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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 3 mai 2011

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Bernard Accoyer

1. Hommage à la mémoire d’un député

M. le président

2. Hommage aux soldats français engagés dans la lutte contre le terrorisme

M. le président

3. Questions au Gouvernement

Mort d'Oussama Ben Laden

Mme Huguette Bello

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Mort d’Oussama Ben Laden

M. François Sauvadet

M. François Fillon, Premier ministre

4. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

5. Questions au Gouvernement (Suite)

Mort d’Oussama Ben Laden

M. Jean-Michel Boucheron

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants

Mort d'Oussama Ben Laden

M. Richard Dell'Agnola

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Chiffres du chômage

M. Serge Janquin

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Attentat de Marrakech

M. Guy Lefrand

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes

Projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques

M. Philippe Vigier

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

Pouvoir d’achat - Panier des essentiels

Mme Pascale Got

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation

Bilan des quatre ans - Bataille pour l’emploi

M. Rémi Delatte

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Prime aux salariés

M. Alain Vidalies

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé

Bilan des quatre ans – Investissements d’avenir pour la recherche

M. Guénhaël Huet

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Apprentissage dans les PME

Mme Marylise Lebranchu

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle

Lancement des "patrouilleurs"

Mme Cécile Dumoulin

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

Éducation nationale

Mme Marie-Line Reynaud

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

M. Charles de La Verpillière

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique

6. Remplacement d’un député décédé

7. Renforcement de la compétitivité de l’agriculture française

Explications de vote

M. Jean Dionis du Séjour, M. Michel Raison, M. Jean Gaubert, M. André Chassaigne

Vote sur l’ensemble

8. Interdiction de l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols

Explications de vote

M. Yvan Lachaud, M. Michel Raison, M. Gérard Bapt, Mme Anny Poursinoff

Vote sur l'ensemble

Présidence de Mme Catherine Vautrin

9. Équilibre des finances publiques

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie pour avis

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis

Motion de rejet préalable

M. Pierre-Alain Muet

M. Jérôme Chartier, M. Alain Rodet, M. Jean-Claude Sandrier, M. Charles de Courson

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Pierre Brard

M. Christian Eckert, M. Jean-Claude Sandrier, M. Charles de Courson

Discussion générale

M. Jérôme Chartier

10. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Bernard Accoyer

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à la mémoire d’un député

M. le président. C’est avec une grande émotion que nous avons appris le décès, la nuit dernière, de Patrick Roy, au terme d’une longue maladie contre laquelle il s’est battu avec un courage et une détermination exemplaires.

Je me fais l’interprète de toute l’Assemblée en exprimant à sa famille et à ses proches notre tristesse.

Je prononcerai prochainement l’éloge funèbre de notre regretté collègue.

Je vous invite, dès à présent, à observer une minute de silence.

(Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et observent une minute de silence.)

M. le président. Je vous remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

2

Hommage aux soldats français engagés dans la lutte contre le terrorisme

M. le président. Chers collègues, j’ai rendu hier, en votre nom à tous, hommage aux victimes de l’attentat barbare qui a frappé Marrakech.

Je voudrais aujourd’hui exprimer également notre soutien le plus résolu à ceux qui mènent, sur tous les fronts, la difficile lutte contre le terrorisme.

N’oublions pas que, si des succès sont enregistrés, le prix en est élevé. À cet instant, nous pensons tout particulièrement au lourd tribut payé par nos soldats qui accomplissent, au péril de leur vie, des missions dangereuses, particulièrement en Afghanistan où un cinquante-sixième soldat français vient de trouver la mort. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Je leur renouvelle, au nom de toute l’Assemblée nationale, ainsi qu’à leurs familles, l’hommage et la gratitude de la représentation nationale.

3

Questions au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Mort d'Oussama Ben Laden

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le Premier Ministre.

Dimanche soir, dans une déclaration télévisée, le Président des États-Unis a annoncé officiellement la mort au Pakistan d’Oussama Ben Laden, tué par les Forces spéciales américaines. Présentée comme un événement majeur et un symbole de la lutte contre le terrorisme mondial, la mort du dirigeant d’Al-Qaida met un terme à une traque qui aura duré près d’une décennie puisqu’elle avait débuté au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.

C’est également en 2001 que les États-Unis ont déclenché une nouvelle guerre en Afghanistan et que la France, dans le cadre d’un mandat de l’ONU, s’est engagée militairement dans ce pays, considéré comme la base arrière du terrorisme international.

À ce jour, la France compte près de 4 000 hommes en Afghanistan, qui interviennent au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité dirigée par l’OTAN. Cette présence militaire, qu’une forte majorité de Français désapprouvent, est déjà endeuillée par la mort de cinquante-six militaires français. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il y a moins de deux semaines, Alexandre Rivière, un jeune caporal-chef de vingt-trois ans, a été tué au cours d'une patrouille, son véhicule blindé ayant été victime d’un engin explosif. Permettez-moi ici de saluer la mémoire de ce quatrième militaire originaire de la Réunion à mourir sur le sol afghan.

La disparition du chef d’Al-Qaida impose, bien sûr, la plus grande vigilance et la plus grande gravité. Elle doit aussi coïncider avec un engagement plus marqué pour le respect réciproque des peuples et accélérer la dévalorisation de l’idéologie meurtrière du choc des civilisations.

Cette nouvelle étape ravive la question du délai de la transition vers une action plus politique que militaire de la France en Afghanistan. L’ensemble des Français attendent la réponse du Gouvernement, notamment ceux des régions d’outre-mer, puisque leurs jeunes représenteraient près de 20 % des soldats français engagés en Afghanistan.(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, qui était Oussama Ben Laden ? L’homme qui a commandité les attentats perpétrés aux États-Unis le 11 septembre 2001, et notamment la destruction des tours jumelles du World Trade Center à Manhattan. L’homme qui a revendiqué des dizaines d’attentats terroristes, la prise d’otages et l’exécution de ces otages. La France a donc eu raison de se réjouir, par la bouche du Président de la République, du Premier Ministre, et par la mienne, de son élimination, et d’exprimer aux États-Unis son soutien et sa solidarité.

C’est aussi une bonne nouvelle, je pense, pour le monde arabe, parce que cette élimination fragilise l’assimilation trop souvent faite entre le radicalisme, le fanatisme, la violence et une religion, l’islam, qui est une religion du Livre, fondamentalement axée sur le respect de la personne humaine.

Est-ce à dire que la menace terroriste a disparu ? Évidemment non. Il existe des réseaux terroristes qui ne sont pas reliés à Al-Qaida. Au sein même d’Al-Qaida, des relèves sont assurées comme on peut le constater en Afghanistan où les talibans continuent à œuvrer.

Dans ces conditions, retirer prématurément nos troupes d’Afghanistan reviendrait à abandonner le gouvernement afghan qui nous demande de l’aider dans son combat contre le terrorisme, de l’aider pour assurer à son peuple les conditions d’un développement démocratique harmonieux.

Pour cette raison, la France, en liaison avec ses alliés, prendra, concernant sa présence en Afghanistan, le temps de la réflexion.

Je voudrais vous le dire très sérieusement, madame la députée : la bonne diplomatie n’est pas celle qui cède à l’émotion de l’instant, mais celle qui se donne le temps de l’analyse et de la réflexion. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mort d’Oussama Ben Laden

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Nouveau Centre.

M. François Sauvadet. Monsieur le Premier ministre, la fin d’Oussama Ben Laden constitue un événement considérable qui a été salué unanimement.

C’est un signal très fort qui a été adressé au monde entier : les crimes odieux ne peuvent pas rester et ne resteront pas impunis. Hier particulièrement, chacun avait en mémoire les images dramatiques et insoutenables du 11 septembre 2001, l’effondrement des tours jumelles, ces innocents se jetant par centaines dans le vide pour échapper aux flammes, ces milliers de morts de New York.

Je veux saluer ici, au nom de mon groupe mais également au nom de beaucoup de nos compatriotes, la détermination du Président Obama et celle des États-Unis, dans cette recherche qui aura duré près de dix ans.

Je veux aussi saluer l’engagement du Président de la République et celui du Gouvernement, l’engagement résolu de la France dans la lutte contre le terrorisme, au côté des autres nations.

Je salue enfin l’engagement et le professionnalisme de nos soldats qui remplissent une mission essentielle au service de la démocratie.

En effet, il n’y a pas de compromis possible entre le terrorisme et les démocraties, comme vient de le déclarer le Président de la République.

La fermeté est nécessaire, car la disparition de Ben Laden ne signifie pas pour autant la fin d’Al-Qaida ou celle du terrorisme.

Ce combat doit tous nous mobiliser. Je pense, en cet instant, aux familles de nos huit compatriotes, victimes de l’attentat de Marrakech, dont les dépouilles reviendront ce soir à Orly.

La question de la sécurité de nos compatriotes, en France comme à l’étranger, reste très directement posée. Vous l’avez rappelé hier, monsieur le Premier ministre, le risque reste très élevé. Aussi, pouvez-vous informer la représentation nationale des dispositions que la France a prises et de celle qu’elle entend prendre, y compris au plan européen, pour protéger nos compatriotes de menaces éventuelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, avant de répondre à la question du président Sauvadet, je voudrais m’associer au nom du Gouvernement aux propos que vous avez tenus il y a quelques instants au sujet de Patrick Roy. Nous avons tous ressenti sa disparition avec une très grande émotion. Pendant sa maladie, j’ai eu l’occasion de lui parler. Il émanait de cet homme à la fois si proche de la mort et tellement plein d’espoir une humanité qui nous avait tous touchés. Je voudrais lui rendre hommage et présenter à sa famille les condoléances du Gouvernement. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Monsieur le président Sauvadet, l’élimination d’Oussama Ben Laden est une victoire dans la guerre contre le terrorisme, mais ce n’est pas la fin de la guerre contre le terrorisme.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. François Fillon, Premier ministre. Comme l’a dit à l’instant le ministre d’État Alain Juppé, Oussama Ben Laden est le responsable direct des 3 000 morts de l’attentat contre le World Trade Center, mais aussi l’homme qui a construit une organisation qui a revendiqué des dizaines et des dizaines d’attentats depuis celui de 1992 au Yémen et est sans doute responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts. Devant la disparition de cet homme qui a commis des crimes contre l’humanité, je dirai qu’il a eu simplement le sort qu’il méritait. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pour autant, sa disparition ne signifie pas la fin de la guerre contre le terrorisme. Le niveau de la menace qui pèse sur notre pays et d’autres depuis plusieurs années reste très élevé. L’attentat qui vient d’avoir lieu à Marrakech en témoigne. Nous avons donc décidé de renforcer la vigilance sur notre territoire. Nous avons demandé à nos ambassades de renforcer la sécurité de leurs locaux, des établissements scolaires à l’étranger et celle des entreprises qui opèrent dans les zones les plus dangereuses. Surtout, nous demandons à nos concitoyens de ne pas se rendre dans les zones dangereuses, dont on peut consulter la liste, établie par le ministère des affaires étrangères, sur son site internet.

Je voudrais tirer deux enseignements de cet événement. Le premier concerne le Pakistan, dont nous recevons à partir d’aujourd’hui le Premier ministre en visite officielle. Ce pays est l’un de ceux qui a payé le plus lourd tribut au terrorisme. Nous allons dire à son Premier ministre que nous sommes aux côtés du gouvernement pakistanais pour l’aider à renforcer la lutte contre le terrorisme. Il faut que le Pakistan modernise son fonctionnement, clarifie ses relations avec certaines organisations et qu’il mène une lutte sans répit à la fois contre les talibans pakistanais et contre les talibans afghans.

Le second enseignement que je tire de cet événement tient à la réaction de la rue dans les pays arabes. À quelques exceptions près, la rue arabe ne fête pas Oussama Ben Laden comme un héros. Les révolutions dans le monde arabe sont des événements considérables. Je veux croire qu’Oussama Ben Laden et le terrorisme qu’il incarnait appartiennent à une autre époque et que les modèles de la jeunesse arabe aujourd’hui, ce sont plutôt les manifestants de la place Tahrir, les bloggeurs de Tunisie ou les combattants de Bengazi. Je m’en réjouis et, en notre nom à tous, je souhaite que la concomitance de ces deux événements signifie que la démocratie et le respect des droits de l’homme sont en train de gagner dans le monde arabe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

4

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale de la République du Burundi conduite par son deuxième vice-président, M. François Kabura. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)

5

Questions au Gouvernement (Suite)

M. le président. Nous revenons aux questions au Gouvernement.

Mort d’Oussama Ben Laden

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean-Michel Boucheron. Le 2 mai 2011 restera un beau jour pour la liberté des hommes. Aujourd’hui disparaît la première organisation terroriste planétaire de l’histoire.

Comment, en cet instant, ne pas penser aux victimes de New York, de Londres, de Madrid, mais aussi à celles d’Égypte, de Jordanie, de Turquie, d’Indonésie, d’Irak et, il y a quelques jours encore, du Maroc ? N’oublions pas qu’Al-Qaïda était d’abord et surtout l’ennemi des peuples musulmans qu’elle voulait asservir.

Al-Qaïda, c’était aussi la responsable de cette nécessité sécuritaire qui a envahi pendant dix ans nos vies quotidiennes, portant insidieusement atteinte à nos libertés individuelles et collectives.

Le terrorisme va changer de forme. Al-Qaïda est stratégiquement morte. Certes, elle a été épuisée par le harcèlement des services secrets occidentaux, mais surtout et d’abord, c’est la jeunesse arabe, par ses révolutions démocratiques, qui a tué politiquement Ben Laden. L’Amérique a heureusement porté le coup de grâce à cette aventure morbide.

Certains voudront succéder à Ben Laden, d’autres engageront des actions de vengeance et des terrorismes régionaux prendront le relais. Ils devront être traités au cas par cas et pas seulement par des moyens militaires.

Une fois de plus, nous constatons que ce sont les opérations ciblées sur la base du rassemblement de renseignements qui obtiennent des résultats, et non les guerres globales.

Nous sommes allés en Afghanistan par solidarité avec nos alliés ; c’était notre devoir. Nous y sommes allés pour traquer Al-Qaïda et Ben Laden. Notre objectif de guerre, aujourd’hui, s’estompe.

Il faudra donc, monsieur le Premier ministre, discuter avec nos alliés d’une adaptation concertée de notre dispositif en Afghanistan. Donnons cette chance à l’espoir de paix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Cher Jean-Michel Boucheron, j’aimerais que vous ayez raison, tout à fait raison. Pour avoir, comme mes prédécesseurs, séjourné auprès de nos troupes en Afghanistan – trop brièvement sans doute –, pour avoir rencontré les responsables de la coalition, pour avoir échangé avec le président élu Karzai, je suis malheureusement amené à constater que nous sommes dans une situation complexe que la position géographique du pays et celle de ses voisins immédiats a rendue presque inextricable.

Assurément, vous avez raison, la disparition du personnage atrocement emblématique de Ben Laden est une occasion d’affaiblir ceux qui ont fait le choix des armes et du terrorisme. Ce n’est pas, pour autant, la certitude que toutes les formes armées de contestations d’un pouvoir élu puissent prendre fin.

C’est pourquoi nous devons, comme l’a indiqué le ministre d’État, faire preuve de sang-froid, garder le lien direct avec la coalition et mesurer le travail que nous accomplissons sur le terrain. En Surobi et en Kapisa, les troupes françaises font un travail formidable pour construire la sécurité. Nous pouvons espérer assurer, dans au moins une de ces deux régions, la transition, c’est-à-dire la prise en mains de la sécurité par l’État afghan lui-même. Ce sera, pour nos soldats, la meilleure récompense et la preuve que leur travail a été utile.

Cela dit, à l’instant où nous sommes, le sang-froid et le réalisme commandent toujours, même si un symbole de l’hostilité absolue a disparu, même si s’ouvre une chance de dialogue entre Afghans qui reconnaissent définitivement que la voie des armes n’est pas la bonne pour leur pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mort d'Oussama Ben Laden

M. le président. La parole est à M. Richard Dell'Agnola, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Richard Dell'Agnola. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, le 11 septembre 2001, le monde, frappé de stupeur, voyait la ville de New York mutilée par l’attentat contre les tours jumelles et meurtrie par la mort de 3 000 victimes du terrorisme.

L'écroulement des deux tours a constitué une secousse pour l’Amérique et le reste du monde qui ont découvert dans cette tragédie la main d’Al-Qaida promettant une guerre totale à l’Occident au nom de la guerre sainte.

Depuis dix ans, les démocraties livrent une guerre au terrorisme jusque dans les montagnes reculées d’Afghanistan. Hier, des forces spéciales américaines ont mis un terme à une traque de plusieurs années contre le chef de ce réseau terroriste. Il s’agit d’un nouvel échec pour l'islamisme radical après le printemps arabe qui appelle à plus de libertés et plus de démocratie.

Aujourd’hui, dans un monde qui change, nous devons rester vigilants : nous ne sommes pas encore à l'abri de représailles ou d’actions spectaculaires.

Nous pensons aux Français victimes de l’attentat de Marrakech, auxquels le Président de la République rendra hommage tout à l’heure. Nous n’oublions pas nos compatriotes toujours aux mains des ravisseurs dans différentes régions du monde.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part de vos analyses et de vos réflexions, et présenter à la représentation nationale la stratégie de la France pour préserver nos intérêts et nos ressortissants, en même temps que les initiatives diplomatiques que le Gouvernement envisage de prendre pour que nous puissions vivre en liberté dans un monde plus sûr ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Dell’Agnolla, le Premier ministre vient de le dire, la lutte contre le terrorisme n’est pas finie, même si l’élimination de Ben Laden est une bonne nouvelle.

Nous allons la poursuivre avec un premier objectif précis : obtenir la libération des otages français encore détenus à travers le monde par des groupes terroristes. Il s’agit, bien entendu, de M. Ghesquière et de M. Taponnier qui se trouvent en Afghanistan, mais aussi des quatre otages français enlevés au Mali. Nous déployons tous les efforts possibles pour obtenir leur libération.

Notre deuxième objectif consiste à poursuivre, dans les conditions qui viennent d’être rappelées par Gérard Longuet, notre engagement en Afghanistan, dans la perspective d’un retrait qui pourra s’effectuer lorsque les conditions de sécurité auront été établies et que le gouvernement afghan sera en mesure d’assurer la sécurité de son peuple.

Le troisième objectif, sur lequel je veux insister, est de soutenir les transitions démocratiques dans le monde arabe. La meilleure réponse que nous puissions apporter aux mouvements terroristes et extrémistes est précisément de permettre à tous ceux qui aspirent à la liberté et à la démocratie de gagner lorsque cette transition n’a pas encore abouti. Je pense en particulier à l’Égypte et à la Tunisie.

Je vous rappelle que le Président de la République a décidé d’inviter ces deux pays à la réunion du G8 qui se tiendra à Deauville à la fin du mois de mai. Il s’agit de mobiliser les grandes puissances, afin de bâtir des plans d’action qui permettront aux deux pays de faire face à leurs difficultés économiques. Si nous laissons ces nations s’enfoncer dans ces difficultés, la transition politique sera menacée. Il est donc important que nous nous engagions à fond pour que les idées de démocratie et de liberté triomphent en Tunisie et en Égypte, et pour qu’il y ait une contagion dans le monde arabe, y compris en Syrie. Je précise que, contrairement à ce que j’ai entendu, ici ou là, la position de la France sur la Syrie n’est pas ambigu : nous condamnons ce qui se passe dans ce pays et nous essayons de faire en sorte que des sanctions soient prises pour stopper la répression sauvage du régime syrien contre sa population. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Chiffres du chômage

M. le président. La parole est à M. Serge Janquin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Serge Janquin. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, le Gouvernement a affirmé sa satisfaction après la publication des derniers chiffres du chômage. Si seulement une hirondelle pouvait faire le printemps !

Si cette présentation correspondait à la réalité, nous nous en réjouirions, mais les données réelles sont plus complexes et bien moins glorieuses.

Certes, en un an, on compte 30 000 chômeurs en moins chez les jeunes de moins de vingt-cinq ans, mais nous partons d’une situation de base catastrophique, et l’on dénombre par ailleurs 60 000 chômeurs de plus pour les personnes de plus de cinquante ans. N’est-ce pas gênant pour le Gouvernement ?

Lors de la réforme des retraites, qui a reporté l’âge légal de départ à soixante-deux ans, et à soixante-sept ans pour les retraites à taux plein, nous avions souligné combien il était incohérent de prendre de nouvelles mesures d’âge alors que nous connaissons un des plus mauvais taux d’emploi des seniors en Europe. Quels résultats obtenez-vous en la matière ? On compte aujourd’hui 525 300 chômeurs dans cette catégorie, soit, en un an, une progression de 13 %. Voilà le triste bilan de votre mobilisation pour leur emploi. Il signe définitivement le caractère incohérent, injuste et absurde de votre réforme des retraites.

Toutes catégories confondues, l’ensemble des inscrits à Pôle emploi pour la France métropolitaine est de 4 636 500 personnes, soit 170 000 de plus en un an – et les résultats ne sont sans doute pas meilleurs dans les DOM-TOM.

Le chômage de longue durée a augmenté de 12,7 % en un an, et un Français sur six est désormais inscrit à Pôle emploi. Le marché du travail connaît une dérive tragique que vous organisez en substituant l’emploi précaire à l’emploi pérenne.

Monsieur le ministre, vous voulez forcer la tendance. Comment ? Avec quels moyens ? Vous savez bien que les salariés de Pôle emploi sont sous pression et qu’ils n’en peuvent plus. Regardez la réalité en face : les Français ne croient pas plus à vos comptes biaisés qu’à des contes de fées. De grâce, pour une fois, ne perdez pas vos nerfs, monsieur le ministre, admettez la réalité de votre bilan sinistré ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, au moment où l’on me donne la parole pour répondre à votre question, il manque une remarque qui fusait à chaque fois que le Gouvernement était interrogé sur l’emploi. Lorsque M. le président appelait le ministre de l’emploi, M. Roy s’exclamait : « Et du chômage ! » (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.) Il est vrai que le chômage est toujours là, même s’il recule. Les mots de Patrick Roy qui manquent aujourd’hui donnent une tonalité particulière à nos échanges. (« Honteux ! Honteux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le chômage recule depuis trois mois, c’est une très bonne nouvelle. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut aussi que nous reconnaissions que le chômage des jeunes baisse depuis un an alors que celui des seniors continue de progresser. Vous nous demandez ce que nous faisons. Vous le savez, depuis le mois de mars dernier, nous avons décidé de débloquer un demi-milliard d’euros afin que tous les chômeurs de longue durée soient vus par Pôle emploi. Au moment où je vous parle, un quart d’entre eux l’a déjà été. (« C’est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il sera proposé à tous une formation… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Chassez le naturel, il revient au galop. Finalement, vous ne savez que critiquer ; vous ne savez pas proposer. Nous, non seulement nous proposons, mais nous agissons. (Mêmes mouvements.) Les contrats aidés dont nous avons eu l’initiative font reculer le chômage : voilà la vérité ! On dirait que les bonnes nouvelles en matière d’emploi vous déplaisent. Pourtant, elles ne déplaisent ni aux Français ni au Gouvernement, qu’elles encouragent à aller plus loin.

Ainsi, en matière d’apprentissage, avec Nadine Morano, nous proposons de nouvelles mesures. Dans quelques jours, nous signerons le décret qui permettra à toutes les personnes de plus de quarante-cinq ans d’être embauchées avec un dispositif zéro charge dans le cadre d’un contrat de professionnalisation. La nouvelle feuille de route de Pôle emploi permettra aussi d’être plus réactif sur le terrain.

Que cela vous plaise ou non, le gouvernement Jospin avait laissé le chômage augmenter : nous, nous le faisons reculer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Louis Bianco. Quel mensonge ! c’est honteux !

Attentat de Marrakech

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Lefrand. Monsieur le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, je souhaiterais associer à ma question mon collègue Sébastien Huygue, ainsi que tous les députés concernés.

Angélique avait trente ans. Son père, maire de la riante commune de Saint-Germain-sur-Avre, devait la marier le 4 juin prochain ; les invitations avaient été envoyées. Elle était l’heureuse maman d’une adorable petite fille de cinq mois. Avec son compagnon, Ludovic, elle venait de partir, pour quelques jours de repos et de détente, à Marrakech. Elle a eu le tort d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Comme d’autres, son corps a été déchiqueté par la bombe monstrueuse ; comme d’autres, son compagnon a été victime de graves lésions et restera handicapé.

Huit de nos compatriotes sont tombés ce jour-là, victimes innocentes d’une folie perpétrée au nom d’un dieu transformé en vengeur par le fanatisme de certains hommes.

Aujourd’hui, notre pays est en deuil. Dans quelques minutes, nous irons accueillir, avec le Président de la République, le retour en terre de France des corps de ces innocentes victimes. Les familles, abasourdies, brisées, ne comprennent pas le pourquoi ni l’injustice de ce destin.

Des enragés assassinent nos enfants, tentent de détruire notre culture et notre civilisation. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Ils foulent aux pieds nos valeurs, ne respectent rien, surtout pas la vie. La barbarie les caractérise. Avec ceux qui souffrent aujourd’hui, nous ne demandons pas la vengeance, mais la justice. Les familles endeuillées, leur entourage, tous les Français, veulent comprendre le pourquoi de cette absurdité barbare et veulent que nous retrouvions les assassins de leurs enfants.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement a mis en œuvre pour protéger nos concitoyens et retrouver les responsables de cet attentat et nous confirmer que cette action a été clairement condamnée par les dirigeants politiques et les responsables religieux de tous les pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Alain Juppé, ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur le député, le récit que vous venez de faire est bouleversant. Il nous rappelle ce qu’est le terrorisme : la barbarie absolue, qui atteint des victimes innocentes, des familles, des jeunes. Huit de nos compatriotes ont ainsi laissé la vie sur la place Jamaâ-El-Fna.

La première chose que nous avons faite fut de condamner cet attentat de la façon la plus solennelle possible, par la voix de l’ensemble des autorités françaises. Nous avons ensuite mobilisé tout notre appareil étatique afin d’aider les familles. Ainsi, notre consulat général à Marrakech et notre ambassade à Rabat ont travaillé sans relâche pour aider à identifier les victimes et apporter toute l’assistance nécessaire aux blessés et aux familles, avec l’appui du centre de crise du ministère des affaires étrangères ; des numéros d’appel spéciaux ont été mis en place et une équipe médicale et de soutien psychologique a été envoyée à Marrakech pour assister les familles. Tout a été mis en œuvre pour assurer le rapatriement des victimes et l’évacuation des blessés. Tout à l’heure, nous accueillerons avec vous, en présence du Président de la République et des familles, les corps des victimes ; je vous laisse imaginer l’émotion qui nous étreindra, les uns et les autres.

Nous devons ensuite être aux côtés des autorités marocaines, que nous aidons dans l’enquête qui désignera le plus tôt possible, je l’espère, les responsables de cet acte odieux. Mais nous devons aller au-delà, en manifestant, en ces circonstances, notre soutien au peuple marocain et aux autorités marocaines. Dans le cadre du vaste mouvement de libération des peuples arabes, le roi du Maroc a fait preuve d’une très grande capacité d’innovation. Il a su proposer des réformes audacieuses ; il faut que nous l’aidions à les mettre en œuvre. Entre le Maroc et la France, la fraternité doit se manifester pour lutter contre ces actes de barbarie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Projet de loi constitutionnelle
relatif à l’équilibre des finances publiques

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre du budget, notre assemblée débute, cet après-midi, l’examen du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques, qui vise à inscrire la règle d’or dans notre Constitution.

M. Jean-Pierre Brard. La règle d’airain, plutôt !

M. Philippe Vigier. Depuis trente ans, les budgets sont votés en déficit, ce qui signifie que la question de notre endettement n’a pas été prise au sérieux.

M. Jean Mallot. Pourquoi les avez-vous votés ?

M. Philippe Vigier. Cet endettement est devenu insupportable et fait désormais peser la menace d’un déchirement de notre tissu social, puisque fermer les yeux plus longtemps sur la dette reviendrait à sacrifier les générations futures.

Sur tous les bancs de cet hémicycle, l’heure doit être à la responsabilité, car abandonner notre souveraineté budgétaire, ce serait déposséder notre pays de son destin. L’heure doit être au consensus national, car la confiance en notre économie est essentielle pour retrouver la croissance, après laquelle nous courons tous.

M. Roland Muzeau. Cela fait neuf ans que vous dirigez le pays !

M. Philippe Vigier. C’est pourquoi je demande au parti socialiste, qui affirme son ambition de vouloir diriger le pays, de dire clairement s’il entend sacrifier les générations futures au nom d’un esprit partisan (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) ou s’il soutiendra cette avancée majeure lors de son vote au Congrès.

