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Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État
M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du Parlement de la République de Biélorussie, conduite par la présidente du groupe de travail Biélorussie-France, Mme Nina Mazai. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)
M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Philippe Martin. Monsieur le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en 2007, Nicolas Sarkozy proclamait que le Grenelle de l’environnement serait « le New Deal et l’acte fondateur de l’écologie en France ». En 2010, au salon de l’agriculture, il déclarait, à propos de l’environnement: « ça commence à bien faire ». En moins de trois ans, le monde d’après que vous nous promettiez est devenu le monde d’après la déroute de l’UMP aux élections régionales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et la première victime aura été l’environnement et le Grenelle 2.
Monsieur le ministre d’État, à l’inverse de ce que nous avions fait pour le Grenelle 1, nous ne pourrons pas voter le projet de loi du Grenelle 2, dont les objectifs sont d’ailleurs à peine partagés dans les rangs mêmes de l’UMP. En effet, non seulement le débat a été escamoté pour mes collègues François Brottes, Jean-Paul Chanteguet et Philippe Tourtelier, mais les reculs se sont additionnés, notamment sur les pesticides, le social a été oublié et, surtout, le financement carbonisé. Gilles Carrez, rapporteur général du budget, n’a-t-il pas tenu ces propos sur le Grenelle: « tout ce qui coûte est infinançable. Le Grenelle 2, on le flinguera lors des décrets d’application »?
Monsieur le ministre d’État, ma question est simple: entre l’étranglement financier des collectivités locales et l’austérité décrétée d’un État impécunieux, le Grenelle de l’environnement n’est-il pas en train de devenir le Grenelle du renoncement? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. André Chassaigne. Très juste!
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Michel Vergnier. Il va dire que ce n’est pas vrai!
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le député, votre essai de justification d’un changement de cap politicien est bien laborieux! Vous qui nous avez laissé un pays…
M. Bernard Roman et M. Albert Facon. Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir!
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. … qui était dernier en Europe pour le bio, l’éolien, le solaire et le photovoltaïque (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Protestations sur les bancs du groupe SRC) , n’êtes-vous pas ici un peu en difficulté?
Votre explication est strictement anecdotique au regard de l’histoire de notre pays, monsieur Martin. Ce qui restera de la période, c’est que la grande mutation dans la conception des bâtiments, des automobiles, des transports collectifs, le grand virage en matière d’agriculture bio, de santé-environnement et de gouvernance auront été le fait de cette majorité, dans un monument législatif et démocratique qui s’appelle le Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Michel Vergnier. On en reparlera avec les pesticides!
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Je conçois que vous ayez quelque difficulté à trouver des arguties pour ne pas le voter. Vos arguments sur les éoliennes, par exemple, sont extraordinaires. Mesdames et messieurs les députés, en 2002-2003, lorsque l’Allemagne comptabilisait, grâce à la filière verte éolienne, 8000 mâts, lorsque le Danemark avait construit 1800 mâts et l’Espagne 2000, savez-vous combien de mâts éoliens comptait la France, avec les emplois qui vont avec? Vingt-neuf! Voilà la réalité! (Huées sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Michel Vergnier. En 2003 nous n’étions plus au gouvernement!
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. À quoi bon polémiquer? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le Grenelle de l’environnement vaut mieux que l’ensemble de ces remarques. Ayez au moins l’élégance de constater cette mutation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-François Copé. Monsieur le Premier ministre, le week-end dernier, la France et l’ensemble de ses partenaires européens ont été confrontés à une crise monétaire extrêmement grave. Je veux ici, au nom de mon groupe, saluer l’action déterminante conduite par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Chacun sait le rôle majeur qu’il a joué avec l’ensemble de nos partenaires européens pour éviter ce qui aurait pu constituer une faillite majeure de notre système monétaire à un moment clé où nous devons faire face à cette crise économique.
Sur ce sujet, nous avons les uns et les autres retenu notre souffle en voyant l’importance de la vague spéculative sur les marchés, et j’imagine que sur tous ces bancs, à droite comme à gauche, on a dû être fiers de voir des partenaires européens se mettre autour de la table pour trouver des solutions, avec en pôle position le Président de la République française.
M. Jean-Pierre Brard. Il est resté terré dans son château.
M. Jean-François Copé. Ce que nous avons vécu ce week-end rappelait singulièrement la crise financière et bancaire d’il y a dix-huit mois. Et sur ce point, après avoir entendu les commentaires de nombreux Français ces dernières semaines, beaucoup nous disent que finalement, nous avions trouvé des solutions dans l’urgence, mais que certaines pratiques bancaires sont ensuite réapparues, signes de cette absence de gouvernance mondiale qu’il nous faut maintenant travailler.
La question que je voudrais vous poser, monsieur le Premier ministre, est la suivante: nous sommes nombreux au sein du groupe UMP à penser que le moment est venu de réfléchir ensemble à la création d’une gouvernance économique européenne.
M. Jean Glavany. Cela fait vingt ans que vous le dites!
M. Jean-François Copé. Nous ferons sur ce point des propositions, et je serais très heureux de savoir si de votre côté, vous êtes partant pour qu’avant le G20, la France puisse faire des propositions fortes pour que demain, des leçons soient tirées de la crise très grave que nous venons de subir. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Copé, nous avons vécu une crise extrêmement sérieuse puisqu’au fond, ce qui était en cause à la fin de la semaine dernière, c’était l’existence même de l’euro. Je pense que la gravité de cette crise est due pour une part aux atermoiements qui ont présidé à la mise en œuvre d’une solution aux problèmes de la Grèce.
M. Roland Muzeau. C’est votre Europe!
M. François Fillon, Premier ministre. Au fond, ce que les marchés ont testé à la fin de la semaine dernière, c’est la capacité de la zone euro à s’organiser, à réagir, à articuler une solution, à faire preuve de solidarité, et donc finalement, c’est la mise en place de ce gouvernement économique que la France réclame depuis des mois et des mois.
M. Jean Glavany. Des années!
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avions déjà fait naître ce gouvernement économique, d’une certaine façon, en réunissant l’ensemble des chefs d’État de la zone euro à Paris au moment de la crise des banques pour articuler la réaction de l’Union européenne. De la même façon, vendredi dernier, c’est largement à la demande de la France que cette réunion des chefs d’État a été organisée. Pour répondre à votre question, monsieur Copé, on voit bien que c’est dans la réunion des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro que se situe le gouvernement économique qui doit être mis en place, avec des structures permanentes, pour pouvoir réagir à toutes les attaques, à toutes les crises, et impulser une véritable politique économique. Vendredi dernier, puis dimanche, nous avons obtenu une réponse massive de l’Union européenne et je voudrais remercier Christine Lagarde qui a été notre interprète. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) .
Cette réponse s’articule autour de quatre niveaux. Premièrement, 70 milliards d’euros immédiatement disponibles, mis en œuvre par la Commission sur la base d’un article du traité. Deuxièmement, 440 milliards d’euros de fonds de stabilisation constitueront une garantie que nous apportons soit à la Commission, soit à la BEI – ce n’est pas encore décidé – pour venir en aide, le cas échéant, aux pays qui rencontrent des difficultés. Il s’agit d’une garantie, et l’on peut espérer que nous n’aurons pas à la mettre en œuvre. Troisièmement, 250 milliards d’euros viendront du Fonds monétaire international, parce qu’il est normal que celui-ci participe, mais nous ne voulions pas qu’il soit majoritaire et qu’il conduise cette opération contre les spéculateurs. Quatrièmement, et c’est peut-être le plus important, une décision de la Banque centrale européenne d’intervenir à la fois sur les marchés de dette publique et de dette privée.
Oui, monsieur le président Copé, il faut s’appuyer sur la double expérience de la crise des banques et de la crise de l’euro pour mettre en œuvre un véritable gouvernement économique européen, et j’espère que l’ensemble des forces politiques de notre pays nous aidera à convaincre les Européens de la nécessité absolue de cette politique économique, industrielle, monétaire européenne pour assurer le développement de notre mode de vie et de la société que l’Europe incarne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Yves Cochet. Monsieur Borloo, ministre d’État, ministre de l'écologie, depuis le début, nous n’avons cessé de dire que le processus du Grenelle et ses suites sont tout autant des résultats du combat des écologistes depuis des décennies que le résultat d’une décision gouvernementale. Autrement dit, le Grenelle de l’environnement n’appartient pas au président Sarkozy ou au ministre Borloo, mais il nous appartient, ainsi qu’aux associations, aux syndicats, aux collectivités. En fait, il appartient à tout le monde. Sur ce point, nous sommes d’accord, monsieur le ministre.
Mme Valérie Boyer. Votez-le, alors!
M. Yves Cochet. Mais il y a également une traduction législative. Nous l’avons vu dans le Grenelle 1 qui recelait à la fois des promesses et des incertitudes. Mais nous l’avons surtout vu la semaine dernière, au moment du Grenelle 2: hélas, nous n’avons plus reconnu notre propre enfant! En effet, la traduction législative dans le Grenelle 2 a accumulé à la fois les reculs, les régressions, voire les trahisons par rapport aux engagements d’il y a deux ans et demi.
Mais il n’y a pas que la traduction législative, il y a aussi la traduction financière. A plusieurs reprises la semaine dernière, vous avez dit, monsieur le ministre, que le Grenelle c’était 440 milliards d’euros. Après l’annonce du Premier ministre d’un plan de rigueur et l’annonce européenne du week-end dernier, je vous pose la question: combien reste-t-il d’euros pour le Grenelle de l’environnement? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)
Plusieurs députés socialistes. Rien!
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Patrick Roy. Et des promesses oubliées!
M. le président. Monsieur Roy, je vais vous adresser un rappel au règlement!
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Yves Cochet, je vous remercie sincèrement d’avoir rappelé ce qui est le fondement du Grenelle de l’environnement. Le Grenelle de l’environnement n’est pas la mesure de quelques-uns, soient-ils le Gouvernement. Le Grenelle de l’environnement, c’est une mutation d’un pays entier dans toutes ses acceptions: syndicales, professionnelles, associatives, collectivités et Parlement, bien entendu. Le Grenelle n’appartient à personne, il n’appartient pas au Gouvernement, il n’appartient pas à l’écologie politique, il n’appartient à aucun des cinq collèges. Il appartient à la nation tout entière. C’est cela le Grenelle de l’environnement. C’est pourquoi ceux qui se prétendent les titulaires du Grenelle se trompent. La vérité, c’est que c’est l’affaire de tous.
Personne ne peut contester, monsieur Cochet, qu’en matière de gouvernance, une évolution majeure est en marche. Il y a même une réforme en cours de la Constitution pour que l’environnement soit intégré au Conseil économique, social et environnemental. Vous savez que nous sommes en pleine révolution des bâtiments, des véhicules électriques, des énergies renouvelables. Oui, nous avions du retard, oui, nous le récupérons!
Pour en venir à votre question, monsieur Cochet, vous êtes parlementaire, vous savez très bien ce qui a été voté dans la loi triennale, vous connaissez les soixante-dix règles fiscales! Le Premier ministre m’a autorisé, il y a trois jours, à lancer le troisième appel à candidatures pour le triplement des tramways des agglomérations françaises. C’est bien la preuve de son financement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Nicolas Perruchot. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Madame la ministre, les ministres des finances européens ont adopté dimanche dernier un plan de sauvetage historique de la zone euro de 750 milliards d’euros. C’est une décision sans précédent dans l’histoire européenne, qu’il convient de saluer à sa juste valeur.
J’en profite pour vous féliciter de votre implication et de celle du Président de la République, qui, une fois encore, a su peser de tout son poids pour convaincre nos partenaires européens d’adresser un signal de cohésion et de volontarisme au monde entier.
Avant l’annonce de ce plan de secours, le pire était à craindre. Le risque systémique d’un effondrement de la monnaie unique et de la stabilité de la zone euro était une hypothèse encore crédible il y a quelques jours.
Malgré cela, nous pensons, au Nouveau Centre, que la crise laisse derrière elle trois chantiers auxquels nous devons nous attaquer sans plus tarder.
Le premier, c’est la réduction de nos déficits publics, que nous ne pouvons plus considérer comme un objectif secondaire. En effet, ce plan de sauvetage ne sera viable que s’il y a un redressement strict des finances publiques de l’ensemble des partenaires européens, à commencer par notre propre pays, faute de quoi, il ne s’agirait que d’une réponse à court terme.
Le deuxième chantier est celui de la régulation bancaire et financière. En effet, il est tout de même peu admissible que le contribuable européen n’ait de cesse de venir au secours de banques qui ont pris trop de risques et qui, une fois de plus, n’assument pas leurs responsabilités.
Le dernier chantier est la mise en place d’une véritable gouvernance économique européenne. Au Nouveau Centre, nous en sommes convaincus, nous devons impérativement parvenir à une convergence de nos politiques économiques, fiscales et sociales pour que l’Europe n’ait plus besoin à l’avenir de se trouver au bord d’un gouffre systémique pour se mettre à agir de concert.
Ma question est donc très simple, madame la ministre: qu’entend faire notre pays pour répondre à ces difficultés? (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. Patrick Roy. Et du chômage!
M. le président. Monsieur Roy, je vous adresse un rappel à l’ordre en application de l’article 71 du règlement. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez la parole, madame la ministre.
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député, vous me posez la question des chantiers d’avenir et vous avez raison. Nous nous sommes occupés de l’urgence, nous devons clairement travailler pour l’avenir, pour une Europe forte avec, en son sein, une zone euro cohérente, avec des politiques économiques convergentes, comme vient de l’indiquer le Premier ministre.
Vous avez évoqué trois chantiers.
Le premier, c’est la réduction des déficits publics, le redressement de nos finances publiques. Ce n’est pas un objectif secondaire, c’est une priorité. Nous avons pris des engagements: réduire le déficit à 6 % l’année prochaine (Applaudissements sur les bancs du groupe NC) , 4,6 l’année suivante, 3 l’année d’après. Le Premier ministre nous l’a demandé, toutes les mesures seront prises à cet effet.
Le deuxième chantier est celui de la régulation financière. J’ai le plaisir de vous indiquer que, au cours de la semaine du 1 er juin, nous serons ensemble pour débattre du projet de loi de régulation financière, qui vient enfin devant votre assemblée. Comme l’a rappelé le Président de la République, nous pourrons traiter des questions relatives aux produits dérivés, aux agences de notation et à l’ensemble de la supervision de notre système financier, qui est indispensable. J’espère que ces travaux s’accéléreront aussi au niveau européen.
Le dernier chantier est celui de la gouvernance économique. Le Premier ministre en a parlé dans ses grandes lignes, le Président de la République s’est mis d’accord avec Mme Merkel, il faudra savoir si l’on parle de gouvernance ou de gouvernement, il faudra terminer la convergence de nos politiques économiques, arriver à pérenniser des mécanismes de solidarité. Ce sont toutes les directions dans lesquelles nous devons travailler. Le Président Van Rompuy a été invité à constituer un groupe de travail. Je rejoindrai l’équipe demain pour travailler aux améliorations de la gouvernance économique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Vendredi dernier, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé un plan de rigueur sans précédent. L’expression n’est pas de moi, elle est du président du groupe UMP, Jean-François Copé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Michel Herbillon. Il n’a jamais dit ça!
M. Jean-Marc Ayrault. Vous entendez trouver 100 milliards sur trois ans pour réduire la dette de la France, qui représentera près de 100 % du PIB en 2013.
M. Richard Mallié. Arrêtez de vous auto-persuader!
M. Jean-Marc Ayrault. La vérité, c’est que la crise grecque n’y est pas pour grand-chose. Si vous en êtes réduit à imposer un plan de rigueur aux Français, c’est justement parce que le Gouvernement n’a pas été très rigoureux et que sa politique fiscale a vidé les caisses au profit d’une poignée de privilégiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dette, c’est une mauvaise manière faite aux générations futures et, de ce point de vue, la situation catastrophique de nos finances publiques exige une réponse sérieuse.
M. Michel Herbillon. Elle ne viendra pas de vous!
M. Jean-Marc Ayrault. La question est de savoir sur qui vous comptez faire porter l’effort. Pour ne pas compromettre la sortie de crise, avant de demander aux Français de se serrer la ceinture, vous devez examiner toutes les autres recettes que nous pouvons mobiliser. Votre plan d’austérité ne doit pas étouffer la croissance, accroître les inégalités et conduire à une hausse du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question est donc très claire: accepterez-vous enfin de supprimer le bouclier fiscal? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Accepterez-vous enfin de revenir sur l’essentiel du paquet fiscal, qui pèse si lourd sur nos finances publiques? Accepterez-vous de raboter vraiment les niches fiscales au-delà de 2,5 milliards par an alors qu’elles coûtent 75 milliards au budget de l’État?
Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous de ne pas sacrifier la croissance et la justice sociale? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Ayrault, j’aurais aimé que vous commenciez votre question en vous félicitant du rôle de la France dans l’articulation d’une solution à la crise européenne (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , mais vous êtes, sur ce sujet, dans la caricature permanente.
M. Christian Paul. On jugera aux résultats!
M. François Fillon, Premier ministre. Il y a quelques jours, vous avez indiqué que vous souteniez le plan d’austérité mis en œuvre par le Premier ministre grec. Vous soutenez, j’imagine, celui du Premier ministre socialiste portugais, sans doute aussi celui du Président du gouvernement socialiste espagnol, mais, dès qu’il s’agit de la France, c’est la facilité et la démagogie. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Au moment où le monde entier a les yeux rivés sur la zone euro et sur notre capacité à conduire une politique responsable, la première secrétaire du parti socialiste, sortant de mon bureau ce matin, a déclaré qu’il fallait mettre en œuvre une nouvelle politique d’emplois jeunes et distribuer 200 euros à 16 millions de ménages en atténuation de la TVA au motif qu’il fallait relancer la consommation. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Le parti socialiste est absolument inguérissable!
Il y a quelques mois, pour faire face à la crise financière, il nous avait déjà proposé de baisser massivement la TVA: il fallait que nous nous inspirions de la politique de Gordon Brown, dont on a vu les résultats économiques sur le pouvoir d’achat des Britanniques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Non, monsieur Ayrault, nous n’emprunterons pas le chemin que vous avez suivi avec le tournant de la rigueur en 1983. Nous n’augmenterons pas massivement les impôts. Nous ne bloquerons pas les salaires et les prix pour provoquer une baisse massive du pouvoir d’achat des Français.
Nous allons continuer et amplifier une politique économique qui nous donne aujourd’hui les meilleures prévisions de l’ensemble de la zone euro. Nous allons la poursuivre en soutenant les investissements d’avenir, comme je l’ai fait la semaine dernière en débloquant les sept premiers milliards destinés à soutenir la croissance. Nous allons le faire en continuant à soutenir les politiques de l’emploi, comme le Président de la République l’a annoncé hier devant l’ensemble des partenaires sociaux. Nous allons continuer à soutenir une politique de compétitivité avec la suppression de la taxe professionnelle (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) et la diminution d’un certain nombre de contraintes qui pesaient sur nos entreprises.
Oui, nous allons mettre en œuvre une politique de réduction des déficits, parce que nous nous y sommes engagés,…
M. Jean Glavany. Vous n’avez cessé de les aggraver!
M. François Fillon, Premier ministre. …parce que c’est la crédibilité de l’euro qui est en cause, ainsi que notre indépendance nationale.
M. Henri Emmanuelli. Supprimez le bouclier!
M. François Fillon, Premier ministre. J’ai signé ce matin les lettres de cadrage à l’ensemble des membres du Gouvernement: elles comportent les mesures que j’ai annoncées jeudi dernier. Nous allons geler les dépenses publiques pendant trois ans, parce que leur niveau est l’un des plus élevés dans le monde. Nous allons continuer à réduire le nombre des emplois publics.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche . Et le bouclier fiscal?
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons aussi réduire de 5 milliards les niches fiscales en deux ans, et je suis sûr que vous aurez à cœur de nous y aider.
M. Henri Emmanuelli. Et le bouclier?
M. François Fillon, Premier ministre. Telle est, mesdames, messieurs, la politique que nous allons conduire. Franchement, j’attendais autre chose du parti socialiste, mais il est vrai que, comme vient de le déclarer Jack Lang, son programme est pâle, décevant et tristounet. (Mesdames et messieurs les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent vivement.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Mme Marie-Louise Fort. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Liberté, égalité, fraternité. Nous sommes tous attachés à la devise républicaine et, au-delà, aux valeurs communes qui fondent le vivre ensemble dans notre pays. Je pense en particulier à la laïcité, à la dignité de la femme, et au respect de l’ordre public.
Ces valeurs sont remises en cause par des pratiques radicales, dont les femmes sont les premières victimes. Nous dénonçons ces pratiques sans faillir, à commencer par celle du port du voile intégral.
En effet, il n'y a plus de pacte républicain possible dans une société où les visages sont masqués en permanence. Cette pratique est la négation même de l'identité, de la dignité et de la liberté des femmes.
Cette pratique est une instrumentalisation du religieux à des fins politiques. Nos concitoyens de confession musulmane sont les premiers à la déplorer, eux qui sont attachés à nos valeurs républicaines.
Dans quelques instants, nous allons débattre d'un texte important et symbolique: une proposition de résolution. Il s’agit d’un message adressé à celles et à ceux qui, en France et dans le monde, se battent inlassablement pour défendre la dignité et le respect des femmes. Il est donc essentiel que, par cette résolution, nous réaffirmions solennellement notre attachement aux valeurs de notre République lorsque le développement de pratiques radicales y porte atteinte ou les met en péril.
Madame la garde des sceaux, alors que nous allons adopter cette résolution comme préalable à la loi que vous préparez, pouvez-vous nous réaffirmer la détermination du Gouvernement à proscrire ce phénomène? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Oui, madame Fort, la France n’est fidèle à son histoire, à son image et à son destin que lorsqu’elle est rassemblée autour des valeurs de la République: l’égalité, la liberté et la tolérance.
M. Jean Glavany. N’oubliez pas la fraternité!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Oui, ce sont ces valeurs qui forment la cohésion nationale, le vivre ensemble de tous les Français, quelles que soient leurs différences d’âge, de sexe, d’origine ou de religion. Le port du voile intégral remet en cause l’ensemble de ces valeurs et les principes mêmes du vivre ensemble.
La résolution dont vous allez discuter aujourd’hui fait l’objet d’un consensus au-delà des clivages partisans. Elle affirme la détermination de votre assemblée à imposer ces valeurs du vivre ensemble et de la cohésion nationale.
Le Gouvernement vous soutiendra entièrement dans ce domaine, et je réaffirmerai tout à l’heure sa détermination, sa vigilance et sa volonté de mettre en place et de garantir tout ce qui permet d’assurer notre unité nationale. Un projet de loi allant dans le sens de la résolution sera d’ailleurs inscrit à l’ordre du jour du Conseil des ministres du 19 mai prochain et sera discuté devant votre assemblée.
Madame Fort, mesdames, messieurs les députés, nous sommes à vos côtés; soyez assurés de ma détermination et de celle du Gouvernement tout entier à faire vivre et respecter ces valeurs qui font la grandeur de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Maxime Gremetz. Monsieur le Premier ministre, les temps changent! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Claude Goasguen. Lénine est mort!
M. Maxime Gremetz. Hier, l’euro allait changer l'Europe, aujourd'hui il faut sauver l'euro.
On a trouvé 750 milliards provenant des États et du FMI rien que pour les banquiers et les spéculateurs. Les places boursières flambent; les actionnaires et les boursicoteurs s'en donnent à cœur joie. Pendant ce temps, le peuple grec est jeté dans le noir de l'austérité et de la récession. Baisse des salaires, augmentation des impôts, âge de la retraite porté à soixante-cinq ans!
Pourtant, de l’Allemagne à l’Espagne, du Portugal à la Belgique, en France, évidemment, les plans d'austérité frappent durement les couches populaires alors que l'argent coule à flot pour les actionnaires des multinationales.
Dans tous les pays européens, quel que soit le gouvernement, ce sont les peuples qui trinquent. Partout, les services publics, les systèmes de santé, les retraites subissent une agression sans précèdent. Les organisations syndicales françaises l’ont souligné lors du sommet dit « social ».
Alors que la misère et la pauvreté s'étendent dramatiquement, aucune mesure n’est prise pour le pouvoir d'achat. Mieux: on ose supprimer la prime de 500 euros aux chômeurs non indemnisés,…
M. Patrick Roy. Scandaleux!
M. Maxime Gremetz. …et on entend réduire de 5 milliards les dépenses publiques!
Vous maintenez votre projet d'attaque contre notre système de retraites. À ce propos, comme les syndicats, je me réjouis de voir enfin le Président de la République parler du financement et évoquer une de nos propositions: la taxation des revenus du capital. Les luttes sont manifestement passées par là.
Ma question est simple, et la réponse permettra de juger de la crédibilité des propos de M. Sarkozy. Cette mesure fondamentale suppose de supprimer le bouclier fiscal. Quand allez-vous…
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.
M. Patrick Roy. Et du bouclier fiscal!
M. le président. Le rappel à l’ordre que j’adresse à M. Roy sera inscrit au procès-verbal de la séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Garde-chiourme!
M. le président. Monsieur le ministre, vous avez la parole.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État . Le fruit définitif de la pensée de M. Gremetz n’est pas parvenu jusqu’à moi, mais j’ai cru comprendre l’esprit de son intervention. Il s’appuie sur les difficultés des autres. Comme le Premier ministre et la ministre de l’économie l’ont rappelé avec force, vendredi, sous l’impulsion des chefs d’État, nous avons décidé de sauver l’euro. Vous vous appuyez là-dessus, monsieur Gremetz, pour demander, une fois encore, la levée du bouclier fiscal.
Je pourrais vous répéter les chiffres de 2008. Un peu plus de 16000 personnes sont concernées. Nous aurons bientôt les chiffres définitifs pour 2009; les montants en cause sont de l’ordre de 600 millions d’euros.
M. Michel Lefait. Et alors!
M. François Baroin, ministre du budget . Nous sommes très loin des enjeux qui nous amènent à proposer des mesures qui ne sont ni un plan de rigueur ni un tournant de la rigueur
Cela dit, monsieur Gremetz, je comprends que ce thème vous colle aux doigts, depuis plus de trente ans, comme un bout de sparadrap. En effet, comme l’a rappelé François Fillon, on mène une politique de rigueur quand on a mené une politique laxiste. C’est en 1982 qu’un tel tournant a été pris en France…
M. Maxime Gremetz. Non en 1983!
M. François Baroin, ministre du budget . … et c’est pour cela que ce thème vous hante comme un fantôme.
Vous aviez fixé la retraite à soixante ans. On en parle encore aujourd’hui, et nous sommes rassemblés autour du Président de la République pour sauver le système par répartition. Vous aviez abaissé la durée hebdomadaire du travail à 39 heures, et on en parle encore dans la foulée des 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Vous aviez augmenté de façon inconsidérée les minima sociaux.
Qu’est ce qui nous attendait au tournant? Le blocage des prix et des salaires, et une troisième dévaluation du franc. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il a fallu que M. Delors et M. Mauroy se rendent à Rungis pour s’assurer que les prix et les salaires seraient bien bloqués.
