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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIIIe législature
Session ordinaire de 2010-2011

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 9 décembre 2010

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Jean-Pierre Balligand

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2010 Seconde partie (suite)

Discussion des articles (suite)

Après l’article 30

Amendement no 378

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Après l’article 12 (amendements précédemment réservés – suite)

Amendements nos 197, 199, 231, 71, 288, 73, 289, 292, 72, 290, 70, 291, 246, 333, 362, 346, 80, 86, 85, 301, 132, 382 (sous-amendement)

Article 13 (précédemment réservé)

Amendements nos 40, 28, 29, 30, 31, 27

Article 15 (précédemment réservé)

M. Yves Vandewalle

Mme Sandrine Mazetier

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Amendements nos 122, 106, 107, 108, 6, 365, 92, 93, 130, 7, 128 rectifié, 220 (sous-amendement), 97, 95, 96, 123, 124, 98, 127, 109

Article 16 (précédemment réservé)

M. Guy Malherbe

M. Yves Vandewalle

Mme Annick Lepetit

Amendements nos 8, 125, 126, 368 (sous-amendement)

Après l'article 16 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 9, 121 rectifié, 216 rectifié, 129 rectifié

Article 17 (précédemment réservé)

M. Lionel Tardy

Amendements nos 110, 111, 10, 112, 113, 114, 115, 117, 200, 116

Après l’article 17 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 303, 304 rectifié, 206, 236

Après l'article 17 (suite)

Amendements nos 247, 367, 315, 12, 302 rectifié, 235, 11, 340 rectifié, 366 rectifié, 390, 60

Article 18

Amendements nos 350, 207

Article 19 (précédemment réservé)

Article 20 (précédemment réservé)

Amendement no 248

Après l’article 20 (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 314 rectifié, 322

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Jean-Pierre Balligand,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2010
Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n°s 2944, 2998, 2990).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 378, portant article additionnel après l’article 30.

Mes chers collègues, avant de commencer nos travaux, je souhaite appeler votre attention sur le fait qu’il nous reste environ 250 amendements à examiner, dont une soixantaine seulement d’ordre rédactionnel.

Comme vous le savez, nous sommes tenus d’achever l’examen du collectif ce soir.

Pour maintenir la séance de ce soir dans un horaire raisonnable et permettre à chacun de rentrer chez lui dans de bonnes conditions en dépit des intempéries, je pense en particulier à nos collègues de province mais aussi aux salariés qui n’habitent pas tous Paris et dont beaucoup vivent en banlieue, il est indispensable que tout le monde fasse un effort de concision. Pour ma part, je m’attacherai à faire respecter scrupuleusement les temps de parole. Je vous remercie par avance.

Après l’article 30

M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement, pour défendre l’amendement n° 378.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Cet amendement tend à faire passer le taux du droit de licence de 21,40 à 21,09 %. C’était un engagement qu’avait pris le Gouvernement envers les buralistes, qui sont aussi, je le rappelle, des préposés de l’administration, lors de la signature du deuxième contrat d’avenir, j’en ai longuement parlé hier soir lors du débat sur l’augmentation du prix du tabac.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Favorable.

(L’amendement n° 378 est adopté.)

M. le président. Nous revenons aux amendements portant articles additionnels après l’article 12.

Après l’article 12
(amendements précédemment réservés – suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 197.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. Cet amendement a trait au mécanisme d’amortissement exceptionnel des équipements destinés à économiser l’énergie ou à produire des énergies renouvelables, qui est une bonne mesure pour atteindre les objectifs de Kyoto.

Cette disposition est listée comme l’une des mesures importantes de soutien aux énergies renouvelables mises en avant par le plan d’action national en faveur desdites énergies pour la période 2009-2020, tel qu’il a été communiqué à Bruxelles cet été.

La disposition n’ayant pas été reconduite dans le projet de loi de finances, je vous propose de la reconduire pour deux ans. En 2009, l’Assemblée avait déjà voté la prorogation jusqu’en 2013.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement dans la mesure où il s’agit typiquement de l’une de ces petites niches fiscales comme il en existe des centaines, que les entreprises semblent avoir totalement oubliée d’ailleurs puisqu’elle représente un tout petit coût. Nous n’avons aucune demande de prorogation et, puisque nous en avons la possibilité, il nous a paru préférable de la supprimer. C’est dans un esprit de…

M. Michel Bouvard. Simplification !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …de ménage, allais-je dire.

M. Jean-Pierre Brard. De modernisation !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons. C’est une niche qui n’a pas vraiment montré son efficacité,…

M. Jean-Pierre Brard. Celle-là non plus ?

M. François Baroin, ministre. ...il était assez logique de la supprimer.

M. Michel Bouvard. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 197 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 199.

La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. C’est un amendement qui concerne très peu de monde mais qui est néanmoins très important.

Le sujet peut paraître anecdotique, même s’il y a de la neige à Paris, mais le régime fiscal applicable aux mushers, les conducteurs de traîneau, empoisonne littéralement la vie de tous ceux qui le subissent.

L’activité d’élevage est imposée au titre des bénéfices agricoles et les autres activités sont imposées au titre des bénéfices industriels et commerciaux ou non commerciaux. Pourtant, dans la pratique, elles ne sont pas toujours faciles à distinguer.

Les seuils retenus dans le code général des impôts ne permettent par ailleurs pas de regrouper les activités en revenus complémentaires au revenu agricole, qui seraient dès lors soumis à une même taxation. Ces activités font naître de nombreux contentieux car il est difficile de déterminer la part de chacune. Il suffit qu’il y ait quelques courses supplémentaires en montagne dans l’année pour que l’on dépasse les seuils.

Il vous est donc proposé d’unifier sous un régime unique, celui des bénéfices agricoles, la fiscalité qui leur est applicable, comme cela a été fait pour la filière équestre en 2004, les activités relatives aux élevages, aux manèges et aux randonnées ayant été rassemblées dans le même régime.

Le dossier traîne depuis trop longtemps, vous le savez, monsieur le ministre, puisque cela fait plusieurs années que nous attendons des réponses de l’administration.

J’ajoute qu’il n’y a aucun risque d’effet d’aubaine pour d’autres professions, notamment le gardiennage de chiens, puisque, pour être musher, il faut un diplôme spécifique, le DEJEPS, mention attelage canin, qui peut d’ailleurs être un critère discriminant. Cela fournirait à l’administration fiscale une bonne protection contre tout risque d’extension.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement sur les chiens de traîneau, la commission le connaît bien, et depuis très longtemps. Il faut vraiment saluer le sens de l’opportunité qu’a Michel Bouvard pour le présenter aujourd’hui. C’est vrai que, si la RATP avait été équipée en chiens de traîneau, nous n’aurions peut-être pas connu la situation d’hier soir.

M. Michel Bouvard. Il y aurait eu des taxations supplémentaires parce que les seuils auraient été dépassés !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cela étant, la commission considère toujours que c’est une extension un peu trop large de la notion de bénéfice agricole et l’a donc rejeté.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je m’associe aux compliments de M. Carrez sur la bonne gestion de l’actualité par Michel Bouvard. Nous faisons en réalité la même analyse, l’élevage ne peut être assimilé à une activité commerciale traditionnelle. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas tout à fait comparer avec la filière équestre.

M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.

M. Michel Bouvard. C’est une activité qui concerne très peu de monde, dont la rentabilité est très limitée et qui est relativement difficile. Je ne comprends pas la position du Gouvernement dès lors que cela a été accepté pour l’ensemble de la filière équestre et qu’il y a vraiment une analogie totale.

(L’amendement n° 199 est adopté.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Bravo, monsieur Bouvard !

M. Jean-Pierre Brard. Qu’est-ce qu’on dit ?

M. Michel Bouvard. Merci !

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 231.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Nous allons présenter plusieurs amendements qui déclinent nos propositions fiscales, l’une des plus importantes étant que tous les revenus, quelle que soit leur origine, soient taxés de la même façon, en fonction de leur montant bien sûr.

Nous proposons de supprimer le prélèvement forfaitaire libératoire sur les intérêts et dividendes, de façon que ces derniers soient taxés au barème de l’imposition des revenus. Je rappelle que les dix plus hauts revenus en France ne paient même pas 20 % de leurs revenus en impôt, pour la bonne raison que les revenus du capital échappent à ce barème.

Parallèlement, nous proposons de soumettre à un taux de retenue à la source de 25 % les dividendes distribués à des personnes non résidentes fiscalement. Ce taux est actuellement de 18 %. C’est une mesure qui remettra de la justice dans notre système fiscal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. C’est une question qui aura toute sa place dans le débat pour le prochain collectif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Écoutez la suite, chers collègues !

Je sais, monsieur Muet, que vous avez lu l’excellent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2009 sur la fiscalité de l’épargne. Ce rapport montre que, dans tous les pays européens, la tendance, ces dernières années, a été à la mise en place du prélèvement forfaitaire libératoire, à des taux voisins des nôtres.

Nous allons en débattre dans les prochains mois, mais je pense que le sujet n’a pas qu’une dimension franco-française et qu’il doit être envisagé au plan européen. La fiscalité sur les flux d’épargne, extraordinairement mobiles, comme vous le savez, doit être a minima harmonisée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je sais bien que, dans tous les pays, depuis une vingtaine d’années, l’imposition des revenus les plus mobiles, les revenus du capital, a été diminuée, de sorte que, partout, ce sont les revenus du travail qui supportent l’imposition. Je pense que la crise devra amener tous les pays européens à réfléchir sérieusement à cette question car nous ne pouvons continuer, après ce qui vient de se passer, comme depuis vingt ans.

(L’amendement n° 231 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 71 et 288, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 71.

M. Jean-Pierre Brard. Le présent amendement vise à instaurer pour les établissements de crédit une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés au taux de 15 %. L’idée d’une taxation spéciale des banques n’est pas neuve ; encore faut-il le faire et cesser d’en parler ! L’instauration, récemment, de la taxe de risque systémique et celle, au préalable, d’une taxe sur les frais de contrôle n’ont été au final que des moyens de botter en touche. Alors qu’à eux seuls les deux plus grands établissements de crédit français totalisent sur les neuf premiers mois de l’année, de leur propre aveu, presque 10 milliards d’euros de résultats nets, l’effort de solidarité qui leur est demandé depuis deux ans est clairement insuffisant.

Alors que la politique de liquidités faciles menée par les banques centrales avantage particulièrement les établissements de crédit, il nous paraît toujours actuel de proposer de soumettre les bénéfices des banques à un impôt additionnel à l’impôt sur les sociétés. En fixant son taux à 15 %, son produit rapporterait à l’État, non quelques centaines de millions, comme les mesures actuelles, mais quelques milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 288.

M. Pierre-Alain Muet. Dans de nombreux débats budgétaires passés, au moins trois groupes proposaient des amendements de taxation des bénéfices des banques, car il fut un temps où les centristes aussi prenaient de telles initiatives. Ces amendements sont parfaitement justifiés, sachant que les États, donc les contribuables, sont venus partout au secours des banques, ce qui a permis le redressement de leurs profits. Il est donc normal de demander un juste retour. C’est une question qui se pose partout dans le monde aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je ne souhaite pas prolonger le débat, compte tenu de votre remarque à l’ouverture de la séance, mais il faut toujours de la pédagogie. Il s’agit de prendre quelques petits sous sur 10 milliards d’euros accumulés en neuf mois. Que vont penser les gens qui sont dans les tribunes ou qui nous regardent sur leurs écrans ? Nous parlons de plus d’un milliard de résultats nets par mois ! Mais dès qu’il s’agit de prélever quelque argent sur ceux qui en ont beaucoup, le Gouvernement et le rapporteur général refusent le débat et disent : « Défavorable ». La seule chose dont nous soyons sûrs, c’est que le Gouvernement n’est pas défavorable aux privilégiés.

(Les amendements nos 71 et 288, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 73 et 289.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 73.

M. Jean-Pierre Brard. Nous avions, il y a quatre ans, en mars 2006, déposé une proposition de résolution tendant à faire toute la lumière sur l’impact du bénéfice mondial consolidé. Si vous voulez passer cette notion aux rayons X, l’objet de notre amendement est aujourd’hui d’en proposer l’abrogation.

Créé en 1965 pour soutenir les grandes entreprises françaises dans leur conquête de marchés à l’international, ce régime fiscal dérogatoire concerne à ce jour une quinzaine de firmes internationales. Il permet en pratique à une société mère de consolider ses pertes ou profits de manière plus avantageuse en prenant en compte dans son résultat imposable les résultats de ses filiales étrangères.

On se souvient qu’en 2004 le groupe Vivendi avait reçu de Bercy l’agrément pour bénéficier de ce régime, permettant à ce géant de la communication d’améliorer ses résultats nets de 500 millions d’euros sur cinq ans, en contrepartie de la création de 420 emplois par an. Ce fut l’emploi aidé le plus cher du monde puisque revenant à un coût de 1,8 million d’euros par emploi promis. La réalité de ces créations d’emplois n’a d’ailleurs jamais été vérifiée.

Devant de telles dérives et la multiplication des agréments obtenus en violation de l’instruction du 16 mars 1995 conditionnant l’agrément à des contreparties économiques suffisantes pour la collectivité, le Conseil des prélèvements obligatoires a récemment mis en doute l’utilité économique de ce régime, qui bénéficie encore, par exemple, à un groupe aussi « vertueux » que Total.

Nous vous proposons par conséquent de supprimer ce dispositif, d’autant plus que s’ajoute à son bénéfice, comme l’a révélé le Comité catholique contre la faim et pour le développement, le maintien des comptes de ces grands groupes dans les paradis fiscaux. J’espère que les réponses du rapporteur général et du ministre ne seront pas de laconiques « défavorable ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un sujet important, dont je vais, comme m’y invite M. Brard, dire deux mots.

Le bénéfice mondial a été mis en place dès 1979. Il n’a pas bougé depuis lors, y compris pendant les trois législatures où la gauche était aux responsabilités, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, pourquoi un bénéfice mondial ? Certaines entreprises se développent à l’étranger par le biais de filiales en réalisant dans ces dernières d’énormes investissements qui génèrent des pertes. C’est typiquement le cas de l’industrie pétrolière : lorsqu’une société crée une filiale dans un pays possédant des réserves de pétrole, il faut qu’elle mette en place le système d’exploitation, qu’elle fore les puits, toutes dépenses qui créent des pertes. Ces pertes, engendrées dans des pays étrangers par le biais des filiales, sont financées par leur imputation sur les bénéfices réalisés dans le pays du siège. Ceci, monsieur Brard, pour vous rappeler l’utilité économique du dispositif, que vous connaissez aussi bien que moi.

La deuxième raison pour laquelle vous non plus n’avez pas bougé sur le bénéfice mondial, c’est que ce régime est celui des pays développés de l’OCDE. C’est le cas de tous les États de l’Union européenne, sauf le Danemark. Si nous abandonnions ce régime, les sièges sociaux s’installeraient immédiatement dans les pays voisins. C’est la vie réelle, monsieur Brard. En abandonnant le bénéfice mondial, nous subirions davantage de pertes que nous n’obtiendrions de recettes supplémentaires d’impôt sur les sociétés.

Enfin, il convient de relativiser le sujet. Aujourd’hui, cinq entreprises françaises sont au bénéfice mondial, et pour trois d’entre elles, c’est équivalent à ce qu’elles paieraient en impôt si elles n’y étaient pas. Il ne faut donc pas non plus en faire une question de principe. C’est quelque chose qui appartient à la réalité fiscale internationale et dont nous devons tenir compte dans notre pays.

M. le président. Avant de donner l’avis du Gouvernement, je vais donner la parole à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement identique n° 289.

M. Pierre-Alain Muet. Le Conseil des prélèvements obligatoires rappelle que le dispositif a été créé en 1965. Depuis lors, de nombreuses entreprises se sont internationalisées, utilisant beaucoup d’autres dispositifs. Le bénéfice mondial est marginal en termes d’utilisation par les sociétés – seules cinq sont concernées – mais non en termes de coût puisqu’il représente tout de même plusieurs centaines de millions d’euros.

Comme le Conseil des prélèvements obligatoires, je pense que le dispositif est aujourd’hui mal adapté ; de nombreuses réformes fiscales ont été adoptées en tenant compte de la mondialisation des entreprises. Le Conseil conclut : « La suppression de ce régime dont l’utilité économique n’est pas démontrée apparaît souhaitable. » Il faut vraiment s’interroger sur la pertinence du dispositif.

M. le président. Souhaitez-vous ajouter quelque chose, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis que le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je suis gêné par le rythme que vous voulez imposer, mais je vais m’y tenir.

M. le président. Monsieur Brard, s’il vous plaît, j’ai demandé au rapporteur général s’il souhaitait ajouter quelque chose pour montrer l’écoute qui est la sienne. Je vous ai ensuite rendu la parole. J’essaie de donner un certain rythme au débat mais sans casser les développements de fond, car je sais qu’avec vous je serai perdant ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Brard. Je ne peux qu’être d’accord avec vous !

M. le président. Je suis pragmatique. Veuillez vous exprimer, nous passerons ensuite au vote.

M. Jean-Pierre Brard. Je serai bref. Le rapporteur général nous dit que les filiales à l’étranger sont sources de pertes. C’est très difficile à contrôler car, avec tous les conseillers fiscaux, conseillers en arnaque – il faut appeler les choses par leur nom –, on ne peut jamais être sûr de la qualité des déclarations concernant les filiales.

Le rapporteur général a ensuite évoqué « la vie réelle », et il faut rendre hommage à son honnêteté : il nous a décrit la vie réelle. En tout et pour tout, cinq sociétés peuvent bénéficier du dispositif. Sur ce nombre, il en est trois pour lesquelles c’est jeu égal ; nous les mettons donc de côté. Il en reste deux, dont Total, de pauvres gens qui font pitié : avez-vous vu les bénéfices qu’ils réalisent ? Et avez-vous vu ce que vous demandez aux Français qui ont des fins de mois impossibles ? Vous inclinez toujours vers les mêmes !

La Caisse des dépôts – je parle sous le contrôle de Michel Bouvard – doit avoir quelques actions dans ces deux sociétés.

M. Michel Bouvard. Oui !

M. Jean-Pierre Brard. Oui, dit-il. Bonne pioche !

Ces gens auraient si peu la fibre patriotique qu’ils déserteraient le territoire national pour aller à Luxembourg, Londres ou quelque autre lieu offrant des conditions non républicaines,

M. Nicolas Perruchot. Ou à Montreuil ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le rapporteur général, on ne peut pas donner quitus à ceux qui trahissent l’intérêt national, y compris quand, parmi les actionnaires, figure le premier banquier national, c’est-à-dire la Caisse des dépôts. Il serait légitime que celle-ci, comme l’État quand il a des participations, mène une politique d’actionnaire, ce qu’elle ne fait pas pour l’instant, pour défendre l’intérêt de la nation tout entière !

M. Michel Bouvard. Jean-Pierre Brard connaît ça par cœur puisqu’il a été membre du conseil de surveillance !

M. le président. Je m’en souviens, monsieur Bouvard. Je crois même en avoir été le président. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 73 et 289 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 292.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement propose de moduler l’impôt sur les sociétés en favorisant l’investissement plutôt que la distribution des bénéfices. Une telle stimulation de l’investissement serait bien adaptée à la situation actuelle. Il faut inciter les entreprises à investir davantage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous connaissons parfaitement ce type d’amendements. Certes, c’est à première vue une bonne idée, et votre majorité, monsieur Muet, l’avait d’ailleurs mise en œuvre à deux reprises : en 1988-1989, puis à nouveau en 1997. Or le gouvernement Jospin l’a abandonnée deux ans après parce que son application posait un problème de suivi des résultats entre ceux qui sont distribués et ceux qui sont réinvestis. Cela donne en effet lieu à une telle complexité que l’on n’arrive pas à mettre en œuvre ce qui paraît, je le répète, une bonne idée. Avis défavorable pour les raisons qui furent les vôtres lorsque votre majorité fut conduite à abandonner ce dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

(L’amendement n° 292 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 72.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Oui, il faut de la constance ici pour défendre l’intérêt national face à ceux qui l’ignorent. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, vous vous réveillez ! Mais les onomatopées ne remplacent pas les arguments, mes chers collègues !

M. Lionel Tardy. On ne répond pas parce qu’on vous écoute, monsieur Brard ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. Cet amendement vise à davantage taxer les groupes qui partagent les bénéfices surtout en faveur des actionnaires et non pas en faveur de l’investissement. Mes chers collègues, vous répétez tout le temps : « Chez nous, les prélèvements obligatoires sont épouvantables. » Évidemment, vous ne dites pas la vérité. Je vais vous le prouver en vous donnant quelques exemples parmi les sociétés du CAC 40. Savez-vous combien paye d’impôt sur les sociétés Alcatel Lucent ? Seulement 8,6 % de ses bénéfices. Et le Crédit Agricole ? Seulement 18,6 %. Et Danone, qui ne se porte pourtant pas mal ? 21 % seulement. Quant à Vivendi, son taux d’imposition n’atteint que 15,1 %.

Vous voyez que l’on est loin de ce que vous essayez de faire croire à l’opinion publique, monsieur le ministre. Ces taux ridiculement bas sont imputables aux pratiques d’optimisation fiscale, mais aussi aux niches fiscales et aux modalités de calcul de l’impôt très favorables aux pratiques spéculatives, tel le taux minoré pour les plus-values à long terme.

