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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 7 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Maurice Leroy

. Immigration, intégration et nationalité

Rappels au règlement

M. Jean-Marc Ayrault

M. Jean-Pierre Brard

Mme Anny Poursinoff

M. le président

M. Éric Besson, ministre de l’immigration

M. Jean-Marc Ayrault

M. Éric Besson, ministre de l’immigration

M. Jean-Marc Ayrault

M. Éric Besson, ministre de l’immigration

M. Jean-Marc Ayrault

M. Claude Goasguen

M. Patrick Braouezec

M. Éric Besson, ministre de l’immigration

Discussion des articles (suite)

Article 42

Mme Sandrine Mazetier

M. le président

Amendements nos 106, 297, 444

Rappel au règlement

Mme Sandrine Mazetier

M. le président

Article 43

Amendements nos 107, 298, 445

Article 44

Amendements nos 108, 299

Article 45

M. Patrick Braouezec

M. le président

M. Patrick Braouezec

M. le président

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois

Article 46 à 48

Article 49

M. Étienne Pinte

Amendements nos 154, 153, 216, 16 rectifié, 215

Article 50 à 53

Article 54

Amendement no 590

Article 55, 56 et 57A

Article 57B

Amendement no 17

Articles 57 à 60, 60 bis, 60 ter, 61 à 65

Article 66

Amendement no 18

Article 67

Amendement no 19

Article 68 à 73

Article 74

Amendement no 20

Article 74 bis

Amendements nos 109, 145

Article 75

Amendement no 110

Après l’article 75

Amendements nos 44, 346, 2

Article 75 bis

Amendement no 21

Article 75 ter

Amendements nos 111, 22

Après l’article 75 ter

Amendements nos 144, 147, 146, 142, 143 rectifié, 34, 583, 58

Articles 76 A, 76, 76 bis, 77 et 78

Article 79

Amendement no 23

Articles 80 et 81

Article 82

Amendements nos 24, 152, 25

Article 83

Amendements nos 26, 27

Article 84 A

Amendements nos 28 rectifié, 29

Article 84

Explications de vote personnelles

M. Étienne Pinte, M. Patrick Braouezec, M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, M. Éric Besson, ministre de l’immigration

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Maurice Leroy,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Immigration, intégration et nationalité

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est d’une heure trois minutes pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, dont 65 amendements restent en discussion ; seize secondes pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, …

M. Jean Mallot. C’est trop !

M. le président. …dont 61 amendements restent en discussion ; treize minutes trente-quatre secondes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine,…

M. Patrick Braouezec. Énorme !

M. le président. …dont 29 amendements restent en discussion ; trois heures cinquante-trois minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont neuf amendements restent en discussion ; vingt-trois minutes treize secondes pour les députés non inscrits.

M. Jean-Marc Ayrault. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je voudrais, dans le peu de temps de parole qui me reste, revenir, en quelques mots, sur le débat de ces derniers jours et utiliser cette tribune pour me faire entendre au-delà de cet hémicycle.

En débattant d’immigration, nous avons, en creux, parlé de la France : de la France que nous voulons et, je dirais même, que nous aimons.

Personne ici n’ignore la nécessité d’une politique d’immigration réaliste. Personne n’a évoqué la perspective d’une régularisation générale.

Nous avons plaidé pour plus de transparence, plus d’égalité, plus d’humanité et plus de fermeté pour ceux qui entretiennent les filières d’immigration clandestines.

Nous avons plaidé pour plus de transparence parce que nous considérons que l’opacité entretient le fantasme et que la clarté dépassionnerait un débat empoisonné depuis de nombreuses années par les arrière-pensées ou les calculs politiciens. La commission des lois avait d’ailleurs, dans un premier temps, adopté un amendement du groupe socialiste, radical et citoyen, défendu par Sandrine Mazetier, suggérant un débat parlementaire tous les trois ans pour fixer les objectifs et évaluer les résultats précédents. Cela nous a été refusé par le Gouvernement.

Nous plaidons pour plus d’égalité parce que nous voulons être fidèles à la République et que nous nous indignons que l’article 1er de la Constitution puisse être violé. Nous avons, sur tous les bancs, noté le caractère purement symbolique et nullement dissuasif de la déchéance de la nationalité. Nous avons démontré que cette mesure n’aurait aucun effet sur les criminels mais renvoyait les Français à la création de deux catégories : celle des Français de souche et celle des Français d’origine étrangère.

Le Gouvernement, la semaine dernière, est resté sourd à nos propos. Il a préféré entendre la revendication de l’aile droite de la majorité,…

M. Jean Mallot. Très à droite !

M. Jean-Marc Ayrault. …qui voudrait revenir progressivement sur le droit du sol. Nous avons entendu le rapporteur relativiser cette part de notre héritage en considérant que ce droit était lié à la conjoncture d’une époque où les armées de la République réclamaient de nouveaux conscrits. Le Gouvernement a annoncé une réflexion sur la nationalité, dont on ne peut présager que de nouveaux reculs.

Nous plaidons pour plus d’humanité parce que nous sommes la France et que la patrie des droits de l’Homme s’honore de n’avoir à s’aligner que sur ses propres standards, qui doivent être ceux de la justice et du droit.

Vous avez préféré rogner l’intervention du juge des libertés et de la détention, augmenter la durée de rétention, stigmatiser les mariages mixtes. Plus indigne encore, vous avez choisi de limiter l’accès aux soins des grands malades, prenant ainsi le risque de renvoyer certains d’entre eux vers une mort certaine.

M. Jean Mallot. C’est vrai.

M. Jean-Marc Ayrault. Nous plaidons, enfin, pour plus de fermeté à l’égard de ceux qui vivent de la misère en entretenant les filières d’immigration clandestine ou emploient une main-d’œuvre corvéable et bon marché. Mais, cette fois, votre majorité a préféré la modération. La répression pour les victimes, l’indulgence pour les employeurs, voilà qui signe une politique : la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Nous n’avons pas encore discuté de la question des employeurs !

M. Jean-Marc Ayrault. Sur ce dernier sujet, nous n’aurons malheureusement pas de débat, à cause de la procédure absurde du temps programmé. Le nouveau règlement de l’Assemblée nationale, imposé par la majorité, oblige le débat à s’arrêter, et la confrontation, nécessaire en démocratie, à n’avoir pas lieu.

Comme l’a indiqué le président de séance, les députés socialistes, radicaux et citoyens ne disposent plus que de seize secondes de temps de parole alors qu’il reste encore presque quarante articles à examiner. Quelle conception de la démocratie parlementaire est-ce là ?

M. Patrice Martin-Lalande. Une conception qui prône la responsabilité !

M. Jean-Marc Ayrault. Finalement, nous n’aurons discuté que de la moitié des articles de ce projet. Quel parlement démocratique du monde pourrait accepter cet état de fait ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Comment pouvez-vous, mesdames et messieurs les députés de la majorité, vous résigner à n’être que des fantômes dans cet hémicycle ? Nous, nous ne l’acceptons pas ! (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Marie Rolland. Dans tous les parlements modernes, la procédure est la même !

M. Jean Mallot. Parce que vous êtes modernes, vous ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cette confrontation nécessaire à la démocratie, qui peut être à la fois ferme et sereine, nous l’avons pourtant conduite sans jamais chercher ni l’outrance, ni la démagogie. Vous ne pouvez pas nous accuser de blocage parlementaire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) À aucun moment, nous n’avons pratiqué l’obstruction (Même mouvement) rendue de toute façon impossible par le nouveau règlement.

M. Franck Riester. Heureusement !

M. Jean-Marc Ayrault. La vérité, c’est qu’aujourd’hui, dans notre assemblée, il n’est plus possible de conduire un débat au fond sur l’ensemble d’un texte. Le temps programmé trouvait sa justification dans les excès des techniques de flibuste. Ces abus ont totalement disparu. La pratique du règlement actuel a pour seul et unique but de censurer le débat démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) En tout cas, c’est le constat que nous sommes obligés de faire.

Quand j’entends les réponses faites par la présidence de l’Assemblée à nos demandes de temps additionnel – se limitant à quelques heures supplémentaires pour terminer l’examen du texte –, je me demande à quelle conception de la démocratie elles se rattachent. Une demande écrite, paraît-il, ne suffirait pas : il faudrait la formuler de manière orale. Mais, quand elle est formulée de manière orale dans l’hémicycle, lieu où sont pourtant présents l’ensemble des députés, ce n’est pas encore assez, il faudrait la reformuler en conférence des présidents. Je ne sais pas si le président Accoyer s’est rendu compte de ce qu’il avait dit et écrit.

M. Jean-Pierre Brard. Ce n’est pas sûr !

M. Jean-Marc Ayrault. Jusqu’où sommes-nous tombés ?

M. Jean Mallot. Bien bas !

M. Jean-Marc Ayrault. J’ai parlé hier de voyage au bout de l’absurde ! Depuis quand le formalisme prime-t-il sur l’intérêt du débat ?

Mes chers collègues, la guillotine va donc tomber sans que nous ayons pu défendre notre point de vue sur la durée de rétention, que M. Hortefeux s’était pourtant engagé à ne pas rallonger lors du vote de la directive « retour ».

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous ne parlerons pas non plus de toutes ces purges de nullités de procédure qui reviendront à amnistier certaines irrégularités. Nous ne parlerons pas non plus du temps réduit dont disposera le juge des libertés.

Nous ne parlerons pas non plus de l’article 49 qui vise encore et toujours les Roms, sans le dire, en étendant aux cas de reconduite à la frontière les cas d’occupation illégale d’un terrain.

Nous ne parlerons pas davantage de la nécessaire suppression du délit de solidarité.

Nous ne parlerons pas des restrictions apportées à l’accès à l’aide juridictionnelle des demandeurs d’asile, nous ne parlerons pas de l’extension de la procédure prioritaire qui limite encore l’exercice du droit d’asile par des étrangers susceptibles de persécutions en cas de retour forcé.

Nous ne parlerons pas de nombreux autres sujets, plus techniques certes, sur lesquels nous nourrissons de vives inquiétudes.

Nous ne parlerons pas de tout cela, parce que vous nous avez refusé ce droit.

M. Alain Vidalies. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. Je terminerai en quelques mots, saluant à nouveau celles et ceux qui, dans la majorité, ont eu le courage de s’élever contre ce texte. Au moment où le président s’apprête à s’envoler pour la cité du Vatican…

Mme Delphine Batho. Avec Patrick Buisson !

M. Jean-Marc Ayrault. …pour tenter de « recoller les morceaux » avec les catholiques de France, je ne peux m’empêcher de ressentir une gêne. Le laïque que je suis, c’est-à-dire l’homme respectueux de toutes les convictions, du droit de chacun de croire ou de ne pas croire, ne peut que s’indigner contre la vision instrumentale, électoraliste, clientéliste,…

M. Jean-Pierre Brard. Cléricale !

M. Jean-Marc Ayrault. …que le président se fait des religions. Je lui conseille plutôt de lire ces quelques mots d’Étienne Pinte, publiés cette semaine par le journal Libération, car nous nous retrouvons là, sur ce qui nous est commun, la République, nonobstant nos divergences politiques sur d’autres sujets : « Pourquoi la France ? Pourquoi nous ? Parce que, depuis plus de deux siècles, nous sommes un signe, une flamme, une espérance de liberté et de respect de l’homme et de ses droits. Soyons fidèles, au delà de l’image, à nos convictions, à nos engagements. Dans Des hommes et des dieux » – ce superbe film que nous sommes nombreux ici, je pense, à avoir vu –, « une femme algérienne dit aux moines : » – alors qu’ils s’interrogent, se demandent s’ils doivent partir – « ’’Nous sommes des oiseaux sur la branche. Vous êtes la branche sur laquelle nous poser.’’ Restons la branche sur laquelle peuvent se poser nos frères étrangers. »

Nous avons maintenant rendez-vous mardi prochain pour le vote solennel sur le texte. Ce rendez-vous, chacun l’aura avec sa conscience d’homme. Ce projet contient peu d’améliorations et accumule les dispositions d’exclusion. Chacun ici est juge, chacun est libre. Nous sommes des élus de la nation, nous n’avons pas de mandat impératif et, sur certains sujets, chacun doit prendre ses responsabilités. C’est d’ailleurs le sens de l’alinéa 13 de l’article 49 du Règlement, qui offre à chaque député la possibilité de prendre la parole pour une explication de vote personnelle, même si le Président de l’Assemblée nationale nous a déniés ce droit, sur un autre sujet, celui de la réforme des retraites, le 15 septembre dernier.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault. Nous n’en avons pas fini, monsieur le ministre, avec le droit, le droit français, le droit européen, c’est-à-dire, au fond, nos valeurs. Ce que partagent les membres anciens ou plus récents de l’Union européenne, c’est un engagement à respecter le droit qui nous est commun, une obligation de le faire.

Une circulaire récente a été annulée par le ministre de l’intérieur, tant son contenu était illégal. Elle avait été préparée par les services, non seulement du ministère de l’intérieur, mais aussi de celui de l’immigration et de l’identité nationale, votre propre ministère, monsieur Besson. Après l’annulation de cette circulaire illégale, nous pensions en avoir fini. Eh bien, nous n’en avons pas fini avec les fichiers illégaux ! Aujourd’hui, Le Monde nous apprend que la gendarmerie utilise un fichier illégal qui vise les Roms et les gens du voyage.

Allons-nous enfin revenir aux fondamentaux de la République ? Aurez-vous enfin un peu de lucidité pour voir ce qui est en train de se passer ? Je pose la question non pas à la majorité, mais à chacune et à chacun d’entre nous, aux députés de la nation, qui n’ont aucun mandat impératif, qui ont un seul devoir, celui de rendre compte aux Françaises et aux Français. C’est le message que j’ai voulu vous délivrer aujourd’hui. Si les seize secondes qui nous restent pour parler de tout cela ont un côté dérisoire qui n’honore pas l’Assemblée nationale, nous voulons rester fidèles au mandat que le peuple nous a donné. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, compte tenu du temps qui nous reste, je serai très bref.

Je précise simplement, pour ceux qui suivent nos débats dans les tribunes, sur Internet ou grâce à la TNT, que vous avez adopté hier un amendement qui stigmatise l’étranger, à la cheville duquel vous allez fixer un bracelet électronique. Il ne manque plus que le boulet, comme à Cayenne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Il n’y avait pas de boulet, à Cayenne !

M. Jean-Pierre Brard. Quant à nous, vous nous imposez le bâillon sarkozien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Entre l’étranger et les parlementaires que nous sommes, il y a un point commun : nous ne sommes, ni eux ni nous-mêmes, des délinquants. Eux cherchent à vivre de leur travail tandis que nous sommes ici pour nous exprimer librement, au nom du peuple français tout entier, ce que vous nous interdisez. Vous voulez nous réduire au rôle de ces ânes qui ne pourraient dire leur opinion qu’en inclinant la tête dans un sens ou dans l’autre. Vous humiliez la France éternelle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nicolas Sarkozy – honte à lui !– met l’éteignoir sur cette France qui fait honneur à nos ancêtres de la Révolution, de la Commune, et qui rayonne aujourd’hui encore, d’Abélard à Edgar Morin, en passant par Jean-Jacques Rousseau, Victor Hugo, Romain Rolland et Marguerite Yourcenar.

Mes chers collègues, nous n’avons pas le temps, puisque vous nous bâillonnez (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais méditez cette phrase de Gracchus Babeuf : « Là où il n’y a plus de droits, il n’y a plus de devoirs ! »

Mme Anny Poursinoff. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pourrai pas intervenir sur les différents articles : le temps qui nous est imparti est trop court.

Je me permettrai cependant un certain nombre de remarques.

Sans oublier de rendre hommage à M. Pinte et à sa détermination, je citerai une lettre de Flaubert à George Sand : « Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. »

Oui, comme Flaubert, je suis exaspérée. En effet, vous avez peur des étrangers, vous avez peur des pauvres. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce matin, vous nous avez montré que votre peur vous aveugle, même quand il s’agit d’enfants roumains vendus à la prostitution.

M. Michel Lezeau. C’est scandaleux !

Mme Anny Poursinoff. Vous ne les considérez pas comme des victimes, mais comme des jeunes qu’il faut renvoyer loin de nos yeux.

M. Patrice Martin-Lalande. C’est honteux, de dire cela !

Mme Anny Poursinoff. Je vous le rappelle : tous, nous sommes arrivés totalement par hasard sur un point de la planète. Certains ont eu plus de chance que d’autres, mais je ne renonce pas à l’idée de faire valoir, un jour, mes droits de citoyenne du monde.

Une question me taraude : suis-je une « bonne petite Française » ? Mon grand-père était russe, et ma grand-mère était belge. Quel aurait été le sort de mes parents si vous aviez été au gouvernement à l’époque ?

Vendredi, j’étais à une remise des médailles du travail, dans ma circonscription. Devant moi se tenaient des ouvriers du bâtiment, pour la plupart originaires de l’autre côté de la Méditerranée. Qui aurait construit nos maisons s’ils n’avaient pas été là ? Qui construira encore nos maisons si on les renvoie chez eux ? Qui, dans les cuisines des restaurants parisiens, prépare vos dîners ? Qui, ici, nettoie nos bureaux ? Stigmatiser les étrangers comme vous le faites par cette loi, c’est une politique irresponsable. Monter des êtres humains les uns contre les autres, alors que c’est de concorde, d’amitié et de fraternité que notre société a besoin, ce n’est responsable ni sur le plan humain, ni sur le plan économique, ni sur le plan de la santé publique. Renvoyer des personnes malades mourir dans leur pays, ce n’est pas une politique responsable.

M. Franck Riester. Vous n’avez pas honte de dire cela ?

Mme Anny Poursinoff. Mieux vaut être riche et bien-portant que pauvre et malade : voilà à quoi se résume la politique de votre gouvernement, monsieur Besson !

M. Patrice Martin-Lalande. Quelle pauvreté dans l’argumentation, plutôt !

Mme Anny Poursinoff. Nous, écologistes, nous nous y opposerons de toutes nos forces. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Avant de donner la parole à M. Goasguen, je voudrais informer complètement l’Assemblée et les personnes qui suivent nos débats, comme l’a élégamment fait M. Brard.

Je ne m’immiscerai pas, à la place qui est la mienne, dans les débats, mais les deux rappels au règlement de M. Brard et Mme Poursinoff, comme chacun l’a constaté, seront légitimement décomptés du temps de parole de leur groupe. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean-Pierre Brard. Légitimement, non !

M. le président. Monsieur Brard, je vous ai écouté calmement. Commencez donc par vous appliquer les propos tenus par le président Ayrault. De même que je vous ai calmement et sereinement écouté, je vous annonce calmement et sereinement que ces deux rappels au règlement seront décomptés de votre temps de parole, comme le prévoit le règlement que j’ai la charge d’appliquer. Ce n’étaient effectivement pas des rappels au règlement.

Sans m’immiscer non plus dans les débats, je rappelle au président Ayrault qu’il a utilisé son temps de parole comme il l’entendait, comme le prévoit le règlement. C’est son droit, dont il use librement.

Je ne peux cependant, monsieur Ayrault, vous laisser mettre en cause le président de l’Assemblée nationale. Non, je ne le peux pas, je vous le dis très clairement.

M. Jean Mallot. Vous ne pensez pas un mot de ce que vous dites ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Comme vous le savez, lorsque je préside, je respecte le pluralisme de notre assemblée, et personne ne peut me prendre en défaut sur ce point. Je vous remercie de bien vouloir m’en donner acte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le pluralisme vaut pour tous. Que les choses soient claires : il n’y a pas de gens qui seraient plus « pluriels » que d’autres.

Il est dommage, monsieur Ayrault, que vous ayez décidé de ne siéger ni à la conférence des présidents ni au Bureau.

M. Jean Mallot. C’est une appréciation personnelle !

M. le président. Non, ce n’est pas une appréciation personnelle. Monsieur Mallot, on vous écoute même lorsque vous interpellez sans avoir la parole. Écoutez donc vous aussi, un instant.

La conférence des présidents règle l’ordonnancement de nos travaux. Le président de séance, quel qu’il soit, lorsqu’il est assis dans ce fauteuil présidentiel, oublie son appartenance politique. Nous l’avons constaté hier soir avec notre collègue Jean-Pierre Balligand, qui a parfaitement présidé les travaux, comme tous les présidents de séance. Il n’y a ici que des présidents de séance qui respectent le règlement. Celui-ci est clair et s’impose à tous : il y a des temps de parole à respecter.

Mme Sandrine Mazetier. Il n’y en a qu’un qui ne respecte pas le règlement, c’est le président Accoyer ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Vous le lui direz. Votre président de groupe, madame Mazetier, viendra en conférence des présidents pour le lui dire. (Mme Mazetier s’exclame vivement.)

Madame Mazetier, vous n’avez pas la parole.

Mme Sandrine Mazetier. Eh bien, je la prends !

M. le président. Nous ne sommes pas dans une cour de récréation. Le règlement est fait pour que chacun soit respecté. Ce que vous faites n’est pas correct, y compris pour la démocratie, et, en élevant le ton, on n’élève jamais le débat.

M. Jean Mallot. C’est pourtant ce que vous faites !

M. le président. Je le fais pour essayer de faire respecter le temps de parole de tous, y compris de la majorité, qui a les mêmes droits que vous.

La parole est à M. le ministre.

M. Alain Vidalies. Quand le président de l’Assemblée nationale viole le règlement, on ne vous entend pas !

M. le président. Vous souhaitez bien un débat, monsieur Vidalies ? Le ministre peut-il s’exprimer ?

M. Alain Vidalies. Bien sûr !

M. le président. Alors, écoutez-le.

Vous avez la parole, monsieur le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Personne ne souhaite bâillonner M. Brard, qui fait depuis longtemps les délices de cette assemblée !

Madame Poursinoff, j’ai été surpris de certains de vos propos, notamment quand vous parlez de ceux qui sont, dites-vous, attachés à l’ordre. J’imagine que tout le monde l’est dans cette assemblée,…

M. Patrice Martin-Lalande. En effet !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …car il s’agit de l’ordre républicain, avec un équilibre de droits et de devoirs, qui a fondé notre République et que nous essayons jour après jour de préserver. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier. Avec des fichiers discriminatoires ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Vous avez aussi voulu ironiser sur l’expression « bon Français ». Je sais que certains d’entre vous voudraient la rattacher exclusivement au pétainisme. Puis-je vous citer le testament de Marc Bloch, qui ne peut guère être suspecté de pétainisme ? « Je n’ai eu qu’un seul but dans ma vie : vivre et mourir en bon Français. » Il écrivait cela juste avant d’être fusillé, en criant : « Vive la France ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je me tourne maintenant vers le président Ayrault, que j’ai écouté très attentivement. Monsieur le président, vous avez essayé de synthétiser la pensée de votre groupe. Certaines choses m’ont, moi aussi, frappé tout au long de nos débats.

D’abord, alors que vous vous dites très européen, vous n’arrivez décidément pas à accepter l’idée que la promotion de l’immigration légale, la lutte contre l’immigration illégale, la politique de l’asile et le développement solidaire sont désormais des politiques que la France, ainsi que l’ensemble des pays de l’Union européenne, essaient de mener en commun et d’harmoniser. Or le texte que nous examinons consiste, pour l’essentiel, à transposer trois directives européennes, comme le font tous nos homologues et partenaires européens, puisque cette transposition est obligatoire.

Ensuite, je vous sais gré d’avoir rappelé que la politique française d’immigration est fondée à la fois sur la fermeté et sur l’humanité. Vous dites qu’il faut aller plus loin. Allez donc au bout de votre démonstration ! Rappelez, s’il vous plaît, que c’est en France que le droit des étrangers en situation irrégulière est le plus protecteur en Europe...

M. Patrick Braouezec. Faux !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …et que rien de ce qui a été voté dans cette assemblée depuis le début de nos débats n’a porté atteinte à cette protection supérieure.

M. Serge Blisko. Faux également !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. On a l’impression que la générosité française vous gêne. Pourquoi ne rappelez-vous jamais que la France est la première en Europe et la plus généreuse en matière d’asile ?

M. Patrick Braouezec. Faux encore !

M. Serge Blisko. Ce n’est vrai qu’en chiffres absolus !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Que les « oiseaux sur la branche », évoqués par Étienne Pinte, choisissent d’abord la branche française, première en Europe et deuxième dans le monde ? Défendons ensemble cette générosité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Puis-je dire et redire, monsieur Ayrault, que la France est la seule en Europe à financer des associations qui interviennent dans les centres de rétention administrative pour aider les étrangers en situation irrégulière à rédiger leur recours contre l’action de l’État ? N’est-ce pas là le symbole absolu de la générosité et de la démocratie à la française ? L’État français finance des associations qui se retournent contre son action, et dont le verbe est très libre, comme vous avez pu le constater.

M. Jean Mallot. Et ça, qu’en faites-vous ? (M. Mallot brandit le journal Le Monde.)

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. S’agissant de la Cour nationale du droit d’asile, il n’y a, dans le monde, qu’en France qu’un assesseur d’une telle juridiction soit issu du Haut Commissariat pour les réfugiés. Lisez les rapports du Haut Commissariat : vous constaterez à quel point l’on sait gré à la France de cette exception.

Tout cela ne vous empêche pas d’avoir égrené, au fur et à mesure des débats, certaines contrevérités, que je ne peux pas laisser passer.

M. Jean Mallot. Et ça, vous laissez passer ? (M. Mallot brandit à nouveau le journal Le Monde.)

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. J’en relèverai une ou deux.

Vous dites que la France est contre les mariages mixtes. En quoi cela vous gêne-t-il que nous luttions contre les mariages frauduleux, les mariages de complaisance, les escroqueries sentimentales ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Patrice Martin-Lalande. Cela existe aussi, hélas !

M. Laurent Hénart. En effet !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Avez-vous noté que les femmes sont les premières victimes de ces mariages frauduleux et qu’il s’agit, pour 90 % d’entre elles, de femmes d’origine étrangère ? Qu’est-ce qui gêne le groupe socialiste dans le fait que l’État français essaie de mettre fin à ces mariages frauduleux, à ces escroqueries sentimentales qui blessent des femmes ? (« Bravo » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous ne pouvez pas non plus énoncer en permanence des contrevérités grossières sur la rétention. Je vous répète pour la soixante-troisième fois, ce qui, normalement, devrait provoquer de hauts cris sur vos bancs, que la rétention administrative a été créée par François Mitterrand et que c’est sous le gouvernement de Lionel Jospin qu’elle a été adaptée afin d’accueillir des familles. Cela vous gêne, mais c’est ainsi ! Et cela a été considéré, en France et en Europe, comme une avancée démocratique.

Enfin, monsieur le président Ayrault, on ne peut pas tenir perpétuellement deux langages. Le président du groupe socialiste se plaint de la reconduite dans leur pays d’origine des Roumains en situation irrégulière. Mais le maire de Nantes demande le démantèlement de ces campements et va jusqu’à faire appel des décisions de justice. Cela en dit long sur vos contradictions et votre ambiguïté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrice Martin-Lalande. C’est de la schizophrénie !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Et nous les avons retrouvées tout au long du débat. En commission, Mme Mazetier se targuait, il y a quelques jours, du fait que la gauche avait eu un taux de reconduite à la frontière plus important que celui de l’actuelle majorité.

Mme Sandrine Mazetier. Parce que nous respections le droit ! Vous, vous ne respectez pas le droit des personnes !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’était presque une leçon de productivité qu’elle prétendait nous donner ! C’est hallucinant au regard de son discours !

Mme Sandrine Mazetier. Je ne peux pas vous laisser égrener des contrevérités sans réagir ! Je ne peux pas le dire à la tribune puisque nous n’avons plus de temps de parole, mais vous êtes pathétique ! Et vos mensonges sont patents !

M. le président. Le ministre a seul la parole. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. J’ai noté, monsieur le président Ayrault, que vous avez essayé, avec une grande habileté, de gommer l’un des aspects les plus intéressants de la discussion qui a eu lieu dans cet hémicycle depuis une semaine. Nous avons eu beaucoup de mal à entendre quelle était la position du parti socialiste et du groupe SRC sur un certain nombre de sujets ; il y a même des versions très contradictoires,…

Mme Sandrine Mazetier. Lesquelles ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …y compris sur les reconduites. Martine Aubry explique que c’est honteux, quand François Rebsamen dit qu’il aurait fait exactement la même chose. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Sandrine Mazetier. Il n’a pas dit cela !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je vais vous relire l’amendement n° 374. Nous ne l’avons pas inventé, il a été déposé par votre groupe. Il préconise la régularisation de tout étranger ne vivant pas en état de polygamie et pouvant justifier par tous moyens de sa résidence habituelle en France depuis plus de cinq ans. Autrement dit, la seule position cohérente du groupe socialiste sur le sujet aura été de dire que, contrairement à tout ce que fait la France, et contrairement à tout ce que préconisent les vingt-sept pays de l’Union européenne, il faut revenir à la régularisation au fil de l’eau – non pas au bout de dix ans, comme à l’époque de M. Chevènement, mais au bout de cinq ans.

Vous vouliez, monsieur Ayrault, être entendu au-delà de cet hémicycle. J’espère que cette proposition aura également été entendue au-delà de l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Vidalies. Si le ministre pouvait élever le niveau du débat…

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’avais pas l’intention de reprendre la parole, mais je suis obligé de le faire, puisque je viens d’être mis en cause par le ministre. Il emploie les mêmes méthodes que son collègue de l’intérieur, M. Hortefeux, qui a fait la même chose ici, et que le porte-parole de l’UMP, M. Lefebvre, il y a quelques jours.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Non, c’est la vérité !

M. Jean-Marc Ayrault. Ce n’est pas digne de vous, monsieur le ministre, mais cela ne m’étonne pas, quand on sait à quel point vous avez su transgresser vos convictions pour passer d’un bord à l’autre, comme cela s’est déjà produit dans l’histoire ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Assez de leçons de morale !

M. Jean-Marc Ayrault. Vous avez trahi, renié les propos que vous aviez vous-même tenus sur l’actuel Président de la République alors qu’il n’était que candidat. Je n’ai pas de leçons de morale à recevoir de vous, et je n’accepte ni le mensonge ni la manipulation !

M. Christian Vanneste. Tartuffe !

M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le ministre, vous m’avez mis en cause en tant que maire de Nantes. Jamais je n’ai demandé la reconduction à la frontière de Roumains ou de Roms. Je suis seulement, comme beaucoup de maires, confronté à un problème difficile (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), celui des bidonvilles que créent aux abords de nos villes des populations en errance dont l’État ne s’occupe pas, laissant cette responsabilité aux seules collectivités locales.

J’ai posé une question au secrétaire d’État aux affaires européennes sur ce sujet. Mais vous, monsieur Besson, vous ne prenez pas vos responsabilités. Vous ne pouvez pas vous contenter de faire des déclarations et de mener des actions brutales. Car, ce faisant, vous laissez les collectivités locales, les communes, les départements, se débrouiller seuls.

Puisque vous abordez le sujet au plan local, j’ai récemment rencontré le collectif « RomEurope » de Nantes. Ensemble, nous allons demander une table ronde au préfet. Monsieur le ministre, le préfet aura-t-il l’autorisation de dialoguer avec les communes, le département et les associations humanitaires ?

M. Claude Goasguen. Y a-t-il eu un procès, oui ou non ?

M. Jean-Marc Ayrault. Cela nous permettrait de voir comment nous pourrions, ensemble, au plan local, traiter en termes d’intégration, mais aussi de projet de vie en Roumanie, ce problème douloureux, dans le respect du droit français et du droit européen.

M. Christian Vanneste. On donne déjà 4 milliards pour cela !

M. Jean-Marc Ayrault. Voilà quelle est ma politique. Je ne vois aucune contradiction, en tant que maire ou en tant que député, dans ma façon de gérer ces situations douloureuses. Mais vous, vous pratiquez l’amalgame et la manipulation. En revanche, vous vous êtes bien gardé de répondre à une interpellation, que je réitère : la gendarmerie nationale utilise-t-elle un fichier illégal visant les Roms et les gens du voyage ? Monsieur le ministre, j’attends votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Y a-t-il eu un procès, une instance judiciaire, oui ou non ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Monsieur le président Ayrault, le ministère de l’intérieur a publié, il y a quelques minutes, un communiqué de presse extrêmement clair dont il ressort que ce fichier n’existe pas, qu’il n’a pas été porté à la connaissance du ministre…

M. Jean Mallot. Il n’existe pas, ou il n’a pas été porté à la connaissance du ministre ? C’est très différent !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. …et que ce dernier diligentera toutes les enquêtes nécessaires pour vérifier l’éventuel bien-fondé de cette assertion. Je ne veux pas aller plus loin que ce que nous a dit le ministre de l’intérieur.

Mme Sandrine Mazetier. Cela n’a rien à voir !

M. Jean Mallot. C’est comme pour la circulaire ! Il continue de pratiquer le double langage !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Par ailleurs, à propos de ce que vous avez estimé être une mise en cause, ce que j’aime bien chez vous, monsieur le président Ayrault, c’est qu’on sait vite quand un argument vous touche, car instantanément vous sortez de vos gonds ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le fait que j’aie rappelé la vérité vous a conduit à tenter de transformer cela en querelle personnelle.

Je vais répéter exactement ce que j’ai déjà dit, parce que vous l’avez confirmé : j’ai dit que le président du groupe socialiste se plaignait à Paris des reconduites de Roumains en situation irrégulière dans leur pays d’origine, alors que le maire de Nantes demandait le démantèlement de ces campements.

M. Jean-Marc Ayrault. Cela n’a rien à voir !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Vous m’avez répondu : « Je n’ai jamais demandé de reconduites à la frontière. » Vous adoptez exactement la même position que Martine Aubry : vous demandez le démantèlement des campements, mais vous ne voulez pas faire reconduire les personnes dans leur pays d’origine. Autrement dit, vous demandez que les campements soient démantelés au fur et à mesure, mais que les étrangers en situation irrégulière passent d’un campement à un autre !

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Patrice Martin-Lalande. Incroyable !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Essayez d’avoir des positions un peu plus cohérentes, et tant pis si cela vous fait mal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Cela ne me fait pas mal. Mais je rappelle que M. Besson est passé de l’autre côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, vous n’avez jamais répondu à mes interpellations sur ce point, vous n’avez jamais réagi au texte que vous aviez écrit et que j’ai lu. Cela vous embête et, naturellement, vous préférez le silence, plutôt que d’assumer votre passage, comme celui de Marquet de la SFIO à Pétain. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cela vous embête, car c’est vraiment le fond de votre transgression et de vos reniements !

M. Patrice Martin-Lalande. Vous n’avez pas d’arguments sur le fond !

M. Jean-Marc Ayrault. En l’occurrence, vous venez, encore une fois, d’énoncer une contrevérité. Je mène une politique locale dans la mesure de mes moyens, mais seul, sans aucun appui de l’État.

M. Jean Mallot. Voilà la réalité !

M. Jean-Marc Ayrault. Qui est le responsable de cette situation ? Avec le conseil général, nous menons une politique d’intégration sur des projets de vie en France, et notamment à Nantes, de familles et de personnes d’origine roumaine, que l’on qualifie de Roms. Cela étant, il est des situations dans lesquelles nous avons demandé à la justice de faire évacuer certains terrains (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) qui sont de vrais bidonvilles et pour lesquels, seuls, nous n’avons pas de solution. C’est pour cette raison que je viens de demander au préfet, avec les associations, une table ronde pour voir ce que vous êtes capables de faire, et nous attendons votre réponse. Il y a des situations indignes que nous ne pouvons pas accepter. Mais dans de nombreux cas, des solutions sont trouvées, tant au plan individuel que familial, pour permettre un projet de vie, soit en France, soit en Roumanie,…

M. Claude Goasguen. Voilà ! C’est ce que nous voulions savoir !

M. Jean-Marc Ayrault. …avec l’accord des personnes concernées.

N’essayez donc pas de me mettre en difficulté. C’est une politique difficile. Nous la menons avec humanité, fermeté, dans le respect du droit.

Voilà ce que j’avais à vous dire. N’essayez pas de trouver des contradictions chez moi ! Je suis parfaitement à l’aise. Je ne me suis pas mis en colère. Je suis simplement indigné par vos manipulations. Je suis aussi indigné par la place que vous occupez, alors que, voici quelques années, vous étiez le premier à combattre cette même politique, et vous l’avez même écrit de votre propre plume ! Aujourd’hui, vous avez choisi d’assumer cette indignité et ce reniement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Monsieur le président, comme je l’ai constaté il y a un instant, M. Ayrault vient, une deuxième fois, de démontrer que, lorsqu’il ne sait pas quoi répondre, lorsque les faits se retournent contre lui, lorsque la vérité le blesse, il dérape et s’énerve. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

M. Jean-Marc Ayrault. Non, vous ne répondez jamais !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Il s’agit ici de bien plus qu’une attaque personnelle. Ce que vous avez suggéré va très loin. J’imagine que, le calme revenu, vous reprendrez tout de suite le micro pour vous excuser d’avoir tenu ces propos. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Si j’ai bien compris, passer de Ségolène Royal à Nicolas Sarkozy revient, comme un député que vous avez cité, à faire allégeance à Pétain.

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’ai pas dit cela !

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Si !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Autrement dit, l’actuel gouvernement de la France vous paraît être de même nature que celui du gouvernement de Vichy, et le Président de la République aurait quelque chose à voir avec Pétain. J’assume, monsieur le président Ayrault, le fait d’avoir quitté un parti qui était en permanence dans le déni de la réalité, qui mentait aux Français et dont la candidate ne me paraissait pas avoir les capacités nécessaires pour diriger la France. Je persiste et je signe. Mais rien ne vous autorise à suggérer que ce soit un fait de collaboration et qu’il y ait un lien historique avec le maréchal Pétain !

M. Jean-Marc Ayrault. Je n’ai pas dit cela !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je vous conseille de reprendre vos nerfs, de vous calmer et de dire très vite que ce que n’est pas ce que vous avez suggéré, contrairement à ce dont le Journal officiel fera foi si nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.

M. Jean-Marc Ayrault. Je ne vais pas entamer un dialogue avec M. Besson.

M. le président. C’est largement fait, mais poursuivez, mon cher collègue !

M. Jean-Marc Ayrault. On a bien compris, je le pense, la méthode : c’est l’amalgame ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. C’est la meilleure !

M. Jean-Marc Ayrault. Je dis, pour ma part, qu’il y a des transgressions. Ce n’est pas la première fois, dans l’histoire, que cela se produit. Mais, si vous avez un peu de courage, reniez ce que vous avez écrit contre Nicolas Sarkozy avant l’élection présidentielle, considérez que c’était une erreur et que vous vous êtes trompé,…

M. Christian Vanneste. C’est une conversion, ce n’est pas un reniement !

M. Jean-Marc Ayrault. …que vous vous êtes trompé sur Nicolas Sarkozy, dont vous avez dit qu’il s’exprimait « comme Le Pen » et qu’il récupérait ses voix ! C’est vous qui l’avez écrit ! Je vous ai cité deux fois et vous n’avez jamais répondu, parce que vous n’êtes pas en mesure de l’assumer, parce que vous avez renié ce que vous aviez écrit à l’époque.

M. Christian Vanneste. C’est grâce à Le Pen que vous gagnez parfois !

M. Jean-Marc Ayrault. Je le dis calmement, monsieur Besson. C’est une vérité, je n’y peux rien. Je n’attends pas de réponse parce que vous ne le reconnaîtrez certainement pas !

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Après cet échange vertueux, je voudrais rappeler au président Ayrault et à Mme Poursinoff qu’il n’y a pas ici une dichotomie entre le bien et le mal.

M. Jean-Pierre Brard. Si, entre le 16e et Montreuil !

M. Claude Goasguen. Monsieur Brard, n’oubliez pas qu’à Montreuil, vous avez été battu par la gauche caviar, et n’oubliez pas que confondre vos adversaires vous a déjà coûté cher !

M. Jean-Pierre Brard. Cela arrive, quand on est fidèle à ses convictions ! Mais la reconquête arrive aussi !

M. Claude Goasguen. Et ne vous inquiétez pas, monsieur Brard, l’ISF à Montreuil sera bientôt supérieur à ce qu’il est dans le 16e ! (Rires.) Par conséquent, vous entrerez dans l’histoire et l’archéologie de votre banlieue !

M. Jean-Pierre Brard. Je vous laisse vos archiduchesses !

M. le président. Poursuivez, monsieur Goasguen ! Ne vous laissez plus interrompre par M. Brard !

M. Claude Goasguen. Cela n’enlève absolument rien à l’amitié que je porte à M. Brard !

M. le président. Nous sommes à l’Assemblée nationale. Nous ne devons pas avoir de multidialogues !

M. Claude Goasguen. Je tenais à dire qu’il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre !

M. Jean-Pierre Brard. Il y a Banier et Liliane !

M. le président. Vous n’avez pas la parole, monsieur Brard !

M. Claude Goasguen. En effet, nous mesurons bien les problèmes à travers les propos de M. Ayrault. Lorsque les socialistes sont dans l’hémicycle, ils n’ont pas de mots assez durs pour fustiger. Nous avons, en effet, beaucoup entendu parler du maréchal Pétain.

M. Jean-Pierre Brard. L’ex-maréchal ! Le traître !

M. Claude Goasguen. Ne niez pas que vous avez de temps en temps cette tentation…

M. Christian Vanneste. C’est de la nostalgie chez eux !

M. Claude Goasguen. …d’assimiler à Vichy tout ce qui ne va pas dans votre sens !

Vous avez vous-même convenu, monsieur Ayrault, que vous aviez recouru à la justice pour régler des faits délictueux tels que l’occupation irrégulière d’un territoire de votre ville.

M. Jean Mallot. Si on expulse tous ceux qui ont commis des délits, ça va faire beaucoup de monde !

M. Claude Goasguen. Mme Aubry a agi exactement de la même façon à Lille. À Dijon, M. Rebsamen est, quant à lui, allé au-delà. Il a, d’une certaine manière, été d’ailleurs plus honnête que les autres dans la mesure où, non seulement, il l’a reconnu, mais il l’a justifié publiquement, estimant que c’était nécessaire.

Vous avez fait preuve d’une formidable éloquence pour tenter de faire croire que vous connaissiez ce projet de loi alors que vous ne l’avez probablement pas lu. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Or ce texten’est, en réalité, que l’évolution, la suite logique de la loi Chevènement et des mesures prises sous Jospin et sous Mitterrand. Et, comme je l’ai précisé à plusieurs reprises, je suis un de ceux, dans cet hémicycle, qui auraient presque tendance à le regretter. J’aurais pour ma part préféré que l’on aborde le sujet différemment. Mais nous en avons accepté le principe parce que nous estimions, à l’époque, que vous n’aviez probablement pas oublié nos débats sur la loi Chevènement. Depuis, nous nous sommes aperçus qu’en réalité la loi Chevènement elle-même n’était plus assez humanitaire pour vous ! Nous avons entendu vos propos lors de la campagne électorale. Vous ne pouvez pas les nier ! Nous les avons notés très scrupuleusement.

Tout cela, en réalité, pour vous rappeler que vous avez bénéficié de dix-huit heures de temps de parole.

Mme Sandrine Mazetier. Non ! Onze heures vingt-cinq !

M. Claude Goasguen. L’ensemble de l’opposition a eu dix-huit heures de temps de parole !

Mme Sandrine Mazetier. Nous avons eu onze heures vingt-cinq ! Vous ne savez pas lire !

M. Claude Goasguen. L’UMP a eu huit heures.

M. Jean Mallot. Nous avons eu onze heures vingt-cinq !

M. Claude Goasguen. Monsieur Mallot, vous êtes bien gentil, mais vos leçons me font doucement sourire ! Essayez, si possible, de vous regarder d’abord avant de parler aux autres !

M. Jean Mallot. Onze heures vingt-cinq !

M. Claude Goasguen. Nous avons laissé, pour notre part, du temps de parole à ceux qui, au sein de notre groupe, n’étaient pas favorables à notre position. Si je comprends bien, vous, en dix-huit heures,…

M. Jean Mallot. Onze heures vingt-cinq pour notre groupe !

M. Claude Goasguen. Je pense que, de ce point de vue, vous êtes associés,…

M. Patrick Braouezec. Pas du tout !

M. Claude Goasguen. …à moins que les députés de la Gauche démocrate et républicaine me disent qu’ils ne sont absolument pas d’accord avec les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche !

M. Patrick Braouezec. Cela nous arrive, vous le savez très bien !

M. Claude Goasguen. J’additionne donc le temps de l’opposition, car vous êtes finalement à peu près dans le même fuseau horaire.

M. Patrick Braouezec. À peu près seulement !

M. Jean-Pierre Brard. Il vous manque l’esprit de nuance, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Vous ne disposez plus de beaucoup de temps de parole.

M. Jean Mallot. Vous disiez le contraire tout à l’heure !

M. Claude Goasguen. Nous avons, pour ce qui nous concerne, encore la possibilité de nous exprimer. Mais vous êtes des gens sérieux ! Vous savez très bien où vous avez voulu en venir, en réalité ! Vous avez voulu continuer le blocage institutionnel que vous avez initié au moment du débat sur les retraites. Cela vous a permis de vous attaquer au règlement intérieur, au président de l’Assemblée. Vous êtes, dites-vous, des victimes…

M. Jean Mallot. Absolument !

M. Serge Blisko. Les principales victimes, ce sont les étrangers !

M. Jean Mallot. Nous sommes les victimes de l’arbitraire !

M. Claude Goasguen. …et vous annoncerez à son de trompe à l’extérieur que c’est terrible, que vous avez été bâillonnés.

Que ne vous êtes-vous bâillonnés plus tôt ! Vous nous auriez évité des redites parfois pesantes ! Vous auriez pu dire – mais peut-être apprendrez-vous cette leçon en lisant le nouveau règlement intérieur – exactement les mêmes choses avec davantage de concision et de clarté, si du moins vous l’aviez souhaité ! Or vous n’avez voulu qu’exprimer votre désaccord ! Je considère que dix-huit heures pour l’expliquer, c’est long et répétitif.

Vous êtes peut-être incapables de vous organiser, mais vous êtes surtout l’incarnation de la nouvelle flibuste parlementaire. Dites à l’extérieur, si vous voulez, qu’on vous empêche de vous exprimer, mais ne le dites pas ici, parce que c’est ridicule et incohérent…

M. Pierre-Alain Muet. C’est la réalité !

M. Claude Goasguen. …et que, pour reprendre le mot de M. Ayrault, vous discréditez par votre attitude l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Je reviendrai sur le débat lui-même et sur la façon dont il va se terminer. En effet, contrairement à ce que vient de dire M. Goasguen, je considère que c’est grave.

Je me permettrai de prendre deux minutes sur les dix qui nous restent pour évoquer de nouveau la question des Roms et la façon de la traiter.

Il serait bien que vous m’écoutiez, monsieur le ministre, car je vais évoquer la réponse que vous m’avez faite dans cet hémicycle, il y a exactement un an et demi. Je vous avais alors interpellé, lors d’une question d’actualité, pour que vous organisiez une table ronde, considérant que l’on ne pouvait pas continuer à jouer au mistigri, si vous me permettez l’expression. Chacun voit très bien ce à quoi je fais référence ! Il est vrai que, bien souvent, quand des Roms occupent un terrain municipal, les maires, dans un souci de protéger leur responsabilité civile, demandent leur expulsion. Il en va de même des squats. Mais expulser des Roms d’un terrain et demander leur expulsion du territoire français sont deux choses différentes.

Vous m’aviez répondu à l’époque que vous étiez d’accord pour organiser une table ronde. Je vous avais d’ailleurs quelque peu poussé à me donner cette réponse. J’ai été très surpris de recevoir, trois semaines plus tard, un appel téléphonique d’un de vos collaborateurs m’informant de l’organisation de cette table ronde. C’était le début du mois juillet – de l’année dernière. Puis, plus rien ! Plus rien pendant un an ! J’ai repris ma plume au mois de mai, et j’ai écrit à un certain nombre de maires et de parlementaires confrontés aux situations auxquelles la communauté d’agglomération que je préside doit faire face. La plupart ont répondu positivement. Nous vous avons alors demandé d’organiser une table ronde avec l’ensemble des ministères concernés pour examiner non seulement la question de l’habitat, mais aussi celle du travail, celle de l’éducation et celle de l’intégration de ces populations dans notre société. Vos collaborateurs nous ont proposé la date du 13 juillet. J’ai interrogé les différents maires concernés : naturellement, peu d’entre eux étaient disponibles ce jour-là. La date a donc été reportée au 7 septembre. Mais, entre le 13 juillet et le 7 septembre, il s’est passé un certain nombre d’événements, de sorte que, le 7 septembre, la réunion n’a pas eu lieu, et pour cause.

Que voulaient vous faire entendre, monsieur le ministre, ces maires de toutes sensibilités politiques ? J’insiste sur ce dernier point, car certains maires de droite concernés par ce problème ne veulent pas le régler comme vous le faites. Nous voulions vous proposer de travailler sur l’insertion de ces populations roms. De nombreuses villes l’ont fait, grâce aux dix « villages d’insertion » actuels, qui ne sont pas forcément la panacée, mais qui sont au moins une réponse digne à la question humanitaire que posent ces populations.

Monsieur le ministre, ma question est simple. Êtes-vous d’accord pour organiser dans les meilleurs délais avec l’ensemble des maires – de gauche comme de droite – cette table ronde sur les populations roms ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. S’agissant de la chronologie, il y a des éléments vrais dans ce que vient de dire M. Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Tout est vrai !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Mais une difficulté particulière se pose. Le Gouvernement entend appliquer la loi.

M. Patrick Braouezec. Parce que ce n’était pas le cas avant ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je me réfère au fait que vous étiez d’accord sur les démantèlements et non sur les reconduites. Admettez qu’il puisse y avoir une divergence entre nous. Nous entendons appliquer la loi, mais nous prétendons aussi, je le répète même si je sais que c’est peu entendu, appliquer la loi que les autres pays européens appliquent à l’égard de la France.

M. Patrick Braouezec. On y reviendra !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Vous y reviendrez peut-être, mais c’est la réalité. Chaque semaine, chaque mois, la France réintègre sur son sol des Français qui, au regard des règles communautaires, ont été déboutés du droit au séjour dans les différents pays européens. J’ai déjà essayé de vous expliquer qu’entre libre circulation et libre installation, il y a une différence. L’installation est liée à des règles. Ceux qui, au sein de l’Union européenne, ne les respectent pas se voient reconduire dans leur pays d’origine.

M. Patrick Braouezec. Ce que vous dites n’est pas possible, monsieur le ministre !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La France le fait à l’égard des autres pays européens, les autres pays européens agissent de même à son égard.

M. Patrick Braouezec. Sauf qu’il s’agissait d’expulsions collectives ! Vous n’avez pas vérifié au cas par cas !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Attendez, je vais vous apporter une réponse positive. Laissez-moi donc finir. Qu’au moins la chute vous plaise, à défaut de l’introduction !

Même s’il est vrai que la réunion du 7 septembre a été annulée, et pour cause en effet, puisque le présent texte était en cours d’examen dans vos différentes commissions, vous avez été reçus, tout comme vos collègues maires, par la préfecture de région pour une série de discussions sur le sujet.

M. Patrick Braouezec. Non !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Ce n’est pas l’information que j’ai, mais je vous crois de bonne foi.

Concernant votre demande très précise d’une réunion à mon ministère avec les représentants d’un certain nombre de mes autres collègues ministres, j’y souscris. Je suis d’accord pour l’organiser.

M. le président. Nous en revenons à la discussion du projet de loi proprement dit.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 42.

Article 42

M. le président. Sur le vote de l’article 42, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Sandrine Mazetier, inscrite sur l’article.

Mme Sandrine Mazetier. J’ai seize secondes pour m’exprimer alors qu’il reste plus de la moitié des articles à examiner, dont certains concernent très exactement ce dont nous venons de parler et qui a donné lieu à un échange, à savoir la différence entre le droit à l’installation et le droit à la circulation pour les citoyens de l’Union européenne.

Le Conseil constitutionnel jugera si c’est normal, étant donné que le texte a été dilaté par des amendements du Gouvernement devenus des articles, et non des moindres, sur des sujets aussi importants que la nationalité, et alors que des amendements de l’UMP ont donné lieu à des discussions, intéressantes d’ailleurs, y compris des amendements de Claude Goasguen. Qu’aurions-nous dû faire ? Ne rien dire ? Ne pas voter ? Vous-même, monsieur Goasguen, vous vous êtes exprimé sur des amendements du groupe socialiste.

M. Claude Goasguen. Le reste du temps, je me tais !

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’était pas inintéressant, ce n’était pas avilissant, et ce n’était pas de l’obstruction, vous êtes bien obligé de le reconnaître.

M. Claude Goasguen. Si !

Mme Sandrine Mazetier. Le juge constitutionnel jugera s’il est bien normal que l’on ait seulement onze heures vingt-cinq pour s’exprimer sur cent sept articles et cinq cents amendements.

Vous avez été bien contents, au banc du Gouvernement, que le groupe socialiste vous aide à repousser certaines propositions de la partie la plus extrémiste de votre majorité. Vous n’aurez pas le loisir de nous entendre sur le reste du texte. Il comporte pourtant des éléments extrêmement importants. Nous les avons évoqués en commission, le procès-verbal fera foi. Néanmoins, depuis que la commission s’est réunie, y compris au titre de l’article 88, le Gouvernement a encore modifié son projet. Nous serons dans l’incapacité de nous prononcer sur ces modifications. Il y a tout de même là, vous l’avouerez, monsieur le président, un vaste problème démocratique.

M. le président. Je vous précise, madame Mazetier, que vous avez parlé deux minutes alors qu’il ne vous restait que seize secondes. Par courtoisie, je ne vous ai pas interrompue.

M. Christophe Caresche. Quelle générosité !

M. le président. Merci, monsieur Caresche, de relever la générosité de la présidence.

M. Jean Mallot. C’était excessif !

M. le président. Monsieur Mallot, vous n’êtes pas obligé de couper la parole à Christophe Caresche. Il est dans votre groupe, il peut y avoir de l’élégance au sein d’un même groupe, s’il n’y en a pas à l’égard des membres du groupe adverse. Je ne vais pas suspendre la séance pour vous permettre de régler vos affaires…

M. Jean Mallot. N’en faites pas trop, monsieur le président !

M. le président. Comme l’a fort bien expliqué Claude Goasguen, madame Mazetier, la conférence des présidents détermine des temps de parole pour l’examen de tous les textes. Il y a un règlement, qui s’applique à tous les présidents de séance. Le président Accoyer l’a rappelé en conférence des présidents et devant le Bureau, il appartient à chaque groupe de s’organiser en fonction des temps de parole déterminés en conférence des présidents.

M. Jean Mallot. Ils ne sont pas déterminés, ils sont imposés !

M. le président. Merci d’aider la présidence, monsieur Mallot. Nous sommes ravis de vos interventions, qui font beaucoup progresser les choses.

Si l’on veut vraiment pouvoir s’exprimer sur les derniers articles d’un texte, madame Mazetier, il faut s’organiser en conséquence au sein de son groupe et se discipliner. Le temps de parole est connu après chaque conférence des présidents. Il est précisé sur le « jaune » à chaque séance, chaque député en a connaissance.

Mme Sandrine Mazetier. Le président Accoyer a reconnu par écrit que du temps supplémentaire aurait été nécessaire !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 106, 297 et 444, tendant à supprimer l’article 42.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l’amendement n° 106.

M. Étienne Pinte. J’ai cosigné cet amendement avec Françoise Hostalier et Nicole Ameline, mais j’y associe M. Tardy, Mme Lamour et M. Gosselin, qui ne sont pas là pour défendre celui qu’ils ont déposé.

L’article 42 vise à déclarer irrecevable d’office tout moyen d’irrégularité soulevé après la première audience, à moins que ladite irrégularité ne soit postérieure à l’audience. Il s’agit de dispositions relatives à la rétention, les articles 8 et 9 concernant, eux, la zone d’attente.

Ces dispositions marquent une défiance à l’égard du juge judiciaire qui, constatant qu’une irrégularité manifeste violant les droits de l’étranger a été commise, devrait néanmoins feindre de ne pas la voir et s’interdire de la constater pour ordonner la mise en liberté sur ce fondement et ce, pour la seule raison que cette irrégularité n’avait pas été invoquée dès le premier passage devant lui.

Les avocats, ayant connaissance de la procédure judiciaire très peu de temps avant les audiences, sont fréquemment conduits à soulever en appel des moyens de nullité.

Cet article est à contre-courant des règles fixées par le code de procédure civile et de la jurisprudence qui en découle.

L’article 561 du code de procédure civile définit l’objet de l’appel : « L’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit, à nouveau, statué en fait et en droit. »

L’article 563 précise : « Pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »

L’article 565 ajoute : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. »

Dans un arrêt de principe célèbre du 1er juillet 2009, la Cour de cassation vient de préciser la définition du périmètre de la notion d’exception, notamment de procédure : « Mais, attendu qu’ayant relevé que le moyen concernait l’exercice effectif des droits de l’étranger dont le juge devait s’assurer, de sorte qu’il ne constituait pas une exception de procédure au sens de l’article 74 du code de procédure civile, le premier président en a justement déduit que, bien que n’ayant pas été soulevé devant le juge des libertés et de la détention, il convenait d’y répondre ; que le moyen n’est pas fondé » – première chambre civile, 1er juillet 2009, pourvoi de la préfecture de police de Paris.

Ces dispositions réduisent incontestablement le droit à un recours effectif. Elles pourraient de surcroît être considérées comme contraires à l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre l’amendement n° 297.

M. Patrick Braouezec. Faute de temps, je dirai simplement qu’il est défendu.

M. le président. L’amendement n° 444 du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche est également défendu.

La parole est à M. le président de la commission des lois, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Les articles 42 à 45 prévoient, pour la prolongation de la rétention, le dispositif que nous avons voté aux articles 8 à 12 pour les zones d’attente. C’est la raison pour laquelle la commission sera défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de ces articles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Défavorable, pour les raisons qui viennent d’être résumées par le président de la commission.

(Les amendements identiques nos 106, 297 et 444 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’article 42.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 48

Nombre de suffrages exprimés 46

Majorité absolue 24

(L’article 42 est adopté.)

Mme Sandrine Mazetier. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Je ne peux vous la donner, madame Mazetier, que s’il s’agit vraiment d’un rappel au règlement.

Mme Sandrine Mazetier. C’est ce que je vous demande !

Rappel au règlement

M. le président. Vous avez donc la parole, madame Mazetier. Précisez-moi sur quel article est fondé votre rappel au règlement et, s’il n’est pas lié au règlement, je serai contraint de vous la retirer.

Mme Sandrine Mazetier. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, qui dispose que les rappels au règlement ont toujours priorité sur la question principale.

Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le président, nous n’avons plus de temps de parole. Nous n’avons donc même plus la possibilité de demander une suspension de séance pour réunir notre groupe, pour réagir à des amendements ou à des propositions nouvelles qui pourraient être formulées par le Gouvernement pendant la séance. Est-ce démocratique ?

Nous n’avons même plus la possibilité de demander des scrutins publics. Quel rapport y a-t-il entre le temps de parole et le fait que tout citoyen puisse vérifier la position de son député sur des points aussi fondamentaux que l’allongement de la durée de la rétention, la restriction du droit d’asile ou l’article 72 relatif au délit de solidarité ?

Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, qu’il y a comme un malaise dans l’hémicycle, dès lors que nous ne pouvons même plus nous réunir ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous donne acte qu’il s’agissait effectivement d’un rappel au règlement.

Il appartient à chaque groupe, je vous le répète, de s’organiser en fonction des temps de parole qui ont été définis par la conférence des présidents. C’est la démocratie.

Cela dit, j’ai omis de vous préciser tout à l’heure que le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer, était intervenu auprès du Gouvernement pour nous permettre d’avoir davantage de temps pour débattre. Nous aurions dû commencer mardi la discussion de la loi sur la sécurité intérieure. Si nous sommes toujours en train de discuter du présent texte, c’est parce que le président de l’Assemblée nationale a demandé du temps supplémentaire au Gouvernement.

Mme Sandrine Mazetier. Pas du tout ! Il n’y a pas une heure de plus !

M. le président. Madame Mazetier, je ne vous permets pas de mettre en cause la Présidence. Vous ne m’impressionnez absolument pas.

Mme Sandrine Mazetier. Vous ne m’impressionnez pas non plus. Vous représentez le président Accoyer !

M. le président. Contrairement à vous, je siège à la conférence des présidents. Je donne donc cette information, qui figurera au Journal officiel. C’est ainsi, nous ne devions pas débattre de ce texte aujourd’hui. La démocratie, c’est aussi respecter le calendrier déterminé en conférence des présidents.

Mme Sandrine Mazetier. Nous étions là jeudi soir !

Article 43

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 107, 298 et 445, tendant à supprimer l’article 43.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour défendre l’amendement n° 107.

M. Étienne Pinte. Il est défendu. L’argumentation est la même que pour l’amendement n° 106.

M. le président. Votre amendement n° 298 est-il défendu, monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec. Il est défendable ! (Sourires.)

M. le président. Il est donc défendu, tout comme l’amendement n° 445 du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

(Les amendements identiques nos 107, 298 et 445, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 43 est adopté.)

(Les députés du groupe SRC quittent l’hémicycle.)

