Cette loi portant diverses mesures de justice sociale était un texte attendu par de nombreuses personnes fragiles et notamment les bénéficiaires de l’Allocation adulte handicapée (AAH) aux côtés desquels je me bats de longue date.
 
Le handicap étant une thématique que je porte avec passion, j’ai proposé en 2020 une résolution à l’Assemblée visant à améliorer la condition des personnes en situation de handicap dans laquelle j’aborde les problèmes liés à l’AAH. Je proposais de l’indexer à l’inflation afin qu’elle reste indépendante du revenu universel d’activité. Je proposais déjà également la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans son calcul et d’augmenter le plafond de 30% à 50% du salaire minimum interprofessionnel.
 
Aujourd’hui, près de 1,13 million de personnes handicapées, dont 270.000 vivants en couple, perçoivent cette aide dont le montant maximal est de 902,70 euros. Or, elles peuvent perdre leur droit à l’AAH si leur conjoint ou conjointe gagne plus de 19.607 euros par an, soit 1.634 euros par mois. L’article 3 de cette loi visait à corriger cette injustice en désolidarisant du calcul les revenus du conjoint.
 
Le coût de cette mesure est estimé à 560 millions d’euros par an pour l’État, qui débourse déjà 11 milliards par an pour cette aide. Après un an de « quoi qu’il en coûte », cet effort budgétaire n’a rien d’insurmontable.
  
En France, la solidarité nationale prime sur la solidarité familiale et cela doit être encore plus vrai pour les personnes dépendantes qui doivent pouvoir être autonomes économiquement et ne pas dépendre de leur conjoint ou conjointe. Il y a derrière cette dépendance une violence de vie dans la cellule familiale qui ne peut être acceptée.
 
Je suis mobilisé depuis toujours en Lozère puis à l’Assemblée nationale en tant que vice-président du Groupe d’études handicap et inclusion et je n’ai jamais entendu un seul bénéficiaire de l’AAH me dire qu’il supportait cette situation de dépendance. Nous devons les écouter.
 
J’ai voté avec mes collègues à l’Assemblée nationale pour la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l’AAH en première lecture de cette loi en février 2020, contre l’avis du Gouvernement et de la majorité. Le Sénat s’est ensuite saisi de ce texte à la faveur de la première pétition sur leur site à dépasser les 100 000 signatures, marque s’il le fallait de l’importance de ce sujet pour nos concitoyens. 

Revenu à l'Assemblée en juin 2021, la majorité et le Gouvernement ont fait adopter une nouvelle écriture, qui ne me convient pas. Il y est dit dans l’article 3 que « les revenus perçus par le conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité qui n’est pas allocataire de l’allocation aux adultes handicapés font l’objet d’un abattement forfaitaire dont les modalités sont fixées par décret. »

 
Ces modalités doivent être décidées par le Parlement et non pas remises à un futur décret. Des milliers de familles et de malheureux non-bénéficiaires sont dans l’attente de cette mesure forte. Nous ignorons aussi si l’abattement sera au niveau de ce qui était initialement proposé ou s’il s’agit d’un simple effet d’annonce.
 
En outre, un abattement forfaitaire n’est pas équivalent à une proportionnalité des revenus du conjoint. Selon les estimations, si cet abattement forfaitaire était fixé à 5 000 euros, il permettrait que des bénéficiaires de l'AAH dont le conjoint est rémunéré au SMIC puissent conserver l'AAH à taux plein, ce qui correspondrait à un gain moyen de 110 euros/mois pour 120 000 bénéficiaires de l'AAH en couple, pour un coût de 185 millions d'euros. Bien en dessous donc de la volonté initiale du législateur en termes de coût et de personnes visées (120 000 sur 250 000).
 
Je vais continuer de travailler avec les acteurs concernés afin d’améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap. Cette prestation manque encore de clarté juridique et demeure assez éloignée des nécessités du quotidien des personnes en situation de handicap. Elle n’est bien souvent pas cumulable avec la retraite et n’est attribuée qu’à travers l’exercice d’une activité professionnelle.
 
Pourtant, l’arrêt de l’activité professionnelle n’est pas synonyme de la fin de toute mobilité pour les personnes handicapées. Bien souvent, la retraite des personnes handicapées est insuffisante : les coûts médicamenteux et les coûts liés à l’aménagement du quotidien des personnes sont bien supérieurs aux prestations obtenues. Aussi, nous devons faire évoluer les critères d’attribution plus largement, personne ne doit être laissé de côté.
 
Nous travaillons et progressons, mais nous devons faire plus et mieux, de façon constante sur la question du handicap.