M. le président. Monsieur le ministre, merci!
M. François Baroin, ministre du budget . Alors, non, monsieur Gremetz, jamais nous ne vous suivrons sur ce terrain-là! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Bertrand Pancher. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
Après plus de soixante heures de débat en commission et quarante-quatre heures de discussion en séance publique en présence de l’ensemble des membres du Gouvernement concernés, le projet de loi portant engagement national pour l’environnement sera soumis à notre vote cet après-midi.
Comment les députés présents tout au long de ces débats, en commission et en séance publique – et je souligne le travail très lourd accompli par mes collègues co-rapporteurs –, peuvent-ils ne pas être frappés par l’évolution très positive de ce texte? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Six cent dix-neuf amendements, dont près de la moitié non rédactionnels, ont été adoptés au cours des débats en commission et 300 l’ont été en séance publique. Qu’ils concernent la suspension de la commercialisation des biberons produits à base de bisphénol A, la prise en compte des zones humides dans le cadre des trames vertes et bleues, l’extension de la publication des données de responsabilité sociale et environnementale aux entreprises publiques ou la taxe sur les ordures ménagères, la plupart de ces amendements de bon sens ont été ardemment désirés par tous les acteurs du Grenelle de l’environnement. L’Assemblée a clairement amélioré le texte du Sénat, qui lui-même avait amélioré celui du Gouvernement.
Relayant la grande fédération environnementale France Nature Environnement, forte de 400000 membres en France, qui appelait ce matin même, par un communiqué de presse, à adopter le texte « Grenelle 2 », en demandant qu’il soit mis en œuvre concrètement, je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, que vous réagissiez aux controverses, aux contrevérités, voire aux mensonges, dont nous avons été la cible ces dernières semaines, s’agissant notamment de la consultation du public dans le cadre des installations nucléaires, des énergies renouvelables, de la taxe « poids lourds » et des phytosanitaires.
Monsieur le ministre d’État, quel bilan tirez-vous de ces débats et quelle est aujourd’hui votre détermination, celle du Gouvernement, à poursuivre ce grand projet de société qui nous tient tous à cœur? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur Bertrand Pancher, je tiens à saluer, à travers vous, les quatre rapporteurs de ce grand texte, ainsi que les différents secrétaires d’État qui m’ont accompagné tout au long de son examen.
Il y a deux ans et demi, nous avons décidé tous ensemble de réaliser cette mutation de manière juste, raisonnable, équilibrée, pertinente et efficace. Nous avons recueilli, dans une opération totalement démocratique, tous les rêves de tous – c’est cela, le Grenelle de l’environnement – en matière de bâtiment, de mobilité, de santé et d’environnement, de pollution lumineuse, de pollution de l’air, bref: nous avons fait œuvre de démocratie dans tous les domaines. Trois cents rêves ont ainsi été portés pendant deux ans et demi et ils ont, pour l’essentiel, été menés à bon port, au Parlement, grâce à ce cinquième texte. Bien entendu, ce ne fut pas un chemin de roses: c’est allé vite dans certains domaines, moins dans d’autres. Mais, à cette heure, la mutation de notre pays est acquise, calmement et de manière juste.
J’ajouterai deux mots, très rapidement. Tout d’abord, j’observe que presque toutes les ONG – qui sont des aiguillons dans ce domaine – appellent à voter le texte: la fondation de Nicolas Hulot, la ligue ROC d’Hubert Reeves, le FNE, la LPO, Écologie sans frontières. Aucune ne vous invite à voter contre le projet de loi, même si chacune d’entre elles a davantage d’exigences.
Pour le reste, il fallait bien essayer de trouver quelques fausses informations. Ce fut le cas pour la taxe « poids lourds », qui, vous le savez, est déjà votée…
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État. …ainsi que pour les éoliennes; je préfère ne pas y revenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté attentivement lorsque vous avez répondu à Jean-Marc Ayrault. (« C’est bien! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez dénigré les emplois-jeunes, mais regardez la réalité de notre pays. L’Allemagne, qui a connu, comme nous, la crise mondiale, avait le même taux de chômage que la France à la veille de la récession; le sien n’a pas augmenté, le nôtre a explosé: 600000 chômeurs de plus!
Vous raillez l’opposition, mais faisons un peu d’histoire. Avec vous, la France compte 600000 chômeurs de plus, le déficit est passé à 8 % et la dette a doublé. Avec nous, entre1997 et2002, 2 millions d’emplois ont été créés (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) , le déficit excessif a été ramené à 1,5 % du PIB (Mêmes mouvements) et la dette réduite pour la première fois depuis vingt-cinq ans. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, il est temps que vous expliquiez aux Français ce que vous allez faire, car le plan de rigueur que vous annoncez se traduira par des coupes massives dans les budgets de l’éducation et de la santé ainsi que par des prélèvements obligatoires supplémentaires. Vous dites, ici, que vous n’augmenterez pas les impôts, mais vous envoyez à Bruxelles des chiffres qui révèlent une augmentation des prélèvements obligatoires de 40 milliards d’euros. Quels impôts allez-vous augmenter?
Votre politique consiste, quand l’économie va bien, à faire des cadeaux fiscaux aux plus fortunés et, quand elle va mal, à faire payer tous les Français. Tous? Non,…
M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
M. Pierre-Alain Muet. …car il y a une catégorie… (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent. – Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Madame la ministre, vous avez la parole. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas correct ce que vous faites, monsieur le président. Vous êtes un caporal-chef!
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Monsieur le député Muet, en matière de chiffres, vous êtes expert. (« Et vous? » sur les bancs du groupe SRC.) Je trouve donc regrettable que vous évoquiez le chiffre de 600000 pour décrire l’augmentation du chômage. Le vrai chiffre, c’est 380000 chômeurs en plus. Vérifiez donc! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Glavany. Non, c’est 680000!
Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie. Par ailleurs, je vous indique que j’ai un regret concernant la politique que votre gouvernement a pu mener pendant une certaine période. En effet, alors que vous avez bénéficié d’une croissance exceptionnelle dans un environnement international exceptionnel, vous n’avez pas jugé bon d’affecter ces réserves, ce supplément, à la réduction du déficit de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux maintenant rappeler quelques éléments chiffrés sur lesquels, j’en suis sûre, nous serons d’accord. En matière de croissance, ainsi que le Premier ministre l’a indiqué tout à l’heure, de tous les pays de la zone euro, la France a réalisé, en 2009, la meilleure performance. Quant aux prévisions de croissance de notre pays pour 2010, ce sont les meilleures de l’ensemble de la zone euro. Les seuls chiffres actuellement révisés à la hausse sont ceux des prévisions de croissance: voyez les projections du FMI.
Quels sont les chiffres en matière de consommation? En 2009, monsieur Muet, vous aviez largement critiqué notre plan de relance. Pourtant, en France, non seulement la consommation est restée stable, mais elle a crû de manière permanente. Grâce à notre politique économique, nous n’avons pas enregistré un seul trimestre de baisse de la consommation.
Qu’il s’agisse de la croissance, de la consommation ou des gains de pouvoir d’achat, l’économie française résiste mieux que les autres. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Quant au chômage, pour la première fois, au mois de mars, les chiffres… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Dominique Dord. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’emploi, à l’issue du sommet social qui s’est tenu hier à l’Élysée, on nous dit que les mesures que vous avez présentées ne comporteraient aucun dispositif pour le pouvoir d’achat des Français les plus modestes.
M. Patrick Roy. Hélas!
M. Dominique Dord. Pour notre part, nous avons le sentiment inverse: c’est dire si l’Assemblée nationale a besoin de vos explications. Plusieurs exemples illustrent ce décalage de perception.
Premier exemple: quand, ce week-end, le Président de la République et le gouvernement français prennent la tête d’une lutte remarquable, historique, pour protéger notre monnaie, l’euro, vaut-il mieux, pour le pouvoir d’achat des Français, une monnaie forte ou une monnaie de singe?
Deuxième exemple: quand, depuis des mois, le Gouvernement dit qu’il va s’atteler à réduire les déficits publics, vaut-il mieux, pour le pouvoir d’achat des Français, un gouvernement essayant de maîtriser les déficits publics, ou un gouvernement à la grecque qui les laisse filer, ce qui a pour conséquence l’amputation du pouvoir d’achat des retraités, des fonctionnaires et des consommateurs?
Troisième exemple: cette semaine même, François Fillon a débloqué les 7 premiers milliards d’euros pour le plan de relance et d’investissement sur l’innovation. Vaut-il mieux, pour le pouvoir d’achat des Français, un gouvernement investissant sur les emplois d’avenir ou un gouvernement qui pleure sur les emplois du passé qui se délocalisent?
Quatrième exemple: dans le débat sur la réforme des retraites, on nous dit depuis des mois vouloir sauver le système des retraites sans augmenter les prélèvements. Vaut-il mieux, pour le pouvoir d’achat des Français, travailler un peu plus ou augmenter les prélèvements?
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, connaître votre point de vue sur chacune de ces questions qui sont autant de décalages. Vous aurez compris que le groupe UMP préfère l’action aux commentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le député, vous avez rappelé l’importance du sommet social auquel ont participé hier plusieurs membres du Gouvernement, notamment Christine Lagarde, Éric Woerth, François Baroin et Christian Estrosi. Ce sommet social a été l’occasion pour le Président de la République et le Gouvernement de montrer leur volonté de garder constamment, durant la crise, le fil du dialogue avec les partenaires sociaux – des partenaires qui, il faut le souligner, se sont montrés très responsables.
Par ailleurs, ce sommet social a permis de souligner les résultats de la France en termes d’emploi durant la crise, notamment par rapport aux autres pays. Le taux de chômage de notre pays a augmenté de 20 %, ce qui est beaucoup trop; mais il ne faut pas perdre de vue que dans le même temps, les États-Unis, l’Espagne, le Danemark, ont vu leur taux de chômage exploser, avec des augmentations de 120 % à 150 %.
M. Henri Emmanuelli. Le chômage recule aux États-Unis!
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. La meilleure défense du pouvoir d’achat et de la consommation, c’est l’emploi; la meilleure manière de protéger nos compatriotes dans la crise, c’est de protéger leur emploi. C’est toute notre politique de l’emploi qui est sortie renforcée du sommet social, et la plupart de ses outils se sont trouvés confortés.
Ainsi, le contrat de transition professionnelle, s’adressant à ceux qui ont perdu leur emploi, va faire l’objet d’une expérimentation visant à l’étendre sur des fins de CDD ou des fins d’intérim. Par ailleurs, le programme « Former plutôt que licencier », qui a permis de sauver 400000 emplois, va être renforcé, notamment en termes de formation. Enfin, Christine Lagarde et moi-même croyons tout particulièrement en l’apprentissage, car c’est le dispositif qui permet le mieux de former nos jeunes en direction de l’emploi.
Une vraie sortie de crise, vous l’avez rappelé, monsieur le député, c’est une sortie de crise durable, ce qui implique de redresser la situation de l’emploi tout en faisant en sorte que les finances publiques soient en ordre de bataille: telle était la ligne fixée hier lors du sommet social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Régis Juanico. Monsieur le Premier ministre, vous allez bientôt envoyer les lettres de cadrage budgétaire à vos ministres. (« C’est fait! » sur les bancs du groupe UMP.) Je veux vous rappeler que, le 21 mars dernier, ce sont les Français qui vous ont envoyé leur lettre de cadrage électoral! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les Français vous ont recadré en vous infligeant un désaveu cinglant!
Depuis le début, votre gouvernement sous-estime les effets de la crise sur la vie quotidienne des Français. En matière d’emploi, vous avez agi avec retard et parcimonie, alors que la situation exigeait des politiques vigoureuses et volontaristes.
Le chômage, c’est aujourd’hui 4,3 millions demandeurs d’emplois toutes catégories confondues, madame Lagarde. Le chômage de longue durée explose, avec une augmentation de plus de 30 % en un an. Par votre faute, Pôle emploi, dont les effectifs sont insuffisants, a le plus grand mal à faire face à ses obligations de service public.
Hier, lors du sommet social qui s’est tenu à l’Élysée, vous avez annoncé l’abandon des rares mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, la prime de 150 euros versée à 3 millions de familles modestes, ainsi que d’autres mesures fiscales, représentant près de 2,6 milliards d’euros, ne seront pas reconduites. Vous justifiez cette décision par une hypothétique « sortie de crise », mais de quelle sortie de crise parlez-vous? On recense aujourd’hui 3000 plans sociaux au plan national. Rien que dans le département de la Loire, cela représente 3500 licenciements économiques. Les plans sociaux annoncés depuis l’automne 2009 par des groupes comme Siemens, Mavilor, Akers ou Sullair, vont conduire des centaines de salariés au chômage cette année et l’an prochain.
Avec vos décisions à contretemps, votre politique dure avec les faibles, douce avec les forts, vous allez ajouter la crise à la crise, vous allez aggraver la précarité et la pauvreté. Ma question est simple: quand allez-vous enfin remettre en cause le paquet fiscal de la loi TEPA et ses privilèges fiscaux pour les ménages les plus riches? Quand allez-vous mettre fin au dispositif de majoration des heures supplémentaires, qui coûte 4 milliards d’euros chaque année et empêche de nouvelles embauches? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi.
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi. Monsieur le député, vous connaissez bien la politique de l’emploi et, sur ce sujet, vos interventions sont habituellement empreintes d’une certaine mesure. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, je suis désolé de devoir vous dire qu’une élection, ce n’est pas un chèque en blanc pour la démagogie!
Premièrement, sur les chiffres de l’emploi, le fait est que la France et l’Allemagne sont les deux pays qui ont le mieux préservé leur marché de l’emploi durant la période de crise. On a l’impression que cela dérange les élus du groupe socialiste, et je le regrette.
Deuxièmement, pour ce qui est des mesures prises en 2009, dont vous souhaiteriez la prolongation, mais dont l’abandon a été décidé lors du sommet social, je veux rappeler que ces mesures avaient été prises à titre exceptionnel, afin de sauver notre pays face à la crise. Nous n’avons peut-être pas la même conception des choses, mais nous considérons, pour notre part, qu’une mesure exceptionnelle n’est pas destinée à devenir une dépense permanente: c’est peut-être votre conception de la dépense publique, mais ce n’est pas la nôtre!
Troisièmement, vous demandez la prolongation des mesures relatives à la politique de l’emploi, mais les avez-vous seulement votées, les avez-vous seulement soutenues?
M. Charles de La Verpillière. Eh non!
M. Laurent Wauquiez, secrétaire d’État. Vous demandez la prolongation de mesures qu’à la différence des partenaires sociaux, vous n’avez jamais soutenues lors de la crise. Ainsi, les élus socialistes ont-ils soutenu les contrats de transition professionnelle? (« Non! » sur les bancs du groupe UMP.) Les élus socialistes ont-ils voté les mesures du budget relatives à l’activité partielle? (« Non! » sur les bancs du groupe UMP.) Les élus socialistes ont-ils soutenu les mesures relatives à l’apprentissage, destinées à sauver les jeunes? (« Non! » sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, les élus socialistes ont-ils fait quoi que ce soit en faveur des mesures de soutien aux chômeurs de longue durée? (« Non! » sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
À la différence des partenaires sociaux, vous avez toujours marqué votre opposition systématique à toutes ces mesures. Monsieur Juanico, il est un peu tard pour se réveiller! Pour notre part, nous gardons le cap de l’emploi avec les partenaires sociaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Lucien Degauchy. Ma question s’adresse à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.
Monsieur le ministre, l’innovation dans l’industrie représente, en France, moins de 7 % de sa valeur ajoutée alors qu’elle est, en Allemagne, de plus de 10 %. Or l’innovation est garante de compétitivité et de croissance. Fin mars dernier, dans le cadre des états généraux de l’industrie, vous avez réaffirmé avec force la volonté du Gouvernement et la vôtre de faire une large place à l’innovation. C’est nécessaire pour la survie de nos entreprises, notamment les plus jeunes d’entre elles. Il faut développer de nouvelles gammes de produits afin de conquérir de nouveaux marchés.
Monsieur le ministre, quelles actions allez-vous mettre en œuvre pour encourager l’innovation, qui est indispensable à notre croissance et, donc, à nos emplois? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Maxime Gremetz. Continental!
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie.
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Monsieur le député, oui, la bataille pour la croissance passe d’abord par la bataille pour l’industrie.
M. Maxime Gremetz. Continental!
M. Christian Estrosi, ministre chargé de l’industrie. Et l’innovation industrielle sera le moteur de la croissance de demain. Si, aujourd’hui déjà, nous enregistrons de bons résultats avec plus 6,6 % de reprise de la commande industrielle au premier trimestre 2010, contre 3 % en moyenne pour la zone euro, c’est bien parce que nous avons pris un certain nombre de mesures énergiques. Pour autant, vous avez raison, il nous faut encore consentir un effort important pour compenser le léger écart qui nous sépare en matière de valeur ajoutée avec l’Allemagne.
C’est la raison pour laquelle nous avons mis en œuvre le crédit impôt recherche et que, sur les pôles de compétitivité, nous allons tout à l’heure, avec Michel Mercier, dans le cadre d’un CIADT présidé par François Fillon, accroître nos efforts et passer à une nouvelle génération. Nous allons poursuivre les vingt-trois mesures qui ont été décidées par les états généraux de l’industrie. J’ai eu l’occasion de rappeler ici même la nomination du médiateur de la sous-traitance, les 500 millions d’euros d’accompagnement en matière de prêts verts pour les industries ou encore les 200 millions d’euros d’aides pour la relocalisation des emplois dans notre pays.
En réponse à votre question, j’ai le plaisir de vous annoncer que, en matière de jeunes entreprises innovantes, nous allons, dans le cadre des 400 millions d’euros prévus dans le plan d’amorçage présenté par Christine Lagarde voilà quelques jours, affecter 100 millions aux jeunes start up qui sortent à la fois des universités et des grandes écoles. Nous avons notamment prévu des installations avec l’Institut Télécom, la Caisse des dépôts et consignations, et le fonds européen d’investissement. Un projet de fonds d’amorçage de 20 millions d’euros sera présenté aujourd’hui.
Vous le voyez, monsieur Degauchy, oui, nous avons une politique en faveur des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Colette Langlade. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Après avoir multiplié les cadeaux fiscaux aux plus nantis des contribuables, le Gouvernement fait mine de s’attaquer aux déficits budgétaires. Alors que vous annoncez le gel des dépenses publiques, vous venez de dire que les salaires des agents publics ne seraient cependant pas bloqués. Le porte-parole du Gouvernement nous dit, quant à lui, que la moitié des économies réalisées par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux serait affecté à la hausse de la rémunération des agents de la fonction publique. Vous allez donc leur consacrer 250 millions d’euros sur les 500 millions d’économies réalisées. Sachant que la fonction publique compte environ 5 millions d’agents, chacun sera augmenté de 4,17 euros par mois, augmentation qui ne couvrira pas l’inflation.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est scandaleux!
Mme Colette Langlade. Les Français, trompés par des promesses peu rigoureuses, attendent toujours la concrétisation des déclarations du chef de l’État, qui s’était auto-proclamé président du pouvoir d’achat.
Chers collègues, vous conviendrez tous avec moi que ce gel de salaire est incompréhensible si on le compare avec ce que représente le manque à gagner dû au bouclier fiscal, 585 millions d’euros.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous infirmer devant la représentation nationale que votre plan prévoit dans les faits le blocage des salaires des fonctionnaires sur les trois prochaines années? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.
M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique . Madame la députée Colette Langlade, c’est avec plaisir que je vais répondre à votre question, qui me paraît digne d’être adossée à de vrais chiffres. Quelle est la politique en matière de rémunérations dans la fonction publique? Je vais vous donner quatre pistes précises, avec des chiffres précis.
Premièrement, nous avons considéré qu’il était important de mettre en œuvre une revalorisation des grilles: ce fut, en 2006, le protocole Jacob, pour la catégorie C, et en 2008, le protocole Woerth, pour la catégorie B. C’est actuellement la catégorie A qui fait l’objet d’une revalorisation globale de sa grille. C’est l’ensemble des agents qui profite de cette mesure aux conséquences financières importantes pour chacun.
Deuxièmement, nous avons considéré qu’aucun agent ne devait subir une perte de pouvoir d’achat. Telle est la raison pour laquelle nous avons institué la GIPA, la garantie individuelle de pouvoir d’achat, grâce à laquelle, en 2009, 130000 agents ont bénéficié chacun d’une somme allant de 500 à 800 euros.
Troisièmement, toute une série de mesures catégorielles a été prise, en particulier pour le personne enseignant: 200 millions d’euros leur ont été consacrés.
Enfin, les négociations dans la fonction publique vont s’engager en juin et juillet prochains, comme cela était programmé. Je tiens à vous assurer que nous discuterons du point d’indice. Pour terminer, je rappellerai un chiffre qu’il ne faut pas oublier: en 2009, l’augmentation réelle du pouvoir d’achat dans la fonction publique a été supérieure à 3 % alors que le point d’indice n’augmentait que de 0,5 %. Voilà les vrais chiffres, voilà la réalité! Il était bon de les rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Jacques Le Nay. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le ministre, l’égalité et la solidarité entre les territoires doivent être des priorités. Cela passe par une revitalisation de la ruralité; cela passe par le maintien des services au public en milieu rural; cela passe également par une couverture médicale de l’ensemble de la population sur le territoire national. Or sur ce point, pour un grand nombre de nos concitoyens, l’accès aux services médicaux est un véritable problème.
M. Albert Facon. Il n’y a plus rien!
M. Jacques Le Nay. Les assises des territoires ruraux ont mis en évidence une attente forte des habitants des zones rurales en matière d’offre de soins. Cette attente est également forte de la part des élus ou des professionnels de la santé, qu’ils soient médecins, pharmaciens, infirmiers ou aides-soignants.
Un premier dispositif pour inciter les professionnels de santé à s’installer dans les territoires ruraux avait été élaboré dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux. Il a cependant montré ses limites: il existe de fortes disparités entre les territoires. Le taux des médecins généralistes pour 100000 habitants peut varier, d’une région à l’autre, de194 à137. Au total, ce sont près de 2,5 millions de personnes qui vivent dans des zones fragiles.
Lors de la clôture des assises des territoires ruraux à Morée, le Président de la République a fait des annonces fortes en matière de santé, notamment en ce qui concerne les maisons de santé. Un comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire aura lieu tout à l’heure; il vise notamment à mettre en œuvre les conclusions des assises des territoires ruraux.
Ma question est la suivante: pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont les différents dispositifs prévus par le Gouvernement pour améliorer l’offre de soins dans les territoires ruraux? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire. Cher Jacques Le Nay, vous avez parfaitement raison: la question de l’accès aux soins, de l’offre de soins est essentielle pour l’ensemble des habitants de notre pays, mais plus encore pour ceux des territoires ruraux. Avec l’accès au très haut débit, c’est l’une des deux questions qui est revenue dans les 300 réunions qui se sont tenues dans les arrondissements pour les assises des territoires ruraux.
Le Président de la République et le Gouvernement portent une attention particulière à ce sujet. La loi Hôpital, patients, santé et territoires qui a été votée comporte déjà certaines dispositions,…
M. Christian Paul. Rien du tout!
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural. …notamment le volet ambulatoire du schéma régional d’organisation sanitaire – SROS – et les contrats d’engagement de service public. C’est aujourd’hui une composante essentielle de la politique d’aménagement du territoire; le CIADT qui se tiendra dans quelques minutes sous la présidence du Premier ministre prendra des mesures relatives à la mise en œuvre de 250 maisons de santé pour la période 2010‑2013, comme l’a annoncé le Président de la République à Morée.
Ce plan comportera des dispositions relatives à l’investissement, à l’ingénierie et au fonctionnement des maisons de santé. Il comprendra aussi des dispositions relatives à la formation des jeunes médecins qui pourront être accueillis dans ces maisons de santé par des maîtres de stage.
M. Albert Facon. Il faut embaucher des rebouteux! (Sourires.)
M. Michel Mercier, ministre de l’espace rural. Nous avons, avec Mme Bachelot, lancé il y a quelques semaines une campagne d’information pour que les médecins généralistes se déclarent maîtres de stage en vue de former, dans ces maisons de santé, les futurs médecins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi, adopté par le Sénat, portant engagement national pour l’environnement (n os 1965, 2449, 2310, 2429).
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe GDR.
M. Yves Cochet. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, madame la secrétaire d’État chargée de l’écologie, madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l’écologie, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, nous en arrivons donc à la fin du processus du Grenelle de l’environnement, entamé voilà deux ans et demi. Je le répète, le processus Grenelle de 2007 nous avait intéressés; certains d’entre nous y avaient même participé, directement ou indirectement. Sa première traduction législative, dite Grenelle 1, s’est achevée le 3 août 2009: elle comprenait des promesses et des incertitudes; mais c’était un texte d’orientation. Nous ne savions pas alors ce que serait la boîte à outils, comment le Grenelle serait concrètement mis en œuvre.
Enfin, le Grenelle 2 vint. Eh bien, je dois le dire, cette loi est décevante. Nous voterons contre (« Ah! » sur les bancs du groupe UMP) , comme d’ailleurs tous nos collègues du groupe GDR, chacun pour ses raisons propres.
Le texte a certes traduit positivement un certain nombre d’engagements du Grenelle, notamment en ce qui concerne les économies d’énergie dans les logements, la réduction des déchets ou les plans de prévention des risques technologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Tout de même!
M. Yves Cochet. Oui, monsieur Ollier, il y a de bonnes choses.
C’est une loi extrêmement complexe, tant du point de vue du nombre d’articles que d’amendements débattus; j’y reviendrai.
Hélas, nous avons vu, depuis le début de l’année 2010, se développer une sorte de climat d’écolo-scepticisme, peut‑être à la suite de certaines paroles malheureuses du Président de la République voilà deux mois.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Certainement pas!
M. Yves Cochet. Les lobbies se sont déchaînés et sont montés au créneau: nombre d’amendements, venus essentiellement de l’UMP, ont fait reculer, voire trahi l’esprit et la lettre du Grenelle de 2007 (Protestations sur les bancs du groupe UMP) , qui devait pourtant être, d’après le Président de la République, une « révolution dans notre manière de penser et de décider ».
Je donne quelques exemples de mesures inacceptables.
Ainsi, un amendement met en place la certification « haute valeur environnementale » pour les exploitations agricoles. Pourquoi pas? Après tout, il n’y a pas que l’agriculture bio en France; il n’y a même pas assez d’agriculture bio. Peut-être des agriculteurs pourraient-ils, en modérant l’usage de certains produits, notamment de pesticides, pourraient-ils avoir une « haute valeur environnementale ». En réalité – nous nous en sommes aperçus au cours du débat – c’était un leurre pour réduire, voire pour abattre l’agriculture biologique. Durant la discussion d’un amendement socialiste, la question vous a même été posée: peut-on obtenir cette certification tout en utilisant des plantes transgéniques? Eh bien oui! Votre silence coupable, votre silence honteux a montré que même des cultures transgéniques pourraient obtenir le label HVE.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement et de la mer. Mais non!
M. Yves Cochet. Comment croire que l’on peut faire de la bonne écologie dans de telles conditions?
Je prends un autre exemple: l’article 34 de la loi, qui prétendait promouvoir les éoliennes. Il avait certes déjà été un peu raboté par le rapport de MM. Ollier et Reynier…
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Excellent rapport!
