable, mais je n’arrive pas à croire après avoir entendu ses propos que Mme Mazetier soit du même avis.
M. Jean-François Copé. Si vous partagez le même point de vue, ne perdons pas de temps: votons cette disposition gouvernementale qui va de soi puisqu’elle consiste à encourager la mise en place de systèmes qui aident considérablement la police et la gendarmerie dans ses missions.
Mme Sandrine Mazetier. Vous venez d’arriver dans l’hémicycle, monsieur Copé, vous n’avez pas suivi le débat. Le problème que j’ai soulevé n’est pas celui de la surveillance, mais celui de la protection des populations!
M. Jean-François Copé. Si vous êtes contre dites-le! Plutôt que de nous reprocher d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour pendant la campagne des élections régionales, profitez-en pour dire que vous êtes contre la vidéosurveillance.
Mme Sandrine Mazetier. Vous n’avez rien écouté!
M. Jean-François Copé. Pour notre part, nous y sommes favorables et les Français jugeront! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Je vous remercie, madame la présidente, de m’avoir donné la parole après Jean-François Copé dont je salue la présence et sa volonté d’animer la séance de cet après-midi! (Sourires .)
C’est l’exemple type de débat dans lequel nous n’avons pas envie d’entrer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je l’ai dit d’emblée, au cours de la discussion générale, comme d’autres orateurs de mon groupe.
Cela vous arrangerait tellement de reconstruire un débat avec, d’un côté, ceux qui auraient tout compris au problème des Français…
M. Jean-François Copé. Vous en êtes! Entraînez les vôtres!
M. Manuel Valls …et qui seraient seuls capables de leur offrir une solution en matière de sécurité; et, de l’autre, ceux qui continueraient à faire accroire qu’il n’y a que des victimes, qu’il faut d’abord s’attaquer aux maux de la société et éviter la problématique de la sécurité. Ce débat est désormais largement dépassé. En revanche – et nous n’avons cessé de le marteler –, ce qui importe, c’est l’augmentation, voire l’explosion du nombre des violences sur les personnes.
M. Philippe Goujon. C’est la réduction!
M. Manuel Valls. Nous vivons malheureusement dans une société de plus en plus violente; nous sommes nombreux à faire ce constat depuis des années. Il faut donc mettre l’accent sur l’échec d’une politique d’ensemble qui atteint ses limites et dont il faut discuter.
Nous sommes nombreux aussi à considérer que la vidéosurveillance est un outil utile, indispensable même. Elle a d’abord été installée dans les équipements publics, les transports en commun notamment, et cela fonctionne. Elle sert non seulement à la prévention, mais également à élucider les enquêtes et participe de la lutte contre le sentiment d’insécurité – expression au demeurant que je n’apprécie guère – au même titre que la rénovation de l’urbanisme ou de l’éclairage public comme le faisait remarquer hier un de nos collègues.
Bref, la vidéosurveillance est un outil utile, indispensable, mis en œuvre par la plupart des communes. C’est vrai à Meaux, à Paris, à Évry. Puisque nous en sommes à parler de nos cas personnels, j’indique que, dans le cadre du CLSPD commun de la ville d’Évry et de Courcouronnes dont les maires n’ont pas la même couleur politique, nous travaillons ensemble. Pour quelles raisons cela fonctionne-t-il et pourquoi observe-t-on une baisse de la délinquance? Grâce à la vidéosurveillance certes, mais également grâce à la coproduction du travail entre police nationale et police municipale ainsi qu’à la mobilisation générale de l’ensemble des acteurs: éducation nationale, bailleurs, monde associatif, justice. Bref, de tous ceux qui concourent à la lutte contre la délinquance et pour la tranquillité publique de nos villes et de nos quartiers.
Je ne me laisserai donc pas enfermer dans ce débat, chers collègues de la majorité. Avec notre amendement, nous ouvrons un vrai débat. Devant l’échec de votre politique en matière de sécurité, vous essayez de faire croire que les moyens techniques – en l’occurrence, la vidéosurveillance – permettront, à eux seuls, de régler des problèmes de fond. C’est la principale critique que nous formulons depuis hier. Au fond, comme le suggérait M. Pupponi, vous faites la même erreur que la gauche il y a quelques années: vous estimez que la vidéosurveillance est l’outil magique. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Serge Blisko. Illusion!
M. Daniel Spagnou. On n’a jamais dit cela!
M. Manuel Valls. Peu importe le terme du reste: « vidéosurveillance » ou « vidéoprotection ». Le problème fondamental est la diminution des forces de l’ordre sur le terrain. Au nom de la RGPP, vous annoncez des suppressions de postes. Il y a aujourd’hui un malaise au sein de la police. Il suffit pour s’en convaincre de lire la déclaration de l’un des principaux syndicats de policiers sur les débats autour de la garde à vue: selon lui, la politique du chiffre et de la performance est responsable des difficultés qui sont dénoncées sur tous les bancs.
Ne nous entraînez pas dans un débat dépassé, monsieur Copé, un débat idéologique. Si certains à gauche sont contre, c’est leur problème. Un de vos collègues disait lui-même ne pas être convaincu. Admettez qu’une politique efficace de lutte contre la délinquance et l’insécurité passe par l’utilisation d’outils modernes,…
M. Jean-François Copé. Voilà!
M. Yves Bur. C’est le bon sens!
M. Manuel Valls …mais aussi par une autre stratégie, un déploiement territorial différent, une relation avec le terrain…
M. Arnaud Robinet. On est d’accord.
M. Manuel Valls …contraire à ce que vous êtes en train de faire et aux missions que vous avez données aux forces de l’ordre depuis 2002. C’est cet échec-là qui est en train de se retourner contre vous.
Ne nous parlez pas non plus de la campagne des élections régionales, monsieur Copé! La région Île-de-France a été l’une des premières à mettre en œuvre des plans de sécurité dans les transports en commun. Elle a été la première région à mettre en place l’enquête de victimisation, celle qui fait ressortir la violence extrême qui touche nos concitoyens.
M. Philippe Goujon. Grâce à la droite!
M. Richard Dell’Agnola. Nous l’avons imposée!
M. Manuel Valls. Le temps des leçons est terminé! Le temps du bilan de votre politique est arrivé! Croyez-moi, vous avez ici une gauche réaliste et qui fait de la lutte contre l’insécurité et la violence sa priorité! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.
M. Jacques Alain Bénisti. Manuel Valls vient de nous dire que nous n’assumions pas notre échec. Je veux lui rappeler que la violence avait augmenté de 17 % en 2002! Si vous étiez restés aux affaires, nous en serions – en multipliant ce pourcentage par huit, soit par le nombre d’années – à 130 % d’augmentation. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)
Certes, nous observons tous une recrudescence, une montée en puissance de la délinquance, des faits de délinquance de voie publique ces derniers mois. C’est un fait.
M. Yves Bur. Chez moi, elle a baissé.
M. Jacques Alain Bénisti. Cela dit, nous n’en sommes pas à plus 130 %!
M. Jérôme Lambert. Si le chômage continue a augmenter, à combien serons-nous?
M. Jacques Alain Bénisti. M. Valls a également dénoncé une diminution des effectifs de police. En fait nous organisons une meilleure organisation des effectifs. Les maires de la région parisienne – et nous sommes un certain nombre ici – demandaient depuis des années la réunion des effectifs de la police sur Paris et la petite couronne. C’est fait, monsieur Valls! Et que vous disiez qu’Évry n’est pas concerné, dans la mesure où elle ne fait pas partie de la petite couronne, nous pouvons l’entendre.
S’agissant de la prévention évoquée par M. Braouezec, il est évident que les caméras n’empêcheront pas les délinquants de commettre des délits. Elles ne sont pas dissuasives, mais elles permettent, grâce à des zooms, car elles sont de plus en plus performantes sur le plan technique, de reconnaître les individus même lorsqu’ils portent des cagoules. Du reste, ils sont connus des maires. Le procureur de la République va désormais pouvoir agir: après avoir visionné le film d’une caméra de surveillance, il pourra le lendemain à six heures du matin chercher le délinquant, le déférer au parquet, le faire condamner et protéger ainsi l’ensemble des futures victimes de ce délinquant.
Quant au financement, je ne vous ai pas beaucoup entendu sur le sujet.
M. Manuel Valls. On y reviendra!
M. Jacques Alain Bénisti. Les communes disposent aujourd’hui d’aides pour l’investissement, mais pas pour le fonctionnement.
M. Manuel Valls. Vous avez raison!
M. Jacques Alain Bénisti. Les maires ici présents pourraient demander au ministre de l’intérieur de faire un petit effort.
M. Manuel Valls. Ouvrez la cassette!
M. Jacques Alain Bénisti. En effet derrière les caméras, il faut du personnel. (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jacques Alain Bénisti. Et le personnel doit être payé par l’État.
M. Manuel Valls. Voilà!
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je souhaite rebondir sur les propos de M. Copé.
M. Manuel Valls. Il est reparti!
M. François Pupponi. Il va revenir!
Lorsque j’ai dit que vous êtes dans la situation où nous étions en 2002, je ne mettais pas en cause la politique qui était menée à l’époque.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Un peu tout de même!
M. François Pupponi. Je suis convaincu que la police de proximité aurait porté ses fruits et que, au fond, nous la regrettons tous. Je suis convaincu également qu’avoir placé, grâce aux contrats locaux de prévention et de sécurité et aux conseils de prévention, le maire au cœur d’une politique de coproduction de sécurité était une bonne chose.
Cela étant, en 2002, nous n’entendions plus certaines choses sur l’insécurité, nous ne percevions pas vraiment le ressenti de nos concitoyens. C’est en ce sens que j’ai dit que vous êtes aujourd’hui dans la même situation. Je prends deux exemples en commençant par le débat sur les bandes et les cages d’escalier.
À ce propos on a fait croire aux Français, à ceux qui souffrent de la présence de squats dans les cages d’escalier, que nous allions régler le problème grâce à la loi. Il n’en est rien: la loi en question n’a pas donné le résultat escompté. Nous avions donc, la semaine dernière, proposé un amendement qui permettait d’aller plus loin. Le groupe UMP était du reste d’accord et a voté l’amendement. Or le Gouvernement a fait revoter alors que nous étions tous d’accord pour dire qu’il allait dans le bon sens.
M. Philippe Goujon. Il était mal rédigé!
Mme Delphine Batho. Pas du tout!
M. François Pupponi. Vous non plus, vous n’entendez plus rien!
Le second exemple concerne le rôle du maire. Si nous avons réussi à faire reculer l’insécurité dans nos territoires – Jean-François Copé le disait –, c’est parce que nous avons accepté de travailler ensemble et le rôle du maire est, à cet égard, fondamental.
M. Jacques Alain Bénisti. Très juste!
M. François Pupponi. Or l’article 17 ne mentionne jamais le maire!
Mme Sandrine Mazetier. Eh oui!
M. François Pupponi. Il est bon lorsqu’il s’agit de payer, mais il ne figure plus au cœur du dispositif. Par nos amendements, nous proposons de remettre le maire au cœur du dispositif de la vidéosurveillance sur le territoire communal.
Ce point devrait faire l’objet d’un consensus. Jean-François Copé lui-même l’a reconnu: c’est parce que le maire est placé au cœur du dispositif que celui-ci fonctionne bien. J’espère donc qu’il acceptera de nous suivre.
M. Manuel Valls. Très bien!
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Je continuerai de défendre mes arguments, même si j’ai l’impression d’être seul contre tous.
Mme Marie-Christine Dalloz. C’est normal!
M. Philippe Goujon. C’est réconfortant!
M. Patrick Braouezec. Je ne sais pas si c’est réconfortant; mais, quand on a des convictions, on les défend jusqu’au bout.
Même à droite, certains nourrissent des réserves et des réticences, que l’un d’entre vous a exprimées, mes chers collègues. Ils agissent, mais se méfient de ce que ces pratiques laissent présager. De nombreux maires n’ont ainsi installé un dispositif de vidéosurveillance que parce que l’opinion publique, elle-même manipulée par certains discours, souhaitait en finir avec la délinquance et la criminalité.
De ce point de vue, nous sommes tous concernés par ces problèmes de société, qui nous éclatent au visage et auxquels nous cherchons à apporter des solutions. Il ne faut donc pas opposer les réalistes, ceux qui comprendraient les gens, aux inconséquents ou aux angélistes.
En revanche, il est de notre responsabilité de prendre la mesure de ce que nous instaurons. En ce qui concerne la vidéosurveillance – j’en viendrai ensuite au texte proprement dit‚–, ceux d’entre vous qui sont maires savent bien que lorsqu’on installe un système de ce type dans un quartier et non dans d’autres…
M. Claude Bodin. On se fait engueuler!
M. Patrick Braouezec. …, nos concitoyens nous demandent de l’étendre aux quartiers non équipés.
M. Jacques Alain Bénisti. Bien sûr!
M. Patrick Braouezec. Voilà pourquoi ce système débouchera bientôt sur un quadrillage presque total, inexploitable, de l’Hexagone.
En outre, votre traitement exclusivement sécuritaire du problème laisse croire que toutes les politiques de prévention et de protection ont été vaines. Or, comme l’a indiqué l’un de mes collègues, tant qu’elle durera, l’augmentation du chômage créera des exclus qui tenteront d’une manière ou d’une autre de réagir.
Je sais qu’un ancien Premier ministre a avoué s’être trompé en croyant que la baisse du chômage réduirait la criminalité. En effet, il n’existe pas de relation de cause à effet immédiate entre ces deux phénomènes. Néanmoins il est certain que, chaque fois que quelqu’un trouve sa place dans la société, la délinquance et la criminalité reculent considérablement.
Or la RGPP et l’ensemble des mesures par lesquelles vous limitez les dépenses publiques pénalisent l’éducation, la société, la protection sociale et l’aide à l’enfance. Tel est le problème auquel nous autres, élus locaux, sommes confrontés. Et lorsque l’on établit le lien entre les deux phénomènes, on s’aperçoit que les conséquences de ce projet de loi, comme celles d’autres textes, sont criminelles à long terme.
(Les amendements identiques n os 80 et198 ne sont pas adoptés.)Mme la présidente. L’amendement n°101 du rapporteur est de précision.
(L’amendement n°101, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 17 A, amendé, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon, inscrit sur l’article.
M. Philippe Goujon. Avec le talent qu’on lui connaît, M. Valls a tenté de nous faire croire que la préoccupation sécuritaire était désormais chère à la gauche.
M. Manuel Valls et M. François Pupponi. Eh oui!
M. Philippe Goujon. Je veux bien vous en faire crédit, monsieur Valls, ainsi qu’à quelques personnes qui vous entourent; mais vos divisions – reconnaissez-le, mes chers collègues – sont telles que vous n’êtes pas crédibles lorsque vous faites vôtre cette nouvelle thématique.
Je n’évoque même pas les positions de vos prétendus alliés, du moins pour les élections, qu’il s’agisse du parti communiste – M. Braouezec vient de s’exprimer – ou des Verts, dont nul n’ignore le point de vue même s’ils ne sont pas présents parmi nous cet après-midi. Et c’est avec cette coalition contra dictoire que vous prétendez mener une politique de sécurité cohérente? Je vous souhaite bien du courage! (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
De fait, lorsque, dans nos régions, nos départements, nos circonscriptions ou nos villes, nous proposons des mesures tendant à renforcer la sécurité, vos amis s’y opposent.
Vous avez évoqué la région Île-de-France, où M. Huchon aurait pris des mesures de ce type. Pour être parfaitement honnête, et je sais que vous l’êtes, il faut préciser que, en 1998, c’est parce que M. Huchon n’avait pas de majorité que la droite a pu le contraindre (Rires sur les bancs du groupe SRC) …
M. Manuel Valls. Allons bon!
M. Philippe Goujon. …à créer une commission de sécurité, que je présidais – Mme Batho s’en souvient certainement‚–, et à consacrer un budget à la sécurité. M. Huchon n’en voulait pas; c’est la droite qui l’y a obligé. Et il en a été de même dans bien d’autres endroits.
En ce qui concerne la vidéoprotection, sans vouloir prolonger un débat déjà très riche, et même s’il ne s’agit que de l’un des outils permettant d’améliorer la sécurité, je reprendrai les arguments scientifiques que M. Ciotti a brièvement évoqués Je me fonderai sur une étude de mars 2008 de l’institut national des hautes études de sécurité et sur un rapport de l’inspection générale de l’administration publié en juillet 2009, deux documents récents et complets qui constituent à peu près les seules études sur le sujet dont nous disposions en France.
Selon ces deux études, le recours aux caméras améliore le taux d’élucidation des délits; il dissuade les délinquants potentiels de passer à l’acte; il atténue dans certains cas la gravité du préjudice subi. Les caméras sont un outil indispensable au maintien de l’ordre public; leur présence sécurise les interventions de police et en garantit le bon déroulement; elle exerce un effet positif sur le sentiment d’insécurité. L’IGA rappelle également que le nombre d’agressions progresse deux fois moins vite dans les villes équipées de caméras. Voilà des conclusions scientifiques, et non improvisées, sur l’efficacité de la vidéoprotection.
La loi de 2006 qui a permis le développement de la vidéoprotection sur la voie publique, à l’initiative du Président de la République, alors ministre de l’intérieur, a également lancé un grand plan national de vidéoprotection. Nous y sommes très attachés et nous espérons qu’il sera réalisé le plus rapidement possible, afin que notre pays égale ses principaux voisins, car le retard dont nous souffrons en la matière nuit à la sécurité de nos concitoyens. La multiplication par trois du nombre de caméras est absolument indispensable, comme le plan « Mille caméras à Paris ».
