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Commission des affaires européennes

mercredi 15 février 2012

16 h 45

Compte rendu n° 241

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de Mme Pascale Gruny sur la proposition de directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (E 6212)

II. Communication de M. Guy Geoffroy sur la proposition de directive relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (E 7054)

III. Communication de MM. Régis Juanico et Michel Heinrich sur le rapport d’information établi au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPEENNES

Mercredi 15 février 2012

Présidence de M. Pierre Lequiller, Président de la Commission

La séance est ouverte à 16 h 45

I. Examen du rapport d’information de Mme Pascale Gruny sur la proposition de directive restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité (E 6212)

Mme Pascale Gruny, rapporteure. Le texte aujourd’hui inscrit à notre ordre du jour vise à réviser la directive 2003/96/CE relative à la taxation dans les Etats membres des produits énergétiques et de l’électricité.

C’est en effet au niveau de l’Union européenne que sont fixés les montants minima d’accise, c'est-à-dire de taxation à la quantité et non à la valeur, pour ces produits. C’est la logique du marché intérieur.

Il est l’un des instruments destinés à permettre la réalisation des objectifs environnementaux de l’Union européenne à l’horizon 2002, caractérisés par les trois « 20 » : 20 % d’énergies renouvelables, 20 % d’émissions en moins pour les gaz à effet de serre et 20 % d’économies d’énergie, grâce à davantage d’efficacité énergétique, et aux dispositifs adoptés en 2008 sous présidence française dans le cadre du paquet « énergie climat ».

Il est d’ailleurs intervenu en même temps que la mise en place du système de quotas d’émission et d’échange de quotas, pour les grandes installations, à partir de 2005.

Sur le fond, la directive de 2003 repose sur un barème fondé sur quatre principes :

– les niveaux fixés au niveau européen sont des minima que les Etats membres, sauf dérogation, doivent respecter ;

– une distinction est opérée entre les carburants et les combustibles, ainsi que selon l’usage, privé ou bien professionnel, du produit ;

– une taxation des produits hors liste est opérée selon les produits comparables de la liste du barème ;

– la taxation au litre est plus favorable pour les carburants, au gazole qu’à l’essence.

La directive de 2003 n’est pas mise en œuvre de manière homogène. Elle est, en effet, assortie d’un grand nombre d’exceptions, exemptions, exonérations et dérogations.

Ensuite, il y a les facultés de taxations différenciées offertes à l’initiative des Etats membres, avec plusieurs modalités. Peuvent ainsi être moins taxés les faibles consommations de produits (ce qui concerne les tarifs sociaux), certains usages comme les transports locaux de passagers, auxquels sont l’instant assimilés les taxis, et comme les transport sanitaires.

La principale de ces facultés de taxation différenciée concerne la distinction entre le gazole carburant à usage professionnel et le gazole particulier. Par ailleurs, la directive prévoit des exonérations de principe, notamment pour les produits énergétiques utilisés pour la production d’électricité, le transport aérien, le transport maritime et la navigation dans les eaux européennes, y compris la pêche. Elle offre aussi des possibilités d’exonération aux Etats membres, laissées à leur libre appréciation : l’électricité d’origine renouvelable, la cogénération, les transports ferroviaires, la navigation, les travaux agricoles notamment. Il y a également un régime de faveur pour les biocarburants et en faveur des entreprises grandes consommatrices d’énergie. Enfin, la directive comprend différentes mesures de prise en compte des spécificités territoriales. La mise en œuvre de la directive a conduit à la situation suivante. Le premier constat est commun à toute l’Europe : les produits énergétiques sont davantage taxés en Europe que dans le reste du monde, notamment en Amérique du Nord. Les prix de l’énergie y sont dans le rapport d’un à deux pour les carburants. Le deuxième constat est habituel. L’Union européenne reste encore dans le domaine de la fiscalité énergétique une terre de diversité : diversité des taux applicables, que ce soit pour les hydrocarbures liquides, mais aussi pour le gaz et l’électricité ; diversité des choix des Etats membres pour leur bouquet énergétique ; et par conséquent, diversité et écarts de prix, tant pour les ménages que pour les entreprises.

En effet, les Etats membres n’ont pas tous la même approche de la fiscalité environnementale, dont la fiscalité énergétique est la composante essentielle, si ce n’est que celle-ci tend à baisser depuis les années 2000, faute notamment d’indexation des montants d’accise sur les prix.

On a en effet une fiscalité environnementale qui va d’un peu plus de 1 % du PIB en Grèce à 3 % en Slovénie, et plusieurs catégories d’Etats.

Comme l’Allemagne, la France fait partie des Etats membres où la fiscalité environnementale est modérée par rapport au PIB et par rapport au niveau des prélèvements obligatoires.

Enfin, sur la réduction des gaz à effet de serre, les résultats globaux constatés sont variables selon les Etats et les secteurs. C’est l’occasion de rappeler qu’il n’y a pas de coordination avec le système des quotas d’émission qui concerne les seules grandes installations industrielles : d’un côté des zones de recouvrement entre la taxation et le SEQE, de l’autre des lacunes.

Dans ces circonstances et dans le cadre de la stratégie précitée des « trois 20 », la Commission européenne propose une rupture majeure par rapport aux modalités actuelles de taxation sur la base de niveaux historiques et pragmatiques.

Elle prévoit en effet de taxer selon deux critères objectifs les produits énergétiques et l’électricité.

Le premier critère est celui des émissions de CO2, avec un niveau taxation de 20 euros par tonne. C’est un prix différent des 8 et quelques centimes auquel s’échange la tonne actuellement sur le système d’échange de quotas et proche des 17 euros retenus en 2009 par le Gouvernement pour la contribution carbone, qui a été annulée par le Conseil constitutionnel.

Le deuxième critère est celui de la quantité d’énergie consommée, appelée taxe générale sur la consommation d’énergie. Le prix serait à terme de 9,6 euros par gigajoule pour les carburants, et de 0,15 euros pour les carburants à usage industriel et commercial spécifique, ainsi que pour tous les combustibles, à usage privé ou professionnel, de même que pour l’électricité.

Ce nouveau barème s’appliquerait d’une manière rigoureuse. En effet, pour éviter toute distorsion en faveur d’un produit, les produits ayant le même usage seraient taxés de manière identique.

Les conséquences sont fortes pour les carburants. A terme, pour 2023, le gazole et l’essence seraient taxés au même niveau dans les Etats membres. Comme le gazole est plus dense que l’essence, on passerait pour les minima européens de 33 centimes et 35,9 centimes au litre respectivement en 2013, à 39 centimes et 36 centimes par litre en 2018.

Pour la France, avec un maintien de la taxation de l’essence sans plomb à son niveau, on aboutirait à taxer le diesel à 67,48 centimes d’euros le litre contre 44,19 actuellement. Avec un rapprochement des taux, on passerait à 50 centimes d’euros seulement, mais avec une réduction de la taxation de l’essence à 45 centimes d’euros.

De même la distinction entre l’usage professionnel et l’usage non professionnel serait supprimée pour les combustibles, mais aussi pour le gazole carburant professionnel, le « diesel routier ». L’avantage est actuellement de 5 centimes d’euros au litre.

Les implications tarifaires de ces principes sont très importantes. Elles entraînent en effet de fortes augmentations de taxation, non seulement pour les carburants, mais aussi pour les combustibles (gaz, fioul et charbon). Elles ont un effet sur les prix, budget des ménages ou compétitivité des entreprises.

Le deuxième élément essentiel de la directive est l’application très générale de la taxation selon la composante CO2 : c’est, dans le cadre d’un articulation avec le SEQE (Système d’échange de quotas d’émission) de telle sorte que soit une entreprise sera taxée, soit elle relèvera du SEQE, si elle est d’une taille suffisante, la fin des secteurs exclus. Ce texte marque aussi la restriction, sauf exception, des exonérations, qui ne sont maintenues que pour la seule composante relative à la consommation d’énergie.

Parmi les quelques exceptions à cette restriction précédente, on observe cependant les combustibles pour les ménages, qui devraient ainsi faire l’objet d’exonérations ou réductions de taxation pour les deux composantes, et ainsi permettre de résoudre en partie la difficulté pour leur chauffage.

Pour les secteurs exposés à des risques de fuite de carbone, c'est-à-dire à la concurrence internationale, un mécanisme de crédit d’impôt est prévu.

Pour ce qui concerne les biocarburants, la Commission européenne propose de les faire entrer dans le droit commun à partir de 2023, ce qui ne leur est pas défavorable, car s’ils respectent les critères de durabilité exigé, leur émissions de CO2 sont réputées égales à zéro.

Dans l’ensemble, ce que propose la Commission européenne est assez fondé sur le plan des principes généraux, mais les conséquences en sont lourdes quant au niveau d’imposition et aux augmentations tarifaires de produits énergétiques.

Les négociations sur ce texte, qui doit être adopté à l’unanimité, comme tout texte à caractère fiscal, s’annoncent donc délicates. Plusieurs Etats membres lui sont opposés, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne et aussi la Pologne.

Les consommateurs et les représentants des entreprises, comme les représentants des agriculteurs, sont par ailleurs réservés.

Dans ces circonstances, c’est uniquement si des mesures adaptées de calendrier, de flexibilité et de prise en compte des spécificités sectorielles sont prévues que la proposition de directive, à laquelle la présidence danoise est favorable, pourra être adoptée.

La France est sur cette position générale. A ce stade, on peut émettre plusieurs recommandations. Trois peuvent d’ores et déjà être exprimées de manière très précise. Deux tiennent à la subsidiarité et ont été exprimées dans la résolution de l’Assemblée devenue définitive en juin dernier : le maintien des taxis dans la catégorie des transports publics locaux pouvant faire l’objet d’une taxation différenciée ; la respect du principe de la libre administration des collectivités territoriales pour la taxation locale de l’électricité. De même, la modulation régionale de la TICPE ne doit pas être mise en cause. La troisième recommandation concerne le transport routier. La capacité de leurs réservoirs donne aux poids lourds une autonomie telle qu’ils peuvent s’approvisionner dans un Etat membre et intervenir dans d’autres. Si l’on ne maintient pas la faculté actuelle de découplage du gazole professionnel et du gazole particulier, il y aura distorsion de concurrence au détriment des entreprises implantées dans les Etats qui auront des niveaux de taxation conforme aux objectifs de la directive. Ce n’est pas acceptable au regard des principes du marché intérieur.

D’autres secteurs d’activité doivent également faire l’objet de mentions spécifiques, même si les modalités en sont encore à définir.

Il s’agit d’abord de l’agriculture. Le dispositif proposé par la Commission européenne, qui repose sur l’absence d’exonération au titre de la taxe carbone avec application éventuelle du mécanisme de crédit d’impôt contre les fuites de carbone et la mise sous condition de l’exonération de la taxation générale de consommation d’énergie, en contrepartie de réduction de la consommation, n’est pas adapté. Le secteur a spontanément réduit ses émissions de gaz à effet de serre depuis 15 ans. Ses modalités particulières de fonctionnement ne sont plus à démontrer.

Pour d’autres activités industrielles, le souci est essentiellement de maintenir nos activités et notre compétitivité en Europe.

Un secteur mérite enfin une mention particulière. Celui de la construction automobile.

La perspective du bouleversement du rapport entre la taxation du gazole et de l’essence le place en difficulté. En effet, les constructeurs français, mais aussi européens, ont adapté leur production en fonction des choix des consommateurs pour la motorisation diesel. L’enjeu industriel du secteur automobile est trop essentiel pour n’être pas pris en compte.

A l’opposé, il est vrai, le raffinage européen est importateur de gazole et a du mal à exporter ses excédents d’essence sans plomb.

On le constate, au-delà des principes généraux, le texte actuellement proposé ne peut pas être adopté, en l’état. Des aménagements sont donc nécessaires.

Tels sont les éléments que je vous propose d’évoquer dans le rapport et dans les conclusions qui suivent.

M. Jérôme Lambert. J’ai l’impression en vous écoutant que certes il y a une proposition de directive, mais que chacune de vos phrases vidait cette directive de son sens. A force de multiplier les exemptions justifiées, on peut se demander ce qui va rester dans son champ d’application ! Les ménages, pour les carburants ?

Mme Pascale Gruny, rapporteure. Effectivement, les ménages.

M. Jérôme Lambert. Quand la Commission européenne présente une proposition de directive assortie d’un si grand nombre d’exemptions, ne devrait-elle pas revoir sa copie et présenter une proposition plus simple ?

Mme Pascale Gruny, rapporteure. J’entends bien votre commentaire. Il est souhaitable de mettre en place un dispositif de taxation plus écologique, et d’ailleurs les personnes que j’ai auditionnées ne sont pas contre mais demandent qu’un calendrier soit établi et que le dispositif assure une certaine flexibilité, l’enjeu étant pour les entreprises de pouvoir rester compétitives. Ce qui demeure dans le champ de la proposition de directive, ce sont les secteurs qui ne peuvent faire l’objet de « fuite de carbone ». Il faut s’inspirer des pays du Nord de l’Europe, réputés très écologistes, mais qui font de l’écologie économique.

M. Jérôme Lambert. Dans une dizaine d’années, lorsque cette directive sera entrée en application, je suis convaincu que la droite et la gauche se renverront la responsabilité de son adoption et se demanderont de quoi se mêlait l’Union européenne. En verra-t-on encore le bien-fondé à ce moment-là ? Je suis convaincu qu’il ne faut pas moins d’Europe mais « mieux d’Europe », mais ceci ne correspond peut-être pas à de telles directives. Ceux qui n’auront pas été exemptés de son application se retourneront contre leurs élus et contre l’Europe.

Mme Pascale Gruny, rapporteure. Il n’est pas facile de trouver une position susceptible d’être adoptée à l’unanimité, ce qui est obligatoire en la matière, d’autant que chaque pays prend ses propres initiatives en matière environnementale, comme la France par exemple avec le « Grenelle », qui les mettent en concurrence et qui ne sont pas forcément acceptées par les entreprises et les agriculteurs.

Ce qu’on ne connaît pas non plus, ce sont les niveaux d’émission de carbone, et avec ce texte nous allons avoir l’obligation de les quantifier.

A l’issue de ce débat, la Commission a adopté les conclusions suivantes :

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité,

Vu la résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de directive modifiant la directive 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité considérée comme définitive le 15 juin 2011 (TA no 0695),

Considérant que la fiscalité sur les produits énergétiques et l’électricité est, parmi d’autres, l’un des instruments permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre ainsi que d’améliorer l’efficacité énergétique, en favorisant les économies d’énergie,

Considérant par conséquent que le principe d’une taxation des produits énergétiques et de l’électricité selon deux critères objectifs, l’un relatif aux émissions de CO2, l’autre relatif à son contenu énergétique et par conséquent à la quantité d’énergie consommée, peut représenter un progrès par rapport aux niveaux actuels de taxation à la quantité d’un produit, sans tenir compte de ses capacités énergétiques ni de son contenu intrinsèques,

Considérant également que la taxation au même des produits ayant le même usage, conforme au principe de neutralité fiscale, est tout autant justifié,

Considérant cependant les effets qu’une telle réforme entraîne sur les prix, tant pour les ménages que pour certains secteurs économiques, dont la compétitivité et la pérennité en Europe est alors menacée, en l’absence de mesures adaptées,

1. Soutient la proposition de directive précitée,

2. Considère cependant que celle-ci ne devra être adoptée que lorsque lui seront apportés, puisqu’ils lui font actuellement défaut, des éléments de calendrier, de flexibilité et de bonne adaptation non seulement aux contraintes des ménages mais aussi aux réalités de l’exploitation des entreprises, en particulier de celles relevant de secteurs caractérisés par leurs spécificités tels que l’agriculture ou la construction automobile, laquelle dépend des équilibres entre la consommation de gazole et celle d’essence sans plomb ;

3. Attire l’attention du Gouvernement sur le fait que trois modifications impératives apparaissent d’ores et déjà pouvoir être formulées avec précision. Deux d’entre elles, tenant au respect du principe de subsidiarité, ont été mentionnés dans la résolution no 695 précitée et visent la faculté de faire bénéficier les taxis du régime des transports de passagers, ainsi qu’au maintien de modalités adaptées pour la modulation territoriale de la fiscalité de l’énergie, en particulier pour la taxation locale de l’électricité. La dernière résulte du principe de la loyauté de la concurrence au sein du marché intérieur et concerne le maintien de la faculté d’une taxation différenciée du gazole routier pour les professionnels.

II. Communication de M. Guy Geoffroy sur la proposition de directive relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (E 7054)

M. Guy Geoffroy, rapporteur. Je souhaite vous présenter les premières conclusions que nous pourrions adopter aujourd’hui s’agissant d’un projet de directive relatif aux traitements des données à caractère personnel dans les matières policières et judiciaires pénales.

La présente proposition vise à remplacer la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Elle s’inscrit dans le cadre de la réforme d’ensemble de la réglementation applicable dans l’Union à la protection des données personnelles. Cette réforme a été présentée par la Commission européenne le 25 janvier 2012. Un double objectif doit présider aux traitements de données personnelles en ces matières : d’un côté, il y a la lutte contre la criminalité et, de l’autre, la nécessité d’assurer à l’échelle de l’Union, tout en respectant les différents systèmes judiciaires pénaux, la protection des droits individuels.

La présente proposition complète la proposition de règlement tendant à réformer la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, qui ne s’applique pas aux traitements de données en matière de police et de justice, et dont nous avons débattu la semaine dernière en commission des affaires européennes.

La principale évolution proposée consiste à étendre considérablement le champ d’application de la décision-cadre du 27 novembre 2008. En effet, le cadre de protection européen ne s’appliquerait plus uniquement aux échanges de données entre Etats membres, mais aussi aux traitements nationaux de données personnelles.

Le choix opéré par la Commission européenne de proposer, d’une part, un règlement d’application directe réformant la directive de 1995 et, d’autre part, une directive réformant la décision-cadre de 2008, apparaît préférable à l’adoption d’un instrument unique, compte tenu des spécificités de la lutte contre les infractions pénales. Par ailleurs, nous avons vu la semaine dernière la sensibilité des questions liées à l’adoption d’un règlement et l’outil le mieux adapté ici est bien la directive, qui devra permettre de respecter la diversité incompressible des systèmes judiciaires pénaux des Etats membres. Un instrument trop général serait inutile et un instrument trop précis inapplicable.

La nécessité d’une plus grande harmonisation des législations nationales, en vue d’une meilleure protection des données, mais également afin de faciliter les échanges d’informations, doit être rappelée. L’essor sans précédent des échanges d’information fait courir davantage de risques aux libertés individuelles. C’est pourquoi le choix fait de ne pas limiter la directive aux seules données échangées entre Etats membres mais de l’appliquer également aux traitements nationaux doit être soutenu. Telle a toujours été la position des autorités françaises et de l’Assemblée nationale.

De nouvelles mesures de protection des données et de garantie des droits des personnes concernées sont proposées. Je n’entrerai pas dans le détail et évoquerai ici, rapidement, la communication détaillée les exposant plus longuement, le classement des données selon les catégories de personnes et selon la fiabilité des données, les définitions plus détaillées et les obligations nouvelles pour le responsable du traitement, par exemple en cas de violation des données. Ces obligations reposant sur le responsable du traitement et ces droits sont directement inspirés de la proposition de règlement réformant la directive de 1995 ou des instruments internationaux existants.

Toutefois, des éléments doivent encore être précisés. Les transferts de données vers des Etats tiers devront être bien encadrés, s’agissant des garanties appropriées pouvant figurer dans des instruments juridiques contraignants ou telles qu’elles seraient évaluées par les responsables des traitements. Par ailleurs, la question des données issues d’un autre Etat membre pouvant être transmises n’est pas traitée par la proposition de directive.

La possibilité de saisine directe par les particuliers des autorités de contrôle étrangères méritera incontestablement mieux qu’une évocation incertaine et devra être mieux définie.

Enfin, la révision des instruments européens existants et surtout des accords internationaux en vigueur en ces matières, telle qu’elle est prévue par la proposition de directive, est peut-être trop ambitieuse. L’idée que l’entrée en vigueur d’une directive ouvrirait une obligation de renégociation générale mérite d’être discutée.

En conclusion, la proposition de directive, bien que représentant une réelle avancée dans l’ensemble, devrait être corrigée sur un certain nombre d’éléments. Tel est le sens des conclusions qu’il est proposé d’adopter et qui constituent un premier examen de la proposition de directive.

Il est proposé d’adopter la proposition de directive, sous réserve des observations formulées dans les conclusions. Le premier point des conclusions rappelle la nécessité d’une avancée en matière d’harmonisation, le deuxième soutient l’extension du champ d’application, le troisième porte sur les incertitudes en matière de transfert vers des Etats tiers, le quatrième sur la question de la saisine des autorités de contrôle étrangères et le dernier interroge la pertinence de la clause de révision des accords internationaux.

La Commission a adopté les conclusions suivantes puis, sous réserve des observations formulées dans les conclusions, a approuvé le document E 7054.

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 8 de la Charte européenne des droits fondamentaux,

Vu l’article 16 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données) [COM(2012) 0011 final, no E 7055],

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données [COM(2012) 0010 final, no E 7054],

1. Rappelle que le cadre européen de protection des données à caractère personnel doit permettre d’atteindre une réelle harmonisation des législations nationales à un niveau élevé de protection ainsi qu’un juste équilibre entre la protection des données personnelles et la conduite des mesures de prévention des infractions, des enquêtes et des procédures pénales ;

2. Soutient l’extension du champ d’application de la proposition de directive aux traitements de données effectués au niveau national dans les Etats membres ;

3. Juge que l’encadrement des transferts vers des Etats tiers ou des organisations internationales est incomplet, s’agissant notamment des possibilités de transferts moyennant des garanties appropriées, insuffisamment définies à ce stade. Il conviendra également de pallier l’absence de protections spécifiques pour le transfert des données issues d’un autre Etat membre ;

4. Estime que le dispositif de saisine d’une autorité de contrôle dans tout Etat membre, tel qu’il serait ouvert à toute personne concernée par le traitement de ses données personnelles, doit être précisé ;

5. S’interroge la pertinence de la clause de réexamen des accords internationaux antérieurs.

III. Communication de MM. Régis Juanico et Michel Heinrich sur le rapport d’information établi au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe

M. Michel Heinrich, co-rapporteur du Comité d’évaluation et de contrôle. Essentielle pour améliorer le pilotage de l’action publique, l’évaluation de la performance des politiques sociales en Europe constituait un véritable défi. Pour y répondre, le rapport comporte plusieurs éléments d’analyse transversale, ainsi qu’un second volet thématique concernant les politiques d’accompagnement des demandeurs d’emploi et deux politiques sociales à destination des familles.

Pour le préparer, de nombreuses personnes ont été auditionnées. Avec mon collègue, nous nous sommes rendus dans quatre pays. Nous avons aussi adressé des questionnaires à une quinzaine d’ambassades et de parlements. Enfin, nous avons pu nous appuyer sur deux études comparatives de qualité réalisées par des prestataires extérieurs, qui sont annexées au rapport.

Nous avons choisi d’évaluer la performance principalement à l’aune de trois critères : l’efficacité, l’efficience et la qualité de service. Autrement dit, les objectifs fixés ont-ils été atteints, de quelle façon et à quel coût ?

Il nous a aussi semblé nécessaire d’inscrire l’évaluation dans une temporalité suffisamment longue, notamment pour prendre en compte les économies qu’une réforme peut générer, à plus ou moins long terme.

En permettant l’identification de bonnes pratiques, les comparaisons internationales peuvent être très riches d’enseignements ; mais elles appellent aussi certaines précautions pour interpréter les différents indicateurs sociaux. Par exemple, le taux de chômage d’un pays comme la Norvège peut paraître extrêmement faible mais le phénomène, en réalité, est masqué pour partie par une mobilisation très importante des dispositifs liés à l’incapacité. L’Allemagne dissimule aussi un nombre élevé de chômeurs à travers le dispositif des « mini-jobs », qui concerne 4,5 millions de personnes.

En France, les prestations de protection sociale représentaient près de 600 milliards d’euros en 2009 ; c’est dire si l’évaluation de la performance des politiques sociales constitue aujourd’hui un impératif ! Par ailleurs, si la structure des dépenses de protection sociale de notre pays est assez proche de la moyenne européenne, la France se distingue par un niveau élevé de dépenses : elles représentaient ainsi près de 31 % du PIB en 2008, contre 26,4 % pour l’Union européenne à vingt-sept, soit le record d’Europe.

Mais la France se distingue également par l’évolution de ses dépenses sociales : si celles-ci ont augmenté progressivement dans de nombreux pays au cours des dernières décennies, la croissance a été sensiblement plus marquée en France que dans la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

L’importance de cet effort de la nation doit conduire à s’interroger sur les résultats obtenus par rapport aux principaux objectifs et indicateurs sociaux, ainsi que sur le positionnement de la France dans ce domaine. Notre rapport comporte plusieurs éléments d’analyse à ce sujet mais nous avons choisi de présenter brièvement aujourd’hui les résultats en matière de lutte contre la pauvreté. A cet égard, il apparaît tout d’abord que les inégalités de revenus sont plus faibles dans les pays ayant un niveau élevé de dépenses sociales, en particulier la France.

M. Régis Juanico, co-rapporteur du Comité d’évaluation et de contrôle. Nous nous sommes rendus à Bruxelles pour connaître les travaux comparatifs menés par la Commission européenne dans le domaine social, en particulier en lien avec cet objectif de lutte contre la pauvreté. Celle-ci revêt différentes formes, selon les Etats-membres, d’où l’idée intéressante de définir trois indicateurs combinés : la part des personnes en situation de pauvreté relative, c’est-à-dire dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian ; la part des personnes en situation de privation matérielle sévère ; la part des personnes vivant dans un ménage où personne ne travaille.

Selon les évaluations de la Commission européenne, les résultats de la France sont au-dessus de la moyenne de l’Union européenne mais moins bons que ceux des pays dont les dépenses sociales sont comparables aux nôtres, comme les Pays-Bas, la Suède, la Finlande ou l’Autriche. Alors que le taux de pauvreté relatif au seuil de 60 % du revenu médian s’établit à 13,5 % selon l’INSEE, l’indicateur européen, plus complet, qui tient également compte de la pauvreté en conditions de vie et des ménages dont aucun membre ne travaille, révèle que 18,4 % des Français, en 2009, étaient concernés par le risque de pauvreté ou d’exclusion.

Répondant aux préoccupations des associations de lutte contre la pauvreté, nous proposons de maintenir le principe d’un dispositif européen d’aide alimentaire après 2014, afin de remplacer le Programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis (PEAD), et de réorienter les fonds structurels européens, en particulier le Fonds social européen (FSE), pour réaliser l’objectif européen de réduire de 20 millions le nombre de personnes pauvres en Europe et encourager l’innovation dans le domaine social. Nous en avons d’ailleurs débattu au sein de notre commission, la semaine dernière, avec le ministre Jean Leonetti.

Pour renforcer la performance des politiques sociales en France, nous préconisons d’améliorer leur pilotage et leur évaluation, au regard notamment de bonnes pratiques observées dans plusieurs pays européens : en définissant un programme pluriannuel d’expérimentations, soumis pour avis à la Commission des affaires sociales, et en organisant régulièrement des débats en séance publique sur leurs résultats ; en programmant un débat annuel au Parlement sur l’efficacité des politiques sociales, par exemple sur des thèmes correspondant à certains objectifs des Programmes de qualité et d’efficience (PQE), dont le choix serait partagé entre la majorité et l’opposition ; en nous inspirant du classement des communes et des régions suédoises ou de la Méthode ouverte de coordination (MOC) européenne pour encourager le développement de l’évaluation des politiques sociales locales.

M. Michel Heinrich. J’aborde maintenant le premier thème approfondi dans le rapport : l’emploi. L’OCDE a mis en évidence le poids des cotisations patronales sur les revenus du travail : elles sont de 29 % en France, 26 % en Suède, 27 % en Italie, 16 % en Allemagne et 0 % au Danemark. La part salariale, en France, est un peu plus faible que dans les autres pays, de même que la fiscalité sur le travail. C’est d’ailleurs l’enjeu du débat en cours sur la TVA. Pour ce qui nous concerne, nous estimons que cela doit faire l’objet d’une réflexion plus large.

L’Allemagne, en 2007, a mis en œuvre une réforme du type que je viens d’évoquer et ses résultats sont tangibles : la cotisation chômage y est de 2,8 %, répartis entre le salarié et l’employeur, à hauteur de 1,4 % chacun, contre 6,4 % en France, dont 2,4 % à la charge du salarié et 4 % de l’employeur. Bien que les deux tiers des recettes supplémentaires de TVA aient été affectés au désendettement, les Allemands ont aussi réalisé des gains d’efficience sur la politique de l’emploi et, je le répète, ont réduit leur taux de cotisation pour l’assurance chômage.

Vous trouverez également dans le rapport des chiffres inédits permettant de comparer les conditions d’indemnisation du chômage. Le modèle français est généreux, particulièrement pour les cadres, qu’il s’agisse du mode de calcul du niveau d’indemnisation, du montant maximum et de la durée de couverture. En France, l’indemnisation est plafonnée à 6 764 euros, contre 2 215 euros en Allemagne, 1 625 euros en Suède, 1 425 euros au Portugal et 324 au Royaume-Uni, où le régime est très dur.

Trois modèles de politiques de l’emploi ressortent de l’analyse des dépenses dans les pays comparés : les dépenses correspondant au service public de l’emploi ; les « mesures actives » d’aide au retour à l’emploi ; les indemnisations et les préretraites, appelées « dépenses passives » par l’Union européenne et l’OCDE. Les différences de montants et de répartition laissent penser que certains pays feraient mieux que d’autres. La Suède peut apparaître comme exemplaire en la matière, avec une indemnisation réduite au profit des dépenses actives.

Nous avons également identifié des grandes tendances communes aux politiques de l’emploi en Europe : la recherche d’un guichet unique pour l’usager ; la préférence pour des mesures actives incitant au retour à l’emploi plutôt que pour l’indemnisation du chômage ; la définition de droits et devoirs, c’est-à-dire une conditionnalité accrue de l’indemnisation chômage.

Autre grande tendance européenne : l’externalisation. Mais tous les travaux de recherche et d’évaluation témoignent pour l’instant de résultats mitigés en la matière, même si l’émulation entre le secteur privé et le service public de l’emploi peut entraîner une certaine émulation.

Nous avons aussi souligné ce qui caractérise le modèle français, avant tout sa complexité. Il existe au moins huit structures contribuant au service public de l’emploi, dans un enchevêtrement de compétences au mieux inefficace. Les autres singularités, qui concernent plutôt Pôle Emploi, ont notamment été soulignées par un rapport récent de l’Inspection générale des finances : les moyens de Pôle Emploi sont significativement inférieurs à ceux de ses homologues européens. Le manque de réactivité dans la période récente contraste avec l’augmentation très rapide des effectifs des services publics de l’emploi observée en Allemagne et au Royaume-Uni – où 16 000 personnes, au plus fort de la crise, ont été embauchées en contrat à durée déterminée –, suivie d’une décrue tout aussi rapide.

Le rapport souligne aussi que les contacts avec le demandeur d’emploi sont moins fréquents en France et que les conseillers allemands ou britanniques sont plus autonomes et ont à leur disposition plus de ressources et de compétences pour aider le demandeur d’emploi.

Notre rapport contient plusieurs propositions pour améliorer le service public de l’emploi. Il s’appuie surtout sur une synthèse des travaux d’évaluation les plus récents, dont nous espérons qu’elle constituera, à l’avenir, une source d’information et d’inspiration. De façon générale, nous gagnerions à dispenser les aides et les prestations d’accompagnement dans les situations où elles sont les plus efficaces. Cela exige un pilotage intelligent et réactif, qui peut être une grande source d’économies.

M. Régis Juanico. Les politiques d’articulation entre vie familiale et vie professionnelle sont susceptibles de favoriser l’augmentation des taux d’activité et donc de contribuer à la croissance et à la consolidation des systèmes de protection sociale, mais aussi à l’égalité hommes-femmes, à la qualité de l’emploi et à la performance des entreprises. Elles peuvent donc constituer un atout de compétitivité économique et sociale. Le rapport comporte également une analyse approfondie concernant les politiques en direction des familles monoparentales, je n’y reviendrai pas aujourd’hui.

En agrégeant les prestations familiales, les dispositifs d’accueil des jeunes enfants et les aides fiscales, l’OCDE place la France au premier rang des pays pour l’effort de redistribution de la richesse nationale en faveur des familles, avec 3,7 % du PIB environ, pour une moyenne de 2,2 % dans l’OCDE. En particulier, des moyens importants sont alloués aux mesures visant à favoriser la conciliation entre famille et travail, c’est-à-dire essentiellement l’offre de garde et les congés parentaux.

La France se distingue par de bons résultats dans certains domaines, en particulier la natalité : l’indice conjoncturel de fécondité de la France, en 2009, était le deuxième plus élevé des pays de l’Union européenne et le troisième des pays de l’OCDE.

En termes d’emploi, il convient tout d’abord de rappeler les objectifs chiffrés fixés lors du Conseil européen de Lisbonne en mars 2000, concernant notamment l’emploi des femmes : 60 % à l’horizon 2010.

Dans ce domaine, la France se caractère notamment par une insertion professionnelle des femmes plutôt à temps plein, contrairement, par exemple, aux Pays-Bas. En France, le taux d’activité des femmes âgées de vingt-cinq à quarante-neuf ans dépasse 80 %.

Autre point fort : l’accueil, gratuit et sur la journée entière, des enfants de moins de six ans dans les écoles maternelles. En termes de prise en charge, la France est ainsi la mieux positionnée des pays étudiés. L’accès à des modes de garde de qualité présente par ailleurs des enjeux importants en termes d’égalité des chances, de réussite scolaire et de lutte contre les inégalités sociales.

Il existe toutefois des voies d’amélioration afin de mieux répondre aux difficultés parfois ressenties par les parents en matière de conciliation, mais aussi concernant l’offre d’accueil de la petite enfance – nous estimons les besoins non couverts à environ 350 000 places, dans un contexte de diminution de la scolarisation des enfants de deux ans – ainsi que pour soutenir l’accès ou le retour à l’emploi des mères, par rapport à des pays comme la Suède, qui ont des politiques assez innovantes en la matière.

Des progrès restent également à faire en matière d’égalité des genres et de réduction des écarts salariaux.

Enfin, l’analyse fait apparaître une autre spécificité française, concernant le congé parental, très féminisé et très long – jusqu’à trois ans –, ce qui peut avoir des effets préjudiciables sur les trajectoires professionnelles. Il est par ailleurs moins bien rémunéré que dans certains pays, par exemple l’Allemagne ou la Suède.

A contrario, plusieurs pays européens ont adopté des mesures visant à favoriser une meilleure implication des pères, à travers, par exemple, des périodes spécifiques ou « quota du père ».

Pour créer les conditions d’un meilleur équilibre des temps professionnels et familiaux, nous préconisons en conséquence : de ramener progressivement le congé parental à quatorze mois, en incluant deux « mois d’égalité », réservés à celui des parents n’ayant pas pris le reste du congé, et de mieux le rémunérer qu’aujourd’hui, à hauteur des deux tiers du salaire antérieur, en s’inspirant des dispositifs existant en Suède et en Allemagne ; de renforcer l’accompagnement vers l’emploi et la formation aux bénéficiaires du complément de libre choix d’activité (CLCA), avec notamment une meilleure coopération entre les caisses d’allocations familiales et Pole Emploi ; de poursuivre le développement de l’offre de garde de la petite enfance, en particulier en accueil collectif, en maintenant au moins au niveau actuel la scolarisation des enfants de moins de trois ans ; de favoriser le développement de la négociation collective et des bonnes pratiques en milieu professionnel, au regard notamment de l’implication dans ce domaine des entreprises en Allemagne, en faisant en sorte que les directeurs des ressources humaines pensent l’organisation du travail en fonction d’un objectif de meilleure articulation entre le travail et famille, visant à favoriser une paternité active et un véritable partage des tâches familiales.

Nous souhaitons ainsi offrir de meilleures opportunités de carrières aux mères et plus de temps de famille aux pères.

Le Président Pierre Lequiller. J’avais déjà assisté à la présentation de ce rapport devant le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Comme tous les comparatifs internationaux de ce type, il est passionnant.

M. Jérôme Lambert. Je reprends volontiers ce commentaire à mon compte. Chacun d’entre nous, selon sa grille d’analyse, peut tirer des enseignements de ces informations et les utiliser dans les débats de politique nationale.

Le Président Pierre Lequiller. Les informations qu’il contient relatives aux cotisations patronales sont en effet intéressantes.

M. Jérôme Lambert. Il nous appartient, élus de la nation, de posséder des connaissances pour fonder notre proposition politique. Mais comparaison n’est jamais raison et il est impossible de trouver un pays où tout serait parfait.

M. Michel Heinrich. Nous ne prétendons aucunement que tout est parfait dans tel ou tel pays. Mais tous sont confrontés aux mêmes problématiques, s’observent mutuellement, et certains se montrent plus réactifs que la France : quand le résultat est mauvais, ils ne persistent pas et n’hésitent pas, avant de généraliser un système, à l’expérimenter puis à l’évaluer.

M. Régis Juanico. L’enseignement de notre rapport, pour résumer, c’est que la France dépense beaucoup pour ses politiques sociales – 31 % du PIB, 600 milliards d’euros – et que des marges de progression existent sans doute pour dépenser mieux, mais que ses performances sociales sont souvent supérieures à la moyenne de l’OCDE, qu’il s’agisse du dynamisme démographique, de l’espérance de vie, de la politique familiale, de l’efficacité redistributive des prestations ou de la prise en charge des enfants de moins de six ans.

Nous identifions aussi des points faibles du modèle social français, sur lesquels nous estimons que des améliorations sont possibles, non pas en plaquant un modèle unique, global et formaté, mais en nous inspirant des bonnes pratiques. Cela vaut pour le taux d’emploi, le retour à l’emploi de qualité, la montée des inégalités, de l’exclusion et de la pauvreté. Les expérimentations locales nous permettront sans doute d’obtenir des gains d’efficience et de préserver la logique et l’enveloppe budgétaire globale de notre système de protection sociale.

A contrario, Michel Heinrich évoquait les « mini-jobs » allemands, dont il ne faut certainement pas s’inspirer.

M. Michel Heinrich. Ces « mini-jobs » s’adressent aux chômeurs éloignés de l’emploi, contraints à travailler presque à plein temps pour 400 euros par mois, plus 100 euros de cotisation pour l’employeur. Les représentants du patronat allemand que nous avons rencontrés nous ont clairement parlé de l’effet d’aubaine que ce dispositif entraîne. Sur les 7 millions de bénéficiaires, 2 millions sont des étudiants ou des retraités et 5 millions des chômeurs, dont 4,5 millions ne figurent pas dans les statistiques du chômage allemand.

M. Jérôme Lambert. Cela explique que le coût du travail allemand soit faible.

M. Michel Heinrich. J’appelle aussi votre attention sur la répartition du coût du travail entre cotisations des employeurs, cotisations des salariés et fiscalité. En France, la fiscalité et les cotisations des salariés sont plutôt faibles tandis que les cotisations des employeurs sont très fortes.

M. Régis Juanico. Ce qui est sensiblement supérieur en France, ce n’est pas le coût du travail mais les cotisations des employeurs, notre rapport le démontre.

M. Jérôme Lambert. Pour le patron et l’économie nationale, c’est effectivement la masse salariale prise dans son intégralité qui compte.

M. Michel Heinrich. Il faut prendre en compte un autre élément : en Allemagne, il n’y a pas de SMIC mais l’échelle des salaires est bien structurée, alors que, en France, un énorme paquet de salariés est concentré autour du SMIC, jusqu’à 1,5 SMIC. Les Allemands réfléchissent à la mise en place d’un SMIC, ce qui devrait accroître le coût du travail.

M. Gérard Voisin. En matière d’offre d’accueil de la petite enfance, l’objectif fixé n’est pas atteint ?

M. Régis Juanico. Il faut être extrêmement prudent car le déficit de 350 000 places d’accueil est le chiffre pour 2009. Il n’en demeure pas moins qu’il importe d’augmenter le nombre de places d’accueil collectif si le nombre d’enfants de moins de trois ans scolarisés continuer de diminuer. Il ne s’agit donc plus de créations nettes.

M. Michel Heinrich. Nous respectons l’objectif cible européen mais, pour raccourcir les congés des mères – qui les éloignent de l’emploi et conduisent à des revenus et à des retraites nettement plus faibles –, il convient d’améliorer l’offre de garde. Le salaire des femmes, en France, à qualification égale, pour un même métier, est inférieur de 17 % à celui des hommes et l’écart atteint 40 % pour les retraites. C’est dû aux ruptures de carrière des femmes, qui s’arrêtent trois ans, parfois plus.

M. Gérard Voisin. Combien de places supplémentaires faudrait-il créer ?

M. Michel Heinrich. Environ 350 000 places.

Le Président Pierre Lequiller. Parmi la nouvelle génération, je constate que de plus en plus de femmes travaillent, même avec trois ou quatre enfants.

M. Régis Juanico. En observant nos voisins, il apparaît que plus le congé parental est long, plus l’éloignement vis-à-vis du marché du travail est durable. A quarante ans, à diplômes et ancienneté comparables, dans une même entreprise, l’écart de salaire atteint 17 %, dont 70 % ne peut être expliqué rationnellement.

L’idée est donc de favoriser un raccourcissement des congés parentaux, ce qui favorisera un retour plus rapide et plus efficace des femmes à leur emploi, et de revaloriser la compensation allouée – aujourd’hui limitée à 580 euros –, ce qui permettra aussi aux pères d’y recourir, au moins pendant quelques mois. En Allemagne, cela a donné d’assez bons résultats : le taux de recours au congé parental, en quelques années, est passé de 3 ou 4 % à près de 20 %.

M. Michel Heinrich. Outre le problème du taux d’activité des femmes, au demeurant assez élevé en France, se pose aussi ceux de la qualité des emplois et des rémunérations.

Le Président Pierre Lequiller. Ce rapport – comme tous ceux élaborés dans cette Assemblée – est remarquable de clarté. Je suis près à le diffuser aux membres de la Commission des affaires européennes. Et nos partenaires européens pourraient aussi être intéressés, d’autant que la synthèse et les recommandations sont traduites en anglais et en allemand.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Textes « actés »

Aucune observation n’ayant été formulée, la Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil relative à la position à adopter, par l'Union européenne, en vue de l’adoption d’une décision de la commission mixte de la convention du 20 mai 1987 relative à un régime de transit commun et d'une décision de la commission mixte de la convention du 20 mai 1987 relative à la simplification des formalités dans les échanges de marchandises concernant une invitation à adhérer à ces conventions adressée à la Croatie et à la Turquie (document E 6729).

Ø Transports

- proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part (document E 7062) ;

- proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord sur la création d'un espace aérien commun entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et la République de Moldavie, d'autre part (document E 7063).

Point B

La Commission a approuvé les textes suivants :

Ø Commerce extérieur

- proposition de décision du Conseil adaptant et prorogeant la période d'application des mesures appropriées établies pour la première fois par la décision 2002/148/CE portant conclusion des consultations engagées avec le Zimbabwe en application de l'article 96 de l'accord de partenariat ACP-CE (document E 7058) ;

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du système européen de surveillance des frontières (Eurosur)(document E 6966).

Procédure d’examen en urgence

Par ailleurs, la Commission a pris acte de l’approbation, selon la procédure d’examen en urgence, du texte suivant :

- Proposition de décision du Conseil établissant la position à prendre par l’Union européenne au sein du Conseil général de l’Organisation mondiale du commerce en ce qui concerne la demande de dérogation aux règles de l’OMC présentée par l’Union européenne pour l’octroi au Pakistan de préférences commerciales autonomes supplémentaires (document E 7064).

Accords tacites de la Commission

En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines nominations), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :

- virement de crédits no DEC01/2012 – Section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2012 (document E 7075) ;

- décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2010/656/PESC renouvelant les mesures restrictives instaurées à l'encontre de la Côte d'Ivoire (document E 7077) ;

- règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (CE) no 560/2005 infligeant certaines mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Côte d'Ivoire (document E 7078) ;

- proposition conjointe de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 765/2006 du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Biélorussie (document E 7079) ;

- projet de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et la Bosnie-Herzégovine établissant un cadre pour la participation de la Bosnie-Herzégovine aux opérations de gestion de crises menées par l'Union européenne (document E 7082).

l Textes adoptés par le Conseil

La Commission a pris acte de l’adoption des textes suivants par le Conseil « Transports, télécommunications et énergie » du 28 février 2011 :

- recommandation de la Commission au Conseil afin d’autoriser la Commission à engager des négociations en vue de la conclusion d’un accord de réadmission entre l'Union européenne et le Belarus (document E 5829) ;

- recommandation de la Commission au Conseil afin d'autoriser la Commission à engager des négociations en vue de la conclusion, entre l'Union européenne et le Belarus, d'un accord visant à faciliter la délivrance de visas de court séjour (document E 5830).

La séance est levée à 18 heures

Membres présents ou excusés

Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 15 février 2012 à 16 h 45

Présents. - M. Jean-Yves Cousin, M. Guy Geoffroy, Mme Pascale Gruny, M. Régis Juanico, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lequiller, M. Didier Quentin, M. Gérard Voisin

Excusés. - M. Pierre Bourguignon, M. Jacques Desallangre, M. Michel Diefenbacher, Mme Anne Grommerch, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Claude Mignon, Mme Odile Saugues

Assistait également à la réunion. - M. Michel Heinrich