XVIe législature
Session ordinaire de 2023-2024

Deuxième séance du lundi 13 mai 2024

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Deuxième séance du lundi 13 mai 2024

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet

Mme la présidente

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

    1. Modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie

    Suite de la discussion d’un projet de loi constitutionnelle

    Mme la présidente

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (nos 2424, 2611).

    Discussion des articles (suite)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Cet après-midi, l’Assemblée a entamé la discussion de l’article 1er, s’arrêtant aux amendements identiques nos 11 et suivants.
    Sur ces amendements, je suis saisie par les groupes Renaissance et Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 11, 27, 37, 43 et 183, visant à supprimer l’article.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 11.

    M. Arthur Delaporte

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    Si nous souhaitons tous que les débats se tiennent dans la sérénité, il n’en demeure pas moins que la situation est très tendue. Il nous incombe donc de ne pas jeter d’huile sur le feu. (M. Antoine Léaument applaudit.)
    L’article 1er a contribué à créer la tension que nous connaissons. En effet, comme nous avons eu l’occasion de le dire dans notre motion de rejet, pour la première fois depuis 1988, le législateur est appelé à réformer les règles régissant la composition du corps électoral des assemblées provinciales et, partant, l’accès à la citoyenneté calédonienne sans qu’il y ait eu un accord local. Il suscite ainsi des tensions identitaires.
    Nous avons évoqué tout à l’heure une situation de décolonisation inachevée. Dans sa résolution de décembre 2013 relative au peuple calédonien, l’assemblée générale de l’ONU expose qu’il faut continuer à l’accompagner dans son émancipation. Cela signifie que le processus par lequel les dérogations concernant le corps électoral sont accordées n’est pas abouti.
    Vous avez tenu, monsieur le ministre de l’intérieur, de grands discours sur le principe d’universalité, mais que consacre cette loi, sinon une dérogation à un tel principe ? En reconnaissant l’existence d’un corps électoral glissant pour les élections provinciales, nous n’alignons le droit applicable en Nouvelle-Calédonie ni sur le droit régissant les élections au suffrage universel en métropole, qui sont ouvertes à tous, ni sur celui régissant les élections nationales organisées en Nouvelle-Calédonie – élections municipales, législatives, européennes.

    M. Bastien Lachaud et M. Antoine Léaument

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    Et voilà !

    M. Arthur Delaporte

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    Il y a une certaine incohérence à s’affirmer universalistes et à perpétuer, dans les faits, une dérogation à l’universalisme au motif – vous l’avez reconnu – que la décolonisation n’est pas achevée. Nous devons suspendre ce processus dans l’attente d’un accord global. Seule une réforme institutionnelle permettra d’avancer de manière consensuelle vers le dégel du corps électoral souhaité par de nombreux acteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic, pour soutenir l’amendement no 27.

    M. Tematai Le Gayic

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    Comme il a été rappelé, les accords de Matignon et de Nouméa ont consacré le principe d’une citoyenneté. L’objectif était que le processus engagé s’accompagne de la création d’un vivre-ensemble, d’un destin commun, d’un peuple commun. Cette citoyenneté permet en outre la protection de l’emploi local et l’acquisition du droit de vote.
    Or le présent texte retire à la citoyenneté sa légitimité et son importance – le terme, en effet, n’y figure pas. Voteront ceux qui sont nés en Nouvelle-Calédonie ou qui y sont domiciliés depuis plus de dix ans. Le principe même de la citoyenneté n’est donc pas au principe du contrat proposé ici.
    L’objectif de la citoyenneté, j’y insiste, est la création d’un peuple : que le petit-fils de Nicolas puisse demain parler paicî, que celui de Ouamitan parle futunien, que celui de Philippe puisse parler drehu, que la force de la communauté caldoche soit reconnue par les walisiens et que les terres coutumières soient utilisées par toutes les communautés à des fins agricoles. C’est ça, le destin commun !
    Au moment où nous posons la première pierre de ce nouveau destin commun, nous ne parlons que des élections et du droit de vote en oubliant l’essentiel. Cela me gêne. Comment faire du peuple calédonien un véritable peuple, qu’il n’est pas aujourd’hui, voilà la vraie question. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement no 37.

    M. Paul Molac

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    Nous vivons un moment particulier. Le rapporteur déclare, d’une certaine manière, qu’il est attaqué sur sa terre. Mais les Kanaks ont le même sentiment. Ils ont peur de la submersion par des gens venant de la métropole et peur d’être encore plus minoritaires : là est la difficulté.
    Si nous ouvrons le corps électoral sans accord global, nous donnons l’impression de leur forcer la main, de ne pas leur laisser de choix. Cela donne des armes aux extrémistes de tous bords. (M. Arthur Delaporte applaudit.) Sans accord global et local, nous ne pourrons avancer.
    L’histoire de la Nouvelle-Calédonie est marquée par des soubresauts violents. J’appelle votre attention sur ce fait. Ne faisons pas n’importe quoi ! Nous devons être très prudents. Il n’est pas question de la France hexagonale ; la façon de penser est différente. De plus, nous ne pouvons ignorer le fait colonial. C’est pourquoi je défends cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes LIOT et LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Bien parlé !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 43.

    M. Bastien Lachaud

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    On parle souvent des accords de Matignon-Oudinot et de Nouméa en oubliant malheureusement Nainville-les-Roches où, en 1983, se réunissent les indépendantistes et les non-indépendantistes sous l’égide du secrétaire d’État aux départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) de l’époque. Les indépendantistes alors acceptent de considérer les descendants de colons, volontaires ou involontaires, qui vivent en Nouvelle-Calédonie comme des « victimes de l’histoire » avec lesquelles ils consentent à participer au processus d’autodétermination. C’est un fait unique dans l’histoire coloniale du monde entier.

    Mme Caroline Abadie

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    Justement !

    M. Bastien Lachaud

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    Jamais aucun peuple colonisé n’avait accepté que les descendants de colons se joignent au processus d’autodétermination.
    Tous les référendums qui ont eu lieu par la suite sont issus de cet accord de Nainville-les-Roches, refusé à l’époque par les non-indépendantistes.
    À lire votre texte, monsieur le ministre, vous oubliez que la Nouvelle-Calédonie a été une colonie de peuplement, à l’origine d’un profond traumatisme pour le peuple premier et pour les indépendantistes. Vous leur rappelez la lettre de Pierre Messmer de 1972 et leur faites craindre d’être submergés. L’ONU le déclare : un pays qui gère un territoire non autonome ne doit pas modifier le corps électoral d’une manière qui pourrait occasionner la submersion du peuple premier. Or c’est malheureusement ce que vous faites avec ce texte.
    Vous avez tort d’affirmer que les accords de Nouméa sont terminés. Ils ne le sont pas et doivent s’appliquer tant qu’il n’y aura pas de nouvel accord. Ils incluent l’idée de la citoyenneté calédonienne, idée qui ne peut être forcée. Elle doit être définie en commun par les Calédoniens eux-mêmes. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 183.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce que nous essayons de vous dire depuis plusieurs semaines, c’est que la méthode que vous employez pour faire passer ce texte est problématique : vous modifiez le corps électoral sans tenir compte du fait que la Nouvelle-Calédonie est un territoire à décoloniser, sans tenir compte de l’histoire de ce territoire.

    M. Jean-Victor Castor

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    Elle a raison !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous sommes dans l’incertitude. On nous fait voter un texte à marche forcée sans que nous sachions s’il ira, ou non, à Versailles – vous avez d’abord parlé de réunir le Congrès fin juin, puis début juillet –, sans savoir même s’il s’appliquera. En effet, pour reprendre votre expression, si « un accord sérieux » est trouvé, il ne sera pas tenu compte de ce texte. Mais qui décide si un accord est sérieux ? Comment laisser se dérouler les discussions avec cette épée de Damoclès ?
    Vous cherchez à imposer votre calendrier. Vous savez parfaitement que les élections pourraient être reportées à l’année prochaine, laissant aux parties le temps de parvenir à un accord global, de manière à ne pas brusquer les choses et à éviter toute explosion de violence en Nouvelle-Calédonie.

    M. Bruno Millienne

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    Vous direz la même chose dans un an !

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous ne comprenons pas cette précipitation.
    Nous avons donc déposé un amendement de suppression de l’article car nous considérons que ce texte est dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Aucun des orateurs s’étant exprimé au cours de la discussion générale eux n’a remis en cause le dégel du corps électoral. Maintenant, j’entends certains collègues dire que ce dégel va rompre les équilibres démographiques en Nouvelle-Calédonie. Soyez précis : vous êtes pour le dégel ou contre le dégel ? Je n’ai pas compris.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Nous sommes pour un accord.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    J’ai même entendu que le dégel du corps électoral allait conduire à la recolonisation de la Nouvelle-Calédonie.

    M. Bastien Lachaud

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    Qui a dit ça ?

    M. Arthur Delaporte

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    Ce n’est pas ce qui a été dit !

    M. Antoine Léaument

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    Qui a dit ça et quand ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Par ailleurs, M. Lachaud a eu raison d’évoquer l’accord de Nainville-les-Roches, mais il s’est trompé en affirmant que les non-indépendantistes y avaient participé, ce qui n’est pas vrai.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    En effet.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Le RPCR, le Rassemblement pour la Calédonie dans la République, de Jacques Lafleur, avait refusé.

    M. Bastien Lachaud

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    C’est bien ce que j’ai dit !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    En ce cas, dont acte.
    Si nous avons refusé cet accord à l’époque, monsieur Lachaud, c’est parce que nous n’avons pas à être accueillis en Nouvelle-Calédonie ; personne ne vous accueille quand vous êtes chez vous. Nous sommes nés en Nouvelle-Calédonie : nous sommes chez nous.
    D’ailleurs, si vous appliquiez votre raisonnement à la France métropolitaine, vous devriez changer de travée dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe RE ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et HOR. – Exclamations prolongées sur les bancs des groupes LFI-NUPES, SOC, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui ! Il a raison !

    M. Manuel Bompard

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    C’est insupportable !

    Mme la présidente

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    Laissez le rapporteur s’exprimer : l’hémicycle est le lieu des désaccords.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Enfin, vous dites en substance : « Attention à ce que vous faites car, sinon, vous allez créer de la violence. » Je vous dirai simplement qu’entre la démocratie et la violence, j’ai choisi mon camp.

    M. Éric Coquerel

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    Faites attention à ce que vous dites !

    M. Pierre Henriet

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    Pas de menaces, monsieur Coquerel !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Et sachez que, pour nous, la violence en Nouvelle-Calédonie ne fera jamais reculer la démocratie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est exactement ça !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer

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    Il est défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Au-delà même du fait qu’il s’agit d’un texte à valeur constitutionnelle, chacun prend la mesure de la gravité du sujet, s’agissant d’un processus entamé il y a de nombreuses années et qu’il a été difficile de mener à bien. Dès lors, il serait bon d’éviter les caricatures : elles ne sont non seulement pas nécessaires, mais elles ne font qu’abaisser le débat.
    Personne ici, en tout cas pas nous, ne prétend choisir à la place des Calédoniens et des Calédoniennes pour savoir quel doit être leur avenir commun. Personne n’a soutenu qu’il fallait maintenir tel quel le périmètre électoral. Mais nous, nous vous disons qu’on ne peut en décider à la place de 40 % de la population (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également), à savoir le peuple premier, n’en déplaise à M. le rapporteur.
    Je ne remets pas en cause votre sincérité, monsieur le rapporteur, mais la réalité, c’est qu’il y a eu une colonisation ; et ce n’est pas seulement le passé, mais aussi le présent de la Nouvelle-Calédonie. On en retrouve la marque dans les inégalités systémiques au niveau économique, social et politique. (Mêmes mouvements.) À cet égard, l’accord de Nouméa a réussi à enclencher un processus inédit dans l’histoire de notre pays, cela a été rappelé. Mais vous êtes en train de renvoyer la Nouvelle-Calédonie trente ans en arrière. (Mêmes mouvements.)
    Je constate que vous et vos collègues nous insultez à longueur de temps. (Exclamations et rires sur de nombreux bancs des groupes RE et Dem.)