Je rappelle que ce dernier plan est le fait non du maire de Paris, qui s’y est toujours opposé, y compris lors des dernières élections municipales, mais de la préfecture de police et du ministère de l’intérieur, que je remercie de cet effort. Contrairement à ce qui a été dit – et qui est exact dans d’autres départements –, sur un coût global de 250 à 300 millions d’euros, la ville n’investira que 5 millions, destinés à financer quelques travaux de voirie permettant de relier des caméras de circulation à des salles de commandement. Le reste du financement sera assuré par l’État. Il s’agit certes de la capitale, mais je tenais à rappeler cet effort du ministère de l’intérieur et de la préfecture de police.
Cela étant, et même si nous ne prenons pas le système britannique pour modèle, songez qu’à Londres, ce sont 75000 caméras qui sont reliées à Scotland Yard! Nous devons trouver la juste mesure entre ce niveau d’équipement et le quasi-dénuement parisien.
M. Patrick Braouezec. Mais non! Ceci pousse à cela!
M. Philippe Goujon. J’abonde donc dans le sens de M. Braouezec, et je demande que l’on prépare dès maintenant un second plan de mille caméras.
À Londres il y a 75000 caméras, monsieur Braouezec!
M. Patrick Braouezec. Qui ne servent à rien!
M. Philippe Goujon. Il s’agit d’un système ancien, dont des études ont prouvé qu’il n’était pas d’une grande efficacité,…
M. Patrick Braouezec. Voilà!
M. Philippe Goujon …car il s’agit d’un système analogique, et non d’un système numérique comme celui dont nous disposerons, doté de caméras performantes.
M. Jacques Alain Bénisti. Exactement!
M. Philippe Goujon. Monsieur le ministre de l’intérieur, puisque vous venez de nous rejoindre, monsieur le rapporteur, je souhaite donc, je le répète, le lancement d’un second plan de mille caméras dans la capitale, ainsi que le développement d’un système de vidéoprotection qui en étendrait le modèle au Grand Paris, dans le prolongement de la création de la police d’agglomération. Ce système bénéficierait naturellement de l’aide de la région, puisque celle-ci souhaite cofinancer l’installation de caméras, même si elle a réduit son budget dans ce domaine.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison d’étendre les possibilités de recours à la vidéoprotection afin de sécuriser les abords des grands magasins dans des lieux particulièrement exposés. Nous savons combien ce dispositif est utile, à Paris mais aussi ailleurs.
Il serait du reste opportun d’encourager bien davantage les bailleurs sociaux à s’équiper également, ce qui compléterait de manière satisfaisante le dispositif de mutualisation des images que nous avons adopté en votant le projet de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes.
En conclusion, cet article permettra assurément d’améliorer le fonctionnement de la vidéoprotection dans notre pays, tout en garantissant naturellement les libertés individuelles, auxquelles nous sommes nous aussi très attachés, et qu’il faut défendre au même titre que la sécurité de nos concitoyens.
Mme la présidente. J’en viens aux amendements à l’article 17.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 79.
M. Patrick Braouezec. Le ministre de l’intérieur étant de retour parmi nous, je serais tenté de répéter les propos que j’ai tenus juste avant son arrivée. Mais je crains de vous lasser; je vous les résumerai, monsieur le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. J’ai déjà eu un résumé!
M. Patrick Braouezec. Puisque M. Goujon parle d’efficacité et nous invite à nous fonder sur des études scientifiques et à invoquer des statistiques, je défendrai cet amendement de suppression en citant quelques chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Ils concernent l’évolution du taux d’élucidation, évalué par vos services, dans les villes équipées de dispositifs de vidéosurveillance sur la voie publique et dans celles qui ne le sont pas.
En ce qui concerne la délinquance générale, les premières ont connu un taux d’élucidation de 21 % en 2000 et de 31,7 % en 2008, contre, respectivement, 23,2 % et 35,2 % pour les secondes. Dans ces dernières, un plus grand nombre de délits ont donc été élucidés et l’augmentation a été plus importante.
S’agissant de la délinquance de proximité, les villes équipées sont passées de 7,5 % en 2000 à 10,4 % en 2008, les villes non équipées passant au cours de la même période de 8,4 % à 11,9 %.
En matière d’atteinte aux biens et d’atteinte volontaire à l’intégrité physique, les chiffres sont tout à fait analogues.
Si M. Goujon voulait une démonstration de l’inefficacité de ce qu’il souhaite installer, il lui suffirait de consulter ces chiffres, qui viennent du ministère.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Tout a été dit. Avis défavorable.
M. Patrick Braouezec. Bonne réponse! (Rires.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Braouezec, j’étais en effet sorti lors de votre intervention…
M. Patrick Braouezec. Je vous en donnerai un résumé!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …, mais le secrétaire d’État à l’intérieur et le rapporteur m’ont résumé très précisément vos propos.
M. Patrick Braouezec. Je ne doutais pas que le rapporteur allait rapporter! (Rires.)
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est sa nature et sa mission.
M. Patrick Braouezec. Ce n’est pas sa nature, heureusement: c’est sa fonction! Je le connais: par nature, il n’est pas comme cela! (Sourires.)
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. C’est sa nature et sa mission dans les circonstances présentes!
Monsieur Braouezec, vous avez naturellement le droit de vous prononcer contre la vidéoprotection et de revendiquer cette opposition. Voilà une grande différence entre nous: de notre côté, nous sommes pour.
Il n’y a qu’un problème, c’est le débat qui a lieu chez vous.
M. Patrick Braouezec. Le débat est partout!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Vous le savez, puisque je vous ai reçu en compagnie d’élus locaux de votre département, notamment de circonscriptions voisines de la vôtre. J’ai le souvenir que le maire communiste de Saint-Ouen, particulièrement pragmatique, s’est exprimée publiquement pour dire qu’elle-même y réfléchissait. Je l’ai entendue également à la télévision.
Vous avez parfaitement le droit d’y être opposé, c’est une vraie différence avec nous qui y sommes favorables. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls: une enquête d’opinion parue au mois d’août dernier a montré que 81 % de nos compatriotes y étaient également favorables. En outre, un rapport de l’inspection générale a démontré que dans les communes dotées d’équipements de vidéoprotection, la délinquance diminuait deux fois plus vite que dans celles qui en étaient dépourvues.
La comparaison avec le Royaume-Uni est éclairante, comme l’a souligné M. Bénisti. Je rappelle que – différence supplémentaire avec la France – les plans de vidéoprotection n’y ont pas toujours été réalisés en liaison avec les services de police.
Je pourrais continuer à argumenter, mais je ne veux pas refaire la discussion générale. Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le Gouvernement émet un avis défavorable.
(L’amendement n° 79 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 14.
La parole est à M. Claude Bodin.
M. Claude Bodin. Mon amendement n’est pas si éloigné du débat que nous avons eu tout à l’heure et je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour tempérer votre enthousiasme, monsieur Valls, s’agissant des efforts du conseil régional d’Île-de-France en matière de sécurité.
Membre de la commission « lycées » de cette instance, je peux vous assurer que certains collègues, parfaitement lucides, abondent dans le sens que vous avez indiqué, qui est aussi le nôtre, à savoir la protection des établissements secondaires, dépendant de la Région, par la vidéosurveillance. Mais il y a une telle divergence avec d’autres membres du conseil régional appartenant à cette majorité que bon nombre de dossiers ont été soit retardés, soit repoussés et que des demandes émanant des conseils d’administration n’ont pu trouver de suite.
Mon amendement propose de compléter l’alinéa 8 en prévoyant d’installer la vidéoprotection non pas seulement dans les lieux exposés à des risques d’agression ou de vol mais également dans les lieux exposés à des risques de trafic de stupéfiants ou de trafics illicites. Je pense particulièrement aux abords des collèges, des lycées, des gares et des centres commerciaux de quartier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable à cette excellente proposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Avis favorable, monsieur Bodin, sous réserve d’une rectification qui consisterait à prendre en compte la terminologie employée dans les lois existantes et à remplacer les mots « trafic de drogue » par « trafic de stupéfiants » et « économie souterraine » par « transactions commerciales illicites ».
Mme la présidente. Êtes-vous favorable à cette rectification, monsieur Bodin?
M. Claude Bodin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 14 est ainsi rectifié.
La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Nous n’allons pas alimenter la campagne électorale de la région Île-de-France (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) mais puis-je profiter de l’absence des collègues d’un autre groupe de la majorité régionale pour vous dire, monsieur Bodin, que vous avez raison? Comme le murmurait Mme Batho, les électeurs de gauche doivent voter, au moins au second tour, pour la liste la plus efficace, la mieux à même de répondre aux aspirations des Franciliens, et pas uniquement pour ce qui est des questions de sécurité.
M. Claude Bodin. Celle de l’UMP, bien évidemment!
M. Manuel Valls. Nous n’allons pas revenir sur l’époque bénie où nous trouvions des terrains d’entente sur ces questions au conseil régional alors que nous disposions d’une majorité relative. Je le rappelle, ce n’était pas parce que M. Karoutchi ou M. Goujon faisaient pression mais parce que le vice-président chargé des questions de sécurité, M. Julien Dray – je n’étais que le modeste vice-président chargé des finances – a su, parmi les premiers, pointer du doigt la montée de la violence, notamment le phénomène des bandes. La région Île-de-France a ainsi été pionnière en ce domaine et le reste.
M. Philippe Goujon. Non, c’est bien fini!
M. Manuel Valls. Elle a investi, depuis 1998, 84 millions en faveur des transports en commun et, depuis 2004, 34 millions en faveur de la vidéosurveillance et des mesures anti-intrusion dans les lycées ainsi que 70 millions en faveur des commissariats.
Vous mettez en cause la compétence générale des collectivités et je ne suis pas sûr que les régions pourront à l’avenir continuer à investir autant d’argent en faveur de la sécurité, qui ne figure pas parmi leurs compétences définies par la loi. C’est un débat que nous pourrions avoir avec vous, monsieur le ministre, et avec M. le secrétaire d’État à l’intérieur.
L’examen des faits montre que les collectivités territoriales dirigées par des exécutifs socialistes ont largement intégré la préoccupation de nos concitoyens et accompagnent les efforts de l’État et de la police nationale. Mais ce mouvement ne doit pas se faire au détriment de l’autonomie des collectivités territoriales, garantie par la Constitution.
Cela dit, si j’ai pris la parole, madame la présidente, c’est aussi pour vous dire que nous sommes favorables à l’amendement qui vient d’être rectifié par le Gouvernement.
(L’amendement n° 14, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 23.
La parole est à M. Christian Vanneste.
M. Christian Vanneste. C’est à la suite du débat en commission que j’ai déposé cet amendement. J’avais senti que si beaucoup doutaient du caractère préventif de la vidéoprotection, beaucoup étaient sensibles au rôle qu’elle pouvait jouer en matière d’élucidation. Constatant que l’on ne mettait pas assez l’accent sur sa faculté d’élucider les faits et d’identifier des personnes, j’ai donc souhaité ajouter cet alinéa dans la définition de ses objectifs.
Cela fait vingt ans que je me bats pour la vidéoprotection et je voudrais rappeler ce qui a motivé cette position. Il s’agit de deux faits qui se sont produits en Grande-Bretagne: premièrement, l’identification par la vidéoprotection des deux enfants qui avaient enlevé et tué dans des circonstances atroces un plus jeune qu’eux; deuxièmement, quelque temps plus tard, l’arrestation à Londres d’un terroriste qui déposait une deuxième bombe après en avoir fait exploser une première, grâce à la vidéoprotection qui avait permis de l’identifier.
Cet historique montre que la vidéoprotection a d’abord pour but d’élucider. Par ricochet, elle prévient. Il est facile de trouver des arguments contre ces équipements en invoquant, par exemple, le fait que les délinquants se déplacent. Or il est prouvé que les délinquants ne vont pas n’importe où, ils se concentrent en certains lieux et si l’on y place des équipements de vidéoprotection, on est à même de lutter efficacement contre la délinquance.
Je voulais donc tendre à l’unanimité en évoquant l’objectif d’élucidation, que de nombreux membres de la commission, y compris de l’opposition, souhaitaient voir pris en compte.
J’ajoute un élément supplémentaire: la nécessité d’identifier des personnes dans l’espace public implique d’interdire le port de certains vêtements. Je l’ai évoqué dans une proposition de loi déposée au mois de septembre, signée par une quarantaine de membres de l’UMP et reprise par l’un d’entre eux et non des moindres.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Nous considérons que votre amendement est déjà satisfait, monsieur Vanneste. Il n’importe pas de savoir qui de la prévention ou de l’élucidation est la plus efficace: le système est global et utile dans son ensemble, comme le démontrent les études. Je vous demande donc de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur Vanneste, si des images apparaissent utiles à une enquête ou à une instruction judiciaire, elles sont transmises à l’autorité judiciaire. Votre amendement me semble donc apporter des précisions redondantes. Je partage la position du rapporteur même si, sur le fond, votre raisonnement est parfaitement justifié.
Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Vanneste?
M. Christian Vanneste. Encore une fois, j’insiste sur ce point, on parle de prévention et non d’élucidation alors que des voix se sont élevées pour dire que c’était cette dernière qui comptait.
L’ajout que je propose n’enlèverait rien à la loi, il l’améliorerait au contraire, conformément à notre rôle de parlementaire. J’avoue que j’aurais préféré que le Gouvernement s’en remette à la sagesse de notre assemblée.
De surcroît, cet amendement éviterait que ne soit invoqué un argument de contestation de la loi consistant à dire que la vidéoprotection n’a pas de rôle de prévention alors que nous sommes tous d’accord pour dire qu’elle permet d’élucider.
(L’amendement n° 23 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°204.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous sommes favorables, je le répète, à la vidéosurveillance mais nous souhaitons l’encadrer. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas faire n’importe quoi en ce domaine qui comporte des dangers. Nous pourrions nous retrouver, comme nos amis anglais, dans des situations difficiles si nous ne maîtrisons pas l’implantation de la vidéosurveillance sur le territoire national.
À l’alinéa 11 de l’article 17, le Gouvernement prévoit d’autoriser l’implantation de caméras sur la voie publique par des personnes morales de droit privé. Vous étendez donc une possibilité précédemment limitée aux seuls cas de terrorisme. Nous voyons bien ce que cela implique. Cela permettra aux collectivités locales et accessoirement au Gouvernement de multiplier le nombre de caméras sur le territoire communal aux frais de sociétés privées, qu’il s’agisse de bailleurs ou d’entreprises. Toutefois, généraliser ainsi la possibilité pour les personnes de droit privé de filmer à tout moment de la journée des personnes sur la voie publique pose problème.
Nous proposons dans cet amendement et d’autres qui suivront d’encadrer cette procédure en prévoyant que le maire soit consulté avant la mise en place du système de vidéoprotection et que les municipalités organisent de manière cohérente et efficace l’implantation des caméras sur leur territoire et gèrent l’ensemble des images en relation avec les forces de police nationale ou de gendarmerie afin d’éviter une multiplication anarchique des caméras sur le domaine communal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Nous n’estimons pas utile d’accorder un droit de veto au maire avant l’installation de caméras de vidéoprotection sur la voie publique par un opérateur privé.
Je rappelle que l’amendement « Galeries Lafayette »…
M. Philippe Goujon. Une disposition importante!
M. Éric Ciotti, rapporteur . …a autorisé les établissements privés, en cas de risques terroristes, à visionner les images des abords de leurs établissements. Nous étendons aujourd’hui ce dispositif aux risques de vol, notamment.
Des garanties sont apportées par la commission départementale de vidéoprotection dont l’avis sert de base à la décision du préfet.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur Pupponi, si je partage votre sentiment concernant le rôle des maires, il serait dangereux de leur reconnaître un véritable droit de veto sur toute action de personne de droit privé. A vos exemples, je peux en opposer d’autres, par exemple pour les associations cultuelles. Je prendrai le cas d’un responsable de synagogue qui souhaiterait installer un système de vidéosurveillance. Permettre au maire d’exercer un droit de veto compliquerait les choses.
L’installation de la vidéoprotection est déjà très largement encadrée puisqu’elle est soumise à un avis d’une commission présidée par un magistrat du siège, à une autorisation préfectorale, à une information du public sur place, au contrôle de la commission départementale, et qu’elle peut faire l’objet d’une sanction pénale. Introduire d’autres mesures risquerait de freiner le développement de la vidéosurveillance, ce que nous ne souhaitons pas.
J’ajoute que, lorsque le préfet délivre une autorisation, il serait normal qu’il en informe systématiquement le maire de la commune concernée. Je vous donne cette précision, même si tel n’est pas le sens de votre amendement.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, vous pourriez sous-amender l’amendement n°204.
M. François Pupponi. On pourrait envisager de demander l’avis du maire.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Non, car ce serait la porte ouverte à ce que l’on ne souhaite pas.
Je le répète, imaginez que le responsable d’une synagogue obtienne l’autorisation d’installer un système de vidéosurveillance, avec tous les garde-fous que j’ai précisés, mais que le maire exerce son droit de veto. On irait alors au-devant de grandes difficultés. Voilà pourquoi j’émets des réserves à votre proposition. Cela dit, je pense que le maire devrait être informé de l’installation d’un tel dispositif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le ministre, on pourrait rectifier l’amendement n°204, en remplaçant « après accord » par « après information ».
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je suis d’accord.
Mme la présidente. Monsieur Pupponi, acceptez-vous que l’amendement soit ainsi rectifié?
