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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 24 novembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Déclaration de politique générale du Gouvernement

M. François Fillon, Premier ministre

M. Christian Jacob

M. François Brottes

M. Roland Muzeau

M. François Sauvadet

M. Dominique Souchet

Explications de vote

Mme Catherine Vautrin, M. Alain Vidalies, M. François de Rugy, M. Nicolas Perruchot

Vote en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

Présidence de Jean-Christophe Lagarde

2. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011

M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé

Motion de rejet préalable

M. Jean Mallot

M. Guy Lefrand, M. Gérard Bapt, M. Maxime Gremetz, M. Jean-Luc Préel

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand

Discussion générale

Mme Marie-Françoise Clergeau

M. Maxime Gremetz

M. Jean-Luc Préel

M. Jean-Pierre Door

Mme Martine Pinville

Mme Anny Poursinoff

M. Guy Lefrand

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Philippe Vitel

Texte de la commission mixte paritaire

Rappel au règlement

M. Jean Mallot

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Texte de la commission mixte paritaire (suite)

Amendements nos 1, 2, 4, 5, 6, 7

M. Xavier Bertrand, ministre

Amendements nos 9 rectifié, 8 rectifié, 10, 3

M. Xavier Bertrand, ministre

M. Jean Mallot

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Déclaration de politique générale
du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la déclaration de politique générale du Gouvernement faite en application de l’article 49, alinéa premier, de la Constitution, le débat et le vote sur cette déclaration.

La parole est à M. le Premier ministre. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. – Mouvements divers sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis mai 2007, j’ai l’honneur de servir notre pays sous l’autorité du Président de la République, en m’appuyant sur une majorité à laquelle je veux cet après-midi rendre hommage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) À l’approche d’échéances électorales importantes, tout pouvoir est tenté par la prudence et par le jeu des apparences. Le Président de la République s’y est refusé, la persévérance politique étant à ses yeux le choix le plus conforme à l’intérêt national. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Il m’a chargé de diriger le nouveau gouvernement. C’est un gouvernement d’action, qui a un double mandat : le premier, c’est de mettre en œuvre l’engagement de 2007 de bâtir une France moderne ; le second, nous ne l’avons pas recherché, mais c’est celui que nous avons reçu de l’histoire : gérer la pire crise économique depuis la grande dépression de 1930.

Cette question de confiance s’inscrit au cœur de ce double mandat. Il ne s’agit pas d’improviser un chemin insolite, il ne s’agit pas non plus de vous détailler l’agenda des dix-huit mois ; il s’agit de tenir ensemble un cap. « On ne va pas au vrai par une route oblique », écrivait Victor Hugo. Ma question est donc directe : voulons-nous encore et toujours moderniser la société française ? (« Oui ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Les pièges de la crise, le brouhaha des oppositions, les caprices des sondages étoufferont-ils notre volonté réformatrice ou seront-ils, au contraire, les sources d’une détermination renforcée ?

Certains voudraient nous voir temporiser, rompre et nous renier. Renier ce que nous avons fait ? J’assume notre bilan parce que ceux qui esquivent leurs responsabilités ne méritent pas d’être aux responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe NC.) Et d’ailleurs, de quoi pourrions-nous rougir ?

M. Christian Paul. Faites la liste !

M. François Fillon, Premier ministre. D’avoir réformé les universités ?

M. Christian Paul. Bien mal !

M. François Fillon, Premier ministre. D’avoir réformé les retraites ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir rééquilibré nos institutions ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir instauré le service minimum ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’avoir stoppé la spirale de la délinquance ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) D’avoir réussi le Grenelle de l’environnement ? D’avoir affronté avec succès la pire chaîne d’avanies qu’un système capitaliste puisse produire ?

Faudrait-il maintenant marquer le pas…

M. Jean Glavany. Et la CADES, monsieur le Premier ministre ?

M. François Fillon, Premier ministre. …pour nous faire pardonner d’avoir agi malgré les protestations ? (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Mesdames, messieurs les députés, ce serait à coup sûr susciter le mépris de nos concitoyens. Quand on sert l’intérêt général, on ne s’excuse pas pour son courage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Quand on sert l’intérêt général, l’impopularité d’un jour peut devenir l’estime du lendemain ! (Mêmes mouvements.)

Rompre avec le mouvement ? Il ne peut en être question parce que notre indécision serait une revanche de la peur, cette peur du changement qui nous a longtemps conduits à célébrer la théorie du « ni-ni » et à louer celle du « temps laissé au temps » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Henri Emmanuelli. Rigolo !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette peur dont nous avons réussi à délivrer le pays – et avec l’appui des Français eux-mêmes, qui, bien souvent, ont accompagné ces évolutions avec lucidité.

Alors oui, contre vents et marées, dans le calme et la tempête, contre les conservatismes et pour vaincre les peurs, l’élan de la réforme est intact ! Parce que l’économie mondiale doit être mieux régulée, parce que notre économie doit être plus compétitive, l’emploi soutenu, nos déficits réduits, (« Ah oui ! » sur les bancs du groupe SRC) parce que nous avons le devoir d’assurer le bien être de nos aînés en finançant le coût de la dépendance, je vous le dis : nous allons continuer à réformer ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Le progrès est une longue marche qui exige ténacité et vérité.

M. Maxime Gremetz. C’est du Mao ! (Sourires sur les bancs du groupe GDR.)

M. François Fillon, Premier ministre. Nous nous battons avec les réalités d’un monde nouveau, traumatisé par une récession brutale. Avec vous, nous avons maîtrisé ce choc. Ensemble, nous en avons cantonné l’impact pour les Français en réussissant à limiter la récession à 2,6 % contre 4 % en Europe et à tenir le chômage en dessous du seuil de 10 %…

M. Pierre Gosnat. Et les huit millions de précaires ?

M. François Fillon, Premier ministre. Ensemble, nous avons enrayé la dynamique mortelle en Europe en sauvant le système financier, puis la Grèce, puis aujourd’hui l’Irlande.

M. Jean-Michel Villaumé. Attendez la suite !

M. François Fillon, Premier ministre. Mais la crise n’est pas finie. Elle continue de muter. L’Europe est menacée de stagnation et la crise du surendettement n’est pas encore jugulée.

Mais surtout, la crise a accéléré le basculement du centre du monde vers l’Asie, et toute la hiérarchie des rapports de force issue du XIXe siècle est en train de se redessiner. La Chine est devenue en 2010 la deuxième puissance économique mondiale, dépassant le Japon. Elle est devenue le premier exportateur mondial et a ravi aux États-Unis la place de premier exportateur de produits de haute technologie. Avec quatre-vingt-quatre millions de diplômés de l’université, l’usine du monde s’apprête à devenir le laboratoire du monde. Il nous faudra sans doute attendre plusieurs décennies pour que le développement intérieur du pays crée les conditions d’une concurrence plus équilibrée. L’Inde, le Brésil avancent, eux aussi, à marche forcée. Voilà des continents entiers qui se dressent et qui nous défient.

M. Pierre Gosnat. Parce qu’on leur transmet nos technologies !

M. François Fillon, Premier ministre. Déjà, les États-Unis en souffrent. Comment alors ne serions-nous pas fouettés, nous aussi, par le vent de l’Histoire ?

Dans ce contexte, notre but, c’est la maîtrise de notre souveraineté,…

M. Jean-Paul Lecoq. Dans l’OTAN ?

M. François Fillon, Premier ministre. …c’est la maîtrise de notre liberté : la liberté d’être nous-mêmes, la liberté d’agir par nous-mêmes en suivant nos valeurs, la liberté face à une compétition qui dépossède de leur destin les pays insouciants.

Ni indulgence, ni relâchement, ni immobilisme : la réforme reste indispensable. Avec une dette…

M. Jean Glavany. Qui a explosé !

M. François Fillon, Premier ministre. …de 1 600 milliards d’euros, la France ne dispose pas de trésor caché pour se dispenser de ces efforts.

M. Jean-Paul Lecoq. Qui a vidé les coffres ?

M. François Fillon, Premier ministre. Tous ceux qui multiplient les promesses sont condamnés à les renier. J’invite l’opposition à méditer l’avertissement de Charles Péguy : « Le triomphe de la démagogie est passager mais les ruines sont éternelles. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur de nombreux bancs du groupe NC.) Ceux qui sèment des illusions récolteront des désillusions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. C’est à vous que ce message s’adresse !

M. François Fillon, Premier ministre. Maintenant, la bataille de la croissance est commencée. Je dis aux Français que la reprise est amorcée : notre taux de croissance en 2010 sera supérieur à 1,5 % et la cible de 2 % en 2011 est clairement à notre portée. Mais il faut encore accentuer notre compétitivité économique et scientifique. Il faut nous libérer des déficits pour maintenir les taux d’intérêt à un niveau aussi bas que possible afin de retrouver des marges de manœuvre. Il faut continuer de rénover notre héritage social et non pas faire de nos droits acquis le matelas de notre léthargie…

M. Maxime Gremetz. Bettencourt !

M. François Fillon, Premier ministre. C’est seulement ainsi que la solidarité et l’égalité des chances seront préservées.

M. Yves Nicolin. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut trouver avec notre principal partenaire européen, l’Allemagne, la force d’entraîner l’Europe…

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. …et construire une gouvernance économique de la zone euro. Pour cela, notre crédibilité économique et financière doit être aussi solide que celle de nos voisins qui ont pris, eux, dix ans d’avance sur nous en termes de réformes.

M. Marcel Rogemont. Et cela fait dix ans que vous le dites…

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut enfin repenser la gouvernance mondiale, renforcer la régulation financière, lutter contre la volatilité des matières premières et ordonner les distorsions monétaires : c’est la mission que le Président de la République s’est assigné en prenant la présidence du G20. Vaste ambition, diront les plus sceptiques. Mais ne disaient-ils pas déjà la même chose lorsque Nicolas Sarkozy réveilla le G20 en pleine tourmente financière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La France va se battre pour convaincre ses partenaires qu’un monde mieux équilibré et mieux régulé est nécessaire. Elle sera ainsi fidèle à son message universaliste.

C’est ce message que Michèle Alliot-Marie et Alain Juppé assumeront avec nous par la diplomatie, mais aussi par la force des armes lorsque cela sera nécessaire. En Afghanistan, nous poursuivrons notre stratégie de sécurisation, de reconstruction et de responsabilisation des autorités afghanes.

M. Henri Emmanuelli. C’est une erreur !

M. Pierre Gosnat. L’Afghanistan est un bourbier !

M. François Fillon, Premier ministre. La lutte contre la prolifération nucléaire nous conduira à maintenir la pression sur l’Iran. Le renouvellement de la stratégie de l’OTAN décidé au sommet de Lisbonne doit être l’occasion de poser – enfin ! – les fondations d’un système de sécurité collective…

M. Henri Emmanuelli. Une capitulation !

M. François Fillon, Premier ministre. …qui ira de l’Atlantique jusqu’à l’Oural. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Tiens, il reste quelques gaullistes dans l’hémicycle ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Fillon, Premier ministre. Le sort de nos otages nous mobilise inlassablement. Au terrorisme, nous opposons une vigilance permanente et la force de caractère de la République.

Tous ces objectifs, tous ces défis, exigent de la cohérence et du courage politiques. Depuis longtemps, je crois à la nécessité de la continuité pour adapter notre pays en profondeur, sans à coup, sans psychodrame. Je crois à la durée, je crois à la sérénité républicaine.

M. Jean Glavany et M. Christian Paul. Dites-le à Sarkozy !

M. François Fillon, Premier ministre. Les allers et retours fragilisent l’action publique ; ils nourrissent la suspicion des Français à l’égard de leurs représentants. Les zigzags éreintent la démocratie et fragilisent la démocratie sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. C’est pour qui, ça ? Pour le Nouveau Centre ?

M. Christian Paul. C’est de l’humour !

M. François Fillon, Premier ministre. En tenant bon sur la réforme des retraites, nous avons réaffirmé l’autorité de l’État et la légitimité du Parlement. (Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Ce faisant, nous avons clarifié les conditions d’un dialogue social responsable.

Après le temps des désaccords, le temps du dialogue pragmatique est revenu. La loi du 20 août 2008, relative à la rénovation du cadre de représentativité, a amorcé un changement du paysage syndical. Ce sera la clé d’un nouveau réformisme social (Exclamations sur les bancs du groupe GDR) que je suis prêt, avec Xavier Bertrand, à soutenir de toutes mes forces. Mais la prochaine étape devra être la révision des règles de la représentativité patronale.

M. Maxime Gremetz. Ah oui ! Enfin !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous aurons ainsi conforté la légitimité de l’ensemble des partenaires sociaux.

Notre première priorité, c’est la croissance au service de l’emploi. Quelles en sont les conditions ?

Tout d’abord, il faut renforcer la compétitivité. Nous avons un socle pour y parvenir. Avec Valérie Pécresse, nous avons donné aux universités le pouvoir de se battre à armes égales dans la bataille de l’intelligence ; avec Christine Lagarde, nous avons supprimé la taxe professionnelle et triplé le crédit d'impôt recherche ; avec Bruno Le Maire, nous avons protégé l’avenir de la politique agricole et posé les bases d’une politique de filières.

M. Maxime Gremetz. C’est la méthode Coué !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons restauré les conditions d’une politique industrielle que nous avions trop longtemps délaissée : le transport, l’aéronautique, la construction automobile, l’agroalimentaire, l’énergie nucléaire, voilà les atouts de la France sur lesquels nous allons miser. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Christian Paul. Grâce à Estrosi !

M. François Lamy. Et à Borloo !

M. François Fillon, Premier ministre. En décidant de consacrer 35 milliards d’euros aux investissements d’avenir, comme nous le proposait le rapport d’Alain Juppé et de Michel Rocard, nous allons renforcer ces secteurs stratégiques. Dans les tout prochains mois, plus d’une centaine de projets vont être sélectionnés. Quelque 19 milliards seront affectés à l’enseignement supérieur et à la recherche, 6,5 milliards aux filières industrielles et aux PME, 5 milliards au développement durable et 4,5 milliards à l’économie numérique.

D’un côté, des investissements massifs pour aller chercher la croissance sur les segments les plus porteurs de l’économie ; de l’autre, la rigueur budgétaire pour réduire nos déficits. C’est là tout l’équilibre de notre politique économique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Et le peuple a faim !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, nous ne devons pas nous payer de mots. Il n’y aura plus de dépenses publiques supplémentaires pour relancer la croissance. En revanche, nous avons le devoir d’offrir à nos entreprises des financements de long terme pour soutenir leur développement.

Nous devons orienter l’épargne sur l’investissement de long terme, notamment en actions, et sur les projets d’intérêt général.

M. Michel Bouvard. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Plutôt que d’alimenter des bulles spéculatives, c’est là que l’ingénierie financière doit s’employer au soutien de l’économie réelle et de l’emploi.

M. Maxime Gremetz. Du CAC 40 !

M. François Fillon, Premier ministre. Au sein de l’Union européenne, la France proposera à cet effet la création d’un fonds européen de capital-risque en faveur des entreprises innovantes, ainsi qu’un fonds européen des brevets pour valoriser les résultats de la recherche.

M. Pierre Gosnat. Tout pour les banques et le capital !

M. François Fillon, Premier ministre. Le développement durable constitue, lui aussi, un instrument de notre croissance. Les engagements du Grenelle de l’environnement seront intégralement respectés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Gosnat. Paroles, paroles !

M. François Fillon, Premier ministre. L’écologie créatrice – et non pas l’écologie punitive (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) – est une source d’emplois. C’est le vecteur des technologies de demain, c’est la marque d’une société qui sait valoriser ses ressources et ne gâche pas son patrimoine et, ce faisant, c’est un gage supplémentaire de l’attractivité de notre territoire.

C’est ce message que Nathalie Kosciusko-Morizet portera lors des négociations de Cancun.

M. Pierre Gosnat. C’est mal parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Comment renforcer notre compétitivité sans parler de la fiscalité ?

M. Alain Néri. Supprimez le bouclier fiscal !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre fiscalité est un chef-d’œuvre de complexité, au point d’en affecter l’efficacité et même l’équité. Notre taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé ; il est de quatre points supérieur à la moyenne européenne. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

La fiscalité directe sur les entreprises est en moyenne supérieure de cinq points à ce qu’elle est chez nos voisins européens. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Au vu de ce constat, mon premier engagement c’est qu’il n’y aura pas de hausse d’impôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ma seconde conviction, c’est que le statu quo est impossible. Nous avons déjà fait beaucoup avec le crédit impôt recherche et la réforme de la taxe professionnelle.

M. Pierre Gosnat. C’est une truanderie !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons continuer à agir, en nous en tenant à trois principes : la fiscalité doit servir notre compétitivité ; la fiscalité doit rechercher la justice ; la fiscalité doit être lisible et donc aussi simple que possible. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Avec le boulier fiscal, nous avons cherché…

M. Jean Glavany. Vous avez fait tout l’inverse !

M. François Fillon, Premier ministre. …à limiter les effets d’une fiscalité inadaptée, mais, il faut bien le dire, sans traiter le mal à la racine.

M. Roland Muzeau. Vous êtes responsables et coupables !

M. François Fillon, Premier ministre. Le Président de la République propose de s’y atteler à travers une refonte de la fiscalité du patrimoine.

Cette réforme doit se faire à produit constant…

M. Yves Nicolin. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. …et dans le respect d’un principe cardinal de notre fiscalité depuis 1789 : que chacun contribue à proportion de ses capacités, car l’impôt, pour être légitime, doit être juste. (« Bettencourt, Bettencourt ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous apporterons une réponse avant l’été 2011. Nous le ferons à partir d’une réflexion d’ensemble avec nos voisins allemands. Au demeurant, ce qui se passe actuellement dans la zone euro montre à quel point il y a urgence à rapprocher progressivement les fiscalités des pays qui partagent la même monnaie.

M. Pascal Clément. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. La Cour des comptes et l’Académie fédérale des finances allemande nous remettront un diagnostic comparé en janvier 2011. Ce sera la base d’un travail législatif mené sans a priori.

La gestion rigoureuse de la dépense publique, c’est la seconde condition de la croissance.

M. Patrick Lemasle. Vous êtes là depuis huit ans !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre effort de redressement est tracé par notre programme de stabilité et par la loi de programmation des finances publiques, votée par le Parlement.

Alors que le déficit atteint 7,7 % du PIB en 2010, nous reviendrons à 6 % en 2011, à 4,6 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Noël Mamère. On verra !

M. Patrick Lemasle. Ils ne seront plus là !

M. Christian Bataille. Ils auront été chassés !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette trajectoire vertueuse exige une mobilisation sans faille de l’État, mais aussi des régimes sociaux et des collectivités territoriales. Dans ces conditions, la dette publique sera stabilisée à partir de 2012 et elle commencera à décroître ensuite.

M. Maxime Gremetz. Après les présidentielles !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour ce qui concerne l’État, j’ai arrêté un budget pluriannuel 2011-2013 qui repose sur la stabilisation en euros courants des dépenses hors dette et hors pensions pour toute la période. Cette norme s’applique aussi aux transferts de l’État vers les collectivités territoriales, qui sont gelés en valeur.

S’agissant des effectifs, nous poursuivrons, avec François Baroin et Georges Tron, la politique de non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, initiée au début du quinquennat. Chaque année, les effectifs de l’État diminuent ainsi de 30 000.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons l’administration la plus importante d’Europe. Nous pensons que nous pouvons gagner, avec elle, en qualité et en productivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pascal Terrasse. C’est moins de policiers, de juges, d’enseignants !

M. François Fillon, Premier ministre. Au lendemain de l’ouverture du congrès des maires, je veux dire mon attachement à un dialogue constructif avec tous les élus.

La France des territoires, de métropole, d’outre-mer et des espaces ruraux façonne notre nation. Je mesure les efforts que le Gouvernement demande aux élus locaux de partager.

Je veux poursuivre avec eux un dialogue approfondi…

M. Maxime Gremetz. Il n’y en a pas !

M. François Fillon, Premier ministre. …dans le cadre de la conférence des exécutifs. Il n’y a pas d’un côté Paris et de l’autre les territoires. Il n’y a qu’une seule France qui vit à tous les niveaux l’exigence de l’effort et de l’efficacité au service des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Féron. Ce n’est pas vrai !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous souhaitons inscrire dans notre Constitution des principes garantissant la maîtrise des finances publiques. Le Gouvernement saisira donc prochainement les groupes politiques d’un document d’orientation, afin que nous regardions ensemble si un consensus peut être atteint sur cette question.

M. Patrick Lemasle. Vous avez déjà tout dit !

M. François Fillon, Premier ministre. Tous ces efforts sont concentrés autour d’un choix politique que nous assumons : celui de la vertu budgétaire…

M. Pierre-Alain Muet. Vous l’avez doublée, la dette !

M. François Fillon, Premier ministre. …au nom de notre indépendance, au nom des solidarités de demain, au nom des familles qui s’agrandissent, au nom de l’avenir que nous écrivons aujourd’hui.

On a beaucoup parlé de la jeunesse au cours des derniers mois, et de sa peur de l’avenir. Dissiper cette peur, c’est d’abord alléger le fardeau de la dette qui pèse au-dessus de chaque berceau.

M. Marcel Rogemont. Et les 130 milliards de la CADES ?

M. François Fillon, Premier ministre. C’est aussi, avec Luc Chatel et Frédéric Mitterrand, rappeler que la République ne baisse pas ses prétentions en matière d’éducation, de formation, de culture.

M. Pierre Gosnat. C’est une plaisanterie !

M. Alain Néri. Et les suppressions de postes ?

M. François Fillon, Premier ministre. La réforme du lycée, le soutien personnalisé, le socle commun, et le respect des enseignants sont pour nous au cœur de l’égalité des chances.

M. Christian Bataille. Et la formation des maîtres ?

M. François Fillon, Premier ministre. Dans un monde qui change à toute allure, il est vrai que la jeunesse peut se sentir désemparée, comme isolée au sein de sa génération.

M. Christian Bataille. Elle est abandonnée !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous lui disons que ce malaise n’est pas le résultat des changements que nous avons initiés mais de l’immobilisme au sein duquel nous avons trop longtemps baigné. (« Huit ans ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Néri. Vous sacrifiez la jeunesse !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour dégager des perspectives nouvelles, nous avons fait le choix du mouvement. Nous avons choisi de concentrer les efforts de la nation autour de la recherche, du travail, de la rénovation sociale, de la reconnaissance des talents.

L’Histoire dira si nous avons réussi, mais qui pourrait aujourd’hui nous lancer la pierre en disant : « Ils n’ont rien fait » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ceux qui ont pris la responsabilité d’entraîner des lycéens dans la rue pour défendre la retraite à soixante ans (Huées sur les bancs du groupe UMP) se rendent-ils compte de l’image dépressive qu’ils inculquent à des jeunes qui ont le devoir de saisir pleinement la vie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Huguette Bello. Mais c’est vous qui les poussez à descendre dans la rue !

M. François Fillon, Premier ministre. Si la jeunesse est désenchantée, comme le prétendent les observateurs, à qui la faute (« À vous ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), si ce n’est à nous, les adultes, qui depuis des décennies peignons la France sous les visages de l’échec, de la honte de nous-mêmes, du catastrophisme, alors que notre pays reste celui de tous les possibles pour peu que l’on croie aux valeurs de l’audace, de la curiosité, de l’engagement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Avec le Président de la République, nous n’opposons pas l’efficacité économique et la rigueur budgétaire à la cohésion sociale.

Dans la crise, tous nos dispositifs de solidarité ont été mis en action, et s’il est juste de dire que les Français ont serré leur budget…

M. Albert Facon. Ils se sont surtout serré la ceinture !

M. François Fillon, Premier ministre. …il est juste de dire aussi que nous les avons protégés du mieux possible.

Nos amortisseurs ont joué pleinement leur rôle ; la plupart de nos voisins n’ont pas eu le même privilège. Même au plus fort de la crise, le pouvoir d’achat a progressé : plus 1,6 % en 2009, plus 1,3 % en 2010.

Du côté des prix, avec la loi de modernisation de l’économie, nous avons divisé par trois les marges arrière. La hausse des prix dans la grande distribution a été ainsi conjurée. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Chacun sait que pour les familles, et notamment pour les classes moyennes, le logement constitue la première des dépenses. Depuis vingt ans la contraction du marché de l’immobilier a fait bondir les prix. Il faut donc continuer de construire, de développer l’offre, de renforcer la transparence de ce marché.

M. Alain Néri. Vous, vous démolissez !

M. François Fillon, Premier ministre. Avec 120 000 logements sociaux en 2009, jamais un Gouvernement n’a autant fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Jamais, jamais !

Jamais non plus, nous n’avons autant fait pour l’accession à la propriété qu’avec le prêt à taux zéro renforcé qui sera mis en place au 1er janvier.

M. Henri Emmanuelli. Et qui va payer ?

M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons renforcer notre politique de la ville, repenser et resocialiser les quartiers difficiles avec l’appui du monde associatif, tisser les liens du Grand Paris, poursuivre nos efforts sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement. Maurice Leroy, Benoist Apparu, Philippe Richert ont pour mission de prolonger le plan de rénovation urbaine en ciblant les opérations les plus urgentes et en assumant des choix clairs, à l’opposé de la tentation du saupoudrage.

Comment aussi ne pas voir que nos réglementations pèsent par leur complexité même ? C’est particulièrement vrai en matière d’urbanisme. La sédimentation bureaucratique des textes et des procédures gagne si l’on n’y prend garde.

Reprenons ensemble les chantiers de la simplification du droit et des procédures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Gosnat. Commencez par appliquer la loi SRU !

M. François Fillon, Premier ministre. Allégeons les impôts papier et les normes excessives !

Évaluons, revisitons notre droit pour que la loi soit mieux comprise, mieux appliquée et reflète toujours ce qu’elle doit être, c’est-à-dire l’expression de la volonté générale.

Mesdames et messieurs les députés, au cœur de la cohésion sociale, il y a l’emploi.

Pendant la crise, nous avons mis en place avec les partenaires sociaux des mesures exceptionnelles et massives. Cette politique a porté ses fruits. Notre économie recommence à créer des emplois depuis le début de l’année.

Nous devons aujourd’hui relancer nos politiques de l’emploi et progresser dans la voie de la flexisécurité. Il nous revient d’en fixer les objectifs, le calendrier et la méthode mais c’est aux partenaires sociaux d’en proposer et d’en définir les modalités et les outils.

Quels sont ces objectifs ?

D’abord, garantir une meilleure insertion professionnelle pour les jeunes. Nous ne pouvons accepter un taux de chômage des jeunes qui reste depuis si longtemps bloqué à un niveau aussi élevé. Leur parcours pour une insertion durable dans l’emploi doit être moins discontinu et plus rapide.

Parmi les solutions efficaces, nous savons tous qu’il y a l’apprentissage et l’alternance qui assurent une insertion dans l’emploi à plus de 70 %. Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance. Nous nous fixons pour objectif de doubler ce chiffre et, pour ce faire, nous voulons engager avec les régions un dialogue constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Albert Facon. Ah ! L’argent des régions !

M. François Fillon, Premier ministre. Il faut ensuite assurer une meilleure protection contre les ruptures des parcours, notamment en cas de licenciement collectif.

Avec le contrat de transition professionnelle, nous disposons d’un outil efficace de reconversion et d’accompagnement vers l’emploi.

Par une harmonisation entre la convention de reclassement personnalisé et ce contrat de transition professionnelle, nous voulons aller vers la généralisation de cet outil.

Enfin, le Gouvernement sera très vigilant sur la mise en œuvre des accords d’entreprise ou de branche ou des plans d’action en direction des seniors. Il est prêt à accompagner les initiatives que prendront les partenaires sociaux.

M. Alain Néri. Et les licenciements chez Renault ?

M. François Fillon, Premier ministre. Les partenaires sociaux ont d’ores et déjà indiqué leur intention d’ouvrir le chantier de l’emploi des jeunes et des seniors. Ils doivent également négocier une nouvelle convention d’assurance-chômage. Je leur fais confiance…

M. Alain Néri. Pas nous !

M. François Fillon, Premier ministre. …pour proposer de nouveaux outils : sur ces points, la balle est dans leur camp.

Début 2011, nous pourrons ensemble fixer le contenu de ce que sera l’agenda social des prochains mois.

Avec l’emploi, la sauvegarde et la modernisation de notre système de protection sociale s’imposent à nous.

Nous avons commencé avec la réforme des retraites. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Avec Xavier Bertrand et Roselyne Bachelot, nous allons poursuivre.

M. Maxime Gremetz. Il sort les poids lourds !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous ne devons pas laisser dériver les comptes de l’assurance maladie par démagogie. Notre responsabilité collective ne peut pas être esquivée.

Nous lancerons une concertation nationale sur la protection sociale qui associera tous les acteurs : les partenaires sociaux, les professionnels de santé, les mutuelles, les assurances, les collectivités territoriales et, au premier rang d’entre elles, les conseils généraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.- (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Alain Néri. Olé !

M. François Fillon, Premier ministre. Cette concertation devra examiner les voies et moyens de réguler les dépenses de santé, de fixer la part des régimes obligatoires et complémentaires et de diversifier les modes de financement.

Cette concertation nationale aura évidemment pour but immédiat de traiter de la question de la dépendance. Son coût est estimé à 22 milliards d’euros et il devrait atteindre les 30 milliards dans les prochaines années. Le nombre des plus de soixante-quinze ans devrait doubler au cours des prochaines décennies.

M. Pierre Gosnat. Et vous fermez les hôpitaux !

M. François Fillon, Premier ministre. Il s’agira, en premier lieu, de déterminer les besoins réels des personnes et d’examiner comment assurer le maintien à domicile des personnes âgées le plus longtemps possible.

Il faudra ensuite sérier les pistes de financement : assurance obligatoire ou facultative, collective ou individuelle ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C’est la concertation qui permettra de répondre à toutes ces questions, sans a priori ni préjugé.

La dépendance est un sujet majeur, incontournable. Il a fallu plusieurs années de débats et de rapports pour que la question des retraites arrive à maturité dans l’opinion. Avec le Président de la République, nous voulons préparer le défi de la dépendance avant que l’urgence ne s’abatte sur nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, la force de notre nation ne réside pas seulement dans la résolution de ceux qui la dirigent. Elle naît et s’épanouit dans le cœur de chacun. Inscrire sa destinée dans un destin commun, donner à son pays autant que l’on reçoit de lui, transmettre à nos enfants un peu plus que ce que nos parents nous ont légué, intégrer et assimiler les étrangers qui rejoignent la communauté nationale, c’est là l’esprit du pacte républicain.

M. Alain Néri. C’est mal parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce pacte, nous savons tous qu’il est fragile, et partout où l’État démissionne, l’incivisme et le désordre gagnent. Notre volonté de rehausser les valeurs qui fondent la nation française reste intacte.

M. Alain Néri. Les valeurs en bourse !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre volonté d’endiguer l’immigration clandestine ne faillira pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Notre volonté de combattre l’insécurité n’est pas de circonstance car ce n’est pas le combat d’un jour et ce ne peut pas être un combat politicien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Pourquoi réduisez-vous les moyens des policiers ?

M. François Fillon, Premier ministre. La réponse policière et pénale doit s’adapter à des phénomènes alliant criminalité organisée, délinquance urbaine, trafics d’armes et trafics de drogue.

M. Michel Delebarre. Et rétrocommissions !

M. François Fillon, Premier ministre. Contre ces fléaux, l’efficacité de notre lutte dépend des forces de l’ordre dont je veux saluer le travail. Elle dépend ensuite des élus de terrains, en particulier des maires qui sont en première ligne. Elle dépend aussi de la capacité de la chaîne pénale à rendre effectif le principe d’exemplarité des peines sans lequel la récidive est quasiment assurée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Le Président de la République a annoncé une série de mesures qui sont inscrites dans la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure portée par Brice Hortefeux.

De Grenoble à Marseille, la démonstration est faite qu’aucun relâchement, aucune complaisance ne sont possibles. Le défi est policier, judiciaire, éducatif, familial mais aussi moral. C’est toute une chaîne de responsabilité, de civisme, de respect mutuel, que nous devons ensemble retendre.

Le parti socialiste se targue d’avoir fait sa mue sur les questions de sécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Après vingt ans d’indécision, vingt années au cours desquelles la gauche refusa de regarder la réalité en face, j’attends toujours qu’elle joigne ses efforts aux nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Parmi les fondements de notre État républicain, il y a la justice. Respect de la loi, force du droit, oui, c’est à partir de là qu’existe l’État de droit et que la démocratie peut vivre dans le respect de chacun.

La justice n’échappe pas aux mouvements du temps. Parmi ceux-ci, une conception toujours plus exigeante des droits de la défense qui amènera à revoir les conditions de la garde à vue.

M. Pierre Gosnat. Vous avez été dénoncé par le Parlement européen !

M. François Fillon, Premier ministre. Ce texte, vous en débattrez bientôt sur la base d’un projet ambitieux qui fait de l’assistance par un avocat en garde à vue un principe, tout en ménageant les nécessités de l’enquête.

M. Claude Bartolone. Ben voyons !

M. François Fillon, Premier ministre. Des affaires récentes ont mis en lumière l’attention toujours vive portée par la société à la justice pénale. Rien de ce qu’elle décide ne lui est indifférent. Et plus que toute autre, les juridictions pénales exercent l’autorité publique et garantissent l’ordre public.

M. Michel Delebarre. Ah, il est bon ! On se croirait au conseil général de la Sarthe !

M. François Fillon, Premier ministre. Le principe selon lequel, comme toute juridiction, celles-ci jugent au nom du peuple français est vécu avec une intensité particulière. Cela justifie le rôle éminent du Parquet aussi bien que la présence des jurés aux assises.

Le Président de la République nous invite à aller plus loin.

M. Michel Delebarre. Faites vite, il est déjà parti !

M. François Fillon, Premier ministre. Le garde des sceaux ouvrira donc un large débat pour savoir comment renforcer ce lien entre le peuple souverain et sa justice pénale. Non pas par méfiance à l’égard des magistrats dont le professionnalisme et la haute conscience méritent notre respect…

M. Michel Delebarre. Mais on ne sait jamais !

M. François Fillon, Premier ministre. …mais pour que nos concitoyens se reconnaissent toujours mieux dans la justice, pour éviter une sorte de schisme insidieux qui couperait le pays légal du pays réel.

M. Michel Delebarre. Très bien ! Non au schisme !

M. François Fillon, Premier ministre. Quels délits peuvent donner lieu à des formations de jugement impliquant la participation d’assesseurs issus de la société civile ?

Faut-il envisager un seuil de gravité ?

Est-ce en première instance ou seulement en appel ?

M. Michel Delebarre. Ça, c’est une question !

M. François Fillon, Premier ministre. Ne faut-il pas aussi réfléchir au fonctionnement des assises ? Est-il nécessaire d’avoir toujours neuf jurés ou bien peut-on dans les cas les moins graves trouver une forme de participation populaire moins lourde ?

Enfin, en matière de libération conditionnelle, lorsque le tribunal d’application des peines statue, ne devrait-il pas, dans certains cas, s’élargir à des non-magistrats ?

Bien sûr je ne méconnais pas les problèmes matériels que poseront ces évolutions. Mais ceux-ci ne peuvent empêcher une réflexion de fond.

À ce stade, je ne veux préjuger de rien, mais je demande à la représentation nationale d’aborder avec le Gouvernement le débat sans a priori.

M. François Loncle. C’est un festival de lieux communs !

M. François Fillon, Premier ministre. L’esprit de justice, je le vois aussi dans la mise en œuvre des révisions de la Constitution votée par le Parlement en 2007 et 2008.

La question prioritaire de constitutionnalité est une avancée démocratique considérable que la gauche n’a jamais osé engager en son temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

La loi organique sur le défenseur des droits votée au Sénat en juin sera inscrite à l’ordre du jour de votre assemblée au tout début de l’année 2011 pour une mise en place au printemps.

M. Roland Muzeau. Et le référendum ?

M. François Fillon, Premier ministre. Et les deux dernières lois organiques attendues pour l’application des dispositions votées ont été transmises au Conseil d’État et seront délibérées en conseil des ministres avant la fin de l’année : je veux parler du référendum d’initiative populaire et du nouveau régime de mise en cause de la responsabilité du chef de l’État.

M. Michel Lefait. On sort les tartes à la crème maintenant !

M. François Fillon, Premier ministre. Il est étonnant de voir l’impatience des députés siégeant sur les bangs de gauche à voir mise en œuvre une réforme que la plupart d’entre eux ont combattue et n’ont pas votée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Michel Delebarre. Quelle audace !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, depuis 2007, nous modernisons le modèle français.

M. Marcel Rogemont. Et avant 2007, il n’y a rien eu ?

M. François Fillon, Premier ministre. Notre espérance nous interdit de piétiner devant les difficultés, d’être indulgents sur nos faiblesses et d’être inutilement divisés.

Je refuse toute idée d’usure ou de pause. L’usure est la maladie du découragement ; la pause, la marque des indécis.

M. Roland Muzeau. Et la rupture ?

M. François Fillon, Premier ministre. Nous nous sommes depuis trop d’années bercés de la certitude de notre grandeur. Nous nous sommes depuis trop d’années nourris de l’illusion qu’une croissance meilleure suffirait à remettre les choses à l’endroit. Sur le rivage du monde, nous avons attendu le retour des vents favorables, en essayant de colmater les brèches les plus périlleuses. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Gosnat. Merci, monseigneur !

M. François Fillon, Premier ministre. Nicolas Sarkozy a proposé à la France d’assumer les réalités d’un monde qui peut nous déplaire, mais qui est le nôtre. Il a proposé de reconstruire notre communauté nationale autour du travail.

M. Jean Glavany. Résultat : 700 000 chômeurs de plus !

M. François Fillon, Premier ministre. Il a donné la priorité à nos forces universitaires, scientifiques, et à nos entrepreneurs. Je suis persuadé que cette voie est la bonne. C’est la seule qui s’inscrive dans la fidélité de notre héritage.

M. Pierre Gosnat. Ne dites jamais que c’est la seule !

M. François Fillon, Premier ministre. Les Français savent très bien à quel travail opiniâtre ils doivent le modèle social qui les protège, la culture qui les relie, les paysages qu’ils aiment, la République qu’ils chérissent. Ils savent ce qu’ils doivent aux générations passées, elles qui se sont battues pour la liberté et le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes les héritiers de rêves acharnés. Je suis persuadé que ce rêve est vivant. Les temps changent, les générations passent, mais, dans ce Palais Bourbon, une voix persiste : celle de l’unité de la nation (Mêmes mouvements), d’une nation qui s’est progressivement organisée autour de territoires, d’une langue, d’un État, pour devenir ce qu’est la France d’aujourd’hui : un point ardent dans la géographie du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Renoncer, douter, serait se parjurer devant l’histoire. Ce serait laisser le terrain libre à tous ceux qui avancent des idées fausses et des fausses pistes, ces mirages désastreux que sont le partage du travail, la retraite le plus tôt possible, l’endettement sans fin (« C’est vous ! » sur les bancs du groupe SRC), la diabolisation du capital, le protectionnisme. Cesser d’avancer, ce serait oublier ce que nous avons fait et ce qu’il nous reste à faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Henri Emmanuelli. Démago !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre marche n’est pas finie. Nous devons pouvoir regarder nos concitoyens dans les yeux, car nous avons été fidèles à nos engagements. Nous devons les convaincre que le courage des réformes est plus protecteur que la quiétude de l’inaction. Nous devons être plus crédibles que nos détracteurs, et cela exige droiture, solidité et unité.

M. Roland Muzeau. Eh bien, il y a du boulot !

M. François Fillon, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés, la confiance que je vous demande n’est pas une marque d’allégeance : elle est la marque de notre fidélité, la marque de notre volonté, la marque résolue de ceux qui, jusqu’au terme de leur mandat, agissent pour l’espérance et pour la France. (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. – Plusieurs députés du groupe UMP entonnent la Marseillaise.)

M. le président. Je vous en prie !

Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.

Pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, après trois ans et demi de travail au service des Français, le Président de la République a décidé d’entamer une nouvelle étape dans son action. Il a dessiné un cap ambitieux pour notre pays.

Vous venez, monsieur le Premier ministre, de décliner les grandes lignes de cette politique pour les mois à venir en engageant votre responsabilité devant notre Assemblée.

Alors que les députés UMP m’ont confié hier l’honneur et la responsabilité de présider le groupe majoritaire (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), je souhaite porter leur parole dans cet hémicycle en insistant sur trois priorités de la période qui s’ouvre.

Cette nouvelle étape s’inscrit d’abord dans la continuité de nos engagements de 2007. Les Français avaient alors donné à la majorité présidentielle un mandat clair pour moderniser la France. Depuis, pour tenir les engagements pris devant les électeurs, nous sommes entièrement mobilisés, en première ligne, avec le Président de la République et le Gouvernement.

Nous apportons notre contribution avec détermination sur chacun des grands chantiers engagés depuis le début de la législature : réforme des retraites, autonomie des universités, service minimum, instauration des peines planchers contre les multirécidivistes, création du revenu de solidarité active, Grenelle de l’environnement, interdiction du voile intégral. Notre responsabilité, c’est de relayer les attentes des Français. Nous débattons en toute liberté et dans le respect de chacun, avec un objectif : que le Parlement exerce pleinement son rôle d’élaboration et de production de la loi.

Chaque fois que cela sera nécessaire, sans jamais abandonner ni notre capacité d’initiative ni la diversité qui fait notre richesse, nous démontrerons, monsieur le Premier ministre, notre capacité à nous rassembler au service de l’intérêt général.

En septembre 2008, la crise économique a frappé l’économie mondiale avec une violence sans précédent. Elle aurait pu stopper net l’élan modernisateur de notre majorité. Certains observateurs ont d’ailleurs prédit que nous allions nous arrêter et faire le dos rond jusqu’aux élections. Sur les bancs de la majorité, nous partageons le même constat et la même conviction : nous ne pouvons plus reporter davantage les réformes vitales pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’avenir de nos enfants qui est en jeu. Nous sommes donc pleinement mobilisés pour poursuivre notre action réformatrice.

Alors que de nouvelles puissances émergent à l’échelle mondiale, alors que l’Europe est brutalement chahutée par la crise, le statu quo aurait été la pire des politiques. Voilà pourquoi nous avons été au rendez-vous du courage pour les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous aurions dû pouvoir compter sur la gauche pour soutenir cette réforme structurelle. Elle n’a pas compris que le monde change, elle est restée paralysée par ses vieux démons : travailler moins, dépenser plus, taxer les Français.

M. Richard Mallié. C’est vrai !

M. Christian Jacob. C’est donc une fois de plus notre famille politique qui a eu le courage de porter cette réforme et de maintenir notre régime par répartition.

L’audace réformatrice, c’est aussi la priorité donnée par le Gouvernement au redressement des finances publiques et à la baisse des dépenses. Pour nous, l’inacceptable, ce n’est pas la rigueur, c’est l’endettement que nous laisserons à nos enfants.

Permettez-moi aussi d’ajouter que l’État ne peut être seul dans cette bataille et que les collectivités locales, notamment les régions, ne peuvent s’exonérer de cette exigence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Nous soutenons également une réforme fiscale qui doit concilier justice et attractivité, avec, en ligne de mire, la convergence avec l’Allemagne. De nombreux députés UMP portaient depuis des mois une proposition forte : la suppression du bouclier fiscal et de l’ISF contre la réforme de la fiscalité des revenus du patrimoine. Le Président de la République et le Gouvernement s’étaient engagés à lancer ce chantier. Vous pouvez compter sur nous pour passer à l’action. Comme dans tous les autres pays européens, nous devons privilégier la taxation des revenus du capital à celle de la détention du capital.

M. Daniel Paul. Et les riches !

M. Christian Jacob. Nous serons également au rendez-vous du soutien à l’investissement, car il en va de notre compétitivité. Plus que jamais, l’épargne doit être mobilisée et destinée à nos PME, à nos TPE et à l’emploi productif.

L’audace réformatrice, c’est aussi rapprocher la justice de nos concitoyens en réfléchissant à la place des jurys populaires, notamment dans les décisions de remise en liberté qui préoccupent légitimement nos concitoyens. Quand tout a été tenté, la meilleure prévention, c’est, à mes yeux, la rapidité de la décision de justice et l’exécution implacable de la peine prononcée. En République, c’est au nom du peuple que la justice est rendue : les citoyens doivent y avoir une place centrale.

Après la crise financière et la crise économique, le chômage frappe près de un actif sur dix. C’est tout particulièrement vrai pour les jeunes et les seniors. Chacun d’entre nous peut en témoigner à travers son expérience d’élu de terrain : ce chômage est un véritable défi pour la cohésion nationale. Il sème le doute chez celles et ceux qui tentent d’entrer dans la vie active. Les entreprises qui ont une politique tournée vers la jeunesse, vers l’accès au premier emploi, doivent être reconnues et encouragées.

N’oublions pas, dans ce domaine, l’alternance et l’apprentissage, qui offrent les meilleurs taux de placement pour nos jeunes. La culture du diplôme, c’est bien, mais la culture du métier, c’est mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous l’avez compris : pour nous, la cohésion sociale, c’est une fiscalité juste et équilibrée, c’est un regain de compétitivité pour nos entreprises et une politique de l’emploi tournée vers les plus fragiles. Ce n’est certainement pas ce tragique nivellement par le bas rebaptisé « égalité réelle » par le parti socialiste. Ce texte surréaliste a d’ailleurs fait hurler tous les gens raisonnables du parti socialiste, de Michel Rocard à Manuel Valls. Même François Hollande s’en est inquiété. Benoît Hamon et Martine Aubry nous ont ressorti les bonnes vieilles recettes de l’assistanat, en particulier la prime de départ en vacances pour les jeunes d’un montant de 200 euros. Personne ne doute que ce type de propositions ravira de bonheur le directeur général du FMI…

Mes chers collègues, ces recettes-là, vous les avez testées dans les années 80 et 90. Elles n’ont qu’une conséquence : enfermer les plus fragiles dans la pauvreté. C’est un constat d’impuissance que nous avons toujours refusé. Au cœur de notre politique sociale, nous mettons l’emploi, la formation, l’apprentissage. Voilà ce qui, par-dessus tout, nous distingue et nous sépare.

La cohésion sociale, c’est aussi la prise en compte de nos aînés qui perdent leur autonomie. Bien que notre politique familiale, qui fait notre fierté, nous permette d’avoir une démographie sans équivalent en Europe, la population des plus de soixante ans aura augmenté de 30 à 50 % en 2040. Une partie de ces personnes auront besoin d’être accompagnées et aidées pour vivre dans la dignité. C’est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer, dans les villes comme dans les territoires ruraux. Voilà pourquoi nous soutenons la volonté du Président de la République d’engager courageusement la réforme de la dépendance.

Le débat s’ouvre. Tous les Français sont invités à y participer. Les parlementaires de la majorité y contribueront activement, en relayant les préoccupations de nos concitoyens, car cet enjeu sera déterminant au cours des prochaines décennies pour garantir la solidarité intergénérationnelle.

À ce propos. permettez-moi de prendre quelques instants pour rappeler l’ambition qui nous anime. Pour moi, pour mes amis députés, la réforme n’est pas l’ennemie du lien social. Elle est au contraire au service du lien social. Aujourd’hui, nous soutenons une profonde dynamique réformatrice pour la France, avec une obsession : défendre, conforter et accompagner notre modèle dans un monde qui bouge, un modèle qui conjugue croissance économique, progrès social et respect de l’environnement, qui, en un mot, place le développement durable au centre de nos priorités, un modèle où la diversité des territoires est valorisée comme un atout pour la nation tout entière.

Sous l’impulsion du Président de la République, la majorité s’est mise en ordre de marche. Avec une équipe gouvernementale resserrée, avec une majorité parlementaire rassemblée, nous nous sommes donné les moyens de relever les défis majeurs des mois qui viennent.

Monsieur le Premier ministre, vous avez engagé la responsabilité de votre gouvernement. Avec tous mes amis députés, je veux vous dire que nous voterons la confiance avec enthousiasme.

M. Gilbert Le Bris. Quelle naïveté !

M. Christian Jacob. Nous le ferons avec une détermination sans faille, sûrs que le chemin parcouru est porteur d’espoirs et que le cap fixé est conforme à nos valeurs.

Nous avons la confiance des Français quand nous sommes au rendez-vous de ces valeurs, de la sécurité à la compétitivité de notre économie, de la solidarité nationale aux valeurs républicaines. Nous avons la confiance des Français quand nous leur disons sans peur la vérité, en proposant le chemin du courage et de la justice. Nous avons leur confiance quand nous ouvrons de nouvelles perspectives ambitieuses pour la France. Dans cette ambition, nous sommes avec vous, monsieur le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, la parole est à M. François Brottes.

Je prie ceux de nos collègues qui sortent de l’hémicycle de le faire dans le plus grand silence.

M. François Brottes. Ne partez pas tous, ce serait dommage : cela va être intéressant…

Monsieur le Premier ministre, les Français n’attendaient rien de ce remaniement ministériel et, pour une fois, ils n’auront pas été déçus.

Huit millions de Français en dessous du seuil de pauvreté – dont 2 millions d’enfants –, 3,5 millions de ménages en précarité énergétique, 2,7 millions de chômeurs, 25 % de jeunes sans emploi, 70 % d’emplois précaires parmi les emplois créés !

M. Daniel Paul. Quel succès !

M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, votre majorité a depuis longtemps perdu la confiance de nos concitoyens, car votre politique n’a jamais sincèrement pris la mesure de la situation. Pire, elle n’a eu de cesse de l’aggraver.

Les Français vous ont pourtant averti sèchement à l’occasion de toutes les élections locales. Ils viennent de manifester leur colère et leur défiance, très nombreux et à dix reprises, dans les rues de tout le pays.

Vous vous présentez cet après-midi en dépositaire d’un nouveau souffle, en initiateur d’une nouvelle impulsion, mais, en vous succédant à vous-même, vous êtes surtout l’incarnation de ces trois années d’échec. Avant d’être l’homme d’un projet, vous êtes l’homme d’un bilan. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Et il va falloir l’assumer !

M. François Brottes. Ce bilan remonte au 3 juillet 2007, jour où, pour la première fois, vous êtes venu solliciter ici même la confiance.

Vous vouliez renouveler notre démocratie et changer la politique. C’était la grande époque de l’ouverture, avec l’affiche de la diversité, c’était l’heure solennelle d’un nouvel état d’esprit, enjambant les clivages anciens…

M. Maxime Gremetz et M. Albert Facon. Et aujourd’hui, ils sont tous partis !

M. François Brottes. Aujourd’hui, c’est le recentrage sans les centristes et l’ouverture qui cède à la fermeture. Les pouvoirs du Parlement devaient être renforcés ; mais, monsieur le Premier ministre, jamais le Parlement n’a été aussi affaibli, dédaigné et tenu en lisière de la décision démocratique. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je n’évoque même pas les droits de l’opposition régulièrement bafoués,…

M. Bernard Deflesselles. Et la présidence de la commission des finances, c’est quoi, alors ?

M. François Brottes. …les commissions d’enquête interdites, les séances abrégées, les prises de parole censurées, les règles du référendum d’initiative populaire toujours promises et jamais définies ; non, je vous parle, monsieur le Premier ministre, du mépris du Gouvernement à l’égard de sa propre majorité.

Les exemples ne manquent pas, et il suffit de se retourner sur ces derniers jours. Contre l’avis des présidents UMP des commissions des lois et des affaires sociales, vous avez imposé l’allongement irresponsable de la dette sociale. Irresponsable, car ce sont les générations futures qui paieront ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

S’agissant du projet de loi de finances pour 2011, qui comporte déjà plusieurs augmentations d’impôts, vous avez anéanti en quelques minutes le travail méticuleux de plusieurs semaines des parlementaires de tous bords, et la consternation et l’indignation de votre rapporteur général du budget, UMP, seront restées vaines.

M. Maxime Gremetz. Du jamais vu !

M. Bernard Deflesselles. Qui est président de la commission des finances ?

M. François Brottes. Vous vouliez rénover la politique, mais, lorsque nous vous avons proposé d’en finir, tous ensemble, avec le cumul des mandats, vous vous y êtes opposé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez repoussé nos propositions pour interdire les situations de conflits d’intérêts et empêcher les contournements de la loi sur le financement des partis, sans doute parce que cela gênait certaines pratiques.

M. Bernard Deflesselles. Quelle hypocrisie !

M. François Brottes. Vous nous l’aviez promis : la démocratie politique devait être renforcée par la démocratie sociale, les usages changés, les partenaires sociaux renforcés et la culture du contrat affirmée. Mais la grande régression sociale du quinquennat, celle qui trahit la promesse du candidat Sarkozy de ne jamais toucher à la retraite à soixante ans, a été adoptée en dehors de toute négociation ! Seul le MEDEF a été scrupuleusement entendu. Avec les syndicats, les vrais sujets n’ont jamais été soumis à la discussion. Vous vous êtes obstinément refusé à la recherche de tout compromis, et vous osez dire aujourd’hui que la balle est dans leur camp !

M. Éric Raoult. Vos collègues socialistes n’applaudissent même pas !

M. François Brottes. En juillet 2007, vous aviez oublié – c’est étrange – d’évoquer le pluralisme comme fondement de la démocratie. À votre décharge, vous ne saviez peut-être pas, à l’époque, que vous auriez à défendre la nomination des présidents de l’audiovisuel public directement par le Président de la République, mais les faits sont là. La liberté de la presse a fait les frais de ce qu’elle a qualifié d’« omniprésidence », et les dernières déclarations du chef de l’État ne nous rassurent pas.

L’association Reporters sans frontières vient de placer la France au quarante-quatrième rang de son classement annuel pour la liberté de la presse, derrière la Papouasie-Nouvelle-Guinée, alors que notre pays se situait encore au onzième rang en 2002 ! Pour répondre aux dénonciations de Reporters sans frontières – violation de la protection des sources, concentration des médias, convocation des journalistes devant la justice –, notre groupe vous a soumis, la semaine dernière, une proposition de loi permettant de garantir l’indépendance des rédactions. Même cet honneur-là, digne d’une grande démocratie, vous avez donné instruction à votre majorité de le refuser, sans même éprouver le besoin de vous justifier.

M. Patrick Lemasle. Quelle honte !

M. François Brottes. La démocratie, c’est aussi le respect de la justice. Le Président de la République nous annonce qu’il faut « rapprocher le peuple des magistrats professionnels », mais la véritable urgence n’est-elle pas d’assurer l’indépendance de la justice, de lui donner les moyens de remplir sereinement ses missions et de cesser d’instiller sans cesse le doute sur la décision des juges, de cesser de vouloir toujours les reprendre en main ou les empêcher d’accéder à la vérité ? De vos pratiques, les Français sont déjà juges !

Sur le plan économique, vous prétendiez « maintenir le cap du désendettement et du retour à l’équilibre budgétaire ». Vous projetiez de ramener notre dette publique en deçà de 60 % du produit intérieur brut et de rétablir une situation budgétaire à l’équilibre en 2012. Tels étaient vos objectifs pour sauver un État que vous décriviez déjà « en faillite ».

Ce diagnostic, honnête et lucide, ne vous exonère pas de vos responsabilités pour la période qui vient de s’écouler. Le déficit public n’est plus de 2,7 %, mais de 7,7 % du PIB. L’endettement public est passé de 65 % à 84 % du PIB. Et que dire encore des comptes sociaux ?

Alors que la gauche – souvenez-vous – avait laissé des comptes équilibrés, en 2002 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), MM. Raffarin et Villepin vous ont légué 11 milliards d’euros de déficit, et, aujourd’hui, la sécurité sociale accuse un déficit de 30 milliards d’euros !

Bien sûr, nous connaissons votre réponse : « c’est pas moi, c’est la crise ! ». C’est d’ailleurs ce que vous avez répondu hier à Laurent Fabius. Il est vrai que vous n’aviez pas prévu la crise, même si c’est la crise d’un système que la droite a toujours défendu avec zèle.

Vous ne l’aviez pas prévue, et vous l’avez aggravée ! C’est la Cour des comptes, encore présidée par le regretté Philippe Séguin, qui précisait que « moins de la moitié du déficit est d’origine conjoncturelle et résulte de la crise économique ». Ce qui a pesé sur les comptes publics, ce sont vos choix budgétaires et vos choix fiscaux.

Monsieur le Premier ministre, vous avez entamé votre mandature par un contresens économique : celui du paquet fiscal, qui est d’ailleurs devenu votre boulet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe GDR.) Votre faute, c’est de vous être entêté dans vos erreurs malgré la crise !

Ces milliards d’euros sacrifiés n’avaient ni la vertu de la justice sociale, ni l’efficacité du redressement économique. D’ailleurs, le bouclier fiscal est contesté jusque dans vos rangs.

L’exil fiscal, dont ce bouclier magique était censé nous préserver, a continué de progresser de 14 % en 2008, et les salariés n’ont jamais été concernés. Ce bouclier n’a jamais protégé les revenus du travail : par définition, ils ne sont jamais imposés au-dessus du taux marginal de l’impôt sur le revenu, qui est, lui, de 40 %. Votre bouclier fiscal a juste mis à l’abri les revenus de la rente ou de la spéculation.

La défiscalisation des heures supplémentaires, c’est un constat partagé, plombe le marché de l’emploi. Qui peut encore soutenir, face à la montée du chômage, qu’il faut subventionner les heures supplémentaires au détriment de l’embauche de nouveaux salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, notre taux de chômage est l’un des plus élevés d’Europe. En trois ans, il s’est accru de 16 %, avec 400 000 chômeurs de plus. Encore avez-vous fait baisser les statistiques en généralisant le statut de l’auto-entrepreneur, pour créer des milliers d’entreprises fantômes qui font une concurrence totalement déloyale aux artisans et commerçants.

Par ailleurs, les embauches, lorsqu’elles existent, se font dans des conditions de précarité qui ne permettent plus aux jeunes de poser un regard serein sur leur projet d’avenir.

Pour l’emploi, les mesures annoncées par le chef de l’État ne concernent que 20 % des chômeurs actuels.

Le doublement des formations en alternance restera au stade de l’annonce : les étudiants et les apprentis viennent déjà nous expliquer dans nos permanences, dans toutes nos permanences, que, malgré de longues recherches, ils ne trouvent pas d’entreprise partenaire pour leur formation.

La crise financière devait être salutaire et, dans un rare moment de lucidité, le Président de la République avait même lancé un appel à la « refondation du capitalisme », mais tout a repris comme auparavant.

Alors que les banques ont été sauvées avec l’argent public, les bonus, les stock-options, les « retraites chapeau », les rémunérations folles et indécentes, rien, vraiment rien n’a été abandonné ! Lorsque notre groupe vous a proposé de fixer un plafond aux revenus des dirigeants d’entreprises bénéficiant de l’aide publique, lorsque nous vous avons demandé de mettre fin aux bonus ou aux stock-options, vous avez encore refusé !

Avec vous, décidément, les sacrifices sont toujours pour les mêmes… mais les égards aussi : surtout ne pas froisser ceux qui ont les moyens ! Il fallait même les exonérer de toute contribution au financement du revenu de solidarité active.

Et puis, il y a les autres, tous les autres : les classes populaires, les classes moyennes, les jeunes, les vieux, les malades, les chômeurs, les artisans, les indépendants, les agriculteurs, les salariés. Eux doivent tout supporter, tout endurer : la hausse des tarifs publics du gaz et de l’électricité, la multiplication des taxes – sur l’internet, sur les indemnités des accidents du travail, sur les mutuelles –, les franchises médicales, la hausse de l’impôt local, conséquence directe de la suppression par l’État de la taxe professionnelle.

Mme Catherine Vautrin. Ça, c’est faux !

M. François Brottes. Ce que les Français ont percé à jour, c’est un système très organisé de connivences entre le pouvoir et les milieux de l’argent, ce fameux « premier cercle ». D’ailleurs, M. Woerth, parce qu’il en était devenu un symbole gênant, n’est plus assis, à vos côtés, sur les bancs du Gouvernement.

M. Patrick Lemasle. Ils l’ont viré !

M. François Brottes. Mais, depuis la nuit de la victoire de 2007, fêtée, au Fouquet’s, avec un cercle d’amis triés sur le volet, tout a été dévoilé : les retrouvailles avec les donateurs de l’UMP au Bristol, les conseillers ministériels qui émargent à d’autres intérêts que l’intérêt général, les marchés que l’on ouvre opportunément, comme ceux des jeux en ligne ou de l’énergie pour servir quelques connaissances.

M. Gilbert Le Bris. Les tripatouillages !

M. François Brottes. Est-ce cela, la reconnaissance de la nation ?

Monsieur le Premier ministre, c’est ce climat délétère qui empoisonne aujourd’hui notre vie politique et nourrit la rancœur, le soupçon, le rejet. Alors que vous annonciez, vous-même, une « République irréprochable », vous avez ajouté à la crise financière une crise morale.

M. Gilbert Le Bris. Exactement !

M. François Brottes. Il vous reste dix-huit mois pour inverser la tendance, et tenter d’effacer ce passif. Hélas, notre sentiment, c’est que vos efforts de redressement portent, pour l’essentiel, sur une politique de communication conjointe avec le Président.

Comment vous pardonner votre erreur historique d’avoir sacrifié le secteur de l’éducation sur l’autel de la suppression massive des postes d’enseignants ?

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. François Brottes. Comment accepter que la plupart de nos services publics n’aient plus d’adresse dans les quartiers de nos villes, ou dans les bourgs de nos villages ? Comment ne pas dire notre défiance à l’égard de vos projets pour le cinquième risque et la dépendance, compte tenu des mauvais traitements que vous avez infligés à l’aide personnalisée à l’autonomie inventée par la gauche et, plus récemment, à la formation et à l’emploi des personnes en situation de handicap ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous affichez comme première priorité la croissance pour les mois à venir, mais vos décisions budgétaires, d’ailleurs antérieures au remaniement, contredisent déjà votre volonté. Eh oui, les Français doivent le savoir : ce n’est pas le discours que vous venez de prononcer qui fait foi, c’est le budget qui vient d’être voté ici qui révèle vos véritables choix.

De l’avis général, vos hypothèses de croissance sont irréalistes. Vous avez stoppé votre plan de relance pour afficher une réduction artificielle de la dette de vingt milliards d’euros mais, faute d’une croissance conforme à vos affirmations, soit les déficits progresseront, soit vous serez conduit à opérer de nouvelles coupes.

De futures coupes brutales affaibliront encore davantage la croissance à un moment où le soutien de l’activité et l’arrêt de la spirale de la désindustrialisation exigeraient au contraire le maintien de la demande publique, le maintien d’un plan de croissance et le soutien à l’investissement et à l’emploi.

L’autre voie, celle que vous refusez d’emprunter consisterait à rétablir une politique fiscale juste. En 2007, vous avez prétendu favoriser le travail, avec le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Sous la pression, vous vous apprêtez à simuler la suppression du bouclier fiscal pour faire passer la pilule de la suppression de l’impôt sur la fortune.

En clair, vous vous apprêtez à remballer un cadeau de 700 millions d’euros pour en accorder un autre, mieux emballé, de 4 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il est vrai que votre majorité a toujours eu de la ferveur pour les faveurs ! Au prétexte de compenser le manque à gagner, vous allez, par une imposition sur les plus-values et les revenus du patrimoine, favoriser les patrimoines inactifs au moment où il faudrait orienter l’investissement vers les capitaux productifs.

Par exemple, Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) ne sera plus imposée ni sur ses hôtels particuliers, ni sur son île d’Arros. Son chèque de 30 millions que lui adressait chaque année le fisc, sera compensé par une moindre imposition sur son patrimoine. Et le tour est joué ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous, nous vous proposons, au contraire, d’abandonner le bouclier fiscal tout en maintenant l’impôt de solidarité sur la fortune, parce qu’il est économiquement vertueux de taxer les capitaux non investis. Trop de gens n’ont pas de travail pour accepter que d’autres gagnent des fortunes en dormant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous engageons à une réforme ambitieuse de la fiscalité, qui conduise à imposer au même taux les revenus du capital et ceux du travail. Il faut supprimer les dispositifs qui permettent au capital d’être imposé deux fois moins que le travail ! Il faut moduler l’impôt sur les sociétés, pour que les bénéfices soient réellement réinvestis. Il n’est plus tolérable que les entreprises du CAC 40 profitent des aubaines fiscales et contribuent à hauteur de 8 % de leurs profits, quand les PME sont, elles, imposées autour de 30 % !

Enfin, puisque vous prétendez à une remise à plat de la fiscalité, pourquoi ne pas réintroduire sa dimension écologique, au moment où vous renoncez à tous vos engagements en la matière ?

Le Conseil constitutionnel a invalidé votre taxe carbone parce qu’elle cumulait une fois encore l’injustice et l’inefficacité. Il est encore temps de mettre en place une contribution « énergie climat », juste et universellement partagée, mais aussi écologiquement efficace.

Voilà, monsieur le Premier ministre, autant de pistes de travail dont nous n’aurons pas à rougir si elles inspirent votre action. Il n’y a pas de droit d’auteur lorsque les idées sont utiles à tous les Français et lorsqu’elles rétablissent la justice sociale.

Après la croissance et la fiscalité, vous vous êtes donné la sécurité comme dernière priorité. La sécurité, c’est certainement l’échec le plus cuisant du quinquennat du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Lui qui avait tant promis sur cette question, est obligé de faire de la surenchère, de stigmatiser des quartiers et certaines populations. Mais ce n’est pas en se voilant la face, ce n’est pas en diminuant les moyens de la justice et de la police que l’on peut être à la hauteur de cette exigence républicaine de vivre ensemble dans la sérénité et dans le respect des libertés. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous vous proposons un pacte national de protection et de sécurité publique. Il faut répondre à chaque acte par une sanction rapide et juste, développer les travaux d’intérêt général, créer des travaux d’intérêt éducatif et des internats pédagogiques.

À chaque sursaut de violence – vous y avez fait référence –, vous faites le choix d’un déploiement événementiel, d’une présence de riposte, qui disparaît en même temps que les caméras de télévision.

Nous, nous proposons d’assurer la présence quotidienne des gendarmes et des policiers dans la rue, en mettant un terme à l’hémorragie des effectifs que vous avez planifiée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous proposons aussi de définir des secteurs de sécurité prioritaires, sur lesquels se déploiera une police des quartiers spécifiquement formée.

À la sortie, monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, l’insécurité coûte beaucoup plus cher que la prévention. Nous vous exhortons à abandonner cette nauséabonde surenchère sécuritaire, ces provocations outrancières qui vous ont conduit à assimiler délinquance et immigration, à stimuler la peur et le rejet de l’autre, à attiser la haine, donc la violence.

Monsieur le Premier ministre, au moment où la France prend la tête du G20, il est de notre honneur collectif que la France retrouve la fierté de son identité.

Notre drapeau n’est pas celui de la stigmatisation communautaire, religieuse ou ethnique. Notre identité n’est pas assimilable à une couleur de peau, notre laïcité ne se confond avec aucune religion, elle dépasse notre histoire. La France a une responsabilité universelle devant le monde.

La modernité de la France se décline en trois valeurs : liberté, égalité, fraternité. Ces valeurs sont celles de la République, que vos gouvernements successifs, décision après décision, ont mises sens dessus dessous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans ces conditions, comment vous accorder notre confiance ?

Monsieur le Premier ministre, il est temps de remettre la République à l’endroit. Vous prétendez mener un gouvernement de combat, mais c’est ailleurs qu’il faut montrer votre courage. C’est le combat contre l’injustice qu’il faut gagner !

Monsieur le Premier ministre, comment demander un effort à tous, alors que le fossé des inégalités ne cesse de se creuser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous refusons que les ruines que vous laissez derrière vous soient éternelles. Si vous ne menez pas ce combat – et le risque existe –, les Français savent que toute la gauche porte cette exigence et qu’elle en sera digne, le moment venu ! (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent longuement. - Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, il n’a échappé à personne que la décision prise, la semaine dernière, par le chef de l’État de remanier le Gouvernement afin de souder les divers courants de l’UMP n’ouvre pas une nouvelle phase politique, mais s’apparente en réalité à une manœuvre politicienne, visant à la fois à conjurer le discrédit qui frappe l’exécutif et à préparer les futures échéances électorales.

Ce gouvernement s’inscrit dans la continuité des précédents : même dans le mur, on continue… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes plus que jamais dans les postures idéologiques et les réflexes claniques. Votre discours guerrier n’y change rien.

Les urgences sociales et les difficultés que rencontrent nos concitoyens sont à nouveau ignorées. Votre priorité n’est pas de retrouver le chemin de la croissance, de redonner du souffle à notre économie dans l’intérêt de tous, mais de rassurer des marchés financiers qui spéculent sur les dettes des pays européens et ont décidé de mordre aujourd’hui la main de ceux qui les ont, hier, sauvés du naufrage par une injection colossale de dépenses publiques.

Comme le rappelaient fort à propos les « économistes atterrés » du manifeste publié en septembre dernier, plutôt que de remettre en cause le fonctionnement des institutions européennes, et en particulier celui de la BCE, qui a conduit à confier aux marchés la clé du financement des États, les gouvernements européens se sont engagés, avec la bénédiction du FMI, dans une fuite en avant qui plonge l’Europe entière dans une crise toujours plus profonde.

La situation de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, et maintenant de l’Irlande, hier encore saluée comme un exemple et un miracle économique, devrait ou aurait dû vous alarmer.

Le règne de la concurrence libre et non faussée a fait la preuve de son inefficacité et de sa capacité à détruire jusqu’aux fondements mêmes de la démocratie, c’est-à-dire le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les peuples paient cash les traités, de Maastricht à Lisbonne ; la démocratie recule devant la dictature des marchés. Le modèle social français lui-même est démonté pierre par pierre. Vous n’avez eu de cesse, depuis 2002, de le mettre à mal à travers la privatisation des services publics, la casse du droit du travail, l’appauvrissement planifié de l’État, la mise sous tutelle comptable de la santé qui menace à présent l’existence même de certains hôpitaux, au bénéfice du privé.

Dernière grande réforme en date, celle des retraites, conduite au pas de charge, sans négociation, contre une majorité de Français qui, une fois de plus, n’a pas eu voix au chapitre. Aucun argument économique ou démographique ne la justifiait, aucune urgence ne la commandait, contrairement à ce que vous avez tenté de faire croire, sinon la volonté de donner aux marchés des gages d’orthodoxie et de calmer très provisoirement la spéculation.

Nos concitoyens subissent le joug que leur impose le dogme de la libre circulation des capitaux et de l’argent-roi.

Il n’y a pourtant pas de fatalité au chômage et à la précarité, pas plus qu’il n’y en a à reculer l’âge de la retraite. Il n’y a pas de fatalité à l’austérité, à la régression sociale, à la dégradation des services publics et au recul de la protection sociale. Il n’y a pas de fatalité ; il y a des choix politiques, il y a des responsabilités : aujourd’hui comme hier, ce sont les vôtres ! La crise, c’est vous !

Comme le rappelait la Cour des comptes en juin dernier, les déficits ne résultent que pour un tiers de la crise économique. Elle est pour les deux tiers le fruit de votre politique et d’elle seule. Vous aurez réussi l’exploit, à l’issue du quinquennat, selon vos propres hypothèses, d’avoir aggravé la dette de 900 milliards d’euros. La dette aura doublé en dix ans de gouvernements de droite !

En cause, la multiplication irresponsable des cadeaux fiscaux en direction des grandes entreprises et des contribuables les plus aisés, à l’exemple du scandaleux bouclier fiscal qui bénéficie, pour les deux tiers des 700 millions d’euros qu’il coûte, aux contribuables qui disposent de plus de 16 millions d’euros de patrimoine.

Un bouclier que vous traînez comme un boulet et que vous voulez faire disparaître en même temps que l’ISF qui, lui, rapporte 4 milliards d’euros. Les plus riches seront une nouvelle fois les principaux bénéficiaires de la réforme fiscale que vous annoncez !

Depuis 2002, vous avez multiplié les niches fiscales et sociales. Leur coût atteint aujourd’hui le chiffre incroyable de 172 milliards d’euros par an, sans compter le coût de l’évasion fiscale, estimé au minimum à 40 milliards d’euros. Au regard des enjeux de la lutte contre les paradis fiscaux, les moyens déployés sont bien timorés. Mais il est vrai que les exilés et fraudeurs en tous genres sont ces riches que vous cajolez en permanence !

Selon une récente enquête de Libération, les entreprises du CAC 40 ont engrangé 41 milliards d’euros de bénéfices au premier semestre et disposent de 146 milliards d’euros de cash. Elles ont néanmoins supprimé 40 000 emplois en cinq ans ! Ce n’est qu’un nouvel exemple des dérives du capitalisme financier que votre politique encourage.

Votre stratégie restera dictée par la concurrence fiscale acharnée à laquelle se livrent les États membres de l’Union européenne. Un dumping fiscal qui se conjugue au dumping social pour conduire aux désastres économiques et sociaux que l’on sait, pour la seule satisfaction du MEDEF et d’une infime minorité de privilégiés. Un dumping qui se traduit par une dégradation des services publics, par une surenchère dans la baisse du coût du travail et par des transferts de charges sur les salariés, les chômeurs et les retraités.

La convergence fiscale avec l’Allemagne, que vous appelez de vos vœux, n’est que prétexte à imposer de nouvelles baisses de l’imposition des grandes entreprises. Les entreprises du CAC 40 paient déjà deux fois moins d’impôt sur les sociétés que les PME. Preuve que la question principale n’est pas l’imposition, mais l’exigence de taux de rendements insoutenables. De fait, la part des dividendes versés aux actionnaires est passée de 3,2 % du PIB en 1982 à 8,5 % en 2007 et de 5 % de la valeur ajoutée à près de 25 %. Et ce, au détriment des salaires, de l’emploi, mais également des dépenses de recherche et de développement, et de l’investissement.

Les baisses d’impôts que vous avez consenties ne sont pas allées à la croissance. Elles iront demain, une fois encore, dans la poche des spéculateurs et conduiront à de nouvelles restrictions budgétaires, déjà annoncées : gel des salaires, gel des dotations aux collectivités locales – qui assurent 75 % de l’investissement public et ne portent que 7,6 % du déficit ; diminution massive du nombre de fonctionnaires dans l’éducation, la santé, dans la gendarmerie et la police nationale, alors que vous ne cessez de nous parler de sécurité, malgré un bilan déplorable ; réduction massive, enfin, des crédits alloués à des secteurs aussi essentiels que la recherche, l’éducation, la santé ou le logement.

Pour réduire les déficits, vous augmentez la pression fiscale sur les classes moyennes et réduisez à la portion congrue le pouvoir d’achat des plus modestes. Tous souffrent et souffriront plus encore demain de l’injustice de votre politique fiscale et budgétaire.

La Fondation Abbé Pierre dénonce les 3,5 millions de mal logés. Le tiers des familles modestes consacre désormais 39 % de son revenu au logement. Au total, 10 millions de nos compatriotes rencontrent aujourd’hui des difficultés pour se loger.

Sur le terrain de l’emploi, Nicolas Sarkozy s’arrange en permanence avec la vérité. Vous ne tiendrez pas davantage vos engagements que vous ne l’avez fait depuis 2007, lorsque vous prétendiez ramener le taux de chômage à 5 % en 2012. La vérité est que le chômage, à son plus haut niveau depuis dix ans, touche aujourd’hui 9,7 % de la population active et plus de 23 % des jeunes actifs. Contrairement à vos déclarations, la plupart des économistes et instituts s’accordent à considérer que le chômage augmentera l’an prochain, du fait de votre politique d’austérité.

Au lendemain de la prestation du Président de la République, les organisations syndicales ont souligné l’absence de propositions nouvelles et déclaré encore ce matin qu’elles n’attendaient rien de votre discours de politique générale.

On ne peut être que consterné par l’absence de propositions en matière de lutte contre la précarité et la pauvreté, à l’heure où l’INSEE souligne que 13 % de nos concitoyens disposent de moins de 950 euros par mois, parmi lesquels près de 4 millions de travailleurs pauvres et plus d’un million de retraités, et alors que la défenseure des enfants, Mme Versini, s’alarme en découvrant qu’environ 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté !

Nos concitoyens se sont mobilisés massivement pour condamner votre politique et exprimer leur refus des injustices criantes que vous laissez croître et prospérer sous le vernis de vos déclarations, leur refus de vos mensonges et de vos renoncements dans tous les domaines, comme dans celui de l’environnement, puisque vous avez décidé de passer le Grenelle par pertes et profits : vous avez jeté tout ce travail à la poubelle.

Nous vous avons fait des propositions, depuis trois ans, pour financer la retraite à 60 ans, pour promouvoir la relance de l’emploi industriel, mieux répartir les richesses entre capital et travail, pour engager une refonte de notre fiscalité en introduisant le principe d’une modulation des contributions des entreprises en fonction de leur politique sociale. Nous vous avons également fait des propositions visant le relèvement des salaires et des pensions, la taxation du capital, l’interdiction des licenciements économiques dans les entreprises qui réalisent des profits, de nouvelles modalités de l’aide publique au financement des entreprises via la création d’un pôle financier public. Ces propositions visent toutes à conjuguer justice sociale et efficacité économique ; vous les avez méprisées, comme l’ont été nos concitoyens. Du rapport du Secours catholique aux statistiques de l’INSEE, des drames de la souffrance au travail aux mobilisations incessantes des salariés, tous les indicateurs convergent, qui expriment et justifient la défiance de nos concitoyens à l’égard de votre gouvernement et leur exigence d’une autre politique. Ce n’est pas votre responsabilité que vous engagez devant la représentation nationale aujourd’hui, mais l’avenir de notre pays, car vous prenez, en réalité, l’engagement de persister dans l’injustice et l’irresponsabilité.

Monsieur le Premier ministre, les députés de la Gauche démocrate et républicaine, et les Verts, vous refusent la confiance. En cela, ils portent la voix d’une majorité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Pour le groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Sauvadet,.

M. François Sauvadet. Une déclaration de politique générale est toujours un moment très important, parce qu’elle consiste à fixer le cap pour les mois à venir, et ce dans un contexte totalement différent de celui de 2007. En effet, vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le Premier ministre, nous avons connu une crise économique et financière sans précédent. Nous ne devons pas laisser croire aujourd’hui à nos compatriotes que les effets de cette crise se sont effacés et que nous en sommes aujourd’hui sortis. Mes collègues ont d’ailleurs interrogé, hier, le Gouvernement sur les conséquences de nouvelles secousses qui se profilent : après la Grèce, c’est l’Irlande qui est confrontée à une révision drastique de sa politique et à une dégradation violente de ses capacités de financement. Nous voyons donc bien que l’euro est aujourd’hui menacé.

Et, je vous le dis comme je le pense, quand j’entends le porte-parole du groupe socialiste prétendre pour le regretter que nous avons conduit une politique désastreuse…

M. Jean Launay. Il a raison !

M. François Sauvadet. …alors que nous avons évité l’effondrement du système financier, je suis scandalisé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur de nombreux bancs du groupe UMP.) La politique ne permet pas tout ! Lorsque nous sommes confrontés à une crise d’une telle ampleur, nous devons y faire face avec un grand sens de la responsabilité.

M. François Brottes. Cela n’a rien à voir avec le bouclier fiscal !

M. François Sauvadet. Quand on sait ce que sont les conséquences sociales dans les pays qui n’ont pas consenti les efforts de rigueur dans la gestion de leur dépense publique et qui doivent aujourd’hui faire face à des taux d’intérêt qui continuent de flamber et à des réductions drastiques de leurs budgets, nous comprenons que nous devons faire un travail d’explication auprès de tous nos compatriotes. Ce contexte, monsieur le Premier ministre, et je pèse les mots que je vais prononcer au nom du groupe Nouveau Centre, impose à chacun d’entre nous responsabilité et courage. Si je m’exprime aujourd’hui au nom des députés du groupe Nouveau Centre, c’est avec une totale conscience des enjeux. C’est ainsi que nous entendons aborder cette nouvelle étape. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe NC.)

D’abord, la crise a mis en évidence l’urgence d’une gouvernance politique et financière de l’ensemble de la zone euro. Le groupe Nouveau Centre a, vous le savez, toujours souhaité que la France prenne des initiatives fortes pour jeter les bases d’un véritable fédéralisme – osons le mot – dans la zone euro. La première condition pour y parvenir, c’est, bien sûr, la convergence économique, fiscale et sociale. Cette convergence, avec l’Allemagne notamment, est le chemin que vous nous avez proposé. Nous souhaitons l’emprunter avec vous parce qu’il est l’une des clés de la solidarité. Nous le voyons dans la crise que nous avons traversée.

M. Jean Mallot. On y est encore.

M. François Sauvadet. Nos partenaires ne pourront pas accepter durablement d’être solidaires, si tous les pays de la zone ne consentent pas les efforts qu’ils ont eux-mêmes accomplis, comme d’ailleurs nous ne pourrons pas longtemps non plus accepter l’idée qu’il pourrait y avoir, au sein de la zone euro, des périmètres de dumping et de compétition. Cette idée de la solidarité et de la convergence s’imposera à nous pour peser sur l’ordre du monde.

Ensuite, la convergence fiscale annoncée doit être mise au service de la croissance, du développement économique et de l’innovation. Et nous devrons veiller dans toutes les décisions que nous serons amenés à prendre à ce que la fiscalité ne soit pas une entrave à l’efficacité économique. Au vu de la performance des entreprises allemandes, monsieur le Premier ministre, j’appelle de mes vœux une véritable stratégie économique et industrielle pour notre pays. Elle a commencé avec les pôles de compétitivité, avec les pôles d’excellence rurale. Je souhaite que cette politique soit poursuivie avec vigueur.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. François Sauvadet. Cela signifie aussi, vous l’avez rappelé, que nous ne devons pas renoncer à la nécessité de réformer notre pays. Pour nous, l’esprit de réforme n’est ni un dogme ni un style. Nous devons le rappeler à tous nos compatriotes : réformer le pays est indispensable pour garantir notre modèle social, pour assurer la solidarité, laquelle est fragile et menacée aujourd’hui par le poids de nos déficits. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Depuis 2007, le groupe Nouveau Centre s’est totalement engagé à vos côtés pour porter les réformes nécessaires et notamment celle des retraites.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. François Sauvadet. Nous avons, chaque fois, veillé à porter l’idée qu’elles devaient être justes à l’égard de nos compatriotes les plus fragiles. Nous avons été aussi résolument à vos côtés, monsieur le Premier ministre, lorsqu’il s’est agi de maîtriser les dépenses publiques.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas été récompensés !

M. François Sauvadet. Je suis de ceux qui considèrent qu’il ne faut pas sous-estimer les efforts accomplis. Mais disons-le très clairement aujourd’hui : le défit de l’équilibre des comptes publics reste devant nous.

M. Jean Mallot. Ah oui ! C’est vrai !

M. François Sauvadet. Nous devons, dans un consensus national – et j’en appelle aussi à l’opposition –fixer cet objectif de l’équilibre de nos comptes comme étant une règle, une règle d’or à laquelle le Nouveau Centre est particulièrement attaché. Nous devrons faire preuve d’audace. Je suis aujourd’hui convaincu que le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, règle qui a produit des effets sur la maîtrise des dépenses publiques, devra trouver, un jour, son terme. Nous devrons, alors, redéfinir ensemble le périmètre que doit avoir un État moderne. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Mme Odile Saugues. Très bien !

M. François Sauvadet. L’éducation, la sécurité, les tâches régaliennes – notamment la justice – doivent être pour nous des priorités et le coup de rabot ne doit pas s’imposer à tous les secteurs de l’État.

Ce défi vaut aussi pour le budget de la sécurité sociale. Dès l’an prochain, le groupe Nouveau Centre s’engagera fermement auprès de vous, monsieur le Premier ministre, et vous aidera à assurer l’équilibre de notre sécurité sociale. En effet, reporter à après-demain le remboursement de la dette n’efface pas la dette, mais l’aggrave. S’ouvrira inévitablement un débat sur l’évolution de la CSG et de la CRDS, car s’il faut maîtriser la dépense, nous devrons aussi assurer par des recettes pérennes la garantie d’un égal accès à la santé pour tous.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. J’ai eu l’occasion de vous le dire, monsieur le Premier ministre, ces efforts nécessitent un large rassemblement, lequel passe par la reconnaissance de la diversité comme une chance : diversité sociale, diversité politique, diversité syndicale et organisation du débat syndical. Je pense, à cet égard, que nous devrons renouer un véritable dialogue social. Nous ne devrons pas être frileux et chacun des acteurs du dialogue social devra se sentir aussi acteur de notre avenir collectif pour parvenir à une société plus juste.

Cette exigence de justice est pour nous essentielle. Cela signifie également que la fiscalité doit y participer.

M. Jean Mallot. Allons-y !

M. François Sauvadet. Nos compatriotes doivent être assurés que cet effort sera partagé par tous. Ils doivent savoir que les plus riches ne seront pas exonérés de l’effort nécessaire de solidarité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’est pourquoi, et le groupe Nouveau Centre l’a précisé dès le début, le bouclier fiscal, perçu comme une injustice par les plus modestes, doit être supprimé. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.) Cela nous imposera évidemment de revoir la fiscalité du patrimoine en taxant les revenus du patrimoine plutôt que le patrimoine lui-même. Je me réjouis qu’une grande partie du Gouvernement et de la majorité se soit ralliée à cette thèse.

La justice, c’est aussi la simplification. On ne parle plus d’impôt à la source. Je vous propose, monsieur le Premier ministre, d’y retravailler avec vous et avec la ministre de l’économie, des finances et avec le ministre du budget.

Je puis vous dire que, dans cette nouvelle étape, le groupe Nouveau Centre restera très engagé pour porter toutes ces questions fiscales, de maîtrise de la dépense et de justice.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. François Sauvadet. L’assainissement des finances publiques et l’engagement pour le retour à la croissance doivent être mis au service de la solidarité, parce qu’ils en constituent le socle.

La qualité d’une société, en tout cas le sens qu’on lui donne, se distingue par le sort fait à nos aînés et à notre jeunesse. Assurer la prise en charge de la dépendance, c’est probablement, mes chers collègues, l’un des plus grands défis auxquels nos sociétés seront confrontées. Il ne faudra pas se contenter d’ouvrir un débat dans les prochains mois, mais il conviendra de veiller à son aboutissement. Nous devrons, ainsi, être solidaires avec nos compatriotes les plus fragiles. Ceux qui ne sont pas aujourd’hui sur le chemin de l’emploi ne devront pas être exclus à l’automne de leur vie et devront bénéficier de l’accompagnement auquel ils ont droit.

M. Nicolas Perruchot. Très bien !

M. François Sauvadet. L’autre grand défi concerne notre jeunesse. Nous nous inquiétons et nous nous y intéressons quand elle descend dans la rue. Mais bâtir une France solidaire, c’est aussi lui ouvrir des perspectives d’avenir. Je souhaite et je propose que vous fondiez un véritable pacte avec la jeunesse de France…

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. François Sauvadet. …pour comprendre ses aspirations, ses craintes, soutenir et accompagner son autonomie et la préparer à sa vie professionnelle. En effet, 25 % de nos jeunes sont au chômage, un jeune sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté, nombre d’entre eux sortent du système scolaire sans diplôme et sans qualification. Ce constat cruel nous oblige à agir. L’alternance, les parcours professionnalisant doivent être portés comme des filières d’excellence. Arrêtons de former des jeunes dans des filières qui ne conduisent à rien ou en tout cas qu’à des impasses désespérantes.

M. Marcel Rogemont. L’alternance marche aussi en politique ! C’est pour 2012 !

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, parce que les temps sont durs, parce que le chemin de la rigueur dans notre gestion collective reste devant nous…

M. René Couanau. Très bien !

M. François Sauvadet. …et que nous devons assumer une responsabilité majeure collective, parce que nous avons conscience des enjeux, nous, députés du groupe Nouveau Centre, nous voterons la confiance. Mais cette confiance doit être fondée sur le partenariat, monsieur le Premier ministre.

M. Jean Dionis du Séjour. Il y a du boulot !

M. François Sauvadet. Ce partenariat doit reposer sur une conception politique simple : c’est qu’il n’y a pas de succès possible pour un pays hors du rassemblement et pas de rassemblement possible sans considérer que la diversité est aussi une chance pour construire l’avenir. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Souchet, au titre des députés non-inscrits.

M. Dominique Souchet. Monsieur le Premier ministre, vous avez, à la suite du Président de la République, souligné la volonté de votre gouvernement de s’attaquer, pendant la présidence française du G8 et du G20, aux racines des déséquilibres internationaux qui bouleversent en profondeur toutes nos structures économiques et sociales. Le Président de la République a été très clair le 16 novembre : « Il faut protéger les gens. On ne peut plus vivre dans un monde sans régulation. C’est la vocation de la France de porter le discours de la régulation ».

La crise de 2008 a révélé la faillite d’une libéralisation sans limites et le rôle irremplaçable des États. Dans l’urgence, mais sans traiter les problèmes de fond, ils ont empêché la débâcle du système financier international et inventé le G20, qui doit désormais les traiter.

Il s’agit bien de corriger les désastres entraînés par l’idéologie de la dérégulation, triomphante depuis les années 1970, et dont l’Europe a été la première victime. Elle a pris de plein fouet la conjonction de l’émergence des nouvelles puissances du Sud-Est asiatique et des effets économiques et sociaux de la dérégulation. Elle est donc intéressée au premier chef par la correction de trajectoire à laquelle va s’atteler la présidence française.

Dans les trois domaines principaux où celle-ci est appelée à intervenir, la situation se présente différemment. La régulation du système financier mondial est en marche depuis le sommet de Pittsburgh. L’idée de récréer un système monétaire international gagne du terrain. En revanche, la réforme du système du commerce international se heurte encore à d’importantes résistances idéologiques.

S’agissant du système financier mondial, la faillite de Lehman Brothers a conduit à une révision déchirante du mouvement de libéralisation systématique lancé dans les années 1980, remplacé par un processus de remise en ordre des marchés. Un certain nombre de pas ont été accomplis, mais il ne faut pas s’en contenter. Le processus est enclenché, mais la réforme ne fait que commencer.

En ce qui concerne la réforme du système monétaire international, avec courage et peut-être témérité, le chef de l’État et votre gouvernement entendent en faire la priorité de la présidence française. Là également, il s’agit d’introduire un changement de cap radical par rapport à l’idéologie de la non-régulation, au non-système monétaire international dans lequel nous vivons – mal – depuis 1971 et à la fin de la convertibilité du dollar en or. Là encore, c’est l’Europe qui pâtit le plus des distorsions monétaires, de la surévaluation tendancielle de l’euro et de la sous-évaluation recherchée du dollar et du yuan.

Le sommet de Séoul s’est approprié l’idée française et a commandé au FMI des analyses. À partir de là, il faudra que le Gouvernement français porte des propositions audacieuses, par exemple l’idée d’un serpent monétaire international limitant les fluctuations entre devises, dont la France avait été le promoteur en Europe avec le SME.

Si l’on veut réellement avancer, l’Europe devra mettre de l’ordre dans sa propre maison. Cela implique de modifier substantiellement la gestion de l’euro pour l’adapter à l’hétérogénéité des États membres, en reconnaissant que l’euro ne correspond pas à une zone monétaire optimale. Cela implique également de définir un nouveau système monétaire européen coopératif pour associer les autres devises ayant cours dans l’Union européenne. Sans cela, l’Europe restera une zone d’instabilité monétaire, ce qui affectera évidemment sa crédibilité en tant que porteur de réforme.

Enfin, s’agissant de la nécessité de revenir sur la dérégulation du commerce international, des résistances idéologiques demeurent, en particulier au niveau des institutions européennes. Le libre-échangisme naïf qui a amené les Européens à se faire les avocats inconditionnels des accords de Marrakech reste encore prégnant, en dépit de leurs effets dévastateurs sur notre tissu économique.

Ailleurs, les esprits ont davantage évolué. Les États-Unis n’ont plus le déficit heureux. Ils ont même proposé, à Séoul, son plafonnement, proposition difficile à mettre en œuvre peut-être, mais l’idée est lancée.

Il a été décidé à Séoul de définir des instruments de mesure pour parvenir à un constat partagé. C’est un premier pas indispensable, mais il faudra passer ensuite du constat à l’action et, surtout, ne pas exclure, pour corriger des déséquilibres insupportables et destructeurs, l’adoption de mesures de correction destinées à compenser des avantages prohibitifs, notamment en matière de coût du travail. Là encore, il faudra remettre de l’ordre dans la maison européenne. Il faudra notamment remettre en cause la politique de la concurrence telle que la pratique la Commission européenne. Cette politique est devenue une sorte de butte témoin d’une idéologie dépassée et nocive, et elle a pour principal effet d’empêcher nos entreprises et nos États de conduire une politique industrielle européenne offensive.

Monsieur le Premier ministre, c’est un défi considérable que votre gouvernement doit relever. Le Président de la République a indiqué l’enjeu : « si le G20 d’après crise ne s’attaque pas aux réformes structurelles dont le monde a besoin, il perdra sa légitimité ».

Je souhaite à votre gouvernement de faire triompher la coopération, pour que notre monde multipolaire ne soit pas livré demain à la seule compétition. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Persévérance, continuité et nouvelle étape du quinquennat, les députés du groupe UMP, monsieur le Premier ministre, ont retrouvé ces marqueurs tout au long de votre discours de politique générale.

Vous avez rappelé que le Gouvernement était dans l’action, pour gérer la crise économique la plus forte depuis 1930, pour bâtir une France moderne.

Poursuivre les réformes est indispensable pour maîtriser notre souveraineté nationale, notre liberté. Avec vous, les députés font le choix de la cohérence et du courage politique.

Cohérence dans la continuité des réformes : renforcement de la croissance au service de l’emploi et de la justice fiscale ; renforcement de la cohésion sociale, avec la rénovation de notre héritage social mais aussi une réponse au sujet du XXIe siècle qui est celui de la dépendance ; sécurité et effort de modernisation de notre justice. Il y a aussi la présidence du G20 et ce moment historique qu’est celui de la construction d’un nouvel ordre économique mondial. Autant de défis pour lesquels votre feuille de route est claire.

Vos ambitions pour la France méritent une mobilisation de chacun d’entre nous, sur l’ensemble de ces bancs, au service de la nation.

Malheureusement, la gauche vient une fois de plus de nous montrer son incapacité à évoluer. Elle n’a toujours pas mesuré que le monde changeait, que les modèles devaient évoluer.

Les députés UMP, eux, sont fiers d’accorder leur confiance à votre gouvernement. Christian Jacob vous l’a dit, nous sommes tous mobilisés et déterminés au service de la réforme de la France, et nous voterons la confiance avec détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Alain Vidalies. En 2007, monsieur le Premier ministre, en présentant votre gouvernement, vous déclariez : « Cette ouverture, ne vous y trompez pas, est beaucoup plus qu’une affaire gouvernementale, c’est un nouvel état d’esprit ! »

Vous citiez alors le Général de Gaulle : « Prétendre représenter la France au nom d’une fraction, c’est une erreur nationale impardonnable. » Permettez-moi aujourd’hui de vous renvoyer le compliment. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre discours n’a que la valeur d’un discours. Nous savons malheureusement d’expérience que le Président de la République et vous êtes capables de déclarer solennellement n’avoir reçu aucun mandat pour toucher à l’âge légal de la retraite et, dans un même élan, d’imposer une réforme des retraites injuste, qui va frapper d’abord les ouvriers, ceux qui ont des métiers pénibles et des carrières professionnelles difficiles, au premier rang desquels les femmes.

Nous pouvions espérer au moins que vous tireriez les enseignements de la crise sans précédent du capitalisme financier. Le système bancaire a été sauvé par de l’argent public, et nous vous avons soutenu. Mais, sitôt l’alerte passée, la spéculation repart de plus belle. Les Français, consternés, constatent que tout recommence comme hier dans le monde merveilleux de la finance.

En janvier 2010, devant des millions de Français, Nicolas Sarkozy annonçait la fin de la crise et la baisse du chômage dans les prochains mois. Non, la crise est toujours là, avec ses conséquences dures pour les Français.

Le plus extraordinaire est que vous mainteniez durant la crise des mesures qui se révèlent destructrices, comme les 4 milliards d’euros chaque année pour encourager les heures supplémentaires, véritable machine à détruire des emplois sur fonds publics.

Vous nous annoncez enfin que vous envisagez une réforme fiscale pour remettre en cause le bouclier fiscal, mais personne ne doit être dupe car on connaît l’objectif, la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune.

M. Alain Néri. Bien sûr !

M. Alain Vidalies. Pour les Français, la crise, c’est d’abord le chômage, et vos réponses sont marquées du sceau de l’incohérence.

Comment prétendre faire de l’emploi une priorité quand, dans le même temps, vous votez un budget prévoyant une diminution des crédits pour l’emploi et, notamment, les emplois aidés ?

Cette incohérence marque aussi votre politique sur la sécurité. Les Français ont maintenant compris qu’avec vous, c’était toujours plus de lois, dix-sept en quatre ans, et toujours moins de policiers et de gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous allez continuer, comme depuis trois ans, à démanteler méticuleusement les services publics, au premier rang desquels l’éducation nationale.

Vous avez parlé de la peur et de l’angoisse des Français, et vous avez raison. Mais c’est face à votre politique qu’ils ont peur et qu’ils sont angoissés. Ils savent que le travail du dimanche, c’est vous, les franchises médicales, c’est vous, les déremboursements, c’est vous, la hausse des mutuelles, c’est vous, la hausse des tarifs de l’électricité, c’est vous, la crise du logement social, c’est vous. L’explosion de la précarité au travail et de la pauvreté, voilà une réalité de la France d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre majorité a été capable de voter dans le même temps le bouclier fiscal et la fiscalisation des indemnités journalières pour accidents du travail. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous nous avez parlé de la dépendance, mais l’important, ce sont les mots exacts et chacun ira vérifier ce que vous avez dit. Vous avez parlé d’assurance obligatoire ou facultative,

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Alain Vidalies. …d’assurance personnelle ou collective.

M. Alain Néri. Eh oui !

M. Alain Vidalies. Derrière ces mots, chacun doit comprendre que vous ouvrez la porte au démantèlement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez dépassé ce qui est envisageable dans le discours politique lorsque vous avez utilisé cette phrase à propos des jeunes : dissiper la peur, c’est alléger la dette qui pèse sur chaque berceau. Qu’un gouvernement et qu’une majorité qui, il y a quelques semaines, ont transféré 130 milliards de dettes de la CADES sur les années 2021 à 2025 (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe GDR.), c’est-à-dire sur des enfants de six, huit et dix ans, viennent nous donner des leçons de courage, je crois que cette partie de votre intervention était parfaitement inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Normalement, un discours de politique générale d’un nouveau Premier ministre, c’est un rendez-vous avec les Français, mais il n’y a ni nouveau Premier ministre, ni nouvelle politique. Chacun a compris que vous aviez rendez-vous non pas avec la France mais seulement avec l’UMP. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, lorsqu’il était en campagne pour l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy et ses conseillers avaient théorisé leur stratégie politique dans une expression : le storytelling. Derrière cette expression, issue, comme par hasard, du monde des séries télévisées américaines, se cachait tout simplement l’idée que la vie politique n’est plus qu’un feuilleton, qu’il faut alimenter chaque jour par de nouveaux épisodes.

Aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, vous avez tenté de clore à votre profit le dernier épisode en date, celui du remaniement.

Comme d’habitude, Nicolas Sarkozy, porté par ses excès de langage, jamais démentis, jamais maîtrisés, n’avait pas hésité à annoncer qu’il allait tout changer. Finalement, avec votre gouvernement remanié, ce sont les mêmes acteurs et, avec votre discours d’aujourd’hui, c’est le même scénario. La fin elle-même semble déjà écrite à l’avance.

Nous cherchons désespérément dans votre discours de politique générale le programme de gouvernement pour les dix-huit mois à venir. Pour la France, pour les Français, ces dix-huit mois ne doivent pas être perdus.

Au lieu de cela, nous avons eu la désagréable impression de nous trouver dans une réunion électorale de l’UMP : votre discours comptait plus de messages en direction de vos troupes qu’en direction des Français.

Les messages exprimés par les Français ces derniers mois, tant lors des élections régionales que lors des manifestations contre votre réforme des retraites, leurs attentes, on avait bien du mal à les retrouver dans cet entre-soi. Nous avons eu droit à des critiques à peine voilées contre l’ancien numéro deux de votre gouvernement, M. Borloo. Nous avons eu droit à des messages à peine codés à l’égard du Président de la République lui-même, dont avez tenu à vous démarquer sur la forme.

Nous savions depuis dix jours que la France aurait le même Premier ministre et, pour une grande part, le même gouvernement. Nous avons maintenant la confirmation que nous aurons la même politique. Mais les jeux politiciens internes entre chefs de l’UMP n’intéressent pas les Français.

Mme Claude Greff. Les vôtres non plus !

M. François de Rugy. Les Français auraient aimé, et nous avec eux, que vous tiriez enfin les leçons de la crise. Quelles réponses nouvelles comptez-vous apporter ? Comment comptez-vous redéfinir nos modes de production et de consommation ? Comment comptez-vous développer de nouvelles activités économiques, seules à même de relever le défi de l’écologie et de l’emploi ?

Vous avez parlé de la fiscalité. Si vous avez été moins franc que Nicolas Sarkozy, qui n’avait pas hésité à annoncer la suppression pure et simple de l’impôt de solidarité sur la fortune, tout le monde a bien compris que la convergence fiscale franco-allemande n’était qu’un alibi pour baisser les impôts sur les gros patrimoines. Rien en revanche dans votre discours pour répondre à l’aspiration profonde et maintes fois exprimée des Français à la justice fiscale.

Dans le même temps, vous avez fait un terrible aveu sur les délocalisations. Vous n’avez pas hésité à déclarer qu’il faudrait plusieurs décennies pour avoir une concurrence plus équilibrée avec une puissance économique comme la Chine. Vous refusez obstinément de voir que c’est non pas la crise mais bien la dérégulation totale du commerce mondial qui a abouti à cette concurrence déloyale qui détruit inexorablement l’industrie et des millions d’emplois depuis des décennies en France.

Vous vous êtes gargarisé du rôle de la France à la tête du G20, mais vous n’avez rien dit de ce qu’était le programme de la France pour une régulation économique et financière mondiale. Vous n’avez rien dit de ce que serait la position de la France au prochain sommet sur le changement climatique. Votre triomphe contre M. Borloo, votre ancien ministre de l’écologie, vous conduit à balayer les enjeux écologiques en quelques secondes alors que l’attente des Français pour participer au changement sur ce sujet n’a jamais été aussi forte.

Dans le fond, vous vous êtes livré à un plaidoyer pro domo pour glorifier un bilan pourtant désavoué par les Français.

Même sur la réforme constitutionnelle de 2008, qui prévoyait le référendum d’initiative citoyenne, vous renvoyez à une obscure discussion avec le Conseil d’État. Permettre aux Français de reprendre la parole devrait pourtant être une priorité absolue après l’affrontement sans dialogue que vous avez conduit sur les retraites. Si votre engagement est sincère, soutenez sans hésitation notre proposition de loi organique qui sera examinée en séance le 2 décembre prochain. Ne renvoyez pas à plus tard.

Sur ce sujet comme sur d’autres aussi graves que l’endettement, par exemple, vos discours sonnent creux tellement ils sont éloignés non seulement de ce vous avez réellement fait depuis trois ans, l’explosion des déficits, l’explosion de la dette, mais aussi de la réalité vécue par les Français.

Vous l’aurez compris, monsieur le Premier ministre, comme les Français, nous sommes à mille lieues de votre discours figé dans la certitude que rien ne doit changer dans votre politique. Les députés écologistes, ainsi que les députés communistes et du Parti de gauche du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, voteront contre cette déclaration de politique générale qui aura certes été très générale mais fort peu politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Nicolas Perruchot. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre a fait le choix de la réforme et du mouvement dès 2007. Je voudrais aujourd’hui vous dire à quel point les raisons de ce choix n’ont pas disparu. Mieux, je crois pouvoir vous dire que les défis auxquels notre pays se trouve aujourd’hui confronté, après la crise économique sans précédent que nous venons de subir, requièrent courage et détermination dans la conduite de l’action publique.

M. Éric Raoult. Très bien !

M. Nicolas Perruchot. C’est ce même courage et cette même lucidité qui guident l’action de notre majorité depuis plus de trois ans maintenant.

Nous avons encore beaucoup de chantiers à engager ; ce n’est pas le moment de se déconcentrer, de perdre en chemin l’objectif qui est le nôtre depuis 2007, à savoir moderniser et réformer notre pays au service des Français.

À tous ceux qui se contentent de gesticuler, de polémiquer et de bavarder, j’oppose une nouvelle fois notre détermination sans faille à agir pour bâtir une France plus compétitive, plus juste et plus solidaire.

Aujourd’hui, seule l’action compte, au moment où notre pays aborde une séquence politique majeure avec, notamment, la présidence du G8 et du G20.

Aussi, je vous le dis sans complexe, monsieur le Premier ministre, le groupe Nouveau Centre est résolu à prendre toute la place qui est la sienne au sein du pacte majoritaire, résolu à mettre tout en œuvre pour apporter au débat public tout ce que notre famille politique compte d’humanisme, de tolérance et de justice.

Car, j’en suis convaincu, les indispensables chantiers que nous avons à engager ne pourront être menés à leur terme sans justice sociale, sans tempérance et sans équité. Ces valeurs, qui sont les valeurs centristes, doivent trouver un écho dans l’action qui va nous guider ces prochains mois.

M. Jean Launay. Nous avons vu ce qu’il en était avec le remaniement !

M. Nicolas Perruchot. Pour y parvenir, nous sommes résolument décidés à placer notre action sous le signe de la proposition, de la construction, mais aussi de l’innovation.

Bâtir une France plus juste, une France capable d’offrir à sa jeunesse la place qu’elle mérite, une France résolue à conjuguer compétitivité et développement durable : tels seront, vous l’aurez compris, les déterminants de l’action de notre groupe politique dans les mois à venir.

Ces trois dernières années, la majorité présidentielle a mis toutes ses forces au service de la modernisation de notre pays. Je suis aujourd’hui convaincu qu’elle doit puiser dans chacune de ses sensibilités les moyens d’expliquer et de mettre en œuvre les réformes passées et à venir.

Mes chers collègues, le choix de la réforme et du mouvement n’est pas le plus simple. Il requiert courage, détermination, mais aussi sens des responsabilités.

Ce n’est pas le choix le plus simple mais c’est le choix le plus juste, car le dogmatisme n’est pas compatible avec ce que notre pays a de grand et de moderne. Nous ne préserverons ni notre modèle social ni notre rang international sans cette audace et ce courage qui nous animent depuis maintenant plus de trois ans. Nous en sommes, les uns et les autres, convaincus, sachez-le, monsieur le Premier ministre.

C’est donc avec la ferme conviction que nous nous tenons à un moment décisif pour l’avenir de notre pays que je renouvelle une fois encore l’adhésion des députés centristes à la politique du Président de la République et à celle de son Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vote en application
de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution

M. le président. Le Premier ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement, je vais mettre aux voix l’approbation de sa déclaration de politique générale.

Le vote se déroulera dans les salles voisines de la salle des séances.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il est ouvert pour une durée de quarante-cinq minutes. Il sera donc clos à dix-sept heures quarante-cinq.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin sur la déclaration de politique générale du Gouvernement.

M. Jean Mallot. Le suspense est intense !

M. le président.

Nombre de votants 555

Nombre de suffrages exprimés 552

Majorité absolue 277

L’Assemblée nationale a approuvé la déclaration de politique générale du Gouvernement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Christophe Lagarde.)

Présidence de Jean-Christophe Lagarde,
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2011

Discussion du texte de la commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (n° 2950).

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 comportait initialement soixante articles. Ayant adopté 49 articles additionnels et supprimé un article, l’Assemblée nationale a transmis au Sénat un texte de 108 articles. Le Sénat en a adopté 55 conformes, a maintenu une suppression conforme, a modifié 43 articles, en a supprimé dix et en a, à son tour, ajouté trente. Réunie le 18 novembre dernier à l’Assemblée nationale, notre commission mixte paritaire devait donc examiner les 83 articles restant en discussion, soit beaucoup plus que l’année passée.

À l’issue de ses travaux, elle est parvenue à élaborer un texte, dont il me revient de vous présenter maintenant les principaux apports.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux recettes, la première difficulté à résoudre portait sur l’article 10, instituant un nouveau prélèvement sur les rentes versées au titre des « retraites chapeau ». La CMP a trouvé un compromis entre le texte adopté par l’Assemblée nationale et celui du Sénat. Seront ainsi exonérées de cette taxe toutes les rentes inférieures à 400 euros ; celles inférieures à 600 euros seront taxées à un taux réduit. Nous disposerons, l’an prochain, d’un rapport que j’espère plus précis afin d’affiner éventuellement ces seuils. En attendant, je pense que l’objectif partagé par tous qui était de protéger les retraités les plus modestes est ainsi totalement atteint. Il est donc regrettable qu’à peine élaboré, cet équilibre soit aujourd’hui remis en cause dans le cadre du projet de loi de finances, à l’initiative de la commission des finances du Sénat. J’espère, madame la secrétaire d’État, que les engagements pris par l’Assemblée seront respectés par le Gouvernement et que la CMP reviendra sur ce point.

M. Jean Mallot. Que fait M. Copé ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. À l’article 11 relatif aux contributions patronales et salariales sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions, la CMP a également trouvé un bon compromis, répondant à la fois au souci de ne pas établir de distinction entre stock-options et attributions gratuites et à la nécessité de prendre en compte les plus petites attributions gratuites ; cette question avait été soulevée lors de la discussion dans notre assemblée. En conséquence, le texte qui vous est proposé maintient la hausse de ces contributions, sauf pour les attributions gratuites d’actions inférieures à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale, soit 17 676 euros.

M. Gérard Bapt. Il n’y a pas de petits bénéfices !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Pour ce qui est des gratifications reçues de tierces personnes dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle prévue à l’article 16, la CMP a maintenu l’apport du Sénat, qui permettait de rassurer certaines professions, notamment les membres des compagnies aériennes, quant à la portée de ce dispositif, tout en réintroduisant l’assujettissement des avantages en nature, faute de quoi l’article n’aurait plus guère eu de sens.

En ce qui concerne l’article 20, qui tend à recentrer diverses aides fiscales au développement des médicaments orphelins sur ceux qui en ont le plus besoin, la commission mixte paritaire a choisi d’en rester au texte du Sénat, qui constitue un compromis équilibré, certes moins souple que celui de l’Assemblée, mais dont la constitutionnalité est plus certaine. Ainsi, ces aides seront réservées aux médicaments dont le chiffre d’affaires n’excède par 30 millions d’euros. Je tiens à souligner ici que, contrairement à ce que l’on a parfois voulu insinuer, la réduction de cette niche ne compromet en aucun cas la prise en charge des patients atteints de maladies rares. La plupart des médicaments non orphelins ont un chiffre d’affaires inférieur à 30 millions d’euros sur le marché français, alors que certains orphelins, comme le Glivec, ont un volume de vente qui dépasse 150 millions d’euros par an. À ce stade, on est plus près du blockbuster que de l’orphelin à proprement parler !

Enfin, moyennant quelques coordinations ou précisions rédactionnelles, la CMP a retenu la rédaction du Sénat pour les dispositions relatives à la reprise de dette, au forfait social, au régime social des indemnités de rupture et à l’assujettissement de l’activité de loueur de chambres d’hôtes.

Pour ce qui est des dépenses, et tout d’abord de celles de l’assurance maladie, la commission mixte paritaire a adopté l’article 34 dans la rédaction du Sénat, qui a souhaité rendre systématique la publication par le comité d’alerte d’un avis sur la construction de l’ONDAM « n + 1 ». Elle a également adopté l’article 39 dans le texte du Sénat, qui revenait sur certaines modifications de la procédure d’indemnisation des contaminations transfusionnelles par le virus de l’hépatite C, introduites à l’Assemblée par amendement du Gouvernement. Cette procédure sera ainsi stabilisée, ce qui permettra d’en faire un bilan plus solide avant de procéder à d’éventuelles modifications de son cadre légal.

La commission a, par ailleurs, adopté certains articles additionnels insérés par le Sénat, tels que l’article 35 bis, qui prévoit l’entrée en vigueur du site Internet ameli-direct avant le 1er juillet 2011, et l’article 36 bis B, qui garantit que l’emploi de dispositifs médicaux innovants inscrits sur la « liste en sus » se fasse sans surcoût pour les patients.

À mon initiative, la CMP a complété l’article 36 bis A, qui prévoit la possibilité d’intégrer un dispositif de rémunération à la performance dans la convention médicale – il s’agit des contrats d’amélioration des pratiques individuelles – et dans l’accord-cadre des centres de santé, par un dispositif qui veille à en garantir une évaluation économique précise. En effet, si je suis tout à fait favorable à la rémunération à la performance, je crois néanmoins qu’il faut se prémunir contre les possibles effets d’aubaine en la matière. Aujourd’hui, déjà, on a du mal à obtenir une évaluation précise des économies permises par le contrat d’amélioration des pratiques individuelles. Le bilan coût-avantages du CAPI est en effet difficile à établir. Il ne faudrait pas qu’en le généralisant, on l’affadisse et que les objectifs fixés aux médecins soient moins ambitieux. C’est pourquoi nous souhaitons disposer d’un bilan économique annuel des dispositifs de rémunération à la performance.

À l’initiative de notre collègue Guy Lefrand, la CMP a supprimé l’article 39 bis A, qui prévoyait d’expérimenter des pôles sectoriels d’imagerie médicale complets, afin de renforcer le maillage radiologique du territoire. Nous adhérons tout à fait à cette idée, mais elle nous a semblé constituer un cavalier social.

Par ailleurs, la CMP a rétabli deux dispositions du texte de l’Assemblée que le Sénat avait supprimées de façon contestable. La première, rétablie à mon initiative à l’article 36 sexies, concerne les « quasi génériques », c’est-à-dire les médicaments qui, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, peuvent être substitués à des spécialités princeps sans toutefois présenter exactement la même forme ; il peut s’agir, par exemple, d’une gélule au lieu d’un comprimé. Nous proposons un prolongement de cette loi, qui avait institué le régime des « quasi-génériques » pour contrer les stratégies de contournement de certains laboratoires. Il s’agit de permettre aux laboratoires de consentir aux pharmaciens des remises supplémentaires pour ces médicaments, à l’instar de ce qui existe pour les génériques stricto sensu. Cette disposition, qui permettra à l’assurance maladie de réaliser une économie de l’ordre de 130 millions d’euros, est naturellement bien accueillie par les pharmaciens.

La seconde mesure, rétablie à l’initiative conjointe des rapporteurs pour l’Assemblée et le Sénat, tend à étendre aux dispositifs médicaux certaines règles de régulation des dépenses applicables aux médicaments ; il s’agit de l’article 36 octies. Elle avait été introduite dans le texte par l’Assemblée, à l’initiative de notre collègue Valérie Boyer.

S’agissant de l’article 40, relatif aux maisons de naissance,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. …le débat a été long et riche dans nos deux assemblées. Il était nécessaire, car il n’est pas question de revenir sur l’effort accompli depuis des années, à travers les plans périnatalité, pour réduire la mortalité périnatale et maternelle. La sécurité des femmes et des enfants doit être notre première préoccupation. Mais nous ne pouvions ignorer la demande réelle de nombreuses femmes, qui veulent accoucher dans un environnement moins médicalisé. Nous avons donc complété le texte pour parvenir à un équilibre satisfaisant. Ainsi, l’expérimentation des maisons de naissance, qui débutera en septembre 2011, sera réalisée en conformité avec un cahier des charges fixé par la Haute autorité de santé. Les maisons devront être attenantes à une structure autorisée à l’activité de gynécologie obstétrique, avec laquelle elles devront obligatoirement passer une convention. Ainsi, toutes les femmes pourront être transférées rapidement en cas d’urgence. Enfin, il est hors de question que ces maisons se substituent aux maternités existantes. Nous avons donc précisé que leur activité serait comptabilisée avec celle de l’établissement hospitalier attenant.

Je me félicite que la CMP ait décidé, à l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Door et à la mienne, la suppression de l’article 40 bis visant à autoriser les pharmacies à usage intérieur des hôpitaux à sous-traiter certaines de leurs tâches. En effet, il ne convenait pas de revenir sur le principe de l’unicité du circuit pharmaceutique au sein des hôpitaux. Or la sous-traitance de la distribution des médicaments aurait entraîné une rupture dans l’unicité de ce circuit et aurait exposé au risque de ne plus assurer une prise en charge médicamenteuse garantissant au patient sécurité et qualité. Je rappelle d’ailleurs que l’ensemble des pharmaciens hospitaliers et l’ordre national des pharmaciens demandaient la suppression de cette disposition.

En ce qui concerne l’article 41 bis, qui vise à instaurer un coefficient correcteur en faveur de certains établissements pour tenir compte des écarts de charges financières résultant d’obligations légales et réglementaires particulières en matière sociale et fiscale, j’ai décidé de retirer en CMP l’amendement de suppression que j’avais déposé. Certes, ces écarts indéniables nécessitent encore d’être objectivés, notamment en matière de fiscalité. Par ailleurs, la prise en compte de ces écarts de coûts pour les établissements privés à but non lucratif au moyen d’un coefficient correcteur risque d’ajouter encore de la complexité au dispositif, le rendant difficilement gérable. De plus, la création d’un coefficient ad hoc conduirait l’assurance maladie à assumer soit les décisions prises par les opérateurs privés dans le cadre d’une convention collective, soit les décisions adoptées par l’État dans le cadre de dispositions fiscales. Enfin, le risque inflationniste n’est pas négligeable, puisque les services du ministère ont chiffré ce surcoût à 100 millions d’euros si seuls les établissements privés à but non lucratif étaient concernés et à plus de 400 millions d’euros si tous les établissements privés étaient visés. Cela étant, si je suis bien conscient que le coefficient correcteur proposé sera difficilement applicable, le débat doit impérativement avoir lieu ici sur ce sujet récurrent, et je compte bien obtenir des engagements du Gouvernement à régler enfin le problème…

M. Dominique Tian. Cela fait déjà trois ans !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. …le cas échéant par une prise en compte de ces écarts dans le cadre de l’enveloppe AC des MIGAC.

M. Jean Mallot. Au moins !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Je suis confiant sur ce point.

La CMP a également entériné, sur ma proposition, la suppression de l’article 41 ter, qui fixait un objectif ambitieux de 10 % de GHM concernés chaque année par la convergence, dont la moitié devait être complètement rapprochée. Cette décision est sage, dans la mesure où la convergence ciblée n’est pas adaptée à toutes les situations et n’a de sens que pour les séjours dont les pratiques médicales et les modes de prise en charge sont suffisamment semblables pour qu’un rapprochement des tarifs soit envisageable.

À l’article 42 bis, la CMP est parvenue à un compromis qui améliore la rédaction du texte tout en supprimant la condition qui subordonne la conclusion d’un contrat d’amélioration de la qualité et de l’organisation des soins, prévue lorsque les dépenses de médicaments, remboursées sur l’enveloppe de ville mais prescrites par les médecins d’un établissement de santé connaissent une progression supérieure à un taux arrêté chaque année par l’État, au fait que ce dépassement doit découler du non-respect des obligations des médecins d’observer la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins, ainsi que des conditions de délivrance des médicaments en officine.

Je regrette que le III de l’article 45, relatif au montant de la participation des régimes obligatoires d’assurance maladie au financement de l’établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS, n’ait pu être rétabli en CMP.

M. Guy Lefrand. Nous aussi !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. En effet, la suppression de la dotation des régimes obligatoires à l’EPRUS impactera fortement son programme d’achat en 2011 et le conduira à abandonner une partie de ses opérations, pourtant d’importance majeure.

Si j’ai bien compris l’intention des sénateurs de garantir une information a priori du Parlement concernant la fixation du montant de la dotation nationale de financement des MIGAC, je regrette néanmoins que la CMP n’ait pas supprimé l’article 45 bis A, relatif à la fixation du montant de la dotation nationale de financement des MIGAC dès la loi de financement de la sécurité sociale, dans la mesure où cette disposition conduira à se passer d’une souplesse pourtant nécessaire.

La CMP a rétabli, à l’article 45 ter, le dispositif qui permettait enfin de créer un embryon de fonds régional d’intervention aux mains des ARS, en rendant fongibles les crédits régionaux du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et du fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS. Ce dispositif avait été adopté à l’initiative du président Méhaignerie et avec le soutien du Gouvernement, soucieux de donner du sens à la création des ARS.

Lors de la discussion de la loi HPST, et dans un rapport d’information sur les ARS, j’avais en effet souligné que la création des ARS ne prendrait tout son intérêt que si les agences disposaient de larges marges de manœuvre financières et organisationnelles.

M. Jean-Luc Préel. Une enveloppe régionale !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. À quoi bon avoir réuni, à l’échelon régional, le pilotage de la ville, de l’hôpital et du médico-social en une seule institution, si c’est pour que les financements restent cloisonnés et commandés directement depuis Paris ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. J’ai bientôt terminé, monsieur le président.

La CMP a donc rétabli ce dispositif, tout en conservant aussi celui que le Sénat avait adopté à sa place, et qui prévoit que les crédits déchus du FMESPP soient restitués à l’assurance maladie et ne viennent donc plus alimenter les réserves du fonds.

En ce qui concerne le secteur médico-social, je voudrais souligner l’avancée constituée par les modifications apportées par le Sénat à l’article 43 bis, qui permettent un financement pérenne des plans d’aide à l’investissement. Je pense que le débat lancé à l’Assemblée nationale sur ce sujet à l’initiative de notre collègue Bérengère Poletti a constitué une base solide pour cette avancée. En revanche, la CMP n’a pas retenu, à l’article 43 bis B, la proposition du Sénat de laisser les maisons de retraite publiques investir librement leur trésorerie, estimant que les garanties indispensables pour la sécurité des placements n’étaient pas réunies.

Pour ce qui est des dispositions relatives aux dépenses d’accidents du travail et de maladies professionnelles, j’approuve la suppression de l’article 49 A, sachant qu’un groupe de travail vient juste de se constituer au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail afin d’engager une réflexion sur le sujet très important du stress post-traumatique.

Concernant la branche famille, nous avons maintenu en CMP la suppression de l’article 55, qui prévoyait le versement de la PAJE à compter du mois suivant la naissance de l’enfant. Il nous a semblé, en effet, qu’il s’agissait là d’un signal négatif envoyé aux familles en période de crise, pour une faible économie.

M. Jean-Luc Préel. Tout à fait !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Par ailleurs, à l’article 55 ter, nous avons encadré la possibilité du versement des allocations familiales au département lorsqu’un enfant est placé. Cette possibilité existe déjà, nous l’aménageons pour en faire un dispositif juste et équilibré, qui permette aux services d’aide à l’enfance d’assurer leur mission sans léser les familles. Vous qui êtes nombreux ici à exercer des mandats locaux, vous connaissez les difficultés des départements sur ce sujet.

Je regrette que la CMP n’ait pu revenir sur le refus persistant du Sénat d’accepter, à l’article 59, la mise en place d’un fonds de performance de la sécurité sociale auquel je demeure favorable, car il convient d’encourager le développement d’actions transversales entre les branches.

Enfin, concernant la lutte contre les fraudes, nous avons établi, à l’article 66 bis, les bases d’une harmonisation nationale des pénalités appliquées aux établissements de santé. Ainsi, le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie devra donner un avis conforme avant l’application de toute sanction, ce qui devrait réduire les inégalités entre établissements.

M. Dominique Tian. Très bien !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. En conclusion, la commission mixte paritaire a abouti à un compromis tout à fait satisfaisant. Par conséquent, mes chers collègues, je vous demande d’adopter le texte qui nous est aujourd’hui soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Préel. Sans modifications !

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, vous connaissez l’enjeu décisif auquel nos finances publiques sont confrontées, notamment à cause de la crise.

M. Maxime Gremetz. Non ! Ne commencez pas comme ça !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Nous devons réduire notre déficit public en agissant sur la dépense, tout en évitant de provoquer un effet récessif.

M. Jean Mallot. C’est réussi !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. C’est une exigence absolue à court et moyen terme, qui concerne aussi bien l’État que les concours de ce dernier aux collectivités locales et les comptes sociaux. En matière de finances sociales, l’enjeu est d’assurer la pérennité de notre système de protection sociale, qui constitue un élément clé de la cohésion nationale, dont nous avons constaté le rôle d’amortisseur pendant la crise.

Pour réduire les déficits, le Gouvernement a choisi de réformer le système de retraites et de poursuivre la maîtrise des dépenses de la branche maladie, qui contribuent largement au déficit des comptes sociaux. Il a également décidé de financer la dette sociale sans augmentation d’impôts, et de trouver de nouvelles recettes en réduisant les niches sociales et en instaurant des prélèvements exceptionnels dans le cadre de la réforme des retraites.

Cette stratégie globale s’inscrit dans le cadre de plusieurs textes, examinés par le Parlement depuis le mois de septembre : la loi portant réforme des retraites, la loi organique relative à la gestion de la dette sociale, le PLFSS et le PLF ; elle trouve, en outre, sa traduction pluriannuelle chiffrée dans la loi de programmation des finances publiques 2011-2014.

Le PLFSS que vous examinez aujourd’hui repose sur trois grands axes. Premier axe, l’apport de nouvelles recettes, largement assises sur la réduction de niches sociales et fiscales ; deuxième axe, la maîtrise des dépenses ; troisième axe, la reprise par la CADES de 130 milliards d’euros de dette, dont 62 milliards d’euros au titre des déficits vieillesse des années 2011 à 2018, pendant la période de montée en charge de la réforme que vous avez votée il y a quelques semaines.

Le texte du PLFSS a largement évolué entre la version présentée en conseil des ministres le 13 octobre et le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

M. Jean Mallot. Pas tant que ça !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. D’une part, il a fallu prendre en compte les modifications de financement de la CADES, à la suite du compromis trouvé lors de l’examen du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. D’autre part, les parlementaires ont largement enrichi le texte d’origine, ce qui en fait l’un des textes les plus denses depuis que le PLFSS existe.

Je veux saluer la qualité du travail parlementaire qui a permis de faire évoluer le texte.

M. Maxime Gremetz. Pour mieux l’assassiner !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Je voudrais également saluer les rapporteurs ici présents – Mmes Poletti et Clergeau, MM. Bur, Door et Jacquat – pour leur implication et leur conviction.

À travers une présentation synthétique des trois grands axes que je viens de mentionner, je voudrais maintenant souligner les principales évolutions du texte. Pour ce qui est de l’apport de nouvelles recettes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 traduit, sur le plan des comptes sociaux, les engagements pris dans le cadre de la réforme des retraites. Le PLFSS comprend ainsi, en complément des mesures fiscales déjà prises dans le projet de loi de finances, les mesures de financement associées à cette réforme.

Il s’agit tout d’abord de la taxation des stock-options. Le Gouvernement se félicite du compromis qui a pu être trouvé en commission mixte paritaire sur la taxation des actions gratuites, notamment grâce à l’esprit de responsabilité d’Yves Bur. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Oh la la !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Elles ne subiront pas de hausse de prélèvement en dessous d’un seuil fixé à un demi-plafond de la sécurité sociale – soit environ 17 000 euros par an –, ce qui permettra d’encourager le développement de cet outil de gestion lorsqu’il s’adresse à de très larges catégories de salariés.

Il s’agit également de la taxation des « retraites chapeau ».

M. Maxime Gremetz. Ça rapporte combien ?

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Le compromis trouvé en CMP, avec un seuil d’exonération de 400 euros par mois et un taux réduit – de 7 % – entre 400 et 600 euros, est, là aussi, un bon compromis. Le Sénat a adopté la semaine dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, une disposition plus large. Le Gouvernement souhaite s’en tenir au compromis trouvé dans le PLFSS.

Enfin, il s’agit de l’annualisation des allégements généraux de cotisations sociales, pour un rendement de 2 milliards d’euros en 2011. Vous le savez, le rendement attendu de ces mesures sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse, qui prendra en charge une partie des dépenses de solidarité versées par les régimes de base au titre du minimum contributif.

Le PLFSS comporte également d’autres mesures de recettes, dont certaines ont évolué à l’issue de la CMP, comme l’a rappelé le rapporteur. En particulier, s’agissant des indemnités de rupture du contrat de travail, la CMP a abaissé le seuil d’exonération à trois plafonds de la sécurité sociale, en conservant la proposition du Gouvernement d’introduire une période transitoire en 2011. Le Gouvernement estime que le compromis trouvé constitue un équilibre satisfaisant.

En ce qui concerne la maîtrise des dépenses, afin de réduire les déficits, le Gouvernement a choisi de poursuivre la maîtrise des dépenses, notamment des dépenses de la branche maladie, qui contribuent largement au déficit des comptes sociaux.

M. Maxime Gremetz. En clair, il va encore y avoir des déremboursements !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. En 2010, ce sera la première fois, depuis sa création en 1997, que l’ONDAM voté par les parlementaires sera respecté, alors que le dépassement a toujours été de 1,5 milliard d’euros en moyenne chaque année !

M. Guy Lefrand. Très bien !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. La maîtrise de ces dépenses passera, dans les années à venir, par le respect d’un ONDAM à 2,9 % en 2011 et 2,8 % en 2012. Cette capacité à maîtriser la dépense ne se fait ni au détriment de l’accès aux soins pour tous…

M. Jean Mallot et Mme Anny Poursinoff. Bien sûr que si !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …ni au détriment de la qualité des soins offerts, ni au détriment de notre capacité à financer les évolutions technologiques, si importantes dans la sphère médicale. Bien au contraire, notre objectif est de faciliter, grâce aux économies que nous réalisons, l’accès de tous à la médecine de demain. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas vrai !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Dans les prochaines années, pour maîtriser les dépenses conformément à l’ONDAM, nous souhaitons mettre en œuvre les propositions du rapport de Raoul Briet : vous avez ainsi voté le renforcement du rôle du comité d’alerte. Afin de préserver les plus fragiles, vous avez aussi voté l’amélioration de l’accès à une couverture complémentaire, grâce à la hausse progressive du plafond de ressources pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

Dans le domaine de l’assurance maladie, vous avez contribué à améliorer le cadre législatif de maîtrise des dépenses à travers plusieurs amendements. Je pense en particulier aux incitations au développement des médicaments génériques ou à l’encadrement des modalités de délivrance des dispositifs médicaux. Vous avez aussi souhaité favoriser le développement des modes de prise en charge alternatifs à l’hospitalisation, au travers des futurs schémas régionaux que les agences régionales de santé vont élaborer.

Vous avez enfin donné des marges de manœuvre aux ARS grâce à la fongibilité des fonds régionaux, le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, qui sont à leur disposition – je sais que Pierre Méhaignerie y tient beaucoup.

S’agissant des maisons de naissance, je me réjouis qu’à la suite du débat, nous ayons pu trouver un équilibre satisfaisant pour l’expérimentation, équilibre entre le développement de ce nouveau mode de prise en charge…

M. Maxime Gremetz. Alors que vous fermez des maternités !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. …et les garanties sanitaires, en particulier le lien avec une structure autorisée à l’activité de gynécologie-obstétrique.

Dans le domaine des accidents du travail et des maladies professionnelles, les amendements ont permis, globalement, de conforter la clarification que nous proposions en faveur des victimes de l’amiante qui s’adressent au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA.

Concernant la branche famille, vous avez souhaité supprimer la modification de la date d’ouverture du droit à l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant.

M. Gérard Bapt. Heureusement que nous étions là !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Le Gouvernement a pris acte de cette suppression sur laquelle il ne reviendra pas.

M. Jean Mallot. Encore heureux ! Mme Morano en avait fait un drame !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Enfin, en matière de fraude, le Parlement a adopté, à l’initiative notamment d’Yves Bur, plusieurs amendements utiles pour clarifier les sanctions à l’égard des entreprises ayant recours au travail dissimulé, ou améliorer le droit de communication aux informations. Le Parlement a également amélioré les dispositifs de contrôle des hôpitaux et des professionnels de santé.

Je rappellerai en quelques mots le schéma général de reprise de dette, dont vous avez longuement discuté dans le cadre du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. La caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, sera chargée de reprendre 130 milliards d’euros de dette.

M. Jean Mallot. Eh oui !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. D’une part, un peu moins de 80 milliards d’euros de dette à venir d’ici à la fin de l’année 2011, ce qui soulagera la trésorerie de l’ACOSS ; d’autre part, les déficits que connaîtra la branche vieillesse jusqu’au retour à l’équilibre du système de retraite en 2018.

M. Jean Mallot. Vous contredisez les propos du Président de la République, la semaine dernière !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Pour cela, le Gouvernement a opté pour un schéma reposant sur trois piliers. Premièrement, une hausse des recettes de la CADES, représentant 3,2 milliards d’euros par an jusqu’en 2025. Cette somme doit permettre de reprendre l’équivalent des déficits structurels du régime général.

Deuxièmement, l’allongement modéré, de quatre années, de la durée de vie de la CADES, permettant de reprendre la dette de crise 2009-2010.

M. Jean-Luc Préel. Hélas !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Enfin, l’utilisation du Fonds de réserve des retraites pour amortir, dans la limite de 62 milliards d’euros, les déficits vieillesse du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse qui seront accumulés entre 2011, année de mise en œuvre de la réforme, et 2018, date à laquelle la réforme produira son plein effet en permettant le retour à l’équilibre du système de retraite.

Le FRR apportera à la CADES ses actifs mais aussi le prélèvement de 2 % sur les revenus du capital qui lui est affecté.

Le schéma de financement de la dette sociale est équilibré : d’une part, il n’impose pas aux générations futures le poids de la dette de nos contemporains ;…

M. Gérard Bapt. Bien sûr que si !

Mme Nora Berra, secrétaire d’État.… d’autre part, il accompagne la sortie de crise grâce à des prélèvements supplémentaires mesurés et ciblés.

La commission mixte paritaire a décidé de ne pas reprendre la dette 2009-2010 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Même si le Gouvernement estime que le schéma envisagé permettait de reprendre cette dette, qui représente 1,2 milliard d’euros, il a décidé de s’en tenir au compromis trouvé.

Par ailleurs, vous le savez, le schéma de financement a été modifié à la suite de l’examen du projet de loi organique. D’une part, 0,28 point de CSG est affecté à la CADES, et les recettes portant sur les assureurs – taxe sur les conventions d’assurance, taxe sur la réserve de capitalisation et prélèvements sociaux sur les compartiments euros des contrats d’assurance vie en unités de compte – sont affectés à la branche famille. D’autre part, le lien de compensation entre le panier de recettes fiscales et le montant des allégements généraux de cotisations sociales est rompu et l’excédent du panier, qui représentera 2 milliards d’euros en 2011, est attribué à la sécurité sociale. Le compromis trouvé en CMP affecte une fraction plus importante de cet excédent à la branche famille à compter de 2013. Le Gouvernement se réjouit que le débat parlementaire ait permis de faire avancer les choses et que les garanties qu’il a proposées aient ainsi été reconnues par la représentation nationale.

Pour conclure, je crois que nous disposons dorénavant d’un texte riche, équilibré et ambitieux. Mesdames, messieurs les députés, j’espère que vous confirmerez aujourd’hui votre soutien à la politique du Gouvernement en votant le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, ainsi que les amendements que j’aurai l’honneur de vous présenter dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean Mallot.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Monsieur Gremetz, je viens de la donner à M. Mallot, pour quinze minutes. Vous interviendrez après.

M. Maxime Gremetz. Je souhaite faire un rappel au règlement.

M. le président. Il fallait le demander avant que je ne donne la parole à un autre orateur. Vous le ferez ensuite.

M. Maxime Gremetz. Mme la secrétaire d’État vient de nous dire que le Gouvernement avait déposé des amendements. Où sont-ils ? Nous n’en avons pas eu connaissance !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, tel qu’il nous revient après les travaux de la commission mixte paritaire du 18 novembre dernier, a peu évolué par rapport au projet initial : 426,6 milliards d’euros de recettes et 449 milliards d’euros de dépenses pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. Soit, pour 2011, un déficit global de 22,4 milliards d’euros. Avec une tendance durable au déficit puisque vous annoncez moins 17,7 milliards pour 2014.

Aucune mesure sérieuse n’a donc été prise pour réduire véritablement les déficits de la sécurité sociale et pour la sauver de la faillite. Je rappelle à mes collègues de l’UMP que le « nouveau » Premier ministre vient de leur fixer pour objectif la réduction des déficits publics : c’est réussi !

M. Guy Lefrand. Vous refusez toutes les mesures d’économie que nous proposons !

M. Jean Mallot. Par branche, le mal est assez bien réparti : moins 11,3 milliards d’euros pour la maladie ; moins 2,7 milliards d’euros pour la famille ; moins 8,5 milliards d’euros pour l’assurance vieillesse. Avec pour cette dernière branche – la retraite par répartition – entre 8 et 9 milliards d’euros de déficit chaque année entre 2012 et 2014.

Heureusement que M. Sarkozy nous a dit mardi de la semaine dernière à la télévision que le régime de retraite par répartition sera « excédentaire jusqu’à 2020 » ! Il doit confondre les plus et les moins…

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement que le Gouvernement a proposé une réforme !

M. Jean Mallot. Encore ne voyons-nous pas apparaître le transfert de charges de l’assurance vieillesse sur l’UNEDIC qui approchera rapidement le milliard d’euros par an. En revanche, nous voyons apparaître le transfert sur la branche AT-MP par un relèvement du taux de cotisation destiné à financer la prise en charge de la « pénibilité » version Éric Woerth. J’observe au passage que la décision de l’entreprise Renault de financer des départs anticipés à 58 ans pour 3 000 salariés occupant les postes les plus pénibles montre bien que votre loi, mesdames et messieurs de l’UMP, ne règle pas la question de la prise en compte de la pénibilité.

Puisque nous en sommes à la rubrique « retraites », j’aurais volontiers interrogé M. Xavier Bertrand, remplaçant de M. Woerth. Mais il n’est pas au banc. Je demande donc à Mme Nora Berra, qui représente le Gouvernement, si elle a des estimations de ce que vont « gagner » les systèmes de retraite par capitalisation à la suite des amendements votés par l’UMP en faveur de l’épargne retraite dans la loi adoptée le mois dernier.

Je lui demande également, puisque M. Baroin n’a pas voulu me répondre sur ce point, comment le Gouvernement compte s’y prendre pour récupérer les excédents des régimes de retraite complémentaire – AGIRC et ARRCO – à la suite du report de deux ans des bornes d’âge. M. Woerth a toujours précisé que l’équilibre, visé à l’horizon 2018, serait « global », c’est-à-dire tous régimes sociaux confondus.

J’aurais souhaité demander à M. Bertrand ce qui l’a fait changer d’avis sur la retraite à 60 ans.

M. Guy Lefrand. Vous vous trompez de débat, nous en sommes au PLFSS !

M. Jean Mallot. Le 31 octobre 2008, dans cette même enceinte, M. Bertrand, alors ministre du travail, avait combattu en effet un amendement de MM. Bur et Tian qui visait à reporter l’âge légal de départ en retraite de 60 ans à 63,5 ans. Voici ce que M. Bertrand avait déclaré : « Monsieur Bur, si on repousse l’âge de départ à la retraite mais qu’on ne change pas les comportements en matière d’emploi des seniors afin de faire coïncider l’âge réel et l’âge légal de départ à la retraite, alors, c’est mathématique, on diminuera le montant des pensions ».

M. Maxime Gremetz. Eh oui !

M. Jean Mallot. Or rien dans la loi que vous venez de voter n’est de nature à faire évoluer réellement le taux d’emploi des seniors dont je rappelle qu’il est de moins de 40 %. C’est donc que les pensions vont baisser !

M. Guy Lefrand. Avec les propositions socialistes !

M. Jean Mallot. Mais, me direz-vous, pourquoi s’inquiéter puisque les déficits passés – la dette – et les déficits à venir – c’est une innovation – ont été transférés à la CADES ?

Il est vrai que, pour cela, on a prolongé la durée de vie de ladite CADES de quatre ans, jusqu’en 2025 – merci pour les générations à venir ! –, qu’on a détourné des ressources de CSG qui vont faire défaut à la branche famille, et qu’on a siphonné le fonds de réserve des retraites constitué par Lionel Jospin en 1999. Comment ferons-nous, nous et nos enfants, en 2020 pour affronter la charge de la « bosse démographique », la retraite des papy boomers ?

Tout cela est bien clair : vous avez mangé les réserves et passé le bébé à nos descendants.

M. Guy Lefrand. Et si vous en veniez au PLFSS ?

M. Jean Mallot. Mais vous n’êtes pas tirés d’affaire pour autant : si l’on regarde vos tableaux de financement entre 2011 et 2014, pour ne parler que de cette période-là et en dehors de la vieillesse, les seules branches maladie et famille auront accumulé un déficit total entre 45 et 50 milliards d’euros. Comment prévoyez-vous de le financer ? Vous n’avez toujours pas répondu à cette question.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision sur la loi organique relative à la dette sociale, vous interdit d’aller chercher à nouveau de la CSG et vous fait obligation d’augmenter la CRDS : voilà ce qui nous attend ! Qui peut croire à vos promesses de ne pas augmenter les prélèvements ? Sur ce point, ce PLFSS présente une fragilité constitutionnelle.

La seule « amélioration » par rapport à 2010, c’est la réduction du déficit global d’environ 2,4 milliards d’euros, qui correspond au produit d’un amendement que nous avions proposé en vain l’an dernier et que vous avez repris dans votre texte cette année, à savoir l’annualisation du mode de calcul des exonérations de cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC.

Pourtant, cette année nous avons fait à nouveau des propositions pour trouver des recettes nouvelles ; elles ont toutes été rejetées. Vous ne voulez pas vous attaquer réellement aux « niches sociales » que ce soit pour revenir sur certaines exonérations ou pour porter certains prélèvements au taux de droit commun, quelles que soient la source et la nature du revenu, par exemple sur les stock-options, sur l’intéressement ou la participation...

M. Gérard Bapt. Voilà de vraies propositions !

M. Jean Mallot. Je rappelle que la seule compensation par l’État de l’exonération de cotisations des heures supplémentaires instituée par la loi TEPA, à l’été 2007, coûte 3,2 milliards d’euros chaque année. Et s’agissant des taux de prélèvements, vos propres études annexées au PLFSS indiquent que « la création d’un prélèvement spécifique sur ces éléments de rémunération n’a pas modifié le comportement des employeurs qui continuent à distribuer des stock-options à leurs salariés. L’augmentation des taux de ces prélèvements n’est pas de nature à remettre en cause ce constat ». Ou encore : « l’augmentation du forfait social ne serait pas de nature à porter atteinte au dynamisme des avantages consentis aux salariés ». Nous ne saurions mieux dire.

Pourtant, des ressources qui se comptent en milliards, il y en a. Mme Montchamp, avant de monter dans le train du remaniement,…

M. Gérard Bapt. Hélas pour elle !

M. Jean Mallot.… en avait trouvé : elle avait fait voter par la commission des finances une contribution additionnelle de 5 points supplémentaires sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, pour un rendement de 5,4 milliards d’euros. Il est vrai cependant que Mme Montchamp a retiré son amendement en séance et que celui-ci, repris par nous-mêmes, a été rejeté par l’UMP !

M. Maxime Gremetz. Quelle surprise !

M. Jean Mallot. Comprenne qui pourra !

Alors que les déficits se comptent en milliards, voire en dizaines de milliards, et que la majorité rejette les propositions de recettes qui seraient à la hauteur, le Gouvernement s’acharne à rechercher des économies qui se chiffrent, quant à elles, en millions d’euros.

Il fallait voir la secrétaire d’État à la famille, Mme Morano, taper du pied dans l’hémicycle pour gratter 64 petits millions d’euros sur le mode de versement de la prestation d’accueil du jeune enfant !

M. Jean-Luc Préel. C’est vrai ! Elle s’en est même prise au président de séance ! (Sourires.)

M. Jean Mallot. Je suis très modéré dans ma description, chers collègues, vous l’aurez remarqué ! (Nouveaux sourires.)

Venons-en plus particulièrement à l’assurance maladie. Le Gouvernement affirme qu’en 2010 l’ONDAM, aura été respecté. Son augmentation par rapport à 2009 avait été fixée à 3 %. L’inflation étant de l,5 % tout comme la croissance du PIB en volume, les dépenses d’assurance maladie remboursées par les régimes obligatoires auront donc évolué comme la richesse nationale.

Pour 2011, ce sera plus compliqué : avec une inflation de 1,5 % et une croissance du PIB en volume de 2 %, il sera très difficile de tenir une hausse de 2,9 % de l’ONDAM quand le PIB en valeur augmentera lui-même de 3,5 %.

Cela dit, vous affirmez que l’ONDAM a été respecté, mais encore faut-il préciser à quel prix : celui, d’abord, d’un gel de 500 millions d’euros en cours d’année, dont 400 millions touchant l’hôpital public ; surtout, 9 millions de Français se privent de soins par manque d’argent chaque année et 40 % reportent des soins ou y renoncent. Les dépenses de santé qui restent à leur charge ont augmenté de 50 % depuis une dizaine d’années. Le système est devenu plus inégalitaire.

Alors que le taux moyen de prise en charge des dépenses de soins est resté à peu près constant – 75,5 % en moyenne –, la part des affections de longue durée couvertes à 100 % a augmenté, de sorte que pour les autres patients, hors ALD – c’est-à-dire le plus grand nombre d’entre eux –, le taux de prise en charge est descendu au-dessous de 55 %. Telle est la réalité.

Des franchises aux déremboursements ; de la pénalisation pour non-respect du parcours de soins aux dépassements d’honoraires non maîtrisés ; du seuil plus élevé pour la prise en charge à 100 % à l’hôpital aux frais de transports sanitaires moins remboursés ; des forfaits hospitaliers plus chers à l’augmentation du ticket modérateur pour certains médicaments ou dispositifs médicaux, le reste à charge est devenu progressivement plus important.

Cela incite l’assuré à se reporter sur son assurance complémentaire. L’ennui, c’est que les cotisations aux mutuelles et assurances ne sont pas proportionnelles aux revenus et que tout le monde n’a pas les moyens de payer. Le système, je l’ai dit, devient donc plus inégalitaire et certains en sont exclus. L’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé n’est pas une réponse suffisante. Cette dérive nous écarte des principes fondateurs de la sécurité sociale.

M. Maxime Gremetz. C’est clair !

M. Jean Mallot. J’ajoute enfin que votre texte, madame la secrétaire d’État, ne prévoit rien pour remédier aux inégalités d’accès à la santé, notamment selon les territoires, alors que la situation s’aggrave et que les mesures décidées pour lutter contre les déserts médicaux apparaissent comme bien peu efficaces.

Rien non plus pour faire évoluer le mode de rémunération des médecins, ni même pour accompagner véritablement une aspiration au salariat que l’on constate parmi les plus jeunes d’entre eux, ni pour lutter contre les dépassements d’honoraires abusifs.

M. Jean-Luc Préel. Que proposez-vous ?

M. Jean Mallot. Nous avions présenté des amendements, mes chers collègues, mais vous les avez tous rejetés. C’est votre responsabilité.

M. Maxime Gremetz. Ils sont contre toutes nos propositions !

M. Jean-Luc Préel. Vous, vous êtes pour la coercition !

M. Maxime Gremetz. À la chaîne chez Renault, la coercition est quand même plus forte !

M. Jean Mallot. Rien non plus n’est fait pour développer la prévention : le long terme ne vous intéresse pas.

Rien, enfin, pour résoudre les problèmes de personnel dans les hôpitaux publics. L’actualité abonde en situations de ce genre.

Bref, au bout du compte, la liste est longue des insuffisances de votre projet ; les raisons sont nombreuses pour voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. Au titre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Lefrand. M. Mallot nous a fait du Mallot, comme d’habitude! (Sourires.)

Pendant le PLFSS, il nous a refait le débat sur la réforme des retraites et sur la CADES. Malheureusement, et comme souvent, il a un petit temps de retard. Je lui répondrai donc très rapidement, d’autant que Mme la secrétaire d’État a déjà parfaitement expliqué ce que contenait ce PLFSS.

Je pense notamment au strict respect de l’ONDAM pour 2010, avec 3 % d’augmentation. C’est la première fois depuis 1997 que l’on y parvient ; c’est donc une réelle réussite de cette politique maîtrisée. L’ONDAM, prévu à 2,9 % en 2011, est réaliste et responsable. Cela représente tout de même, mes chers collègues – je vous le rappelle – 4,7 milliards d’euros supplémentaires.

Nous avons donc, par l’intermédiaire de ce PLFSS, un objectif de réduction des déficits publics à 3 % du PIB en 2013, avec la suppression ou la réduction de niches fiscales et sociales à hauteur de 7 milliards d’euros – ce que M. Mallot ne peut, je pense, qu’approuver –,…

M. Maxime Gremetz. Qu’est-ce que ça représente ?

M. Guy Lefrand. …qui seront affectés au financement de la sécurité sociale pour 2011.

La réforme des retraites et le PLFSS, en agissant sur les dépenses et sur les recettes, vont permettre de réduire en 2011 un déficit tendanciel qui reste de l’ordre de 22 milliards d’euros, ce qui est encore trop important – nous y reviendrons dans la discussion générale – mais constitue une nette amélioration par rapport à 2010.

Je voudrais rappeler que, dans le cadre de ce PLFSS, nous améliorons la maîtrise des dépenses des soins de ville ; nous renforçons les gains d’efficience des établissements de santé ; nous faisons évoluer la prise en charge des patients atteints d’affections de longue durée ; nous prenons en compte les préconisations du rapport Briet sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie ; nous renforçons, pour les personnes les plus fragiles, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé en 2011.

M. Jean Mallot. Vous ne répondez à aucun de nos arguments !

M. Guy Lefrand. Nous maintenons notre engagement en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, mais aussi de la famille. À cet égard, M. Mallot a bien voulu rappeler les nombreuses discussions que nous avons eues ici avec le Gouvernement.

Nous assurons l’augmentation des recettes pour le financement des retraites. Nous allongeons le délai de prescription pour les victimes de l’amiante, ce qui, bizarrement, a été oublié ! Pour toutes ces raisons, monsieur le président, nous ne voterons pas cette motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Je lui rappelle que le temps de parole est de deux minutes.

M. Maxime Gremetz. Voyez à quoi le Parlement est réduit, monsieur le président !

M. le président. C’est le règlement, monsieur Gremetz.

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous estimons pour notre part que cette motion, présentée par M. Mallot avec son brio habituel – contrairement à ce que vient de sous-entendre M. Lefrand –, est parfaitement fondée.

En effet, en dehors même de la persistance d’un déficit que vous annoncez jusqu’en 2014 à des niveaux moyens annuels proches de 20 milliards d’euros, aucun des réels problèmes de la crise sanitaire que notre pays traverse n’est abordé.

Nous avons assisté, au contraire, dans les semaines qui ont précédé la discussion de ce PLFSS au Parlement, à des reculs importants par rapport à la loi HPST,…

M. Maxime Gremetz. C’est vrai !

M. Gérard Bapt. …que vous-même, monsieur Préel, avez votée, concernant l’énorme problème, et qui s’aggrave, de la démographie médicale et des déserts médicaux. Les chiffres qui viennent d’être fournis par le conseil national de l’Ordre des médecins révèlent que le nombre de jeunes généralistes s’installant à la sortie de leurs études ne cesse de s’effondrer : il n’y en a plus désormais qu’un sur dix, ce qui montre que le phénomène ne peut que s’aggraver.

Vous aviez voté des dispositions – parfois contestables, d’ailleurs – comme le contrat solidarité ou la permanence des soins, qui concerne la façon dont les médecins seront astreints à déclarer leurs vacances.

M. Maxime Gremetz. Ça ne marche pas !

M. Gérard Bapt. Et puis, sous la pression, la précédente ministre, Mme Bachelot, a reculé. Voilà donc des dispositions que vous avez votées et qui ne seront pas appliquées, alors qu’elles étaient les seules – même si, sur le fond, nous avions exprimé des réserves – à prendre véritablement en considération les problèmes des gardes, des urgences, de la médecine de premier recours et celui de l’exercice dans les déserts médicaux.

En ce qui concerne le budget 2010 et la régulation qui s’opère désormais sur le montant des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, nous assistions hier, M. Préel et moi-même, à une réunion au cours de laquelle le directeur d’un centre de lutte contre le cancer nous a expliqué qu’il rencontrait dès cette année des difficultés, car on lui supprime plus d’un million d’euros au titre des MIGAC. Pourtant, ce sont des actions contractualisées correspondant à des missions d’intérêt général !

M. le président. Monsieur Bapt, veuillez conclure.

M. Gérard Bapt. Voilà encore un recul par lequel le Parlement est déjugé.

Enfin, reste le problème des inégalités sociales. Dans Le Monde de ce soir, on trouve encore confirmation du fait que le reste à charge ne cesse d’augmenter et de peser sur les foyers les plus modestes et sur les assurés les plus astreints aux soins.

Cette inégalité devant la santé est aussi inscrite dans ce PLFSS, qui ne répond absolument pas, contrairement à ce que vient de dire la secrétaire d’État, à ce problème. Voilà pourquoi nous voterons la motion excellemment présentée par M. Jean Mallot. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui dispose, lui aussi, de deux minutes. C’est un exercice auquel chacun doit s’habituer !

M. Maxime Gremetz. Monsieur le président, on voit que vous êtes un jeune président…

M. le président. Monsieur Gremetz, cela vous oblige simplement à condenser votre pensée, même si vous êtes un député aguerri !

M. Maxime Gremetz. Vous vous montrez impérieux, alors que, quand vous êtes à notre place, vous dépassez souvent la limite !

M. le président. Je vous demande de ne pas mettre en cause la présidence. C’est une habitude de votre part, mais ce n’est pas pour autant la règle dans cette assemblée ! Par ailleurs, cher collègue, vous perdez du temps : vous avez déjà laissé passer vingt secondes.

M. Maxime Gremetz. Nous voterons cette motion de rejet préalable, pour plusieurs raisons.

La première tient à l’état sanitaire réel du pays. Je suis dans une région, la Picardie, qui est la première en termes de mortalité infantile. Nous sommes aussi une des dernières régions du point de vue de la présence des médecins. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Si cela vous fait rire, il faut le dire ! Il y a également l’étude du Secours catholique sur la pauvreté et sur les millions de gens qui ne peuvent pas se soigner aujourd’hui. Si vous ne l’avez pas lue, je vous conseille de le faire !

Je rappelle quand même que, dans un pays riche comme le nôtre, il y a 8 millions de pauvres. Voilà la réalité ! Et qu’est-ce que vous faites ? Est-ce que vous vous en prenez à ceux qui sont exonérés de cotisations patronales pour 36 milliards, milliards qui devraient revenir à la sécurité sociale ? Le président Séguin avait dit – vous vous en souvenez – que c’était une bénédiction, un effet d’aubaine qui ne créait pas un seul emploi dans les grandes sociétés qui licencient. Vous avez même refusé de taxer les stock-options – ou alors si peu.

Cela veut dire que vous refusez d’aborder la question du financement de la santé, alors même que vous avez décidé l’augmentation du forfait hospitalier et les déremboursements et alors que les profits des trusts pharmaceutiques sont tout à fait considérables !

C’est bien, pour la santé comme pour l’ensemble de votre politique, un choix de classe : rien pour les plus déshérités, les plus pauvres, les gens qui produisent des valeurs ; tout pour ceux qui continuent à se régaler. On a vu les résultats des entreprises classées au CAC 40 : 83 milliards de profits ! Ce n’est pas moi qui le dis : c’est tout à fait officiel.

C’est pourquoi nous voterons cette motion de rejet préalable. Vous ne retenez aucune des propositions qui permettent de lutter réellement contre le déficit de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean-Luc Préel. Je ne dirai que quelques mots, car j’aurai l’occasion dans quelques minutes de donner, au nom du groupe Nouveau Centre, mon appréciation sur la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2011.

Jean Mallot a défendu la motion de rejet préalable avec – je dois le reconnaître – un certain brio…

M. Gérard Bapt. Ah ! Quand même ! Vous êtes plus objectif que M. Lefrand !

M. Jean-Luc Préel. Il faut le reconnaître : quelquefois on s’ennuie, mais avec lui c’est rarement le cas ! (Sourires.)

Tous ses arguments, d’ailleurs, ne sont pas nuls et ne méritent pas d’être mis à la poubelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Cependant, je n’ai entendu aucune proposition concrète. Qu’arriverait-il donc si cette loi n’était pas votée ? Elle prévoit en effet quelque 470 milliards d’euros pour financer les retraites de base, l’assurance maladie et la politique familiale.

Ces milliards sont très attendus par les Français. Il me paraît donc nécessaire de voter contre cette motion, pour que la loi de financement devienne effective, soit publiée et permette de financer notre protection sociale pour 2011.

M. Jean Mallot. Il y a encore un mois avant le 31 décembre !

(M. Jean-Pierre Balligand remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand,
vice-président

M. le président. Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, c’est avec regret, car j’en mesure bien les conséquences pour les familles, que je dois une nouvelle fois déplorer la pauvreté des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche famille. Nous l’avons constaté tout au long de l’examen du PLFSS pour 2011.

La dégradation financière de la branche famille atteint un niveau historique : 3,2 milliards d’euros de déficit en 2011. C’est d’autant plus inquiétant qu’elle est, en temps normal, la seule à dégager structurellement des excédents, du fait de la composition de son financement. Et tout n’est pas imputable aux effets de la crise.

Par ailleurs, le gouvernement pénalise encore cette branche en la privant en 2011 de 0,28 point de CSG au profit de la CADES, ce qui représentera une perte de 200 millions d’euros en 2012 et d’un milliard en 2013. Dans ces conditions, elle ne retrouvera pas l’équilibre avant 2020.

Alors que les besoins vont croissant, la branche famille ne peut pas engager une réforme des prestations sans revenir sur les prestations existantes. C’est inquiétant.

Je déplore l’absence de véritable politique familiale. Qu’il s’agisse de la garde d’enfants, de la solidarité vis-à-vis des familles en difficulté, de la prise en compte des familles monoparentales ou de la conciliation des vies familiale et professionnelle, il ne semble pas y avoir de réelle volonté politique. J’en veux d’ailleurs pour preuve la disparition, hautement symbolique, du secrétariat d’État à la famille.

Pourtant, les besoins et les attentes des familles sont bien réels. Prenons un exemple qui me tient à cœur : la garde des jeunes enfants. Qu’est devenu le « droit opposable » cher au Président de la République ?

En 2009, je me permets de le rappeler, le Président de la République s’était engagé à créer 200 000 offres de garde supplémentaires d’ici à 2012. Nous en sommes loin ; le taux de couverture des besoins est en stagnation et trop de besoins ne sont toujours pas couverts.

Le nombre de places offertes pour 100 enfants est passé de 48,3 au 1er janvier 2007 à 48 au 1er janvier 2008 et à 47,4 au 1er janvier 2009. Il y a donc, on le voit bien, un besoin quantitatif indéniable.

Mais les parents expriment aussi un besoin qualitatif : il est nécessaire de trouver des solutions innovantes pour ceux, de plus en plus nombreux, qui ont des horaires atypiques, et dont les besoins, aujourd’hui, ne sont pas pris en compte.

Alors que nous sommes cette semaine en plein congrès des maires à Paris, comment ne pas évoquer la réduction de la capacité d’investissement des collectivités locales du fait de leurs difficultés financières – dues en grande partie au désengagement de l’État et aux transferts de nouvelles charges non totalement compensées ?

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Guy Lefrand. Ça n’a rien à voir !

Mme Marie-Françoise Clergeau. C’est la réalité.

En 2009 et 2010 déjà, les crédits du Fonds national d’action sociale n’ont pas été consommés en totalité, faute de projets d’investissement suffisants. Il est à craindre que ce retrait pèse sur la création de places d’accueil collectif dans les années à venir. La branche famille doit impérativement rester aux côtés des collectivités et garantir un soutien financier important.

M. Guy Lefrand. Il l’est déjà !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Pour ce faire, je réitère mes propositions de chantiers prioritaires : améliorer le pilotage de l’offre de garde au niveau local, en donnant plus de responsabilités aux communes ; améliorer l’attractivité des métiers de la petite enfance, sur la base du bilan du plan lancé en 2008 par le ministère ; donner la priorité à la création de places d’accueil collectif, en renforçant le soutien apporté aux communes ; développer les expérimentations et les plans répondant aux besoins spécifiques de certains territoires, sur le modèle du plan crèche « Espoir banlieues » ; enfin, trancher la question de l’accueil des enfants à l’école maternelle.

Cette dernière question est importante, vous le savez tous. En effet, en supprimant 15 000 places chaque année dans les écoles maternelles, l’État ne permet plus la scolarisation avant trois ans.

M. Guy Lefrand. C’est très bien comme cela : trois ans, c’est un très bon âge.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Les parents se retournent donc vers les communes, qui font face à des demandes croissantes de garde collective. Même les communes les plus volontaristes sont mises en difficulté par le Gouvernement.

Par ailleurs, je regrette la suppression du principe de rétroactivité du versement des aides au logement. Alors que la rétroactivité était possible sur une durée de trois mois, elle ne sera dorénavant appliquée qu’au premier jour du mois de dépôt de la demande. Cela va indéniablement pénaliser les ménages modestes.

M. Gérard Bapt. Mme Bettencourt n’est pas concernée, c’est certain ! (Sourires.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Les aides au logement bénéficient en majorité aux foyers modestes. Ce sont donc eux qui vont se trouver touchés de plein fouet par cette mesure, en pleine période de crise.

Cette mesure pénalisera financièrement deux types de publics parmi les plus modestes : les familles qui n’ont pas accès à l’information et les personnes dont la situation familiale ou professionnelle change brutalement.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement ne nous fera pas croire que ce sont les parlementaires qui écrivent la loi : je viens de découvrir que vous présentez un amendement de suppression d’une disposition introduite par le Sénat et retenue par la commission mixte paritaire, visant à rétablir la rétroactivité des aides au logement pour certaines personnes, notamment celles qui sont logées dans des foyers de jeunes travailleurs, des unités de soins de longue durée ou des maisons de retraite. La CMP regroupe des députés et des sénateurs qui sont élus pour voter des lois, mais vous vous permettez de demander la suppression de cet article ! C’est extrêmement regrettable. Quel est aujourd’hui le rôle que jouent les parlementaires ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce projet de financement de la sécurité sociale pour 2011, et plus particulièrement de la branche famille, se caractérise par le manque manifeste de préparation de l’avenir, par l’absence de réponse aux besoins, par le maintien d’un niveau élevé de déficit, par le choix de nouveaux déremboursements et par la baisse des prestations. Il fait peser sur les assurés la charge de la protection sociale et impose aux collectivités des coûts supplémentaires non compensés.

Tous ces éléments, mes chers collègues, justifient une réelle inquiétude sur un désengagement de la sécurité sociale.

Vous le comprenez, nous ne voterons pas ce budget pour 2011. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz, pour cinq minutes.

M. Maxime Gremetz. Décidément, on paye de plus en plus, on parle de moins en moins ! (Rires.)

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, des quatre ministres qui ont présidé à ce PLFSS, il n’en reste aujourd’hui plus qu’un seul. Cette hécatombe doit-elle être considérée comme une sanction ? Je l’ignore, et pourtant, ce texte, qui poursuit le démantèlement de la sécurité sociale solidaire, aurait pleinement justifié une sanction.

Parmi ces quatre ministères, l’un – celui de la famille – a disparu corps et biens, preuve s’il en est de l’estime dans laquelle la famille est tenue par ce gouvernement.

En matière de financement, ce PLFSS tient davantage de la plomberie que d’un projet d’ensemble : il se contente de transférer une partie des dettes de la sécurité sociale à la CADES, de siphonner divers fonds, dont celui de réserve des retraites, et de saupoudrer ici ou là le produit de quelques taxes.

Pour le reste, le texte issu de la CMP maintient le cap ; il est dans la continuité, comme l’a répété le Premier ministre François Fillon, qui a décliné les grandes lignes fixées par le grand chef, le Président de la République.

Ce PLFSS est un florilège de petites mesures « de poche », qui restreignent l’accès aux soins sans pour autant parvenir à assurer le financement de la sécurité sociale.

Mais le Gouvernement n’en a cure. Bien pis, sa politique s’inscrit dans un cadre plus général : les pouvoirs publics se désengagent de plus en plus du financement de la protection sociale – cette stratégie est imposée par le pacte de stabilité et de croissance, qui encadre les finances des pays de la zone euro, et notamment les dépenses de protection sociale.

Pour contenir artificiellement ces dépenses, l’objectif du gouvernement est d’en transférer une partie vers les assurances privées.

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Jean-Louis Bernard. Des assurances privées ? Quelle horreur !

M. Maxime Gremetz. Vous verrez bien. On peut déjà le voir, d’ailleurs.

C’est ainsi que votre réforme des retraites a planifié la diminution du montant des futures pensions et ouvert la porte, de facto, aux fonds de pensions et aux assurances privées. Dois-je vous rappeler que Guillaume Sarkozy, frère du président Nicolas Sarkozy, est très content de ce que vous mettez en place ? Il se frotte les mains ! Les assurances privées, quoi de mieux pour faire des profits ?

M. Denis Jacquat. C’est du délire !

M. Maxime Gremetz. De même, ce PLFSS, en entérinant l’augmentation des dépenses restant à la charge des malades, rend inévitable le recours aux assurances complémentaires.

La loi sur l’autonomie annoncée pour l’année prochaine pourrait entériner la création d’un cinquième risque. Nous avions nous-même proposé la création d’une cinquième branche, mais dans le cadre de la sécurité sociale !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Et vous voulez aussi un cinquième déficit ?

M. Maxime Gremetz. Vous, vous proposez de financer la dépendance par un recours quasi obligatoire aux assurances privées. C’est vers cela que vous avancez !

M. Denis Jacquat. Pour le moment, rien n’est encore proposé.

M. Maxime Gremetz. Vous verrez bien ! Vous penserez à moi, quand nous en discuterons ! (Sourires.)

C’est une bonne nouvelle pour les assureurs privés, pour les fonds de pensions, pour les grands groupes gestionnaires d’établissements de santé et de maisons de retraite : devant la mise en œuvre de cette politique, ils se frottent joyeusement les mains.

Selon l’OFCE, les besoins de financement des retraites devraient ainsi augmenter d’un point de PIB d’ici à 2060, et ceux de la santé de 1,6 point. L’État annonçant son refus de prendre en charge, de façon solidaire, cette augmentation, c’est une manne considérable qui va directement tomber dans l’escarcelle des intérêts privés.

On l’aura compris, qu’il s’agisse des retraites, de la santé ou de la dépendance, le principal souci du Gouvernement est de démanteler – je pèse mes mots – notre système solidaire de gestion des risques sociaux hérité du Conseil national de la Résistance, qui permettait de soustraire ces dépenses aux appétits spéculatifs du privé.

Nous refusons ce choix politique. Nous avons fait d’autres propositions, et le Premier ministre François Fillon a été obligé de le reconnaître…

M. le président. Merci de conclure.

M. Maxime Gremetz. Attendez, je viens à peine de dépasser mes cinq minutes ! Et j’ai été interrompu, monsieur le président.

M. le président. J’essaye de faire la police correctement, monsieur Gremetz. Il faut conclure.

M. Maxime Gremetz. Je conclus. Nous refusons également que ce choix soit imposé sans aucun débat public, car il faut que les citoyens puissent donner leur avis sur la protection sociale qu’ils souhaitent. Le Gouvernement ne doit pas l’imposer sans concertation et sans consultation, comme il l’a fait avec la réforme des retraites au mépris de 71 % des Françaises et des Français.

Pour toutes ces raisons, vous le comprenez, monsieur le président, nous voterons contre ce texte.

M. Guy Lefrand. Quelle déception !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour dix minutes.

M. Maxime Gremetz. Pourquoi a-t-il dix minutes ? Je n’en avais que cinq !

M. le président. Monsieur Gremetz, Mme Poursinoff, qui appartient au même groupe que vous, disposera également de cinq minutes.

Je vous demande, mes chers collègues, de respecter vos temps de parole si vous voulez finir ce texte avant le dîner. Je vous rappelle que nous devons ensuite examiner en deuxième lecture le projet de loi sur le nouveau marché de l’électricité, sur lequel quelque 80 amendements ont été déposés.

Monsieur Préel, vous avez la parole.

M. Jean-Luc Préel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici donc arrivés au terme de nos débats, puisqu’un accord a été facilement obtenu en CMP.

Malheureusement, le Gouvernement va nous proposer des amendements, ce qui rompt avec la tradition parlementaire – et ce qui fait suite à la seconde délibération demandée pour trente-neuf articles du projet de loi de finances. Ce n’est pas, me semble-t-il, un bon signal.

Nous allons donc nous prononcer dans quelques instants sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui comporte la somme considérable de 470 milliards d’euros pour financer les retraites du régime général et le fonds solidarité vieillesse, la politique familiale et les dépenses de santé remboursées par l’assurance maladie.

Cette année, le contexte est un peu particulier. La crise économique n’est pas terminée. Même si les prévisions de croissance, sans doute optimistes, sont meilleures, la crise pèse encore sur les recettes. Le texte prévoit d’ailleurs quelques recettes supplémentaires ? Concernant surtout les retraites chapeau, les stock-options, l’attribution d’actions gratuites, les avantages en nature. Je regrette cependant que l’initiative de notre collègue Yves Bur concernant l’industrie du tabac, responsable d’une forte morbidité très coûteuse pour l’assurance maladie et de 60 000 morts, n’ait pas été retenue. Nous proposions une recette, le Gouvernement n’en a pas voulu. Quel dommage !

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Vous avez raison.

M. Maxime Gremetz. Ça coûte toujours plus, mais les fumeurs achètent à l’étranger et on tue les buralistes !

M. Jean-Luc Préel. Le contexte est particulier car nous venons de réformer notre système de retraite et de financer la dette sociale. La réforme des retraites était indispensable en raison de données démographiques incontestables : le « papy-boom » et l’allongement de la durée de la vie. La réponse démographique est donc pertinente ; elle sera progressive. Le chemin vers l’équité a été entamé ; il devra être poursuivi. Le Nouveau Centre demande, avec insistance et persévérance, un régime universel à points ou à comptes notionnels et donc une extinction progressive des régimes spéciaux.

Les déficits de 2009 et 2010 et celui, prévisionnel, de 2011 ont été transférés à la CADES, ainsi que les déficits prévisionnels de la branche retraite d’ici à 2018. Ils sont donc en principe financés par le recours au Fonds de réserve pour les retraites, ce qui est logique et ce que le Nouveau Centre approuve. En revanche, nous désapprouvons la prolongation de la CADES de 2021 à 2025, qui aura pour conséquence de faire payer à nos enfants nos dépenses de 2010 et 2011.

M. Maxime Gremetz. Absolument !

M. Jean-Luc Préel. Chaque génération doit payer ses propres dépenses.

Nous désapprouvons également le transfert de 0,28 point de CSG ôté à la branche famille et sa compensation par des ressources non pérennes. La branche famille va se trouver fragilisée alors qu’elle est déjà déficitaire. De plus, il est tout à fait illogique de taxer les contrats dits solidaires qui doivent favoriser le parcours de soin et mettre en œuvre les bonnes pratiques. Il aurait été logique d’augmenter la CRDS modérément, ce qui n’aurait pas pesé sur le pouvoir d’achat.

Le déficit prévisionnel du FSV pour 2011 s’élève à 26,3 milliards d’euros. Il est financé mais, si nous ne voulons pas recréer des déficits transférés ensuite à la CADES, il est nécessaire – Yves Bur en sera sans doute d’accord – que la loi de financement pour 2012 soit votée en équilibre pour les branches famille et maladie.

Cette année, la branche famille n’est pas gâtée. Nous lui avons retiré un financement assuré pour le remplacer par un financement précaire. Un seul article concerne la branche famille. Il concerne l’aide personnalisée au logement et revient sur la rétroactivité de trois mois. Il ne s’agit pas d’un progrès. L’autre article, concernant la prestation d’accueil du jeune enfant, a été, malgré le souhait de Mme la ministre, heureusement supprimé.

Pour l’assurance maladie, l’ONDAM 2010 est en voie d’être respecté, même si l’on note un dépassement modeste de l’enveloppe hospitalière et des augmentations assez importantes des transports sanitaires et des soins infirmiers. Cependant, de nombreux établissements publics, mais aussi privés, connaissent de réelles difficultés, et le déficit serait de l’ordre de 700 millions. De plus, comme l’a signalé la Cour des comptes, des jeux d’écriture, concernant notamment des amortissements, permettraient de masquer une réalité très délicate et inquiétante pour l’avenir.

L’OMDAM 2011 est prévu en augmentation de 2,9 % seulement, soit une hausse modeste eu égard au vieillissement de la population, aux progrès technologiques et à la nécessité d’investir. Cela représente toutefois une augmentation de 4,7 milliards, ce qui n’est pas rien dans le contexte économique que nous connaissons.

M. Guy Lefrand. En effet !

M. Jean-Luc Préel. Cependant, l’évolution tendancielle est de l’ordre de 4 %.

Pour tenir cet ONDAM, qui ne sera d’ailleurs que de 2,8 % pour les établissements et la médecine de ville, il faudra trouver des économies de l’ordre de 2,4 milliards. Ces économies porteront notamment sur le médicament, les radiologues, les biologistes. Elles seront douloureuses. De plus, ces 2,8 % sont amputés d’emblée, puisque 530 millions sont mis en réserve et que les revalorisations des traitements des infirmières dans le cadre du LMD et de la consultation à 23 euros sont comprises dans ce montant.

Le comité d’alerte, qui interviendra en avril et en septembre, a vu son seuil abaissé à 0,50 %. Il risque de demander d’autres économies en cours d’année.

Il serait logique que toutes les décisions législatives et réglementaires entraînant des dépenses supplémentaires en cours d’année soient financées. Madame la secrétaire d’État, vous devriez y faire très attention.

Je voudrais à nouveau insister sur la nécessité de voter des objectifs régionaux. Nous avons créé les agences régionales de santé, dirigées par un responsable unique de la santé au niveau régional, mettant un terme à l’un des défauts majeurs de notre système de santé : la coupure entre la prévention et le soin, entre la ville et l’hôpital, entre le sanitaire et le médico-social. Il s’agit d’un réel progrès, même si je regrette que ce système très jacobin et centralisateur laisse peu de place à la démocratie sanitaire et à la responsabilité des acteurs. Mais nous maintenons des sous-objectifs, c’est-à-dire des enveloppes fléchées, ce qui contribue à faire perdurer les cloisonnements que la création des ARS devait justement supprimer. Il est temps de voter des enveloppes régionales, calculées à partir de critères objectifs – morbidité, mortalité, richesse, âge – et de laisser les directeurs des ARS, avec l’appui des conférences régionales, arbitrer en fonction des besoins. Nous y viendrons un jour. Mais quand ?

Notre volonté est de permettre l’égal accès de tous à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire, mais aussi à tarifs opposables.

Nous savons que nous pouvons gagner en efficience, et nous avons à cet égard des marges de progression importantes, en améliorant la formation initiale, la formation continue, l’évaluation des pratiques.

Mais nous avons à résoudre deux problèmes majeurs : celui de la démographie des professionnels et de leur répartition sur le territoire, celui des dépassements d’honoraires et du reste à charge pour le patient.

Une nouvelle convention devrait être négociée cette année. Elle devra tenter d’apporter des solutions. Le problème des dépassements d’honoraires serait moins aigu si la classification commune des actes médicaux clinique était mise en place, si la CCAM technique était revue régulièrement, et si la revalorisation des actes suivait le coût des charges sociales, fiscales et assurantielles.

Le secteur optionnel n’est pas la panacée, mais il apporte une solution. Il devrait cependant être étendu à l’ensemble des spécialités car les spécialités cliniques sont aujourd’hui, et de loin, les plus défavorisées.

Une évolution du mode des rémunérations est souhaitée par beaucoup, avec notamment une part forfaitaire et une part à la performance, ce que le programme d’évolution des pratiques, le CAPI, permet.

Nous avons trouvé en CMP un équilibre pour deux articles controversés concernant les médicaments orphelins et les maisons de naissance. Si l’expérimentation de ces dernières peut se concevoir, il est nécessaire de veiller à la sécurité pour la mère et l’enfant.

Plusieurs mesures concernant le financement vont se traduire par un transfert vers les assurances complémentaires, lesquelles augmenteront leurs cotisations ou le transfert vers le reste à charge.

Il en est ainsi de la diminution des remboursements des médicaments à vignette bleue de 35 % à 30 %. Sont-ils efficaces ou non ? Pour ma part, je souhaite un remboursement à la pathologie.

Il en est ainsi de l’augmentation de 90 à 120 euros du seuil pour les actes techniques pris en charge par l’assurance maladie.

Il en est ainsi de la limitation de l’utilisation des bandelettes glycémiques pour les diabétiques non insulinodépendants et des transports sanitaires pour les malades en affection de longue durée. Un meilleur contrôle de leur justification est nécessaire.

Les affections de longue durée pèsent lourdement sur les dépenses de santé et sur leur augmentation annuelle. Vouloir les contrôler est donc justifié. Revoir les critères d’entrée et de sortie peut se concevoir. En espérer des économies substantielles est illusoire. De plus, il peut être contreproductif de ne pas les prendre en compte. Il en est ainsi, madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur ce point, de l’hypertension artérielle non compliquée. Bien suivie, elle est peu coûteuse alors que, non traitée ou mal traitée, elle peut avoir des conséquences médicales graves et, donc, financièrement coûteuses. Les retirer de l’ALD me paraît un peu curieux.

Concernant les EHPAD, il est prévu de poursuivre l’expérimentation de l’intégration des médicaments dans le forfait soins. Si le rôle du pharmacien coordinateur est positif, l’intégration des médicaments a beaucoup d’effets indésirables : sélection des personnes, transfert à l’hôpital etc. Il serait sans doute souhaitable d’y mettre un terme.

J’espère, madame la secrétaire d’État, que les décrets concernant la PDA, la prescription des doses administrées, prévus depuis plus d’un an maintenant, vont bientôt sortir. Cela me paraît indispensable pour améliorer la sécurité de la dispensation des médicaments, surtout en établissement.

M. Gérard Bapt. On en a besoin en ville également !

M. Jean-Luc Préel. Dans ce contexte économique difficile et après le vote de la réforme des retraites et de la reprise de la dette sociale par la CADES, le Nouveau Centre demande qu’à l’avenir les lois de financement de la sécurité sociale soient votées en équilibre pour ne pas recréer des déficits. Si la retraite est financée jusqu’en 2018, il n’en est pas de même de la branche famille ni de l’assurance maladie.

Le présent texte permet de financer les dépenses de santé et de retraite et la politique familiale. Il comporte peu de mesures nouvelles. Le taux d’augmentation de l’ONDAM est très volontariste. La branche famille, déjà déficitaire, est fragilisée par le prélèvement d’une partie de la CSG transférée à la CADES. Il conviendrait qu’à l’avenir le Gouvernement respecte le Parlement…

M. Gérard Bapt. C’est un vœu pieux !

M. Jean-Luc Préel. …et qu’il ne revienne pas sur un accord survenu en CMP.

M. Maxime Gremetz. En effet.

M. Jean-Luc Préel. Présenter des amendements au texte de la CMP n’est pas un bon signal.

M. Gérard Bapt. Ça continue !

M. Jean Mallot. Votez contre, alors !

M. Jean-Luc Préel. Cependant, le Nouveau Centre votera le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Maxime Gremetz. Le texte n’est pas bon, mais vous le votez quand même !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la secrétaire d’État, je ne reviendrai pas sur les conclusions de la CMP, fort bien décrites par mon collègue Yves Bur.

Cette CMP a été dans l’ensemble consensuelle et a permis d’aboutir à un texte de compromis tout à fait équilibré.

M. Gérard Bapt. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Door. Rapporteur de la branche maladie du PLFSS, je me félicite, moi aussi, que l’ONDAM soit ambitieux et volontariste, surtout dans les circonstances économiques que nous connaissons, puisque, avec un ONDAM de 2,9 %, nous injectons 4,7 milliards d’euros dans la sphère des dépenses de santé, à parité entre l’hospitalisation, les soins de ville et le médico-social. Cette évolution n’était pas facile à envisager compte tenu du contexte, mais c’est ce que nous allons voter dans quelques instants.

M. Jean Mallot. Avec ou sans les amendements du Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Door. Madame la secrétaire d’État, quelques questions qui ont émaillé nos débats en CMP restent en suspens. Je souhaite les évoquer, car c’est le moment où jamais.

La question d’une tarification identique dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif a suscité un débat difficile, qui nous a opposés au Gouvernement. Un coefficient correcteur est évoqué depuis plusieurs années maintenant. Les réflexions sont anciennes ; elles datent de 2006 au moins. Des rapports ont été rendus, par l’Inspection générale des affaires sociales en 2007, par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé en 2010. Maintenant, il faut agir et nous engager plus en avant sur cette convergence intrasectorielle et compenser ainsi le différentiel de charges.

M. Jean Mallot. C’est la pire des choses !

M. Jean-Pierre Door. J’ai cru comprendre de vos propos tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que vous alliez répondre favorablement à cette demande et qu’enfin nous allions pouvoir avancer.

M. Maxime Gremetz. Ah ?

M. Jean-Pierre Door. L’autre problème qui me préoccupe beaucoup, et qui a été débattu en CMP, est celui de la responsabilité civile professionnelle des médecins.

Je sais que cette question est extérieure au PLFSS, mais je voudrais l’évoquer car, bien que nous en discutions chaque année, nous n’avons toujours pas trouvé de solution.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door. Le Gouvernement nous avait fait savoir ici même qu’il déposerait un amendement au Sénat. Cela m’avait amené à retirer, en séance comme en CMP, un amendement qui évoquait la suppression de l’action récursoire de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux contre les professionnels de santé pour éviter le risque de ruine de ces professionnels ou de leurs familles.

M. Guy Lefrand. Voilà !

M. Jean-Pierre Door. Rien n’a été fait au Sénat ni en CMP, et l’on m’a fait valoir que ma proposition constituait un cavalier législatif. Nous souhaitons cependant lancer, encore une fois, un signal d’appel.

Une mission a été confiée à Gilles Johanet, que j’ai rencontré dernièrement. Dans son excellent rapport, il préconise notamment la mutualisation du risque lourd – mais vers qui mutualiser et comment abonder ce nouveau fonds de mutualisation ? Il évoque également l’éventualité de la suppression de l’action récursoire de l’ONIAM.

Madame la secrétaire d’État, vous êtes médecin, vous connaissez le problème. Vous savez que l’obstétrique libérale peut disparaître, que les accouchements seront transférés du privé vers le public, engendrant d’importantes listes d’attente – cela inquiète d’ailleurs le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie – et que les jeunes étudiants ne s’orienteront plus vers ces spécialités à risques, chirurgicales, obstétricales, échographistes, et j’en passe.

Je voulais aborder de nouveau cette question aujourd’hui, parce que je veux que Xavier Bertrand, qui connaît bien ce sujet, puisse reprendre rapidement le dossier avec nous. Je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous lui transmettiez ce message.

Bien que le texte de la CMP ne traite pas ce sujet, nous le voterons, bien entendu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Maxime Gremetz. Vous aussi ?

M. Jean Mallot. Avec ou sans les amendements du Gouvernement ?

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Madame la secrétaire d’État, chers collègues, à l’heure où nous examinons le PLFSS 2011 avant son vote définitif, il faut que nous gardions à l’esprit que l’angoisse de ne pouvoir maintenir notre modèle social est aujourd’hui, à juste titre, au cœur des préoccupations des Français.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

Mme Martine Pinville. C’est d’ailleurs le sens des mobilisations massives que nous avons connues au cours des derniers mois. Nos concitoyens ne supportent plus le sort qu’on leur réserve sans discontinuer pour tenter de combler des déficits sociaux toujours plus importants.

Comment pourrait-il en être autrement ? Les pensions de retraite seront obtenues de plus en plus tardivement, la couverture maladie coûte de plus en plus cher aux familles, les franchises et déremboursements de tous ordres sont devenus insupportables pour beaucoup.

Chez nos concitoyens, la colère est immense lorsqu’ils constatent que les efforts qui leur sont demandés chaque année en tant qu’assurés sociaux n’aboutissent qu’à des économies marginales, notoirement insuffisantes pour remettre les comptes sociaux en équilibre.

Ce rétrécissement de la solidarité a jusqu’à présent été amorti par les mutuelles complémentaires. Or nos concitoyens, en raison des difficultés financières qui sont les leurs, sont de plus en plus nombreux à y renoncer : ils seraient aujourd’hui entre 7 % et 8 % à avoir renoncé totalement à souscrire à une mutuelle complémentaire.

Quant à ceux qui en bénéficient encore, ils subiront les conséquences des dispositions contenues dans ce PLFSS. Je pense en particulier à la taxation des contrats responsables, qui devrait se traduire, selon les organismes complémentaires eux-mêmes, par une hausse de 5 % à 10 %du montant des cotisations.

Tout cela conduit à augmenter considérablement la part à la charge des patients : elle est passée de 8,3 % en 2004 à 9,4 % en 2008, alors que, dans le même temps, la part remboursée par la sécurité sociale passait de 77,1 % à 75,5 %.

En conséquence, nos concitoyens sont déjà neuf millions à retarder des soins ou à y renoncer. Ils subissent également la désertification médicale, que vous avez renoncé à combattre, et des dépassements d’honoraires, qui connaissent une hausse régulière et ne sont que très peu remboursés, même par les complémentaires santé.

Dans le domaine de la santé, je ne peux non plus passer sous silence l’instauration de la franchise d’accès à l’aide médicale d’État, qui a été voté par les députés de votre majorité et dont on peine à croire qu’elle ait pu être imaginée dans le pays des droits de l’homme.

M. Jean Mallot. C’est vrai !

Mme Martine Pinville. Si la situation de la branche maladie est inquiétante, celle de la branche vieillesse n’est pas rassurante. Elle présente également un important déficit, puisque vous vous refusez à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir son financement à long terme ; et ce n’est pas la réforme des retraites que vous avez imposée qui y changera quoi que ce soit !

Vous réduisez en effet les dépenses au lieu d’accroître les recettes. Vous réduisez à la fois le montant des pensions et leur durée de versement, avec le passage de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ et de 65 à 67 ans de l’âge ouvrant droit à une retraite sans décote. Cette réforme est à la fois injuste, brutale et inefficace – puisqu’elle ne permet pas de garantir le retour à l’équilibre financier.

Les familles, quant à elles, ne sont guère mieux traitées. En effet, l’avenir de la politique familiale est désormais tributaire de la gestion de la dette sociale, à laquelle on a attribué des recettes pérennes de la branche famille, soit 0,28 point de CSG.

Le PLFSS pour 2009 avait déjà transféré à la branche famille le financement des majorations de pension pour les parents de trois enfants, et il est inadmissible qu’elle se voie une nouvelle fois confisquer ses recettes. De plus, ce sont les familles qui en ont le plus besoin qui subiront les effets de la suppression de la rétroactivité du versement des aides personnelles au logement : 240 millions d’euros économisés sur le compte des bénéficiaires. C’est un comble !

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas le PLFSS pour 2011.

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le budget de la sécurité sociale, qui a fait l’objet de nombreuses propositions de notre part, sans qu’aucune, en dehors des maisons de naissance, ait hélas été reprise, nous est de nouveau soumis, presque inchangé par la commission mixte paritaire. Je voudrais dire pourquoi nous ne pouvons pas partager les choix qui ont présidé à son élaboration.

Nous devrions pourtant être toutes et tous d’accord sur ce constat que l’on ne choisit pas d’être malade. On ne choisit pas non plus de vieillir en mauvaise santé ; on ne choisit pas de naître dans une famille pauvre ; on ne choisit pas de vivre avec le minimum vieillesse ou avec le RSA ; on ne choisit pas d’avoir un accident du travail, pas plus qu’on ne choisit d’être victime d’une maladie professionnelle.

Or, qu’avons-nous entendu tout au long des débats ? Que notre pays était « généreux », le plus « généreux » de l’Union européenne ! Il nous a même semblé que, sur les bancs de la droite, certains regrettaient cette « générosité », que le Gouvernement grignote d’ailleurs chaque année un peu plus, avec les franchises médicales ou le déremboursement des médicaments : la sécurité sociale ne couvre plus que 50 % des soins courants, ces soins qui évitent que la maladie s’aggrave.

Vous avez également diminué le personnel dans les hôpitaux et fermé des centres d’IVG, des hôpitaux de proximité et de petites maternités, parce que, dites-vous, il faut faire des économies. Pourquoi pas ? Mais de quelles économies parlez-vous ? De celles qui consistent à pénaliser les plus démunis en mettant fin à la rétroactivité de l’aide personnalisée au logement, en décalant le versement de la prestation d’accueil du jeune enfant – ce dont nous vous avons empêché –, en retirant l’accès aux soins aux personnes sans papiers ? Nous n’avons vraiment pas la même vision de la sécurité sociale !

La générosité : vous n’avez pas choisi ce mot par hasard ; il laisse entendre que l’on pourrait être moins généreux, demander des efforts aux pauvres, aux malades, aux accidentés. Nous, à gauche, nous, les écologistes, nous ne revendiquons pas la générosité, car elle peut être mise en cause. C’est d’ailleurs ce que vous faites pour, dites-vous, ne pas augmenter les charges, assurer la compétitivité, éviter que les fortunes ne s’expatrient et que les entreprises se délocalisent. Pourtant, vous n’avez rien empêché de tout cela : vous n’avez pas empêché la crise ; vous n’avez pas empêché que les jeunes souffrent de trouver ni travail ni logement ; vous n’avez pas empêché que 13 % de nos concitoyens vivent en dessous du seuil de pauvreté et renoncent à se soigner ; vous n’avez pas empêché non plus que certains hôpitaux manquent de personnel pour soigner les malades.

Ce qui fait la force de notre système de protection sociale, c’est qu’il est fondé, non sur la générosité, mais sur la solidarité. Oui, nous défendons la solidarité, celle qui prend en compte tous les aléas de la vie. Nous voulons le partage des richesses, pas son accaparement. Nous ne voulons pas d’inégalités toujours croissantes entre des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Oui, la solidarité oblige à élargir l’assiette des cotisations, à augmenter les contributions des plus riches, à taxer le capital et ses revenus, car c’est bien cela la solidarité.

Et, pour que cette solidarité prenne tout son sens, nous devons impérativement développer la prévention. Pour que l’accident n’arrive pas, pour que la maladie soit soignée à temps, pour que le stress et l’angoisse du lendemain soient évités. Permettre à chacune et à chacun d’avoir les moyens d’agir sur sa santé, c’est aussi initier une prévention efficace : par exemple, la mise en œuvre d’un plan national d’ergonomie participative permettrait d’améliorer les conditions de travail et d’éviter bien des maladies et des accidents professionnels.

Il est hypocrite de mettre en péril la santé de nos concitoyens en leur imposant des conditions de travail insupportables, pour regretter ensuite que la pollution, les horaires atypiques, le port de charges lourdes et le démantèlement des équipes de travail coûtent cher aux finances publiques. Il est hypocrite de laisser vivre des personnes dans des logements mal chauffés, mal insonorisés et insalubres, pour trouver ensuite que ces personnes coûtent cher en aides sociales. Il est hypocrite de faire croire à l’égalité entre les femmes et les hommes, pour pénaliser ensuite les femmes en leur offrant de moins bonnes carrières et de moins bonnes retraites. Il est hypocrite de prétendre aider les familles sans mettre en place un vrai service public de la petite enfance.

Tout aussi hypocrites sont les déclarations « généreuses » du Président de la République, qui dit vouloir consacrer 30 milliards d’euros au « cinquième risque » pour prendre en charge la dépendance de nos aînés. Il y a en effet urgence à créer une cinquième branche de la sécurité sociale, mais d’où viendront ces 30 milliards ? Et pour quoi faire ?

Nous voulons, nous, répondre aux besoins de l’ensemble des personnes en perte d’autonomie. Nous voulons que la solidarité prenne en charge leurs difficultés, qu’il s’agisse de compensations ou de services mis à leur disposition. Notre crainte reste entière quant à la discrimination des aides selon l’âge et à la privatisation de cette cinquième branche. La privatisation, c’est le contraire de la solidarité, et nous ne partageons décidément pas le même projet de société. La société que nous voulons, nous, est plus solidaire, plus juste, plus douce à toutes et a tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de cette figure de style imposée chaque année qu’est le PLFSS.

M. Jean Mallot. Une figure de style ? On aura tout entendu !

M. Guy Lefrand. Cette année encore, la sécurité sociale servira d’amortisseur social dans un contexte de crise économique et de difficultés budgétaires multiples.

La France est l’un des pays les plus solidaires mais aussi les plus généreux au monde, comme le rappelle souvent le président Méhaignerie. Cela assure à nos concitoyens un des plus hauts niveaux de protection sociale. Grâce à l’organisation générale de ce PLFSS et aux mesures prises, nous avons fait le choix de maintenir cette protection.

Évoluant en permanence entre deux écueils, la dérive budgétaire avec explosion des déficits, d’une part, et la baisse des protections sociales, d’autre part, nous avons réussi à limiter les dépenses inutiles, tout en augmentant les prélèvements acceptables, notamment sur les stock options ou les retraites chapeaux.

M. Maxime Gremetz. Il est charmant !

M. Guy Lefrand. Je voudrais insister sur les nombreux échanges que nous avons eus dans cette enceinte avec le Gouvernement ; ils ont permis à chacun d’exprimer ses attentes et ses idées. Nous avons, à l’issue de la CMP, élaboré en commun un texte consensuel, issu du projet du Gouvernement et largement amélioré par les députés.

Certains sujets ont donné lieu à des réflexions de fond : la place du médicament dans le traitement des maladies orphelines, la prise en charge des parturientes a priori sans risque avéré dans les maisons de naissance, ou encore la gestion de la politique familiale, avec le versement de la prestation d’accueil du jeune enfant, ou l’accompagnement des plus fragiles d’entre nous grâce à l’amélioration de la prise en charge des complémentaires santé.

Et je voudrais ici remercier le Gouvernement d’avoir su écouter et entendre les nombreuses remarques des élus que nous sommes, indispensables courroies de transmission entre l’exécutif et la population.

Mme Martine Pinville. Il ne nous a pas tous entendus !

M. Guy Lefrand. Je forme le vœu que cette écoute se développe encore et que les liens se resserrent toujours davantage entre le législatif et l’exécutif.

Le rapporteur, Yves Bur, a énuméré les dernières modifications intervenues à l’issue de la CMP, et je n’y reviens pas. Permettez-moi néanmoins de m’arrêter sur un aspect régulièrement évoqué par chacun au cours des débats, à savoir l’organisation même du financement de la sécurité sociale et sa nécessaire refonte.

Nous avons accepté, au nom de la protection due à nos concitoyens, un budget de la sécurité sociale déficitaire. Nous l’assumons, mais il ne nous reste plus guère aujourd’hui de marges de manœuvre pour l’augmentation des recettes, et encore moins pour la réduction des dépenses.

M. Jean Mallot. Vous les privatisez !

M. Guy Lefrand. Comme le déclarait ce matin le Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, devant la commission des affaires sociales, la société française est fragile, et le risque de fragmentation reste important. Si nous ne voulons pas développer, d’un côté, un racisme anti-impôts, et, de l’autre, une quête permanente du « toujours plus d’assistance », nous devrons rapidement engager une vaste réflexion sur la cohérence de notre politique sociale. C’est à ce prix que le sentiment d’injustice ne s’aggravera pas en France.

M. Jean Mallot et Mme Martine Pinville. Mais il ne s’agit pas d’assistance !

M. Guy Lefrand. Le Premier ministre François Fillon l’a rappelé lui-même tout à l’heure dans cet hémicycle : rigueur budgétaire et cohésion sociale sont les deux mamelles de la France en cette fin d’année 2010. C’est pourquoi, fidèles à nos convictions – vérité, courage et espoir –, nous voterons ce texte de financement de la Sécurité sociale, comme nous avons voté l’indispensable réforme du financement des retraites et comme nous voterons dans quelques mois la loi assurant la sécurité du financement de la dépendance pour nos anciens. Nous prenons nos responsabilités, nous les assumons et chacun ici devra faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce PLFSS n’a pas connu de réelles améliorations après son passage en CMP. Il accompagne la dégradation financière et sociale de notre système de protection sociale.

Cette dégradation n’est pas nouvelle, mais son rythme s’est fortement accéléré avec la crise, et beaucoup de spécialistes redoutent que le déficit ne se résorbe pas spontanément avec le retour à une conjoncture normale. Cette situation appelle donc des réformes de fond et non de simples ajustements que l’on additionne à mesure que l’on constate l’ampleur du déficit.

Or, face à cette crise, vous ne faites qu’accompagner la dégradation de notre système de protection sociale, puisque vous avez choisi de réduire les prestations aux assurés sociaux sans régler de manière pérenne la question de l’équilibre des comptes.

Nous ne pouvons partager cette orientation, dont mes collègues ont montré comment elle conduisait à creuser les inégalités. Il ne s’agit pas ici, monsieur Lefrand, de plaider pour plus d’assistance mais pour une véritable solidarité !

Mon propos se limitera à l’ONDAM médico-social. Pour l’année 2011, l’objectif des dépenses, pour les établissements et services aux personnes âgées et aux personnes handicapées, affiche un taux de progression de 3,8 % par rapport à 2010. Bien que ce taux soit supérieur au taux de l’ONDAM général, il faut rappeler qu’il est en baisse de deux points par rapport à la progression qui avait été fixée pour l’année 2010 sur le seul secteur médico-social. La réalité est donc qu’il y a une nette régression.

Par ailleurs, ce taux d’évolution est calculé sur une base minorée par rapport à ce qu’avait prévu la loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2010. En effet, afin d’atteindre votre objectif de maîtrise des dépenses d’assurance maladie, vous avez pris des mesures visant la compensation du dépassement prévisionnel de l’ONDAM 2010, estimé à 500 millions d’euros. C’est ainsi que vous avez décidé de mettre en réserve cette même somme, au sein de laquelle 100 millions concernent directement le secteur médico-social.

Cette mise en réserve a été justifiée par la sous-consommation des crédits pour l’année 2010. Or, cette justification se fonde sur une remontée erronée de l’information sur les besoins, puisqu’elle est faussée par la non-prise en compte des créations de places mises en attente faute de financement. Il y aurait donc lieu, déjà, de réévaluer en fin d’année les besoins réels dans ce secteur.

Pour l’année 2011, vous annoncez une nouvelle mise en réserve de 530 millions d’euros afin de faire face aux éventuels dépassements pour l’ensemble des dépenses d’assurance maladie programmées dans le cadre de l’ONDAM. Ce gel est annonciateur de nouvelles difficultés, notamment pour le financement des programmes de maintien et de création de places, et aussi s’agissant de l’augmentation de la masse salariale des établissements concernés, alors même que ces mesures nouvelles sont rendues nécessaires pour répondre aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens que vous avez introduits par la loi HPST. De telles orientations budgétaires entraîneront nécessairement une dégradation de la qualité de l’accueil des personnes âgées et des personnes handicapées, puisque les investissements indispensables à la modernisation des établissements ne pourront être honorés. De plus, ces structures n’auront d’autre choix, face à leurs difficultés croissantes, que de limiter la masse salariale au détriment de l’accompagnement des publics.

Il est impératif que nous soyons entendus et que l’on trouve d’autres solutions que celle du gel des crédits, qui ne peut être retenue pour ce secteur car il crée une incertitude qui dénature l’objet même de notre débat : vous nous demandez de voter des crédits qui ne pourront in fine être consommés.

De plus, l’évolution du taux de progression sur ce secteur doit être revue à la hauteur des enjeux.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons évidemment pas le PLFSS 2011. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Vitel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous allons dans quelques instants adopter le projet de loi de finances de la sécurité sociale pour 2011.

M. Jean Mallot. C’est à voir !

M. Philippe Vitel. Celui-ci a été largement discuté et amendé par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, et nous allons aujourd’hui débattre des derniers amendements qui nous sont proposés par le Gouvernement, après l’intéressant labeur qui a été le nôtre la semaine dernière en commission mixte paritaire, dont notre éminent collègue Yves Bur a fait un compte rendu très complet.

Je vous rappelle qu’il nous est proposé pour 2011 de nous prononcer sur une prévision de recettes de 426 milliards d’euros et sur une prévision de dépenses qui lui est supérieure de 22,7 milliards toutes branches sociales confondues. Les recettes augmentent de 4,2 % par rapport à 2010. L’ONDAM est fixé à 2,9 %, avec une progression quasiment identique de l’ONDAM « soins de ville » et de l’ONDAM « établissements de santé », ce que j’apprécie au plus haut point car cela démontre que le petit risque est autant considéré que le gros.

Ce PLFSS est bâti sur des hypothèses macroéconomiques autrement plus favorables qu’en 2010, et qui pourraient se révéler, en fin de compte, encore meilleures si la reprise que nous sentons depuis quelques mois se confirmait. Cette reprise permettrait alors à la France, dont les dirigeants ont parfaitement su gérer ces difficiles moments, d’être un des premiers pays occidentaux à en profiter.

Nous avons bien sûr longuement lors de l’examen de la loi organique, puis au cours de celui du PLFSS, discuter de la reprise de dette par la CADES et des conditions de son financement. Nous avons autorisé à prolonger jusqu’à 2025 la durée de vie de cette honorable institution performante et très bien gérée, au conseil d’administration duquel je suis fier d’appartenir.

M. Jean Mallot. Avec votre raisonnement, on en a jusqu’à 2050 !

M. Philippe Vitel. Les différents collègues qui se sont exprimés avant moi vous ont fait part des divers points qui ont prêté à discussion, que ce soit la mise en place des maisons de naissance, la prise en charge des rééducations « post-MCO », la question de la responsabilité médicale professionnelle, les indemnisations des victimes de l’amiante, la lutte contre les fraudes, le soutien à l’industrie concernant les médicaments destinés au traitement des maladies orphelines ou encore la possibilité données aux patients d’être dialysés à domicile.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il y a quelques heures, le premier d’entre vous, François Fillon, nous a fait part de la feuille de route de son gouvernement en ce qui concerne les réformes que nous devrons mettre en place afin de garantir à tous des soins de qualité au sein d’un système social financièrement équilibré. Durant cette année 2011, il sera de notre devoir d’essayer de réduire les déficits structurels de la branche maladie, mais aussi de réfléchir au financement de la longévité et de la dépendance, le fruit de nos réflexions sur ce thème devant bien sûr être intégré dans le PLFSS pour 2012.

En effet, aujourd’hui, trois millions et demi de nos compatriotes ont plus de 80 ans, et ils seront 7,6 millions en 2050 ; plus de 1,1 million de nos aînés sont dépendants et bénéficient de l’APA ; la dépendance a un coût de près de 27 milliards d’euros par an : 12 milliards pour les soins, 7,4 milliards pour la vie quotidienne et 2,1 milliards pour l’aide au logement. D’ici 2025, cette dépense passera à 30 milliards : nous aurons donc besoin de trouver 8 milliards d’euros en plus chaque année.

M. Jean Mallot. Et voilà !

M. Philippe Vitel. De petits moyens seraient insuffisants, tels l’alignement de la CSG des retraités sur celle des actifs, la création d’une deuxième journée de la solidarité ou la demande aux héritiers d’une contribution minimale en fonction de la valeur du patrimoine. Je suis donc convaincu qu’il conviendra de se diriger vers une assurance dépendance obligatoire à partir de 50 ans.

Le débat entre risque privé et assurantiel d’une part, et branche publique et solidaire d’autre part, ne devra pas être un élément clivant au cœur de nos réflexions, la solution passant inévitablement par l’association des deux. Aujourd’hui trois millions de Français sont déjà assurés dépendance en France : c’est le plus large marché en Europe. La cotisation est assez modeste, puisqu’elle ne dépasse pas 300 euros par an. Si nous la rendons obligatoire, il conviendra d’en garantir le fonctionnement et l’accès à tous. Cela pourrait se faire, comme c’est déjà le cas pour les complémentaires maladie, par une subvention d’État au bénéfice des couches les plus défavorisées de notre population. Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que cette assurance constitue un transfert positif pour les générations futures, qui n’auront plus sur la tête cette épée de Damoclès que constitue le financement de la dépendance de leurs aînés, et pourront ainsi user de leur patrimoine à leur gré.

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, il conviendra, au cours de l’année prochaine, que vous repreniez langue avec les professionnels de santé, qu’ils soient médecins, dentistes, biologistes, pharmaciens ou paramédicaux car aujourd’hui ils ne se sentent ni écoutés ni considérés, et les engagements conventionnels ne leur semblent pas, je crois à juste titre, respectés. La concertation et le dialogue doivent prévaloir dans vos relations mutuelles. Il conviendra particulièrement d’ouvrir le dialogue avec les chirurgiens dentistes : je suis très inquiet de l’état bucco-dentaire de nos compatriotes, très nombreux à ne pas pouvoir recevoir des soins de qualité à des prix convenables.

M. Jean-Pierre Door. Il faut que M. Bur exerce plus souvent ! (Sourires.)

M. Philippe Vitel. Il me semble par conséquent urgent de revoir totalement la classification commune des actes médicaux de cette profession.

Si le PLFSS pour 2010 était un budget de crise, celui-ci, établi dans le contexte d’une sortie de crise que nous espérons franche et rapide, nous donne de bonnes raisons d’espérer, une fois la croissance revenue, toucher enfin les dividendes des réorganisations et des optimisations de notre système de soins, auxquelles nous nous attelons sans relâche depuis huit ans.

Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte et demande à tous mes collègues du groupe UMP d’en faire autant, car il permettra aux Français de continuer de disposer du meilleur système de protection sociale connu à ce jour sur notre planète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire. Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblé à statuer d’abord sur les amendements saisis.

M. Jean Mallot. Je demande la parole pour un rappel au règlement, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Monsieur le président, nous venons de passer une heure et demie à discuter d’un texte de l’extrême importance duquel chacun conviendra. Nombre des orateurs qui sont intervenus, y compris ceux du groupe UMP, ont fait des observations et posé des questions, auxquelles le Gouvernement ne semble pas souhaiter répondre puisque ni le ministre ni la secrétaire d’État n’ont demandé la parole. Monsieur Bertrand, vous avez un long passé ministériel, et un tel comportement à l’égard des orateurs qui se sont succédé à la tribune s’apparente à du mépris. Je ne peux que le souligner.

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Oh la la !

M. Maxime Gremetz. M. Mallot a raison : c’est « cause toujours » !

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur Mallot, si je n’étais pas venu, je ne sais pas ce que vous auriez dit !

M. Jean Mallot. Ne vous inquiétez pas !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne suis pas inquiet : on peut commencer l’examen des amendements sur des bases sereines, chacun faisant valoir ses arguments et ses positions. Mais je vous rappelle qu’il y a des usages : ainsi, quand on en vient au texte de la CMP, les interventions portent sur les amendements – je vous fais confiance sur ce point –, pas sur la discussion générale. Je doute que la réforme constitutionnelle ait modifié cet usage.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez raison, monsieur le ministre !

M. Maxime Gremetz. La réforme a changé beaucoup de choses !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il y a des usages et des principes à respecter. Si la règle était différente, vous savez bien, monsieur Mallot, que j’aurais répondu car je n’ai jamais fui le débat…

M. Guy Lefrand. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. …et je ne le fuirai jamais. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Texte de la commission mixte paritaire (suite)

M. le président. Monsieur le ministre, pouvez-vous défendre ensemble les amendements nos 1, 2, 4, 5, 6 et 7 ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, monsieur le président, car il s’agit d’amendements de coordination ou de cohérence. Je propose ensuite de défendre les autres amendements un par un, car ils ont une portée plus importante.

M. le président. Très bien, monsieur le ministre. Je vous prie de poursuivre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ces amendements portent sur les articles 4, 24, 25, 26 et 29. Ils visent à assurer la cohérence des chiffres avec les dispositions adoptées au Sénat sur la partie recettes. Ils permettent, d’une part, de tirer les conséquences des amendements votés par le Sénat et par la CMP, et, d’autre part, de l’article 33 du projet de loi de finances rectificative qui modifie pour l’année 2010 la répartition des droits de consommation sur les tabacs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les sept amendements en discussion ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Elle ne les a naturellement pas examinés, mais j’émets, à titre personnel, un avis favorable car ce sont des amendements de coordination avec ce que nous avons décidé en CMP, et qui visent à en tirer les conséquences en termes de tableaux d’équilibre.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Monsieur le ministre, ma question est précise : à combien s’élèvera le produit de la taxe sur les tabacs après cette loi de financement de la sécurité sociale ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Gremetz, je ne suis pas ministre du budget, mais je peux vérifier dans les documents budgétaires. Si vous patientez jusqu’à la fin du débat, je devrais pouvoir vous donner la réponse.

M. Maxime Gremetz. D’accord !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Ayant été rapporteur de ce PLFSS pour la branche vieillesse, mais aussi de la réforme des retraites, je voudrais connaître, monsieur le ministre, la position du Gouvernement sur un récent événement qui a semé le trouble, en particulier chez les parlementaires. La presse titre en effet : « Renault lance un vaste plan de préretraites en France. » Je rappelle que plusieurs députés Nouveau Centre et UMP, y compris Pierre Méhaignerie et moi-même, ont cosigné un amendement offrant la possibilité de cessation anticipée d’activité ou de retraite anticipée eu égard à la pénibilité, mais après passage devant une commission médicale. Or j’apprends par la presse que les salariés concernés chez Renault…

M. Maxime Gremetz. Ils travaillent à la chaîne !

M. Denis Jacquat. …auraient la possibilité de partir avec une incapacité de 10 % à 20 % sans passer devant une commission médicale. Beaucoup de députés m’ont interrogé sur ce point, et je profite de votre présence pour vous demander des précisions.

M. Marcel Rogemont. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je propose que nous procédions d’abord au vote sur les amendements nos 1, 2, 4, 5, 6 et 7. Ensuite, je donnerai la parole au ministre. Par correction, j’ai donné la parole à M. Jacquat au moment où il la demandait, mais j’avais quasiment annoncé le vote.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

(Les amendements nos 1, 2, 4, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour répondre à M. Jacquat …

M. Jean Mallot. Et aux autres ?

M. le président. Monsieur Mallot, je vous en prie. Écoutons le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je réponds à M. Jacquat parce qu’il m’a interrogé.

M. Jean Mallot. Nous sommes plusieurs à avoir abordé le sujet – mais il est vrai que vous n’étiez pas là. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’un plan de départs volontaires, de congés de fin d’activité. La pénibilité n’est que l’un des critères retenus à ce titre, même si la presse a présenté les choses comme un accord sur la pénibilité.

Pour m’être entretenu ce matin même avec M. Pélata, je peux vous dire ce qu’il en est exactement. Un accord est en cours de discussion et je laisse faire les négociateurs. Mais, si l’accord final doit être ce que j’en ai lu dans la presse, je tiens à vous faire part de ma grande réserve.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. En outre, j’ai d’ores et déjà prévu de demander à la direction générale du travail ainsi qu’à la délégation générale pour l’emploi d’examiner en détail le texte qui sortira des discussions entre les partenaires, de façon à vérifier s’il correspond exactement aux textes en vigueur.

Il ne s’agit pas de préretraites, lesquelles sont taxées, conformément à ce que vous avez souhaité à différentes reprises, et vous avez eu entièrement raison.

Ensuite – Pierre Méhaignerie ne me démentira pas – des entreprises ont voulu trouver des solutions à la pénibilité et certaines n’ont pas attendu la loi pour le faire. Dans le cas présent, en l’occurrence, il s’agit bien d’un plan de départs volontaires.

M. Maxime Gremetz. De suppressions d’emplois !

M. Xavier Bertrand, ministre. M. Pélata m’a indiqué que, dans le cadre global de ce plan, il y aurait quelques centaines de créations d’emplois, mais j’ai bien entendu qu’il y aurait aussi, a priori, 3 000 suppressions d’emplois.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela ne revient pas au même. Ce soir, je peux donc vous dire que j’attends de connaître le contenu exact de l’accord et que je demanderai aux directions du ministère de l’examiner en détail.

Lors du débat sur la pénibilité, nous avons parlé d’aménagement de postes, de fins de carrières. Nous savons bel et bien, les uns et les autres, que nous devons faire en sorte que les seniors ne soient pas la variable d’ajustement dans les entreprises.

Mme Martine Pinville. C’est bien le problème !

M. Xavier Bertrand, ministre. Voilà pourquoi, si l’accord aboutit au document tel que présenté dans la presse, je fais part de ma plus grande réserve.

Ce que vous avez voté, c’est ce que veut la société française : permettre aux uns et aux autres de rester le plus longtemps possible dans l’entreprise, et non pas de faire partir les seniors comme cela a été le cas pendant des décennies.

Voilà ma position. Je vous remercie de votre question. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Et maintenant, on va bien voir !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement, n° 9 rectifié, qui diffère de la version initiale, distribuée, en ce qu’il fait référence aux b et c de l’article l. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, et non plus aux c et d du même article.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir cet amendement.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette disposition adoptée par le Sénat vise à intégrer explicitement dans la conduite de la convergence tarifaire la prise en compte des écarts de coûts qui résultent d’obligations légales et réglementaires différentes entre les établissements de santé publics, d’une part, et les établissements de santé privés, non lucratifs et de statut commercial, d’autre part. Nous ne découvrons pas le sujet ce soir.

La mise en œuvre de cette disposition paraît être en contradiction avec le processus de convergence. Elle se traduirait en effet par un retour à l’approche par évaluation des charges, c’est-à-dire, in fine, à la dotation globale : on examinerait les charges des établissements, et on financerait, comme par le passé, celles jugées légitimes. C’était très exactement la pratique des agences régionales de l’hospitalisation, dont j’ai quelques souvenirs, à l’époque de la dotation globale.

Cela étant, il va de soi que le modèle de financement doit prendre en compte, à la marge, les spécificités des établissements et leurs difficultés temporaires. Je précise bien « à la marge », même si cela peut poser des problèmes à certains.

Cette part de souplesse est fournie par les MIGAC – missions d’intérêt général et aides à la contractualisation. Ce sont elles qui ont vocation à compenser ponctuellement les situations spécifiques ou inéquitables qui pourraient concerner certains établissements.

L’amendement du Gouvernement propose donc que le rapport annuel au Parlement relatif aux MIGAC rende compte scrupuleusement et précisément du montant des mesures d’accompagnement dont auront bénéficié les établissements de santé privés anciennement sous dotation globale. Ce rapport montrera bien que nous serons intervenus.

Nous sommes convaincus de la spécificité du modèle des établissements de santé privés à but non lucratif. Les discussions vont se poursuivre avec la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne afin de trouver, dans le cadre des financements disponibles, une façon de tenir compte de ce fameux différentiel de charges. Je recevrai d’ailleurs très rapidement les représentants de la FEHAP pour évoquer ce sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. S’il est d’une approche un peu difficile, cet amendement répond parfaitement à l’attente exprimée de longue date par les établissements de santé privés à but non lucratif.

L’an dernier déjà, le Parlement avait exprimé son adhésion à la prise en compte du différentiel de charges sociales et fiscales, que le rapport de l’IGAS avait d’ailleurs évalué – au moins pour la partie « charges sociales ».

Je reconnais que le dispositif que nous avons adopté en CMP constitue un précédent, s’agissant de la prise en compte des coûts résultant d’obligations légales et conventionnelles – et pas uniquement pour les établissements privés à but non lucratif, puisqu’il pouvait être étendu à tous les établissements privés ou publics.

L’amendement du Gouvernement répond à ce que j’avais suggéré en CMP, partant du principe qu’un effort pouvait être consenti sans complexifier davantage un système de tarification à l’activité déjà très compliqué, et en mobilisant les aides à la contractualisation dans le cadre des MIGAC.

Aussi donnerai-je, à tirer personnel, un avis favorable à l’amendement, qui apporte une réponse significative aux messages adressés par le Parlement l’an dernier et cette année, ainsi qu’aux attentes des établissements de santé privés à but non lucratif.

Je vous demanderai cependant, monsieur le ministre, pour que la représentation nationale soit bien éclairée, de bien vouloir nous donner un ordre de grandeur du coût de cette mesure.

L’amendement propose que le Parlement soit informé de ce coût par un rapport annuel. C’est intéressant, bien sûr. Mais il serait peut-être plus rassurant, pour nous comme pour les établissements, que le Gouvernement donne une indication de l’effort qu’il est prêt à fournir, en concertation avec la FEHAP, et qu’il nous assure que ces crédits ne seront pas gelés dans le cadre d’un gel des crédits MIGAC. Il ne faut pas que ce soit un marché de dupes.

En tout cas, je vous remercie, monsieur le ministre de cette proposition à laquelle je suis favorable.

M. le président. Plusieurs orateurs ont demandé la parole. J’appelle chacun d’eux à faire preuve de concision.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Après avoir écouté le ministre et le rapporteur, je voudrais revenir sur les établissements de santé privés d’intérêt collectif, dont le modèle de management et de gestion a été vanté dans de nombreux rapports, notamment celui, fameux, de notre collègue Couanau qui proposait même d’aligner sur eux les établissements publics.

Les ESPIC souffrent actuellement d’un problème de financement dû à des différences de charges fiscales et sociales. L’an dernier, nous avions déjà voté le principe d’un coefficient correcteur sur lequel le Gouvernement était déjà revenu via un amendement post-CMP.

M. Maxime Gremetz. Tout à fait !

M. Jean-Luc Préel. Un nouveau rapport de l’IGAS et de la DREES semble démontrer que le différentiel actuel est de l’ordre de 6 %.

C’est pourquoi la CMP, cette année, a accepté le principe, voté au Sénat, d’un coefficient correcteur, afin de prendre en compte le différentiel de charges sociales et fiscales.

Par cet amendement, le Gouvernement revient sur cet accord, supprime le principe du coefficient correcteur et le remplace par un nouveau rapport.

Dans l’exposé des motifs et dans vos explications, monsieur le ministre, vous évoquez les difficultés de mise en œuvre de ce coefficient correcteur, difficultés dont je conviens bien volontiers.

Vous proposez, semble-t-il, une compensation à travers les MIGAC. J’ai entendu dire – peut-être allez-vous le confirmer dans quelques instants – que cette compensation serait de l’ordre de 40 millions d’euros, un montant bien loin du différentiel dont font état les rapports de l’IGAS et de la DREES, et donc insuffisant pour résoudre le problème, tout en ponctionnant l’enveloppe des MIGAC, qui sera de ce fait moins disponible pour le reste.

Autre crainte, à laquelle Yves Bur vient de faire allusion : celle que les moyens prévus pour les ESPIC fassent partie des fonds mis en réserve ou supprimés, qui atteindront respectivement 530 et 500 millions d’euros cette année. Ce serait un marché de dupes difficilement acceptable.

Enfin, je reprendrai l’une des observations que j’ai faites lors de mon intervention de tout à l’heure, car vous n’étiez pas là, monsieur le ministre, ce que j’ai beaucoup regretté. J’aime bien quand vous êtes là pour écouter et répondre ensuite aux questions.

M. Denis Jacquat. C’est un grand anxieux ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Ce geste, intervenant quelques jours après la demande de seconde délibération de trente-neuf articles de la loi de finances, n’est pas très correct vis-à-vis du Parlement. Habituellement, en effet, la CMP est décisionnelle.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Les arguments de M. Préel sont excellents, et je n’ai presque rien à y ajouter. J’observerai seulement que, pour la troisième année consécutive, députés et sénateurs se mettent d’accord sur des mesures et le Gouvernement s’y oppose.

Je crains par ailleurs, comme M. Préel, que l’argent prélevé ne soit autant de moins pour la profession. Le problème est pourtant connu : le rapport que vous aviez demandé à l’IGAS il y a déjà trois ans, monsieur le ministre, avait conclu que le différentiel d’obligations légales et réglementaires était de 4,05 %.

Je ne sais pas si le Gouvernement confirmera le chiffre de 40 millions que vient de d’évoquer M. Préel. Cela étant, vous-même ou le rapporteur avez indiqué qu’il aurait fallu consacrer 100 millions d’euros aux seuls établissements de la FEHAP, et même 400 millions en retenant l’ensemble du secteur privé. Voyez que la différence est tout à fait considérable !

Il y a donc un vrai problème, et il n’est pas très sérieux de reporter sa solution d’année en année.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. On voit bien, sans vouloir refaire le débat, que l’amendement nous ramène aux questions fondamentales de la tarification à l’activité et de la convergence.

On relève d’ailleurs, à la fin de l’exposé sommaire, un passage assez significatif : « Le principe de la T2A doit néanmoins rester que la même prestation ou la même mission est financée au même niveau […] L’équilibre financier des établissements doit davantage résulter de leur choix d’intervenir sur tel ou tel segment d’activité. » On voit donc bien que la T2A est considérée comme un outil d’orientation des activités, et non comme un instrument de mesure du juste coût de la réponse aux besoins de santé de notre pays.

Sur la convergence, nous avons eu, avec Jean Leonetti, de très longs échanges que nous n’allons évidemment pas reprendre, mais il s’agit d’un sujet très important sur lequel il faudra évidemment revenir.

L’amendement proposé par le Gouvernement contourne la difficulté. C’est une rustine en attendant d’y voir un peu plus clair et de prendre des décisions plus courageuses. Nous en prenons acte. Néanmoins, nous avons bien conscience que les crédits en question seront prélevés sur les MIGAC des autres établissements, ce qui soulève une autre difficulté, qu’il faudra, bien sûr, contourner aussi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie. La loi de finances nous a laissé un amer souvenir puisque, en une demi-heure, trente-neuf amendements ont été supprimés, dont certains étaient le résultat de plusieurs heures de travail et avaient recueilli un consensus dans la majorité.

M. Jean Mallot. Et même, pour certains, dans l’hémicycle !

M. Pierre Méhaignerie. Le Gouvernement est parfaitement dans son droit lorsqu’il prône la maîtrise de la dépense publique, et nous le soutiendrons. Mais, lorsque le Parlement, uni qui plus est, présente des amendements permettant de faire des économies pour mener des actions, et que ceux-ci sont supprimés, cela suscite pour le moins la surprise. J’ai, personnellement, partagé largement l’amertume du rapporteur général du budget, dont vous connaissez comme moi, monsieur le ministre, le sens de l’intérêt général.

Le présent amendement doit donc être accompagné d’un vrai engagement. Or celui-ci est limité. Comme l’Assemblée dans son ensemble, ce qui est assez rare, souhaite qu’un effort particulier soit accompli pour la FEHAP et, notamment, pour les structures à but non lucratif, nous attendons de vous, monsieur le ministre, une réponse écrite précisant comment sera concrétisé cet engagement. Je vous en remercie d’avance.

M. le président. La parole est à M. Maxime Gremetz.

M. Maxime Gremetz. Je ne vois pas l’utilité d’un nouveau rapport, qui coûtera du travail et de l’argent, alors que, comme mes collègues l’ont fort bien dit, le problème est connu depuis longtemps.

Alors même que le Parlement commence à le régler – petitement, certes, mais de façon juste –, le Gouvernement vient y mettre le holà.

Quelle n’a pas été notre surprise, notamment pour les plus anciens d’entre nous, de voir le Gouvernement, à la fin du débat budgétaire, supprimer trente-neuf amendements dont certains avaient fait l’objet d’un long travail et avaient été adoptés de manière consensuelle ! Avec cet amendement, le Gouvernement ne nous fait pas tout à fait le même coup mais, alors qu’il y a eu un débat au Sénat et à l’Assemblée nationale et que ce débat a abouti à une décision, il nous renvoie à un rapport au lieu d’accepter de résoudre le problème. Premièrement, il faut respecter le Parlement. Deuxièmement, un nouveau rapport ne servira à rien : il va coûter de l’argent et nous serons toujours au même point.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Comme cela a été indiqué, nous avions aujourd’hui la possibilité de résoudre le problème des écarts de coûts entre établissements, problème que nous évoquons depuis plusieurs années déjà. Il ne serait pas acceptable de prélever l’argent sur les MIGAC : ces fonds sont absolument nécessaires et feraient défaut aux établissements pour assurer leur fonctionnement.

M. le président. La parole est à M. Jean Leonetti.

M. Jean Leonetti. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, dans le cadre d’un ONDAM contraint, si l’on prélève de l’argent d’un côté pour l’affecter à une mission ou à un organisme, on l’enlève ailleurs. Or, nous savons tous que la variable d’ajustement du budget, ce sont les missions d’intérêt général. Si elles continuent d’être entourées d’un certain flou et que l’on prélève de l’argent sur les MIGAC des hôpitaux pour l’affecter à des missions ou au financement, parfaitement légitime au demeurant, de la FEHAP ou des cliniques commerciales, on appauvrit les hôpitaux. Or, comme ceux-ci se trouvent dans une situation financière particulièrement contrainte, cela se traduira immanquablement par des réductions de personnel, car, à un moment donné, la variable d’ajustement, c’est le personnel.

Tout en défendant le travail effectué par le Parlement, j’appelle votre attention, mes chers collègues, sur le fait que, dans le cadre d’une enveloppe contrainte, la générosité envers les uns se traduit par un appauvrissement des autres. L’amendement du Gouvernement, même s’il va à l’encontre d’une belle unanimité du Parlement, me semble donc raisonnable, car il rappelle en termes clairs la mission que nous nous sommes donnée : tenir l’ONDAM à 2,9 %.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Jean Leonetti vient de parler de générosité. Si l’amendement voté en CMP devait être adopté, il ne s’agirait pas de générosité, mais d’automaticité, avec les conséquences qu’il vient d’indiquer pour les autres établissements et une baisse des tarifs des hôpitaux publics. Voilà la vérité, et la raison pour laquelle nous vous faisons cette proposition. Je me souviens d’ailleurs, monsieur Tian, avoir indiqué en 2007, alors que j’étais ministre, que c’était une direction à suivre.

Ce qui vous est proposé aujourd’hui est une première avancée, qui devrait représenter, monsieur Méhaignerie – je peux l’écrire, mais je peux également le dire ce soir –, entre 30 et 40 millions d’euros. Voilà ce que nous pouvons faire dès maintenant. Nous ne nous contentons donc pas de paroles, et le rapport qui sera publié rendra un compte précis de ce qui aura été affecté.

Malgré les contraintes qui existent, l’idée que vous avez en tête depuis des années a du sens. Je vous propose cependant une solution pragmatique, permettant d’engager le processus et de constater les résultats.

Nous aurons ce débat demain au Sénat. Pour ne rien vous cacher, j’ai discuté avec l’auteur de l’amendement adopté en CMP. Je ne veux pas parler à sa place, mais il est aujourd’hui sur une ligne favorable au dispositif que je vous présente ce soir.

Il est effectivement nécessaire, comme l’a rappelé Pierre Méhaignerie, de contenir la dépense publique mais j’ai préféré avoir ce débat avec vous, plutôt que de vous dire : « C’est comme ça et pas autrement ! ».

Je sais que tout un travail a été réalisé dans le cadre du budget. Ce travail était nécessaire. Ce n’est, d’ailleurs, pas la première fois – disons les choses clairement – que cela a été fait dans le cadre d’un projet de loi de finances. Mais, sur tous ces sujets, je veux débattre avec vous, même si le choix qui a été fait par le Gouvernement est aussi un choix de solidarité pour tous les membres du Gouvernement dans le cadre du PLF.

(L’amendement n° 9 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n° 8 rectifié.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État. Cet amendement vise à pérenniser le financement de l’aide à l’investissement dans le secteur médico-social.

Comme M. Bur l’a rappelé, cette question a donné lieu à de vastes débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat, qui ont abouti à une proposition consistant à garantir le financement des plans d’aide à l’investissement grâce à une ponction des recettes de la contribution de solidarité pour l’autonomie. Comme les excédents jusqu’alors consacrés au financement de l’investissement étaient de plus en plus faibles, vous craigniez, en effet, de voir ces PAI disparaître.

L’amendement que le Gouvernement vous propose permet de garantir ce financement à l’investissement à hauteur de 93 millions d’euros. Il est néanmoins proposé de limiter ce dispositif à la seule année 2011. Pourquoi ? Parce que la réforme relative à la couverture de la dépendance qui sera menée dans le courant de l’année 2011 traitera aussi la question de l’investissement. Il importe donc de ne pas préjuger dès maintenant les décisions qui seront prises dans ce cadre.

Nous répondons ainsi aux souhaits formulés par le président Méhaignerie, et par Mme Poletti, qui avaient présenté un amendement en ce sens lors des débats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Le long débat que nous avons eu, mes chers collègues, a finalement porté ses fruits. Il était inimaginable qu’il puisse ne plus y avoir de crédits d’aide à l’investissement pour les établissements pour personnes handicapées et personnes âgées. Nul doute, en effet, que les 100 millions manquants auraient pesé lourdement sur les prix de journée.

La proposition qui est faite aujourd’hui, et que nous avons actée en CMP avec le Sénat, permettra, je l’espère, de répondre aux besoins qui se sont exprimés ici.

Dans l’amendement n° 8 rectifié, vous proposez, madame la secrétaire d’État, de limiter le dispositif à la seule année 2011 alors que, dans le dispositif voté en CMP, nous avions pérennisé cette ponction afin d’assurer le financement durable de l’investissement. Je vous donne donc rendez-vous à l’année prochaine. Nous verrons quelle forme prendra alors cette aide à l’investissement, mais une chose est sûre : nous veillerons à ce qu’il y en ait une dans le PLFSS pour 2012.

Moyennant cet engagement, j’émets évidemment un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Dans mon intervention générale, j’avais regretté que nous n’ayons pas pu avancer sur la question de l’aide à l’investissement. Le long débat qui avait eu lieu sur ce sujet avait montré les risques pour les établissements, qui auraient été laissés dans une situation inacceptable.

Nous pouvons accepter la disposition qui nous est proposée. Cela étant, elle devra être maintenue l’année prochaine car nous connaissons les besoins des établissements pour personnes âgées ou handicapées. La mission d’information sur l’utilisation des fonds de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie avait mis en évidence les difficultés rencontrées par ce secteur.

(L’amendement n° 8 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Xavier Bertrand, ministre. L’article 45 ter prévoit que les crédits issus de la déchéance applicable aux crédits du Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés – FMESPP – soient déchus au profit des régimes d’assurance maladie et non du Fonds, comme c’est actuellement le cas. Dans le contexte contraint que nous connaissons, il est, en effet, pertinent de garantir que le mécanisme de déchéance des crédits du Fonds bénéficie en totalité à son financeur, c’est-à-dire à l’assurance maladie.

En revanche, il paraît souhaitable que le mécanisme de retour des crédits vers l’assurance maladie se fasse au travers de l’ONDAM qui intègre déjà la dotation au FMESPP. Or, dans sa rédaction actuelle, l’effet de la mesure se traduit par une augmentation des recettes et non par une diminution des dépenses de l’ONDAM.

Le présent amendement vise donc à systématiser le fait que la totalité des crédits déchus minore la dotation de l’année en cours au Fonds, intégrée dans l’ONDAM.

Un tel mécanisme permettrait en outre une meilleure information du Parlement sur le montant des crédits déchus, dans la mesure où la rectification de la dotation se ferait en partie rectificative de la loi de financement de la sécurité sociale. En effet, avec la rédaction actuelle, les crédits déchus seront constatés annuellement par la Caisse des dépôts et consignations au premier semestre, mais ne feront l’objet d’aucun texte réglementaire attestant de ce montant. Ils seront alors imputés sur le solde général de l’assurance maladie et ne feront plus l’objet d’un suivi ou d’une affectation spécifique et définie.

En complément, le Gouvernement s’engage à enrichir le contenu de l’annexe 8 de la loi de financement, notamment afin de détailler les crédits déchus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Favorable. Il vaut mieux, en effet, que cette restitution se fasse sous forme d’une diminution des dépenses de l’ONDAM. Cependant, j’espère que la fongibilité entre les crédits du FMESPP et ceux du Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins – le FIQCS – permettra de réduire ces sommes et que, grâce à cette marge d’autonomie que nous leur offrons, les agences régionales de santé pourront éviter que les crédits ne soient restitués faute d’affectation, ce qui est inacceptable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Yves Bur vient de le rappeler, nous avons voté un article prévoyant la fongibilité des enveloppes des deux fonds. Pour ma part, je souhaite que nous allions plus loin et que nous votions, demain, des enveloppes régionales – des ORDAM – qui régleraient le problème en cohérence avec la création des ARS. Ainsi, nous réaliserions une véritable fongibilité.

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. C’est une idée intéressante ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Préel. Serait-ce la première fois que je vous en parle, monsieur Bur ? Ma persévérance me permet parfois d’obtenir satisfaction au bout de quelques années…

Je comprends l’intérêt de l’amendement du Gouvernement, puisque les crédits ne sont pas tous consommés. Cependant, je n’accepte pas le principe de la déchéance. En effet, il existe aujourd’hui de vrais besoins, tant pour les établissements que pour la médecine de ville, et ne serait-ce que pour les réseaux. Chaque région a des projets qui ne sont pas financés. Nous devons par conséquent nous interroger sur les raisons de la non-consommation des crédits attribués. Puisqu’il y a des besoins, pourquoi les ARS ne pourraient-elles pas, afin d’utiliser les financements qui sont théoriquement disponibles, les reporter vers des projets qui, dans un premier temps, n’avaient pas été acceptés ? Pour garantir la qualité des soins, nous souhaitons la bonne utilisation des fonds de financement.

(L’amendement n° 10 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n 3.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il s’agit de supprimer l’exception à la mesure de suppression de la rétroactivité de trois mois des aides au logement pour certains établissements sociaux ou médico-sociaux.

Cet amendement se justifie par son objet même, mais je me tiens à votre disposition si vous souhaitez que je développe ces explications.

Mme Catherine Génisson. Non, ce n’est pas la peine ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur de la CMP. Je suis bien entendu favorable à cet amendement. Je rappelle, pour dissiper les inquiétudes qui s’expriment ici ou là, que, pour les aides au logement, c’est la date de dépôt de la demande qui compte, et non celle de la réunion de l’ensemble des pièces justificatives. Un demandeur a deux ans pour les rassembler : personne ne peut dire qu’il s’agit là d’un traitement défavorable. Les établissements disposent de toutes les informations pour traiter ces dossiers.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je ne comprends pas ce que vient de dire le rapporteur.

M. Jean-Pierre Door. C’est que vous ne l’avez pas bien écouté !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ce que nous lisons dans cet amendement n’a rien à voir avec ce qu’il a expliqué. Nous étions d’ailleurs déjà intervenus à ce sujet en commission et nous avions eu un débat assez approfondi sur cette question éminemment sociale, qui doit retenir toute notre attention.

En fait, il s’agit bien ici de supprimer l’exception à la mesure de suppression de la rétroactivité des aides au logement pour certains établissements sociaux et médico-sociaux, en particulier les foyers de jeunes travailleurs, les unités de soins de longue durée ou les maisons de retraite.

Je voudrais m’arrêter un instant sur la question des foyers de jeunes travailleurs ou des foyers d’hébergement, qui accompagnent les personnes en difficulté non seulement en les aidant à constituer leur dossier, mais aussi, très souvent, en faisant l’avance pour qu’elles puissent bénéficier d’un logement. Nous ne pouvons donc pas accepter cette proposition. Ce matin, le médiateur de la République nous expliquait que nous vivons dans une société où les discriminations se multiplient, où les inégalités se creusent, où certaines personnes ne sont pas respectées : nous savons pourtant que la caisse d’allocations familiales – citée dans l’exposé sommaire de l’amendement – dispose de services et de professionnels en relation avec ces établissements pour les aider à gérer au mieux ces situations. Nous ne pouvons donc accepter le recul qu’entraîne cette disposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 3 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je souhaite répondre à la question que m’a posée tout à l’heure M. Gremetz à propos des droits sur les tabacs. Le rendement attendu pour 2011 est de 10,3 milliards d’euros pour les droits de consommation sur les tabacs, de 3,2 milliards d’euros pour la TVA, de 300 millions d’euros sur les droits de licence, soit un total de 13,85 milliards d’euros. Je souligne en outre que, à partir de 2011, tout ira au budget de la sécurité sociale.

D’autre part, on m’a interpellé sur la responsabilité civile professionnelle. J’attends avec impatience le rapport de M. Johanet et je ne resterai pas dans le statu quo.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nora Berra et moi avons la même position, et nous avancerons sur ce sujet. Du reste, j’avais signé, en tant que député, une proposition de loi en ce sens : je n’ai pas l’intention de modifier mes idées ou mon regard sous prétexte que j’ai changé de fonctions.

Enfin, je veux indiquer à M. Préel que la question qu’il a évoquée me préoccupe également. Pourquoi y a-t-il de l’argent qui n’est pas consommé ? Je pense que nos procédures sont beaucoup trop longues, beaucoup trop complexes. Je m’engage à étudier les consommations non affectées. J’ai eu l’occasion, la semaine dernière, à l’occasion d’un déplacement consacré à la santé au travail, de voir que quelques dizaines de millions d’euros des fonds pour l’amélioration des conditions de travail ne sont pas consommés, alors même que certains projets attendent des financements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Compte tenu de l’heure avancée, nous ne demanderons pas à donner une explication de vote, alors même que, vous en conviendrez, le règlement l’aurait permis. Je me contenterai de faire deux remarques.

D’une part, nous regrettons à nouveau que le ministre et la secrétaire d’État n’aient pas eu la courtoisie de répondre aux orateurs inscrits dans la discussion générale et qui avaient posé des questions très précises. Je maintiens le commentaire que j’ai fait tout à l’heure et qui, je crois, est partagé sur tous les bancs.

D’autre part, les arguments que nous avons énoncés dans la discussion générale pour justifier notre opposition à ce texte ont été plutôt renforcés par le comportement du Gouvernement et par les amendements qu’il a fait voter.

Mme Anny Poursinoff. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)