À rebours d’une telle logique, nous proposons, dans cet amendement, l’application d’un taux majoré à 46 % « lorsque les dividendes versés aux actionnaires représentent plus de 10 % du bénéfice imposable ». Ce malus ne s’appliquerait donc pas aux entreprises vertueuses, celles qui réinvestissent leurs bénéfices dans l’activité productive ou les redistribuent à leurs salariés sous la forme d’une hausse des rémunérations. Nous considérons que la pratique qui consiste à reverser une part toujours croissante des bénéfices aux actionnaires est source de l’affaissement de la demande intérieure dans les pays avancés et plombe la croissance à moyen et à long terme. Ce choix en faveur des actionnaires contribue largement à l’affaiblissement du socle industriel de la France. À cet égard, monsieur le ministre, je vous renvoie à la comparaison entre l’industrie allemande et l’industrie française faite par notre ambassade à Berlin, qui montre à quel point vos politiques sont coupables de l’affaiblissement de notre industrie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement défend la même thèse que le précédent. Pierre-Alain Muet l’a présentée de façon incitative – on récompenserait les entreprises qui gardent leurs bénéfices – ; Jean-Pierre Brard, lui, la présente de façon punitive en proposant de surtaxer celles qui distribuent à l’excès. C’est juste une différence de tempérament.

M. Jean-Pierre Brard. Pas seulement une différence de tempérament, monsieur le rapporteur général, mais aussi une différence de tradition : il y a des girondins et des jacobins ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mais c’est exactement la même idée. L’avis est défavorable.

(L’amendement n° 72, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 290.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de la « niche Copé ».

M. François Baroin, ministre. Encore ? !

M. Pierre-Alain Muet. Nous nous appuyons sur le rapport du CPO, qui l’a étudiée en détail et a montré que ce dispositif est particulièrement favorable par rapport à la fiscalité d’autres pays. Je rappelle que cette niche consiste à supprimer le taux d’imposition des bénéfices et à le remplacer par la taxation d’une petite fraction des plus-values de participation. Cela aboutit à ce que les entreprises en question, au lieu de payer 33 % d’impôt sur le total de leurs bénéfices, en payent 1,67 %. Dans les autres pays, on ne trouve pas un dispositif aussi favorable : huit pays tiennent compte de la provenance des dividendes – ce qui n’est pas le cas avec la « niche Copé » – ; le taux de participation au titre de la quote-part représentative des frais et charges est de 5 % chez nous alors qu’il est de 10 % à 15 % ailleurs, et le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires préconise de le faire passer à 20 %.

Je rappelle que la « niche Copé », qui devait coûter un milliard d’euros, est passée à 20 milliards pour les années 2008 et 2009.

M. Guy Malherbe. On vous a expliqué pourquoi hier soir !

M. Pierre-Alain Muet. Si elle a un coût aussi élevé, c’est tout simplement parce qu’elle n’a pas du tout l’efficacité que prétendaient ceux qui l’ont fondée. Je me souviens de M. Marini expliquant, au Sénat, que ce dispositif, du fait qu’il abaisse l’impôt sur les sociétés à un taux extrêmement faible, allait faire revenir tellement de capitaux que la baisse du taux serait compensée par l’augmentation de l’assiette. C’est toujours le même discours que l’on entend chez les libéraux. Mais il n’y a pas eu de compensation : au lieu d’un milliard, c’est 20 milliards sur deux ans. Suivre la préconisation du Conseil des prélèvements obligatoires me paraîtrait une politique sage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À nouveau, un petit mot d’explication.

M. Guy Malherbe. Il ne peut pas comprendre !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes en 2000. À l’époque, M. Muet est le conseiller économique, écouté, du Premier ministre.

M. Jean-Pierre Brard. Pas assez !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Viennent de se produire deux événements qui ont conduit le gouvernement Jospin à se poser des questions. Premièrement, l’entreprise Renault, dont l’actionnaire principale est alors l’État, est amenée à créer une holding à Amsterdam pour pouvoir réagencer ses différentes filiales. Deuxièmement, EADS est conduite à faire de même. Que fait alors M. Jospin, peut-être sur le conseil de M. Muet ? Il demande un rapport sur le sujet à un collègue que nous avons bien connu : Michel Charzat.

M. Michel Bouvard. En effet !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il était député de Paris. On s’en souvient parfaitement, Michel Bouvard et moi. Nous étions dans l’opposition et jouions un peu votre rôle aujourd’hui, monsieur Muet, parce que nous nous interrogions sur l’efficacité fiscale. Michel Charzat remet son rapport en 2001. Il constate que si ces deux entreprises publiques ont été conduites à créer des holdings, c’est parce qu’en France, il y a un régime fiscal qui n’existe pas ailleurs : celui de l’assujettissement à la taxation des plus-values sur cession de titres de participation. Il propose donc la suppression de cette taxation et de s’aligner sur le régime dominant en Europe. Je ne veux pas dire par là que si M. Jospin avait gagné les élections en 2002,…

M. Jean-François Mancel. Quelle horreur !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …il aurait suivi les conclusions du rapport qu’il avait demandé, parce qu’on ne peut pas refaire l’histoire, mais il est tout de même légitime de se poser la question.

Après le changement de majorité, nous décidons de suivre le rapport Charzat et d’appliquer la mesure qu’il préconise. Mais là où vous auriez raison de critiquer, monsieur Muet, c’est que la mise en œuvre n’a pas été le fruit d’une discussion approfondie à l’Assemblée et au Sénat : elle est arrivée directement, sous forme d’amendement proposé par le Gouvernement – devant le Sénat. Ensuite, nous nous retrouvons avec cet objet en commission mixte paritaire. Évidemment, il n’y a pas eu d’étude d’impact. Michel Bouvard, qui participait comme moi à la CMP, s’en souvient : faute de disposer d’évaluation, mais forts du rapport Charzat, nous avons fait confiance quand on nous a dit que cette mesure ne coûterait que 2 ou 3 milliards. En réalité, elle a coûté beaucoup plus, et vous savez pourquoi, monsieur Muet : les groupes concernés avaient gardé tels quels leurs titres de participation, ils les avaient « congelés », et ils ont alors décidé, puisque c’était dorénavant exonéré, de réaliser toutes les opérations qu’ils n’avaient pas pu faire depuis des années. Ils ont mené un travail de purge des plus-values de leurs titres de participation. Le montant que vous citez est donc vraiment artificiel.

Cela étant, il faut faire très attention à de telles mesures parce qu’elles ont un impact sur les recettes. C’est en se souvenant de l’exemple que je viens de rappeler que nous avons souhaité dissocier, à l’article 12, le régime de l’IS de celui de l’impôt sur le revenu pour les sociétés de personnes. Je vous remercie à nouveau, monsieur le ministre, de vous en être remis à la sagesse de l’Assemblée sur notre amendement. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des réformes fiscales sans en apprécier exactement le coût ni sans identifier les économies qu’il y aura en face.

M. Louis Giscard d’Estaing et Mme Nicole Ameline. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit de ne pas décider des baisses d’impôts financées par les déficits, c’est-à-dire par la dette et donc par nos enfants et nos petits-enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Avis défavorable. Je vais compléter les propos du rapporteur général en rappelant ce que j’ai dit hier soir au président Cahuzac.

M. Guy Malherbe. Il faut le leur répéter, monsieur le ministre !

M. François Baroin, ministre. Il a fait une grande explication de texte sur le thème : « Vous avez la “ niche Copé”, qui représente 22 milliards, et nous proposons de vous les offrir sur un plateau d’argent, alors que vous cherchez des économies de bouts de chandelle. » C’est une illusion, vous le savez parfaitement, monsieur Muet. La France a été le dernier pays européen à mettre en place l’exonération sur les plus-values de titres de participation. Il y avait une distorsion de concurrence qui conduisait tout naturellement nos entreprises, dans leur logique de groupe, à partir à l’extérieur. Ce dispositif d’exonération a tiré le constat d’une évidence : le système européen, dans une logique d’harmonisation, doit aussi s’appliquer en France.

Si nous allions sur votre terrain, un, cela ne rapporterait pas un euro dans les caisses de l’État, car vos calculs sont virtuels ; deux, dans la seconde même, les entreprises reprendraient leurs schémas d’antan, c’est-à-dire qu’elles s’installeraient à l’étranger pour bénéficier de ce dispositif fiscal.

M. Louis Giscard d’Estaing. Exactement !

M. François Baroin, ministre. Celui-ci n’est en effet pas dérogatoire puisque c’est la norme européenne concernant le régime fiscal des plus-values sur les titres de participation.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur le ministre, il faut lire attentivement nos amendements. Nous ne proposons pas, à l’amendement n° 290, de supprimer la « niche Copé », mais de la placer dans un contexte où elle ne favoriserait pas l’optimisation fiscale. C’est la proposition du Conseil des prélèvements obligatoires.

J’attends que le Gouvernement et vous-même nous fournissiez des évaluations au moins aussi sérieuses que celles de la Cour des comptes pour étayer vos arguments contre mon amendement, parce qu’il reprend une recommandation du CPO. Je pense que c’est une proposition raisonnable.

Monsieur Carrez, effectivement, les gouvernements reçoivent des tas de rapports. Le rôle d’un Premier ministre est de choisir les bonnes idées et de mettre les mauvaises à la poubelle.

Voulez-vous savoir ce que j’ai pensé du rapport Charzat ? J’ai conseillé au Premier ministre de le mettre sur un rayon et de l’oublier. Nous ne nous sommes pas contentés de ça, mais nous avons aussi consulté le Conseil d’analyse économique et les services pertinents de Bercy.

Beaucoup d’idées émergent. Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, par exemple, cela fait vingt ans que la direction du budget propose cela à tous les Premiers ministres et tous les ministres des finances successifs.

M. Richard Dell'Agnola. Nous l’avons fait !

M. Pierre-Alain Muet. Vous l’avez fait ; c’est votre problème. Pour notre part, nous ne l’avions pas fait…

M. Charles de La Verpillière. Vous avez eu tort !

M. Pierre-Alain Muet. …pour une raison simple : c’est une politique absurde. Comme à l’époque, je pense que cette politique empêche toute réflexion intelligente sur les missions de service public, et la RGPP en est l’exemple le plus net.

On me rétorquera qu’un rapport a été proposé au Premier ministre de l’époque. Mais lui, il réfléchissait avant de prendre des décisions.

M. Louis Giscard d'Estaing. M. Charzat réfléchit !

M. Pierre-Alain Muet. Ce que je reproche à ce Gouvernement et encore plus au Président de la République, c’est de lancer souvent des idées et des réformes dont on s’aperçoit, plus tard, qu’elles ne sont pas réalisables.

Pour ma part, j’attends toujours une étude sérieuse sur la niche Copé, répondant à la question du Conseil des prélèvements obligatoires. Une fois cette étude réalisée, j’en rediscuterai avec vous quand vous le voudrez.

(L'amendement n° 290 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 70.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, nous allons continuer la conversation sur le même sujet.

Vous faites de Michel Charzat un étendard. Or nous savons bien qu’il n’a pas écrit un mot dudit rapport et que la plume fut tenue par un autre. Nous le savons. D’ailleurs, Pierre-Alain Muet, qui connaît bien les arcanes du pouvoir, a situé le lieu du délit : la direction du budget. Il faut dire les choses comme elles sont. Autant j’ai le plus grand respect pour cette fonction publique qui sert nos concitoyens, l’État, les régions, les départements et les collectivités locales, autant je me méfie des hauts fonctionnaires qui sont tous passés par les mêmes écoles et dans le même moule.

M. Guy Malherbe. C’est le cas de Muet !

M. Richard Dell'Agnola. C’est Muet qui a écrit le rapport !

M. Jean-Pierre Brard. Ceux-là sont complètement formatés, sauf des exceptions comme Pierre-Alain Muet qui ont brisé leur carcan fermé par un cadenas dont la clef avait été jetée. Voilà la réalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

M. Jean-Pierre Brard. Il ne faut pas réécrire l’histoire !

Monsieur le président, vous qui étiez présent à l’époque, souvenez-vous que, pour notre part, nous avions immédiatement condamné le rapport Charzat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Tout à l’heure, le rapporteur général a dit : « Quand vous étiez au pouvoir… » Pour ma part, j’ai toujours appartenu à la minorité, parfois à la minorité de la majorité…

M. Michel Bouvard. Vous avez voté pour des lois de finances !

M. Jean-Pierre Brard. Alors ne m’attribuez pas des actes dont je ne suis pas forcément coupable.

Pour conclure et valider notre amendement, je reviens sur les propos du rapporteur général. Que nous a-t-il dit ? Primo que cela a coûté plus que prévu ; deusio que l’objectif a été détourné ; tertio que l’objet est arrivé en 2004.

Quand même, depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy, le pouvoir exécutif s’agite dans toutes les directions comme un vibrion. Cela fait penser à la vache folle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’avez rien fait depuis six ans pour tirer les conclusions de vos observations.

Le rapporteur général – dont on connaît l’aptitude à manier les mots et leurs concepts sous-jacents – vous parle de « mesures auxquelles il faut faire très attention », monsieur le ministre. Traduit en langue vulgaire, cela signifie : des mesures néfastes auxquelles il faut mettre un terme.

C’est ce que propose mon amendement.

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Richard Dell'Agnola, je vous appelle à ne pas répondre aux provocations de M. Brard, qui, il faut le reconnaître, est à cet égard le meilleur d’entre nous. (Sourires.)

Vous avez la parole, monsieur Dell’Agnola.

M. Richard Dell'Agnola. Je regrette que nous fassions, dans cette assemblée, et notamment sur les bancs de la gauche, un mauvais sort à Michel Charzat qui n’est pas là pour se défendre.

Nous apprenons que c’est M. Pierre-Alain Muet qui rédigeait, dans le silence de Matignon,…

Mme Sandrine Mazetier. On ne va pas passer des heures sur ces bêtises !

M. Richard Dell'Agnola. …les rapports Charzat. Je rappelle que Michel Charzat était aussi un partisan de la suppression de la taxe professionnelle puisqu’il militait contre cet impôt anti-économique. Sans doute était-ce encore Pierre-Alain Muet qui, sous la plume de Michel Charzat, énonçait l’absurdité de la taxe professionnelle.

M. le président. Essayons, mes chers collègues, d’éviter les quiproquos et les attaques contre des absents.

(L'amendement n° 70 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 291.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Défendu !

(L'amendement n° 291, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 246.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Même si vous souhaitez aller à toute allure, certaines réformes fiscales méritent d’être discutées.

Vous avez fermé les yeux sur le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, mais, dans six mois, quand vous vous interrogerez sur les niches fiscales comme la niche Copé, vous reviendrez peut-être à ce rapport du CPO.

Cet amendement vise à ajuster le report en arrière sur les bénéfices qui peut se faire sur trois ans en France. Le report en arrière sur un an existe dans d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande, l’Allemagne ou les Pays-Bas.

Puisque vous prétendez vous inspirer de la fiscalité allemande, regardez-en tous les dispositifs car certains sont intéressants. Regardez toute la politique allemande et ne vous concentrez pas sur certains aspects comme le bouclier fiscal – lequel n’a du reste jamais existé en Allemagne, contrairement à ce que prétendent certains depuis des années – ou l’impôt de solidarité sur la fortune.

Il pourrait être utile de retenir des mesures inspirées de fiscalités étrangères.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement, mais je partage l’avis de M. Muet.

Notre système de report de pertes sur exercices antérieurs – de carry back – est un peu plus favorable que celui de la plupart des pays, y compris les États-Unis.

Monsieur le ministre, je saisis l’occasion pour vous interroger sur le sujet. Il y a un travail à faire sur la fiscalité du patrimoine, mais aussi, si j’ai bien compris, sur l’impôt sur les sociétés. Cet aspect des choses fait partie du travail auquel nous devons nous livrer au titre de l’impôt sur les sociétés.

La France se trouve dans une situation un peu paradoxale : le taux d’impôt sur les sociétés n’est pas si lourd que ça en pourcentage du PIB ; en revanche, le taux apparent de 33,33 % se situe parmi les plus élevés.

En fait, je vous le signale, monsieur Tardy, ce taux apparent est compensé par une assiette très favorable d’où sont totalement déduites les charges d’intérêt des dettes par exemple, ce qui n’est pas le cas en Allemagne. Il y a un amortissement dégressif accéléré des dettes, ce qui n’est pas le cas en Allemagne. Il y a aussi le dispositif qui fait l’objet de l’amendement n° 246.

Cela fait donc partie du travail que nous devons mener sur l’impôt sur les sociétés. Cependant, nous ne pouvons pas prendre un amendement séparément, de cette manière, même si l’idée est intéressante.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le dispositif visé a plutôt pour objectif d’aider les entreprises en difficulté. En adoptant une telle mesure, nous prendrions le contre-pied du plan de relance. Il faut être attentif à l’évolution de la conjoncture et prévoyant quant à la fragilité des entreprises.

Pour autant, le problème que vous soulevez est bien identifié. Il est vrai que ce dispositif est très avantageux pour les entreprises françaises. Il est vrai aussi que des mesures plus strictes existent ailleurs et l’idée de la convergence fiscale souhaitée par la Chancelière allemande…

M. Jean-Pierre Brard. Elle ne souhaite pas ça du tout, la Chancelière allemande !

M. François Baroin, ministre. ...et par le Président de la République français nous permettra d’atterrir en juin sur la question de la fiscalité du patrimoine et d’ouvrir des pistes de réflexion concernant la fiscalité des entreprises.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Si nous présentons tous ces amendements, c’est pour décliner la réforme fiscale que nous proposons.

Vous passez votre temps à dire que la gauche ne propose rien. Si, la gauche a des propositions, en matière fiscale, en matière d’emploi.

Quand ces propositions sont étayées par des rapports aussi sérieux que ceux du Conseil des prélèvements obligatoires – ce qui est le cas de tous les amendements que j’ai présentés jusqu’ici –, le Gouvernement répond : « Ce n’est pas inintéressant ; nous le ferons plus tard. »

Cette attitude démontre que vous n’avez pas de stratégie, pas plus dans le domaine fiscal que dans celui de la politique économique. Alors, s’il vous plaît, cessez de dire que la gauche n’a pas d’idées. J’attends vos propositions. Pour notre part, nous vous en avons fait près d’une trentaine dans le registre fiscal, qui forment un ensemble tout à fait cohérent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous venez d’affirmer une chose inexacte en prétendant que Mme Merkel demande la convergence fiscale. Jamais de la vie ! C’est une invention du Président de la République.

Monsieur le ministre, je vous mets en garde : il y a suffisamment de bisbilles franco-allemandes, laissez le conflit circonscrit au Président de la République et à Sainte Angèle de Germanie (Sourires), mais surtout n’y mettez pas votre grain de sel !

Cette convergence fiscale est une invention du Président de la République, dont les Allemands ne veulent pas entendre parler.

Il y a trois semaines, nous étions à Bordeaux avec nos collègues du Bundestag. Bernard Accoyer était présent ainsi que Norbert Lammert, le président du Bundestag. Interrogez Bernard Accoyer sur le sujet, car je serais étonné qu’il n’ait pas eu la curiosité de poser la question à son homologue allemand.

Pour en savoir plus, monsieur le ministre, je vous recommande la lecture de ce document intitulé « France-Allemagne. Une nécessaire convergence : contrainte ou opportunité ? » C’est un excellent document fait par notre ambassade. Vous verrez à quel point le Président de la République est un farceur et un affabulateur. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie. Jean-Pierre Brard nous a épargné les graphiques (Souires), mais faites attention car il pourrait y en avoir à l’intérieur du document !

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai ! Je vais vous les montrer !

(L'amendement n° 246 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 333.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Tout à l’heure, nous avons discuté des droits d’auteurs, cherchant à savoir si les auteurs étaient susceptibles de recevoir des droits.

Dans le cas présent, il s’agit d’un amendement qui permet de clarifier un régime fiscal introduit par la loi de finances pour 2004. En effet, la modification du dispositif, opérée en 2005 par la commission des finances du Sénat, a créé un biais économique entre les droits d’auteur versés sous formes d'avances à valoir sur les recettes d'exploitation des œuvres et le critère du minimum garanti qui est l’une des formes de versement des droits d’auteur.

Cet amendement permettrait de clarifier le régime du versement des droits d’auteur, dans tous les cas de figure, et de le rendre plus cohérent.

(L'amendement n° 333, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n°362.

La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. M. Patrice Martin-Lalande, instigateur du crédit d’impôt à la production phonographique et auteur de l’amendement, ne pouvant être présent du fait des intempéries, je vais défendre l’amendement.

Celui-ci consiste à étendre le dispositif du crédit d’impôt à la production phonographique. Depuis sa création en 2006, il a plutôt bien réussi puisqu’il a permis de financer 2 600 projets et que les recettes pour l’État sont à peu près équivalentes aux dépenses.

Il est proposé dans l’amendement d’adapter ce dispositif à l’évolution de la production phonographique dans deux directions.

Premièrement, il est proposé de revaloriser le taux du crédit d’impôt à 30 %, de relever son plafond à 2 millions d’euros, de rendre éligibles les dépenses de marketing et de promotion et de prolonger la durée du crédit d’impôt jusqu’au 31 décembre 2013.

Deuxièmement, il est envisagé l’assouplissement des critères permettant de prendre en compte les nouveaux talents et une formulation plus incitative du critère de la francophonie.

Ces deux nouvelles extensions devraient aboutir à un équilibre dépenses-recettes pour l’État et apporteraient un soutien utile à la production phonographique française dans les circonstances actuelles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement car il s’agit d’une niche fiscale. Nous la gardons mais nous ne voulons pas l’élargir et en faire un véritable gouffre financier.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

(L'amendement n° 362 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 346.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Comme vous le savez, le secteur agricole est aujourd’hui en difficulté, parfois même en grande difficulté, à tel point que nos amis agriculteurs se sont vus dans l’obligation de développer des activités annexes, notamment de service en milieu rural. Pour ce faire, ils se sont orientés dans deux directions : soit la création d’une société commerciale à côté de leur société civile agricole, soit le regroupement au sein d’une même société commerciale de leurs activités agricoles et commerciales.

Si la première solution a été largement utilisée par le passé, elle montre aujourd’hui ses limites et un nombre croissant d’agriculteurs se tournent vers la seconde solution. Mais ceux qui ont opéré ce choix doivent, à l’issue de la période de cinq exercices, se soumettre à l’impôt sur les sociétés. De plus, ce changement de régime fiscal génère pour l’associé exploitant un surcoût d’imposition non négligeable.

Afin d’encourager un peu plus la pluriactivité et de différer dans le temps les effets négatifs d’un changement de régime, le présent amendement propose de prolonger la durée de l’option visée à l’article 239 bis AB du code général des impôts en la fixant à dix ans au lieu de cinq.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement.

Le dispositif a été mis en place pour faciliter le démarrage de ces entreprises. C’est pourquoi il est limité à cinq ans. L’étendre à dix ans le sortirait du registre « coup de pouce au démarrage ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 346 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 80.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il m’a semblé comprendre que, cet après-midi, l’humeur était plutôt badine. J’introduirai donc cet amendement en vous parlant d’une vieille dame.

Quand on parle de vieille dame, à qui pensez-vous, mes chers collègues de la majorité ? Je crois lire dans les yeux de M. Louis Giscard d’Estaing que c’est à Mme Bettencourt. Eh bien, non, il ne s’agit pas de Mamie Liliane. Vous avez des réflexes conditionnés, comme dans une expérience de Pavlov !

Il s’agit d’une vieille dame centenaire, à la figure allongée. Notre président de séance, qui est un amateur éclairé, devrait tout de suite reconnaître de qui je parle. Cette vieille dame a la figure allongée, des yeux en amande, une petite bouche, un nez fin et un long cou.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est un Modigliani !

M. Jean-Pierre Brard. Exactement ! Vous avez trouvé, monsieur le rapporteur général.

Mais, alors que l’héritière de L’Oréal pèse, comme on dit élégamment, 17 milliards d’euros, l’héroïne de Modigliani, qui a battu tous les records d’enchères, ne vaut que 43 millions d’euros, comme il ressort de la vente qui a eu lieu en juin dernier à Paris.

Modigliani aurait sûrement été ravi que sa sculpture pulvérise le record des ventes aux enchères. Mais imaginez ce qu’en pensent les plus de 3 millions de chômeurs qui vont avoir du mal à faire plaisir à leurs enfants pour Noël : ils vont trouver la pilule amère.

Les records atteints par les ventes aux enchères, ces derniers mois, nous prouvent que la crise ne frappe pas tout le monde de la même manière. Je vous propose donc de rétablir la justice fiscale parce que ce que ne sait pas le Rmiste ou le titulaire du RSA, maintenant, qui va acheter sa baguette de pain, taxée à 5,5 %, c’est que les transactions sur les œuvres d’art ne sont pas taxées.

Par cet amendement, il s’agit, non pas de faire entrer les œuvres d’art dans l’assiette de l’ISF, mais de leur appliquer un taux forfaitaire de 3 %, c’est-à-dire moins que la TVA sur une baguette de pain. Il est grand temps de mettre un frein à la spéculation sur les œuvres d’art et de limiter ainsi la fraude fiscale et le blanchiment de l’argent sale.

Cet amendement vise également à encourager l’exposition publique des œuvres. Le gain pour les finances publiques serait certes modeste – les recettes attendues seraient de 42,6 millions d’euros – mais vous en mesurez la portée symbolique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Notre collègue Jean-Pierre Brard défendait déjà cette idée, qui est d’ailleurs tout à fait défendable, il y a une dizaine d’années. Je rends donc hommage à sa constance dans les idées.

Vous savez, monsieur Brard, dans quelles conditions s’est fait l’arbitrage, en 1981, au terme duquel il a été décidé de ne pas intégrer les œuvres d’art dans l’impôt sur les grandes fortunes. Mais, comme le Gouvernement s’est engagé à proposer une réforme de la fiscalité du patrimoine, votre question m’apparaît tout à fait légitime. Elle devra être abordée, monsieur le ministre, dans le cadre du groupe de travail que vous allez animer.

En attendant, avis défavorable sur le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je vais faire un geste car la réponse du rapporteur général, soulignée par le « même avis » du ministre, m’apparaît comme un signe que la porte est ouverte à la fiscalisation des œuvres d’art lorsqu’elles sont vendues aux enchères.

Nous allons voir la réaction des lobbies. Je vous recommande la lecture de Connaissance des Arts, par exemple, dans les prochains mois, pour voir comment les privilégiés qui utilisent les œuvres d’art comme vecteurs plus ou moins transparents de transferts de fonds vont réagir, ce qui nous légitimera encore davantage à taxer.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’éditorial sera intéressant à lire !

M. Jean-Pierre Brard. Oui. Il est tenu par un excellent journaliste, M. Boyer, dont j’attends avec curiosité la réaction. Après tout, nous pourrions promouvoir un dialogue entre Connaissance des Arts et Le Journal officiel.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Et le rapporteur général !

M. Jean-Pierre Brard. Avec vous aussi, monsieur le rapporteur général, et certainement aussi avec le président de séance.

M. le président. Mais pour d’autres raisons ! Il ne manquerait plus que vous demandiez à Michel Charzat, qui est un amoureux de l’art, de participer également à ce dialogue !

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Les dispositions actuelles en matière d’art pénalisent très souvent les acheteurs français par rapport aux acheteurs étrangers. Si une réflexion est menée sur ce sujet, je souhaiterais que les décisions envisagées ne pénalisent pas à nouveau le marché de l’art et les ventes d’art en France, en édictant, par exemple, des dispositions différentes de celles des pays frontaliers, et n’entraînent pas un départ d’œuvres à l’étranger. Ce serait dommage à la fois pour la présentation de ces œuvres lors de grandes expositions et pour le patrimoine français.

M. Jean-Pierre Brard. Le geste que j’ai annoncé consiste à retirer mon amendement, monsieur le président.

(L'amendement n° 80 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 86.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour revenir brièvement sur le sujet de l’amendement précédent, je dirai à M. Perruchot qu’il est trop sensible aux sirènes, et notamment aux sirènes inspirées. Ceux dont je parlais précédemment tiennent en effet le même discours que lui, à savoir que de telles dispositions plomberaient le marché de l’art à Paris.

Je lui recommande de voir à quels niveaux se font les adjudications à Paris en ce moment et de les comparer avec celles pratiquées à Londres et à New York. Il verra que le marché ne se porte pas si mal à Paris. On ne comprendrait pas que Sotheby’s et quelques autres maisons de ventes aux enchères investissent tant sur la place de Paris s’ils ne gagnaient pas beaucoup d’argent.

J’en viens à l’amendement n° 86.

L’article 885 I bis du code général des impôts est une disposition de plus destinée à protéger les redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune sous couvert de favoriser l’investissement, en particulier dans les PME.

Il consiste, en effet, à exonérer d’ISF les parts ou actions dans une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. À l’instar de nombreuses mesures fiscales censées stimuler l’activité et remédier aux problèmes de l’investissement dont souffre notre économie, cette exonération n’a aucunement fait la preuve de son efficacité. Nous n’avons pas vu d’augmentation significative des chiffres de l’investissement ces dernières années. La réelle fonction de cette disposition est donc de protéger les redevables de l’ISF.

Cette protection serait justifiée, à vous en croire, par le souci d’éviter la fuite des capitaux vers des États pratiquant une fiscalité avantageuse. Ne voyez-vous pas que votre politique a totalement échoué ? D’ailleurs, vos arguments ne tiennent pas quand on voit que la France est, selon les sources, première ou deuxième destination pour les investissements. Si notre fiscalité était tellement confiscatrice, vous ne verriez pas tous les agents du capital venir investir dans notre pays.

Nous vous proposons donc de supprimer cet article 885 I bis du code général des impôts.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable.

Je rappelle à M. Brard que ce dispositif n’a qu’un seul but : conserver l’intégrité de l’entreprise. Avant qu’on ne le mette en place, on a vu beaucoup trop d’entreprises familiales être, dans un premier temps, cédées à de grands groupes étrangers et, dans un deuxième temps, délocalisées.

Vous qui êtes sensible, monsieur Brard, à certains aspects de l’économie allemande, vous connaissez bien les Mittelstand Betriebe, ces entreprises familiales de taille moyenne. Quand nous avons réfléchi à ce dispositif, il y a six ou sept ans, nous avons essayé de favoriser, comme le font les Allemands, la pérennité de nos entreprises familiales.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 86 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 85.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Pour répondre à M. le rapporteur général sur les Mittelstand Betriebe, je ferai remarquer qu’il existe une grande différence, soulignée d’ailleurs, dans l’excellent rapport que je vous ai montré, à savoir que les responsables d’entreprises en Allemagne ont davantage la fibre nationale que les grands groupes chez nous.

Nous avons conçu cet amendement comme une contribution constructive à la fiscalité sur les très hauts revenus, pour leur permettre de contribuer davantage. En effet, l’efficacité de l’ISF est largement diminuée par une série de niches fiscales injustes qui permettent aux plus aisés de payer des impôts ridiculement bas. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler en détail l’imposition acquittée par Mme Bettencourt mère.

M. Franck Gilard. Elles se sont réconciliées !

M. Jean-Pierre Brard. Pensez donc, elles se partagent le gâteau ! Dans le beau monde, on appelle cela une réconciliation.

M. Franck Gilard. C’est Noël !

M. Jean-Pierre Brard. Mais savez-vous combien Mme Bettencourt paye sur ce qu’elle ne dissimule pas ? Seulement 0,17 % de sa fortune.

M. Nicolas Perruchot. Ça représente combien de millions ?

M. Jean-Pierre Brard. Je vous prends à témoin : que vous, mes chers collègues, que les personnes qui sont dans les tribunes, que celles qui nous regardent sur internet, que chacun établisse le rapport entre le montant de l’impôt qu’il acquitte et celui de ses revenus ou de son patrimoine, et il pourra constater qu’il paye beaucoup plus d’impôts que Mamie Liliane. (Sourires.) Et il conclura avec moi que c’est très injuste.

Cet amendement entend donc améliorer le rendement de l’ISF en le majorant de 15 % pour les quatre premières tranches du barème et de 30 % pour les tranches suivantes : je reconnais que Mamie Liliane et sa fille sont concernées par ces 30 %, et il n’est pas sûr que M. Banier y échappe. L’augmentation des quatre premières tranches aurait un rendement de 372 millions d’euros, et celle des trois dernières de 1,541 milliard. Vous le voyez, monsieur le ministre, d’un seul coup, je vous apporte sur un plateau d’argent 1,9 milliard d’euros. Vous n’avez qu’à vous baisser pour les ramasser, en donnant un avis favorable à cet amendement.

(L’amendement n° 85, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 301.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. La situation des avoués est assez préoccupante et nous essayons de faire en sorte qu’elle soit moins douloureuse, en tout cas pour la transmission de leur charge.

En premier lieu, les sommes versées aux avoués, qui voient leur métier supprimé, ont par essence une nature indemnitaire. Pour d’évidents motifs de droit et d’équité, le caractère indemnitaire commande que les sommes perçues ne soient soumises ni à l’impôt, ni aux prélèvements sociaux, ni aux cotisations sociales professionnelles, pour ne pas porter atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice. Du reste, à chaque débat sur ce point particulier, la jurisprudence et l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, « Lallement contre France », ont été rappelés.

En second lieu, il semble essentiel de signaler une atteinte au principe d’égalité devant l’impôt. En effet, seuls les avoués faisant valoir leurs droits à la retraite dans l’année qui suit la promulgation de la loi bénéficieront des dispositions de l’article 151 septies A du code général des impôts ; les autres seront privés de l’exonération. Rien, dans la loi qui a décidé de supprimer la profession, ne justifie cette différence de traitement. Bien au contraire, tous les avoués subissent un préjudice de même nature, et ceux qui restent actifs se voient en outre privés de leur outil de travail. Cela obligera les avoués eux-mêmes à financer en partie la suppression de leur profession.

Enfin, il est essentiel de rappeler qu’il convient d’être attentif aux problèmes humains qu’entraîne cette réforme, et le présent amendement est également un amendement de clarification qui aura pour objet d’apporter une analyse globale et d’éviter toute interprétation contraire par l’administration fiscale. Le risque de nombreux recours n’est pas exclu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a rejeté cet amendement. La question de l’indemnisation des avoués est difficile, mais elle a déjà été traitée de façon équitable l’an dernier. Ceux qui étaient en âge de prendre leur retraite ont bénéficié de l’exonération de plus-value qui a été mise en place en cas de transmission d’entreprise, alors que, par définition, il n’y avait pas de transmission d’entreprise. Quant à l’indemnité, vous vous souvenez que, avec l’adoption d’amendements parlementaires, elle a été sensiblement relevée. Dans notre droit fiscal, il n’existe aucune possibilité d’exonérer complètement de telles indemnités. Il vaut donc mieux s’en tenir là.

(L’amendement n° 301, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 132, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 382.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Plusieurs amendements traitent du statut de l’auto-entrepreneur, dont il fut également question hier ou avant-hier au Sénat. Nous souhaiterions y voir plus clair et que ce statut soit évalué, tant du point de vue des dispositions fiscales que de celui des cotisations sociales. Aussi cet amendement propose-t-il qu’un rapport soit remis au Parlement sur ce sujet important.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour présenter le sous-amendement n° 382.

M. Lionel Tardy. Notre collègue Gilles Carrez demande qu’un rapport sur les conséquences budgétaires du régime de l’auto-entrepreneur soit remis au Parlement, ce qui est parfaitement légitime. Ce rapport ne manquera pas de nous fournir des éclaircissements intéressants sur le nouveau régime et je suis moi aussi impatient de le lire. Toutefois, je suis aussi un peu inquiet à la lecture de cet amendement, car l’aspect fiscal est assez secondaire en ce qui concerne la création du statut de l’auto-entrepreneur. Il ne faudrait pas se focaliser sur ce seul aspect. Il y a sans doute eu de moindres rentrées fiscales et sociales, en raison d’un effet de substitution, mais cela est très largement contrebalancé, à mon avis, par les rentrées fiscales et sociales générées par l’officialisation d’activités déjà existantes, qui n’étaient soumises à aucun prélèvement, puisqu’il s’agissait d’économies informelles.

J’ai des doutes sur la réalité d’un effet de substitution, car les plafonds pour bénéficier du statut d’auto-entrepreneur sont assez bas et il est difficile d’en vivre. Le statut d’auto-entrepreneur convient à des activités de complément ou pour se lancer, pour tester un marché. C’est en tout cas un statut provisoire. L’aborder sous l’angle de son impact budgétaire est à mon avis réducteur et donnera une image tronquée de la réalité de l’apport de ce statut.

Enfin, je pense que ce rapport est prématuré, car cette réforme est loin d’avoir produit tous ses effets. C’est seulement dans les années qui viennent que l’on pourra réellement mesurer l’impact sur la création d’entreprises normales. Le statut d’auto-entrepreneur est là pour tenter de répondre au déficit d’esprit entrepreneurial des Français. A-t-il permis à des gens qui n’auraient pas osé le faire de créer une entreprise pérenne et donc d’apporter des recettes fiscales et sociales ? Il est trop tôt pour le savoir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 132 et s’en remet à la sagesse de l’Assemblée pour le sous-amendement n° 382.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 382 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur. Favorable.

(Le sous-amendement n° 382 est adopté.)

(L’amendement n° 132, sous-amendé, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 13
(précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 13, je suis saisi de six amendements rédactionnels, nos 40, 28, 29, 30, 31 et 27, de M. le rapporteur général.

(Les amendements nos 40, 28, 29, 30, 31 et 27, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

(L'article 13, amendé, est adopté.)

Article 15
(précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 15.

La parole est à M. Yves Vandewalle, sur l’article.

M. Yves Vandewalle. Cet article a pour objet d’instaurer des dispositions fiscales nécessaires au financement du réseau de transport automatique du Grand Paris, qui doivent compléter la dotation en capital de l’État, d’un montant de 4 milliards d’euros, qui aurait d’ailleurs dû, me semble-t-il, être inscrite dans ce projet de loi de finances.

Chacun sait que ces moyens ne couvrent pas tous les besoins de financement et que la Société du Grand Paris devra faire un large appel à l’emprunt. Or je m’interroge depuis hier soir, monsieur le ministre, sur le cadre légal de ce mode de financement. En effet, la Société du Grand Paris pourra-t-elle faire appel à l’emprunt malgré l’article 11 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 que nous avons évoqué hier soir ?

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, sur l’article.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 15 est l’illustration de la duplicité du discours du Gouvernement en matière fiscale. Celui-ci parle de stabilité en matière fiscale, demande à l’opposition des idées de nature à optimiser les recettes de l’État. Mais en quoi consiste cet article 15 du projet de loi de finances rectificative pour l’année 2010 ? Il s’agit d’inventer deux nouvelles taxes, grâce auxquelles le Gouvernement remporte le prix du concours Lépine des nouvelles taxes inventées chaque année, sinon chaque mois. Il crée ou augmente deux taxes qui punissent les Franciliens : une taxe sur les bureaux, qui existait déjà, est relevée, tandis qu’une taxe spéciale d’équipement est instaurée.

Si je parle de duplicité, c’est également parce que le Gouvernement avait pris l’engagement, il y a un an, à l’occasion de l’adoption de la loi sur le Grand Paris, d’amorcer la pompe de la société créée – M. Vandewalle a évoqué la question en des termes extrêmement mesurés – en la dotant de 4 milliards d’euros. Las, nous n’avons pas vu l’ombre d’un centime ! En revanche, en vertu de cet article 15, les taxes s’abattront sur les Franciliens.

L’État ne tient donc pas son engagement, et le Gouvernement ment en parlant de stabilité fiscale, puisque de nouvelles taxes sont effectivement créées, qui frappent les Franciliens.

Quel en est l’objet ? Elles visent à financer une grande boucle, un « métro business class », dont absolument personne, ici, ne connaît ni le tracé ni le nombre de stations. On crée donc des taxes pour financer un « objet roulant non identifié ».

La taxe spéciale d’équipement est spécialement injuste car, contrairement à ce qui avait été envisagé au moment des débats relatifs au Grand Paris, la taxe ne s’abattra pas sur les seuls bénéficiaires de plus-values : tous les contribuables franciliens, quels qu’ils soient, en seront redevables ! C’est particulièrement injuste, et cela revient à faire financer sur des fondements obsolètes – ceux de la taxe d’habitation, pour ne pas la nommer – des projets pharaoniques, qui ne correspondent pas aux besoins des Franciliens en matière de mobilité et de transports.

La taxe sur les bureaux, revue et augmentée, n’est rien de moins qu’une captation supplémentaire des moyens des collectivités locales par l’État. Je tiens à rappeler que la région bénéficiait, avant l’an 2000, de l’intégralité du produit de cette taxe. Depuis lors, il est réparti, par moitiés, entre l’État et la région. Désormais, la Société du Grand Paris, objet administratif roulant non identifié, va bénéficier du tiers du produit de cette taxe.

Cet article 15 a donc bien des défauts, et aucune qualité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je veux le dire ici : tous les acteurs de la stratégie du Grand Paris se sont longuement interrogés sur la rédaction de cet article 15. Il ne peut pas traduire l’engagement de l’État ! Je le dis à M. le rapporteur général du budget, auteur d’un rapport que nous avions tous considéré comme extrêmement pertinent à cet égard.

L’État s’était engagé à fournir 4 milliards d’euros. Nous nous attendions donc tous à ce que la loi de finances amorce le dispositif, car la Société du Grand Paris existe bel et bien, et, actuellement, nous essayons tous de travailler aux questions qu’il s’agit de traiter. J’espère d’ailleurs que le ministre Maurice Leroy fera en sorte que, réunis autour d’une même table, nous réglions la question de la dualité des démarches et des solutions à mettre en œuvre pour améliorer les conditions de transport des Parisiens.

Non seulement il n’y a pas les 4 milliards d’euros, mais ce projet de lois de finances rectificative comporte un dispositif de fiscalisation. Or, regardant comme tous mes collègues élus de ce territoire, ce qui se passait au Sénat, j’ai constaté avec stupéfaction – vous devez nous éclairer à ce propos, monsieur le ministre – qu’un amendement vise à faire en sorte que le produit de cette taxe soit prélevé pendant trois ans au profit de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine. Oui, il faut financer la Société du Grand Paris. Oui, l’État doit afficher sa participation, même s’il convient de rappeler à tous qu’il existe, outre la démarche de la Société du Grand Paris, un plan de mobilisation pour les transports, financé par la région et par les huit conseils généraux, qui l’ont tous inscrit dans leur budget, qui ont tous adopté le dispositif de financement. Il est donc totalement inacceptable qu’au moment où est en train de s’achever le débat public et où les réflexions convergent peut-être pour aboutir à un instrument cohérent et non pas concurrent, l’État n’affiche pas sa volonté.

S’agissant de l’amendement Marini, il n’est pas normal que l’on débatte au Sénat de la modification d’un dispositif qui n’est pas encore adopté ici. La méthode est totalement incongrue.

Surtout, s’il s’agit finalement de financer l’ANRU, je vous en supplie, mes chers collègues, ne votez pas ce dispositif, car c’est bien entendu inacceptable !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 122, tendant à supprimer l’article 15.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Nous souhaitons effectivement supprimer l’article 15, tout simplement car nous ne savons pas aujourd’hui où nous en sommes s’agissant de la loi sur le Grand Paris, notamment le projet de transports et la Société du Grand Paris.

M. le rapporteur général nous a dit la semaine dernière, en commission, que nous étions en effet « en plein embrouillamini ». Je souscris pleinement à son point de vue, et il le sait.

Il s’agit finalement, aujourd’hui, de prélever les ménages franciliens pour financer la Société du Grand Paris chargée de la mise en œuvre du projet de transport que j’appellerai Grand Paris – ce sera plus simple – même s’il porte plusieurs noms, à l’heure où nous débattons avec nos concitoyens de ce projet mais aussi d’un autre, Arc Express, projet de rocade au cœur de l’agglomération francilienne, porté par la région et les huit départements d’Île-de-France. Je rappelle d’ailleurs que le projet Arc Express a été voté par la région, par les huit conseils généraux, par le conseil d’administration – unanime – du Syndicat des transports d’Île-de-France et qu’il se retrouve dans la loi sur le Grand Paris simplement parce que c’était un projet concurrent et qu’il fallait attendre le débat public sur le projet Grand Paris.

Ma collègue Sandrine Mazetier vient de le souligner, ce qui nous préoccupe avant tout, ce sont les moyens de transport de nos concitoyens. Nous tentons donc de concilier ces projets. Des morceaux du Grand Paris peuvent parfaitement être ajoutés à cette rocade, sur laquelle tout le monde s’accorde, notamment vers l’est parisien pour mieux desservir des territoires tels Clichy ou Clichy-Montfermeil. Nous ne sommes pas obligés d’accepter ce qui nous est proposé par le Gouvernement : un métro souterrain automatique sur un tracé de 130 kilomètres avec une quarantaine de gares ! Nous l’avons souligné, il y a exactement un an, lorsque nous débattions de la loi sur le Grand Paris, mais nous n’avons malheureusement pas été entendus.

La recherche de nouvelles ressources de financement nous préoccupe encore plus. Bien évidemment, elles sont nécessaires, mais au nom de quoi ferions-nous payer les ménages franciliens dès 2011, donc dès demain, pour un projet de transport qui n’est pas encore arrêté, auquel l’État, en dépit de l’engagement du Président de la République en avril 2009, n’a pas encore affecté les premiers moyens financiers sur lesquels le ministre Mercier s’était engagé, à savoir les 4 milliards d’euros ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il s’y est engagé ici !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a donné un avis défavorable.

Je voudrais apporter rapidement quelques précisions sur le plan de financement tel que nous l’imaginons.

L’article 15 s’inscrit tout de même, madame Lepetit, dans la ligne du rapport que nous avons rédigé, à l’issue des travaux du groupe de travail auquel vous avez participé, il y a de cela un an.

Le Grand Paris ou l’Arc Express sont de beaux projets. Comme vous l’avez précisé, et j’y suis très sensible, madame Lepetit, nous sommes parvenus à un accord s’agissant de l’est parisien. J’étais, à l’époque, membre du conseil d’administration du STIF. Nous avons obtenu, en juillet 2009, un vote à l’unanimité parce que le STIF a accepté une variante un peu plus à l’Est, afin de ménager cet accord. Mon vœu le plus cher, parce que je pense d’abord à l’intérêt des Franciliens, c’est que nous nous accordions à l’issue des consultations et du débat public qui s’achèveront fin janvier. Nous pouvons y parvenir.

Un autre point est très important. L’ensemble Grand Paris-Arc Express a un potentiel et un intérêt par rapport au réseau existant et à son amélioration. Lorsque l’on emprunte le RER, ce qui est le cas de nombre d’entre nous ici, on constate que le besoin d’investissement est énorme. Nos transports sont aujourd’hui à bout de souffle, totalement saturés. Nous devons absolument réfléchir sur l’Arc Express-Grand Paris-rocade, mais aussi sur l’amélioration du réseau existant. Tel est l’objet du contrat État-région que la région désigne sous le nom de « plan de mobilisation ». Les financements doivent porter sur tous ces aspects.

L’article 15 prévoit, dans la ligne directe du rapport que j’ai rédigé avec vous l’an dernier, l’actualisation du FARIF et l’augmentation de la taxe spéciale d’équipement. Pour ma part, je proposerai dans un amendement que, je l’espère, le Gouvernement acceptera, d’actualiser la redevance pour création de bureaux, ce qui figurait aussi dans le rapport. Contrairement à la redevance annuelle sur les bureaux, cette redevance est une ressource totalement régionale. Son augmentation bénéficierait totalement au budget régional, qui devra supporter des dépenses supplémentaires, ne serait-ce qu’au niveau du réseau existant.

Nous devons faire preuve de cohérence. Faudra-t-il mettre en place tous les financements dès 2001 ? J’ai demandé à la Société du Grand Paris de me communiquer son plan de financement prévisionnel. Pour 2011, les premières dépenses – dépenses d’acquisition foncière, pour l’essentiel et dépenses d’études pour une moindre part – s’élèvent environ à 200 millions d’euros. Or il existe la taxe spéciale d’équipement, qui alimente aujourd’hui l’Agence foncière régionale à laquelle font appel la plupart des maires lorsqu’ils font des acquisitions foncières. Je ne trouve pas choquant que l’augmentation de taxe spéciale d’équipement soit affectée, en 2011, à la Société du Grand Paris qui procédera à des acquisitions foncières, afin d’éviter la spéculation foncière sur les futures gares. C’est parfaitement logique. En revanche, comme l’a parfaitement expliqué M. Vandewalle, c’est après qu’un problème se pose : où sont les 4 milliards d’euros ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons déjà posé cette question !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils sont dans l’exposé des motifs, monsieur Le Bouillonnec ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sandrine Mazetier. Cela ne coûte pas cher !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ils sont dans la dernière phrase de l’exposé des motifs de l’article 15. Après arbitrages sur arbitrages, car 4 milliards ce n’est pas rien, il a été décidé que ces 4 milliards seraient mobilisés au fur et à mesure des besoins. Le problème qu’il faudra résoudre c’est que, si l’on dote la Société du Grand Paris de 4 milliards, c’est pour qu’elle puisse faire effet de levier et emprunter ; or la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques l’interdit. Dès 2011, des financements supplémentaires devraient être affectés à la Société du Grand Paris et à la région. C’est très bien ainsi, sauf que les sénateurs ont considéré qu’au regard de ses 200 millions de dépenses prévisionnelles, la Société du Grand Paris, avec 300 millions d’euros, recevrait trop d’argent. Ils en ont donc repris une partie pour l’attribuer à l’ANRU. Je prie mes collègues de province de m’excuser de dire cela, mais ce sont tout de même des ressources régionales ! Si cette somme doit profiter à l’ANRU, autant la flécher sur des opérations en Île-de-France. Il ne faut pas non plus déshabiller la Société du Grand Paris qui a besoin de procéder à ces acquisitions foncières. Nous essaierons, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, de trouver un équilibre entre les besoins de l’ANRU et ceux de la Société du Grand Paris, ce qui me semble tout à fait possible. Nous sommes donc bien dans la ligne de ce que nous avons proposé.

Reste tout de même une différence, que l’on parviendra à gommer avec le temps. Le rapport que j’ai rédigé avec vous soutenait l’idée de la mutualisation. Il s’agissait, du point de vue du financement, de mettre sur un pied d’égalité les besoins urgents sur les différentes lignes RER qui ne fonctionnent plus – il suffit d’interroger les collègues de l’Essonne pour s’en convaincre – et ceux de la rocade, que ce soit Arc Express ou Grand Paris. Cela exigeait la mutualisation. Pour le moment, c’est compartimenté, mais j’ai bon espoir que, dès lors qu’un accord sur le tracé sera trouvé, un plan de financement global sera mis en place, qui répondra aux objectifs de chacun. Si nous voulons que cela marche, un accord explicite entre l’État et la région est indispensable. N’oublions pas que pour nos concitoyens, le souci n’est pas que cela fonctionne mieux dans dix ans mais dans les prochaines semaines.

M. Yves Vandewalle. C’est sage et constructif !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à la suppression de cet article qui est la colonne vertébrale d’un dispositif que le Président de la République, le Gouvernement et les Franciliens ont défini comme une priorité du développement de la région capitale. Supprimer cet article mettrait à bas le principe même, l’idée très ambitieuse d’une région-capitale capable de placer la France aux avant-postes d’une construction économique attractive pour l’Union européenne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Pas du tout !

M. François Baroin, ministre. Bien sûr que si ! Si vous supprimez les modalités de financement, vous supprimez les modalités d’application et donc, vous tuez dans l’œuf un projet ambitieux.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr que non !

Mme Sandrine Mazetier. L’État n’a qu’à mettre de l’argent !

M. François Baroin, ministre. Tout le monde n’est pas forcément sur votre ligne, monsieur Le Bouillonnec. Nous, nous croyons à l’ambition de ce projet, donc nous croyons aux modalités de financement.

À cet égard la démonstration du rapporteur général est parfaite. Le Gouvernement s’est opposé à l’amendement du rapporteur général du Sénat, M. Marini, organisant les modalités de « transfusion » des financements, dans une sorte de match Paris-province visant à irriguer toute la politique de renouvellement urbain dans l’ensemble des quartiers de France, en siphonnant une partie du financement à destination du développement des transports franciliens. C’est la raison pour laquelle je souhaite, tout en m’en remettant à la sagesse de la représentation nationale, que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, la ligne du rapporteur général de l’Assemblée l’emporte, car elle est évidemment beaucoup plus équilibrée.

S’agissant du troisième point que vous avez développé, chère Sandrine Mazetier, à savoir la problématique des 4 milliards, la Société du Grand Paris n’a pas besoin de cette somme dans la période de la loi de programmation des finances publiques que la représentation nationale a votée. Elle n’a, en effet, besoin que de frais d’études et d’une montée en puissance dans les proportions qu’a citées Gilles Carrez, à hauteur de 200 à 300 millions d’euros pour l’année prochaine. Dans le temps de passage, la Société du Grand Paris est en capacité de développement. Nous tiendrons les engagements sur le financement abondé à hauteur de 4 milliards. Enfin, sur les problématiques de la capacité d’emprunt, nous avons encore besoin d’ajuster nos points de vue. Vous le savez, les opérateurs de France, que je réunirai d’ailleurs lundi, ne seront bientôt plus autorisés à emprunter, sauf exception et selon des modalités de contrôle à définir. Dans le contexte tendu de nos finances publiques, ce type de dérogation ne poura être qu’absolument exceptionnelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre rapporteur général, que je respecte bien évidemment beaucoup, vient de donner la solution pour régler le déficit budgétaire de la France : pourquoi discuter les lois de finances alors qu’il suffit de le régler dans l’exposé des motifs. Ce n’est pas ainsi que nous devons légiférer. Si les exposés des motifs d’une loi avaient à chaque fois servi à combler les attentes, nous n’en serions pas là ! Pour ma part, je ne crois absolument pas à cet argument. J’en veux pour preuve que le ministre Mercier a dit, ici, voici quelques semaines, qu’une partie des 4 milliards serait inscrite en loi de loi de finances. Or il n’en est rien.

Monsieur le ministre, il ne s’agit pas d’un problème de transfusion. Je me demande d’ailleurs si on n’a pas mis l’ANRU et le Grand Paris en salle de réanimation. Sandrine Mazetier disait même que c’était peut-être un pillage de tronc. Telle est la réalité ! Je me permets de rappeler à tout le monde que, pour l’instant, le plan de mobilisation pour les transports est financé par les départements et la région. Ce n’est pas ce projet qui pose problème, mais la manière dont l’État va entrer dans le financement à sa charge du Grand Paris. Ce n’est pas nous qui avons fixé le chiffre de 4 milliards, il l’a été dès l’origine.

Quand notre rapporteur général affirme que, dès 2011, la Société du Grand Paris aura besoin de fonds pour ses acquisitions, personne ne le croit, en dépit du respect que nous avons pour lui ! Il sait parfaitement que ce ne sera pas opérationnel en 2011, parce que c’est impossible : le temps que prendront les conclusions de la Commission nationale du débat public, la saisine de la Société du Grand Paris s’agissant de l’itinéraire, l’avis du Conseil d’État rendant applicables et exécutoires les décisions de la Société du Grand Paris ne permettra pas à la Société du Grand Paris et à la région Île-de-France de connaître, dans les prochains mois, l’itinéraire et les gares. Puisque l’on ne connaît pas encore le tracé du réseau de transports du Grand Paris, que l’on ne vienne pas nous dire que l’on sait déjà quelles portions de terrain il sera nécessaire d’acheter !

Par ailleurs, il existe un dispositif législatif, le contrat de développement territorial, qui va être négocié avec la préfecture d’Île-de-France. Pour moi, c’est une véritable partie de bonneteau qui est en train de se jouer ! Et quand le Sénat nous propose de prélever les fonds de la taxation francilienne pour réparer la bosse de l’ANRU, alors que l’État s’est, lui, complètement désengagé du financement de cet organisme, c’est un double crime inacceptable, monsieur le ministre.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de ce dispositif, qui n’est pas utile pour le moment : il ne servira qu’à aider l’État à régler d’autres problèmes budgétaires. C’est seulement lorsque nous disposerons des solutions négociées à l’initiative de l’État que la convergence des stratégies, les choix communs de réseaux et les modes de financement mutualisés donneront enfin aux Franciliens les réponses auxquelles ils aspirent.

M. le président. Mme Lepetit et Mme Mazetier ont demandé à s’exprimer.

Mes chères collègues, dans la mesure où vous avez déjà pris la parole sur cet amendement, je vous demanderai de vous en tenir à une intervention de deux minutes chacune.

Mme Sandrine Mazetier. Nous parlons tout de même de 8 millions de Franciliens qui vont être taxés !

M. le président. Je le conçois, mais nous devons tout de même nous discipliner si nous voulons faire avancer notre débat.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Monsieur le président, je veux simplement répondre à M. le rapporteur général sur la question de l’acquisition foncière pour la Société du Grand Paris, puisqu’il me semble qu’à ses yeux, c’est ce qui justifie principalement l’article 15.

Je suis prête à parier que la Société du Grand Paris ne sera pas en mesure de réaliser d’acquisitions foncières en 2011, ces acquisitions étant censées se faire en fonction de la localisation des gares. Or ce point a déjà donné lieu à de nombreuses discussions : si Christian Blanc estimait à l’origine que quarante gares étaient suffisantes, chaque maire qu’il a rencontré lui en a réclamé une supplémentaire, et nous savons très bien qu’il y en a, à l’heure actuelle, plus de quarante dans le projet Arc Express. En réalité, tout cela reste en discussion et, en tout état de cause, ne pourra malheureusement pas être arrêté dès 2011, car nous avons perdu du temps. Dès lors, pourquoi doter dès maintenant la Société du Grand Paris d’une ressource nouvelle de financement au moyen d’une taxe supplémentaire à la charge des ménages franciliens ?

En revanche, la modernisation des lignes de RER constitue une priorité inscrite dans le plan de mobilisation pour l’Île-de-France,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

Mme Annick Lepetit. …ce dont nous aurons sans doute l’occasion de reparler à l’article 16.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Pour moi, le financement du Grand Paris pose une question de justice fiscale. Si la Société du Grand Paris n’a pas besoin immédiatement de la somme de 4 milliards d’euros, au nom de quoi les locataires et les petits propriétaires de nos circonscriptions d’Île-de-France devraient-ils être taxés dès l’an prochain ? Pourquoi devraient-ils l’être, puisque l’État n’a pas l’intention d’amorcer la pompe ?

Vous figurez-vous que les Franciliens sont des Rockefeller, ou que la vie n’est pas chère en Île-de-France ? Ne croyez-vous pas que nos concitoyens ont déjà assez de problèmes comme ça – surtout en ce moment, avec les intempéries que nous connaissons ?

Comment nos collègues de l’UMP – qui ne sont d’ailleurs pas présents – vont-ils expliquer à leurs électeurs qu’ils ont voté de nouvelles taxes frappant exclusivement les Franciliens, tous les Franciliens, pour un projet dont on ne connaît même pas le tracé, et dont les éventuelles plus-values iront à des propriétaires non concernés par les taxes qu’institue l’article 15 ? C’est une question de justice fiscale, de cohérence et de vérité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avions eu, jusqu’à présent, un débat objectif, et je regrette que Mme Mazetier laisse dériver ses propos.

Mme Sandrine Mazetier. La taxe d’habitation, ce n’est peut-être pas de cela qu’il est question ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Sur l’avis de taxe d’habitation d’un habitant d’Île-de-France – un locataire du 12e arrondissement de Paris, par exemple –figure une ligne consacrée à la taxe spéciale d’équipement. D’un montant de dix ou quinze euros par contribuable, cette taxe est affectée à l’Agence foncière régionale, afin de lui permettre d’acquérir des terrains. Ne sommes-nous pas tous d’accord sur la nécessité de pratiquer une politique de maîtrise publique des sols, afin de limiter la spéculation foncière en Île-de-France ?

Mme Sandrine Mazetier. Sur ce point, nous sommes d’accord !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Mme Lepetit a posé la vraie question : la Société du Grand Paris, qui va constituer dans un premier temps une sorte d’agence foncière régionale bis, va-t-elle être capable de réaliser 100 ou 150 millions d’euros d’acquisitions foncières dès 2011 ?

Dans le périmètre des gares qui voient le principe de leur implantation définitivement acquis en vertu de l’accord général au sujet d’Orbival, des acquisitions foncières devront être effectuées par l’Agence régionale – je pense aux Ardoines, au Bourget ou au secteur de Seine-Amont. Cependant, dans la mesure où cette agence ne disposera pas des moyens nécessaires, la Société du Grand Paris va prendre le relais. Tout cela ne se fera pas au terme de procédures de déclaration d’utilité publique ou de zones d’aménagement différée, qui prennent beaucoup de temps, mais il risque d’y avoir, dans les prochains mois, des occasions de vente amiable sous la forme de déclarations d’intention d’aliéner, et il faudra alors pouvoir réagir rapidement : pour cela, il faut disposer de répondant.

Cela étant, j’admets qu’il n’est pas impossible que nous constations, lorsque nous évoquerons à nouveau cette question l’année prochaine, que la Société du Grand Paris n’a pas pu acheter grand-chose. Ce qui me paraît important, c’est que les gens se parlent, que la politique d’acquisition foncière mise en œuvre par notre excellente agence foncière régionale et par la Société du Grand Paris se fasse dans un esprit de coordination. Nous verrons bien ce qu’il adviendra.

Mme Sandrine Mazetier. En tout cas, c’est toujours le petit locataire qui paye !

(L’amendement n° 122 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 106.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n° 106, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. M. le rapporteur général a présenté un amendement rédactionnel, n° 107.

(L’amendement n° 107, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. M. le rapporteur général a présenté un amendement de coordination, n° 108.

(L’amendement n° 108, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 6.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’article 15 prévoit de rénover la taxe annuelle sur les bureaux en actualisant ses tarifs, ce qui doit procurer quelque 300 millions d’euros. Comme pour l’amendement précédent, nous nous sommes demandé si nous avions vraiment besoin d’une telle somme dès maintenant. Estimant que non, nous avons décidé de proposer cet amendement qui vise à lisser sur trois ans cette évolution, à raison d’un tiers chaque année, afin d’étaler dans le temps l’augmentation de la pression fiscale qui en résultera pour les entreprises franciliennes concernées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cette proposition dans le cadre d’une répartition générale. Cela reviendrait en effet, comme M. le rapporteur le sait fort bien, à priver la Société du Grand Paris d’une grande partie de ses ressources au cours de ses premières années de fonctionnement, ce qui mettrait en péril le financement de ce projet, qui doit être équilibré et progressif dans le temps.

Il n’est pas illogique de faire participer les propriétaires de locaux à l’effort de financement, et je pense qu’il convient de relativiser l’évolution et les effets de l’augmentation fiscale qui doit en résulter. Le coût actuel de la taxe sur les locaux à usage de bureau représente en moyenne entre 2 et 4 % du montant de leur loyer. Sur la base des équilibres auxquels nous avons abouti, il me semble que M. le rapporteur pourrait retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je me félicite de constater que la sagesse de notre rapporteur, si elle n’a pu le conduire à accepter la suppression de l’article 15, l’incite tout de même à rechercher des solutions face aux inconvénients qu’il présente. La fiscalisation censée assurer le financement de la Société du Grand Paris est manifestement surabondante, et je regrette – même si je ne vous le reproche pas personnellement, monsieur le ministre – que le Gouvernement ne nous explique pas ce qu’il croit possible de faire dans les douze mois qui viennent. Rien ne nous est dit à ce sujet !

M. le rapporteur nous dit que la Société du Grand Paris va devoir prendre le relais de l’Agence foncière. Or celle-ci remplit parfaitement sa tâche, de même que les collectivités locales ! En répondant comme il vient de le faire, M. le ministre ne fait qu’aggraver nos craintes et notre suspicion de voir le Gouvernement installer un financement surdimensionné de la Société du Grand Paris, dont on peut penser que certains prélèvements serviront en réalité à régler d’autres problèmes. Je pense notamment à l’ANRU, et je peux vous dire que le monde du logement social ne l’acceptera pas, monsieur le ministre ! Si vous persistiez dans cette voie, cela aurait de terribles conséquences en matière de logement, dont, au bout du compte, les locataires feraient les frais, ce que nous devons absolument éviter.

Le Gouvernement semble considérer que, pour les trois années à venir, la Société du Grand Paris, bénéficiaire de taxes, pourra fonctionner sans le concours direct de l’État. Nous ne pouvons l’accepter ! Vous êtes en train de nous confirmer, monsieur le ministre, ce que nous pensions lorsque nous avons ouvert ce débat, alors que Christian Blanc était au banc du Gouvernement : vous n’avez pas l’intention de participer au financement avant plusieurs années, ce qui signifie que vous refusez de participer au processus de règlement de la situation en Île-de-France, que ce soit au plan de mobilisation pour les transports – au sujet duquel le Gouvernement n’a toujours pas fait connaître ses intentions – ou à l’opération du Grand Paris, au sujet de laquelle il a pourtant abondamment communiqué sur toutes les télévisions de France et de Navarre ! Voilà ce que votre intervention laisse entendre, monsieur le ministre, quand vous refusez de confirmer l’engagement financier de l’État dans le projet de réseau du Grand Paris !

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur le rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vais le retirer, monsieur le président.

Mme Sandrine Mazetier. Nous le reprenons !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement partait du principe qu’il convenait d’adapter les recettes du Grand Paris à son rythme de fonctionnement, c’est-à-dire de partir doucement, en lissant les augmentations fiscales sur les premières années. Pour sa part, le Gouvernement estime qu’il est préférable de franchir la première marche dès maintenant, afin de ne pas être pris au dépourvu quand il y en aura d’autres, plus importantes – bref, de prendre un peu d’avance.

Je me dois de rappeler que, constatant que le financement du Grand Paris est en avance par rapport à ce qu’il est effectivement en mesure de réaliser, le Sénat a décidé d’affecter les financements prévus dans le collectif à la bosse de l’ANRU.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Avec la complicité du Gouvernement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Non, c’est faux !

M. François Baroin, ministre. J’ai émis un avis défavorable à cette proposition !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le Gouvernement s’est effectivement opposé à cette mesure. J’espère que nous allons finir par trouver un équilibre et, dans l’immédiat, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 6, retiré par M. le rapporteur général, est repris par Mme Mazetier, Mme Lepetit, M. Le Bouillonnec et M. Muet.

Cet amendement ayant été débattu, je le mets aux voix.

(L’amendement n° 6 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 365.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous ne souhaitons pas que le produit de la nouvelle taxe soit affecté à la Société du Grand Paris. D’autant, et vous l’avez reconnu, monsieur le rapporteur général, que la montée en charge du dispositif interviendra au mieux en 2013, voire en 2014.

Nous souhaitons donc que les ressources nouvelles soient directement affectées à la région Île-de-France plutôt qu’à la Société du Grand Paris. Nous considérons en effet que la région sera, dès 2011, la plus à même de répondre efficacement aux besoins urgents des Franciliens.

Je rappelle que si nous en sommes aujourd’hui à discuter de ces amendements dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010, c’est que la loi relative au Grand Paris a été particulièrement mal faite. Je tiens à le souligner, car je sais qu’il n’y a pas que sur les bancs de l’opposition qu’on pense ainsi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas adopté cet amendement. Mais votre préoccupation sera satisfaite, madame Lepetit, dans un amendement que nous allons examiner très vite et qui concerne la redevance pour création de bureaux.

(L’amendement n° 365, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 92.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 93.

M. le président. D’accord.

M. Jean-Pierre Brard. Nous proposons avec ces amendements de confier au STIF ou, à défaut, à la région Île-de-France directement, la part non affectée du produit de la taxe sur les bureaux, celle précisément que le projet de loi prévoit de confier à la Société du Grand Paris.

En effet, il nous paraît pour le moins prématuré, alors que le débat public sur le réseau de transport créé par la loi sur le Grand Paris se poursuit, que nous sommes, comme l’a dit le rapporteur général en commission, en plein embrouillamini, que les complémentarités entre les projets de Double boucle et Arc Express restent en suspens, de proposer les sources de financement d’un projet perclus d’incertitudes.

Compte tenu de l’urgence des besoins à satisfaire à court terme, s’agissant notamment de l’amélioration du réseau RER, il nous paraît plus opportun de confier dès à présent au STIF ou à la région les quelque 213 millions d’euros de recettes supplémentaires générés par la réforme de la taxe sur les bureaux. Tel est le sens de nos deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable pour les raisons évoquées précédemment.

(L’amendement n° 92, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 93 et 130.

L’amendement n° 93 vient d’être présenté.

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour soutenir l’amendement n° 130.

Mme Annick Lepetit. Cet amendement est dans la même logique que l’amendement n° 365. Nous considérons que les ressources nouvelles seraient mieux employées par le STIF que par la Société du Grand Paris. Ainsi que nous l’avons déjà indiqué, il faut en effet financer le plan de mobilisation d’urgence pour les transports en Île-de-France. Je le rappelle, ce plan avait été présenté au Gouvernement, voilà maintenant près de deux ans, par le président de la région, président du STIF, et les huit départements franciliens, toutes sensibilités politiques confondues. Mais en réponse, on nous a pondu, si je puis m’exprimer familièrement, ce texte sur le Grand Paris.

Nous savons que, dans l’intérêt général, il importe absolument que la région et le STIF puissent rapidement bénéficier des moyens qui leur permettront, pour l’une, de réaliser des investissements et, pour l’autre, d’améliorer les transports et notamment moderniser les RER. Ce dernier point est d’une actualité brûlante alors que des élus locaux et même des parlementaires se mobilisent en ce sens. Nous avons commencé, via le STIF, à renouveler le matériel roulant mais il faut aller plus loin et plus vite.

(Les amendements identiques nos 93 et 130, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 7 et 128 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 7 fait l’objet d’un sous-amendement n° 220.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 7 et le sous-amendement n° 220.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement va dans le sens de nombre des préoccupations qui ont été exprimées. S’agissant des transports, nous avons évoqué Arc Express et le Grand Paris, les projets de rocade d’avenir et les problèmes de RER. Nous pourrions aussi faire allusion à la ligne 13 du métro mais les conditions imposées aux Franciliens sur les lignes A, B, C, D et E du RER sont particulièrement difficiles.

Depuis 2006 et les mesures de décentralisation des transports, la région a en charge le réseau existant, qu’il importe d’améliorer. Puisque ce texte tend à actualiser la redevance annuelle due sur les occupants des bureaux et affectée à l’État, qui en rétrocède la moitié à la région, il nous semble logique de procéder de la même façon pour la taxe pour création de bureaux qui, elle, n’est perçue qu’une seule fois. Cette redevance n’a pas été actualisée du tout depuis 1989. Cette proposition figurait dans le rapport que nous avons présenté l’année dernière.

Par symétrie avec la redevance annuelle, cet amendement vise donc, exactement dans les mêmes conditions de zonage et de proportions dans les différents tarifs selon les types de locaux, à actualiser la redevance pour création de bureaux. Je le dis à ceux qui, parmi vous, sont conseillers régionaux, la recette ne sera pas négligeable puisqu’elle est de l’ordre de 60 voire de 80 millions d’euros. Elle permettra, comme nous le souhaitons tous, d’améliorer le réseau de transport.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable, si le sous-amendement à cet amendement est adopté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le sous-amendement n° 220 vise à différencier les tarifs selon la nature du local concerné – locaux d’entreposage, commerciaux ou bureaux proprement dits –, par cohérence avec le régime de la taxe annuelle sur les surfaces des bureaux modernisé par l’article 15. Il s’agit de garder la même hiérarchie.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour présenter l’amendement n° 128 rectifié.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement est dans le même esprit. C’est d’ailleurs une forme d’hommage que nous rendons au rapporteur général…

M. Nicolas Perruchot. C’est nouveau !

Mme Sandrine Mazetier. Non, nous le faisons même très régulièrement ! Nous considérons que la majorité, en revanche, ne le fait pas assez et n’écoute pas suffisamment ses excellentes propositions. C’est souvent la voix de la sagesse.

Les propositions formulées dans le rapport de Gilles Carrez n’avaient pas toutes été reprises. Nous le suivons dans celle qui vise à étendre à la taxe pour création de bureaux les dispositions prévues à l’article 15 pour la taxe sur les surfaces de bureaux.

(Le sous-amendement n° 220 est adopté.)

(L’amendement n° 7, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 128 rectifié tombe.

Je suis saisi d’un amendement n° 97.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Par cet amendement, nous proposons de supprimer les alinéas visant à instaurer une nouvelle taxe spéciale d’équipement au bénéfice de la Société du Grand Paris. Avec la création de cette taxe, vous ajoutez l’injustice à l’incohérence. Cette dernière tient dans l’exercice même auquel vous vous livrez qui consiste, comme cela a été maintes fois répété, à proposer un tel dispositif alors que le Gouvernement n’a, une fois de plus, pas tenu son engagement d’inscrire les 4 milliards d’euros de financement annoncés en septembre dernier, par la voix de Michel Mercier.

Quant à l’injustice, elle consiste à faire peser une nouvelle taxe sur les ménages franciliens, une taxe nouvelle qui ne sera pas fonction des revenus des contribuables mais qui reposera sur des valeurs locatives nécessitant d’être révisées en vue de davantage de justice. C’est le préalable indispensable à toute réflexion sur la nécessité ou non d’instaurer une nouvelle taxe au bénéfice de la Société du Grand Paris, taxe dont l’opportunité reste par ailleurs à prouver.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable. Cet amendement me permettra de répondre plus précisément à une question qu’a posée Mme Mazetier. Alors que nous arrivons à la fin de l’examen de l’article 15, nous voyons que nous avons majoré ou actualisé trois taxes : la taxe annuelle sur les bureaux, la taxe de création de bureaux et la taxe spéciale d’équipement. Ces mesures vont rapporter environ 400 millions d’euros. Seul le dispositif TSE touchera les ménages à proportion de leur part au titre de la taxe d’habitation et du foncier bâti. Il apparaît donc que les ménages vont contribuer à hauteur de 15 % à peine contre 85 % pour les entreprises.

Le dispositif me paraît équilibré et c’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement qui tend à supprimer la part des ménages dans la TSE. Il est rare que nous parvenions à un tel équilibre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je comprends, monsieur le rapporteur général. Mais en l’occurrence, il n’est pas question de répartition entre les entreprises et les ménages : il s’agit de revenir sur le dispositif initialement prévu pour financer en partie la SGP et la future Grande boucle et qui était assis sur les plus-values immobilières réalisées. Il n’était pas injustifié que tous les bénéficiaires de plus-values soient taxés. Mais au nom de quoi des ménages seraient-ils taxés à travers l’assiette de la TSE qui est calée sur la taxe d’habitation ? D’autant que cette dernière n’a pas été révisée depuis Mathusalem et est parfaitement injuste. Il est en effet de notoriété publique que les éléments de confort prêtés à certains logements ne sont plus du tout en rapport avec la réalité. Des logements sociaux récents sont ainsi censés être plus confortables que des hôtels particuliers dans le Marais. Les habitants de ces logements sociaux sont, paradoxalement, plus taxés que les occupants d’hôtels particuliers dont les éléments de confort n’ont pas été révisés depuis les années soixante !

C’est cela qui est injuste. Encore une fois, je ne vois pas pourquoi un locataire ou un propriétaire, qui seront de toute façon très éloignés de la Grande boucle – dont on ne sait même pas où elle passera –, paieraient dès maintenant une taxe pour des plus-values ou des bénéfices dans la vie quotidienne dont ils ne profiteront pas !

Je trouve cela injuste. Ce qui est ici en question, ce n’est pas la distinction entre personne morale et personne physique : c’est la question de savoir si on bénéficie ou pas d’avantages.

(L’amendement n° 97 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 95.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard.

M. Jean-Pierre Brard. Il est défendu.

(L’amendement n° 95, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 96 et 123.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l’amendement n° 96. Il me semble que c’est la même chose que précédemment.

M. Jean-Pierre Brard. En effet, monsieur le président. Vous êtes très perspicace ! (Sourires.)

M. le président. J’essaye de suivre !

La parole est à Mme Annick Lepetit, pour présenter l’amendement n° 123.

Mme Annick Lepetit. Nous entendons supprimer les mots : « , à la taxe d’habitation ». Il y a trois raisons à cela.

La première tient au fait que la taxe spéciale d’équipement pèsera sur les revenus des ménages, on l’a dit, à travers la taxe d’habitation, ce qui réduira leur consommation et ralentira de fait le retour de la croissance.

La deuxième raison, c’est que cette décision est injuste, puisque la taxe d’habitation est fondée, non pas sur le revenu des contribuables, mais sur des valeurs locatives qui, de l’avis de tous, doivent être révisées.

Troisième raison, enfin, contrairement aux propriétaires, les locataires ne bénéficieront pas de la hausse de la valeur du logement qu’ils occupent, due à la réalisation par la collectivité de nouvelles infrastructures de transport. Ils n’ont donc pas à payer une taxe supplémentaire pour cela.

(Les amendements identiques nos 96 et 123, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 124.

La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Il s’agit, à travers cet amendement de revoir le mode de calcul de la taxe d’habitation, sur lequel s’appuie la taxe spéciale d’équipement. Pour ne pas rajouter à l’injustice fiscale, qui, comme on le sait, est déjà présente, nous estimons préférable, dès lors que la majorité a visiblement décidé de voter cette nouvelle taxe, de conditionner sa mise en place à la révision de l’ancienne, en particulier celle des valeurs locatives. Pour résumer, j’estime que, une fois encore, la charrue est mise avant les bœufs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est défavorable, mais je voudrais dire un mot sur la taxe d’habitation, en profitant du fait que notre président de séance connaît parfaitement le sujet, comme beaucoup d’entre nous d’ailleurs !

Il y a eu une réforme importante en 2000, qui n’a été, depuis lors, que consolidée ou amplifiée. Elle a consisté à dégrever la taxe d’habitation au-delà d’un certain niveau du revenu fiscal de référence. Quand le seuil de 3,44 % est atteint, vous ne payez pas plus.

Quand on regarde de près les choses, la taxe d’habitation est aujourd’hui, de fait, très largement liée aux revenus. On ne le dit pas assez, mais chacun peut le constater.

M. Jean-Pierre Brard. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il y aura peut-être une révision du mode de calcul de la taxe d’habitation, mais c’est là un sujet très difficile. Certains se souviennent de la tentative de réforme de la part départementale de la taxe d’habitation.

M. Jean-Pierre Brard. Tout à fait : c’était celle d’Edmond Hervé. Michel Charasse l’avait enterrée !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Toujours est-il que la réforme de 2000 a été une bonne réforme.

On voit bien que, si l’on veut conditionner une réforme de la taxe d’habitation à la mise en place de cette taxe,…

Mme Annick Lepetit. Ou inversement !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. …on sera encore à en parler dans un certain nombre de décennies ! (Sourires.)

M. le président. Tous les espoirs sont permis… (Sourires.)

(L’amendement n° 124, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 98 et 127.

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour présenter l’amendement n° 98.

M. Jean-Pierre Brard. Je n’ai pas voulu reprendre la parole sur la question de la taxe d’habitation, mais je rappelle que le fait de lier la taxe au revenu et de plafonner à due concurrence la cotisation de la taxe d’habitation, était le principe d’un amendement que j’avais fait voter en 1989 par la majorité de l’époque. Un gouvernement – peut-être était-ce celui de M. Raffarin ? – lui avait tordu le cou en changeant le plafonnement. Grâce au gouvernement Jospin, nous avions rétabli la situation antérieure.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce n’était donc certainement pas Raffarin ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Brard. C’est en tout cas quelqu’un qui, visiblement, ne m’a pas laissé un grand souvenir ! Disons que c’était quelqu’un de droite. (Sourires.)

J’en viens à l’amendement n° 98. Le présent article, au motif qu’il prévoit l’affectation de 330 millions d’euros de ressources supplémentaires à la Société du Grand Paris, supprime la taxe forfaitaire sur les plus-values immobilières en Île-de-France, instituée lors de la discussion du projet de loi sur le Grand Paris.

Notre amendement vise à rétablir cette taxe, en lieu et place des mesures proposées, notamment la nouvelle taxe spéciale d’équipement.

D’une part, le principe d’une taxe forfaitaire sur le produit des valorisations immobilières résultant des projets d’infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris sur le territoire de la région d’Île-de-France nous semble pertinent. Cette taxe est aussi plus juste, puisqu’elle repose sur un montant égal à 80 % de la plus-value et que son taux diffère selon la distance du bien par rapport à l’entrée d’une gare de voyageurs : 15 % si elle est inférieure à 800 mètres et 7,5 % si elle est comprise entre 800 et 1 200 mètres, les biens situés au-delà de cette limite n’étant pas concernés.

D’autre part, comme nous le rappelle le rapporteur général, cette taxe, au rendement certes incertain, présente la particularité de pouvoir être levée par la région au profit du STIF. En la supprimant, vous allez ôter à la région-capitale l’une des rares prérogatives qui lui est reconnue dans ce projet, alors que les autorités organisatrices des transports urbains et les régions de province disposent toujours, quant à elles, du droit d’instituer une telle taxe, aux termes de la loi dite Grenelle II.

Il y a là deux poids, deux mesures, ce qui n’est pas acceptable. La région Île-de-France est placée de fait en situation d’être dépossédée d’une de ses prérogatives. À quand le rétablissement de la tutelle telle qu’elle fut décidée après la Commune de Paris ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour présenter l’amendement n° 127.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Les débats se suivent et l’on pourrait, avec la contradiction qui existe entre eux, amuser pendant plusieurs mois nos compatriotes !

En effet, l’alinéa 36 de cet article supprime le dispositif de taxation forfaitaire. Souvenons-nous pourtant des conditions dans lesquelles Christian Blanc, alors secrétaire d’État, avait soutenu la stratégie de valorisation des périmètres des gares. Je suis sévère, et peut-être ne devrais-je pas l’être,…

Mme Annick Lepetit. Si, si !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. …mais, dans les débats préparatoires, il nous avait vraiment tout vendu !

Selon lui, 30 % de l’équipement serait réalisé par cette valorisation. Or le rapport de Gilles Carrez mesurait différemment les choses. Il y en avait même qui disaient que cela rapporterait à peine 3 %.

Moi, je ne sais pas qui a raison, tout simplement parce qu’il est très difficile de savoir ce qui va se passer. Ce que je sais, c’est que les choses sont en train de se passer maintenant, chers collègues !

Le débat est bien avancé et les stratégies sur les itinéraires du Grand Paris commencent à se dessiner. Certains territoires – c’est le cas du Sud, en particulier le Val-de-Marne – ont arrêté d’une manière très consensuelle le tracé linéaire. On commence à voir arriver beaucoup d’investisseurs. J’en parle d’expérience et M. Carrez sait bien de quoi il retourne. Il va y avoir des vrais problèmes, notamment pour les opérateurs, quand il s’agira d’acquérir des parcelles : les métros ont toujours valorisé les patrimoines.

Je voulais simplement dire qu’il y a, depuis le début, une contradiction. La stratégie adoptée avait en réalité pour effet de protéger le budget de l’État de l’investissement de fond. Or la situation est toujours la même ; c’est une catastrophe que cette stratégie, en particulier pour l’État, qui a – je le rappelle quand même – un certain nombre d’obligations à assumer, notamment dans la partie du réseau du Grand Paris qui ne concernera pas Arc Express, c’est-à-dire la rocade. Sur ce point particulier, s’agissant des prolongements – Saclay et les liaisons Roissy-La Défense-Saclay – quelle que soit la bonne volonté qu’exprime actuellement le président Huchon et qui fait avancer très positivement le débat, l’État ne pourra pas échapper à ses obligations.

Or cette manière de faire est, à mon avis, un risque énorme pour les budgets à venir de l’État. C’est pour cela que nous voulions rappeler, à travers cet amendement, ce qui s’est réellement passé quand il y a eu le débat sur le Grand Paris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est vrai que l’histoire bégaie.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Encore faut-il l’écrire !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. On supprime la taxe sur les plus-values immobilières qui a été mise en place par la loi sur le Grand Paris.

J’en appelle aux souvenirs de Mme Lepetit, notamment. Quand l’étude a été conduite sur la question de savoir comment on pourrait s’y prendre pour que les plus-values entraînées par la réalisation du réseau de transport reviennent le plus possible à la collectivité publique, j’avais associé notamment le directeur de l’Agence foncière régionale. On le voit dans nos communes, pour nous le maître mot est : l’acquisition publique. Les zones en question sont déjà largement urbanisées. Dès lors, plus on sera en état d’acheter en amont sur fonds publics, plus la collectivité publique sera capable de garder pour elle la plus-value.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord. D’ailleurs, le travail a déjà commencé !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est cela qu’il faut faire et nous en revenons, sur ce point, au débat que nous avions tout à l’heure.

En revanche, le système de plus-values immobilières a un grand inconvénient, dont nous avons discuté et rediscuté, et qui explique que nous n’ayons pas repris l’idée dans le rapport : cela bloque les transactions.

Pour moi, qui ai longtemps travaillé dans l’aménagement, il n’y a qu’une politique qui vaille : l’acquisition publique. Certes, il faut se donner les moyens de le faire. Nous avons pour cela des établissements publics fonciers dans les départements. Il y aussi l’Établissement public foncier régional, et le premier rôle de la SGP sera également de contribuer à ce mouvement.

Il faudrait que l’on arrive à créer une sorte de structure de coordination pour que, sur différentes opportunités d’acquisition, ces différents établissements s’entendent pour savoir qui achète à quel moment et qui est le mieux placé pour le faire. Nous devrions pouvoir y arriver.

(Les amendements identiques nos 98 et 127, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. L’amendement n° 109 présenté par M. le rapporteur général, est rédactionnel.

(L’amendement n° 109, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Article 16 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 16, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Guy Malherbe.

M. Guy Malherbe. Au moment où l’on va aborder le problème du financement des transports en Île-de-France par les entreprises, on ne peut pas ne pas évoquer la situation catastrophique du réseau francilien de RER, comme on l’a déjà dit à plusieurs reprises. Nous disposons pour cela d’un excellent rapport de la Cour des comptes, qui a constaté que les réseaux sont saturés, mal entretenus et mal gérés. Ce rapport épingle la gestion du STIF et pose le problème de sa gouvernance.

Aujourd’hui, les réseaux se dégradent ; les irrégularités atteignent des niveaux très élevés – 12 % pour la ligne C, 15 % pour la ligne D, 24 % pour la ligne B. Il y a même deux journées au cours desquelles la SNCF a été incapable de faire circuler les trains sur la ligne B et a dû mettre en place un trafic extrêmement allégé.

Il est temps d’ouvrir les yeux sur les conditions de transport désastreuses qu’endurent les Franciliens, et de dénoncer les blocages incompréhensibles du STIF.

Madame Lepetit, vous avez évoqué la mobilisation des élus ; j’ai effectivement manifesté devant le STIF, et ce n’est pas la première fois, puisqu’une autre manifestation avait eu lieu le 9 décembre de l’année dernière pour les mêmes raisons. Le président Huchon nous avait fait des annonces, notamment sur le schéma directeur de la ligne C, mais elles n’ont été suivies d’aucun effet. Nous avons donc dû retourner manifester pour savoir où en étaient ces engagements. Rien n’a été fait.

Cela devient une habitude : il faut manifester pour obtenir des engagements. L’Association des élus de la ligne C du RER, dont je suis le président, a auditionné à plusieurs reprises les opérateurs, c’est-à-dire la SNCF et RFF : ils ont beaucoup travaillé ; les études sont prêtes ; ils sont prêts à engager des chantiers ; mais le STIF ne passe pas commande. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons donc posé la question hier à M. Huchon : qui gouverne au STIF ? S’il y a effectivement des problèmes de financement, s’il faut sans doute de l’argent supplémentaire, il y a un problème de gouvernance du STIF ! (Mêmes mouvements.)

Une telle situation pénalise durement les Franciliens. Nos administrés nous décrivent les discriminations auxquelles ils font face : aujourd’hui, les employeurs demandent le lieu de résidence, la gare de desserte, la ligne de RER concernée, et sur ces critères, certains ne sont pas recrutés ! Cela devient inadmissible, inacceptable.

Nous allons parler d’accroître le financement des entreprises, et sans doute faut-il, c’est vrai, des moyens plus importants pour financer la remise à niveau et le plan de mobilisation ; mais il y a aussi un problème de gouvernance au STIF, et il faut y être très attentif avant de donner de l’argent supplémentaire.

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. L’article 16 remédie au mode de répartition du versement transport, fondé sur un zonage départemental arbitraire qui ne tient pas compte de la qualité de la desserte par les transports en commun.

Dans les Yvelines, que je représente, certains pôles d’emploi majeurs, comme Vélizy-Villacoublay ou le technocentre Renault, qui représentent respectivement 40 000 et 12 000 emplois, ne sont quasiment pas desservis par les transports en commun. Les entreprises payent pourtant une contribution élevée. La situation actuelle est donc assez incompréhensible.

C’est une réforme d’importance que nous propose le Gouvernement grâce à cet article. Je l’approuve pleinement, puisque cette proposition fait correspondre le taux du versement avec l’intensité de la desserte : c’est donc une mesure de justice.

Il faudra toutefois faire preuve de modération sur l’augmentation des taux, car ce versement pèse déjà assez lourdement sur les entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. On peut parler des problèmes de gouvernance du STIF, mais enfin je voudrais vous répondre, monsieur Malherbe, car ce que vous dites est un peu facile.

Les lois de décentralisation datent de 2005 – et qui donc était Premier ministre à cette époque ? M. Raffarin. Or j’ai le souvenir qu’en 2005, Jean-Paul Huchon, déjà président de la région Île-de-France, n’avait pas voulu prendre tout de suite la présidence du STIF. Il a attendu un an, tout simplement parce qu’il estimait, avec beaucoup d’élus, notamment des Hauts-de-Seine – je pense en particulier à l’un d’entre eux, M. Devedjian – qu’il fallait au minimum un audit de l’état du réseau francilien de transports.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

Mme Annick Lepetit. Si nous l’avions fait à ce moment-là, nous ne serions pas là où nous en sommes aujourd’hui, avec la loi Grand Paris d’un côté, et la loi sur l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, de l’autre, concernant la question de propriété entre la RATP et le STIF.

Vous dites qu’il y a un problème de gouvernance du STIF…

M. Guy Malherbe. Et c’est vrai !

Mme Annick Lepetit. …mais, encore une fois, votre majorité en est très largement responsable : vous avez voté une loi de décentralisation – et pourquoi pas, si cela permet de gouverner au plus près de nos concitoyens ? Nous, la gauche, y sommes favorables. Mais vous n’avez ni voté les moyens nécessaires pour accompagner cette réforme, ni pris en compte l’état du réseau francilien, alors que la SNCF, mais aussi la RATP, signalaient déjà les problèmes que nous connaissons aujourd’hui.

Il faut peut-être aller plus loin, puisque la décentralisation fonctionne toujours par étapes. Mais enfin il y a des contrats – pour des montants très élevés, d’ailleurs – entre le STIF et la RATP, entre le STIF et la SNCF, qui sont en cours de révision et qui doivent être à nouveau signés en 2011. Ils font l’objet d’énormes discussions, d’énormes négociations. Et vous savez comme moi qui est majoritaire dans les conseils d’administration de la SNCF et de la RATP !

Car c’est bien là le comble : au moment où on a permis aux élus territoriaux de siéger au sein du STIF et où l’État a cessé d’y siéger, on a éjecté ces mêmes élus locaux du conseil d’administration de la RATP ! On marche donc sur la tête. Mais tout cela, c’est vous qui l’avez fait, ce n’est pas nous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Franck Gilard. On verra ce que dira le Conseil d’État.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 8, 125 et 126, pouvant être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 8 fait l’objet d’un sous-amendement, n° 368.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Le versement transport est, c’est vrai, un sujet difficile. Ce n’est pas une taxe très intéressante ni très intelligente, du point de vue de la compétitivité des entreprises, car elle est assise – comme d’ailleurs le 1 % logement – sur la masse salariale. Quelques amendements vont nous proposer d’augmenter les taux de ce versement transport. Dans la situation actuelle des entreprises, je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

Monsieur Malherbe, je partage votre point de vue sur les problèmes de gouvernance, mais il faut aussi reconnaître que le financement du STIF est aujourd’hui assez difficile. On ne peut pas augmenter le versement transport, on ne peut augmenter les tarifs que modérément ; l’ajustement se fait donc par des contributions publiques payées par les collectivités, donc par les contribuables des huit conseils généraux et de la région. Nous sommes donc dans une situation très contrainte.

Tout le monde est d’accord sur l’idée, proposée par le Gouvernement, de procéder à un rezonage du versement transport en Île-de-France. L’amendement n° 8 consiste à laisser le Gouvernement le piloter, parce que c’est son travail, même si le versement transport va au STIF : ce rezonage doit passer par un décret.

Quels sont les critères que doit mentionner ce décret ? La loi en cite quelques-uns : desserte, nombre de gares, distance de Paris, etc. Mais Guy Malherbe me faisait remarquer hier que la ponctualité n’était pas mentionnée. C’est bien d’avoir des trains qui vont à Paris, me disait-il, mais s’ils arrivent tous les jours avec une heure de retard, ça ne va pas !

Et je lui répondais, monsieur le ministre, que je connais une situation pire encore : quand je prends mon RER A à Bry-sur-Marne ou à Neuilly-Plaisance, aux heures de pointe, les trains passent, mais ils ne s’arrêtent pas ! Comment sauter dans un RER qui ne s’arrête pas ? (Rires.) Je demande donc que les critères intègrent le fait que les trains ne s’arrêtent pas !

Nos lointains prédécesseurs avaient eu, il y a vingt ans de cela, les mêmes difficultés : le zonage a donc été fait par départements. En province – le problème se pose aussi à Lyon, à Toulouse, à Lille, à Bordeaux –, il n’y a qu’un seul taux : on ne s’est pas ennuyé. En Île-de-France, il y a, historiquement, des taux différents.

Mais depuis que ce zonage a été établi, des transports nouveaux se sont développés, notamment les RER. Je prends encore un exemple dans mon secteur : à la gare Noisy-Champs, l’une des extrémités du quai se situe à Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis, où le taux du versement transport est de 1,7 % ; à l’autre extrémité, vous êtes à Champs-sur-Marne, en Seine-et-Marne, et le taux est de 1,4 %. Dans la même gare, vous avez deux taux !

Il y a vingt ans, ces questions ne se posaient pas : il faut donc revoir tout cela, mais en prenant des critères aussi objectifs que possible, sinon il y aura des contestations, des contentieux.

La rédaction de l’amendement de la commission des finances repose sur l’adverbe « notamment » : nous citons le critère de l’appartenance des communes à l’unité urbaine de Paris, définie par l’INSEE ; ce critère, déjà utilisé par exemple pour la DGF, n’est pas contestable. Mais le terme « notamment » indique bien que ce n’est pas le seul critère qui doit être retenu.

Dans la discussion que nous aurons, M. Malherbe pourra mettre en avant la ponctualité ; j’ai déjà parlé des trains qui ne s’arrêtent pas (Sourires). Inciter le Gouvernement à utiliser un certain nombre de critères, sans ouvrir la porte à de trop nombreuses contestations, c’est l’esprit de cet amendement.

L’autre partie du sujet, c’est le passage éventuel d’entreprises du taux de 1,4 % à 1,7 %. Il nous a semblé qu’au lieu de prévoir cette hausse sur cinq ans, on pouvait la réaliser sur trois ans : cela fait 0,1 point d’augmentation par an, c’est beaucoup plus normal, et cela nous paraît pouvoir être absorbé.

Le Gouvernement – avec le STIF, d’ailleurs, car le décret sera pris après son avis – devra en tout cas se livrer à ce découpage avec une très grande dextérité.

M. le président. La parole est à M. Guy Malherbe, pour soutenir le sous-amendement n° 368.

M. Guy Malherbe. Madame Lepetit, sans refaire l’histoire du STIF, je vous redis que l’année dernière, alors que nous étions allés manifester, j’ai rencontré le président Huchon, avec une vingtaine d’élus : il a pris des engagements. Nous ne l’avons pas forcé ! C’est lui qui s’est engagé à ceci, à cela. Un an après, rien n’a été fait !

On peut invoquer des problèmes financiers, mais il ne fallait pas prendre des engagements s’il ne pouvait pas les tenir ! Encore une fois, nous ne l’y avions pas obligé.

Nous y sommes retournés cette année. Nous verrons bien si les engagements pris, par l’intermédiaire du vice-président Jean-Vincent Placé, seront mieux respectés.

Gilles Carrez et moi en avons discuté : je prends, moi aussi, le RER, le C, pour venir tous les jours ici. Il n’y a pas longtemps, mon train s’est arrêté, il est devenu omnibus et j’ai mis une heure de plus que prévu pour arriver : j’ai même failli ne pas pouvoir signer la feuille de présence de la commission des affaires sociales ! (Rires.)

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ç’aurait été dommage !

M. Guy Malherbe. Oui, nous avons chacun nos difficultés. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ç’aurait été la double peine ! (Sourires.)

M. Guy Malherbe. La rédaction de l’amendement me convient mieux que la rédaction initiale, qui mentionnait certains critères mais en oubliait d’autres, notamment la ponctualité. Mais le découpage devra être minutieux, car le résultat sera à peu près identique. En Essonne, si je fais le calcul avec la définition retenue, 78 communes sur 196 verraient le taux de participation des entreprises augmenter. C’est tout de même beaucoup. Il faudra regarder de près, sinon on risque d’arriver à un résultat identique, malgré la modification de la définition.

Je veux bien qu’on accroisse le financement supporté par les entreprises, à condition qu’on s’intéresse aux investissements. Je prie mes collègues parisiens de m’excuser mais je ne vois pas pourquoi les financements supplémentaires serviraient à financer des travaux dans Paris. Nous n’avons pas besoin de dépenser 2 milliards d’euros pour construire un tramway supplémentaire à Paris, nous avons besoin de quelques centaines de millions d’euros pour réparer par exemple le nœud ferroviaire de Brétigny.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est vrai.

M. Guy Malherbe. Je ne suis pas d’accord pour que les entreprises essonniennes apportent des financements pour accroître les moyens de transport dans Paris. Les Parisiens sont correctement desservis. Aucun Parisien n’est situé à plus de trois cents mètres d’un point de transport en commun. C’est loin d’être le cas dans l’Essonne, dans les Yvelines ou en Seine-et-Marne.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ou dans le Val-de-Marne !

M. Guy Malherbe. En effet. Il faut beaucoup de temps pour rejoindre un point de transport en commun. Si les entreprises essonniennes ou yveliniennes doivent cotiser davantage, il faut que cela serve à financer des travaux dans ces départements.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous sommes d’accord.

M. Guy Malherbe. Mon sous-amendement a pour but de revenir à la durée qui était prévue initialement par le Gouvernement, c'est-à-dire de monter en puissance sur cinq ans, au lieu de trois, de façon à mieux lisser la charge supplémentaire qui va être imposée aux entreprises. Dans le contexte économique actuel, il faut faire attention quand on accroît les charges des entreprises. Si on étalait sur cinq ans, ce serait un peu plus acceptable que sur trois ans.

M. le président. La discussion de cet après-midi me fait penser aux sketches de Chevalier et Laspalès et de Devos, avec des RER qui ne s’arrêtent pas en gare, des prix différenciés en fonction de l’endroit où on se trouve dans une gare… Franchement, notre débat aurait de quoi inspirer des comiques.

M. Franck Gilard. C’est la politique de la SNCF !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir les amendements nos 125 et 126.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il faut revoir les plafonds du taux de versement transport, c’est évident. Mais nous pensons que le dispositif proposé par M. Carrez pourrait avoir des effets négatifs.

D’abord, nous craignons qu’il ne réduise le montant des sommes perçues – mais peut-être pourra-t-il nous rassurer sur ce point.

Ensuite, nous craignons que le fait que le dispositif, qui est quand même assez complexe, varie tous les trois ans n’altère la pérennité nécessaire du dispositif.

Nous proposons une manière différente de construire la fixation du taux de versement, justement pour amoindrir le risque d’une réduction du montant et ne pas créer un aléa, sachant que par ailleurs il nous paraîtrait assez incongru que ce nouveau calcul fasse que certaines entreprises paient moins demain qu’elles ne paient aujourd’hui à égalité de situation et de zonage.

Quant à l’amendement n° 126, il s’agit d’une variation de la proposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement et les amendements nos 125 et 126 ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Monsieur Le Bouillonnec, votre proposition est de mettre directement dans la loi comme critère exclusif l’agglomération au sens INSEE. Cela présente l’inconvénient d’exclure tout autre critère. Or, M. Malherbe l’a bien souligné, il est nécessaire de prévoir des critères objectifs. Si l’agglomération est un critère qui doit être assez central, d’autres critères doivent peut-être être pris en compte.

Par ailleurs, vous proposez une augmentation sèche de 0,1 point dans tous les départements. La commission des finances a considéré que le texte du Gouvernement pouvait présenter un danger, celui du déclassement de secteurs qui, du fait du zonage départemental, passeraient de 2,6 % à 1,7 %. Au vu des besoins importants de financement au titre du versement transport, il est important de sécuriser la recette. C’est ce que fait l’amendement de la commission des finances : il ne peut pas y avoir de pertes.

Le gain, quant à lui, est lié à la manière dont on s’y prend, le découpage, le nombre de communes et le lissage.

S’agissant de votre sous-amendement, monsieur Malherbe, je donne un avis vraiment défavorable. Tout à l’heure sur la redevance sur les bureaux, j’avais proposé, pour 200 et quelques millions, un lissage sur trois ans. À la demande du Gouvernement, j’ai retiré mon amendement : il n’y aura pas de lissage du tout. Dans notre amendement, on divise l’augmentation de 0,3 % par trois, cela fait 0,1 %. Cela me paraît très raisonnable.

L’amendement de la commission des finances me paraît très équilibré et me semble aller dans le sens des souhaits des uns et des autres. Je souhaiterais qu’on s’en tienne là.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Sur ce sujet d’importance pour les Franciliens, nous avons entendu le message sur la nécessaire modernisation des transports en commun en Île-de-France. L’exemple frappant du rapporteur général sur le train bondé à une heure de pointe qui lui passe sous le nez nous attriste, bien évidemment. Peut-être était-ce hier ? En tout cas, ce cas semble se décliner un peu trop fréquemment au cours des années, et cela pose la question du financement des transports en commun en Île-de-France.

Mme Annick Lepetit. Cette question n’est pas nouvelle.

M. François Baroin, ministre. Pour cela, les modalités de financement portent, ici comme ailleurs, sur le versement transport. Nous avons beaucoup discuté, beaucoup travaillé, ce n’était pas la position initiale du Gouvernement, je le rappelle. Mais le Gouvernement a entendu la puissance de l’argumentation, la conviction et l’engagement personnel du rapporteur général sur ce sujet. Je proposerai donc la sagesse concernant l’amendement de la commission.

S’agissant du sous-amendement, je dois à la vérité de dire que j’étais plutôt sur une position d’écoute et de sagesse de l’Assemblée mais j’ai été convaincu par le rapporteur général, et je me rallie donc à la position de la commission.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous en remercie.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je voudrais exprimer le point de vue de ceux qui sont géographiquement extérieurs à ce type de débat mais qui sont malgré tout concernés par certains de ses aspects.

Sur la question du versement transport, vous avez eu raison de rappeler, madame Lepetit, que le barème avait connu différentes étapes et que pour les agglomérations autres que l’agglomération parisienne, il y a eu, à un moment donné, un mouvement de déplafonnement du montant de ce versement transport.

M. Pierre-Alain Muet. Encore un !

M. Louis Giscard d'Estaing. Avec Laurent Hénart, nous avions été de ceux, en 2004, qui souhaitaient que ce plafonnement reste limité à 1,8 % au maximum.

Mme Annick Lepetit. Ce qui est le cas.

M. Louis Giscard d'Estaing. En effet.

C’était important parce que, par exemple à Clermont-Ferrand, le versement transport, qui était de 1 % en 2004, est maintenant de 1,8 %, c'est-à-dire qu’il a été porté, par les gestionnaires qui sont de la même sensibilité que vous, madame, au taux maximum.

Il faut être attentif au fait que le taux plafond peut, malheureusement, dans certains cas, être appliqué parce que, dans ce cas-là, on pénalise l’ensemble des employeurs. N’oublions pas que le versement transport s’adresse aussi à de grands employeurs que sont, par exemple, les hôpitaux. À Hôpital de Paris par exemple, mais c’est vrai pour tous les CHU, le poste « versement transport » représente une part non négligeable du budget. Faisons bien attention à cet impact.

La notion de zonage répond à une forme de solidarité entre ceux qui sont moins directement desservis que d’autres, et la proposition du Gouvernement comme celle de Gilles Carrez répondent à une certaine logique à laquelle nous ne sommes pas insensibles, même si nous sommes à l’extérieur de l’agglomération parisienne, car nous utilisons également les transports en commun.

M. Franck Gilard. Merci pour la province !

M. le président. La parole est à M. Guy Malherbe.

M. Guy Malherbe. J’ai bien entendu les arguments de Gilles Carrez et du ministre mais je maintiens mon sous-amendement.

Je voudrais signaler un paradoxe : alors qu’on va accroître les charges des entreprises à travers leurs cotisations au versement transport, le STIF supprime la zone 6. Certes, nous nous félicitons que les Franciliens qui sont les plus éloignés du cœur de Paris et qui ont les transports les plus difficiles et les plus longs voient leurs tarifs ramenés à ceux appliqués à la zone 5, mais cela représente une perte de recettes définitive pour le STIF de 20 millions d’euros. On a définitivement tiré un trait sur une recette de 20 millions d’euros ! D’un côté, on fait un cadeau, et je m’en réjouis, aux voyageurs de la zone 6, de l’autre, on augmente les charges des entreprises pour financer les transports en commun.

Mme Annick Lepetit. C’est faux !

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Je voudrais rétablir quelques vérités.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est nécessaire en effet.

Mme Annick Lepetit. Monsieur Malherbe, la suppression de la zone 6 a été compensée par les collectivités.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Ce sont les collectivités qui paient en effet.

Mme Annick Lepetit. Ces débats, je les entends partout, sur tous les bancs, et même au sein du conseil d’administration du STIF. Je ne suis pas pour qu’on oppose sans arrêt Paris à la banlieue, Paris à la province.

M. Guy Malherbe. On subit !

Mme Annick Lepetit. Le budget du STIF est pour une grande part financé par les collectivités locales. Vous critiquez la gouvernance mais, depuis 2006, les collectivités locales franciliennes ont énormément contribué au budget du STIF. La région finance à 50 % le budget du STIF et la ville de Paris à 30 %, le reste étant réparti sur les autres départements. Quand on supprime une zone, ce sont les collectivités qui contribuent.

J’ai d’ailleurs déposé un amendement au conseil d’administration du STIF pour que les recettes nouvelles pour le fonctionnement soient en priorité affectées à l’offre nouvelle. Je crois en effet, et c’est une parisienne qui vous dit cela, que quand on est en grande banlieue, on n’est pas satisfait de devoir attendre une demi-heure, voire trois quarts d’heure, un train, même si on paie moins cher son ticket. Ce qu’on veut, c’est aller plus vite et attendre moins longtemps son train. Sinon, qu’est-ce qu’on fait ? On prend sa voiture, et cela coûte plus cher que de prendre les transports collectifs, sans parler de la pollution que cela induit.

Sur le fond, nous pourrions trouver un accord. En tout état de cause, arrêtons de nous renvoyer sans arrêt la balle, d’opposer les uns aux autres. Je suis pour une répartition égale, si je puis dire. Je pense que ceux qui ont plus peuvent mettre davantage au pot. Il faudrait d’ailleurs revoir certaines contributions de certains départements, mais c’est un autre débat.

J’en profite pour dire que je ne suis pas sûre, monsieur Carrez, que l’augmentation du versement transport francilien sera mise en œuvre dès 2011 parce que ce sera assez complexe. Je crains que ces recettes n’arrivent un peu tardivement. Ce dont je suis certaine en revanche, c’est que, aujourd’hui, les usagers paient davantage que les entreprises.

M. Guy Malherbe. Les entreprises paient 40 % !

Mme Annick Lepetit. Certes, il ne faut pas asphyxier les entreprises, mais il faut quand même qu’elles contribuent parce que les entreprises ont intérêt à ce que leurs salariés arrivent à l’heure et voyagent dans de bonnes conditions.

(Le sous-amendement n° 368 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 8 est adopté.)

M. le président. En conséquence, ce texte devient l'article 16 et les amendements nos 125, 126 et 160 tombent.

Après l'article 16
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 16.

Les amendements nos 9, 121 rectifié et 216 rectifié sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l’amendement n° 9.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement déjà présenté en loi de finances initiale et qui avait recueilli notre unanimité.

M. le président. La parole est à M. Bruno Bourg-Broc, pour défendre l’amendement n° 216 rectifié.

M. Bruno Bourg-Broc. Nous souhaitons insister sur la difficulté pour les villes et les agglomérations de taille moyenne à s’équiper en transports collectifs, alors que la question de l’usage de l’automobile se pose encore davantage dans ces villes que dans les grandes agglomérations. Nous souhaitons donc proposer une offre alternative à l’ « autosolisme ».

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour défendre l’amendement n° 121 rectifié.

M. Pierre-Alain Muet. Je dirai la même chose que mon collègue. Les agglomérations de plus de 100 000 habitants ont la possibilité de porter le taux de versement transport jusqu’à 1,8 %, mais aujourd’hui le problème du développement des transports en commun et des alternatives à la voiture se pose surtout pour les agglomérations de moins de 100 000 habitants. C’est la raison pour laquelle ces amendements ont fait l’unanimité au sein de notre commission.

Il faut rappeler qu’il s’agit là d’un maximum, et que les collectivités sont libres de décider de leur taux, en deçà de ce plafond – la logique est la même que celle du versement pour sous-densité. Mais nous devons leur permettre d’investir dans des infrastructures vouées aux transports.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cette question, qui a fait l’objet d’un travail approfondi au Sénat, nous rassemble tous.

Le dispositif actuel comporte en effet un effet de seuil problématique. Comme l’a rappelé Louis Giscard d’Estaing, le taux de versement transport peut monter jusqu’à 1,8 % dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, et je suis d’accord avec lui lorsqu’il recommande de ne pas augmenter ce plafond. Aussi avons-nous toujours refusé les amendements allant dans ce sens.

En revanche, pour les agglomérations entre 50 000 et 100 000 habitants, le plafond est fixé à 0,55 %. Or de plus en plus de chefs-lieux de département essaient de favoriser les transports en commun, pour remédier à la saturation automobile. Le Grenelle a par ailleurs fait des propositions fortes en ce sens, ainsi que les autorités régulatrices de transport.

Dans des agglomérations comme Blois, Bourges, Rodez, Carcassonne, Brives, Évreux, Chartres, Quimper, Alès, Saint-Malo, Vitré, Agen, Cholet, Nevers, Montauban, Auxerre, et j’en passe – M. Bourg-Broc, qui préside une association regroupant certaines de ces villes, le sait bien, – il faut pouvoir financer ces systèmes de transport. Or elles sont bloquées par ce plafond.

Nous proposons donc, dans les cas où existe un projet de transport collectif, de type tramway ou site propre, d’autoriser les autorités organisatrices à porter, si elles le souhaitent, le taux de versement transport à 0,85 %.

Monsieur le ministre, cet amendement a fait l’unanimité parmi nous il y a à peine un mois, et je plaide ardemment pour son adoption, même s’il ne concerne pas les Franciliens !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je plaiderai dans un sens un peu défavorable. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Troyes est bien près de Paris !

(Les amendements identiques nos 9, 121 rectifié et 216 rectifié sont adoptés.)

M. le président. Je constate que le vote est acquis à l’unanimité.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le ministre est battu, le maire de Troyes a gagné !

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 129 rectifié.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Dans la même logique, les régions ont besoin de financer des réseaux infrarégionaux qui, avec le cadencement, servent à la fois de transport dans les agglomérations et de trains en dehors.

De la même façon que l’on vient de porter à 0,85 % le plafond du versement transport pour financer des transports urbains, les présidents de région et l’Association des régions de France demandent qu’on leur offre la possibilité de voter un taux additionnel maximal de 0,2 %.

Je me souviens du débat que nous avons eu en commission et de la réponse du rapporteur général, mais il faut être conscient qu’aujourd’hui une partie des transports dans les grandes agglomérations se fait par le cadencement des transports infrarégionaux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement, car nous sommes ici sur un autre registre.

Même si nous n’avons que dix ans de recul, et seulement quatre pour l’Île-de-France, on constate que les régions assument une part de plus en plus grande dans le transport domicile-travail, notamment avec les TER. Cela pose donc en effet un problème de financement, mais c’est une question d’une autre nature que celle des autorités organisatrices de transport communal ou intercommunal.

La souplesse, c’est bien mais, comme l’a très bien dit Louis Giscard d’Estaing, il faut faire très attention. On peut éventuellement songer à un redéploiement dans les plafonds, mais une majoration de 0,2 % applicable à toutes les régions, ce n’est pas raisonnable, même si je comprends, monsieur Muet, l’inspiration de votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il faut malgré tout avoir conscience qu’il n’y a pas que la région parisienne qui est dans ce cas-là. À Lyon, les transports domicile-travail peuvent s’étendre jusqu’à Bourgoin, à quarante kilomètres, et ils sont alors assurés par les trains express régionaux. La question du financement se pose d’autant plus que les grandes agglomérations s’efforcent de mettre en place, sur le modèle de l’Île-de-France, des réseaux express régionaux.

Je regrette que l’avis du rapporteur soit défavorable mais, même si cet amendement n’est pas adopté, il faut s’interroger sur la manière de financer ces transports, qui sont indispensables.

(L'amendement n° 129 rectifié n'est pas adopté.)

Article 17 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article 17.

M. Lionel Tardy. Cet article révise les bases locatives des locaux commerciaux et professionnels ; il va en résulter une augmentation des montants payés par les entreprises. Cela inquiète nombre de chefs d’entreprise, qui se demandent si cette augmentation ne risque pas de leur faire perdre les gains qui doivent résulter de la réforme de la taxe professionnelle. Il ne serait pas honnête de leur reprendre d’une main ce qu’on a promis de leur donner de l’autre.

Il serait donc souhaitable d’associer les chefs d’entreprise, par le biais de leurs organisations représentatives, aux travaux de révision des bases locatives. Des commissions départementales ont été créées, elles pourraient servir à cela. Ce travail en association avec les contribuables ne peut être que bénéfique et pourrait éviter des levées de bouclier lors de l’arrivée des avis d’imposition.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 110 et 111, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Ce sont des amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 110 et 111, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 10.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je voudrais, à l’occasion de cet amendement, féliciter vos services, monsieur le ministre, pour la qualité de leur travail sur l’article 17. Le sujet n’était pas facile ; c’est un serpent de mer depuis vingt ans, et la manière dont il est abordé ici laisse enfin présager du succès de la démarche.

Il s’agit de s’occuper exclusivement des locaux professionnels – commerce et professions libérales – et d’effectuer un travail de révision à produit constant. En aucun cas, monsieur Tardy, les entreprises ne seront surtaxées au profit des ménages, car la réforme est étanche. En revanche, elle va en effet produire des transferts entre locaux professionnels : les uns paieront plus, les autres moins.

Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que l’appréciation de la valeur locative de ces locaux est la plus obsolète de toutes les valeurs locatives, puisqu’elle remonte à 1970. Ces évaluations administratives reflètent la valeur des baux de l’époque, sans rapport avec celle d’aujourd’hui.

À plusieurs reprises, ces vingt dernières années, on a tenté de revoir le système, en s’y prenant d’abord de manière trop ambitieuse et en voulant traiter à la fois la question des locaux professionnels et des locaux d’habitation. Ici, la démarche est expérimentale, mais porte néanmoins sur trois millions de locaux professionnels, après lesquels nous passerons, je l’espère, aux locaux d’habitation.

Le Gouvernement nous propose, dans un premier temps, d’opérer des simulations dans une demi-douzaine de départements en 2011. Il s’agira, après consultation des représentants des professionnels siégeant dans les différentes commissions, de définir la valeur de tous les baux commerciaux, grâce notamment à la création de secteurs. Si l’expérience se révèle satisfaisante, elle sera étendue en 2012-2013 à l’ensemble du territoire. Mais c’est seulement en 2014 que les feuilles d’imposition traduiront ces résultats. Il s’agit donc d’une démarche approfondie, systématique et progressive.

Le ministre a déjà tenu plusieurs réunions de concertation cet été. Pour avoir participé à deux d’entre elles, je peux dire que le climat était très constructif. D’autres réunions, plus techniques, se sont bien passées également, je crois.

Il nous arrive de critiquer, ou d’essayer de compléter ce que propose le Gouvernement. Mais quand une réforme est bonne, et de surcroît bien engagée, nous savons aussi lui apporter notre complet soutien.

Pour ce qui est de l’amendement n° 10, il introduit seulement des délais de consultation plus rigoureux pour que l’échéance de 2014, qui, aujourd’hui, peut paraître assez lointaine, soit réellement tenue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je remercie M. le rapporteur général. Il a très bien fait l’historique de cette réforme importante à laquelle tous les élus locaux responsables tiennent et à laquelle l’État est également attaché. Il y faut du courage et une méthode qui fasse consensus. L’expérimentation que nous avons retenue pour l’année prochaine est probablement le seul moyen pour nous inscrire dans un calendrier suffisamment étalé pour que nous profitions du retour d’expérience et suffisamment resserré pour ne pas donner l’illusion que la réforme n’aboutira pas. 2014 est une bonne date de rendez-vous pour mettre en pratique cette réforme utile, qui en préfigure peut-être une autre, plus vaste et qui nécessite plus de temps.

Avis favorable sur l’amendement n° 10.

(L’amendement n° 10 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 112, 113, 114, 115, 117 de la commission, qui sont rédactionnels.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

(Les amendements nos 112, 113, 114, 115 et 117 sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 200.

La parole est à M. Apeleto Albert Likuvalu.

M. Apeleto Albert Likuvalu. Défendu.

(L’amendement n° 200, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 116.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il est de précision.

(L’amendement n° 116, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Après l’article 17
(amendements précédemment réservés)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot pour défendre l’amendement n° 303.

M. Nicolas Perruchot. Le barème de la taxe locale sur les publicités extérieures repose sur la notion de surface, celle des dispositifs publicitaires étant logiquement proportionnelle à la surface des magasins.

Ce barème s’applique uniformément à l’ensemble des secteurs d’activité, sans considérer les réelles spécificités de plusieurs d’entre eux, comme l’ameublement : les meubles exposés nécessitent d’importantes surfaces d’exposition, en général identiques à la surface occupée par les mêmes meubles chez les consommateurs.

En outre, ces surfaces commerciales ne sont pas des surfaces de vente stricto sensu, mais des surfaces d’exposition. Les produits finalement vendus sont soit emportés à partir d’un entrepôt jouxtant le magasin, soit livrés au terme d’un délai de fabrication.

La rentabilité de ces surfaces est donc sans commune mesure avec celle d’autres secteurs du commerce. On estime ainsi qu’il faut à un magasin de meubles six à sept fois la surface d’un magasin alimentaire pour réaliser le même chiffre d’affaires !

Les magasins d’ameublement ont donc logiquement des capacités financières bien inférieures à beaucoup d’autres pour supporter des taxes directement ou indirectement assises sur la surface.

Pour restaurer une équité devant l’impôt en prenant en compte ces spécificités et les réelles capacités contributives qui en découlent, il est proposé une réduction de 40 % du montant de la taxe locale sur les publicités extérieures pour les quatre secteurs d’activité bénéficiant déjà d’une mesure similaire au titre de la taxe sur les surfaces commerciales, pour les raisons que je viens d’évoquer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable – sauf si l’on peut modifier l’amendement en séance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement y est favorable sous réserve d’une correction pour remplacer le taux de 40 % par 30 %.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette correction ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est la proposition à laquelle je pensais, mais je me demandais si cela ne posait pas des problèmes de coordination.

M. le président. Monsieur Perruchot, acceptez-vous cette correction ?

M. Nicolas Perruchot. Tout à fait. C’est une avancée attendue.

M. le président. C’est donc l’amendement n° 303 corrigé que je mets aux voix.

(L’amendement n° 303 corrigé est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot pour défendre l’amendement n° 304 rectifié.

M. Nicolas Perruchot. Je le retire, suite au vote de l’amendement précédent.

(L’amendement n° 304 rectifié est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 206.

La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement concerne les montages financiers des universités dans le cadre du grand emprunt. Nous avions eu beaucoup de mal à trouver une solution en ce qui concerne l’exonération de taxe sur le foncier bâti. Nous y sommes parvenus, et j’espère qu’elle conviendra au Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 206 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 236.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, M. Balligand, premier signataire, n’étant pas en mesure de le présenter. (Sourires.)

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement majore les plafonds de revenu ouvrant droit à un dégrèvement de la taxe d’habitation. Aujourd’hui, ils concernent les plus modestes. Mais les valeurs locatives n’ont pas été révisées depuis 1970. Faire bénéficier les classes moyennes de ce plafonnement serait une mesure de justice.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable pour des raisons budgétaires : cet amendement coûte des centaines de millions, voire plus. Mais vous le savez bien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. Je mets donc aux voix ce malheureux amendement. (Sourires )

(L’amendement n° 236 n’est pas adopté.)

M. François Baroin, ministre. Je souhaiterais une brève suspension de séance.

M. le président. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l'article 17 (suite)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 247.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Mes chers collègues, sur le terrain, nous avons tous été interpellés par les auto-entrepreneurs concernant les sommes qui leur sont réclamées au titre de la fameuse CFE, la contribution foncière des entreprises.

Je ne vous cache pas que leurs propos sont parfois violents. Plus d’un m’a dit qu’il y avait tromperie sur la marchandise, puisque le statut d’auto-entrepreneur leur ayant été proposé avec une idée centrale : « Pas de chiffre d'affaire, pas de taxes ».

Or voilà qu’on entend leur faire payer un impôt alors même qu'ils n’auraient pas touché le moindre revenu sur leur activité. Je dois bien admettre que, quelque part, ils ont raison.

Le statut de l’auto-entrepreneur a clairement été présenté comme un statut simplifié au maximum, donnant lieu à un prélèvement fiscal global et à un prélèvement social dont les montants devaient être calculés en fonction du chiffre d'affaires. Pour beaucoup d’auto-entrepreneurs, c’était la garantie d'une tranquillité d'esprit sur ces sujets. Pourtant, alors qu’ils ne s’y attendaient pas, un avis d'imposition leur a été adressé. Je comprends leur colère et leur déception.

En fait, je m'inquiète surtout pour l'avenir de ce statut car cette affaire a porté un coup psychologique énorme aux auto-entrepreneurs, et a brouillé toute la communication précédemment faite autour de ce statut.

Il faut donc apporter une solution claire à ce problème, et ce n’est pas ce qui a été fait jusqu’à maintenant.

En effet, au Sénat, le rapporteur général du budget a fait voter un amendement qui assujettit les auto-entrepreneurs à la contribution pour la formation professionnelle. Cette taxe s’ajoute donc au prélèvement forfaitaire, ce qui constitue un nouveau coup de canif dans le contrat.

De son côté, le Gouvernement a fait voter par les sénateurs une exonération de CFE, mais elle ne porte que sur les premières années d’activité des auto-entrepreneurs. Elle n’a donc rien de pérenne, ce qui signifie qu’elle ne règle absolument pas la question.

Mon amendement propose une solution pérenne en inscrivant les auto-entrepreneurs dans la longue liste des professions ou des statuts bénéficiant d'une exonération de CFE.

Mes chers collègues, nous sommes vraiment à un tournant : l’avenir du statut d'auto-entrepreneur est en jeu. Si nous ne maintenons pas les règles fixées au départ, à savoir un prélèvement forfaitaire en fonction du chiffre d'affaires et la règle « pas de chiffre d'affaires, pas de charges », nous tuons ce statut, ni plus, ni moins.

Au-delà, nous briserions la relation de confiance qui s'est nouée entre notre majorité et les auto-entrepreneurs. Ils nous ont suivis ; ils se sont lancés, et voilà que nous les prenons à revers.

Après avoir porté un coup aux jeunes entreprises innovantes, nous recommençons en direction des créateurs d'entreprises. J'ai été élu pour soutenir l'activité économique et aider ceux qui prennent des risques et créent de la richesse ; certainement pas pour leur briser les reins !

Nous le disons souvent dans cet hémicycle : notre économie souffre de trop de changements de règles, quand elle ne demande que la stabilité juridique et fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’avis de la commission est défavorable, notamment compte tenu de ce qui a été adopté en la matière au Sénat, mais le ministre en parlera beaucoup mieux que moi.

Monsieur Tardy, nous soutenons tous le statut d’auto-entrepreneur. Cependant, il faut que nous fassions attention à préserver un équilibre entre les auto-entrepreneurs et les entreprises artisanales.

M. Pierre-Alain Muet. Vous avez parfaitement raison !

M. Gilles Carrez, rapporteur général. À partir du moment où l’auto-entrepreneur enregistre un chiffre d’affaires, une recette, il y a lieu à fiscalisation. Certes, le mécanisme doit être simplifié, mais ce n’est pas pour autant que les auto-entreprises doivent être exonérés d’impôt au seul motif qu’elles bénéficient de ce statut.

Je reprendrai l’exemple de la cotisation minimale de taxe professionnelle. Si nous n’avions pas réformé la TP, le problème se serait posé à l’identique : une cotisation minimum a toujours existé sur la base d’un local de référence. Un petit épicier qui dégage un très faible chiffre d’affaires est ainsi assujetti à une cotisation minimale ; et cela est normal. En effet le lien fiscal fait partie du lien de citoyenneté qui est tissé entre le particulier ou l’entreprise et les services que lui apporte la collectivité – par exemple, la mairie. La contribution aux charges de la collectivité doit être respectée.

En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, il faut trouver une solution équilibrée. Comme le ministre vous le dira, il me semble que c’est ce qu’a fait le Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Monsieur Tardy, le problème que vous posez est réglé. Nous lui avons apporté deux solutions.

Tout d’abord, une directive de mon ministère, adressée aux directions départementales des finances publiques, précise que les auto-entrepreneurs qui ont reçu un avis d’imposition mais qui ne dégagent pas de chiffre d’affaires ne sont pas imposables. N’ayant pas de doctrine sur le sujet, l’administration fiscale avait envoyé des avis d’imposition mais, aujourd’hui, le problème est réglé. Vous pouvez donc rassurer les auto-entrepreneurs qui, à juste titre, ont pu être surpris d’être imposés alors qu’ils n’avaient pas eu d’activité.

Ensuite, les modalités d’accord avec le Sénat lèvent l’hypothèque concernant l’année 2011.

En conséquence, il me semble que votre amendement est désormais sans objet.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je partage la position du ministre et du rapporteur.

Il ne faut pas que le statut d’auto-entrepreneur, créé pour simplifier l’activité de l’entreprise, devienne un moyen de s’exonérer de l’impôt ; ce n’est pas son objet.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il ne faut pas qu’il devienne une sorte de zone franche !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le principe d’une participation fiscale des auto-entrepreneurs est légitime. Le problème, c’est que tout cela a été mal expliqué.

Sur les 500 000 auto-entrepreneurs dénombrés, quasiment les deux tiers ne génèrent pas de chiffre d’affaires : vous comprenez donc qu’il y ait un malaise. Beaucoup d’entre eux ont voulu se lancer, tester une idée. Ils pouvaient le faire d’autant plus facilement que nous avions annoncé que, s’ils ne généraient pas de chiffre d’affaires, ils ne paieraient pas d’impôt. Or, finalement, il y a une ambiguïté sur ce point, et ils ne savent pas exactement ce qui va arriver. Il faut donc vraiment que le Gouvernement fasse passer un message fort pour les rassurer.

L’exonération de la cotisation foncière des entreprises pour les premières années peut être une bonne idée. En effet, le statut d’auto-entrepreneur, qui ne peut concerner qu’une seule personne, a vocation à permettre une évolution vers un autre statut. Il s’agit d’un palier qui permet à l’entreprise d’accéder, après un ou deux ans, à un autre palier. Cela dit, puisque, dans ces délais, la plupart des auto-entrepreneurs cesseront leur activité ou changeront de statut, pourquoi ne pas maintenir l’exonération sur la durée ?

(L'amendement n° 247 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 367.

La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing.

M. Louis Giscard d'Estaing. Je vous prie d’excuser l’absence de M. Patrice Martin-Lalande, premier signataire de cet amendement qui vise à sécuriser le régime fiscal applicable aux vendeurs-colporteurs de presse.

Il s’agit d’indiquer explicitement dans le code général des impôts que ces derniers, qui étaient exonérés de taxe professionnelle avant sa réforme, le sont aujourd’hui du paiement de la CFE.

(L'amendement n° 367, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 315.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement a pour objet de plafonner la CFE à 2,4 % du chiffre d’affaires annuel des entreprises exerçant une activité de vente de marchandises, d’objets, de fournitures, de denrées à emporter ou à consommer sur place, ou une activité de fourniture de logement. Ce plafonnement serait de 1,5 % du chiffre d’affaires pour les entreprises exerçant une activité de service.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Avis défavorable. Il existe déjà un plafonnement sur l’ensemble de la contribution économique territoriale de l’entreprise, fixé à 3 %.

Toutefois, monsieur Perruchot, il est vrai qu’une question se pose concernant l’éventuel plafonnement de la cotisation minimale. Mais, en la matière, nous sommes décidés à trouver la bonne solution dans les mois prochains.

M. le président. Monsieur Perruchot, maintenez-vous votre amendement ?

M. Nicolas Perruchot. Je le maintiens.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

(L'amendement n° 315 n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 12.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je laisse à M. Mancel le soin de défendre cet amendement, qui a été adopté par la commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Je remercie M. le rapporteur général, dont le soutien m’a permis d’emporter l’adhésion de la commission des finances. J’espère convaincre également l’Assemblée et, surtout, le Gouvernement, car cet amendement tend à réparer une injustice, probablement due à un problème de chronologie.

L’article 1478 du code général des impôts prévoit une réduction pro rata temporis de la valeur locative des équipements et biens immobiliers utilisés dans le cadre d’une activité saisonnière ; sont notamment visés les cafés, les entrepreneurs de spectacles, les entrepreneurs de jeux et les discothèques. Toutefois, les parcs d’attraction et de loisirs, dont l’activité est similaire, ne sont pas mentionnés dans cette disposition, vraisemblablement parce que l’expression « parc d’attraction et de loisirs » n’existait pas à l’époque où elle a été rédigée.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Tout à fait !

M. Jean-François Mancel. Or, les services fiscaux, qui font, à juste titre, une application extrêmement rigide du texte, excluent les parcs d’attraction et de loisirs du bénéfice de la réduction, au motif que ces derniers ne figurent pas dans la liste limitative de l’article 1478 du code général des impôts. Je propose donc de réparer cette injustice.

(L’amendement n° 12, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 302 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement a pour objet de calculer la valeur ajoutée servant au calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, non plus entreprise par entreprise, mais au niveau des groupes. Tel était, du reste, le sens d’un amendement déposé par le rapporteur général sur le projet de loi de finances initiale pour 2011, amendement qui a été adopté puis rejeté lors de la seconde délibération. Il nous semble logique que cette modalité de calcul soit appliquée, à l’heure où les entreprises sont très souvent organisées de manière globale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. L’idée nous paraît bonne, mais nous ne disposons pas de simulations et le Gouvernement demeure très réticent à accepter une telle mesure. Il a d’ailleurs refusé un amendement identique au Sénat.

(L’amendement n° 302 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 235.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il est défendu.

(L’amendement n° 235, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 11.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement étend à la CVAE l’information dont bénéficient les collectivités locales au sujet des impositions sur rôle, afin qu’elles puissent en connaître le montant par redevable. Cette mesure est d’autant plus nécessaire que le produit de cette nouvelle cotisation sera réparti entre les différentes collectivités : 25 % iront à la région, 48,5 % au département et 26,5 % à l’échelon communal ou intercommunal.

(L’amendement n° 11, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 340 rectifié et 366 rectifié.

La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l’amendement n° 340 rectifié.

M. Nicolas Perruchot. La réforme des chambres de commerce, qui est entrée en application, a notamment pour effet de les priver d’une partie de leurs recettes initialement prévues.

En effet, l’article 3 de la loi de finances pour 2010 prévoyait qu’en 2010, les ressources des chambres de commerce seraient égales à un pourcentage de la TATP acquittée au titre de 2009. Mais le réseau des chambres de commerce vient de constater un défaut de recouvrement de TACFE d’environ 52 millions d’euros, susceptible de concerner à peu près 1 000 emplois. Il convient donc de trouver les moyens d’appliquer correctement la réforme. Je rappelle, du reste, que l’évolution sera importante au niveau régional et qu’elle nécessitera des moyens identiques.

Cette moindre recette fiscale s’expliquerait par le fait qu’aucune TACFE 2010 n’a été recouvrée auprès des redevables qui ne disposaient localement que d’équipements et biens mobiliers, et ce en contradiction avec la loi de finances. Pour retrouver ces 52 millions d’euros manquants, plusieurs solutions peuvent être proposées. Celle qui est suggérée par cet amendement consiste à supprimer, pour 2010, le prélèvement de France Télécom auquel elles sont assujetties, ce qui permettrait de leur réattribuer 28 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission reconnaît que les chambres de commerce subissent un manque à gagner incontestable de 50 millions. Il faut remédier à ce problème. Or, je crois que le Gouvernement va nous proposer un amendement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle, qui défend un amendement identique n° 366 rectifié.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur l’explication que vient de donner mon collègue Perruchot, mais il nous faut, en effet, trouver une solution. J’ai lu l’amendement que vous allez nous présenter dans quelques instants : s’il règle, me semble-t-il, le problème pour l’avenir, rien n’est en revanche prévu pour l’année 2010.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Le Gouvernement présentera en effet dans un instant un amendement n° 390 portant sur ce problème. Il est donc défavorable aux amendements proposés.

Peut-être pourrais-je présenter maintenant le n° 390.

M. le président. Volontiers, monsieur le ministre. Cela permettra d’éclairer la représentation nationale.

M. François Baroin, ministre. Nous sommes bien conscients qu’en raison de la crise économique, le montant de la taxe additionnelle à la CFE pour l’année 2010 est inférieur au montant qui était attendu par les CCI. L’amendement du Gouvernement vise donc à ne pas tenir compte de l’impact de la crise pour le calcul des taxes additionnelles à la CFE et à la CVAE des années 2011 et suivantes. Il s’agit d’un dispositif en « escalier », relativement doux.

Toutefois, une interrogation demeure en ce qui concerne les 50 millions manquants pour 2010. Sur ce sujet, nous poursuivons les discussions, dans la perspective de l’examen du texte au Sénat ou en CMP. Nous avons encore besoin de quelques jours de réflexion.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Sous le bénéfice de l’explication donnée par M. le ministre, je retire l’amendement n° 340 rectifié. Toutefois, comme l’a dit mon collègue Vandewalle, la solution que nous proposions aurait permis de régler le problème dès cette année. J’espère que nous n’aurons pas à y revenir une nouvelle fois, car, au-delà des 50 millions, ce sont des emplois qui sont en jeu.

M. Yves Vandewalle. Je retire l’amendement n° 366 rectifié.

Je retire également l’amendement n° 60 qui a trait à la même question.

(Les amendements nos 340 rectifié, 366 rectifié et 60 sont retirés.)

M. le président. Nous en revenons à l’amendement n° 390. Je considère qu’il a été défendu par M. le ministre.

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Il existe deux solutions au problème soulevé par nos collègues.

La première consiste à « rebaser », ces 50 millions étant dus à compter de 2011. Ainsi que l’a rappelé M. Perruchot – et tout le monde s’accorde sur ce point –, le produit de la taxe doit diminuer progressivement afin d’inciter les chambres de commerce à mieux maîtriser leurs dépenses. Mais il ne faut pas que le niveau de départ soit artificiellement abaissé par ce manque de 50 millions. La proposition du Gouvernement – qui correspond à la position a minima de la commission des finances – règle donc cet aspect de la question.

Reste le problème des 50 millions manquants en 2010. mais, si j’ai bien compris, M. Baroin va tenter de trouver une solution au Sénat.

La commission est favorable à l’amendement n° 390.

(L’amendement n° 390 est adopté.)

Article 18

(Précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 18, je suis saisi d’un amendement n° 350.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Le dispositif du bonus-malus automobile a remporté un grand succès, mais, l’année dernière, il a coûté 528 millions d’euros à l’État. Aussi souhaitons-nous revenir à l’idée qui a présidé à sa création, et qui avait été défendue au cours des travaux du Grenelle de l’environnement, à savoir que l’opération doit être neutre pour le budget de l’État, le produit du malus compensant le coût du bonus. Il est d’autant plus souhaitable d’en revenir à l’esprit initial du dispositif que les finances de l’État ne permettent pas aujourd’hui de faire bénéficier le secteur automobile d’une manne aussi importante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable. Néanmoins, je souhaiterais rappeler à M. le ministre quelques chiffres qui démontrent que le coût du dispositif de bonus-malus automobile a fait l’objet d’une sous-évaluation systématique, extrêmement préoccupante.

En 2008, c’est-à-dire l’année de la création du dispositif, le ministère compétent s’est engagé à ce que le dispositif soit équilibré, c’est-à-dire à ce que le malus compense le bonus, de sorte qu’il ne devait pas aggraver le déficit public. Toutefois, à la fin de l’année, nous avons constaté que son coût s’élevait à 214 millions. En 2009, il était prévu que le bonus serait supérieur au malus de 161 millions ; or, le coût final sera supérieur de 500 millions ! En 2010, il était prévu que dispositif coûterait 126 millions ; il en coûtera en réalité 570. Pour 2011, le surcoût du bonus par rapport au malus est estimé à 150 millions, et j’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous disiez ce que vous pensez du réalisme de cette évaluation…

S’agissant du crédit d’impôt développement durable, prévu à l’article 200 quater, je rappelle qu’en 2009, la prévision était d’1,5 milliard et que l’exécution a été de 2,8 milliards. Quant à la CSPE, son surcoût s’est élevé à 500 millions en 2008 et à 1,6 milliard en 2009.

Ces dépassements se chiffrent en milliards d’euros ! Il faut donc que nous soyons dorénavant très attentifs à ce type de dispositifs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Monsieur le rapporteur général, vous êtes pour la paix des ménages, actuels ou dissous. (Sourires.) Comme vous le savez, ma position rejoint la vôtre. Beaucoup de secteurs relevant du développement durable connaissent une surchauffe, et nous devons y remédier – c’est d’ailleurs ce à quoi nous nous employons à propos du photovoltaïque et du bonus-malus automobile.

C’est une des raisons pour lesquelles la conférence des finances publiques, présidée par le Président de la République, a décidé que les mesures de nature fiscale dérogatoires au droit commun devaient être examinées exclusivement dans le cadre du projet de loi de finances, afin que les mesures destinées à soutenir tel ou tel secteur, en fonction des priorités retenues, s’inscrivent dans le respect de l’équilibre budgétaire global et dans la perspective d’une réduction des niveaux de déficit.

Encore une fois, nous partageons le même objectif, monsieur le rapporteur général – mais je ne vous apprends rien.

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 350.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Si nous avions déposé un simple amendement de correction, qui ne prévoirait pas un dispositif pérenne, je comprendrais la position du Gouvernement. Mais nous proposons une solution qui garantit la neutralité du dispositif pour l’État, qui plus est dans une période où l’on nous réclame de plus en plus d’économies. Encore une fois, et Gilles Carrez vient de le rappeler, ce dispositif a fait l’objet, depuis sa création, de sous-évaluations systématiques. Qu’est-ce qui nous empêcherait d’aider le Gouvernement à réduire les déficits en retenant un principe plus réaliste et collant beaucoup plus à la réalité de ce marché très cyclique ? Sincèrement, une opération neutre serait beaucoup plus utile. Je comprends, monsieur le ministre, qu’on ne puisse proposer de mesures dérogatoires que dans une loi de finances et, si nous en étions à la première année de dépassement, vous pourriez proposer de faire une évaluation pour que nous en reparlions l’année prochaine ; mais les dépassements sont systématiques et les prévisions toujours basses pour tromper malheureusement la maquette budgétaire. Ce n’est pas logique.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je vous prie de m’excuser, monsieur Perruchot, je n’ai pas répondu sur le fond de vos propositions.

Les augmentations du malus proposées par le Gouvernement sont déjà très fortes et il faut bien être conscient de ceci : si vous prévoyez des niveaux exorbitants, vous n’aurez plus de recettes, tout simplement parce que ce type de véhicules ne sera plus acheté. C’est un peu la discussion que nous avions hier sur le tabac, et je n’étais pas tout à fait d’accord avec mon collègue et ami Yves Censi quand il est intervenu sur le sujet. Il y a des risques de transfert, et vous pouvez en quelque sorte tuer la poule aux œufs d’or. La proposition du Gouvernement est équilibrée.

Lorsque je vous ai donné les écarts entre les prévisions et les réalisations, j’ai été un peu injuste sur l’année 2010 et en partie sur l’année 2009. En effet, dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a mis en place la prime à la casse pour soutenir l’industrie automobile, et il y a eu une synergie qu’on ne pouvait pas prévoir entre la prime à la casse et le bonus. Le résultat a été spectaculaire : les Français ont acheté un grand nombre de voitures, et un grand nombre de voitures propres. Il y a donc eu de nombreux bonus et de nombreuses primes à la casse, mais cela a eu l’effet que nous souhaitions, c’est-à-dire soutenir notre industrie automobile pendant la crise économique.

Ce sont des ajustements un peu délicats, il ne faut pas se tromper sur les curseurs, et le tableau proposé dans l’article 18 me paraît raisonnable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. J’ai un point de désaccord avec Gilles Carrez sur ce sujet. Regardez l’évolution des ventes, notamment celles des gros 4x4, puisqu’ils sont principalement concernés, ou des voitures de grosse cylindrée. Les ventes sont pyramidales et elles ne représentent évidemment pas le plus gros volume, malheureusement ou heureusement, je n’en sais rien. Le marché n’est pas uniforme et la majorité des ventes concernent des taux d’émission entre 150 et 200 grammes. Nous devrions peut-être avoir des éléments encore plus précis que ceux qui sont à notre disposition pour pouvoir en discuter correctement.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur Perruchot, je vous trouve un peu injuste et un peu sévère, sévère par rapport à la doctrine que nous avons définie dans la loi de finances, par rapport aux mesures proposées, que, pour ma part, je trouve évidemment équilibrées puisque j’ai rendu les arbitrages, et un peu sévère aussi parce que vous ne tenez pas compte du fait que nous ayons supprimé les avantages fiscaux des entreprises qui achètent des 4x4. Je crois que nous sommes tout de même allés suffisamment loin pour montrer notre volonté de refroidir le dispositif.

M. Nicolas Perruchot. Dont acte !

(L’amendement n° 350 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 207.

La parole est à M. Apeleto Albert Likuvalu.

M. Apeleto Albert Likuvalu. Je ne reviens pas sur le système du bonus-malus, je pense qu’il a été bien expliqué.

Par cet amendement, nous proposons de faire passer d’ici à 2012 le malus écologique de 2600 à 3600 euros pour les véhicules les plus polluants émettant plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre,

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est pratiquement le même amendement que celui de M. Perruchot, je fais donc la même réponse. Il était difficile de calibrer les choses et la proposition du Gouvernement me paraît bonne.

(L’amendement n° 207, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 18 est adopté.)

Article 19 (précédemment réservé)

M. le président. L’article 19 ne fait l’objet d’aucun amendement.

(L’article 19 est adopté.)

Article 20 (précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 248.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement est défendu.

(L’amendement n° 248, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20
(amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 314 rectifié portant article additionnel après l’article 20.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Lors du vote de l’article 5 de la loi de finances de 2009, nous avions prévu une clause de revoyure annuelle du niveau de défiscalisation des biocarburants, en fonction de l’évolution des conditions économiques, à savoir l’évolution du prix du baril de pétrole et celle de la parité entre l’euro et le dollar, qui sont des données essentielles pour l’équilibre du dispositif.

Le prix du baril de pétrole et la parité entre l’euro et le dollar ont sensiblement évolué depuis mais, surtout, les prix des différentes matières premières agricoles servant à produire les biocarburants ont largement augmenté. La compétitivité des filières de biocarburants s’est donc fortement dégradée depuis le vote de la loi de finances de 2009.

Nous vous proposons donc de prévoir dès maintenant le maintien du niveau de la défiscalisation pour 2012 et 2013 afin d’accroître la lisibilité du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Gilles Carrez, rapporteur général. Défavorable, et je suis absolument sûr d’avoir le soutien total du ministre sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Yves Vandewalle.

M. Yves Vandewalle. J’avais déposé après l’article 31 un amendement qui a été déclaré irrecevable en vertu de l’article 40, et qui concernait le biogazole de synthèse. Ce biocarburant d’excellente qualité est victime d’une distorsion de concurrence car seule la voie de valorisation par estérification des huiles usagées et des huiles animales bénéficie de la double comptabilisation de l’incorporation.

Mon amendement tendait à supprimer cette distorsion de concurrence entre les deux voies de valorisation. Ce ne sera pas possible puisqu’il n’arrivera même pas en discussion dans l’hémicycle mais j’espère, monsieur le ministre, que l’on pourra trouver une solution.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Je connais moins bien le biogazole de synthèse. Est-ce un ester de méthyle de colza développé sur les ex-jachères exploitées par les organismes stockeurs pour développer ces filières de biocarburant ? En tout cas, je fais abstraction de ma position personnelle, que chacun connaît, pour défendre celle du Gouvernement, qui est défavorable à une telle disposition.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. Monsieur le ministre, nous avons longuement évoqué la défiscalisation des biocarburants lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, et j’associe à mes propos un grand nombre de mes collègues de la majorité, notamment notre président de groupe Christian Jacob, Mme Vautrin, M. Herth ou M. Mancel, qui défendent cet amendement parce qu’il n’a pas d’incidence budgétaire, du moins pour cette année, et qu’il permet d’installer pour longtemps les filières de biocarburant.

Cela fait longtemps que l’on évoque ce sujet. Nous avions déjà présenté un amendement l’année dernière et, au Sénat, vous aviez levé le gage. Nous en représentons un à l’Assemblée parce que cela nous semble essentiel pour les filières de biocarburants. Le rapporteur général indiquait il n’y a pas très longtemps que 3,8 milliards d’euros d’aide fiscale avaient déjà été engagés ; ces filières doivent avoir une vision à long terme. L’an dernier, lors du vote de l’article 5 du projet de loi de finances, nous en avions longuement discuté et nous avions prévu un délai de trois ans qui prendra fin en 2011, mais elles ont besoin d’avoir une vision à plus long terme, jusqu’à 2012, 2013, ce qui est beaucoup plus confortable.

Comme il n’y a pas d’incidence budgétaire cette année, je ne comprends pas, monsieur le ministre, que vous n’alliez pas dans leur sens. Vous savez quel en est l’intérêt pour l’ensemble des agriculteurs et des industriels concernés. Ces filières sont créatrices d’emplois, donc de croissance. Nous souhaiterions donc que vous puissiez nous accompagner dans cette démarche puisque, je le répète, cela n’aura pas d’incidence budgétaire, au moins pour cette année.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. Nous avions eu un très long débat l’année dernière, et sa conclusion, telle que je l’avais comprise, consistait à prévoir une défiscalisation jusqu’en 2011, et pas au-delà. Il est vrai que c’est dégressif mais cela représente plusieurs centaines de millions d’euros chaque année, plusieurs milliards depuis qu’elle existe.

Certes, c’est un soutien à l’agriculture, mais il faut aussi tenir compte des finances publiques et c’est une dérogation par rapport à la règle fiscale générale. Je ne veux pas employer le mot de niche fiscale, qui ne me paraît pas approprié, mais il n’en demeure pas moins que c’est une défiscalisation et que les enjeux sont très importants.

Je préfère donc que, comme nous en étions convenus, l’on traite le problème l’année prochaine car, si l’on prévoit dès maintenant une prolongation en 2012 et 2013, nous serons en situation extrêmement difficile lorsque nous aborderons la discussion du projet de loi de finances pour 2012 qui, croyez-moi, madame Vasseur, ne sera pas une mince affaire.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Vasseur.

Mme Isabelle Vasseur. J’aurais pu citer votre nom, monsieur le président, puisque vous aviez également défendu cet amendement.

J’ai bien compris, monsieur le rapporteur général, que l’examen de la prochaine loi de finances serait compliqué. Il est bien clair qu’il n’est pas dans l’optique de la majorité d’aller contre la réduction de la dépense publique mais, dans la mesure où certains d’entre nous font preuve de ténacité et de perspicacité sur le sujet, nous y travaillerons encore, n’en doutez pas, et nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine.

M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est bien noté !

(L’amendement n° 314 rectifié est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 322.

La parole est à M. Nicolas Perruchot.

M. Nicolas Perruchot. Cet amendement poursuit un combat que mène depuis longtemps Charles de Courson et que les membres de la commission des finances connaissent bien.

Il a pour objet de réduire le nombre de sacs à déchets non biodégradables dans un délai raisonnable, trois ans. Si, à la date du 31 décembre 2013, le pourcentage de ces sacs était supérieur à 25 %, le présent amendement ne rentrerait pas en vigueur. Cela nous semble aller dans la logique de ce qui a été fait précédemment sur ce sujet, qui est important notamment pour la biodiversité.

(L’amendement n° 322, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, en raison de certains impératifs, je sollicite la levée de la séance.

M. le président. Nous allons lever la séance, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, tâchez d’être tout à l’heure présents à vingt et une heures trente précises, si vous ne voulez pas finir trop tard, car il reste 145 amendements en discussion. Je vous demanderai également d’être aussi concis que possible dans vos prises de parole.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures trente.)