XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Troisième séance du mardi 14 mai 2024

Sommaire détaillé
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Troisième séance du mardi 14 mai 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (nos 2424, 2611).

    Discussion des articles (suite)

    Article 2 (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a entamé la discussion de l’article 2, s’arrêtant aux amendements identiques nos 51 et 217.
    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 51.

    M. Bastien Lachaud

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    Dans sa grande sagesse, le Sénat a confié aux présidents des deux chambres du Parlement le pouvoir de contrôler l’accord qui, conclu entre les forces politiques néo-calédoniennes, l’emporterait sur le vote de l’Assemblée nationale et donc sur la Constitution.
    Nous proposons que, plutôt que par les présidents des chambres, cela soit fait par une commission ad hoc où l’ensemble des groupes politiques du Parlement seraient représentés. L’idée est de montrer qu’ici, à Paris, existe une unité autour de la question calédonienne. Cela a d’ailleurs toujours été le cas jusqu’à maintenant. Il aura fallu le coup de force du Gouvernement pour que la question calédonienne devienne un sujet de division, alors que nous pourrions toutes et tous être d’accord. Pour montrer l’unanimité de la représentation nationale, nous souhaitons donc que ce soit une commission représentant tous les groupes présents au Parlement qui soit saisie de ce dossier.
    Par ailleurs, avant la pause, M. le rapporteur a évoqué la question de la représentation des différentes provinces au sein du Congrès de Nouvelle-Calédonie, un sujet important.

    M. Erwan Balanant

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    Ça fait largement deux minutes, non ?

    M. Bastien Lachaud

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    La disproportion en faveur de la province Nord et des îles Loyauté, voulue par les accords de Nouméa et acceptée par l’ensemble des parties, permet une meilleure représentation du peuple kanak. Je pense que tout le monde est d’accord là-dessus.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements identiques nos 51 et 217, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 217.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Comme mon collègue, je trouve important qu’il y ait une commission composée de toutes les forces politiques présentes dans cet hémicycle. En effet, depuis le début de l’examen de ce texte, vous n’avez cessé de nous parler du « récit commun » qu’il faudrait construire.
    Je pense que ce récit commun doit s’écrire non de Paris, mais avec toutes les parties prenantes, et qu’il est important que tout le monde soit représenté pour parler d’un accord, si accord il y a, comme cela semble être le souhait de tout le monde – si j’ai bien compris les prises de position exprimées depuis le début de l’examen du texte.
    Il y a dans nos débats de nombreux points que je n’arrive pas à comprendre, portant notamment sur le calendrier ou les raisons de votre précipitation. Ainsi, vous nous avez dit que, si un accord était trouvé, ce texte deviendrait caduc. Mais ce texte favorisant l’une des parties prenantes, je me demande quel serait l’intérêt de cette dernière à trouver un accord qui vous semblerait acceptable.

    M. Bastien Lachaud

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    Voilà une bonne question !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je vais répondre à Mme Sebaihi et laisserai M. Lachaud compléter sa question plus tard. Nous voulons trouver un accord parce que nous pensons que c’est mieux pour l’archipel et parce que nous avons encore des revendications, que ce soit sur la répartition des sièges au Congrès ou sur la répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie.
    Le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie ne se limite pas à la question du dégel du corps électoral. Je le dis solennellement, très clairement et avec sincérité : oui, nous voulons trouver un accord politique, même si le dégel est voté par l’Assemblée nationale. Sur l’amendement, avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je vais compléter ce que je voulais dire à M. le rapporteur. Ce dernier ne remet pas en cause l’existence d’une disproportion de représentation entre le Nord, le Sud et les îles Loyauté. En revanche, il regrette qu’elle se soit accrue depuis la signature de l’accord de Nouméa.
    Si j’étais taquin, je lui dirais que, si le différentiel de population entre la province Sud, d’une part, et la province Nord et les îles Loyauté, d’autre part, s’est accentué, c’est peut-être parce que le rééquilibrage économique prévu par l’accord de Nouméa n’a pas été à la hauteur. Le Sud continue donc à l’emporter sur les autres provinces en matière d’attractivité économique. (M. le rapporteur s’esclaffe.)
    Dans le cadre du rattrapage économique figurait la création d’une usine de nickel dans le Nord. Or on en a aussi ouvert une seconde dans le Sud : on est donc passé d’une usine dans le Sud contre zéro ailleurs à deux usines contre une. En termes de rééquilibrage économique, c’est un problème.
    Tout à l’heure, j’ai donné des chiffres à M. Gosselin à ce sujet. Je vais vous lire un extrait d’un document du ministère de la justice, qui établit qu’« à situation égale, un Kanak gagne en moyenne 32 % de moins qu’un non-Kanak ».

    M. Erwan Balanant

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    Madame la présidente, vous allez laisser faire cette obstruction ?

    M. Bastien Lachaud

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    « À Nouméa, les 10 % des ménages les plus pauvres (Kanak, Wallisiens et Futuniens) gagnent treize fois moins que les 10 % des ménages les plus riches (Européens), pour un ratio de un à cinq en métropole. Le taux de chômage kanak est nettement au-dessus de celui de la moyenne calédonienne globale. Bien que, depuis le début des années 1990, le niveau d’éducation ait augmenté en Nouvelle-Calédonie, en 2009, 54,1 % des Européens étaient bacheliers, contre seulement 12,5 % des Kanaks ; un jeune Européen sur deux était diplômé de l’enseignement supérieur, contre un sur vingt parmi les Kanaks. » Comme on le voit, le rattrapage économique n’a pas eu lieu.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    On a déjà entendu beaucoup de choses fausses. Mais qu’autant de mensonges aussi importants aient été prononcés dans une même intervention mérite une rectification.
    Le changement de la répartition des sièges au Congrès de la Nouvelle-Calédonie est précisément l’une des demandes des loyalistes que nous avons repoussées. Expliquer que c’est un manque dans le texte ou une demande qui sera satisfaite ultérieurement est un mensonge qu’il convient de corriger. Malgré l’anormalité de cette répartition, nous nous sommes opposés à tout changement à ce sujet et avons circonscrit le texte à la question du dégel du corps électoral.
    Une autre contrevérité figure dans les propos de M. Lachaud, qui a comparé la situation économique des trois usines de nickel existant en Nouvelle-Calédonie en feignant de ne pas savoir qu’elles ne produisent pas la même chose. De celle du Nord et de celle de Nouméa sort du nickel pour casseroles quand de la seconde usine du Sud sort du nickel pour batteries.

    M. Bastien Lachaud

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    Et alors ?

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Or la valorisation de ces activités sur le marché international est totalement différente. Cela explique les déficits structurels et les problèmes économiques des usines du Nord et de Nouméa, et la performance économique – toute relative par ailleurs – de celle du Sud. M. Lachaud vient donc de raconter n’importe quoi sur le contexte local, aussi bien politique qu’économique. C’est une sorte de performance ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 51 et 217.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        91
            Nombre de suffrages exprimés                90
            Majorité absolue                        46
                    Pour l’adoption                21
                    Contre                69

    (Les amendements identiques nos 51 et 217 ne sont pas adoptés.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement.

    M. Bastien Lachaud

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    Qui se fonde sur l’article 70, alinéa 3, de notre règlement, relatif aux mises en cause personnelles. M. Houlié me fait dire ce que je n’ai pas dit et me traite ensuite de menteur. Je trouve que c’est un peu fort !
    Je n’ai absolument pas dit que la question de la répartition des sièges au Congrès figurait dans le projet de loi ou qu’elle serait traitée ultérieurement. Je répondais au rapporteur qui soulignait la disproportion de population entre les provinces Nord et Sud, et la disjonction qu’elle crée depuis l’accord de Nouméa.

    Mme Danielle Brulebois

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Bastien Lachaud

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    Quant au nickel, si M. Houlié veut en parler, parlons-en ! Mais dans ce cas, ne réduisons pas la question à la différence entre le « nickel casseroles » et le « nickel batteries ».

    M. Erwan Balanant

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    Ce n’est pas un rappel au règlement ! C’est quel article, le nickel, dans le règlement ?

    M. Bastien Lachaud

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    Bien sûr que c’est un rappel au règlement ! Je démontre que M. Houlié a menti en me traitant de menteur.

    Mme la présidente

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    Terminez, monsieur Lachaud, s’il vous plaît !

    M. Bastien Lachaud

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    Si vous pensez que le nickel produit à Nouméa ne sert qu’à fabriquer des casseroles, c’est que vous ne connaissez rien au sujet.
    Aujourd’hui, le nickel produit à Nouméa, ce « nickel casseroles » comme vous dites, se retrouve dans les fusées, dans les avions, dans le matériel chirurgical. Sans lui, notre société ne pourrait pas fonctionner.

    M. Erwan Balanant

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    Madame la présidente, réagissez !

    M. Bastien Lachaud

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    C’est bien beau de reprendre le mantra du Gouvernement qui ne jure que par le « nickel batteries », mais sans le « nickel casseroles » on ne produit quasiment rien qui se trouve sur le marché.

    M. Antoine Léaument

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    Bien dit !

    Article 2 (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 122.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je profite de cet amendement pour revenir sur les propos de M. Houlié. Nous ne les avons pas beaucoup cités depuis hier, mais les partis calédoniens indépendantistes, qui ne sont pas représentés dans cette assemblée parce qu’ils n’ont pas accordé leurs voix à M. le rapporteur – l’Union calédonienne et le Parti de libération kanak (Palika) –, sont clairement opposés à ce projet de loi constitutionnelle. L’Union calédonienne estime que le texte est de nature à « déstabiliser les équilibres du pays ». Il fait le constat de l’échec des discussions bilatérales avec l’État et estime qu’il faut donner une chance à la discussion ouverte avec une partie des non-indépendantistes. Le Palika, quant à lui, qualifie ce projet de loi constitutionnelle de « démarche maladroite » et estime qu’il peut nuire à la conclusion d’un accord entre acteurs locaux. Face à cette provocation du gouvernement français, l’Union calédonienne a annoncé suspendre jusqu’à nouvel ordre les discussions qu’elle menait jusqu’à présent avec les groupes loyalistes et Le Rassemblement.
    Le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), qui regroupe l’Union calédonienne, le Palika et deux autres mouvements indépendantistes, s’est réuni le 23 mars dernier en congrès et demande – exige, même – le retrait de la réforme constitutionnelle. Il demande aussi avec force la création d’une médiation qui serait conduite par une personnalité de haut niveau afin de garantir l’impartialité de l’État et favoriser la reprise des négociations entre l’État et les indépendantistes. En effet, aujourd’hui les partis indépendantistes ont le sentiment – qui n’est peut-être pas qu’un sentiment, mais une réalité…

    Mme la présidente

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    Je vous remercie.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je vais poursuivre après.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Mais arrêtez !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Monsieur Lachaud, vous dénoncez à juste titre – ou vous mettez en évidence – l’exode de populations de la province Nord et de la province des îles Loyauté vers la province Sud. Vous avez raison.

    M. Bastien Lachaud

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    Ah ! Dites-le à votre voisin !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mais pourquoi cet exode ? Parce que la province Nord et celle des îles Loyauté – les provinces sont compétentes en matière de développement économique – sont, comme vous le savez, dirigées par des indépendantistes. Donc, si on veut retrouver de l’attractivité en province Nord et en province des îles Loyauté, peut-être qu’on devrait essayer l’alternance politique !
    Madame Chikirou, vous dites que l’Union calédonienne et l’Union nationale pour l’indépendance (UNI)-Palika refusent les négociations.

    Mme Sophia Chikirou

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    Non, je n’ai pas dit ça ! Vous voulez que je vous relise mon papier ? Parce que je crois que vous n’avez pas bien compris.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    En tout cas, on vous a dit que le projet de loi mettait en difficulté les discussions et les négociations.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je finirai mon intervention après.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Vous finirez après, mais je vous réponds tout de suite.
    Hier matin, j’étais en visioconférence avec Nouméa alors que des négociations sur un projet d’accord se déroulaient entre les représentants de l’Union calédonienne, du Rassemblement et des loyalistes. Les discussions sur un accord politique global en Nouvelle-Calédonie continuent en ce moment même. Cela veut dire que les partis indépendantistes participent à la négociation, même si celle-ci n’est pas officielle et ne se déroule pas aux yeux de tous – mais c’est peut-être ainsi qu’elle avance le mieux.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Sur les amendements nos 122 et 52, je suis saisie par le groupe La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale de demandes de scrutin public.
    Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je veux signaler à l’Assemblée nationale, comme je le fais depuis le début pour souligner l’obstruction de La France insoumise sur un sujet pourtant si important, que l’amendement défendu par Mme Chikirou n’est pas tout à fait en lien avec son explication de texte, puisqu’il consiste à remplacer l’expression « saisis à cette fin », par l’expression « qui sont saisis à cette fin ». (« Ah ! » sur les bancs des groupes RE, Dem, RN et LR.)

    M. Alexis Corbière

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    Et alors ? C’est du bon travail de législateur !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Quelle imagination débordante !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Darmanin, libre à vous de revenir sans arrêt sur nos amendements ; tout le monde a compris désormais, je crois, qu’ils servent avant tout à permettre la tenue d’un débat à l’Assemblée nationale. Reconnaissez que si nous n’avions pas été là, nous et nos collègues du groupe Socialistes, il n’y aurait pas eu de débat, il aurait été impossible de discuter sur le fond.
    À propos du fond, vous savez que je suis un homme de textes et que j’aime revenir aux textes fondamentaux. Il y a dans notre bloc de constitutionnalité un texte dont je vous parle moins souvent que de certains autres, mais qui me semble en l’occurrence utile : le préambule de la Constitution de 1946. Son article 14 dispose : « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. » L’article 18 dit, quant à lui : « Fidèle à sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge à la liberté de s’administrer eux-mêmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires ; écartant tout système de colonisation fondé sur l’arbitraire, elle garantit à tous l’égal accès aux fonctions publiques et l’exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus. »
    Ce que décrivent ces articles n’existe pas en Nouvelle-Calédonie. Nous vous avons rappelé les chiffres, notamment ceux de l’emploi. Le dernier juge kanak est décédé la semaine dernière. (Rumeurs sur les bancs du groupe RE.) Cela vous fait rire apparemment…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Non !

    M. Antoine Léaument

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    …et c’est dommage, car être fidèle à nos principes, notamment à nos principes constitutionnels, rappelés par exemple dans le préambule de la Constitution de 1946, devrait être l’objectif du législateur constitutionnel. Le préambule de la Constitution de 1958 rappelle notre attachement à ces principes.

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 122.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        125
            Nombre de suffrages exprimés                125
            Majorité absolue                        63
                    Pour l’adoption                26
                    Contre                99

    (L’amendement no 122 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements, nos 52 et 18, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 52.

    Mme Danièle Obono

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    Je suis sûre que le ministre aura lu attentivement cet amendement, qui n’est pas rédactionnel : il s’agit d’une des nombreuses propositions que nous avons faites sur le fond. En effet, nous sommes opposés au texte, mais nous pensons qu’il serait ainsi bien mieux écrit, tant du point de vue de la rédaction que du contenu.
    Dans la version issue du Sénat, le texte prévoit que seul le Premier ministre puisse saisir les présidents des deux assemblées du Parlement pour leur faire constater l’existence d’un accord des parties prenantes. Nous proposons par le présent amendement d’élargir la possibilité de saisine aux présidents des groupes politiques et au président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il nous semble en effet, et je crois que le débat l’a montré, que le Gouvernement n’est pas en position d’impartialité, étant donné le choix qu’il a fait de remettre en cause le cadre de Nouméa ; il ne saurait donc légitimer les accords. C’est pourquoi, après avoir proposé de créer une mission de médiation, nous suggérons d’élargir le cadre pour valider l’accord.
    L’amendement pourrait améliorer le texte et je suis sûre que le ministre, si attentif à l’écriture de nos amendements, pourra répondre sur le fond et nous expliquer pourquoi, le cas échéant, il y est défavorable. J’espère toutefois qu’il y sera favorable, car notre proposition ferait honneur au travail parlementaire et aiderait à revenir sur le terrain du compromis et du dialogue en Nouvelle-Calédonie – objectif que votre texte est censé servir.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 18.

    M. Arthur Delaporte

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    Il vise à faire en sorte que ce ne soit pas seulement le Premier ministre qui puisse saisir les présidents des deux assemblées, mais également le président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer a dit que vous vouliez rétablir la démocratie, mais je considère pour ma part qu’en Nouvelle-Calédonie, la démocratie fonctionne toujours. Le Congrès fait partie de ses institutions et son président est légitime pour saisir les présidents des deux chambres, le Sénat et l’Assemblée nationale, pour qu’eux-mêmes constatent politiquement l’existence d’un accord.
    Je tiens par ailleurs à saluer la version de l’article adoptée au Sénat. En effet, au Sénat, on pouvait amender le texte, tandis qu’à l’Assemblée nationale, on ne le peut pas car il faut tout voter conforme. Au Sénat, on pouvait réfléchir sur la nature politique de cet accord. En effet, ce qui est au centre de nos discussions depuis deux jours, c’est la suprématie du politique sur le droit, la manière dont le politique ou la politique peut s’imposer et faire en sorte que la Constitution traduise des accords politiques. Si, dans cette situation, on donnait aussi la voix à la politique locale, cela nous rendrait plus grands et plus forts.
    Monsieur le ministre, il n’y a peut-être plus de démocratie en Nouvelle-Calédonie, mais nous, parlementaires, avons encore une liberté de vote. Si nous modifions un petit aspect du texte, ce qui obligera de le renvoyer au Sénat, ce n’est pas si grave que cela ; nous en sortirons renforcés.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Arthur Delaporte a dit quelque chose de sensé : tous les groupes de la majorité se sont censurés alors que je suis sûr qu’ils avaient plein d’idées d’amendements pour améliorer le texte. Ils l’ont fait pour assurer un vote conforme, afin d’aller vite, parce que tel était le souhait du ministre de l’intérieur et des outre-mer.

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ça s’appelle la responsabilité politique, mais ça ne risque pas de vous arriver de sitôt !

    M. Bastien Lachaud

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    Et puis, patatras, dimanche le Président de la République dit qu’en fait cela ne sert à rien d’aller vite vu que, de toute manière, il ne va pas convoquer le Congrès tout de suite ! J’imagine la frustration de nos collègues qui ont été bridés dans leur volonté d’amender… Alors qu’en réalité, Arthur Delaporte l’a dit, ce n’est pas bien grave si on renvoie le texte au Sénat tant qu’il peut intégrer des amendements intelligents comme l’amendement no 52 qui propose que des groupes puissent saisir la présidente de l’Assemblée et le président du Sénat, ou l’amendement no 18, qui propose que cette possibilité soit ouverte au président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Il est de bon sens de ne pas la réserver au seul gouvernement central.
    Enfin, monsieur le rapporteur, la collectivité territoriale de Nouvelle-Calédonie enregistre un déficit de 190 milliards de francs Pacifique ; le déficit de la sécurité sociale de la Nouvelle-Calédonie a été multiplié par cinq entre 2017 et 2020. Qui était au pouvoir en Nouvelle-Calédonie depuis vingt ans ? Les loyalistes, et c’est là le bilan de leur gestion. Donc, quand vous dites que la faible attractivité économique de la province Nord et de la province des îles Loyauté est le fait des indépendantistes, j’aurais tendance à vous répondre qu’en ce moment, ils sont en train d’essayer de remettre de l’ordre dans les finances que vous avez laissées dans un état déplorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’amendement no 52.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        143
            Nombre de suffrages exprimés                143
            Majorité absolue                        72
                    Pour l’adoption                31
                    Contre                112

    (L’amendement no 52 n’est pas adopté.)

    (L’amendement no 18 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 115.

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Dommage !

    Mme Sophia Chikirou

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    Je n’ai pu terminer mon propos tout à l’heure. Je disais que les indépendantistes auraient souhaité l’intervention d’une personnalité de haut niveau pour pouvoir mener les discussions et les négociations avec la garantie de l’impartialité de l’État, malheureusement très compromise par la position du Président de la République et du Gouvernement sur ce dossier.

    M. Erwan Balanant

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    Quel rapport ?

    M. Emeric Salmon

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    Rien à voir !

    Mme Sophia Chikirou

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    L’amendement fait justement référence à une personnalité de haut niveau, Lionel Jospin,…

    M. Erwan Balanant

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    Vous voulez mettre les anciens ministres dans la Constitution. Pourquoi pas Louis Le Pensec ?

    Mme Sophia Chikirou

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    …dernier Premier ministre à être parvenu à un accord, qui a prévalu jusqu’à présent. Il importe d’écouter ce que nous disent les indépendantistes, qui représentent la partie absente dans cette assemblée. S’opposant clairement à ce projet de loi constitutionnelle – non pas forcément au dégel du corps électoral, mais à la façon de procéder –, ils demandent la reprise des discussions. Pour le faire, monsieur le ministre, la confiance manque : comment la rétablir quand les parties se confrontent et que l’archipel connaît depuis maintenant quarante-huit heures des troubles et des violences, qui risquent d’aggraver les choses ?
    La parole des indépendantistes est très sensée ; ils ne veulent pas que la situation dégénère. Ils disent : nous n’avons pas encore eu de mort, nous ne sommes pas arrivés au point de non-retour. Évitons un mort !

    Mme la présidente

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    Je vous remercie.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je terminerai plus tard.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    Pour aller dans le sens de ce qui vient d’être dit, la question posée est celle de la reprise du dialogue. Le nom de Lionel Jospin est mentionné parce que, conformément à la tradition qui a toujours été celle des Premiers ministres, il incarne le sens du dialogue et du compromis dans les rapports entre l’État et la Nouvelle-Calédonie. D’autres anciens Premiers ministres se sont exprimés récemment pour rappeler cette mission de dialogue.

    M. Erwan Balanant

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    Un peu de sérieux, on nous regarde !

    M. Matthias Tavel

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    On voit bien comment l’intervention du seul ministre de l’intérieur a jeté de l’huile sur le feu. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Par le passé, la gestion par le Premier ministre favorisait au contraire une approche susceptible de rassembler tout le monde et d’aboutir à des accords. Cela soulève la question du dialogue et de la confiance.
    Je reviens sur ce qu’a dit mon collègue Lachaud de façon très claire. Vous ne pouvez pas nous dire à la fois qu’il faut voter vite et conforme et que vous ne convoquerez pas le Congrès : il y a là au mieux une incohérence, au pire une hypocrisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Soit vous avez en tête de convoquer le Congrès rapidement et le Président, qui a simplement cherché à gagner du temps dans la perspective de l’examen de ce texte, n’attend que le vote du texte pour convoquer le Congrès afin de passer en force, comme à votre habitude ; soit vous avez vraiment l’intention de ne pas convoquer le Congrès et, puisqu’il n’y a aucune raison de voter vite et de voter conforme, vous pouvez laisser le Parlement faire son travail. Dans tous les cas, faites au moins l’effort de la cohérence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent en cette heure tardive croient que l’amendement de La France insoumise dont nous discutons porte sur la capacité du Gouvernement à dialoguer ou sur un accord. Il s’agirait pour la première fois dans l’histoire des constitutions de toutes les républiques – des textes que M. Léaument cite sans peut-être toujours les comprendre… (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Laurent Alexandre

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    C’est scandaleux, pour qui vous prenez-vous ?

    M. Laurent Jacobelli

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    Il connaît bien Léaument !

    M. Matthias Tavel

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    Retirez vos propos !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    J’ai dit : « peut-être » !

    M. Matthias Tavel

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    Le rapporteur s’est excusé tout à l’heure, vous devriez en faire autant !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    L’enquête le dira.
    L’obstruction caractérisée et le mépris que vous avez pour le débat parlementaire comme pour la question calédonienne vous conduisent à vouloir inscrire le nom de Lionel Jospin dans la Constitution, au moment où, en Nouvelle-Calédonie, des gens luttent pour la démocratie. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Un tel débat est trop sérieux – pour la démocratie, la République et la Constitution – pour que nous puissions entendre sans réagir des prises de parole qui se succèdent dans le seul but de faire perdre du temps à la représentation nationale, par la défense d’amendements qui, au mépris de la Constitution de la Ve République, visent à introduire tout et n’importe quoi dans le texte !
    Alors que les groupes GDR, Socialistes et Écologiste ont retiré leurs amendements respectifs tout en continuant de ne pas être d’accord et de débattre, La France insoumise multiplie les incidents de séance…

    M. Matthias Tavel

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    Vous méprisez les parlementaires ! C’est vous le provocateur !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et les arguments qui n’ont rien à voir avec la démocratie, pour la bonne et simple raison que vous vous fichez de la Nouvelle-Calédonie. Ce qui vous intéresse, c’est la bordélisation ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Applaudissements sur les bancs des groupes RE, RN, LR et HOR.) Avis défavorable.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe RE et sur divers bancs des groupes RN, Dem et HOR.)

    M. Bastien Lachaud

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    Sur la base de l’article 70, alinéa 3 de notre règlement. Le ministre de l’intérieur est le seul à créer des incidents de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il insulte mon collègue Léaument et méprise le débat parlementaire : lorsque nous posons des questions de fond, il ne répond pas. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Ce n’est pas un rappel au règlement !

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est un one man show !

    M. Bastien Lachaud

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    Nous n’avons toujours pas les chiffres à cinq ou dix ans, pas plus que de réponse quant au toilettage des listes électorales et à la manière dont il entend s’assurer de la présence effective des votants. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN, Dem et HOR.)

    M. Erwan Balanant

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    Soyez responsables !

    M. Bastien Lachaud

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    Puisque tout le monde a besoin de calme, je demande une suspension de séance de dix minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise. Il ne nous reste que dix amendements à traiter avant d’achever la discussion des articles pour lesquels le président de la commission des lois a demandé un examen prioritaire. Les amendements restants sont plus éloignés du cœur du sujet.

    M. Philippe Gosselin

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    Et même carrément éloignés !

    M. Jean-François Coulomme

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    Mais tout aussi importants !

    Mme la présidente

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    Je pense donc que nous pouvons avancer – j’ai essayé de le dire de façon élégante, monsieur Gosselin !

    M. Philippe Gosselin

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    C’était bien amené ! Vous étiez dans votre rôle, madame la présidente.

    Article 2 (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Nous allons passer au vote sur l’amendement no 115, qui a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

    (L’amendement no 115 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 19.

    M. Arthur Delaporte

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    Nous aurions pu décliner cet amendement à l’infini.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous ne vous êtes pas gênés !