M. Yves Cochet. …qui, aux contraintes déjà existantes – permis de construire, étude d’impact, zones de développement éolien – voulaient ajouter encore d’autres contraintes: classement en installations classées pour la protection de l'environnement, regroupement dans des schémas régionaux, cinq mâts au moins, une distance de cinq cents mètres de toute habitation.
J’ai regardé la carte pour le département du Finistère, l’un des plus venteux de France: vous ne pourrez pas y construire une seule éolienne! Je ne parle même pas du petit et du moyen éolien: c’est tout à fait fini. Adieu, les coopératives communales, adieu, les sociétés d’économie mixte qui pouvaient construire des éoliennes en accord avec les agriculteurs, les petits artisans et les habitants de la commune. Le petit éolien est mort!
Je vous donne encore un exemple.
Vous aviez, depuis le début, écarté des débats du Grenelle la question du nucléaire. Or le Gouvernement lui-même, à l’article 94 quater , a décidé de parler une fois du nucléaire mais pour donner la possibilité d’accroître de façon significative des rejets radioactifs s’ils ne constituent pas une « modifi cation notable » d’une installation ou de son exploitation! Cet article est véritablement scandaleux, et il hérisse tous les écologistes. On ne peut pas faire la promotion du nucléaire et prétendre que cette loi est environnementale.
M. Alain Gest. Quel cinéma!
M. Yves Cochet. Je prends un dernier exemple, celui des pesticides.
Le plan Écophyto2018 prévoyait de réduire de 50 % l’usage des pesticides en France, car ils ne sont bons ni pour la santé des agriculteurs ni pour celle des consommateurs, ni pour l’environnement: cette réduction de 50 % est maintenant liée à des considérations socio-économiques sujettes à toutes les interprétations. Autrement dit, ce sera peut-être 50 %, peut-être 40 %, peut-être 30 %, peut-être rien du tout!
Monsieur le président Accoyer, puisque vous êtes là, je termine en rappelant que le dernier tiers de cette loi a été discuté en l’absence de la moitié de l’Assemblée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Gest. Un quart d’heure seulement!
M. Yves Cochet. En effet, nos demandes répétées de passer de trente à cinquante heures de débats – pour une loi aussi importante – ont été refusées. Pour les deux derniers titres, l’UMP a parlé à l’UMP: cela montre l’inefficacité, l’inanité du nouveau règlement de l’Assemblée nationale! C’est un déni de démocratie.
M. François de Rugy. Un scandale!
M. Yves Cochet. Pour ces raisons de fond, et pour ces raisons de forme, nous voterons contre la loi Grenelle 2. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. Je précise à M. Cochet que son groupe avait la possibilité de demander un allongement exceptionnel de la durée des débats lors de la conférence des présidents du 30 mars dernier.
M. Yves Cochet. Nous l’avons demandée! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Non, il fallait le demander le 30 mars et vous avez choisi de ne pas le faire.
Son groupe a utilisé deux heures de son temps pour défendre des motions de procédure, alors qu’il aurait pu choisir de le répartir autrement, comme l’ont fait d’autres groupes. En réalité, les travaux ont été organisés, ce qui a permis une participation particulièrement importante des parlementaires. (« Très bien! » sur les bancs du groupe UMP. — Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. François de Rugy. Ce règlement est anti-démocratique!
M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mesdames et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, au terme de l'examen du projet de loi portant engagement national pour l'environnement, je tiens d'abord à remercier tous ceux qui ont participé au fructueux débat qui a été le nôtre dans cet hémicycle tout au long de la semaine dernière.
Mes chers collègues, vous conviendrez avec moi, j'en suis sûr, de l'écoute, de l'effort de réponse, en un mot du remarquable travail dont ont fait preuve les rapporteurs et les membres du Gouvernement pour faciliter le bon déroulement de nos travaux jusqu'au petit matin du samedi 8 mai.
M. François Sauvadet. Très bien!
M. Stéphane Demilly. Cet examen a été un véritable marathon législatif et, durant ces quatre jours et ces quatre nuits, nous avons pu débattre et aller au fond des choses. L'équilibre n'était pas facile à trouver, mais je crois que, sur les sujets majeurs, nous avons abouti à des compromis constructifs.
Très attendu, ce texte constitue la « boîte à outils » permettant la mise en œuvre opérationnelle du Grenelle 1, qui fixait pour sa part les objectifs et la stratégie de la France en matière de développement durable.
Les députés du Nouveau Centre sont heureux d'avoir contribué à enrichir le texte, notamment par le biais d'amendements de bon sens, fruits de leur expérience d'élus locaux. Permettez-moi de citer quelques exemples.
Le premier est un amendement visant à autoriser les établissements recevant du public – gymnases, écoles, mairies, magasins – à utiliser l'eau de pluie pour l'alimentation des toilettes, ou encore pour le lavage des sols.
Un autre amendement permettra de contraindre les chaînes de télévision à respecter le même volume sonore pour les programmes télévisés et pour les pages de publicité. Il n'est en effet pas acceptable qu'on nous impose une augmentation brutale du son lors du passage aux écrans publicitaires.
A également été adopté l’un de nos amendements tendant à obliger les établissements de restauration rapide à mettre en place une collecte sélective des déchets à l'attention de leurs clients: fast-food ne doit pas rimer avec « fast-tri »!
Un amendement visant à encourager le retour progressif de la consigne pour les emballages de boisson, en rendant dans un premier temps obligatoire, après concertation avec les professionnels, la consignation pour le secteur des cafés-hôtels-restaurants, a également été accepté.
Un autre amendement, souhaité par la Fondation Abbé Pierre, visant à reconnaître la précarité énergétique dans le cadre du droit au logement, donnant ainsi une dimension sociale au Grenelle, a été retenu.
Je cite encore l’amendement dispensant les locations de vacances à caractère saisonnier de fournir systématiquement un diagnostic de performance énergétique à chaque location, dans la mesure où elles proposent des forfaits incluant le loyer et les charges.
Enfin un amendement de mon collègue Jean Dionis du Séjour, visant à ce que les diagnostics de performance énergétique des bâtiments soient désormais obligatoirement réalisés lors de la mise en vente des biens immobiliers et non seulement au moment de la signature du contrat de vente, a été adopté.
Par ailleurs, les députés du Nouveau Centre ont obtenu, lors de ce débat, plusieurs engagements forts du Gouvernement: engagement de revoir de façon plus favorable les tarifs de rachat de biogaz issu de la méthanisation, mesure très attendue du monde agricole; engagement de permettre le cumul des travaux de réhabilitation des dispositifs d'assainis sement non collectif avec les autres travaux d'économie d'énergie dans le cadre de l'éco-prêt à taux zéro, mesure très attendue des particuliers en milieu rural; engagement, enfin, de généraliser les systèmes de récupération des vapeurs d'essence à l'ensemble des stations-services.
M. François Sauvadet. Très bien!
M. Stéphane Demilly. Je vais conclure cette explication de vote en revenant sur une observation que nous avions formulée lors de l'ouverture de nos débats mardi dernier. Nous avions en effet constaté le risque d'un divorce grandissant entre, d'une part, des mesures environnementales perçues comme émanant d'une vision très urbaine de notre société et, d'autre part, les préoccupations et les attentes de tous ceux qui habitent le monde rural, à commencer par les agriculteurs.
Ce risque devait être combattu avec force, car la logique du Grenelle est une logique de rassemblement et non de confrontation et d'exclusion.
M. François Sauvadet. Très bien!
M. Stéphane Demilly. À travers ses interventions, le groupe Nouveau Centre pense y avoir contribué.
Au-delà, nous espérons avoir démontré que la différence est nette entre les partisans de la décroissance et ceux d'une nouvelle croissance verte. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Pour le Nouveau Centre en effet, l'esprit du développement durable n'est pas celui d'une écologie punitive, mais bien celui d'un nouveau mode de croissance, répondant à nos besoins sans mettre en danger les générations futures. Il en va de l'équilibre du Grenelle et de son acceptabilité pour l'ensemble de notre société.
Nous nous sommes battus en séance pour faire valoir cette analyse, et nous constatons que nous avons été en grande partie entendus. C'est la raison pour laquelle nous voterons sans aucune retenue en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je fais annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe UMP.
M. Martial Saddier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mesdames et monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, le vote du projet de loi portant engagement national pour l’environnement auquel nous allons prendre part aujourd’hui constitue un véritable aboutissement. C’est un texte-clé à plus d’un titre, qui prend acte de la nécessité de répondre aux préoccupations liées aux conséquences du réchauffement climatique et à la vulnérabilité des milieux naturels.
Ce texte marque une avancée considérable. Je tiens donc à remercier MM. Serge Grouard et Bertrand Pancher, rapporteurs de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, MM. Serge Poignant et Michel Piron, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que les deux présidents des commissions, MM. Christian Jacob et Patrick Ollier.
De manière plus générale, nous tenons à saluer l’implication de l’ensemble des parlementaires du groupe UMP, sans oublier le Gouvernement: l’équipe réunie autour du ministre d’État Jean-Louis Borloo a été présente pendant les cent heures de débats en commission, à l’écoute des parlementaires.
Nous souhaitions également rappeler l’association, en amont du texte, de la société civile et des collectivités territoriales. C’est aussi sur le résultat de leur travail que nous allons nous exprimer dans quelques instants.
Nous avons soutenu ce texte dans la continuité du Grenelle 1, comme le prouve le consensus qui a marqué le vote de certains amendements; je pense, en particulier, à ceux ayant trait à la réorganisation et à la clarification de la gouvernance dans le domaine de l’eau, à la régulation du trafic aérien en cas d’alerte à la pollution ou au renforcement des SCOT, qui ont fait l’unanimité, permettant la préservation des espaces agricoles, des zones humides, donc la biodiversité.
Ces quelques exemples constituent des signaux forts, témoins d’une volonté de changement.
Aujourd’hui, nous franchissons une étape supplémentaire fondamentale, dans la lignée des grandes avancées politiques de ces cinquante dernières années en matière d’environnement: loi « Montagne », loi « Littoral », loi sur l’eau, loi Barnier, charte constitutionnelle de l’environnement et, bien sûr, le Grenelle 1.
Nous créons, avec le Grenelle 2, des outils à même de soutenir l’adaptation de l’urbanisme, du secteur du bâtiment, des transports et de favoriser une meilleure maîtrise de l’énergie. Avec ce texte, nous nous donnons les moyens d’agir pour la préservation de la biodiversité et pour le développement d’une agriculture durable, pour la prévention des risques et la protection de la santé ainsi que pour la mise en œuvre d’une gestion durable des déchets.
Il convient de noter, mes chers collègues, qu’une nouvelle fois, c’est notre majorité qui porte cette avancée environnementale comme cela a été bien souvent le cas au cours de ces cinquante dernières années.
Aujourd’hui, les outils sont créés. Le changement de nos modes de vie est concrètement amorcé, celui de notre vision du développement également avec, à la clef, la perspective d’une véritable croissance durable, élément moteur pour la reprise économique de notre pays.
Oui, le Grenelle de l’environnement est l’affaire de tous! Oui, le Grenelle de l’environnement est l’affaire de la nation, mais une chose est certaine: il ne sera pas l’affaire de ceux qui, dans quelques instants, voteront contre l’adoption de ce projet de la loi. Il sera, par contre, l’affaire – et c’est historique – des députés UMP qui voteront en sa faveur et soutiendront l’application du Grenelle de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Pour le groupe SRC, la parole est à M. Philippe Tourtelier.
M. Philippe Tourtelier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mesdames, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, nous ne pouvons nous satisfaire des renoncements et des reculs du Grenelle 2.
Il s’agit tout d’abord de renoncements démocratiques.
Plutôt que de répondre à notre demande d’augmenter le temps consacré à l’examen du texte, vous n’avez pas hésité à faire délibérer notre assemblée un 8 mai, dans des conditions déplorables d’un point de vue démocratique, puisque vous avez terminé seuls l’examen du dernier tiers du texte, l’opposition ayant épuisé son temps de parole. Vous avez refusé de prévoir cinquante heures pour la discussion de ce projet de loi qui a été examiné selon la procédure d’urgence, avec une seule lecture. Rien n’empêchait pourtant le Gouvernement de lever l’urgence. Quel gâchis! Étiez-vous à ce point pressés d’en finir avec cette loi, une loi qui vous gêne car elle confirme vos reculs par rapport au Grenelle 1?
Il y a un an, à la suite du consensus du Grenelle, vous avez lancé, monsieur le ministre, certaines actions. Vous vous êtes plu à les rappeler mais il est beaucoup trop tôt pour en établir le bilan, comme vous le faites aujourd’hui. Cette dynamique devait, en particulier, être soutenue par le Grenelle 2. Or ce n’est pas le cas. Le soufflé retombe!
Depuis les régionales, certains membres de votre majorité, et non des moindres, estiment que « l’environnement, ça commence à bien faire! ». Alors, vous avez reculé sur la taxe carbone au lieu de chercher à l’améliorer, sur l’écotaxe poids lourds (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) …
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, et M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est faux!
M. Philippe Tourtelier. …mais aussi sur le Grenelle 2.
Nous ne pouvons qu’être inquiets de votre absence de réponse à une question que nous vous avons posée à plusieurs reprises lors des débats: les aides financières instaurées par le Grenelle seront-elles maintenues? Je veux parler des aides aux particuliers comme l’écoprêt à taux zéro, des aides aux agriculteurs pour la conversion à l’agriculture biologique, des aides aux collectivités pour les transports en commun en site propre. Seront-elles conservées, compte tenu des déclarations du Premier ministre sur le gel des dépenses publiques, ou bien seront-elles « flinguées » lors des décrets d’application, selon les mots mêmes de M. Carrez? C’est une question fondamentale pour l’avenir du Grenelle, mais nous n’avons pas eu de réponse.
Les renoncements, très nombreux, sont significatifs de la réponse que vous n’osez pas faire: suppression de l’aide aux collectivités votée par le Sénat pour aider les petites communes à rénover leurs bâtiments; suppression de la prolongation de l’exonération de taxe foncière sur le bâti au titre de l’allocation accession, votée en commission; retour à la situation actuelle pour les pré-enseignes aux entrées de ville; refus de donner un statut aux préparations naturelles peu préoccupantes comme le purin d’ortie, qui constituent pourtant un substitut aux produits de synthèse; refus d’accorder la garantie de rachat d’électricité aux petites éoliennes individuelles implantées hors des zones de développement éolien alors même que le solaire photovoltaïque et, désormais, les moulins en bénéficient; refus de suspendre la commercialisation des produits suspectés d’être dangereux pour les abeilles. Je pourrais continuer car la liste complète est très longue.
Parlons surtout des grands reculs, plus fondamentaux, qui s’attaquent au cœur du Grenelle 1: remise en cause de la décentralisation à travers l’application des programmes d’intérêt général aux directives territoriales d’aménagement et de développement durable et recours aux ordonnances pour définir le droit de l’urbanisme et la gouvernance des établissements fonciers; volonté quasi-obsessionnelle de freiner le développement de l’éolien, quitte à ne pas respecter nos engagements européens avec le fameux taux de 23 %, et ce au détriment de mesures portant sur les économies d’énergie et la précarité énergétique.
Le domaine des transports est placé dans une impasse financière: absence de financement du transfert de la route vers le rail, que ce soit pour maintenir les wagons isolés ou pour favoriser les transports en commun; trame verte et bleue ramenée à l’état de vœu pieu, puisqu’elle ne sera pas opposable aux documents d’urbanisme; certification « haute valeur environnementale des exploitations agricoles » inopérante puisqu’elle pourra s’appliquer à des exploitations produisant des OGM, le label étant mort-né; recul scandaleux sur les pesticides avec des dérogations au retrait autorisées pour des raisons socio-économiques qui priment sur la santé des agricultures;…
M. Christian Jacob, président de la commission du développement durable. C’est vous qui avez déposé un amendement à ce sujet!
M. Philippe Tourtelier. …absence de mesures de nature à rendre crédibles les rapports sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, préalable indispensable à l’investissement responsable; report de l’étiquetage environnemental, en particulier pour le carbone, lequel devait permettre l’achat responsable.
Le résultat, c’est une loi qui ne prépare pas la transition vers un nouveau modèle de développement, bien au contraire. Nous avions voté le Grenelle 1, qui doit rester notre feuille de route. Nous voterons contre le Grenelle 2, la loi de vos reculs et de vos renoncements. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations puis huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)M. le président. Voici le résultat du scrutin:
Nombre de votants 543 Nombre de suffrages exprimés 527 Majorité absolue 264 Pour l’adoption 314 Contre 213M. le président. L’Assemblée nationale a adopté. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires qui ont soutenu les cinq textes législatifs issus du Grenelle et le présent projet de loi.
Les inquiets, les tristes et les grincheux (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) n’empêcheront pas de faire de ses deux cent cinquante articles les deux cent cinquante fleurs du printemps de l’écologie! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution de Jean-François Copé et plusieurs de ses collègues sur l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte (n°2455).
M. Roland Muzeau. C’est de la démagogie populiste!
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe qu’un scrutin public aura lieu après que le dernier orateur se sera exprimé et que, compte tenu du nombre d’inscrits, je serai très attentif au respect des temps de parole attribués.
La parole est à M. Jean-François Copé, auteur de la proposition de résolution, pour dix minutes.
M. Jean-François Copé. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je m’adresse à vous avec la conviction que le moment que nous vivons est très important et très symbolique, parce que le texte dont nous allons débattre est essentiel: il est essentiel d’abord, par l’instrument que nous apprêtons à adopter, celui d’une résolution; il est essentiel ensuite, parce que l’objet sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer, c’est notre attachement au respect des valeurs de la République face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte, en particulier le port du voile intégral; il est essentiel enfin, parce que c’est un moment parlementaire, démocratique et républicain.
L’adoption d’une résolution est un droit dont nous, parlementaires, étions privés depuis 1958.
Plusieurs députés du groupe UMP . C’est vrai!
M. Jean-François Copé. Nous l’avons rétabli, en Congrès, en juillet2008.
La résolution, c’est l’expression de la volonté politique de la nation, par les élus de la nation.
M. Bernard Deflesselles. Très bien!
M. Jean-François Copé. Ce n’est pas une loi. Elle n’est pas contraignante ni normative, mais c’est une déclaration politique au sens noble du terme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
C’est aussi un message adressé à celles et ceux qui, en France et dans le monde, se battent pour les valeurs de dignité, de liberté, d’égalité et de fraternité, ces valeurs dont la France est mère et qui ont fait notre République, ces valeurs auxquelles notre attachement doit être sans faille et, surtout, que nous devons défendre dès que nous considérons qu’elles sont menacées.
Il est essentiel que nous réaffirmions solennellement notre attachement à ces valeurs lorsque le développement de pratiques radicales y porte atteinte ou les met en péril, à l’image de ce que le Président de la République a déclaré devant le Congrès, le 22 juin dernier, en rappelant que la burqa n’est pas la bienvenue sur le territoire de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C’est dans cette perspective que les parlementaires de tous bords se sont saisis de cette question en constituant, il y a près d’un an, une mission d’information. Et c’est dans ce cadre que je présente aujourd’hui devant vous, au nom du groupe UMP que j’ai l’honneur de présider, cette proposition de résolution.
Nous avons beaucoup consulté, beaucoup dialogué, beaucoup écouté depuis un an. Après le temps de la réflexion vient maintenant celui de la décision, car il ne faudrait pas oublier que la première mission d’un responsable politique c’est – j’ose le gros mot – de décider. Et le temps est venu de décider.
M. Bernard Deflesselles. Très bien!
M. Jean-François Copé. De ce point, et je veux le dire à nos collègues de l’opposition, c’est un esprit d’unité et de rassemblement qui nous anime.
M. Roland Muzeau. Un esprit malsain!
M. Jean-François Copé. C’est dans cet esprit que, à votre demande monsieur Ayrault, nous avons modifié la proposition de résolution.
De la même manière, je veux saluer ici l’engagement de notre collègue André Gerin qui assume ses convictions en homme libre.
J’ai la conviction que c'est unis que nous devons dire et faire savoir quelle est la position du peuple français. Je forme donc le vœu que cette résolution soit adoptée par toutes et tous ici, rassemblés au-delà des clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C’est dans ce même esprit que le Gouvernement engagera dans quelques jours, comme le lui ont demandé les députés de la majorité, le temps de l’action, en présentant un projet de loi...
M. André Wojciechowski. Il était temps!
M. Jean-François Copé. ...dont nous débattrons et que nous voterons, afin que cessent ces pratiques auxquelles la République doit simplement, mais fermement, dire non. (« Très bien! » sur les bancs du groupe UMP.)
Nous avons bien compris que ces pratiques sont inspirées par des mouvances radicales, extrémistes, dont le seul objet est de tester la vigilance de la République,...
M. Alain Gest. Absolument!
M. Jean-François Copé. ...en d’autres termes, instrumentaliser la religion à des fins idéologiques et politiques. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Cette instrumentalisation est toujours une menace, pour la République comme pour les religions.
M. Roland Muzeau. En chef d’orchestre, vous n’êtes pas mal!
M. Jean-François Copé. L’histoire nous l’a appris: l’instrumentalisation politique du religieux est une tentation récurrente, et notre vieille Europe peut témoigner que, le plus souvent, cette instrumentalisation a été source de malheur, de souffrance et de violence.
M. Bernard Deflesselles. Très juste!
M. Jean-François Copé. C’est contre cette instrumentalisation que nous devons lutter.
Il s’agit donc, par cette résolution, de dénoncer, puis par la loi d’interdire, le fait que des femmes soient conduites de gré ou de force à dissimuler intégralement leur visage.
M. Guy Lefranc. Surtout de force!
M. Jean-François Copé. Que les choses soient claires: le port du voile intégral, pratique qui se développe en France comme dans d’autres pays en Europe et dans le monde, et que nous dénonçons, n’a rien à voir avec une quelconque liberté vestimentaire.
Le voile intégral, ce n’est pas un vêtement, c’est un masque porté en permanence, volontairement ou sous la contrainte; c’est une indignité réservée, comme par hasard, aux seules femmes, et qui les prive de toute vie sociale, économique et politique, en un mot de toute vie normale. Le voile intégral empêche toute identification dans l’espace public et constitue donc une menace pour notre société. C’est une négation de soi, une négation de l’autre, une négation de notre pacte républicain.
Mes chers collègues, que vaut l’échange entre deux citoyens libres qui se rencontrent pour la première fois si l’un des deux, au seul motif qu’il est une femme, ne peut montrer ni son visage ni son sourire? Sans sourire ni visage, le contrat social est rompu, c'est la peur qui domine.
M. André Wojciechowski. Très bien!
M. Jean-François Copé. Sans sourire ni visage, quel sens pouvons-nous encore donner au mot de fraternité?
Sous couvert de liberté de manifester ses opinions, ses croyances, sous couvert de relativisme culturel, ces pratiques sont contraires à nos valeurs et à notre modèle de société.
Peu importe le nombre de femmes concernées: aucune hier, peut-être 2000 aujourd’hui; mais devons-nous attendre qu’elles soient 20000, 60000 voire 100000 pour réagir? (« Non! Non! » sur les bancs du groupe UMP.) Non, bien évidemment! Notre détermination n’est pas une affaire de statistiques, mais une question de principe. C'est l’unique mais impérieuse raison pour laquelle nous sommes solennellement réunis aujourd’hui.
Bien sûr, et je l’ai dit, une résolution n’y suffira pas. La résolution sert à expliquer, mais, passé le temps de l’explication politique, il sera temps de voter une loi pour déterminer les moyens par lesquels ces pratiques doivent cesser et être sanctionnées. De ce point de vue, il nous faudra prendre au préalable le temps nécessaire de la médiation sur le terrain, de l’explication et du dialogue, une période de six mois à compter de la promulgation de la loi pour construire ou reconstruire l’adhésion sans partage à nos valeurs, une adhésion qui, à tort et sans bruit, a faibli, le plus souvent par ignorance ou incompréhension, parfois par provocation et, il faut bien le dire aussi, par défaut de vigilance des républicains que nous sommes, toutes sensibilités confondues.
Notre responsabilité d’élus et de représentants est d’affirmer que l’exercice de la liberté d’expression, d’opinion ou de croyance ne peut être revendiqué par quiconque pour s’affranchir des règles communes au mépris des valeurs et des devoirs qui fondent notre société.
Il est tout à fait normal que chaque citoyen français puisse, s’il le souhaite, appartenir à une communauté philosophique, politique, religieuse...
M. Jean Glavany. Non, il n’y a qu’une communauté, la communauté nationale!
M. Jean-François Copé. ...à une condition: que ses règles soient toutes subordonnées aux lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas le cas du sujet que nous abordons aujourd’hui.
De la même manière, nous devons récuser avec la plus grande force l’idée que cette loi viendrait stigmatiser nos compatriotes musulmans, car c’est tout l’inverse.
Mme Fabienne Labrette-Ménager. C’est vrai!
M. Jean-François Copé. Les déclarations des responsables du Conseil français du culte musulman sont unanimes: le voile intégral n’est pas une prescription religieuse. C'est donc à nous, responsables politiques, par la décision ferme et juste que nous prendrons, d’empêcher tout amalgame qui aurait pour effet de mêler la communauté musulmane à cette pratique radicale qui, en fait, ne la concerne pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Roland Muzeau. C’est vous qui faites l’amalgame tous les jours!
M. Jean-François Copé. De la même manière, parce que notre République est démocratique et sociale, je veux citer la Cour européenne des droits de l’homme dont on a beaucoup parlé qui, en 2008, a rappelé que le pluralisme et la démocratie impliquent nécessairement de la part des individus des concessions qui se justifient aux fins de la sauvegarde et de la promotion des idéaux et valeurs de notre société démocratique. Ainsi qu’elle l’a souligné, là est le cœur de notre ordre public, un ordre public qui, comme l’a précisé le Conseil d’État, est non matériel: sécurité, tranquillité, salubrité et, bien sûr, les valeurs du vivre ensemble. C’est aussi à cela que nous pensons.
Voilà pourquoi nous ne pouvons laisser des pratiques radicales bafouer les fondements de notre démocratie. Voilà pourquoi nous ne pouvons laisser ces pratiques extrémistes saper les principes essentiels de notre société. Voilà pourquoi nous ne pouvons laisser le voile intégral couvrir le visage de notre République.
C’est à nous, députés, représentants de la nation, que revient la mission d’en être les messagers. Ce message porte l’espoir qu’il dépassera nos frontières, que les pays d’Europe confrontés aux mêmes pratiques l’entendront, l’espoir que les femmes qui, à travers le monde, se battent pour faire reconnaître et respecter leurs droits le recevront et s’en réclameront.
Ne les décevons pas, ne permettons pas que la France, que la République les déçoive, parce que c'est notre idée de la France, une France ouverte au monde, une France courageuse et une France rassemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la France n'est jamais autant elle-même, fidèle à son histoire, à sa destinée, à son image, que lorsqu'elle est unie autour de ses valeurs, les valeurs de la République, des valeurs qui ont pour nom liberté, égalité, fraternité; des valeurs qui se déclinent dans le respect de la dignité des femmes, dans l'égalité entre les hommes et les femmes, dans la volonté de vivre ensemble; des valeurs qui garantissent la cohésion de notre nation, la vie en commun des citoyens, quelles que soient leurs différences d'âge, de sexe, d'origine, de religion.
La proposition de résolution soumise aujourd’hui à votre examen traduit la mobilisation de votre assemblée, au‑delà, je l’espère, des clivages partisans, pour le nécessaire respect des principes et des valeurs de la République. Cette proposition de résolution réaffirme les principes fondateurs de notre République.
Ne nous le cachons pas, avec cette proposition de résolution vous abordez un sujet difficile dans tous les domaines, sociologique, moral, politique, mais l'honneur du politique n'est pas de fermer les yeux devant les sujets difficiles. Il est, au contraire, de les traiter, parce qu’ils sont difficiles, avec courage, lucidité et conviction, en s'appuyant sur les valeurs et les principes de notre socle républicain.
L’unité de la nation est notre bien le plus précieux, celui qui nous a permis de résister dans l’histoire aux périodes les plus difficiles, celui qui nous a permis de relever les défis les plus cruciaux pour la France. Il nous appartient de préserver cette unité si chèrement, si difficilement acquise.
L’unité de la République, ce sont des règles communes à chaque citoyen parce que, sans règles, il n’y a pas de société; sans compréhension des règles, il n’y a pas de relation sociale organisée et apaisée; sans respect des règles, il n’y a pas de construction solide de l’avenir, qu’il soit individuel ou collectif.
L’unité, c’est aussi l’envie partagée d’avoir un destin commun. La France ne serait pas la France si elle n’était pas unie par cette volonté de vivre ensemble, nourrie par des expériences communes et le sentiment d’appartenir à une même communauté de destins. C’est pourquoi d’ailleurs, à la différence de certains de nos voisins, y compris de nos voisins européens, le modèle français récuse le communautarisme (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)
En effet, le communautarisme, c’est le « vivre entre soi » et non le « vivre avec les autres ». Le communautarisme encourage la formation de groupes fermés sur eux-mêmes, repliés sur leurs propres règles et leurs propres coutumes.
Oui, mesdames et messieurs les députés, je vous le dis parce que je le crois, le port du voile intégral remet en cause les valeurs que nous avons en partage et les principes mêmes du « vivre ensemble ».
Le visage, c’est la partie du corps qui porte la relation directe avec l’autre alors que le voile intégral est la traduction vestimentaire du communautarisme. Il dissout l’identité d’une personne dans celle d’une communauté. Il remet en cause le modèle d’intégration à la française, fondé sur l’acceptation des valeurs de notre société. Il exprime le refus de vivre au sein de la communauté nationale.
M. Pierre Forgues. Très juste!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Oui, le respect d’autrui implique d’accepter la communication directe avec l’autre.
Le voile intégral revient à se retrancher de la société nationale, à rejeter l’esprit même de la République, fondé sur le désir de vivre ensemble.
Où est le « vivre ensemble » lorsque des individus se retranchent du corps social en dissimulant leur visage? Où sont les valeurs de la démocratie lorsque des personnes sont contraintes de renoncer à leurs libertés fondamentales: liberté de communication, liberté d’expression? Où est l’épanouissement individuel lorsque des femmes, dissimulées sous un voile intégral, sont privées de contact réel, visuel, avec autrui?
Mesdames, messieurs les députés, la proposition de résolution, pas plus que le projet de loi que j’aurai l’honneur de vous présenter, ne mettent en cause – contrairement à ce qu’il m’est arrivé d’entendre – les principes constitutionnels ou la religion musulmane.
Votre texte respecte les principes constitutionnels dans leur lettre, comme dans leur esprit, monsieur le président Copé. Il préserve les libertés, à commencer par la liberté individuelle.
La liberté ne signifie pas l’absence de règles ou le droit de s’affranchir des principes de la vie en commun. Selon un adage que vous connaissez tous, la liberté individuelle s’arrête à la liberté de l’autre.
M. Jean Glavany. Ce n’est pas un adage mais la Déclaration des droits de l’homme!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Eh bien, le voile intégral heurte la liberté des femmes auxquelles il est imposé. Le voile intégral heurte nos conceptions de l’individu et de la vie en société.
M. Henri Plagnol. Exact!
Mme Laure de La Raudière. Très bien!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Il est la traduction d’un double refus: celui de se mêler à la société dans laquelle on vit pour celle qui le porte, celui de laisser une femme s’intégrer à la société pour celui qui impose son port.
Les musulmans de France, dans leur immense majorité, ne se reconnaissent pas dans cette attitude contraire à nos valeurs. Il n’est pas porté atteinte à la liberté religieuse car la France assure à chaque citoyen le libre exercice de la religion de son choix. Elle autorise la construction d’édifices religieux sur son territoire, ce qui n’est pas le cas dans tous les pays.
Le Conseil français du culte musulman l’a rappelé à diverses reprises: le voile intégral n’est prescrit par aucun précepte du Coran. Je rappelle même qu’il est interdit dans plusieurs pays musulmans…
M. Jean Leonetti. Absolument!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. …y compris à la Mecque!
L’islam de France, et je peux en témoigner pour avoir été pendant plus de deux ans ministre des cultes et avoir souvent rencontré les responsables du culte musulman, respecte les règles de la République et ne saurait être stigmatisé par leur rappel.
C’est le « vivre ensemble », également, qui est le but du texte et de l’esprit de votre résolution, parce que le port du voile intégral peut représenter une menace pour l’ordre public social en ce qu’il perturbe le fonctionnement de la vie sociale et, éventuellement, la sécurité des personnes et des biens, en ce qu’il entrave les relations entre les individus, en ce qu’il fait encourir à une religion le risque d’être stigmatisée, du fait de quelques comportements atypiques et extrémistes.
Mesdames, messieurs les députés, vous êtes les mieux à même d’affirmer que la société française, en aucun cas, n’assimile l’islam à ces pratiques. Le Gouvernement est déterminé à se donner tous les moyens pour lutter contre des pratiques contraires aux valeurs républicaines.
Le Premier ministre et moi-même menons une vaste concertation avec les responsables religieux et avec les responsables de tous les partis politiques. Le 19 mai prochain, je présenterai en conseil des ministres un projet de loi visant à interdire la dissimulation du visage dans l’espace public.
M. Lionnel Luca. Très bien!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Nous aurons alors l’occasion d’en discuter dans cette assemblée.
Mesdames, messieurs les députés, à l’heure de l’internationalisation et de la complexification de nos sociétés, les Français s’interrogent sur le devenir de notre nation. Ils ne comprendraient pas notre incapacité à exprimer unanimement notre fermeté, notre vigilance et notre détermination sur nos principes de vie en commun et sur notre modèle.
Oui, nous pouvons et nous devons être fiers de ce modèle qui fonde notre pacte social, qui forge notre identité. Soyons donc dignes des exigences attachées au privilège de vivre ensemble en France, au privilège d’être Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Pierre Forgues. Très bien!
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean Glavany. (De nombreux députés du groupe UMP quittent l’hémicycle. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Roland Muzeau. Où est-il, le consensus UMP?
M. le président. Mes chers collègues, si vous avez décidé de quitter l’hémicycle, faites-le rapidement et dans le silence.
M. Roland Muzeau. Nous aussi, nous partirons, mais nous le dirons!
M. Jean Glavany. Les députés socialistes, radicaux et citoyens, sont toujours disponibles lorsqu’il s’agit de débattre de la République, de défendre ses valeurs et ses principes. Voilà pourquoi nous répondons présents à ce débat sans aucune arrière-pensée et en toute bonne foi. Voilà pourquoi – je le dis d’entrée de jeu – nous voterons cette résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) .
Nous la voterons forts de nos convictions de socialistes et de républicains parce que, comme vous, nous pensons que les valeurs républicaines sont incompatibles avec ces pratiques que vous avez décrites et qui restent ultra-minoritaires – la République n’est pas en danger –, ces pratiques extrémistes qui n’ont rien à voir avec la religion.
Vous l’avez rappelé, monsieur le président Copé, les responsables du culte musulman nous ont affirmé à plusieurs reprises, soit devant la commission parlementaire, soit à l’occasion de conversations privées, comme ce matin encore, qu’ils ne considéraient pas ces pratiques comme des prescriptions de l’islam et du Coran. Il serait alors paradoxal, voire contradictoire, de proclamer que leur interdiction conduirait à stigmatiser une religion. C’est une contradiction que nous n’acceptons pas.
M. Jean-François Copé. Je suis d’accord avec vous.
M. Jean Glavany. Ces pratiques sont contraires aux valeurs de liberté, c’est une évidence. À ceux qui nous reprochent de porter atteinte à la liberté des femmes de se vêtir comme elles le souhaitent, je réponds qu’il s’agit au contraire de protéger la liberté de millions de femmes qui, à travers le monde, se battent pour avoir le droit de ne pas porter le voile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Ces pratiques sont aussi contraires aux valeurs d’égalité: ce n’est pas aux hommes que l’on demande de porter le voile, mais aux femmes et à elles seules.
Ces pratiques sont encore contraires aux valeurs de fraternité puisque, vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, monsieur Copé, dans l’espace public, le « vivre ensemble » impose que je te voie et que tu me voies. Le respect de l’autre, base du « vivre ensemble », impose que l’on puisse lire le visage de l’autre lorsque l’on s’adresse à lui. Le « vivre ensemble », qui caractérise notre fraternité, n’a rien à voir avec ces pratiques. Voilà pourquoi nous voterons sans aucune tergiversation cette résolution, au nom de ces valeurs et de ces principes.
Mais nous le ferons aussi les yeux ouverts sans aucune illusion sur les arrières pensées et les manœuvres des uns et des autres.
Je vais vous parler franchement. Comme vous tous, j’ai reçu des citoyens dans ma permanence vendredi et hier lundi. Or pas un des nombreux électeurs que j’ai reçus ne m’a parlé de ce sujet.
M. Jean-François Copé. Ce n’est pas acceptable.
M. Jean Glavany. Une élection législative va avoir lieu en Isère pour remplacer M. Migaud. J’ai discuté avec André Vallini qui organise des réunions tous les soirs: il n’a pas eu une seule question sur ce sujet, tout simplement parce que les Français sont tenaillés par d’autres angoisses: le chômage, le pouvoir d’achat, le déficit public, leur retraite. Voilà de quoi les Français nous parlent tous les jours!
M. Jean-François Copé. En ce cas ne votez pas la proposition de résolution!
M. Jean Glavany. Et vous, toutes affaires cessantes, de nous dire qu’un problème central menace la société française: la burqa! Nous ne sommes pas dupes (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) et même si nous voterons sans tergiverser, nous restons vigilants.
M. Roland Muzeau. Cela va continuer! Ils ont encore des cartouches!
M. Jean Glavany. En effet, cette manœuvre politicienne dure depuis un certain nombre de mois. Cette proposition se situe dans le prolongement de ce satané débat sur l’identité nationale. Après les amendements sur le minaret, nous en sommes au voile intégral. Combien de temps cela va-t-il encore durer?
De ce point de vue, je veux dire à mes amis communistes, Alain Bocquet notamment avec qui je m’en entretenais tout à l’heure, que je suis d’accord avec eux pour dénoncer cette manœuvre politique. Nous socialistes ne sommes pas dupes, mais nous répondons présents lorsque sont évoqués les principes de la République.
M. Bernard Roman. Exactement!
M. Jean Glavany. Nous pensions que vous aviez compris que trop jouer avec le feu se retournerait contre vous. Eh bien, non! Il semble même que vous persistiez. Laissez-moi vous mettre en garde: les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Je reviens à votre proposition de résolution que nous avons lue avec attention.
En matière de lutte contre les discriminations, en particulier de lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes, vous prenez de sacrés engagements, des engagements formidables, solennels, et nous vous prendrons au mot. ( « Très bien! » sur les bancs du groupe SRC.)
M. André Wojciechowski. Dommage, il avait pourtant bien commencé!
M. Jean Glavany. Mesdames, messieurs de l’UMP, monsieur Copé, nous vous prendrons au mot quand il s’agira de parler des inégalités entre hommes et femmes en matière salariale, en matière de responsabilité d’entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
En effet vos engagements ne valent pas que pour les discriminations liées au port par une femme d’un bout de tissu, ils valent pour tous les domaines.
M. Jean-François Copé. Alors ne votez pas le texte, s’il n’est pas important!
M. Roland Muzeau. Et le consensus, monsieur Copé!
M. Jean Glavany. .Monsieur Copé, je ne vous ai pas interrompu. Je sais bien que vous n’avez pas l’habitude de respecter les autres ni le travail parlementaire, comme vous l’avez montré tout au long des travaux de la mission d’information, prétendant que vous saviez, vous, ce qu’il fallait faire et qu’il était inutile que nous réfléchissions sur la question. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je parle tranquillement et je vous prie de ne pas m’interrompre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Nous sommes réunis pour affirmer, comme vient de le faire Mme la garde des sceaux, que la République n’a pas de problème avec les religions puisqu’elle est une République laïque et que la laïcité protège la liberté de conscience. Cependant la République a des problèmes avec les intégrismes, avec les fondamentalismes religieux,…
M. Dominique Le Mèner. Là, il a compris!
M. Jean Glavany. …avec ceux qui ne respectent pas les lois de la République, qui pensent que leur religion se trouve au-dessus de ces lois.
M. Dominique Le Mèner. Très juste!
M. Jean Glavany. Voilà ce que nous devons combattre ensemble. Or si nous voulons le combattre ici et maintenant, il nous faut le combattre tout le temps.
Vous connaissez sans doute Hassen Chalghoumi, imam de la mosquée de Drancy, qui a eu le courage républicain de dire haut et fort que le port d’une burqa ou d’un voile intégral n’était pas une prescription religieuse et qu’il ne le tolérerait pas dans sa mosquée. Cet homme a été menacé de mort par les frères musulmans. Quand a eu lieu une manifestation de solidarité avec Hassen Chalghouni devant la préfecture de la Seine-Saint-Denis, à Bobigny, une délégation a demandé à être reçue par le préfet de la République qui lui a refusé audience!
Mme Sandrine Mazetier. Quelle honte!
M. Jean Glavany. Manquement, défaillance grave et symptomatique de la République ne sont pas rares quand il s’agit de défendre ceux qui défendent ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais citer un autre exemple, madame la garde des sceaux, qui se passe un peu plus au nord que Saint-Jean-de-Luz, vers Bordeaux.
Un groupuscule dénommé Dies irae – « jour de colère » en latin – intégriste, catholique, d’extrême droite, bénéficie d’une église depuis plusieurs années grâce à une décision de M. Juppé. Ce groupuscule a été condamné à deux reprises par les tribunaux sans jamais que les représentants de la République – le ministre de l’intérieur de l’époque, devenu, si je ne m’abuse, Président de la République, le préfet de région de l’époque, devenu, je crois, directeur de cabinet du même Président – n’aient rien trouvé à redire à l’inapplication des décisions de justice. Or un récent reportage diffusé sur France Télévisions, dans l’émission Envoyé spécial , la semaine dernière, dans la séquence intitulée « Les infiltrés », montrait les enfants de cette école privée, qui, si elle n’est pas sous contrat, doit tout de même respecter les lois de la République. Eh bien, cette école enseigne des thèses révisionnistes, xénophobes et islamophobes en toute impunité.
M. André Wojciechowski. C’est mal!
M. Alain Cacheux. Scandaleux!
M. Jean Glavany. Jamais, je le répète, les autorités de la République n’ont trouvé à y redire.
Cela signifie qu’en matière de lutte contre les intégrismes religieux, il y a tout de même deux poids et deux mesures.
M. Jean-François Copé. C’est inacceptable!
M. Jean Glavany. Si c’est inacceptable, il ne faut pas l’accepter, monsieur Copé, et il faut combattre l’intégrisme partout où il porte atteinte aux lois de la République! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd’hui, au nom des principes républicains, nous répondons présents et parce que ces pratiques minoritaires extrémistes portent atteinte aux principes de la République, nous voterons la résolution. Demain,…
Mme Françoise de Panafieu. Arrêtez-vous là!
M. Jean Glavany. …quand il s’agira de débattre d’un texte de loi – nous verrons ce qu’il contiendra car nous ne disposons pour l’heure que de fuites, n’étant pas saisis officiellement –, nous serons toujours disponibles, madame la garde des sceaux, pour un consensus républicain, mais nous nous montrerons encore plus vigilants parce que nous craignons fort que, pris par votre élan, vous ne fassiez un faux pas et que les mesures que vous prendrez n’aillent trop loin et que nous ne soyons contraints de vous rappeler que la République doit se défendre avec sagesse et efficacité. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. André Wojciechowski. Faites-nous donc confiance!
M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet.
M. Alain Bocquet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, je le déclare solennellement: les députés communistes, républicains et du Parti de gauche, sont fermement opposés au port du voile intégral,...
M. Jean Glavany. C’est bien!
M. Alain Bocquet. …tout comme ils combattent les extrémismes, les dérives sectaires et les formes de domination, notamment celles qui conduisent à l’exclusion et au non respect de la dignité des femmes. Une identité ne saurait être contrainte, une citoyenneté amputée. La citoyenneté doit se vivre pour toutes et tous, partout à visage découvert.
Votre proposition de résolution, loin de lutter contre l’enfermement des femmes et le respect de leurs droits, constitue un pas supplémentaire vers la diversion et la division.
Je ne résiste pas à citer un extrait d’une chronique qui éclaire utilement le fond de vos intentions; elle s’intitule La burqa en folie : « Et voilà! C’est reparti. Sous aucun prétexte, les Français n’auraient voulu rater cette occasion de s’étriper à propos d’un faux problème hissé à la hauteur de drame national. […] À la place des hommes éminents qui nous gouvernent, je me serais posé deux questions: d’abord, n’est-on pas en train, avec notre trop-plein de réglementations sur les mœurs, sur l’habillement, de ressembler à ceux que nous avons le dessein de combattre, ces extrémistes islamiques qui légifèrent à tire larigot sur tous les détails de la vie quotidienne? Ensuite, cette question va-t-elle contribuer à pacifier ou à exciter un débat public déjà électrique, pour ne pas dire explosif? […] Alors qu’on ne nous parle pas de la dignité de la femme; les deux mille porteuses de burqa en France sont des otages de la politique; elles ne sont qu’un enjeu dérisoire où les droits de la femme comptent peu mais où comptent beaucoup, en revanche, les élections de 2012, voire 2017. » (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean-François Copé. C’est scandaleux!
M. Alain Bocquet. Eh bien, cette chronique n’a pas paru dans L’Humanité-dimanche , mais dans Paris-Match sous la plume de Jean-Marie Rouart de l’Académie française. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Maxime Gremetz. Excellent!
MM. Jean-François Copé et Dominique Le Mèner et Mme Marie-Louise Fort. Et alors?
M. Alain Bocquet. À l’évidence, la dignité et les droits des femmes méritent mieux que votre instrumentalisation politicienne du voile intégral.
Sans citer toutes les discriminations dont elles font l’objet, je vous rappelle que deux millions de femmes sont victimes en France de violences conjugales. Malgré cela, la loi contre ces violences, votée ici même le 25 février dernier, reste bloquée au Sénat. Qu’attend le Gouvernement?
Pour ce qui concerne le voile intégral, là où l’appel à l’intelligence – plutôt qu’à l’excitation des peurs –, où l’éducation, le dialogue, la médiation et la pédagogie permettraient d’agir contre son port et sa banalisation, vous préférez l’autoritarisme. Vous imposez la politique de la force là où la force de la politique prendrait tout son sens.
M. Maxime Gremetz. Très juste!
M. Alain Bocquet. Ce renoncement à convaincre est symptomatique de votre gestion autoritaire de notre société et ce choix constitue en lui-même un échec, échec d’autant plus grave que les dispositions légales que vous voulez imposer ne régleront rien, quand les moyens existent déjà pour faire face au problème. Le Conseil d’État l’a rappelé avec pertinence. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
Elles ne feront donc que nourrir les rancœurs, les incompréhensions, radicaliser les comportements et favoriser les effets pervers du mimétisme. (« Très bien! » sur les bancs du groupe GDR.)
M. Jean-Paul Lecoq. Que la majorité se contente d’appliquer la législation en vigueur!
M. Alain Bocquet. Du reste, n’est-ce pas l’un des buts recherchés? Finalement, prêts à tout pour maintenir votre domination, vous n’hésitez pas, en confortant les extrémistes les plus radicaux, à crisper les relations sociales et à créer les conditions d’un dérapage.
Bien évidemment, il n’est pas question pour nous de penser que Gouvernement et majorité agissent aveuglément. En janissaires zélés d’un président désavoué par une majorité croissante de Français, l’UMP apporte sa pierre au projet de Nicolas Sarkozy d’enrayer le rejet dont sa politique est l’objet.
Durement sanctionnés aux élections régionales et mobilisés par l’objectif de faire exploser notre système de retraite, vous allez puiser à l’extrême droite les moyens de préparer les échéances de 2012 en tentant de débaucher l’électorat du Front national. Souvenez-vous pourtant: il arrive souvent que l’original soit préféré à la copie.
M. Maxime Gremetz. Nous l’avons vu!
M. Alain Bocquet. L’économie et la société françaises sont au plus mal: sept millions de Français vivent au-dessous du seuil de pauvreté; les inégalités se creusent avec, au sommet de la pyramide, un quarteron de patrons et d’actionnaires cumulant stock options , retraites chapeau et dividendes.
M. Jean-Jacques Candelier. C’est vrai!
M. Alain Bocquet. Eh bien, puisque vous aimez les lois, qu’attendez-vous pour interdire les licenciements boursiers (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR) , ou pour taxer au même niveau que les salaires les centaines de milliards d’euros de profits financiers des grands groupes?
Ce que vous voulez en réalité, c’est que la France regarde ailleurs que là où elle souffre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.) Pourtant, nos concitoyens voient clairement que la France du CAC 40 croule sous les cadeaux fiscaux tandis que le monde du travail et la jeunesse « black-blanc-beur », qui subit l’indignité du chômage, accumule les difficultés.
M. Jean-Jacques Candelier. Très juste!
M. Alain Bocquet. Cette réalité sape les fondements des valeurs de notre République. Un récent sondage Sofres-Logica s’en est récemment fait l’écho: liberté, égalité, frater nité, ces valeurs sont en net recul dans notre pays, par la faute de la crise et du chômage qui déchirent le tissu social et taraude le projet républicain.
Sous l’effet des tours de vis et, désormais, sous l’effet de la rigueur appliquée à l’ensemble des ministères sociaux, de l’école à la santé, sous la violence des coups portés au service public, la France est en déclin quand l’Europe part à vau l’eau. Jamais elle n’a subi de tels assauts contre ses acquis et les solidarités construites au prix de luttes tenaces.
C’est d’ailleurs cette France que vous visez, qui lutte pour sa dignité et pour un partage équitable des richesses, c’est cette France solidaire, fraternelle, mobilisée pour défendre ses droits, que vous redoutez de voir se rassembler en nombre pour contester vos choix au service des privilégiés. En travaillant à entamer sa cohésion, avec le débat sur le voile intégral, avec le débat délétère sur l’identité nationale, avec cette proposition de résolution et demain un projet de loi, chacun voit bien que votre but est de la soumettre.
Votre démarche stigmatise par ricochet l’ensemble de la population de confession musulmane et dénie à son immense majorité le droit de vivre paisiblement sa religion comme toutes les autres dans le respect des valeurs républicaines et de la laïcité.
On est loin des propos enjôleurs du candidat Sarkozy qui, entre les deux tours de l’élection présidentielle, souhaitait « rassembler le peuple français autour d’un nouveau rêve français, celui d’une République fraternelle où chacun trouvera sa place, où personne n’aura plus peur de l’autre, où la diversité sera vécue non comme une menace mais comme une richesse ».
Les députés communistes, républicains et du Parti de gauche refusent donc de se prêter au jeu dangereux qui consiste à agiter les haines…
M. Maxime Gremetz. Voilà!
M. Alain Bocquet. …à des fins d’hégémonie ultra-libérale et de reconquête électorale.
M. Maxime Gremetz. Nous ne sommes pas des pigeons!
M. Alain Bocquet. Ce jeu est d’autant plus dangereux aujourd’hui, dans une France et une Union européenne en crise profonde, que les dérives populistes, nationalistes, extrémistes accompagnent, comme en Hongrie, en Italie du Nord ou aux Pays-Bas, la soumission complice des États et des gouvernements ultra-libéraux aux diktats des banques et des marchés boursiers qui mettent, eux, plus qu’un voile: une véritable chape de plomb sur les aspirations des peuples.
Parce que nous entendons rassembler, dans leur diversité, les victimes de votre politique de régression sociale et démocratique, nous ne cautionnerons pas une manœuvre qui menace la cohésion nationale.
Mme Marie-Hélène Amiable. Très bien!
M. Alain Bocquet. Nous renouvelons l’exigence d’une République laïque, ouverte au dialogue, d’une France forte de son histoire et adossée aux valeurs dont elle s’est dotée pour aborder les enjeux d’aujourd’hui.
Nous ne participerons pas à ce vote mascarade. Vous n’obtiendrez pas de nous un consensus qui vaudrait pour le projet de loi gouvernemental qui suivra. Nous nous y refusons, en parlementaires soucieux d’unir et d’agir avec tous, en responsables politiques ouverts, femmes et hommes de liberté et de progrès. Pour ce, nous allons vous quitter. L’ensemble des députés communistes, républicains et du Parti de gauche, ne participeront pas au vote. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
M. Jacques Myard. Hors sujet!
(La plupart des députés du groupe GDR quittent l’hémicycle. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Maxime Gremetz. Il faut avoir du courage. Vous n’en avez pas.
M. Jean-François Copé. Laissez-nous Gerin!
M. Éric Raoult. Le courage, c’est Gerin! Il reste!
M. le président. La parole est à Mme Colette Le Moal.
Mme Colette Le Moal. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues: « La burqa ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. Nous ne pouvons pas accepter dans notre pays des femmes prisonnières derrière un grillage, coupées de toute vie sociale, privées de toute identité. Ce n’est pas l’idée que la République française se fait de la dignité des femmes. » Tels étaient, voilà près d’un an, les mots du Président de la République lorsque, devant le Parlement réuni en Congrès, il avait invité notre assemblée à poursuivre la démarche dans laquelle elle s’était engagée en créant, autour de nos collègues André Gerin et Éric Raoult, une mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur notre territoire national.
C’est un fait, quand bien même il s’agirait en France d’un phénomène encore marginal, le port du voile intégral interpelle depuis de longs mois les responsables politiques de gauche comme de droite. Avec eux, c’est une large majorité de Français, quelle que soit par ailleurs leur sensibilité politique, qui s’interrogent sur les réponses qui doivent y être apportées.
Avec cette proposition de résolution, nous abordons aujourd’hui l’ultime étape d’un débat engagé depuis en réalité bien plus d’un an, après que l’unanimité s’est faite, au sein de notre mission, pour dire combien le port du voile intégral s’oppose à nos valeurs communes, à ces valeurs parmi les plus intangibles et les plus fondamentales de notre République.
En cet instant, il nous appartient donc avant tout de mesurer la responsabilité, qui est celle de la représentation nationale tout entière, de répondre à cette pratique, de répondre à ceux qui, dans notre pays, s’estiment en droit d’asservir des femmes en leur imposant ce qui n’est rien d’autre qu’une véritable mort sociale, pour leur adresser le message unanime d’une République rassemblée et confiante en la force de ses valeurs comme en celle de son idéal.
Pour autant, mes chers collègues, nous ne sommes pas aujourd’hui réunis dans cet hémicycle pour légiférer ou définir les contours juridiques de cette réponse, mais bien pour proclamer et faire vivre cet idéal républicain qui tous ici nous rassemble.
La révision constitutionnelle de 2008 a ouvert aux assemblées parlementaires la possibilité de voter des résolutions. Ce faisant, notre assemblée s’est ainsi vue doter d’un moyen, qui lui était refusé depuis 1958, de s’exprimer solennellement sur une question en formalisant sa position par le vote d’un texte.
Ne nous y trompons pas, avec la discussion de cette résolution, nous nous trouvons donc bien sur le terrain des symboles. Aujourd’hui, c’est d’abord à ces femmes que nous nous adressons, à toutes celles qui, sur notre territoire, subissent la loi du voile intégral, mais aussi à toutes celles qui, de par le monde, luttent durement encore pour la reconnaissance de leurs droits.
C’est pour elles qu’il nous faut à présent renouer avec l’extraordinaire incandescence des premières lignes du Préambule de 1946: « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et les libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »
Oui, mes chers collègues, le port du voile intégral est bel et bien une pratique aux antipodes de nos valeurs républicaines.
Certes, le port du voile intégral interroge, en apparence, d’abord notre conception de la laïcité. Si la République reconnaît à chacun la liberté de culte, sous réserve que celle-ci ne trouble pas l’ordre public, au nom du principe d’égalité, nul ne peut se prévaloir de son appartenance communautaire ou religieuse pour s’affranchir des règles communes.
Ne mélangeons cependant pas, mes chers collègues, la question du voile intégral avec celle des signes religieux portés à l’école. Il ne s’agit pas aujourd’hui de protéger la neutralité de la République, celle de ses institutions comme celle de ses agents, car elle n’est pas en cause. Ce dont il s’agit en réalité, c’est bien d’une pratique observée dans l’espace public par des personnes qui y sont libres de leurs opinions. Ce n’est donc pas de laïcité qu’il s’agit et c’est pourquoi toute réflexion placée dans cette perspective ne pourrait immanquablement qu’achopper.
M. Pierre Forgues. Très bien!
Mme Colette Le Moal. Dans son fondement même, le débat sur le voile intégral n’est pas un débat sur la place des religions dans notre pays. Sur cette question, du reste, comment être plus clair que ne l’est déjà l’article 1 er de notre Constitution: « La République respecte toutes les croyances »? Autrement dit, car il ne saurait y avoir aucun malentendu sur ce point, la religion musulmane a bien, comme les autres, toute sa place en France.
Oui, le débat sur le voile intégral est en réalité un débat sur la place et le rôle de la femme dans la société, sur ses droits dans la République. Le port du voile intégral nous choque en ce qu’il nous renvoie l’image d’une société où, pour survivre, la femme en serait réduite à se placer sous la protection et sous la domination d’un homme, père ou époux. Cette conception de la société n’a pas sa place dans notre pays.
Refuser l’asservissement des femmes à qui le port du voile intégral se trouve autoritairement imposé, ce n’est pas chercher à dresser une catégorie de Français contre une autre; c’est au contraire proclamer et faire vivre ce qui nous rassemble, ce qui fonde notre projet républicain, notamment ce principe d’égalité entre hommes et femmes.
Ayons aussi le courage de le reconnaître, la République n’a pas, au long de son histoire, toujours été exemplaire sur ce point, tardant notamment à reconnaître aux femmes le droit de vote. Cette époque est révolue depuis longtemps, et si beaucoup reste à faire, il n’en demeure pas moins que le principe d’égalité entre hommes et femmes s’est désormais bel et bien imposé comme l’un des points cardinaux de toute action publique.
Mes chers collègues, le port du voile intégral constitue tout à la fois: un déni de liberté lorsqu’il a lieu sous l’effet de la contrainte, que celle-ci soit patente ou diluée dans un environnement social ; une négation de l’égalité entre citoyens qui dépouille la femme de son identité, quand ce n’est pas de son humanité ; le refus affiché de l’idéal de fraternité, une volonté de se soustraire au vivre-ensemble républicain.
M. Éric Raoult. Très bien!
Mme Colette Le Moal. Aussi, mes chers collègues, sur une question impliquant aussi directement les principes qui sous-tendent notre République et son projet de société, saurait-il n’y avoir d’atermoiements ni de réponse partielle. C’est pourquoi, je veux le dire sans ambiguïté, les députés du Nouveau Centre apporteront leur soutien à cette résolution. Ils voteront ce texte.
Mes chers collègues, notre soutien ne va cependant pas sans regrets: regrets quant à la forme, mais aussi, malheureusement, quant au fond de ce texte.
Regrets quant à la forme, car le texte dont nous discutons aujourd’hui n’est pas celui qu’avaient élaboré les membres de notre mission d’information.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Tout à fait!
Mme Colette Le Moal. Nous ne cherchons pas, sur ce point, à créer une polémique qui ne serait en tout état de cause que secondaire. Le groupe majoritaire, en déposant ce texte, a sans doute estimé qu’il assumait là sa part de responsabilité dans le débat qui nous occupe. Pour notre part, nous regrettons pourtant que le processus consensuel initié par la constitution au sein de notre assemblée d’une mission d’information pluraliste n’ait pu être mené jusqu’à son terme, tant la réponse de la République au port du voile intégral porte en elle l’exigence de l’unanimité.
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Très bien!
Mme Colette Le Moal. Regrets quant au fond car, au gré des négociations qui ont mené à la rédaction du présent texte, un élément à nos yeux essentiel en a disparu: la référence explicite faite au vivre-ensemble républicain.
Il ne s’agit pas là, mes chers collègues, d’une simple question de principe.
Passé le vote de cette résolution, il nous faudra pousser le débat à son terme et légiférer pour mettre en conformité les discours et les actes. Or, nous le savons – le Conseil d’État l’a d’ailleurs rappelé dans son avis rendu à la demande du Premier ministre – la voie qui mène à l’interdiction générale du voile intégral est étroite et juridiquement fragile.
En effet, si le constituant est souverain dans notre ordre juridique, le législateur, pour sa part, ne l’est que partiellement, dans la mesure où ses travaux font l’objet d’un contrôle de la part du juge constitutionnel, contrôle s’opérant aussi bien a priori , lorsqu’un projet de loi lui est soumis préalablement à son entrée en vigueur, qu’ a posteriori , depuis la possibilité ouverte, voici quelques semaines, d’invoquer la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à nos concitoyens de contester devant la justice la constitutionnalité des lois qui leur sont opposées.
Les travaux de la mission d’information comme ceux du Conseil d’État ont montré que la difficulté réside dans le fait qu’une interdiction générale du voile intégral, mesure que nous soutenons, se trouve aux carrefours de plusieurs principes ayant valeur constitutionnelle: la garantie des libertés individuelles, qui, selon certains, peut aller jusqu’à accepter certaines formes d’asservissement volontaire; l’égalité entre hommes et femmes; mais aussi la préservation de la dignité de la personne humaine, des divergences significatives existant du reste autour de cette notion entre la jurisprudence des juridictions françaises et celle de la Cour européenne des droits de l’homme.
Certains principes sont moins souvent mis en avant, bien qu’ils nous semblent juridiquement plus prometteurs. Je pense notamment à la préservation des droits des tiers, traduction juridique de cette notion de vivre-ensemble républicain qui veut que chacun soit, en République, à même d’identifier ou de reconnaître la personne avec qui il échange, discute ou entre en contact. Ce droit des autres doit être respecté lui aussi.
C’est en ce sens, mes chers collègues, que nous regrettons l’absence d’une référence claire et explicite à la notion de vivre-ensemble.
Sur un sujet d’une telle prégnance, ne négligeons pas les effets dévastateurs qui accompagneraient immanquablement une censure de la part du juge constitutionnel. Ce ne serait pas alors la défaite d’un camp contre un autre, mais bien plus, un camouflet pour la République.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, le débat que nous aurons ici même dans quelques semaines revêtira bel et bien une importance cruciale. Passé le vote de cette résolution, il nous appartiendra de définir ensemble les contours d'un texte juridiquement viable pour que, sur cette question du voile intégral, valeurs et principes républicains coïncident enfin avec le droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.
Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, mes chers collègues, je rappelle tout d’abord à M. Glavany que le texte est un progrès non pas seulement pour les droits des femmes mais bien pour notre République et la démocratie. Je suis choquée de son argumentation.
Pourquoi voter ce texte? Précisément parce qu’il emporte avec lui l’intérêt de la nation et le contenu de nos valeurs républicaines! (« Très bien! » sur les bancs du groupe UMP.) Je voudrais le rassurer: avec le Gouvernement, avec notre groupe parlementaire et son président, Jean-François Copé, nous sommes déterminés à poursuivre l’action en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes parce que nous sommes convaincus que c’est un combat permanent et prioritaire.
Je veux dire combien j’ai été également choquée, en tant qu’ancien ministre des droits des femmes, d’entendre M. Bocquet parler d’instrumentalisation politique quand la question fondamentale qui nous rassemble ici est la liberté aliénée des femmes et l’instrumentalisation de leur propre vie face à des pratiques insupportables. Je m’étonne de cette attitude.
J’en profite pour saluer à nouveau l’initiative d’André Gerin. Il y a quelques années, lorsqu’un imam à Vénissieux avait cru devoir légitimer la lapidation, je me souviens parfaitement de votre révolte républicaine, monsieur Gerin, et, surtout, de la façon dont, ensemble, nous avons suscité une réaction immédiate par l’expulsion de cet imam.
M. Jacques Myard. Très bien!
Mme Nicole Ameline. Madame la garde des sceaux, votre intervention, votre détermination et votre engagement sont ô combien essentiels à ce débat. Le visage de la France, c’est le visage d’une femme; les fondements de notre République, ce sont ses valeurs, ses principes, ses engagements de toujours. Aujourd’hui, nous devons avoir le plus grand respect pour cette question, car nous avons besoin d’une société d’égalité, de confiance, de tolérance, de respect.
L’égalité entre les hommes et les femmes est précisément la pierre angulaire de la démocratie moderne que nous voulons construire. C’est une victoire de la démocratie qui nous oblige à garder cet engagement permanent, surtout lorsque, partout dans le monde, des femmes sont encore les premières victimes des violences, lorsque, au cœur de l’Europe, des femmes se battent encore pour concilier vie professionnelle et vie familiale, et lorsque des femmes sont confrontées à des pratiques extrémistes qui les privent de leur identité, de leur voix et jusqu’à leur visage.
Agir, réagir, avons-nous le choix? Avons-nous le choix, alors que les symptômes de la régression des femmes font irruption dans la rue et dans l’espace public? On ne survit pas dans le renoncement; c’est le courage qui fait l’histoire; à cette même tribune, Simone Veil nous a appris la première que seules les décisions courageuses forgent le destin des femmes. C’est le courage aussi de notre groupe parlementaire qui s’est engagé résolument, sans hésiter, à faire en sorte que nous relevions un défi majeur pour une démocratie moderne désireuse d’être en phase avec son temps. C’est aussi le courage du Gouvernement et du Président de la République, qui ont décidé de réagir de manière claire, cohérente, dans le cadre, rappelons-le, d’une année consacrée aux droits des femmes.
La burqa est évidemment incompatible avec les valeurs de la France et de la démocratie. La démocratie, c’est le partage des droits et des devoirs, pas le séparatisme. L’espace public, c’est la tolérance, la reconnaissance, pas le retranchement. Vous l’avez dit vous-même, madame la garde des sceaux, la démocratie se vit à visage découvert. Notre cadre républicain est bien le respect de la personne, pas sa négation, le rassemblement, pas la division. Ce constat est partagé par la communauté musulmane, avec laquelle il est absolument nécessaire d’envisager une pédagogie active et de rechercher les voies d’une solution efficace et apaisée.
Fallait-il attendre? Évidemment non! Les droits des femmes n’attendent pas, et nous avons aujourd’hui des réponses fortes à donner. Il faudra d’ailleurs aller plus loin et poursuivre la politique de l’égalité jusqu’à toucher les femmes dans leur isolement, dans leur marginalisation. Nous sommes tous attachés à ce que, à tous les niveaux, l’égalité devienne un principe actif d’une démocratie moderne. J’ose espérer voir un jour un ministère de l’égalité et des droits des femmes, que nous sommes nombreux à souhaiter. (Exclamations sur divers bancs.)
Mme Marie-Odile Bouillé. Ce serait très bien!
Mme Nicole Ameline. Je ne suis pas candidate.
M. Jean Glavany. C’est vraiment dommage!
Mme Nicole Ameline. J’ai déjà eu l’honneur d’exercer cette fonction.
Dans quelques jours, nous accueillerons à Paris le comité de l’ONU en charge des discriminations contre les femmes. C’est la fierté et l’honneur de la France de donner un signal aux femmes qui, dans le monde, de Kaboul à Sanaa et de Bamako à Buenos Aires, se battent tous les jours pour leur liberté, leur dignité et l’égalité. Aujourd’hui, ce travail éthique que nous menons au sein de l’hémicycle doit se poursuivre à l’échelle de la planète. Je suis également fière d’observer que le Gouvernement, à travers toutes ses interventions dans le monde, tant dans le champ social qu’économique et culturel, fait, à sa manière, progresser le droit international. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal.
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à préciser que j'associe Mme Pau-Langevin à mon intervention.
Si une image doit nous venir à l'esprit pour illustrer le gouffre qui sépare le port du voile intégral de la République, c'est bien Marianne: une femme parée du bonnet des affranchis, qui va le visage fier, le menton haut, la gorge offerte.
M. Pierre Forgues. Très juste!
Mme Danièle Hoffman-Rispal. Cette femme s'expose, elle se manifeste. Ce faisant, elle incarne l'un des principes majeurs de la vie en démocratie. Sous ce régime exigeant, le citoyen a le devoir de se manifester dans l'espace public, de dire ce qu'il est, de dénoncer les injustices dont il s'estime victime, d'exposer ses attentes. Cela ne va pas sans conflit, mais, comme l'écrivait Montesquieu, « toutes les fois qu'on verra tout le monde tranquille dans un État qui se donne le nom de République, on peut être assuré que la liberté n'y est pas ».
Face au voile intégral, nous ressentons un malaise; nous nous arrêtons et regardons, intranquilles, passer ce grand morceau de mauvais drap. Est-ce là le trouble qu'attendait Montesquieu, cette manifestation-là à laquelle Marianne nous invite? À ces deux questions, je réponds par la négative.
Que manifeste la porteuse du voile intégral? De quoi cet objet est-il le signe? Les motivations de cette pratique sont nombreuses, nos travaux au sein de la mission d'information l'ont assez démontré. Néanmoins quelle que soit leur diversité, le résultat seul importe: ce que nous voyons se manifester, c'est la soumission des femmes et le rejet de la République. Marianne et le voile intégral expriment des conceptions du monde très opposées.
Les défenseurs du voile intégral nous parlent de pudeur. En démocratie, la pudeur consiste à considérer l'autre avant d'agir, de manière à ne rien faire qui puisse le gêner au-delà du sens commun. Dans notre pays, aller le visage découvert est encore la meilleure façon de passer inaperçu. Allez sous un voile intégral, tout le monde vous regardera, tout le monde vous jugera!
Que la porteuse manifeste sa foi, c'est à la fois vrai et faux. Vrai, elle manifeste sa foi; faux, c’est un vêtement qui manifeste à sa place. Elle, elle a disparu, elle n'est plus rien, et certainement pas une femme pieuse que tout passant pourrait identifier comme telle. La femme s'est éteinte sous la foi. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur divers bancs des groupes UMP et NC.)
Je voterai cette résolution. Elle rappelle tous les principes de la République. Celle-ci repose sur le primat de l'individu, la supériorité de ses droits sur les droits que certaines communautés s'arrogent pour soumettre leurs membres et leur dicter leur façon de penser et d'agir.
Qui, en France, aujourd’hui, connaît la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen? Qui est en mesure de dire ce qu'est une République? Je ne crois pas que les femmes portant un voile intégral le sachent et le puissent, sinon elles n'abandonneraient pas une vie libre pour la vie d'une esclave.
Cette résolution devrait marquer la première étape d'un effort commun, d'un retour sur soi opéré par la République. Au sein de la mission, nous nous étions accordés sur la nécessité d'enseigner la démocratie à nos enfants, pour éviter le développement des pratiques discriminatoires, du communautarisme, du déni de solidarité.
Je ne me fais pas d'illusion sur ce moment solennel. Je m'en fais d'autant moins que cette résolution a perdu de sa portée, comme nos travaux de leur sérénité, par l'intervention constante d'éléments extérieurs qui ont perturbé, de leurs invectives et déclarations péremptoires, la recherche de consensus à laquelle nous œuvrions. Je ne parlerai pas des débats sans rapport sur l'identité nationale et les minarets suisses. Ils se reconnaîtront, ceux qui, depuis le début, sans respect pour leurs collègues, c'est‑à‑dire pour le peuple français, agitent le voile intégral dans les médias, promettent une loi, invoquent l'urgence. La loi, l'interdiction, il n'a plus été question que de cela. Cette attitude dégrade notre parole.
Par la résolution, nous demandons aux Françaises et aux Français de renoncer à une pratique ridiculisant la liberté, violant le principe d'égalité, reniant toute idée de fraternité. Nous le demandons en cherchant à la comprendre, pour donner au malaise dont elle témoigne un autre débouché.
Ne serait-ce que pour cela, je m'oppose à l'interdiction générale du port du voile intégral dans l'espace public. Elle n’agirait que sur les conséquences du phénomène, pas sur ses causes: l'absence d'éducation civique, la ghettoïsation d'une part croissante de la société, la persistance des discriminations, l'inculture et l'ignorance d'une jeunesse sans repère. Le voile intégral est le fruit de tout cela. Ce n'est pas en supprimant un par un les symptômes d'une maladie qu'on la soigne! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. André Gerin.
M. Jacques Myard. L’honneur de son parti!
M. André Gerin. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, en juin2009, la mission d’information, composée de cinquante-sept députés de gauche et de droite, a jeté un pavé dans la mare pour tirer de l’indifférence et de l’aveuglement les responsables politiques de ce pays, en particulier ceux qui jouent aux apprentis sorciers en s’accommodant du communautarisme
Après vingt ans de laisser-faire, la population en a marre. Un malaise profond s’est installé, y compris chez les musulmans, depuis l'apparition dans les rues de fantômes, de cercueils ambulants, de femmes portant de véritables muselières, illustrant ce que j’appelle l’ apartheid au féminin.
La mission a débouché sur un rapport exceptionnel qui met en évidence la gravité de la situation et est devenu une référence au niveau international. Ce rapport montre que le voile intégral, partie émergée d’un iceberg fait de pratiques radicales, d’archaïsme et d’intégrisme, constitue autant l'étendard de mouvements communautaires et radicaux qu’une pratique opposée aux valeurs de la République qui rend urgente l’exigence de protéger et de libérer les femmes. Cet état des lieux est partagé par toutes les sensibilités politiques.
Quelles que soient nos contradictions, nos oppositions partisanes – droite ou gauche –, la République permet ce ciment autour de nos valeurs et de nos idéaux, le fondement de notre civilisation. Il n’y a pas de place pour les calculs politiciens et électoralistes.
Avec le fondamentalisme, une idéologie barbare de même nature que la « bête immonde » née du ventre fécond des années trente se développe avec ce que j’appelle des talibans français, qui instrumentalisent l’islam et le religieux.
Cette résolution sera une marque forte, une nouvelle étape après la loi de 2004, à la suite du rapport de Bernard Stasi. La loi que propose le Gouvernement sera, je crois, une loi de libération pour les femmes, pour nos enfants, alors que, dans certains territoires, c’est la charia qui règne. Interdire d’avoir le visage couvert dans tout l’espace public, c’est pour moi un enjeu de civilisation.
Il est fondamental que les Républicains de gauche et de droite se retrouvent pour défendre ce qu’il y a de meilleur depuis le Siècle des Lumières, car c’est à nous tous qu’est posée cette question.
Depuis que, il y a trois ans, j’ai écrit mon livre Les Ghettos de la République , j’ai, chevillée au corps, la conscience qu’il est temps, grand temps de réagir aux dérives, voire à la décomposition politique et sociale de la société française. Il y a eu l’électrochoc des présidentielles de 2002, les émeutes de novembre2005 – le bilan reste à faire pour savoir combien de symboles de la République ont été visés dans les 800 communes touchées. La paupérisation économique et sociale, la paupérisation morale et culturelle, conséquence d’un capitalisme financier ravageur, est surtout l’objet d’une instrumentalisation de la part d’une minorité de gourous intégristes, qui s’en nourrissent, alors que se développent les mafias, les trafics de drogue, les fondamentalistes musulmans, les difficultés de l’intégration et de la misère.
En 2004, l’affaire de l’imam Bouziane m’a convaincu que la gangrène avait commencé avec des poches talibanes dans notre pays, qui combattent la République, qui développent un racisme anti-France et anti-blancs. Je veux témoigner du discours de l’iman Bouziane et d’autres qui travaillent comme des taupes dans les quartiers.
Pour moi, livrer ce combat, c’est tendre la main à la majorité des musulmans qui veulent vivre paisiblement. C’est donner à l’islam, deuxième religion de France, une place digne, dans les principes de la loi de 1905 – mais, je le dis à ma manière, à un islam « républiquement compatible ».
Aujourd’hui, combattre le communautarisme, c’est une question de courage et de volonté politique. C’est le rendez-vous des Républicains. Nous devons refuser le communautarisme, dont certains s’accommodent parfois, à gauche et à droite. En votant cette proposition de résolution et le projet de loi qui nous sera proposé, nous choisissons, selon moi, la République contre la barbarie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mme Laure de La Raudière. Félicitations!
M. André Gerin. C’est pour moi une attitude salutaire…
Mme Laure de La Raudière. C’est courageux!
M. André Gerin. …car l’heure n’est pas à la dérobade. C’est le courage civique et républicain qui est à l’ordre du jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Besse.
Mme Véronique Besse. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de résolution est une occasion rare de rappeler ce qui fait la singularité de notre pays et l’identité du peuple français.
Dans le cœur du peuple français bat cet amour pour la France, nation millénaire dont la grandeur ne se mesure pas à l’étendue de ses frontières, mais à son génie culturel.
Tout le génie de la nation française est de porter des valeurs universelles. Pendant des siècles, l’assimilation a permis à des milliers de femmes et d’hommes de rejoindre notre peuple. Mais, depuis quelques décennies, l’assimilation ne fonctionne plus et la France vit une crise identitaire sans précédent. Notre pays est devenu un damier où la fusion ne se fait plus. Tandis que l’on décroche le drapeau français du fronton de nos mairies et que l’on siffle l’hymne national dans les stades, des quartiers entiers vivent en sécession dans la haine de la France et de ses valeurs.
Comment en est-on arrivé là? Pendant des années, l’idéologie dominante a imposé de tout admettre, jusqu’aux comportements les plus contraires à notre culture. Sous couvert de tolérance, il a fallu accepter tous les renoncements. Dans le même temps, la France et son histoire étaient jetées aux oubliettes, sous le double sceau de la culpabilité et du relativisme.
Promise à une mondialisation heureuse, la France était condamnée, comme disait un ancien Président de la République, à n’être que notre passé, tandis que l’Europe serait notre avenir. Pour se fondre dans la mondialisation, la France et les Français devraient abandonner leurs codes et leurs valeurs.
C’est ce relativisme culturel qui a porté la nouvelle idéologie du différentialisme. En attaquant l’histoire et la culture françaises, on a favorisé leur contestation. En renonçant au modèle d’assimilation, nous avons troqué notre bien le plus précieux pour un poison dangereux que l’on appelle « intégration », mais qui porte en germe la désintégration de notre société.
Depuis trop longtemps, la France n’assimile plus: elle intègre, elle sépare, elle isole. Par peur de « franciser », elle renonce à ses valeurs et fait le lit du communautarisme.
Moins on affirme l’identité française, plus les Français se divisent. Le danger qui nous guette aujourd’hui, c’est de voir la France, qui a été un phare dans l’histoire pour des millions de femmes et d’hommes, se désagréger sous les coups de l’intégration.
Cette intégration se présente comme un droit à la différence, mais conduit tout droit à la dissidence, alors que l’assimilation offre un droit à la ressemblance.
L’intégration, c’est un chemin de traverse qui conduit à toutes les amertumes. L’individu n’est plus tout à fait du pays d’où il vient, sans être tout à fait du pays où il est. Il est à mi-chemin entre ses souvenirs et son destin.
La France ne doit pas être cet agrégat d’individus étrangers les uns aux autres. Elle est et doit rester animée par sa culture spécifique qui place au premier rang de ses valeurs la volonté d’un destin commun. C’est pourquoi nous ne devons pas renoncer à l’assimilation à la française.
C’est pour cette raison que le port du voile intégral doit être interdit dans l’espace public. Son interdiction est un acte déterminant: d’abord pour notre nation tout entière, comme cela a été dit plus haut; mais aussi pour celles qui le portent sous la contrainte et sans l’avoir choisi –, il s’agit clairement d’une atteinte à la dignité des femmes et à notre identité, ce qui doit être fermement condamné –; enfin pour celles qui – ne nous leurrons pas – le portent de manière volontaire, comme un défi, face à une société de plus en plus permissive et qui a perdu tous ses repères.
Les personnes qui portent ou font porter le voile intégral, entendent ainsi marquer leur refus complet de toute assimilation. Le port du voile intégral est d’abord une réaction à une société qui ne protège plus, qui ne propose plus de valeurs communes et qui relativise sa propre identité.
Face à cette volonté manifeste de tester le degré de résistance de notre société, face à la tentative de banalisation de cette forme d’asservissement de la femme, une loi d’interdiction claire et sans ambiguïté est donc absolument décisive.
Ce défi, nous devrons y répondre avec force et conviction. Car, si nous cédons devant cette revendication communautariste, nous en connaîtrons alors beaucoup d’autres.
Réaffirmons plutôt que notre tradition nationale est celle de l’assimilation, que nous sommes heureux d’accueillir ceux qui aiment la France, mais que nous ne souhaitons pas que des populations vivent détachées sur notre sol, dans des ghettos intellectuels, moraux et religieux.
Réaffirmons que la représentation nationale possède cette volonté de protéger la dignité de la personne humaine et de faire respecter les valeurs qui ont fait la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Glavany. Et la République!
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Bouchet.
M. Jean-Claude Bouchet. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus de deux siècles après la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, soixante-deux ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, trente et un ans après la Convention internationale visant à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par les Nations unies, je ne pensais pas qu’en France, en ce 11 mai 2010, nous serions obligés de défendre le respect des valeurs de notre République, libre, égale et fraternelle.
Notre société connaît actuellement une crise profonde liée à des problèmes de coexistence. En effet, beaucoup de nos concitoyens s’interrogent sur leur avenir et sur le fait de vivre ensemble. À ce titre, le port du voile intégral pose plusieurs problèmes. Le premier tient au fait que le visage humain participe du vivre ensemble dans une société démocratique.
Le visage découvert est de plus une condition nécessaire pour que la sécurité des personnes puisse être assurée. Un enseignant doit par exemple pouvoir reconnaître la personne à qui il remet un ou plusieurs enfants.
À ce stade, il me paraît important de préciser que le port du voile intégral n’est pas une prescription religieuse. Les représentants de l’islam en France l’ont affirmé, et cela est reconnu par tous. La burqa est même, selon le spécialiste de l’islam et politologue français Olivier Roy, une invention ou pratique récente du mouvement intégriste salafiste dans les pays du Golfe et au Pakistan.
Ce voile intégral accentue ainsi violemment la tradition séculaire du purdah . Le port de la burqa outrepasse largement cette tradition et ne se fonde sur aucune prescription coranique. La burqa est « le symbole de l’oppression sur les femmes par ceux qui luttent contre la mixité ».
Ainsi, en portant atteinte au respect de la femme et à la dignité humaine, valeurs fondamentales de notre société, le port du voile intégral ne peut pas être considéré comme « acceptable » et constitue non seulement une pratique contraire à l’ordre public mais un acte de défiance à l’égard de la communauté nationale.
Alors que le port du voile était totalement inconnu dans notre pays il y a moins de dix ans, nous assistons actuellement à une montée en puissance de cette tenue. Parmi les femmes qui l’arborent, nous ne devons pas ignorer celles qui le font uniquement sous contrainte.
Pour échapper à ce carcan, nombre d’entre elles souhaitent, désirent et attendent avec impatience qu’une politique commune des pays européens soit mise en place pour interdire ce vêtement de soumission. La Belgique est devenue le premier pays européen à bannir tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage. Mais la Belgique n’est pas isolée dans sa démarche. Au Danemark, après six mois de débats, le gouvernement a décidé, fin janvier, d’encourager toutes les restrictions au port du voile intégral dans les lieux publics et, parallèlement, a annoncé qu’il préparait une loi punissant jusqu’à quatre ans de prison les personnes jugées coupables d’imposer le port de la burqa . En Italie, une loi interdit depuis 1975 d’avoir le visage masqué en public et est utilisée aujourd’hui pour prohiber le port du voile intégral. Enfin, aux Pays-Bas, le débat est en cours sur une interdiction générale de la burqa .
L’adoption d’une résolution sur l’attachement au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte est un acte symbolique, fort et primordial. En effet, il s’agit pour nous, élus de la nation, de réaffirmer solennellement, et je l’espère de façon unanime, notre attachement inébranlable aux valeurs et fondements de la République française.
Nous ne devons pas, sous la pression d’un courant d’un islam rigoriste, abandonner ces femmes qui retournent à des pratiques et à des coutumes d’un autre temps. Ne rien faire, ce serait bafouer le principe de l’égale dignité de l’homme et de la femme. Ce serait tolérer l’intolérance. Ce serait favoriser l’amalgame entre islam et islamisme. Ne rien faire, ce serait montrer notre faiblesse face aux manifestations provocatrices du radicalisme religieux dont la burqa est l’étendard. Ne rien faire, ce serait décevoir l’immense majorité de nos concitoyens qui demeurent choqués par l’expression sur le sol national de l’intégrisme radical. Ne rien faire, enfin, ce serait trahir les soldats français qui se battent en Afghanistan afin de mettre un terme à la tyrannie des talibans et qui le paient de leur vie.
C’est pourquoi j’apporte un soutien sans réserve à l’initiative de Jean-François Copé et souhaite, mes chers collègues, que vos convictions se traduisent par un vote unanime en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rappelait notre collègue Jean Glavany, nous avons participé loyalement et assidûment à la mission d’information sur le port du voile intégral. Nous avons découvert l’existence du voile intégral, il y a quelques années, au moment de la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan. Il n’existait alors ni en France ni ailleurs. Je précise que le voile intégral n’est pas la burqa afghane.
L’objectif de la mission d’information était de comprendre pourquoi le voile intégral était apparu dans notre pays et comment il était possible de lutter pour le faire disparaître. Il s’agissait non seulement de s’interroger sur la signification du voile pour celles qui le portent, mais de se demander en quoi il interpelle notre société et de réfléchir aux valeurs que la France se propose de déployer pour le monde entier. La tradition de la France, c’est l’universalisme. La tradition de la République, madame Besse, c’est l’universalisme, la recon naissance d’individus libres et égaux en droits, et non des sujets d’une quelconque royauté ou des ressortissants d’un bro, comme dirait M. de Villiers.
Nous attendions beaucoup de la mission d’information, mais certainement pas des réponses préconçues. Après avoir entendu de nombreux experts et témoins, il est apparu que le meilleur moyen de lutter contre le port du voile, c’était de déployer la République, que le meilleur moyen de lutter contre le voile intégral, c’était la République intégrale, car toute atteinte à l’un des trois aspects du triptyque républicain entame le pacte républicain.
Nous avons donc été particulièrement déçus que vous n’ayez rien retenu de ce qui a été dit dans le cadre de cette mission, notamment sur les raisons du développement de pratiques radicales liées à des logiques de ghettoïsation, qui enferment et favorisent le repli communautaire. Rien dans ce que vous envisagez ne permet de lutter efficacement contre les logiques de ghettoïsation.
En fait de propositions, il n’y a que gesticulations, idées toutes faites. C’est pourquoi nous sommes pour l’intégralité du programme de cette résolution. Nous vous prenons au mot, car nous pensons que la République doit être exemplaire. La représentation nationale doit solennellement réaffirmer que les pratiques attentatoires à l’égalité entre les hommes et les femmes sont contraires aux valeurs de la République, que l’exercice de la liberté d’expression ne saurait être revendiqué par quiconque pour s’affranchir des règles communes au mépris des valeurs, des droits et des devoirs qui fondent la société. Il faut le rappeler à ces personnes qui, tous les samedis soir, s’expriment sur le service audiovisuel public et présentent leur vision différentialiste de la société en disant à quel point il est dangereux que les valeurs de la société se féminisent.
Nous sommes d’accord pour réaffirmer solennellement notre attachement au respect des principes de dignité, de liberté, d’égalité et de fraternité entre les êtres humains, sans considération de leur nationalité. Nous vous le rappellerons quand nous examinerons l’énième projet de loi sur l’immigration.
Nous sommes d’accord pour rappeler que la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes doivent être des priorités des politiques publiques menées en matière d’égalité des chances. Nous vous le rappellerons lorsque, en loi de finances, vous proposerez, comme vous l’avez déjà fait, de réduire les moyens de la HALDE. À cet égard, je rappelle que l’acceptation de la candidature de Mme Bougrab a été conditionnée au fait qu’elle s’engage à ne pas demander un euro supplémentaire pour la lutte contre les discriminations.
Tous les moyens utiles – et nous ne manquons pas d’idées – doivent être mis en œuvre pour assurer la protection effective des femmes qui subissent des violences ou des pressions, mais nous ne les limitons pas aux femmes. Toutes les personnes victimes de violences et de pressions méritent la protection de la République. Or les personnes qui subissent de telles pressions sont, hélas, nombreuses, dans les quartiers qui se ghettoïsent: par exemple les conducteurs et les conductrices de bus. C’est de cela dont on nous parle dans nos permanences; de la souffrance sociale, du déni d’égalité des chances face à l’emploi, à la promotion, à l’égalité professionnelle, à l’égalité salariale, à l’endettement.
Oui, nous sommes favorables à tout ce qui est réaffirmé dans cette proposition de résolution. Au nom de ces principes, nous ne voterons pas tout ce qui enfreindra ces principes que vous croyez utile de rappeler – mais personne n’est dupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. J’insiste, mes chers collègues, sur la nécessité de respecter vos temps de parole, car un scrutin public doit avoir lieu à l’issue de vos interventions et, vis-à-vis de ceux de vos collègues qui se sont organisés pour être présents à ce moment-là, il ne faudrait pas que le débat prenne trop de retard.
La parole est à Mme Marie-Louise Fort.
Mme Marie-Louise Fort. « Le visage est l’image de l’âme », écrivait Cicéron au I er siècle avant Jésus-Christ. En tout temps et en tous lieux, priver un homme ou un groupe d’hommes de son image, de son visage, n’a jamais conduit à autre chose qu’à l’exclure de la communauté humaine.
Substituer une étoile, un triangle ou un matricule à un visage n’est pas autre chose que vouloir détruire l’identité de l’homme. Masquer son visage à l’autre, c’est s’exclure de ses semblables.
Privez-moi de ce visage et je ne serai rien. Privez l’enfant du visage de sa mère dans la rue et il devient orphelin à côté d’une ombre.
Notre société a mené un dur combat durant tout le XX e siècle en faveur de l’émancipation des femmes, pour faire évoluer leur condition et coller à la réalité de l’égalité, une des valeurs cardinales de notre République.
Ma grand-mère, ma mère, moi-même, nous nous sommes réjouies des progrès accomplis. Or, alors que j’espère, pour mes filles et mes petites-filles, un monde plus juste encore, voilà que s’impose aujourd’hui de débattre ici, dans la plus sacrée de nos enceintes, du voile intégral.
Certains nous accusent de stigmatiser, d’exclure, d’attenter à la liberté de conscience. Ne croyez-vous pas au contraire, mes chers collègues, que, au nom de la tolérance – en réalité, une faiblesse laxiste –, en ne réagissant pas, nous contribuerions à stigmatiser, à renier les acquis des femmes?
Aurions-nous la mémoire courte? Rappelez-vous qu’Élisabeth Badinter a débuté son audition par ces mots: « Je commencerai par rappeler un souvenir […]: le choc ressenti la première fois que nous avons vu à la télévision, il y a à peine dix ans, les femmes fantômes d’Afghanistan. L’image de ces femmes enfermées dans leur burqa , un mot qui nous était à l’époque inconnu, est à tout jamais liée aux talibans, à la lapidation, à l’interdiction de l’école pour les fillettes, en bref, à la pire condition féminine du globe – et, en ce domaine, la concurrence est féroce. »
Mme Fabienne Labrette-Ménager. En effet! Très juste!
Mme Marie-Louise Fort. Sommes-nous devenus sourds, chers collègues, au pays des droits de l’homme, pour n’entendre que celles qui revendiquent par souci de provocation, et oublier celles qui ne s’expriment pas, celles qui sont contraintes au silence?
M. Pierre Forgues. Très bien!
Mme Marie-Louise Fort. N’avons-nous pas le devoir essentiel de veiller sur les obscurs et les sans-grade, les malmenés, les torturés de notre société?
Certains sur ces bancs ne veulent pas de loi, et voteront même peut-être du bout des lèvres, comme en s’excusant, la proposition de résolution.
M. Pierre Forgues. Non!
Mme Marie-Louise Fort. Il y a une loi que tout un chacun connaît: on doit assistance aux personnes en danger.
Mme Françoise de Panafieu. C’est vrai!
Mme Marie-Louise Fort. Nous forcer à accepter l’idée même, devenue réalité, de ces femmes fantômes, représente plus qu’un danger pour elles et pour nous toutes: c’est un crime moral contre le monde civilisé.
Bien des yeux sur la planète sont braqués sur nous parce que nous sommes porteurs d’un modèle attendu et espéré, et rien ne saperait davantage ce modèle que de céder à l’intégrisme et au sectarisme.
Merci au Président de la République de l’avoir dénoncé lors du Congrès de Versailles.
Mme Laure de La Raudière. Oui!
Mme Marie-Louise Fort. Merci à vous, madame la garde des sceaux, de vous appliquer avec talent et cœur à la rédaction de la loi qui nous sera bientôt soumise.
M. Claude Goasguen. Très bien!
Mme Marie-Louise Fort. Merci à notre collègue André Gerin, à son courage, et aux membres de la mission d’information de nous avoir éclairés. Merci à Jean-François Copé qui, contre vents et marées, souhaite que, par le biais de la loi, nous, parlementaires, poursuivions ce combat pour la dignité des femmes.
Mme Fabienne Labrette-Ménager. Très bien!
Mme Marie-Louise Fort. Plier aujourd’hui, mes chers collègues, reviendrait à dire à l’ensemble des femmes de France – aux femmes musulmanes comme aux autres – qu’elles ne sont rien et que nous les comptons pour rien.
Ce serait dire à tous nos compatriotes que la France n’est rien car, alors, nous admettrions qu’un voile d’obscurantisme s’abatte sur elle, sur ses valeurs et sur nous-mêmes.
Je voterai cette proposition de résolution et la loi qui suivra sans états d’âme ou, plutôt, de toute mon âme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Pierre Forgues. Bravo!
M. le président. La parole est à Mme Martine Martinel.
Mme Martine Martinel. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, comme mes collègues socialistes et radicaux, je voterai cette proposition de résolution non du bout des lèvres, mais en toute bonne foi et dans un esprit de concorde républicaine. Ce texte est en effet conforme à l’idée que nous nous faisons de la République et à notre attachement à ses valeurs.
Cependant, cette proposition de résolution sera suivie prochainement d’un projet de loi. Il ne faudrait pas que le vote positif d’aujourd’hui soit alors instrumentalisé. En cette année 2010, la lutte contre les injustices et les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale. C’est dans ce cadre que nous examinons cette proposition de résolution.
Dans cette perspective, il importe, au-delà de notre discussion sur le voile, que les droits de toutes les femmes soient préservés, renforcés et accrus, y compris pour les femmes françaises dans la République française, quelle que soit leur origine, peut-être, comme l’a suggéré Mme Ameline, en créant un ministère du droit des femmes. Sans chercher querelle à nos collègues, bien que les bancs soient clairsemés, l’on est en droit de s’interroger sur la représentation féminine au sein de notre assemblée et sur le respect de la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jean Glavany. Elle a raison! La discrimination, il faut la combattre partout!
M. Jean-François Copé. Quel est le rapport avec notre débat?
Mme Marie-Louise Fort. Précisément, soyons moins bêtes!
Mme Martine Martinel. Lisez le texte, mes chers collègues. Nos collègues masculins n’ont peut-être pas lu le texte.
Toujours à propos de discrimination, la réforme des collectivités territoriales à venir porte un coup sévère au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.
Pour en revenir à ce qui a motivé la rédaction de cette proposition de résolution, rappelons d’abord que la lutte contre les inégalités entre les sexes et la défense des valeurs de la République et de la laïcité ont toujours été au cœur des combats socialistes. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Mme Martine Martinel. Certes, il serait déplacé d’établir une hiérarchie entre les humiliations et les violences infligées aux femmes; mais la « consternation unanime » évoquée dans l’exposé des motifs à propos du voile intégral doit s’étendre à toutes les pratiques qui portent atteinte à la dignité et à l’intégrité de l’esprit comme du corps – je songe par exemple à l’excision.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à la montée en puissance d’une pratique tout à fait marginale au sein de l’islam et condamnée par le Conseil français du culte musulman. Cette pratique est contraire à l’idée que nous nous faisons de la dignité et de la liberté de la femme. Elle nous surprend et nous choque, car elle supprime toute rencontre avec l’autre, avec son visage.
Emmanuel Levinas, qui a livré une réflexion essentielle sur le visage, écrit: « Le visage de mon prochain est une altérité qui ouvre l’au-delà. » « Confronté à autrui, je ne suis plus un simple spectateur du monde. Dans cette rencontre de l’autre, toujours singulière, dans cette présentation d’un visage, désarmé et désarmant, se joue l’essentiel, l’absolu. Je dois apprendre à chaque fois que je ne suis pas seul au monde, et cela, seul autrui peut me l’apprendre. Je ne suis pas seul au monde, cela signifie que le monde n’est pas tout simplement mien, mon monde, ou qu’il ne l’est que dans la mesure où je peux l’offrir, le partager avec l’autre. On ne peut aborder le visage de l’autre, soutenir son regard, les mains vides. »
M. Michel Herbillon. Très belle citation!
Mme Martine Martinel. Merci, mon cher collègue.
Il est évident que, en vertu de nos codes culturels, nous ne comprenons pas ces visages masqués qui se dérobent à nos regards, qui se soustraient à toute forme de sociabilité. Notre réaction première, quasi-instinctive, est de lire dans le peu que nous percevons de ces visages une marque d’hostilité à notre endroit.
En tout état de cause, ce sujet, pour le moins troublant, doit nous conduire à réaffirmer les droits des femmes, à refuser leur aliénation et, aujourd’hui, puisque nous examinons cette proposition de résolution, à redire notre attachement aux valeurs républicaines, sans que cela préjuge de ce que sera notre position lors de l’examen du projet de loi relatif au voile intégral. Car il n’est pas pensable de prétendre légiférer sur la question en cultivant la politique du soupçon envers nos concitoyens musulmans et en pratiquant les amalgames les plus outranciers et les plus choquants, comme dans quelques-unes des interventions que nous avons entendues. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Guibal.
M. Jean-Claude Guibal. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la France est une République, tout en étant, depuis longtemps, mais aujourd’hui plus encore qu’auparavant, une terre d’immigration.
Elle est de ce fait confrontée à ce qui apparaît désormais comme un véritable défi: faire en sorte qu’une partie de ceux qui ont acquis la nationalité française partage ses valeurs. Il s’agit bien là d’un défi: les symboles de notre nation font, depuis plusieurs années déjà, l’objet d’outrages répétés – Marseillaise sifflée, drapeau brûlé et souillé, pour ne citer que quelques-uns des exemples les plus scandaleux.
La tentative d’imposer la burqa dans notre espace public constitue une étape supplémentaire d’une démarche communautariste et intégriste qui met en cause l’un des principes fondamentaux de notre République: l’égalité des citoyens – mais aussi le respect de leur mode de vie.
Cette offensive n’est le fait que d’un très petit nombre, qui instrumentalise à des fins politiques une religion dont la très grande majorité des croyants ne demande qu’à vivre en paix au sein de la République.
Il s’agit bien d’un détournement et d’une manipulation de la religion musulmane, qui repose sur les préceptes d’une intégration librement consentie. Dans l’un de ses hadith , le Prophète ne dit-il pas aux croyants: « Si vous êtes de passage dans un pays étranger, à partir du quarante et unième jour, vous devez obéir aux lois de ce pays. Si vous êtes résident permanent dans un pays étranger, c’est dès le premier jour que vous devez obéir aux lois de ce pays, à savoir accomplir vos devoirs et bénéficier de vos droits »?
Sans doute ce hadith fait-il formellement référence aux lois du pays où vit le musulman, et non à ses mœurs. On peut en tout cas, si l’on s’en tient à son esprit, considérer que le vote d’une loi sur le port de la burqa ne lui serait pas contraire.
Du reste, les représentants du Conseil français du culte musulman, comme les plus hautes autorités spirituelles de l’islam sunnite, ont proclamé que le port du voile intégral n’était pas une prescription coranique.
Il est particulièrement remarquable que ceux qui, parmi nos esprits éclairés, ne comprendraient pas que l’on s’oppose au port de la burqa invoquent l’une de nos valeurs fondamentales, le respect de la liberté individuelle. Ce faisant, ils ne semblent pas gênés de bafouer d’autres valeurs, au moins aussi importantes: le droit à la sécurité et le respect de la dignité de la femme. Nous retrouvons là une difficulté constante à faire coexister les valeurs auxquelles nous sommes attachés, que Saint-Just exprimait de manière lapidaire en s’écriant: « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté! »
Il ne faudrait pas, en tout cas, que l’affirmation des droits de l’homme, le respect des libertés individuelles, la tolérance et la laïcité et, plus généralement, les principes inscrits dans le préambule de notre Constitution nous empêchent de défendre nos valeurs. Il n’est que temps d’affirmer notre identité par un geste politique fort et symbolique. L’interdiction du port du voile intégral nous en donne l’occasion.
Elle nous conduit également à rappeler que le droit est dit par le politique, expression de la souveraineté populaire, et que, par conséquent, une conception statique de l’État de droit ne doit pas entraver l’affirmation de nos valeurs, lesquelles n’ont d’autre ambition – mais elle n’est pas négligeable – que de faire vivre ensemble dans la fraternité tous les citoyens français, quelle que soit leur religion.
J’ajouterais volontiers que nous y parviendrions plus facilement si les Français aimaient un peu plus leur pays, à l’image d’autres peuples qui préservent leur patrie en ces temps de mondialisation. Alain Finkielkraut ne disait pas autre chose lorsqu’il s’exclamait: « Il sera difficile d’intégrer des gens qui n’aiment pas la France dans une France qui ne s’aime pas! » (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvia Pinel.
Mme Sylvia Pinel. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, loin d’être anodin, ce débat sur le port du voile intégral pose la première pierre d’un processus législatif destiné à réagir au développement de pratiques qui font fi des valeurs de la République, parmi lesquelles le port de tenues visant à dissimuler le visage dans l’espace public.
Notre assemblée s’est donc saisie de cette question. Créée le 23 juin 2009, la commission Gerin a mené un véritable travail de fond, défriché le terrain et multiplié les consultations avant de remettre son rapport, le 26 janvier dernier. Puis cette réflexion a été prolongée par un rapport du Conseil d’État sur un éventuel texte de loi.
Ce processus se poursuit aujourd’hui par la discussion de la présente proposition de résolution, qui entend adresser un message hautement symbolique en condamnant le port du voile intégral, considéré comme contraire aux valeurs et aux lois fondamentales de la République. Loin de tout clivage partisan, il s’agit de rappeler l’attachement de notre assemblée au respect des valeurs républicaines face au développement de pratiques qui leur portent atteinte.
L’idée républicaine de citoyenneté, fondée sur les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, pourrait-elle s’accommoder d’une pratique intransigeante qui vise à déshumaniser et à exclure la femme? Bien évidemment, pour les radicaux de gauche, qui portent en eux l’héritage républicain, laïc et humaniste, la réponse est sans ambiguïté: le port de tenues permettant de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait être admis.
C’est en effet sur nos principes constitutionnels et sur nos engagements internationaux relatifs aux droits de l’homme qu’il convient de fonder juridiquement l’interdiction générale de recouvrir entièrement ou essentiellement son visage dans la sphère publique.
Tout d’abord, le principe de laïcité, auquel les radicaux sont viscéralement attachés, implique la neutralité de l’espace public afin que chacun puisse y coexister en harmonie avec l’autre.
La pratique vestimentaire du voile intégral ne relève pas de la liberté de culte: elle n’est nullement une prescription religieuse, mais bien une interprétation abusive des textes religieux, qui peut être apparentée à une dérive sectaire.
Le président du Conseil français du culte musulman a lui-même déclaré, lors de son audition par la commission, avoir pris position contre le port du voile intégral, qu’il ne considère pas comme une prescription religieuse, mais bien comme une pratique minoritaire, et a précisé qu’il s’agit d’une pratique extrême dont il ne souhaite pas qu’elle s’installe sur le territoire national.
À ceux qui prétendent que cette résolution risque de stigmatiser la population musulmane, je leur réponds qu’ils pratiquent eux-mêmes l’amalgame qu’ils prétendent dénoncer. (« Très bien! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) En effet, les quelques extrémistes qui imposent le port du voile intégral doivent être clairement et fermement distingués de l’immense majorité des musulmans français, qui y sont opposés et qui appartiennent pleinement à notre communauté, la République.
Il faut également fonder l’interdiction sur le respect du principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine. Bien souvent imposé aux femmes, le port du niqab ou de la burqa porte en effet gravement atteinte à la dignité de la femme; il représente une soumission de son identité, une négation totale de sa citoyenneté.
Je tiens à rappeler que le Conseil constitutionnel a fait de la sauvegarde de cette dignité un principe à valeur constitutionnelle, issu du préambule de la Constitution de 1946. Ce principe a également été consacré par la Cour européenne des droits de l’homme, pour qui la sauvegarde de la dignité humaine constitue, avec la liberté, l’un des fondements de la Convention.
Isoloir social ou prison ambulante, le voile intégral conduit tout droit les femmes concernées à se retrancher du champ social. Cette exclusion et ce repli sur soi sont fatalement incompatibles avec l’esprit même de la République, fondé sur le désir partagé de vivre ensemble.
Parce qu’il traduit une conception profondément inégalitaire des rapports entre les deux sexes, le port du voile intégral constitue en outre une discrimination contraire au principe d’égalité entre les hommes et les femmes.
Loin de réduire la liberté, la proposition de résolution dont nous discutons aujourd’hui est donc un texte qui libère.
Enfin, il convient d’asseoir l’interdiction générale de toute tenue ou tout accessoire masquant le visage sur un fondement juridique solide: l’exigence de sûreté publique, droit naturel et imprescriptible de l’homme.
Au-delà des débats actuels, ces éléments ne devront pas être occultés lors de la discussion du projet de loi que vous nous présenterez, madame la garde des sceaux, et qui ne devra pas être examiné dans l’urgence, mais, au contraire, être patiemment élaboré et débattu dans la plus grande sérénité.
En outre, cette discussion ne pourra avoir lieu indépendamment d’une réflexion sur la lutte contre les discriminations et la refonte nécessaire à une véritable égalité des chances. En effet, il faut le reconnaître, le modèle républicain est en panne dans la France d’aujourd’hui.
Loin des manifestations de chauvinisme et des dérapages constatés lors du sinistre débat sur l’identité nationale, c’est sur les valeurs de libertés – au pluriel‚–, d’égalités – également au pluriel‚–, de fraternité, de laïcité et sur le vivre ensemble que repose aux yeux des radicaux l’identité républicaine.
Cela dit, il convient pour l’heure de parvenir au consensus le plus large possible sur cette proposition de résolution. À travers ce texte purement symbolique, la représentation nationale se doit en effet d’adresser à nos concitoyens un message fort d’union et de rassemblement autour des valeurs de la République.
C’est pourquoi, vous l’aurez compris, les députés radicaux de gauche approuveront ce texte. (Applaudissements sur tous les bancs.)
M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca.
M. Lionnel Luca. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mesdames et messieurs, le 22 juin 2009, dans son discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles, le Président de la République déclarait: « Le problème de la burqa n’est pas un problème religieux, c’est un problème de liberté [et] de dignité de la femme. […] C’est un signe d’asservissement. Ce n’est pas l’idée que nous nous faisons de la dignité de la femme. Je veux le dire solennellement: la burqa ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République française. » Et c’est bien ce que nous disons aujourd’hui, rassemblés dans ce contexte pour permettre le vote d’une résolution solennelle.
Je voudrais d’abord saluer l’initiative d’un de nos collègues dont nous ne partageons pas toujours les convictions, je veux parler d’André Gerin, député communiste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Au printemps dernier, il nous interpellait dans un courrier, pour nous signaler les problèmes rencontrés dans la commune dont il était le maire et nous demandait de nous solidariser pour entreprendre une démarche collective dans l’intérêt de la République. Nous avons été nombreux à répondre à sa demande. Cette initiative a permis de mettre en place une mission parlementaire, dont le travail devrait déboucher dans quelque temps sur une loi.
Je veux également saluer notre président de groupe, Jean-François Copé.
Mme Fabienne Labrette-Ménager et M. Michel Herbillon. Très bien!
M. Lionnel Luca. Président impétueux, il a tenu, alors que des hésitations, des tergiversations apparaissaient au sein de la mission, à souligner que, lorsque les valeurs suprêmes de notre pays sont touchées, le bon sens commande le vote d’une loi toute simple pour rappeler à ceux qui veulent mettre à bas nos institutions, nos mœurs, notre façon de vivre, ce en quoi nous croyons. La résolution solennelle que nous examinons aujourd’hui est la première étape qui, si elle ne débouchait pas sur une loi, ne serait qu’un engagement moral, ce qui est relatif avec des gens qui pratiquent l’intégrisme et la radicalité.
Lors de nos auditions, ce sont des femmes qui souvent nous ont émus, interpellés.
M. Jean-François Copé. Tout à fait!
M. Lionnel Luca. Parmi celles que j’ai entendues, je voudrais en mettre trois à l’honneur, car, si les hommes participent à ce débat, c’est d’abord aux femmes que nous voulons rendre hommage dans les difficultés qui peuvent être les leurs.
D’abord, je voudrais citer l’anthropologue Dounia Bouzar. « S’étonner de ce drap noir, c’est, nous a-t-elle dit, refuser de reconnaître ce type de comportement comme religieux: l’islam ne peut pas être une religion aussi archaïque qui enferme ainsi les femmes. S’étonner, être choqué, être offensé par le niqab , c’est respecter l’islam, c’est montrer que la France n’a pas une vision archaïque de cette religion. »
Ensuite, je citerai Sihem Habchi, l’enthousiaste présidente de Ni putes ni soumises, qui a prononcé des phrases si fortes. Pour elle, la burqa est bien le symbole le plus violent de l’oppression des femmes, et n’a rien à voir avec la religion musulmane, sa religion: « La burqa symbolise l’apogée d’un système de relégation des femmes qui prend sa source dans nos quartiers populaires. […] L’alternative est claire: c’est la République ou la burqa . » C’est cela que nous devons dire.
Enfin, je voudrais me référer à celle qui fut peut-être la plus réfléchie de toutes, la plus forte également, la plus impressionnante, Élisabeth Badinter: « S’agissant du principe de liberté auquel font appel certaines femmes qui portent le voile intégral, je souligne qu’à côté des “revendicatrices” qui s’expriment volontiers dans les médias, il y a toutes les autres, les soumises, les bâillonnées, celles que l’on ne pourra jamais entendre et en tout cas jamais entendre se plaindre. […] Comme seules les premières s’expriment, on oublie les autres, on fait comme si elles n’existaient pas. […] C’est à elles qu’il faut penser et à qui il faut donner les moyens légaux de se libérer. »
Le port du voile intégral est, pour elle, contraire aux principes de fraternité et de civilité. Les « revendicatrices » s’appuient sur « la liberté de se vêtir comme on le souhaite. […] Personne ne songe à les empêcher de mettre les vêtements qu’elles veulent […] Mais le visage n’est pas le corps et il n’y a pas, dans la civilisation occidentale, de vêtement du visage ».
M. Jean-François Copé. C’est vrai!
M. Lionnel Luca. Aujourd’hui, j’ai un regret, celui qu’une telle résolution qui engage chacun d’entre nous à dire ce en quoi il croit, ne recueille pas l’unanimité. Les bancs vides de nos collègues communistes ou Verts constituent une entame dans le mouvement qui devrait tous nous rassembler.
M. Michel Herbillon. Absolument!
M. Lionnel Luca. J’émettrai, pour terminer, le souhait que le projet de loi soit voté à une large majorité. Même si nous avons encore des différences entre nous, j’espère que nous saurons dépasser les clivages. Nous montrerons ainsi que, comme nos collègues belges, nous pouvons tomber d’accord sur certains sujets.
M. Michel Herbillon. Il a raison!
M. Lionnel Luca. Pour cela, il faut que la loi soit la plus simple possible, qu’elle ne parle que de dissimulation du visage et du problème de sécurité, ce qui est possible dès lors que nous aurons dit l’essentiel aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam.
Mme Patricia Adam. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en 2003, à la suite de la mission d’information qu’avait présidée à l’époque Jean-Louis Debré, et après avoir auditionné près de 120 personnalités, notre assemblée affirmait par une disposition législative le principe de la laïcité au sein de l’école par l’interdiction de porter des signes religieux. Les travaux de la mission et les débats dans l’hémicycle s’étaient déroulés dans un esprit républicain, climat qui s’était d’ailleurs traduit par un vote presque unanime de cette assemblée.
Aujourd’hui, à peine sept ans après, nous abordons pratiquement la même question, concernant non plus l’école mais l’espace public. La question est en effet la même, celle de l’expression d’un intégrisme religieux qui, une fois de plus, utilise le sexe féminin, les femmes, les très jeunes filles, comme symbole de leur soumission à son autorité, contre les lois et les valeurs de la République.
Notre République est celle de la liberté de penser de chaque individu, celle de l’égalité entre nous tous, quel que soit notre sexe, quelles que soient nos origines, celle de la fraternité des êtres humains, unis dans un espace commun, cela a été souligné par chacun d’entre nous. Mais, j’insiste, notre République est aussi laïque, et c’est la laïcité qui donne du sens, du lien, à ces trois valeurs.
La laïcité est à la fois une éthique et un ensemble de règles juridiques relatives au fonctionnement de l’État et de ses services publics. La laïcité de la vie sociale réclame que tout ce qui touche au religieux soit du domaine du privé et donc individuel et facultatif, et que tout ce qui concerne la vie publique, civique, politique, soit préservé des influences religieuses et communautaristes.
Le projet de résolution qui nous est soumis affirme certes la dignité de la femme, les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, il laisse cependant peu de place au principe de laïcité qui a permis de solidifier notre démocratie. C’est l’affirmation de la laïcité qui a permis à toutes les religions de s’intégrer dans la société et non d’en être exclues. C’est bien l’affirmation de la laïcité qui nous protége des dérives communautaristes et des sectes.
Si nous abordons sous cet angle la question du partage de l’espace public, du vivre ensemble, nous ne stigmatiserons aucune religion, nous laisserons simplement la religion à sa juste place.
Aucune religion n’est laïque. Les croyants comme les athées peuvent l’être, pas les religions. La laïcité est le produit de notre histoire. Elle traverse notre démocratie depuis plus d’un siècle. Souvenons-nous des débats passionnés qu’elle suscita dans cet hémicycle: à cette époque, au début du siècle précédent, il ne s’agissait pas de l’islam. Toujours, nous devons réaffirmer ce concept.
Aujourd’hui encore, les penseurs, philosophes, intellectuels de tous bords, doivent se saisir de cette question, car il ne faut aucune espèce d’indulgence à l’égard de pratiques extrémistes qui résonnent comme une provocation et un défi à l’égard de la République.
Toujours en 2003, Nicolas Sarkozy, alors ministre, affirmait que voter une loi interdisant le port de signes religieux à l’école n’était pas souhaitable. Il parlait de sectarisme laïque. Selon lui, les religions auraient contribué à la stabilisation de la République, elles n’en auraient jamais été l’ennemi. Ce ne sont pas les religions qui font les guerres, disait-il, mais les extrémistes qui dévoient la religion. Il affirmait préférer la jurisprudence du Conseil d’État avec la souplesse qu’elle permet, et donc ses difficultés d’interprétation, à une loi qui serait brutale avec un risque de radicalisation.
Que s’est-il passé entre-temps? Si j’ai bien compris, la loi que vous allez bientôt nous proposer prend en effet un chemin contraire et ne tient pas compte de l’avis du Conseil d’État. Sept ans après, une fois de plus, ce ne sera pas la loi qui sera brutale, mais bien ce même intégrisme religieux: Élisabeth Badinter l’a excellemment démontré lors de son audition, et je n’y reviendrai pas.
Votre proposition de résolution va dans le bon sens, et nous la voterons, mais elle oublie de rappeler ce qui fonde justement notre République, la laïcité, composante essentielle du vivre ensemble. Seule une loi affirmant ces valeurs républicaines et ce principe de laïcité, sans stigmatisation d’aucune religion, peut répondre aux fondamentalistes, car leurs pratiques ne sont ni respectables, ni respectueuses des droits des hommes comme des femmes.
Retrouvons de la sérénité dans nos débats, envoyons un message de respect et de tolérance à toutes les religions comme aux athées. Aujourd’hui, je pense aux musulmans de France, particulièrement stigmatisés depuis le début de cette législature. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Éric Raoult. N’importe quoi!
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, c’était une belle journée de printemps dans un parc animalier des Yvelines, une journée paisible. Enfants, parents savouraient nonchalamment en famille la beauté du site et de la nature. Soudain, mon regard fut attiré par un spectre noir méconnaissable, entouré de quelques bambins qui virevoltaient. Devant, marchait fièrement un homme à la barbe abondante et au regard sévère.
M. Jean Glavany. Quel poète, ce Myard! (Sourires.)
M. Jacques Myard. À cet instant, pétri d’étonnement devant cette vision, deux images me vinrent à l’esprit.
La première est celle que je garde d’une visite à Riyad où, dans la salle de l’aéroport, soudain, des choses noires, immobiles, posées à même le sol, se mirent à bouger. C’étaient des femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais, en parallèle, et en réponse, me vint avec force en mémoire les portraits des femmes qui dans notre pays, depuis des siècles et des siècles, ont concouru à instruire les hommes et leur ont transmis les principes et les valeurs qu’ils portent à leur tour. Chacun sait identifier, dans sa propre histoire familiale, ces femmes courageuses: la grand-mère, paysanne, ouvrière, qui garde les petits-enfants aux grandes vacances, la mère, l’institutrice, qui veille au jour le jour sur les enfants pour qu’ils deviennent des hommes.
Alors, oui, je vous l’avoue, dans ce parc animalier, je me suis senti offensé, insulté même, par cette pratique vestimentaire, véritable prison pour les femmes, offensé et blessé, car c’est tout le monde de mon enfance qui était nié, bouleversé, violenté. Que serais-je devenu sans ces femmes, la mère de mon père et celle qui a remplacé ma mère, hussard de la République, qui toutes deux m’ont fait grandir et m’ont transmis l’esprit de résistance pour devenir un citoyen?
Oui, c’est au nom de cet esprit de résistance que m’ont inculqué les femmes qui m’ont élevé que je me suis fait le serment de tout mettre en œuvre pour bannir cette pratique, négation même de notre être politique et culturel. J’ai alors décidé de déposer une proposition de loi pour interdire cette pratique. C’était en 2006. Comme toujours, le temps législatif est long, pour que l’évidence de la vérité puisse prévaloir. Ce temps prévaut aujourd’hui, car le voile intégral n’est pas une simple pratique vestimentaire: il est la partie noire et visible d’une volonté politique d’imposer une vision communautariste et religieuse, intégriste, comme norme de vie au mépris des lois de la République.
Le voile intégral est l’expression même d’une démarche politique dangereuse, qui porte en elle tous les ingrédients d’un affrontement inéluctable car elle correspond à un processus de rejet de l’autre.
M. Jean-Michel Boucheron. Absolument!
M. Jacques Myard. Je cache mon visage pour que les hommes ne voient pas ma beauté. Je refuse d’être examinée par un médecin homme. Je ne me baigne pas à la piscine avec les hommes. Je ne mange pas à côté de celui qui mange du porc. Voilà la vérité! Voilà la logique politique inadmissible que nous ne pouvons pas admettre, au risque d’aller tout droit à des affrontements, voire demain à la guerre civile. Il faut y mettre un terme avec fermeté.
Ayant en mémoire toutes ces femmes de notre histoire qui ont fait ce pays; avec la femme du Galate, notre ancêtre, qui combat à la mort avec son compagnon et qui est immortalisée dans la statuaire de Pergame dont une copie préside, ici, à l’Assemblée nationale; avec Jeanne Hachette, défendant Paris contre les Vikings; avec Jeanne la Lorraine boutant l’ennemi hors de France; avec les munitionnettes de la guerre de 14-18; avec les femmes de la résistance et les Françaises décharnées de Ravensbrück, je voterai avec conviction le bannissement de cette pratique dégradante. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Jean Glavany. Quel talent!
M. Éric Raoult. C’était du grand Myard!
M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.
Mme Marie-Lou Marcel. La proposition de résolution sur laquelle nous sommes aujourd'hui invités à nous prononcer peut, dans son inspiration, recevoir notre approbation. Pour ma part, je la voterai. En revanche, je me montrerai réservée quant à la priorité donnée à ce débat, quant à son opportunité et sa traduction future en termes législatifs.
Nous devons nous prononcer pour réaffirmer notre attachement aux valeurs républicaines. Pour ce qui me concerne, en tant que socialiste, j'ai toujours eu à cœur de défendre les valeurs de la République.
Cette tradition qui a inspiré les plus belles pages du socialisme français nous vient de Jean Jaurès. Son enseignement est toujours vivant pour nous et ne nous sert pas d'argument de campagne. Or que nous a dit Jean Jaurès? « La République c'est le droit de tout homme, quelle que soit sa croyance religieuse, à avoir sa part de la souveraineté. »
Nous gagnerions tous à méditer cette invitation à la sagesse. Le voile intégral, symbole de soumission de la femme, est en opposition flagrante avec les valeurs que le mouvement socialiste n'a cessé de porter tout au long de son histoire: l'égalité entre hommes et femmes, la laïcité qui refuse toute marque d'oppression religieuse ou politique, le vivre ensemble. J’évoquais la sagesse. C'est bien cette sagesse qui avait prévalu quand, après de nombreux mois de débats, nous avions voté à l'unanimité un texte interdisant le port de signes religieux à l'école.
On ne peut accepter que des femmes soient ainsi soumises à l'application d'une coutume très marginale qui exerce une pression intolérable sur l'ensemble de nos concitoyens musulmans.
Mais que ce problème du port du voile intégral ne nous fasse pas perdre le sang-froid et la raison et n'ouvre pas la boite de pandore de fantasmes plus ou moins avouables. Pas d'amalgame, pas de confusion, pas de stigmatisation, pas d'instrumentalisation, et pas d'arrière-pensées électoralistes! C'est à ces seules conditions que nous pourrons avoir le débat au niveau souhaitable.
Il est en outre étonnant que nous soyons amenés à réaffirmer notre attachement aux valeurs républicaines au moment où de nombreux textes législatifs tendent à rompre avec une certaine idée de la République héritée du programme du Conseil national de la résistance
Ce programme avait pour ambition de porter au plus haut les valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité, et de renforcer notre République une et indivisible. Or depuis trois ans, avec la multitude des projets de loi qui nous sont soumis, c’est cette République une et indivisible qui est mise à mal au profit d'une République disloquée et divisée.
Jamais l’égalité n’a été autant mise à mal. L’égalité sociale, avec un accroissement du fossé séparant les plus pauvres des plus riches. L’égalité face à l’impôt, dont les plus nantis sont exemptés. L’égalité d’accès aux soins, lorsque selon le territoire, notre sort face à la maladie n’est plus le même. L’égalité face à la justice. L'égalité face à l'école, mise à mal par des réductions drastiques de moyens. L'égalité entre les territoires. L'égalité même entre hommes et femmes avec la remise en cause du paritarisme par la prochaine loi réformant nos collectivités territoriales. L'égalité entre les salaires et les retraites des hommes et des femmes. La liste est loin d'être exhaustive. Et que dire de la mise à mal de certaines de nos libertés les plus fondamentales au nom d'une sécurité qu'on agite comme un outil de communication électorale, alors qu'elle devrait être au service des plus démunis?
Il nous faudrait également parler de fraternité. Depuis 2007, vous avez décidé de multiplier les accrocs dans notre tissu social, au risque de le déchirer complètement. Comment parler de fraternité quand des pans entiers de la population de notre pays sont stigmatisés? Comment parler de fraternité quand on nous gratifie d’un ministère de l’identité nationale dont la principale activité semble être de réduire les êtres humains à des chiffres et les travailleurs immigrés à une variable d’ajustement?
Si je suis donc bien d'accord pour réaffirmer nos valeurs républicaines, il est grand temps que les actes de votre politique soient en accord avec ces valeurs et que le triptyque républicain « liberté, égalité, fraternité » ne soit plus mis à mal par cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Éric Raoult.
M. Éric Raoult. Je ne serai pas le onzième orateur à citer le chef de l’État rappelant: « La burqa n’est pas la bienvenue en France. » Je voudrais, madame la garde des sceaux, citer Abderrahmane, recteur de la mosquée de Clichy-sous-bois: « Tu sais, nous, on veut vous ressembler. Elles, elles nous font ressembler au Moyen Âge. » Cette phrase, je l’ai entendue à plusieurs reprises prononcée par celui qui est le responsable d’une communauté dans une ville difficile.
Cette résolution, nous avons souhaité la porter avec André Gerin. Nous sommes très heureux et très fiers que d’autres que nous aient pu la soutenir. Il n’y a pas de droit d’auteur pour une résolution, et reconnaissons-le, le seul qui pourrait le mériter, c’est le chef de l’État qui, en premier, il y a presque un an, le 22 juin 2009, avait fait cette remarque: « La burqa n’est pas la bienvenue en France. » C’est cette position déterminée et résolue du chef de l’État qui présentait en premier la résolution de la République. Nous avons été un certain nombre à y contribuer, André Gerin, Jean Glavany et d’autres, voilà bientôt un an, en participant à cette mission d’information.
Être résolu, selon le dictionnaire, c'est être ferme dans ses projets, décidé, énergique, obstiné, opiniâtre, tenace, têtu, volontaire. Nous l’avons été, et le président de mon groupe parlementaire nous a montré la voie. Ceux qui critiquaient hier ont fini par comprendre aujourd'hui que le Président de la République avait raison.
M. Jean Glavany. Il change souvent d’avis!
M. Éric Raoult. Il avait raison car notre pays n'est pas une exception. Monsieur Glavany, il n’y avait pas d’élections régionales en Belgique, et par ailleurs, la burqa fait aussi partie du débat des élections législatives aux Pays-Bas, où le président Sarkozy n’est pas candidat.
Plusieurs pays, en Europe et dans le monde, sont inquiets de la montée en puissance du phénomène de ces femmes circulant comme des fantômes dans l'espace public, entièrement voilées, et réfléchissent aujourd'hui à des mesures permettant de l'endiguer
La Belgique a emboîté le pas, malgré une crise gouvernementale, en votant une loi d'interdiction. D'autres pays entament une période de réflexion pour trouver la meilleure solution, l’Italie et l’Espagne en font partie.
Nous sommes aujourd’hui invités à voter une proposition de résolution tendant à mieux expliquer et combattre une pratique qui, rappelons-le, est non pas une prescription religieuse, mais une pratique qui ne respecte pas les valeurs de la République. Au contraire, derrière ce voile intégral se cache une minorité de religieux radicaux qui cherche à provoquer, diviser, stigmatiser notre pays et tester les fondements de notre République. Nous ne pouvons l'accepter!
Reconnaissons-le, nous avons parcouru le chemin de la réflexion et de la compréhension. Combien d'interrogations, de déclarations, de confrontations avant d'arriver sur ce chemin, qui nous mène aujourd'hui sur les routes de la raison!
La raison de ces femmes parfois endoctrinées par ces groupuscules intégristes qui fonctionnent comme des sectes et qu'il est de notre devoir de combattre. Nous devons mieux protéger ces femmes, car elles sont les premières victimes du voile intégral qu'elles portent. Nous devons les libérer. L'oublier, c'est se voiler la face!
La raison du travail parlementaire enfin, qui mérite consensus républicain, car je ne cesserai de le répéter: contre le voile intégral, il faut le Parlement intégralement. Ce consensus républicain, cette concorde républicaine,…
M. Jean Glavany. Elle a été bafouée!
M. Éric Raoult. …nous l'avons toujours prônée dans le cadre de la mission d'information sur le port du voile intégral avec André Gerin, ce collègue que j'ai appris à connaître et à apprécier, qui est de l'autre rive mais du même camp républicain, et qui m’a rappelé mon grand-père qui était dans le même parti que lui.
Nous avons eu le courage de braver bien des lignes politiques et idéologiques, justement pour mieux les faire bouger. Si nous en sommes arrivés là, c'est parce que, élus de banlieue, nous connaissons l'urgence de l'explication sur ce dossier qui suscite de nombreuses incompréhensions auprès des habitants de nos quartiers.
Sans autosatisfaction, notre mission d'information a bien travaillé, et bien fait avancer l’idée de cette proposition de résolution. Contre le voile, l'idée d'une résolution c'était d'abord cette proposition que nous avons forgée. Le voile, nous n'avons pas voulu le tirer à nous; nous avons voulu proposer de l'ôter, pour mieux vivre à nos côtés. Car notre seul but, c'est la réaffirmation des valeurs républicaines.
Ces femmes ne sont pas venues d'une autre planète; ce sont nos voisines, souvent nos concitoyennes. Nous ne voulons pas les abandonner à leur exil intérieur, à leur prison de tissu, pour reprendre l'expression d'Élisabeth Badinter.
Cette proposition de résolution, en réaffirmant les fondements de notre République, libre, égale et fraternelle, porte donc les conditions d'un cadre juridique capable de prohiber efficacement le port du voile intégral dans l'espace public.
Enfin, le sens de l'explication est concrètement d’expliquer avec pédagogie. Cette période de six mois le permettra pour que cette explication soit la priorité de nos quartiers. Madame la ministre, vous devez le savoir: le CFCM c’est bien, c’est important, mais les communautés des cités, c’est beaucoup plus important parce que c’est là que l’on doit comprendre. Bien souvent, je pense qu’une voisine de palier sera plus utile qu’un policier ou un huissier. J’ai personnellement commencé à expliquer dans mon département qui est particulièrement concerné. Je le ferai sur plusieurs médias dès demain et dans plusieurs pays du Golfe dans le mois qui vient.
Après des mois de travail, de discussions, nous montrons aujourd'hui, tous ensemble, que nous avons voulu non pas la posture, mais la droiture. Nous prenons nos responsabilités au-delà des camps ou des clans. Nous avons souhaité donner la main, sans montrer du doigt. Nos valeurs ne sont pas masquées. La République n'est pas camouflée; elle ne se refuse pas; elle doit se faire respecter, car la France est et restera toujours la République du vivre ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Odile Bouillé.
Mme Marie-Odile Bouillé. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, la proposition de résolution qui est portée en débat aujourd’hui devant la représentation nationale est une bonne chose. Le Parlement vote les lois, veille à leur application, il est normal qu'il débatte régulièrement des sujets remettant en cause les valeurs de la République qui sont le socle inaltérable sur lequel nous construisons la loi.
Ces valeurs se nourrissent de notre histoire, de l'héritage du siècle des Lumières, de la Révolution, et de ce texte fondamental inscrit dans le préambule de notre Constitution: la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen.
Mon sentiment est que nous gagnerons toujours à revenir puiser dans les textes fondateurs de notre société les réponses à nos interrogations, nous gagnerons toujours à puiser dans nos valeurs les arguments qui nous permettront de répondre aux défis de notre temps, car la réponse qu’on attend de nous est non pas une réponse de circonstance, mais une réponse de fond, capable de faire sens pour l’ensemble de nos concitoyens afin que sorte renforcé notre « vivre tous ensemble ».
Au titre des pratiques radicales, le port du voile intégral interroge bien sûr les hommes et les femmes de notre pays, quelle que soit leur obédience religieuse, mais il interroge surtout le législateur, garant de l’application des valeurs républicaines sur tout le territoire national.
Ce n’est pas une simple question de société qui se pose à nous, c’est plus que cela, c’est une question de valeurs, et, parce qu’il s’agit de nos principes fondamentaux, je regrette que cette question ait été posée de manière bien opportuniste par le Gouvernement…
Mme Marie-Odile Bouillé. …afin de donner une suite au débat peu reluisant sur l’identité nationale…
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux!
Mme Marie-Odile Bouillé. …et de distraire l’attention des Français des vrais problèmes qui se posent à notre pays.
C’est un sujet qui nécessite un consensus le plus large possible et une proposition de loi conforme à l’intérêt général. Cette résolution dont nous débattons doit nous permettre de réaffirmer ensemble notre refus que les principes fondamentaux du pacte républicain soient bafoués par des pratiques radicales que d’aucuns considèrent relever de la foi.
Notre République est laïque. Laissons donc aux religieux le soin de dire si cette pratique est oui ou non compatible avec leur dogme. Faisant cela, nous gagnerons sur les deux tableaux: nous éviterons ainsi de stigmatiser une religion et de faire un amalgame avec le fondamentalisme religieux, La seule question qui se pose à nous est de savoir si le port du voile intégral est compatible avec nos principes fondamentaux républicains.
Qu’un homme impose le port du voile intégral à une femme est contraire à nos principes. C’est un enfermement que ni la culture ni la tradition ne peuvent justifier. C’est une remise en cause de la dignité humaine, de la liberté individuelle et du droit d’exister par le regard des autres. Pour une femme forcée d’être voilée, l’enfer, ce n’est pas les autres, c’est son propre corps, enfermé, caché, enterré.
De la même manière, nous ne pouvons accepter que des hommes interdisent à des femmes de suivre des soins à l’hôpital car le médecin est un homme. Le respect de la dignité humaine n’est pas négociable, ni dans la rue, ni dans les services publics, ni à l’école, ni à la maison.
Il y a trois mois, mes chers collègues, nous votions la clause de l’Européenne la plus favorisée. La loi que notre parlement adoptera doit être construite aussi dans l’objectif d’enrichir ce corpus européen, afin d’élever les droits fondamentaux des femmes. Cela justifie que nous prenions le temps de trouver un consensus entre nous, que nous menions cette réflexion en dehors de tout calcul électoraliste, que nous recherchions les dispositifs législatifs capables de résister à l’examen du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Tout échec de notre entreprise sera la victoire de ceux qui veulent attaquer les valeurs républicaines. Ne les laissons pas faire.
Le combat pour la défense de la dignité de la femme est toujours inachevé. Il y a trente ans, nous nous battions pour avoir le droit de disposer de notre corps. Aujourd’hui, nous devons reprendre les armes, dans un contexte bien différent, il est vrai, pour toutes celles qui n’ont pas la chance de connaître ou d’avoir connu le droit à l’émancipation. C’est notre devoir, c’est le devoir de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller.
M. Jacques Remiller. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, ministre d’État, mes chers collègues, lors de la réunion du Parlement à Versailles, le chef de l’État avait donné le ton: la burqa n’est pas la bienvenue en France. La proposition de résolution discutée cet après-midi n’a rien d’anecdotique. La burqa est en effet clairement l’incarnation d’un ghetto visant à empêcher des femmes de s’intégrer dans la République française ou à les soumettre à des coutumes qui ne sont pas de celles qui fondent notre société démocratique.
Certes, le préjudice n’est pas tangible immédiatement. Si ces femmes veulent s’habiller ainsi, pourquoi pas, entend-on souvent dire, mais cette tolérance doublée d’indifférence des pays occidentaux fait justement le lit du fondamentalisme islamique. En laissant faire, la République renie le principe de laïcité et laisse la porte ouverte à la radicalisation de certains comportements.
Le principal aspect de ce problème est justement qu’il faut le dissocier du religieux, car la burqa n’a rien de religieux, en dépit de la propagande de groupes intégristes. La burqa est uniquement l’incarnation d’une idéologie machiste et totalitaire qui vise à asservir les femmes.
J’ajoute qu’en France, le port de la burqa est une pure provocation de la part de personnes qui ne sont pas originaires des pays où ces coutumes sont pratiquées. Il y a quelques années, la gauche avait essayé de résoudre le problème du voile à l’école par le dialogue et l’éducation. Peine perdue. Ce fut la loi et la loi seule qui clarifia les choses, même si elle n’est malheureusement pas toujours respectée.
Certains hommes politiques de notre pays estiment que la liberté de choix de porter ou non un voile ne peut être remise en cause. Pensent-ils honnêtement que ces femmes et ces jeunes filles sont réellement libres? C’est un peu comme demander à des adeptes d’une secte s’ils sont heureux avec leur gourou. La réponse sera toujours positive puisque le conditionnement est au cœur de leur vie. En mettant un voile sur la liberté des femmes au sens le plus large du terme, le fondamentalisme islamique se fait le creuset du racisme et de la xénophobie. Il appartient également aux musulmans modérés, respectueux des lois de la République, de dénoncer, comme ils le font d’ailleurs, les dérives des fondamentalistes qui portent atteinte à la dignité des femmes, même si celles-ci n’en sont pas toujours conscientes.
Certes, la burqa n’est pas l’unique violence faite aux femmes, et il faut mener un combat sans répit contre l’excision, la polygamie, ou encore l’analphabétisation.
La Belgique a voté l’interdiction du port de la burqa sur son territoire il y a quelques semaines. La Suisse doit se prononcer dans les jours à venir. La France, patrie des droits de l’homme, et de la femme, doit elle aussi réaffirmer que nul ne peut être asservi, sous quelque prétexte que ce soit, par ce vêtement qui fait de la femme emprisonnée un fantôme.
Mes chers collègues, il est essentiel de dépasser les clivages traditionnels afin de lancer un message fort aux extrémistes. La burqa n’est pas la bienvenue en France. Elle doit être bien sûr interdite sur l’ensemble du territoire national, et je m’inscris bien sûr dans la logique de la proposition de loi de notre président, Jean-François Copé.
Pour terminer, je voudrais à mon tour saluer les travaux de l’ensemble des membres de la commission présidée par mon voisin de circonscription et ami, que je connais depuis longtemps, puisqu’il est viennois. Nous nous rencontrons souvent à Vienne, nous ne discutons évidemment pas politique, mais nous avons des passions communes. (Exclamations sur divers bancs.) À l’époque des travaux de la commission, nous avons pris le même TGV un soir d’hiver jusqu’à Paris. J’avais le siège à côté du sien mais, pendant les deux heures de voyage, je n’ai pas pu lui parler. Ce fut un vrai sondage. Les voyageurs venaient tous lui dire qu’il était sur la bonne voie et qu’il fallait interdire la burqa en France. (« Bravo, Gerin! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Il sait de quoi il parle puisque, dans une ville que je connais bien également, dont il fut maire, Vénissieux, il vit cette situation au quotidien. Je n’oublie pas non plus, bien sûr, les travaux de notre rapporteur, Éric Raoult. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.
Mme Pascale Crozon. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si l’on ne devait retenir qu’un seul critère pour évaluer le degré d’avancement démocratique d’une nation, nul doute que la place qu’elle réserve aux femmes serait le plus pertinent et le plus universellement fiable.
Je vous invite, pour vous en convaincre, à revenir une année en arrière et à relire le document préparatoire que proposaient notamment la Libye, Cuba et l’Iran à l’occasion de la conférence des Nations unies sur le racisme, dite « Durban II », et dans lequel on apprenait par exemple que la polygamie, le maintien des femmes dans leur fonction maternelle et la pénalisation de l’adultère féminin visaient à protéger les femmes, tandis que les civilisations occidentales et le féminisme les avaient réduites au rang d’objet sexuel et étaient responsables de la pornographie, de la prostitution, des viols et même de l’homosexualité.
Libye, Iran, Cuba, trois pays qui diffèrent profondément de par leurs cultures, leurs structures sociales et politiques ou leurs conceptions religieuses, mais qui se retrouvent dans un même combat contre l’universalité des droits des femmes et donc leur émancipation, émancipation qui, dans notre pays, a été un combat long et difficile. Olympe de Gouges, Flora Tristan, Louise Michel, Simone de Beauvoir et bien d’autres ont permis par leurs combats qu’il y ait des avancées et que l’on bénéficie aujourd’hui d’une égalité de droit. Pourtant, l’égalité entre les femmes et les hommes demeure un acquis fragile, dont la remise en cause est souvent le premier signe d’une régression démocratique.
Refuser le cantonnement des femmes à la sphère privée, leur dissimulation dans l’espace public, leur soumission à leurs pères, frères ou époux, ce n’est donc pas stigmatiser telle ou telle communauté nationale, culturelle, ou religieuse, mais c’est affirmer, parce que nous sommes démocrates, parce que nous croyons aux droits universels, que l’égale dignité des femmes et des hommes ne peut souffrir aucune exception ou barrière, ni au nom du respect de la vie privée ni au nom d’un relativisme culturel ou prétendument religieux. Considérer que les droits des femmes sont à géométrie variable selon les cultures, c’est s’opposer à l’universalité des droits humains.
En France, le principe qui fonde et garantit l’égale dignité entre les hommes et des femmes s’appelle la laïcité, non que la loi de 1905 ait directement consacré leur égalité – chacune et chacun sait que les combats pour obtenir le droit de vote, le droit d’exercer une activité rémunérée, le divorce, la contraception ou l’avortement se sont poursuivis sur plusieurs décennies et que d’autres combats continuent, comme ceux pour l’égalité salariale et la parité, entre autres dans cet hémicycle –, mais la séparation des églises et de l’État, en désacralisant le champ politique et social et en affirmant la liberté de conscience du citoyen, a permis une profonde évolution des relations entre les sexes, sans laquelle ces réformes n’auraient sûrement pas pu être conduites.
La laïcité n’est donc pas une condition suffisante de l’égalité, mais elle en est une condition nécessaire. Elle est indissociable du combat féministe, et il ne fait aucun doute que chaque recul sur la laïcité conduira à un recul sur les droits des femmes.
J’ai été très choquée par le discours du Président de la République à Latran (Protestations sur les bancs du groupe UMP) …
M. Éric Raoult. Vous cassez le consensus!
Mme Pascale Crozon. Relisez ce discours!
M. Jean Glavany. Laissez-la parler, elle a le droit! Le consensus, ce n’est pas se taire!
Mme Pascale Crozon. …qui a mis en cause cette laïcité, laïcité devenue d’autant plus nécessaire dans notre pays que c’est une société multiculturelle. C’est elle qui garantit à chacun la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer, selon des rites librement consentis, dans la seule limite du respect de la loi, c’est-à-dire de la liberté d’autrui. C'est elle qui garantit les mêmes droits et dignité, que l'on soit protestant, musulman, juif, catholique, agnostique, athé... homme ou femme.
Si cette coexistence de plusieurs cultures, philosophies et spiritualités fait la richesse de la France, nous devons mettre en garde contre la tentation de replis communautaires ou identitaires. C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent être vigilants et veiller à ce que les principes d'égalité et de libre choix soient respectés. C’est aussi pourquoi il nous appartient de réaffirmer notre attachement à nos valeurs: l'égalité entre les hommes et les femmes, la dignité humaine et la laïcité qu’il faut concevoir non comme une règle qui protégerait les uns contre les autres, mais comme une aspiration à vivre ensemble par-delà nos différences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Très bien!
M. le président. La parole est à Mme la ministre d'État, garde des sceaux.
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, à ce stade de notre débat, je ne vais pas répondre à chacun des orateurs; ils voudront bien m’en excuser.
Je veux saluer le niveau de ce débat et la hauteur de vue de tous les orateurs. Parfois, au milieu de débats économiques ou techniques, nécessaires et urgents, qui tout naturellement nous opposent, il n’est pas mauvais de faire une pause afin que nous puissions nous retrouver tous ensemble pour réaffirmer nos valeurs et notre attachement commun à la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Le débat qui vient d’avoir lieu n’a pas été bâclé. Il a été précédé par le travail d’une mission d’information composée de parlementaires venant de tous les bancs. Celle-ci a œuvré sur le terrain, tout en prenant le recul nécessaire pour bien poser les problèmes.
Aujourd’hui, nous avons discuté d’une proposition de résolution. Je veux féliciter ses auteurs, car il s’agit d’un texte qui a essayé d’aborder le sujet dans toute son ampleur, en évitant les amalgames et tous les risques de dérapage. Mais c’est en même temps une résolution forte dans l’affirmation de ce qui nous unit.
Demain, je vous présenterai un projet de loi. Pour l’élaborer, j’essaierai de tirer, au maximum, les enseignements du débat qui vient d’avoir lieu et de reprendre les idées qui ont été exprimées. Je ferai en sorte que ce texte reflète les intentions de la résolution que vous vous apprêtez à voter.
En cette fin d’après-midi, je suis heureuse de constater qu’un consensus s’est exprimé unanimement sur tous les bancs. Certes, les esprits chagrins auront bien noté l’expression de quelques bémols. Il y a ceux qui ont refusé de participer au débat. Ils se sont volontairement caricaturés en déclarant à la fois qu’ils étaient contre la burqa et contre toute déclaration ou toute action contre elle.
M. Patrick Ollier. Eh oui!
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Il y a aussi ceux qui ont semblé s’excuser d’approuver la résolution en procédant parfois à des amalgames avec d’autres débats qui n’ont rien à voir avec celui-ci, comme celui sur l’identité nationale, ou en essayant de tirer le débat vers des sujets qui ne sont pas à l’ordre du jour, ou encore, en invoquant des arrière-pensées qui sont bien éloignées de la hauteur de vue du débat qui est le nôtre. Je crains pour eux qu’ils ne fassent perdre de la force à leur propre engagement, que je ne nie pas, pour les valeurs de la République.
Finalement, je ne veux retenir que le bel élan de rassemblement autour des principes et des valeurs de notre vivre ensemble. Ce débat, cet engagement, ce consensus font honneur au Parlement, et tout particulièrement à l’Assemblée nationale. C’est un signal fort donné aux Français et adressé au-delà des frontières de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) C’est le signal que la France ne renonce pas et ne renoncera jamais à être elle-même, fière de ses valeurs, généreuse, tolérante, soucieuse avant tout de la grandeur, de la liberté et de la dignité des hommes et des femmes. (« Bravo! » et vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en arrivons aux explications de vote.
Pour le groupe UMP, la parole est à Mme Bérengère Poletti.
Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, depuis des décennies, la France veut être un exemple pour ce qui concerne les droits de l'homme en général, et ceux des femmes en particulier. Depuis la Révolution française jusqu'aux grands combats du XX e siècle, notre pays a adopté de nombreuses lois visant à améliorer et à reconnaître la place de la femme dans notre société. Du droit de vote, en 1944, à la loi en faveur de la parité entre les hommes et les femmes, en 2000, en passant par la loi Veil autorisant l'IVG en 1974 – sans doute le texte le plus emblématique– , le législateur a mis en place un grand nombre de dispositifs pour garantir aux femmes leur indépendance dans tous les domaines de la société.
Notre Constitution garantit à tous et à toutes un libre accès aux études, à l'emploi, aux soins. Cependant, aujourd'hui, il est inquiétant de constater qu'un certain nombre de femmes sont privées de ce libre accès, du fait de la barrière sociale que représente, notamment, le voile intégral. Comment, dans un pays laïque et libre, pourrions-nous accepter que ces femmes ne puissent pas confier leur santé à un médecin, simplement parce qu'il est un homme? Comment pourrions-nous ignorer la détresse de celles à qui l'on impose des choix de vie, de ces jeunes filles auxquelles on refuse le droit de faire des études, d'accéder à la contraception et de choisir librement un compagnon? Quelles sont les chances d'une femme voilée d'obtenir un emploi?
Nous ne pouvons ignorer que, dans le monde entier, et même chez nous, sur le territoire français, des femmes sont opprimées, parfois battues et réduites au silence. Leurs regards sont aujourd'hui tournés vers nous. Nous leur devons d'afficher clairement notre détermination à les représenter et à défendre leur place dans notre société.
Il est aujourd'hui de notre devoir de réaffirmer les fondements même de notre République que sont la liberté, l'égalité et la fraternité. Nous ne saurions tolérer une conception machiste et archaïque de la condition féminine qui viendrait fouler au pied les combats de nos prédécesseurs pour que tous et toutes nous puissions décider librement de ce que nous entendons faire de nos corps et de nos vies, pas plus que nous ne saurions tolérer qu'un certain nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes ignorent les devoirs qu'ils ont envers la nation.
Vivre ensemble, dans le respect de tous et de toutes les confessions, c'est vivre en faisant siennes les valeurs de la République.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera, bien évidemment, cette première proposition de résolution qui rappelle nos valeurs républicaines face à la montée des obscurantismes. Nous espérons voir rapidement mises en place les déclinaisons concrètes de nos déclarations, c’est-à-dire une loi claire d’interdiction du voile intégral dans tout l’espace public, comme notre président, Jean-François Copé, le demande depuis des mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe SRC.
M. Jean Glavany. Je l’ai dit, je le répète: le groupe SRC votera cette proposition de résolution.
Il le fera sans aucune réserve. Je veux mettre un terme au procès d’intention qui nous a été fait à plusieurs reprises cet après-midi. Non, nous ne votons pas du bout des lèvres ou en nous excusant! Nous le faisons de toute la force de nos convictions.
Madame la ministre, je me permets de vous faire aimablement une seule remarque: ne vous en faites pas pour la force de notre engagement! Nous sommes socialistes et républicains; nous sommes socialistes, donc républicains! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous avons été républicains avant d’être socialistes. De toute façon, ici, j’imagine que nous sommes tous républicains d’abord. Rappeler les principes républicains ne nous pose donc aucun problème; cela témoigne au contraire de la force de cet engagement.
Je le dis avec force car personne ne doit croire que parce que nous osons émettre quelques critiques sur la forme – je les réitérerai d’ailleurs dans un instant –, cela mettrait en cause la force de notre engagement.
Nous votons aussi avec le sentiment de nous adresser à nos concitoyens musulmans – je ne parle pas de communauté musulmane, car dans la République, il existe une seule communauté: la communauté nationale; il faut faire attention aux mots que l’on emploie. Nous leur disons que nous votons ce texte avec tout le respect que nous devons à la religion musulmane comme à toutes les religions.
En effet, nous ne pouvons pas accepter un procès en islamophobie qui n’a aucun sens. On ne peut pas à la fois nous dire que le port du voile intégral n’a aucune espèce de rapport avec une prescription du Coran ou de la religion musulmane, et affirmer que l’interdire c’est stigmatiser cette religion. L’imam Chalghoumi de Drancy, qui a banni le port du voile intégral, serait-il islamophobe? Le recteur de la mosquée du Caire, qui a fait de même, serait-il islamophobe? Et le président Bourguiba, et la République Turque… Je m’arrête là!
Ce procès en islamophobie n’a pas de sens. Il doit nous amener à poser clairement les termes du débat: la religion est protégée par la République laïque, ce sont les intégrismes religieux et les fondamentalismes que celle-ci combat.
Cela étant, je veux vous dire la conviction des socialistes qui ont participé de bonne foi à la mission d’information parlementaire: nous n’avons pas bien travaillé. La responsabilité n’en revient ni à André Gerin ni à Éric Raoult, mais à cette espèce d’injonction permanente faite aux trente-quatre députés de droite et de gauche mobilisés pendant six mois pour réfléchir au sujet. Toutes les semaines, une injonction leur parvenait de l’extérieur sur le thème: « Réfléchissez! Réfléchissez! Moi, je sais ce qu’il faut faire! Je suis plus intelligent que vous tous. Bardé de mes certitudes, je peux vous dire comment tout cela doit se terminer. » À peine étions-nous rassemblés pour notre première réunion que, déjà, la conclusion de nos travaux nous était dictée!
M. Claude Goasguen et M. Jean-Marc Roubaud. Ce n’est pas vrai!
M. Jean-François Copé. C’est lamentable!
M. Jean Glavany. Ce n’est pas comme cela que l’on respecte les droits du Parlement! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Je le dis afin que cela serve de leçon pour l’avenir.
Nous avons recherché le consensus républicain, nous l’avons trouvé aujourd’hui. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche est toujours disponible pour parvenir au consensus républicain dans le cadre d’une disposition législative. Nous voulons tous empêcher ces pratiques minoritaires et extrémistes…
Mme Françoise Hostalier. Prouvez-le! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Et voilà encore une nouvelle injonction!
Pour les empêcher, il n’est pas interdit d’interdire. Nous n’avons jamais récusé le concept d’interdiction: la République s’est formée avec l’affirmation de droits, mais aussi avec la formulation d’interdits pour protéger les plus faibles. Nous n’excluons pas l’idée d’interdire; nous travaillons d’ailleurs à une proposition de loi pour interdire le port du voile intégral en allant aussi loin que le droit le permet. Seulement, nous critiquons le Gouvernement – est-ce briser le consensus républicain que d’oser la critique? – qui a demandé l’avis du Conseil d’État pour, ensuite, s’asseoir dessus.
M. Jean-Marc Roubaud. C’est faux!
M. Jean-François Copé et M. Claude Goasguen. Ce n’est pas vrai!
M. Jean Glavany. Nous savons qu’il existe des risques constitutionnels, des risques de censure par la Cour européenne des droits de l’homme.
M. Bernard Deflesselles. C’est faux!
M. Jean-François Copé. C’est un alibi pour ne rien faire!
M. Jean Glavany. Rien ne serait pire que de légiférer dans un mois pour aboutir à une censure qui serait une immense victoire offerte à des groupes extrémistes que nous voulons tous combattre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous vous mettons aujourd’hui en garde: nous sommes disponibles pour le consensus, mais soyez vigilants, et essayez d’être sages pour être efficaces! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe GDR.
M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, il me revient d’expliquer la position des députés Verts avant la mise aux voix de la résolution déposée par le groupe UMP, et c’est avec un sentiment de colère et de honte mêlées que je m’adresse à vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Entre voile intégral et débat sur l’identité nationale, entre affaire de cœur et intrigue de cour, nous venons de vivre une année de diversion politique. Alors que notre pays traverse une période de difficultés sociales, que l’Europe s’est montrée incapable d’agir vite et franchement pour sauver la Grèce et stabiliser l’euro, alors que nous constatons une fois de plus la fragilité de notre planète, avec le volcan islandais et la marée noire qui vient de souiller les côtes nord-américaines (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) , rien ne semble plus nécessaire pour le Gouvernement et la majorité que de légiférer contre le voile intégral.
Le temps politique semble s’être arrêté. Le pays serait tétanisé devant la menace que représentent des femmes portant niqab ou burqa , bras armé d’un nouveau fascisme. Combien sont-elles? Mille neuf cents, affirme-t-on dans cette proposition de résolution. (« Et alors? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Leur nombre est marginal, mais cela ne compte pas. Ces femmes seraient la manifestation unique du développement de pratiques radicales. Leur nombre serait suffisant, paraît-il, pour mettre en danger les fondements de la République.
La France que je connais, et que j’aime tout autant que vous, est loin de la caricature que vous en faites. Certes, notre pays connaît des difficultés, par exemple à l’école, qui reproduit les inégalités à cause d’un ascenseur social en panne et de la persistance de discriminations intolérables. Mais la société française ne vit pas soumise aux peurs que vous ne cessez d’attiser, aux fantasmes qui valent stigmatisation d’une partie de nos concitoyens de confession musulmane.
La France est un pays ouvert, tolérant, où la diversité est souvent vécue comme un enrichissement. C’est un pays où l’islam, devenu deuxième religion, se pratique dans le calme et la modération,...
M. Claude Goasguen. Justement!
M. Noël Mamère. …sous l’effet d’une sécularisation rapide. Mais la France est un pays qui souffre de la crispation d’une partie de ses élites, notamment du personnel politique.
La majorité a décidé de proposer à la représentation nationale de voter une résolution dont on n’ignore plus rien des motivations depuis le débat sur l’identité nationale. Désormais, c’est: à droite toute! Au reste, votre prétendu attachement à la défense du droit des femmes ne trompe personne. Il suffit de voir le peu d’empressement du Gouvernement et de sa majorité à inscrire à l’ordre du jour du Sénat la proposition de loi contre les violences faites aux femmes, pourtant votée à l’unanimité le 25 février 2010, à l’Assemblée nationale.
Recréer les conditions d’un ralliement des électeurs du Front national semble donc être devenu une priorité pour les responsables de la majorité. Que les électeurs finissent toujours par préférer l’original à la copie ne semble guère vous affecter (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) . L’héritière Le Pen amalgame mieux que vous la souffrance sociale et la supposée islamisation de la France (Mêmes mouvements) ,…
M. Lucien Degauchy. Provocateur!
M. Noël Mamère. …le minaret et les dégâts de la mondialisation, le voile intégral et les interrogations identitaires. (Claquements de pupitre sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La diversion est donc devenue un pilier de votre politique. Comme le Président de la République n’a plus rien à dire au pays, comme sa crédibilité est désormais au plus bas, il lui faut mettre les bouchées doubles pour rassembler un électorat de droite las de ses outrances et de sa mise en scène d’un pouvoir qui tourne à vide. Rien de mieux, dans ces conditions, qu’un débat qui divise, oppose, stigmatise et qui, dans le brouhaha, tente de faire oublier les questions sociales et écologiques, le plan d’austérité ou encore le niveau historique du chômage.
M. Lucien Degauchy. Provocateur!
M. Noël Mamère. Plus grave encore est la fabrication du bouc émissaire parfait en la personne du musulman. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) A coups de déclarations insidieuses et de propos ignobles,…
M. Claude Goasguen. C’est scandaleux!
M. Noël Mamère. …ce stéréotype, objet de stigmatisation, s’est construit et prospère grâce à deux figures repoussoir: la fille voilée et le garçon arabe. Ces figures reposent elles-mêmes sur deux interprétations simplistes: la fille voilée, toujours aliénée, toujours soumise, que l’on va émanciper en l’enfermant dans l’espace domestique ou en l’excluant de l’école; le garçon arabe, sexiste et violent, devenu le barbu intégriste qu’il faudrait mater et qui est désormais polygame dans le portrait que vous vous efforcez d’en dresser. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Tout y passe: « le bruit et les odeurs », sa prolifération – « Quand il y en a un, ça va, mais quand il y en a plusieurs… » –, ses mœurs et sa prétendue polygamie, la viande hallal ( Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP) ,…
M. le président. Je vous en prie!
M. Jean Glavany. Quelle honte! Cette fois, vous n’infligez pas d’amende, monsieur le président? C’est incroyable!
M. Noël Mamère. …sa religion qui inonde l’espace public, avec ses voiles et ses minarets. Oui, l’islamophobie – car c’est de cela que nous parlons – est devenue un thème porteur. (Claquements de pupitres prolongés sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vous en prie!
M. Noël Mamère. Monsieur le président, vous n’arrivez même pas à imposer le calme à une assemblée qui joue sur les stigmatisations…
M. le président. Monsieur Mamère, veuillez conclure!
M. Noël Mamère. …et qui, aujourd’hui, est à la recherche d’un électorat perdu. Nous ne participerons pas à cette mascarade et à cette combine. Comme nos collègues communistes, nous ne prendrons donc pas part à ce vote, car voter – pour, contre – ou s’abstenir, ce serait contribuer à cette instrumentalisation. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Merci, monsieur Mamère.
M. Jean Glavany. Cette fois-ci, vous n’infligez pas d’amende, monsieur le président? Ce sectarisme est honteux!
M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Nicolas Perruchot. Monsieur le président, madame la ministre d’État, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais indiquer à mon collègue Noël Mamère que ses propos sont tout sauf une réponse à la violence faite aux femmes qui portent la burqa dans ce pays. (« Bravo! » et applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.) Ils sont une insulte au travail accompli par les trente-quatre députés de la mission d’information…
M. Jean Glavany. Il y en a eu d’autres, des insultes!
M. Nicolas Perruchot. …qui, à chaque instant, ont tenté de mettre en avant la dignité des femmes et le respect de leurs droits. (M. Mamère quitte l’hémicycle. – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.)
M. Noël Mamère. Vous le paierez devant l’histoire!
M. le président. Poursuivez, monsieur Perruchot!
M. Nicolas Perruchot. J’ajoute qu’avec ce type d’explications, M. Mamère se place définitivement dans le camp de celles et ceux qui provoquent la République aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Mes chers collègues, nous nous apprêtons à voter une proposition de résolution qui comporte une signification symbolique très forte. Elle nous invite à réaffirmer notre attachement aux valeurs fondamentales de la République face au développement de pratiques radicales qui y portent atteinte. Je fais ici référence à la pratique du port du voile intégral, perçue par de nombreux citoyens comme contraire aux valeurs essentielles de la République.
L’examen de cette proposition de résolution s’inscrit dans le cadre des discussions initiées depuis la création de la mission d’information sur la pratique du port du voile intégral sur notre territoire national. Ce débat fut marqué par des échanges fructueux, qui ont démontré qu’il transcendait les habituels clivages droite-gauche. Lorsqu’il s’agit de défendre les valeurs fondamentales de notre République, notamment la dignité et la place de la femme au sein de notre société, nous devons concentrer tous nos efforts afin de continuer à travailler dans une logique consensuelle.
Comme l’a souligné ma collègue Colette Le Moal, le débat sur le voile intégral est un débat sur le rôle et la place de la femme dans notre société, ainsi que sur ses droits dans la République. Je l’affirme ici avec insistance: la conception d’une femme subordonnée à l’homme ne trouve et ne trouvera jamais de place au sein de la République française. Dans ce contexte de mise en cause de nos valeurs républicaines par l’évolution de certaines pratiques, le groupe Nouveau Centre considère qu’il est nécessaire de réaffirmer ces valeurs avec conviction.
Toutefois, je me permets d’exprimer une réserve sur le contenu de la proposition de résolution. On peut en effet regretter que le texte que nous examinons aujourd’hui ne corresponde pas tout à fait à celui qu’avait élaboré l’ensemble des membres de la mission d’information dans une logique de consensus. En effet, la référence explicite au vivre ensemble républicain ne figure pas dans la présente proposition. Or nous insistons sur le fait que la pratique du port du voile intégral constitue bien une entrave à ce vivre ensemble républicain. Dans notre société, l’échange se fait à visage découvert. Accepter la pratique du port du voile intégral signifie en fin de compte accepter l’exclusion de la femme de l’échange social et de la rencontre.
Nous considérons qu’il est de notre devoir de lutter contre toutes les exclusions qui conduiraient la femme à ne pouvoir respecter les valeurs qui fondent notre vivre ensemble républicain et auxquelles nous sommes, toutes et tous, tant attachés. C’est là, mes chers collègues, une véritable exigence. En conséquence, notre groupe votera cette proposition de résolution avec conviction. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)M. le président. Voici le résultat du scrutin:
Nombre de votants 435 Nombre de suffrages exprimés 434 Majorité absolue 218 Pour l’adoption 434 Contre 0 (La proposition de résolution est adoptée.)M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente:
Proposition de loi sur le retour au tarif réglementé d’électricité et de gaz naturel.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l’Assemblée nationale,
Claude Azéma