M. François Pupponi . Bien sûr. Nous ne voulons pas obtenir un droit de veto. Mais imaginez que la municipalité concernée ait comme projet d’implanter, elle aussi, des caméras à cet endroit. On ne va pas se retrouver avec plusieurs systèmes de vidéosurveillance différents sur la voie publique. C’est pour permettre une organisation cohérente que j’ai proposé que l’accord du maire soit recueilli. Cela dit, remplacer le mot « accord » par le mot « information » me paraît être une bonne solution.
(L’amendement n°204, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°203.
Mme Delphine Batho. La loi de 1995 prévoyait que la vidéosurveillance pouvait être mise en œuvre aux fins d’assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats. Or, le présent projet de loi ne mentionne pas le mot « immédiats », ce qui représente une extension substantielle puisque ce n’est plus simplement le terrorisme qui est visé mais aussi le risque de vol et d’agression.
Monsieur le rapporteur, il y a partout un risque de vol ou d’agression, alors que l’on n’est pas exposé partout à un risque d’acte de terrorisme. Voilà pourquoi supprimer le mot « immédiats » nous paraît constituer un élargissement inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Les termes « abords immédiats » constituent un pléonasme.
Mme Delphine Batho. Pourtant, ils figuraient dans la loi de 1995!
M. Éric Ciotti, rapporteur . Voilà pourquoi la commission a émis un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Je souhaite que la loi indique clairement que l’efficacité des systèmes de vidéoprotection nécessite qu’elle puisse balayer un champ plus large que les quelques mètres situés devant la porte du commerce ou de l’usine concernés, dans un souci de protection.
Le champ de vision doit donc englober les abords des bâtiments et installations, dont la profondeur doit être appréciée en fonction de la nature des risques encourus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Le ministre n’a pas donné exactement la même réponse que le rapporteur.
Il y a bien changement substantiel du périmètre qui peut être couvert par la vidéosurveillance sur la voie publique. On parle donc d’opérateurs privés qui vont filmer la voie publique, avec un champ de vision large. À cela nous sommes opposés. Voilà pourquoi nous maintenons cet amendement.
(L’amendement n°203 n’est pas adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n°206.
M. François Pupponi. Comme pour l’amendement n°204 rectifié, il s’agit de permettre aux maires, non d’avoir un droit de veto, mais d’être associés à l’implantation d’un dispositif de vidéosurveillance sur leur commune.
La commune dont je suis le maire est en train d’implanter un système de vidéosurveillance, en coordination avec la préfecture. Un groupe de travail opérationnel déterminera les lieux où seront mises en place ces caméras, par accord entre le commissaire et le maire. Sont pris en compte le niveau de criminalité de tel ou tel lieu, les lieux de culte, etc.
Dans la plupart des cas, les maires sont associés à l’implantation de ces systèmes de vidéosurveillance, mais il peut y avoir des cas où un commissaire peut décider d’un lieu sans concertation. Voilà pourquoi nous proposons que la loi prévoie que le maire soit associé au choix des lieux où sont implantées des caméras.
Je comprends que M. le ministre ne souhaite pas que l’on donne au maire un droit de veto, mais associons-le à l’implantation des caméras.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . La commission est défavorable à cet amendement. Je crois que l’amendement n°204 rectifié répond largement à vos préoccupations.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis.
L’amendement n°204 rectifié répond en effet à vos préoccupations.
M. François Pupponi. Madame la présidente, je retire l’amendement n°206.
(L’amendement n°206 est retiré.)Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho, pour soutenir l’amendement n°200.
Mme Delphine Batho. La possibilité pour des opérateurs privés de filmer les abords des établissements par le biais de la vidéosurveillance est issue, non de la loi de 1995, mais de celle de 2006 sur le terrorisme, ce qui pouvait se comprendre dans une logique de lutte contre le terrorisme et de prévention du terrorisme. Or, le présent projet de loi prévoit d’étendre cette possibilité à l’ensemble de la voie publique, à moins que le rapporteur soit capable de définir précisément quels endroits sont exposés à des risques de vols ou d’agressions.
Aussi, l’amendement n°200 propose-t-il d’en rester à la loi de janvier2006, c’est-à-dire de limiter au cas de risque de terrorisme la possibilité d’installer des systèmes de vidéosurveillance sur la voie publique aux abords de leurs bâtiments.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Madame Batho, vous nous proposez d’en rester aux dispositions actuelles. Or, le présent projet de loi prévoit d’étendre les dispositions arrêtées par la loi de lutte contre le terrorisme aux cas de vols ou d’agressions, par souci d’efficacité. Je ne vois pas pourquoi vous vous opposez, sur le fond, à ces dispositions qui ne peuvent qu’apporter des améliorations en matière de sécurité.
M. Patrick Braouezec. Tout est dit!
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que la commission. Le champ que vous proposez me paraît beaucoup trop restrictif.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Le champ que je propose est celui d’un certain ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, qui avait fait voter la loi du 23 janvier 2006!
M. Manuel Valls. Tout cela est dépassé, madame Batho! (Sourires.)
Mme Delphine Batho. Il ne s’agit pas de savoir si l’on est pour ou contre la vidéosurveillance. Il est question ici d’opérateurs privés dont les agents vont visionner des images qui sont prises sur la voie publique où tout un chacun peut circuler. Voilà pourquoi nous considérons qu’il faut en rester à la loi de 2006 et qu’il ne faut pas l’étendre tous azimuts.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Mesdames, messieurs les députés, je vous prie de m’excuser d’intervenir dans votre débat interne.
M. Jacques Alain Bénisti. Non, c’est un débat général!
M. Patrick Braouezec. Je trouve la discussion surréaliste. Dès lors que vous êtes tous convaincus que la vidéosurveillance est une bonne réponse à l’insécurité...
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . C’est une des réponses!
M. Patrick Braouezec. ...vous mettez le doigt dans un engrenage.
Dès lors que l’on ouvre la boîte de Pandore, pourquoi protéger certains lieux plutôt que d’autres? Dans ce cas, il faudrait aller jusqu’au bout, mais on aboutit à Big Brother . Comment expliquerez-vous à vos concitoyens que l’on va protéger les salariés d’une entreprise mais pas les habitants d’un quartier populaire voisin?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire . On va le faire!
M. Patrick Braouezec. Et voilà!
Une fois la loi votée, elle deviendra rapidement caduque car une autre demande se fera jour.
Lorsque M. Sarkozy était ministre de l’intérieur, on pouvait penser qu’on était arrivé au summum de ce que l’on pouvait demander en matière de vidéoprotection.
M. Manuel Valls. Non, c’était un dangereux laxiste!
M. Patrick Braouezec. Mais là, on va encore plus loin. Et après-demain, vous irez encore plus loin, mais sans plus de résultats.
Quelle responsabilité prenons-nous devant l’opinion publique en choisissant toujours la fuite en avant? Que l’on s’attaque plutôt radicalement aux causes qu’aux conséquences! Voilà les questions que personne ne se pose ici, mais qui devraient l’être.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. À l’instant, Mme Batho rappelait les raisons pour lesquelles la possibilité d’installer des systèmes de vidéosurveillance avait été ouverte à des personnes privées et dans quel cadre. Il s’agissait de prévenir les actes terroristes dans des lieux particulièrement exposés parce que très fréquentés. On voit donc bien en quoi c’était acceptable.
Mais, là, subrepticement, vous sous-traitez, et de surcroît gratuitement, à des personnes privées ou aux collectivités locales la surveillance de l’espace public pour prévenir, non des risques de terrorisme, mais de vols ou d’agressions.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Et de terrorisme!
Mme Sandrine Mazetier. Heureusement, vous n’avez pas supprimé le risque terroriste, car il existe de plus en plus dans notre pays.
Mais vous y ajoutez la prévention de risques très différents – vols, agressions – qui ouvre des espaces importants à la vidéosurveillance. De plus et surtout, quand on additionne les mesures de cette LOPPSI, il apparaît que vous vous préparez à réduire petit à petit les effectifs de la police et de la gendarmerie parce que l’espace public sera surveillé en permanence par des personnes qui ne seront absolument pas rémunérées pour assurer le maintien de l’ordre, mais qui pourront à tout moment prévenir les forces de l’ordre si elles voient une agression ou un vol sur leur écran.
Par ailleurs, vous exposez nos concitoyens à un risque nouveau. Chacun sait que certains salariés d’opérateurs de téléphonie mobile ou de fournisseurs d’accès vendent aux journaux de la presse people les numéros de téléphone, les adresses de messagerie d’un certain nombre de personnalités. Il y a même eu une polémique à propos d’un texto entre un éminent personnage de l’État et son ex-épouse qui était entré en possession d’un journaliste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Les procès pour atteinte à la vie privée ou pour atteinte à l’image fourmillent d’exemples de cet ordre. Demain, quand des caméras d’opérateurs privés seront installées un peu partout et non pas seulement aux abords immédiats de l’entreprise ou du magasin concernés et que, devant les écrans, il y aura des personnes en général mal payés et au contrat précaire, la tentation sera forte pour elles de vendre ces images.
M. Daniel Spagnou. C’est parler pour ne rien dire!
Mme Sandrine Mazetier. Ce qui existe aujourd’hui pour les numéros de téléphone, les boites vocales et les messageries internet existera demain dans tous les champs de l’espace public parce que vous voulez faire des économies en réduisant le nombre de fonctionnaires de police et de gendarmerie, renonçant ainsi à l’exercice par l’État de ses missions régaliennes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Franck Gilard. Ça n’a rien à voir, madame Mazetier!
(L’amendement n°200 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°207.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Cet amendement vise à insérer, après l’alinéa 11, deux nouveaux alinéas visant notamment à remplacer les mots: « du représentant de l’État dans le département et, à Paris, du préfet de police », par les mots: « de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Il s’agit d’organiser et de contrôler l’implantation des caméras de vidéosurveillance sur le territoire national en introduisant la CNIL au cœur du dispositif. Nous présenterons d’autres amendements qui vont dans le même sens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Monsieur Pupponi, votre amendement pose plusieurs problèmes.
Tout d’abord, il y a un problème de moyens. Je vous rappelle qu’environ 10000 autorisations sont accordées chaque année par les commissions départementales. Je ne vois pas comment, sans créer une charge publique supplémentaire, on pourrait rendre la CNIL capable d’assumer une telle mission.
Sur le fond, rien dans les compétences de la CNIL ne légitimerait son intervention en matière de contrôle du visionnage d’images prises sur la voie publique. Elle ne peut intervenir que s’il s’agit de caméras couplées avec des systèmes de reconnaissance faciale, systèmes aujourd’hui très rares. En ce cas, il est certes nécessaire de recueillir son accord. Mais cette compétence connexe de la CNIL en matière de vidéosurveillance se justifie uniquement en raison des caractéristiques spécifiques de ces systèmes. Le contrôle de la CNIL ne pourrait par ailleurs porter que sur les conditions de protection des données personnelles et non sur les principes de l’emploi de la vidéosurveillance dans la sphère publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le législateur a prévu que la CNIL est une instance chargée de veiller à la bonne utilisation des fichiers électroniques. La loi de 1995 dispose que seuls les systèmes vidéos qui associent les images à un fichier d’identités relèvent de sa compétence. Ce qu’a dit le rapporteur est donc totalement exact: il y a aujourd’hui 10000 autorisations d’installation par an; ce qui signifie que si l’on confiait cette compétence à la CNIL, celle-ci serait obligée d’examiner 200 demandes d’autorisation par semaine, et cela lui serait matériellement impossible.
C’est pourquoi un examen des demandes à l’échelon local paraît le plus pertinent: avis de la commission départementale et délivrance de l’autorisation par le préfet. C’est une architecture que nous connaissons depuis quinze ans, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision de janvier1995, et qui a fait la preuve de son efficacité.
J’ai reçu le président Alex Türk il y a quelques jours. Il m’a fait valoir plusieurs arguments dont certains ne peuvent être balayés d’un revers de main. Mais, à ce stade, il me paraît difficile de vous suivre, monsieur Pupponi… Je pense que vous m’avez compris. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Braouezec. On a compris qu’il y a un certain embarras, monsieur le ministre!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. À ce stade, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Je me réjouis de vos interrogations et de vos hésitations, monsieur le ministre, mais je reconnais que ce sont des sujets assez complexes. Je siège moi-même à la Commission nationale de vidéosurveillance présidée par l’éminent Alain Bauer, et il me semble qu’il faut engager un dialogue fructueux entre la Commission nationale et la CNIL. Le rapport d’information des sénateurs Courtois et Gautier sur la vidéosurveillance, en 2008, avait conclu qu’il fallait confier ces questions à la CNIL. Cela pose incontestablement des problèmes pratiques, mais je serais étonné que ces deux sénateurs ne défendent pas leurs conclusions lors du débat au Sénat si, malheureusement, vous n’acceptiez pas notre amendement. Il faudra, en deuxième lecture, essayer d’établir un partage des missions entre la CNIL et la Commission nationale de vidéosurveillance. La CNIL pourrait traiter tout ce qui concerne le tout-venant – qui est tout de même massif –, et il faudrait alors mieux déterminer les missions de la Commission nationale, notamment pour tout ce qui concerne les sites sensibles sous la responsabilité de l’État.
Par cet amendement, nous avons voulu pointer le rôle de la CNIL, souligner la nécessité de trouver un accord avec le président Türk et une meilleure répartition des responsabilités entre la Commission nationale de vidéosurveillance et la CNIL. Nous vous appelons à mener une réflexion à laquelle nous sommes, les uns et les autres, prêts à participer.
(L’amendement n°207 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°208.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Notre amendement touche, lui aussi, un point sensible. En effet, le projet de loi prévoit d’autoriser l’implantation de caméras par des sociétés privées. Un tel dispositif pourrait être parfois intéressant, mais le problème est que certaines de ces caméras vont filmer ce qui se passe sur la voie publique.
De surcroît, l’alinéa 13 permet aux salariés d’une société privée de visualiser ces images dès lors que l’autorité publique concernée aura concédé leur visionnage à ladite société. Nous considérons qu’il y a là un danger. C’est pourquoi nous proposons que seuls des opérateurs publics soient autorisés à visualiser les images. Ensuite, les forces de police ou de gendarmerie peuvent éventuellement prendre les choses en main – cela se fait beaucoup dans nos centres de vidéosurveillance – à la demande de l’autorité publique, souvent la municipalité, pour regarder ce qui s’est passé en cas d’agression ou d’autres problèmes sur le territoire communal. Cela nous paraît aller dans le bon sens parce que ce sont des autorités publiques qui visionnent les images et qui en contrôlent la diffusion. Mais, je le répète, permettre à des sociétés privées de pouvoir utiliser des images captées sur la voie publique nous paraît dangereux. Notre amendement vise donc à prohiber toute convention avec le privé pour l’exploitation de ces images afin d’en limiter l’utilisation aux opérateurs publics.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable parce qu’il est important de permettre le visionnage par des agents extérieurs à la personne qui a obtenu l’autorisation de mettre en place un système de vidéoprotection. Il est également important de rendre possible la création de centres de supervision des images, structures évidemment indispensables au bon fonctionnement du dispositif: il ne suffit pas d’avoir des caméras, il faut aussi des centres de supervision performants et, surtout, des gens qui regardent ce qu’ont capté les caméras. On ne peut pas multiplier les effectifs publics dans ce cadre,…
M. Éric Ciotti, rapporteur . …ce qui justifie le recours à l’intervention privée. À l’intention de M. Braouezec, je précise que ne pas multiplier les effectifs du public ne signifie pas que ceux du privé s’y substituent.
M. Patrick Braouezec. Mais en multipliant les caméras, vous allez multiplier les surveillants, qu’ils soient publics ou privés!
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que la commission.
(L’amendement n°208 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°111.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Le maire devant désormais être informé de l’implantation de caméras sur le territoire communal par une personne morale de droit privé, l’amendement proposait que la convention qu’elle a passée avec une autorité publique soit soumise à l’accord du maire de la commune concernée. Je le rectifie oralement en remplaçant le mot: « accord », par le mot: « information ». Il faut que le maire soit informé que l’autorité publique a autorisé l’opérateur privé à visualiser les images.
Mme la présidente. Je lis l’amendement n°111 tel qu’il vient d’être rectifié: « À la première phrase de l’alinéa 15, après le mot: “police”, insérer les mots: “après information du maire de la commune concernée” »
Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je ne suis pas défavorable à l’amendement ainsi rectifié. Je le soutiendrai même, si le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Sagesse.
(L’amendement n°111, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°114.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Madame la présidente, puis-je présenter en même temps les amendements n° s 113 et 115?
Mme la présidente. Oui, mon cher collègue. Veuillez poursuivre.
M. François Pupponi. Le débat sur la place de la CNIL a déjà eu lieu. Le ministre a répondu. Tous ces amendements visent à trouver une solution permettant de placer la CNIL au cœur du dispositif, aux côtés de la Commission nationale de vidéosurveillance. Je pense qu’il faudra trouver le moyen de faire apparaître la CNIL dans les instances de contrôle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je demande le retrait de tous ces amendements relatifs à la CNIL car nous aurons un débat sur ce sujet plus tard.
Mme la présidente. Monsieur Pupponi, retirez-vous vos amendements?
M. François Pupponi. Oui, madame la présidente.
(Les amendements n° s 114, 113 et 115 sont retirés.) (L’article 17, amendé, est adopté.)Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)Mme la présidente. Sur l’article 17 bis , je suis saisie d’un amendement n°102.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement de coordination, madame la présidente.
M. Patrick Braouezec. Méfions-nous, alors! (Sourires)
(L’amendement n°102, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 17 bis, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°300, portant article additionnel après l’article 17 bis.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’ai bien entendu les observations qui ont été formulées, notamment en commission des lois, sur le projet de mise en place d’un pouvoir de substitution du préfet aux communes, pour permettre l’installation de la vidéoprotection.
Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement reste attaché à donner un tel pouvoir aux préfets, mais dans trois cas bien précis: la prévention d’actes de terrorisme; la protection des abords de points d’importance vitale tels que les sites nucléaires; la protection des intérêts fondamentaux de la nation, comme les sites diplomatiques, consulats et autres.
Le dispositif proposé par cet amendement préserve la capacité de décision de la commune, ce qui était une préoccupation partagée et exprimée notamment par François Baroin.
Il prévoit que le préfet demande à la commune de délibérer dans un délai de trois mois. Ce n’est qu’en cas de refus explicite ou de défaut de réponse que, s’il estime qu’une impérieuse nécessité de sécurité publique est en jeu, le préfet pourra installer le dispositif approprié.
Dans ce domaine, il faut que l’État ait le dernier mot, je le dis très clairement.
Reste à régler une question qui n’est pas secondaire, celle du financement. L’État apporte actuellement son soutien financier jusqu’à 50 % du coût de l’investissement. De même, les dispositions de ce projet de loi permettent de déployer la vidéoprotection à un moindre coût par la mutualisation du visionnage ou la délégation à un prestataire.
Dans le cas particulier où le préfet se substitue au maire, faut-il aller jusqu’à prévoir une dépense obligatoire pour la commune? Ce n’est vraisemblablement pas l’avis d’une majorité à l’Assemblée, si j’ai bien compris les objections exprimées sur plusieurs bancs et notamment celles de François Baroin.
Concrètement, je suis prêt à rectifier l’amendement n°300 pour qu’il n’y ait pas de dépenses obligatoires. Le financement se fera donc dans les conditions de droit commun. Je pense que cela répond à l’attente de l’Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . La commission des lois avait débattu d’un premier amendement – le n°160 – à vocation plus large.
Le ministre avait entendu les remarques formulées à cette occasion, et l’amendement présenté aujourd’hui recouvre un cadre plus restreint: il se limite aux cas de risques de terrorisme ou concernant les intérêts fondamentaux de la nation.
Ce dispositif me semble très utile, très pertinent. Lorsque de tels risques sont identifiés, il faut que le préfet puisse se substituer à un maire qui refuserait la vidéoprotection. À mon avis, il s’agit d’un dispositif opportun.
À présent, le ministre propose de supprimer le caractère obligatoire de la dépense occasionnée. La commission souhaitait aller dans ce sens car cette proposition est, elle aussi, très opportune.
J’émets donc un avis très favorable à l’amendement ainsi rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Premièrement, je pense que l’amendement n°300 n’est pas constitutionnel, tout comme l’amendement n°160 précédemment déposé en commission: il n’est pas conforme à l’article 72 de la Constitution sur la libre administration des collectivités territoriales.
Deuxième aspect: quelle est sa finalité? J’ai l’impression que vous cherchez à tout prix à maintenir un dispositif d’injonction vis-à-vis des collectivités territoriales en matière d’installation de vidéosurveillance. Après avoir compris que c’était difficile, vous prétendez le restreindre à la lutte contre le terrorisme pour le maintenir quand même.
D’une part, s’agissant des installations classées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, j’espère bien qu’elles font déjà l’objet d’une protection. Depuis les lois de 1995 et de 2006 sur le terrorisme, je ne pense pas qu’il reste des installations vitales pour le patrimoine – économique, scientifique, énergétique etc. – de la nation qui ne fassent pas l’objet d’une protection de toute nature et pas simplement de vidéosurveillance. À quoi sert donc ce dispositif?
D’autre part, sont évoqués les articles L.1332-1 et L.1332-2 du code de la défense. C’est très intéressant car l’article L 1332-1 du code de la défense indique: « Les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l’indisponibilité risquerait de diminuer d’une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la nation, sont tenues de coopérer à leurs frais dans les conditions définies au présent chapitre, à la protection desdits établissements, installations et ouvrages contre toute menace, notamment à caractère terroriste. »
C’est-à-dire que la sécurité de ces installations vitales pour la sécurité ou qui doivent faire l’objet d’une protection particulière contre le terrorisme doit être assurée aux frais de ces opérateurs.
Pourquoi serait-il alors envisagé de le faire aux frais des communes ou des collectivités territoriales, puisque le code de la défense indique que cette charge incombe aux opérateurs, privés le cas échéant?
Enfin, vous évoquez une rectification de votre amendement dont nous avons bien compris le sens. Toutefois, j’aimerais avoir réponse à deux questions.
Quelles parties de l’amendement sont-elles modifiées et de quelle façon précise? Puisque nous n’avons pas le texte de cet amendement du Gouvernement, pourrait-on avoir connaissance des dispositions du II et III de l’article 10-1 de la loi du 21 janvier 1995 auxquelles il est fait référence?
Mme la présidente. Madame Batho, je vous précise la rectification proposée par M. le ministre.
Il s’agit de supprimer l’avant-dernier alinéa du I: « Les dépenses engagées au titre du deuxième alinéa constituent une dépense obligatoire pour la commune au sens de l’article L.1612-15 du code général des collectivités territoriales. »
Ensuite, il s’agit de supprimer totalement le II: « L’article L.2321-2 du code général des collectivités territoriales est complété par un 33° ainsi rédigé: " 33° Les dépenses résultant de l’application des VI et VII de l’article 10-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité." »
Mme la présidente. Je vous redonne la parole, madame Batho.
Mme Delphine Batho. Excusez-moi, madame la présidente, mais pouvez-vous m’indiquer si le VII est supprimé également?
Mme la présidente. Non. La version corrigée, d’après l’intervention de M. le ministre, correspond à ce que je viens de vous indiquer: l’avant-dernier alinéa du I et tout le II sont supprimés; le reste ne change pas.
Vous avez la parole, madame Batho.
Mme Delphine Batho. Puisque l’alinéa indiquant que « les dispositions du II et du III sont applicables » est maintenu, le rapporteur pourrait-il nous renseigner sur le contenu de ces dispositions?
Si la commune ne supporte plus une dépense obligatoire, elle reste soumise à l’injonction du préfet qui peut la forcer à prendre une décision à laquelle elle s’est opposée. Nous restons donc hostiles à ce dispositif qui, à notre avis, demeure inconstitutionnel.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Madame Batho, peut-être faut-il vous donner un exemple concret car votre position est incohérente.
M. Braouezec, qui a été maire et président d’EPCI, a expliqué qu’il était contre le principe même de la vidéoprotection. Sur le territoire de son EPCI ou de sa commune, se trouve un consulat qui, pour diverses raisons, nécessite précisément une vidéoprotection.
Dans un tel cas de nécessité absolue, il est prévu que le préfet puisse décider l’implantation d’un système de vidéoprotection. Cependant, cette installation se fera sans financement de la collectivité territoriale concernée qui le refuse. On ne force pas la commune à payer.
Sans vouloir essayer de vous convaincre trop longuement, je vous demande de bien réfléchir à la conséquence de votre prise de position.
Encore une fois, prenez l’exemple d’une collectivité qui, par principe idéologique, s’oppose à la vidéoprotection pourtant nécessaire à la protection d’un consulat. Tout en respectant la collectivité locale dans la mesure où nous ne la forçons pas à payer, nous pouvons estimer qu’il y a nécessité absolue de protéger ce site.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je comprends qu’à un moment, le Gouvernement décide qu’il faut à tout prix implanter des caméras, compte tenu de la présence de certains établissements sur le territoire d’une commune.
Dans ce cas, il serait logique que l’État installe sur le territoire communal les caméras dont la présence lui semble nécessaire. Il n’a rien à demander à la commune.
Si la commune ne veut pas en installer – et c’est son choix politique –, elle ne le fait pas. L’État se substitue à la commune pour protéger certains établissements bien précis car, bien entendu, s’il devait le faire à chaque opposition communale, tous les maires refuseraient et il serait obligé de mettre des caméras partout.
En l’occurrence, il s’agit de sites bien précis.
Je vous le dis comme je le pense, monsieur le ministre: si j’en comprends la logique – à défaut de la partager –, votre mesure est quasiment inapplicable. Vous parlez d’installer la vidéoprotection à la place de la commune en oubliant d’évoquer le fonctionnement, dont on sait bien que c’est lui qui pose problème: il faut bien quelqu’un devant les écrans! Qui contrôlera? Et qui paiera? Prenons un cas extrême: si le maire refuse la vidéoprotection, il ne mettra personne devant les écrans! Les caméras tourneront alors dans le vide.
Si l’État impose le système de vidéoprotection à une commune qui n’en veut pas, il doit en assumer l’entière responsabilité. Je ne trouve d’ailleurs pas normal qu’une mairie, voire une société privée, contrôle ce qui se passe autour d’établissements sensibles tels que les consulats et les ambassades: cette mission relève du domaine régalien de l’État.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. J’ai mis la main sur le II et le III de la loi de 1995.
Selon le III, chers collègues de la majorité, le préfet, pour prendre une décision d’injonction vis-à-vis de la collectivité territoriale, pourra se passer de l’avis de la commission départementale de vidéosurveillance. S’il faut protéger les abords de certains lieux, notamment contre la menace terroriste, ce n’est absolument pas aux collectivités territoriales de l’assumer financièrement.
(L’amendement n°300, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article 18.
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Cet article, en donnant à notre pays les moyens de renforcer sa sécurité par le recours à des technologies déjà en place dans les aéroports les plus sécurisés du monde – aux États-Unis et en Israël notamment –, constitue une avancée majeure pour la sécurité aéroportuaire et un outil indispensable dans la lutte contre le terrorisme.
Évidemment, la sécurité aéroportuaire repose en grande partie sur un partenariat entre forces de l’ordre et sociétés de sécurité privées. Or, au-delà de certains montants, ces entreprises rencontrent les plus grandes difficultés à trouver des assurances permettant de couvrir les risques terroristes. En effet, les contrats d’assurance en responsabilité civile excluent le plus souvent de tels risques, et le marché des assurances ne permet pas de trouver des couvertures adaptées pour y faire face, même si, in fine , l’État est reconnu responsable.
Le risque qui pèse sur ces entreprises est tel qu’il pourrait entraîner le désengagement d’acteurs majeurs, plaçant ainsi l’État face à la nécessité, soit d’assurer lui-même ces missions, soit d’accepter l’apparition d’une multitude d’intervenants, forcément moins fiables, ce qui serait peu propice à une politique de sécurité maîtrisée.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, j’avais défendu, il est vrai dans une autre chambre, un amendement tendant à plafonner à 100 millions d’euros le montant maximal de l’éventuelle responsabilité civile de ces entreprises au titre des dommages causés par un attentat ou un acte terroriste. J’ai de nouveau soumis cette mesure à la commission des lois le 27 janvier dernier. Je rappelle que de telles limitations existent, par exemple, dans la loi du 30 octobre 1968, à hauteur de 700 millions d’euros pour les centrales nucléaires. Les assurances pourraient, dans un souci de mutualisation, créer un fonds de compensation ou élargir le champ du fonds qui existe déjà, la GAREAT, la Gestion de l’assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme.
À l’époque, le rapporteur du texte et le Gouvernement avaient jugé la question pertinente et annoncé un groupe de travail interministériel. Mon amendement ayant été rejeté, j’aimerais que ce groupe de travail se mette en place dès la fin de l’examen du présent texte afin que ses conclusions se traduisent, pourquoi pas, par des mesures concrètes au Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Certains de mes collègues m’ayant gentiment interpellé pendant la suspension de séance, je vais essayer une dernière fois de les convaincre. L’un de mes collègues de gauche m’a d’ailleurs dit que j’étais « vieille gauche ».
M. François Pupponi. Il n’est pas dans l’hémicycle! (Sourires.)
M. Patrick Braouezec. Or j’ai le pressentiment que, notamment sur le sujet dont nous débattons, la vieille gauche d’aujourd’hui est peut-être la gauche moderne de demain.
Mme Batho s’est interrogée sur la finalité du texte. Si celle-ci est de lutter contre l’insécurité, le terrorisme et toutes les formes de violence, les outils que l’on envisage sont-ils vraiment efficaces? J’ai promis à Philippe Goujon de lui raconter une belle histoire. (Sourires.) Il y a seize ans, j’étais membre d’une délégation d’élus qui s’est rendue aux États-Unis afin d’observer la façon dont ce pays luttait contre la criminalité. Nous sommes allés à New York ainsi qu’à Washington, dans la cité Paradise , la plus criminogène des États-Unis. En descendant du car, nous voyons un panneau portant l’inscription: « Neighborhood Watch » – « quartier sous surveillance ». Nous voici donc dans l’ambiance: toute personne témoin d’un délit est invitée à appeler un numéro de téléphone figurant sur le panneau.
Puis nous sommes accueillis dans la cité – où, curieusement, il y avait très peu de monde dans les rues – par quelqu’un qui se présente comme un membre des « Black Muslims » – les « Noirs musulmans » –, lesquels, nous explique-t-il, exercent cette surveillance: « Tout est placé sous vidéosurveillance, jusqu’au moindre hall d’immeuble », nous dit-il, et « au premier délit, la famille peut être expulsée de la cité ». Notre guide nous fait alors visiter un local, dans lequel nous apercevons en effet plusieurs écrans qui balaient tout l’espace public. « La criminalité, nous affirme-t-il, a diminué de façon spectaculaire dans la cité. »
Sa démonstration ne nous laissant pas béats, nous lui demandons si la criminalité a diminué dans les mêmes proportions ailleurs. « Non, nous répond-il avec fierté. Justement: dans la cité voisine, elle a beaucoup augmenté. » « Y a-t-il selon-vous un lien de cause à effet? » lui demandons-nous. Long silence.
Nous l’interrogeons alors pour savoir si ce système de surveillance a eu des conséquences positives en milieu scolaire. « Non », nous répond-il, « c’est précisément le problème: il y a beaucoup plus de violence dans les écoles. » Un autre a la curiosité de lui demander si la violence dans les familles a diminué. « Non, nous répond-il encore, c’est un autre problème: il y a davantage de violence dans les foyers, où ne pouvons pas installer de caméras ».
M. Richard Dell’Agnola. Tout cela ne veut rien dire!
M. Patrick Braouezec. Si, mon cher collègue: ces installations, comme l’attestent d’ailleurs les chiffres, ne font en rien diminuer la délinquance, mais la déplacent dans l’espace public.
M. Richard Dell’Agnola. Il ne faut rien faire, alors?
M. Patrick Braouezec. Toute la question est de traiter en amont les phénomènes qui conduisent les individus à la violence. De deux choses l’une, en effet: soit on considère que les individus sont violents par nature, soit on considère qu’ils le deviennent par des causes externes et dès lors, c’est à celles-ci qu’il faut s’attaquer. J’en parlais tout à l’heure avec François Scellier: la solution proposée, lui disais-je, est de courte vue. Elle répond à la pression de l’opinion publique, mais surtout elle lui fait croire à une éradication de la violence, ce qui est faux: la violence ne sera que déplacée et peut-être aggravée, car elle est plus grave si elle a lieu dans l’espace intime et privé.
Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 81, tendant à la suppression de l’article 18.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Je considère qu’il vient d’être défendu.
(L’amendement n° 81, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°116.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous voulons avec cet amendement insister sur le rôle de la CNIL; on nous a répondu tout à l’heure sur ce point. Nous saurons, à l’occasion de nos futurs débats, quand la CNIL interviendra dans ce dossier important. Je retire donc l’amendement.
(L’amendement n°116 est retiré.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 82.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. Défendu.
(L’amendement n° 82, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 83.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
M. Patrick Braouezec. J’ai oublié de vous répondre, monsieur le ministre, sur ce que vous avez appelé les positions « idéologiques ». Toute position est idéologique: elle exprime une certaine idée de la société que nous voulons. Cependant, en ce qui me concerne, le motif n’est pas idéologique mais éthique et pragmatique.
J’en viens à l’amendement. Nous souhaitons faire passer le nombre de députés et sénateurs au sein de la Commission nationale de vidéoprotection de deux à six. Dans le projet de loi, vous indiquez que cette commission est composée « de deux députés et de deux sénateurs de manière à assurer une représentation pluraliste ». Voilà une vision un peu binaire du pluralisme! Il est vrai qu’elle est dans l’air du temps.
D’ailleurs, monsieur le ministre, quitte à se limiter à deux députés, autant en prendre un qui soit pour la vidéosurveillance et un qui soit contre! Au moins le pluralisme sera-t-il ainsi respecté; au reste, j’ai cru comprendre que nos collègues de la majorité n’y étaient pas opposés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable, la commission ayant adopté un amendement qui permet déjà une représentation pluraliste au sein de la Commission nationale. Il ne nous paraît pas souhaitable d’aller au-delà.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’amendement de M. Braouezec est idéologiquement compréhensible (Sourires) ; cependant j’y suis défavorable.
(L’amendement n° 83 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°118, qui fait l’objet d’un sous-amendement n°307.
La parole est à M. François Pupponi, pour défendre l’amendement.
M. François Pupponi. Nous proposons de compléter l’alinéa 11 par les mots: « , dont au moins deux magistrats dont un magistrat du siège et un magistrat du parquet désignés par le Président de la Cour de Cassation. »
Si la commission départementale prévue au III de l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 est présidée par un magistrat du siège ou un magistrat honoraire, aucun magistrat de l’autorité judiciaire n’est prévu pour participer à la commission nationale de la vidéoprotection. Or cette présence nous semble importante pour assurer l’équilibre entre la défense des libertés individuelles et de l’ordre public.
Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement en discussion et présenter le sous-amendement n°307.
M. Éric Ciotti, rapporteur . La commission est favorable à l’amendement; elle propose néanmoins une amélioration rédactionnelle par la suppression des mots: « deux magistrats dont ».
(Le sous-amendement n°307, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’amendement n°118, sous-amendé, est adopté.) (L’article 18, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°119.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Nous avons longuement débattu de la vidéosurveillance, de son financement, des investissements initiaux, des frais d’entretien, du coût unitaire de l’image qui permet l’élucidation – Daniel Goldberg en a notamment parlé dans la discussion générale. Tous ces sujets méritent qu’un rapport soit remis chaque année au Parlement, pour faire état « de l’évolution de l’utilisation de la vidéosurveillance, en mettant en évidence le nombre de caméras installées, le recours effectif à celles-ci au vu des finalités fixées par la loi et notamment de la recherche d’auteurs d’infractions pénales » – notre collègue Christian Vanneste en a parlé avant de quitter l’hémicycle dépité de voir que l’élucidation ne serait pas mentionnée parmi les finalités de la vidéosurveillance –, « le nombre d’affaires pénales résolues du fait de son utilisation, l’évolution des actes délictueux et criminels dans les zones couvertes ». On nous assure que l’installation de caméras entraîne instantanément, mécaniquement, une baisse de la délinquance dans leur rayon d’action: il serait bon que le Parlement puisse juger sur pièces des atouts et des inconvénients de la vidéosurveillance, et qu’il puisse savoir qui la finance et pour quel montant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je ne vous étonnerai pas en émettant un avis défavorable, la commission des lois étant défavorable à la multiplication des rapports. Du reste, le Gouvernement transmet déjà à la CNIL un rapport relatant l’activité des commissions départementales que vous évoquez: un rapport de plus serait inutile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’avant-dernier alinéa de l’article 17 prévoit que, à l’avenir, ce rapport sera transmis à la Commission nationale de la vidéoprotection. Comme vous le savez, deux parlementaires siégeront dans cette commission. Le Parlement sera donc informé annuellement, comme vous le demandez.
(L’amendement n°119 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°183.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Défendu.
(L’amendement n°183, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°184.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. À l’alinéa 3, l’article 18 bis autorise l’expérimentation des scanners corporels dans les aéroports. Le ministre nous a confié en commission des lois qu’il était dubitatif à l’égard de ce dispositif, que d’autres moyens techniques pourraient s’avérer plus efficaces, notamment ceux contribuant à la détection d’explosifs. Il a en outre indiqué que ces appareils étaient extrêmement onéreux, évoquant la somme de un million de dollars. On sait que, depuis l’attentat manqué du 25 décembre, les États-Unis exercent de fortes pressions pour que tous les aéroports européens s’équipent en scanners corporels.
Sans être opposés au principe d’une expérimentation, nous avons déposé un amendement précisant que ceux qui visionnent les images sont des opérateurs publics. La rédaction actuelle de l’alinéa 3 – « L’analyse des images visualisées est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de la personne » – n’interdit en effet nullement qu’ils soient privés.
M. Yves Bur. Ils vont vouloir travailler cinq jours par semaine!
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti , rapporteur . Ce que vous proposez, madame Batho, me paraît inapplicable. M. Quentin, auteur de l’amendement dont est issu l’article 18 bis , a souhaité mettre en place une expérimentation. Un autre amendement propose de la limiter à six mois, ce qui me paraît trop bref. D’autre part, il me paraît impossible de retenir des modalités différentes pour les scanners corporels et pour les palpations de sécurité, qui, vous le savez, sont effectuées par des agents privés habilités.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Madame Batho, le projet de loi apporte différentes garanties. Le passage devant un détecteur corporel sera simplement proposé aux passagers. L’analyse des images sera assurée par un opérateur qui ne connaît pas l’identité de la personne. Enfin, les images ne seront pas conservées. Le Gouvernement s’assurera en outre que le visionnage des images sera effectué par des professionnels agréés, dans un espace séparé, par une personne de même sexe.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, on sait comment se déroulent ces opérations dans les aéroports. Prévoir que les images seront visionnées par une personne du même sexe, cela signifie-t-il qu’il y aura deux scanners et deux équipes – une pour les hommes et une pour les femmes?
Une semblable interrogation subsiste en ce qui concerne le consentement. Que se passera-t-il pour la personne qui refusera de passer sous le scanner corporel?
M. Dominique Tian. Elle ne prendra pas l’avion!
M. Yves Bur. Elle prendra le train!
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Ce sera le même système que pour les palpations: derrière le scanner, il y aura un homme et une femme; lorsqu’une femme passera, ce sera une femme qui visionnera les images.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Et en cas de refus, monsieur le ministre, que se passera-t-il? Vous avez vous-même expliqué en commission que le body scanner n’était pas le seul outil disponible. Vous vous interrogiez sur l’efficacité de l’appareil rapportée au coût qu’il représente. Si l’expérimentation ne peut avoir lieu qu’avec le consentement du passager, on ne voit pas à quoi servira d’investir autant d’argent dans une détection à laquelle pourra échapper toute personne qui le souhaitera.
M. Yves Bur. La personne ne s’envolera pas!
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le passage au scanner corporel est facultatif et une personne a parfaitement le droit de le refuser. Mais, dans ce cas, elle ne pourra pas monter dans l’avion
M. Éric Ciotti, rapporteur . C’est déjà le cas aujourd’hui pour les fouilles corporelles!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’ai fait part à la commission des lois du sentiment que j’ai retiré, après la tentative d’attentat avortée du 25 décembre, d’une lecture comparative des différentes expériences qui ont été menées. Le scanner corporel présente en effet des garanties en terme de sécurité, mais n’est pas la panacée. Dans le cas de l’attentat manqué du 25 décembre, la question s’était posée de savoir si l’utilisation du scanner corporel aurait permis de détecter les explosifs et les services britanniques ont estimé qu’il y aurait eu une chance sur deux. Ce n’est pas du 100 %, mais ce n’est pas non plus du 0 %. Eu égard à cette incertitude, j’ai indiqué à la commission des lois que nous devions sans doute réfléchir à d’autres dispositifs. Il existe notamment des appareils permettant de détecter la poudre d’explosif sur un corps. D’autres pistes doivent également être explorées. Mais les scanners corporels constituent une solution à ne pas négliger.
Mme Batho a rappelé le chiffre de un million de dollars par scanner, que j’avais moi-même donné. Depuis, nous avons obtenu des informations auprès d’autres sociétés, et le chiffre serait sans doute beaucoup moins élevé, aux alentours de 200000 dollars. Il n’en reste pas moins que c’est un équipement onéreux.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Peut-être faudrait-il préciser au Sénat la rédaction de l’article, qui stipule que « ces fouilles et visites peuvent être réalisées, avec le consentement de la personne », mais qui ne va pas jusqu’à expliquer ce qui se passe en cas de refus. Si on décide d’installer ces appareils dans certains aéroports, il faudra annoncer que le contrôle est obligatoire.
D’autre part, certains l’ont dit, les systèmes de contrôle sont extrêmement développés en Israël, mais il faut préciser qu’il est parfois nécessaire d’arriver à l’aéroport quatre heures avant le vol pour subir tous les contrôles. C’est la condition sine qua non pour assurer une sécurité maximale.
(L’amendement n°184 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°103.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Coordination.
(L’amendement n°103, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°105.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Rédactionnel.
(L’amendement n°105, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°187.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement vise à réduire la durée de l’expérimentation de trois ans à six mois. Le ministre vient d’apporter des précisions sur l’efficacité relative de ces dispositifs. Un débat sur ce sujet s’est tenu hier au Parlement européen, et chacun reconnaît la nécessité d’une approche concertée et d’une solution commune à l’échelle de l’Union. Dans ces conditions, nous considérons qu’il n’y a pas urgence à légiférer, qu’il est peut-être préférable d’attendre quelques semaines avant de prendre une décision.
M. Franck Gilard. Attendons vingt ans!
Mme Sandrine Mazetier. D’un côté, on s’empresse de légiférer, et de l’autre on lance une expérimentation de trois ans, ce qui est particulièrement long. Attendons un peu pour légiférer, privilégions l’approche commune européenne, qui fait gravement défaut dans d’autres domaines, et réduisons notre temps de réactivité pour généraliser les bonnes solutions qui sécuriseront vraiment les vols et les aéroports.
(L’amendement n°187, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 18 bis, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Cet article ne fait l’objet d’aucun amendement. Je le mets donc directement aux voix.
(L’article 19 est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination n°106 de la commission.
(L’amendement n°106, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°191.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Il s’agit d’un amendement de précision.
Il faut effectivement préciser que seuls les agissements malveillants soient réprimés. À défaut, la révélation volontaire, notamment par un journaliste, d’une information susceptible d’avoir des conséquences imprévues sur l’identification d’un agent qui utilise un nom d’emprunt pourrait tomber sous le coup de la loi. Or c’est la mise en danger volontaire, en connaissance de cause, de la vie d’autrui qu’il faut réprimer, en particulier lorsqu’il s’agit de nos agents de renseignement, même agissant sous un nom d’emprunt, non une mise en danger par inadvertance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable. Le caractère intentionnel étant un principe fondamental du droit pénal, il nous paraît inutile d’ajouter le mot « sciemment ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Défavorable, madame la présidente.
En réalité, cet amendement affaiblit la protection accordée aux agents de renseignement, dans la mesure où il ne réprime que la révélation d’une information conduisant effectivement à la découverte de l’identité de l’agent.
(L’amendement n°191 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision n°107 de la commission.
(L’amendement n°107, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°199.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous n’éprouvons aucune difficulté à défendre les agents du renseignement. Nous nous interrogeons cependant quelque peu sur l’alinéa 15, qui étend la protection jusqu’aux sources et aux collaborateurs occasionnels des agents, ce qui nous paraît excessif. Il ne faut pas franchir certaines limites.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . La commission émet, bien évidemment, un avis très défavorable. La protection des sources doit être complète pour assurer l’efficacité du dispositif, et les sources en question ont peut-être, plus que d’autres, besoin d’une protection.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur Pupponi, la source court, à mon avis, autant de risques que l’agent lui-même, et je l’affirme sur la foi d’un certain nombre d’éléments dont je dispose.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Je souhaite m’exprimer non pas spécifiquement sur cet amendement mais sur le fait que nos sources à l’étranger ne trouvent pas forcément chez nos compatriotes expatriés le soutien dont elles auraient besoin, alors que les ressortissants d’autres pays ouvrent spontanément leurs portes à leurs sources, les hébergent, les transportent à l’occasion.
Je trouve regrettable que nous n’ayons pas profité de l’examen de la LOPPSI pour engager une réflexion de nature à faire évoluer l’image de nos services de renseignement et l’attitude de nos compatriotes à l’égard de certains de nos agents. Nous aurions pu en débattre et faire des propositions mais nous n’avons pas saisi cette occasion; voilà qui est frustrant, d’autant que cet état de fait est inquiétant.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Joulaud.
M. Marc Joulaud. Je voudrais tout d’abord rappeler l’importance de cet article, longuement discuté en commission de la défense. Tous les membres de celle-ci se sont accordés sur la nécessité de protéger non seulement les agents eux-mêmes mais aussi l’ensemble des sources.
Le renseignement ne se limite effectivement pas à un individu: il part d’une source et suit un chemin continu passant par un grand nombre de personnes. Le Livre blanc sur la défense a rappelé l’importance capitale du renseignement, notamment du renseignement humain, dans la géopolitique du monde d’aujourd’hui.
Cela justifie pleinement, me semble-t-il, une protection importante et accrue des sources mais aussi de l’ensemble des collaborateurs qui peuvent travailler sur cette question du renseignement. Pour les membres de la commission de la défense, l’article 20 présente un caractère extrêmement utile et opportun.
M. François Pupponi. Convaincus, nous retirons l’amendement n°199.
(L’amendement n°199 est retiré.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°293.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement n°293, accepté par la commission, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel n°121 de la commission.
(L’amendement n°121, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 20, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°296.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. L’amendement vise à étendre l’accès aux fichiers à la direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD.
(L’amendement n°296, accepté par la commission, est adopté.) (L’article 20 bis , amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°192.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement nous est cher, mais je crois que les professionnels de l’intelligence économique y tiennent aussi.
Il vise à clarifier la définition même de l’intelligence économique, ce à quoi ne parvient pas l’article 21 dans sa rédaction actuelle. Il tend également à moraliser les activités privées, ce que les professionnels eux-mêmes réclament.
Deux écueils doivent être évités: d’une part, la confusion entre recherche de l’ordre économique et maintien de l’ordre public, cette confusion étant pleine et entière dans la rédaction actuelle de l’article; d’autre part, l’emploi de la malheureuse expression de la fin de l’article, qui fait directement référence à la notion de trafic d’influence auprès de personnes privées ou publiques et d’intrusion dans les affaires, alors que l’objet de l’intelligence économique est d’apporter une assistance à des personnes physiques ou morales auprès des personnes publiques et privées susceptibles de les soutenir, sans recourir, naturellement, à des méthodes répréhensibles. Les professionnels de l’intelligence économique tiennent à la disposition que tend à introduire cet amendement, qui ne présente pas, à mon avis, de difficultés pour la majorité et le rapporteur; nous verrons ce qu’il en est pour le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Par cet amendement, vous entendez modifier la définition de l’intelligence économique en en ôtant toute référence à la notion d’ordre public.
Si nous vous suivions, madame Mazetier, nous rencontrerions un problème juridique majeur. La directive « Services » ne prévoit en effet de soumettre l’exercice d’une activité à une autorisation – la liberté étant la règle, et l’autorisation l’exception – que dans des conditions très strictes, notamment pour des considérations tenant à la préservation de l’ordre public. C’est pourquoi cette notion figure dans la définition juridique de l’intelligence économique.
En outre, sur le fond, qui peut nier le fait que l’encadrement des activités d’intelligence économique est justifié par des raisons tenant à l’ordre public?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis que le rapporteur, madame la présidente, car cet amendement tend en fait à remettre en question la référence à l’ordre public. Nous ne saurions suivre ses auteurs.
(L’amendement n°192 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°193.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Éric Ciotti, rapporteur , et M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Cet amendement a le même objet que l’amendement n°192!
Mme Sandrine Mazetier. Il précise les choses!
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’amendement n°193 porte sur le même objet, mais en y insistant.
Si une notion est aussi peu définie tout en étant la plus utilisée du code pénal et du code de procédure pénale, c’est bien la notion d’ordre public, dont vous savez qu’elle est envisagée de manière à permettre que l’on puisse défendre, à tout moment, un intérêt qui dépasse celui des individus, parfois même celui de la société. Or on ne trouvera jamais dans les codes la définition de l’ordre public. L’expression est employée de manière générale chaque fois que l’on veut éviter de délimiter trop précisément une prescription ou une infraction.
Nous considérons pour notre part que, lorsque vous cherchez effectivement à sauvegarder la sécurité économique de la nation, il ne s’agit pas de l’ordre public. Si vous voulez retenir ce critère, retranchez donc tout ce qui suit.
Il faut que les choses soient précisément définies. Je vous le rappelle, mes chers collègues: lorsque l’on modifie, en y touchant du bout des doigts, la loi pénale, il faut faire en sorte que la précision de la loi n’entraîne pas des abus dans l’application du droit.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Défavorable, et je précise que l’article 21 ne modifie pas la loi pénale mais la loi du 12 juillet 1983.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je sais qu’il s’agit de la loi de 1983, mais à quoi sert, monsieur le ministre, la notion d’ordre public? Elle sert en matière de droit pénal. C’est bien un critère utilisé par la loi pénale que j’évoque. Dès lors que vous construisez un dispositif normatif à vocation répressive, dont, d’ailleurs, personne ne constate la pertinence, vous introduisez une notion essentiellement pénale.
Vous devriez donc vous contenter du rappel de ce critère d’ordre public. Si vous ne visez pas l’ordre public, alors supprimez cette référence, pour conserver l’intégralité de la définition des éléments que vous souhaitez, à juste titre, préserver.
(L’amendement n°193 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°189.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. L’alinéa 13 de l’article 21 prévoit les modalités d’agrément. Nous proposons que le refus d’agrément soit motivé et susceptible de recours.
J’en profite pour poser une question sur l’alinéa 18, sur lequel nous n’avons pas déposé d’amendements et qui évoque l’avis d’une commission consultative nationale chargée d’apprécier la compétence professionnelle et la déontologie de la personne physique ou morale. Quelle est cette commission consultative nationale à laquelle fait allusion l’alinéa 18? Comment est-elle composée? Qui décide et dans quels délais? Par qui est-elle surveillée?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Madame Mazetier, votre amendement est satisfait. C’est un principe général du droit: toute décision administrative doit naturellement être motivée et est susceptible de recours.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Votre proposition est intéressante, madame la députée. Mais cette mesure est inutile car elle est déjà prévue à l’article 21 de la loi de 1979.
Concernant la commission consultative nationale, la loi en prévoit la création et sa composition sera précisée par voie réglementaire.
(L’amendement n°189 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°201.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous proposons de revenir à une durée de prohibition d’exercice de cinq ans pour les fonctionnaires. Initialement proposée par le Gouvernement, cette période a été ramenée à trois ans en commission. Or nous pensons que ces cinq années sont susceptibles de répondre à l’objectif même de la prohibition parce qu’ils en apportent, par la durée, l’ensemble des éléments. Pourquoi avez-vous réduit le délai?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.
Vous proposez de revenir au délai de cinq ans. Aujourd’hui, la règle est de trois ans, avec possibilité pour le ministre de procéder à une dérogation. Nous avons voulu renforcer ce dispositif en introduisant un avis de la commission de déontologie. Même si le ministre n’est pas lié par cet avis, il lui sera difficile de ne pas en tenir compte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le délai de trois ans est la règle traditionnelle des incompatibilités. Voilà pourquoi ce critère a été repris.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Le contenu de notre amendement prévoit non seulement un délai de cinq ans au lieu de trois, mais aussi la suppression de la fin de l’alinéa, autrement dit la suppression des multiples et infinies possibilités de dérogation aux règles que vous avez édictées au début du même alinéa. Je cite ces dérogations: « sauf s’ils ont obtenu, au préalable, l’autorisation écrite, selon les cas, du ministre de l’intérieur, du ministre de la défense, du ministre de l’économie ou du ministre du budget, après avis de la commission visée à l’article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ».
Nous parlons en réalité des possibilités de pantouflage d’anciens fonctionnaires de la police ou de la gendarmerie dans des entreprises d’intelligence économique. Le Gouvernement, pour des raisons que nous ne comprenons pas, a décidé, non seulement de réduire le délai, mais, de surcroît, d’ouvrir des possibilités de dérogation. Nous ne trouvons pas le procédé très sain.
Dans notre amendement, nous proposons donc le rétablissement de la durée de cinq ans, qui vaut pour d’autres fonctionnaires et d’autres activités hors fonction publique. Il serait difficilement compréhensible en effet que cette disposition ne s’applique pas aux personnels de la police et de la gendarmerie. Nous voulons que les choses soient transparentes et carrées, et qu’il n’y ait pas mille et une possibilités de déroger à ces règles de déontologie.
(L’amendement n°201 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°122.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement n°122, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Nous en venons à un amendement n°123.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . C’est également un amendement rédactionnel.
(L’amendement n°123, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 21, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°202, tendant à supprimer l’article 22.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable.
(L’amendement n°202, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.) (L’article 22 est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°245.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. L’article 23 concerne la possibilité de recourir à la captation à distance de données informatiques dans les affaires de criminalité organisée. Cette mesure s’applique pour une durée de quatre mois, renouvelables, si le juge le décide, pour certains crimes et délits commis en général en bande organisée. Nous ne contestons en rien cette nouvelle possibilité.
Toutefois, on peut constater à cette occasion d’autres délits pouvant faire l’objet de poursuites qui sont manifestement le fait du propriétaire, ou qui proviennent en tout cas de l’outil informatique surveillé. Ces dispositions s’appliquent aussi aux délits d’aide à l’entrée, au séjour et à la circulation des étrangers en situation irrégulière en France. Nous entrons là directement dans le champ du délit de solidarité. Or je suis certaine qu’il n’est pas dans les intentions des auteurs de la LOPSSI ou du ministre de l’intérieur de faire l’amalgame entre des réseaux mafieux d’immigration clandestine et des bénévoles, des professionnels d’associations ou des particuliers qui, dans notre pays, viennent tous les jours en aide, à des fins purement humanitaires, à des étrangers, mineurs ou majeurs, en situation irrégulière.
Nous proposons, dans notre amendement, d’exclure du champ de l’article 23, non l’intégralité des délits relatifs à l’entrée, à la circulation et au séjour irrégulier d’un étranger en France, mais seulement ceux relatifs à la circulation et au séjour. Car nous ne pouvons continuer à confondre, comme c’est le cas aujourd’hui, les compagnons d’Emmaüs, qui tombent sous le coup de la caractérisation de la bande organisée, les parents engagés dans le réseau RESF et les trafiquants qui, en bande, organisent, depuis l’autre bout de la planète, des passages et des arrivées clandestines sur notre territoire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Madame Mazetier, vous introduisez une confusion…
Mme Sandrine Mazetier. Non, je vous évite de la faire!
M. Éric Ciotti, rapporteur . …qui me paraît hasardeuse, voire dangereuse.
Ce dispositif ne peut être mis en place que dans le cadre d’une instruction, donc, en l’état du droit, par le juge d’instruction, qui qualifiera lui-même la criminalité organisée. Faites confiance au juge d’instruction! J’ose imaginer que les compagnons d’Emmaüs, que vous avez appelé à votre secours, mais que vous feriez mieux de laisser là où ils sont…
Mme Sandrine Mazetier. Pour le moment, on les place en garde à vue!
M. Éric Ciotti, rapporteur . …n’entreraient pas dans cette qualification.
En revanche, si nous vous suivions, nous nous priverions d’un outil performant et pertinent pour lutter contre la criminalité organisée, contre le trafic des êtres humains que, pour notre part, nous voulons combattre avec détermination.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis défavorable.
Le dispositif proposé est prévu pour lutter contre l’ensemble des infractions commises en bande organisée, et ce sans exclusive et sans distinction selon les mobiles. Je pense aux trafiquants, aux passeurs, etc…
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je ne veux pas prolonger inutilement le débat, mais je tiens à réaffirmer notre conviction que l’article706-102-1, dans sa rédaction actuelle, intègre le délit de solidarité. C’est si vrai que des gens sont poursuivis devant les tribunaux sur cette motivation, au titre dudit article. Et comme ils sont placés en garde à vue, c’est que ce qu’ils ont fait est répréhensible! Heureusement, certains tribunaux prononcent des relaxes, ce qui redonne un peu d’humanité à notre République – en tout cas sur ces sujets. Nous prolongeons ici les débats que nous avons déjà eus avec M. le ministre de l’immigration et de l’identité nationale – mauvaise appellation s’il en est! – sur l’existence même de ce délit.
Par ailleurs, l’espèce institutionnelle que constitue le juge d’instruction est en voie de disparition. Certes, le dispositif de procédure pénale sera adapté à cette nouvelle réalité. Pour autant, il faut mettre au crédit de ceux qui dénoncent la réforme de suppression du juge d’instruction l’ensemble des dispositions qui placeront le procureur de la République au cœur des stratégies d’une politique pénale, laquelle sera, je le rappelle, entre les mains du garde des sceaux. Car, depuis quatre ans, le code de procédure pénale a introduit le garde des sceaux dans la pyramide. Chers collègues, lorsque nous parlerons de l’éventuelle suppression du juge d’instruction, il faudra se souvenir de tout cela!
La bande organisée, quant à elle, est la notion juridique la plus contestable en droit pénal. Elle ne répond qu’à une succession de définitions que l’on retrouve dans le code pénal depuis la loi Perben 2. Cette définition est générée, non pas par l’ouverture d’une instruction chez le juge d’instruction, mais par l’enquête préliminaire et le procureur de la République – nous avons eu sur ce sujet une longue discussion.
Sandrine Mazetier l’a dit, nous ne contestons pas dans son principe le dispositif car les instruments informatiques peuvent aujourd’hui servir la criminalité. Mais nous vous demandons de prendre une précaution républicaine. Nous appelons votre attention sur le fait que ce dispositif peut conduire à la poursuite de gens qui ne font qu’accomplir des actes de citoyenneté et de solidarité.
Vous devriez, monsieur le ministre, revisiter avec nous l’article706-102-1 pour faire en sorte qu’il ne puisse pas y avoir de poursuites à l’encontre de gens qui aident les sans-papiers par solidarité. C’est le maire de Cachan qui vous le dit, vous devriez nous aider à purger l’article de cette ambiguïté, ce que suggèrent actuellement toutes les décisions des tribunaux. Si vous acceptez, la précaution que nous voulons introduire est inutile. Si vous ne souhaitez pas le faire – même si ce n’est pas le mien, je respecte votre choix – et si donc le texte est adopté en l’état, vous renforcerez la lutte contre les captations de données informatiques en faisant supporter, par cette technique, un risque encore plus grand à ceux qui n’agissent que dans la dimension de la solidarité.
(L’amendement n°245 n’est pas adopté.) (L’article 23 est adopté.)Mme la présidente. Sur l’article 24 bis , je suis saisie d’un amendement n°249.
La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Nous abordons l’article relatif au couvre-feu pour les mineurs. Notre position sur ce point est assez simple. Aujourd’hui, les policiers qui rencontrent dans la rue des mineurs âgés de plus ou de moins de treize ans, donc très jeunes, les raccompagnent souvent chez eux compte tenu des textes en vigueur, particulièrement ceux qui protègent l’enfance en danger. Dans la plupart des communes concernées par ce problème, les médiateurs, les animateurs, les éducateurs jouent ce rôle.
Nous considérons, pour notre part, qu’instaurer, dans les conditions prévues par le texte, un couvre-feu, même s’il est mis en place par le préfet, ne sera ni utile ni efficace, car les policiers ont autre chose à faire que de passer leur temps à courir après ces mineurs. Surtout, cette mesure risque de déresponsabiliser les parents. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’un enfant de moins de treize ans n’a rien à faire dans la rue après une certaine heure. Il n’y a aucun débat entre nous sur ce point. On ne peut accepter une telle situation. Toutefois, dans la plupart des cas, même s’il peut parfois basculer dans la délinquance, il s’agit d’un enfant qu’il convient d’aider parce qu’il est en danger, en difficulté, en souffrance. Or il existe des dispositifs d’aide sociale à l’enfance qui peuvent prévoir de retirer l’autorité parentale aux parents et de placer l’enfant pour lui apporter la protection dont il a besoin.
Nous proposons, en conséquence, de supprimer cet article et de mettre en place plus efficacement qu’aujourd’hui des dispositifs de protection, de suivi éducatifs. La prise en charge doit être sociale et non répressive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable, monsieur Pupponi.
Vous devriez approuver le dispositif de bon sens introduit par le ministre. En effet, comment peut-on légitimer, accepter et supporter qu’un mineur de moins de treize ans soit livré à la loi de la rue? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avons rien dit de tel!
M. Éric Ciotti, rapporteur . Nous avons largement abordé ce débat lors de la discussion générale.
Pour permettre la mise en place de ce couvre-feu, les conditions prévues par l’article 24 bis sont strictes et correspondent en tous points à la jurisprudence du Conseil d’État relative aux arrêtés municipaux. Il s’agit d’une possibilité pour le préfet. Premièrement, la mesure de restriction de la liberté d’aller et venir des mineurs devra être prise dans leur intérêt. Deuxièmement, elle doit avoir pour objet de prévenir un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité. La décision préfectorale devra, enfin, être limitée dans la durée ainsi que sur le territoire sur lequel elle s’applique.
Telles sont les observations que je tenais à faire pour justifier l’avis défavorable de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’ai eu l’occasion de le préciser: la circulation des mineurs de moins de treize ans non accompagnés de personnes exerçant l’autorité parentale les met en danger. J’ai par conséquent insisté sur le fait qu’il s’agissait avant tout d’une mesure de protection.
L’article 24 bis apporte une réponse à ce problème. Il permet effectivement au préfet d’interdire à ces mineurs de stationner ou de circuler sur la voie publique entre vingt-trois heures et six heures. Cette mesure restreignant, c’est vrai, la liberté d’aller et venir est accompagnée de garanties. Le préfet précise la durée de la mesure, les circonstances de fait et de lieu qui la motivent ainsi d’ailleurs que le périmètre du territoire sur lequel elle s’applique. Le préfet prévoit parallèlement les modalités de prise en charge du mineur et sa remise immédiate à ses parents ou aux titulaires de l’autorité parentale.
Un des objectifs de cette mesure tend également à responsabiliser les parents de mineurs. Je l’ai indiqué, une contravention de troisième classe sanctionnera les parents et titulaires de l’autorité parentale qui ne se seront pas assurés que l’enfant dont ils ont la responsabilité a respecté cette mesure d’interdiction.
J’entends la remarque selon laquelle ce dispositif serait redondant avec le droit existant. Le maire, vous le savez, monsieur Pupponi, conserve bien entendu la possibilité de prendre des mesures du même ordre dans le cadre de son pouvoir de police. Des exemples existent, qui sont chers au rapporteur Éric Ciotti. Mais est-ce une raison suffisante pour ne pas permettre au préfet de réagir également?
Quant à la notion d’affichage de cette mesure, je pense qu’une mesure administrative assortie d’une sanction pénale est une garantie d’efficacité, et ce d’autant plus que les questions liées à la prise en charge matérielle du mineur sont réglées par le texte.
Telles sont les raisons qui me conduisent à émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.
M. François Pupponi. Je ne veux pas laisser penser, après les déclarations du rapporteur, que nous serions d’accord pour que les mineurs traînent dans la rue après une certaine heure, surtout lorsqu’ils sont âgés de moins de treize ans! Nous sommes, bien entendu, contre le fait que de très jeunes enfants soient seuls dans la rue. Mais lorsque cela arrive, c’est qu’il y a souvent une défaillance parentale à laquelle doivent répondre des mesures éducatives. Je le répète, dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance, cela peut aller jusqu’à enlever l’autorité parentale aux parents et à placer l’enfant. Ces dispositifs existent. Le fait d’instaurer un couvre-feu ne réglera pas le manque de moyens éducatifs dans les territoires concernés. Vous pourrez imposer tous les couvre-feux que vous voudrez, les policiers interpelleront ces enfants et les remettront aux parents sans que cette intervention ne soit pour autant assortie d’une mesure éducative, car ces territoires manquent de structures éducatives.
Nous demandons donc que soient mis en place des moyens éducatifs pour que ces enfants en danger soient suivis, pris en charge afin qu’ils ne basculent pas, très jeunes, dans la délinquance ou que si, hélas, tel était le cas, ils ne récidivent pas. Ils doivent être accompagnés. Or les couvre-feux ne remplaceront pas les éducateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Cette discussion me rappelle une situation tragique que nous avons connue voilà une dizaine d’années. Un conducteur de train avait alors franchi un feu rouge, provoquant un accident mortel. On s’était interrogé sur les moyens d’empêcher que cela ne se reproduise. Il nous avait été répondu qu’il suffisait de respecter le règlement. Nous parvenons, ici, au même genre d’aberration. Nous sommes évidemment d’accord pour que le règlement soit respecté. Tout le monde considère comme anormal le fait qu’un mineur de moins de treize soit dehors la nuit – M. Pupponi a insisté sur ce point. Toutefois, interdire sans se donner les moyens éducatifs et psychologiques ne servira à rien! Et, Dieu sait si nous avons besoin d’éducateurs! L’enfance est de plus en plus courte. Les jeunes de moins de treize ans mettent leur avenir et celui de leurs familles en danger. Il convient d’en prendre conscience et de prévoir un autre dispositif.
L’exposé sommaire de notre amendement mentionne le service public de la prévention de la délinquance. Nous disposons d’associations d’éducation spécialisée, d’une protection judiciaire de la jeunesse. La PJJ que l’on veut recentrer ne peut pas être oubliée. Ce problème relève tout à fait de la protection judiciaire de la jeunesse. Nous devons tout faire pour protéger ces jeunes, déjà en dérive, contre eux-mêmes, mais aussi contre des plus grands et contre des bandes. Toutefois, ramener les enfants chez leurs parents en cas de non-respect du couvre-feu et convoquer le lendemain au commissariat de police lesdits parents, qui risquent de se voir privés d’allocations familiales, ne me semble pas être un début de solution. Au contraire, on risque de stigmatiser des parents, d’en faire les principaux coupables. Si notre société ne parvient pas à sauver les enfants quand il en est encore temps, nous ne pourrons nous exonérer de nos propres responsabilités.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ne tentez pas de faire croire que nous trouvons normal que des enfants de moins de treize ans soient le soir dans la rue, monsieur le rapporteur! Personne ne peut nous faire ce procès! Nous sommes des femmes et des hommes, des parents, nous sommes des élus, nous sommes des maires! On ne peut pas aborder le problème ainsi. Plus que discourtois, ce serait même insultant!
Si nous parlons d’affichage, c’est que nous ne comprenons pas le contenu, l’importance et la pertinence de la mesure. Dans quelles circonstances le préfet ou son représentant peut-il prononcer, dans leur intérêt, une mesure tendant à restreindre la liberté d’aller et venir des mineurs de treize ans? Il n’est pas question des enfants faisant l’objet de mesures de protection, qui sont placés à l’ASE, sous l’autorité du président du conseil général. Il n’est pas question non plus d’enfants à qui le juge des enfants a donné un avertissement, disposition entraînant l’interdiction d’être le soir dans la rue. Il ne s’agit pas non plus pour le préfet de prendre une mesure d’apaisement d’un quartier, que personne ne peut contester. Nous ne parlons pas ici de circonstances justifiant une mesure collective sur un périmètre donné. Alors, monsieur le ministre, quand le préfet prononcera-t-il cette mesure à l’égard d’un enfant?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’ai déjà répondu!
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Dans quelle circonstance, selon vous, le préfet agira-t-il? Décidera-t-il qu’un matin, untel, habitant à telle adresse, dans telle situation, se verra opposer cette mesure d’interdiction? Doit-on comprendre qu’il aura préalablement été saisi par une autorité de police, par un service social ou par le procureur à la demande d’un principal du collège? Nous ne comprenons pas votre démarche, alors que nous sommes plusieurs ici – M. Lagarde, par exemple – à être des maires.
J’essaie de savoir dans quelles circonstances le préfet de mon département pourrait être amené à prendre une telle mesure, pour voir s’il peut y avoir un élément nouveau permettant de répondre à ce type de situation. Si, comme je le crois, il s’agit de faire pression sur les parents, ce n’est pas raisonnable.
Comment le processus peut-il être déclenché? Pourquoi le préfet choisira-t-il tel garçon, telle fille de moins de treize ans, dans tel quartier, et que lui interdira-t-il de faire? Si c’est parce qu’il a eu des renseignements, je préférerais que ceux qui sont saisis de la situation particulière d’un enfant ayant des problèmes aient recours à l’ensemble des dispositifs visant à régler les problèmes de la famille et de l’enfant et aux mesures sociales d’accompagnement, y compris l’ASE.
Parler d’affichage, ce n’est pas une injure, nous essayons de comprendre. Moi-même, je me suis demandé dans quelles circonstances la disposition pourrait être utilisée dans ma commune. Je fais partie des maires qui, lorsqu’ils rentrent à onze heures, minuit, une heure et demie du matin, à l’issue des travaux de l’Assemblée, font toujours un petit tour de leur ville. C’est une vieille pratique que m’a apprise mon prédécesseur et nombreux, je crois, sont ceux qui font de même, pour sentir la ville, pour voir. Je ne vois pas tout, la police non plus d’ailleurs. Si elle voyait tout, il ne se passerait rien.
Si je vois un enfant, je m’en occupe, comme François Pupponi, mais c’est le fait de le voir qui déclenche le processus. Selon vous, dans quelles circonstances le préfet pourrait-il être dans la situation de prendre une décision à l’égard de l’enfant? C’est ce que nous voudrions comprendre et, si vous nous l’expliquiez, je vous en serais très reconnaissant.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Ce nouvel article introduit par amendement me paraît très grave, pour la police en particulier. Cela laisse penser, en effet, que, si elle voit aujourd’hui un enfant de moins de treize ans seul en pleine nuit dans l’espace public, elle ne fait rien. Vous donnez à nos concitoyens une image désastreuse des policiers.
L’article375 du code civil sur la protection des mineurs permet aux policiers d’intervenir, et aucun d’entre eux ne laisse un mineur errer tout seul dans les rues en pleine nuit. Avec ce type de mesure d’affichage, vous provoquez un divorce entre la population et ceux qui sont chargés de la protéger. Vous laissez croire qu’aujourd’hui, la police ne fait rien.
Il y a déjà un malaise dans la police. Avec de telles dispositions, vous contribuez à l’entretenir, alors que, je le répète, aucun policier, aucun gendarme ne laisserait seul un enfant en pleine nuit dans les rues. L’incompréhension s’installe de plus en plus entre les forces de police et de gendarmerie et la population.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est faux!
Mme Sandrine Mazetier. Qu’est ce qui est faux? La police ne vient-elle pas en aide à un enfant seul?
Il n’y a pas très longtemps, j’ai passé une nuit avec la BAC dans mon arrondissement. Il y a eu un appel à deux heures du matin, car une enfant de dix ans était seule place Daumesnil – je ne suis pas dans le Bronx. Elle a été immédiatement prise en charge; cela n’a fait l’objet d’aucune difficulté juridique.
Je trouve donc très grave que, par souci de communication, vous dégradiez l’image de la police et que vous ne rendiez pas compte de son activité réelle et du service rendu à nos concitoyens par la BAC, par les forces de police et de gendarmerie, qui font régulièrement usage de l’article375 du code civil pour prendre en charge des mineurs de treize ans se trouvant dans l’espace public entre vingt-trois heures et six heures du matin.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Je ne reviens pas sur vos propos, madame Mazetier. Vous parlez encore d’affichage, comme s’il s’agissait vraiment d’une posture.
Monsieur Le Bouillonnec, j’ai ressenti la sincérité de vos interrogations et je voudrais essayer de vous donner quelques exemples qui répondront peut-être à vos préoccupations.
Prenons tout d’abord un quartier où se retrouvent de nombreux dealers et trafiquants de drogue. La police sait qu’ils recrutent des jeunes de moins de treize ans – dans une grande ville de province, on leur versait cent euros pour faire le guet. Le préfet peut décider, avec le couvre-feu, de donner un signal clair aux trafiquants, en marquant les limites de leur influence. Voilà un premier cas qui me semble assez concret et compréhensible.
Par ailleurs, et cela correspond aussi à une réalité de terrain, dans un quartier qui a connu des échauffourées, le préfet peut adresser un signal et contribuer au calme en prenant une telle mesure de couvre-feu.
Troisième exemple, vous faisiez naturellement allusion aux zones de banlieue du fait de votre expérience personnelle, mais cela peut concerner d’autres territoires, comme la Canebière ou les Champs-Élysées, dans le cas d’événements pouvant entraîner certains débordements comme il y en a eu notamment à l’occasion de manifestations sportives. Les préfets peuvent ainsi prendre une mesure d’anticipation.
Voilà trois exemples qui couvrent un peu l’étendue des initiatives que peut prendre le préfet, de manière très apaisée, très sereine et, je pense, assez efficace.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est donc une mesure collective!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Elle peut être collective ou individuelle, il y a les deux éventualités mais, en l’occurrence, c’étaient des mesures collectives.
(L’amendement n°249 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°252.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’amendement est défendu.
(L’amendement n°252, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°250.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Cette fois-ci, le rapporteur ne pourra pas répondre que nous demandons un rapport supplémentaire puisqu’il existe déjà et que nous parlons de son contenu.
De façon alternative aux dispositions de l’article 24 bis sur le couvre-feu, nous proposons qu’il comporte une évaluation des dispositifs de prévention mis en place par un certain nombre de collectivités territoriales, tels que les médiateurs, les correspondants de nuit, les citoyens référents ou les offices de la tranquillité. Il y a des expériences qui marchent, qui ont des résultats. Il est donc nécessaire d’en faire une évaluation à l’échelle nationale pour voir la façon dont l’État pourrait aider les collectivités territoriales dans ce travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Défavorable. Vous proposez de remplacer une mesure dont M. le ministre vient de rappeler le caractère concret et la pertinence par des dispositions énoncées dans un rapport. Ce n’est pas du même ordre.
(L’amendement n°250, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°222.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . C’est un amendement rédactionnel.
(L’amendement n°222, accepté par le Gouvernement, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°173.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Il s’agit simplement de bien préciser que la durée fixée par le préfet est limitée dans le temps. J’aurais pu prévoir un mois ou trois mois, monsieur le ministre, mais s’assurer qu’un tel arrêté préfectoral n’aura pas une portée trop longue me paraissait nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. J’avais précisé en présentant le texte, monsieur Lagarde, que de telles mesures auraient un périmètre donné et une durée déterminée. Votre proposition est donc un peu inutile mais j’y suis tout de même favorable.
(L’amendement n°173 est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°223.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . C’est un amendement rédactionnel. Si vous le permettez, madame la présidente, je vous précise tout de suite que c’est également le cas des quatre amendements suivants.
(L’amendement n°223, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’amendement n°224, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’amendement n°225, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’amendement n°226, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’amendement n°227, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 24 bis, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°230 rectifié, portant article additionnel après l’article 24 bis .
La parole est à M. Bernard Reynès.
M. Bernard Reynès. La loi de mars2007 relative à la prévention de la délinquance place le maire au cœur du dispositif de prévention de la délinquance. C’est lui qui est chargé de coordonner la mise en œuvre de cette politique.
Il nous a paru intéressant d’inscrire dans la loi que le maire a la possibilité de passer une convention avec l’État ou les personnes morales intéressées, comme l’éducation nationale ou le parquet, afin d’être à l’abri de toute forme d’arbitraire. Cela permettrait d’éviter la confusion des genres entre les missions du maire, celles du parquet, celles de l’éducation nationale et celles des forces de police et de gendarmerie.
Cet amendement a pour objet de consacrer cette contractualisation et d’inviter de façon un peu plus solennelle les acteurs locaux à y recourir très librement. Il est nécessaire d’entourer le maire pour la mise en œuvre de ces dispositifs car les décisions sont souvent difficiles à prendre. Cela permettrait aux maires d’être pragmatiques tout en ayant l’avis éclairé de toutes les institutions.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable. Ce que propose M. Reynès me paraît pertinent et de nature à améliorer les dispositifs existants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur Reynès, vous aviez évoqué cette préoccupation lorsque je me suis rendu récemment à Marseille pour une réunion de travail avec l’ensemble des acteurs de la sécurité. Je suis favorable à votre proposition.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà un amendement totalement superflu.
Depuis 1983, à l’initiative de Gilbert Bonnemaison, le maire a la faculté de contractualiser ce qui concerne la prévention, et toutes les lois votées depuis ont accentué ce dispositif, allant même jusqu’à intégrer la dimension de la prévention dans les contrats urbains de cohésion sociale, les anciens contrats de ville, et, aujourd’hui, dans les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
J’avoue que je ne comprends pas du tout le sens de cet amendement ou, plutôt, je suis inquiet s’il existe encore des maires qui, sur nos territoires, ne savent pas que le processus de prévention peut être conventionné. Aux termes de la dernière loi, il y a trois acteurs territoriaux de la prévention, le préfet, le maire et le procureur de la République. On a pu craindre une confusion dans l’action mais tout s’est ordonné à partir de conventions.
J’avoue sincèrement ne pas comprendre le sens de l’amendement. Je n’en fais pas le reproche à notre collègue, mais cela me fait mesurer le peu d’accompagnement des maires dans leur capacité à contractualiser, y compris avec le procureur de la République, d’ailleurs, sur des objectifs de prévention.
J’entends parfois reprocher aux socialistes de ne pas avoir été des acteurs de la sécurité publique et de la protection des victimes. Personnellement, j’ai fait mon apprentissage de maire – cela remonte à 1982 – dans un conseil communal de prévention de la délinquance, dont l’objectif était de réduire la délinquance dans la commune. Je tenais à le dire. Cela me fait du bien d’évoquer la mémoire de Gilbert Bonnemaison.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Reynès.
M. Bernard Reynès. Mon cher collègue, je crois que nous partageons la même préoccupation. Faisons simplement l’état des lieux. Même si vous regrettez que beaucoup n’aient pas connaissance des instruments à leur disposition, le fait est que les maires sont actuellement très seuls dans ces dispositifs. Vous avez parlé de contractualisation avec le préfet: d’accord. Ou encore de contractualisation avec le procureur: certes, même si les parquets ne sont pas toujours disposés à s’engager dans ces processus. Mais d’autres conventions seraient également intéressantes, par exemple avec l’éducation nationale.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cela se fait!
M. Bernard Reynès. Vous savez que la loi de mars2007 oblige les chefs d’établissement à signaler les cas d’absentéisme scolaire.
M. André Schneider. Tout à fait!
M. Bernard Reynès. Le fait d’inscrire clairement ces conventions dans la loi permettrait de sortir le maire de son isolement pour des prises de décision très complexes. Cette lacune est l’une des raisons fondamentales pour lesquelles la loi de mars2007 est très peu appliquée.
(L’amendement n°230 rectifié est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Reynès, pour soutenir l’amendement n°221 rectifié.
M. Bernard Reynès. Cet amendement est la suite logique du précédent, dans lequel j’ai abordé la contractualisation. Il s’agit de prévoir que le maire soit entouré pour prendre les décisions les plus avisées sur des sujets dont nous conviendrons tous qu’ils sont particulièrement sensibles.
S’il y a échange d’informations, il est normal de vouloir que les modalités en soient prévues. Je propose que cela soit par le biais d’un règlement intérieur établi par le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, et qui pourrait être assimilé à une charte de déontologie. Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance a le droit de constituer en son sein un ou plusieurs groupes de travail et d’échange d’informations à vocation territoriale ou thématique. Ce partage d’informations, absolument indispensable pour éclairer le maire, doit se faire dans des conditions respectueuses de la vie privée et de la déontologie. Le fait de l’écrire dans la loi offre toutes les garanties d’éthique indispensables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Même avis. Cet amendement est dans le même esprit que le précédent.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est superfétatoire!
(L’amendement n°221 rectifié est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°267 rectifié.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Cet amendement, que j’ai cosigné avec M. Thierry Mariani, tend à introduire la possibilité pour les régions de conclure avec l’État des conventions visant à mener des actions de prévention de la délinquance.
Nous le savons, les régions peuvent être amenées à intervenir, dans le cadre de leurs compétences, à savoir, notamment, dans les lycées, les gares ou les trains, pour la mise en œuvre de politiques qui contribuent ou devraient contribuer à la prévention de la délinquance. Il est donc nécessaire, de notre point de vue, de reconnaître dans la loi la possibilité pour les régions de conclure avec l’État de telles conventions,…
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Elles l’ont déjà!
M. Éric Ciotti, rapporteur . …afin de définir les modalités de leur intervention. C’est d’ailleurs une proposition qu’avait émise fort opportunément M. le ministre il y a peu.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Comme je l’ai indiqué dans le cadre de la discussion générale, il est nécessaire que l’État et les collectivités territoriales, en particulier les régions, travaillent ensemble sur la sécurité, dans leurs domaines de compétence respectifs. Concernant les régions, il s’agit des lycées et des transports. Cet amendement, déposé par M. Thierry Mariani et Éric Ciotti, a l’entier soutien du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. L’amendement du rapporteur et la réponse du ministre ne manquent pas d’humour, eu égard à la réforme en cours des collectivités territoriales. Le conseil régional n’a pas de compétence en matière de prévention de la délinquance. À la rigueur, la proposition aurait pu valoir pour les conseils généraux. Certaines régions conduisent certes une politique de prévention de la délinquance, mais vous voulez y mettre fin, en supprimant la clause de compétence générale. Si nous pouvons comprendre l’esprit de la proposition, une sorte de contrat de plan État-région, elle est cependant en contradiction avec d’autres réformes engagées par le Gouvernement.
Sur le fond, de telles conventions existent déjà. Il existe, par exemple, une convention entre l’État et la région des Alpes-Maritimes sur la construction des commissariats, une autre entre l’État et la région Île-de-France sur la même question ainsi que sur la construction des maisons de justice et du droit. En revanche, dans le domaine des compétences propres de la région, pour ce qui est de la sécurité des lycées et des transports, la région exerce pleinement ses compétences, et cela ne relève pas d’une convention avec l’État.
(L’amendement n°267 rectifié est adopté.)Mme la présidente. Sur l’article 24 quater , la parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Monsieur le ministre, j’ai lu il y a deux jours, dans un quotidien, un écho ainsi libellé: « Sécurité des personnes âgées: le sondage qui conforte Hortefeux ». J’ai été étonnée des mauvais résultats de ce sondage puisque je m’attendais à ce que 100 % des gens soient pour les sanctions à l’encontre de ceux qui s’en prennent aux personnes âgées.
M. Jean-Christophe Lagarde. Les délinquants ne sont pas pour!
Mme Delphine Batho. Ce sondage, qui, selon l’écho évoqué, a été payé par le Gouvernement, sans que la moindre communication ait été adressée à la commission des sondages, est l’exemple même des pratiques du Gouvernement et de la Présidence de la République sur lesquelles le groupe socialiste a demandé la création d’une commission d’enquête.
Mme Sandrine Mazetier et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument!
Mme Delphine Batho. Sur le fond, l’article 24 quater aggrave les peines, d’une part, pour les vols et cambriolages, et, d’autre part, pour les atteintes aux personnes vulnérables.
Vous aviez, monsieur le ministre, demandé une réflexion à M. Courtial sur les conséquences en termes de sécurité de l’allongement de la durée de la vie. Or vous court-circuitez les résultats de cette réflexion, dont nous ne connaissons pas les recommandations, avec une mesure qui nous paraît être de pur affichage et n’apporte pas grand-chose aux dispositions en vigueur. Celles-ci permettent déjà de sanctionner cette circonstance aggravante qui consiste à s’en prendre à une personne vulnérable en raison de son âge.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°287.
M. Éric Ciotti, rapporteur . J’ai repris cet amendement de notre collègue Édouard Courtial.
Mme Delphine Batho. Cette procédure est-elle possible?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Oui, c’est possible.
Mme Batho vient de rappeler que le Premier ministre, sur proposition du ministre, a confié à M. Courtial une mission sur la vulnérabilité, pour réfléchir aux moyens de mieux protéger les personnes vulnérables, notamment les personnes âgées. Dans le cadre de ses travaux, qui sont déjà bien avancés et très constructifs – il était à Nice en début de semaine pour mesurer sur le terrain l’impact des actions concrètes qui y sont menées –, il propose par le présent amendement une peine complémentaire d’interdiction de séjour, par laquelle l’auteur d’une infraction se verrait interdire de paraître dans un lieu déterminé, par exemple à proximité du lieu d’habitation de sa victime. Actuellement, cette peine complémentaire n’est prévue, en matière de vol, que pour les vols aggravés punis de dix ans d’emprisonnement.
C’est une mesure qui me paraît de bon sens, car il est toujours traumatisant pour une victime, notamment lorsqu’il s’agit d’une personne âgée, de se trouver confrontée avec son agresseur à proximité de son domicile.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Très favorable. Le vieillissement est à la fois une chance et un défi. C’est une chance parce qu’il témoigne d’une augmentation de l’espérance de vie: elle a augmenté de deux mois et demi en moyenne l’année dernière. Aujourd’hui, notre pays compte un million et demi de personnes de plus de 85 ans, qui seront deux millions en 2015. C’est ainsi également un défi qu’il faut anticiper, notamment en matière de sécurité.
J’ai donc demandé au Premier ministre de confier une mission à Édouard Courtial, qui doit me rendre ses conclusions dans quelques semaines. Ce qui n’empêche pas de prendre des initiatives, comme cet amendement.
(L’amendement n°287 est adopté.) (L’article 24 quater, amendé, est adopté.)Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 60 rectifié.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Cet amendement, qui a été accepté par la commission des lois, vise à réparer une lacune de notre droit s’agissant de la protection des assemblées délibérantes et, en premier lieu, de la nôtre.
Je ne reviens pas sur les événements d’une extrême gravité, dont les conséquences auraient pu être dramatiques, qui se sont produits récemment dans cet hémicycle, et qui ont entravé les travaux de notre assemblée, mettant en cause par là même le fonctionnement démocratique de nos institutions.
Le président Accoyer ayant engagé des procédures contre les auteurs de cette intrusion totalement intolérable, il est apparu qu’aucune disposition du code pénal ne réprimait spécifiquement l’entrave aux débats d’une assemblée délibérante. Cet amendement a donc pour objet de combler cette lacune en complétant l’article431-1 du code pénal relatif à l’entrave à la liberté d’expression et de réunion.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Ce n’est pas parce qu’il n’existe pas de disposition spécifique qu’aucune disposition ne s’applique. En l’occurrence, je crois savoir – peut-être m’apportera-t-on des précisions – que le président de l’Assemblée nationale a porté plainte au sujet des incidents qui se sont produits ici même et que nous avons condamnés, que cette plainte est pleinement recevable et qu’aucun obstacle ne s’oppose à ce que la procédure judiciaire suive son cours. Si des informations sont disponibles sur l’état d’avancement de la procédure, nous aimerions les connaître.
S’agissant de la rédaction que vous proposez, nous pourrions en discuter sur le fond au regard des événements qui ont pu se produire dans d’autres assemblées délibérantes de collectivités territoriales et qui ont conduit à de légitimes poursuites judiciaires. Je m’inquiète cependant de ce que vous entendez par « le fait d’entraver le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ». Que recouvre cette notion d’entrave? Quelles sont les personnes visées? Des parlementaires qui descendent au pied de la tribune pour entonner La Marseillaise entravent-ils le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire?
Nous comprenons parfaitement la volonté du rapporteur, mais nous souhaiterions avoir plus de précisions.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti rapporteur. Bien entendu, ces dispositions ne pourraient s’appliquer à des parlementaires dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions au sein d’une assemblée parlementaire, non plus qu’à des élus siégeant dans une assemblée délibérante.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Selon une disposition du code des collectivités territoriales, le président d’une assemblée délibérante ou le maire de la commune qui siège en son conseil municipal dispose du pouvoir de réquisitionner les forces de police et de les faire pénétrer dans la salle des délibérations. Si les auteurs des actes récriminés persistent et résistent aux forces de l’ordre, ils sont alors poursuivis pour ces faits. Je tenais à vous signaler cette mesure pour vous rappeler qu’indépendamment de la pertinence de l’amendement sur les assemblées parlementaires, une disposition légale existe déjà pour les collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement fait référence à un article du code pénal dont une lecture attentive révèle que les personnes qui pourraient être poursuivies à ce titre ne sauraient être, justement, les membres d’une assemblée: « Le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, […] le déroulement des débats d’une assemblée parlementaire ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Il s’agit bien de sanctionner le fait d’empêcher les élus de délibérer.
C’est vrai qu’une première lecture de cet amendement m’avait laissé dubitatif, mais il est indéniable, dans l’ère médiatique où nous vivons, que nous ne pouvons faire l’économie d’une peine dissuasive spécifique contre l’intrusion dans un conseil régional, dans un conseil général, de trois, quatre individus qui cherchent simplement à faire parler d’eux. Je pense à présent que nous avons intérêt à marquer le fait, comme ce fut le cas après la Terreur, que les enceintes des élus doivent rester un lieu où l’on doit pouvoir débattre sans être sous la pression de groupuscules, quels qu’ils soient.
(L’amendement n° 60 rectifié est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°253 de suppression de l’article.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Cet amendement tend à effet à supprimer cet article car il n’était nul besoin de créer un nouveau délit. Il aurait suffi que le préfet de police n’autorise pas cette manifestation dont l’objet était de distribuer de l’argent sur la voie publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable, naturellement. Les événements du Champ de Mars ont mis en évidence une lacune dans notre législation…
Mme Delphine Batho. C’est faux!
M. Éric Ciotti, rapporteur. …puisqu’une société peut aujourd’hui distribuer de l’argent sur la voie publique, au risque de causer de graves troubles, à l’image de ceux que l’on a malheureusement recensés à cette occasion. L’autorisation que peut ou non accorder le préfet de police n’a rien à voir avec ce point.
Mme Delphine Batho. Bien sûr que si! Comment se fait-il que cette manifestation ait pu être autorisée?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Madame Batho, il n’y a aucun problème: si vous êtes contre cette proposition, n’hésitez pas à le proclamer, à l’affirmer, nous nous chargerons d’assurer la publicité de votre position.
Vous savez, les choses sont simples: le dispositif était totalement incomplet puisque la peine prévue était une contravention de 150 euros. Ne votez pas ce dispositif si vous considérez qu’il suffit amplement!
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je pense, monsieur le ministre, que vous me répondez ainsi parce qu’il y a eu une défaillance: il n’aurait jamais dû être délivré d’autorisation pour cette manifestation.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Mais pas du tout!
M. Serge Blisko. Que s’est-il passé exactement?
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Expliquez-nous donc.
Mme la présidente. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur.
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Monsieur le maire, vous nous avez fait partager votre expérience tout à l’heure, à laquelle j’ai rendu hommage. Cela signifie que votre expérience n’est pas saucissonnée, mais complète: vous savez donc que la liberté de manifestation est extrêmement difficile à encadrer et à interdire. Faute de jurisprudence, le préfet de police n’avait aucun motif juridique de l’empêcher.
Cet amendement de bon sens tend à augmenter le montant de la contravention, car 150 euros, ce n’était pas suffisant pour empêcher que de tels faits ne se reproduisent. Nous aurons ainsi les moyens d’agir. Je le répète, n’hésitez pas à vous opposer à cette mesure. C’est formidable: vous voilà favorables à la distribution d’argent, et pour vous, une amende de 150 euros suffit amplement! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je vous trouve subtil tout à coup.
(L’amendement n°253 n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°228 rectifié.
La parole est au rapporteur M. le rapporteur.
M. Éric Ciotti, rapporteur . Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
(L’amendement n°228 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.) (L’article 24 quinquies, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°265.
La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Du fait de la hausse des prix des matériaux ferreux et non ferreux, les vols de métaux se multiplient. Cet amendement vise à limiter les transactions en espèces en fixant un montant maximum au-delà duquel il n’est plus possible de payer de cette manière, et à préciser le contenu du registre de police auquel sont d’ores et déjà astreints les professionnels du négoce de métaux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis défavorable – je rendrai en revanche un avis favorable à votre amendement suivant, madame Batho, qui est dans le même esprit.
Le dispositif prévu a pour objet de mieux combattre ce fléau que représentent le vol et le trafic de métaux en rendant leur écoulement beaucoup plus difficile. Pour autant, votre amendement, du fait des montants de transaction que vous fixez, entre à ce point dans les détails qu’il ne relève plus de la loi mais du pouvoir règlementaire.
(L’amendement n°265, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°263. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Cet amendement est défendu. Si j’ai bien compris, il devrait recevoir l’avis favorable du rapporteur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Je vous confirme cet avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Sagesse.
(L’amendement n°263 est adopté.) (L’article 24 nonies, amendé, est adopté.)Mme la présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements, n os 247, 248, 196, 205, 209, 220, 233, 218, 219, 210, 211, 216, 217, 214, 215, 212 et 213, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. François Pupponi pour soutenir l’amendement n°247.
M. François Pupponi. Voici un point dont nous avons déjà débattu à l’occasion de l’examen du texte sur les violences de groupe. Tout le monde le sait, les textes applicables sur l’occupation abusive des halls d’immeuble ne sont pas appliqués, ou difficilement. Il faut en effet démontrer que les personnes qui les occupent ont empêché délibérément les personnes de circuler librement, ce qui est pratiquement impossible en dehors du flagrant délit. Nous avions à l’époque fait une proposition, d’ailleurs acceptée par le groupe UMP avant d’être retirée par le Gouvernement, pour revenir à un texte simple: l’occupation abusive des halls d’immeuble constitue, dans un premier temps, une contravention, et en cas de récidive, un délit. Voilà une disposition qui sera applicable sur le terrain et qui permettra à la police de travailler, à la justice de sanctionner. Surtout, cette mesure répond à une préoccupation majeure de nos concitoyens qui n’en peuvent plus de voir des personnes occuper abusivement leurs cages d’escalier, les empêchant de circuler ou de dormir. Cette situation est devenue intenable, tout comme le sentiment d’impuissance de nos concitoyens.
Je crois savoir que le Nouveau Centre a déposé des amendements qui vont dans le même sens. Nous pouvons certainement tous tomber d’accord pour voter un texte qui permettra de résoudre cet insupportable problème.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho pour soutenir l’amendement n°248.
Mme Delphine Batho. Cet amendement est celui qui avait été voté la semaine dernière lors de l’examen du texte sur les violences de groupe, mais pour lequel le Gouvernement avait demandé une seconde délibération afin de le faire rejeter.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir les amendements suivants.
M. Jean-Christophe Lagarde. Pour faciliter le débat, j’annonce le retrait des amendements n os 205, 209, 220, 233, 218, 219, 210, 211, 216, 217, 214, 215, 212 et 213.
(Les amendements n os 205, 209, 220, 233, 218, 219, 210, 211, 216, 217, 214, 215, 212 et 213 sont retirés.)Mme la présidente. Je vous redonne donc la parole, monsieur M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n°196.
M. Jean-Christophe Lagarde. M. Pupponi l’a rappelé, ce sujet n’est pas nouveau. En 2003, nous avons créé un délit qui permet aujourd’hui de punir de deux mois d’emprisonnement le fait d’entraver la libre circulation dans les halls d’immeuble. C’est vrai, il est difficile de caractériser ce délit, mais il permet néanmoins, le cas échéant, de placer en garde à vue si nécessaire, voire d’engager des poursuites. Il reste que ce délit est difficile à caractériser, aussi sommes-nous plusieurs, moi le premier, à réclamer depuis des années que soit créée une infraction de nature contraventionnelle. Tel est l’objet de cet amendement qui tend à prévoir que « le fait de troubler la tranquillité du voisinage par une occupation en réunion des espaces communs ou des parkings souterrains ou des toits des immeubles collectifs d’habitation ayant pour effet de perturber l’accès ou la libre circulation des personnes est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe ».
Ces parties sont, certes, des lieux communs dans la mesure où tout le monde peut s’y trouver, mais ce sont des parties privatives: nous ne sommes pas dans la rue, ni dans un espace public. Le hall d’immeuble est par essence même un lieu de passage et non un lieu où l’on stationne pour perturber la vie collective.
Un amendement similaire, c’est vrai, a été présenté voilà quinze jours. Celui que je vous présente aujourd’hui a été retravaillé pour être juridiquement mieux cadré et permettre de donner deux réponses: celle du délit qui autorise l’interpellation et le placement en garde à vue et celle de la contravention de cinquième classe, très dissuasive, car elle permet de porter l’action devant le tribunal de police ou le juge pour enfants. Celui-ci pourra prendre des mesures correctives ou éducatives à l’encontre des mineurs éventuellement impliqués ou de leurs parents. Quant aux majeurs, être convoqué devant le tribunal de police leur permettra de comprendre que l’on ne pourrit pas impunément la vie des gens.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements n os 247, 248 et196?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Comme l’ont rappelé Mme Batho et M. Lagarde, nous avons déjà évoqué cette question lors de l’examen de la proposition de loi contre les violences de groupes. Le Gouvernement s’était engagé à ce que nous y revenions dans le cadre de la discussion de la LOPPSI, initiative du ministre de l’intérieur que je salue. Il nous revient en effet d’apporter des solutions à un phénomène intolérable que nous déplorons tous: l’occupation des halls d’immeuble qui constitue une entrave à la liberté d’aller et venir.
Chaque amendement propose un dispositif à deux crans: d’abord la création d’une contravention de cinquième classe, ensuite le maintien de la possibilité de correctionnaliser les faits lorsqu’ils s’accompagnent de voies de fait ou de menaces. Ma préférence va à ceux qui ont réécrit l’article126-3 du code de la construction et de l’habitation, plutôt qu’aux partisans de l’établissement d’une nouvelle contravention.
L’amendement n°196 présenté par M. Lagarde me paraît quant à lui le plus pertinent non seulement parce qu’il couvre le champ le plus large – espaces communs, parkings souterrains, toits d’immeubles collectifs –, mais aussi parce qu’il caractérise le délit par l’occupation en réunion troublant la tranquillité du voisinage.
La commission émet donc un avis favorable à l’amendement n°196.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n°196 de M. Lagarde, et propose le retrait des autres amendements.
Le Gouvernement se préoccupe de la question – visiblement consensuelle –…
M. Yves Bur et Mme Catherine Vautrin. Tout à fait!
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. …du trouble que peut provoquer l’occupation en réunion des lieux que vous avez cités: halls d’immeubles – M. Pupponi les a évoqués –, toits, parkings.
Je pense, monsieur Lagarde, qu’il s’agit d’une bonne initiative que de rendre plus opérationnelle la sanction d’un tel trouble en prévoyant une amende assez lourde pouvant aller jusqu’à 1500 euros. Le délit demeure, naturellement, dès lors qu’il y a menaces ou voies de fait.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.
M. Jacques Alain Bénisti. Quand bien même, évidemment, favorables à la logique des amendements précédemment présentés, les députés du groupe UMP étaient quelque peu embarrassés. Comme l’a souligné notre collègue Lagarde, dans de nombreux quartiers, des groupes de jeunes pourrissent en effet la quiétude des riverains. La réécriture de cet amendement nous sied parfaitement, c’est pourquoi nous sommes heureux de l’avis favorable donné et par la commission et par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.
Mme Delphine Batho. Je souhaite interroger M. le rapporteur ou bien M. Lagarde: nos amendements réécrivent intégralement l’article126-3 du code de la construction et de l’habitation alors que l’amendement n°196 n’en réécrit que le premier alinéa. Peut-on lire complètement l’article afin d’avoir une vue d’ensemble?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne suis pas en mesure de lire la suite de l’article.
Le dispositif comprend deux niveaux possibles de sanction; logique pas si dissemblable que celle proposée par M. Pupponi, à la différence qu’il la fonde, lui, sur l’idée de réitération.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je récapitule: le premier alinéa de l’article L.126‑3 du code de la construction et de l’habitation prévoit une contravention. C’est à notre sens la meilleure pratique possible parce que la difficulté des tribunaux était de caractériser l’intention délictuelle. Il n’y a délit qu’en cas de nécessaire intention, dès lors qu’il y a voie de fait.
Nous retirons donc les amendements n os 247 et248 et soutenons l’amendement n°196.
(Les amendements n os 247 et248 sont retirés.) (L’amendement n°196 est adopté.)Mme la présidente. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n°291.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le vote de l’amendement n°196 à l’unanimité montre que tous les élus, à l’écoute de la population, sont confrontés aux mêmes problèmes.
Mme Catherine Vautrin. Tout à fait!
M. Jacques Alain Bénisti. Absolument!
M. Jean-Christophe Lagarde. Nous venons d’évoquer un délit caractérisé par l’occupation en réunion de halls d’immeuble, provoquant des troubles notamment à la circulation. Reste que dans un hall d’immeuble, une ou deux personnes qui ne sont pas à même de gêner la circulation peuvent parfaitement provoquer un tapage, tapage puni par une contravention tout sauf dissuasive puisque de première ou deuxième classe, c’est-à-dire de l’ordre de 30 euros.
Je propose donc l’établissement d’une contravention de cinquième classe pour punir tout tapage dans un hall d’immeuble doté d’un contrôle d’accès – le bailleur social et les copropriétaires ayant souhaité se protéger contre ce genre d’incidents.
Si cet amendement ne concerne pas tout à fait le même genre de délit que le précédent, il procède bien du même esprit: permettre aux habitants d’un immeuble de dormir tranquilles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Cet amendement a été repoussé par la commission car de nature réglementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. La création d’une telle contravention relève d’un décret et non de la loi. Je suis favorable à cette disposition sur le principe et elle sera prise par voie réglementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je remercie M. le ministre pour sa sagesse réglementaire et retire mon amendement.
(L’amendement n°291 est retiré.)Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n°234, portant article additionnel après l’article 24 decies .
La parole est à Mme Catherine Vautrin.
Mme Catherine Vautrin. Je reviens sur les lourdes conséquences matérielles et psychologiques de l’usurpation d’identité. Ce délit représente plus de 4 milliards d’euros; c’est dire si l’enjeu est important pour toutes les victimes.
Or le phénomène n’est traité que de manière connexe dans le code pénal. Le présent texte aborde la question de l’usurpation d’identité numérique, dont je mesure toute l’impor tance; reste qu’il ne s’agit que d’une partie de l’usurpation. Aussi, fidèle à la proposition de loi que j’ai déposée en novembre dernier, je saisis l’occasion que m’offre la discussion du présent texte pour vous inviter à reconnaître le délit d’usurpation afin de le condamner de la même manière que dans d’autres pays comme le Canada.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission?
M. Éric Ciotti, rapporteur . Avis très favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement?
M. Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur. Favorable.
(L’amendement n°234 est adopté.)Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:
Suite de la discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma