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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 28 octobre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Laffineur

. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (suite)

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État

. Première Partie

Article 1er

Mme Anny Poursinoff

Mme Marisol Touraine

M. Gérard Bapt

M. Michel Issindou

M. Daniel Garrigue

Article 2

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

M. Gérard Bapt

Amendement no 87

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général

Amendements nos 84, 250, 85, 86

Vote sur l'ensemble de la première partie

. Deuxième Partie

Article 3

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

M. Gérard Bapt

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail

Amendement no 88

Article 4

Mme Anny Poursinoff

Mme Jacqueline Fraysse

Article 5

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

M. Michel Issindou

M. Denis Jacquat, rapporteur

Article 6

M. Jean-Luc Préel

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

Amendement no 474

Article 7

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

M. Gérard Bapt

M. Michel Issindou

Article 8

Mme Anny Poursinoff

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Marisol Touraine

M. Gérard Bapt

M. Guy Lefrand

M. Michel Issindou

Amendement no 89

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

. Troisième partie

M. François Baroin, ministre du budget

Article 9

M. Jean-Luc Préel

M. Michel Issindou

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean Mallot

M. Daniel Garrigue

Mme Martine Pinville

Amendements nos 299, 366, 294, 300, 677, 1, 680, 295, 301 rectifié, 302, 60, 681, 2, 682, 724 (sous-amendement), 691

Après l'article 9

Amendements nos 63, 67 rectifié, 303

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Laffineur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (nos 2854, 2916, 2912).

Hier soir, l’Assemblée a entendu la réponse de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, aux orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, madame la secrétaire d'État chargée des aînés, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, les interventions des orateurs lors de la discussion générale l’ont montré : comme chaque année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale concentre le débat sur des enjeux de société majeurs. Il s'agit de trouver le bon équilibre entre l'impératif de solidarité envers les plus fragiles et le devoir de responsabilité concernant l'équilibre de nos finances publiques.

Nous vous soumettons un budget de responsabilité, qui poursuit la politique du Gouvernement de maîtrise de la dépense. Je salue la démonstration de MM. Pierre Méhaignerie et Yves Bur, duo maintenant bien rodé. Elle met en avant, avec force et rigueur, les conditions de diminution des déficits des comptes sociaux. Un équilibre doit être trouvé entre de nouvelles recettes d'une part, et un effort de maîtrise de la dépense, d'autre part. Ce qu’il est facile de présenter dans un discours reste cependant plus compliqué à mettre en œuvre mesure après mesure, comme on le constate pour chaque PLFSS.

Mme Marie-Anne Montchamp a également expliqué qu’il était impératif de redresser les comptes de la sécurité sociale. Ils se redressent légèrement à partir de l’année prochaine ; il faut évidemment poursuivre dans cette voie. L’équilibre financier sur le long terme constitue le gage de la durée pour la sécurité sociale.

La maîtrise de la dépense est bien l'objectif de plusieurs mesures proposées par le Gouvernement dans ce PLFSS, notamment pour la branche «famille ».

Madame Touraine, comme M. Liebgott et Mme Clergeau, vous estimez que la mesure technique d'alignement du versement de la PAJE, l’allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant, sur la règle en vigueur pour les autres prestations familiales est d'un montant faible. Dans le même temps, vous dénoncez l'ampleur du déficit de la branche qui s'élèverait en 2011, avant économie, à 3,2 milliards d’euros. Je crois qu'il faut se montrer cohérent, car il n’y a pas de petites économies d’un côté et de grands déficits de l’autre. Toutes les économies sont bonnes à prendre, particulièrement lorsqu’il s’agit d’économies que l’on pourrait qualifier « d’économies de gestion ». Une économie de 64 millions d'euros est loin d’être négligeable d’autant qu’elle ne remet pas en cause les fondamentaux de notre politique familiale.

Monsieur Jean-Luc Préel, je tiens à vous rassurer : cette mesure ne fragilise en rien notre système d'aide en faveur des familles ayant des enfants en bas âge. Ce n’est qu’une mesure d’alignement du mode de versement de la PAJE sur la règle du « mois suivant le dépôt du dossier », qui se pratique pour les autres prestations sociales.

En ce qui concerne l’ONDAM médico-social, nous sommes en désaccord avec Mme Bérengère Poletti, mais je suis persuadé que nous pouvons lui apporter des réponses concrètes. Nous verrons si cela est possible au cours de l’examen des articles.

Mme Poletti estime que la restitution de 100 millions d’euros à l'assurance maladie priverait le secteur médico-social de ressources nécessaires à la création de places dans les établissements de personnes âgées, ou que cela freinerait l'investissement dans les établissements. Je tiens à la rassurer sur ces deux points.

Tout d’abord, cette restitution n'aura pas d’effet sur le rythme d'ouverture des places. Je rappelle que ces 100 millions d’euros sont des excédents constatés en fin d'année. L'État n'a donc pas privé le secteur médico-social d’un argent, qui aurait été consommé si les besoins avaient été là. Des cloisons étanches séparent les différents risques dans les comptes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Puisque l’assurance maladie paye les remboursements de soins dans les établissements, il est naturel que les excédents, c'est-à-dire les sommes non utilisées, lui reviennent, sachant qu’elle ne vit pas dans un très grand confort financier.

Ensuite, et surtout, l'État tient son engagement sur le rythme d'autorisation de créations de places dans les établissements pour personnes âgées – je remercie M. Bernard Perrut de l'avoir rappelé.

S’agissant des établissements médico-sociaux, M. Jean Proriol souhaite faire des exceptions à l'objectif de convergence tarifaire défendu par le Gouvernement. La réforme de la tarification qui est en cours fonde désormais le financement des structures sur l'évaluation des besoins réels de la personne ; c’est une sorte de tarification à l’activité. Cette nouvelle modalité d'allocation de ressources permettra justement de mieux répartir les ressources au profit des établissements.

Ce PLFSS nous permet donc d’apporter une réponse réelle et forte à la maîtrise de la dépense, en vue d'un rétablissement durable et structurel des comptes sociaux. En même temps, ce texte confirme la solidarité et le soutien envers les plus fragiles.

Concernant la branche vieillesse, je remercie MM. Denis Jacquat et Dominique Tian, d'avoir rappelé que la réforme des retraites que votre assemblée vient d'adopter est une réforme juste, efficace et équilibrée.

M. Jean Mallot. On ne tient pas ce discours sur tous les bancs !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Monsieur Mallot, j’ai l’impression que cette même conviction va vous gagner. (Sourires) Cela prendra peut-être un peu de temps.

M. Jean Mallot. Votre impression est totalement erronée.

M. Michel Issindou. Vous ne parviendrez pas à nous convaincre, monsieur le ministre !

M. Éric Woerth, ministre du travail. Cette réforme permettra à tous les Français, et notamment aux plus jeunes, de reprendre confiance en notre système de retraite par répartition.

Mme Bérengère Poletti a rappelé, à juste titre, l'importance du défi que représente la prise en charge de la dépendance. MM. Philippe Boënnec et Daniel Garrigue ont également souligné ce point.

Nous apporterons une solution à la question du reste à charge des personnes âgées dépendantes : c'est l'objectif de la réforme du cinquième risque annoncée par le Président de la République. Ce très important chantier s'ouvre aujourd'hui et débouchera en 2011. Le PLFSS prévoit une progression de 4,4 % de l’ONDAM consacré aux personnes âgées ; cela montre qu’il s’agit pour nous d’une véritable priorité

Je rejoins M. Paul Jeanneteau sur la nécessité de prévenir la désinsertion professionnelle des personnes invalides et handicapées. Plus l'arrêt de travail se prolonge, plus la reprise du travail est difficile, jusqu'à conduire parfois à un éloignement définitif de l'emploi. Ce constat concerne d’ailleurs l’ensemble des Français. L'objectif de l'article 44 du PLFSS est bien d'éviter cet éloignement, en permettant le maintien, pendant des actions de formation ou de reclassement, des indemnités journalières maladie.

MM. Jean-Pierre Door et Philippe Vitel ont très bien expliqué comment la réforme du FIVA, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, engagée par le Gouvernement, répondait aux attentes des associations de victimes. Je les remercie pour le soutien qu’ils ont apporté à cette réforme.

Monsieur Guy Lefrand, vous avez déposé une série d’amendements. L’un d’entre eux vise à retenir le premier certificat médical comme point de départ pour la prescription, que nous avons portée de quatre à dix ans. Il s’agit d’une confirmation de la pratique en cours au sein du FIVA depuis sa création, qui n’avait pas été validée par la Cour de cassation en raison d’un manque de bases légales. En revanche, je pense que le critère de la consolidation ne serait pas favorable aux victimes : il aboutirait à ce que les personnes atteintes des pathologies les plus graves ne puissent plus être indemnisées de leur vivant. Je relève d'ailleurs qu'une association de victimes aussi importante que l’ANDEVA, l’association nationale des victimes de l’amiante, ne retient pas cette solution et qu’elle a salué la mesure du Gouvernement, qui permet au FIVA de répondre rapidement, et de façon lisible, aux victimes, tout en prenant en compte l’évolution de la maladie – un nouveau certificat médical permet de suivre les évolutions.

Vous avez également demandé un certain nombre de précisions sur le FCAATA, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante. J'y suis très attentif et je rappelle que nous avons revalorisé l'allocation de 20 %, et que la loi sur les retraites a maintenu intégralement les conditions de départ anticipé prévues pour ces travailleurs. Vous avez participé dans cet hémicycle au débat sur le sujet, qui s’est ensuite poursuivi au Sénat.

Sur une éventuelle réforme du FCAATA, vous souhaitez aller plus loin dans l'individualisation, avec une liste par métier plutôt que par établissement. C'est une préoccupation légitime de veiller à ne viser que les personnes qui ont vraiment été exposées au risque d’amiante. Mais, il faudrait être sûr que l'exercice de ces métiers a réellement exposé à l'amiante les personnes ciblées dans les entreprises et les établissements figurant sur la liste des arrêtés ouvrant droit au FCAATA. Je ne peux le garantir à ce jour, c'est pourquoi je vous propose de travailler encore sur cette question, sur la base notamment du rapport de l’IGAS – il a pris du retard mais il sera disponible prochainement – et de celui de l’ANSES, l’agence nationale de sécurité sanitaire, qui sera remis dans le courant de l’automne. La discussion est ouverte sur ces sujets ; vos amendements sont très importants et ils y contribuent.

Je suis heureux que Mme Clergeau reconnaisse les efforts faits par le Gouvernement en matière de développement de la garde d'enfants. Nadine Morano le rappelle souvent : il s’agit d’un investissement de 1,3 milliard d'euros supplémentaire sur la période 2009-2012. À la fin 2009, nous pouvions déjà dénombrer 41 300 places nouvelles qui ont permis la garde de 67 300 enfants supplémentaires. L’implication du Gouvernement est très forte : jamais un gouvernement n'aura fait autant en faveur d'une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle. Le sujet a d’ailleurs été évoqué lors de l’examen du projet de loi sur les retraites à propos du travail des femmes : le développement des modes de garde doit permettre un libre choix ; à cet égard, il faut bien regarder la réalité en face, les femmes sont plus concernées que les hommes.

Voilà, je le crois, un PLFSS équilibré, entre responsabilité par rapport aux générations futures, et soutien renforcé à nos concitoyens les plus fragiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés.

Mme Nora Berra, secrétaire d’État chargée des aînés. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je remercie Bérengère Poletti d’avoir noté la progression significative des moyens consacrés aux personnes âgées dans un contexte de diminution globale de l’ONDAM. Oui, la politique en faveur des aînés constitue une priorité pour notre gouvernement, afin de répondre aux besoins d’accompagnement et de prise en charge, à domicile comme en établissement. Lorsque je suis questionnée sur la réforme de la dépendance, je rappelle souvent que la solidarité nationale ne se limite pas au financement de l’APA. Elle recouvre également les 8,6 millions d’euros de l’objectif global de dépenses, dont 7,5 millions d’euros d’ONDAM. C’est l’honneur de la France que de pouvoir sauvegarder et même renforcer la solidarité au bénéfice des plus fragiles dans un contexte de crise.

À Jean Proriol, qui m’a interrogé sur ce point, je réponds que nous devons veiller à l’équité de la répartition de ces moyens conséquents, d’où la nécessité de maintenir la convergence tarifaire que nous mettons en œuvre cette année.

Je ne reviens pas sur la restitution des 100 millions d’euros, dont Éric Woerth a souligné la pertinence.

Vous l’avez parfaitement compris, le nouveau mode de construction de l’ONDAM a pour objectif d’améliorer notre programmation des crédits pour la rendre plus vertueuse, en réduisant les excédents récurrents de la CNSA. Il était impératif de faire correspondre les crédits à la réalité des ouvertures de places sur le terrain. Comme l’a très bien dit Bernard Perrut, il ne s’agit ni d’un frein ni d’un recul, mais d’une bonne gestion de nos finances sociales. En contrepartie – Bérengère Poletti y a veillé en déposant un amendement à la loi organique –, le Parlement sera dorénavant informé des autorisations d’engagement, lesquelles permettront le respect strict des engagements pris dans le cadre du plan « Solidarité grand âge ». Je confirme ainsi à Mme Hoffman-Rispal que les tranches annuelles des plans seront respectées. Les agences régionales de santé disposeront de moyens pour autoriser de nouveaux projets. S’agissant du PSGA, je tiens à vous confirmer que le taux d’encadrement dans les EHPAD augmente bien, puisque près de 10 000 emplois supplémentaires sont créés chaque année grâce à la médicalisation.

Pour conclure, la réforme de la dépendance – vous êtes plusieurs à l’avoir évoqué – est une attente forte de nos concitoyens et les chiffres publiés hier par l’INSEE attestent de l’urgence qu’il y a à avancer sur ce projet. En 2035, les plus de soixante ans représenteront 31 % de la population, contre 21 % en 2007. Le chantier de la réforme de la dépendance, que le Président de la République a inscrit dans l’agenda social, est un enjeu d’envergure pour répondre au défi de l’autonomie et de l’avenir des aînés. Aucun scénario n’est arrêté à ce jour. C’est le débat que nous aurons ensemble et avec les Français qui permettra de définir les différents paramètres de la réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, les interventions que nous avons entendues tout au long de la discussion générale traduisent la conscience partagée par tous qu’au sortir de la crise, il est nécessaire de réaliser un effort très important en faveur du redressement des comptes sociaux. Certes, les solutions ne sont pas partagées, et je le regrette.

M. Jean Mallot. Nous verrons. Cela dépend de ce que vous allez nous dire !

M. François Baroin, ministre du budget. Le président Méhaignerie a souligné que le PLFSS s’inscrivait dans un contexte difficile. C’est un constat d’évidence, mais c’est une dimension commune à la réforme des retraites, au projet de loi de finances et au projet de loi de programmation des finances publiques. Les mesures que nous avons à proposer sont difficiles. La grande crise de 2008-2009 et sa réplique récente marquent l’entrée dans un monde nouveau, qui nécessite d’adapter notre modèle social, pour le préserver. Nous ne sommes plus en 1945 ; le monde a changé et c’est l’objectif du Gouvernement que d’adapter notre modèle social à notre temps. À ce propos, je regrette que M. Mallot et Mme Touraine, qui sont animés des mêmes intentions que nous,…

M. Michel Issindou. De meilleures intentions !

M. François Baroin, ministre du budget. …puisqu’ils sont également attentifs à la situation des plus fragiles et des plus démunis, à ceux qui ont le plus besoin de la solidarité nationale, ne parviennent pas à produire des solutions structurées, adaptées sur le plan du financement…

M. Jean Mallot. Persuadez-nous que les vôtres le sont !

M. François Baroin, ministre du budget. …ni à assumer le choix d’une augmentation des prélèvements obligatoires ou des cotisations.

M. Jean Mallot. Si, nous avons déposé des amendements, mais vous les avez refusés !

M. François Baroin, ministre du budget. En tout état de cause, nous sommes engagés dans une œuvre de longue haleine. Nous avons posé un premier jalon particulièrement important cette année avec la réforme des retraites. Je veux, à ce propos, saluer à nouveau l’immense travail accompli par Éric Woerth sur ce dossier, qu’il a porté au nom du Gouvernement durant des semaines. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il est vrai que le PLFSS pour 2011 est un PLFSS de convalescence, selon l’expression, juste, élégante, adaptée, du rapporteur Bur. Mais c’est une convalescence qui mènera la sécurité sociale à la guérison.

Il nous faut avant tout porter l’effort sur les dépenses. Cet effort impératif de redressement est, du reste, commun à l’ensemble des textes sociaux examinés par le Parlement depuis le mois de septembre, qu’il s’agisse de la réforme des retraites, du projet de loi organique relative à la dette sociale – je n’y reviens pas, sauf si vous le souhaitez –…

M. Michel Issindou. Non, n’y revenez pas, cela va nous agacer !

M. François Baroin, ministre du budget. …ou du PLFSS, qui nous occupe aujourd’hui. Sur cet effort en matière de dépenses, je n’entends, là encore, aucune proposition des orateurs de gauche. Ils en appellent toujours à plus de dépenses, acceptant éventuellement, parfois, d’augmenter les cotisations, mais ils ne proposent jamais d’économies maîtrisées, régulées.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. Non, ils ne savent pas : ils ne connaissent que les additions !

M. François Baroin, ministre du budget. Mesdames, messieurs de l’opposition, l’esprit de responsabilité qui nous anime est assez éloigné de l’esprit de facilité qui est le vôtre, si vous me permettez cette expression – mais elle ne vous choquera pas : nous en avons entendu d’autres, il y a deux jours.

M. Jean Mallot. Repousser l’âge du départ à la retraite, ce n’est pas l’esprit de facilité ?

M. François Baroin, ministre du budget. Notre effort sur les dépenses porte à la fois sur les retraites et sur l’assurance maladie. En matière de retraites, la réforme que votre assemblée vient de voter définitivement et qui repousse l’âge de départ à soixante-deux ans restera évidemment comme une réforme majeure de ce quinquennat.

S’agissant des dépenses d’assurance maladie, Mme Bachelot vous a déjà longuement répondu hier soir – je n’y reviens pas. Je remercie néanmoins l’ensemble des orateurs pour leurs interventions : Guy Lefrand, aux propositions duquel le Gouvernement sera particulièrement attentif, Paul Jeanneteau, Guy Malherbe, Jean Proriol, Jean-Jacques Gaultier et Valérie Fourneyron.

L’ONDAM 2010, voté par les parlementaires, sera respecté, pour la première fois, est-il besoin de le souligner, depuis sa création, en 1997. En 2011 et 2012, l’effort de maîtrise des dépenses maladie sera poursuivi : l’ONDAM sera abaissé à 2,9 % en 2011 puis à 2,8 % en 2012. En 2011, cela nécessite 2,4 milliards d’euros d’économies. En dépit de cet effort important, l’évolution des dépenses d’assurance maladie de notre pays, très développé et modernisé, continuera d’être presque deux fois plus élevée que celle du coût de la vie. C’est dire si l’expression de la solidarité occupe une place essentielle dans notre modèle de redistribution et nos politiques publiques.

Les mesures retenues visent à accentuer l’efficience de la dépense et à renforcer la performance du système de soins, comme beaucoup d’entre vous l’ont estimé nécessaire. En cette matière, j’approuve les interventions de MM. Bur, Door, Préel et Leonetti, qui ont insisté sur les mesures qu’il est nécessaire de prendre.

Notre objectif commun est bien d’atteindre la meilleure adéquation possible entre les dépenses de santé, leur efficacité médicale et leur coût. L’enjeu est de recentrer progressivement les dépenses d’assurance maladie sur celles qui sont considérées comme les plus utiles médicalement. C’est un impératif autant économique que sanitaire. Je voudrais dire à Michel Liebgott, Michel Issindou, Sylvia Pinel, Frédérique Massat et Jean Mallot qu’en faisant ces choix, le Gouvernement ne remet pas en cause le caractère solidaire de notre assurance maladie.

M. Jean Mallot. Et pourtant !

M. François Baroin, ministre du budget. Ce n’est pas un argument, monsieur Mallot.

M. Jean Mallot. C’est le constat que nous faisons !

M. François Baroin, ministre du budget. Bien au contraire, nous faisons en sorte de préserver ce système pour que la solidarité telle qu’elle existe reste possible à l’avenir. La France est aujourd’hui l’un des pays développés où le reste à charge des ménages est le plus limité : 8 % des dépenses contre 12 % en Allemagne ou 16 % en Suède, dont le modèle social est pourtant vanté comme l’un des plus redistributifs au monde.

M. Jean Mallot. Le reste à charge augmente !

M. François Baroin, ministre du budget. Pour que notre pays conserve cette spécificité, les décisions prises par le Gouvernement sont indispensables. Bref, il faut moderniser notre système pour le protéger.

J’ajoute que, dans les prochaines années, pour maîtriser les dépenses, conformément à l’ONDAM, nous souhaitons mettre en œuvre les propositions du rapport Briet, afin de renforcer le pilotage et le suivi des dépenses.

Par ailleurs, nous entendons préserver notre système solidaire. Les réformes que nous menons ont ainsi pour objectif d’adapter le système social et de redresser ses comptes, en respectant les principes et les valeurs qui le fondent et en étant toujours animés de l’esprit de justice. J’ai entendu vos propos, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, sur ce que certains d’entre vous appellent le démantèlement de la sécurité sociale. Je crois qu’il faut s’en tenir aux faits ; ce n’est pas en les niant que vous les effacerez. Or, ils attestent que l’effort en faveur des ménages les plus modestes est massif en France. Les chiffres sont éloquents. Selon l’INSEE, dont vous ne contestez pas les analyses, monsieur Mallot…

M. Jean Mallot. Finissez votre phrase, nous verrons ensuite !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est un point de vue douteux, pour un contrôleur général économique qui a accompli une grande carrière dans un éminent ministère. Selon l’INSEE, disais-je, en 2008, les 20 % de la population les plus modestes avaient un niveau de vie moyen égal à 7 200 euros par an avant toute aide. Après versement des prestations, ce revenu passe à 10 600 euros, soit une augmentation d’environ 50 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’INSEE montre que ce bonus lié au système redistributif est supérieur de cinq points en 2008 à ce qu’il était en 2006.

Mme Marisol Touraine. Et les 20 % les plus aisés ?

M. François Baroin, ministre du budget. Quant au revenu moyen des 20 % les plus aisés, qui est de 53 000 euros, il diminue d’environ 10 000 euros, après redistribution en faveur des 20 % les plus modestes. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville. Ce n’est pas comparable !

M. François Baroin, ministre du budget. Non seulement notre système redistributif est très puissant, mais il est renforcé depuis trois à quatre années.

J’ajoute qu’en 2009, nous avons mis en œuvre un bouclier social, en créant le Revenu de solidarité active, qui permet d’injecter à terme près de 3 milliards d’euros supplémentaires à destination des travailleurs modestes. Pour l’année 2011, l’ambition du Gouvernement est de bâtir un cadre budgétaire équilibré, qui ne renonce pas à protéger les plus fragiles et qui préserve les piliers de notre modèle social. Aucune réforme des minima sociaux n’est prévue : ni les règles d’indexation, ni les conditions d’attribution ne seront modifiées. Quand je vois les plans mis en œuvre dans les autres pays européens, je me dis, mesdames, messieurs de l’opposition, que vous pourriez au moins reconnaître cet effort, même si vous n’allez pas jusqu’à voter notre texte. Par ailleurs, nous débattrons, en 2011, de l’avenir de la dépendance, comme l’a rappelé Mme Poletti.

Mesdames, messieurs les députés, nous sommes animés par la volonté de conforter le caractère solidaire et redistributif de notre système social. Vous, les spécialistes du social, connaissez d’ailleurs parfaitement les résultats de notre système social présentés dans les programmes de qualité et d’efficience qui sont annexés au PLFSS, en matière, par exemple, de politique familiale et de garde d’enfants, d’accès aux soins ou de taux de remplacement des pensions de vieillesse.

La préservation du rôle protecteur de notre système social passe par son adaptation et par la maîtrise des dépenses ; ce sera le cœur des politiques que nous aurons à mener dans les années à venir. J’ai bien entendu vos propos, cher Yves Bur, ainsi que ceux de M. Boënnec et de M. Heinrich, sur les sources de financements nouveaux. Cette question mérite d’être posée, et je crois qu’elle le sera dans l’avenir. Quelle que soit la source de financement, les recettes constituent bien une ponction sur les ménages ; or, les prélèvements fiscaux et sociaux français sont parmi les plus élevés d’Europe. Il ne faut pas attendre de solution miracle qui financerait la protection sociale à partir d’une nouvelle ressource cachée ; en fin de compte, ce seront toujours les ménages qui paieront. C’est bien pourquoi je crois que le vrai défi pour les années à venir sera la maîtrise des dépenses, et c’est ce que nous faisons, dans la durée. Conformément au projet de loi de programmation des finances publiques, nous accompagnerons ce dispositif jusqu’en 2014, et nous agirons dans le même esprit pour réduire les déficits de la sécurité sociale.

Par ailleurs, le Gouvernement est bien conscient de l’impact de la crise sur les recettes de la sécurité sociale. Il faut en effet rappeler que, si le déficit est aussi élevé, c’est en raison de l’effondrement des recettes. Vous l’avez constaté au jour le jour, cher Éric Woerth, et accompagné avec beaucoup de détermination. L’effondrement de l’ensemble des recettes de l’État se chiffre à 54 milliards.

Quand on a, par ailleurs, 700 000 à 800 000 chômeurs supplémentaires en l’espace d’un exercice annuel, ce sont évidemment autant de cotisations en moins et autant de dépenses de prestations solidaires en plus. Nous devons accompagner tous les conséquences de la crise et y apporter des réponses adaptées.

Ce sont 70 % des recettes provenant de l’effort sur les niches fiscales et sociales qui sont affectées à la sécurité sociale. Lorsqu’on veut commenter les choix politiques du Gouvernement, il faut prendre en compte l’ensemble des lignes de force du PLF, de la loi de programmation et du PLFSS : 70 % des recettes, soit 7 milliards d’euros sur les 10 milliards que vont rapporter les suppressions et les réductions de niches, vont être consacrés au remboursement de la dette sociale.

Ce sont plus de 8 milliards d’euros de recettes que nous affectons à la sécurité sociale en 2011, ce qui représente un effort très prononcé. Là encore, je ne vous demande pas de voter ces dispositions, mais vous pourriez au moins reconnaître ou peut-être souligner que des efforts sont faits, que nous allons dans la bonne direction. Ne rejetez pas tout d’un revers de main !

M. Jean Mallot. Et vous, ne faites pas les demandes et les réponses, monsieur le ministre ! Nous vous répondrons nous-mêmes !

M. François Baroin, ministre du budget. J’essaie simplement de vous encourager à nourrir votre réflexion pour, éventuellement, nous rejoindre in fine, vendredi soir ou samedi après-midi. Je suis d’un naturel optimiste et vous ne réussirez pas à altérer ma bonne humeur, monsieur Mallot !

Et puis, nous en discuterons en examinant l’amendement du Gouvernement, l’État abandonnera définitivement, l’an prochain, le panier de recettes fiscales à la sécurité sociale, dont l’excédent sera très élevé dans les années à venir. C’est ainsi un effort de 2 milliards d’euros de l’État en faveur de la sécurité sociale que nous faisons dès l’année prochaine. Je voudrais dire à Dominique Tian que les petits ruisseaux font les grandes rivières et que c’est ainsi que nous apportons plus de 8 milliards d’euros à la sécurité sociale cette année.

Marie-Anne Montchamp a évoqué la complexité de la tuyauterie financière que nous mettons en place à travers le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est un constat d’évidence, notamment en ce qui concerne les recettes fiscales destinées à financer la réforme des retraites, qui représentent plus de 1,4 milliard d’euros en 2011. Ces recettes fiscales arrivent naturellement dans les caisses de l’État, et pour que l’État les renvoie à la sécurité sociale, nous avons souhaité garder une certaine cohérence dans la nature et l’affectation des recettes : c’est pourquoi nous avons choisi d’affecter une partie de la TVA sur les produits de santé à la branche maladie. Il a donc fallu organiser un transfert à due concurrence de la branche maladie vers le Fonds de solidarité vieillesse. Cette double tuyauterie est plus complexe, certes, mais elle est surtout plus cohérente.

J’en viens, enfin, à la reprise de la dette, dont nous avons longuement parlé.

M. Jean Mallot. Vous n’avez pas répondu sur l’amendement de Mme Montchamp !

M. François Baroin, ministre du budget. Philippe Vitel et Daniel Garrigue ne m’en voudront pas : je ne reviendrai pas en détail, à ce stade des débats, sur la dette sociale et les 130 milliards d’euros de reprise de dette que le PLFSS prévoit. Je salue ici le travail accompli dans le cadre de la loi organique, dont nous tirerons les conséquences dans le texte du PLFSS. Madame Clergeau, j’ai bien entendu vos inquiétudes sur les ressources de la branche famille ; en lui affectant les niches sur les assurances, le Gouvernement prend naturellement l’engagement de lui affecter dans l’avenir, après 2013, le produit de niches fiscales et sociales qui garantiront le niveau de ces recettes.

M. Jean Mallot. Et l’amendement de Mme Montchamp ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le choix du Gouvernement est très clair : il écarte d’emblée la facilité qui consisterait à augmenter la CRDS. Nous avons opté pour une voie plus complexe, celle de la réduction des niches fiscales et sociales. Et puisque nous avons un potentiel conséquent d’affectation dans la durée, nous poursuivrons ce dispositif après 2013.

M. Michel Issindou et M. Jean Mallot. Après 2013 !

M. François Baroin, ministre du budget. Nous l’avons déjà dit et c’était même écrit, monsieur Mallot !

Encore une fois, le fait que l’État abandonne définitivement à la sécurité sociale l’excédent du panier fiscal prouve notre volonté de préserver ses ressources. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Première Partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par la première partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’exercice 2009.

Je vous informe d’ores et déjà qu’à la demande du Gouvernement, les articles 34 à 56 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 sont réservés jusqu’à la fin du texte. En conséquence, l’Assemblée examinera d’abord les articles 1er à 33 du projet de loi, puis les articles 57 à après 60, enfin, les articles 34 à 56.

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff, inscrite sur l’article, pour deux minutes.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux souligner à quel point tous nos concitoyens sont attachés à notre système de sécurité sociale. Je veux aussi vous dire mon attachement personnel à ce système. C’est en effet grâce à ce que nous appelions, à l’époque, les « demi-journées » de la sécurité sociale et aux allocations familiales que ma famille a pu garder sa dignité quand mon père, atteint d’une longue maladie et ne pouvant plus travailler, a dû recourir à l’aide sociale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous ne vous étonnerez donc pas que durant ce débat, je défende bec et ongles notre système de protection sociale. (« Comme nous ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je m’excuse si, parfois, je n’ai pas l’humour de certains d’entre vous pour répondre à certaines attaques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour l’assurance vieillesse. C’est assommant ! Vous n’êtes pas la seule à avoir connu des difficultés !

Mme Anny Poursinoff. Monsieur Baroin, quand vous cherchez à nous rassurer en affirmant qu’après la convalescence du système, nous verrons sa guérison, j’aimerais pouvoir vous croire. Mais un convalescent qui continue à présenter une forte fièvre doit revoir rapidement son médecin, vous en conviendrez.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Non, pas forcément !

Mme Anny Poursinoff. En effet, les tableaux d’équilibre que vous nous proposez présentent un très fort déséquilibre et montrent bien que le malade va mal.

M. Paul Jeanneteau. C’est vous qui n’allez pas bien !

Mme Anny Poursinoff. Pour éviter de vous entendre dire que nous n’avons pas de propositions, les écologistes suggèrent d’apporter un certain nombre de modifications à votre projet. En bref, nous proposons d’étendre l’assiette des prélèvements, d’introduire une fiscalité écologique, d’avoir une politique forte d’éducation à la santé – nous estimons en effet que nos concitoyens sont capables de prendre en main leur santé afin de réduire les dépenses.

M. le président. Il faut conclure, madame Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Nous proposons également d’offrir des soins primaires, accessibles à tous, sur l’ensemble du territoire ; de renforcer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le groupe GDR n’approuvera pas le tableau dit d’équilibre par branche.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je m’en tiendrai à deux observations compte tenu de la brièveté du temps qui nous est imparti. Nous reviendrons sur certains points le moment venu, notamment sur la présentation faite par M. Baroin de l’évolution des revenus des populations les plus fragiles.

Premièrement, il serait sans doute préférable de faire en sorte que les présentations des comptes soient plus en rapport avec la réalité des comptes sociaux et la façon dont cette réalité est perçue par les Français. Je reprends une observation de la Cour des comptes, qui n’a pas certifié l’ensemble de vos comptes et souligne la différence croissante et problématique entre la réalité des comptes et la façon dont ils sont présentés.

Deuxièmement, l’article 1er et l’annexe à laquelle il renvoie montrent de façon très claire une dégradation sans précédent des situations de nos régimes sociaux. Contrairement à ce que vous indiquez, cette dégradation n’est pas due à la crise, ou elle ne l’est que de façon tout à fait marginale : elle résulte pour l’essentiel de l’évolution structurelle de nos comptes sociaux, à laquelle vous n’apportez aucune réponse. Lorsqu’on se penche sur l’évolution des comptes depuis 2004-2005, on s’aperçoit qu’ils ont été systématiquement et de manière croissante dans le rouge, ce qui montre que la crise a eu un effet indéniable, mais marginal et qu’en réalité, c’est bien la gestion de votre gouvernement – et, dans une moindre mesure, de celui qui l’a précédé – qui est directement responsable de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvons.

M. le président. Il faut conclure, madame Touraine.

Mme Marisol Touraine. Votre seule politique a consisté à faire payer davantage les assurés, mais à l’évidence, il manque une politique structurelle, et ce n’est pas ce tableau qui démentira notre appréciation.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre, l’article 1er a pour objet d’acter le déficit 2009. Pour ma part, je souhaite vous poser une question au sujet de nos comptes sociaux. Le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale a indiqué considérer qu’à partir du moment où un déficit s’incruste, devient durable, on ne peut plus imputer son existence pour partie à la crise et pour partie à des causes structurelles. Pouvez-vous nous indiquer quel est votre projet de réforme de la structure du financement de notre protection sociale, afin d’éviter que ce déficit ne soit, chaque année, comblé – très partiellement – par des expédients ?

Par ailleurs, au sujet de notre système de protection sociale, nous nous félicitons, évidemment, que la France soit dotée d’un système encore efficace.

M. Dominique Dord, rapporteur. C’est bien de le reconnaître !

M. Gérard Bapt. Toutefois, l’existence de ce système n’est pas due au seul mérite de ce Gouvernement : la sécurité sociale a été mise en place à la Libération, puis complétée au fil du temps. Nous n’allons tout de même pas nous comparer au Bengladesh ou au Pakistan !

Vous citez les comptes de l’INSEE selon lesquels les 20 % les plus modestes de la population disposent, après versement des prestations sociales, d’un revenu un peu supérieur à 10 000 euros par an. Mais que sont 10 000 euros par an, en particulier pour les personnes les plus fragiles – je pense notamment aux familles monoparentales, dont une majorité vit au-dessous du seuil de pauvreté ? Vous comprendrez que nous n’ayons pas de fleurs à vous jeter – ni à nous-mêmes, car nous avons une responsabilité collective à l’égard de la protection sociale. Nous voulons avant tout attirer votre attention sur l’accroissement des inégalités et des difficultés de vie quotidienne d’un trop grand nombre de ménages.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Nous venons d’entendre des ministres ravis de la présentation de ce PLFSS : selon eux, la sécurité sociale se porte on ne peut mieux. Pourtant, dès les premiers articles de ce projet, comment ne pas se poser des questions de fond ? Alors que les déficits n’ont jamais été aussi élevés, nous ne disposons pas du moindre commencement de solution. Se réjouir, comme vous le faites, de passer cette année de 23 milliards d’euros de déficit à 21 milliards, ce n’est pas raisonnable !

Vous dites que vous allez chasser le gaspillage et économiser. Nous ne pouvons que vous suivre quand vous proposez de chasser les dépenses, mais à condition que ce ne soit pas au détriment de la qualité des soins et des retraites ! En tout état de cause, la simple réduction des dépenses ne suffira pas à combler les déficits. Tout le monde le dit : à un moment ou un autre, il faudra bien en venir à accroître les recettes.

Vous avez la phobie des prélèvements obligatoires et des impôts, ce qui vous oblige à instaurer divers prélèvements qui, s’ils portent d’autres noms, n’en existent pas moins. En revanche, quand on vous propose de trouver de l’argent au moyen de recettes non fiscales – notamment sur les niches sociales, que vous avez évoquées, monsieur Baroin –, vous repoussez nos amendements. Ainsi, vous ne voulez pas augmenter suffisamment le forfait social : M. Bur s’en tient à 2 % par an, alors qu’il faudrait vraisemblablement l’augmenter de 20 % en une seule fois, ce qui serait encore inférieur aux prélèvements effectués sur les salaires. Si les allégements sur les charges sociales, qui représentent un coût de 22 milliards d’euros par an pour l’État, ne pourraient pas être intégralement supprimés, ils constituent tout de même une source de recettes dont vous avez décidé de vous priver. Vous rognez quelques dépenses, mais vous refusez ce qui pourrait constituer de vraies recettes, ce qui fait que le déficit reste à un niveau insupportable. La sécurité sociale va droit dans le mur ! Comment va-t-elle pouvoir se remettre des 130 milliards d’euros de déficit transférés à la CADES à l’horizon de 2018 ?

M. le président. Il faut conclure, monsieur Issindou.

M. Michel Issindou. On dirait que vous n’avez pas conscience de ces chiffres, et ne faites qu’attendre les jours meilleurs ! Or, ces jours meilleurs ne viendront pas d’eux-mêmes : il faudra bien qu’à un moment, des gens courageux prennent des mesures courageuses. Ce n’est pas ce que vous nous proposez avec ce PLFSS.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Au sujet du financement de la dette sociale, monsieur le ministre, tous les orateurs l’ont dit : nous sommes aujourd’hui dans une impasse. Il serait bon que vous puissiez apporter quelques réponses sur ce point. Les seules solutions que vous proposez pour la reprise de la dette sociale sont des mesures fiscales non pérennes et le siphonage du Fonds de réserve des retraites.

Je considère que l’allongement de la durée d’amortissement de la dette sociale peut se justifier par la nécessité d’apporter un peu de souplesse, mais à condition de doter la caisse de ressources pérennes – qui, en l’état actuel des choses, ne peuvent être fondées que sur la CRDS. Vous avez érigé en dogme le refus d’augmenter tout prélèvement.

Je ne pense pas que, dans la situation où sont nos finances publiques et la protection sociale, l’on puisse encore durablement refuser toute augmentation des prélèvements.

M. Michel Issindou. Très bien ! Vous avez raison !

M. Daniel Garrigue. Une des raisons qui vous bloquent dans cette affaire, c’est – il faut le dire – l’existence du bouclier fiscal. En effet, poser le problème d’une augmentation des prélèvements, c’est poser aussi celui de l’existence du bouclier fiscal et du caractère profondément injuste de ce dispositif.

Non seulement il est injuste, mais en plus il bloque toute perspective d’augmentation des recettes et des prélèvements dans notre pays. J’observe d’ailleurs que vous allez bien être obligé de vous prononcer et de saisir à nouveau le Parlement de ce dossier,…

M. le président. Il faut conclure, monsieur Garrigue !

M. Daniel Garrigue. …puisque la Commission européenne vient de faire ressortir une inégalité de traitement entre les résidents et les non-résidents. Vous allez donc être obligé, monsieur le ministre, de rouvrir le débat sur le bouclier fiscal.

Il est urgent que nous nous débarrassions de ce dispositif qui ne rend service ni à la France ni aux Français !

M. Michel Issindou. Très bien !

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Avec cet article, le Gouvernement nous demande d’approuver le rapport situé en annexe A, décrivant les mesures prises en 2010 pour combler les déficits de 2009, récapitulés dans les tableaux dits d’équilibre de l’article 1er.

Ces tableaux, comme l’a dit Didier Migaud lors de son audition devant la commission des affaires sociales, « portent décidément de plus en plus mal leur nom ».

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Jacqueline Fraysse. Pour 2009, avec un déficit de 20,3 milliards d’euros pour le régime général, plus de 1,4 milliard pour les autres régimes et les 3,2 milliards du Fonds de solidarité vieillesse, le déficit cumulé atteint 25 milliards d’euros.

C’est au cours de l’exercice 2009 que, pour la première fois, toutes les branches du régime général ont été déficitaires, y compris les branches famille et accidents du travail-maladies professionnelles, qui étaient encore excédentaires ou à l’équilibre en 2008.

Face à cette situation, qu’avez-vous fait ? Alors que la crise économique dévoilait au monde les aberrations de l’économie capitaliste financiarisée, que vous défendez, vous avez autorisé l’ACOSS à emprunter plus que le plafond des ressources non permanentes habituellement autorisé.

L’emprunt a été réalisé pour partie auprès de la Caisse des dépôts et consignations, mais également sur les marchés financiers, via l’émission de billets de trésorerie.

Non seulement cela n’a pas réglé le problème, mais cela a surtout eu pour effet d’augmenter la dette sociale, que vous faites payer aujourd’hui aux caisses en prélevant dans leurs ressources dynamiques…

M. le président. Il faut conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. …sans compenser entièrement le manque à gagner par de nouvelles taxes pour répondre aux besoins de financement de la CADES.

Évidemment, nous n’approuvons pas ce choix que vous faites de laisser filer les déficits afin de pourrir les comptes de la protection sociale solidaire avec des frais financiers supplémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je voudrais profiter de cet article pour répondre à M. Baroin, s’il me le permet,…

M. François Baroin, ministre du budget. C’est un honneur ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine. …sur la question de l’évolution des revenus, avant et après redistribution pour les 20 % les plus modestes dans notre pays.

Auparavant, je vous indique qu’une étude faisant autorité, celle de Camille Landais, de l’École d’économie de Paris – reprenant d’ailleurs celle, antérieure, de Thomas Piketty –, qui s’appuie d’ailleurs sur des sources que vous ne pouvez pas contester, puisqu’elles viennent de l’administration fiscale, montre que, au cours des dernières années, l’on a assisté à un très fort accroissement des inégalités de revenus. Les 0,01 % des foyers les plus riches ont vu leurs revenus réels croître de 42 % sur la période, alors que, pour 90 % des foyers – qui ne sont donc pas tous modestes –, cette augmentation n’a été que de 4,6 %.

On s’aperçoit donc que l’on a un éclatement tout à fait spectaculaire de l’échelle des revenus, qui tient pour une part à la très forte croissance des revenus du patrimoine, mais pas seulement. De ce point de vue, la France rompt, comme l’indique cette étude, avec vingt-cinq années de grande stabilité de la hiérarchie des salaires. Les salaires les plus élevés ont tendance à augmenter beaucoup plus vite, depuis quelques années, que le salaire moyen.

Deuxième observation – et je réponds là directement à votre analyse –, il est vrai, et c’est encore heureux, que les foyers les modestes ont un revenu amélioré à la suite des mécanismes de redistribution. Mais ce que vous ne dites pas, c’est que, dans la redistribution, il y aussi les allocations chômage.

M. le président. Il faut conclure, madame Touraine.

Mme Marisol Touraine. Il est donc normal que, dans une situation de crise économique et de fort taux de chômage, les revenus soient améliorés par les allocations chômage. Cela ne veut évidemment pas dire qu’ils se sont améliorés par rapport à la situation que connaissaient ces salariés quand ils avaient un emploi !

Mais nous reconnaissons tous que les mécanismes de redistribution jouent. C’est d’ailleurs l’un des atouts du système français que nous voulons préserver. L’enjeu est de faire en sorte que la redistribution joue davantage pour le bas de l’échelle que pour l’ensemble des salariés du pays.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. L’article 2 acte l’article 1er, mais je souhaitais vous interroger plus particulièrement, monsieur le ministre, sur votre vision, pour l’avenir de notre système de protection, du rôle de l’ACOSS.

On l’a vu, vous permettez à l’ACOSS d’atteindre des plafonds d’emprunt records cette année et transformez même cet organisme en opérateur de marché, puisque voilà qu’il a pu émettre des billets de trésorerie !

En ce qui concerne le problème des prélèvements sur les niches sociales et fiscales, quelles sont, monsieur le ministre, les réformes de structure que vous prévoyez pour assurer le financement de la protection sociale ? En effet, et même en admettant que vos objectifs en matière de retraite soient atteints, vous devez engager une réflexion de cet ordre si vous souhaitez véritablement donner les financements permettant de maîtriser l’emballement de la dette publique en général et, plus particulièrement, la dérive constante, et qui devient de plus en plus structurelle, des dépenses de protection sociale.

M. le président. Sur l’article 2, je suis saisi de plusieurs amendements.

L’amendement n° 87 est présenté par M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Yves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. C’est un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

(L’amendement n° 87, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 84.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il s’agit de corriger une erreur matérielle.

(L’amendement n° 84, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 250.

La parole est à M. Michel Issindou, pour le soutenir.

M. Michel Issindou. Cet amendement vise à dénoncer une fois de plus la fuite en avant et le laisser-aller. La dette de la sécurité sociale, ici considérée à travers l’ACOSS, la banque de la sécurité sociale, est insupportable. Vous avez autorisé des découverts allant jusqu’à 61,6 milliards ; ces chiffres sont absolument insupportables. Cela est dû au fait que vous ne voulez pas régler le problème au fond.

Vous avez une chance dans votre malheur – ou plutôt dans notre malheur collectif : aujourd’hui, emprunter sur les marchés n’est pas trop cher. Imaginons que les taux d’intérêt remontent ! C’est la pire des situations dans laquelle nous pourrions nous trouver.

Nous voulons donc dénoncer la situation de l’ACOSS, qui s’ajoute à la dette que vous transférez à la CADES. Tout cela n’est ni raisonnable ni supportable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Défavorable. Les auteurs de l’amendement reprochent au Gouvernement d’avoir laissé l’ACOSS porter le découvert du régime général. Auraient-ils préféré que l’on augmente les prélèvements, ce qui n’aurait fait, au cœur de la crise, qu’aggraver la récession ?

Au demeurant, mes chers collègues, l’ACOSS, en 2009 et plus encore en 2010, a parfaitement réussi à financer ses besoins de trésorerie. Je reconnais que, depuis l’an dernier, la situation pouvait paraître inquiétante, mais l’ACOSS a signé une convention avec la Caisse des dépôts et consignations ; elle a recouru à des billets de trésorerie, ce qui n’a d’ailleurs rien de nouveau pour elle et elle s’est tournée vers l’Agence France Trésor.

Elle a bénéficié ainsi de conditions de financement totalement transparentes et extrêmement favorables qui lui ont permis de réduire le coût de portage du déficit. Pour l’an dernier et cette année, ce coût de portage est moindre que ce que nous connaissions les années précédentes.

Enfin, le chiffrage de 61,6 milliards d’euros qui figure dans l’amendement concerne l’année 2010, alors que l’article 2 porte sur 2009. Telles sont les raisons pour lesquelles nous émettons un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Nous en avons déjà longuement parlé, notamment au moment du débat sur la dette sociale. Le choix du Gouvernement est clair : il a refusé l’augmentation de la CRDS. Il pouvait y avoir d’autres choix. D’ailleurs – je l’ai dit et même répété à de nombreuses reprises – un consensus s’était dégagé pour demander une augmentation modérée de la CRDS. Mais nous ne voulons, tout au long de cette législature, ni augmenter les prélèvements obligatoires ni procéder à une hausse généralisée des impôts.

M. Michel Issindou. Ce sera pour 2013, mais vous ne serez plus là personnellement pour le faire !

M. François Baroin, ministre du budget. De la même façon que, dans le projet de loi de finances, nous ne touchons pas à l’impôt sur les sociétés, à l’impôt sur le revenu et à la TVA, nous ne voulons pas, s’agissant des financements de la sécurité sociale, procéder à l’augmentation des cotisations de nature sociale.

M. Michel Issindou. Comment allez-vous faire, alors ?

M. François Baroin, ministre du budget. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé à un autre schéma consistant à prendre en compte l’allongement de la durée de vie – je n’y reviens pas – et à procéder à la reprise de la dette de crise.

Une fois encore, vous faites comme si la crise n’avait pas eu lieu ! Je me répète donc moi aussi, ce qui me permet, ainsi qu’à tout le Gouvernement, de faire un travail de pédagogie. On dirait qu’à gauche, notamment rue de Solferino, vous avez la mémoire d’un poisson rouge, qui fait le tour de son bocal et, trois secondes après, a oublié ce qui s’est passé ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Excellent !

M. François Baroin, ministre du budget. Pourtant, en 2008 et 2009, il s’est quand même passé quelque chose ! Ne serait-ce qu’il y a encore six mois – mais peut-être êtes vous frappés d’amnésie définitive, auquel cas il y a certainement des médecins dans la salle ! –, l’Europe a connu une secousse importante. Notre monnaie a été menacée ; l’ensemble des pays de l’Union européenne ont mis en place un dispositif de solidarité et de soutien.

M. Michel Issindou. Le déficit est là, il ne va disparaître comme ça !

M. François Baroin, ministre du budget. Cette problématique des déficits ne concerne pas seulement la France. Notre pays n’est pas une île et nous ne sommes pas non plus la Grande-Bretagne, qui prend des mesures beaucoup plus dures. Sur tous ces sujets, dont nous aurons le temps de reparler, l’esprit de responsabilité doit vous animer, comme nous.

M. Michel Issindou. C’est la fuite en avant !

M. François Baroin, ministre du budget. Ce n’est pas une question de droite et de gauche ou alors, si l’on va sur le terrain politique, la différence entre la droite et la gauche va se résumer de la façon suivante : vous voulez augmenter les impôts, tandis que nous agissons sur les dépenses.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître que l’on ne peut pas dire que le discours de la gauche consiste à vouloir augmenter les impôts, tandis que, de l’autre côté, vous prendriez des mesures de structure. Sur ce second aspect, la vérité est que votre texte montre exactement le contraire !

Ce que nous vous disons, le message que nous essayons de faire passer à travers cet amendement, c’est que vous vous efforcez de masquer les augmentations de fiscalité auxquels vous procédez. Bien loin d’être dans une démarche vertueuse sur le plan des finances publiques, vous engagez de façon subreptice des augmentations de prélèvements qui ne disent pas leur nom.

Vos textes de loi donnent l’apparence de la stabilité des prélèvements obligatoires, mais la vérité de votre politique c’est que, pour les Français, les prélèvements augmentent, à travers des hausses de taxes et la progression de certains coûts, par exemple les assurances santé.

Vous feriez mieux d’assumer fortement l’augmentation des prélèvements que vous imposez aux Français, et, parmi eux, aux plus modestes et aux classes moyennes, plutôt que de vous réfugier derrière la crise et de récuser toute hausse de la fiscalité. Mais ce n’est pas votre choix : vous avez opté pour des hausses de fiscalité que vous n’assumez pas devant les Français.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, vous avez tout à fait raison de dire que le problème du financement de la protection sociale et celui du déficit ne sont pas des problèmes de droite ou de gauche. Je partage complètement ce sentiment. C’est un problème qui concerne l’ensemble des Français, l’ensemble des élus sur les bancs de l’Assemblée nationale.

Mais nous sommes aujourd’hui dans une situation telle que l’on ne peut pas continuer à vivre d’expédients. On nous parle d’une opération de swap, mais j’ai peur que ce soit en réalité, monsieur le ministre, un CDS.

Il est urgent d’avoir le courage de dire la vérité aux Français et de prendre les mesures qui s’imposent. C’est vrai, le fait d’augmenter la CRDS pose certains problèmes car cette ressource n’est pas progressive. De plus, comme je l’ai dit, elle est soumise au bouclier fiscal et ne frappe pas suffisamment les revenus du patrimoine et du capital par rapport aux revenus du travail.

Je me félicite, sur ce point, de l’adoption unanime par la commission des finances de l’amendement de Mme Marie-Anne Montchamp, dont nous discuterons tout à l’heure.

Monsieur le ministre, votre attitude ne sert pas la France et ne rend pas service aux Français !

M. Michel Issindou. Très bien !

(L'amendement n° 250 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 85.

(L'amendement n° 85, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86, qui rectifie une erreur matérielle.

(L'amendement n° 86, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L'article 2, amendé, est adopté.)

Vote sur l'ensemble de la première partie

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

(L'ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième Partie

M. le président. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’année 2010.

Article 3

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, première inscrite sur l’article 3.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaiterais revenir brièvement, à l’occasion de la discussion de cet article qui abaisse la contribution des organismes complémentaires au financement de la campagne de vaccination contre la grippe A, sur l’attitude du Gouvernement tout au long de cette crise.

J'ai participé à la commission d'enquête sur cette campagne ; je ne partage pas ses conclusions, qui tendent à exonérer le Gouvernement de ses responsabilités.

Pour ma part, je considère que cette campagne a été un fiasco, dont je crains beaucoup qu'il ne jette la suspicion sur les politiques de santé publique, et singulièrement sur la vaccination. Ce n'est pas tant l'application du principe de précaution que je reproche au Gouvernement – qui a dû faire face à une situation inédite et aux informations orientées de l'OMS – que la mise en œuvre de ce principe.

Il s’est en effet montré incapable de moduler les commandes de vaccins en fonction de l'évolution de la maladie ; le recours à une campagne de vaccination de masse s’est révélé tout à fait inapproprié ; les médecins généralistes ont été mis à l’écart de façon tout à fait incompréhensible ; la communication du Gouvernement a été rigide et inefficace, voire contre-productive.

Je me réjouis aujourd'hui de ce que le virus de la grippe A se soit finalement avéré guère plus dangereux que celui de la grippe classique, que la campagne, malgré son échec, ait coûté moins cher que prévu, et que l'État soit amené à rembourser les organismes complémentaires.

Mais cette campagne aurait pu être à la fois plus efficace et moins coûteuse si elle avait été menée dans la transparence et en suivant les principes de la démocratie sanitaire, à la fois envers les professionnels et envers les citoyens.

Il aurait évidemment été judicieux de solliciter les médecins généralistes, aussi bien pour évaluer la dangerosité du virus que pour adapter la campagne de vaccination.

Il faut, je crois, penser à nos concitoyens et tirer les leçons de ce qui s’est passé. Il faut se résoudre, monsieur le ministre, à considérer que nos compatriotes ont un cerveau.

M. le président. Merci de conclure.

Mme Jacqueline Fraysse. Rien n’est possible sans la prise en compte de leurs préoccupations et de leurs légitimes interrogations, surtout en pareilles circonstances. Autrement dit, il faut savoir organiser des débats publics dans le respect mutuel.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. L’an dernier, nous avions indiqué notre scepticisme vis-à-vis de la gestion de cette crise par le Gouvernement et notre réticence à l’idée de faire contribuer les organismes complémentaires au financement de la campagne contre la grippe H1N1 : dans la mesure où il s’agissait d’un problème de santé publique, il nous semblait que cela devait relever de la seule politique de l’État.

Aujourd’hui, le débat se pose en termes différents puisque la fameuse grippe n’a pas été au rendez-vous. Sur le plan de la santé publique, on ne peut que s’en réjouir ; mais on ne peut que déplorer la manière dont le Gouvernement a conduit cette affaire.

Notre principal reproche ne porte évidemment pas sur le fait que le Gouvernement se soit préoccupé de protéger nos concitoyens de l’arrivée éventuelle de la grippe H1N1, mais sur la rigidité et l’absence d’adaptation du processus. On a ainsi abouti à la perte de sommes considérables, mais surtout on a fait naître un doute général dans la population sur l’intérêt non seulement de cette vaccination-là mais aussi de l’ensemble des vaccinations.

Or nous sommes dans un pays qui, par principe en quelque sorte, s’interroge sur les messages de santé publique qui proviennent des autorités étatiques. C’est fort regrettable et l’enjeu, pour notre pays, est de mieux assurer, de renforcer ces messages de santé publique ; il faut que la population française soit sûre que, lorsqu’on lui demande de se vacciner, de se protéger, cela renvoie à une réalité sanitaire confirmée.

Ce qui s’est passé l’année dernière fait craindre que nos concitoyens ne soient plus sceptiques que jamais sur l’intérêt, la portée, l’utilité des campagnes de santé publique. C’est la raison pour laquelle nous avons à de nombreuses reprises marqué notre vive préoccupation à l’égard de la manière dont cette campagne a été conduite par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Monsieur le ministre – des comptes publics, et pas de la santé –, cet article nous propose la révision de la contribution des organismes complémentaires à due concurrence des vaccins achetés. Ce n’est pas la même chose que la due concurrence des vaccins effectivement utilisés : 10 % à peine des vaccins achetés ont été injectés.

Le splendide isolement dans lequel notre structure de décision sanitaire, et certainement au plus haut niveau de l’État, a décidé cette folle commande de 94 millions de doses dès le mois de mai 2009 – sans consultation des experts, si ce n’est un mystérieux comité de lutte contre la grippe, et encore de façon cursive – a donc conduit à reporter une bonne partie de la charge vers les organismes complémentaires, c’est-à-dire vers les assurés sociaux qui ont choisi de souscrire un contrat complémentaire.

Voilà pourquoi nous voterons contre cet article : si nous approuvons l’idée de rendre aux organismes complémentaires une partie de la somme qu’ils avaient dû payer, nous contestons formellement la façon dont cette crise a été gérée.

Sur bien des points, le rapport de la commission d’enquête dont M. Jean-Pierre Door a été le rapporteur rejoint d’ailleurs les préoccupations que je viens d’exprimer.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse. On a entendu beaucoup de critiques. Si, à titre personnel, j’ai toujours regretté que les médecins généralistes n’aient pas été associés dès le départ comme cela a été fait au Luxembourg ou en Belgique, je tiens néanmoins à féliciter le Gouvernement pour sa gestion de cette crise.

M. Gérard Bapt. Bravo ! Bel effort !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je n’ose penser à ce qui serait arrivé dans ce pays si un seul décès avait pu être attribué à l’absence de vaccin !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. En tant que rapporteur de la commission d’enquête sur la grippe A, je veux dire qu’il est facile de juger a posteriori. On ne va pas refaire le match ; l’équilibre entre le principe de prévention et le principe de précaution est très difficile à trouver. Je reste persuadé que tout Gouvernement, de gauche ou de droite, aurait agi de la même façon vis-à-vis de ce virus inédit, et à risque.

Cette campagne a eu des défauts, qui ont été mis en évidence par la commission d’enquête. Mais elle a au moins servi d’expérience grandeur nature pour l’avenir : nous ne sommes pas à l’abri, les uns et les autres, d’un nouveau risque épidémique qui pourrait se révéler virulent et mortel.

Il faut donc rester assez calme sur ce sujet. Le débat est passé, nous parlons maintenant d’équilibre financier, avec l’amendement déposé par Yves Bur et moi-même que nous allons défendre à présent.

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 88.

La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Il ne s’agit effectivement pas de rouvrir le dossier de la lutte contre la grippe A, mais plutôt d’y mettre un terme, au moins en ce qui concerne l’aspect financier.

En effet, les organismes complémentaires de santé ont été sollicités pour co-financer le coût de cette pandémie. Heureusement, le virus a été moins virulent que prévu, et les dépenses liées à la campagne de vaccination n’ont pas été aussi élevées que l’on pouvait l’imaginer l’an dernier à la même époque.

Répondant à une demande des trois familles d’assureurs complémentaires, cet article abaisse donc le taux de contribution des mutuelles, notamment en prévoyant le remboursement du trop-versé : il s’avère en effet que les acomptes trimestriels déjà perçus dépassent le montant total dû par les organismes complémentaires.

Cet amendement vise à prévoir une date butoir au 1er avril 2011, afin que ce remboursement ait lieu de la façon la plus rapide possible. Ce remboursement pourra bien sûr être effectué bien avant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Roselyne Bachelot a indiqué dès le 15 juin dernier, dans le cadre de son audition par la commission d’enquête sur la campagne de vaccination, que le recouvrement de la contribution exceptionnelle due au titre du troisième trimestre serait reporté sur l’échéance suivante, fixée au 31 janvier 2011.

J’espère que cette position vous agréera.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. C’est parfait !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. J’en suis bien d’accord, il ne s’agit pas de refaire le match : et les crises d’urgence sanitaire sont par définition des moments difficiles.

Mais nous parlons ici en présence de M. le ministre du budget. M. Door et moi-même avons entendu récemment le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de cette crise : ses critiques sont très précises – certaines figurent d’ailleurs également dans le rapport de M. Door – et il faudra en tenir compte à l’avenir, monsieur le ministre.

Il faudra, tout d’abord, passer des commandes par option et non des commandes fermes. Cela nous aurait évité cet article. Nous allons, pour notre part, nous abstenir sur l’amendement de MM. Bur et Door.

(L'amendement n° 88 est adopté.)

(L'article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Monsieur le ministre, vous nous dites que nous ne sommes pas dans un débat politique : j’en suis extrêmement surprise. Nous sommes tout de même face à un débat de société, et des plus importants.

D’un côté, en espérant une hypothétique croissance, on pille la planète, on affaiblit les pays pauvres et on aggrave les inégalités dans les pays riches entre ceux qui travaillent et ceux qui font de l’argent – dire que ce n’est pas un choix de société est tout de même particulièrement étonnant !

Nous voulons, nous, une société solidaire ; nous plaidons pour une société plus équitable, qui taxe les revenus du capital, les transactions financières et les activités qui détruisent l’environnement et la santé. Accumuler les dettes, comme vous nous le proposez en rêvant au retour de la croissance, nous semble irresponsable.

M. Bertrand Pancher. Qui est irresponsable ici ?

Mme Anny Poursinoff. C’est pourquoi le groupe GDR ne votera pas l’article 4.

M. Guy Lefrand. Tout en nuances !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 4 concerne la rectification des prévisions de recettes et des tableaux d'équilibre pour 2010.

Ces rectifications doivent évidemment s'apprécier à l'aune des projections et hypothèses macro-économiques que vous formuliez l’année dernière, et dont on voit aujourd’hui qu’elles relevaient de l'utopie, pour ne pas dire de la farce.

Nous les avions alors dénoncées, je vous le rappelle, en considérant votre optimisme débordant comme tout à fait irréaliste. Nous vous avions enjoints de présenter un budget sincère, ce que vous n’avez pas fait.

Comme je ne doute pas de vos compétences, je ne peux conclure qu’à votre volonté de dissimuler la réalité, et donc de tromper nos concitoyens. Mais les chiffres sont têtus, le résultat est là : aujourd’hui, nous ne saurions donc soutenir un tel article.

(L'article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. Sur l’article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 5 revoit à la hausse pour 2010, d’une part, l’objectif d’amortissement de la CADES, d’autre part, le montant des recettes affectées au Fonds de réserve des retraites.

Sur le principe, la révision d’objectifs fixés l’an dernier en loi de financement de la sécurité sociale ne soulève pas de remarques particulières.

Nous tenons néanmoins à exprimer très clairement dès à présent notre rejet des options retenues par le Gouvernement en matière de gestion de la dette sociale.

Les précédentes lois de financement traduisaient l’attentisme du Gouvernement concernant la recherche de solutions globales et pérennes du financement de la protection sociale dans son ensemble, un attentisme coupable, responsable aujourd’hui du creusement des déficits structurels. En effet, si le Gouvernement communique beaucoup sur la dette dite de crise, qui serait de 34 milliards, une dette « hors crise », structurelle, d’un même montant, existe également bel et bien, mais il n’en parle pas.

Faute d’avoir pris les mesures nécessaires l’an dernier, ne serait-ce que d’envisager que puissent être élargies, augmentées, les ressources de la protection sociale comme nous le proposions, le Gouvernement a sciemment fait courir à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, un risque financier inacceptable en portant son plafond d’emprunt à hauteur de 65 milliards d’euros. Les rendez-vous manqués des années passées, nous les payons « cash » aujourd’hui, et les générations futures dont vous nous parlez si souvent les paieront aussi.

Ainsi, 130 milliards de dettes devraient être transférés à la CADES. Cette autorisation d’emprunt coûtera en fait 180 milliards d’euros aux contribuables et deux tiers des 50 milliards d’euros d’intérêts iront directement dans les poches d’investisseurs étrangers.

L’ACOSS, qui a pour seule mission de financer les découverts de trésorerie, n’avait pas vocation à continuer à porter une dette à long terme et à s’endetter sur les marchés financiers internationaux, pour des durées très longues.

M. le président. Il faut conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le transfert des dettes portées par cette agence était nécessaire. Pour autant, il se fait dans des conditions irresponsables et inadmissibles.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je saisis l’occasion de cet article pour exprimer notre désaccord profond avec la manière dont vous mettez fin au Fonds de réserve des retraites et surtout dont vous avez, au cours des dernières années, anticipé la décision qui est la vôtre cette année, en refusant d’alimenter ce fonds de manière significative.

La vérité, c’est que vous n’avez jamais voulu faire de ce fonds de réserve un instrument actif de la politique d’anticipation du déséquilibre démographique et du déséquilibre financier en matière de retraite. Vous avez cessé, votre gouvernement comme celui qui l’a précédé, de l’alimenter de manière significative à partir de 2003, allant même jusqu’à ponctionner sur le fonds des sommes importantes afin de les réorienter vers la sécurité sociale. Aujourd’hui, vous arrivez au terme de ce processus.

Nous avons déjà souligné notre désaccord avec la manière dont vous entendez gérer la dette sociale, ponctionnant purement et simplement l’ensemble des ressources de ce fonds pour alimenter la CADES, mais nous tenons à redire que le Fonds de réserve des retraites n’était pas et ne doit pas être conçu comme un instrument de court terme. Ce doit être un instrument structurel de lutte contre les déséquilibres financiers dans la durée. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons aux dispositions de l’article 5.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Le Fonds de réserve des retraites que nous avions créé avait son utilité : il s’agissait de prévoir les effets du baby-boom en 2020. Mais, comme vous n’augmentez pas les recettes, vous êtes bien obligés de faire avec ce que vous avez, et vous utilisez la CADES pour reporter le remboursement à 2025 – fuite en avant bien annoncée – et vous trouvez quelques recettes dans le Fonds de réserve des retraites, bien que celui-ci ne soit pas vraiment fait pour cela.

Une fois de plus, nous sommes obligés de dénoncer, avec force, l’irresponsabilité de votre gestion.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Je voudrais rappeler à Mme Touraine qu’à l’époque de la création du Fonds de réserve des retraites, j’avais demandé, en tant que rapporteur, à ma formation politique de voter pour, considérant que ce fonds était utile dans la mesure où il devait apporter de l’argent pour 2020 dans le cadre d’un fonds de lissage pour le régime général. Nous étions tous d’accord.

Mme Marisol Touraine. Justement !

M. Michel Issindou. Il fallait le garder !

M. Denis Jacquat, rapporteur. On nous accuse de détourner de l’argent, de procéder à un hold-up.

Mme Marisol Touraine. Oui, c’est un hold-up !

M. Denis Jacquat, rapporteur. À l’époque, j’avais bien insisté sur la nécessité de prévoir des financements pérennes. Or, ces financements pérennes n’ont été assurés ni par la gauche ni par la droite.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce n’est pas une raison !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Des financements promis du temps des gouvernements de gauche ne sont pas arrivés.

Mme Marisol Touraine. Nous n’avons pas disposé du même temps que vous !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Alors, de grâce, pas de procès sur ce point.

Nous aurons d’autres rendez-vous sur les retraites et nous prendrons en compte le choc démographique de 2020. Mais, aujourd’hui, nous avons un problème de déficit. Nous n’avons plus d’argent sur le compte courant et nous avons de l’argent en épargne. Donc, nous prenons cet argent, pour le bien des Français, pour assurer la continuité, tout en sachant qu’il faudra, lors des prochains rendez-vous concernant les retraites, prendre en compte cette « bosse ». Vous parlez de hold-up, alors qu’il s’agit simplement d’une bonne gestion.

M. Michel Issindou. Vous ne prendrez pas l’argent deux fois !

Mme Marisol Touraine. Comment financerez-vous le lissage de la bosse ?

(L’article 5 est adopté.)

Article 6

M. le président. Sur l’article 6, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’article 6 concerne les dotations à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires et au Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.

Je ne reviendrai pas sur le rôle de l’ÉPRUS dans la gestion de la grippe H1N1, ce n’est pas le débat aujourd’hui, et j’approuve le principe de la récession à la CNAM des dotations votées non consommées pour une somme de 216 millions.

En revanche, je voudrais insister sur le cas du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés. Ce fonds, créé en 2001, est chargé de contribuer au financement des opérations d’investissements nécessaires à la restructuration hospitalière et à l’accompagnement social. Il est proposé d’annuler 105 millions de crédits non consommés considérés comme déchus.

Lorsque l’on connaît les besoins de restructuration des établissements publics et privés, on ne peut que s’étonner de la non-consommation des crédits. Je connais, comme sans doute chacun d’entre nous, des établissements qui ont demandé des aides à la restructuration. Comment comprendre les refus ou les aides limitées lorsque l’on constate des crédits votés non utilisés ?

Je me permets de demander à M. le ministre que l’hôpital de La Roche-sur-Yon puisse recevoir quelques millions complémentaires, prélevés sur les millions qui n’ont pas été consommés, pour faire face aux besoins. Je souhaiterais également que les crédits, dès leur vote, soient délégués aux ARS, de façon à répondre aux besoins réels.

M. François Rochebloine. Excellent !

M. Paul Jeanneteau. C’est une question personnelle !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je rejoins tout à fait les préoccupations de M. Préel.

Le Fonds de modernisation des établissements de santé publies et privés a été créé par le PLFSS pour 2001 pour aider les établissements de santé à se moderniser. Or il est devenu un instrument pour équilibrer les comptes.

Une instruction de la Direction générale de l’offre de soins d’avril 2010 précise que ce fonds permet de verser une indemnité exceptionnelle de mobilité aux agents dont l’emploi est supprimé et qui acceptent de rejoindre un autre établissement, de financer la reconversion professionnelle des agents dont l’affectation est modifiée, ou encore de verser des indemnités de départ.

Une partie de ce fonds était censée accompagner le passage à la T2A. Il n’en est plus question dans l’instruction de la DGOS. Les besoins existent pourtant. La Cour des comptes indique, dans son dernier rapport, qu’une partie des déficits des hôpitaux publics s’explique par des erreurs de mise en oeuvre de la T2A, et elle recommande de « rendre plus performants les systèmes d’information internes pour faciliter le codage et la facturation en temps réel ». C’est justement l’un des objets du Fonds de modernisation. Malgré cela, une partie de ce fonds – 105 millions d’euros exactement – n’a pas été dépensée entre 2001 et 2005.

Ces crédits non utilisés auraient dû rester affectés au Fonds de modernisation mais il est proposé, dans le but de respecter l’ONDAM 2010, de réduire d’autant la dotation attribuée en 2009 pour cette année.

La non-utilisation de ce fonds pose question. La Cour des comptes souligne les difficultés techniques causées dans certains hôpitaux par la T2A. Si le FMESPP a encore pour vocation de financer le passage harmonieux – on peut l’espérer – à la T2A dans les hôpitaux, il est incompréhensible qu’il ne soit intégralement utilisé.

M. le président. Il faut conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Par ailleurs, les personnels des hôpitaux, soignants et non-soignants, souffrent, vous le savez. Il est également incompréhensible que le fonds ne soit pas mobilisé pour leur venir en aide.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Dans ce PLFSS comme dans tous ceux qui l’ont précédé, les fonds destinés aux actions structurelles sont systématiquement les parents pauvres et on peut s’interroger sur la manière dont ils sont utilisés.

Dès lors qu’il reste des ressources disponibles sur ces fonds, cela veut dire que des actions de restructuration n’ont pas été menées – alors que ces actions, on le voit chaque jour, sont nécessaires – et on en tire argument pour récupérer les sommes en question et les affecter à d’autres objectifs. C’est vrai pour le Fonds de modernisation des établissements de santé, c’est vrai également, nous le verrons plus tard, pour le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins, le FIQCS, qui traite des mesures structurelles concernant la médecine libérale notamment.

Nous sommes en droit de nous demander comment le Gouvernement, comment les organismes responsables font valoir la capacité de recourir à ce fonds auprès des établissements concernés.

On a le sentiment qu’on met de l’argent dans un fonds, en espérant que personne ne saura qu’il y en a, et qu’aucune action de restructuration ne peut être menée. D’un côté, on a des hôpitaux, des établissements de santé, qui crient famine, qui demandent à avoir des soutiens pour se restructurer, de l’autre côté, on a un fonds qui est sous-consommé. Cherchez l’erreur ! Je crains que l’erreur ne soit dans la manière dont on fait passer l’information. J’ai l’impression que, volontairement, le Gouvernement n’informe pas sur les disponibilités offertes par ce fonds. Cela traduit pour nous, une nouvelle fois, le refus de votre gouvernement d’engager des actions de restructuration des établissements de santé, alors que cette restructuration est bien nécessaire.

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 474.

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Il existe, nous le savons tous, de vrais besoins en matière de restructuration des établissements et je pense que cet amendement de suppression de l’aliéna 3 devrait être voté à l’unanimité, et particulièrement par mon ami Guy Lefrand qui a sans doute des problèmes dans sa région. Il est étonnant de constater que ces 105 millions n’ont pas été consommés alors que les besoins sont réels dans tous les établissements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement de Jean-Luc Préel.

M. Michel Issindou. Pourquoi ?

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Contrairement à ce qui est écrit dans l’exposé des motifs, la dotation ne remet pas du tout en cause l’utilité du fonds de modernisation. Les sommes visées ont fait l’objet d’une procédure de déchéance : soit parce que les crédits n’ont pas été attribués un an après le vote, soit parce qu’ils ont été délégués mais n’ont fait l’objet d’aucune demande de paiement, trois ans après leur délégation. Autrement dit, ce sont des crédits immobilisés.

Il faut relire les missions du fonds de modernisation. Certaines missions sont remplies, mais le fonds de modernisation n’a pas lieu de garder des sommes immobiles depuis des années qui ont fait l’objet d’une procédure de déchéance. La bonne gestion commande de remettre ces sommes dans le budget général.

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons que le rapporteur.

Au-delà du fait que les crédits en question sont concernés par la déchéance et que cela n’altère pas la qualité des missions qui sont poursuivies par le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, c’est aussi un élément de construction du respect de l’ONDAM.

Pour ces deux raisons, vous comprendrez aisément que le Gouvernement soit défavorable à cet amendement.

(L’amendement n° 474 n’est pas adopté.)

(L’article 6 est adopté.)

Article 7

M. le président. Sur l’article 7, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous pourrions nous féliciter du fait que les dépenses de l’ensemble des régimes de base et du régime général de la sécurité sociale pour 2010 soit en baisse par rapport aux prévisions. Hélas ! ces économies ne sont pas dictées par les orientations qui nous motivent.

Elles relèvent par exemple d’une moindre progression des prestations versées par les administrations de sécurité sociale, d’un ralentissement des prestations vieillesse – moins 0,5 % par rapport à 2009 – suite au durcissement des conditions de départs anticipés, à la hausse de la durée d’assurance pour partir en retraite à taux plein et à une moindre revalorisation des pensions privées par rapport à 2009.

Elles relèvent aussi d’une faible progression des prestations familiales, sans parler du poids des dépenses de santé pour nos concitoyens qui, comme nous l’avons déjà souligné, sont de plus en plus nombreux à renoncer aux soins. Malheureusement, nous ne pourrons donc pas voter cet article 7.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Voilà encore un article en trompe-l’œil laissant à penser que des politiques de restructuration permettant de ralentir l’augmentation des dépenses ont été menées. Or, je le répète, les seules économies constatées ont été réalisées non pas par la mise en œuvre de mesures structurelles, mais par des prélèvements supplémentaires sur les assurés, prélèvements qui n’ont absolument aucun impact sur l’évolution des dépenses de santé. Ils ont en revanche une incidence directe sur la capacité d’accéder aux soins pour les Français modestes et une partie de ceux des classes moyennes.

Quand on examine le bilan de votre politique depuis quelques années, et singulièrement depuis deux ans, on s’aperçoit en effet que les déremboursements n’ont cessé d’augmenter. En raison des déremboursements et des franchises sur les médicaments, des forfaits de toutes sortes sur les actes médicaux et de l’explosion des dépassements d’honoraires, les Français doivent payer eux-mêmes chaque jour davantage pour les soins courants, c’est-à-dire ceux auxquels ils peuvent prétendre à l’occasion d’une maladie sans gravité particulière mais qui n’en reste pas moins une maladie. Le rétablissement minime des comptes que vous affichez – 2 ou 3 milliards de plus pour l’année – correspond uniquement aux prélèvements complémentaires qui ont été effectués au détriment des assurés sociaux et ne reflète en aucun cas une amélioration de la politique structurelle de santé dans notre pays.

M. le président. Il faut conclure, madame Touraine !

Mme Marisol Touraine. En revanche – nous aurons l’occasion d’y revenir et j’espère que nous aurons un vrai débat sur ce point lors de l’examen des articles concernant l’assurance maladie –, la question de l’accès aux soins dans notre pays devient un sujet crucial dont le Gouvernement semble se désintéresser alors que c’est pourtant une réalité pour un nombre croissant de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mon propos prolongera celui de Mme Touraine, car deux minutes ce n’est pas beaucoup pour exprimer une pensée sur un article aussi fondamentale. Certaines pistes d’économies ne sont pas explorées. Par exemple, et je prends M. Door à témoin, l’article précédent traite des besoins de financement de l’ÉPRUS pour cette année, mais il faudra réfléchir à la nécessité pour l’établissement de conserver de tels stocks de produits – cela représente plus de 300 millions d’euros –, notamment d’antiviraux, dont l’efficacité est loin d’être prouvée, y compris pour les cas graves – je pense au Tamiflu.

Par ailleurs, vous vous félicitez peut-être, monsieur le ministre, du fait que cet article réduise les dépenses, mais selon le baromètre Cercle Santé Europ Assistance, qui n’est pas un organisme d’opposition, la France est, avec la Pologne, le pays où le renoncement aux soins a le plus progressé entre 2008 et 2009 – plus 12 points. Nous ne pouvons en être fiers ! Si l’on peut se féliciter quand il y a diminution des dépenses par maîtrise médicalisée, il faut le regretter, comme vient de le faire Mme Touraine, lorsque l’accès aux soins est rendu plus difficile.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Non seulement vous allez faire travailler les Français plus longtemps pour économiser quelques sous sur les retraites, ce dont il n’y a pas lieu d’être fier, mais nos concitoyens seront moins bien soignés puisque leur accès aux soins sera limité. Tout cela ne va pas dans le bon sens. Vous pouvez vous flatter de ces quelques économies, mais tant que vous n’injecterez pas des recettes nouvelles, courageusement grappillées de-ci, de-là de manière structurelle, notre système de santé continuera à se dégrader. C’est ce que nous dénonçons sans relâche.

(L’article 7 est adopté.)

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8.

La parole est à Mme Anny Poursinoff.

Mme Anny Poursinoff. Ce débat est très frustrant à la fois parce que nous avons peu de temps pour nous exprimer (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et parce que nous sommes devant des masses budgétaires énormes avec, en face, des autorisations de petites augmentations, d’économies, alors qu’il nous faudrait évaluer l’efficacité de notre politique sociale et de notre politique de santé pour faire des propositions qui soient à la hauteur des besoins de notre société.

Traiter correctement les petits bobos évite des soins coûteux. Or, les médecins de famille partent à la retraite et ne sont pas remplacés. En outre, les franchises et les coûts des mutuelles éloignent nos concitoyens de la médecine de base pourtant si nécessaire. Avoir une vraie politique d’éducation à la santé coûterait moins cher car le nombre d’ALD diminuerait. La concertation avec les usagers apporterait beaucoup en matière d’efficacité des soins, de prévention des accidents de travail et des maladies professionnelles.

Nous ne voterons pas l’objectif de dépenses qui nous est proposé parce qu’il ne nous semble pas correspondre aux besoins de la société.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’an dernier, le Parlement a fixé l’ONDAM hospitalier à 3 %, soit un chiffre inférieur aux prévisions de croissance du budget des hôpitaux, évaluée à 3,56 % par la FHF. Je rappelle que ces prévisions tiennent compte de plusieurs éléments incompressibles, par exemple les augmentations salariales dans la fonction hospitalière, le coût des nouvelles inscriptions sur la liste des médicaments en sus, l’augmentation du prix de l’énergie – je rappelle à cet égard que vous venez d’annoncer une augmentation de 3 % pour l’électricité –, l’augmentation du coût de la sous-traitance suite à l’externalisation de certaines activités. Évidemment, les hôpitaux publics ne sont pas responsables de ces augmentations incontournables, donc subies. C’est notamment l’État qui fixe l’augmentation des salaires dans la fonction public hospitalière, qui décide de la revalorisation du statut des infirmières ou du prix de l’énergie. Ce sont les ARH qui encouragent très fortement les hôpitaux à recourir à l’externalisation de la restauration, par exemple, ou du nettoiement.

Non seulement vous fixez un ONDAM insuffisant, ce qui aggrave la situation financière des hôpitaux, mais constatant en cours d’année que celui-ci risque d’être dépassé, vous gelez 405 millions d’euros dans des conditions inacceptables. En effet, ce dépassement résulte des activités des établissements à la fois publics et privés, mais la mise en réserve de 400 millions sur l’enveloppe MIGAC et de 105 millions sur la dotation du Fonds de modernisation des établissements de santé pénalise essentiellement les hôpitaux publics qui en sont les bénéficiaires.

M. le président. Il faut conclure, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. Au bout du compte, vous mettez sciemment les hôpitaux publics en déficit en leur fixant un ONDAM inférieur à leur évolution budgétaire incompressible, et vous les sanctionnez eux seuls alors que les cliniques privées ont participé à ce dépassement.

Je tire deux conséquences de ces observations. Nous voterons contre cet article. Plus généralement, nous ne vous croyons plus quand vous prétendez défendre l’hôpital public.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Je ferai deux observations.

D’abord, nous sommes convaincus que les dépenses de santé ne peuvent que continuer à augmenter. Lorsque l’on regarde ce qui s’est passé au cours des dernières décennies, on s’aperçoit que leur croissance correspondait à peu près à celle de la richesse nationale augmentée de l’inflation. Dans une telle perspective, nos dépenses de santé doivent connaître une augmentation régulière qui correspond à l’état de notre société et c’est un objectif qui ne me paraît pas inatteignable pour nos finances.

Ensuite, en fixant l’ONDAM comme vous l’avez fait, vous ne dites pas que vous imposez d’emblée de fortes restrictions à l’hôpital public. Outre les MIGAC, d’autres gels de ressources sont imposés, pour un total de près de 800 millions d’euros pour l’année. Vous êtes donc en train d’organiser l’étranglement de l’hôpital public sur le plan financier…

M. Yves Bur, rapporteur. C’est faux !

Mme Marisol Touraine. …pour pouvoir ensuite mieux montrer qu’il ne s’en sort pas ! C’est une politique de l’assommoir à l’égard de celui-ci. Nous pensons que les mécanismes de financement de l’hôpital public, des établissements de santé de façon générale doivent être revus. On arrive au bout de la logique de la tarification à l’activité qui n’a absolument aucun sens dès lors que la masse globale du financement reste la même quelle que soit l’activité suivie par les hôpitaux publics.

M. le président. Il faut conclure, madame Touraine !

Mme Marisol Touraine. Vous vous honoreriez à mettre en place un nouveau mécanisme de financement des établissements de santé qui tienne compte à la fois des activités, des structures et du rôle territorial des établissements concernés.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Mon propos s’inscrira dans le prolongement de ce que vient de dire Mme Touraine concernant l’évolution des dépenses.

À l’heure actuelle, l’assurance maladie prend en charge les dépenses les plus lourdes, notamment plus de 90 % des dépenses hospitalières, mais qu’en est-il des besoins ? Les dépenses sont de plus en plus concentrées sur les maladies chroniques au travers des ALD, puisque la dépense occasionnée par celles-ci, qui sont les pathologies les plus lourdes, augmente de 5 % par an en volume. Et ce sont les 10 % de patients le plus lourdement atteints par une ALD qui concentrent l’essentiel de la dépense de l’assurance maladie – 56 % en 2005 et 60 % en 2009. Cela signifie que la dynamique des dépenses est due non seulement au vieillissement, à l’augmentation de la population, mais surtout à l’épidémie de maladies chroniques et bien entendu à l’alourdissement du coût des traitements, les plus pointus notamment. S’agissant de cet article, il ne faut donc pas s’en tenir à un satisfecit sur un strict plan comptable. Il faut à nouveau poser le problème du financement structurel des dépenses de santé. Ce ne sont pas des expédients comme le fait de sortir du cadre des ALD les hypertendus non compliqués, voire demain les diabétiques non compliqués, qui mettront un terme à la situation actuelle. Les dépenses d’assurance maladie sont de plus en plus concentrées sur les pathologies les plus lourdes et ce n’est pas là-dessus que vous pourrez faire des économies.

M. le président. La parole est à M. Guy Lefrand.

M. Guy Lefrand. Je voudrais revenir un instant sur l’ONDAM médico-social qui a suscité des interrogations chez certains de nos collègues.

Il est important de rappeler que, d’après les dernières remontées que nous avons des ARS, l’ONDAM médico-social sera sous-consommé à hauteur de 160 à 250 millions d’euros pour cette année. Depuis la création de la caisse, les excédents cumulés de celle-ci entre 2006 et 2009 s’élèvent à 1,6 milliard d’euros. Cette sous-consommation de l’ONDAM médico-social est en effet liée à une budgétisation en autorisations d’engagement, et non pas en crédits de paiement. Ce mode de budgétisation, qui accorde des crédits en prenant pour hypothèse l’intégralité des ouvertures de places prévues dans les différents handicaps, aurait lieu dans l’année. Il y a donc un décalage entre les autorisations de mesures nouvelles et leur financement effectif calé sur les dates d’ouverture.

Après avoirs entendu les arguments des uns et des autres et les interrogations de la commission, la restitution des crédits non consommés nous paraît donc acceptable, dans le contexte de déficit important que nous connaissons.

Malgré le choix que nous avons fait de la rigueur budgétaire, nous souhaiterions cependant, madame la secrétaire d’État, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances sur les perspectives de financement du secteur médico-social pour 2011.

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Il est parfois vrai que le secteur médico-social ne consomme pas tous ses crédits, ce qui est le plus souvent lié à la difficulté de mettre en place des EPHAD dans nos villes. En effet, chacun le sait, les besoins sont là et ils sont immenses.

J’espère donc que le jour où cela sera nécessaire, vous serez prêts à augmenter en conséquence les crédits alloués, même si vous choisissez aujourd’hui de les reporter. Il est important que nous puissions compter sur un ajustement permanent de ces crédits aux nécessités et aux besoins.

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 89.

La parole est à Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le secteur médico-social. Le budget de la CNSA est financé par les crédits de l’assurance maladie, par la journée nationale de solidarité – dont les crédits sont sanctuarisés par la loi – et par le produit de la CSG.

Il faut reconnaître que, depuis la création de la CNSA, le Gouvernement a considérablement augmenté chaque année l’ONDAM médico-social à destination des personnes âgées. Cependant, du fait de la complexité de certains mécanismes, l’intégralité de ces crédits n’est pas toujours correctement dépensée. Or la loi précise que ces crédits non dépensés ne peuvent être réaffectés, et ils sont reportés dans l’ONDAM de l’année suivante.

Pour une meilleure utilisation de ces crédits, dont l’effet levier est fondamental, chers collègues, lorsqu’il s’agit de financer un EPHAD dans votre circonscription, la CNSA, a mis en place des plans d’aide à l’investissement. Or, désormais, de nouveaux dispositifs empêcheront que les crédits non consommés alimentent les plans d’aide à l’investissement, et ce malgré l’importance des besoins.

M. Michel Issindou. C’est déjà le cas !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Non, jusqu’à présent les crédits non consommés étaient utilisés pour alimenter les plans d’aide à l’investissement. Cette année, les systèmes d'information sont plus performants, et nous sommes désormais sur des crédits de paiement et non plus sur des crédits d’engagement. Les budgets sont donc calculés au plus juste, et l’on ne pourra plus dégager de crédits non consommés pour aider les plans d’aide à l’investissement.

Il est donc essentiel de leur affecter 100 millions d’euros dans ce PLFSS. C’est pourquoi j’en appelle à la vigilance de mes collègues, qui connaissent l’importance des besoins sur le terrain et savent que nos concitoyens ne pourraient pas comprendre que la CNAM prive de ces 100 millions d’euros un secteur donc le Gouvernement a affirmé vouloir faire une priorité.

Je vous demande en conséquence de voter mon amendement.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, rapporteur.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. J’avais plaidé, en tant que rapporteur sur ce sujet, le fait que l’ONDAM médico-social 2010 avait été sous-consommé – entre 160 et 250 millions d’euros –, que les programmes d’aide à l’investissement étaient adaptés aux projets présentés, que l’ensemble se traduisait par la non consommation de 150 millions d’euros de crédits et, enfin, que la réduction de 100 millions d’euros ne constituait qu’une mesure comptable, sans impact sur le budget 2011.

J’avais également constaté et mentionné dans le rapport que l’on ne pouvait négliger l’intérêt de l’amendement de Mme Poletti et, contre l’avis du rapporteur, cet amendement a été adopté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Yves Bur, rapporteur.

M. Yves Bur, rapporteur. Monsieur le ministre, si la discussion s’engage sur l’amendement de Mme Poletti, c’est qu’il existe sur le sujet un malaise doublé d’un malentendu, auxquels il faut mettre un terme.

On nous propose de restituer à l’assurance maladie une centaine de millions d’euros, pris sur les crédits non utilisés, alors que, sur le terrain, les ARS se plaignent toutes du manque de crédits, qu’il s’agisse de dépenses de fonctionnement ou de nouveaux projets.

Je comprends bien votre position sur l’inutilité de ces crédits non dépensés qui augmentent virtuellement le déficit. Cependant quels engagements le Gouvernement peut-il prendre pour assurer à la représentation nationale que la restitution des 100 millions dont il est question ici à l’assurance maladie ne pénalisera pas les projets sur le terrain ? Par ailleurs, la budgétisation en crédits de paiement va-t-elle enfin améliorer la transparence de l’objectif global de dépenses et de l’ONDAM médico-social ?

Il est temps de réduire le décalage entre les autorisations d’investissement, qu’il s’agisse de la médicalisation des établissements ou de l’ouverture de nouvelles places, et leur financement effectif. Le débat piétine depuis des années. Nous devons réfléchir à des mécanismes plus transparents, car surestimer artificiellement les dépenses de fonctionnement des établissements médico-sociaux pour financer l’investissement est contraire au principe de bonne gestion. Il faut y voir plus clair et mettre fin aux malentendus qui nous opposent.

L’amendement de Mme Poletti est un véritable appel au secours, avant que nous puissions aborder sereinement le débat sur la dépendance.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Vous noterez qu’il est extrêmement rare que les quatre rapporteurs interviennent ainsi. M. Bur a parfaitement souligné le décalage entre ce que l’on nous dit au niveau national et ce que nous vivons sur le terrain. Par ailleurs, tout en nous opposant le manque d’argent, l’on nous parle de sous-consommation. C’est la raison pour laquelle cet amendement a été voté à une large majorité en commission.

Nous souhaiterions savoir comment l’État peut accélérer les paiements, a fortiori puisqu’il s’agit d’un argent sanctuarisé au sein d’une caisse. Je comprends fort bien que, lorsque l’on voit 100 millions d’euros traîner, l’on veuille les utiliser pour combler un autre déficit, mais nous préférerions que l’on nous propose une méthode pour réduire le temps de latence entre le vote des crédits et leur dépense.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La rénovation et la mise aux normes des établissements ont un coût. Cependant depuis 2006, ce sont plus d’1,3 milliard d’euros qui ont été alloués à l’investissement dans ce secteur par l’ONDAM et qui n’ont pas été dépensés.

Je suis favorable à ce que nous cherchions à l'avenir des solutions qui permettent de pérenniser cette aide à l’investissement, fruit d’un véritable effort consenti par la nation, mais nous discutons aujourd’hui du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et c’est à en réduire le déficit que nous devons nous attacher. Les questions que vous posez devront l’être lors de la discussion du projet de loi sur la réforme de la dépendance, qui devra apporter des réponses structurelles sur l’investissement dans le secteur médico-social.

Mme Bérengère Poletti. Il sera trop tard !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. M. Jacquat a fait remarquer que le ministre des comptes publics s’intéressait forcément à 100 millions d’euros qui « traînent ». C’est une lecture un peu rapide, qui donne le sentiment que le ministre en question n’a aucune humanité et qu’il ne tient aucun compte des politiques publiques.

M. Gérard Bapt. On se pose parfois la question !

M. François Baroin, ministre du budget. Bérengère Poletti et moi sommes issus de la même région ; elle connaît mon engagement pour accompagner les politiques publiques envers les plus défavorisés, au premier rang desquels ceux qui, au compteur de la vie, sont un peu plus avancés que nous.

Néanmoins, cette mesure est avant tout un acte de trésorerie, car Jean-Pierre Door a justement souligné que ces crédits avaient été sous-consommés à hauteur de 160 à 250 millions d’euros – ce qui n’est pas rien –, soit un cumul de 1,6 milliard d’euros pour la période 2006-2009.

Par ailleurs, le Gouvernement n’est pas schizophrène et il reste fidèle aux engagements forts et puissants pris par Nicolas Sarkozy concernant certaines maladies ; je pense notamment au plan Alzheimer. Je rappelle également que le Président de la République et le Premier ministre ont réaffirmé que la réforme de la dépendance était l’une des priorités des prochains mois.

Nous avons les moyens de financer, l’année prochaine, les promesses faites en matière de création de places, tout comme nous tiendrons, d’ici à la fin de la législature, les engagements pris par le Président de la République.

Enfin, comme l’a évoqué Mme Fraysse, il a été voté l’an dernier un ONDAM à 3 %. La situation de nos finances publiques nous a conduits à accélérer les réformes structurelles et à prendre des mesures d’économies importantes. Cette stratégie, porteuse de bonnes nouvelles à la sortie de l’été, nous évite aujourd’hui d’avoir à prendre des décisions trop douloureuses.

En additionnant les mesures sur les retraites, celles prises en loi de finances, en loi de programmation des finances publiques et en loi de financement de la sécurité sociale, le plan français n’a rien à voir avec ce que font l’Espagne, le Portugal ou la Grande-Bretagne.

Néanmoins il convient de prendre des mesures pour être crédibles pour l’avenir aux yeux des Français. La réforme des retraites est une question de crédibilité et de cohérence. C’est une contribution au redressement de nos finances publiques. Inscrire en loi de finances une réduction de 412 millions du déficit pour le ramener l’an prochain à 6 % du PIB, c’est aussi une question de crédibilité. Le gel des dotations aux collectivités territoriales touche également à la question de notre crédibilité à maîtriser les sources de dépenses publiques.

Parmi ces dépenses, la plus importante, car il s’agit du modèle social auquel nous sommes attachés et que nous voulons préserver, est celle des dépenses d’assurance maladie. Nous avons voté – j’étais encore parlementaire – l’engagement de respecter l’ONDAM. Les circonstances nous obligent à le faire, pour la première fois depuis 1997. Au passage, faut-il rappeler au groupe socialiste que, de 1997 à 2002, l’objectif de l’ONDAM a été dépassé de 12 milliards – soit le niveau du déficit actuel – et de 2,5 milliards par an en moyenne ?

M. Gérard Bapt. Les comptes étaient équilibrés !

M. François Baroin, ministre du budget. Cet objectif a toujours été dépassé, pour atteindre jusqu’à 6 % ou 7 % sans que jamais on affronte le problème.

Le respect de l’ONDAM est donc, pour le Gouvernement et pour le ministre des comptes publics que je suis, impératif. J’ai dit que nous tiendrions nos engagements. J’ai rappelé combien le Président de la République était personnellement impliqué dans ce domaine. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’une question de trésorerie et je suis à la disposition de la représentation nationale pour accompagner le respect strict de l’ONDAM que nous avons fixé à 3 % cette année, 2,9 % l’an prochain et 2,8 % les années suivantes. Enfin, nous aurons la possibilité de répondre à toutes les demandes dans tous les départements.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne peut pas être favorable à l’amendement de Mme Poletti.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, je m’étonne de la façon dont vous répondez sur le problème soulevé par l’amendement de M. Door et de Mme Poletti.

La CNSA et les responsables des structures et des établissements connaissent des difficultés dues aux retards et délais de versement de crédits. Une mission, souhaité par tous, et que présidait Laurence Dumont, a abouti à un rapport de Mme Poletti pour trouver des solutions efficaces à une situation qui ne pouvait pas durer.

M. le ministre parle de crédibilité et de cohérence. C’est bien ce qui a inspiré la démarche de Laurence Dumont et de Bérengère Poletti au cours des travaux de la mission. Celle-ci a proposé de maintenir les 100 millions car, comme l’a rappelé Berengère Poletti, l’an prochain les établissements et les promoteurs seraient, sinon, confrontés à de très graves difficultés, que chacun de nous a constatées sur le terrain.

M. le président. Il faut conclure.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’aimerais que nous soyons entendus, en étant tout à fait d’accord pour dire qu’à partir de l’an prochain, la nouvelle construction de l’ONDAM médico-social permettra de résoudre ces difficultés.

M. le président. Madame, il faut vraiment conclure.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Ne pas le faire serait incompréhensible partout. Il s’agit bien ici de cohérence.

M. le président. La parole est à M. Paul Jeanneteau.

M. Paul Jeanneteau. Si je comprends parfaitement l’argument du Gouvernement – pour des raisons budgétaires, il ne faut pas dépasser l’ONDAM – je veux souligner, comme M. Bur et Mme Poletti, que, sur le terrain, un certain nombre de projets ne sont pas financés. Par exemple dans le Maine-et-Loire, l’agence régionale de santé des pays de Loire gèle, pour la période 2010-2013, toute création de lits en EHPAD et, surtout, toute création de places pour les personnes désorientées en pôles d’activités et de soins adaptés ou en unités d’hébergement renforcées, les PASA et le UHR. Pourtant, les demandes pour ce type de places sont justifiées et très nombreuses.

M. Michel Issindou. On ne comprend pas.

M. Paul Jeanneteau. Je souhaite donc que le Gouvernement, en liaison avec l’ARS, nous apporte des réponses sur ces problèmes de terrain.

Les différents problèmes entrent en contradiction : d’un côté, le respect de l’équilibre budgétaire de l’ONDAM, la récupération de 100 millions d’euros ; de l’autre les besoins non satisfaits localement.

Pendant l’examen de ce PLFSS, ici ou au Sénat dans quelques semaines, vous pourrez sans doute, madame la secrétaire d’État, nous apporter des éléments de réponse concrets. Il faut surtout ne pas attendre pour le faire ni renvoyer à un grand débat portant réforme de la prise en charge de la dépendance ; il est nécessaire, certes, mais il serait beaucoup trop tard.

En attendant des réponses concrètes, je m’abstiendrai sur cet amendement et, en fonction de ces réponses, je déciderai de ma position.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, ce problème grave du financement de la prise en charge des personnes âgées, en particulier de la dépendance, touche à la fois à l’équilibre financier des collectivités territoriales, comme le rapport Jamet l’a démontré il y a quelques mois, et aux grands équilibres de la protection sociale.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’il y aurait une réforme du financement de la dépendance. Toutefois on ne peut pas se contenter de cette déclaration ; en effet que de fois on a annoncé la création d’une branche dépendance ! Nous avons donc besoin d’un certain nombre d’éléments sur ce que seront le périmètre de prise en charge, la réorganisation des circuits de financement, l’éventuelle création de ressources nouvelles, l’articulation entre le nécessaire recours à la solidarité nationale et le rôle désormais tenu par les conseils généraux en ce domaine. Il nous faut davantage d’éléments, car, pour l’instant, nous sommes dans le vague absolu.

M. le président. La parole est à Mme Marisol Touraine.

Mme Marisol Touraine. Monsieur le ministre, je vois une contradiction dans vos propos. D’une part, vous expliquez que ces 100 millions ne correspondent qu’à une mesure de trésorerie et que nous ne devons pas nous inquiéter : si les besoins existent, on débloquera les crédits nécessaires. De l’autre, vous expliquez qu’il faut respecter les engagements financiers qui ont été pris, qu’il est absolument nécessaire de ne pas dépasser l’ONDAM et qu’il faut donc se satisfaire des ressources disponibles. De deux choses l’une : ou les ressources sont disponibles ou elles ne le sont pas. À vous entendre, on a le sentiment que les crédits sont gelés et n’ont pas vocation à être affectés à la construction de nouveaux établissements ou à la rénovation.

Je ne peux donc que m’associer aux propos des collègues qui ont décrit une situation qui vaut sur l’ensemble du territoire. Partout la population très âgée augmente, ce qui est une bonne chose, mais cela entraîne une augmentation des besoins. Or il manque des places pour accueillir les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et celles qui sont en grande dépendance. Vous pouvez nous renvoyer à la loi sur la dépendance, mais cela fait trois ans que l’on nous en parle ; nous verrons bien ; mais l’amélioration de la prise en charge des soins n’implique de toute façon pas celle des locaux.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marisol Touraine. Nous voterons donc cet amendement, car les besoins existent. Vous n’y répondez pas et ce ne sont pas les explications que M. le ministre a données qui nous rassurent. Je dirais même qu’elles sont préoccupantes. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Il a bien fait part de son respect pour les engagements du Président de la République, mais il n’a pas dit que les fonds seront dégagés pour améliorer les établissements accueillant des personnes âgées.

M. le président. La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes face à deux priorités qui se contredisent, mais qui sont tout aussi légitimes l’une que l’autre. La première est la nécessité de ne pas aggraver le déficit et de tenir la dépense de santé dans l’enveloppe de l’ONDAM.

M. Yves Bur, rapporteur. Tout à fait !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Nous soutenons le Gouvernement sur ce point.

La deuxième c’est la situation sur le terrain, que Bérengère Poletti a évoquée avec des arguments très solides.

M. Philippe Vitel. Absolument !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, nous souffrons aussi d’un malentendu qui a sa source dans la complexité franco-française qui permet à nombre de responsables de se renvoyer la balle : la collectivité locale ou l’association, le département qui cofinance, l’ARS et la CNSA. Avant qu’ils ne se mettent tous d’accord, il se passe des mois.

J’estime que nous avons un devoir envers le Gouvernement, qui est de ne pas aggraver le déficit. Nous avions commencé à trouver, avec le rapporteur général, les 100 millions permettant de satisfaire l’amendement. Le ministre nous dit que ce n’est pas totalement le cas.

Nous avons trois ou quatre semaines entre l’examen du texte à l’Assemblée et son passage au Sénat. Nous devons trouver ces 100 millions et ne pas aggraver le déficit, à moins que le Gouvernement ne nous laisse la possibilité d’élaborer la solution en CMP. Personnellement, je m’engage envers la commission et Mme Poletti, à proposer ces 100 millions en CMP si nous n’avons pas la promesse du Gouvernement ou si nous n’avons pas trouvé les moyens de nous les procurer. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marisol Touraine. Toujours des promesses !

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Telle est ma proposition et ce n’est pas une promesse. Il s’agira d’une décision de la CMP, avec un engagement que je prends au nom des rapporteurs. En un mois, il faut trouver ces 100 millions ou répondre à la demande qui est faite. Nous avons trop lutté contre les déficits pour ne pas tenir l’engagement sur ce sujet à l’égard du Gouvernement, compte tenu du fait que l’État-providence est trop développé et de l’effort financier accompli cette année sur le plan budgétaire. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je tiens à apporter quelques précisions, car ce que j’entends de la part de certains est très éloigné de la réalité objective de l’exécution du plan Solidarité grand âge.

À aucun moment nous n’avons dit que ce plan ne serait pas respecté, bien au contraire. Nous respecterons les engagements pris dans ce cadre. Nous avons d’ailleurs déjà réalisé ce plan à 91 %.

Mme Marisol Touraine. Ce n’est pas le problème !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le complément de ce plan représente 55 millions.

Mme Marisol Touraine. Ce n’est pas assez.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Ces 55 millions, nous aurons largement l’occasion de les utiliser sur le terrain dans les deux ans qui viennent.

Par ailleurs, pour 2011, l’augmentation de 4,4 % de l’ONDAM médico-social représente 412 millions d’euros de plus pour les aînés. C’est la progression la plus forte dans le cadre de l’ONDAM.

M. Michel Issindou. Il y a des besoins énormes !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Cela représente 7 360 places en EPHAD, 1 533 places en service de soins infirmiers à domicile et 80 000 places de médicalisation.

M. Gérard Bapt. Nous, nous recevons les gens dans nos mairies !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Cela correspond, en moyenne, à une augmentation de 30 % dans les budgets, ce qui permettra de recruter davantage de personnels et de remonter les taux d’encadrement.

La restitution des 100 millions d’euros n’empêchera nullement le respect de la progression des plans, puisqu’ils seront rebasés et réaffectés automatiquement pour les prochains ONDAM.

M. Gérard Bapt. Ce n’est pas vrai !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État. À ce titre, je peux donc me montrer totalement rassurante. Lorsque j’entends que les plans ne seront pas respectés, je pense que c’est une ineptie totale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur le président, je ne reviens pas sur les arguments développés pour justifier le refus du Gouvernement d’accompagner l’amendement de Mme Poletti.

Monsieur Méhaignerie, je vous remercie de bien vouloir inscrire les travaux de la commission des affaires sociales, que vous présidez, avec beaucoup de talent et de compétence, dans l’optique de l’équilibre général de maîtrise de nos finances publiques, de réduction des déficits et d’inscrire dans une nouvelle trajectoire, dans la durée, une meilleure gestion de nos dépenses.

S’il est un domaine dans lequel la terminologie ou le concept de meilleure gestion de nos dépenses doit trouver une dimension politique et sociale plus élevée que partout ailleurs, c’est bien pour les dépenses d’assurance maladie. Nous sommes là dans le juste équilibre – comme M. Bur l’a souligné entre ce qui est efficace, ce qui est socialement utile et ce qui correspond aussi, sur le plan du coût, à notre capacité d’accompagner de manière profonde le développement du pays. Je rappelle que la progression de 3 % de l’ONDAM est plus de deux fois supérieure à l’évolution du coût de la vie. Dans un pays moderne, comme le nôtre, aussi développé et aussi solidaire, cela reste une ligne de force puissante de construction de notre façon de vivre ensemble.

J’ai bien entendu les propositions du président Méhaignerie. Je prends l’engagement de solliciter tout de suite la CNSA sur le détail, région par région, des engagements et sur le fléchage de toutes les places à venir. Vous disposerez naturellement, sur un sujet de cette importance, de tous les éléments de réflexion avant la réunion de la commission mixte paritaire, ce qui me semble la moindre des choses. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement en tout temps, tous lieux et toutes circonstances.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. L’article L. 14-10-8 du code de l’action sociale et des familles précise :
« I. - Les crédits affectés, au titre d'un exercice, aux sections et sous-sections mentionnées à l'article L. 14-10-5, qui n'ont pas été consommés à la clôture de l'exercice, donnent lieu à report automatique sur les exercices suivants. »

M. Michel Issindou. Voilà !

Mme Bérengère Poletti, rapporteure. Pour les plans d’aide à l’investissement, il est donc important que nous décidions aujourd’hui de dédier, au niveau de la CNSA et dans son budget, des moyens pour les plans d’aide à l’investissement. En l’état actuel des choses, la CNSA n’a pas prévu dans son budget une partie dédiée au plan d’aide à l’investissement.

Pourquoi est-il important de le faire ?

Quand un projet d’EPHAD est prévu dans votre circonscription et que l’État vous aide, par le biais du budget de la CNSA, vous impactez « le reste à charge » sur les pensionnaires des EPHAD. En diminuant le poids de l’investissement, vous diminuez ce « reste à charge ». À l’époque où l’on parle énormément – dans la perspective du cinquième risque – du poids qui pèse sur nos concitoyens lorsqu’ils entrent dans ces établissements, notamment en termes de « reste à charge », il est important que vous preniez conscience de cet élément et que vous envoyiez le message au Gouvernement que vous voulez, dès maintenant, que des crédits soient ouverts pour l’aide à l’investissement, de manière pérenne, pour nos établissements, dans le budget de la CNSA.

(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)

(L'article 8 est adopté.)

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

(L'ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour 2011.

La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre du budget. Je demande une suspension de séance de quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 9

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Jean-Luc Préel. L’article 9 concerne la reprise de la dette sociale par la CADES dont nous avons déjà longuement discuté lors de l’examen du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Au cours de ces débats, j’ai eu l’occasion d’expliquer la position du Nouveau Centre.

Nous approuvons la reprise de la dette sociale par la CADES dont c’est la vocation. Nous approuvons le principe d’un transfert à la CADES des déficits 2009 et 2010 ainsi que les prévisions de déficit pour 2011. Nous approuvons également le principe du financement par le fonds de réserve des retraites du déficit prévisionnel de la branche vieillesse de 2011 à 2018 à deux conditions.

Il faut d’abord que l’équilibre soit réalisé d’ici à 2018. Nous avons quelques doutes à ce sujet car le financement assuré n’est pour l’instant que de 23 milliards alors que les travaux du COR indique qu’il faudrait 48 milliards ; 15 milliards seront financés par le budget de l’État, c’est-à-dire la dette de l’État.

Ensuite, seconde exigence, nous souhaitons que s’engage rapidement une évolution vers un régime universel à points ou à comptes notionnels.

Par ailleurs, nous demandons qu’à partir de 2012, les lois de financement de la sécurité sociale soient votées en équilibre – branche famille et branche santé. Nous devons aller vers l’efficience, mais les recettes doivent équilibrer les dépenses, car nous ne devrons pas recréer des déficits qui seraient ensuite transférés à la CADES avec pour conséquence un nouveau prolongement de sa durée de vie.

En effet, le Nouveau Centre n’accepte pas la prolongation de la durée de vie de la CADES de quatre ans. Depuis sa création, elle a été prolongée de seize ans. Nos dépenses de 2010 seront payées par les actifs qui travailleront entre 2021 et 2025. Si nous acceptons le financement du déficit par la CSG, nous refusons de fragiliser la branche famille en prélevant sur cette branche et en donnant des recettes non pérennes, ce qui pose un réel problème.

M. le président. Il faut conclure, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. Volontiers, monsieur le président. Si vous le souhaitez, je peux m’inscrire sur les autres articles pour pouvoir parler plus longuement !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Seraient-ce des menaces ?

M. le président. Vos propos ne sont pas acceptables, monsieur Préel.

M. Jean-Luc Préel. Je l’ai déjà fait et je peux m’inscrire sur quarante articles ! (Sourires.)

M. Denis Jacquat, rapporteur. Certes, mais avec le temps on est censé se bonifier ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Vous aurez compris que votre utilisation de la CADES pose problème tant elle est la démonstration de votre politique de l’autruche. Vos dettes sont incommensurables. Or vous refusez de vous y attaquer au prétexte que cela pourrait nuire à la compétitivité de nos entreprises, laquelle, par ailleurs, n’est pas brillante.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Ce serait encore pire !

M. Michel Issindou. Il y a bien sûr d’autres raisons à cette situation – les prélèvements sur les entreprises n’étant pas seuls en cause –, comme l’insuffisant développement de la recherche industrielle.

La dette s’établit à 130 milliards d’euros à l’horizon 2018 : 34 milliards sont liés à la crise – nous voulons bien l’admettre –, mais le reste est dû à une gestion imprévoyante. Vous refusez d’affecter des recettes pour faire face à l’augmentation des dépenses et c’est le bel édifice de la protection sociale qui est en danger, lentement, mais sûrement. Hélas, cela ne semble pas vous émouvoir ! Votre position d’attente est pour le moins surprenante même si l’on a bien senti que vous attendiez l’après 2012, si vous êtes encore au pouvoir…

M. Guy Lefrand. Ne vous inquiétez pas, on y sera !

M. Michel Issindou. Vous ferez peut-être alors preuve d’un peu plus de courage, même si l’on peut en douter.

Cela étant, il y a au sein de votre majorité quelques personnes plus responsables. Je pense à quelque président ou rapporteur de commission qui ont dit tout le mal qu’ils pensaient du prolongement de la durée de vie de la CADES. Je pense à Jean-Luc Warsmann qui a fait une belle intervention à cet égard ; si vous souhaitez la relire, nous la tenons à votre disposition. Il n’y a chez lui pas la moindre ambiguïté, pas plus que chez Yves Bur.

M. le président. Il faut conclure.

M. Michel Issindou. Je comprends, monsieur le président, que vous soyez pressé de me voir conclure.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Les temps de parole sont limités.

M. Philippe Vitel. De plus, le débat a déjà eu lieu et il a été réglé par le vote majoritaire.

M. Michel Issindou. Il est inacceptable de transférer des dettes aux générations futures avec une telle désinvolture.

M. le président. Il faut vraiment conclure.

M. Michel Issindou. Il va donc sans dire que nous nous opposons à l’article 9.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous avons déjà exprimé notre position en votant contre le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. Nous refusons de cautionner la politique de Sapeur Camenber – comme l’a dit Roland Muzeau – du Gouvernement en ce domaine.

Par son montant inégalé – 130 milliards d’euros s'ajoutant aux 87 milliards de dette restant à amortir –, le transfert de dettes organisé par le présent projet de loi interroge d’autant plus quele Gouvernement, a priori, ne traite ni du problème des déficits structurels futurs ni de la reconstitution de la dette. Permettez-moi, à cet égard, de citer le rapport de Mme Montchamp : « Si les déficits cumulés de la branche maladie pour 2009 à 2011 font l’objet d'une reprise de dette par la CADES, le schéma de financement ne traite pas de la question des déficits futurs de l'assurance maladie ».

La question des déficits futurs de la branche famille est également évacuée et je ne m’attarde pas sur l’augmentation de quatre ans de la durée de vie de la CADES, nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point.

Cette année encore, nous ferons des propositions de financement destinées à faire contribuer l'ensemble des revenus. Si nous ne sommes pas favorables à une augmentation de la CRDS, nous serons en revanche très attentifs à l'amendement porté par la commission des finances, qui ne se contente pas d'organiser un énième transfert de recettes entre un organisme et un autre, mais propose…

M. le président. Il faut conclure, madame Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. …une augmentation substantielle des ressources de la sécurité sociale – 5,67 milliards – via le relèvement de cinq points du taux des prélèvements sociaux, sur les revenus du capital – CSG sur les revenus du capital. Je pense que cette mesure est sans aucun doute utile, voire indispensable, juste et raisonnable.

M. le président. Je rappelle que le temps d’intervention est limité à deux minutes. Comme vous êtes très nombreux à vous inscrire sur chaque article, je suis obligé de faire respecter scrupuleusement les temps de parole.

Mme Marie-Christine Dalloz. À chaque fois, certains débordent.

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’article 9 est un article de coordination avec les autres projets de loi qui ont été discutés dans notre assemblée, notamment avec le projet de loi organique relatif à la dette sociale, qui a malheureusement été adopté il y a quelques jours et dont le vote a été acquis dans des conditions que nous contestons.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Oh !

M. Jean Mallot. Le transfert à la CADES se décompose ainsi : 34 milliards d’euros sont transférés au titre de la crise qui, en l’occurrence, a bon dos. En prolongeant la durée de vie de la CADES de quatre ans, vous reportez cette charge sur les générations futures. Il y a ensuite 34 milliards d’euros de dettes structurelles dus à la politique du Gouvernement. Vous transférez à la CADES des ressources non pérennes et je suppose que le Gouvernement amendera l’article 9 pour assurer des ressources pérennes puisque vous avez décidé de transférer de la monnaie de singe à la branche famille.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Oh !

M. Jean Mallot. Il y a enfin 62 milliards d’euros pour éponger par anticipation en quelque sorte les déficits à venir de la branche vieillesse. Le tuyau d’alimentation de la CADES est directement branché sur le fonds de réserve des retraites en vue de l’assécher. Après cela, vous vous étonnez que les jeunes descendent dans la rue, mais ils ont parfaitement compris qu’à l’horizon 2018-2020, ils devront non seulement continuer à rembourser nos feuilles de soins des années 1999-2000, mais également payer les pensions de leurs compatriotes âgés, et même, troisième peine, affronter la bosse démographique de 2020 sans disposer du fonds de réserve des retraites.

M. le président. Il faut conclure.

M. Jean Mallot. Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, d’autres politiques sont possibles, d’autres ressources peuvent être trouvées.

M. le président. Il faut vraiment conclure.

M. Jean Mallot. Nous ne sommes pas les seuls à faire des propositions en ce sens. Mme Montchamp, par exemple, a fait voter – à l’unanimité de la commission des finances – une ressource supplémentaires sous la forme d’une taxe additionnelle à la CSG de cinq points sur les revenus du patrimoine et certains revenus de placement, soit 5,4 milliards d’euros. Le Gouvernement n’a pas clairement dit ce qu’il comptait en faire.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je regrette les expédients qui sont utilisés pour le financement de la CADES, je le répète une nouvelle fois : ressources non pérennes, siphonnage du FRR. Le courage aurait consisté à dire la vérité aux Français et à faire appel à un prélèvement sur la CRDS, en dépit des réserves que j’ai pu faire quant à son champ d’application et à sa non-progressivité.

En outre, un événement est survenu dans l’actualité, qui n’est pas sans incidence sur le financement de la protection sociale : l’avis motivé de la Commission de Bruxelles selon lequel la France ne peut établir de différence entre résidents et non-résidents quant au bouclier fiscal. Monsieur le ministre, la France a deux mois pour arrêter sa position et procéder le cas échéant à la modification demandée, sans quoi elle encourra des pénalités et des amendes qui n’amélioreront pas notre situation financière.

M. Michel Issindou. C’est la fin du bouclier !

M. Daniel Garrigue. Qu’allez-vous faire, monsieur le ministre ? Allez-vous faire suite à la demande de la Commission en étendant le bénéfice du bouclier fiscal aux non-résidents, y compris lorsqu’ils résident dans des paradis fiscaux ? Ou bien mettrez-vous à profit la modification requise pour faire disparaître le bouclier fiscal, ce qui contribuerait à financer la protection sociale et à décrisper le débat sur les prélèvements ?

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Les 130 milliards d’euros transférés à la CADES correspondent à 34 milliards d’euros de dette structurelle du régime général, 34 milliards de dette de crise pour la période 2009-2010 et 62 milliards de déficit de l’assurance vieillesse entre 2011 et 2018 ; nous en avons discuté il y a quelques jours dans cet hémicycle.

Vous proposez de prolonger de quatre ans la durée de vie de la CADES, qui existerait alors jusqu’en 2025. Cela revient à reporter encore une fois la dette sur les générations futures, et le débat sur les véritables solutions aux discussions des futures lois de financement. Nous ne pouvons admettre cette prolongation ; nous vous l’avons déjà dit. En effet, comment ne pas craindre une nouvelle dérogation, non moins exceptionnelle que celle d’aujourd’hui ?

Vous affirmez souvent que votre gestion est responsable ; permettez-nous d’en douter.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 9.

Je suis d’abord saisi de deux amendements identiques, nos 299 et 366.

La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour soutenir l’amendement n° 299.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Cet amendement vise à supprimer l’article 9, qui organise le report de la dette sociale sur les générations futures – on vient de le rappeler –, vide le fonds de réserve des retraites et met en danger notre système de protection sociale. Nous nous sommes déjà exprimés sur ce point en votant contre le projet de loi organique.

Au total la CADES devra reprendre près de 130 milliards d’euros de dette supplémentaire d’ici à 2018, selon les prévisions du Gouvernement : 34 milliards d’euros de « dette de crise 2009-2010 », 34 milliards de dette structurelle du régime général et 62 milliards de déficit de l’assurance vieillesse entre 2011 et 2018.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 366.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit également de supprimer l’article 9, qui traduit la stratégie de fuite en avant du Gouvernement en matière de reprise de la dette sociale.

Cet article fait dangereusement peser sur les générations futures les dépenses actuelles de soins et de retraites. Il pompe les ressources et les actifs d’avenir du fonds de réserve des retraites, destiné à lisser les besoins de financement à compter de 2020. Il dépouille la branche famille d’une recette pérenne de CSG pour l’affecter à la CADES afin d’amortir plus durablement la dette.

Cette solution a le mérite de ne pas afficher une augmentation de la CRDS et de calmer la fronde de la majorité, insatisfaite du panier percé de recettes que le Gouvernement avait initialement prévu d’allouer à la CADES.

Toutefois c’est une fausse solution, qui ne fait que déplacer le problème, en fragilisant qui plus est la branche famille, dont la situation financière est pourtant très dégradée. Vous avez finalement décidé de la priver d’ici à 2013 de 1,2 milliard d’euros de ressources. Avouez que ce n’est pas brillant !

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé ces deux amendements.

En effet, si l’on supprimait cet article, l’ACOSS devrait supporter 80 milliards de déficit en 2011, ce qui n’est ni possible ni acceptable. Nos collègues de l’opposition étaient du reste les premiers à critiquer sa situation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

D’autre part, au cours de l’examen de cet article, nous procéderons aux adaptations nécessaires qui résultent de l’évolution du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale.

(Les amendements identiques nos 299 et 366, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l’amendement n° 294.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement tend à supprimer la prolongation de quatre ans de la durée de vie de la CADES.

J’ai été très sensible aux arguments de notre rapporteur Yves Bur, qui est bien entendu favorable à ce principe. (Sourires.)

La CADES a été créée par Alain Juppé en 1996 afin de reprendre les déficits antérieurs.

M. Jean Mallot. Cela ne lui a pas réussi !

M. Jean-Luc Préel. En 1998, Martine Aubry a repoussé l’échéance à 2014 ; les socialistes semblent l’avoir oublié.

Mme Marylise Lebranchu. Pas du tout !

M. Jean-Luc Préel. Elle avait ainsi prolongé la durée de vie de la caisse sans augmenter ses recettes.

M. Philippe Vitel. Cinq ans pour 13 milliards !

M. Jean-Luc Préel. Enfin, en 2004, Philippe Douste-Blazy a encore repoussé l’échéance à 2021.

Afin de ne pas faire payer à nos enfants nos propres dépenses, nous avons voté en 2005, dans le cadre d’une loi organique, le principe selon lequel la durée de vie de la CADES ne serait plus prolongée et chaque transfert serait financé par de nouvelles recettes.

Nous sommes donc opposés à la réouverture de la CADES et à cet allongement de quatre ans de sa durée de vie. Au total, celle-ci aura été prolongée de seize ans depuis sa création, ce qui signifie que les dépenses de 2020 seront payés par les actifs entre 2021 et 2025, c’est-à-dire encore par nous, peut-être, mais, assurément, par nos enfants. Nous ne l’acceptons pas.

En revanche, nous sommes favorables à une augmentation de la CRDS, créée pour financer les déficits de la CADES.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Monsieur Préel,…

M. Jean-Luc Préel. À titre personnel, vous êtes favorable à l’amendement !

M. Yves Bur. … nous ne sommes pas au football : nous ne pouvons pas rejouer le match. (Sourires.)

M. Philippe Vitel. Au football non plus !

M. Yanick Paternotte. Mais on pourrait revoir la vidéo !

M. Yves Bur, rapporteur. Et vous n’êtes pas Eugène Saccomano !

Nous devons donc prendre acte du fait que le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale a été définitivement adopté et en tirer les conséquences, malgré les divergences qui se sont exprimées ici ou là sur les bancs de cette assemblée.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Je salue le légalisme d’Yves Bur. Il y a un avant et un après le vote.

M. Philippe Vitel. Très bien !

M. François Baroin, ministre du budget. C’est cet esprit qui devrait animer la gauche après le débat sur les retraites. (Protestations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Vous aimeriez bien qu’il n’y ait pas d’opposition ! Vous êtes bien dans la ligne de Sarkozy !

M. Michel Issindou. Sur les retraites, ce n’est pas fini !

M. François Baroin, ministre du budget. Cette attitude remarquable est conforme aux convictions d’un excellent parlementaire engagé (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP), et lui permet de justifier avec la même constance les équilibres que nous proposons s’agissant de la CADES.

Monsieur Préel, nous avons longuement débattu de cette question ; une divergence doctrinale nous sépare.

M. Jean-Luc Préel. C’est bien pour cela que je persiste !

M. François Baroin, ministre du budget. Vous connaissez nos positions. Il ne s’agit là que d’une déclinaison du texte relatif à la CADES qui a été voté.

M. Yanick Paternotte. Quel talent !

M. le président. La parole est à Mme Marylise Lebranchu.

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur le ministre, vous ne cessez de parler de la gauche et du Parti socialiste. Depuis le début de nos discussions, au lieu de proposer un argumentaire positif – faute d’arguments, sans doute –, vous accusez la gauche de ne pas avoir d’idées.

Vous êtes ministre ; nous ne sommes pas dans un meeting politique.

M. François Baroin, ministre du budget. Tiens donc !

Mme Marylise Lebranchu. Nous sommes censés être au Parlement, et j’aimerais qu’on y revienne.

Vous savez très bien que le texte sur la CADES a été voté à une voix près – bien que nous ne les ayons pas comptées –, et que même ce résultat n’est pas certain.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Mais si !

M. Philippe Vitel. Il a été voté à une très large majorité !

Mme Marylise Lebranchu. La gauche n’est pas la seule à se préoccuper de ces questions et à formuler des propositions : une partie de votre majorité s’est longuement attachée à démontrer que ce texte était un cavalier comme on n’en avait jamais vu depuis la Quatrième République. Je ne fais que citer M. Warsmann.

M. François Baroin, ministre du budget. La loi a été votée !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur Bur, Mme Aubry a prolongé la durée de vie de la CADES à une époque où les comptes étaient bien meilleurs. Nous vous redonnerons les chiffres si vous voulez faire de l’histoire.

M. Philippe Vitel. On les a : cinq ans pour 13 milliards !

Mme Marylise Lebranchu. Pour notre part, nous préférerions parler d’avenir.

Ce n’est pas parce que Martine Aubry l’a fait à ce moment-là qu’il faut continuer de le faire sans affecter à la caisse d’autres recettes que celles que l’on obtient en puisant dans le fonds de réserve des retraites.

À nos yeux, il faut être courageux et responsable. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Bur, rapporteur. C’est nouveau !

M. le président. Seule Mme Lebranchu a la parole.

M. Guy Lefrand. Nous l’écoutons religieusement !

Mme Marylise Lebranchu. Monsieur Bur, je continue de nous trouver aussi courageux que vous, sinon plus ! Il est tellement facile de reporter la dette à 2020 ou 2021 : ce n’est pas du courage, c’est une fuite en avant ! Quand on est courageux, si l’on transfère une dette à ce type de caisse, on lui affecte des recettes. Et nous savons très bien qu’il est possible d’en trouver.

Monsieur le ministre, ce n’est pas en 2013 qu’il faudra être courageux, c’est tout de suite qu’il faut l’être. Cet amendement avait au moins le courage de ne pas laisser aux suivants ce que l’on peut résoudre aujourd’hui. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Robinet. Très bon argumentaire en faveur de la réforme des retraites !

(L’amendement n° 294 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n° 300.

M. Jean Mallot. Je rappelle que c’est le gouvernement Jospin qui a créé en 1999 le fonds de réserve des retraites, afin de permettre à ceux qui sont encore jeunes aujourd’hui d’affronter en 2020 ce que l’on appelle la pause démographique, c’est-à-dire l’arrivée massive des papy-boomers à l’âge de la retraite, ce qui pèsera considérablement sur notre régime par répartition.

Ce fonds de réserve, dont les besoins avaient été évalués à 150 milliards d’euros à l’horizon 2020, est aujourd’hui à peu près à mi-parcours en volume. Plutôt que d’en faire l’usage prévu, le Gouvernement et sa majorité ont décidé de le dilapider dès maintenant pour payer la facture de la crise et des déficits qu’ils ont laissé s’accumuler, voire qu’ils ont délibérément accumulés depuis plusieurs années.

M. Guy Lefrand. Le niveau du débat s’élève !

M. Jean Mallot. Je rappelle que la majorité actuelle est au pouvoir depuis 2002.

Non seulement le Gouvernement et la majorité dilapident le capital – les 32 milliards que compte le fonds de réserve des retraites –, mais, ce qui est un comble, ils en détournent le tuyau d’alimentation pour le raccorder directement à la CADES.

Nous savons pourtant qu’il existe d’autres ressources disponibles pour alimenter la CADES et honorer l’engagement de 2005. Mme Montchamp avait ainsi proposé l’an dernier d’augmenter la CRDS hors bouclier fiscal.

Mme Marylise Lebranchu. Très intéressant !

M. Jean Mallot. Cette proposition a été rejetée par l’UMP. Cette année, la commission des finances a voté un amendement qui permettrait d’apporter 5,4 milliards d’euros par an aux finances sociales. Nous ne savons toujours rien du sort que la majorité entend réserver à cet amendement en séance publique.

M. Daniel Garrigue. C’est pourtant un très bon amendement !

M. Jean Mallot. Tout à fait, et nous le soutenons, car il démontre que d’autres ressources, d’autres politiques sont possibles. Il n’est pas opportun de supprimer le dispositif d’alimentation du fonds de réserve des retraites, dont nous aurons besoin le moment venu, dont nos enfants, en tout cas, auront besoin.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

M. Jean Mallot. Elle a eu tort !

M. Yves Bur, rapporteur. L’amendement propose en effet que le produit de la fraction de 2 % du prélèvement social sur les revenus du capital ne soit pas affecté à la CADES, mais demeure une recette du FRR.

D’une part, le dispositif même de l’amendement a en réalité pour effet de priver la CADES de la fraction de CSG – 0,2 % – qui lui est affectée depuis 2008, c’est-à-dire d’une ressource déjà pérenne.

D’autre part, dans la mesure où il a été décidé de recourir dès aujourd’hui au FRR, il n’est plus nécessaire d’alimenter celui-ci par une ressource pérenne.

Au demeurant, le milliard et demi d’euros que rapporte chaque année ce prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital restera consacré au financement des retraites, puisqu’il contribuera au remboursement de la dette de la branche vieillesse et du FSV entre 2011 et 2018.

M. Philippe Vitel. Tout à fait !

(L’amendement n° 300, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 677 et 1.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 677.

M. François Baroin, ministre du budget. Monsieur le président, mesdames messieurs les députés, je défendrai en même temps les cinq amendements du Gouvernement à l’article 9, qui obéissent tous à la même philosophie.

En effet, en conséquence du compromis auquel nous sommes parvenus lors du débat sur le projet de loi organique grâce à l’amendement de Mme Montchamp – qui donnera l’avis de la commission des finances –, il s’agit de permettre la mise en œuvre juridique du transfert de la part de CSG affectée à la CADES.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l’amendement n° 1 de la commission des finances.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n°s 1 et 2, qui obéissent à la même logique.

M. le président. Je vous en prie, madame la rapporteure.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Vous venez de le souligner, monsieur le ministre, il s’agit de poursuivre le travail engagé sur le projet de loi organique en procédant à deux opérations de tuyauterie, si vous me permettez l’expression.

D’une part, nous proposons de mettre fin au raccordement à la CADES des taxes assurancielles ; d’autre part, nous lui affectons en contrepartie le produit d’une part de CSG supplémentaire : 0,28 %.

Dans l’esprit du projet de loi organique que nous avons adopté, nous insistons sur le fait que la CADES continuera de bénéficier d’impositions de toute nature à assiette universelle. En d’autres termes, nous avons confirmé la vocation de la CADES à se voir affecter de la CSG ou de la CRDS.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. J’aimerais donner l’avis de la commission des affaires sociales sur tous ces amendements qui tirent les conséquences des changements intervenus dans le projet de loi relatif à la gestion de la dette sociale, adopté avant-hier.

Nous avons déjà longuement débattu du financement de la dette sociale. J’ai manifesté avec constance mon opposition à l’allongement de la durée d’amortissement pour des raisons morales. De même, j’ai exprimé les plus vives réserves à l’égard de l’échange que vous nous proposez entre des recettes sûres issues de la CSG, jusqu’à présent affectées au financement de la sécurité sociale, et des recettes non pérennes, donc incertaines.

Comme l’a souligné avant-hier le président de la commission des lois, l’adoption de la loi organique permet à la CADES d’emprunter pour rembourser la dette sociale, en la comblant par des recettes tirées soit de la CRDS, ce qui devrait être la voie normale pour un tel financement, soit des branches de la sécurité sociale, au prétexte que ces recettes sont davantage pérennes et dynamiques que les différentes taxes qu’il était prévu de mobiliser.

J’ai eu l’occasion de dire combien ce choix me paraissait curieux et contestable sinon choquant. Il montre que l’on préfère rassurer les créanciers plutôt que de sécuriser le financement des branches de la sécurité sociale, en particulier l’assurance maladie et la branche famille.

Néanmoins le Parlement a fait son choix et a adopté le dispositif proposé par le Gouvernement. Le présent amendement en tire la conséquence pour proposer un échange de recettes avant même que le projet de loi organique ait pu être examiné et validé par le Conseil constitutionnel.

Nos réticences ont malgré tout été entendues. Le fait que nous ayons exprimé des réserves n’a pas été vain, me semble-t-il, comme le montre cet amendement lourd de conséquences. Il prévoit le transfert à la branche famille de recettes non pérennes liées à des prélèvements nouveaux décidés dans le cadre du PLF – taxe sur les conventions d’assurance, exit tax et taxe sur les contrats multisupports – en échange de l’affection à la CADES de 0,28 point de CSG. Conscient toutefois que nous ne pouvions pas en rester à ce dépouillement programmé des recettes de la branche famille, le Gouvernement s’est engagé fort heureusement à compléter ce dispositif en garantissant aux comptes sociaux le versement de l’excédent du panier fiscal destiné à compenser les exonérations de charges patronales.

Il a ainsi été décidé cette année d’affecter exceptionnellement ces excédents d’un montant de 1,6 milliard d’euros à la politique de l’emploi – nous respectons ce choix – mais, dès l’année prochaine, ils seront transférés au budget de la sécurité sociale pour des montants prévisionnels de 2 milliards d’euros en 2011, 1,8 milliard d’euros en 2012, 1,5 milliard d’euros en 2014 et 1,3 milliard d’euros en 2015, ce qui permettra d’abonder les recettes des différentes branches.

Sans approuver ce mécanisme qui, il faut bien le dire, complexifie la tuyauterie du financement des comptes sociaux – le produit de la taxe sur les contrats d’assurance santé, de 1, 5 milliard d’euros, sera affecté in fine à la branche famille, et j’essaie de comprendre la lisibilité de ce financement –, …

M. Jean Mallot. Vous nous aviez habitués à davantage de clarté, monsieur Bur !

M. Jean-Luc Préel. Ça rappelle les débats sur le FOREC !

M. Yves Bur, rapporteur. …je donne malgré tout un avis favorable à ces amendements.

M. Jean Mallot. Malgré vous !

M. Yves Bur, rapporteur. Ils assurent malgré tout pour la sécurité sociale un financement suffisant et, en principe, un supplément de ressources.

Mme Marylise Lebranchu. En principe !

M. Yves Bur, rapporteur. Il conviendra simplement, monsieur le ministre, de veiller à la répartition de cet excédent entre la branche famille et la branche maladie.

La commission des affaires sociales a donc donné un avis favorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Jean Mallot. Que l’on apporte des couverts à M. Bur pour qu’il mange son chapeau !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Ces amendements portent sur le financement de la dette sociale dont nous avons déjà débattu lors de la discussion du projet de loi organique, à l’issue de laquelle un échange de recettes a été décidé.

La CADES sera financée par la CSG. Je suis d’accord sur le principe mais je me demande pourquoi la CRDS n’a pas été retenue : cette solution aurait été tellement plus simple et parfaitement dans l’esprit qui a présidé à la création de cette contribution.

Le prélèvement d’une partie du produit de la CSG sur la branche famille pose toutefois un vrai problème. Nous avons déjà connu pareille situation lorsque le prélèvement d’une part de recettes de CSG sur le fonds de solidarité vieillesse a conduit à son déficit. Si l’on affecte une part de recettes de CSG à la CADES, c’est bien qu’il s’agit d’une recette sûre et fiable. À l’inverse, si l’on affecte à la branche famille des prélèvements que l’on a refusés pour la CADES, c’est bien qu’il s’agit de financements non pérennes. Cela fragilisera la branche famille, malgré l’engagement qui a été pris pour équilibrer les comptes ultérieurement.

En outre, parmi les trois taxes dont le produit sera transféré à la branche famille, la taxe sur les contrats dits solidaires pose un problème car, si les assurances complémentaires ont jusqu’à présent été exonérées de cette taxe, c’est pour leur permettre de favoriser un parcours de soins vertueux.

Je n’approuve donc pas le principe de ces transferts.

Mme Marylise Lebranchu et M. Daniel Garrigue. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. L’intervention de M. Bur était à la fois sympathique et pathétique. Il a passé deux minutes à nous expliquer tout le mal qu’il pensait de ces propositions pour dire en conclusion qu’il allait voter en leur faveur. Il est vrai que les choses sont compliquées pour lui car il est touché dans ses convictions profondes et tiraillé par son vote final.

Quant à Mme Montchamp, on se souvient de ses belles déclarations sur son refus de voir la CADES prolongée jusqu’en 2025. En contrepartie, il lui a été accordé que la caisse soit financée par une part du produit de la CSG plutôt qu’avec des ressources non pérennes.

C’est une affaire de tuyauteries un peu compliquée. On a d’ailleurs vu combien la majorité était divisée sur cette question et comment les plus courageux de ses membres se sont opposés à ces décisions.

Au bout du compte, si la CADES bénéficie de recettes stables avec la CSG, la branche famille, elle, va trinquer. Il fallait bien un vainqueur et un vaincu dans ce combat.

Alors que Mme Morano tient de beaux discours sur la politique familiale, la CNAF est fragilisée. Elle sera désormais financée par des taxes fondées sur la réserve de capitalisation des compagnies d’assurance, dont le nom même en dit long sur leur non-pérennité. La CADES, quant à elle, recevra des recettes prolongées jusqu’en 2025.

Cette politique est une politique de Gribouille, un jeu de bonneteau, un tour de passe-passe. Il n’est pas sérieux de traiter de la question majeure de la dette sociale avec tant de désinvolture.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Alors que nous débattons du financement de la protection sociale, force est de constater que vous ne l’alimentez pas par des financements nouveaux mais par de simples transferts ; M. Issindou a parlé de jeu de bonneteau, de tours de passe-passe. Il n’y a pas de ressources supplémentaires, à part celles introduites par l’amendement que Mme Montchamp a fait voter par la commission des finances ; nous y viendrons.

Ces transferts, ces swaps comme on dit, ont deux particularités.

Tout d’abord, ils comportent un mistigri : ce sont ces ressources non pérennes que l’on voulait refiler à la CADES et que, par précaution et pour s’assurer de l’approbation de la majorité des membres de l’UMP, on a préféré transférer à la branche famille. Michel Issindou vient de dire tout le mal qu’il fallait en penser.

Ensuite, ils montrent que l’on ne se préoccupe pas de savoir dans quelle structure les ressources en question seront le mieux gérées et j’aimerais avoir la réponse de M. le ministre à ce sujet. Vous savez en effet comme moi que le fonds de réserve des retraites a traversé la crise de manière convenable. À cet égard, il faut rendre hommage à ses gestionnaires qui ont su le piloter pendant cette période difficile. Il importe donc de savoir si les ressources qui alimentent aujourd’hui ce fonds seront mieux gérées dans le cadre de la CADES qu’elles sont appelées à financer. C’est une question qui a son importance, compte tenu de l’intérêt que nous portons tous à la bonne gestion des finances publiques.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Mes chers collègues, je vous ai écoutés avec une attention soutenue et je veux prendre le temps d’apporter la précision suivante : il est faux de dire que la question du financement de la dette sociale n’est pas traitée dans le cadre du transfert à la CADES. Il ne s’agit pas d’une opération de stockage mais d’amortissement.

Le fait de consentir à affecter à cette opération des ressources pérennes est un gage de la défaisance de la dette. Il est fondamental, pour aborder ce PLFSS, de prendre acte du fait que ce gouvernement et cette majorité font le choix de défaire la dette sociale.

M. Jean Mallot. Au prix de quatre années supplémentaires !

Mme Marie-Anne Montchamp. Peut-être au prix de quatre années supplémentaires, en effet, si nous ne revenons pas à meilleure fortune, monsieur Mallot.

Je voulais juste insister sur ce point pour la clarté de nos débats. Comment aborderions-nous ce PLFSS si ce préalable n’était pas posé ? Je vous le demande.

(Les amendements identiques nos 677 et 1 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 293, 61 et 62 tombent.

L’amendement du Gouvernement, n° 680, a déjà été défendu.

(L'amendement n° 680 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Préel pour défendre l’amendement n° 295.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement n’a plus de lieu d’être puisque la dette sociale est désormais financée grâce à un allongement de quatre ans de la durée de vie de la CADES et au transfert, à son profit, de 0,28 point de CSG.

Nous souhaitions rappeler que nous étions favorables à une augmentation de la CRDS pour financer la dette sociale. Cette mesure rapporterait 9 milliards par an. La base de la CRDS est large, donc équitable. Cette augmentation, si elle n’était pas agréable, aurait au moins permis d’atteindre un équilibre. Elle n’aurait du reste que modérément pesé sur le pouvoir d’achat car vos services, monsieur le ministre, ont calculé qu’un tel accroissement n’aurait eu une incidence que de 0,05 %. Par ailleurs l’argument selon lequel il ne faut pas peser sur le pouvoir d’achat ne tient que si aucune augmentation n’intervient. Or des hausses interviennent tout au long de l’année.

Cela dit, je retire cet amendement.

(L'amendement n° 295 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou pour défendre l’amendement n° 301 rectifié.

M. Michel Issindou. Cet amendement, un peu technique, prévoit que le premier versement du FRR à la CADES débutera, non en 2011, mais en 2012 et ce jusqu’en 2025, et non 2024, puisqu’il est prévu quatorze versements annuels.

Ces versements sont censés couvrir des déficits qui, par définition, ne peuvent être constatés à la date où les dits versements interviennent, soit avant le 31 octobre chaque année.

(L'amendement n° 301 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot pour défendre l’amendement n° 302.

M. Jean Mallot. Cet amendement, justifié par le précédent, me donne l’occasion de répondre à Mme Montchamp.

Effectivement, dans le transfert à la CADES, le deuxième morceau des 34 milliards de dette structurelle aura une contrepartie pérenne de ressources en CSG, j’en conviens. C’est l’objectif du swap que vous avez voté tout à l’heure. Les 62 milliards de déficit à venir de la branche vieillesse auront aussi une contrepartie puisque vous pompez à la fois le flux et le stock du FRR. Je rappelle toutefois que les premiers 34 milliards de dette transférés à la CADES, dus à la crise, comme vous le dites si bien, ne sont compensés par aucune ressource, qu’elle soit pérenne ou pas. Ils sont simplement absorbés par le prolongement de la durée de vie de la CADES de quatre ans.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Je ne comprends plus, monsieur Mallot : vous étiez opposé à l’allongement de la durée d’amortissement et vous proposez de la prolonger d’une année.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Yves Bur, rapporteur. Il y a vraiment une incohérence. Avis défavorable.

(L'amendement n° 302, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue pour défendre l’amendement n° 60.

M. Daniel Garrigue. La disposition qui nous est proposée consiste à imposer chaque année le versement de 2,1 milliards d’euros au FRR sans qu’on sache d’où proviennent ces ressources. Sont-elles issues des recettes recueillies par le FRR ou sont-elles prélevées sur le capital du fonds ?

Dans les circonstances difficiles d’aujourd’hui, je comprends qu’on prélève sur les recettes du FRR, mais je ne peux pas accepter qu’on le fasse sur le capital. Cet amendement a donc pour objet de préciser que le prélèvement ne peut excéder 2,1 milliards de recettes. Si les recettes n’atteignent pas ce montant, il paraît alors logique de faire appel à la CRDS.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. « Défavorable ! Défavorable ! », c’est un peu court pour traiter du principe de fond que vient d’énoncer M. Garrigue, mais il y a aussi un problème de bonne gestion.

Qu’adviendrait-il si l’on sacrifiait de l’actif susceptible de rapporter davantage que ne coûterait un emprunt ou une émission au taux du marché ? Il est très important de limiter les prélèvements et de ne pas brader les bijoux de famille.

(L'amendement n° 60 n'est pas adopté.)

M. le président. Les amendements identiques nos 681 et 2 ont déjà été défendus.

(Les amendements identiques nos 681et 2 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 682, qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 724 qui est rédactionnel.

(Le sous-amendement n° 724, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L'amendement n° 682, ainsi modifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre pour défendre l’amendement n° 691.

M. François Baroin, ministre du budget. Il s’agit de prendre en compte l’amendement au projet de loi de réforme des retraites tendant à maintenir le bénéfice de l’âge d’annulation de la décote à son niveau actuel pour les parents de trois enfants ainsi que pour les parents d’enfants handicapés. Cet amendement permet d’affecter le produit de la majoration au fonds de solidarité vieillesse en charge de financer ces dispositifs de solidarité qui sont au cœur de notre système par répartition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences des dispositions du projet de loi sur les retraites, plus particulièrement de celles qui avaient été adoptées au Sénat. La commission n’ayant pas examiné cet amendement, je ne peux y être favorable qu’à titre personnel, même si je ne doute pas qu’elle se serait prononcée dans le même sens.

M. le président. La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Je reviens sur le problème du FRR. Lors de la discussion sur la CADES, M. Warsmann a parlé de cavalerie. Prévoir de financer des dépenses annuelles de fonctionnement par prélèvement sur le capital du fonds de réserve des retraites est, à l’évidence, une opération de cavalerie caractérisée.

M. Philippe Vitel. Tout est dans le mot « adossement ».

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Au cours de la discussion à sens unique du projet de loi sur les retraites, le Gouvernement a consenti à atténuer son texte en donnant ce qu’il appelle une réponse spécifique aux mères de famille. Dont acte. Toutefois, nous ne pouvons pas, sous couvert de cet aménagement extrêmement mineur, oublier le caractère fondamentalement injuste du projet de loi sur les retraites, qui reporte de soixante à soixante-deux ans l’âge de départ à la retraite et de soixante-cinq à soixante-sept l’âge de départ sans décote, qui pénalise les plus fragiles de nos concitoyens, précarise l’ensemble d’entre eux et qui, finalement, rejette sur l’UNEDIC une part du financement du déficit ainsi creusé et permettra au Gouvernement d’obtenir un équilibre global des régimes de retraites au détriment des salariés et des retraités.

On ne peut pas oublier l’ensemble de ce projet de loi au motif qu’un petit aménagement y a été apporté.

(L'amendement n° 691 est adopté.)

(L'article 9, amendé, est adopté.)

Après l'article 9

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 63 et 67 rectifié, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Daniel Garrigue.

M. Daniel Garrigue. Ces amendements ont perdu de leur portée compte tenu des décisions qui ont déjà été prises. L’idée de soutenir les retraites, à titre individuel ou collectif, par un certain type de capitalisation est ancienne. On a pensé à la participation, à laquelle j’étais favorable, puis aux fonds de pensions, entre lesquels on n’a jamais réussi à arbitrer véritablement. Puis il y a eu la création du fonds de réserve des retraites, sorte de capitalisation à l’échelle nationale pour soutenir les retraites.

Je pense que c’est une erreur profonde de remettre aujourd’hui en question ce fonds, qui est un outil extrêmement important et qui mériterait, au contraire, d’être conforté. Notre pays a, de surcroît, besoin d’épargne longue. Préserver l’usage du FRR pour les années vraiment les plus difficiles du point de vue de l’équilibre démographique entre actifs et inactifs serait infiniment préférable aux solutions d’expédients que l’on choisit aujourd’hui.

Les deux amendements que je propose visaient à affecter cette année les ressources non pérennes au capital du FRR plutôt qu’à la CADES. Je les retire parce qu’ils n’ont plus de signification, mais la question méritait d’être évoquée.

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

(Les amendements nos 63 et 67 rectifié sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou pour soutenir l’amendement n° 303.

M. Michel Issindou. Nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions de votre volonté de siphonner le fonds de réserve des retraites. Maintenant que vous l’avez fait, nous demandons un rapport présentant la rentabilité passée et prévisionnelle des actifs gérés par le fonds, une évaluation de la moins-value ou de la plus-value réalisée au titre des cessions d’actifs effectuées durant le dernier exercice écoulé au bénéfice de la CADES, et enfin une évaluation de la charge d’intérêt due par la caisse d’amortissement au titre du dernier exercice écoulé, de l'exercice en cours et du prochain exercice.

Il s’agit, encore une fois, d’informer correctement le Parlement sur l’intérêt financier réel des opérations de cessions d’actifs exigées du FRR au titre de sa nouvelle mission d’alimentation de la CADES. Nous souhaitons y voir plus clair.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Yves Bur, rapporteur. Avis défavorable. Un tel rapport ne paraît guère utile, les informations demandées se trouvant dans les annexes au PLFSS.

Les projections effectuées par la CADES montrent qu’à l’issue du remboursement de la dette sociale, grâce notamment aux 2,1 milliards provenant de la vente des actifs du FRR et au versement de 1,5 milliard des contributions de 2 % sur les revenus du capital, le FRR présentera in fine un solde d’au moins 10 milliards d’euros. Nous suivrons ces évolutions à travers les annexes, donc point n’est besoin d’un rapport supplémentaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre du budget. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Il ne s’agit pas d’un siphonage mais de la mobilisation de produits d’actifs. Le FRR reste actif ; il va même pouvoir développer une nouvelle allocation stratégique. Après tout, rien ne dit que, demain, nous ne pourrons pas proposer une destination intéressante à ces produits d’actifs résiduels liés à la nouvelle allocation stratégique du FRR, sur lesquels nous fondons tous, peut-être parfois pour des raisons différentes, beaucoup d’espoirs.

D’ailleurs, à entendre les responsables du FRR, ils sont déjà sur la construction de cette nouvelle allocation stratégique.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Bur. Lui, il voulait vendre les actifs.

Mme Marie-Anne Montchamp, rapporteure pour avis. Pour la clarté de nos débats, il ne faut pas confondre siphonage et mobilisation d’actifs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. À défaut d’avoir ledit rapport, M. le ministre pourrait-il déjà nous dire si une étude a été menée sur les conséquences…

M. Denis Jacquat, rapporteur. Il en a déjà parlé, il fallait venir plus tôt ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Marie Le Guen. Vous qui êtes un spécialiste reconnu des retraites à tous les sens du terme, monsieur Jacquat, restez-le. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Ce n’est pas gentil.

M. Dominique Tian. Ni élégant !

M. le président. Poursuivez, monsieur Le Guen.

M. Jean-Marie Le Guen. Le ministre peut-il nous dire si son administration a conduit des études sur l’impact boursier de la liquidation du FRR ? J’aimerais également savoir si le fonds détient des actions L’Oréal ? (Sourires.)

(L'amendement n° 303 n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)