    M. Arthur Delaporte

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    Nous proposons un délai de huit jours au lieu de dix, mais nous aurions pu proposer onze, douze ou treize jours ! Nous aurions pu déposer autant d’amendements qu’il y a de jours dans l’année. Mais pour raccourcir nos débats, nous nous contentons de cet amendement de principe. Pourquoi un délai de dix jours ? Pourquoi pas huit ou douze ? Nous soulignons ainsi les limites de ce texte qui demeure très flou. Nous pourrions conserver ce délai de dix jours, mais qu’en serait-il si l’accord était trouvé dans la nuit du neuvième au dixième jour ? Il y aurait alors un scrutin, et tout serait fini.
    Notre objectif, c’est de permettre aux négociations de déboucher sur un accord, sans qu’un délai en limite la possibilité. Cette date butoir n’est pas suffisante et vous devez arrêter de faire pression.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Soutenant cet amendement, j’en profite pour interroger M. le ministre et M. le rapporteur. Le Premier ministre a déclaré qu’il souhaitait « rétablir l’ordre, le calme et la sérénité » : nous sommes tous d’accord là-dessus. Mais vous êtes un homme trop affûté, monsieur le ministre, pour méconnaître la situation en Nouvelle-Calédonie : les tensions y sont considérables. Si l’on veut véritablement « rétablir l’ordre, le calme et la sérénité » et – je reprends cette fois les mots du Président de la République – « privilégier le dialogue », l’adoption d’un tel texte ne le permettra pas, et vous le savez. C’est la raison d’être du débat que nous vous proposons. Ne méprisez pas nos amendements !
    Nous utilisons les armes parlementaires à notre disposition pour dire à toute cette assemblée : n’adoptons pas ce texte (M. Matthias Tavel applaudit), car nul ne peut ignorer que s’il est adopté, il créera dans l’archipel une tension qui risquerait d’entraîner l’irréparable. (« Non ! » sur divers bancs.) Voilà ce que nous disons : entendez-le !
    Le collègue Tavel, reprenant lui aussi les mots du Président de la République, vous disait qu’il n’était pas certain que le Congrès adopte ce texte. Alors, pourquoi se précipiter pour l’adopter ici ? Pourquoi une telle précipitation ? Nous savons qu’en accélérant le calendrier parlementaire, nous allons créer les conditions d’une grande tension – comme l’archipel en a déjà connu.
    Ne méprisez donc pas ce que nous faisons et cessez d’utiliser un vocabulaire dévalorisant à notre encontre. Nous vous demandons de saisir la gravité du moment. Sinon, de grâce, cessez de dire dans les journaux que vous voulez privilégier le dialogue ! Par définition, ce dont les différents acteurs concernés veulent débattre, c’est précisément de ce texte : si nous l’adoptons sans débat, il n’y aura plus de dialogue, ou bien un faux dialogue !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    C’est ce que vous faites en ce moment !

    M. Alexis Corbière

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    Dans certains mouvements politiques comme le vôtre, peut-être ne discute-t-on qu’une fois les textes adoptés, mais pour notre part, en tant que parlementaires, nous pensons que nous avons besoin de dialoguer pour déterminer ce que nous adoptons.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous êtes adeptes du dialogue, à La France insoumise, c’est bien connu !

    (L’amendement no 19 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 123.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Darmanin, vous m’avez dit tout à l’heure que je citais des textes sans les comprendre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    J’ai dit : « peut-être » !

    M. Antoine Léaument

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    Ma foi, je m’emploie à citer des textes dont j’appelle à respecter le principe, tandis que vous, vous ne respectez pas les textes que je cite, ce qui commence à poser problème ! Je préfère ma position à la vôtre. (« Oh là là ! » sur quelques bancs du groupe RE.)
    D’ailleurs, vous vous êtes trompé, hier, en présentant comme l’article 1er de la Constitution de 1958 ce qui était en réalité l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

    Mme Émilie Bonnivard

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    L’amendement !

    M. Antoine Léaument

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    Moi, au moins, je ne fais pas ce genre d’erreur !

    M. Grégoire de Fournas

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    Vous l’avez déjà dit !

    M. Charles Sitzenstuhl

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    Vous l’avez déjà dit dix fois, c’est ridicule !

    M. Antoine Léaument

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    Je pense, monsieur Darmanin, que vous ne savez plus trop où vous allez. De ce fait, vous perdez vos nerfs et vous essayez de provoquer des incidents afin que le débat dure longtemps et que nous ne parvenions pas au vote ce soir, contrairement à ce que vous aviez d’abord dit. En effet, vous sentez que vous vous trouvez dans une impasse. Si vous acceptiez l’amendement que nous vous proposons ici, qui est rédactionnel et dont l’adoption ne changerait finalement pas grand-chose au texte, cela vous permettrait de gagner du temps : vous vous laisseriez le temps de la réflexion, puisque le texte devrait revenir au Sénat pour aboutir à un vote conforme. Vous avez l’air empêtré dans une stratégie que vous ne maîtrisez plus. La représentation nationale vous propose donc une porte de sortie digne, puisqu’à l’évidence, vous n’avez pas su prendre la décision politique qui s’imposait : le retrait du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 123, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 124.

    Mme Danièle Obono

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    Il est lui aussi rédactionnel : le ministre, à défaut de répondre au fond de nos interpellations, pourra toujours le lire à la représentation nationale.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est vrai qu’il est intéressant !

    Mme Danièle Obono

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    Nous pensons que ce texte doit être amendé pour laisser du temps à la discussion. Nous avons formulé plusieurs propositions de fond, qui contenaient les éléments d’un dialogue dont nous pourrions accepter les termes. Elles auraient permis de gagner du temps en vue d’un accord global que tout le monde appelle de ses vœux, mais vous les avez rejetées en disant que le projet de loi constitutionnelle est à prendre ou à laisser, tel qu’il est. Vous comprenez bien que de notre point de vue, en tant que députés, nous ne pouvons toucher ainsi à la Constitution, comme vous nous le demandez : ce n’est pas de cette manière que l’on traite la représentation nationale.
    En outre, dans le cadre de ce débat, nous constatons – nous l’avons dit et répété, et nous le redirons aussi longtemps qu’il le faudra – que vous n’avez pas respecté la condition nécessaire d’impartialité. Vous n’êtes donc plus en position de garantir le bon déroulement du processus. C’est pour cette raison que nous insistons sur la défense de ces amendements rédactionnels : nous en appelons à la responsabilité des parlementaires pour qu’ils reprennent la main sur le processus, en faisant en sorte qu’au gré de la navette avec le Sénat, nous le remettions sur les rails de l’accord de Nouméa.
    Nous permettrions ainsi à ce qui sera peut-être entériné dans quelques semaines ou dans quelques mois d’être effectivement l’expression du compromis calédonien, auquel nous aurions laissé le temps d’aboutir. Un consensus aurait ainsi été trouvé au sein de l’Assemblée nationale, comme ce fut le cas en d’autres occasions – lors de la législature précédente, par exemple, nous avions voté à l’unanimité pour la précédente réforme constitutionnelle, qui était l’expression d’un compromis.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danielle Brulebois.

    Mme Danielle Brulebois

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    Nous assistons là à un travail parlementaire du niveau du cours élémentaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je regrette, mais ce n’est pas le travail d’un député que d’occuper le temps de l’Assemblée avec de tels amendements. J’en cite quelques-uns : « substituer aux mots : afin de le mot : pour » ; « substituer au mot : restreint le mot limité » ; « substituer au mot : précitée les mots : citée précédemment » ; « substituer au mot : Toutefois le mot Néanmoins » ; « substituer au mot : remplissant les mots : qui remplissent ».
    On voit bien que vous ne défendez pas vos amendements : ce que vous faites n’est pas un travail de député ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – M. Jean-Paul Mattei applaudit également.)

    M. Jean-François Coulomme

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    On n’a pas le 49.3, nous ! Si nous l’avions, ça irait plus vite !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je tiens juste à rappeler une chose, même si nous nous en sommes expliqués à plusieurs reprises : ce que nous faisons là permet d’aborder absolument tous les arguments du débat. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Daniel Labaronne

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    Mais non ! Mais non !

    Mme Sophia Chikirou

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    La séquence est très intéressante, car elle renvoie au calendrier législatif et à la question suivante : est-il nécessaire ou non de légiférer dans l’urgence ? Pour notre part, nous considérons, compte tenu de la décision du monarque présidentiel de ne pas convoquer le Congrès – décision que, pour le coup, je trouve assez raisonnable –, qu’il n’y a pas d’urgence à légiférer en adoptant ce texte. C’est notre droit le plus absolu et, en défendant ces amendements, nous permettons à l’intégralité des arguments de s’exprimer. L’adoption de n’importe lequel de ces amendements – celui-là, par exemple, qui n’est pas si mal – permettrait d’éviter un vote conforme et donc de gagner du temps. Le temps, c’est justement ce que demandent les différentes parties prenantes, car elles souhaitent sortir par le haut d’une situation qui, je vous le rappelle, est déjà explosive en Nouvelle-Calédonie.
    Je tiens à rappeler une chose : il est tout à fait possible de reporter les élections provinciales. Cela n’a rien impossible ! Ainsi, d’après le Conseil d’État, bien que l’accord de Nouméa prévoie que le mandat des élus sera de cinq ans, « il est possible au législateur organique de prolonger les mandats en cours […] dans un but d’intérêt général ». Or il y a là un intérêt général suprême, majeur, qui est celui de la paix civile ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je vous assure que si nous étions vraiment tous préoccupés par la paix et par l’intérêt général de la Nouvelle-Calédonie – mais aussi de l’ensemble de la République française –, nous déciderions de ne pas aller au bout de l’examen du texte. Nous déciderions de gagner du temps pour laisser une chance à la paix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 124 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 125.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Darmanin, contrairement à vous, j’essaie de débattre de manière respectueuse. Lors du débat sur le projet de loi « immigration », lorsque vous aviez été battu par la motion de rejet préalable, vous aviez pris une décision politique que j’ai personnellement respectée, en dépit de nos désaccords très profonds sur le texte en question. Lorsque vous avez été battu, vous avez proposé votre démission à M. le Président de la République, Emmanuel Macron.

    Mme Sophia Chikirou

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    C’était une bonne idée !

    M. Antoine Léaument

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    C’était la bonne décision puisque vous aviez été mis en minorité à l’Assemblée nationale. Vous êtes donc capable de courage politique, y compris lorsque cela vous coûte. Ce n’est pas parce que M. Macron n’a pas respecté votre décision que je ne vous sais pas gré d’avoir, parfois, le courage politique nécessaire.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Quel est le rapport ?

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Gagner du temps !

    M. Antoine Léaument

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    C’est encore ce qu’il vous faudrait aujourd’hui, car reculer lorsqu’on s’est enfermé dans l’erreur, ce n’est pas être lâche ou faible, c’est au contraire faire preuve de courage politique.
    La situation en Nouvelle-Calédonie nous appelle tous à avoir le sens des responsabilités. Les débats étaient très virulents hier soir mais la tension est retombée, en partie grâce aux interventions de notre collègue Dunoyer, député de Calédonie, et à la manière dont les débats ont été conduits par Mme la présidente de l’Assemblée nationale. Dans un tel moment, nous nous devons, en tant que législateurs, d’être profondément républicains et de prendre les mesures qui garantiront la paix civile.
    Collègues, je sais qu’il est tard et que beaucoup d’entre nous sont fatigués. Je préférerais que l’on retire le texte, car la question serait alors réglée pour nous aussi, mais ce qui m’importe par-dessus tout, c’est la décision politique que nous prendrons ce soir. Je vous invite instamment à réfléchir à ce que vous pouvez faire pour restaurer la paix civile en Calédonie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 125, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Sur l’article 2, je suis saisie par les groupes Renaissance et Rassemblement national d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 126.

    M. Antoine Léaument

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    Je ne sais plus comment je pourrais vous convaincre. Essayons par les principes. Les débats d’hier étaient extrêmement tendus, sans doute parce qu’un bon nombre de nos collègues prenaient la question avec légèreté, sans avoir en tête que l’accord de Nouméa stipule que la France est une puissance coloniale en Nouvelle-Calédonie. C’est un cas singulier, pour ne pas dire unique. La France admet le statut particulier de la Nouvelle-Calédonie en reconnaissant l’installation d’un peuple premier avant l’arrivée d’un autre peuple, un peuple colonisateur. C’est rarissime, tout comme l’est la reconnaissance par le peuple colonisé du peuple arrivé en cours de route.

    M. Emeric Salmon

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    Arrivé en cours de route ? Cela n’a ni queue ni tête !

    Un député du groupe RN

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    Qu’il reprenne ses livres ! (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Pardon ? Nous essayons de débattre des principes fondamentaux de la République ! Je comprends que cela vous agace d’aborder le fond du sujet, mais de notre côté, nous essayons au moins d’engager le débat sur cette voie ! (Protestations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Un peu de calme, s’il vous plaît ! Nous n’avons plus que trois amendements à examiner à l’article 2. Veuillez conclure, monsieur Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    La situation est délicate et doit être traitée avec tact. Je vous le répète : il est encore possible de trouver une solution diplomatique, au sens où elle serait le fruit du dialogue et du débat. Vous pouvez encore trouver une issue politique, à condition de retirer le projet de loi ou d’adopter l’un de nos amendements, ce qui aurait pour conséquence le renvoi du texte au Sénat – au moins pour gagner du temps. Vous êtes députés : ayez la dignité de faire un choix qui ne vous soit pas dicté par le Gouvernement, mais qui vous appartienne pleinement.

    M. Daniel Labaronne

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    Nous n’avons pas de conseils à recevoir de votre part !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    Collègues, nous parlons d’un territoire marqué par des faits politiques. Je pense, bien évidemment, à la prise d’otages d’Ouvéa, le 5 mai 1988, qui a conduit, dans une période d’extrême tension politique, à la mort de vingt et une personnes, dont deux gendarmes et dix-neuf militants kanak. Tout le monde s’accorde aujourd’hui, y compris de hauts responsables du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale), pour reconnaître que ce drame aurait pu être évité si le dialogue politique avait été possible.

    M. Philippe Gosselin

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    Il est toujours possible de réécrire l’histoire.

    M. Alexis Corbière

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    L’histoire de notre pays nous l’a enseigné, mais c’est particulièrement vrai dans des territoires comme la Nouvelle-Calédonie : il faut savoir saisir et comprendre certains moments de tension, pour redonner sa place au politique et prendre conscience que la brutalité peut avoir des conséquences terribles.
    Nous pensons qu’à l’heure où nous parlons, l’île en est à ce stade. La situation peut s’enflammer.

    Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho

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    Elle s’est déjà enflammée !

    M. Alexis Corbière

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    Si vous voulez faire adopter ce texte rapidement, vous en assumerez la responsabilité, monsieur le ministre de l’intérieur ! Si de tels drames se produisent, ce sera à cause de cette mauvaise analyse politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Exclamations sur les bancs du groupe RE.)
    La situation est grave. Je vais vous le dire plus simplement, les yeux dans les yeux : s’il y a des morts demain ou après-demain, vous aurez beau hurler… (Vives protestations sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    Monsieur le député…

    M. Alexis Corbière

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    Mais oui, c’est bien de cela qu’il est question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – Huées sur les bancs du groupe RE.) Le sang a coulé et nous ne voulons pas que cela se reproduise !

    Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho

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    Si, vous le voulez !

    M. Alexis Corbière

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    C’est une question de temps. Nous pensions être proches de l’accord politique. Qu’importe de perdre quinze jours, un mois, trois mois, si c’est le prix à payer pour restaurer la paix dans un territoire marqué par une histoire particulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Voilà où nous en sommes.
    Monsieur le ministre, vous ne répondez pas à cette exigence de célérité. C’est vous qui faites de l’obstruction en vous y refusant… (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé.)

    Mme la présidente

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    Monsieur le député, votre temps est écoulé. Nous débattons de ce texte en hémicycle depuis hier et tous les sujets que vous évoquez ont été abordés. Vos interventions sont quelque peu déplacées, d’autant plus que vous employez un ton inadapté à la séance. Je vous le dis comme je le pense ! (Les députés du groupe RE se lèvent et applaudissent, de même que de nombreux députés des groupes LR, Dem et RN, sous les protestations continues des députés du groupe LFI-NUPES.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Alexis Corbière, pour un rappel au règlement.

    M. Alexis Corbière

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    Article 70 alinéa 3 du règlement ! Madame la présidente, si vous me permettez cette familiarité, les yeux dans les yeux… (Huées sur les bancs des groupes RE et RN.)

    Mme la présidente

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    Non, je ne vous permets pas ! Avançons, à présent !

    Article 2 (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement no 126.

    (L’amendement no 126 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 127.

    M. Antoine Léaument

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    Depuis hier soir, il arrive que les débats soient parfois tendus, parfois apaisés.

    M. Laurent Jacobelli

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    C’est la troisième fois qu’il nous ressert cela…

    M. Antoine Léaument

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    Je vous ai expliqué tout à l’heure ce que je crois être la source de cette tension mais, à l’heure où nous débattons, la tension est déjà extrême en Nouvelle-Calédonie et c’est le cœur lourd que nous examinons ce texte ce soir – du moins, pour ceux d’entre nous qui débattent.

    M. Laurent Jacobelli

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    Vous, vous êtes lourd tout court !

    M. Antoine Léaument

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    Nous débattons en ayant en tête ce qui se passe là-bas et nous essayons de trouver la meilleure voie pour restaurer la paix civile.

    M. Michel Guiniot

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    Vous faites de l’obstruction !

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur du Rassemblement national, je n’entends pas ce que vous dites.

    Mme la présidente

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    Un peu de silence et de calme, s’il vous plaît !

    M. Antoine Léaument

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    Quelqu’un parle de colonisation ? Vous feriez mieux de calmer le jeu plutôt que de vous embarquer dans ce genre de débat car, que je sache, le président qui a occupé cette fonction à l’Assemblée nationale avant Mme Braun-Pivet a défendu la colonisation de l’Algérie. (Exclamations sur les bancs des groupes RE, RN et LR.)
    Nous parlons ici de principes qui valent pour la Nouvelle-Calédonie, mais aussi pour tous les territoires qui subissent, eux aussi, des événements en lien avec le passé colonial de la République française ! (Mêmes mouvements.)
    Quand on pense qu’on trouve encore une représentation de la colonisation de l’Algérie dans la salle qui jouxte notre hémicycle, je crois qu’il serait temps de réfléchir collectivement avant de lancer le sujet de la colonisation !

    Un député du groupe RE

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    Quel est le rapport avec le texte ?

    M. Antoine Léaument

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    J’essaie de calmer le jeu, moi aussi, madame la présidente (Protestations sur les bancs des groupes RE, RN et LR), mais nous essayons de vous faire comprendre que, lorsque la situation atteint un tel niveau de tension, les symboles sont capitaux et la manière dont se comporte notre assemblée est observée par nos concitoyens, en particulier en Nouvelle-Calédonie !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Nous débattons de ce texte depuis deux jours, et écouter les arguments des uns et des autres ne nous pose aucun problème, mais j’appelle à présent chacun des députés présents dans l’hémicycle au calme, par respect pour les événements qui se déroulent en ce moment en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LR et RN.)
    Il y a en ce moment même des écoles et des églises qui brûlent. Je ne nie pas votre droit à être contre ce texte et à nous présenter vos arguments. Je voudrais simplement que les débats qui se tiennent à l’Assemblée nationale soient à la hauteur de la tragédie qui se vit là-bas, ne serait-ce que par respect pour ceux qui nous regardent depuis la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE et sur quelques bancs des groupes LR et RN.)
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Comme on peut l’entendre dans Les Tontons flingueurs, « la confusion peut encore s’expliquer, mais les termes sont inadéquats. » Monsieur Léaument, votre amendement n’a aucun rapport avec votre tirade lyrique. Il tend, en effet, à remplacer l’expression « les conditions prévues à l’article 45 » par « les conditions qui sont prévues à l’article 45 ». (Applaudissements sur les bancs du groupe RE. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    On peut s’autoriser beaucoup de choses, même quand on débat d’un sujet comme celui de la Nouvelle-Calédonie, mais il faut tout de même rester sérieux. Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Je vous le dis très calmement : un peu de respect, monsieur le ministre ! Un peu de respect pour nous, parlementaires, et pour le travail que nous réalisons tous, même si certains d’entre nous ressentent de l’animosité. Jamais vous n’aviez poussé aussi loin votre volonté d’imposer à la France entière votre pensée unique pour nous empêcher de nous exprimer ici comme nous l’entendons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Que voulez-vous pour la Nouvelle-Calédonie ? La paix ou la guerre ? Si je vous interroge, c’est que la question se pose, à entendre vos arguties. Vous prétendez, depuis le début de l’examen de ce texte, qu’il sera plus facile d’aboutir à un accord entre les parties si on vote ce projet de loi. Ce sera tout le contraire ! Et votre position témoigne de votre méconnaissance de la mentalité kanak. Finalement, vous ignorez tout de vos concitoyens. Ce n’est pas le couteau sur la gorge que les Kanaks accepteront quoi que ce soit. Si, au lendemain de ce vote, la mèche dont vous approchez le briquet s’enflamme, si la situation finit par exploser,…

    Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho

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    Pour le moment, c’est vous qui tenez le briquet !

    M. Jean-Philippe Nilor

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    …continuerez-vous à proclamer que le vote de ce texte serait un signe d’apaisement ? Quand reconnaîtrez-vous enfin vos erreurs ? Vous êtes arc-bouté dans votre posture coloniale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Ce n’est pas ainsi que vous réussirez ! Les précédents gouvernements ont choisi la voie de l’intelligence, mais vous, vous préférez faire marche arrière, jusqu’à l’extrême droite ! (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous ne pouvez pas me faire le reproche d’une quelconque posture coloniale, à moi qui suis petit-fils de colonisés. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Vous n’avez pas à distribuer les bons et les mauvais points entre ceux qui seraient les dominateurs et ceux qui seraient dominés. Vous n’avez pas à considérer que certains ministres mépriseraient la représentation parlementaire et se tiendraient éloignés des difficultés que vivent leurs concitoyens. J’ai été député, comme vous, élu par le peuple à qui appartient la souveraineté nationale, pour le représenter ! Je n’ai aucune leçon de démocratie ou d’histoire coloniale à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RE.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est vous qui êtes manichéen, monsieur le député, comme l’a été M. Corbière en exposant de façon assez irresponsable une vision selon laquelle l’un des deux camps voudrait la guerre, la mort, les atrocités.
    C’est quasiment ce que vous exprimez depuis le début de ces discussions, monsieur le député. On a le droit de ne pas être d’accord avec vous sans pour autant vouloir la mort ! Il faut que vous acceptiez que vous n’êtes pas le camp du bien, vous n’êtes qu’un camp dans le champ des opinions politiques. Vous n’êtes pas le camp du bien,…

    Mme Mathilde Panot

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    Nous sommes le camp des opprimés !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et il me paraît fort heureux que vous ne le soyez pas, quand j’entends ces expressions collectives empreintes de violence et dénuées de respect pour les forces de l’ordre, en dépit des appels au respect de M. Dunoyer et M. Metzdorf.
    Ils jouent plus ici qu’un combat consistant en quelques minutes de discussion sur internet : ils jouent l’avenir de leur archipel, de leurs familles. Et vous n’avez pas un mot pour condamner le fait qu’ils soient menacés de mort dans leur propre île ! (De nombreux députés des groupes RE, Dem, HOR et LIOT se lèvent et applaudissent longuement.) Pas un mot ! Pas un mot pour les forces de l’ordre ! Pas un mot pour les parlementaires dont la vie est menacée !
    Monsieur le député, une bonne fois pour toutes, cessez de dire qu’il y a d’un côté les Kanaks, de l’autre les Européens ! La République, ce n’est pas la couleur de peau ! Fort heureusement, il y a des Européens qui sont pour l’indépendance et des Kanaks qui sont pour la France ! C’est la grandeur de notre pays ! (Mêmes mouvements.) Arrêtez les caricatures ! Vous n’êtes pas dans un meeting de Mélenchon ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Mathilde Panot

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    C’est incroyable !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Frédéric Maillot.

    M. Frédéric Maillot

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    Je suis issu de La Réunion, qui est une « ancienne » colonie française – je mets « ancienne » entre guillemets, je le souligne.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Je suis savoyarde !

    M. Frédéric Maillot

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    J’ai vu ma langue disparaître au profit d’une seule autre langue, celle de la République française.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Moi aussi, en Savoie !

    M. Frédéric Maillot

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    J’ai vu mon histoire dissimulée, bafouée, au profit d’une seule histoire, l’histoire coloniale française. J’ai vu mon peuple obligé de prendre l’avion pour trouver du boulot, tandis que les « métros » viennent chez nous pour occuper des postes à responsabilité. Il convient d’être avec le peuple qui meurt, qui est gazé au nom de la liberté, plutôt qu’avec une fausse démocratie qui bafoue la liberté, parce que, quand on veut écrire l’histoire, on ne prend pas de raccourcis.

    Mme Charlotte Parmentier-Lecocq

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    Madame la présidente, cela n’a rien à voir avec l’amendement !

    M. Frédéric Maillot

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    Quand on veut écrire l’histoire, on respecte les peuples autochtones, l’homme avec un grand H ! Ce soir, vous allez écrire l’histoire, ce vote va l’écrire. Mais, comme par le passé, ce sera encore et toujours à l’encre coloniale ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jérôme Legavre se lève et applaudit.)

    (L’amendement no 127 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 128.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je vois que l’hémicycle s’est rempli. Il est vrai que tout le monde n’a pas pu suivre les débats. Je sais que les collègues sont souvent en commission et que, s’ils ne sont pas là, ce n’est pas parce qu’ils ne s’intéressent pas au sujet. Ces débats nous ont permis d’approfondir notre discussion et notre connaissance de la situation.
    Je me permets de rappeler, au sujet de cet amendement, des choses que certains ignorent peut-être, ou méconnaissent du moins. La Nouvelle-Calédonie, ce n’est pas n’importe quel territoire de la République française. Il est inscrit par l’ONU sur la liste de ceux qui restent à décoloniser. Le processus dont nous parlons prend du temps. Il vise à répondre à la nécessité de trouver les voies de la décolonisation.
    Nous voulions – et cela faisait jusqu’à présent l’objet d’un consensus, d’un accord entre les différentes parties – qu’en la matière, l’État français fasse preuve d’une totale impartialité et que l’accord recherché résulte d’une décision des parties s’accordant entre elles, et dont l’État ne se mêlerait en aucune façon – sur laquelle, en tout état de cause, il s’abstiendrait d’exercer la moindre pression.
    Or, par ce projet de loi constitutionnelle, l’État rompt avec ses engagements et avec la Constitution même, ainsi qu’avec l’accord de Nouméa, donnant l’impression qu’il prend parti pour un camp : celui de ceux qui veulent à tout prix éviter la voie de l’indépendance.
    Ce n’est pas forcément cette dernière qui l’emportera à l’issue de ce processus de décolonisation. Il y a plusieurs façons de décoloniser un territoire, et je voudrais vous en parler. Le premier principe, essentiel, c’est l’autodétermination des peuples.

    Mme la présidente

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    Il vous sera difficile de poursuivre, madame la députée : votre temps de parole est écoulé. Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Matthias Tavel.

    M. Matthias Tavel

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    Je préférerais que ma collègue Chikirou puisse terminer son intervention précédente, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Dans ce cas, je vous redonne la parole afin de vous permettre de conclure, madame Chikirou.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que mon collègue Matthias Tavel. Je voudrais parler des voies de la décolonisation. On peut tout à fait imaginer que les peuples de Nouvelle-Calédonie, plutôt que de choisir l’indépendance – comme ils ont le droit de faire –, décident de créer un État plurinational, avec une citoyenneté et plusieurs nationalités sur ce territoire. Pourquoi pas ?
    Ils pourraient aussi décider de créer un seul et unique peuple. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : nous reconnaissons qu’en Nouvelle-Calédonie, il y a deux peuples, puisqu’il y a un peuple premier.
    Les voies de la décolonisation peuvent être pacifiques. Les parcourir prend du temps, mais la colonisation aussi dure depuis longtemps, et s’est faite dans la violence. Nous espérions ne pas rompre avec ce que nous avions réussi à installer depuis quarante ans, c’est-à-dire un dialogue, un processus de décision peut-être lent du point de vue de certains ici, mais qui permettait en tout cas qu’il n’y ait pas de violence, pas de mort.
    Le territoire de la Nouvelle-Calédonie est traumatisé par la violence du processus de décolonisation et il n’est pas le seul : nous le sommes tous. Nous ne pouvons pas faire comme si nous étions hors du temps, hors du monde. En ce moment même, dans le monde, la colonisation, sa violence meurtrière et barbare, nous émeuvent, nous bouleversent, nous mobilisent aussi.
    C’est un sujet qui peut donner lieu à un certain échauffement des esprits, mais c’est normal, car, pour beaucoup d’entre nous, il remue des choses insupportables. Nous ne supportons pas l’injustice, et ce que vivent les Kanaks en Nouvelle-Calédonie est une injustice qui ne s’arrête pas.
    On vous a parlé des injustices et des inégalités sociales et économiques. L’État français ne nous a pas apporté de réponse satisfaisante : il n’a pas réussi à endiguer la violence, à réparer les fautes de la colonisation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    (L’amendement no 128 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’article 2.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        258
            Nombre de suffrages exprimés                251
            Majorité absolue                        126
                    Pour l’adoption                178
                    Contre                73

    (L’article 2 est adopté.)

    Après l’article 2 (amendements appelés par priorité)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements portant article additionnel après l’article 2, nos 41 et 42, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à M. Matthias Tavel, pour soutenir l’amendement no 41.

    M. Matthias Tavel

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    Par cet amendement, nous voulons proposer une issue pour l’apaisement, ce que le Gouvernement aurait dû faire, et à quoi il se refuse. Mais nous, parlementaires, avons la possibilité d’en prendre l’initiative.
    Cet amendement vise à imposer la création d’une mission de dialogue pour que la confiance puisse être rétablie, pour que la perspective d’un accord global soit de nouveau ouverte, là où ce texte tente d’imposer une solution à l’un des deux camps en présence.
    Nous proposons que notre assemblée vote cette mission de dialogue afin qu’elle existe, afin que l’Assemblée nationale, consciente de la nécessité de l’unité et de la concorde, accomplisse le devoir qui est attendu d’elle, c’est-à-dire qu’elle crée les conditions propices à ce que toutes les parties concernées se retrouvent et que le dialogue s’engage.

    M. Erwan Balanant

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    Tu l’as déjà dit trois fois !

    M. Matthias Tavel

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    Plusieurs Premiers ministres y ont appelé : je pense à Jean-Marc Ayrault et à Édouard Philippe, qui ne sont pas des Insoumis. Vous jugerez peut-être, monsieur le ministre, que ce sont des agents de la bordélisation. Nous croyons au contraire qu’en la matière, la parole des anciens Premiers ministres est sage, et qu’il faut l’écouter.
    C’est une question de cohérence, je vous l’ai déjà dit. Vous ne pouvez pas à la fois, s’agissant de la révision constitutionnelle relative à la Corse, être soucieux de l’accord unanime des élus de la collectivité territoriale de Corse, et, vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie, passer outre l’accord des élus locaux, choisis par les populations de ce territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Faites au moins l’effort de la cohérence ! Si vous voulez vraiment l’apaisement, le dialogue et la sérénité, il ne faut pas voter ce texte qui dispense le Président de la République de convoquer le Congrès. Si vous souhaitez faire preuve de cohérence, il faut voter cet amendement afin de créer cette mission de dialogue et pour qu’enfin la concorde puisse régner de nouveau en Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.)

    M. Alexis Corbière

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    Exactement !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 42.

    M. Bastien Lachaud

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    Cela fait deux jours que nous avons ces discussions. M. Millienne nous demandait hier quelles solutions nous proposions pour résoudre le problème. La solution est là ! Elle est somme toute assez classique en Nouvelle-Calédonie. C’est ce que l’on a fait en 1988 et en 1998 : une mission de dialogue indépendante et impartiale, qui s’installe sur le territoire et mette tout le monde autour de la table, afin d’aboutir enfin à un accord global et consensuel.
    Ce n’est pas en convoquant tout le monde à Paris que l’on résoudra la situation. Des Premiers ministres l’ont dit, M. Gosselin, sur les bancs du groupe Les Républicains, ne cesse de le répéter : il faut créer cette mission de dialogue.
    C’est ce que nous vous proposons d’inscrire dans la loi, et non dans la Constitution, pour que le Gouvernement avance enfin vis-à-vis de cette proposition, qui est de bon sens, mais qu’il ignore pour l’instant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Mathilde Panot

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    Bravo, monsieur Lachaud !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je répondrai à l’orateur précédent…

    Mme Mathilde Panot

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    M. Tavel !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je répondrai à M. Tavel – excusez-moi, monsieur le député – que ce que vous dites au sujet de la Corse n’est pas exact : nous n’avons pas demandé l’unanimité des élus. La preuve en est que, concernant la modification constitutionnelle à laquelle nous travaillons s’agissant de la Corse – je crois, monsieur le président de la commission des lois, que votre assemblée, comme le Sénat, créera une mission d’information à ce sujet –,…

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Ce sera fait jeudi !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …la famille nationaliste et le groupe de M. Marcangeli sont d’accord, mais ce n’est pas le cas de l’opposition et d’une grande partie des familles de droite et radicale de gauche en Corse. Il n’y a donc pas d’unanimité des élus,…

    Mme Raquel Garrido

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    Une grande majorité !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et le Gouvernement ne l’a jamais exigée. Le dossier calédonien n’est pas le dossier corse, mais, comme vous vous êtes livrés à cette comparaison et avez évoqué notre souhait supposé d’unanimité des élus en Corse, je me suis permis de corriger cette erreur. Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jérôme Guedj.

    M. Jérôme Guedj

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    Évidemment, nous soutenons cet amendement d’appel. La meilleure réponse à y apporter n’est pas tant de le voter, même s’il est toujours utile de le faire, mais de vous voir, monsieur le ministre, souscrire ici à une demande qui n’est pas seulement formulée par cet amendement, mais aussi par beaucoup d’acteurs néo-calédoniens.
    Je ne sais pas si c’est d’une mission de dialogue que nous avons besoin. Ce terme renvoie à la mission lancée par Michel Rocard, une mission absolument indispensable – Alexis Corbière le disait tout à l’heure – pour rétablir un dialogue qui n’existait pas. Or le dialogue existe en Nouvelle-Calédonie. Je ne dis pas que l’accord global que nous appelons tous de nos vœux est à portée de main, mais un travail préparatoire a eu lieu – vous y avez vous-même participé – et il n’en est pas si éloigné que cela.
    Nous avons donc davantage besoin, en complément de l’ouverture faite par le Président de la République, de la création très rapide d’une mission de contact, quel que soit le vote de ce soir – a fortiori si le texte est adopté –, pour entrer dans la logique d’apaisement que nous appelons tous de nos vœux. L’apaisement suppose notre propre exemplarité ici, c’est-à-dire de produire le consensus, qui est l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.
    L’historien néo-calédonien Louis-José Barbançon, spécialiste notamment des bagnes, a écrit récemment : « […] la seule réponse possible au oui et au non, c’est le nous. » Or le « nous » est nécessaire en Nouvelle-Calédonie comme dans cet hémicycle. Il en a d’ailleurs toujours été ainsi s’agissant du règlement des précédentes crises en Nouvelle-Calédonie, précisément parce que le débat se déroulait alors dans l’ordre inverse : nous, l’Assemblée nationale, entérinions un consensus construit par un « nous » en Nouvelle-Calédonie en le prolongeant par un « nous » de la représentation nationale. En inversant cette temporalité, vous bouleversez malheureusement un équilibre qui a garanti, pendant quarante ans, la construction du destin commun. Voilà pourquoi, à défaut d’autres actions, vous devez au moins lancer une mission de contact. (Mme Raquel Garrido applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je respecte votre point de vue, monsieur Guedj. Comme je le dis depuis le début, il est certain que les échecs et les erreurs ont été nombreux dans le passé, entre autres lorsque M. Pisani a été envoyé en mission – on pourrait citer ainsi bien des exemples, mais aussi des contre-exemples, qui illustrent la complexité de ce dossier.
    En revanche, je ne peux vous laisser affirmer – même si vous employez des termes choisis, à la différence des députés de La France insoumise – que le dialogue a été rompu en raison de l’action que nous menons.

    M. Jérôme Guedj

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    Si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je ne vous reproche pas de tenir de tels propos mais, alors que le Palika a accepté l’accord, à peu de choses près, comme l’a dit le rapporteur Metzdorf, sachez que L’Union calédonienne et les loyalistes, représentées par Virginie Ruffenach et Sonia Backès, discutent en ce moment même. Ils se sont rencontrés hier, ce matin et cet après-midi. Le bureau de l’UC a été convoqué et a, me semble-t-il, évoqué cette question ; le bureau du FLNKS se réunira demain, et les loyalistes discutent entre eux.

    Mme Raquel Garrido

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    Mais pourquoi les court-circuiter ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ces discussions portent sur les modalités de l’autodétermination, sur les institutions et même, figurez-vous, sur le dégel du corps électoral avec pour critère une période de dix ans. Incroyable, n’est-ce pas ? Je ne prétends pas que nous ayons systématiquement raison lorsque nous formulons des propositions. Nous avons reconnu bien volontiers que nous suggérions simplement d’emprunter cette voie. Nous sommes toujours ouverts au dialogue, au contact, à la discussion.
    Je ne suis nullement propriétaire de ce dossier. Le Premier ministre évoquera le sujet, comme l’ont fait ses prédécesseurs. Je rappellerai cependant que lorsque Jean Castex était Premier ministre, il ne s’était pas saisi du dossier calédonien : c’est Sébastien Lecornu qui l’avait alors suivi – ce fonctionnement n’est donc pas propre au gouvernement actuel. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que d’autres discussions ont lieu parallèlement avec d’autres personnes, qu’il s’agisse de la présidente de l’Assemblée nationale – qui a réuni un groupe de contact – ou du président du Sénat. Le Gouvernement n’est pas seul responsable de cette situation.
    Encore une fois, affirmer que le Gouvernement empêcherait l’accord constitue une contre-vérité : si l’accord est possible, c’est justement parce que nous faisons des propositions, que nous prenons nos responsabilités. D’ailleurs, en ce moment même, en Nouvelle-Calédonie, on s’approche d’un accord – je l’espère du moins de tout cœur.
    Enfin, je ne comprends pas comment on peut, le premier jour du débat, nous demander de conditionner telle ou telle mesure à un accord global et, le deuxième jour, vouloir supprimer l’accord global prévu à l’article 2. Une telle attitude n’a aucune cohérence, elle témoigne simplement d’une volonté de faire de la politique : il est bien dommage de se comporter ainsi s’agissant du dossier calédonien. Ce reproche ne s’adresse pas à vous, monsieur Guedj, ni à votre groupe, dont les prises de position ont été cohérentes et constantes, bien que nous ne soyons pas d’accord. En revanche, certains de vos partenaires politiques se sont servis de ce dossier pour faire de la politique nationale. (M. Guillaume Vuilletet applaudit.)

    Mme Mathilde Panot

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    Cela s’appelle des principes ! Des convictions !

    (Les amendements nos 41 et 42, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Je demande une suspension de séance.

    Suspension et reprise de la séance

    Mme la présidente

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

    Mme la présidente

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    La séance est reprise.

    Avant l’article 1er

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Cela fait deux jours que nous essayons, arguments à l’appui, de vous expliquer que ce texte est une mauvaise idée. Il a conduit à l’embrasement de la Nouvelle-Calédonie, car il va à l’encontre de tous les principes des accords de Matignon et de Nouméa ; il foule aux pieds l’idée du consensus et d’accord global ; il nie la spécificité coloniale du territoire calédonien.
    Nous avons tout essayé, demandé des éléments chiffrés, appelé au retrait du texte pour laisser les Calédoniens s’entendre entre eux. Force est de constater, monsieur le ministre, que vous avez tout refusé : d’écouter, de répondre aux questions, d’éclairer l’Assemblée nationale. Vous voulez passer en force, c’est votre choix et votre responsabilité. L’histoire jugera !
    De notre côté, nous avons décidé de retirer tous les amendements n’ayant pas un rapport direct avec la situation calédonienne. Il nous reste cinq amendements pour essayer de vous convaincre : nous ne désespérons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte et Mme Caroline Abadie applaudissent également.)

    Mme la présidente

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    Monsieur le député, je vous remercie – et je pense que nos collègues également – d’avoir recentré le débat sur la Nouvelle-Calédonie.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir l’amendement no 63.

    Mme Mathilde Panot

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    Quelques mots avant de retirer cet amendement : deux jours durant, monsieur le ministre, nous aurons essayé de vous convaincre que la stratégie du passage en force était dangereuse pour la Nouvelle-Calédonie et risquait de l’enfermer dans un cycle de violences que personne ne pourra arrêter. Tout à l’heure, Philippe Dunoyer rappelait qu’un Calédonien sur quatre possède une arme à feu. Sachant qu’il y a 65 000 de ces armes dans ce territoire, connaissant les événements qui s’y sont déroulés il y a trente-cinq ans, quarante ans, vous agissez de manière irresponsable.
    À Nouméa, c’est le petit matin : chacun va bientôt apprendre que cette assemblée a voté, de force, un texte dont certains de ses membres ne veulent pas et qui, je le répète, foule aux pieds l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa, fondés sur l’idée de consensus. Nous vous avons dit maintes fois, monsieur le ministre, que la paix était fragile. Désormais, vous assumerez les conséquences de vos actes, car nous avons prévenu et alerté autant qu’il le fallait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    (L’amendement no 63 est retiré.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 65.

    M. Bastien Lachaud

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    Kanaky est inscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU. Il faut que la Constitution consacre celle-ci, seul lieu d’échange entre nations dans un monde toujours plus complexe, comme organe suprême en matière de droit international : c’est à cette instance que la France doit rendre des comptes au sujet de la Nouvelle-Calédonie.

    (L’amendement no 65, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 86.

    M. Antoine Léaument

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    Il s’agit d’inscrire dans la Constitution un principe législatif crucial, celui du droit du sol.

    M. Emeric Salmon

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    Ce n’est pas crucial !

    M. Antoine Léaument

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    Pour nous, républicains, il y va de notre identité. J’ai déjà évoqué la manière dont la République s’est construite. Lors de la rédaction de la Constitution du 24 juin 1793, nous avons inventé la notion de citoyenneté, ainsi définie : « Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard ; tout étranger enfin qui sera jugé par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis à l’exercice des droits de citoyen français. »

    Mme Danièle Obono

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    C’est magnifique !

    M. Antoine Léaument

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    Voilà comment la France définissait à la fois la citoyenneté et la nationalité. Avec cet amendement, j’ai voulu porter devant notre assemblée cette idée simple, qui pourrait être utile en Nouvelle-Calédonie, d’une nationalité attachée à la seule citoyenneté. Elle est magnifique : je souhaitais la défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Sacha Houlié, président de la commission des lois

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    Défavorable. M. Léaument demande l’inscription dans la Constitution du droit du sol : pourquoi refuse-t-il ce même droit au peuple calédonien ?

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Emeric Salmon.

    M. Emeric Salmon

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    Vous avez déclaré que cet amendement concernait le droit du sol. Il va plus loin, puisque son texte exact commence par : « La nationalité française peut être acquise ou attribuée, notamment par la filiation, la naissance sur le territoire de la République, le mariage, la déclaration, une décision de l’autorité publique, ou toute autre modalité déterminée par la loi. » C’est surprenant ! Vous proposez d’inscrire dans la Constitution que n’importe qui, se déclarant Français, doit le devenir. La déclaration deviendrait un moyen d’acquisition de la nationalité française ! Je suis étonné.

    Mme Raquel Garrido

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    Cela existe déjà : je suis Française par déclaration !

    M. Arthur Delaporte

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    C’est le droit en vigueur, cher collègue.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Houlié, nous avons proposé que les natifs calédoniens puissent accéder à la citoyenneté.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est vrai !

    M. Antoine Léaument

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    Il suffisait de lire nos amendements : peut-être avez-vous parfois manqué d’attention ? Quant au Rassemblement national, il aura fallu évoquer le droit du sol pour le faire sortir de son silence.

    Mme Sophia Chikirou

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    Oui, c’est incroyable !

    M. Antoine Léaument

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    C’est bien compréhensible : Marine Le Pen est l’une des seules à défendre la suppression de ce droit. Au cours de notre histoire, il ne fut remis en cause que sous le régime de Vichy. Même si cela m’a déjà valu une sanction, je le répète : vous descendez des vichystes et nous de ceux qui, au moment où naissait la République, ont soutenu le droit du sol, le drapeau tricolore, l’hymne national, la devise que vous ne supportez pas – Liberté, Égalité, Fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – MM. Marcellin Nadeau et Arthur Delaporte applaudissent également. – Protestations sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 86 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 53.

    M. Bastien Lachaud

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    Depuis les accords de Matignon et de Nouméa, le dossier calédonien revenait au Premier ministre : en raison de la spécificité coloniale de la Nouvelle-Calédonie, il ne pouvait être traité ni par le ministre de l’intérieur, ni par celui des outre-mer. Après qu’Édouard Philippe a quitté Matignon, Emmanuel Macron a décidé de rompre avec cette tradition. Afin que cette erreur ne puisse se reproduire, nous souhaitons inscrire dans la Constitution que ce dossier relève des prérogatives du Premier ministre.

    (L’amendement no 53, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 72.

    Mme Danièle Obono

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    Cet amendement intéressera le rapporteur, qui, au cours de nos échanges, a utilisé cette proposition visant à inscrire dans la Constitution le droit de vote aux municipales des résidents étrangers. Le débat sur ce projet de loi constitutionnelle interpelle la représentation nationale, les républicains que nous sommes : nos discussions concernant les notions de citoyenneté et de nations calédoniennes, la définition du peuple calédonien, nous amènent à nous interroger sur notre propre citoyenneté, sur ce que signifie « faire nation française ».
    Contrairement à une idée reçue, la proposition d’accorder le droit de vote aux étrangers lors des élections locales, portée depuis des années par des collectifs de citoyens, est populaire. Selon une étude publiée en février 2023, 68 % des Français y sont désormais favorables. En dépit d’un discours politico-médiatique raciste, xénophobe, visant à monter les Français les uns contre les autres, notre peuple est profondément républicain. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.) Il croit en la citoyenneté de résidence et au contrat politique qui nous lie les uns aux autres.
    Encore une fois, les débats touchant la citoyenneté calédonienne en construction sont riches d’enseignements pour notre citoyenneté, qui doit être aussi large que possible. Plus nous serons nombreux à prendre part aux débats nationaux, à la décision politique, plus la République sera forte. Je ne doute pas que le rapporteur votera pour cet amendement.

    (L’amendement no 72, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 40.

    Mme Sophia Chikirou

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    Puisque nous nous apprêtons à modifier la Constitution, nous proposons, dans un souci d’apaisement et de désescalade, d’y inclure la garantie que l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie pourra être réalisée par la tenue d’un ou plusieurs référendums. Nous sortirions ainsi de la logique du texte, qui évoque l’avenir institutionnel de ce territoire sous le seul angle du corps électoral pour les élections provinciales, en rupture avec l’esprit de consensus qui voudrait un accord global.
    Nous avons dénoncé votre méthode qui consiste à faire pression sur l’une des parties à la discussion en Nouvelle-Calédonie, en l’occurrence sur les indépendantistes. Emmanuel Macron et vous avez choisi de sortir de l’impartialité, d’avantager l’un des camps, alors que la responsabilité, la dignité, le respect de l’histoire des peuples de Calédonie auraient dû vous obliger à tenir compte de ces derniers. L’adoption de l’amendement constituerait un signal fort d’apaisement et de respect, et dissiperait les doutes suscités par la rupture avec une tradition instaurée depuis presque quarante ans, qui avait mis fin à ce que j’appelle une guerre civile.

    Mme la présidente

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    Je vous prie de conclure.

    Mme Sophia Chikirou

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    Je regrette profondément que la droite et l’extrême droite vous aient suivi dans ce projet, ce qui révèle que vous avez toujours un problème avec la colonisation. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Antoine Léaument

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    Cet amendement vise à graver dans le marbre de la Constitution la fidélité à l’accord de Nouméa, fidélité d’ailleurs prévue par l’accord même.
    Par ailleurs, je voudrais revenir sur le sujet de la citoyenneté. En tant que républicains, nous devrions tous nous interroger au sujet de l’existence, en France, de statuts différents en fonction de l’accès au droit de vote : citoyen français, je peux voter à toutes les élections ; un ressortissant de l’Union européenne peut voter aux élections européennes et municipales ; un étranger non européen ne peut voter. Par l’amendement précédent, nous vous proposions de corriger, pour les élections municipales, le problème que créée la différence de traitement entre les ressortissants européens et les autres étrangers.
    Il s’agit bien un débat sur les principes : établir des niveaux au sein de la citoyenneté, c’est se situer en dehors du cadre de la République, raison pour laquelle j’ai tendance à être maximaliste : j’ai proposé tout à l’heure d’aller plus loin en fondant l’égalité des Français non sur la nationalité, mais sur la citoyenneté. En comparaison, monsieur le ministre, les propositions de Mme Obono sont plutôt légères, puisque je vais carrément jusqu’à vous dire qu’il ne faut prendre en compte que la question de la citoyenneté pour définir l’identité nationale. Voilà en tout cas ce que je défendais avec mes camarades, Robespierre et compagnie, en 1793. (Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Emeric Salmon

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    En 1793, vous auriez été le premier guillotiné !

    (L’amendement no 40 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir les amendements nos 8, 9 et 10, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Arthur Delaporte

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    Ils procèdent en effet d’une même logique. Le no 8 est un amendement de principe : il vise à inscrire dans la Constitution que « l’État préserve les conditions du dialogue et de l’émergence d’un consensus par le respect d’une stricte posture d’impartialité ». C’est ce que l’on attend de l’État sur un sujet aussi sensible, complexe, clivant que celui de la Nouvelle-Calédonie, et c’est le cas depuis maintenant plus de trente-cinq ans.
    Quant aux deux suivants, ils fixent les modalités d’application de ce principe. Le no 9 est issu des travaux de la délégation aux outre-mer, qui a proposé une mission impartiale destinée à faciliter les négociations dans le but d’aboutir à un accord global. L’Assemblée nationale et le Sénat, associés à cette mission, participeraient à ses travaux et à ses décisions. Alors que le vote se dessine et que j’ai le regret de l’anticiper plutôt favorable à la réforme, cet amendement vise à réaffirmer que notre assemblée aura un rôle à jouer : nous devrons favoriser l’émergence d’un accord.
    L’amendement no 10 prévoit que « l’État met en place une mission du dialogue pour proposer les lignes d’un accord global » ; il fait clairement référence à la mission de 1988, lancée par Michel Rocard le jour même de sa nomination à Matignon. Recevant Christian Blanc, le nouveau Premier ministre lui confie qu’il ne sait pas quoi faire, que la Nouvelle-Calédonie est à feu et à sang et qu’il faut trouver une solution ; tous deux s’accordent alors sur une mission du dialogue, des acteurs reconnus par tous (M. Jérôme Guedj applaudit), qui vont aller sur le terrain, rencontrer tout le monde, réussir à faire venir à Matignon des individus qui jusque-là refusaient de se parler. C’est la réussite de Michel Rocard et de tous les acteurs de cette mission, la réussite d’un processus. Michel Rocard a écrit Faire la paix. À l’instant de voter ces derniers amendements du texte – adoptez-les, nous nous en souviendrons –, je rappelle que sa devise était : « Penser clair, parler vrai, agir juste ». J’espère que nous continuerons à agir juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    (Les amendements nos 8, 9 et 10, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Nous avons achevé l’examen des amendements du projet de loi constitutionnelle.
    Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que le vote de ce texte aurait lieu sous forme de scrutin public : le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Explications de vote

    Mme la présidente

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    Pour répondre à la question que vient de me poser le président Chassaigne, la durée d’une explication de vote ne peut excéder cinq minutes.
    La parole est à Mme Félicie Gérard.

    Mme Félicie Gérard (HOR)

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    Je tiens avant tout, au nom du groupe Horizons et apparentés, à rendre hommage aux forces de l’ordre et agents publics de Nouvelle-Calédonie, qui participent au rétablissement du calme et de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RN et LR.) Nous pensons à ceux qui ont été blessés hier et dans ce contexte de crise économique, d’instrumentalisation politique, d’ingérence étrangère, nous souhaitons de tout cœur l’apaisement, afin que se poursuive un dialogue essentiel pour redessiner le destin commun de la population calédonienne.
    Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises : le texte sur lequel nous nous apprêtons à nous prononcer est un texte de contrainte et de nécessité. Contrainte, car le dégel du corps électoral, dont toutes les forces locales approuvent le principe, suscite de nettes divergences quant à ses modalités ; nécessité, car en l’absence d’accord, compte tenu du gel, aucune élection au Congrès ou aux assemblées de province ne pourrait avoir lieu sans être contestée devant les tribunaux et sans aucun doute annulée. Je rappelle que près de 20 % de la population calédonienne, des citoyens français nés en Nouvelle-Calédonie, petits-enfants de Kanaks ou de loyalistes, sont privés du droit de vote à ces élections.
    Face à cette nécessité, à cette contrainte, notre groupe estime le projet de loi équilibré : d’une part il fixe une durée de résidence raisonnable, d’autre part il est subsidiaire à un éventuel accord, jusqu’à dix jours avant les élections, lesquelles pourront avoir lieu jusqu’en novembre 2025. Il reste donc du temps et nous espérons que celui-ci permettra d’atteindre un consensus sur l’avenir politique et institutionnel de ce territoire unique par la richesse de son histoire, par sa place dans la République française. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – Mme Sylvie Bonnet applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte (SOC)

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    « La peur règne malgré le couvre-feu. Nous restons enfermés dans la maison, un sac prêt si jamais nous devons partir… Mais pour aller où ? Nous sommes comme tout le monde sur le qui-vive. Nous espérons un retour au calme aussi vite que possible. » Voilà le message que j’ai reçu tout à l’heure : comme un grand nombre d’entre nous, je connais des gens qui habitent en Nouvelle-Calédonie et dont l’inquiétude est ce soir plus profonde que jamais. Notre responsabilité en tant que législateur n’est pas d’attiser la tension, mais d’essayer de trouver des solutions : je constate avec regret que le débat que nous avons eu, même s’il était intéressant, riche, manifestant la diversité de nos positions, elles-mêmes reflets de la diversité de celles qui existent en Nouvelle-Calédonie, n’a pas apporté de solution. Ses conclusions posent plus de problèmes au futur accord éventuel qu’elles n’en facilitent la concrétisation. Il suffit de voir ce qu’un débat législatif peut encore produire en France : c’est à la fois le signe que la politique peut beaucoup et celui qu’elle a échoué pour l’instant. Édouard Philippe le disait lui-même lors de son audition : ce texte ne permettra malheureusement pas de répondre à l’urgence de la situation.
    Notre responsabilité collective, c’est de faire en sorte que le vote de ce soir ne soit qu’une étape. Il peut ne pas y avoir d’examen du texte par le Congrès, pas de réforme constitutionnelle : il y va de la responsabilité du Gouvernement. Il devrait se passer au moins un mois – j’espère davantage – avant que le Président de la République ne convoque le Congrès ; d’ici là, notre responsabilité collective, je le répète, est de permettre un retour au chemin du dialogue. Malheureusement ce vote solennel, à une heure tardive – même si c’est le matin à Nouméa –, prouve que notre démocratie est imparfaite, y compris en Nouvelle-Calédonie, où des personnes qui devraient pouvoir voter n’en ont pas le droit, tandis que d’autres souhaitent conserver la possibilité de poursuivre un processus de décolonisation déjà amorcé.
    Nous le disons encore une fois, monsieur le ministre : au lieu d’une réforme de la citoyenneté, c’est-à-dire de la liste électorale pour les provinciales et pour le Congrès de Nouvelle-Calédonie, au lieu d’une petite modification constitutionnelle, il faut une grande réforme constitutionnelle, globale. Comme toutes les forces républicaines, les socialistes ont toujours pris part à la construction de cet édifice ; mais celui-ci, je le rappelais en évoquant Michel Rocard, s’est toujours bâti par le compromis et le consensus. Peut-être est-ce là une culture politique propre à ces îles du Pacifique ; reste qu’en période de majorité relative, nous devrions avoir en permanence le consensus à l’esprit. Dès lors, au-delà du renouvellement de la mission du dialogue, de la nécessité de suspendre le processus constitutionnel afin de dialoguer, de la nécessaire reprise en main du processus par Matignon, je vous rappellerai, monsieur le ministre, les mots de Lionel Jospin : « L’accord de Nouméa est un succès pour la Nouvelle-Calédonie et pour la France. Il ouvre une nouvelle période de paix pour ce territoire à l’histoire trop longtemps troublée. » Aujourd’hui, l’accord de Nouméa prend fin : nous devons faire en sorte que la paix continue. Ce dégel suscite la crainte de ceux qui sont attachés à leur identité : il nous faudra inventer une Nouvelle-Calédonie qui puisse vivre de sa diversité, de la richesse de ses cultures, mais aussi de son économie, étant donné la question de l’avenir du nickel. Cette réforme qui a embrasé la Nouvelle-Calédonie n’est pas à la hauteur et a marqué une rupture qu’il nous faudra réparer.
    Je conclurai, chers collègues, par les mots du poète, auteur et compositeur Paul Wamo : « Je viens d’un petit caillou séché par le soleil /Je viens d’un océan Pacifique le plus grand et le plus oublié du monde /[…] /Le pouvoir de changer les choses commence par un petit pas /Le pouvoir de changer les choses commence par changer soi /Et même si le temps est long jusque-là /Le soleil lui se lèvera toujours toujours. » J’espère que malgré cette réforme, parce que nous sommes collectivement mobilisés pour la paix, le soleil se lèvera toujours en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor (GDR-NUPES)

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    Je ne sais pas quoi vous dire. (Sourires.) Tout à l’heure, en discutant avec l’un de nos collègues, je lui ai demandé ce que serait, pour lui, le scénario du pire. Il m’a répondu : qu’il y ait un mort. Notre responsabilité est donc grande. Gouverner, c’est prévoir, anticiper, non pas se précipiter, notamment face à une situation aussi délicate : personne n’a osé faire ici l’inventaire des deux dernières nuits.
    Souvent, ceux qui se sont exprimés ont évoqué la prise d’otages d’Ouvéa et ses vingt et un morts. Pour les Kanaks, ce n’est pas une vingtaine de morts qu’a représenté la colonisation de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.) Les 170 ans de présence française ont engendré des batailles, dont la plus connue menée par le chef Ataï : des milliers de Kanaks furent massacrés sur leur propre terre.
    Nous pouvons mesurer le chemin parcouru par ce peuple qui, de lui-même, a considéré qu’il pouvait accepter d’autres peuples sur sa terre, ouvrant la voie à un destin commun. Jean-Marie Tjibaou a toujours évoqué ce « pari sur l’intelligence ». Il demandait aux représentants du gouvernement français de l’époque d’oser ce pari : une décolonisation originale, par étapes, afin que les Kanaks retrouvent leur pleine souveraineté – car, que vous le vouliez ou non, Kanaky était indépendante avant l’arrivée des colons. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Écolo-NUPES.) La légitimité de cette revendication dépasse tout ce que nous appelons égalité, constitutionnalité, avis du Conseil d’État.
    Les Kanaks disent souvent : « Vous avez la montre, nous avons le temps ». Je ne sais pas si, dans cette assemblée, nous pouvons tous mesurer la philosophie kanak. Pas une réunion ne se tient avec les Kanaks – vous le savez, monsieur le ministre, vous qui vous êtes rendu à plusieurs reprises en Nouvelle-Calédonie – sans être précédée d’une cérémonie, sans que leurs propos débutent par la formule : « en toute humilité et dans le respect mutuel ». Quoi que vous fassiez, leur attachement à leur terre est inaliénable et imprescriptible. Vous aurez toujours des Kanaks face à vous, qui se battront pour leurs aspirations profondes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    Je vous demande à tous d’essayer de faire cet exercice : humilité et respect. C’est cette philosophie, monsieur le ministre, qui a présidé aux accords de Matignon et de Nouméa, qui sont des accords tripartites fondés sur le principe d’irréversibilité. Vous avez bafoué tout cela en avançant à marche forcée, vous appuyant sur un référendum, que vous le vouliez ou non, totalement illégitime. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.) Frontalement, au moyen de ce référendum, vous entendez valider une nouvelle légitimité qui ne correspond ni à la réalité historique, ni à la réalité culturelle, ni à la réalité géographique. Elle ne correspond à rien : l’on ne fonde pas une politique publique sur un tel vide.
    Nous ne sommes pas en présence d’un mouvement semblable à celui déclenché par la réforme des retraites, d’un mouvement social, que l’on peut tenter de mater ; il s’agit d’un peuple qui revendique sa pleine souveraineté, et qui a choisi de partager un destin commun avec tout le monde ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES, dont les députés se lèvent. – Mme Fatiha Keloua Hachi et M. Alain David se lèvent également pour applaudir.) Respectez cela ! Soyez humbles ! N’empruntez pas cette voie qui constitue une impasse politique. À ce titre, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera contre ce projet de loi. (« Bravo ! » sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac.

    M. Paul Molac (LIOT)

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    Nous condamnons les violences et soutenons les forces de l’ordre dans leur difficile mission. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.) Pour autant, nous regrettons la méthode employée, la voie choisie par le Gouvernement : celle de la contrainte, en utilisant ce texte comme moyen de pression, en donnant l’impression de choisir son camp. Il ne fallait pas être devin, quand on connaît un peu l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, pour prévoir que cela entraînerait des troubles. J’avais d’ailleurs, sans doute maladroitement, appelé votre attention sur ce point pendant l’examen en commission des lois.
    Ces troubles sont le reflet de notre incapacité à trouver un accord, et de la volonté de précipiter les choses. Je le répète, la méthode est mauvaise. On met en avant des principes, en arguant qu’il y a un fait majoritaire ; mais n’oublions jamais que la démocratie n’est pas une dictature exercée par la majorité sur la minorité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES), elle suppose le respect des droits de l’homme, et c’est ce que nous rappelle l’ONU en nous enjoignant de respecter le peuple premier que sont les Kanaks en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR-NUPES. – M. Andy Kerbrat applaudit également.)
    Le bon sens, un souci d’apaisement, auraient dû imposer le retrait ou l’ajournement de ce texte. Je crains le pire lorsque tombera la dépêche de l’Agence France-Presse (AFP) indiquant que l’Assemblée l’a adopté. Chacun se déterminera en conscience : jusqu’à présent, la situation relevait de la responsabilité du Gouvernement ; désormais, elle relèvera aussi de la nôtre. Majoritairement, le groupe LIOT votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LIOT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES, GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi.

    Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES)

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    Des manifestations violentes ont éclaté, ces derniers jours, en Nouvelle-Calédonie. Depuis plusieurs semaines, vous agitez l’épouvantail de l’urgence pour faire accepter un projet de loi qui n’a fait l’objet d’aucun consensus, sans rien entendre aux nombreuses critiques qu’il suscite. Pire, vous méprisez ces dernières. Quels seront, demain, à Nouméa, les fruits de la colère que vous semez, ce soir, à Paris ? Personne ne peut se satisfaire de la situation, qui met en danger les habitants de la Nouvelle-Calédonie, dont certains de nos collègues, ainsi que les forces de l’ordre sur le terrain, auxquelles nous apportons tout notre soutien.
    Loin d’inciter à l’insurrection – nous nous associons évidemment aux appels au calme –, nous devons cependant souligner que ces violences extrêmes ne surviennent pas sans aliment. Vous le savez parfaitement : le gel du corps électoral fut la solution de compromis trouvée pour éviter que les Kanaks ne soient systématiquement minoritaires lors des référendums d’indépendance. Garant de la représentativité de ces scrutins, il ne peut disparaître sans un accord global au sein de la population locale, au risque de refermer toutes les portes de sortie ouvertes par l’accord de Nouméa.
    Depuis plusieurs mois, vous vous êtes lancé dans une pièce de théâtre, dont vous avez distribué les rôles sans aucune considération pour l’harmonie ou la cohérence du jeu.

    M. Benjamin Lucas-Lundy

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    Eh oui !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Les personnages s’y renvoient les mêmes arguments pour se convaincre de leur justesse, et tout s’y passe comme si l’accord de Nouméa avait été atteint sans encombre, comme si sa suite logique était une réforme décidée par l’État, pour l’État et avec l’État. Monsieur le ministre, les faits sont têtus. Vous sélectionnez ceux qui vous arrangent : vous évoquez le Conseil d’État, pas l’ONU, qui est d’un autre avis ; vous citez le Congrès de la Nouvelle-Calédonie quand il va dans votre sens, mais lorsque ce n’est plus le cas, ce dernier ne représente subitement plus la volonté du peuple et son avis devient inutile. (Mme Sandra Regol applaudit.)
    La Nouvelle-Calédonie est administrée par une puissance occupante : la France. Certes, tout le monde n’est pas un colon, mais les ancêtres de certains ont vu arriver les bateaux, débarquer les bagnards, spolier leurs terres. Je regrette d’avoir entendu, dans cet hémicycle, que des terres auraient été données aux populations locales : elles n’ont pas été données, mais restituées, après avoir été volées et pillées par la puissance coloniale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Écolo-NUPES, LFI-NUPES et GDR-NUPES.)
    L’urgence ne réclame pas une réforme unilatérale élaborée à Paris, à 18 000 kilomètres des réalités locales, mais l’écoute, le dialogue, la recherche d’un consensus, l’impartialité de l’État, afin de permettre une évolution politique de l’accord de Nouméa. Cette évolution ne peut advenir que par une remise en question du rôle qu’a joué jusqu’à présent l’État en se montrant partial et bafouant le droit international. Les conditions d’organisation du troisième référendum d’indépendance empêchent tout accord institutionnel sérieux. Pourquoi feindre d’ignorer que 56 % des électeurs se sont abstenus, boycottant le scrutin, que le Congrès de la Nouvelle-Calédonie appelait hier encore au retrait du projet de loi constitutionnelle, que les manifestations se multiplient ? Pourquoi prétendre que l’opposition ne propose pas de solution alternative sérieuse à votre dangereuse méthode du passage en force ?
    Vous balayez d’un revers de main les oppositions et les contradictions. Vous balayez la proposition de nombreux acteurs – dont le FLNKS – de créer une mission du dialogue, parce que ce qui vous intéresse n’est pas une solution équilibrée, mais celle qui vous paraît juste, et qui vous permettrait de clore rapidement les débats : ce n’est pas à vous, monsieur le ministre, d’en décider. Nous vous avons fait des propositions concernant l’intégration progressive de nouveaux électeurs par une ouverture du corps électoral aux natifs. Vous les avez balayées en répondant sobrement que dans ce cas, les Kanaks seraient majoritaires parmi les natifs. Monsieur le ministre, une population majoritaire sur ses terres, c’est tout à fait normal ! (« Ah ! » sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Julien Odoul

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    Allez au bout de cette logique !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Dans ce jeu d’hypocrites, le Parlement ne peut se contenter d’adopter, les yeux fermés, un texte qui court-circuite les négociations. Vous affirmez que vous travaillerez ensuite à obtenir un accord ; de quel accord parlez-vous lorsque l’une des parties – les loyalistes, en l’occurrence –, d’ores et déjà favorisée, n’y aura donc aucun intérêt ?
    Enfin, je trouve particulièrement audacieuse la proposition d’Emmanuel Macron appelant à réunir les acteurs autour de la table afin de renouer le dialogue. Alors que l’État a perdu toute neutralité, prenant position pour le dégel du corps électoral avant même la fin des négociations, c’est à l’ONU de reprendre la main. Non au droit international à géométrie variable, oui à une mission du dialogue sous l’égide de l’ONU, au respect du processus de décolonisation ! Quant à vous, vous vous montreriez responsable en retirant ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Dunoyer.

    M. Philippe Dunoyer (RE)

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    J’ai choisi, pour intervenir, de ne pas monter à la tribune et de rester à ma place parmi vous. Je dis bien : parmi vous tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR.) Vous avez pu, les uns et les autres, défendre – parfois de manière un peu vive – des amendements, des convictions, toutes respectables, dans un écrin qui s’y prête parfaitement. Je ne peux oublier les enjeux évoqués, ni surtout les deux journées de cauchemar qu’ont vécues mes 270 000 frères et sœurs calédoniens, de toutes ethnies et de toutes opinions politiques.
    Le sujet est évidemment très compliqué. Le corps électoral constitue un aspect emblématique de la question de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Les modifications apportées par le texte ont été définies l’année dernière, au sein d’un cadre de discussion qui a aujourd’hui disparu, cédant la place à un contexte insurrectionnel. Compte tenu de ce que nous, en Nouvelle-Calédonie, subissons actuellement, le vote auquel nous nous apprêtons à procéder n’a plus la même importance : il n’aura pas les incidences escomptées.
    Cependant, pour sortir du cauchemar éveillé que j’évoquais, je veux formuler un espoir modeste, mais réel : l’espoir que, maintenant que nos divergences ont été exprimées, une fois le texte adopté, nous ferons ensemble – car je ne vois pas ici de sensibilité qui s’y oppose – savoir aux Calédoniens que nous sommes capables d’organiser de nouveau, à l’instar de ce qui s’est fait en 1988 et en 1998, un espace de discussion, afin de parvenir à un accord global au profit duquel – certains le regrettent, mais je le salue – le Président de la République a fait dimanche une annonce importante.
    Après son adoption, dans quelques minutes, ce texte va en effet arrêter de vivre. Il sera suspendu à la capacité que nous aurons collectivement – Calédoniens, Gouvernement, forces politiques – de trouver cet espace, nourrir ce dialogue (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR), atteindre cet accord global…

    M. Fabien Roussel

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    Ça ne tient pas debout !

    M. Philippe Dunoyer

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    …qu’on aurait pu souhaiter plus tôt. Ne donnez pas, chers collègues, le sentiment qu’un tel accord n’est plus possible : il constitue le seul espoir auquel nous, Calédoniens, pouvons nous raccrocher. Ce texte est une étape ; la suivante, essentielle, majeure, nous attend dans les prochaines semaines, avec les initiatives et contributions de multiples personnalités, au sein de missions ou auprès du Gouvernement. Je le répète, c’est le dernier espoir qui me reste, mais il est véritable : puissions-nous sortir le pays de l’ornière dans laquelle il se trouve. (Applaudissements sur les bancs des commissions, ainsi que sur les bancs des groupes RE, Dem, HOR et LIOT. – Les députés du groupe RE, ainsi que quelques députés des groupes Dem et HOR, se lèvent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet (RN)

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    La Nouvelle-Calédonie est un joyau français au cœur du Pacifique Sud. Alors que nos compatriotes y appellent de leurs vœux, depuis des décennies, un avenir de paix et de démocratie, 20 % d’entre eux, viscéralement attachés à leur territoire, à son identité, à ses cultures, sont privés de l’exercice de leur droit fondamental : voter. Le scrutin de ce soir permettra, je l’espère, d’y remédier.
    N’oublions pas pour autant que l’objectif final, essentiel, consiste en un accord global, accord qui aurait dû comprendre le dégel du corps électoral sur lequel nous allons nous prononcer – question de méthode. La méthode est importante, monsieur le ministre. Une méthode respectueuse de tous les Calédoniens aurait sans doute permis d’éviter les graves tensions qu’ils subissent depuis quarante-huit heures. Saluons les forces de l’ordre et les forces de secours, qui interviennent dans des conditions très difficiles ; ayons une pensée pour les Calédoniens qui vivent l’enfer, dont les commerces, les entreprises, les maisons, sont pillés et incendiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
    Nos compatriotes calédoniens, dans leur diversité, méritent que la situation s’apaise, autant que ce territoire mérite un rassemblement durable. Dans cette situation délicate, nous devons œuvrer ensemble en vue d’apaiser les tensions et de favoriser le dialogue : ce n’est que de cette manière que nous pourrons construire une solution durable pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Il est de votre responsabilité et de votre devoir, monsieur le ministre, de préserver la paix, de renforcer l’unité de la population calédonienne, unité dont la restauration est indispensable pour que lui soit garanti un avenir de paix et de prospérité.
    En dépit de la faible confiance – c’est peu de le dire – que nous plaçons en vous pour parvenir à un accord global acceptable par tous, nous ne pouvons qu’espérer une issue favorable. Quoi qu’il en soit, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, Marine Le Pen aura à cœur d’accompagner et de soutenir les Français de Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, GDR-NUPES et Écolo-NUPES. – M. Rémy Rebeyrotte s’exclame.)

    Mme Caroline Abadie

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    Elle n’est même pas là, Marine Le Pen !

    M. Yoann Gillet

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    En 2027, ils pourront compter sur une femme d’État soucieuse de leur présenter des propositions consensuelles, constructives et respectueuses de la diversité des territoires. C’est avec tous les Français de Nouvelle-Calédonie, de toutes origines et de toutes opinions (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES), qu’elle entend construire un avenir stable sous le drapeau tricolore. Le groupe Rassemblement national votera pour ce texte, qui vise simplement à permettre à des Français de voter en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono (LFI-NUPES)

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    « Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. » Cet avertissement d’Aimé Césaire en introduction à son Discours sur le néocolonialisme – pardon, Discours sur le colonialisme – a pris ces derniers temps une résonance particulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, que le Gouvernement nous demande d’adopter, est un avatar de cette civilisation coloniale décadente dont la Macronie partage l’état d’esprit, fait de mépris et de brutalité à l’égard de la souveraineté populaire. (Mêmes mouvements.) Il y a 171 ans, la France s’appropriait par la violence un territoire mélanésien peuplé depuis plus de trois millénaires par les Kanaks. Dans ce qui est devenu une colonie de peuplement, les autochtones sont réduits au statut de sujets colonisés.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Ça va, quoi…

    Mme Danièle Obono

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    Après les avoir spoliés de leurs terres, la France les parque dans d’étroites réserves et les soumet à des restrictions de circulation ainsi qu’à des travaux forcés. Les Kanaks subiront cette situation inhumaine jusqu’à leur accession à la citoyenneté française, en 1946, où est aboli le code de l’indigénat.
    Dans les années 1970, les revendications indépendantistes se développent. En 1983, la déclaration de Nainville-les-Roches reconnaît d’une part le droit inné et actif des Kanaks à l’indépendance, d’autre part les victimes de l’histoire : manière d’affirmer que font partie de la collectivité calédonienne les personnes qui sont là sans l’avoir choisi, descendants des bagnards ou des engagés d’autres colonies. Mais, un an plus tard, la loi du 6 décembre 1984, dite statut Lemoine, ne prévoit qu’une autonomie accrue, sur une base électorale incluant les personnes arrivées de fraîche date. Les Kanaks dénoncent la négation de leur droit à l’autodétermination et organisent le boycott actif des élections territoriales. S’ensuivent quatre années de violences, qui font des dizaines de morts et s’achèvent dans un bain de sang, avec la prise d’otages dans la grotte d’Ouvéa : au cours de l’assaut du GIGN, deux parachutistes et dix-neuf Kanaks sont tués.
    Si je rappelle ces éléments historiques, c’est que la situation actuelle, ici et là-bas, fait largement écho à ce qui s’est passé alors. En 1988, les accords de Matignon-Oudinot permettent de rétablir la paix civile, en prévoyant une période de transition de dix ans devant aboutir à un référendum d’autodétermination. L’accord de Nouméa, en 1998, va plus loin : il reconnaît de facto que les Kanaks sont un peuple colonisé et vise à aboutir à une souveraineté fondée sur le projet d’un destin commun. Il s’agit de fixer les contours d’une communauté historique dont l’enracinement légitime la capacité à décider de l’accession ou non du territoire à l’indépendance. Le compromis historique alors conclu crée la citoyenneté calédonienne, sur la base d’un corps électoral restreint pour les référendums d’autodétermination et les élections des assemblées des provinces. Ce gel du corps électoral ne peut donc se comprendre qu’au regard de la longue histoire du peuplement forcé du territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Dans une perspective de décolonisation, il faut arrêter le peuplement français, ou du moins neutraliser ses effets électoraux, conformément au droit de l’ONU. Créer de manière unilatérale, comme ce texte vise à le faire, un corps électoral ouvert, équivaut à rouvrir les colonies de peuplement et renouer avec les stratégies historiques et étatiques de minorisation des Kanaks – c’est en tout cas ce que craignent ces derniers. Ce texte entérine également la rupture engagée par Emmanuel Macron avec l’impartialité de l’État, à laquelle tous les gouvernements précédents s’étaient pourtant tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) La première expression publique de ce changement a été sa décision d’organiser, en décembre 2021, le troisième référendum prévu par l’accord de Nouméa en pleine crise du covid et en plein deuil kanak,…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est faux !

    Mme Danièle Obono

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    …contre la demande des indépendantistes, qui l’ont massivement boycotté. Une abstention record de 56 % invalide la victoire du non, dont le score avait baissé entre les deux scrutins précédents. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La nomination de Sonia Backès, chef des non-indépendantistes, au Gouvernement, puis la désignation du rapporteur Metzdorf, membre du même groupe, ont achevé de prouver que le Gouvernement ne cherche plus l’apaisement et le consensus, mais assume au contraire de vouloir mettre fin au processus de décolonisation, reniant ainsi quarante années de compromis politiques durement acquis. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)
    L’ONU considère l’archipel de Kanaky-Nouvelle-Calédonie comme l’un des dix-sept territoires non décolonisés de la planète. Les Kanaks représentent 39 % de la population, mais 61 % des personnes les plus pauvres, 70 % des chômeurs, 90 % des détenus de la prison de Nouméa. Le rééquilibrage économique n’a pas eu lieu et les inégalités structurelles aggravent les difficultés sociales. (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe RN.)

    Mme la présidente

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    S’il vous plaît, chers collègues !

    Mme Danièle Obono

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    Dans ce contexte, il ne peut y avoir de mobilisation institutionnelle sans l’avis du peuple kanak, premier concerné. Le peuple calédonien ne peut émerger que du consentement à une nation commune. L’avenir de la Nouvelle-Calédonie doit s’écrire en commun : c’est tout le contraire de ce que fait ce texte, raison pour laquelle nous nous voterons contre, dans le respect de la volonté populaire calédonienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES, dont les députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin (LR)

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    Nous sommes porteurs des inquiétudes, des interrogations, de toutes les composantes de la population de la Nouvelle-Calédonie. Les braises sont chaudes : nous devons absolument éviter de souffler dessus. Les appels au calme doivent provenir de tous les bancs, et en disant cela, je vise certains de nos collègues. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.  Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    La toile de fond de nos débats est plutôt dramatique : une économie du nickel qui part à vau-l’eau, une démographie inquiétante, des ingérences étrangères de plus en plus présentes.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Très bien !

    M. Philippe Gosselin

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    Le développement de ce territoire est sous l’épée de Damoclès. Arrivés au terme du processus issu des accords de Matignon et de Nouméa, nous devons prendre garde à ce que nous faisons. Nous n’oublions ni les ombres et les lumières de l’histoire, ni le destin commun : la fin du processus ne doit pas signifier la fin de la méthode. Au-delà du vote de ce soir, cette recherche du consensus doit rester une marque de fabrique.
    Disons-le sans détour : il n’est plus acceptable que la proportion des électeurs privés du droit de vote aux élections provinciales et au Congrès de Nouvelle-Calédonie s’élève à presque 20 %. Un citoyen français sur cinq serait exclu des élections provinciales. Les principes constitutionnels dont nous nous targuons à juste titre, en ce qu’ils reposent sur l’universalité et l’égalité du suffrage, ne pourraient résister indéfiniment à un régime qui, de dérogatoire, évoluerait de plus en plus vers l’attentatoire.

    M. Jean-Charles Larsonneur

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    Très, très bien !

    M. Philippe Gosselin

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    On ne peut donc envisager de nouvelles élections provinciales sans un dégel du corps électoral. Le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État ne disent pas autre chose. Concluons-en que le processus est enclenché et qu’il nous faut le mener à son terme : on ne peut rester au milieu du gué. Le texte adopté par le Sénat permet de donner du temps au temps, puisqu’un accord peut survenir jusqu’à dix jours avant les élections. À l’Assemblée comme au Congrès, si toutefois il venait à être réuni, les députés du groupe Les Républicains voteront en sa faveur, sans aucune difficulté et avec le sens des responsabilités.
    Cependant, avec conviction, nous formons le vœu qu’un accord puisse être conclu sur place. Cela passera peut-être par une mission d’information impartiale – la forme reste à définir. Naturellement, l’Assemblée nationale et le Sénat devraient y être associés et participer à ses travaux. Il importe aussi que le Premier ministre reprenne, au moins partiellement, la main. Encore une fois, l’ancienne méthode du consensus a fait ses preuves.
    Ce soir, il faut adopter ce texte. Ce n’est pas la fin de l’histoire, comme certains le craignent. Accompagnons ce destin commun dans la visibilité, pour retrouver une croissance économique et démographique, pour assurer le développement et plus largement l’avenir du territoire, mais peut-être avant tout pour renouer avec la confiance en soi et envers les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur quelques bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Aude Luquet.

    Mme Aude Luquet (Dem)

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    Les Calédoniens ont besoin de sérénité, de confiance, de stabilité. Dans le Grand Nouméa, les dernières heures ont été marquées par des pillages et des incendies. Pour répondre aux émeutes de jeunes, des groupes de défense des quartiers se sont créés. Nos forces de l’ordre sont sur le terrain : soixante gendarmes ont été blessés. Rien ne justifie la violence.
    Un responsable de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) a évoqué un contexte social plus complexe que la simple opposition au dégel du corps électoral : le territoire calédonien a besoin de stabilité institutionnelle, mais également économique. Pour retrouver l’apaisement, le chemin du dialogue et la confiance en nos institutions, mais aussi pour répondre à la question démocratique, le groupe Démocrate votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Vote sur l’ensemble

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi constitutionnelle.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        507
            Nombre de suffrages exprimés                504
            Majorité absolue                        253
                    Pour l’adoption                351
                    Contre                153

    (Le projet de loi constitutionnelle est adopté.)
    (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je remercie l’Assemblée nationale qui, par deux fois, aura adopté le texte proposé par le Gouvernement et par le Sénat. À la demande du Président de la République, le Gouvernement tend la main à un accord global. Nous veillerons dans les jours qui viennent aux conditions nécessaires à sa concrétisation.
    Nous regrettons que l’Assemblée nationale n’ait pas unanimement condamné les actions conduites contre les policiers et gendarmes. On aurait pu croire que les pillages, les incendies, les menaces de mort visaient à exercer une pression politique sur les représentants du peuple. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.) Malheureusement, La France insoumise et le groupe GDR ont paru considérer que cela faisait partie du débat. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Mesdames et messieurs du Rassemblement national, monsieur Gillet, on dit souvent : « Loin des yeux, loin du cœur ». Ce soir, Mme Le Pen était très loin du cœur des Calédoniens. Elle n’a pas siégé, ni voté.

    Plusieurs députés du groupe RN

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    Si, elle a voté !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Certains parlent ; d’autres agissent. Honte à vous qui avez évoqué l’élection présidentielle sans que jamais votre présidente s’intéresse à ce débat institutionnel ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, cet après-midi, à 14 heures :
    Questions au Premier ministre ;
    Prestation de serment d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République ;
    Discussion du projet de loi d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
    La séance est levée.

    (La séance est levée, le mercredi 15 mai, à zéro heure vingt.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra