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Document E2520
(Mise à jour : 12 décembre 2009)


Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur.


E2520 déposé le 26 février 2004 distribué le 2 mars 2004 (12ème législature)
   (Référence communautaire : COM(2004) 2 final du 13 janvier 2004)

Au cours de la réunion de la Délégation du 10 mai 2006, le Président Pierre Lequiller a souligné, en introduction, que la Délégation assurait un suivi attentif des travaux sur la proposition de directive relative aux services. Il a notamment rappelé que ce suivi a été mené en associant les membres du Parlement européen aux travaux de la Délégation. Ainsi, la rapporteure de la Délégation, Mme Anne-Marie Comparini, a rencontré, dans le cadre de la préparation de son rapport, plusieurs parlementaires européens, en particulier Mme Evelyne Gebhardt, rapporteure du Parlement européen. La Délégation a ensuite tenu deux réunions, l’une à l’Assemblée nationale et l’autre à Bruxelles, avec les parlementaires européens. Cette démarche a été exemplaire.

Mme Anne-Marie Comparini, rapporteure, a indiqué que la Commission européenne, après le Conseil européen de la mi-mars, a présenté le 4 avril un texte révisé sur la libéralisation des services qui reprend 95 % des modifications introduites par le Parlement européen. La Commission a notamment repris la rédaction qui assure que toutes les questions liées au droit du travail seront exclues de la future directive. Elle a également repris la bonne articulation des directives horizontales et verticales avec le projet, et le traitement particulier réservé aux « services d’intérêt économique général » (SIEG).

En revanche, la Commission n’a pas intégré, dans son nouveau texte, trois éléments qui résultaient du vote du Parlement européen : l’exclusion des notaires du champ d’application, la définition des services sociaux qui résultait de l’amendement n° 252, et les pistes évoquées par le Parlement européen comme par les parlements nationaux en matière de régimes d’autorisation.

Le 13 avril, lors du Comité interministériel sur l’Europe, le Premier ministre Dominique de Villepin s’est félicité de ce que la proposition révisée de la Commission reprenne largement le texte adopté par le Parlement européen le 16 février. Il a toutefois indiqué que le gouvernement français demanderait, conformément au texte voté par le Parlement européen, la prise en compte des trois éléments précités.

Le 4 mai 2006, la commission des affaires économiques du Sénat a auditionné Mme Evelyne Gebhardt. A cette occasion, celle-ci s’est également félicitée de ce que la Commission ait introduit l’essentiel des propositions du Parlement européen. Mais elle s’est interrogée sur la définition des « professions juridiques réglementées ». Elle a indiqué qu’elle estimait regrettable la rédaction « un peu divergente » de l’alinéa relatif à l’exclusion des services sociaux du champ de la directive. Elle a jugé indispensable de revenir au texte du Parlement européen sur ces deux sujets.

Si, sur tous ces points, une concordance de vues apparaît entre les Etats, il restera cependant un problème : les négociations au Conseil se heurtent aujourd’hui à une sorte de minorité de blocage réunissant nombre de Nouveaux Etats membres, dont la Pologne. A Bruxelles lors de la Réunion interparlementaire, la vice-présidente estonienne a fait remarquer qu’il est plus facile pour une entreprise de services de s’installer en Russie que dans l’Union européenne. Il est manifeste que, pour ces Etats membres, l’Union européenne est avant tout un marché, ce qui n’est pas la conception qu’en a la France. Pour autant, il ne faut pas négliger la position de ces pays et leur opposition au rétablissement des amendements du Parlement européen sur les trois points précités. Il faut espérer que l’Allemagne et la France pourront travailler ensemble pour faire passer des messages efficaces, notamment en direction de la Pologne, afin d’empêcher ce groupe de former effectivement une minorité de blocage.

La prochaine étape sera l’examen du texte de la Commission par le Conseil, prévu pour le 29 mai prochain, et qui se poursuivra éventuellement le 29 juin. Ces réunions du Conseil risquent d’être difficiles.

Les trois points qui demeurent en suspens sont les suivants :

- l’intégration des notaires pour leur mission de conseil dans le champ d’application, les notaires ayant toutes raisons de craindre qu’elle ne soit effectuée si la France ne parvient pas à obtenir le retour au texte de l’amendement n° 81 du Parlement européen ;

- la définition des services sociaux à exclure du champ d’application, car l’amendement n° 252 visait à exclure « les services sociaux tels que les services de logement social, les services de garde d’enfants et les services familiaux », tandis que la proposition révisée de la Commission n’exclut que « les services sociaux relatifs aux logements sociaux, à la garde d’enfants et à l’aide aux familles et aux personnes dans le besoin » ;

- l’article 9, alinéa 2, avait été supprimé par le Parlement européen mais la Commission n’a pas retenu cette suppression, qui concerne le problème de la justification, par les Etats membres, de leurs régimes d’autorisation.

Pour l’instant, outre la Pologne, les autres Nouveaux Etats membres d’Europe de l’Est sont très réticents à adhérer au texte du Parlement européen.

Le Président Pierre Lequiller s’est félicité de ce que le Parlement européen ait obtenu la suppression du principe du pays d’origine. Certes, la négociation finale suscite encore des craintes, mais le gouvernement français va soutenir ces demandes qui s’appuient sur le vote du Parlement européen. La position très raisonnable de celui-ci a été dégagée grâce à une majorité basée sur les deux principales formations politiques.

M. Jacques Floch a souligné que c’est néanmoins au Conseil qu’il appartient maintenant de se prononcer.

M. François Guillaume a souligné la difficulté qu’il y a à faire le tri en ce qui concerne le champ d’application de la directive. S’il est évident que le logement social doit en être exclu, faut-il soustraire à la concurrence les avocats et les notaires ? Les professions libérales doivent, elles aussi, s’intégrer dans une Union européenne où s’applique la libre prestation de services. Leur discours va d’ailleurs constamment dans ce sens.

M. Jacques Floch a fait observer qu’il y a un certain nombre de pays dans lesquels la fonction de notaire n’existe pas, et que dans les Etats d’Europe de l’Est cette fonction a été étatisée et se trouve donc exercée par des fonctionnaires. Aujourd’hui la fonction de notaire existe dans 19 pays sur 25. Le Conseil des notariats de l'Union européenne, qui a tenu son congrès à Rome en novembre 2005, les rassemble.

Les craintes des notaires sont dûes au fait que la Commission avait annoncé que la fonction de notaire rentrerait dans le droit commun, contrairement au système actuel des charges, pour que n’importe quel avocat ou agent immobilier puisse établir des actes notariés. C’est par exemple le cas en Russie, et cela pose de graves problèmes. En France, les collectivités locales ont bien tenté il y a quelques années d’élaborer des actes administratifs en se passant des notaires, mais elles ont rapidement eu de nouveau recours à leurs services. Les notaires pourraient sans doute consentir à quelques efforts, mais il faudra en tout état de cause distinguer entre leur fonction d’officier ministériel et leur fonction de conseil.

Même si les notaires ont souvent une vision trop patrimoniale, en particulier lorsqu’ils siègent en tant qu’élus dans une collectivité locale, M. René André a fait valoir que les notaires, remarquablement bien organisés, se battent mieux que les avocats au sein de l’Union européenne en faveur de l’application du droit germanique et du droit romain pour contrer l’influence du droit anglo-saxon. Il convient de noter que le terme « notaire » recouvre des notions très différentes selon les pays. M. René André a apporté une rectification aux propos de M. Jacques Floch, en indiquant qu’en Russie les avocats ne peuvent pas rédiger des actes authentiques. S’agissant des avocats, il a souligné que l’objectif doit être de leur permettre d’exercer leur activité dans toute l’Union européenne.

M. Daniel Garrigue a rappelé combien le compromis du Parlement européen sur la directive « services » est important. Il a rappelé que la France et le Président de la République avaient pris des positions très fortes sur le sujet.

Le Président Pierre Lequiller et M. Daniel Garrigue ont salué tout particulièrement le remarquable travail de fond réalisé par les membres français du Parlement européen, notamment M. Jacques Toubon.

M. Daniel Garrigue a attiré l’attention sur un point soulevé lors de l’audition de Mme Evelyne Gebhardt au Sénat : la Commission avait l’intention de publier une « communication interprétative (…) dans un sens plus restrictif » sur la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs. Que faut-il en penser, notamment par rapport à l’affaire des travailleurs lettons sur le chantier de Vaxholm ? Y a-t-il là une remise en cause de la directive de 1996 ?

Enfin, M. Daniel Garrigue a constaté que les positions excessives, voire extrémistes, qui ont été exprimées en France au sujet de la directive sur les services ont empêché un dialogue serein avec les Nouveaux Etats membres. Il faut corriger ce type de relation, car la France a de ce fait une image assez déplorable en Europe centrale et orientale. Il est légitime de défendre les préoccupations nationales, mais pas d’une manière aussi désastreuse.

En réponse, Mme Anne-Marie Comparini, rapporteure, a indiqué, s’agissant des « professions juridiques règlementées », que la proposition initiale du commissaire Bolkestein les excluait de son champ, ce qui a amené la Délégation, comme Mme Evelyne Gebhardt, à s’interroger sur la définition exacte de cette notion. Toutes deux ont relevé que l’on ne retrouve pas dans les vingt-cinq pays les mêmes fonctions d’avoué, d’avocat ou de notaire. La demande du gouvernement français, qui rejoint celle du Parlement européen, est que tous les professionnels qui détiennent une parcelle d’autorité publique, de souveraineté, doivent être inclus dans la notion de « professions juridiques réglementées », y compris les notaires. S’agissant des avocats, il ne faut pas oublier qu’ils sont d’ores et déjà régis par une directive transversale qui leur est propre. Les avocats des différents pays sont ainsi amenés à travailler pour une harmonisation de leurs professions, et il convient de saluer de tels efforts. Il ne s’agit pas de « sauver » telle ou telle fonction mais de se rapprocher sur la base d’un dénominateur commun.

S’agissant du détachement des travailleurs, le Parlement européen, dans son texte voté le 16 février, a bien indiqué que la directive n’affectera en rien le droit du travail. La directive de 1996 ne se trouve pas atteinte par les dispositions de ce texte. Face à l’intention de la Commission de rédiger une déclaration interprétative de la directive sur le détachement, Mme Evelyne Gebhardt a estimé au Sénat que la rédaction adoptée par le Parlement européen sur la directive « services »était suffisamment claire pour rassurer pleinement sur le maintien de la directive de 1996.

A l’issue de ce débat, la Délégation a adopté les conclusions suivantes :

«  La Délégation,

- Vu l’article 88-4 de la Constitution,

- Vu la proposition modifiée de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM(2006) 160 final), présentée par la Commission européenne le 4 avril 2006,

Recommande au Gouvernement français d’apporter son soutien à la proposition modifiée de la Commission tout en demandant qu’y soient apportées les modifications nécessaires pour revenir au texte voté par le Parlement européen le 16 février 2006 en ce qui concerne l’exclusion des professions juridiques règlementées et des services sociaux du champ d’application, et la rédaction de l’article 9 de la proposition relatif aux régimes d’autorisation.  »