Article 44

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 108 et 299, tendant à supprimer l’article 44.

La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 108.

M. Étienne Pinte. Cet amendement, que j’ai également cosigné avec Françoise Hostalier et Nicole Ameline, tend à supprimer l’article 44, qui vise à donner davantage de temps au parquet pour contester des décisions de remise en liberté ou d’assignation prononcées par le juge des libertés et de la détention.

Aujourd’hui, lorsqu’un étranger est libéré ou assigné à résidence par le juge, la préfecture ou le parquet peuvent faire appel de la décision mais ce recours n’est pas suspensif par nature. Pour obtenir qu’il le soit, le parquet doit demander au premier président de la cour d’appel qu’il déclare son recours suspensif, ceci dans un délai de quatre heures après la notification de l’ordonnance du JLD. Le premier président statue sans délai. La décision du premier président de la cour d’appel n’est pas susceptible de recours.

L’article 44 prévoit d’allonger ce délai, qui passerait de quatre à six heures. Je ne reviendrai pas sur les précisions que j’ai apportées tout à l’heure. Les dispositions de ce texte ne feront qu’aggraver la remise en cause des possibilités de défense des immigrés.

Des étrangers seront relâchés en pleine nuit. Des avocats absents de leur cabinet durant la nuit ne pourront plus formuler d’observations à l’encontre d’un appel du parquet, si bien que la procédure sera contraire au principe du contradictoire.

L’article 44 vise, à mes yeux, à remettre plus facilement en cause les libérations prononcées par le juge des libertés et de la détention.

M. le président. Puis-je considérer que l’amendement n° 299 est défendu, monsieur Braouezec ?

M. Patrick Braouezec. Oui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. M. Pinte a une singulière opinion des avocats. Les barreaux se sont organisés, notamment à propos de la garde à vue, afin de pouvoir intervenir même la nuit. Je souhaite bien entendu que cette pratique se développe, pour répondre pleinement à l’objection de notre collègue.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Ce sont des réflexions que m’ont communiquées les avocats eux-mêmes. Aujourd’hui, surtout en province, ils ne sont malheureusement pas organisés pour assurer la défense dans de telles conditions. Je ne me serais pas exprimé comme je l’ai fait s’ils ne me l’avaient pas demandé.

M. Claude Goasguen. Ce sont de piètres confrères !

(Les amendements identiques nos 108 et 299 ne sont pas adoptés.)

(L’article 44 est adopté.)

Article 45

M. le président. Sur l’article 45, la parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Ce ne sera pas mon « dernier repas », comme le chantait Jacques Brel (Sourires), mais ma dernière intervention, puisqu’il me reste, je crois, six minutes et cinquante-quatre secondes. Nous verrons d’ailleurs si, ce temps écoulé, le président me coupera la parole ou si j’aurai le loisir de terminer ma phrase, car je vais essayer de m’exprimer sept minutes…

M. le président. Vous me connaissez, monsieur Braouezec. Vous savez que vous pourrez terminer votre propos. (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. Justement, monsieur le président, je vous connais !

Je tiens à souligner à mon tour la crise profonde que traverse notre assemblée. Si un effort n’est pas consenti, de part et d’autre, pour adopter de nouvelles mœurs, un nouvel état d’esprit dans l’application de notre règlement, nous risquons de donner à l’opinion une piètre image du Parlement.

M. Claude Goasguen. À qui la faute ?

M. Patrick Braouezec. L’interprétation du nouveau règlement par le président de l’Assemblée, quand il a refusé, au moment du débat sur les retraites, de donner la parole, comme ce nouveau règlement le permet pourtant, à tous ceux qui souhaitaient expliquer leur vote, nous a paru abusive. Ce règlement, nous l’avons tous adopté. Étiez-vous naïfs, chers collègues ? Ne saviez-vous pas qu’il laissait la possibilité à tous les députés présents dans l’hémicycle d’intervenir cinq minutes pour une explication de vote ?

Lors du débat sur les retraites, cette possibilité a été refusée à de nombreux députés de la minorité, dont moi-même.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas le problème à présent !

M. Patrick Braouezec. Je rappelle par ailleurs que le Sénat, qui n’est pas la chambre la plus démocratiquement élue,…

M. Claude Goasguen. Ah bon ?

M. Patrick Braouezec. Elle n’est pas élue au suffrage direct.

M. Claude Goasguen. Vous souhaitez supprimer le Sénat ?

M. Patrick Braouezec. Le Sénat, donc, aura deux fois plus de temps que notre assemblée pour discuter de ce texte.

Aujourd’hui, sur à peu près la moitié des articles, vous allez rester entre vous. Les arguments de M. Pinte sont intéressants, mais il sera seul contre tous, sur des articles très importants, lourds de conséquences pour les personnes concernées. Nous laisserons donc notre collègue essayer de vous convaincre que ses amendements sont justes, bien que je doute fort qu’il y parvienne.

M. Christian Jacob. Reconnaissez tout de même que votre temps aurait pu être mieux géré !

M. Patrice Martin-Lalande. C’est votre responsabilité !

M. Patrick Braouezec. Chers collègues, il vous reste une cinquantaine de minutes. Si du temps vous est accordé, c’est, dans un véritable débat démocratique, pour que vous puissiez l’utiliser.

M. Claude Goasguen. C’est ce que nous allons faire !

M. Patrick Braouezec. Eh bien, il vous reste une minute par amendement !

M. Claude Goasguen. Ne vous inquiétez pas : nous nous arrangerons !

M. Patrick Braouezec. La question de la gestion du temps de parole se pose aussi bien à vous qu’à nous !

M. Christian Jacob. Il faut tenir compte du fait qu’un débat a déjà eu lieu en commission !

M. Patrick Braouezec. Je reviens au projet de loi. C’est un texte de plus, après les quatre autres qui l’ont précédé dans un laps de temps très court, sur la question de l’immigration. Nous comprenons bien pourquoi il arrive dans le débat politique à ce moment, alors qu’il n’y avait pas d’urgence, d’autant que le texte va bien au-delà de la simple transposition de la directive européenne.

Vous avez porté ce débat sur la place publique parce que vous êtes en difficulté sur les autres grandes questions que se pose aujourd’hui la nation française, c’est-à-dire à la fois les Français et les étrangers vivant sur notre territoire. Ce sont les questions de l’emploi, du logement, de la formation, de la sécurité, de l’éducation, de la justice… Comme vous n’avez pas de réponse à ces questions, vous tentez – et j’espère que vous n’y réussirez pas – de déplacer le débat idéologique vers la peur, notamment la peur de l’autre.

Vous affirmez que la France est encore le bon élève de l’Europe. Peut-être, mais nous le sommes, à force de nouvelles lois, de moins en moins – et, surtout, nous avions surtout une sacrée avance sur les autres. Petit à petit vous reniez cette sorte d’exclusivité française, vous reniez une grande part de l’identité française, qu’Étienne Pinte ne cesse de vous rappeler. La France était en effet, en tant que pays des droits de l’homme et du citoyen, un modèle.

Évidemment, dans une Europe de plus en plus liée, dans ses gouvernements, à l’extrême droite, nous allons bientôt faire figure d’élève comme les autres. Cela ne me réjouit pas.

M. Claude Goasguen. Ce sont les autres pays qui s’ajustent sur nous !

M. Patrick Braouezec. Non, c’est nous qui allons vers eux, alors que, comme je viens de le dire, certains gouvernements pratiquent des alliances avec l’extrême droite, comme aux Pays-Bas ou en Italie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bertrand Pancher. Pas chez nous !

M. Patrick Braouezec. Le ministre affirme que son texte vise à lutter contre l’immigration illégale, comme le font tous les pays européens. Nous souhaitons tous lutter contre l’immigration illégale.

M. Claude Goasguen. Pas les socialistes ! Ils sont pour les régularisations à vau-l’eau !

M. Patrick Braouezec. Si ! Même eux ! Ne soyons pas caricaturaux : moi, je ne vous caricature jamais. Le plus permissif sur ces bancs, c’est sans doute moi, et je l’assume pleinement : je serais presque tenté de dire qu’il faut régulariser tous les sans-papiers sauf un, pour montrer que ce n’est pas systématique ! Cependant, je sais aussi que, dans notre pays, des sans-papiers ont été fabriqués par la succession des lois.

Ce texte permet-il de construire une autre politique d’immigration, concertée, partagée, notamment avec les pays à forte immigration ? Si c’était le cas, je serais prêt à y souscrire et à y travailler. Mais il s’agit d’un texte qui cherche à stigmatiser les populations étrangères, à considérer comme suspect tout mariage mixte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous savez parfaitement – nous en avons apporté la démonstration – que nous avons légiféré pour 0,5 % des mariages, ceux frappés d’annulation. Ce sont les chiffres mêmes que M. Goasguen nous a donnés. On légifère sur la marge en donnant à croire qu’on le fait sur des généralités !

M. Claude Goasguen. Cela concerne tout de même 600 personnes !

M. Patrick Braouezec. Sur 270 000 mariages par an : cela a été dit tout à l’heure.

Alors qu’ils étaient entrés dans notre pays avec des visas, régulièrement, des gens se sont retrouvés sans papiers à la suite de modifications législatives ou réglementaires.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. C’est faux !

M. Patrick Braouezec. C’est vrai, et vous le savez bien, car vous-même – je ne vais pas recommencer le laïus de Jean-Marc Ayrault car ce n’est pas mon style –, vous avez à un moment donné dénoncé ces lois successives plaçant en situation irrégulière des personnes qui étaient jusqu’alors en situation régulière. Il y a dans notre pays des sans-papiers qui ont été fabriqués par la loi !

Il faut le dire aux Français, car lorsque vous évoquez la question des sans-papiers, nous avons toujours le sentiment que vous parlez de la dernière personne ayant débarqué à Roissy et qu’il faut renvoyer dans son pays. Or la plupart sont déjà sur notre territoire, y travaillent, pour certains, ont une famille, et souhaitent rester en toute légalité, en payant leurs impôts. Vous voulez faire croire que ce n’est pas le cas, et c’est cela que, pour ma part, je trouve assassin.

Je pense, monsieur le président, que j’ai largement dépassé mon temps de parole. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez eu raison de m’inviter à vous faire confiance et je vous remercie de m’avoir laissé conclure. Nous allons, comme nos collègues socialistes, quitter cet hémicycle, où nous n’avons plus rien à dire ni faire. Je vous laisse, chers collègues, terminer entre vous les cinquante articles qui auraient dû être débattus démocratiquement, dans un vrai débat.

M. Patrice Martin-Lalande. Vous avez géré votre temps comme vous l’entendiez !

M. Patrick Braouezec. Il ne sera pas possible pour vous de dire que, sur les bancs du groupe GDR, vous avez eu affaire à des députés qui ont pratiqué l’obstruction sans essayer d’entrer dans le débat de fond sur la question de l’immigration.

M. le président. Monsieur Braouezec, avant que vous quittiez l’hémicycle, je tiens à vous répondre, non sur votre propos, que je n’ai pas à commenter, mais sur les aspects relatifs au règlement ainsi qu’à la mise en cause du président de l’Assemblée nationale, qu’à ce fauteuil je ne laisserai jamais passer.

Je rappelle une fois de plus qu’il existe un règlement. L’article 49-13 que vous avez évoqué est issu d’un amendement de M. Thierry Mariani. L’esprit en est clair : il suffit de relire les travaux préparatoires à la loi organique et à sa transcription dans notre règlement. Il s’agit de permettre aux députés minoritaires de s’exprimer.

M. Patrick Braouezec. C’est mon cas et je ne peux pas m’exprimer !

M. le président. Il ne s’agit pas de vous, monsieur Braouezec…

Le président de l’Assemblée nationale a pris ses responsabilités. Il a été contraint, du fait de manœuvres dilatoires d’obstruction et d’un dévoiement très clair du règlement,…

M. Patrice Martin-Lalande. Exact ! Hélas !

M. le président. …de le faire appliquer puisqu’il était clair que l’article 49-13 n’était pas respecté.

M. Patrice Martin-Lalande. Excellente mise au point !

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Braouezec. Monsieur Goasguen, ne rouspétez pas, je ne vais pas être long et je m’en vais après.

M. Claude Goasguen. On vous regrettera !

M. Patrick Braouezec. Vous serez tranquille et vous pourrez passer un bon week-end.

M. Claude Goasguen. Vous aussi, d’ailleurs ! (Sourires.)

M. Patrick Braouezec. Une dernière remarque, monsieur le président : vous avez commis une inexactitude dans la chronologie de la loi dont nous débattons. En effet, rappelez-vous qu’il avait été décidé en conférence des présidents que nous siégerions vendredi dernier. Or la présidence a pris la décision d’interrompre le débat jeudi – on devine pourquoi – alors que rien ne nous empêchait de continuer vendredi et de procéder au vote mardi. Dès lors, et surtout, rien ne nous empêchait d’avoir quelques heures supplémentaires pour débattre.

Mme Cécile Gallez. Le temps est dépassé, monsieur le président !

M. le président. Monsieur Braouezec, vos propos sont justes, mais nullement contradictoires avec ce que j’ai exprimé. Vous aurez du mal à me prendre en défaut sur l’application du règlement et des décisions de la conférence des présidents. Je vous fais observer que ce que vous dites apporte de l’eau à mon moulin car, s’il y avait eu séance le vendredi, cela n’aurait rien changé par rapport au programme de la conférence des présidents qui a fixé le vote du texte au mardi suivant.

M. Patrick Braouezec. C’est ce que je viens de dire !

M. le président. Pas tout à fait, car vous avez essayé de me mettre en contradiction avec une décision de la conférence des présidents alors que vous n’avez fait que renforcer ma mise au point. Le lecteur du Journal officiel s’y retrouvera d’ailleurs.

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Le règlement a beaucoup été mis en cause, mais je rappelle que l’Assemblée nationale, comme tous les parlements démocratiques, s’est dotée d’un règlement qui organise ses débats. Il existe deux modalités d’organisation : la première fixe une durée limitée à chaque intervention – un auteur d’amendement n’a ainsi que deux minutes pour le soutenir – ; la seconde, c’est le temps global, chaque groupe choisissant d’affecter comme il l’entend l’enveloppe qui lui est accordée – il peut, s’il le souhaite, consacrer une heure à un amendement qu’il juge particulièrement important.

Certains groupes ont choisi de dépenser tout leur temps de parole au début du texte ; ensuite, ils viennent se plaindre d’être victimes du règlement. Je ne peux les laisser dire cela : les groupes qui quittent maintenant l’hémicycle ont choisi sciemment de ne plus disposer de temps de parole sur la fin du projet de loi. C’est leur choix, monsieur le président, mais je ne peux pas laisser mettre en accusation le règlement de l’Assemblée nationale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en revenons à la discussion des articles, mes chers collègues.

(L’article 45 est adopté.)

Article 46 à 48

(Les articles 46 à 48 sont successivement adoptés.)

Article 49

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, inscrit sur l’article 49.

M. Étienne Pinte. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 154.

M. le président. Volontiers, mon cher collègue.

M. Étienne Pinte. Cosigné par mes collègues Françoise Hostalier et Nicole Ameline, cet amendement vise à supprimer, à l’alinéa 2, les mots suivants : « soit d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois ans auparavant en application de l’article L. 533-1, ». Dans sa rédaction actuelle, cet alinéa permettrait de reconduire à la frontière une personne vivant régulièrement sur le territoire et exerçant un emploi sans autorisation, y compris un ressortissant communautaire, et même lorsqu’il se trouve en France depuis moins de trois mois. Cette même mesure pourrait être édictée à l’encontre d’un ressortissant d’un pays tiers même s’il se trouve encore dans le délai de validité de son visa – ou depuis moins de trois mois s’il en est dispensé.

D’une part, si la notion de menace de trouble à l’ordre public est laissée à l’appréciation des juridictions nationales, elle est strictement encadrée par le droit communautaire. L’article 27 de la directive 2004/38 précise ainsi que « les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut, à elle seule, motiver de telles mesures. Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues ». À titre d’exemple, selon une jurisprudence constante, l’occupation illégale d’un terrain sans caractères particuliers ne constitue pas une menace de trouble à l’ordre public susceptible de fonder un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – je renvoie notamment à la décision de la cour administrative d’appel de Versailles du 28 avril 2009.

D’autre part, le droit communautaire assortit de garanties de procédure les mesures d’éloignement à l’encontre des ressortissants communautaires. L’article 28 de la directive 2004/38 protège ainsi certaines catégories contre la notification d’une mesure d’éloignement motivée par la menace de trouble à l’ordre public : l’administration doit prendre en compte les éléments personnels de l’intéressé comme la durée du séjour, l’âge, l’état de santé, la situation familiale et économique, l’intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et l’intensité de ses liens avec le pays d’origine. De plus, contrairement aux mesures d’éloignement de droit commun, les mesures d’éloignement prises à l’encontre de ressortissants communautaires doivent prévoir le délai de départ volontaire d’un mois – l’arrêt du 13 janvier 2010 du Conseil d’État considère que la décision de reconduite à la frontière d’un ressortissant communautaire doit, sous peine de nullité, indiquer ce délai.

Par ailleurs, l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière prévu à cet article est assorti d’une interdiction d’entrée sur le territoire français pendant trois ans. Cette décision ne pourrait faire l’objet d’aucun recours et serait automatique, ce qui équivaudrait à une interdiction de retour sur le territoire français. Or selon la directive « retour », une telle interdiction ne peut être applicable qu’aux ressortissants des pays tiers et non aux ressortissants communautaires.

(L’amendement n° 154, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 153.

M. Étienne Pinte. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 3 à 11, dont la rédaction laisse de très nombreuses zones d’ombre. Ainsi, les termes « au regard de la commission des faits passibles de poursuites pénales » sont très imprécis. Aucune condamnation pénale n’est donc exigible pour la mise en oeuvre de cet article ! À un étranger qui n’aurait fait l’objet d’aucune condamnation pénale pourrait être notifié, à l’issue d’une garde à vue par exemple, un arrêté de reconduite à la frontière. Cette nouvelle mesure de reconduite pourrait même s’appliquer à une personne en situation régulière ! L’étranger disposerait alors d’un délai anormalement court – quarante-huit heures – pour saisir le tribunal, qui statuerait à juge unique dans un délai de soixante-douze heures. Un étranger en situation régulière, qui serait simplement soupçonné par la police d’avoir commis certains faits ou d’en avoir été le complice, pourrait voir remise en question la régularité de son séjour en France. C’est anormal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Défavorable, car le vote de l’amendement remettrait en cause l’ensemble du dispositif de l’article.

(L’amendement n° 153, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 216, du Gouvernement.

(L’amendement n° 216, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 16 rectifié du rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n° 16 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 215 du Gouvernement tend à corriger une erreur matérielle.

(L’amendement n° 215, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 49, amendé, est adopté.)

Article 50 à 53

(Les articles 50 à 53 sont successivement adoptés.)

Article 54

M. le président. L’amendement n° 590 de la commission est de coordination.

(L’amendement n° 590, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 54, amendé, est adopté.)

Article 55, 56 et 57A

(Les articles 55, 56 et 57 A sont successivement adoptés.)

Article 57B

M. le président. L’amendement n° 17 du rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n° 17, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 57 B, amendé, est adopté.)

Articles 57 à 60, 60 bis, 60 ter, 61 à 65

(Les articles 57 à 60, 60 bis et 60 ter, 61 à 65 sont successivement adoptés.)

Article 66

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 18, de la commission.

(L’amendement n° 18, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 66, amendé, est adopté.)

Article 67

M. le président. L’amendement n° 19 de la commission est rédactionnel.

(L’amendement n° 19, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 67, amendé, est adopté.)

Article 68 à 73

(Les articles 68 à 73 sont successivement adoptés.)

Article 74

M. le président. L’amendement n° 20 du rapporteur est de coordination.

(L’amendement n° 20, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 74, amendé, est adopté.)

Article 74 bis

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement, n° 109, tendant à supprimer l’article 74 bis.

M. Étienne Pinte. Cet amendement, cosigné par Mme Hostalier et moi-même, tend en effet à supprimer l’article 74 bis.

L’accès à l’aide juridictionnelle pour tous les demandeurs d’asile remonte à décembre 2008. Avant, seuls ceux dont l’entrée sur le territoire était régulière pouvaient y prétendre. Aujourd’hui, on peut demander à bénéficier de l’aide juridictionnelle le jour même de l’audience devant la Cour nationale du droit d’asile.

L’alinéa 2 de l’article 74 bis vise, au contraire, à fixer des délais pour demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Cette restriction est fondée sur la désorganisation du travail de la Cour que cela entraînerait, dès lors qu’un requérant demande le bénéfice de l’aide juridictionnelle le jour même, l’affaire étant renvoyée. Or les renvois s’expliquent plutôt par le trop grand nombre d’affaires inscrites au rôle et par l’éventuelle absence de l’avocat.

Cet article crée, de surcroît, une rupture d’égalité entre les justiciables, puisque cette contrainte de délai ne s’appliquerait qu’aux demandeurs d’asile. Il prévoit, dans son alinéa 3, que les demandeurs d’asile, qui exercent un recours contre une décision rejetant une demande de réexamen, ne pourront plus bénéficier de l’aide juridictionnelle. Or un requérant dont la demande est recevable doit pouvoir être assisté d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle pour faire valoir de nouveaux éléments.

C’est ici le droit à un recours effectif qui, me semble-t-il, est mis à mal.

Enfin, cette exclusion n’est pas conforme à la directive 2005/85/CE : celle-ci ne vise pas les réexamens mais les recours devant d’autres juridictions, en l’occurrence le Conseil d’État en France.

Je vous invite donc à rejeter cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.

D’abord, cet article prévoit que le bénéfice de l’aide juridictionnelle peut être demandé, au plus tard, dans un délai d’un mois à compter de la réception par le requérant de l’accusé de réception de son recours. Cela lui laisse un temps assez important.

Ensuite, le fait de pouvoir demander l’aide juridictionnelle juste avant l’audience de la Cour provoque systématiquement un renvoi, donc un rallongement de tous les délais de traitement. Il nous semble qu’un délai de un mois est suffisant.

Cette condition nous paraît parfaitement conforme aux prescriptions de l’article 15 de la directive du Conseil du 1er décembre 2005, relative à des normes minimales concernant les procédures d’octroi ou de retrait du statut de réfugié dans les États membres.

Mes chers collègues, la France est l’un des premiers pays au monde s’agissant du nombre de demandes d’asile qui lui sont adressées. Je crois qu’il ne nous est pas interdit, dans un souci de bon usage des deniers publics et de meilleur fonctionnement de nos institutions, d’encadrer la manière dont l’aide juridictionnelle est accordée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le président de la commission des lois s’est très bien exprimé. Il ne s’agit bien évidemment pas d’affaiblir la défense possible des personnes intéressées, mais d’éviter les renvois d’audience.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

(L’amendement n° 109 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 145.

M. Étienne Pinte. Nous proposons, avant l’alinéa 1, d’insérer l’alinéa suivant : « I. – L’article L. 731-2 du même code est complété par les mots : “ou si le requérant est maintenu en rétention, au plus tard le dix-huitième jour qui suit cette notification” »

Cet article prévoit que le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile est de dix-huit jours lorsque le requérant a formulé une demande d’asile – rejetée par l’OFPRA – alors qu’il est maintenu en centre de rétention administrative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission est défavorable à cet amendement dont l’objectif ne nous semble pas réalisable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Même avis, monsieur le président. Le Gouvernement veut préserver les caractéristiques de la procédure prioritaire d’examen des demandes d’asile, car nous en avons absolument besoin. Cet amendement aboutirait à les remettre en cause ; il ne peut donc être accepté.

(L’amendement n° 145 n’est pas adopté.)

(L’article 74 bis est adopté.)

Article 75

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement, n° 110, tendant à supprimer l’article 75.

M. Étienne Pinte. Comme ma collègue Françoise Hostalier, je pense que l’article 75 pose comme principe que le fait de dissimuler ses empreintes digitales constitue une fraude, sans aucune appréciation au cas par cas. Actuellement, l’administration doit démontrer que la dissimulation constitue une fraude. Avec cet article 75, les préfets retiendront systématiquement la fraude. Il en résultera pour les demandeurs d’asile un placement en procédure prioritaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission émet un avis défavorable ; elle estime aussi que cet article remplit bien les conditions posées par l’article 23 de la directive de 2005.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je veux rappeler à Étienne Pinte une chose qu’il sait : même dans le cas de figure qu’il vient de décrire, les demandes d’asile seront bien sûr examinées – il ne s’agit pas de les interdire –, mais selon la procédure prioritaire, étant donné l’existence d’une fraude.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 110 n’est pas adopté.)

(L’article 75 est adopté.)

Après l’article 75

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 346, portant article additionnel après l’article 75.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour défendre l’amendement n° 44.

M. Christian Vanneste. Monsieur le ministre, cet amendement vise à souligner ce que vous avez répété à maintes reprises tout à l’heure : la très grande générosité de notre pays. Cette générosité entraîne parfois des abus et des fraudes, notamment dans le cadre du dispositif de l’AME qui est ici ciblé. Cet amendement tend à essayer de réduire, sinon d’éliminer, les fraudes au dispositif de l’AME.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour défendre l’amendement n° 346.

M. Claude Goasguen. La question de l’AME va être longuement débattue lors de l’examen de la loi de finances. J’ai déposé cet amendement extrêmement important sur un sujet tabou, évoqué à plusieurs reprises par M. le ministre, pour montrer que la France se comporte de manière exceptionnelle dans le domaine médical comme dans celui de la scolarité.

Contrairement à ce que j’ai entendu pendant tout ce débat, il ne s’agit pas de remettre en cause cette exception française. En ce qui concerne l’AME, il s’agit de la réguler pour remédier aux débordements constatés depuis 1998. Nous avons assisté à des débordements financiers, mais aussi à des problèmes d’organisation auxquels Thierry Mariani et moi-même avons essayé de remédier grâce à un article qui a été adopté.

Personnellement, j’aurais préféré que le contrôle soit effectué par les mairies plutôt que par les caisses primaires, qui sont dans l’incapacité matérielle d’exercer un quelconque contrôle.

Le débat resurgira et fera sans doute beaucoup de bruit. Pour être très concis, j’indique qu’il ne s’agit pas supprimer l’AME, mais de lui redonner ses normes initiales, les normes européennes. L’AME doit répondre à l’urgence, aux besoins de vaccination et de prophylaxie, et elle doit être complète pour les enfants. Cependant, elle doit être apportée dans les hôpitaux et dispensaires publics.

Cette réforme nous permettra d’examiner de très près sur le plan financier le fonctionnement de l’AME qui a donné lieu à quelques abus. À un moment où l’on parle beaucoup de niches sociales, fiscales et économiques diverses, il faut être raisonnable. L’AME représente un avantage presque léonin à l’égard de personnes qui sont en situation irrégulière. Au fond, les immigrés en situation irrégulière sont les seules personnes à bénéficier en France d’une couverture maladie universelle à 100 %. D’une part, il y a de quoi dissuader les immigrés de se faire régulariser. D’autre part, c’est un peu curieux, car on demande des efforts à des Français – je n’ose pas dire « de souche » pour ne pas me faire engueuler – en difficulté qui sont en situation régulière. Ceux-là vont subir une augmentation assez considérable – 10 % – de leurs assurances complémentaires tout en regardant, hallucinés, des personnes en situation irrégulière bénéficier de 100 % des prestations dans tous les domaines, sans exception.

Comme d’autres députés, je tenais à soulever cette question, même si je comprends que l’on peut m’opposer l’article 40. Mon objectif est de lancer le débat avant l’examen de la loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission a émis un avis défavorable. Je voudrais dire, toutefois, que je fais miennes les interventions de nos deux collègues.

Pour que chacun ait bien à l’esprit les éléments financiers, j’indique que le budget de l’aide médicale d’État a augmenté de 13 % entre décembre 2008 et décembre 2009, passant de 476 millions d’euros à 540 millions d’euros. Cette évolution s’explique d’abord par l’augmentation du nombre de bénéficiaires : 215 763 en décembre 2009 contre 202 503 un an plus tôt.

M. Claude Goasguen. Et ce nombre augmentera encore !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cette tendance ne s’infléchit pas, puisque les chiffres provisoires que nous avons eus entre mai 2009 et mai 2010 traduisent une nouvelle augmentation de cette ligne de 17 %. Tout nous porte à penser que la ligne de dotation budgétaire que nous avons ouverte pour 2010, votée à 535 millions d’euros, ne suffira pas d’ici à la fin de l’année. Il est donc tout à fait légitime que l’Assemblée nationale se pose la question du fonctionnement de cette aide médicale d’État, qu’elle vérifie que toutes les dispositions sont bien prises pour lutter contre les fraudes. Au moment où nous demandons des efforts à l’ensemble de nos concitoyens, ceux-ci ne comprendraient pas que l’on laisse cette ligne budgétaire galoper sans contrôle et sans repenser son fonctionnement.

Nous attendons avec une grande impatience le travail que Claude Goasguen est en train de réaliser dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle. La commission partage tout à fait l’avis de nos deux collègues. Dans le projet de loi de finances et dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, il faudra que l’Assemblée prenne les dispositions nécessaires pour recadrer les choses.

À cet instant, je suis forcé d’émettre un avis défavorable, mais, maintenant que le débat a eu lieu et que M. le ministre va nous dire la compréhension du Gouvernement – du moins je l’espère ! –, je préférerais, mes chers collègues, que vous retiriez ces amendements. Cela dit, je vous remercie de nous avoir donné l’occasion d’évoquer ce sujet qui doit retenir, avant la fin de l’année, l’attention du Parlement afin de prendre les décisions nécessaires.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je partage l’avis de M. le président de la commission des lois. Claude Goasguen sait que ma collègue ministre de la santé est prête à ouvrir ce dossier avec lui et les députés qui s’y intéressent. C’est une question délicate, subtile, car, comme M. Goasguen l’a lui-même dit, il ne s’agit absolument pas de priver les étrangers de l’aide médicale d’État ; il faut seulement remettre de l’ordre là où il y a des dérives.

Les chiffres sont incontestables. Les dépenses d’aide médicale d’État se sont élevées à 540,1 millions en 2009, soit une hausse de 13,3 % par rapport à l’année précédente. Cela est dû à une augmentation à la fois du nombre de bénéficiaires et du coût moyen des dépenses, la partie la plus coûteuse étant relative à l’hospitalisation.

Ce que proposent ces amendements est substantiel, puisqu’il s’agit de réorganiser le périmètre de l’aide médicale d’État. Cela mérite un examen approfondi et un large débat que le Gouvernement est prêt à avoir avec les parlementaires dans le cadre, qui nous paraît plus adapté, de l’examen du projet de loi de finances. Sans préjuger de l’examen de la substance de cette proposition, qui devra être réétudiée, le Gouvernement souhaite donc le retrait de ces amendements. À défaut, avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Votre réponse est très satisfaisante, monsieur le ministre, mais je voudrais rappeler – et je pense que Claude Goasguen partage mon point de vue – qu’il s’agissait surtout de poser le problème. Pendant des heures et des heures, nous avons entendu critiquer notre pays de façon totalement injuste. L’aide médicale d’État est le symbole même du souci d’équité, de justice sociale, d’humanité, qui anime notre pays. C’est la raison pour laquelle, tout en vous demandant d’étudier les choses pour l’avenir, il était bon de poser la question, et il était bon aussi que vous y répondiez de cette manière. Donc, je retire l’amendement n° 44.

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Je retire aussi l’amendement n° 346.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. J’ai bien entendu la réponse de M. le ministre. Je me permettrai juste de dire que le degré de confiance sur ce sujet entre le Parlement et le ministère de la santé doit s’améliorer. La commission des lois, monsieur le ministre, a fait un travail pour repérer toutes les dispositions législatives votées au cours de la dernière législature entre 2002 et 2007 et qui n’avaient pas fait l’objet de décrets d’application. Une mesure adoptée dans l’hémicycle visait précisément à imposer un ticket modérateur, mais le décret d’application n’a jamais été pris.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Nous ne voudrions donc pas à nouveau nous trouver dans une telle situation. J’espère que l’engagement pris, qui satisfait tous les parlementaires, sera bien tenu par le ministère de la santé, parce que le passé ne plaide pas tout à fait en faveur de celui-ci !

M. Claude Goasguen. Le président parle d’or !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. D’un mot, pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : la force de conviction et la ténacité de MM. Goasguen, Vanneste et plusieurs de leurs collègues, ces derniers jours, sur le sujet ont probablement été inversement proportionnelles au degré de confiance que vous évoquiez, monsieur le président de la commission. Donc, pour parler clairement, le message a été bien entendu ; le Premier ministre l’a acté, de même que Mme la ministre de la santé. Tout le monde sait qu’un rendez-vous est fixé et qu’il sera honoré.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Patrice Martin-Lalande. Excellente réponse !

(Les amendements nos 44 et 346 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, pour soutenir l’amendement n 2.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cet amendement de Jean-François Mancel prévoit que, pour les cartes portant mention « Étudiant », le ministère chargé de l’immigration exerce lui aussi, de concert avec ses homologues de l’enseignement supérieur et des affaires étrangères, une tutelle sur l’établissement public Campus France. Cela nous semble du bon sens. La commission des lois demande donc à l’Assemblée d’adopter cet amendement.

M. le président. Pour clarifier le débat et pour que nous soyons bien d’accord, monsieur le président de la commission des lois, je précise que cet amendement de M. Mancel a été adopté par la commission et que vous l’avez repris.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n° 2 est adopté.)

Article 75 bis

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 21, de la commission.

(L’amendement n° 21, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 75 bis, amendé, est adopté.)

Article 75 ter

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement, n° 111, visant à supprimer l’article 75 ter.

M. Étienne Pinte. Pourquoi Françoise Hostalier et moi-même proposons-nous de supprimer cet article ? En 2009, 1 916 demandes d’asile ont été déposées dans des départements ou collectivités d’outre-mer – 898 en Guyane, 412 à Mayotte. En 2009, la Cour nationale du droit d’asile a tenu des audiences dites « foraines » à Mayotte et en Guyane. La visioconférence est devenue la règle pour la plupart des entretiens à l’OFPRA, en Guyane et à Mayotte. Le demandeur d’asile, en outre-mer, ne pourrait donc avoir un entretien de vive voix avec aucun des organes de détermination de l’asile.

En outre-mer, tenir une audience de plusieurs heures en visioconférence, compte tenu des aléas techniques – mauvaise acoustique, rupture de transmission –, risque d’être une gageure.

Cet article ne précise pas les locaux dans lesquels les requérants seront présents pour leur audience. N’est pas précisée non plus la qualité des personnes chargées de l’établissement des procès-verbaux des opérations effectuées. Certes, cet article renvoie au décret en Conseil d’État, mais la loi devrait pouvoir prévoir d’encadrer ces opérations par l’affirmation de garanties.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je suis désolé de devoir émettre un avis défavorable à cet amendement.

L’article 75 ter vise à permettre et à rendre possible la visioconférence pour l’examen des recours déposés par des demandeurs d’asile domiciliés outre-mer. Issu d’un amendement déposé par nos collègues Garraud et Diard, il est dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment de sa décision du 20 novembre 2003 sur la visioconférence, et de l’avis du Conseil d’État du 13 avril 2010 relatif à l’utilisation des moyens de télécommunication audiovisuelle dans ce type de procédure. Ce genre de procédure ne peut ainsi être utilisé qu’à condition que soient respectées les garanties de confidentialité de la transmission, de déroulement de la procédure simultanément dans deux salles d’audience ouvertes au public, ou que soient exigées des circonstances particulières pour rendre nécessaire le recours au dispositif sans le consentement de la personne concernée. La commission estime que ce dispositif remplit toutes les conditions pour permettre un procès juste et équitable.

Je dois souligner que l’utilisation de ces nouvelles techniques se développe dans l’ensemble du monde judiciaire, qu’elle doit permettre une amélioration du traitement des recours déposés et une réduction des délais imposés au requérant. Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je souscris aux arguments du président de la commission des lois. Avis défavorable.

(L’amendement n° 111 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 22, du rapporteur.

(L’amendement n° 22, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 75 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 75 ter

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement, n° 144, portant article additionnel après l’article 75 ter.

M. Étienne Pinte. Mme Hostalier, Mme Ameline et moi-même pensons qu’il faut, à la dernière phrase de l’article L. 551-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, remplacer le mot : « cinq » par le mot : « dix ».

Cet amendement vise à allonger de cinq jours le délai pour déposer une demande d’asile en centre de rétention administrative. Ce délai supplémentaire vise à rendre les droits du demandeur d’asile plus effectifs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. J’ai le regret de dire que la commission des lois n’a pas été convaincue par cet amendement. D’ailleurs, le nombre des demandes d’asile enregistrées par l’OFPRA a augmenté de 20 % en 2008, de 12 % en 2009, et une augmentation de 10 % est attendue pour 2010 – la commission des lois a auditionné le directeur général de l’OFPRA prolongé. Tout cela atteste bien que le délai actuel permet à ce droit d’être effectif en France. Il ne nous semble donc pas opportun d’y toucher. Avis défavorable.

(L’amendement n° 144, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Étienne Pinte. Après l’article L. 554-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, Mme Hostalier et moi-même souhaitons insérer un article L. 554-4 ainsi rédigé :

« Il est mis fin au maintien de l’étranger en rétention lorsque la demande d’asile présentée par celui-ci a été rejetée et qu’il a exercé un recours devant la Cour nationale du droit d’asile dans les conditions prévues à l’article L. 731-2. Dans ce cas, l’autorité administrative peut décider de l’assigner à résidence dans les conditions prévues à l’article L. 552-5, jusqu’à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile. »

Cet article prévoit la fin du maintien en rétention administrative en cas de dépôt d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Il prévoit la possibilité d’assigner à résidence le requérant ainsi libéré, dans les conditions de droit commun.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission des lois est défavorable à cet amendement. En effet, le simple fait de faire appel d’une décision de rejet de la demande d’asile par l’OFPRA ne justifie pas qu’il soit systématiquement mis fin à la rétention administrative des intéressés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Même avis que la commission. Le dispositif préconisé par les auteurs de l’amendement aboutirait à la remise en liberté de tous les étrangers faisant une demande d’asile en rétention, ce qui aurait une conséquence que M. Pinte peut aisément deviner : cela encouragerait la présentation massive de demandes d’asile à la seule fin de faire échec à l’exécution des mesures d’éloignement.

J’ajoute, monsieur Pinte, que la France doit honorer sa tradition républicaine d’asile à l’égard des vrais demandeurs d’asile, c’est-à-dire ceux qui sont persécutés pour la couleur de leur peau, leurs convictions politiques, religieuses. Mais l’une des plus grandes difficultés que nous aurons à gérer au cours de la décennie à venir sera de distinguer les vraies demandes d’asile de ce que l’on pourrait appeler les « fausses » demandes d’asile émanant de personnes qui n’utilisent cette procédure – elles l’avouent d’ailleurs très vite – que pour contourner les lois de régulation de l’immigration légale, notamment de l’immigration de travail.

Je ne doute pas de votre bienveillance, monsieur Pinte, mais une telle mesure aurait pour effet d’engorger la demande d’asile et placerait notre pays dans une difficulté extrême.

(L’amendement n° 147 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 146.

M. Étienne Pinte. Nous proposons d’insérer l’article suivant après l’article 75 ter : « Le président et les présidents de section examinent par priorité, sans respecter l’ordre chronologique d’enregistrement des recours, les requêtes déposées par les requérants dans le cadre de la procédure décrite à l’article L. 731-2 du présent code. »

Cet article organise l’examen par priorité des recours formés par les requérants qui étaient maintenus en centre de rétention administrative lors du dépôt du recours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Soyons clairs : nous ne sommes pas satisfaits des délais de traitement de la CNDA. L’ensemble des autorités en a pris conscience, et, dans le cadre des décisions budgétaires qui vont nous être soumises, il nous sera proposé de mettre en place un plan de renfort. C’est indispensable, on ne peut pas se satisfaire d’un délai de quinze mois en moyenne.

Néanmoins, nous ne pouvons pas approuver cet amendement, car c’est une fausse bonne solution. Si nous demandions à la CNDA d’examiner prioritairement les dossiers des demandeurs d’asile placés en CRA, nous prendrions le risque d’allonger encore le délai de traitement des dossiers des demandeurs qui résident ailleurs, notamment en CADA, ou qui bénéficient de l’allocation temporaire d’accueil.

Je rappelle que les coûts supportés par l’État pour l’hébergement des demandeurs d’asile s’élèvent d’ores et déjà à quelque 250 millions d’euros par an. On ne peut pas prendre une décision qui les aggraverait. Je partage donc entièrement la démarche d’Étienne Pinte, et il faut souligner que la situation n’est pas satisfaisante, mais cet amendement n’est pas la bonne solution pour la résoudre. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Je souscris pleinement aux propos du président de la commission des lois, et je confirme les engagements financiers et humains pour la création de postes de magistrats professionnels afin de réduire le délai devant la Cour nationale du droit d’asile. C’est inclus dans le projet de loi de finances que vous discutez et que vous allez voter, je l’espère.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Très bien !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. J’indique de plus que la seule préoccupation de bonne administration de l’État requiert cet effort. Tout mois de recours supplémentaire devant la CNDA coûte 15 millions d’euros à l’État. Vous voyez donc que l’intérêt du demandeur d’asile et celui de l’État coïncident.

M. Claude Goasguen. Et celui de la CMU !

(L’amendement n° 146 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 142.

M. Étienne Pinte. Cet amendement est cosigné par Mme Hostalier, et M. Dionis du Séjour en a déposé un identique.

L’article 1er du projet de loi, en introduisant un nouvel article, précise les motifs pour lesquels les demandeurs d’asile voient leur demande d’asile examinée en procédure accélérée : demande d’asile déposée par un ressortissant d’un pays d’origine sûr, ou sous clause de cessation de la qualité de réfugié – c’est l’article 1er C de la Convention de Genève – ; demande d’asile considérée comme abusive ou dilatoire ; demande d’un étranger dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État. Il précise en outre que la procédure accélérée peut s’appliquer aussi bien aux premières demandes d’asile qu’aux demandes de réexamen. À ce jour, aucune disposition légale n’y fait référence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. La commission n’a pas été convaincue, car l’amendement aurait pour conséquence d’admettre au séjour provisoire sur notre sol des demandeurs ayant la nationalité d’un pays d’origine sûr ; des demandeurs dont la présence en France constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État ; et ceux qui présentent des demandes frauduleuses, dilatoires ou abusives.

Il nous semble que les textes, tels qu’ils sont rédigés actuellement, offrent une faculté d’appréciation aux préfectures et n’imposent pas systématiquement un refus d’admission en France. Le droit existant nous semble suffisamment équilibré. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Même avis. J’ajoute que l’inclusion des demandes de réexamen dans l’énumération prévue à l’article L. 741-4 du CESEDA est inutile, les demandes de réexamen étant considérées comme des demandes d’asile à part entière.

(L’amendement n° 142 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l’amendement n° 143 rectifié.

M. Étienne Pinte. Cet amendement est cosigné par Mmes Ameline et Hostalier, et M. Dionis du Séjour avait fait une proposition identique.

Nous proposons qu’après l’article 75 ter soit inséré l’article nouveau suivant : « L’étranger présent sur le territoire français dont la demande d’asile entre dans l’un des cas visés aux 2° à 4° de l’article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu’à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, lorsqu’il s’agit d’une décision de rejet. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. À nouveau, nous préférons l’équilibre du droit actuel, qui est dans la ligne de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, par laquelle il a considéré que « le législateur pouvait, dès lors qu’il garantissait la possibilité d’un recours, prévoir que l’intéressé n’aurait pas droit à être maintenu pendant l’examen de ce recours sur le territoire français ; qu’ainsi les dispositions concernées ne méconnaissent pas le droit d’asile, non plus qu’aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle ». Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Même avis. Le Gouvernement veut préserver les caractéristiques de la procédure prioritaire d’examen des demandes d’asile, notamment l’absence de recours suspensif devant la CNDA.

M. le président. La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Qu’il s’agisse de la demande du statut de réfugié ou de toutes les autres procédures engagées par des étrangers en situation irrégulière, ou contre eux, nous touchons ici au problème de la suspension dans l’attente du résultat des recours. J’insiste beaucoup sur cette possibilité de suspension de la décision jusqu’à l’épuisement de tous les recours. En effet, j’ai vécu dans mon département le cas absurde d’une personne reconduite dans son pays à la suite d’un arrêté préfectoral et que le préfet a été obligé de faire revenir en toute hâte, suite à l’annulation de la procédure préfectorale par la juridiction administrative d’appel.

(L’amendement n° 143 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Monsieur le président, je reprends les amendements, n° 34 et 583, qui portent sur le respect des symboles républicains lors des célébrations de mariage en mairie et qui ont été adoptés par la commission.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux amendements identiques, nos 34 et 583.

La parole est à M. Christian Vanneste, pour défendre l’amendement n° 34.

M. Christian Vanneste. Cet amendement a été signé par près de quatre-vingt-dix de nos collègues de l’UMP, ce qui n’est pas négligeable.

Je voudrais souligner que l’usage de drapeaux étrangers lors de manifestations qui ont certes un caractère public, puisqu’il s’agit notamment de mariages, mais également privé, puisqu’elles réunissent des familles, pose un problème évident. Certains diront qu’il ne s’agit que d’un problème de symbole. Mais, chez l’homme, le symbole n’est jamais anecdotique. Claude Lévi-Strauss soulignait le fait que l’homme était avant tout un être de langage. Le symbole, c’est précisément ce qui signifie, et qui signifie très lourdement.

Dans un excellent article du Figaro, M. Slama observait que l’on critique sans arrêt les frontières – et elles ont été critiquées ici pendant des heures et des heures, comme si la France avait vocation à accueillir le monde entier. Mais que font les frontières ? Elles protègent un pays qui fait respecter la République et des valeurs universelles. À l’intérieur de ces frontières, il y a des édifices qui condensent en eux-mêmes ces valeurs républicaines et qui doivent susciter un respect qui n’est pas sans ressembler à ce que, dans un autre contexte, l’on appelait le sacré. Les édifices républicains que sont les mairies correspondent à cela, et je crois que le fait d’y respecter les symboles républicains et les marques de l’appartenance de la République à la nation française sont une magnifique leçon d’éducation civique que nous nous devons de donner à tous ceux qui viennent dans les mairies, y compris les étrangers et ceux qui ont vocation à devenir citoyens, parce que c’est une leçon de citoyenneté.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que, à l’occasion des mariages, il n’y ait plus de place pour des drapeaux qui manifestent l’appartenance à une communauté étrangère.

En revanche, lorsqu’il y a un jumelage avec une ville d’un autre pays, il s’agit manifestement d’un échange démocratique entre élus, et la présence des drapeaux est tout à fait justifiée. Voilà la raison de notre amendement. C’est symbolique, mais, dans l’humanité, les symboles sont quelquefois plus lourds que les choses matérielles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Sur ces deux amendements, le Gouvernement est réservé et va s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée.

Sur le fond, nous partageons l’objectif des auteurs de l’amendement, qui est de faire respecter les symboles de la République. J’observe simplement que, si des comportements portent atteinte à des symboles républicains au cours des cérémonies de mariage, le Gouvernement considère que les dispositions actuelles, notamment l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales sur les pouvoirs de police municipale, suffiraient pour permettre au maire d’y mettre fin.

L’amendement ne lui apparaissant pas strictement nécessaire, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. « Mieux vaut prévenir que guérir » : ce que l’on interdit en amont permet de ne pas voir se dérouler certaines manifestations qui risqueraient de conduire à des affrontements et à des violences. Je pense donc qu’il est préférable d’interdire en amont plutôt que de réagir.

M. Claude Goasguen. Les symboles de la République, qu’est-ce que c’est ? C’est la truelle ?

(Les amendements identiques nos 34 et 583 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 58.

M. Claude Goasguen. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cet amendement a été accepté par la commission. C’est un travail de plusieurs de nos collègues, dont Dominique Tian, dont chacun connaît l’engagement dans la lutte contre toutes les formes de fraude.

Il s’agit de conditionner le versement de la prime pour l’emploi à la régularité de séjour des membres du foyer fiscal qui demandent à en bénéficier. C’est un sujet d’importance. Alors que les finances publiques sont dans l’état désastreux que nous connaissons et que nous demandons des efforts à chacun de nos concitoyens, il est normal de s’assurer que nous ne distribuons pas les avantages sans vérifier la légitimité de la demande.

Je reconnais volontiers que cette disposition n’a peut-être pas tout à fait sa place dans ce projet de loi, mais, si le ministre s’engageait clairement sur le sujet, nous pourrions prendre acte que la disposition sera reprise dans le prochain projet de loi de finances.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. La première partie de l’amendement pose une difficulté. Si les étrangers en situation irrégulière ne sont pas considérés comme des contribuables, et donc pas assujettis à l’impôt, cela risque de créer une incitation à l’emploi de travailleurs sans titre de séjour, ce qui n’est pas souhaitable et qui va même à l’encontre de ce projet de loi. Ce n’est pas l’intention des auteurs de l’amendement. Il faut donc y retravailler.

Dans sa seconde partie, l’amendement propose que le bénéfice de la prime pour l’emploi soit réservé aux étrangers en situation régulière. Le Gouvernement y est plutôt favorable, mais il s’agit d’une mesure qui doit être réétudiée. Étant de caractère fiscal, elle devra trouver sa place dans la loi de finances. Mes collègues de Bercy sont d’accord pour entamer cette discussion avec vous. Je suggère donc que vous retiriez cet amendement et qu’il soit rediscuté lors de l’examen du projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 58 est retiré.)

Articles 76 A, 76, 76 bis, 77 et 78

(Les articles 76 A, 76, 76 bis, 77 et 78 sont successivement adoptés.)

Article 79

M. le président. L’amendement n° 23 du rapporteur à l’article 79 est de clarification.

(L’amendement n° 23, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 79, amendé, est adopté.)

Articles 80 et 81

(Les articles 80 et 81 sont successivement adoptés.)

Article 82

M. le président. L’amendement n° 24 du rapporteur à l’article 82 est de coordination.

(L’amendement n° 24, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre pour présenter l’amendement n° 152.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Cet amendement technique est important. Il revient au droit actuel pour éviter qu’un étranger admis à séjourner sur le territoire de Saint-Barthélemy ou sur celui de Saint-Martin en tant que demandeur d’asile puisse se rendre en Guadeloupe en violation des règles de circulation entre un territoire à statut spécial et un département.

(L’amendement n° 152, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 25 du rapporteur est de coordination.

(L’amendement n° 25, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 82, amendé, est adopté.)

Article 83

M. le président. Les amendements nos 26 et 27 du rapporteur à l’article 83 sont de coordination.

(Les amendements nos 26 et 27, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 83, amendé, est adopté.)

Article 84 A

M. le président. Les amendements nos 28 rectifié et 29 du rapporteur à l’article 84 A sont rédactionnels.

(Les amendements nos 28 rectifié et 29, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 84 A, amendé, est adopté.)

Article 84

(L’article 84 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen des articles du projet.

Explications de vote personnelles

M. le président. Je suis saisi de demandes d’explications de vote personnelles, en application de l’article 49, alinéa 13, du règlement.

La parole est à M. Étienne Pinte.

M. Étienne Pinte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à exposer les raisons pour lesquelles, la semaine prochaine, je voterai contre ce texte.

Plus d’une centaine d’articles, plus de 500 amendements pour transposer dans la loi française trois directives européennes, avec pour une très grande partie de ces dispositions un net recul du droit des étrangers, voici à quoi le texte se résume.

Quand la déchéance de la nationalité française est étendue, c’est le principe d’égalité qui est battu en brèche.

Quand la régularisation pour raisons médicales est encadrée de telle sorte qu’elle s’en trouve réduite, c’est le droit à la santé qui est visé.

Quand la durée de la rétention est allongée, c’est le droit d’aller et de venir qui est mis à rude épreuve.

Quand l’État s’immisce dans la vie intime des couples mixtes, c’est la liberté de se marier qui est atteinte.

Quand l’aide juridictionnelle est restreinte, c’est le droit à bénéficier d’une défense qui est bafoué.

Je pourrais, hélas, poursuivre cet inventaire.

Ce débat m’a inspiré deux réflexions. D’abord, monsieur le ministre, j’ai été très surpris, hier, que vous vous offusquiez que je souhaite modifier la loi afin de l’humaniser. J’aurais souhaité que vous ayez fait preuve, dans l’examen de cette loi, d’un peu plus d’humanité.

J’ai d’autre part été choqué que le rapporteur, qui malheureusement n’est pas présent, propose un amendement pour imposer le bracelet électronique à des parents assignés à résidence ayant des jeunes enfants. D’abord, il confond le statut de prisonnier et celui de « retenu », et une telle disposition serait, à mes yeux, illégale. Surtout, je suis choqué que des parents soient ainsi, en quelque sorte, les otages de leurs enfants.

Quand le droit des étrangers devient un droit d’exception, c’est le droit tout court qui régresse.

Quand la dignité de l’être humain n’est pas au cœur de notre réflexion et de notre action politique, il est de mon devoir de parlementaire, de mon devoir d’homme, de ne pas cautionner un régime juridique d’exception qui heurte profondément les valeurs auxquelles je crois.

Je ne saurais par conséquent voter de telles mesures, en ce qu’elles renient ce qui fonde les valeurs de notre République.

M. le président. La parole est à M. Patrick Braouezec.

M. Patrick Braouezec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes très chers collègues – plus c’est rare, plus c’est cher (Sourires) – j’ai aimé entendre le président annoncer « l’Assemblée nationale a voté » : vous étiez six.

M. le président. Cela demeure l’Assemblée nationale.

M. Patrick Braouezec. Dans sa partie la plus congrue !

Lorsque j’ai quitté l’hémicycle après mon intervention sur l’article 45, j’avais dit que c’était la dernière. Je suis désolé de vous décevoir,…

M. Claude Goasguen. Mais c’est un plaisir !

M. Patrick Braouezec. …car vous allez m’entendre de nouveau. J’ai en effet regardé la séance à la télévision, et je me suis rendu compte de ce qu’était la démocratie avancée, au sens où vous l’entendez, en voyant le président – seul à l’écran – tourner les pages de son dossier, de l’article 45 à l’article 71. Heureusement pour notre assemblée, il y avait encore M. Pinte – dont par ailleurs je fais mienne la dernière intervention, de A à Z. C’était vraiment une caricature de démocratie, à laquelle certains ont pu assister dans cet hémicycle ou sur internet.

D’autre part, avant l’explication de vote que je présenterai mardi prochain au nom de tous les députés que j’ai représentés, je tiens à souligner dès maintenant que, en cette fin de débat, ont été présentés les amendements les plus rétrogrades, comme celui relatif à l’aide médicale d’État. Je suis resté pour voir s’il était retiré, faute de quoi je m’y serais opposé.

M. Claude Goasguen. Il reviendra.

M. Patrick Braouezec. Je sais.

Le président de la commission des lois a cru bon – comme il en avait la possibilité – de reprendre des amendements déposés par une seule personne, M. Mancel par exemple, qui n’était pas présent. C’est son choix. Il aurait très bien pu ne pas le faire. Cet amendement qu’il a repris et qui porte sur le respect des symboles républicains, signifie bien que vous ne souhaitez pas que, dans les mariages, soient présents d’autres drapeaux que le drapeau français, n’est-ce pas, monsieur Vanneste ?

M. Christian Vanneste. Tout à fait !

M. Patrick Braouezec. Que dire alors de ceux qui viennent avec des drapeaux bretons, comme cela arrive très souvent dans la ville dont j’ai été maire pendant quatorze ans ? Respectent-ils les valeurs républicaines ou non ?

M. Christian Vanneste. Ce sont des drapeaux régionaux !

M. Patrick Braouezec. On doit tolérer certains drapeaux et pas d’autres ? Pour ma part, cela ne m’a jamais choqué.

M. Christian Vanneste. Le drapeau est un signe d’intégration !

M. Patrick Braouezec. Il renvoie à nos racines culturelles et cela ne me choque pas. Mais vous refusez certaines cultures et vous en acceptez d’autres qui se démarquent de la République. Les fleurs de lys du drapeau breton ne sentent pas bon la République.

M. Claude Goasguen. Ce sont des hermines !

M. Yves Censi. Et la Bretagne est française !

M. Patrick Braouezec. Je regrette, monsieur le ministre, que vous vous en soyez remis à la sagesse de l’assemblée. Il aurait été bien de dire que ce n’était pas possible dans le cadre de ce projet.

Heureusement que nous étions là pour combattre des amendements venus de l’autre côté de l’hémicycle et qui allaient durcir encore cette loi. Mais, dès que nous ne sommes plus là, les vannes sont ouvertes. Je crains que, si vous restez au pouvoir, le prochain texte de loi que vous concocterez ne soit encore plus grave pour les étrangers.

M. Claude Goasguen. Les étrangers en situation irrégulière !

M. Patrick Braouezec. Pour ma part, je me situe dans l’esprit qu’a défendu Étienne Pinte.

J’en ai terminé. Je viendrai expliquer le vote de mon groupe, mardi. En attendant, il est inutile que je reste pour écouter la réponse du président de la commission des lois, que je connais déjà.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Ce n’est pas bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Ce n’est pas correct en effet, après m’avoir mis en cause. Je vais répondre. J’ai dû suppléer le rapporteur cet après-midi et j’ai effectivement repris des amendements en suivant une ligne de conduite d’une totale honnêteté : j’ai repris ceux qui avaient été approuvés en commission. C’était normal. Le programme de travail de l’assemblée a dû être décalé dans le temps. Certains collègues ne pensaient pas que les amendements dont ils étaient les auteurs allaient être appelés aujourd’hui. Il était donc loyal de ma part, en tant que président de la commission, de reprendre ceux qu’elle avait approuvés.

D’autre part, je trouve qu’il n’est pas très correct pour un collègue qui quitte volontairement l’hémicycle et, de ce fait, n’exerce pas le mandat qu’il détient et ne participe pas à tous les votes, de venir déplorer en fin de séance le nombre insuffisant de députés présents. Rien n’interdisait à l’ensemble des députés de l’opposition de rester.

M. Patrick Braouezec. C’est un peu fort de café ! M. Warsmann n’a pas du tout pris part au débat, sauf aujourd’hui, pour remplacer M. Mariani !

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Quant à lancer des accusations sur le thème « les vannes se sont ouvertes », chacun pourra constater en lisant le compte rendu des débats que les amendements adoptés par l’Assemblée avaient été étudiés et adoptés par la commission des lois. Il s’agit tout simplement du travail parlementaire normal, qu’on ne peut laisser salir ainsi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Si M. Braouezec m’entend encore, je veux le rassurer.

M. Patrick Braouezec. Je suis physiquement là !

M. Éric Besson, ministre de l’immigration. Il est là, mais caché ! C’est d’autant plus dommage que ce je vais dire pourrait le rassure.

À propos des symboles républicains dans les cérémonies de mariage, si le Gouvernement s’est prononcé pour la sagesse sur l’amendement, c’est que celui-ci n’interdit pas d’arborer des drapeaux autres que le drapeau français, mais qu’il donne au maire le pouvoir de faire respecter les symboles républicains et donc d’interdire ces drapeaux ou de faire cesser la cérémonie s’il estime qu’elle est troublée. Le maire garde son appréciation et cela fait partie de ses pouvoirs de police.

Pour être juste avec M. Braouezec – dommage pour lui s’il ne m’entend plus, puisque j’allais dire du bien de lui – sa dernière intervention ne résume pas sa contribution au débat. Il a été, avec Christophe Caresche, l’un des plus constructifs des députés de l’opposition. Je ne partageais pas leur analyse, mais ils ont apporté quelque chose d’intéressant à nos débats. Je n’en dirai pas autant d’une députée également absente, dont je tairai le nom.

Monsieur Pinte, je ne comprends pas votre dernière intervention. Je ne peux pas laisser dire que ce projet de loi marque un net recul du droit des étrangers en situation irrégulière : il n’y a strictement aucun recul en la matière. De la même manière, je ne laisserai pas dire qu’il y a une immixtion de l’État dans la vie intime des couples mixte. Je vous rappelle que nous parlons des cas dans lesquels les tribunaux sanctionnent une escroquerie sentimentale et des mariages de complaisance. Votre assemblée a bien voulu décider que la personne qui fraudait, alors que son conjoint était sincère, devait être plus sévèrement sanctionnée que dans le cas où les deux conjoints fraudaient. Je le répète : il n’y a aucune immixtion dans la vie intime des couples mixtes.

Je pourrais prolonger cette liste ; je ne le ferai pas. Je vous indique tout de même que je ne vous ai pas reproché de vouloir humaniser notre droit. Je crois que notre droit est humain, vous ai-je dit, sans jamais m’offusquer de vos propos.

Je veux conclure en remerciant la commission, son président et son rapporteur. Ils ont accompli une tâche considérable et le Gouvernement a eu un très grand plaisir à travailler avec eux. Je remercie les députés de la majorité présents, comme ceux qui n’ont pas pu être là.

Monsieur le président, je vous remercie également, pour la façon dont vous venez de présider cette séance, mais aussi d’autres précédemment : vous avez conduit nos débats avec beaucoup de sagesse et de célérité.

Je conclus en remerciant le personnel de l’Assemblée.

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 12 octobre, après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 11 octobre à seize heures :

Deuxième lecture du projet de loi de régulation bancaire et financière.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.)