Dès 2007, lors de l’élection présidentielle, les centristes ont proposé de graver cette exigence d’équilibre des finances publiques dans le marbre de la Constitution. En 2008, le groupe Nouveau Centre a pris ses responsabilités à l’Assemblée nationale en déposant une proposition de loi constitutionnelle pour un retour à l’équilibre budgétaire, esquissant ainsi le virage décisif que prend enfin la majorité présidentielle.

Nous avons eu tort d’avoir raison trop tôt ! Après avoir repoussé notre proposition, année après année, le Gouvernement nous donne raison. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le ministre, ma question est simple : pouvez-vous indiquer à la représentation nationale la manière dont cette réforme permettra de relancer durablement l’économie française en posant les bases d’une politique budgétaire vertueuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député Vigier, contrairement à ce qu’affirmait Edgar Faure, avoir raison trop tôt n’est pas toujours un grand tort. À cet égard, je veux rendre hommage aux députés du Nouveau Centre, qui n’ont jamais faibli (Applaudissements sur les bancs du groupe NC. – Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), cherchant avec constance, lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, à contribuer à la réduction de nos déficits publics.

Votre question me fournit l’occasion de rappeler que cette législature est dominée par une crise mondiale sans équivalent depuis la dernière guerre, qui a eu un impact sur le budget de l’ensemble des démocraties occidentales, aux États-Unis et en Europe, où elle a eu des conséquences différentes dans chaque pays, mais toujours importantes ; je ne reviendrai pas sur la situation de la Grèce, de l’Angleterre, de l’Irlande, de l’Espagne ou du Portugal.

En France, du début de cette crise jusqu’à aujourd’hui, l’ensemble des mesures qui ont été prises permettent de mettre en lumière la pertinence de nos choix, d’abord pour supporter l’effondrement des recettes, ensuite pour alimenter par la dépense une économie qui avait besoin d’être soutenue et, enfin, pour stabiliser, grâce à nos amortisseurs sociaux, un modèle social dont nous avons bien besoin.

Aujourd’hui, nous sommes au stade de la préparation de l’avenir. Dans cette perspective, il nous faut faire preuve de bon sens, en préservant nos finances publiques, de responsabilité, en préservant les générations futures, et de crédibilité, en soutenant la signature française dans le cadre des engagements qu’elle a pris vis-à-vis de ses partenaires européens. Nous y parviendrons en fixant une règle d’or. Celle-ci substituera des lois-cadres, qui auront valeur constitutionnelle, aux lois de programmation des finances publiques, associera le Parlement à la définition d’un pacte de stabilité, permettant ainsi de mettre au service de la position française un engagement Parlement-exécutif puissant, et, enfin, instituera un monopole des dispositions fiscales, qui nous aidera à mieux maîtriser nos finances publiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pouvoir d’achat - Panier des essentiels

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Pascale Got. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes l’auteur du « panier des essentiels »…

M. Jean-Pierre Brard. Il va d’ailleurs nous en lire un passage ! (Sourires.)

Mme Pascale Got. Il ne s’agit pas de littérature, mais de votre dernière trouvaille pour masquer la chute du pouvoir d’achat des ménages et la hausse des prix alimentaires.

Après le « chariot-type » de 2005, voici le « panier des essentiels », constitué tout au plus d’une dizaine de produits alimentaires en promotion. Sincèrement, croyez-vous les familles assez dupes pour se contenter de ce panier du pauvre ? Croyez-vous qu’elles vont renoncer à leur chariot de hard discount pour aller chercher un petit panier social dans les grands supermarchés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Votre panier des essentiels n’est, ni plus ni moins, qu’une liste de produits à écouler, établie par les grandes surfaces. Il n’est assorti d’aucune contrainte, ni sur le rapport qualité-prix, ni sur le type de produits, ni sur la qualité nutritionnelle. Le panier des essentiels, c’est un panier percé qui passe, justement, à côté de l’essentiel, notamment la régulation de la hausse des prix alimentaires et la transparence sur les marges réalisées par la grande distribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est un panier qui cache l’échec de votre politique sur le pouvoir d’achat des ménages et leur difficulté à assurer leurs dépenses obligatoires.

Monsieur le secrétaire d’État, on ne vous demande pas d’organiser, au mieux, la vente de produits promotionnels, au pire, la soupe populaire, mais d’assurer le maintien du pouvoir d’achat de tous les Français, et pas uniquement de celui des plus riches. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Madame la députée, je vous remercie de me donner l’occasion de parler de cette initiative du Gouvernement qu’est le panier des essentiels.

Je veux rappeler une vérité que l’on oublie trop, mais que prouvent les chiffres de l’INSEE : la France est, de tous les pays de la zone euro, celui où les prix alimentaires ont le moins progressé (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Sur l’année 2010, le glissement des prix de l’alimentaire ne représente qu’une hausse de 0,8 % en France, alors que la moyenne de la zone euro est de plus 2 % – plus 2,5 % pour l’Allemagne, plus 4 % pour l’Autriche et la Finlande.

M. Christian Eckert. Vous devriez aller sur le terrain !

M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d’État. Cela veut dire que les politiques mises en œuvre, notamment la loi de modernisation de l’économie, visant à développer la concurrence, ont porté leurs fruits.

Toutefois, nous devons aller plus loin – c’est l’objectif du panier des essentiels, qui doit permettre au consommateur de trouver des produits de qualité à un prix abordable. Ainsi, le panier doit comporter au moins un fruit et un légume, une viande, un poisson, un fromage ou un produit laitier et une boisson. (« À quel prix ? » sur les bancs du groupe SRC.) Le dispositif se déploie sur tout le territoire. Aujourd’hui, tous les hypermarchés intégrés l’ont adopté, ainsi que 50 % des hypermarchés indépendants, et il s’étend progressivement aux supermarchés.

Permettez-moi de vous annoncer une nouvelle initiative du Gouvernement (« Ah ! » sur les bancs du groupe GDR) : dans les quinze jours qui viennent, nous allons signer une convention visant à étendre le panier des essentiels aux commerçants de détail, notamment les bouchers, les maraîchers et les commerçants des marchés. Comme toujours, il y a ceux qui critiquent et ceux qui agissent ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR – Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Bilan des quatre ans - Bataille pour l’emploi

M. le président. La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Rémi Delatte. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

Depuis 2007, la France a dû faire face à cinq crises mondiales d’une ampleur inégalée : financière, économique et sociale, monétaire, énergétique, géopolitique. Malgré ce contexte particulièrement difficile, le Président de la République et la majorité ont réagi avec sang-froid et courage pour protéger la France et les Français.

Et la vérité, c’est que la France est, avec l’Allemagne, le pays qui a le mieux résisté à cette crise : le nombre de chômeurs y a moins augmenté pendant la crise que dans la plupart des pays occidentaux – plus 33 % en France, plus 50 % au Royaume-Uni, plus 121 % aux États-Unis.

Dès 2008, des instruments pour soutenir l’emploi ont été mis en place : le renforcement de l’indemnisation du travail partiel, la montée en charge des contrats aidés, la suppression des charges pour les nouveaux emplois créés dans les TPE, le plan « Rebond pour l’emploi » en 2010.

Ainsi, selon Pôle Emploi, le chômage a reculé de 0,8 % en mars. C’est le troisième mois consécutif de baisse du chômage, ce qui n’était pas arrivé depuis le premier trimestre 2008, et cela représente plus de 42 000 demandeurs d’emplois de catégorie A en moins depuis le début de l’année !

L’opposition ne peut plus crier à la coïncidence : la croissance repart et le chômage s’inscrit dans une tendance durable à la baisse. C’est la preuve que la reprise s’accélère et que la stratégie économique de la majorité est efficace.

Monsieur le ministre, alors que le parti majoritaire réunit aujourd’hui sa convention sur les mesures en faveur de l’emploi, pouvez-vous réaffirmer l’engagement du Gouvernement dans cette lutte contre le chômage ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. (« Et du chômage ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, il est bon, effectivement, de rappeler la vérité. La vérité, c’est que tous les pays d’Europe ont fait face à des crises sans précédent, mais que la France a résisté mieux que les autres. Ainsi, quand le chômage progressait de 27 % en France, il augmentait de 50 % dans de nombreux autres pays, notamment les Pays-Bas et la Grande-Bretagne – il a même doublé en Espagne !

Cette résistance dont a fait preuve notre pays est due au fait qu’un certain nombre de mesures y ont été prises.

M. Roland Muzeau. Des mesures de protection sociale ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Si, le mois dernier, le chômage a reculé de façon importante et pour le troisième mois consécutif – ce qui n’était pas arrivé depuis février 2008 –, ce n’est pas non plus le fait du hasard. C’est dû à la reprise économique, car ce sont les entrepreneurs qui créent les emplois, et à toutes les mesures que nous avons prises, qui ont permis à l’économie de mieux résister, dans l’intérêt des salariés français.

M. Jean-Paul Garraud. Voilà la vérité !

M. Xavier Bertrand, ministre. Quand un demi-million de salariés ont bénéficié de l’activité partielle, ils n’ont pas perdu leur emploi. Quand nous avons permis aux foyers les plus modestes de bénéficier d’une aide au cœur de la crise, nous leur avons permis de maintenir leur pouvoir d’achat.

Grâce aux mesures que nous avons prises, nous assistons aujourd’hui à une baisse importante du chômage en général, mais aussi à une reprise de l’emploi des cadres. Les chiffres de l’intérim sont encourageants et constituent les signes avant-coureurs d’une reprise encore plus forte. Par ailleurs, le nombre d’offres d’emploi est en progression.

Cela étant, nous savons que nous aurons à mettre en phase beaucoup plus rapidement les offres et les demandes d’emploi, car il n’est pas acceptable d’avoir 2,68 millions de demandeurs d’emplois, alors que tant d’offres d’emploi ne sont pas pourvues rapidement. C’est l’un des enjeux des semaines et des mois qui viennent et c’est de cette façon que l’action de la majorité se traduira par une victoire durable sur le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Prime aux salariés

M. le président. La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Vidalies. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, mais je voudrais d’abord dire à M. le ministre du budget, qui, à propos des déficits, citait opportunément le président Edgar Faure, que celui-ci disait également : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Ma question, monsieur le Premier ministre, concerne les revenus des Français. Dans le même temps où ils assistent au spectacle indécent du retour des rémunérations exorbitantes, les Français ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois. C’est aussi le moment où vous avez imaginé la prime de 1 000 euros.

Au départ, c’est une prime pour tous les salariés des entreprises ayant au moins cinquante employés et on nous annonce 8 millions de bénéficiaires. Et puis, le lendemain, elle concerne les entreprises de cinquante salariés, mais seulement celles qui versent des dividendes. Les experts nous disent alors que cela ne fait plus que 4 millions de bénéficiaires.

Le surlendemain, ce sont celles qui versent des dividendes en augmentation par rapport à la moyenne des dividendes des deux années précédentes. Là, devant tant d’audace, les experts sont perplexes et nous disent qu’il y a de grandes entreprises, comme Total ou Vinci, qui n’auront même pas à verser cette prime.

Bref, au terme de toute cette communication, chacun a compris qu’il s’agit d’une sorte de loterie dans laquelle chaque jour le nombre de gagnants diminue ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous avez d’ailleurs déjà fait le coup : c’était en février 2009, avec la prime pour les chômeurs de moins de vingt-cinq ans. Il y avait eu une grande annonce du Gouvernement : 235 000 bénéficiaires, avait déclaré le président Nicolas Sarkozy ! Maintenant, on a fait le décompte : il y en a eu exactement 30 179, soit huit fois moins que ce qui avait été annoncé.

C’est ce qui va arriver encore une fois. Nous voulons une véritable politique : l’augmentation du SMIC et une conférence salariale – ce sont les propositions socialistes pour le pouvoir d’achat. Quelles sont les vôtres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Monsieur le député, une chose est claire, et les salariés l’ont bien comprise : s’il s’agit de leur donner plus, ils ne peuvent pas compter sur le parti socialiste, et sur la gauche en général. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

En effet, cette idée de leur donner plus, ce n’est pas vous qui l’avez eue, comme pour la participation, au sujet de laquelle vous étiez aux abonnés absents.

M. Roland Muzeau. Nous n’étions pas nés !

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette idée s’inscrit dans la même logique : si une entreprise progresse, si ses bénéfices et les dividendes augmentent, c’est certainement grâce à l’actionnaire qui investit, mais c’est aussi grâce aux salariés. Or il y a non seulement les salaires, mais aussi l’intéressement ou la participation. Ce que nous souhaitons, c’est que, lorsque les dividendes progressent, il y ait aussi davantage pour le salarié.

M. Albert Facon. Mensonge !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne vous êtes pas exprimés là-dessus, parce que vous savez pertinemment qu’une très large majorité de nos concitoyens et des salariés sont tout à fait favorables à cette idée que vous vous amusez à essayer de casser.

Or c’est une idée forte, parce qu’elle symbolise un nouveau partage de la valeur dans l’entreprise. Voilà la vérité, monsieur Vidalies. Venez avec moi discuter avec des salariés ; venez dans les entreprises aussi souvent que je le fais,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !

M. Xavier Bertrand, ministre. …cela vous permettra de faire un petit peu moins de démagogie et d’être un peu plus au fait des réalités. Et vous verrez une chose : non seulement les salariés adhèrent à cette idée, mais en plus ils savent, puisque vous avez parlé de loterie, qu’à celle du parti socialiste ils sont toujours perdants ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En effet, ce que vous oubliez de leur expliquer, c’est que, quand vous parlez de fusionner la CSG et l’impôt sur le revenu, cela veut dire que, du coup, la CSG va augmenter de façon progressive. Et qui est-ce qu’elle va massacrer ? Les classes populaires, comme vous l’avez fait avec les 35 heures. Au moins le parti socialiste est constant : avec lui, à chaque fois, ce sont les ouvriers et les employés qui paient !

Mme Sandrine Hurel. On verra cela en 2012 !

M. Xavier Bertrand, ministre. Merci de me permettre de le rappeler, monsieur Vidalies ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur certains bancs du groupe NC.)

Bilan des quatre ans – Investissements d’avenir
pour la recherche

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guénhaël Huet. Ma question s’adresse à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Durant les quatre dernières années, et malgré la plus importante crise économique que le monde occidental ait vécue depuis 1929, la France s’est considérablement modernisée.

Nous avons fermement tenu le cap de l’intérêt général pour réaffirmer les valeurs fondamentales de la République et pour faire les réformes nécessaires aux intérêts du pays et à ceux des Français, et surtout pour préparer les emplois de demain, l’avenir de la France et celui de notre jeunesse.

Ainsi, avec les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir, la majorité a décidé d’anticiper les défis du XXIe siècle pour la France. Sur cette somme, 22 milliards d’euros sont notamment destinés à l’enseignement supérieur et à la recherche, avec comme principaux objectifs de doter la France de cinq à dix campus d’excellence de visibilité mondiale ; de créer le plus important campus scientifique et technologique européen sur le plateau de Saclay ; de favoriser le développement de la formation en alternance et l’égalité des chances ; de renforcer le dispositif français de valorisation de la recherche ; de créer cinq centres hospitaliers universitaires et de valoriser les laboratoires d’excellence.

Enfin, je le rappelle, la réforme des universités, intervenue en 2007, au tout début de la législature, a modernisé l’enseignement supérieur, auquel près de 40 milliards d’euros ont été consacrés au cours de ce quinquennat.

Madame la ministre, nous le voyons bien : ces quatre dernières années, de nombreux instruments ont été mis en place pour préparer l’avenir de notre jeunesse. Merci de préciser à nouveau devant la représentation nationale et de réaffirmer l’engagement du Gouvernement dans ce domaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, depuis 2007, le Président de la République a été visionnaire pour notre pays. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Glavany. Avec cela, vous serez ministre d’État !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il a voulu donner l’autonomie aux universités.

Cette autonomie, la gauche en parlait, nous l’avons faite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et personne ne reviendra dessus. En effet, l’autonomie, c’est beaucoup plus qu’une loi : c’est la confiance accordée aux universitaires, aux personnels et aux étudiants qui deviennent maîtres de leur destin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Féron. Cela ne marche pas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’autonomie, ce sont de nouveaux diplômes pour la réussite de notre jeunesse.

M. Hervé Féron. Une jeunesse abandonnée !

Mme Valérie Pécresse, ministre. L’autonomie, c’est plus d’insertion professionnelle ; ce sont des campus rénovés ; ce sont des professeurs étrangers qui viennent en France, attirés par notre dynamisme ; ce sont de nouveaux partenariats avec le monde économique pour plus d’innovation et plus d’emploi.

M. Hervé Féron. Mais réveillez-vous !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec les 22 milliards d’euros du plan d’investissement d’avenir que nous avons voulu pour lutter contre la crise économique, aujourd’hui les universités autonomes s’allient avec les grandes écoles, avec les organismes de recherche,…

M. Hervé Féron. Dans vos rêves !

Mme Valérie Pécresse, ministre. …avec le monde économique dans toutes nos régions et tous nos territoires, pour dessiner le visage de la France de demain.

Et la France de demain, c’est une France forte dans un monde qui change ; c’est une France qui innove, une France qui crée. Voilà la vision du Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Apprentissage dans les PME

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marylise Lebranchu. J’associe à ma question ma collègue Françoise Olivier-Coupeau.

Nous venons d’entendre les réponses de Valérie Pécresse et de Xavier Bertrand. Je voudrais que, tous ensemble, nous regardions la réalité.

Je ne suis pas dans la critique constante mais, madame Pécresse, vous ne pouvez pas dire que tout est parfait, le fait que des responsables universitaires viennent demander quelques subsides supplémentaires auprès de responsables régionaux le prouve. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le chemin est encore long pour que nos universités rejoignent les universités européennes ou même mondiales.

Concernant le chômage et les entreprises, monsieur Bertrand, vous avez répondu à M. Vidalies que cette prime de 1 000 euros annoncée, pas donnée, viendrait enfin répondre aux demandes des salariés. Une mesure simple pourrait être prise, l’indexation de l’impôt sur les sociétés sur la destination des dividendes : cet impôt pourrait être augmenté jusqu’à 40 % si les dividendes sont entièrement redistribués aux actionnaires, et baissé à 20 % si les salaires augmentent. Voilà ce que les salariés demandent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Puisque vous parlez de projet, discutons projet contre projet.

Parmi les mesures écrites par l’UMP qui viennent de vous parvenir, monsieur le Premier ministre, figure la proposition que OSEO devienne la banque publique des PME. Pourquoi ne pas discuter tous ensemble d’une proposition que vous avez rejetée, qui est de créer une banque publique d’investissements pour retrouver de l’industrialisation et de la création d’emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Bref, peut-on enfin être sérieux, ne pas faire de l’incantation mais de la politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Desallangre. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Nadine Morano, ministre chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Madame la députée, vous nous interpellez sur la réalité de la France qui change. Eh bien, la France qui change, Valérie Pécresse vient de vous le dire, ce sont 39 milliards d’euros qui auront été consacrés au cours de ce mandat à l’Université et à la recherche, c’est la mise en place d’un dispositif qui consiste à mieux répartir – ce que vous n’avez jamais fait ni même pensé – la valeur ajoutée dans notre pays. Nous allons œuvrer dans ce sens parce qu’il nous paraît indispensable que les salariés qui contribuent, eux aussi, à la création de la valeur dans notre pays puissent en toucher également le produit. La réflexion est en cours, le dispositif est en voie de création et nous allons y arriver, car cela répond à une attente très forte de nos concitoyens.

Certes il faut aller plus loin, mais, madame Lebranchu, vous auriez pu rappeler ce que le programme du parti socialiste prévoit pour l’emploi des jeunes : 300 000 emplois jeunes d’il y a quinze ans, financés avec de l’argent public, de l’emploi précaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Claude Greff. Très juste !

Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement considère quant à lui, avec la majorité parlementaire, que la vraie création de l’emploi des jeunes – je vous rappelle que le taux de chômage des jeunes a reculé en un an de presque 7 % – ce sont des jeunes bien formés, bien orientés, des jeunes que nous amenons dans le secteur de l’entreprise, là où l’on crée véritablement des emplois. Conformément à la feuille de route donnée par le Président de la République, nous allons développer l’alternance parce que notre objectif, au Gouvernement et à cette majorité parlementaire, c’est de donner aux jeunes la formation universitaire quand ils en ont besoin, mais aussi de leur permettre de trouver un emploi par l’alternance parce que c’est un des leviers puissants pour lutter contre le chômage des jeunes. Je pense que vous pourriez nous suivre aussi dans cette direction, pour permettre aux PME de participer à notre lutte pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Lancement des "patrouilleurs"

M. le président. La parole est à Mme Cécile Dumoulin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Cécile Dumoulin. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

En France, les crimes et délits ont baissé de 17,9 % entre 2002 et 2010. Ces résultats, nous les devons au Gouvernement qui, depuis quatre ans, n’a cessé de rechercher les moyens les plus efficaces pour lutter contre la délinquance et à l’action quotidienne de la police sur le terrain. La sécurité demeure, aujourd’hui, l’objectif numéro un de l’action du ministère de l’intérieur car c’est notre bien le plus précieux.

Depuis hier, Mantes-la-Jolie, ville centre de ma circonscription, ainsi que Nice, Strasbourg et Poitiers sont les quatre sites expérimentaux choisis pour rapprocher policiers et citoyens avec la mise en place de patrouilleurs. Durant une période d’évaluation de deux mois, ces patrouilleurs auront pour mission d’être visibles pour la population, de renforcer le lien de confiance, et d’être dissuasifs pour les délinquants.

Je salue ce dispositif qui permettra de compléter les actions déjà menées sur notre territoire avec les brigades de roulement, les brigades spéciales de terrain, les groupements de sécurité, en complément des actions mises en place par la ville de Mantes-la-Jolie, comme la vidéo-protection, la police municipale, les veilleurs de nuit, tout ceci dans le but d’assurer la sécurité des habitants, des commerçants et des équipements publics.

Ces efforts conjoints, qui ont permis une baisse de la délinquance de 24 % en cinq ans à Mantes-la-Jolie, doivent se poursuivre et l’État comme les collectivités locales doivent continuer à s’engager.

Bien que l’opposition ironise sur le retour d’une police de proximité, je voulais vous faire savoir, monsieur le ministre, que le dispositif des patrouilleurs est déjà bien accueilli sur notre territoire. Toutefois, avant votre venue vendredi dans ma circonscription (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.), je souhaiterais que vous nous précisiez le plan de cette mission, les moyens qui y sont associés ainsi que les zones couvertes par ces patrouilleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Alain Néri. Et des patrouilleurs !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Vous avez raison, madame la députée, de rappeler ces vérités. C’est avec fierté que je répète, une nouvelle fois, devant l’Assemblée nationale que la délinquance a reculé de 17 % depuis 2002…

M. Albert Facon. Où ?

M. Claude Guéant, ministre. …alors qu’elle avait augmenté du même ordre de grandeur pendant les cinq années qui ont précédé 2002. C’est également avec fierté que je souligne que le taux d’élucidation des affaires criminelles et délictuelles est passé de 26 % en 2002 à 37 % l’an dernier.

Ces résultats, nous les devons au formidable travail des policiers et des gendarmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Mais nous les devons aussi à l’action du Gouvernement et de la majorité, qui ont pris des décisions courageuses et lucides dès lors qu’il le fallait.

Nous étions hier avec le Premier ministre à Écully dans les laboratoires de la police scientifique et technique. Nous avons vu les résultats du fichier des empreintes génétiques : 47 000 affaires ont été résolues l’année dernière. Qui a pris la décision de créer ce fichier ? Vous !

Cela dit, la sécurité, ce n’est pas seulement le recul de la délinquance, c’est aussi la visibilité de la police, le climat de sécurité, la façon dont les gens se sentent rassurés.

Mme Jacqueline Maquet. Parlons-en !

M. Claude Guéant, ministre. C’est la raison d’être de la création des patrouilleurs. Les patrouilleurs, ce sont des policiers qui patrouillent, le plus souvent à deux, le plus souvent à pied. (Sourires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je voudrais dire d’emblée que ce concept n’a rien à voir avec la police dite de proximité qui a été mise en place avant 2002 (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) et qui a connu un échec retentissant puisque la délinquance a explosé.

M. Jean-Paul Bacquet. Petit, petit, petit !

M. Claude Guéant, ministre. Nous assumons toutes les fonctions de la police : la prévention, la dissuasion et la répression.

M. Jean-Paul Bacquet. Minable !

M. Claude Guéant, ministre. Tous les rapports commandés par la gauche à l’époque l’ont souligné, la fonction judiciaire avait été abandonnée. Eh bien, nous, nous assumons la répression qui n’est rien d’autre que de mettre les délinquants à la disposition de la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Éducation nationale

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Mme Marie-Line Reynaud. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, la colère est grande dans le monde de l’éducation suite à l’annonce de la baisse de la dotation horaire pour la prochaine rentrée 2011-2012. Vous avez créé une forte colère dans le monde enseignant ainsi qu’auprès des parents d’élèves, colère légitime compte tenu des décisions que vous avez annoncées.

Partout en France, des manifestations se multiplient, chaque semaine plus nombreuses, regroupant parents, enseignants, élus et élèves. Vous invoquez la nécessaire réduction des dépenses publiques pour justifier vos suppressions de postes, mais vous faites porter l’effort financier sur le seul avenir des jeunes, alors que dans le même temps vous offrez de nombreux cadeaux fiscaux aux plus riches.

Pour ne prendre qu’un seul exemple, dans un lycée public du département de la Charente, une filière technique se trouve amputée d’un tiers de sa dotation horaire globale annuelle : il faudra assurer le même programme et transmettre les savoirs avec 100 heures en moins à la rentrée prochaine. La situation est la même dans tout le pays. Je précise que vos annonces de réduction de postes d’enseignants n’ont été précédées d’aucune négociation. À l’injustice de vos décisions, vous ajoutez le mépris à l’égard des acteurs du monde de l’éducation nationale ! (« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Elle a raison !

Mme Marie-Line Reynaud. Après la réforme des programmes et la réduction des heures de certaines matières, les sciences en particulier, la suppression de nombreux postes d’AVS et d’EVS, l’application injuste et brutale de la RGPP, la répartition politique de la part complémentaire de la dotation horaire, le Gouvernement fait le choix de réduire la dotation horaire globale.

L’école laïque de la République a pour mission de donner à chaque enfant un accès au savoir dans les meilleures conditions possibles. Chaque jour, par ses décisions, le Gouvernement s’éloigne un peu plus de cette mission. Pour la première fois à la rentrée prochaine, des élèves se retrouveront sans enseignant.

Monsieur le ministre, ma question est simple : quand allez-vous revoir votre copie pour une éducation nationale digne de ce nom ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

M. Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la députée, vous m’interrogez sur la situation dans l’éducation nationale. Je pense que vous faites référence aux discussions qui ont lieu en ce moment sur la carte scolaire du premier degré. Concernant ce premier degré, les écoles de France, il y aura, à la rentrée prochaine, 12 000 enseignants de plus que lorsque vos amis étaient aux responsabilités, au début des années 90, alors qu’il y a 270 000 élèves de moins dans le primaire. À la rentrée prochaine, le taux d’encadrement sera donc renforcé par rapport à ce qu’il était il y a quinze ou vingt ans. C’est une réalité qu’il faut rappeler aux Français.

Alors, oui, madame la députée, nous réorganisons pour faire davantage là où il y a des priorités. Nous regroupons là où c’est nécessaire, par exemple lorsque, dans une classe, quinze élèves sont répartis sur trois niveaux. Je suis élu d’un territoire rural et je pense qu’il est parfois nécessaire de procéder à des regroupements pédagogiques intercommunaux avec des services pour les familles, un accueil périscolaire tôt le matin, une demi-pension, des activités périscolaires. C’est ça un service moderne de l’éducation nationale : un service capable de s’adapter, de se moderniser et de mobiliser les moyens là où ils sont nécessaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À la rentrée prochaine, il y aura, en moyenne, vingt-cinq élèves par classe en maternelle. Ce nombre était de vingt-sept au début des années 90 ! En primaire, il y aura vingt-deux élèves par classe ; ce nombre était de vingt-trois au début des années 90.

M. Bernard Roman. Ce n’est pas vrai !

M. Luc Chatel, ministre. Cessez donc d’avoir une lecture purement comptable ! Attaquons-nous au fléau, aux difficultés en matière de lecture ! C’est ce que nous faisons dans le cadre des plans de lutte contre l’illettrisme et contre le décrochage scolaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Pouvoir d’achat des fonctionnaires

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Charles de La Verpillière. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

Depuis 2007, les gouvernements de François Fillon ont profondément rénové la gestion des ressources humaines dans la fonction publique française : droit individuel à la formation, possibilités accrues de mobilité et de promotion au cours de la carrière, action en faveur des personnes handicapées, rénovation du dialogue social, réforme en profondeur du système des primes et accord historique sur l’accès des contractuels précaires à des contrats à durée indéterminée.

S’agissant des salaires, des négociations se tiennent depuis 2008 entre le Gouvernement et les organisations syndicales de la fonction publique. Lors du rendez-vous salarial du mardi 19 avril, vous avez décidé, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas augmenter le point d’indice en 2012 tout en continuant à financer, comme en 2011, les réformes dont je viens de parler. Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui ont conduit le Gouvernement à prendre cette décision ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Monsieur le député, vous connaissez suffisamment bien ces sujets pour ne pas établir de confusion entre l’augmentation du point d’indice et celle du pouvoir d’achat. En disant cela, je vous donne quasiment tous les éléments de la décision que nous avons prise avec François Baroin, le 19 avril dernier.

Pour être précis, je me dois d’être un peu technique et de vous expliquer comment se décompose l’augmentation du pouvoir d’achat dans la fonction publique. Lorsque, sur une année, l’augmentation de la masse salariale pour l’État est de 2,4 milliards d’euros, plus de 50 % de cette augmentation sont directement liés à la trajectoire personnelle des agents, c’est-à-dire à l’ancienneté et aux promotions.

Vous avez ensuite un deuxième paquet de 600 millions d’euros, sur lequel je me permets d’insister, qui découle de notre volonté de restituer aux fonctionnaires la moitié des économies réalisées par l’application de la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Cette somme devait avoisiner les 400 millions d’euros et nous l’avons portée volontairement à 600 millions, en particulier – je le dis sous le contrôle de Luc Chatel – pour financer des mesures dans l’éducation nationale, notamment la fameuse mesure du LMD.

Quant au troisième paquet, il comprend à la fois la garantie individuelle de pouvoir d’achat mise en place par Éric Woerth, l’indexation des rémunérations basses sur le SMIC et le point d’indice. Aujourd’hui, le point d’indice constitue environ 15 % de l’augmentation de la rémunération des agents publics de l’État. C’est donc tout simplement parce que nous considérons qu’il faut cibler la politique salariale dans la fonction publique que nous avons pris cette décision le 19 avril dernier.

Une seule question se pose : cela obère-t-il nos marges de manœuvre pour faire d’autres choses ? Non, bien entendu, vous l’avez rappelé. Nous financerons malgré tout le plan de résorption de la précarité dans la fonction publique, l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes à partir de l’excellent rapport de Françoise Guégot et la journée du handicap le 12 mai, qui donnera lieu à une vraie campagne sur le sujet. Vous le voyez, nous concilions la réduction des déficits avec une politique sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

6

Remplacement d’un député décédé

M. le président. J’ai reçu, en application des articles L.O. 176 et L.O. 179 du code électoral, une communication de M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, en date du 3 mai 2011, m’informant du remplacement de notre collègue Patrick Roy, député de la dix-neuvième circonscription du Nord, par Mme Marie-Claude Marchand.

7

Renforcement de la compétitivité
de l’agriculture française

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Jean Dionis du Séjour et plusieurs de ses collègues visant à renforcer durablement la compétitivité de l’agriculture française (nos 3198, 3288).

Le Gouvernement a indiqué que, en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l’ensemble de la proposition de loi.

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Jean Dionis du Séjour. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre de l’agriculture, 3,50 euros en Espagne, entre 5 et 7 euros en Allemagne et 9,20 euros en France : voilà aujourd’hui la réalité du salaire horaire minimum dans l’agriculture européenne ; 21 % en Espagne, 23 % en Allemagne, 41,5 % en France : voilà aujourd’hui la réalité des charges patronales dans l’agriculture européenne.

Nos principaux voisins, les Allemands mais aussi les Espagnols et les Italiens – qui sont aussi nos principaux concurrents en matière d’agriculture –, ont tous allégé le coût global du travail agricole beaucoup plus vite et beaucoup plus fortement que nous ne l’avons fait.

Reconnaissons-le, il y a eu sur ce sujet une rigidité et une naïveté françaises qui blessent directement nos agriculteurs. Des filières entières – fruits, légumes, viticulture, horticulture – perdent chaque année des parts de marché, et l’existence de distorsions de concurrence en défaveur de nos agriculteurs n’est plus contestée aujourd’hui par personne.

Notre proposition de loi étend aux salariés permanents l’exonération de cotisations patronales adoptée en 2010 pour l’emploi de travailleurs saisonniers. Le coût de cette exonération sera entièrement compensé par la création d’une taxe portant sur les ventes au détail de produits alimentaires.

Une nouvelle fois, ceux qui contestent cette initiative vont nous dire que notre proposition est incompatible avec le droit européen, mais une nouvelle fois ils ne nous convaincront pas du tout.

En effet, l’exonération proposée est le prolongement à l’identique – j’insiste sur ce point – du dispositif gouvernemental d’exonération de cotisations pour les travailleurs saisonniers mis en œuvre par la loi du 9 mars 2010. De plus, la politique de financement de la protection sociale est une compétence des États membres. Enfin, c’est la France qui est victime de distorsions de concurrence en matière de coût du travail agricole, et il est donc parfaitement légitime qu’elle prenne des mesures afin de se défendre !

Expliquez-nous par ailleurs comment les exonérations que le Gouvernement va proposer lors du débat sur le PLFSS 2012 seraient plus eurocompatibles que les nôtres.

Concernant le financement de l’exonération, il reprend à l’identique – et j’insiste à nouveau – le dispositif gouvernemental de la contribution pour une pêche durable, dit taxe « poissons », qui fonctionne depuis deux ans et dont le ministre du budget nous a démontré, lors de son adoption en 2007, qu’il était eurocompatible.

Quoi de plus légitime que de faire participer l’aval de la filière – la grande distribution – au financement du soutien aux agriculteurs ? En effet, la marge nette de la grande distribution dans le secteur des fruits et légumes se situe entre 30 et 40 %, ce qui est tout simplement scandaleux ! Face aux tergiversations que provoque cette situation, je me pose une question simple : Qui, parmi nous, a peur de la grande distribution ? Et pour quelles bonnes raisons ?

L’assiette très large et le taux réduit de la taxe, de l’ordre de 1 %, permettront de limiter son impact tant sur les producteurs que sur les consommateurs.

Au bout du compte, l’enjeu de notre débat est clair : Allons-nous, oui ou non, permettre une baisse significative des charges des agriculteurs dès le 1er janvier 2012 ?

Alors, soyons clairs. Notre initiative, soutenue par 131 députés du Nouveau Centre et de l’UMP, a déjà fait bouger les lignes. L’adoption de notre proposition de loi créera l’élan politique dont notre ministre de l’agriculture a besoin pour lutter contre l’immense armée de ceux qui n’auront de cesse de lui répéter que cela ne marchera pas. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à la voter sans états d’âme.

Monsieur le ministre, vous avez pris, il y a trois semaines, devant l’Assemblée, l’engagement que le Gouvernement soutiendrait, lors de l’examen du PLFSS 2012, un dispositif d’allégement supplémentaire des charges. Nous vous faisons confiance pour accomplir ce geste vital pour l’avenir de l’agriculture, en vous inspirant notamment des conclusions de la mission que vous avez confiée à notre collègue Bernard Reynès, que je salue ici.

Quel que soit le vote de notre assemblée aujourd’hui, je continuerai, avec Charles de Courson, le groupe Nouveau Centre et les cosignataires de notre proposition de loi, ce juste combat jusqu’à son terme. Nous ne nous satisferons pas d’une « mesurette », et nous serons présents, avec nos propositions, lors du débat sur le PLFSS 2012 !

En revanche, monsieur le ministre, si vous décidez de porter une réforme ambitieuse, à la mesure des défis auxquels notre agriculture est confrontée, alors tous les centristes, Charles de Courson, moi-même, vous soutiendrons de toutes nos forces.

Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC) ; mais nous restons vigilants. Nous optons pour la doctrine de la Banque de France : la confiance accordée au Gouvernement n’exclut pas le contrôle du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi est l’aboutissement d’un bon travail, d’un travail de fond des parlementaires qui l’ont présentée.

Toutefois, quatre raisons précises amèneront le groupe UMP à la rejeter.

Il existe, c’est vrai, une distorsion de concurrence entre les charges sociales patronales et salariales – même si seules les premières nous préoccupent aujourd’hui – en France et dans d’autres pays européens. Mais, hélas ! cela ne concerne pas que l’agriculture, et cela ne concerne pas que les producteurs de fruits et légumes. C’est le premier inconvénient de cette proposition de loi.

Le deuxième inconvénient, c’est qu’au sein même de l’agriculture, de nombreuses exploitations n’ont pas de salariés – je pense principalement aux producteurs de lait, grande production française. Or, dans ce secteur, les salariés qui créent de la valeur ajoutée, ce sont ceux qui travaillent en aval ; mais ils ne sont pas concernés par cette proposition ! En l’adoptant, nous mettrions donc le doigt dans un engrenage dangereux : pourquoi, demain, les transformateurs de lait ne demanderaient-ils pas également l’exonération de charges patronales pour leurs salariés ? Ce serait justifié.

Le troisième inconvénient, c’est le mode de financement. Quoi de plus normal, disiez-vous, cher collègue, que de faire payer la grande distribution ? Mais ce milliard d’euros, ce 1 % prélevé par une taxe sur les produits alimentaires vendus par la grande distribution, vous pensez bien qu’ils seront répercutés, non pas même sur le consommateur, mais sur les fournisseurs, donc sur les producteurs de matières premières ! Cette mesure serait donc tout à fait inefficace.

M. Jean-Paul Bacquet. Mais c’est la FNSEA qui s’exprime !

M. Michel Raison. Enfin, la taxe destinée à financer l’équarrissage a été déclarée incompatible avec le droit européen ; la « taxe poisson », que vous avez citée, le sera vraisemblablement aussi. Bruno Le Maire a raison : voter aujourd’hui une telle mesure, dans une telle incertitude sur sa compatibilité avec le droit européen, ce serait faire prendre de grands risques, peut-être pas à Bruno Le Maire, mais à son successeur ! (Sourires.)

On connaît la complexité, parfois, de ce genre de problèmes, créés par de lointains prédécesseurs, et qu’il faut régler !

Monsieur le ministre, lors de la séance de la commission, vous avez fait une promesse. J’ai une grande confiance en Bruno Le Maire, mais l’expérience m’a fait perdre une certaine naïveté : je fais moins confiance au ministre qu’à Bruno Le Maire. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe NC.)

Je resterai donc, moi aussi, très vigilant lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012. Mais, en attendant, j’encourage mes collègues à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe SRC.

M. Jean Gaubert. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui porte sur les problèmes de compétitivité que rencontre l’agriculture française. Ils sont réels ; nous en connaissons un certain nombre.

Mais cette question n’est ici posée que sous l’angle des coûts sociaux, des cotisations sociales, alors que beaucoup d’autres problèmes se posent.

Il faut d’abord rappeler qu’une précédente loi a, en 2006, réglé le problème des saisonniers, autant qu’il pouvait l’être. Le problème ne demeure donc que pour les salariés permanents. Cela a déjà été dit.

Quelle est la situation du salariat permanent en France ? Le coût des charges salariales – pas seulement des charges sociales – dans l’agriculture française oscille entre 5 et 8 %, selon les catégories, pour les salariés permanents. Est-ce le vrai problème ? Certes, si elles diminuaient encore, tout le monde applaudirait ; mais dans nombre de secteurs, ce coût est beaucoup plus élevé.

Ne parler que du coût des salaires, c’est mal poser le problème : il y a bien d’autres problèmes de compétitivité ! J’en prends quelques exemples.

Le coût des matières premières a ainsi beaucoup augmenté : voilà une charge qui handicape beaucoup plus notre agriculture que d’autres.

Je pense aussi à la valorisation des sous-produits. On fait souvent, ici, la comparaison avec d’autres pays ; on constate ainsi qu’en Allemagne, l’agriculture devient de plus en plus – malheureusement – un sous-produit de la production d’énergie : les Allemands, vous le savez, se sont engagés beaucoup plus tôt que nous dans la production d’énergies renouvelables. C’est vrai aussi au Danemark, où le lisier sert à chauffer les villes et où certains producteurs agricoles ont installé sur leurs exploitations des éoliennes.

Constatons que, là aussi, des écarts de compétitivité se sont installés depuis un certain temps.

Je pense aussi à la fiscalité. Il existe des écarts fiscaux entre les différents pays. Le système allemand de récupération de la TVA est plus avantageux pour l’agriculture que le système français ; certes, ils ont obtenu une dérogation à un moment ou à un autre, mais, monsieur le ministre, il faudra bien que ces sujets soient remis sur la table. D’autre part – nous en avons parlé lors de la discussion du projet de loi d’orientation agricole – on sait bien que le système d’incitation fiscale à l’investissement en France est pervers, et qu’il a tendance à charger au-delà du nécessaire la gestion des exploitations agricoles.

Je pourrais continuer longtemps : les problèmes qui mènent à des écarts de compétitivité sont nombreux. Mais je voudrais en venir au financement. Vous avez trouvé quelque chose d’extraordinaire : une taxe de 1 % sur les grandes et moyennes surfaces.

Outre qu’il y a déjà, vous le savez tous, un problème de compatibilité européenne posé par la « taxe poisson », il faut se demander qui paierait vraiment cette taxe nouvelle : croyez-vous que ce seraient les entreprises de la grande distribution ? J’en doute : plus sûrement, ce serait le consommateur, ou bien les caissières – on l’a vu récemment : les caissières de Carrefour se considèrent comme mal payées et mal considérées, et chacun sait qu’elles n’ont pas tort ; ou alors, ce serait peut-être, puisque c’est une habitude bien ancrée dans la grande distribution, les fournisseurs.

Or ceux-ci ont souvent des charges salariales bien plus élevées que les 5 à 8 % que j’ai évoqués.

Enfin, je voudrais dire que le problème posé est un vrai problème. Il faut se souvenir qu’en 1945, quand notre système social a été mis en place, il reposait sur des cotisations liées au salaire : les salaires étaient les seuls revenus de nos concitoyens. Aujourd’hui, les salaires représentent moins de 60 % du total des revenus de nos concitoyens, et on refuse systématiquement de s’intéresser aux autres revenus !

C’est cela qui fera l’objet du débat en 2012 : vous voulez appliquer ce que vous appelez une TVA sociale, ou TVA anti-délocalisations, qui pénalisera encore davantage les plus bas revenus ; nous voulons, nous, demander à l’ensemble des revenus de cotiser pour notre protection sociale.

En tout état de cause, vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas adhérer à cette proposition de loi. Nous voterons donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

M. François Rochebloine. Comme d’habitude !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi du Nouveau Centre a montré l’ampleur du décalage entre les maux profonds dont sont victimes nos agriculteurs et le traitement libéral que la droite au pouvoir depuis 2002 entend appliquer sans relâche à une situation dramatique qu’elle a elle-même contribué à précipiter.

Arc-boutés sur les « charges qui pèsent sur le coût du travail », vous nous avez décliné pour l’agriculture les recettes usées du MEDEF, excluant ainsi tout débat de fond sur les problèmes structurels que sont les prix d’achat aux producteurs et le revenu des agriculteurs, la régulation des échanges internationaux et l’indispensable sortie du secteur agricole de l’OMC, au encore la transformation de notre modèle agricole européen dans le cadre de la future PAC.

Bien sûr, personne n’est dupe du caractère pré-électoral de cette initiative parlementaire.

Plusieurs députés du groupe Nouveau Centre. C’est faux !

M. André Chassaigne. Elle n’apporte évidemment rien aux choix fondamentaux qui se dessinent à Bruxelles, mais elle vous a permis de faire monter la mayonnaise contre le modèle social de notre pays, éternel coupable de « surcharges », de « poids » et de « largesses » qui sont selon vous causes de tous les maux.

Pourquoi la stratégie du bouc émissaire ne fonctionnerait-elle pas aussi pour l’agriculture ?

Mais pourquoi, cher collègue Dionis du Séjour, ne pas avoir attaché autant d’importance à évaluer le « poids » des « charges financières » qui « pèsent » sur les exploitations ou le poids de la spéculation financière sur les prix d’achat des matières premières agricoles pour l’alimentation animale ?

Mais pourquoi ne pas avoir parlé des « largesses » des accords de libre-échange en discussion entre l’Union Européenne et les pays tiers sur les quotas d’importation de viande bovine, ou encore de la baisse des droits de douane que propose l’OMC sur les importations de viande, qui viendront directement concurrencer nos élevages ?

À votre décharge, chers collègues du centre et de la majorité, vous semblez atteints d’une cécité chronique pour certaines charges ! Cette sorte de maladie infantile du capitalisme vous conduit à reproduire sans cesse des discours convenus sur les « charges sociales », occultant ainsi les questions de fond. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Fort heureusement, les auteurs de cette proposition de loi ont d’ores et déjà été rassurés en séance publique : le ministre a répondu favorablement à leur demande de dumping social, puisqu’il travaille à une exonération de cotisations sociales plus poussée pour l’automne 2011, applicable au 1er janvier 2012.

En commission, monsieur le ministre, vous vous êtes dit « favorable à une harmonisation sociale européenne, qui doit se faire par le haut », ainsi qu’à « un salaire minimum européen », affirmant vous opposer « à tout alignement vers le bas ». Dire cela, tout en travaillant d’arrache-pied à détricoter la protection sociale et le revenu des salariés de votre propre pays, c’est une performance !

Pour réaliser ce miracle, monsieur le ministre, vous avez développé en séance publique un argumentaire juridique tout à fait admirable : vous auriez trouvé le chemin de l’eurocompatibilité des exonérations sociales grâce à l’arrêt Royaume de Belgique de la Cour de justice des communautés européennes en date du 17 juin 1999, selon lequel « les cotisations sociales peuvent être fixées en tenant compte pour certains secteurs de la nécessité de maintenir ou de développer l’emploi, à l’exclusion des motifs de compétitivité ». La béatification du marché est engagée – à moins que ce ne soit tout simplement le chemin des retrouvailles avec les centristes pour 2012 !

Il me paraît assez savoureux de trouver des dizaines de fois dans vos interventions la recherche de compétitivité comme planche de salut pour l’agriculture, et de vous voir contraint de justifier cette politique de compétitivité en évitant soigneusement de faire référence à cette notion pour garantir l’eurocompatibilité de vos mesures de casse sociale !

Je suis encore plus abasourdi lorsque vous faites part de différentes pistes pour l’instauration d’un dispositif d’indexation sur le coût de l’alimentation animale qui serait mis en œuvre pour dédouaner la grande distribution de ses responsabilités, afin de soutenir les prix d’achat aux producteurs en cas de hausse des prix de l’alimentation animale : vous proposez une simple répercussion par la hausse des prix à la consommation !

M. le président. Veuillez conclure.

M. André Chassaigne. Décidément, avec la droite, nous ne sommes jamais à l’abri de solutions miracles se limitant à des innovations financières néfastes pour l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)

Le signal que représente cette proposition de loi s’appuie sur un mythe entretenu par l’économie dominante selon lequel la pression à la baisse sur les salaires et la protection sociale seraient mécaniquement créatrices d’emploi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est fini !

M. le président. Quel sera le vote de votre groupe ?

M. André Chassaigne. Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter ce texte d’inspiration libérale.

M. le président. Merci…

M. André Chassaigne. Il ne permettra pas de résoudre les problèmes de l’agriculture ; il s’évertue au contraire à confondre les causes et les conséquences pour mieux servir le moins-disant social. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 514

Nombre de suffrages exprimés 497

Majorité absolue 249

(La proposition de loi n’est pas adoptée.)

8

Interdiction de l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi de M. Yvan Lachaud visant à interdire l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols (nos 2738 et 3306).

Le Gouvernement a indiqué qu’en application de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l’Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements et l’article unique de la proposition de loi

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Yvan Lachaud.

M. Yvan Lachaud. Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, le groupe Nouveau Centre a présenté la proposition de loi que j’avais déposée pour interdire l’utilisation des phtalates, des parabènes et des alkylphénols. Compte tenu de l’enjeu de santé publique et suite à l’adoption de la loi sur le bisphénol A, nous avons souhaité permettre à la représentation nationale de s’exprimer sur ce sujet qui fait l’objet de controverses et suscite des inquiétudes chez nos concitoyens – les pharmaciens le savent parfaitement.

Les substances chimiques citées par la proposition de loi sont présentes dans de nombreux produits de consommation courante, alors même que les preuves de leur innocuité n’ont pas encore été apportées. De nombreuses études tendent aujourd’hui à démontrer la responsabilité de ces substances sur le développement de certaines maladies ainsi que sur la perturbation du système endocrinien chez l’être humain : baisse de fertilité masculine, multiplication des cancers, malformations congénitales, incidences sur le développement prénatal de l’embryon et du fœtus.

Pour ces raisons, et au nom du principe de précaution, il nous semble important de formuler des mises en garde sur l’utilisation de ces produits, afin de réduire le plus possible l’exposition de nos concitoyens à ces molécules.

En juin dernier, notre assemblée s’est penchée sur une proposition de loi sénatoriale concernant la suspension de la commercialisation de biberons contenant du bisphénol A. Il s’en est suivi une nouvelle directive européenne, datée du 28 janvier 2011, qui a modifié la réglementation relative aux matériaux et objets en matière plastique entrant en contact avec les aliments. Cette directive vise à interdire l’utilisation du bisphénol A dans les biberons jusqu’à ce que l’on dispose de données scientifiques complémentaires confirmant les effets toxiques de cette substance.

Le texte sur lequel nous nous prononçons aujourd’hui participe du même esprit : l’absence de certitude, en raison de l’état des connaissances scientifiques et techniques à l’heure actuelle, ne doit pas retarder la prise en considération des risques liés à l’utilisation de ces substances chimiques.

Alors même que les phtalates ont été pris en compte dans le cadre de la directive européenne REACH, des incertitudes demeurent sur l’effet sur la santé de l’utilisation des parabènes, notamment du butylparabène et du propylparabène. Depuis peu, le Danemark a interdit deux utilisations de parabènes pour les enfants. Le Parlement français a le devoir de s’inscrire dans cette démarche en adoptant des mesures de suspension et en s’intéressant à la question des produits de substitution.

C’est ce à quoi vous invite le Nouveau Centre, qui espère que cet esprit de responsabilité guidera vos votes. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour le groupe UMP.

M. Michel Raison. J’ai beaucoup d’estime pour mes amis du Nouveau Centre et pour la qualité de leurs productions, mais, pour la deuxième fois cet après-midi, je propose de voter contre leur proposition de loi, qui prévoit une interdiction totale de la fabrication, de l’importation, de la vente ou de l’offre de produits contenant des phtalates, des parabènes ou des alkylphénols.

Comme je l’avais souligné lors de la discussion générale, ce texte peut paraître séduisant avec la mise en place d’une interdiction totale préventive pour protéger la santé de nos concitoyens. La réalité est toutefois plus nuancée, et une interdiction totale risquerait de causer plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait. Sommes-nous bien sûrs qu’il existe des solutions de substitution présentant de meilleures garanties pour la santé de nos concitoyens ?

Cette inconnue, ajoutée à l’existence d’un encadrement des perturbateurs endocriniens par des textes nationaux et communautaires et aux recherches en cours encore non abouties, nous pousse à voter contre l’adoption de ce texte. Il ne s’agirait pas de troquer à la hâte un mal non établi contre un péril plus important, si d’aventure les substituts étaient plus toxiques ou moins efficaces que les composés actuels. Dans le cas critique des phtalates, que j’avais déjà abordé, la difficulté majeure d’une interdiction tient à la place qu’ils occupent dans la composition des dispositifs médicaux, dont ils représentent parfois plus de 50 %. Pour avancer sur leur encadrement et leur éventuelle interdiction, il est beaucoup plus sage d’attendre les résultats des études menées par l’INSERM et les autres instituts de recherche tout en maintenant un haut niveau de vigilance.

De plus, nous ne sommes pas seuls. Nous devons consulter nos partenaires européens si nous souhaitons arriver à une décision efficace. Comme vous le savez, la mise en place du système REACH et l’évaluation de la dangerosité des différents composés chimiques par les industriels, qui doivent désormais montrer l’innocuité des substances chimiques qu’ils fabriquent ou commercialisent, va nous permettre de bien mieux protéger la santé humaine et l’environnement.

Au nom du groupe UMP, je salue la compréhension du rapporteur qui, pour répondre aux objections qui lui avaient déjà été opposées en commission des affaires sociales, avait déposé un amendement substituant à l’interdiction totale une mesure beaucoup plus ciblée.

Ce débat nous a donné l’occasion de dialoguer avec le ministre sur les études actuellement en cours, les autres substances potentiellement à risque et les différentes façons de mieux protéger nos concitoyens. L’actualité récente vient d’ailleurs confirmer ce que nous disions il y a quinze jours puisque la synthèse portant sur la reproduction et l’environnement, que l’INSERM a publiée le 13 avril dernier, conclut à une insuffisance des preuves et à la nécessité de poursuivre les études. Nous comptons sur le ministre pour renforcer les moyens alloués à ce champ de recherche et nous tenir informés dès la conclusion des travaux.

Ce qui nous conduit à rejeter ce texte, c’est notre philosophie de la gestion du risque : ce sont les expertises en cours qui, une fois menées à leur terme, fonderont scientifiquement les décisions à prendre en tenant compte des avantages et des risques des produits de substitution pour les différents produits susceptibles d’être interdits. C’est notre vision – même si cela ne l’a pas toujours été, en particulier pour certains produits de traitement des fruits et légumes – d’une gestion du risque responsable et pragmatique, qui ne doit pas se contenter d’interdire sur la base d’un danger potentiel, mais qui se doit d’aborder le problème dans sa globalité, la balance bénéfice-risque des substances ou procédés de remplacement ne devant pas, au final, être moins favorable à la santé humaine que celle du produit remplacé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. C’est la voix de la raison !

M. le président. Je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe SRC.

M. Gérard Bapt. Lors de la première réunion de la commission des affaires sociales, le groupe socialiste avait exprimé combien la proposition de loi de M. Lachaud et du groupe Nouveau Centre, en prévoyant l’interdiction sans délai des trois familles des phtalates, parabènes et alkylphénols, lui paraissait maximaliste tout autant qu’irréaliste en raison de ses impacts sur l’industrie. Néanmoins, elle avait le mérite de poser le débat sur la question des perturbateurs endocriniens.

Le terme de « perturbateur endocrinien » a été inventé voilà vingt ans, lors de la réunion à Wingspread, aux États-Unis, de vingt et un scientifiques qui, dans l’appel du même nom, ont lancé un cri d’alarme au sujet de l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine mais aussi sur celle des écosystèmes. Depuis, des milliers de publications scientifiques ont montré le bien-fondé de cette alerte, considérant que la perturbation endocrinienne est un réel sujet de santé publique et de santé des écosystèmes. En atteste un colloque qui s’est tenu la semaine dernière au Muséum d’histoire naturelle, et qui a montré combien les perturbateurs endocriniens menacent la biodiversité.

Aujourd’hui, le texte issu de la commission des affaires sociales est devenu opérationnel puisque, à l’initiative du rapporteur lui-même, l’interdiction générale initiale sur les trois familles a été recentrée sur deux substances de la famille des parabènes. Désormais, la commission propose d’interdire le butylparabène et le propylparabène dans les produits cosmétiques destinés uniquement aux enfants de moins de trois ans, susceptibles de perturber leur développement sexuel. Le Danemark a récemment décidé cette même mesure.

Le comité scientifique européen des produits de consommation a récemment alerté la Commission qui a décidé d’accompagner cette démarche de précaution pour les enfants de moins de trois ans. À l’initiative du groupe socialiste, elle a étendu la mesure de suspension de commercialisation aux contenants alimentaires comprenant du bisphénol. Je rappelle que c’est à l’initiative du Parlement français que la Commission européenne vient d’interdire, sur l’ensemble du territoire européen, les biberons contenant du bisphénol.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. Gérard Bapt. Aujourd’hui, il s’agit de compléter cette mesure et, grâce au texte proposé par la commission des affaires sociales, d’étendre l’interdiction des biberons à l’ensemble des contenants alimentaires destinés à la petite enfance. D’ores et déjà, l’industrie a pris acte de cette perspective. De grandes entreprises, comme Nestlé et Danone, proposent déjà des contenants alimentaires à destination de la petite enfance dénués de bisphénol.

Par ailleurs, des éléments scientifiques supplémentaires viennent d’être rendus publics. Il y a moins d’un mois, une étude réalisée dans le cadre du centre hospitalo-universitaire de Montpellier a montré que le distilbène, molécule proche du bisphénol, pouvait avoir des effets transgénérationnels, c’est-à-dire non seulement sur les enfants, mais aussi sur les petits-enfants et la descendance des victimes du distilbène. La même observation a été effectuée pour le bisphénol chez l’animal. Il est donc temps d’agir.

Je regrette que M. Raison ait choisi une interprétation du principe de précaution consistant à attendre que le risque soit avéré, c’est-à-dire que les dégâts soient constitués, pour interdire une substance perturbatrice endocrinienne. Souvenez-vous, mes chers collègues, que c’est ainsi que cela s’est passé pour le chlordécone. Voyez les dégâts constatés aux Antilles et voyez ceux occasionnés par le Mediator avec le benfluorex.

L’Assemblée nationale s’honorerait à accompagner la proposition du groupe Nouveau Centre, devenue celle de la commission des affaires sociales, en interdisant deux substances désignées comme perturbatrices endocriniennes pour le bien de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et NC.)

M. Yves Cochet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, pour le groupe GDR.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, comme j’ai pu l’exprimer lors de la discussion de cette proposition de loi de nos collègues du Nouveau Centre, l’écologiste que je suis se félicite de voir les questions de santé environnementale portées devant l’Assemblée et le Gouvernement.

La responsabilité des perturbateurs endocriniens dans les troubles de la reproduction et dans de nombreux cancers est avérée. La prévention et la précaution imposent donc de prendre des mesures radicales pour la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

L’actualité m’amène à citer ici un autre sujet de santé environnementale qui nous préoccupe depuis des années : les pesticides. Trois études menées aux États-Unis, publiées jeudi dernier, montrent que les enfants qui ont été exposés in utero à des pesticides risquent d’avoir un quotient intellectuel nettement inférieur à celui des enfants du même âge.

Ces études s'ajoutent aux corrélations avérées entre cancers et exposition aux pesticides, un risque auquel les agriculteurs sont les premiers exposés.

Pour lutter contre l'épidémie de cancers qui frappe tant de familles, il est temps de prendre des mesures en amont, afin de réduire tous les risques environnementaux qui sont la cause de tant de maladies dans nos sociétés.

Monsieur le ministre, vous avez assuré, en réponse à mon collègue Roland Muzeau, que nous allions pouvoir débattre de santé publique lors de l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui, selon nous, est aujourd'hui trop centré sur des logiques comptables. Nous serons très attentifs à ce que vous teniez votre engagement.

Pourtant, je ne peux que regretter la timidité du Gouvernement qui, avec cette proposition de loi, a l’opportunité formidable de réaliser des économies sans opérer des coupes sombres dans les remboursements ou la prise en charge hospitalière par la sécurité sociale.

Vous invoquez la nécessité de faire des études complémentaires avant d'interdire ces substances, alors que de très nombreuses études prouvent déjà leur toxicité. Ce mardi, une coalition d'associations publie à Bruxelles une liste de substances prioritaires à inscrire au répertoire de REACH. Parmi ces substances, on trouve d’autres phtalates et deux parabènes, le propylparabène et le butylparabène. Ces études montrent que l'approche famille est cohérente. En clair, il ne s'agit pas de substituer un phtalate à un autre ou un parabène à un autre. Ces perturbateurs endocriniens doivent être purement et simplement interdits. Cette approche famille doit aussi être étendue aux alkylphénols.

Je voudrais ici faire un point de méthodologie. La toxicologie contemporaine a revu le principe traditionnel selon lequel seule la dose fait le poison. Cette approche n'est plus suffisante. Il est prouvé que ces substances ont des effets dès la gestation et sur les générations suivantes. Les scientifiques doivent donc mesurer la durée d'exposition, les effets de seuil et de combinaison qui aggravent la toxicité.

Or, aujourd'hui, les agences françaises rejettent la majorité des études sur ces sujets parce qu'elles sont menées selon cette nouvelle méthodologie qu’elles n’ont pas encore intégrée. Si l'expertise fait défaut, comme vous le prétendez, monsieur le ministre, il est de votre responsabilité politique de prendre le relais et d'appliquer fermement le principe de précaution.

Ce serait là une opportunité formidable pour faire avancer l'Europe sur ces questions, comme nous l’avons fait pour l’interdiction du bisphénol A dans les biberons. En demandant l’inscription sur la liste REACH de l’ensemble des perturbateurs endocriniens, y compris le bisphénol A, dans tous les contenants alimentaires, la France pourrait faire avancer la santé publique.

C'est la raison pour laquelle nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 473

Nombre de suffrages exprimés 458

Majorité absolue 230

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

9

Équilibre des finances publiques

Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques (nos 3253, 3333, 3330, 3329.)

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, depuis quatre ans la modernisation de nos institutions est au cœur du programme d'action du Président de la République, et l'amélioration de la gouvernance des finances publiques en constitue l'un des objectifs.

Déjà conscient, lors de la révision du 23 juillet 2008, que la gestion budgétaire suppose d'anticiper l'avenir, le constituant avait instauré, à l'article 34 de notre loi fondamentale, les lois pluriannuelles de programmation des finances publiques, qui, depuis lors, se sont révélées être un instrument pertinent de pilotage et de maîtrise des dépenses. Il avait par ailleurs édicté, à l'article 47-2 de la Constitution, une exigence de régularité et de sincérité des comptes des administrations publiques.

Mais la crise économique qui a durement touché l'économie mondiale depuis 2008 a révélé la nécessité d'intensifier notre engagement pour une meilleure gouvernance de nos finances publiques. C'est un impératif économique autant que moral, car c'est par un comportement responsable dans la gestion du déficit public que nous serons en mesure de conserver notre indépendance et notre liberté de choix. Les difficultés que nous pourrions rencontrer, à défaut, sont loin d'être hypothétiques. Plusieurs pays européens y ont été confrontés de façon brutale, contraints de faire appel à l'aide internationale.

Or, mesdames, messieurs les députés, la Constitution n'a pas pour seul objet d'organiser les pouvoirs publics et leurs relations entre eux. C'est aussi l'expression du pacte social, la traduction concrète des règles et principes du vivre ensemble, qui unissent chacune et chacun d'entre nous autour d'un projet commun. La maîtrise collective de notre destin est donc un sujet d'essence constitutionnelle.

Dans sa très récente étude économique sur la France, l’OCDE a reconnu la pertinence de la trajectoire d'assainissement prévue par le Gouvernement jusqu'en 2014, mais elle a aussi souligné que la France aurait intérêt à se doter d'un cadre budgétaire renforcé à valeur constitutionnelle pour donner toute l'autorité nécessaire à l'accomplissement de ces objectifs de gouvernance budgétaire. Le Gouvernement s'est engagé dans cette voie depuis plus d'un an en sollicitant l'expertise de MM. Champsaur et Cotis puis de M. Camdessus. Leurs rapports ont inspiré le projet de loi constitutionnelle qui vous est aujourd'hui soumis.

Je me réjouis que vos trois rapporteurs, MM. Warsmann, Carrez et Bur, auxquels j'adresse mes remerciements pour la qualité du travail fourni, approuvent la finalité de ce texte et la pertinence de la démarche qui le sous-tend. Encore faut-il maintenant s'accorder sur le détail du dispositif. C'est l'objet de la discussion qui s'ouvre.

Dans quelques instants, mon collègue François Baroin reviendra plus longuement sur l’ensemble du dispositif. Pour ma part, j’en évoquerai les grandes lignes.

Ce que propose le texte en instaurant un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour traiter de la fiscalité, c’est de mettre en place une sorte de co-responsabilité du Gouvernement et du Parlement concernant toutes ces mesures. Les contraintes qui en résultent sont partagées. Pour le Parlement, c’est certes une discipline supplémentaire dans l’exercice de son droit d’initiative, qui, en la matière, devra, à l’avenir, être mis en œuvre dans le cadre d’un projet de loi de finances ; tandis que pour le Gouvernement, c’est aussi une discipline impliquant l’impossibilité de prendre par ordonnance des mesures relatives à la fiscalité ou aux principes fondamentaux des ressources de la sécurité sociale.

Le projet de loi innove, par ailleurs, en inscrivant dans la Constitution une nouvelle catégorie de lois : les lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Ces lois pluriannuelles programmeront pour une période, qui devrait être d’au moins trois ans, les efforts à fournir chaque année en dépenses et en recettes. Elles fixeront la trajectoire de réduction des déficits afin de parvenir, à moyen terme, à un retour durable à l’équilibre de nos comptes publics.

Elles seront adoptées selon une procédure similaire à celle des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale et seront soumises de plein droit au contrôle du Conseil constitutionnel. Je veux dire toute ma confiance dans ce dispositif tant la qualité de son contrôle en matière de finances publiques a déjà été largement prouvée.

Les objectifs fixés par la loi-cadre s’imposeront aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, qui, si elles s’en écartaient, seraient, en cas de saisine, censurées par le Conseil constitutionnel.

Le projet vise enfin à donner une valeur constitutionnelle à l’information du Parlement sur les orientations du programme de stabilité européen : il est proposé d’inscrire dans la loi fondamentale la transmission systématique au Parlement des projets de programme de stabilité, avant qu’ils ne soient adressés à la Commission européenne. Les assemblées auront bien sûr la possibilité, si elles le souhaitent, de prendre position…

M. Jean Mallot. Mais pas d’amender, ce qui est très regrettable !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. …sur les orientations retenues dans le cadre des résolutions de l’article 34-1 et des déclarations de l’article 50-1 de la Constitution.

Vous avez tous reconnu la pertinence d’un engagement constitutionnel pour l’équilibre de nos finances publiques. Néanmoins, des propositions et des objections ont été exprimées à l’endroit de chacun des trois axes principaux de la réforme. Je souhaite y répondre brièvement pour prendre avec vous la mesure des difficultés soulevées.

Tout d’abord, en ce qui concerne le dispositif d’encadrement des lois financières, les questions principales portent sur le niveau de norme adéquat pour, d’une part, fixer la période minimale d’application des lois-cadres et pour, d’autre part, fixer la nature exacte des obligations qu’il reviendra aux lois-cadres d’imposer aux lois financières annuelles. Le projet de loi constitutionnelle renvoie, sur ces deux points, à une loi organique ultérieure.

En ce qui concerne la période minimale que doit couvrir une loi-cadre, le Gouvernement estime qu’elle doit être relativement libre et ne doit pas figurer directement dans la Constitution. L’avis des rapporteurs semble quelque peu différent et nous aurons l’occasion d’y revenir tout au long de ce débat.

Pour ce qui est de la proposition d’inscrire dans la Constitution elle-même le principe selon lequel les lois-cadres comportent un objectif maximum de dépenses et un objectif minimum de recettes, qui s’imposeront aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, elle ne pose pas de problème de principe puisque c’est bien le rôle imparti, dans notre esprit, aux lois-cadres. Je ne doute pas, à cet égard, que nous trouvions ensemble la rédaction la plus appropriée. En revanche, il est clair que cela ne changerait rien à la faculté de modifier en cours de période les montants retenus dans la loi-cadre, ce qui signifie qu’il n’y a pas là un moyen de rendre le dispositif plus contraignant.

Pour la même raison, l’inscription dans la Constitution d’une obligation de rattrapage d’éventuels « dérapages » ne modifiera pas la force contraignante du dispositif.

Quant au point central que constitue le monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires, les trois commissions considèrent qu’il n’est pas nécessaire et qu’il soulève des problèmes de principe. Je mesure parfaitement ce qu’il implique en termes de limitation de l’initiative parlementaire.

Reste que cette mesure limite aussi l’initiative du Gouvernement car il s’agit d’inscrire dans la Constitution les règles fixées par la circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010 relative à l’édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale, et d’exposer ainsi à la censure constitutionnelle des dispositions introduites par le Gouvernement dans les textes non financiers.

M. Christian Eckert. Tout le monde est limité, en somme !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Au reste, les avantages de cette rigueur partagée n’ont pas échappé à la commission des finances, qui a confirmé la nécessité d’examiner de telles dispositions de manière transversale et dans le cadre de vecteurs législatifs ad hoc.

M. Jean Mallot. Vous ne pouvez pas défendre cela, vous n’y croyez pas vous-même !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. À cette fin, le rapporteur général a formalisé une proposition alternative consistant à créer des lois de prélèvements obligatoires. Cette idée nourrira, j’en suis sûr, les débats qui s’ouvrent et je ne doute pas que Gouvernement et Parlement sauront s’accorder pour trouver sur cette question centrale une solution satisfaisante.

Enfin, en ce qui concerne l’examen par le Parlement du programme de stabilité avant sa transmission aux instances européennes, les trois commissions considèrent que le Parlement doit se voir garantir, au titre de ses fonctions de contrôle, non seulement le droit d’avoir accès, avant sa transmission à la Commission européenne, au programme de stabilité, mais aussi celui de débattre et voter sur ce document.

M. Jean Mallot. Et le droit de l’amender ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement entend cette revendication, sans toutefois qu’il soit pleinement convaincu encore de la nécessité d’ajouter un dispositif spécifique aux mécanismes de droit commun prévus aux articles 34-1 et 50-1 de la Constitution, ceux-ci garantissant d’ores et déjà la faculté pour le Parlement de se prononcer par un vote.

M. Jean Mallot. Il s’agit d’un vote bloqué !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je rappellerai, pour conclure, que nos voisins allemands ont inscrit dans leur constitution l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire à l’horizon 2016.

M. Jean-Pierre Brard. Depuis quand les Allemands sont-ils un modèle ?

M. Jean-Claude Sandrier. Ce n’est pas un argument, monsieur le ministre !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement vous propose une méthode différente, mais la finalité est la même.

Je suis convaincu que nos concitoyens et l’ensemble des responsables publics sont désormais parfaitement conscients que l’on ne peut plus obérer l’avenir de notre pays et de nos enfants en vivant à crédit par le creusement permanent de la dette publique.

M. Jean Mallot. S’agit-il d’une autocritique ?

M. Jean-Claude Sandrier. Inadmissible : c’est cette majorité qui est responsable des déficits !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. L’inscription dans la Constitution d’un mécanisme de verrouillage des déficits publics est indispensable. Aussi le présent texte permettra-t-il, j’en suis convaincu, d’inverser durablement la tendance.

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Jean Mallot. Il n’y croit pas non plus mais il y va quand même !

M. Jean-Pierre Brard. Le maire de Troyes est le cheval de Troie… (Sourires.)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de cette dernière, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi constitutionnelle marque une étape décisive dans le processus engagé en janvier 2010,…

M. Jean-Claude Sandrier. Et qui n’a pas été respecté !

M. François Baroin, ministre. …lorsque, à l’issue de la première conférence sur le déficit, le Président de la République a légitimement appelé à un renforcement de la gouvernance de nos finances publiques. À cette occasion, le Président a notamment exprimé le souhait de voir l’ensemble des administrations publiques se doter d’une règle d’équilibre. Il a, dans cet esprit, demandé à Michel Camdessus – personnalité éminente qui a exercé des responsabilités éminentes au sein d’une institution éminente, n’est-ce pas, monsieur Mallot – de présider un groupe de travail sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Brard. M. Camdessus est un agent du grand capital !

M. François Baroin, ministre. Dès l’été 2010, nous avons appliqué les recommandations de la commission Camdessus, dont notamment le vote de la loi de programmation des finances publiques qui inscrit dans la durée des perspectives en matière de réduction de déficits publics, ainsi que le vote d’une circulaire prévoyant le monopole fiscal des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. C’est, le garde des sceaux l’a souligné, une exigence de bonne gestion pour le Gouvernement comme pour la représentation nationale.

M. Jean Launay. C’est surtout une camisole de force !

M. François Baroin, ministre. Nous souhaitons à présent consolider définitivement ces avancées en les inscrivant dans notre loi fondamentale, afin de rendre pleinement effectif l’objectif d’équilibre des comptes publics prévu dans le cadre de l’article 34.

Avant de débattre avec vous de ce projet, je voudrais en rappeler brièvement les grands axes.

Le Gouvernement propose d’inscrire dans la Constitution trois séries de dispositions qui modifieraient radicalement la gouvernance de nos finances publiques.

Il s’agit tout d’abord de créer un nouvel instrument juridique : les lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Ces lois-cadres viseront à soumettre à l’approbation du Parlement un cadrage financier pluriannuel. Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale devront scrupuleusement respecter ce cadrage, sous peine de censure par le Conseil constitutionnel. L’objectif sera de garantir l’équilibre des comptes des administrations publiques à un horizon donné, en programmant année après année les efforts à réaliser, en dépenses et en recettes.

Cette révision constitutionnelle vise par conséquent à contraindre l’exécutif, quel qu’il soit, à définir une stratégie de finances publiques précise en liaison avec le Parlement et à prendre la mesure de l’impact budgétaire de ses politiques publiques.

À long terme, cette approche permettra un rééquilibrage pérenne de nos comptes publics ; en effet, tout déficit temporaire sera obligatoirement accompagné de la définition des voies et moyens d’un retour à l’équilibre.

J’ajoute enfin que les lois-cadres d’équilibre des finances publiques pourront être soumises à un double contrôle du Conseil constitutionnel : d’une part, avant leur adoption, elles lui seront systématiquement déférées ; d’autre part, en cas de saisine, ledit Conseil pourra vérifier chaque année la conformité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale à l’effort programmé en loi-cadre.

M. Jean Mallot. Et si le Conseil constitutionnel n’est pas saisi ?

M. François Baroin, ministre. Il reviendra ainsi à toute majorité, désormais, de prendre ses responsabilités politiques et de positionner son action en tenant compte d’un objectif de moyen terme d’équilibre des finances publiques.

Le deuxième axe de la révision constitutionnelle vise à éviter la dispersion des dispositions fiscales et sociales dans l’ensemble des textes législatifs.

Sur la base d’une circulaire adoptée le 4 juin 2010, le Gouvernement s’impose déjà cette discipline. Nous souhaitons à présent la pérenniser, car cette évolution doit accompagner et faciliter la mise en œuvre de la réforme d’ensemble des finances publiques présentée dans le projet de loi constitutionnelle.

Dès lors que la trajectoire des mesures de prélèvements obligatoires sera fixée de manière impérative dans les lois-cadres, il nous apparaît pleinement cohérent de vouloir centraliser ces mesures dans un nombre restreint de textes législatifs, permettant ainsi au Parlement et au Conseil constitutionnel une vérification directe du respect des dispositions des lois-cadres.

Par ailleurs, cette mesure contribuera à mettre un terme au foisonnement des niches fiscales et sociales. À droite comme à gauche, tout le monde monte au créneau,…

M. Jean Mallot. Voilà dix ans que vous êtes au pouvoir !

M. François Baroin, ministre. …à chaque discussion du projet de loi de finances, pour dénoncer les 75 milliards d’euros de niches fiscales, ou bien, à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour dénoncer les 45 milliards d’euros de niches sociales, chiffres systématiquement contestés.

M. Jean-Claude Sandrier. Vous êtes les champions des niches !

M. François Baroin, ministre. L’occasion nous est ici offerte de stabiliser les dispositifs en vigueur et d’en terminer avec l’addition de mesures incohérentes souvent source de pertes de recettes pour l’État.

Inscrire dans la loi suprême un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale nous semble donc un point essentiel, si l’on veut éviter que le mitage de notre système fiscal ne se poursuive inexorablement. C’est une préoccupation majeure du Gouvernement.

Nous souhaitons par conséquent qu’une telle disposition voie le jour, mais, bien évidemment, nous demeurons soucieux de respecter l’initiative parlementaire en matière de recettes fiscales et sociales. La nouvelle rédaction de l’article 34 que nous vous proposons n’apportera qu’une restriction formelle – et en aucun cas matérielle – à l’initiative parlementaire : des dispositions d’origine parlementaire pourront toujours être votées sur tout sujet fiscal, mais pas à tout moment.

Reste que de nombreuses remarques ont émergé de nos travaux en commission sur ce point. Le Gouvernement est bien entendu ouvert à la poursuite des discussions, dans la mesure où celles-ci nous permettent d’apporter une solution concrète et réaliste au problème que je viens d’évoquer et qui nous concerne tous.

Nous aurons tout le loisir d’en débattre lors des discussions relatives aux amendements.

Enfin – et c’est le troisième axe de notre projet de révision – nous voulons inscrire dans la Constitution la nouvelle procédure dite du semestre européen. Ceux qui ont participé aux travaux de la commission hier en savent désormais un peu plus. Cette procédure, permettez-moi de le rappeler, repose sur la transmission systématique des programmes de stabilité au Parlement, avant qu’ils soient adressés à la Commission européenne, dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité.

Nous mettons en œuvre ce nouveau calendrier depuis cette année et le débat d’hier soir est l’illustration positive, me semble-t-il, de la qualité de cette avancée, qui prendra désormais la forme d’un dispositif de nature constitutionnelle. Il garantit une information accrue du Parlement et sa plus grande implication dans le processus de maîtrise des finances publiques.

Je rappellerai que la constitutionnalisation de cette troisième règle est un engagement fort du Gouvernement en faveur du Parlement. C’est une avancée par rapport à la situation actuelle et c’est une avancée par rapport à nos partenaires, très peu nombreux à prévoir une évolution de leur procédure.

Voilà les derniers résultats mesurés en matière de réduction du déficit public. Ils confortent la stratégie du Gouvernement mais aussi sa volonté de faire rapidement disparaître les traces de la crise dans nos finances publiques. Avec ce projet de loi constitutionnelle, nous souhaitons assurer la pérennité des efforts accomplis, leur poursuite dans les années à venir, pour marquer une inflexion durable et vertueuse dans la gouvernance de nos finances publiques. (Applaudissements ironiques sur les bancs du groupe SRC.) Je prends le compliment pour ce qu’il est. Ce texte n’est pas de circonstance. Il s’inscrit au contraire dans une démarche de long terme, qui vise à garantir notre modèle social et notre souveraineté nationale pour les générations futures.

Les règles que nous proposons aujourd’hui témoignent de notre volonté de parvenir à une meilleure gestion des finances publiques, tout en préservant les marges de manœuvre des dirigeants publics. Je souhaite que les débats et réflexions qui l’entourent se nourrissent de ce même esprit de responsabilité.

À ceux qui s’interrogent encore – j’ai cru comprendre qu’il y en avait quelques-uns, notamment dans la partie gauche de cet hémicycle – sur le bien-fondé de cette règle, je voudrais dire qu’elle n’est ni de droite ni de gauche, que c’est d’abord une règle de bon sens. C’est le bon sens que de ne pas accumuler les dettes, que de tirer les leçons de la crise, et que de prendre la mesure de la pertinence des choix qui ont été ceux du Gouvernement au plus fort de cette crise. Nous avons accepté un effondrement des recettes, nous avons accepté d’augmenter les dépenses publiques pour faire jouer les amortisseurs sociaux. Ceux-ci nous ont permis de préserver notre modèle social, mais nous ne pouvons pas accumuler les dettes en dehors de circonstances exceptionnelles telles que celles de 2009.

M. René Couanau. En effet, il n’en est pas question.

M. François Baroin, ministre. Deuxièmement, c’est une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Ceux qui voteront contre ce texte assumeront la responsabilité de leur transmettre le mistigri du laxisme et d’une gestion dispendieuse (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), sans jamais se poser la question de savoir s’il s’est passé ou non, en 2009, un événement majeur en France, en Europe et dans le monde.

Troisièmement, c’est la crédibilité de la parole de la France vis-à-vis de ses partenaires européens qu’il faut renforcer.

Parce que c’est une question de bon sens, une question de responsabilité et une question de crédibilité, je ne peux donc qu’encourager l’ensemble de cet hémicycle à accompagner la démarche gouvernementale. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au moment où nous débutons l’examen de ce projet de loi de révision constitutionnelle, chacun a présent à l’esprit la gravité de la situation de nos finances publiques. Notre pays est en déficit depuis 1975. Depuis trente ans, ce déficit n’a jamais été inférieur à 1,5 % de la richesse produite durant l’année. La crise que nous venons de traverser a considérablement aggravé les choses. Le résultat, c’est que le total des dettes publiques de notre pays atteint 1 600 milliards d’euros, et il ne cesse de s’accroître. Cette année, chaque fois qu’un Français gagnera 100 euros, la sphère publique perdra plus de cinq euros, qui seront empruntés et qu’il faudra bien rembourser, avec les intérêts.

M. Jean Mallot. À qui la faute, sinon à l’UMP ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Nous abordons ce débat dans un esprit de responsabilité et d’ouverture.

Esprit de responsabilité, parce que c’est évidemment la responsabilité des parlementaires que de faire cesser cet amoncellement de dettes dont la charge est transférée aux générations futures. Je le dis avec d’autant plus de conviction que, comme vous le savez, durant cette législature, lorsqu’il s’est agi de transférer sur les générations futures une partie des dépenses de prestations sociales des années 2009 à 2011, à travers un emprunt sur quinze ans, votre commission des lois s’y est opposée à l’unanimité. Nous restons constants, comme en témoignent les amendements que nous avons adoptés.

Esprit d’ouverture, parce qu’il ne s’agit de faire le procès de personne, d’aucune instance. Mais le fait est que, devant une telle situation, il est légitime de poser la question à chacun de ceux qui interviennent dans la gouvernance de notre pays : n’est-ce pas le moment de modifier notre manière de travailler, notre manière de traiter les questions budgétaires, afin d’aboutir à des processus plus vertueux ?

Votre commission des lois a travaillé avec deux objectifs. Le premier, c’est de donner plus de consistance et de crédibilité au texte qui est proposé, et de l’enrichir par des amendements.

Le second, c’est de le faire en respectant la place de chacune des autorités au sein de nos institutions, et en respectant le Parlement. On n’améliorera pas la situation des finances publiques contre le Parlement. On ne l’améliorera que grâce à un meilleur travail, mené en commun.

Quels ont été les apports de notre commission ? Premièrement, la création des lois-cadres, que M. le ministre vient de présenter. C’est évidemment une mesure extrêmement positive, puisque ces lois-cadres vont fixer, comme leur nom l’indique, un cadre. Ainsi, un certain nombre de dispositions s’imposeront aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale qui seront votées dans les années à venir.

Cependant, dans le texte qui nous est présenté, quelles sont les dispositions de ces lois-cadres qui s’imposent aux futures lois de finances et aux futures lois de financement de la sécurité sociale ? Aucune, puisque tout est renvoyé à une loi organique, qui devra les fixer. Nous avons considéré, en commission des lois, que pour donner une crédibilité au nouveau système de lois-cadres, il fallait un corpus minimum. Il nous a semblé tout à fait légitime que la loi organique ajoute des objectifs qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, mais que, par contre, trois éléments devaient par nature s’imposer.

Le premier, c’est que les lois-cadres devaient, pour chaque année, fixer un minimum de recettes pour l’ensemble État-sécurité sociale. Le second, c’est un maximum de dépenses pour l’État. Le troisième, c’est un maximum de dépenses pour la sécurité sociale.

Nous avons donc adopté un amendement qui prévoit que ces trois chiffres s’imposeront à chacune des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Les lois organiques pourront ajouter d’autres données. Mais c’est cela qui nous semble être le minimum en termes de crédibilité.

Deuxième point, que se passe-t-il s’il y a un écart ? C’est là un sujet très important. Imaginons qu’en 2012, le Parlement vote une loi-cadre prévoyant que les dépenses de l’État ne devront pas dépasser un certain montant en 2013, et que, parmi les dépenses, un dispositif voté par le Parlement soit estimé à 1 milliard d’euros. Imaginons qu’au cours de l’année 2013, l’on s’aperçoive que son coût est en réalité de 5 milliards d’euros. Que se passe-t-il, donc, s’il y a un dépassement ?

La réponse qui nous est proposée aujourd’hui est celle qui consiste à dire que dans la loi de finances qui suit, si le dispositif est maintenu, on ne va pas l’estimer à 1 milliard mais à 5 milliards, puisque l’on saura, pour l’avoir appliqué pendant un an, combien il coûte. Mais cela ne suffit pas, mes chers collègues, parce que s’il n’y a rien qui vous garantit contre les écarts dans la réalisation, cela veut dire qu’il ne se passe rien, et que les dérapages éventuels seront l’occasion d’une augmentation de la dette. C’est pourquoi nous avons voté un amendement qui prévoit que la loi organique devra définir la manière dont les écarts seront gérés.

Pour dire les choses clairement, cela veut dire que si un Gouvernement a fait voter une loi-cadre qui prévoit un maximum de dépenses et s’il n’a pas été capable de le respecter, il devra, dans les lois de finances qui suivent, récupérer, par des économies ou des recettes supplémentaires, la dépense qu’il aura laissé filer. Si nous n’avons pas un mécanisme qui nous garantit contre les écarts, nous n’arriverons jamais à entrer dans un processus de réduction des déficits.

M. Jean Mallot. Il n’y a pas besoin d’une révision constitutionnelle pour cela.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Qu’en est-il de la durée ? Je dois vous confier que mon premier mouvement était de dire que les lois-cadres devaient couvrir la durée de la législature. Cela me semblait logique : le peuple a voté, il a élu un Président de la République, il a élu une majorité à une Assemblée qui vote la confiance au Gouvernement. Il me semblait logique que celui-ci, dans la foulée, dépose un projet de loi-cadre et annonce les perspectives qu’il se fixe pour ses différents budgets. Visiblement, il n’y a pas eu sur ce sujet un large consensus au sein de notre assemblée. Nous sommes arrivés à une disposition prévoyant que ces lois-cadres doivent avoir une durée d’au moins trois ans. Je pense que c’est quelque chose de tout à fait convenable, et qui semble recueillir un large accord.

Quatrième point, comment contrôle-t-on le respect des lois-cadres ? Je pense que le rapporteur général en parlera, parce que la commission des finances a été très active sur ce sujet. Il y a un mécanisme qui prévoit que le Conseil constitutionnel exercera ce contrôle année après année. C’est là, mes chers collègues, que l’on voit combien il est important d’inscrire dans la Constitution les planchers de recettes et les plafonds de dépenses. Car à partir du moment où ils seront opposables, le Conseil constitutionnel pourra exercer un contrôle sur la base de données objectives.

M. Jean Mallot. C’est le rôle de la Cour des comptes.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Non, ce n’est pas du tout la même chose que le contrôle exercé par la Cour des comptes. Il s’agira en effet de veiller au respect de lois-cadres qui fixent des objectifs. C’est bien le rôle du Conseil constitutionnel, comme c’est bien celui du Parlement.

Dernier point, que se passe-t-il si l’on veut modifier la loi-cadre ? Il y a deux cas de figure. Il peut arriver que l’on se soit trompé, que l’on ait mal évalué une dépense. Dans ce cas, ce sont les dispositions sur les écarts qui doivent s’appliquer : dans la suite de l’exécution de la loi-cadre, le Gouvernement doit prendre les mesures, soit en trouvant des économies soit en trouvant des recettes supplémentaires, pour revenir dans ce que l’on pourrait appeler le « tunnel » défini par les objectifs de dépenses et de recettes. Chers collègues, nous avons prévu, dans notre amendement – ce que le Gouvernement souhaitait –, la fongibilité : si jamais les recettes sont supérieures à ce qui était prévu, cela peut permettre de dépenser un peu plus. Inversement, si la recette est inférieure à ce qui était prévu, il faut évidemment cadrer les dépenses par rapport aux recettes. Il y a donc de la souplesse.

Mais, évidemment, il reste l’hypothèse de la survenue d’une crise. Une crise internationale, une crise immobilière, que sais-je. Dans ce cas, il est possible de modifier la loi-cadre, évidemment. Nous ne sommes absolument pas favorables à une logique qui conduirait à modifier chaque année la loi-cadre. Celle-ci doit avoir une visibilité d’au moins trois ans. Elle doit être respectée. Le Conseil constitutionnel doit avoir les outils juridiques pour veiller à ce qu’elle le soit. Par contre, la majorité qui l’a votée, si les circonstances ont changé, doit pouvoir la modifier. C’est l’équilibre qui a été choisi.

Pour être tout à fait sincère, je dois vous dire qu’à un certain moment, nous avions réfléchi à un autre système, prévoyant que les modifications de la loi-cadre devraient nécessiter une majorité renforcée. L’idée était que, dès lors que la majorité a adopté une loi-cadre, si le Gouvernement veut changer les règles du jeu, il doit aller à la recherche d’une majorité plus large. Mais je ne crois pas que le consensus pouvait se faire aujourd’hui sur cette idée. Par conséquent, nous maintenons la possibilité de modifier la loi-cadre dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles elle a été votée.

J’en viens à la question du rassemblement des dispositions fiscales dans le projet de loi de finances initiale ou rectificative, ainsi qu’à la question analogue concernant les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Je disais tout à l’heure que l’on ne redresserait pas les finances publiques contre le Parlement. Je vais quand même me permettre de citer un ou deux chiffres. Depuis dix ans, un certain nombre de dispositions votées ont entraîné des pertes de recettes. C’est d’ailleurs bien aussi de ce problème que souffrent nos finances publiques. Sur 100 euros de recettes perdues depuis dix ans, 85 l’ont été par des dispositions incluses dans les lois de finances ou des lois de financement de la sécurité sociale, et 15 l’ont été par des dispositions figurant dans d’autres lois. Je précise que la plupart de ces dispositions n’étaient pas d’origine parlementaire.

Vouloir rassembler toutes les dispositions fiscales dans les projets de loi de finances présente incontestablement des avantages. Le premier avantage que je vois, c’est que si le Parlement veut voter, par exemple dans le cadre d’un collectif budgétaire, une disposition donnant tel avantage fiscal en espérant de nos concitoyens tel ou tel comportement, il devra la chiffrer : combien cela coûte, combien de recettes en moins ? Et il faudra recalculer le nouveau solde du budget. Aujourd’hui, on peut voter en cours d’année des dispositions fiscales sans calculer leur impact sur l’exercice en cours. Cet impact, on ne fera que le constater dans l’exécution du budget. Si les dispositions de nature fiscale sont rassemblées, on sera obligé, à l’avenir, chaque fois que l’on votera une nouvelle disposition – en matière de sécurité sociale, cher Yves Bur, comme en matière de finances –, d’afficher son coût, de dire si elle est compatible avec le minimum de recettes qui aura été fixé et qui fera l’objet d’un contrôle du Conseil constitutionnel, de vérifier si elle n’aura pas pour effet de crever le plafond de dépenses qui est lui aussi sous le contrôle du Conseil constitutionnel, et d’afficher sa conséquence sur le solde budgétaire qui aura été voté dans la loi de finances initiale ou dans la loi de financement de la sécurité sociale initiale.

C’est là le grand intérêt du rassemblement dans le même texte des dispositions fiscales. Cela entraînera incontestablement, mes chers collègues, un changement assez important dans notre manière de travailler. Aujourd’hui, nous pouvons déposer, dans tout texte de loi ordinaire, des amendements qui aboutissent à des pertes de recettes, que nous gageons, par exemple au moyen d’une phrase type concernant le tabac, qui se trouve dans l’ordinateur de tous les députés. (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On sait bien que c’est un gage virtuel.

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Un tel gage ne sera évidemment plus possible, puisqu’il concerne des recettes qui sont fléchées.

D’autre part, cela pose un problème évident touchant à l’initiative parlementaire, qui a suscité de la part de toutes les commissions des réactions, certes différentes, mais néanmoins convergentes.

Si nous ne votons aucune disposition, quelle sera la conséquence ? Prenons l’exemple d’un collègue désireux de déposer une proposition de loi relative au logement. Supposons qu’il veuille y faire figurer une disposition fiscale visant à inciter à la construction. Si nous adoptions un monopole « sec », sans aucune règle de procédure, il ne pourrait plus déposer une telle proposition de loi. Dans les faits, nous allons vous proposer un amendement modifiant l’article 41 de la Constitution afin de prévoir très concrètement la manière dont le monopole, le rassemblement des dispositions fiscales et sociales, pourra s’appliquer.

C’est-à-dire que le Gouvernement, ou le président de notre assemblée, pourront, à tout moment, opposer l’irrecevabilité à une disposition qui ne le respectera pas. Cela donnera la possibilité au collègue qui le souhaite de déposer une proposition de loi incluant une disposition fiscale et sociale, sachant que ces dispositions ne prospéreront pas, ne respectant pas le principe du rassemblement de la loi fiscale et sociale.

Comparaison n’est pas raison, mais je me permettrai de citer ce que nous avons vécu il y a quelques jours, quand notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier a déposé une proposition de loi sur les sapeurs-pompiers. Dans ce cas, l’article 40 de la Constitution s’appliquait, et a causé la disparition d’une dizaine d’articles, qui n’étaient plus en discussion lorsque le texte a été soumis à l’examen de la commission.

Il se passera la même chose : on peut garantir le droit d’initiative des parlementaires, car ils pourront formaliser leur proposition de loi. Mais que les choses soient claires : afin qu’une disposition fiscale soit discutée, elle devra être redéposée sous forme d’amendement à un projet de loi de finances ou un collectif budgétaire, ou bien un projet de loi de financement de la sécurité sociale le cas échéant.

Voilà l’équilibre qui vous est proposé. Sa vertu est de préserver la visibilité de nos finances publiques.

Troisième et dernier point, des modalités sont prévues pour que le Parlement se prononce sur le programme de stabilité européen. Je suis heureux des évolutions survenues depuis que le texte nous a été présenté, parce que l’on ne peut pas se contenter d’une transmission sur un sujet financier. Nous sommes ici au cœur des compétences du Parlement, et il est normal que le Parlement se prononce.

L’ensemble des commissions arrive à un consensus sur ce point, nous sommes d’accord pour que ce programme soit étudié au sein d’une des commissions du Parlement, nous sommes d’accord pour que cette commission se prononce, et nous sommes d’accord pour que sur la volonté d’un seul des groupes du Parlement, ou du Gouvernement, le débat soit de droit dans l’hémicycle. Et à partir du moment où il y a débat dans l’hémicycle, il y aura vote dans l’hémicycle. Nous ne pouvons pas calquer cela sur l’article 51-1 de la Constitution, adopté suite à un amendement que je m’étais permis de déposer, qui vise à offrir la possibilité au Gouvernement de nous faire des déclarations. L’esprit de cette révision constitutionnelle était de permettre des déclarations du Gouvernement dans des domaines non législatifs, comme par exemple en matière d’éducation nationale, qui n’est pas au cœur de la compétence du Parlement. En matière financière, nous sommes au cœur de la compétence du Parlement, et je ne vois pas d’autre hypothèse, à partir du moment où nous débattons d’une question financière dans l’hémicycle, que d’aboutir à un vote.

Voilà le travail qu’a réalisé la commission des lois, dans un esprit de responsabilité et d’ouverture. Chacun doit admettre d’évoluer dans ses manières de travailler, si nous souhaitons avoir des systèmes plus vertueux pour notre pays.

Je suis tout à fait conscient que l’amélioration de nos manières de gouverner le pays en matière financière est importante pour respecter sa crédibilité. Je salue le choix qu’a fait le Gouvernement en déposant ce projet de loi, et je salue son ouverture à l’égard des amendements sur lesquels les commissions se sont entendues. Je voudrais dire à chacun d’entre nous que la crédibilité dépend de l’aboutissement final de ce texte. J’ai été, dans tout ce débat parlementaire, aussi ouvert que je le pouvais à tous les amendements, je le suis toujours, et je souhaiterais vivement que d’ici la fin du parcours parlementaire de ce texte, chacun se rapproche de l’autre pour que nous puissions aboutir à un texte qui puisse être voté par le Congrès, car je pense qu’il n’atteint en rien la liberté des futurs gouvernements.

M. Jean Mallot. Et le rôle du Parlement ?

M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois, rapporteur. Ce texte pose simplement dans la Constitution des manières de travailler plus vertueuses, et pour la crédibilité de notre pays, il est important que l’ensemble des forces politiques ait la sagesse et la maturité pour s’accorder pour améliorer ces règles de gouvernance. C’est dans l’intérêt général de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. On n’impose pas la vertu par la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie pour avis.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie pour avis. La France se singularise au sein de l’Union européenne par son incapacité durable à maîtriser les finances publiques.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas le seul pays dans ce cas !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Si la crise économique explique une large part de la dégradation la plus récente, l’essentiel du déséquilibre de nos finances publiques s’avère structurel. Il est vrai que notre culture du déficit a tout des effets d’une drogue douce : après l’accoutumance et le confort illusoire, le retour à la réalité peut être brutal.

Aussi, il n’est même plus temps de réfléchir, il faut agir. En effet, en plus de la dette publique supérieure à 1 615 milliards d’euros, la dette sociale alourdit la charge à hauteur de 265 milliards d’euros, dont le remboursement pèsera sur la quasi-totalité des revenus jusqu’en 2025, alors qu’il ne s’agit que de dépenses courantes.

De plus, avec 24 milliards d’euros en 2010, encore 20 milliards d’euros en 2011, on arrive, fin 2014, à 125 milliards d’euros de déficits cumulés, tous régimes confondus et FSV inclus. La reprise d’une partie de ces sommes a déjà été autorisée, notamment dans le cadre de la réforme des retraites, mais il restera encore au moins 40 milliards d’euros, au titre de la maladie et de la famille, qui devront aussi être recyclés dans la CADES, dans le respect, je l’espère, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale votée en 2005.

Même si nous pouvons avoir le sentiment que notre pays est en train de sortir du cœur de la crise avec les bons chiffres du chômage et de l’emploi, nous ne pouvons ignorer le constat émis par Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur : « Il ne faut pas attendre du seul retour de la croissance la restauration de nos finances publiques ! »

La vérité est que nous n’avons jamais su, en trente ans, nous attaquer aux causes du déficit structurel, que la Cour des comptes dénonce régulièrement. Le moment est donc venu de nous donner des règles plus contraignantes puisque la vertu budgétaire ne s’impose pas d’elle-même et que le devoir moral que nous devrions observer vis-à-vis de nos enfants et des générations futures ne suffit pas à freiner notre goût de la dépense publique.

En cela, nous ne serons guère innovants puisque nombreux sont les pays qui se sont dotés d’un tel encadrement. Le Fonds monétaire international a ainsi dénombré quatre-vingts États dotés de règles budgétaires nationales ou supranationales, contre seulement sept en 1990.

Si la mise en place d’un encadrement de niveau constitutionnel paraît s’imposer in fine aujourd’hui, c’est aussi parce que la France semble incapable de maintenir des efforts budgétaires sur le long terme, contrairement à d’autres pays qui, de manière plus consensuelle peut-être, en appellent à l’intérêt général.

Ce projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques constitue à mes yeux une démarche d’intérêt général, au service des Français et des générations futures. Laisser filer la dette aurait des conséquences majeures sur le bien-être des Français, sur notre capacité d’investissement et sur notre système social. La meilleure façon de préserver cette précieuse solidarité, c’est de nous imposer un effort de rigueur financière.

Ce projet de loi constitutionnelle nous donne les moyens d’échapper à la facilité et de nous inscrire, de manière durable, dans une démarche vertueuse. J’ai la faiblesse de penser que la seule véritable innovation sociale pour inscrire notre protection sociale dans une perspective durable, c’est de nous imposer l’équilibre des finances sociales.

Parce qu’elles ne sont que des dépenses courantes du quotidien, l’équilibre devrait s’imposer à nous. Avant la crise, cet équilibre nous semblait à portée de main. Depuis, il a fallu engager avec courage l’indispensable réforme pour assurer le financement des retraites. Il nous faut poursuivre avec les branches maladie et famille, qui constitueront les chantiers pour la prochaine législature. L’encadrement constitutionnel sera un levier supplémentaire pour réussir ces chantiers, qui exigeront autant d’efforts sur les dépenses que sur les recettes de toutes natures, mais limiteront une fuite en avant coûteuse pour notre pays.

Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle adopté ma proposition de fixer l’objectif de retour à l’équilibre des finances sociales dans leur globalité au plus tard dans la loi de financement pour 2017. En l’état, la présente réforme constitutionnelle ne prévoit l’inscription d’une date de retour à l’équilibre ni dans la Constitution, ni dans la loi organique, ni même dans les futures lois-cadres. Sans aller jusqu’à l’inscrire dans la Constitution comme l’a fait l’Allemagne, j’estime que le présent projet de loi constitutionnelle doit clairement fixer l’échéance du retour à un équilibre durable au moins pour les finances sociales compte tenu de leur nature même.

Cette disposition aura ainsi une valeur constitutionnelle, mais, compte tenu de son caractère transitoire, il n’est pas opportun de l’inscrire dans le texte même de la Constitution. Il reviendra à la loi organique d’en préciser les conditions d’application, notamment les aménagements pouvant être apportés à cette règle compte tenu de l’évolution de la croissance économique et dans le but de tenir compte d’éléments imprévisibles.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales, constatant que les lois-cadres s’imposeront dans les mêmes conditions aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, et que les montants retracés par les lois de financements sont plus élevés que ceux des lois de finances, a adopté ma proposition de renvoyer d’office à une commission spéciale l’examen des projets de lois-cadres.

Pour finir, je voudrais à mon tour m’interroger sur la question du monopole des lois de finances et de financement sur les recettes, qui traduit le souci de garantir une meilleure gouvernance des recettes fiscales et sociales en regroupant dans les textes financiers les créations, suppressions ou modifications des impôts, taxes et cotisations. On ne peut qu’y souscrire.

Le monopole existe déjà depuis une circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010. Mais est-ce pour autant une bonne idée que de constitutionnaliser ce dispositif ?

Comme nos collègues de la commission des lois, nous avons manifesté notre réticence et le débat parlementaire devra nous permettre de définir un cadre d’exercice rigoureux des droits des parlementaires compatible avec l’objectif de retour à l’équilibre des finances publiques et sociales.

En effet, réserver exclusivement aux lois financières la capacité d’édicter les dispositions relatives aux recettes porte une atteinte considérable à l’initiative des parlementaires. En effet, il ne nous serait plus possible de déposer d’amendements ayant des incidences sur les recettes qu’en loi de finances ou en loi de financement.

La constitutionnalisation du monopole sur les recettes exercerait des effets d’autant plus disproportionnés que 85 % des modifications apportées aux recettes publiques le sont déjà en loi de finances ou en loi de financement, comme vient de le rappeler le président de la commission des lois.

Autrement dit, c’est pour agir sur 15 % seulement des mesures nouvelles de recettes qu’on remettrait gravement en cause les compétences du Parlement, alors que c’est le plus souvent du côté de l’exécutif qu’il faut chercher les atteintes les plus significatives à ce monopole !

Monsieur le ministre, qu’en sera-t-il de la déjà fameuse prime liée aux dividendes ? Si l’on se réfère à la nouvelle orthodoxie budgétaire, il faudra attendre la fin de l’année, après l’adoption des lois de finances et de financement pour la mettre en œuvre !

Il faudra donc concilier le droit d’initiative parlementaire avec cette exigence rigoureuse en espérant que le Gouvernement sera lui-même exemplaire.

Le rapporteur général du budget avait proposé de modifier les recettes en cours d’année au moyen d’une nouvelle catégorie de loi, les « lois de prélèvements obligatoires », dont les modalités d’examen seraient celles d’une loi ordinaire et non pas celles d’une loi de finances ou de financement.

Le président de la commission des lois vient de proposer de compléter le mécanisme de contrôle de l’article 41 de la Constitution relatif à la protection du droit réglementaire, qui permettrait de déposer des propositions de loi, mais le Gouvernement ou le président de notre assemblée pourrait à tout moment soulever l’irrecevabilité pour méconnaissance du domaine des lois de finances et de financement. Je me range à sa proposition, à titre personnel, la commission n’ayant pas étudié ces propositions, car elle est de nature à prendre en compte la double exigence de la rigueur financière et des droits du Parlement.

Nous estimons enfin qu’il faut bien s’assurer que les futures lois-cadres pourront traiter des règles de gestion – par exemple la gouvernance des « niches sociales » – comme le font déjà les lois de programmation auxquelles elles vont se substituer.

Mes chers collègues, au-delà des enjeux politiciens, je suis profondément convaincu que le consensus doit être possible, comme il l’a été chez nos amis allemands, pour nous obliger collectivement, et au nom de l’intérêt supérieur du pays, à mieux maîtriser les finances publiques, car chacun porte sa part de responsabilité dans ces trente années de fuite en avant financière. Comme l’a souligné en commission notre collègue Marisol Touraine, « la volonté d’assurer l’équilibre des comptes publics est légitime aux yeux des partis de gouvernement ». Le moment est venu de s’engager.

M. Jean Mallot. Mieux vaut faire sans dire que dire sans faire !

M. Yves Bur, rapporteur pour avis. Jusqu’à la crise, certains pouvaient s’imaginer que les déficits publics pourraient se creuser impunément. Nous savons maintenant que les États sont vulnérables – même les États-Unis viennent de se le faire rappeler par le marché.

Nous devons nous imposer une discipline : le temps des bonnes intentions et des reniements doit céder la place au temps de la responsabilité envers les Français et les générations futures. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis. Pourquoi faut-il donc réformer la Constitution afin de nous contraindre à rétablir nos comptes publics ?

M. Jérôme Chartier. Parce que c’est important !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Les raisons sont multiples : pas un seul budget de l’État n’a été voté à l’équilibre depuis trente-cinq ans ;...

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi les avez-vous votés ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. … plus grave encore, les budgets de la sécurité sociale sont en déséquilibre continu depuis quinze ans ; la dette cumulée est de 1 600 milliards d’euros ; le creusement brutal des déficits et de la dette à l’issue de la violente crise que nous venons de traverser ; et enfin, j’insiste sur ce point, le fait que nous devons trouver chaque année 200 à 250 milliards d’euros pour couvrir notre besoin de financement.

Nous les trouvons en faisant appel, pour près des deux tiers, à de l’épargne non française. Tout se passe comme si nous avions collectivement oublié, au cours des précédentes décennies, cette vérité première : l’impôt sert d’abord à couvrir les dépenses.

M. Henri Emmanuelli. Vous vous réveillez trop tard !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais relire l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. »

Plusieurs députés du groupe SRC. Lisez la suite !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. « Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens,…

M. Henri Emmanuelli. Le bouclier fiscal !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. « …en raison de leurs facultés ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Chartier. Il faut supprimer l’ISF !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À droite, estimant à juste titre que les prélèvements obligatoires étaient trop importants, nous avons eu, au cours des dernières décennies, une certaine propension à réduire les impôts, sans pour autant gager ces baisses par des économies, car nous tenions le raisonnement suivant : en réduisant les impôts, nous allons stimuler l’initiative, et donc la croissance, ce qui nous permettra de financer ces baisses à court terme par une abondance de recettes à moyen terme.

Mais, à gauche, vous avez toujours fait une confiance aveugle à la dépense publique. J’entends encore M. Pierre-Alain Muet raconter que, en augmentant la dépense publique, on augmente la croissance et que le surcroît de croissance autofinance la dépense. Je voudrais rappeler à l’ancien conseiller sur les 35 heures que la cagnotte éphémère ne s’est remplie qu’en 1999 mais a servi à financer les dépenses hélas définitives liées aux 35 heures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. C’est grotesque !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Chers collègues, à droite comme à gauche, nous devrions nous accorder sur ce constat : nous avons collectivement augmenté les déficits et la dette.

M. Jean-Claude Sandrier. La droite collectivement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Pourtant, Henri Emmanuelli sait qu’il existe une exception, liée à une bonne règle : les collectivités locales. Depuis un demi-siècle, leur endettement est stable ; elles passent même parfois d’un besoin de financement à un excédent de financement. C’est qu’elles appliquent une règle d’or bien connue.

Aujourd’hui, forts de notre triple A, nous finançons nos 200 à 250 milliards pratiquement dans les mêmes conditions que nos voisins allemands. Mais ouvrons les yeux, voyons ce qui se passe en Grèce, au Portugal, en Irlande. Pour ces pays, le problème n’est plus dans l’envolée des taux d’intérêts : ils ne trouvent même plus le moyen de se financer sur les marchés.

M. Jérôme Chartier. C’est la vérité !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. J’ai toujours défendu la dépense publique, car je fais partie de ceux qui lui reconnaissent des vertus.

M. Henri Emmanuelli. Nous sommes d’accord là-dessus !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Comme l’a excellemment indiqué Yves Bur, pour garder notre niveau de protection sociale et nos dépenses publiques, nous devons absolument prendre cette question à bras-le-corps. Je sais bien que rien ne peut remplacer la volonté politique. Mais des règles de bonne gouvernance rendent la volonté politique plus aisée et plus honorable, pour reprendre la phrase d’Henri IV gravée sur le socle de sa statue, dans une salle voisine de notre hémicycle.

Aujourd’hui, mes chers collègues, c’est bien une question de souveraineté nationale qui est posée. Nous devrions connaître par cœur une phrase prononcée par Pierre Mendès-France : « Des comptes en désordre sont le signe d’une nation qui s’abandonne. »

M. Henri Emmanuelli. Cela fait quatre ans que vous vous abandonnez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tous nos voisins européens ont abordé ce problème de souveraineté nationale en mettant progressivement des règles en place. Les Britanniques ont ainsi édicté une règle d’or – l’emprunt ne doit financer que des investissements – qui leur a permis d’avoir pendant plusieurs années des budgets en équilibre et d’aborder la crise, qui a fait exploser leur déficit, dans des conditions relativement bonnes.

L’exemple de la Suède est plus intéressant encore.

M. Henri Emmanuelli. Ils sont 6,7 millions !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 1991, le déficit explose en Suède : 10 points de PIB, l’inflation passe à 18 %, la couronne s’effondre. Comme ils savent le faire, les Suédois se sont mis autour d’une table et ont mis en place, dans un cadre consensuel, deux règles qui ressemblent d’ailleurs à ce que nous vous proposons : d’une part, un encadrement pluriannuel des dépenses, sur trois ans ; d’autre part, une règle des surplus en cas de haut de cycle – les surplus doivent être obligatoirement recyclés dans la baisse du déficit et de la dette.

Aujourd’hui, il nous faut donc absolument agir.

M. Henri Emmanuelli. C’est trop tard au bout de quatre ans ! Il faut passer la main !

M. Jérôme Chartier. Non, monsieur Emmanuelli, il n’est jamais trop tard !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Depuis vingt ans, et a fortiori après la mise en place de l’euro, notre trajectoire budgétaire a cheminé parallèlement à celle de l’Allemagne et nous avons toujours connu des évolutions analogues. Or, pour la première fois, nous commençons à diverger. Surtout, l’Allemagne vient de réformer sa Constitution, en y inscrivant une règle très forte : 0,35 point de déficit maximum à l’horizon 2016.

Compte tenu de toutes ces constatations, le Gouvernement nous propose un texte vraiment équilibré entre la contrainte et la souplesse. La contrainte, c’est de conférer à ces lois-cadres une primauté sur les lois de finances et de financement annuelles. Comme l’a fort excellemment dit M. Jean-Luc Warsmann, cela se fait par le biais d’un plancher de recettes et d’un plafond de dépenses : au fil du temps, le plancher et le plafond se rejoignent. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Que se passe-t-il, alors ? Une mouche est écrasée ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le déficit, c’est plus gênant qu’une mouche, monsieur Emmanuelli ! Si le déficit n’était qu’une mouche, nous n’aurions pas besoin de l’écraser !

M. Henri Emmanuelli. Il fallait vous y mettre dès 2007 !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Quant à la souplesse, elle réside dans le fait que nos lois-cadres peuvent être révisées. Nous n’enlevons donc pas au législateur financier sa capacité à s’adapter par exemple à une crise financière comme celle que nous venons de connaître ou à un changement de majorité. Contrainte et souplesse sont conciliées. En clair, nous inscrivons le principe de la trajectoire en dépenses et en recettes dans la Constitution, mais le contenu de cette trajectoire, les économies à réaliser, le solde structurel, la date de retour à l’équilibre relèvent de la loi-cadre, qui peut être adaptée le cas échéant.

Comme les deux autres commissions concernées, la commission des finances s’est d’abord penchée sur la question du respect du droit d’initiative parlementaire. On pourrait croire que l’hyperconcentration des mesures fiscales dans les lois de finances va plutôt dans le sens de ce que pourrait souhaiter la commission. Il n’en est rien. Nous sommes tous très respectueux des droits de nos collègues et avons souhaité sauvegarder leur droit d’initiative, en étendant le monopole que nous propose le Gouvernement et qui ne concerne que des lois d’initiative gouvernementale – lois de finances, lois de financement – à des lois de recettes ou de prélèvements, qui sont des lois ordinaires et que chacun d’entre nous peut proposer.

La question des délais est également décisive. Depuis quelques années, nous observons que les délais deviennent infernaux. En général, le Conseil des ministres examine le projet de loi de finances le dernier mercredi de septembre, ce qui ne nous laisse pas assez de temps pour examiner des textes qui ont doublé de volume par rapport à la précédente législature. Nous ne faisons donc pas du bon travail.

M. Christian Eckert. Ça, c’est sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il nous semble nécessaire d’inscrire des délais raisonnables dans la Constitution.

Là aussi, j’ai regardé ce que font nos voisins étrangers. La loi de finances doit être déposée au plus tard le 1er septembre en Allemagne ; le 20 septembre en Suède. En Grande-Bretagne, la pratique – car il n’existe aucune règle écrite – veut que l’on ne dépasse jamais le 15 septembre.

Comme la commission des lois, nous avons étudié la question de l’exécution et des écarts. Je passe rapidement sur ce point, car les trois commissions sont parvenues à un accord sur la nécessité de prévoir dans la loi organique la manière dont on corrige les écarts.

Nous discuterons demain, à l’occasion de l’examen d’amendements, d’une question restée en suspens : la bonne articulation entre programme de stabilité, qui doit être présenté chaque année et court sur une durée de quatre ans, et les lois-cadres d’équilibre des finances publiques. En effet, si nous déconnectons trop les lois-cadres du programme de stabilité annuelle, celui-ci prévaudra sur les lois de finances. Nos lois de finances annuelles tireront donc leurs contraintes ou leur légitimité du programme de stabilité, ce qui serait fâcheux. Nous devons donc relier les deux textes.

Je voudrais, pour conclure, rappeler quelques souvenirs. Le 21 juin 2001, il y a dix ans, nous étions plusieurs – Michel Bouvard, Charles de Courson et moi-même – à nous interroger sur l’opportunité de voter la loi organique. Devions-nous, à moins d’un an de l’échéance présidentielle, décerner un brevet de bonne conduite financière au Gouvernement ?

M. Henri Emmanuelli. Cela n’avait rien à voir !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’était une vraie question, monsieur Emmanuelli. Des débats approfondis ont été tenus au sein de notre groupe. Notre honneur, c’est que nous avons réussi tous les trois à faire pencher la balance dans le sens de l’intérêt supérieur du pays. J’espère que l’opposition, aujourd’hui, saura faire preuve de la même sagesse, du même souci de l’intérêt général que nous il y a dix ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Henri Emmanuelli. C’est le Sénat qui a fait pencher la balance, c’est M. Lambert, qui était coauteur de la loi organique !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi de réforme constitutionnelle. Je m’apprêtais à commencer mon propos par l’évocation des conditions dans lesquelles la loi organique relative aux lois de finances fut adoptée lors d’une précédente mandature. Mais, me rangeant à l’inspiration du rapporteur général, je conclurai moi aussi par ce sujet.

Quel projet allons-nous examiner ? Au-delà du texte lui-même, de quoi s’agit-il ? Il s’agit de réformer la Constitution pour pouvoir ensuite, selon des modalités et un calendrier totalement indéterminés, puisque aucun document ne nous a été fourni à cet égard, élaborer une loi organique qui prévoira la création d’une nouvelle catégorie de loi, qui, ni loi ordinaire ni loi organique, se situerait plutôt entre les deux : une loi pluriannuelle.

Il s’agit donc d’un processus pour le moins compliqué : la réforme constitutionnelle renvoie à une loi organique, qui renvoie à une loi d’une nature à ce jour indéterminée, qui serait pluriannuelle, laquelle soumettrait les lois annuelles de finances et de financement de la sécurité sociale. Je comprends que, plutôt que de s’attarder sur la procédure, les membres du Gouvernement, le président de la commission des lois ou les rapporteurs préfèrent évoquer la situation d’urgence dans laquelle se trouvent nos finances publiques. Car il n’est pas assuré que des éclaircissements sur ce processus emportent l’adhésion. D’une part, je l’ai dit, les modalités et le calendrier de la réforme sont inconnus. D’autre part, si nous pouvons tous nous accorder sur le fait qu’elle améliorerait probablement la qualité des travaux parlementaires, rien ne garantit que, menés différemment, ils autoriseraient cette maîtrise des finances publiques à laquelle il semble que tout le monde se soit converti, après avoir pris quelques libertés avec elle – certains plus que d’autres.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est de l’autocritique !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Je voudrais rappeler le rapport de Gilles Carrez sur l’application de la loi fiscale. Il est désormais établi que, depuis 2002, ce sont 100 à 120 milliards d’euros de recettes fiscales, soit entre six et sept points de PIB, que deux majorités successives – les vôtres, mes chers collègues – ont décidé d’abandonner. Si la perspective de la dette publique n’était pas de 86 % du PIB, mais était comprise entre 75 et 80 % du PIB, l’alerte que vous croyez détecter sur les marchés et dans les agences de notation serait peut-être moins inquiétante que, en dépit de votre prudence, vous ne semblez l’admettre.

Nous discutons donc d’un processus de réforme des travaux parlementaires qui ne garantit en rien l’équilibre des finances publiques. Permettez-moi de vous faire part de mon incompréhension. Vous nous proposez d’adopter cette réforme constitutionnelle dans l’urgence, dès cet été, mais sa mise en œuvre est renvoyée sine die. Personne ne sait quand elle sera appliquée. Ne devriez-vous pas, par cohérence, adopter dans la foulée les textes qui lui permettraient de l’être dès l’année 2012 ? Si ce processus est indispensable à la maîtrise des dépenses publiques, au nom de quoi pourriez-vous vous affranchir de cette contrainte en 2012, au motif qu’il s’agit d’une année électorale ? Vous nous garantissez que, cette année-là, vous veillerez soigneusement à l’équilibre des finances publiques. S’il en est ainsi, la réforme constitutionnelle est inutile : n’allez-vous pas vous en passer en proposant au Parlement une loi de finances initiale et une loi de financement de la sécurité sociale respectueuses de ces principes ? Je ne vois donc pas comment vous pouvez expliquer cette contradiction et répondre à mes interrogations que d’autres doivent partager.

Si la réforme constitutionnelle est adoptée, nous vous demandons de veiller à ce que ces dispositions s’appliquent dès 2012 ; mais si vous estimez qu’elle n’est pas nécessaire pour assurer la maîtrise des dépenses publiques en 2012, nous vous demandons d’attendre que les échéances électorales aient eu lieu pour – dans l’hypothèse où vous convaincriez les Français de la justesse de votre projet – faire adopter cette réforme pour la prochaine mandature. C’est bien une cote mal taillée que vous proposez en réformant la Constitution dans l’urgence mais en prévoyant des dispositions qui ne s’appliqueront qu’à une date indéterminée, et en tout cas pas en 2012.

M. Jean Mallot. Opération politicienne !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Au-delà de ce constat général, les dispositions de la réforme comportent des difficultés que certains s’efforcent, avec peine, de lever.

Concernant la question du monopole, je peux comprendre que certains soient désormais résolus à ne plus accepter que, à l’occasion d’une loi ordinaire, les finances publiques se voient amputer des recettes nécessaires. Ce sont d’ailleurs les mêmes qui ont voté la baisse de la TVA dans la restauration, au détour d’une loi sur le tourisme. D’un vote, d’un seul, vous avez abandonné une recette fiscale de plus de 3 milliards d’euros qui n’était que très imparfaitement gagée par l’abandon d’autres mesures. En vérité, cette réforme fiscale fut, au moins pour moitié, financée par l’endettement. Le paquet fiscal de l’été 2007 fut, lui, intégralement financé par l’endettement, tout comme la réforme de la taxe professionnelle de l’année 2009.

Quand on se rappelle ces réformes fiscales coûteuses pour les finances publiques, qui ne furent assorties d’aucune contrepartie en termes d’économies et furent financées par l’endettement du premier au dernier euro, on ne peut que s’amuser des envolées que nous venons d’entendre à cette tribune. On peut même s’agacer que ceux-là mêmes qui ont amputé les recettes de l’État ou de la sécurité sociale dans des proportions considérables prétendent que cela ne peut plus durer et plaident pour une réforme constitutionnelle en urgence dont la seule conséquence sera de modifier l’ordonnancement des travaux parlementaires.

Il y avait plusieurs solutions pour éviter que l’initiative parlementaire ne soit bridée au-delà du raisonnable. Du reste, la brider est-il légitime ? Le président de la commission des lois, notre collègue Warsmann, a, à juste titre, fait remarquer que les pertes de recettes fiscales liées à la baisse de la TVA dans la restauration furent, dans la très grande majorité des cas, d’initiative gouvernementale et non parlementaire. Pourtant, vous reconnaissez vous-mêmes avoir été dans l’incapacité de brider le Gouvernement dans ces abandons de recettes fiscales.

M. Henri Emmanuelli. On ne bride pas Sarkozy : ce n’est pas possible.

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Vous n’avez fait que brider votre propre initiative. En la matière, le Parlement paraît plus innocent que coupable et je comprends mal que, de la constatation que c’est le Gouvernement qui s’est rendu coupable de ces errements fiscaux, vous tiriez la conclusion qu’il faut encadrer une initiative parlementaire qui, en aucun cas, ne fut majoritairement responsable des 100 à 120 milliards d’euros d’abandon de recettes fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Très juste !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Si c’est le pouvoir exécutif qui est à l’origine de la défaillance de nos finances publiques, pourquoi faut-il encadrer les initiatives des parlementaires, qui ne sont pour rien dans la situation actuelle, si ce n’est d’avoir toujours voté, fût-ce en renâclant, ce que le Gouvernement proposait ?

M. François Goulard. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il me semble que votre acte de contrition, qui consiste à accepter dans l’enthousiasme une réforme constitutionnelle qui contrôle, encadre, bride votre propre activité, est exagéré. Ne serait-ce pas une forme d’expiation des votes que vous avez consentis au pouvoir exécutif ?

M. Michel Bouvard. Ça sent la béatification !

M. François Goulard. Il s’adresse aux démocrates chrétiens. (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Libérez votre âme du poids de péchés que vous semblez ressentir douloureusement, en refusant la réforme constitutionnelle ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L’encadrement de l’initiative parlementaire va en effet sévèrement limiter la capacité des parlementaires à exercer finalement le mandat que leur confie le peuple. Combiné avec l’article 40 qui interdit l’aggravation de la charge publique, cela revient, de fait, à empêcher toute initiative parlementaire, que ce soit par voie d’amendement ou sous forme de proposition de loi. Plusieurs solutions ont été imaginées. Le rapporteur général a, un temps, envisagé des lois de prélèvements obligatoires, mais on voit bien que toute proposition de loi qui créerait une dépense fiscale devrait être obligatoirement accompagnée d’une proposition de loi de prélèvements obligatoires.

M. François Goulard. Pourquoi pas ?

M. Jérôme Chartier. Et de beaucoup de responsabilité !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ce serait considérablement alourdir le travail parlementaire, ce qui ne me paraît pas souhaitable.

D’autres envisagent maintenant, sur le fondement de l’article 41, d’autoriser le dépôt d’amendements ou de propositions de loi, laissant au Gouvernement le soin de les accepter ou de les rejeter…

M. Henri Emmanuelli. C’est le Rotary Club, ce n’est plus l’Assemblée nationale !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …et d’arbitrer entre ce que l’initiative parlementaire aurait de légitime et ce qu’elle aurait d’illégitime. Si la solution qui consiste à étendre le champ de l’article 41 était adoptée par notre assemblée, nous consentirions à un abandon de souveraineté.

Pour ma part, je vous suggère de ne pas priver les propositions de loi et les amendements de toute cohérence et de toute lisibilité – non seulement pour les parlementaires, mais également pour l’opinion – et de leur permettre de comporter des dispositions fiscales. Vous pourriez, par exemple, renvoyer à une loi de validation l’activation de ces mesures fiscales. Ainsi, les parlementaires pourraient exercer leur mandat sans que leurs initiatives soient préjudiciables aux finances publiques. Je proposerai de nouveau cette solution par voie d’amendement, car je la crois préférable. Elle me semble bien cerner la difficulté devant laquelle nous nous trouvons.

La couverture dans le temps, qui doit être identique dans le programme de stabilité et dans l’éventuelle loi pluriannuelle de finances publiques, représente une autre difficulté. Une loi pluriannuelle est fixée pour une période donnée, mais c’est chaque année que le programme de stabilité pluriannuel est transmis par les autorités françaises aux autorités communautaires. Comment peut-on imaginer un programme de stabilité qui couvre chaque année selon un mécanisme glissant quand la loi pluriannuelle s’arrêterait une année donnée ? Il va de soi que les deux dispositifs doivent cheminer ensemble dans le temps, de façon homogène et cohérente. Des amendements pourraient utilement permettre au débat de progresser sur ce sujet.

Je conclus en récusant les propos du rapporteur général sur la comparaison avec la loi organique relative aux lois de finances. Cher Gilles Carrez, je voudrais vous rappeler très amicalement que la très importante réforme de la loi organique relative aux lois de finances fut adoptée au terme de plusieurs années de travaux d’initiative parlementaire, bipartisane et bicamérale. Rien de tel avec cette proposition de réforme constitutionnelle.

La LOLF se fit à l’initiative du président de la commission des finances du Sénat, Alain Lambert, et du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Didier Migaud. D’emblée, la réforme fut bipartisane…

M. Henri Emmanuelli. D’emblée !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …dans le cadre d’une commission spéciale à laquelle tous les groupes politiques participèrent.

M. Henri Emmanuelli. C’était pour éclairer le Parlement, pas pour le contraindre !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Pour avoir participé aux travaux de cette commission spéciale, je crois me souvenir que, à aucun moment, les parlementaires de la majorité de l’époque n’ont reproché à leurs collègues de l’opposition je ne sais quels errements passés.

M. Michel Bouvard. C’est dire à quel point ils étaient corrects !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Il ne me semble pas que le climat politique que certains croient utiles de créer à l’occasion de l’examen de ce texte soit comparable à celui dont je me souviens. Si je veux bien reconnaître le sens de l’intérêt général dont ont fait preuve quelques parlementaires de l’opposition de l’époque,…

M. Michel Bouvard. Des noms !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. …eux-mêmes reconnaîtront que les parlementaires de la majorité d’alors n’ont pas tenté, pour des raisons électorales assez évidentes, d’aviver je ne sais quels clivages ni de se défausser de leurs responsabilités en matière d’emploi, de finances publiques ou d’image de la France à l’étranger.

Il ne m’a donc pas semblé que les propos tenus tant par les membres du Gouvernement que par les responsables des commissions de notre assemblée indiquaient une volonté farouche de convaincre leurs collègues de l’opposition de voter cette réforme constitutionnelle. J’en arrive même à me demander si leur souhait n’est pas de voir cette réforme rejetée par certains.

M. Jean Mallot et M. Pierre-Alain Muet. C’est évident !

M. Dominique Baert. Bien sûr, c’est de la manipulation !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ainsi, ce débat n’aurait pas pour objet l’équilibre de nos finances publiques, mais l’avenir de certains des plus hauts responsables de l’État – avenir dont on peut comprendre que certains se mettent à douter.

M. Jérôme Chartier. Procès d’intention !

M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Ce n’est pas cette tentative de réforme constitutionnelle pour le moins pathétique qui pourra, j’en suis convaincu, modifier le destin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat auquel nous avons assisté jusqu’à présent me paraît totalement surréaliste. J’avoue que je partage pleinement l’opinion de M. le président de la commission des finances.

M. François Goulard. Tout est dit alors !

M. François Baroin, ministre. Bonne intervention !

M. Pierre-Alain Muet. Un observateur qui aurait quitté la France en 2001…

M. Michel Bouvard. Vous voulez dire un réfugié fiscal !

M. Pierre-Alain Muet. …et qui reviendrait au moment de cette discussion se dirait que la majorité a dû gérer les finances publiques de façon remarquable pour vouloir inscrire dans la Constitution des règles aussi fortes.

Il aurait du mal à imaginer que c’est cette majorité qui, en l’espace de dix ans, a fait doubler la dette de notre pays et qui a cumulé sept années de déficit excessif.

Je vous invite à faire preuve d’un peu de cohérence, chers collègues de la majorité. C’est toujours avec plaisir que j’écoute les interventions du rapporteur général : chaque fois que la majorité a pris des décisions menant à une dérive des déficits, il a appelé ses collègues à la prudence. Des discours sur la réduction des déficits, la majorité sait en faire,…

M. Charles de Courson. Vous aussi !

M. Pierre-Alain Muet. …mais c’est à l’aune des actions menées par le pouvoir que l’on mesure la réussite d’une telle politique.

Des discours, nous en avons eu. En septembre 2007, lors d’un déplacement en Corse, François Fillon déclarait : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Cela ne peut pas durer ».

M. François Goulard. C’est vrai, nous étions au bord du gouffre !

M. Pierre-Alain Muet. Pourtant, qu’avait fait ce même Premier ministre deux mois auparavant, en juillet 2007 ?

M. Henri Emmanuelli. La loi TEPA : 14 milliards sur le dos !

M. Pierre-Alain Muet. En effet, il avait fait voter par sa majorité la loi TEPA, avec un paquet fiscal de 10 milliards d’euros, alors même qu’il savait pertinemment, après le débat d’orientation budgétaire et la discussion de la loi de règlement pour 2006, que la France était, sinon en faillite, en tout cas dans une situation de déséquilibre budgétaire qui imposait une politique de réduction des déficits.

Et qu’a-t-il fait un mois plus tard, en octobre 2007 ? Il a présenté un budget comportant un déficit prévisionnel des finances publiques pour 2008 presque aussi élevé que celui de l’année précédente. Et, qui plus est, le déficit constaté a été supérieur de un point aux prévisions, atteignant 3,3 % du PIB au lieu de 2,3 %. La France a ainsi abordé la récession avec un déficit excessif, alors que tous les autres pays européens avaient réduit leur déficit pendant la période de croissance qui avait précédé.

La crise n’explique que pour une faible part la situation calamiteuse des finances publiques, qui est d’abord due au fait que vous avez laissé dériver les déficits pendant la période de croissance de 2002 à 2008, qui était relativement forte et même exceptionnelle à l’échelle mondiale – ce furent les cinq meilleures années du dernier quart de siècle. Vous le reconnaissez vous-mêmes. Comme l’a montré le débat d’hier sur le pacte de stabilité européenne, un peu plus de cinq des sept points de PIB de déficit de 2010 sont de nature structurelle. Autrement dit, le déficit de nos finances publiques est, pour l’essentiel, le résultat de votre politique. Telle est la réalité !

Mme Martine Billard. Très juste !

M. Pierre-Alain Muet. Et qu’avez-vous fait après ce discours ? Non seulement vous avez laissé dériver le déficit en 2008 mais vous avez multiplié les cadeaux fiscaux avec, notamment, la baisse de la TVA dans la restauration en 2009, pour un coût de 3 milliards d’euros, et la réforme de la taxe professionnelle, pour un coût de 7 milliards d’euros en 2011 et 4 milliards à terme, une dépense qui devait être compensée par la taxe carbone,…

M. Henri Emmanuelli. Il n’y en a pas eu !

M. Pierre-Alain Muet. …laquelle n’a pas vu le jour, ce qui a provoqué une nouvelle aggravation du déficit.

C’est l’accumulation de tous ces cadeaux fiscaux, dont le coût depuis 2002 s’élève à 70 milliards d’euros, qui explique la situation calamiteuse de nos finances publiques.

Le bilan financier de votre majorité se résumera donc à sept années de déficit excessif et à une dette qui aura doublé, passant de moins de 900 milliards à l’été 2002 à 1 800 milliards à l’été 2012, selon vos propres prévisions.

M. Henri Emmanuelli. Honte à vous, monsieur le ministre ! Honte à vous !

M. Pierre-Alain Muet. J’ai cherché en quelle année un gouvernement de droite avait réussi à réduire un déficit à moins de 2 % du PIB. J’ai le souvenir de Raymond Barre, il y a trente ans, mais, pour la période récente, je n’ai rien trouvé. Il y a bien des gouvernements qui ont réussi à limiter le déficit en dessous de 2 % : c’était en 1999, 2000 et 2001 – 1,8 %, 1,5 %, 1,8 % –, mais ce n’était pas vous qui étiez alors au pouvoir. Cela s’est également produit en 1989, mais, encore une fois, ce n’était pas vous qui étiez au pouvoir. En trente ans, jamais un gouvernement de droite n’est parvenu à faire passer le déficit au-dessous de 2 % ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. CQFD !

M. Pierre-Alain Muet. Croyez-vous qu’une quelconque règle budgétaire aurait empêché vos dérives ? Vous démontrez vous-mêmes qu’il ne sert à rien d’inscrire de telles règles dans la loi.

En janvier 1996, un article de la loi organique prévoyait que tout nouveau transfert de dette à la CADES devait être accompagné d’une augmentation des recettes de la caisse, pour ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette sociale. Certains présidents de commission l’ont en mémoire, je pense. En novembre 2010, vous avez remis ce principe en cause pour reprendre les 55 milliards de déficits sociaux accumulés de 2008 à 2011, ce qui a conduit à un allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES.

M. Henri Emmanuelli. Vous vous en souvenez, n’est-ce pas, monsieur Warsmann ?

M. Pierre-Alain Muet. Comment pouvez-vous prétendre que les règles empêchent les dérives alors que vous démontrez le contraire ?

Il en est allé de même pour la règle de compensation de toute nouvelle dépense fiscale, enterrée aussitôt qu’elle a été adoptée avec la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.

Voilà un gouvernement qui n’aura respecté aucune des règles de bonne gestion de la politique économique : ni la limite des 3 % de déficit, ni le maximum de 60 % de dette, ni même les règles qu’il a lui-même fait voter. Comment dès lors peut-il prétendre inscrire dans la Constitution, pour ses successeurs, des règles qu’il a violées tous les jours ?

Ce projet de loi constitutionnelle prévoit d’inscrire dans la Constitution le principe d’une loi-cadre, pour une durée de trois ou quatre ans, portant sur les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale. On comprend bien que vous vouliez faire quelque chose pour qu’on oublie votre gestion calamiteuse des finances de notre pays. Toutefois, choisir comme prétendue règle d’or une règle que vous n’avez pratiquement jamais respectée depuis 2002 a de quoi surprendre.

M. Henri Emmanuelli. C’est du foutage de gueule !

M. Dominique Baert. Faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais !

M. Pierre-Alain Muet. Aucune des lois de programmation pluriannuelle n’a été respectée, à part celle de 2010. Chaque année, vous avez décalé la mise en œuvre de la réduction prévue d’un demi-point du déficit des finances publiques. À cet égard, je me suis demandé pourquoi, depuis 2002, les programmes de stabilité successifs prévoyaient toujours une réduction d’un demi- point par an du déficit. En fait, de 1997 à 2001, chaque année, une réduction d’un demi-point a pu être observée – soit deux points en quatre ans –, mais, là encore, ce n’était pas vous qui étiez au pouvoir. Il n’y avait pas de règle, alors, il n’y avait même pas de loi de programmation des finances publiques. Il y avait simplement la volonté politique d’un gouvernement de créer des emplois, de relancer la croissance et de réduire les déficits. Nouvelle preuve que ce ne sont pas les règles qui permettent de réduire les déficits, mais la volonté politique.

Si l’on appliquait une loi-cadre à la lettre, indépendamment de la conjoncture, l’économie risquerait d’être asphyxiée à chaque retournement de conjoncture. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a ajouté un alinéa prévoyant que la loi-cadre pourra être révisée par le Parlement, ce qui revient à changer la Constitution pour faire la même chose qu’auparavant. Au mieux, c’est une réforme pour rien ; au pire, c’est l’institutionnalisation de l’austérité.

Le Conseil constitutionnel se trouverait ainsi doté d’une nouvelle mission consistant à vérifier que les lois de finances sont conformes aux lois-cadres. Mais sur quels critères se fonderait-il ? De quelle crédibilité et de quelle légitimité disposerait-il en de tels domaines, si l’on ne réformait pas totalement son mode de désignation en en faisant une sorte de Cour des comptes bis ?

Comment une telle loi s’appliquerait-elle à une loi de règlement ? J’ai posé plusieurs fois la question au ministre et au rapporteur en commission des finances.

M. Henri Emmanuelli. Ils ne répondent pas !

M. Pierre-Alain Muet. Car il faut bien voir que les dérives des comptes publics ne relèvent pas, pour la plupart, de la loi de finances initiale. On se doute que si le Gouvernement fait adopter une loi de programmation en septembre, ce n’est pas pour faire des prévisions très différentes en octobre. C’est l’exécution de la loi de finances initiale qui pose problème. Qu’en est-il donc de la loi de règlement ? J’attends toujours une réponse.

Quant au choix de réserver les modifications fiscales et sociales aux seules lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale, il présente l’inconvénient de réduire considérablement le droit d’amendement du Parlement, d’autres que moi l’ont dit. Or ce n’est pas le Parlement qui est à l’origine des déficits. Le droit d’amendement est fortement encadré par l’article 40. Et, comme l’a fort bien rappelé le président de la commission des lois, 85 % des déficits résultent des lois de finances initiales ou des lois de financement de la sécurité sociale. Et, pour les 15 % restants, si j’ai bien compris l’intervention de M. Warsmann, c’est le Gouvernement qui est responsable de l’essentiel des dérives.

M. Henri Emmanuelli. Il a des moments de lucidité !

M. Pierre-Alain Muet. Cela correspond bien au souvenir que nous gardons de toutes les dispositions qui ont conduit à une dérive des déficits.

En quoi le Parlement serait-il responsable ? Il n’y a aucune raison de modifier son droit d’amendement.

Tout cela, on le voit bien, n’a pas de sens. Il s’agit d’un simple habillage destiné à vous faire oublier votre responsabilité écrasante dans la dérive des déficits et pour mieux faire passer une politique d’austérité.

M. Henri Emmanuelli. C’est pour les agences de notation !

M. Pierre-Alain Muet. Car que découvrons-nous dans la déclaration dont nous avons discuté hier – revenons aux réalités, loin des grandes formules par lesquelles vous nous expliquez que vous ferez demain ce que vous n’avez jamais fait hier ?

Vous programmez une hausse des prélèvements obligatoires qui se poursuivra pour atteindre 43,9 % en 2014, alors même que, depuis 2002, vous avez consenti 70 milliards de cadeaux fiscaux, et depuis 2007 une quarantaine. Qui a donc bénéficié de ces cadeaux ? Ce sont, pour l’essentiel, les plus fortunés de nos concitoyens. Les autres ont subi toutes les petites augmentations que vous avez effectuées par-ci, par-là, et qui, cumulées, aboutissent à un taux de prélèvements obligatoires identique à celui de 2007, époque à laquelle le Président de la République, alors candidat, promettait une baisse de quatre points de ce taux. Cela illustre la profonde inégalité qui caractérise toute votre politique fiscale.

En ce qui concerne les dépenses, vous vous êtes rangés derrière la bannière de la direction du budget qui, depuis des années, propose à tous les gouvernements de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – ce que les gouvernements sensés doivent se refuser à faire.

On en connaît les résultats, ceux que décrit aujourd’hui certain livre noir. Cette politique démoralise complètement les agents de l’État. Le rapport que j’ai consacré à la RGPP…

Mme Marisol Touraine. Très bon rapport !

M. Pierre-Alain Muet. …m’a fourni l’occasion d’auditionner les syndicats : tous nous disent être favorables à un État efficace, mais pas à une politique aussi absurde.

De cette politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, le premier président de la Cour des comptes – c’était alors Philippe Séguin – disait, en décembre 2009, qu’elle était « une récompense aux mauvais élèves et ne constitu[ait] pas une solution à long terme ». « L’État se révélant incapable d’analyser les besoins et de programmer ses effectifs en conséquence, ajoutait-il, sa politique du personnel est dictée principalement par des considérations budgétaires de court terme. » Cela s’est malheureusement vérifié jusqu’à aujourd’hui. « Cette démarche, concluait-il, ne profite qu’aux administrations pléthoriques et sous-productives » : elle ne s’apparente en rien à un véritable effort de productivité.

En matière de dépenses comme de recettes, votre politique est à la fois profondément injuste et profondément inefficace.

Certes, nous sommes d’accord pour réduire les déficits, d’autant que, pour nous, il ne s’agit pas d’une abstraction : nous l’avons fait ! À notre arrivée au pouvoir, en 1997, nous avons trouvé un déficit excessif, un budget que le gouvernement de l’époque ne parvenait pas à boucler ; nous avons ramené le déficit à 1,5 % du PIB en 2001. Nous avons trouvé une dette qui, pour la première fois de notre histoire, avait dépassé 60 % du PIB. On l’a oublié ; c’était au deuxième trimestre de l’année 1997, sous le gouvernement Juppé. Nous en avons ramené le montant à 58 % du PIB. Je le répète, nous pouvons parler de réduire le déficit, parce que nous ne nous sommes pas contentés d’en parler : nous l’avons fait !

M. Dominique Baert. Eux parlent ; nous, nous faisons !

M. Henri Emmanuelli. Quel courage !

M. Pierre-Alain Muet. Ces trente dernières années, la gauche et la droite ont gouverné chacune quinze ans. Quel bilan peut-on en dresser ? Au cours des quinze années pendant lesquelles la gauche a gouverné, la France n’a dépassé le critère des 3 % de déficit que trois années et la dette est toujours restée inférieure à 60 % du PIB. Je viens de le rappeler, nous avons réduit une dette qui avait dépassé ce montant sous un précédent gouvernement.

Au cours des quinze années pendant lesquelles la droite a gouverné, notre pays a connu douze années de déficit excessif, c’est-à-dire supérieur à 3 % du PIB. Quant à la dette, elle a toujours été supérieure à 60 % du PIB depuis 2002 et elle devrait atteindre en 2012, selon vos propres prévisions, 86 % du PIB.

Mes chers collègues, la conclusion est claire, …

M. Henri Emmanuelli. Il faut changer de majorité ! (Rires et exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Pierre-Alain Muet. …et je gage que nos concitoyens la tireront en 2012. Pour réduire la dette et les déficits, il n’est pas nécessaire de changer la Constitution : il faut, en effet, changer de majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Jérôme Chartier, pour le groupe UMP.

M. Jérôme Chartier. Madame la présidente, mes chers collègues, la majorité ne votera pas la motion défendue par M. Muet. Avec tout le respect qui est dû à la liberté d’expression d’un collègue, …

M. Jean-Pierre Brard. Quand on est félicité par l’adversaire de classe, où va-t-on ?

M. Jérôme Chartier. … permettez-moi de vous dire, monsieur Muet, que nous ne partageons ni vos principes ni même votre démarche politique.

M. Jean-Pierre Brard. Voilà qui est rassurant ! (Sourires et exclamations sur divers bancs.)

M. Jérôme Chartier. Je ne sais pas si c’est rassurant, monsieur Brard, mais nous vous écouterons nous l’expliquer tout à l’heure.

Monsieur Muet, vous vous référez au passé ; mais, vous le savez, nous avons vécu en 2008 et 2009 une crise économique inédite dans l’histoire récente de la République française, comme du reste dans celle de la plupart des États du monde, à l’exception de la Suède. Gilles Carrez l’a rappelé.

M. Jean Mallot. Et vous pensez que votre projet de loi va empêcher les crises ?

M. Jean-Pierre Brard. L’histoire ne se répète pas – sauf comme farce !

M. Jérôme Chartier. Je comprends que l’on soit tenté de donner des leçons…

M. Jean Mallot. C’est ce que vous faites depuis le début !

M. Jérôme Chartier. …sur la manière dont les uns et les autres ont agi il y a cinq, dix ou quinze ans. Mais de quoi s’agit-il plus précisément dans ce projet de loi constitutionnelle ?

M. Henri Emmanuelli. Ce que Pierre-Alain Muet a dit était précis !

M. Jérôme Chartier. Il s’agit d’une proposition simple, qui permettra de fixer des règles que je juge vertueuses. Ces règles, les Français les attendent, parce qu’ils constatent depuis plusieurs années que les finances font défaut et qu’ils veulent que la rigueur et les efforts que le Gouvernement leur demande soient suivis d’effets aujourd’hui, mais aussi demain.

Des règles gravées dans le marbre de la Constitution afin que cette exigence de gestion rigoureuse de la dépense publique soit à coup sûr respectée par tous les moyens : voilà donc ce que les Français attendent. Voilà pourquoi la majorité soutient ce projet de loi constitutionnelle, qui, au fond, ne fait que définir de bons principes.

M. Jean Mallot. Pour empêcher les crises, sans doute ?

M. Jérôme Chartier. En effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur Muet, le texte ne contraindra guère la majorité, quelle qu’elle soit en 2012.

M. Jean Mallot. Alors à quoi sert-il ?

M. Jérôme Chartier. En revanche, il arrêtera, je le répète, de bons principes et, surtout, un bon calendrier. Je n’arrive donc pas à m’expliquer que vous votiez contre ce projet.

M. Michel Vergnier. Et moi, je n’arrive pas à m’expliquer que vous disiez cela !

M. Jérôme Chartier. Vous avez tenté de démontrer le bien-fondé de votre position en commission des finances ; vous n’y êtes pas parvenu. Vous vous êtes fondé sur le passé pour montrer qu’il ne fallait pas se fier à l’avenir, mais cela vaut de toutes les majorités : si vous étiez au pouvoir, pourriez-vous vous fier à vous-mêmes en respectant une épure budgétaire pluriannuelle ? Même cela, vous ne le faites pas, ce qui rend votre démarche politique très curieuse.

M. François Goulard. C’est très convaincant !

M. Jérôme Chartier. Parce que nous ne vous comprenons pas, monsieur Muet, la majorité ne votera pas votre motion de rejet préalable.

M. François Goulard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet, pour le groupe SRC.

M. Alain Rodet. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, nous ne pouvons qu’adhérer à la manière dont Pierre-Alain Muet a dénoncé la confusion des genres et des calendriers dont témoigne ce projet de loi.

Confusion et désordre, donc, engendrés par la création d’un nouvel instrument juridique – nous dit-on –, d’un nouveau type de loi-cadre, synthèse improbable entre loi organique et loi ordinaire, sorte de loi chauve-souris : « Je suis oiseau : voyez mes ailes ; je suis souris : vivent les rats ! » (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Ils sont dans le fromage, les rats !

M. Alain Rodet. Nous sommes à la croisée du dessaisissement du Parlement et de l’atteinte à la séparation des pouvoirs. En effet, ce projet revient à faire du Conseil constitutionnel une instance aux pouvoirs exorbitants et déséquilibre notre loi suprême, la Constitution.

Monsieur le ministre, avec tout le respect que nous devons aux sages de la rue Montpensier, osons dire, osons rappeler que n’est pas la Cour suprême des États-unis qui veut. Au demeurant, cette instance majeure du système politique américain n’empêcha pas le président Franklin Delano Roosevelt de lancer en 1933 et 1934 l’ambitieux programme du New Deal.

M. Charles de Courson. Avec le succès que l’on sait…

M. Alain Rodet. On nous a aussi beaucoup parlé de l’Allemagne. Mais enfin, l’Allemagne est un État fédéral : on ne peut comparer strictement le budget français au budget allemand. Le budget de certains Länder, dont la Rhénanie du Nord-Westphalie et la Bavière, qui comptent plus de 10 millions d’habitants – 18 millions pour la première –, ne saurait être comparé à celui de l’Île-de-France ou de la région Rhône-Alpes, nos deux plus grandes régions.

M. François Goulard. Vous êtes honnête !

M. Alain Rodet. Puisque certains membres du groupe UMP sont friands de comparaisons internationales, tournons-nous vers l’Irlande, la vertueuse Irlande, longtemps meilleure élève de la classe budgétaire européenne, et qui, de 1995 à 2007, afficha douze budgets largement excédentaires. Et tout cela pour quoi ? Pour en arriver au désastre que l’on sait, au sauve-qui-peut généralisé qui a naturellement nécessité l’injection par l’Europe de 85 milliards d’euros, injection à laquelle la France a fortement contribué.

En somme, nous avons affaire à une sorte de ligne Maginot destinée à protéger nos finances publiques. Dès lors, on peut se demander si le Gouvernement et la majorité – même si certains de nos collègues de l’UMP ont pris leurs distances avec ce projet, comme le montrent les comptes rendus des commissions – n’essaient pas, avec machiavélisme, pour ne pas dire avec cynisme, …

M. François Baroin, ministre. Oh non !

M. Alain Rodet. …d’appliquer le proverbe allemand que l’on peut traduire ainsi : « Plaçons les principes suffisamment haut pour pouvoir passer dessous sans se baisser. »

Voilà pourquoi il faut impérativement voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce projet de loi constitue une double mascarade. Tout d’abord, il s’agit d’un projet de loi constitutionnelle dont les conditions d’approbation ne seront pas réunies – à moins qu’on ne nous dise quand le Congrès sera convoqué ou un référendum organisé.

Du moins cela pourrait-il éventuellement prêter à rire. Le second aspect de la mascarade est beaucoup moins risible, car il représente un changement fondamental pour notre démocratie. Pour la première fois, en effet, des budgets seront pilotés, téléguidés par l’Europe. Aux termes de l’article 12, le Gouvernement voudra bien transmettre au Parlement le programme de stabilité avant que celui-ci n’arrive devant la Commission européenne : on serait presque tenté de dire merci !

En outre, une loi-cadre viendra parachever, en s’ajoutant à l’article 40, la quasi-disparition de toute capacité d’initiative du Parlement. Ce n’est pas une règle d’or que vous nous proposez, c’est une règle de plomb !

Pourquoi tout cela ? Notre collègue Jérôme Chartier l’a clairement dit, non ici, mais en commission, et il a eu le mérite d’être franc : il s’agit d’envoyer un signe très fort aux marchés financiers. C’est dit. Mais depuis quand les marchés financiers décident-ils des politiques qu’il appartient normalement à chaque peuple de définir, de manière démocratique ? Par qui les marchés sont-ils démocratiquement mandatés ? Qui décide ? Quelqu’un ici peut-il m’expliquer ce que c’est que le marché ?

M. François Goulard. Ce serait nécessaire, apparemment !

M. Jean-Claude Sandrier. Il est urgent de s’en prendre à cette dictature des marchés financiers, que l’on croit sans doute inévitable et éternelle, mais qui ne l’est pas plus qu’aucune autre dictature.

Enfin, comment se plier à une loi qui ne s’attaque pas à ce à quoi elle est théoriquement destinée, la réduction des déficits ? En effet, pour vous, les déficits, c’est la dépense publique, c’est la dépense sociale, ce sont les collectivités locales. Or, nous l’avons démontré, ce n’est pas de là que viennent les déficits, mais du manque de recettes fiscales – 100 milliards d’euros – et des niches sociales, lesquelles représentent au total, avec les cadeaux fiscaux, 173 milliards d’euros. Seul un tiers du déficit budgétaire est dû à la crise – crise elle-même due, vous le savez, aux marchés financiers. C’est donc à eux qu’il faut s’en prendre ; mais vous n’êtes pas près de le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Notre collègue Muet a la mémoire courte – il est vrai que c’est un jeune député. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Pierre Brard. Vous, depuis Lepeletier de Saint-Fargeau, vous avez de la mémoire !

M. Charles de Courson. En effet, il n’a pas parlé des trois périodes au cours desquelles les membres de l’actuelle opposition ont été majoritaires. Souvenez-vous de la période 1981-1986, mes chers collègues de l’opposition.

M. Jean-Pierre Brard. Vous étiez déjà là ?

M. Charles de Courson. Vous avez trouvé un budget en équilibre. Vous souvenez-vous dans quel état vous l’avez rendu, cinq ans plus tard ? En 1983, on appelle Laurent Fabius pour lui dire qu’on ne peut pas continuer ainsi, qu’il faut redresser les finances publiques. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Cent vingt milliards de francs !

M. Charles de Courson. Vous souvenez-vous de la période 1988-1993, de l’état dans lequel vous avez alors mis les finances publiques ?

M. Dominique Baert. Et 1993-1995 ?

M. Jean-Pierre Brard. Et Juppé, en 1997, dans quel état les a-t-il rendues ?

M. Charles de Courson. Le déficit atteignait 6,3 % quand nous sommes arrivés au pouvoir, début 1993 ! On n’avait jamais vu une telle dérive.

M. Camille de Rocca Serra. Jamais !

M. Henri Emmanuelli. On a vite vu ensuite ! Vous faites toujours le chien de garde !

M. Charles de Courson. Le déficit a été ramené à 6 % lors du collectif voté alors que M. Juppé était Premier ministre.

Venons-en enfin à la période 1997-2002, au début de laquelle vous êtes revenus au pouvoir – à votre corps défendant, il est vrai, et par un hasard incroyable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. La dissolution !

M. Charles de Courson. Vous arrivez aux affaires en pleine croissance budgétaire. Il est facile de redresser la situation en période de croissance. Vous avez parlé de 2001, mais pas de 2002 ! Vous souvenez-vous de la dégradation affreuse du dernier budget que vous avez voté ? (« Très bien ! »sur les bancs du groupe UMP.) Vous prétendez ne pas avoir la mémoire courte au parti socialiste: elle est au contraire très courte !

M. Henri Emmanuelli. Occupez-vous donc du Nouveau Centre !

M. Charles de Courson. Comme je tiens cependant à toujours équilibrer mes propos, je voulais vous dire une deuxième chose, monsieur Muet : Nemo auditur turpitudinem allegans. Vous ne pouvez pas vous appuyer sur la mauvaise gestion d’un certain nombre de gouvernements de droite et du centre.

M. Jean-Pierre Brard. Il y a eu Vatican II ! La messe est en français maintenant !

M. Charles de Courson. Je vous rappelle d’ailleurs que je fais partie des très rares députés à avoir voté deux fois contre des budgets et à s’être abstenu une fois alors que j’appartenais à la majorité. Il faut savoir s’arrêter dans certains cas, ce que vous n’avez jamais fait à ma connaissance. Vous avez tous voté, y compris des budgets qui ne tenaient pas debout et qui étaient complètement sous-évalués.

Je le répète, Nemo auditur turpitudinem allegans. Ce n’est pas parce que les gouvernements de droite et du centre ont manqué de rigueur que vous pouvez vous exonérer d’une troisième question, très simple. Vous refusez, à gauche, de nous expliquer les règles de bonne gouvernance des finances publiques mais, que vous le vouliez ou non, si vous revenez un jour aux affaires, vous hériterez d’un déficit structurel de l’ordre de 4,5 à 5 %, ce qui est insupportable. Vous devrez alors vous demander, monsieur Muet, quel est le niveau maximal supportable de déficit public et, sachant qu’il ne saurait dépasser 1,5 %, comment passer de 4,5 ou 5 % à 1,5 %. Et c’est ce point que vous ne voulez pas aborder. Vous fuyez les réalités budgétaires, mes chers collègues. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Pour cette raison, le Nouveau Centre votera contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Il a raison. 

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour une durée qui ne peut dépasser trente minutes, comme il le sait.

M. Jean-Pierre Brard. Après tout ce que nous venons d’entendre, monsieur le ministre, notre débat paraît dérisoire puisque, vous le savez bien, nous n’irons pas en congrès. Il faudrait pour cela, en effet, que vous ayez les moyens de trouver les trois cinquièmes des voix. Vous savez que vous ne les aurez pas et je ne suis pas certain d’ailleurs que le Président de la République vous ait mis dans le secret, monsieur le ministre, et que vous sachiez exactement pourquoi vous êtes là.

Je ne veux pas commencer par la conclusion mais, Pierre-Alain Muet le disait tout à l’heure, il faut changer de majorité. J’ajouterai : il faut changer de majorité pour changer de politique.

Vous parliez du passé, monsieur Chartier, mais il faut faire attention lorsque l’on parle du passé : dans les cendres du passé demeurent toujours des braises ardentes qui allumeront les feux qui vont éclairer l’avenir. Évidemment, vous préférez étouffer tout cela parce que vous ne croyez pas à l’avenir. Vous ne croyez qu’aux vieilles recettes. On nous a même proposé tout à l’heure de suivre l’exemple allemand. Restons prudents car l’on n’a pas toujours été bien inspiré de suivre l’exemple allemand. Je pourrais même vous citer des épisodes terribles, comme l’époque où la bourgeoisie française déclarait « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » (Protestations sur les bancs du groupe UMP.). Hé oui, c’était ainsi, ne vous en déplaise. Nous, nous pourrions vous citer des Allemands pour qui nous avons la plus grande révérence, par exemple Wolfgang von Goethe qui comprit immédiatement à Valmy ce que les Français étaient en train d’apporter à l’humanité toute entière.

M. Philippe Meunier. Et le pacte germano-soviétique ?

M. Jean-Pierre Brard. Parlons-en si vous voulez mais vous reconnaîtrez avec moi que vous êtes quelque peu hors sujet ! Il est vrai que vous essayez de noyer le poisson.

Je parlais de Goethe mais, monsieur le ministre, deux Allemands ont notre préférence car ils ont beaucoup apporté à la réflexion universelle : Karl Marx et Friedrich Engels. Voilà un joli trio et une partie des gens qui sont dans cet hémicycle gagnerait, quand il fait beau, à fréquenter les bouquinistes et acheter quelques ouvrages fondamentaux pour éclairer, enfin, leur réflexion.

Monsieur le ministre, le Gouvernement cherche à graver dans le marbre de la Constitution sa nouvelle religion d’État : l’exclusion du déficit. Laissez-moi vous dire que les Français attendent autre chose qu’une politique régressive qui consiste en une baisse de la fiscalité et une réduction des dépenses publiques.

Que faites-vous pour nos concitoyens qui, au quotidien, souffrent du chômage et de la hausse des prix ? Rien. Vous préférez vous atteler à une mesure qui n’est d’aucune utilité. Ce n’est pas moi qui le dis, mais la Cour des Comptes qui écrit, dans son rapport annuel de 2011, que « ces règles ne peuvent pas suffire pour assurer le redressement des comptes publics ». Seule une volonté politique forte permettrait de rétablir les finances de la France. Si vous voulez réellement réduire le déficit public, allez chercher l’argent là où il se trouve, c’est-à-dire dans la poche des privilégiés. Hélas, votre aveuglement idéologique, monsieur Chartier – vous voyez, je vous fais crédit d’avoir des idées – ne vous permet pas de vous en rendre compte. Vous ne savez faire qu’une chose : non pas servir l’intérêt du plus grand nombre, de ceux qui travaillent, mais vous soumettre à la loi d’airain de ceux dont vous défendez les intérêts. Il vous arrive même de le faire inconsciemment comme les vieux croyants tellement imprégnés de religion qu’ils ne se rendent même plus compte qu’ils ont perdu tout lien avec la rationalité et qu’ils ne sont que dans la foi.

M. Charles de Courson. C’est des marxistes-léninistes que vous parlez ?

M. Jean-Pierre Brard. Comment prendre au sérieux ce projet de réforme constitutionnelle alors qu’il émane d’une majorité qui a constamment transgressé les critères qu’elle tente de constitutionnaliser. Vous n’avez jamais respecté les critères de Maastricht : depuis 2002 la dette publique n’a jamais été inférieure à 60 % du PIB. Comment s’en étonner quand le Président de la République viole quotidiennement la Constitution en portant atteinte à la séparation des pouvoirs ? Qui peut le nier ? En tout cas personne sur les bancs du Gouvernement où vous êtes obligés d’obéir à un Président de la République alors que la Constitution ne lui reconnaît pas le pouvoir de donner des instructions aux ministres. Quant au principe de laïcité, il suffit de voir le Président se prosterner pour entrer dans ses habits de chanoine du Latran pour réaliser à quel point il le viole ! Le Président de la République n’a donc pas qualité pour engager une réforme constitutionnelle. Il faudrait d’abord qu’il prêche par l’exemple en respectant notre loi fondamentale.

Que cherchez-vous vraiment avec cette réforme ? Pourquoi avancez-vous masqués ? Jaurès a dit : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire, ce n’est pas de subir la loi du mensonge triomphant qui passe ». Ne nous trompons pas, si nous sommes pour ce qui nous concerne les fils de Jaurès, vous êtes plutôt les héritiers de Charles Maurras qui soumettait les intérêts de la nation aux privilégiés. Nous devons, nous, lever le voile sur vos préférences idéologiques pour éclairer nos concitoyens.

Vous avez tous perçu, mes chers collègues, j’en suis sûr, les dangers d’une telle réforme. Si nous la votions, nous ne serions plus, madame la présidente, que le corps législatif de Bonaparte. Il faudrait dès lors, monsieur le ministre, après chaque élection législative, remettre aux députés, avec la valise qui contient les attributs du parfait député, une livrée de membre du corps législatif, lequel ne viendrait plus que pour exécuter la volonté de l’exécutif.

La volonté du Gouvernement d’inscrire dans la Constitution la règle de l’équilibre budgétaire par le biais des lois-cadres revient, d’une part à faire comprendre aux parlementaires qu’ils ne sont ni raisonnables ni compétents pour voter le budget de l’État, d’autre part à donner au Conseil constitutionnel, composé, paraît-il, de sages, non démocratiquement désignés, un rôle qui ne lui appartient pas.

Dois-je vous rappeler que la souveraineté qui nous a été confiée ne se délègue pas, sauf à revenir devant le peuple souverain lui-même. C’est le Parlement qui, lorsqu’on ne retourne pas devant le peuple, doit exercer ces pouvoirs sans être encadré par qui que ce soit.

Depuis votre arrivée au pouvoir, en 2007, vous n’avez eu de cesse de corseter le Parlement en limitant la parole des parlementaires lors des débats et en encadrant leur capacité d’amendement. Vous trahissez aujourd’hui la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en empêchant les représentants des citoyens «  de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée » – article 14. Vous agissez ainsi parce que vous avez peur. Ceux que vous représentez craignent que les élus du peuple n’accomplissent leur travail pour défendre les plus modestes face aux privilégiés. Vous savez que partout dans notre pays le peuple gronde contre vos réformes inégalitaires qui laissent sur le carreau des millions de Français. Laissez les parlementaires jouer pleinement leur rôle et vous verrez que notre pays s’en portera mieux. Encore faudrait-il que nos collègues de droite prennent leurs responsabilités et cessent d’obéir au doigt et à l’œil au monarque de la rue du Faubourg Saint-Honoré.

Le deuxième volet de cette réforme repose sur l’instauration du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Tout le monde, y compris nos collègues de droite, a perçu l’aberration d’une telle mesure – M. Warsmann a d’ailleurs déposé un amendement à ce sujet. Instaurer un tel monopole porterait atteinte au droit d’initiative des parlementaires. Nous ne serions plus à même d’introduire des dispositions financières en dehors du vote des lois de finances. Autrement dit, notre travail ne serait pas seulement limité, il serait entravé, une fois de plus. Le culte de l’austérité et de l’équilibre budgétaire que le Gouvernement tente d’instaurer est la preuve de sa soumission aux spéculateurs, aux banques et autres grandes multinationales. Cette politique que vous mettez en œuvre à l’échelle de l’Europe met dans la difficulté les Grecs, les Portugais, demain les Espagnols. Le fait que les petites mains des tenants du capital s’appellent MM. Papandréou, Sócrates ou Zapatero ne change rien. On pourrait d’ailleurs beaucoup parler des amis de M. Papandréou, M. Moubarak ou M. Ben Ali, qui appartenaient à la même organisation. Il est lamentable que ces responsables bâillonnent aujourd’hui leurs peuples et les contraignent pendant que certains profitent.

Le Gouvernement prétend que l’accroissement de la dette serait la conséquence de la crise économique, crise imprévisible selon lui. Tout cela est faux. Il oublie de préciser que la crise est la conséquence inéluctable du système capitaliste, système inégalitaire basé sur la domination du plus fort sur le plus faible. Nicolas Sarkozy a feint de vouloir réparer le capitalisme en septembre 2008. Des cris d’orfraie qu’il poussait alors, il ne reste rien. Le système ne fonctionne toujours pas : intrinsèquement irréparable, il est juste apte à produire injustice, inégalités et amoralité.

Votre aveuglement idéologique ne vous permet pas d’avoir l’outillage intellectuel suffisant pour comprendre la source même de la crise. Votre seul objectif est de rassurer les marchés. Le leur est de vous faire marcher au doigt et à l’œil. Ils peuvent être satisfaits, vous obtempérez au moindre battement de cil !

Qu’on se rende compte : Vous avez sauvé les banques de la faillite avec l’argent des contribuables, sans demander à ces institutions financières aucune contrepartie.

M. Jean-Marie Sermier. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Comment cela, faux ? Qui paye, chez les Grecs ? Qui paye, chez les Portugais ? Qui a fait les avances, si ce n’est les Français et les Allemands par exemple ? Chaussez donc vos lunettes pour voir la réalité telle qu’elle est ! Libérez-vous de votre assujettissement à vos vieilles lunes idéologiques ! (Sourires.)

Réveillez-vous, prenez des mesures fortes pour empêcher que le casino mondial ne continue à détruire les économies et à avilir le niveau de vie des peuples.

En effet, ce sont les peuples d’Europe qui payent, au quotidien, les manquements de nos gouvernants, vos manquements. L’Union européenne a laissé prospérer le cannibalisme de ces nébuleuses financières et aujourd’hui nous en payons le prix. Il faut retrouver ce que Victor Hugo appelait la « fraternité européenne » afin de construire une Europe des peuples au service des peuples.

Et vous ne pouvez pas dire que nous n’étions pas prévenus. Dès 1972, Salvador Allende, dans un beau discours à la tribune de l’ONU, mettait en garde le monde contre l’absence de contrôle des États sur les multinationales. Permettez-moi de le citer : « les États ne sont plus maîtres de leurs décisions fondamentales, politiques, économiques […] à cause de multinationales qui ne sont contrôlées par aucun parlement ni par aucune instance représentative de l’intérêt général ».

C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Pire ! Vous voulez inscrire dans notre loi fondamentale votre renoncement à toute volonté politique forte, en laissant libre cours à la voracité des spéculateurs et des actionnaires.

Prenons l’exemple du FMI, ce maître d’œuvre du libéralisme, toujours en embuscade, prêt à jaillir pour imposer ses réformes qui contraignent les peuples. En Grèce, le FMI a conditionné son aide à une baisse de 8 % des salaires des fonctionnaires, à une baisse des retraites, à une hausse des impôts des ménages. En revanche, il a exigé une baisse des impôts sur les sociétés. Encore une fois, ce sont toujours les mêmes qui profitent.

Et que l’on ne vienne pas nous dire que c’est monsieur Untel qui est le directeur général du FMI. On ne juge pas le FMI en fonction de celui qui le dirige, mais on juge celui qui le dirige en fonction des politiques qu’il met en œuvre. (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Rémi Delatte. Cela s’adresse à qui ?

M. Jean-Pierre Brard. Ce que je décris là, c’est la réalité objective.

Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Nous partageons votre avis !

M. Jean-Pierre Brard. Non, vous ne le partagez pas, puisque vous approuvez les réformes du FMI. Ce que je dis correspond à notre analyse.

M. Jean-Marie Sermier. Dont les conclusions sont ?

M. Jean-Pierre Brard. Les conclusions sont évidemment qu’il faut changer ces politiques.

Vous l’aurez compris mes chers collègues, il est urgent d’agir et d’aller chercher l’argent là où il est. Il ne faut pas rafistoler, il faut rompre !

M. Charles de Courson. Une seule solution, la révolution !

M. Jean-Pierre Brard. Voilà M. Charles-Amédée de Courson habité tout à coup par les mânes de le Peletier de Saint-Fargeau, lequel finit mal, puisqu’il fut assassiné.

M. Charles de Courson. Pas guillotiné. Assassiné par les royalistes !

M. Jean-Pierre Brard. Assassiné en effet parce que, lui, était un progressiste, cher collègue. A l’évidence, cela ne se transmet pas dans les gènes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Comme chez les communistes. Ce n’est pas génétique, c’est pourquoi il n’y en a presque plus…

M. Jean-Pierre Brard. Il n’y a pas transmission génétique, mais ce qui compte vraiment, cher collègue, c’est l’intensité de la conviction, ce puissant levier pour changer la face du monde. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) ÀValmy nos ancêtres étaient inférieurs en nombre ; de même le général de Gaulle était seul le 18 juin 1940 !

M. Charles de Courson. Les communistes étaient alliés des nazis à l’époque !

M. Jean-Pierre Brard. Qui avait raison ? Ceux qui étaient seuls ou ceux qui étaient du côté des puissants et, à Versailles, se mettaient à plat ventre devant les privilégiés ?

Nous n’avons décidément pas du tout les mêmes références. (« C’est sûr ! » sur les bancs du groupe UMP.) D’ailleurs, si un jour j’avais les mêmes que vous, j’espère qu’on me jugerait sénile ou atteint d’une maladie à laquelle un certain Aloïs a donné son nom.

Nicolas Sarkozy a déclaré dans son discours de Toulon  : « Quand on veut dire la vérité aux Français, il faut la leur dire jusqu’au bout, et la vérité c’est que l’État ne peut pas indéfiniment financer ses dépenses courantes et ses dépenses de solidarité par l’emprunt. Il faut bien un jour payer ses dettes. »

Si l’on ne peut qu’admettre la nécessité de libérer la France de l’aliénation de la dette, la préoccupation fondamentale doit être de savoir sur qui doit peser l’effort du remboursement.

La propagande sarkozienne martelait alors que « l’argent de l’État, c’est l’argent des Français. Ils ont travaillé trop dur pour le gagner pour que l’on ait le droit de le gaspiller. » De la part de Nicolas Sarkozy, quelle hypocrisie !

De la parole aux actes, il y a, hélas, un pas qui n’a pas été franchi. Par leurs politiques régressives et antisociales, le Gouvernement et les parlementaires de l’UMP, agissant – reconnaissons leur cette vertu – en bons petits soldats disciplinés ayant renoncé complètement à leur libre arbitre, n’ont fait que spolier la majorité des Français en gaspillant leur argent et en multipliant les cadeaux et avantages consentis à une minorité de privilégiés.

La dette de la France est la conséquence de votre gestion partisane. Depuis 2002, cette dette a grossi de 700 milliards d’euros, ce qui signifie que 43 % du montant total de la dette actuelle de la France est directement imputable à ces huit années de gestion de l’UMP soutenue sinon avec énergie, car ce n’est pas le propre du centre, du moins avec continuité par le Nouveau Centre. Vous ne pouvez pas le nier, monsieur de Courson, vous êtes coupable également. Votre image d’Épinal d’une gestion de bon père de famille en sort bien écornée.

Vous n’avez aucune leçon à donner en matière budgétaire. Ce ne sont pas les dépenses publiques qui accroissent la dette, c’est le manque de ressources qui grève les comptes de la nation. J’en veux pour preuve les 100 à 120 milliards d’euros de pertes fiscales subies par le budget général de l’État entre 2000 et 2010 en raison, pour les deux tiers, de baisses d’impôts. Ai-je trouvé mes chiffres dans L’Humanité ? Pas du tout. C’est notre éminent collègue Gilles Carrez qui les donne dans le rapport d’information préalable au débat d’orientation des finances publiques pour 2010.

S’appuyant sur le rapport Carrez, le journaliste Laurent Mauduit, dans un article intitulé « Ces dix années de cadeaux fiscaux qui ont ruiné la France », rappelle toute l’étendue des avantages consentis.

Au premier rang, viennent les 40 milliards d’euros de baisse de l’impôt sur le revenu. Elle n’a profité, compte tenu de l’assiette de cet impôt, qu’aux 50 % de contribuables les plus favorisés.

D’autres cadeaux s’y sont ajoutés pour les plus hauts revenus, qu’il s’agisse de la réforme des droits de succession ou de la création du bouclier fiscal. À propos de cette mesure, vous ne vous êtes pas montrés ingrats envers Mamie Liliane. Vous lui avez permis de percevoir au total la modique somme de 100 millions d’euros depuis l’instauration de ce bouclier pour milliardaires.

Les avantages ont également été conséquents pour les entreprises. Outre la baisse de la TVA pour les restaurateurs qu’on a déjà évoquée, vous avez fait bien d’autres cadeaux. De ce fait, si aujourd’hui le taux d’imposition des entreprises de moins de dix salariés est de l’ordre de 30 %, celui des entreprises de plus de 2 000 salariés n’est que de 13 %.

C’est votre gouvernement qui laisse tout cela se faire, c’est grâce à lui que Total, malgré des profits colossaux, ne paye pas un euro d’impôt. Cette vérité, il faut la rappeler pour que les Français prennent conscience que, pour utiliser des termes du passé mais qui ont le mérite de la clarté, monsieur le ministre, vous mettez en œuvre une politique de classe. Et il n’y a rien à dire : vous faites bien votre travail. Vous beurrez la tartine des privilégiés à chaque fois qu’ils vous le demandent.

M. Michel Vergnier. Il joue bien son rôle !

M. Jean-Pierre Brard. Il joue son rôle et je ne suis pas d’accord avec ceux qui disent que le Gouvernement n’a pas réussi. Il réussit très bien. Je vois que Mme Zimmermann m’approuve…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Mais je n’ai rien dit ! (Rires sur tous les bancs.)

M. Jean-Pierre Brard. Ce pour quoi il est là, il le fait bien dans l’ensemble. Mais parfois, l’opposition lève le voile.

M. Dominique Baert. Levez le voile, monsieur Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous avez du mal à cacher vos turpitudes quand nous expliquons à nos concitoyens ce que vous êtes en train de faire.

Je vais donc lever le voile, par exemple sur la prime de 1 000 euros, le dernier accessoire du magasin de farces et attrapes Sarkozy & Co. Le Président de la République l’a inventée en vue de la grande fête de l’an prochain.

M. Jean Mallot. C’est le miroir aux alouettes.

M. Jean-Pierre Brard. En voyant votre réaction, monsieur le ministre, je me suis dit qu’une fois encore, il ne vous avait rien dit et que vous l’aviez découverte en même temps que tout le monde ! Or le Président de la République, qui ne connaît pas très bien la musique, ne vous fournit qu’une ou deux notes. Il vous revient ensuite, c’est là la difficulté, d’écrire toute la partition.

Cela prouve la confiance qu’il a en votre talent. Mais il faut quand même disposer des instruments pour jouer quelque chose d’harmonieux, n’est-ce pas, monsieur Geoffroy !

M. Guy Geoffroy. Vous, vous nous jouez surtout du violon.

M. Jean-Pierre Brard. Et vous, c’est plutôt la grosse caisse.

M. Dominique Baert. A droite, on joue beaucoup du pipeau.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, mais avec une grande variété.

M. Dominique Baert. La variété n’est pas l’harmonie.

M. Jean-Pierre Brard. À la commission des finances nous avons des collègues talentueux. Par exemple, je vois bien, en premier pipeau, notre collègue Jérôme Chartier. (Sourires.)

M. Dominique Baert. Il joue plutôt du fifre.

M. Jean-Pierre Brard. Pas toujours, mais j’admets qu’alors que se déroule la belle exposition Manet, c’est une référence qui s’impose.

De l’argent, chers collègues, il y en a. Parmi les derniers tours de votre invention, il y a la suppression du bouclier fiscal. Il nous revient donc d’expliquer à nos compatriotes qu’en même temps que vous supprimez ce bouclier fiscal, vous allez encore étendre les privilèges des gens fortunés.

Friedrich Engels écrivait que « partout où le hasard semble jouer à la surface, il est toujours sous l’empire de lois internes cachées, et il ne s’agit que de les découvrir». C’est notre rôle d’y contribuer.

Ces lois internes, ce sont celles de la connivence, du népotisme et des intérêts particuliers qui vous poussent, telles des mains invisibles, à protéger corps et âme les intérêts du capital au détriment de l’intérêt de tous les Français.

C’est ainsi que le bouclier fiscal coûte 680 millions d’euros par an alors que vous envisagez de faire cadeau de 900 millions d’euros aux contribuables assujettis à l’ISF – soit en excluant la moitié des contributeurs de l’assiette de cet impôt, soit en réduisant le taux d’imposition. Résultat de cette petite soustraction : plus de 200 millions d’euros supplémentaires iront dans la poche des plus fortunés. Les 1 900 foyers fiscaux déclarant un revenu supérieur à 16 millions d’euros économiseront en moyenne 160 000 euros qui ne profiteront ni aux finances publiques, ni à la consommation, mais iront vers la pseudo-épargne et la vraie spéculation.

Le plus beau de vos cadeaux, vous l’avez toutefois réservé, une fois encore, à Mme Bettencourt. Le Canard enchaîné a montré qu’en cumulant dans les prochaines années les effets du bouclier fiscal et ceux d’une réduction de l’ISF, elle serait soumise à un taux d’imposition direct global d’environ 4 %,…

M. Jean Mallot. Mais c’est affreux ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. …soit le taux d’imposition d’un contribuable ne gagnant que 1 300 euros par mois.

M. François Baroin, ministre. C’est faux !

M. Jean-Pierre Brard. Nous voilà donc rassurés : Mme Bettencourt ne se trouvera pas dans l’obligation de vendre l’île d’Arros. Vous savez combien il est dur de se séparer d’un patrimoine, surtout d’une terre, lorsqu’on a travaillé toute sa vie. (Sourires.) « C’est le fonds qui manque le moins », disait La Fontaine.

Monsieur le ministre, nous vous avons écouté ; vous êtes talentueux. Toutefois, quand je vous regarde, j’hésite toujours : ai-je affaire à Harry Potter ou à David Copperfield ? (Sourires.) Sans doute un petit mélange des deux. Vous avez le même caractère juvénile…

M. François Baroin, ministre. Chaque jour un peu moins !

M. Jean-Pierre Brard. …et parfois imprudent. En effet, vous êtes bien obligé de dire les choses comme elles sont.

Des économistes servent votre discours, mais vous devriez relire Keynes pour qui « les économistes sont présentement au volant de notre société, alors qu’ils devraient être sur la banquette arrière ». Il avait raison, et ses propos valent pour la société que vous nous construisez.

Comme l’affirmait Adam Smith : « Aucune société ne peut prospérer et être heureuse, dans laquelle la plus grande partie des membres est pauvre et misérable. » Il est donc de notre responsabilité politique de ne pas faire peser les conséquences de la crise financière sur nos concitoyens et de ne pas les jeter dans la misère.

La question qui nous est posée, la plus importante, la question vitale pour changer, pour rompre avec la logique actuelle, est de décider d’une autre répartition des richesses. « Parce que le milliardaire n’a pas récolté sans peine, il s’imagine qu’il a semé », disait Jean Jaurès. Les richesses créées et les plus-values générées doivent bénéficier aux ouvriers, aux enseignants, aux savants, aux employés, aux techniciens, aux agents de maîtrise…

M. Jean Auclair. N’oubliez personne !

M. Jean-Pierre Brard. Je n’oublie personne sauf, de façon délibérée, les actionnaires auxquels vous pensez toujours – même si vous évitez de les citer pour que l’on ne voie pas trop se dessiner les contours de votre politique.

Sur ma droite, j’entends que les actionnaires sont quinze millions ! Je vais vous faire une confidence : je suis devenu capitaliste. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. Quelle horreur !

M. Jean Mallot. Quel aveu !

M. Jean-Pierre Brard. J’ai acheté une action de Renault et une action de GDF Suez et, hier, je suis allé à l’assemblée générale de cette dernière entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Brard au Goulag !

Mme la présidente. Monsieur Brard, après cette confession, je vous invite à conclure.

M. Jean-Pierre Brard. Lors de cette assemblée générale, on nous a annoncé que 2010 avait été une année très froide, ce qui a permis au groupe de faire de bons résultats. En tant qu’actionnaire, j’ai pris la parole pour constater que, comme d’habitude, le malheur des uns faisait le bonheur des autres, et pour proposer que, les dividendes ayant augmenté, nous fassions un geste de solidarité. Nous pouvions réduire les dividendes perçus et faire baisser la facture de gaz des familles les plus modestes. Comment croyez-vous que cette proposition fut accueillie ?

M. Dominique Baert. On vous a applaudi !

M. Jean-Pierre Brard. Je me suis fait huer ! C’était l’hommage du vice à la vertu. Les actionnaires âpres au gain n’hésitent pas à plumer les pauvres gens pour augmenter le montant des dividendes qu’ils mettent à l’abri dans des coffres-forts. C’est cela, monsieur le ministre, que vous voulez constitutionnaliser aujourd’hui avec cette règle qui ne sera jamais inscrite dans la Constitution. Nous nous y refusons.

Dans un pays comme le nôtre, vous pouvez toujours essayer de planter du gazon devant la Bastille en interdisant à notre peuple de marcher dessus. Le jour où se développera dans le pays un mouvement social suffisamment puissant, votre réforme constitutionnelle ne sera que chiffon de papier. Elle ira où elle doit aller : à la poubelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera la motion défendue par Jean-Pierre Brard dont je n’aurai pas l’éloquence.

Je veux d’abord revenir sur le rôle de la crise.

La majorité lui fait endosser beaucoup de responsabilités. Elle tente ainsi de nous faire oublier qu’elle gère le pays depuis neuf ans.

M. Jean Mallot. Hélas !

M. Christian Eckert. Mais la crise ne date pas de 2002. Vous avez tout dit à son sujet, sauf que vous ne l’aviez pas vu venir. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Charles de Courson. Vous non plus !

M. Christian Eckert. Vous n’admettez pas non plus qu’avant la crise vous preniez la défense de ce qui en est la cause.

Durant la crise, vous avez d’ailleurs continué à faire des cadeaux : vous avez réduit la TVA sur la restauration et vous avez supprimé la taxe professionnelle. Vous aviez pourtant avec la criseune formidable occasion pour supprimer le bouclier fiscal au nom de la nécessaire solidarité. Vous ne l’avez pas saisie, malgré les propositions d’un certain nombre de parlementaires appartenant à votre majorité.

Je veux souligner ensuite que ce texte démontre votre manque de confiance dans la responsabilité du Parlement. Avez-vous si peu confiance en vous-même et en nous tous pour prétendre inscrire dans la Constitution une règle d’affichage dont vous autorisez par ailleurs la modification à tout moment ? Pourquoi ne pas vous appliquer cette règle dès 2012 ? Vous avez renoncé à le faire en reportant à 2013 l’application hypothétique d’une réforme dont on ne sait même pas si elle sera examinée par le Congrès.

Enfin, je constate que votre texte réduit les droits du Parlement et, en particulier, l’initiative parlementaire. Elle l’est déjà beaucoup ; elle le sera davantage.

Quel est votre argument ultime ? Mme Lagarde disait hier que vous préfériez l’œil du Parlement à l’œil des marchés – j’ai cru qu’elle avait fait sa révision de vie. Mais, selon un grand journal du soir, la mise sous surveillance de la dette des États-Unis par les agences de notation a convaincu de nouveau Nicolas Sarkozy qu’il n’avait pas le choix.

Finalement, le Gouvernement prétend grâce à cette réforme réduire le déficit et l’endettement. Vous auriez pu le faire sans le dire ; aujourd’hui, vous nous proposez de le dire sans le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe GDR.

M. Jean-Claude Sandrier. Ce projet de loi constitutionnel ne permettra évidemment pas de lutter contre notre déficit budgétaire ; en revanche, il permettra de s’attaquer aux crédits publics destinés à l’école, à la santé, à la sécurité, aux transports, etc.

Des cadeaux fiscaux ont été consentis à hauteur de 100 milliards d’euros. La crise due aux marchés financiers nous a fait perdre 40 milliards d’euros. Ces derniers veulent donc en quelque sorte nous la faire payer deux fois.

Si vous voulez faire une loi, faites-en une qui récupère une partie des 100 milliards d’euros de cadeaux fiscaux et des 73 milliards d’euros consacrés aux niches sociales – parmi lesquelles les exonérations de cotisations sociales, dont les trois quarts ne servent pas à l’emploi ! Faites donc davantage payer les responsables de la crise ! Potentiellement, vous trouverez alors plus de 200 milliards qu’il faut comparer au déficit de 140 milliards d’euros. L’argent est donc bien là !

Le problème fondamental de notre société est la question de la répartition des richesses. Évidemment, vous n’en parlez jamais. Vous devriez lire vos propres journaux. Selon le numéro des Échos daté de ce mardi 3 mai, un rapport de l’OCDE vient de montrer que l’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé, que la crise économique et financière a amplifié le phénomène et que les ménages fortunés s’en sont nettement mieux sortis que les familles à faible revenu ou à revenu intermédiaire, ce qui pèse sur les performances économiques. J’ajoute que cela pèse aussi, par conséquent, sur les recettes de l’État.

Voilà la réalité de la situation. Voilà à qui il faut s’en prendre. Warren Buffet demande d’ailleurs que l’impôt payé par les plus riches augmente fortement car, selon lui, la situation de ces derniers n’a jamais été aussi bonne. Il ajoute que ce n’est pas en baissant leurs impôts que l’on assurera le développement économique. C’est la solution que qui a été adoptée depuis dix ans, ajoute-t-il, elle nous a menés droit à l’échec.

Il est donc urgent de retourner en commission et de travailler à nouveau sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Ce qui est formidable avec Jean-Pierre Brard, c’est que l’on parle de tout, sauf du sujet. Il cite Marx, Engels et même Adam Smith, qui n’est tout de même pas un prémarxiste caractérisé.

M. Jean-Pierre Brard. C’est pour compléter votre culture !

M. Charles de Courson. Il nous parle d’actionnariat et de nombreuses autres choses, mais pas le moins du monde de la question posée : faut-il inscrire dans la Constitution des règles de bonne gouvernance des finances publiques ?

M. Jean Mallot. Qu’est-ce donc que la gouvernance ?

M. Charles de Courson. Si M. Brard n’est pas d’accord avec le contenu du projet de loi constitutionnelle, qu’il nous explique quelles sont les règles que son groupe propose d’instaurer ; nous pourrions alors discuter sérieusement. Il n’aborde même pas le sujet. Vous ne vous étonnerez donc pas que le groupe Nouveau Centre vote contre la motion.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les positions de l’opposition réservent parfois des surprises – comme quoi tout peut arriver. Parmi celles-ci figure en bonne place l’avis qu’ils ont choisi d’exprimer sur ce projet de réforme institutionnelle.

Au fond, depuis 2007, tout d’abord par la voix de Jérôme Cahuzac, devenu président de la commission des finances,…

M. Dominique Baert. Brillant !

M. Jérôme Chartier. …puis ensuite, par celle de Pierre-Alain Muet, l’opposition nous a expliqué que nous étions mal dépensiers, trop dépensiers, puis, plus suffisamment dépensiers. Hier encore, Pierre-Alain Muet fustigeait l’augmentation du déficit créée par la compensation de la chute brutale des recettes du fait de la crise en nous rendant responsable de cette dernière. Car il est bien connu que nous sommes responsables de tout : de la crise, de la Grèce, de l’Espagne.

M. Jean Mallot. Vous le reconnaissez vous-mêmes ! (Sourires.)

M. Christian Eckert. Vous êtes au pouvoir depuis neuf ans !

M. Jérôme Chartier. Il est toujours préférable d’être responsable que d’être irresponsable ! J’y reviendrai.

Mais aujourd’hui, alors que nous proposons un ensemble constitutionnel cohérent, voilà subitement que ce qui était une nécessité hier – éviter le déficit – devient une mauvaise idée.

Que propose la majorité ? Elle veut rendre possible la résolution de la dette publique en se donnant les moyens institutionnels d’apporter à cette tâche la plus grande vigilance et la plus forte cohérence législative, ni plus ni moins. Il s’agit d’une nécessité pas seulement pour nos travaux, mais aussi parce que nos compatriotes sont marqués par l’ampleur des déficits publics et par leurs conséquences en Grèce, en Espagne, en Irlande, et peut-être bientôt ailleurs

Jusqu’à ces dernières années, le déficit n’était pas un sujet politique. Que les recettes soient moins importantes que les dépenses depuis 1975 ne constituait en aucun cas une préoccupation pour les Français. Du reste, le traité de Maastricht consacre cette forme de financement des politiques publiques tout en plafonnant son utilisation pour prévenir tout risque inflationniste. Par ailleurs, il peut être parfois judicieux de produire du déficit dans certains cycles de crise, comme on l’a vu récemment. En revanche, ne pas le réduire dans les périodes de forte croissance relève de l’irresponsabilité politique.

Hier, Pierre-Alain Muet rappelait que, sous le gouvernement Jospin, la France avait connu la plus forte croissance depuis vingt ans. C’est vrai. Mais qu’ont fait les socialistes des excédents ? Ils ont marginalement réduit le déficit budgétaire et, surtout, ils ont financé leur projet politique par des embauches – les emplois jeunes, déjà ! – et par les 35 heures. C’est la raison pour laquelle nous sommes parvenus à une telle accumulation de dette. Dans les phases hautes du cycle économique, les socialistes, qui étaient alors aux responsabilités, n’ont pas pensé aux générations futures : ils ont tout dépensé. Ils ont vidé la cagnotte et n’ont rien laissé. Du reste, quel combat l’opposition, Gilles Carrez en tête, a-t-elle dû livrer, à l’époque, pour leur faire reconnaître l’existence de cette cagnotte ! Au début, M. Jospin ne voulait rien entendre. Puis il a bien fallu qu’il accepte l’évidence et qu’il commence à s’engager dans la voie d’une réduction du déficit budgétaire annuel. Mais, à aucun moment, il n’a réduit l’emprunt : alors que nous connaissions une période de croissance historique, il a continué à creuser le trou du déficit.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous devons nous engager dans une démarche transparente, vertueuse et rigoureuse en matière de gestion publique et nous doter de nouveaux instruments.

En 2008, dans le cadre de la révision constitutionnelle – que, déjà, à l’époque, l’opposition n’avait pas voulu voter, sous des prétextes fallacieux –, nous avions introduit, dans l’article 34 de la Constitution, un nouvel alinéa qui marquait notre volonté de mieux encadrer la réflexion budgétaire. Aujourd’hui, après la crise financière la plus violente que la France ait connue, nous devons aller plus loin, sans pour autant obérer les droits du Parlement et les choix du Gouvernement.

En effet, je ne crois pas qu’en permettant que certaines dispositions des lois-cadres d’équilibre des finances publiques s’imposent aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale, nous entravions les choix du Gouvernement. Certes, ce dernier sera contraint de respecter l’objectif affiché à la date de retour à l’équilibre des comptes publics si ceux-ci font apparaître un déficit ; mais, cette date, il la fixe lui-même. Ce dispositif interdit donc simplement de revenir à l’époque des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient – une époque bien connue de l’opposition.

De même, je ne crois pas qu’en réservant aux seules lois de finances et de financement de la sécurité sociale les dispositions de nature fiscale, nous entravions les droits du Parlement. Tous les parlementaires jouent leur rôle, et tout leur rôle, lors des débats budgétaires, quelle que soit la commission à laquelle ils appartiennent. Du reste, nombreux sont, sur ces bancs, celles et ceux qui ne sont membres ni de la commission des finances ni de celle des affaires sociales, mais qui peuvent se flatter d’avoir su gagner la majorité de l’hémicycle à leur point de vue.

De surcroît, le rythme des lois de finances et des lois de finances rectificatives depuis 2008 permet d’envisager désormais, en moyenne, deux à trois rendez-vous budgétaires annuels, et c’est très bien ainsi. J’ajoute que, depuis le mois de juillet 2010, le Parlement a demandé l’application de la circulaire du Premier ministre qui vise à ce qu’aucune disposition fiscale n’apparaisse dans un projet de loi ne traitant pas des finances ou du financement de la sécurité sociale. Si le Congrès en décidait ainsi le moment venu, cette mesure, qui a été demandée à plusieurs reprises par le président de notre commission des finances, aurait une valeur constitutionnelle et refléterait la continuité de la volonté du Parlement dans son ensemble depuis ces derniers mois.

Par ailleurs, je crois – et je sais être rejoint sur ce point par de très nombreux collègues – que l’organisation d’un débat au Parlement, comme ce fut le cas hier après-midi, sur les programmes de stabilité avant que ceux-ci ne soient adressés à la Commission européenne constitue une avancée importante. Elle permet en effet de lancer une réflexion sur la coexistence des réflexions budgétaires nationales à l’échelle européenne, prélude, pourquoi pas, à une nouvelle étape de la construction européenne. On pourrait en effet imaginer une politique fiscale commune s’agissant d’outils qui continuent à se faire bêtement concurrence, comme l’impôt sur les sociétés ou la TVA.

Mes chers collègues, n’ayons pas peur de nous montrer vertueux face aux Français.

M. Jean-Pierre Brard. Vertueux, comme les dames de petite vertu !

M. Jérôme Chartier. Ils comprennent, du fait des contraintes budgétaires qu’ils subissent, que l’État ne puisse dépenser plus et doive continuer sans relâche à réaliser des économies budgétaires. S’ils expriment parfois leur mécontentement, ils acceptent néanmoins de faire évoluer leur modèle social pour ne pas le perdre, car ils savent que plus un seul gouvernement ne sera en mesure de financer le modèle qu’ils ont hérité de leurs parents.

Oui, nous avons hérité de nos parents un modèle social que j’ose qualifier de fantastique,…

M. Jean-Pierre Brard. C’est pour cela que vous le rongez tels des mites !

M. Jérôme Chartier. … issu des Trente glorieuses, pendant lesquelles notre pays a bénéficié d’une croissance riche, structurée et durable. Et nous, monsieur Brard qu’allons-nous transmettre, après toutes ces années durant lesquelles vous avez voulu détruire ce modèle social…

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas exagérer tout de même !

M. Jérôme Chartier. …et entamé les finances de l’État ?

Nous nous sommes engagés sur une bonne voie, ces dernières années, et nous l’avons suivie, malgré la crise. D’autres pays, comme l’Allemagne, n’ont pas hésité à créer des dispositifs très rigides. La loi fondamentale allemande prévoit ainsi, depuis 2009, que le déficit budgétaire structurel de l’administration fédérale doit revenir à 0,35 % du PIB d’ici à 2016. À la même date, nous, Français, espérons que notre déficit sera ramené à 2,5 % du PIB… La démarche de l’Allemagne a d’ores et déjà porté ses fruits : dès 2010, et malgré les effets persistants de la crise, elle a limité son déficit public à 3,3 % du PIB, un niveau proche du seuil de 3 % fixé dans le pacte de stabilité et de croissance européen.

Par ailleurs, très tôt, en 1996, la Suède, pour protéger son modèle social, est allée encore plus loin, en décidant que le Gouvernement devait désormais respecter deux règles pluriannuelles importantes lorsqu’il élabore son projet de budget : le plafond de dépenses triennal et « l’objectif de surplus » sur un cycle conjoncturel, qu’évoquait Gilles Carrez tout à l’heure, et qui impose que les finances publiques dégagent un excédent de 1 % du PIB sur l’ensemble d’un cycle économique.

Pourquoi la Suède s’est-elle intéressée si tôt au financement de son modèle social ? La réponse est simple : en 1991, ce pays a connu une crise financière d’une ampleur semblable à celle de 2008, qui l’a amené à réfléchir à ses finances publiques. L’expérience d’un pays est, hélas ! rarement source d’inspiration pour ses voisins. Elle doit pourtant leur permettre de tirer des leçons et d’adapter leur comportement, dès lors qu’ils reconnaissent les problèmes.

Si, précisément, nous tirons les leçons de la crise, il me semble utile de nous interroger sur les raisons pour lesquelles les socialistes refusent de voter unanimement ce projet ; on ne peut pas décemment prétendre être responsable et refuser d’encadrer les dépenses publiques par une norme. Si l’opposition veut montrer qu’elle a changé, qu’elle n’est plus « dépensolâtre », elle doit voter ce projet de loi. Sinon, elle prouvera que les 50 milliards d’euros de dépenses nouvelles que le PS annonce dans son projet s’ajouteront à tous les déficits hérités du passé.

En effet, qui peut être dupe du chiffrage à l’eau de rose du parti socialiste ? Le coût de leur projet s’élèverait à 25 milliards, financés par 50 milliards d’impôts, dont la moitié permettrait de réduire le déficit. Mais ils savent bien, parce qu’ils comptent quelques connaisseurs dans leurs rangs, que prélever 50 milliards en augmentant les impôts ou en supprimant les niches fiscales est fantasmatique. Ou alors ils veulent pénaliser durement les familles de France, et ils le cachent encore pour ne pas se les mettre à dos. Voilà la vérité ! Le plus responsable serait qu’ils annoncent clairement la donne et qu’ils expliquent comment ils ont chiffré leur projet et comment ils vont lever 50 milliards d’impôts.

Tous ceux qui suivent les finances publiques le savent : il faut être hypocrite pour écrire un scénario qui prévoit des dépenses fiscales additives et qui ne produit pas d’effets d’optimisation. Soyons honnêtes, la suppression des niches fiscales ne financera pas les 50 milliards du projet socialiste. Dès lors, soit l’opposition ment et ne veut pas réduire l’endettement, soit elle ment parce qu’elle veut augmenter plus massivement encore les impôts. Dans ce cas, je les mets au défi de trouver un économiste, à part Pierre-Alain Muet, qui estime encore crédible la prévision de 2,5 % de croissance sur laquelle ils s’appuient pour justifier leur programme économique. Non, la véritable raison de leur refus de voter ce projet de loi, c’est qu’ils veulent utiliser le déficit public pour financer leurs promesses électorales : 300 000 emplois par ci, un salaire étudiant par là, et une banque publique en plus, pour finir.

Alors que cette loi constitutionnelle peut être un formidable levier d’action pour tous les réformateurs, de droite comme de gauche, parce qu’elle répond à une logique de transparence et d’équité intergénérationnelle, qui n’est ni partisane, ni électoraliste, l’opposition veut nous entraîner dans de vaines polémiques.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Jérôme Chartier. Or notre État et nos services publics méritent mieux que de vaines polémiques. Le Président de la République a fixé un cap à la réforme ; la majorité tout entière, en soutenant ce projet de loi, décide de se donner les moyens d’ancrer cette volonté présidentielle dans le temps de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)