    M. Bruno Millienne

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    C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

    Mme Danièle Obono

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    Cela vous fait rire mais, de toute façon, nous savons répondre à vos insultes. La vraie question, c’est l’avenir des Calédoniens et des Calédoniennes dont vous prétendez décider. Mais vous deviez écouter nos arguments et y répondre sur le fond. C’est ce que nous vous demandons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci de conclure, madame Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Et c’est au nom du peuple calédonien que nous proposons la suppression de l’article 1er, peuple dont vous prétendez… (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Max Mathiasin applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Sur ces cinq amendements de suppression, le ministre s’est contenté de donner un avis défavorable alors même qu’il y a des arguments qui, à mon avis, méritent une réponse.
    Le premier argument, monsieur le ministre, se résume en une question : pourquoi avez-vous besoin de faire cette réforme puisqu’elle n’est pas nécessaire à court terme, le Conseil d’État ayant indiqué que le dégel du corps électoral pourrait s’étendre sur une durée de dix-huit mois ?
    Deuxième argument : cet article va prolonger une situation d’inégalité d’accès au corps électoral, ce qui est d’ailleurs souhaitable dans le cadre d’un processus de décolonisation, mais contredit votre argument relatif à l’universalité.
    Le troisième, c’est que cette réforme constitutionnelle, contrairement aux précédentes, est engagée contre la volonté de certaines parties et en l’absence de consensus transpartisan à l’échelle de l’Assemblée nationale.
    Le quatrième est complémentaire du précédent : nous parlons de la citoyenneté calédonienne, dont dépend l’accès au corps électoral. C’est un point central qui devrait figurer dans un accord global. Pourquoi donc voulez-vous découper le dispositif ? Pourquoi vouloir faire passer la charrue avant les bœufs, ce qui ne fait qu’engendrer des tensions ?
    J’espère que sur ces différents points, nous obtiendrons des réponses. Mais j’ai l’impression, monsieur le rapporteur, que vous en restez à des arguments un peu simplistes (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE et HOR),…

    M. Emmanuel Lacresse

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    Oh !

    M. Arthur Delaporte

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    …répétant : « La démocratie, la démocratie, la démocratie… » Mais derrière le mot « démocratie », il y a aussi le respect de la parole donnée par la République et le fait que la Constitution a reconnu qu’il y avait des accès différenciés à la citoyenneté. Certes, nous sommes le constituant et, à ce titre, nous sommes libres, mais nous n’en devons pas moins respecter notre parole. La République française devrait s’honorer de respecter sa parole, c’est-à-dire de ne pas remettre en cause les accords signés à Matignon puis à Nouméa. (MM. Antoine Léaument et Hadrien Clouet applaudissent.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Quelques éléments de réponse sur le fond puisque nos collègues les demandent, et ce pour remettre quelque peu les choses en perspective. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Ce n’est pas à vous qu’on les demande !

    M. Philippe Gosselin

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    Les accords de Matignon et de Nouméa ont impliqué en effet un processus très singulier, totalement exorbitant du droit commun.

    M. Arthur Delaporte

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    Tout à fait !

    M. Philippe Gosselin

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    Le Parlement n’a été que le greffier de la situation et des conclusions qui émanaient des différentes parties. La recherche du consensus doit se poursuivre.
    Reste que nos débats ne portent pas uniquement sur l’accord global. Nous l’appelons aussi de nos vœux, vous le savez bien, chers collègues, puisque j’ai présidé la mission d’information sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Nous partageons vos inquiétudes et sommes d’accord sur l’importance d’aboutir à un accord global, c’est-à-dire à la fois institutionnel, économique et social, avec en toile de fond la crise économique et démographique, particulièrement intense en ce moment.
    Toutefois, il ne s’agit pas ici seulement d’un accord institutionnel, mais d’une remise en cause de droits fondamentaux ! Et pour nous, cela dépasse largement le cadre de l’accord global. Le titre XIII de la Constitution a certes permis pendant un temps, et personne n’a trouvé à y redire parce que la raison devait l’emporter, de se placer totalement en dehors des éléments fondamentaux d’une démocratie en ne respectant plus le principe « un homme, une voix » ; mais ce temps, compte tenu des référendums, est révolu. Le titre XIII, de fait, n’existe plus. Je crois donc qu’on peut parfaitement séparer la question du dégel du corps électoral des autres questions…

    M. Davy Rimane

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    Mais non !

    M. Philippe Gosselin

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    …auxquelles il est également nécessaire de répondre pour réaliser ce destin commun que nous appelons tous de nos vœux.

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il faudrait un référendum sur le dégel du corps électoral.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il me semblait, monsieur Delaporte, et je ne le dis pas pour vous être désagréable, que j’avais déjà largement répondu, à l’issue de la discussion générale, aux arguments que vous venez d’exposer. Je veux bien néanmoins réitérer mes éléments de réponse, vu l’importance du débat.
    Tout d’abord, vous vous demandez ce qui oblige le Gouvernement à proposer cette réforme dès à présent puisqu’il a encore dix-huit mois pour le faire. Mais je ne sais pas où vous allez chercher ces dix-huit mois qui ne sont pas inscrits dans le projet de loi, il ne s’agit que d’une proposition gouvernementale. Je note que c’est souvent l’opposition qui cite le Conseil d’État ; aussi permettez-moi de m’y référer à mon tour, en l’espèce les points 7 et 8 de son avis sur le projet de loi constitutionnelle – je vous invite d’ailleurs à mentionner tous les autres points, qui renforcent ceux que je vais citer : « Le Conseil d’État rappelle qu’après la troisième consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, le processus initié par l’accord de Nouméa a été complètement mis en œuvre. »

    M. Arthur Delaporte

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    Le processus n’est pas fini !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas le Gouvernement qui le dit : c’est le Conseil d’État lui-même. Il ajoute : « Si les règles qui avaient été définies par l’accord demeurent en vigueur […], l’ampleur de la dérogation qu’elles apportent au principe d’universalité – je renvoie à l’intervention de M. Guedj lors de la discussion générale – et d’égalité du suffrage tend à s’accroître avec le temps. » J’ai moi-même démontré que la liste électorale finirait par fonctionner avec des élections sans électeurs… En effet, s’il faut être né avant 1998 pour pouvoir voter aux élections provinciales, avouez que ce ne sera pas facile aux électeurs nés ou arrivés après, de s’arranger pour être tout de même nés avant cette année-là.

    M. Arthur Delaporte

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    Ça n’a rien à voir avec ce que j’ai dit !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le Conseil d’État l’écrit de manière plus juridique, mais son affirmation selon laquelle l’inégalité du suffrage tend « à s’accroître avec le temps » veut dire la même chose. En l’état actuel, une liste électorale sera demain établie pour zéro électeur en vue d’une élection… C’est absurde. « Ces règles étant consacrées par la Constitution – ajoute le Conseil d’État –, l’intervention du pouvoir constituant – vous, législateur, ou le Président de la République s’il décidait d’un référendum – est nécessaire pour les adapter afin de tenir compte de la situation présente et de son évolution, notamment démographique, en ce qui concerne la composition du corps électoral […]. »
    Le huitième point est encore plus intéressant, et il apporte de l’eau à votre moulin. Il démontre que vos arguments ne sont objectivement que sophismes : « Le Conseil d’État estime que les règles qui définissent aujourd’hui l’établissement du corps électoral de la liste spéciale pour l’élection du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie présentent un risque nouveau d’entrer en contradiction – excusez du peu ! –, d’une part avec les principes constitutionnels […], d’autre part avec les engagements internationaux de la France […]. »

    M. Arthur Delaporte

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    Ah, ça !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il est vrai qu’on peut ironiser sur le principe de la démocratie, monsieur Delaporte. Quel drôle de rapporteur êtes-vous en effet, monsieur Metzdorf, à vouloir absolument évoquer la démocratie quand on débat à l’Assemblée nationale des principes de l’élection et du suffrage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Manuel Bompard

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    Pathétique !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est vraiment étonnant de vouloir qu’une élection puisse se tenir…

    Mme Mathilde Panot

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    Soyez un peu à la hauteur du débat ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas parce qu’on crie fort, madame, qu’on a raison ; manifestement, c’est plutôt l’inverse. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je poursuis. Quel drôle de débat parlementaire : que viennent faire le Gouvernement et le rapporteur dans cette galère, à vouloir absolument que les élections puissent se tenir conformément aux principes constitutionnels qui fondent notre démocratie depuis presque deux siècles et demi ainsi qu’aux engagements internationaux de la France ? Allons !
    La vérité, c’est que vous et vos collègues ne proposez pas de solution alternative, et le rapporteur a eu raison de le souligner. Je note que personne ne remet en cause le dégel du corps électoral. Tout le monde répète à tout bout de champ qu’il faut un accord, mais il faut être au moins deux à y être prêts, sinon c’est compliqué d’y arriver. Et que proposez-vous alors si personne ne se met d’accord ? Rien du tout.

    Mme Sophia Chikirou

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    Renouez donc le dialogue !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Arrêtez de crier !

    Mme Sophia Chikirou

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    Je ne crie pas !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si vous demandez la parole, je suis sûr que la présidente vous l’accordera.
    Nous, après trois ans de discussions avec les parties, nous prenons nos responsabilités parce que nous sommes au mois de mai et que c’est ce mois-ci qu’auraient dû se tenir les élections provinciales. Eh oui, les élections devraient se tenir en ce moment même en Nouvelle-Calédonie. Nous n’avons donc pas de jours supplémentaires disponibles permettant de remettre à plus tard le vote de ce texte. Nous proposons le report des élections pour laisser le soin aux parties d’aboutir enfin à un accord mais, pour vous, pas d’élections sans accord préalable, ou alors des élections qui excluent 25 % des citoyens calédoniens.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce sont des colons !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Or, dans ce dernier cas, vous savez très bien que le Conseil d’État annulerait les résultat – son avis ne laisse pas de doute sur ce point. Si on suit votre raisonnement, tout le monde, sauf la NUPES, a tort, qu’il s’agisse des principes du droit international et des principes constitutionnels, ou encore des avis du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, lorsque nous proposons que des citoyens calédoniens puissent voter aux élections provinciales.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est la démocratie selon Mme Chikirou !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Enfin, pour terminer, vous ne répondez pas non plus au problème suivant. Vous savez comme moi non seulement que, si nous ne faisons rien, ces élections seraient annulées, ou il n’y aurait plus d’électeurs,…

    M. Arthur Delaporte

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    Nous n’en sommes pas là !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …ce qui rendrait absurde la tenue d’élections, mais aussi que la liste électorale spéciale provinciale est plus réduite que la liste électorale spéciale pour les consultations sur l’accès à la pleine souveraineté, sur laquelle sont inscrits les Calédoniens qui voteront sur le référendum d’autodétermination. Nous sommes dans une situation absurde où moins de personnes peuvent s’inscrire sur la liste destinée à l’élection des représentants locaux, qui ne décideront pas de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie mais de la vie locale, que sur la liste électorale pour le référendum d’autodétermination. C’est donc bien qu’il y a quelque chose d’ubuesque, monsieur Delaporte, dans la situation issue des accords de Nouméa. Monsieur Gosselin, à juste titre, a précisé que le titre XIII de la Constitution prévoyait des « dispositions transitoires » – c’est le constituant qui l’a écrit. Cela ne veut pas dire définitif. Jusqu’à quand ? Comme le déclare le Conseil d’État, jusqu’à la fin des trois référendums et donc du processus défini par l’accord de Nouméa.
    Vous avez en outre soutenu un argument totalement fallacieux, selon lequel nous ne pouvons pas affirmer que nous sommes universalistes tout en proposant une durée de résidence de dix ans glissants. Mais cela s’appelle le compromis politique. C’est bien la preuve que nous avons fait un compromis politique. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Pierre Henriet

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est bien la preuve, comme l’a très justement expliqué M. le rapporteur, que nous nous sommes alignés sur les demandes indépendantistes d’une durée de dix ans, et pas sur les demandes loyalistes de zéro ou de trois ans. Mais qu’à cela ne tienne, monsieur Delaporte : vous auriez pu déposer un amendement universaliste, comme y invitait M. Guedj, qui consistait à instaurer le suffrage universel direct en Nouvelle-Calédonie, ce qui, effectivement, aurait été une disposition intéressante pour les citoyens français de Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR.)

    Mme la présidente

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    Je mets aux voix les amendements identiques nos 11, 27, 37, 43 et 183.

    (Il est procédé au scrutin.)

    Mme la présidente

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        152
            Nombre de suffrages exprimés                152
            Majorité absolue                        77
                    Pour l’adoption                50
                    Contre                102

    (Les amendements identiques nos 11, 27, 37, 43 et 183 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de trois amendements, nos 44, 184 et 45, pouvant être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 44 et 184 sont identiques.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 44.

    Mme Danièle Obono

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    Il correspond précisément aux demandes actuellement en discussion. Contrairement à ce que dit le ministre, ce projet de loi constitutionnelle vise à tordre le bras à l’une des parties aux négociations en cours, alors que la porte est ouverte à la discussion, notamment sur la question soulevée par cet amendement. Nous proposons d’ouvrir le corps électoral, pour les prochaines élections provinciales, aux personnes natives, puis de définir le code électoral par un code de la citoyenneté. Une telle proposition, j’y insiste, fait partie des négociations ; elle est entendue et appréciée par une partie des indépendantistes et des nationalistes. Elle pourrait faire l’objet des discussions si celles-ci aboutissaient, comme cela est prévu par l’accord de Nouméa : au terme des trois référendums, y compris s’ils sont tous les trois négatifs, il est prévu qu’un nouvel accord soit instauré dans le cadre de la décolonisation.
    Il y a donc des propositions sur la table. Il n’est pas vrai qu’il soit nécessaire de tordre le bras à une des parties pour conclure l’accord global. Si cet amendement était adopté, le débat en la matière avancerait. Ce serait le signal du rejet de la manière brusque avec laquelle vous voulez procéder au dégel du corps électoral.
    Vous ne proposez pas qu’on fusionne les trois listes électorales qui coexistent en Nouvelle-Calédonie. Dirons-nous que vous n’êtes pas un démocrate parce que vous refusez cette fusion ? Vous ne le proposez pas parce que cela ne fait pas l’objet d’un compromis, mais ce que vous proposez non plus, car une des parties, je le répète, n’est d’accord ni avec votre manière de faire ni avec la proposition qui est sur la table. En revanche, elle serait d’accord pour intégrer une partie des natifs et discuter ensuite de la composition du corps électoral. Si vous étiez cohérents, vous soutiendriez cet amendement qui permettrait le dialogue et le compromis, au lieu de passer en force comme vous voulez le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no 184.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Monsieur le ministre, lors du débat sur les amendements précédents, vous nous avez demandé ce que nous proposions, dès lors que nous étions opposés à la proposition actuelle du dégel du corps électoral. Eh bien, nous vous faisons une proposition : d’abord, il faut être raisonnable en ouvrant progressivement le corps électoral en le circonscrivant aux natifs de Nouvelle-Calédonie. Cela permettrait d’éviter que ne se produise un changement très brusque du corps électoral actuel. Cette proposition va dans le bon sens et trancherait avec la brutalité de votre projet. Surtout, par cet amendement, un peu plus de 10 000 personnes seraient ajoutées au corps électoral pour les prochaines élections : cela permettrait une transition plus juste et plus pacifiée car vous voyez bien qu’il n’y a pas actuellement de consensus autour de votre proposition – or on ne peut pas passer en force contre les principaux concernés.
    Tout le monde, je crois, est conscient du fait que, à un moment ou à un autre, il faudra poser la question du dégel du corps électoral ; mais le problème est de savoir comment procéder et comment parvenir à un consensus avec toutes les parties. Nous proposons une voie pour sortir par le haut de cette situation et éviter que le contexte ne dégénère en Nouvelle-Calédonie. (M. Marcellin Nadeau applaudit.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 45.

    M. Bastien Lachaud

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    Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement no 44 présenté par Danièle Obono. Il vise à étendre aux natifs la liste électorale sans évoquer le code de la citoyenneté. Il faut absolument avancer sur cette voie.
    Vous dites que l’accord de Nouméa a été totalement appliqué ; c’est vrai, mais cela n’empêche pas qu’il reste en vigueur tant qu’il n’y a pas de nouvel accord. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) C’est en effet ce que prévoit ses dispositions et ce que le constituant a voté. L’État a donné sa parole. Revenir sur le caractère irréversible de l’accord de Nouméa, car c’est là ce que vous êtes en train de faire, c’est revenir sur la parole du constituant.
    De ce côté-ci de l’hémicycle, nous ne sommes pas de grands fans de Jacques Chirac, mais il faut quand même lui reconnaître le mérite d’avoir appliqué en 2007 le gel du corps électoral, qui faisait partie des négociations ayant abouti à l’accord de Nouméa, respectant ainsi la parole de l’État. Vous ne pouvez pas le nier, monsieur le rapporteur. D’ailleurs, M. Jacques Lafleur, qui était signataire de l’accord de Nouméa, s’est abstenu lors du vote sur le gel. Il n’a pas voté contre ; cette disposition n’a pas été imposée par l’État central aux Calédoniens.
    Dès lors que nous admettons que ce gel a été voté dans le cadre de l’accord de Nouméa, qui est irréversible et qui doit s’appliquer tant qu’il n’y a pas de nouvel accord, pourquoi sommes-nous ici ? Pourquoi ne laissons-nous pas le temps au temps afin que les Calédoniens se mettent d’accord sur un accord global ? En effet, il n’est pas possible de dégeler le corps électoral hors d’un accord global. Cela revient à questionner l’identité kanak. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) Cela revient à questionner la notion de colonie de peuplement. Cela renvoie à des notions qui nous dépassent et qui n’ont pas d’autre solution que la négociation pacifique. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je précise une nouvelle fois à M. Lachaud – cette question fait l’objet d’un débat régulier entre nous – que le gel du corps électoral en 2007 a été une décision unilatérale.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il n’y a pas eu d’accord.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    En effet, il n’y a pas eu d’accord politique signé par les non-indépendantistes. Je rappelle que le RPCR avait organisé à l’époque, à Nouméa, des manifestations contre le gel du corps électoral, gel auquel le sénateur Simon Loueckhote et le député Pierre Frogier étaient alors opposés. Il y a donc un précédent, une décision unilatérale prise par l’Assemblée et le Sénat pour modifier le corps électoral en Nouvelle-Calédonie.

    M. Gérald Darmanin

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    Oui !

    M. Bastien Lachaud

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    Non !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est une réalité, monsieur Lachaud, il faut l’accepter. Les Calédoniens qui ont voté l’accord de Nouméa l’ont fait sur la base d’une liste électorale reposant sur une période glissante. Vous pourrez consulter la population, ils vous répondront toujours la même chose.

    Mme Danièle Obono

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    Ben non !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    D’abord, comme l’a dit le rapporteur, s’il est bien que chacun exprime son opinion, que je respecte, il est cependant nécessaire de rappeler les faits. En réalité, Lionel Jospin avait prévu une période glissante de dix ans. (Protestations sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Arthur Delaporte

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    Non !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si !
    Ensuite, chacun le sait, c’est Jacques Chirac, en raison à la fois des liens qu’il avait avec la Nouvelle-Calédonie, notamment avec une partie des indépendantistes (Mêmes mouvements), mais aussi, il faut bien le dire, pour embêter le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy,…

    M. Nicolas Sansu

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    Non mais franchement ! Si on en est là…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …qui a décidé unilatéralement (Mêmes mouvements)

    M. Nicolas Sansu

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    C’est ça, vos arguments ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je décris la situation de 2007.

    M. Nicolas Sansu

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    J’espère que nous sommes au-dessus de ça quand même !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Vous ne pouvez pas écouter ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Chacun le sait, notamment parce que M. Frogier avait choisi, jadis, le camp de M. Balladur. La décision de geler le corps électoral a donc été prise en raison de liens avec les indépendantistes, pour assurer la paix publique en Nouvelle-Calédonie, et pour des raisons politiques.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est de la tambouille !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    M. le rapporteur a eu raison de dire qu’il n’y a pas eu d’accord électoral à l’époque. C’était une décision unilatérale du président Chirac contre l’avis d’une partie à l’accord, et même d’une partie très importante, le RPCR, auquel appartenait M. Frogier, et donc des loyalistes. Ne prétendez donc pas que, depuis toujours, il y a eu un accord en Nouvelle-Calédonie sur la constitution du corps électoral : ce n’est pas la vérité historique.
    Ensuite, la question de l’inclusion des natifs est intéressante. D’abord, vous évoquez l’extension des listes électorales comme s’il s’agissait d’une solution de repli ; c’est quelque peu étonnant. Vous avouez donc vous-même qu’il y a là une difficulté importante pour les personnes nées après 1998 en Nouvelle-Calédonie qui ne peuvent pas voter, qu’elles soient kanak ou non. Contrairement à ce que vous dites, indépendantistes et non-indépendantistes ne sont pas d’accord pour étendre les listes électorales aux natifs alors qu’ils s’opposeraient sur l’idée d’une liste électorale d’une durée de dix ans glissants. Aussi vous-mêmes êtes-vous partisans d’une décision unilatérale.
    Par ailleurs, on le sait – et vous le savez aussi, c’est pour cela que vous défendez cet argument que soutient également le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et auquel je me suis rangé dans le préaccord que nous avions dessiné –, la majorité des natifs sont issus du monde kanak. (Protestations prolongées sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Ce n’est pas vrai !

    M. Bastien Lachaud

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    C’est cinquante-cinquante !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si, c’est le cas. D’ailleurs, le FLNKS le dit. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a transmis ces informations aux partis politiques. Vous pouvez bien protester, il n’en reste pas moins que la majorité des natifs sont issus du monde kanak. Vous partez du principe que le monde kanak vote davantage pour l’indépendance, comme le montrent les arguments que vous avez défendus à la tribune, tandis que j’essayais de vous dire qu’il ne fallait pas essentialiser les personnes.
    Ce que vous a répondu M. le rapporteur est très intéressant : utilisant vous-mêmes la référence à Pierre Messmer, vous faites comme s’il y avait une équivalence entre une « colonie de peuplement » et la possibilité pour les personnes qui résident depuis plus de dix ans sur un territoire de voter aux élections locales. Vous considérez – vous avez utilisé ce terme dans trois interventions différentes – que les Kanaks seront « submergés ». (Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Vous avez une drôle de conception de la citoyenneté, fondée sur le remplacement d’une population par une autre. Je pense que M. le rapporteur a eu raison de vous rappeler que ces parallèles ne nous plaisent pas beaucoup, car nous sommes universalistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE. – Protestations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Sophia Chikirou et M. Nicolas Sansu

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    Vous admettez donc qu’il y a des études ethniques !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Je n’avais pas l’intention de répondre, mais comme M. le ministre se met à parler de 2007, de Jacques Chirac, de Lionel Jospin qui n’était pas d’accord, ou je ne sais quoi, j’évoquerai René Dosière, rapporteur à l’Assemblée de la loi organique du 19 mars 1999 relative au statut de la Nouvelle-Calédonie. Il avait rappelé lors des débats en 2006 et 2007, puis de nouveau récemment, que, si le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 15 mars 1999, a d’abord soutenu que ce n’était pas là l’esprit de l’accord de Nouméa, comme le constituant et le Gouvernement savaient ce qu’ils avaient voulu faire, la réforme constitutionnelle a cependant été amorcée.
    Dominique de Villepin – citons-le également – a de son côté déclaré le 19 février 2007 : « Aujourd’hui, il nous appartient en effet de tenir la parole donnée à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie […] depuis 1998. » René Dosière, que j’évoquais à l’instant, a expliqué pourquoi on a considéré « l’interprétation du corps électoral figé en 1998 » comme « la seule compatible avec les principes de l’accord de Nouméa, qui étaient déjà ceux des accords de Matignon. Ces derniers prévoyaient en effet que seuls les électeurs ayant leur domicile en Nouvelle-Calédonie en 1988, donc à la date de signature des accords, pourraient voter au référendum qui aurait dû avoir lieu en 1998. Un contrat était en quelque sorte passé, pour toute la durée de l’accord, avec ceux qui étaient présents au moment où il était conclu. […] L’accord de Nouméa n’est donc pas un accord définitif supposant un renouvellement périodique du corps électoral. C’est un accord conclu entre des partenaires qui définit une citoyenneté pour une période donnée ».
    Or, monsieur le ministre, tout le monde en convient, la période de l’accord de Nouméa n’est pas achevée puisque, comme je l’ai dit dans mon intervention liminaire, le point 5 prévoit que, tant qu’il n’y a pas de nouveau statut, cette période n’est pas révolue. Le principe du corps électoral gelé voté en 2007 par le constituant est donc toujours valide jusqu’à la fin de l’accord de Nouméa, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on ait substitué un nouvel accord à celui-ci. Si vous le souhaitez, je relirai le point 5, car je vois votre air interloqué. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    C’est dans l’accord, monsieur Darmanin !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je ne répondrai pas aux outrances du ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est juste que nous ne sommes pas d’accord !

    M. Bastien Lachaud

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    Notre collègue Delaporte a évoqué M. Dosière ; de mon côté, je citerai Jean-Jacques Hyest, ancien membre du Conseil constitutionnel : « L’intention sous-jacente de l’accord de Nouméa n’est pas d’instaurer un corps électoral glissant. » Les débats parlementaires permettant de comprendre ce que souhaitait le constituant, je rappellerai les propos tenus devant le Sénat par Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’État à l’outre-mer au moment des accords de Nouméa : « L’accord de Nouméa ne peut en effet être interprété que d’une seule manière. Que ce soit pour les adultes ou pour les jeunes majeurs, il pose une double condition : l’inscription au tableau annexe du 8 novembre 1998 et la résidence depuis dix ans. » Peut-on être plus clair ?
    Quant aux chiffres, vous ne cessez de nous répéter que les indépendantistes acceptent le dégel du corps électoral pour les personnes inscrites sur les listes électorales depuis dix ans. Reste que c’est pour eux une durée minimale. Ils ont ensuite réclamé une étude d’impact afin d’estimer le nombre de personnes concernées aujourd’hui et dans les dix prochaines années.

    Mme Danièle Obono

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    Voilà !

    M. Bastien Lachaud

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    Monsieur le ministre, donnez-nous ces chiffres précis. Selon vous, il y a plus de natifs d’origine kanak que d’autres origines. Pourtant, tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés nous donnent une proportion de cinquante-cinquante. Le haut-commissaire le reconnaît lui-même.
    Dites-nous ce que cela impliquera dans cinq ans. Êtes-vous au moins capable de nous dire qui est réellement inscrit sur les listes électorales de Nouvelle-Calédonie ? En effet, selon le texte, les personnes inscrites sur une liste électorale générale sont réputées résider depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie ; or rien ne nous prouve que l’inscription sur la liste électorale vaut résidence.

    M. Manuel Bompard

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    Voilà !

    M. Bastien Lachaud

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    Quand on sait que la liste électorale de Nouvelle-Calédonie n’est pas liée à la liste nationale unique, on peut supposer qu’il y a peut-être des doubles ou de mauvaises inscriptions. Bref, il y a un doute sur ce corps électoral. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Premièrement, il est tout à fait possible que ces listes électorales comportent des imperfections. C’est pour cette raison que, tous les ans, des commissions administratives se réunissent pour effectuer le toilettage nécessaire. Il n’est donc pas impossible que certaines personnes se trouvent dans une situation litigieuse.
    Cela ne remet pas en cause le principe du texte. Aujourd’hui, une partie importante du corps électoral est évincée. Sans faire l’exégèse des propos tenus, ou qui auraient pu l’être, dans le passé – voire faire parler les morts, comme le président Chirac –,…

    M. Nicolas Sansu

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    Parce que l’autre était pour Balladur !

    M. Philippe Gosselin

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    …il faut reconnaître qu’aujourd’hui, après une longue période de vingt-cinq à trente années, il est nécessaire de revoir ce corps électoral. Ce soir, nous avons progressé puisque, au cours de la discussion générale, aucun des dix groupes représentés dans l’hémicycle ne remet en cause cette nécessité. C’est plutôt intéressant car, il y a quelque temps, le principe même de modification du corps électoral n’était pas admis par certains. Aujourd’hui, nous ne discutons que du calendrier. Les députés du groupe LFI-NUPES n’ont pas dit autre chose tout à l’heure, à moins que Mme Obono n’exprime une opinion différente.
    Deuxièmement, l’exposé sommaire des amendements fait référence à l’ONU et au fait qu’il ne doit pas y avoir de remplacement de population. Or, même dans votre propre amendement de repli, il n’est pas question d’ajouter de la population, de faire venir des gens de l’extérieur, ce n’est pas un grand remplacement.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Exactement !

    M. Philippe Gosselin

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    Le rapport d’étape sur la situation en Nouvelle-Calédonie, publié il y a quinze jours par la délégation aux outre-mer, montre d’ailleurs bien l’absence d’affluence démographique : ce territoire perd plusieurs milliers d’habitants chaque année.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    Depuis tout à l’heure, j’écoute attentivement les débats et je me dis que les Kanaks ne sont pas représentés dans cette assemblée. Certains tentent de parler en leur nom. Pourquoi les Kanaks ne sont-ils pas représentés, alors qu’il s’agit de leur pays, quoi qu’on en dise ? Il y a cent soixante-dix ans, la France est arrivée en Nouvelle-Calédonie, en Kanaky. Des gens y vivaient, ils avaient leur civilisation, leur culture.

    Mme Aude Luquet

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    Ils ont toujours leur culture !

    M. Jean-Victor Castor

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    C’était leur terre ! Comme le dit mon camarade Tematai Le Gayic, ils ont leur nombril planté là. Petit à petit, ils ont été mis en minorité chez eux. On voudrait que, par l’opération du Saint-Esprit, ces premiers habitants oublient qu’il s’agit de leur terre. Au nom de la démocratie, de notre démocratie occidentale, on leur dit qu’ils doivent accepter d’être minoritaires.

    Mme Aude Luquet

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    Non !

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Il raconte des histoires, M. Castor !

    M. Jean-Victor Castor

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    Il y a toujours eu des accords et il y en aura toujours. Je pense à l’accord de Nainville-les-Roches et à tous ceux qui ont suivi, aux termes desquels les Caldoches et d’autres personnes, venues de partout, se sont entendus avec les Kanaks.
    Au nom de quoi peut-on ici, à Paris, prendre à marche forcée des décisions au nom du peuple kanak ?

    M. François Cormier-Bouligeon

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    La Nouvelle-Calédonie, c’est la République !

    M. Nicolas Sansu

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    On disait ça aussi de l’Algérie, monsieur Cormier-Bouligeon !

    M. Jean-Victor Castor

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    Cela a débuté avec la décision du Président de la République d’organiser le troisième référendum – qui n’en est pas un parce qu’à partir du moment où l’une des parties, notamment le peuple premier, refuse de participer à ce référendum, tout tombe ! Et tout s’est effondré à partir de là.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    C’est la démocratie !

    M. Nicolas Sansu

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    C’est la colonisation !

    M. Jean-Victor Castor

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    Vous vous appuyez sur la base de ce référendum pour reporter les élections ici, depuis Paris ! Dites-vous bien que les Kanaks n’arrêteront jamais leur combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme Aude Luquet

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    Arrêtez de parler pour les Kanaks !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je ne répondrai pas à ça…

    M. Nicolas Sansu

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    Ça ? C’est quoi, ça ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …mais je souligne qu’encore une fois, vous hiérarchisez les habitants de la Nouvelle-Calédonie. C’est insupportable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE. – Exclamation sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    M. Antoine Léaument

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    Ce n’est pas une hiérarchie !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Nous sommes tous égaux.

    M. Nicolas Sansu

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    Comme les colons en Algérie !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    J’arrête de le répéter car je sais que je ne vous convaincrai pas.
    M. Lachaud cite des personnalités socialistes qui ont analysé l’accord de Nouméa et ont considéré qu’on avait menti aux Calédoniens, le corps électoral étant gelé aux termes dudit accord.
    On parle beaucoup d’experts métropolitains ; permettez-moi de citer un Calédonien, un Kanak, un indépendantiste : je parle de Jean-Pierre Djaïwé, leader du Parti de libération kanak (Palika). Lorsque le Palika et l’Union calédonienne ont signé le document qui accordait jusqu’à dix ans glissants, concession faite aux indépendantistes, il a dit : « Nous restons dans la logique de l’accord de Nouméa qui avait fixé une durée de résidence de dix ans. »

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Très bien ! Excellent rappel, monsieur le rapporteur !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Voilà ce qu’a dit Jean-Pierre Djaïwé ; cet avis vaut celui de tous les experts socialistes et juridiques de toute la République française.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Voilà !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Selon les paroles d’un indépendantiste kanak, dix ans glissants, c’est l’esprit de l’accord de Nouméa.

    Mme Danièle Obono

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    Non !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Delaporte, les citoyens français – au sens très large du terme, pas simplement ceux qui sont en Nouvelle-Calédonie – ont voté pour l’accord de Nouméa,…

    M. Bastien Lachaud

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    Pas du tout !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …qui a été négocié et a fait l’objet d’un accord politique entre l’État et les indépendantistes. Cet accord prévoyait expressis verbis une condition de résidence de dix ans pour pouvoir voter aux élections provinciales. C’est le vote des Français.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Mais pas dix ans glissants !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ensuite – sans faire parler les morts, monsieur Gosselin –, le président Chirac et sa famille politique de droite ont souhaité revenir sur cette condition, voulant attendre la fin des trois référendums, en lien avec une demande des partis indépendantistes, mais sans accord des partis non indépendantistes. C’est pourquoi Dominique de Villepin a expliqué à la tribune du Congrès, à Versailles, que cette disposition, transitoire aux termes de la Constitution, serait supprimée après la tenue de deux élections provinciales et des trois référendums.
    Les citoyens français ont voté pour ce délai de dix ans. Le président Chirac, je le répète, est revenu sur cette décision et le Congrès l’a suivi. Il a ensuite été défendu, à droite comme à gauche, dans le cadre du processus issu de l’accord de Nouméa. Personne ne dit – surtout pas moi – que nous sommes à la fin des accords de Nouméa et de Matignon. Je n’ai jamais dit cela ;…

    M. Arthur Delaporte

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    C’est ce que dit le rapporteur !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …j’ai parlé de dispositions transitoires prévues par la Constitution. Le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel l’écrivent noir sur blanc : ces tableaux électoraux pour les élections provinciales ont été constitutionnalisés. Heureusement, l’accord de Nouméa n’est pas que cela et comprend bien d’autres choses.

    M. Arthur Delaporte

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    C’est un ensemble !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le Gouvernement n’annonce donc pas qu’il s’agit de la fin de l’accord de Nouméa. J’ai moi-même évoqué la trajectoire que nous suivons : nous poursuivons l’application de cet accord. Toutefois, celui-ci comportait des dispositions considérées comme transitoires par le constituant : je pense au tableau électoral pour les élections provinciales. La preuve en est que si nous continuons ainsi ad vitam aeternam, il n’y aura plus d’électeurs.
    Monsieur Castor, personne ne nie le drame terrible de la colonisation…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …et surtout pas le gouvernement de la République. La colonisation a été terrible en Nouvelle-Calédonie, colonie de peuplement, mais aussi ailleurs. Je suis parfaitement conscient que les Kanaks ont été colonisés dans des conditions affreuses – maladies microbiennes, massacres, saisie des terres et des aires coutumières. Je respecte profondément cette blessure. Toutefois, reconnaissez que les Kanaks n’ont pas été les seules victimes de l’histoire en Nouvelle-Calédonie.

    Mme Danièle Obono et M. Davy Rimane

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    Effectivement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je pense aux bagnards et aux milliers de déportés. Par exemple, la maire de Nouméa n’est pas kanak, mais si vous passez une heure avec elle, elle vous expliquera comment ses ancêtres ont été déportés, envoyés de force, dans des conditions ignobles, en Nouvelle-Calédonie. Ils sont depuis cent cinquante ans sur cette terre et on ne devrait pas respecter leurs droits ?

    Mme Danièle Obono

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    Les victimes forment un tout !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Des Japonais, des Maghrébins et des Antillais ont aussi été déportés en Nouvelle-Calédonie, ils ont subi des drames affreux.

    Mme Maud Petit

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je pense en particulier aux Maghrébins qui s’étaient révoltés contre l’État colonial, du temps où l’Algérie était française. La Nouvelle-Calédonie, même si elle ne se réduit pas à ça, est une addition de victimes.

    Mme Danièle Obono

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    Attention à ne pas hiérarchiser !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Madame Obono, je vous prie de me laisser terminer sans crier. Vous devriez être d’accord avec ce que je dis, écoutez-moi quelques instants. Ce moment ne se prête pas à vos cris. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme Danièle Obono

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    Oui, oui, c’est ça… La caricature, vous connaissez !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vous écoute quand vous parlez, alors prenez la parole démocratiquement.
    Monsieur Castor, personne ne nie la colonisation ni la nécessité de reconnaître les drames qui lui sont liés. Nous l’avons même inscrit dans la Constitution. Ce projet de loi constitutionnel ne prévoit pas d’y revenir. Personne ne doute un seul instant que les Kanaks ont été touchés par cette colonisation dans leur chair, le nombril dans la terre, comme vous le dites.

    M. Jean-Victor Castor

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    Ils sont encore touchés, monsieur Darmanin !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Bien sûr, ils le seront sans doute encore longtemps. Toutefois, ce n’est pas parce que nous reconnaissons ce drame que nous devons penser que c’est le seul. Nous devons entendre les descendants des autres personnes envoyées en Nouvelle-Calédonie ; elles ne sont pas venues pour un grand remplacement mais parce qu’elles y ont été forcées par l’État. C’est le premier point.
    Deuxièmement, quels que soient les gouvernements ou les régimes, et ce n’est pas nous qui le disons, la France a fait des efforts très importants pour que cette colonie soit considérée comme décolonisée.

    Mme Danièle Obono

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    Non ! Vous êtes en train de faire dérailler tout le processus !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est là que nous avons un désaccord.
    L’accord de Nouméa prévoyait la réalisation d’un audit de décolonisation. Cet audit, qui n’a pas été réalisé par la France mais par des observateurs extérieurs – notamment d’anciens pays colonisés –, a conclu que l’égalité des droits était assurée entre tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie, que quatre des cinq institutions politiques, dont le gouvernement, étaient dirigées par les indépendantistes, comme plus de la moitié des communes, et qu’une grande partie du pouvoir économique était détenue par les familles indépendantistes, et c’est fort heureux – c’est d’ailleurs l’histoire de la province Nord, où se trouvent les mines. Tous les citoyens de Nouvelle-Calédonie sont égaux, et ceux qui sont originaires d’Europe n’exercent plus de domination politique.

    M. Jean-Victor Castor

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    Mais si !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous riez, monsieur Castor, mais le gouvernement de Nouvelle-Calédonie est dirigé par les indépendantistes.

    M. Jean-Victor Castor

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    Je ris parce que c’est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Vous décidez depuis Paris : c’est bien de la domination !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Par trois fois, les Calédoniens se sont exprimés, et par trois fois, ils ont refusé l’indépendance.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Eh oui !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si vous estimez que la colonisation dure jusqu’à ce que l’indépendance soit acceptée, alors nous sommes effectivement en désaccord.

    Mme Ségolène Amiot

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    Vous n’y voyez vraiment aucun problème ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    La question, aujourd’hui, est de savoir ce que veulent les Calédoniens nés en Nouvelle-Calédonie de parents calédoniens : de quel droit pourrions-nous interdire aux enfants de M. Metzdorf ou de M. Dunoyer, qui ne sont nullement responsables de la colonisation, de voter aux élections provinciales, alors que les représentants qui y sont élus peuvent modifier le code de l’environnement, par exemple, et que le réchauffement climatique affecte le trait de côte calédonien ? Quel lien faites-vous donc entre la colonisation d’il y a cent cinquante ans et le choix de ces enfants de pouvoir intervenir dans la vie locale – je ne parle même pas de s’exprimer sur l’autodétermination en participant au référendum ? On peut à la fois reconnaître et dénoncer l’affreuse colonisation et permettre aux Calédoniens qui le veulent de former un peuple. Loin de vos débats théoriques, la jeunesse calédonienne ne se pose pas sans cesse les questions que vous vous posez : elle sert notre pays, elle sert la Calédonie, et elle veut simplement pouvoir vivre heureuse dans un territoire libre de toute ingérence étrangère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

    (Les amendements identiques nos 44 et 184 ne sont pas adoptés.)

    (L’amendement no 45 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour soutenir les amendements nos 129 et 130, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jean-Victor Castor

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    Avant toute chose, je demande à nos collègues, qui risquent de voir dans ces amendements un cavalier législatif, de ne pas s’exciter. Si elle est adoptée, cette réforme va, petit à petit, modifier l’équilibre du corps électoral. Sans aller jusqu’à parler d’un repeuplement, parce que ce n’est pas le bon terme, son application risque de mettre progressivement en minorité le peuple premier, et donc d’empêcher les Kanaks, demain, d’accéder à la présidence du Congrès ou du gouvernement.
    Voilà jusqu’où va la méfiance que j’évoquais tout à l’heure : placée sous la tutelle française, la Nouvelle-Calédonie figure sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser établie par l’ONU, comme l’ont été la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique jusqu’en 1946 – mais peut-être ne le saviez-vous pas, monsieur Darmanin –, date à laquelle la France a demandé à l’ONU de les en retirer sur la base d’un artifice juridique : leur départementalisation. Aujourd’hui, beaucoup de Kanaks, notamment des indépendantistes, s’interrogent : une fois le rapport de force électoral radicalement changé, vous, la France, demanderez-vous que la Nouvelle-Calédonie ne soit plus considérée comme un territoire à décoloniser ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    « Vous, la France » ? Qu’est-ce que cela signifie ?

    M. Jean-Victor Castor

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    Ces amendements visent donc à sécuriser dans la Constitution l’inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Cet amendement me pose un problème car il ne prévoit pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie que l’indépendance ou la libre association.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est normal, c’est le sens de l’histoire !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Non, ce n’est pas normal, monsieur Sansu, parce que l’ONU prévoit également la décolonisation sous forme d’intégration à la République Française. Vous ne pouvez pas, comme vous le faites avec cet amendement, supprimer une option que les Calédoniens pourraient légitimement choisir. La rédaction de vos amendements les contraint à aller vers l’indépendance contre laquelle ils se sont prononcés à trois reprises par référendum.

    M. François Cormier-Bouligeon

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    Eh oui !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Par ailleurs, vous craignez que le dégel du corps électoral ne mette les indépendantistes en minorité.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pas les indépendantistes, les Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mais qui le prétend, et comment savoir ? Pourquoi les gens installés en Nouvelle-Calédonie depuis au moins dix ans ne voteraient-ils pas pour les indépendantistes, s’ils sont convaincus par leur projet politique en matière économique, sociale et environnementale ? Pourquoi les nouveaux arrivés voteraient-ils forcément pour les non-indépendantistes ? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.) Essayer de les exclure, c’est un aveu de faiblesse du projet indépendantiste.

    M. Jean-Victor Castor

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    J’ai parlé des Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Arrêtez de parler des Kanaks ! Ce soir, j’ai une pensée pour Simon Loueckhote et Gérard Poadja, sénateurs de la République, pour Auguste Parawi-Reybas, élu de la République, pour Alcide Ponga, président du RPCR, le plus vieux parti non indépendantiste en Nouvelle-Calédonie : ce sont des Kanaks non indépendantistes, qui portent haut les couleurs de la France et en sont fiers !

    M. Romain Daubié

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    Eh oui !

    M. Jean-Victor Castor

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    On parle donc bien des Kanaks !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mon avis est défavorable sur les deux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Comme vous le savez, le découpage de la Nouvelle-Calédonie en provinces visait incontestablement à y répartir le pouvoir. Or le projet de loi ne prévoit pas le redécoupage des provinces ni la répartition des sièges en fonction de la démographie – même si, l’honnêteté me commande de le dire, M. Metzdorf l’aurait souhaité. Dans votre idée, nous « organiserions » un changement du mode de scrutin pour mettre les Kanaks – qui, selon vous, voteraient très majoritairement, si ce n’est quasi intégralement, pour les indépendantistes – en minorité. Ce n’est pas du tout ce que nous prévoyons.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pour cette fois, du moins !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ni le découpage des provinces ni la répartition des sièges ne changeront.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce sera l’étape suivante : le charcutage électoral est une spécialité de votre camp !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vous rassure, les Calédoniens sont profondément français : ils sont divisés, dans le camp loyaliste comme dans le camp indépendantiste – il suffit de voir ce qui s’est passé dans la province Nord où ils ont été capables de perdre une élection où ils étaient majoritaires ! De ce point de vue, aucun doute, ils sont bien français ! (Sourires.)

    M. Sylvain Maillard

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    Bien dit, monsieur le ministre !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument.

    M. Arthur Delaporte

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    Je voudrais également la parole, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Il reste de nombreux amendements, vous aurez l’occasion de vous exprimer, monsieur Delaporte.

    M. Antoine Léaument

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    Monsieur Darmanin, vous nous reprochez souvent de vouloir des élections sans électeurs. C’est exactement ce qui s’est passé lors du dernier référendum, auquel tout une partie de la population n’a pas participé – le taux d’abstention a atteint 56 %, c’est dire ! –,…

    M. Emeric Salmon

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    La faute à qui ?

    M. Antoine Léaument

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    …ce qui diminue la valeur de son résultat. Or c’est bien parce que vous avez voulu forcer les choses qu’une majorité n’a pas participé à ce référendum – en particulier les indépendantistes –, et que nous ne pouvons pas avoir un débat calme et apaisé ce soir. Le camp indépendantiste n’a jamais demandé que le référendum ne se tienne pas, seulement qu’il soit reporté, justement pour respecter la culture kanak, comme c’est prévu dans l’accord de Nouméa.
    Nous sommes au Parlement et vous invoquez la démocratie. Mais, en Nouvelle-Calédonie, la démocratie parlementaire s’est exprimée par la voix du Congrès de Calédonie, qui a appelé à un report du projet de loi. Pourquoi ne l’avez-vous pas écouté ? Pourquoi n’ajournez-vous pas ce projet, pour relancer les discussions en vue d’aboutir à un accord, comme le prévoit l’accord de Nouméa ?
    Enfin, notre collègue Bastien Lachaud vous a demandé des chiffres précis, monsieur le ministre. Puisque les personnes qui travaillent avec vous semblent a priori les avoir, pourriez-vous nous les communiquer ?

    (Les amendements nos 129 et 130, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 12 et 46.
    La parole est à M. Arthur Delaporte, pour soutenir l’amendement no 12.

    M. Arthur Delaporte

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    Il vise à n’appliquer la réforme constitutionnelle qu’au prochain scrutin des élections provinciales – et j’espère que les collègues issus de la droite républicaine, notamment, soutiendront cet amendement, qui reprend la proposition défendue au Sénat par Philippe Bas.
    Vous n’avez de cesse de répéter qu’il faut qu’on avance, qu’on trouve un accord. Or, comme nous l’avons déjà dit tout à l’heure, l’évolution du corps électoral ne peut s’inscrire que dans un périmètre d’ensemble : s’il est à ce point urgent de mener cette réforme, comme le prétend le Gouvernement – j’avoue n’avoir toujours pas compris ce qui justifiait cette urgence –, alors il serait préférable de ne l’appliquer qu’une fois, afin de trouver un accord d’ici aux élections provinciales suivantes.

    M. Emeric Salmon

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    Et après, qu’est-ce qu’on fait ?

    M. Arthur Delaporte

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    Pour rebondir sur les amendements précédents, la résolution votée par l’Assemblée générale de l’ONU il y a moins de six mois n’a rien du satisfecit que vous prétendez. Les Nations unies s’y déclarent conscientes que, « après la tenue du troisième référendum sur l’autodétermination, […] la Nouvelle-Calédonie se trouve désormais dans la phase la plus critique de son développement politique », ajoutant que l’Organisation doit aider « les Néo-Calédoniens à exercer leur droit à l’autodétermination […] ».

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    On est d’accord !

    M. Arthur Delaporte

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    Plus loin, dans le point 5, l’ONU note « les préoccupations que continuent de susciter les difficultés rencontrées dans le déroulement des élections provinciales concernant les diverses interprétations qui continuent d’être faites des dispositions relatives au corps électoral restreint […], et encourage la puissance administrante et les Néo-Calédoniens à répondre à l’amiable et pacifiquement aux inquiétudes de tous les intervenants conformément à la législation en vigueur dans le territoire et en France, tout en respectant et en faisant respecter l’esprit et la lettre de l’accord de Nouméa ».
    Voilà ce que dit l’ONU, monsieur le ministre : elle ne vous donne pas quitus, elle dit que le dialogue doit se poursuivre car le processus de décolonisation n’est pas terminé et qu’il rentre, au contraire, dans la phase la plus critique de son développement, et que les questions de détermination continuent de se poser. Si vous voulez qu’on en discute tranquillement et sereinement, il faut adopter cet amendement, pour limiter le dispositif aux prochaines élections provinciales. J’espère que vous lui donnerez un avis favorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 46.

    Mme Sophia Chikirou

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    De repli, il vise à s’assurer que l’ouverture du corps électoral décidée dans le cadre des négociations sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie soit limitée aux prochaines élections, ce qui permettra de ramener un peu de sérénité. Ne faisons pas semblant de croire que tout est tranquille : il faudrait être complètement déconnecté pour ne pas voir que la colère qui s’exprime ce soir à Nouméa, à 17 000 kilomètres de Paris, est directement liée à ce qui se passe depuis quelques heures dans cet hémicycle et à votre refus, monsieur le ministre, de poursuivre le dialogue et d’entendre ceux qui ne sont pas d’accord avec vous sur ce projet de loi.
    Il y a un temps pour tout : maintenant est venu celui de dialogue, et nous devons le poursuivre, sans quoi, avec ce projet de loi, vous ne ferez que provoquer la violence et le chaos.

    M. Emeric Salmon

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    Parole d’experte !

    Mme Sophia Chikirou

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    Pour les subir ici, dans l’Hexagone, on connaît malheureusement vos pratiques : vous provoquez le chaos pour ensuite le réprimer et nous traiter de sauvages, de sauvageons, ou que sais-je encore. C’est ce que vous êtes en train de faire avec la Nouvelle-Calédonie.
    Nous ne sommes pas d’accord pour laisser cette discussion se poursuivre comme si de rien n’était. Quand on a tort, monsieur le ministre, il faut savoir le reconnaître (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également) ;…

    M. Antoine Léaument

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    Exactement !

    Mme Sophia Chikirou

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    …il faut admettre que ce n’était pas la bonne méthode, que le Gouvernement ne peut pas provoquer la violence, la colère et les réprimer.

    M. Philippe Gosselin

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    L’autocritique, ça vous connaît !

    Mme Sophia Chikirou

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    Accordez aux citoyens calédoniens et à ceux qui ne sont pas d’accord avec le rapporteur la considération qu’ils méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Personne dans cet hémicycle ne mettra en cause la grande sagesse du sénateur Bas. S’il a déposé cet amendement, c’est qu’il avait une raison pour le faire.

    M. Philippe Gosselin

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    L’amendement n’a pas été adopté !

    M. Bastien Lachaud

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    Je le sais bien, néanmoins il a été déposé.
    Pourquoi ? Ce sera la troisième fois que je vous pose la question, monsieur le ministre : quels sont les chiffres ? Quelles seront, dans cinq ans, les conséquences sur le corps électoral calédonien de l’adoption de ce projet de loi constitutionnelle ? C’est ce que les indépendantistes vous demandent depuis le début : des chiffres. Si vous les avez, donnez-les-nous, car nous ne les avons pas. Nous ne pouvons pas délibérer sans connaître les conséquences à long terme. L’adoption de cet amendement aurait au moins une vertu : elle permettrait de limiter la casse, en contenant l’inflation du corps électoral calédonien tant que nous n’avons pas les chiffres.
    Monsieur le ministre, je vous le demanderai à chaque amendement – nous en avons suffisamment : donnez-nous les chiffres. Si vous nous les donnez maintenant, nous pourrons passer à un sujet plus intéressant. Nous avons besoin de savoir combien de personnes sont concernées et combien le seront dans un an, dans deux ans, dans trois ans, dans dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    (Les amendements identiques nos 12 et 46 ne sont pas adoptés.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir l’amendement no 47.

    M. Bastien Lachaud

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    Cet amendement vise à ce que le Congrès de Nouvelle-Calédonie rende un avis conforme et non un avis simple.
    Cependant, monsieur le ministre, revenons-en à la question des chiffres. (Protestations sur les bancs du groupe RN.) Nous avons besoin de cette information. Vous ne cessez de répéter que les indépendantistes ont dit : pas plus de dix ans. Très bien, mais le second tronçon de la phrase est : nous voulons savoir, de manière chiffrée, ce que cela va impliquer ; or vous refusez ces chiffres à la représentation nationale. Vous aurez la parole juste après moi, monsieur le ministre : donnez-nous les chiffres !

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Les chiffres, les chiffres !

    M. Bastien Lachaud

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    Dites-nous combien il y aura d’électeurs, de natifs et de résidents dans quelques années. Tout le sujet est là. Vous affirmez que nous ne nous occupons que du corps électoral, et non de la répartition des sièges du Congrès à la proportionnelle entre les différentes provinces, ni de l’avenir vers l’émancipation – car les accords de Nouméa parlent d’émancipation, pas forcément d’indépendance, ce qui n’est pas la même chose : ce n’est pas parce que les Calédoniens ont voté contre l’indépendance…

    M. Emeric Salmon

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    Par trois fois !

    M. Bastien Lachaud

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    …qu’ils ont voté contre leur émancipation.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Vous jouez sur les mots !

    M. Bastien Lachaud

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    Nous pourrions d’ailleurs discuter du nombre de fois qu’ils se sont prononcés en ce sens, mais, pour l’heure, revenons-en aux chiffres. Peut-être que vous les connaissez, que d’autres les connaissent, mais nous, nous ne les connaissons pas. Dites-nous publiquement combien de personnes supplémentaires seront inscrites sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie dans cinq ans, et parmi elles combien de natifs et combien de résidents. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud – sur cet amendement en particulier, s’il vous plaît.

    M. Bastien Lachaud

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    Le fait que monsieur le ministre ne nous réponde pas est un problème, madame la présidente. Pourquoi le ministre ne nous donne-t-il pas les chiffres s’il les a ?

    Mme Marie-Christine Dalloz

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    Ah ! Les chiffres !

    M. Maxime Minot

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    Arrêtez votre cinéma !

    M. Philippe Gosselin

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    On l’a déjà entendu, vous vous répétez !

    M. Bastien Lachaud

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    Si ce n’est pas un problème, s’il s’agit d’un fantasme de mon collègue Delaporte ou de moi-même, pourquoi le ministre ne nous répond-il pas ?

    (L’amendement no 47 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane, pour soutenir l’amendement no 38.

    M. Davy Rimane

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    Son adoption  permettrait répondre aux doléances de toutes et tous. Chacun dit appeler de ses vœux un accord. Eh bien, il s’agit d’ériger en principe qu’un accord soit trouvé entre les parties sur le territoire calédonien. Ce n’est qu’une fois un tel accord conclu que la modification constitutionnelle pourra s’opérer.
    Nous restons dans la droite ligne de ce qui a été fait et de ce qui a été majoritairement exprimé ce soir dans l’hémicycle. Un tel compromis permettrait de sortir du débat par le haut et de ramener la sérénité et la tranquillité en Nouvelle-Calédonie. Il permettrait surtout aux personnes qui y résident, tant les Kanaks que les autres, de se diriger vers un destin commun apaisé et de préparer l’avenir ensemble, notamment sur le volet économique et social – une crise économique et sociale frappe le territoire en ce moment. L’urgence n’est pas tant de dégeler le corps électoral que de permettre à ces personnes-là de continuer à bâtir leur territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable.

    M. Nicolas Sansu

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    Aucune réponse !

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nous appuyons cet amendement, qui montre qu’il y a matière à discuter et à faire des compromis. C’est l’attitude du Gouvernement, la volonté de passer en force et, surtout, l’alignement sur l’une des parties qui empêchent d’aboutir. Dans ces conditions, l’Assemblée nationale et la Constitution ne servent qu’à tordre le bras aux parties dans la négociation. Cela devrait interpeller une partie de nos collègues.
    Toutes les personnes qui nous écoutent ne se rendent peut-être pas compte de ce qu’il s’agit. Je ne voudrais pas que l’on croie qu’il y aurait, d’un côté, les Kanaks xénophobes ou que sais-je et, de l’autre, les universalistes, les grands démocrates. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)
    S’agissant de la multiculturalité de la société néo-calédonienne, vous n’avez rien découvert, monsieur le ministre. Ce sont les Kanaks eux-mêmes, à Nainville-les-Roches, qui en ont accepté le principe, en incluant tous les oubliés de l’histoire, les bagnards, les personnes menées en Nouvelle-Calédonie pour y travailler, toutes ces communautés qui constituent la société néo-calédonienne ; elles sont d’ailleurs comptabilisées en tant que telles. On entend beaucoup parler d’universalisme mais en Nouvelle-Calédonie, on distingue les communautés dans la statistique : les Kanaks, les Européens, les habitants de Wallis-et-Futuna… Vous voudrez peut-être abolir cette pratique, sous prétexte qu’elle institue une hiérarchie. En vérité, elle est l’expression de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. En 1983, les Kanaks ont reconnu cette histoire et voulu qu’elle fasse partie de la culture et de la citoyenneté calédoniennes.
    Vous êtes en train de priver une partie de la population de la possibilité de débattre avec les autres pour créer collectivement cette citoyenneté calédonienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Je le répète : il n’y a pas les Kanaks, d’un côté, et les autres, de l’autre. C’est un débat collectif qui doit avoir lieu ; or vous l’empêchez.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Elie Califer.

    M. Elie Califer

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    Le débat est peut-être compromis par la méconnaissance, l’incompréhension, parfois les tensions, le désir d’aboutir à toute vitesse ou d’imposer quelque chose. Voici cependant un amendement de consensus, qui nous ramène dans la lignée de l’accord de Nouméa et de tous les accords dont la conclusion a pris un certain temps et qui ont apporté l’apaisement en Nouvelle-Calédonie. Cet amendement ne vise ni à essentialiser ni à prendre parti. Essayons de faire en sorte que l’on n’ait pas à revivre ce que la Nouvelle-Calédonie a vécu, que l’on n’ait pas à revoir des assauts dans des grottes, ni le sang couler de nouveau.
    Ici, à l’Assemblée nationale, nous regardons ça de loin, en pensant maîtriser l’histoire de ces territoires. Nous non plus, ultramarins, ne maîtrisons pas l’histoire de Kanaky (Mme Sophia Chikirou et M. Marcellin Nadeau applaudissent), mais, forts de ce que nous avons vécu nous-mêmes, nous savons comment nous appréhendons tout cela, comment nous sommes entrés dans le champ de la démocratie. C’est d’ailleurs là la position du Président de la République : accorder du temps pour arriver à un accord. Cet amendement devrait susciter l’assentiment de l’ensemble de cette assemblée, car nous sommes non seulement des démocrates, mais aussi des responsables qui ne veulent pas allumer le feu en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marcellin Nadeau.

    M. Marcellin Nadeau

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    J’appuie, évidemment, cet amendement qui tend à redonner leur place aux négociations. Il repose sur le principe fondamental qu’est la reconnaissance des droits du peuple kanak en tant que peuple premier. Il n’y a pas que les droits individuels, il y a aussi les droits collectifs et les droits des peuples. Permettez-moi de vous opposer une autre conception de l’universel : un universel « riche de tous les particuliers », comme l’écrivait Aimé Césaire dans sa lettre de démission à Maurice Thorez.
    En l’espèce, nous nous trouvons face à un cas particulier : celui des droits d’un peuple bafoués par la colonisation. Nous avons le droit, et même le devoir, de respecter ces droits. C’est en leur nom que nous refusons l’universalisme qui écrase les droits d’un peuple tout à fait légitime quant à son existence sur une terre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Maxime Minot

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    Accélérons !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je voudrais répondre à M. Lachaud – j’attendais pour cela, puisque cela semble beaucoup l’intéresser, de disposer des chiffres exacts.

    Mme Sophia Chikirou

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    Il fallait les avoir avant !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il s’agit des derniers chiffres à jour. Comme l’a dit le député Metzdorf, il est difficile de savoir, à un horizon de cinq ou dix ans, combien de personnes arriveront en Nouvelle-Calédonie, ni combien resteront. Contrairement à ce que d’aucuns disent, les populations d’origine européenne s’en vont et sont démographiquement moins nombreuses aujourd’hui qu’il y a cinq, dix ou quinze ans ; nous sommes loin de la submersion et du grand remplacement.

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est l’extrême droite qui parle de grand remplacement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous avez parlé de submersion – je ne serais pas très fier de ce débat, si j’étais à votre place, mais ce n’est pas très grave.

    Mme Danièle Obono

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    Vous, vous ne devriez pas être très fier de ce que vous avez fait !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il n’y a pas de statistiques ethniques, la République s’y oppose, mais la géographie électorale offre une explication intéressante.
    Nouméa, la ville qui comprend le plus de non-indépendantistes – elle n’a jamais été indépendantiste et les élections montrent qu’elle est plutôt du côté loyaliste –, comptera 13 417 nouveaux électeurs aux élections provinciales, parmi lesquels 7 450 résidents depuis dix ans glissants et 5 967 natifs. Le député de Nouméa et le député du reste du territoire pourraient témoigner de la différence sociologique qui existe entre leurs électorats, comme cela peut arriver dans nos circonscriptions respectives. S’agissant de l’ensemble de la Nouvelle-Calédonie, il y aura 25 843 nouveaux électeurs – vous aurez constaté qu’ils sont plus nombreux hors de Nouméa qu’à Nouméa, étant entendu que Nouméa ne compte pas que des électeurs non indépendantistes, et inversement –, parmi lesquels 13 402 résidents depuis dix ans glissants et 12 441 natifs : c’est presque équilibré. Ces chiffres sont fondés sur l’hypothèse que la population demeure sur le territoire néo-calédonien, qu’elle vote à 100 % et qu’il n’y a pas d’autres arrivées.
    Je précise à ce sujet – car j’aperçois le député de Wallis-et-Futuna – que les Wallisiens représentent eux aussi une part importante de la population : ils sont plus nombreux en Nouvelle-Calédonie qu’à Wallis-et-Futuna. Quand on veut opposer les Kanaks, qui seraient indépendantistes, et les Européens, qui seraient non-indépendantistes – nous avons démontré avec le député Metzdorf que c’était plus complexe que cela, étant donné le nombre de personnes qui ont été, au cours de l’histoire, envoyées de gré ou de force en Nouvelle-Calédonie –, il ne faut pas oublier la population de plus en plus nombreuse des Wallisiens, grâce à laquelle les majorités se font, soit aux élections provinciales, soit lors des référendums d’autodétermination.
    Les Wallisiens sont les grands oubliés de notre débat, bien qu’ils soient éminemment calédoniens. Ils prouvent que l’on peut être à la fois citoyen français, citoyen néo-calédonien et wallisien, et que l’antagonisme entre le peuple premier kanak et les Européens est dépassé. La Nouvelle-Calédonie a bien changé ; il faudrait que certains d’entre vous y retournent. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    (L’amendement no 38 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 97, qui vise à substituer au mot « restreint » le mot « limité ».

    Mme Sophia Chikirou

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    En plus d’être mauvais dans l’esprit, ce projet de loi constitutionnelle est mauvais dans la lettre. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    M. Maxime Minot

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    Arrêtez l’obstruction !

    Mme Aude Luquet

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    Maître Capello, loin de ce corps !

    Mme Sophia Chikirou

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    Cet amendement rédactionnel a donc pour objectif de vous rappeler l’importance du choix des mots – comme d’ailleurs celle des chiffres. Mais puisque vous avez finalement répondu s’agissant de ces derniers, permettez-moi de rappeler l’enjeu du débat : il ne s’agit pas de décider, entre nous, s’il convient d’être indépendantiste ou non ; personnellement, n’ayant jamais mis les pieds en Nouvelle-Calédonie, je me vois mal me prononcer sur cette question.

    M. Philippe Gosselin

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    Allez-y et on en reparle !

    Mme Sophia Chikirou

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    En revanche, je considère qu’il appartient au peuple de la Nouvelle-Calédonie de décider de son avenir. Et pour qu’il le fasse sereinement, il faut renouer le dialogue, puisqu’une grande partie de la population n’est pas d’accord avec votre projet de loi constitutionnelle. Elle exprime son désaccord ce soir encore, à Nouméa, et nous espérons que la situation ne va pas dégénérer pour retomber dans la violence que nous avons connue en 1988.

    M. Bruno Millienne

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    Vous n’arrêtez pas d’attiser le feu !

    Mme Sophia Chikirou

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    C’est pourquoi le groupe La France insoumise et les bancs de la gauche défendent l’idée d’une reprise du dialogue. Renonçons au projet de loi constitutionnelle et laissons place au dialogue, pour déterminer qui doit décider de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

    Mme Aude Luquet

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    Aucun lien avec l’amendement !

    Mme Sophia Chikirou

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    Et ce sont les parties prenantes qui sont le mieux placées pour cela. Il ne nous appartient pas d’en décider depuis l’hémicycle, ce soir. Ce serait une erreur fondamentale ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Même avis.

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono – sur l’amendement, s’il vous plaît.

    Mme Danièle Obono

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    Tout à fait, madame la présidente.

    Mme la présidente

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    Il s’agit donc de remplacer « restreint » par « limité ».

    Mme Danièle Obono

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    Oui, il s’agit d’un amendement rédactionnel.

    M. Paul Vannier

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    Pourquoi commentez-vous ainsi nos amendements, madame la présidente ?

    Mme Danièle Obono

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    Nous pensons qu’il convient d’être précis sur les mots. Déjà, il a fallu insister pour obtenir des chiffres, que les acteurs sur place réclament depuis des semaines.

    Mme Aude Luquet

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    Quel rapport avec l’amendement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ils les ont eus !

    M. Bruno Millienne

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    Bien sûr qu’ils les ont !

    Mme Danièle Obono

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    Non, ils ne les ont pas, et cela pour la bonne raison que les chiffres utilisés correspondent à des estimations, qui diffèrent de ce que vous avez indiqué.
    En réalité, c’est la preuve de votre échec, monsieur Darmanin ! En demandant une mission de médiation, une bonne partie des acteurs considèrent que c’est d’abord votre échec.

    M. Bruno Millienne

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    Une bonne partie des acteurs ? Quel pourcentage ?

    Mme Danièle Obono

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    C’est la manière dont vous avez conduit les discussions qui a empêché qu’elles se poursuivent. En outre, vous avez choisi de vous aligner sur les positions d’une partie – celle des loyalistes, c’est-à-dire des non-indépendantistes –, en nommant Mme Backès et M. Metzdorf.

    Mme Aude Luquet

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    C’est franchement irrespectueux !

    Mme Danièle Obono

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    Ce faisant, vous avez rompu avec la ligne d’impartialité qui était suivie jusqu’à présent et qui était la garante du succès du processus de Nouméa.
    Lorsqu’on vous interroge, vous êtes obligé de donner des chiffres que les acteurs sur place n’ont pas,…

    M. Bruno Millienne

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    C’est faux !

    Mme Danièle Obono

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    …ce qui rend impossible la discussion pour parvenir à un accord global.
    Il est de la responsabilité de l’Assemblée nationale de mettre un terme au sabotage du processus, organisé notamment par M. Darmanin, qui introduit de la tension là où l’on devrait chercher l’apaisement.

    M. Philippe Gosselin

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    Aucun rapport avec l’amendement !

    Mme la présidente

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    Il est temps de conclure, madame Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Votre mépris à l’égard des acteurs locaux doit cesser. (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice.)

    (L’amendement no 97 n’est pas adopté.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Paul Vannier, pour un rappel au règlement.

    M. Paul Vannier

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    Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100.
    Je souhaite vous interroger, madame la présidente, sur les commentaires que vous faites lorsque vous appelez nos amendements. (Vives exclamations sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.)

    M. Philippe Gosselin

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    Vous remettez en cause la présidence !

    M. Paul Vannier

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    Si vous souhaitez les défendre, madame la présidente, vous avez toute votre place dans ce débat. Sinon, je vous remercie de faire preuve d’impartialité et de vous en tenir à l’organisation des débats, sans introduire de commentaires comme vous le faites sur les seuls amendements du groupe La France insoumise – et non sur les autres.

    Mme la présidente

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    Je suis surprise que vous remettiez en cause ma présidence, monsieur Vannier.
    Vous conviendrez que, depuis le début de la soirée, la parole tourne très largement, alors que les interventions s’éloignent fortement du contenu des amendements (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et LR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN) et que de nombreux amendements peuvent être qualifiés, si nous sommes un peu objectifs, d’amendements d’obstruction.

    Mme Sophia Chikirou

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    Ce n’est pas à vous d’en juger !

    Mme la présidente

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    Il suffit de les lire ; le prochain le démontrera d’ailleurs encore très bien. Je n’y peux rien, ce n’est pas moi qui rédige les amendements, c’est vous. Simplement, assumez-le ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem et HOR ainsi que sur quelques bancs du groupe RN. – Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Antoine Léaument, pour soutenir l’amendement no 99, qui insère à l’alinéa 3 de l’article 1er, avant le mot « électeurs », les mots « électrices et ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem, HOR et LR.)

    M. Antoine Léaument

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    Je vous remercie de considérer, madame la présidente, que les amendements féministes sont des amendements d’obstruction ! (Protestations sur plusieurs bancs des groupes RE, RN, LR et Dem.) Nous ne partageons pas cet avis. L’objectif est de rappeler que la moitié du corps électoral est composée de femmes. Nous ne défendons donc pas des amendements d’obstruction.

    M. Bruno Millienne

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    Si !

    M. Antoine Léaument

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    Nos amendements ont pour but de susciter le débat, convenez-en.

    Mme Aude Luquet

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    Et les non-binaires, on en fait quoi ?

    M. Antoine Léaument

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    Il est vingt-trois heures. Nous débattons d’un texte d’importance majeure pour la Nouvelle-Calédonie, où se déroulent en ce moment même des événements qui devraient plutôt appeler au calme et à un débat respectueux de la situation dans l’archipel, afin de ne pas jeter de l’huile sur le feu.

    Mme Maud Petit

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    C’est pourtant ce que vous faites !

    M. Antoine Léaument

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    Je veux bien admettre que nous sommes parfois excessifs (« Ah ! » sur divers bancs) mais là, ce n’est pas le cas. Celui qui est excessif depuis le début, c’est vous, monsieur Darmanin !
    Nous essayons d’ouvrir le débat. La Nouvelle-Calédonie est sous domination coloniale. J’ai appris à l’école que la décolonisation avait eu lieu ; toutefois, on ne m’a jamais parlé de la Nouvelle-Calédonie !

    M. Bruno Millienne

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    Tu n’as pas eu un bon prof, alors !

    M. Antoine Léaument

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    Or la Nouvelle-Calédonie connaît une situation coloniale. La France a reconnu que deux peuples y cohabitent : un peuple colon et un peuple colonisé. Voilà ce qui s’y passe ! Et lorsqu’ils verront que nous débattons, dans cet hémicycle, de manière un peu amusée, des événements qui s’y déroulent, les Calédoniens seront très choqués.
    Nous déposons des amendements pour susciter le débat ; nous essayons de le faire de manière calme, mais vous nous répondez par-dessus la jambe, en disant : « C’est comme ça ; il faut bien qu’on avance ; vous faites de l’obstruction ». Or ce n’est pas ce que nous faisons. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe RE.) Nous parlons ce soir non seulement de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi de la France et des principes qui fondent la République française. (Mme la présidente coupe le micro de l’orateur, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Marcellin Nadeau applaudit également.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Avis défavorable.
    Permettez-moi simplement de vous renvoyer à l’excellent rapport de M. Metzdorf, dans lequel il est écrit, à la page 40, que le préfet René Bastille, qui était le préfet délégué chargé des questions relatives aux élections en Nouvelle-Calédonie, a assuré à votre rapporteur et à votre commission, lorsque vous l’avez auditionné, que plusieurs réunions s’étaient tenues sur la base des projections électorales que j’ai évoquées, sans que la durée soit contestée à l’époque, et que les projections réclamées par le FLNKS leur avaient été transmises par les services de l’État en temps utile, c’est-à-dire au moment de la négociation que nous avions menée en Nouvelle-Calédonie.
    La République a donc fourni au FLNKS, comme aux loyalistes, les projections électorales que je vous ai communiquées tout à l’heure. Ce n’est pas bien de faire mentir les services de l’État. (Mme Danielle Brulebois applaudit.)

    Mme Caroline Abadie

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    Très bien !

    M. Nicolas Sansu

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    Ils n’ont pas besoin de nous pour cela !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Nous avons déjà eu ce débat sur les chiffres en commission des lois. Même s’ils n’étaient pas très précis, les chiffres qui nous avaient été communiqués respectaient exactement les mêmes ordres de grandeur que ceux qui viennent d’être indiqués par le ministre : il était question de 25 000 nouveaux électeurs, de 13 500 électeurs glissants et de 12 500 natifs. Il n’y a donc pas lieu de contester.
    Ensuite, personne ne considère avec amusement les débats sur la Nouvelle-Calédonie.

    M. Antoine Léaument

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    Bah si : regardez-les !

    M. Philippe Gosselin

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    Tous ceux qui en reviennent – j’en fais partie – n’ont absolument pas envie de se gausser d’une situation qui est particulièrement explosive. Nous en avons tous bien conscience.
    Enfin, oui, vous avez bien déposé des amendements d’obstruction.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous voulez voir ce que c’est, faire de l’obstruction ?

    M. Philippe Gosselin

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    Lorsqu’on en est à ajouter un mot ou une virgule, on fait de l’obstruction. Au moins, si votre amendement est rejeté ce soir, l’écriture inclusive ne sera pas introduite dans la Constitution – et je m’en réjouis !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Je ne suis pas du tout un spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, tant s’en faut.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    M. Léaument non plus !

    M. Bruno Millienne

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    Ce n’est donc pas à ce titre que je m’exprimerai.
    En vous écoutant, je vous entends dire des choses qui peuvent paraître cohérentes à quelqu’un qui, comme moi, ne connaît pas la situation. On peut en effet se demander pourquoi il n’est pas possible de prolonger les négociations de dix-huit mois, comme vous l’avez demandé, afin de parvenir à un accord local à même de satisfaire tout le monde.

    M. Arthur Delaporte

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    Ben oui !

    M. Bruno Millienne

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    Toutefois, que fait-on si, au bout de dix-huit mois, on n’y est pas parvenu ? Je ne vous ai pas entendu vous exprimer sur le sujet.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Laissons-leur une chance !

    M. Bruno Millienne

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    Que ferez-vous si les deux parties – loyalistes et indépendantistes – ne sont toujours pas d’accord ? Reporterez-vous à nouveau le processus de dix-huit mois ou de deux ans ? C’est la seule question que je voudrais vous poser.
    Quant à vos amendements, ce sont bien des amendements d’obstruction, parce que vous ne voulez pas que le texte aboutisse. Tout le monde le constate. Ajouter « électrices » à « électeurs », ce n’est franchement pas au niveau de l’Assemblée nationale !

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce n’est pas cela, l’obstruction !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Je donne acte au ministre de nous avoir communiqué ces chiffres. Néanmoins, nous sommes bien d’accord que ce sont les chiffres à la date d’aujourd’hui ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Oui. Et demain, je vous donnerai les chiffres de demain !

    M. Bastien Lachaud

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    Il s’agit donc des personnes qui pourront voter lors des prochaines élections aux assemblées de province ; mais quelles sont les projections pour les deux prochaines élections provinciales, celles qui auront lieu dans cinq, puis dix ans ?

    Mme Aude Luquet

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    On ne peut pas le savoir !

    Mme Maud Petit

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    Quel est le rapport avec les électrices ?

    M. Bastien Lachaud

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    Vous devriez être en mesure de nous indiquer ces chiffres sans difficulté, étant donné que les personnes qui voteront dans dix ans sont, en théorie, déjà inscrites sur les listes électorales.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il y a des gens qui meurent !

    M. Bastien Lachaud

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    Ah ! Il y a des gens qui meurent !

    M. Philippe Gosselin

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    Il y a une crise démographique importante aussi !

    M. Bastien Lachaud

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    Nous n’avons donc pas de données pour les dix prochaines années.
    Vous conviendrez également que les chiffres que vous nous avez communiqués correspondent aux personnes inscrites sur les listes générales depuis dix ans et qui sont censées avoir résidé en Nouvelle-Calédonie durant ce laps de temps – j’imagine que nous sommes d’accord sur ce point. Comment aurez-vous la garantie et la certitude que ces personnes seront en mesure de fournir aux commissions administratives spéciales (CAS) les preuves effectives de leur résidence en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans ? Ce n’est pas parce que l’on est inscrit sur une liste électorale que l’on a effectivement résidé sur place pendant dix ans !

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic.

    M. Tematai Le Gayic

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    Le débat commence à être intéressant.

    Mme Sophia Chikirou

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    Grâce à nous !

    M. Tematai Le Gayic

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    Je remercie le député Millienne d’avoir soulevé la question du temps accordé à la négociation – c’est une très bonne question.
    La dernière fois qu’un processus similaire a été engagé en France, c’était juste après la deuxième guerre mondiale. Je ne vous raconterai pas l’histoire, vous la connaissez mieux que moi. Les institutions étaient détruites – ou, du moins, il était compliqué de passer après le régime de Vichy. Le Conseil national de la Résistance a été créé, on a essayé de trouver un accord et de concevoir des institutions provisoires. Il y a eu ensuite dix années d’instabilité. Une nouvelle Constitution a été rédigée – les gaullistes diront que c’est grâce à de Gaulle, d’autres que c’est à la suite d’un coup d’État. L’histoire est ce qu’elle est. Toutefois, à l’époque, on a fait confiance à l’intelligence collective : tous les partis étaient obligés de se réunir au sein d’institutions provisoires.
    À chaque fois qu’il y a une difficulté dans nos territoires – c’est le cas en Polynésie –,…

    Mme Maud Petit

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    Quel rapport avec les électrices ?

    M. Tematai Le Gayic

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    Je réponds à la question de M. Millienne.
    À chaque fois donc qu’il y a une difficulté en Polynésie, par exemple une instabilité politique, un projet de loi émanant de Paris vient modifier soit les circonscriptions électorales, soit la prime majoritaire. On répond à un problème politique en modifiant le système électoral.

    M. Jean-Victor Castor

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    Exactement !

    M. Tematai Le Gayic

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    En Polynésie, il a été modifié à quatre ou cinq reprises en dix ans pour renforcer la démocratie et répondre à l’instabilité politique – même si le corps électoral n’y a pas été gelé. La difficulté, c’est qu’à chaque fois, on considère que si nous n’y arrivons pas, c’est à Paris de décider. Le Conseil national de la Résistance ne pouvait pas se tourner vers Paris ! Pourquoi n’arrêtons-nous pas de demander à Paris ? Il faut faire en sorte que les populations calédoniennes décident.

    Mme la présidente

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    Merci, cher collègue.

    M. Bruno Millienne

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    Il faudrait déjà pouvoir décider au Parlement…

    (L’amendement no 99 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sophia Chikirou, pour soutenir l’amendement no 98.

    Mme Sophia Chikirou

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    Il ne s’agit pas du tout d’un amendement d’obstruction.

    M. Emeric Salmon

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    Ah bon ?

    M. Bruno Millienne

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    C’est un amendement rédactionnel, c’est ça ?

    Mme Sophia Chikirou

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    Il nous permet de poursuivre et d’approfondir ce débat très intéressant – et essentiel – et de comprendre pourquoi il convient d’y consacrer du temps. J’accorde beaucoup d’importance au fait que les Calédoniens nous regardent à la télévision et nous entendent débattre.

    M. Bruno Millienne

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    Pouvez-vous lire votre amendement ? Madame la présidente, l’intervention n’a rien à voir avec l’amendement. Défendez votre amendement !

    Mme Sophia Chikirou

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    Ils se rendront ainsi compte qu’il existe d’autres manières de régler les problèmes et de poursuivre la discussion que d’y mettre fin de façon abrupte par des propos qui peuvent sembler intolérables, comme ceux de M. le rapporteur tout à l’heure.
    Monsieur le ministre, en défendant ce projet de loi, vous choisissez le coup de force ; en instrumentalisant la question du corps électoral, vous instaurez un rapport de force – de nombreuses personnes le vivent douloureusement ; vous employez des expressions comme le « grand remplacement », que nous nous refusons bien évidemment à utiliser. (Exclamations sur quelques bancs du groupe RN.)
    Le sentiment général est le suivant : encore une fois, ceux qui nous ont colonisés, ceux qui nous ont maltraités, ceux qui aujourd’hui encore nous dominent économiquement, socialement et culturellement – en nous imposant leurs vues depuis Paris, par exemple – nous font une entourloupe, nous imposent des mesures que nous ne voulons pas et refusent de dialoguer avec nous.
    Le temps en Nouvelle-Calédonie n’est peut-être pas le même qu’à Paris. Peut-être faut-il savoir prendre le temps nécessaire pour débattre et se mettre d’accord. Et ce n’est pas grave. Il importe de privilégier la paix et d’éviter les tensions – et la répression. Or vous avez le goût de la répression. (Mme la présidente coupe le micro de l’oratrice, dont le temps de parole est écoulé. – Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)
    Je n’avais pas fini, madame la présidente !

    (L’amendement no 98, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Sabrina Sebaihi, pour soutenir l’amendement no  211.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Il s’agit une fois encore de limiter le dégel du corps électoral, en le restreignant aux natifs.
    Je note, monsieur le ministre, que vous avez utilisé, pour la première fois depuis le début du débat, le mot « colonisation ». C’est intéressant.
    Quand nous avons proposé de n’appliquer le dégel du corps électoral qu’aux natifs, vous n’avez pas répondu sur le fond. Plutôt que d’expliquer pourquoi vous n’accepteriez pas de l’ouvrir à ces derniers seulement – sans les dix ans glissants –, vous nous avez répondu que dans ce cas, les Kanaks seraient majoritaires.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est l’un des arguments.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    D’où ma question : votre objectif, en ajoutant les dix ans glissants, est-il de limiter le nombre de Kanaks inclus dans le corps électoral ? Est-ce pour cela que vous ne voulez pas limiter le dégel du corps électoral ? En réalité, ce qui motive ce choix n’est pas clair. L’ouverture aux seuls natifs permettrait une transition apaisée avant de s’orienter vers un dégel plus large.
    Des orateurs ont évoqué une hiérarchisation. Personne sur ces bancs ne veut hiérarchiser les individus !

    M. Antoine Léaument

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    Exactement ! Merci de le dire.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    En revanche, permettez-nous de distinguer les colonisés et les colonisateurs. C’est différent. (M. Antoine Léaument applaudit.)
    J’ai aussi entendu des collègues expliquer qu’il n’y aurait pas d’invasion, que ce ne seraient pas de nouveaux arrivants. Pardon : il y a des personnes qui sont venues de l’extérieur mais qui sont déjà là – qui ont colonisé pendant un moment.
    Je ne comprends pas pourquoi vous affirmez que nous opérons une hiérarchisation et que les natifs seraient majoritairement des Kanaks. Ce n’est pas le sujet. Puisque vous avez l’intention de mener cette réforme à son terme, nous vous demandons de faire en sorte que le dégel du corps électoral se passe dans les meilleures conditions possibles afin d’éviter un embrasement de la région. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je viens de me faire traiter de colonisateur – à l’Assemblée nationale !
    Qu’avons-nous colonisé, ma famille et moi-même ? Qu’est-ce que, en 2024, les Calédoniens qui ne sont pas kanaks ont colonisé ? Vous opérez une hiérarchie : vous utilisez les termes « colonisés » et « colonisateurs ».

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’est une réalité historique !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Nous n’avons rien colonisé. Nous sommes nés là-bas. C’est comme cela.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    La colonisation n’a donc jamais existé en Nouvelle-Calédonie ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est un fait historique. Nous avons reconnu la colonisation et nous ne la remettons pas en cause.

    Mme Danièle Obono

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    C’est bien là le problème !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est pour cela que nous avons signé les accords de Matignon et de Nouméa ; que nous avons fait des concessions ; que nous avons accepté qu’une large autonomie soit accordée à la Nouvelle-Calédonie ;…

    Mme Sabrina Sebaihi

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    « Accepté » ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    …que plus de 200 000 hectares de terres ont été redistribués dans les années 1980. J’ignore si vous vous êtes déjà rendue en Nouvelle-Calédonie, madame Sebaihi, mais des personnes qui vivaient avec les Kanaks sur la côte est et dans le nord ont dû redistribuer leurs terres aux clans.

    M. Jean-Victor Castor

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    Redistribuer leurs terres ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Oui : ils sont nés sur ces terres.

    M. Nicolas Sansu

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    Oh là là ! C’est dangereux !

    M. Jean-Victor Castor

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    Ils ont restitué les terres, c’est tout.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Il n’y a pas de colonisateur et de colonisé en Nouvelle-Calédonie ; il n’y a que des Calédoniens.
    Pour ce qui concerne votre amendement, on ne peut pas accepter en Nouvelle-Calédonie que seuls ceux qui y sont nés puissent voter alors que ceux qui arrivent pour construire leur vie, qui sont investis et qui ont fondé une famille ne le pourraient pas. Ce n’est pas possible : vous ne pouvez pas restreindre encore plus le corps électoral. Vous avez dit que vous êtes contre une telle restriction. Nous proposons que dix ans de présence sur le territoire soient nécessaires pour pouvoir voter – c’est un cas unique dans le territoire de la République. Le corps électoral est déjà suffisamment restreint, ne le restreignez pas davantage. La démocratie a assez souffert comme cela.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je n’ai pas dit que j’étais opposé à l’inscription des seuls natifs sur la liste électorale au motif que, dans ce cas, les personnes d’origine kanak seraient majoritaires. J’ai dit que c’était votre demande et que vous relayiez celle du FLNKS.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    On vous a posé la question et c’est ce que vous avez répondu !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vous ai répondu que j’étais opposé à n’inclure que les natifs parce que cela serait injuste – on ne peut pas appliquer le seul droit du sol. Après avoir défendu la nécessité de lutter contre une vague dite submersive – c’est le terme utilisé par votre groupe politique –,…

    Mme Danièle Obono

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    Arrêtez !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …vous n’allez quand même pas vouloir ne pas appliquer le droit du sang au seul profit du droit du sol ?
    Ce que vous exigez de l’Hexagone, vous ne l’exigez pas pour la Nouvelle-Calédonie. Vous êtes complètement incohérents politiquement !

    M. Marcellin Nadeau

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    Ce n’est pas la même situation !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce que nous souhaitons, c’est revenir à un corps électoral, exceptionnel certes, mais qui est le reflet d’un compromis politique – M. le rapporteur l’a évoqué. Ce n’est pas la position des indépendantistes ; néanmoins, elle avait été défendue notamment par le Palika et par une partie de l’Union calédonienne lorsque nous en avions discuté, même s’ils souhaitaient l’inscrire dans un schéma d’accord plus global.
    Je n’ai jamais dit qu’il fallait refuser les natifs sous prétexte qu’une majorité de Kanaks pourrait voter. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    C’était votre réponse !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Non, ce n’est pas vrai. Ne caricaturez pas mes propos. Je vous ai dit que je trouvais cela injuste pour un vote local – je précise pour ceux qui nous écoutent qu’il ne s’agit pas de modifier la liste électorale utilisée pour les consultations relatives à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, mais celle qui permet d’élire les responsables locaux. Il ne paraît pas anormal que quelqu’un qui a passé dix ans sur un territoire puisse y voter, surtout s’il est citoyen de ce territoire.
    Avis défavorable.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Arthur Delaporte.

    M. Arthur Delaporte

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    Je voudrais revenir sur le nombre de personnes actuellement exclues de la liste électorale. Les chiffres que vous avez donnés, monsieur le ministre, sont ceux de l’Institut de la statistique et des études économiques (ISEE) de la Nouvelle-Calédonie, qui sont cités à la page 42 du rapport de la commission des lois du Sénat : 12 441 natifs seraient actuellement exclus de la liste et environ 13 400 citoyens français résidant en continu depuis au moins dix ans deviendraient éligibles à l’inscription.

    Mme Sabrina Sebaihi

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    Les autres sont citoyens français aussi !

    M. Arthur Delaporte

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    Un chercheur, Sylvian Brouard, propose une estimation concurrente de 17 000 personnes. On a du mal à estimer précisément le nombre de personnes du fait des problèmes de non-inscription et de mal-inscription – la Nouvelle-Calédonie n’est pas dans le registre électoral unique. Il existe donc de réelles difficultés à mesurer les effets de la réforme. Mais au-delà, qu’en est-il du principe qui la guide ? Tel est le véritable enjeu. Malheureusement, vous n’avez toujours pas répondu sur ce point.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Davy Rimane.

    M. Davy Rimane

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    Ce sera ma dernière intervention ce soir car la messe est dite et il est inutile d’insister. Même si nous estimons défendre des amendements de construction, nous voyons bien que vous ne voulez pas réellement débattre sur le fond.

    M. Bruno Millienne

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    Des amendements de construction ?

    M. Davy Rimane

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    Je tiens néanmoins à apporter plusieurs précisions.
    Non, monsieur le ministre, le débat sur les autochtones et les allochtones n’est pas terminé. Prenons le cas de la Guyane : nous avons un débat sur les autochtones – les Amérindiens qui ont été décimés par la colonisation – et nous devons collectivement parler de restitution de leurs terres ancestrales, et non de don de terres.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce que vous avez dit est scandaleux, monsieur Metzdorf !

    M. Davy Rimane

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    L’approche est totalement différente. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, et Écolo-NUPES.)
    Ensuite, nous parlons de territoires colonisés, donc de territoires fracturés, meurtris, blessés, lorsque la réparation n’a pas eu lieu. À la décolonisation telle que vous la concevez s’ajoute de notre point de vue un volet réparation. L’éminent psychiatre Frantz Fanon, engagé dans l’armée française, a écrit des ouvrages sur ce thème, notamment Les Damnés de la terre, dont je vous recommande la lecture : il explique, à partir de son expérience de psychiatre, que la décolonisation est aussi violente que la colonisation. S’il n’y a pas eu de violence lors de la décolonisation, cela signifie qu’elle n’a jamais eu lieu ; les personnes qui s’étaient approprié des terres, notamment, doivent les rendre. C’est pourquoi il évoque la violence dans la décolonisation.
    Nous devons comprendre ces principes et ces mécanismes humains. J’entends le point de vue du rapporteur quand il affirme que lui et sa famille n’ont colonisé personne – c’est vrai –, mais, historiquement, il y a un fait colonial.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Oui.

    M. Davy Rimane

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    Certaines blessures ne peuvent être occultées. Le débat doit porter sur cela et uniquement sur cela. Malheureusement, nous n’en sommes pas là. Les amendements qui permettaient de sortir par le haut de ce débat ont été rejetés. Le rapporteur et le ministre ont affirmé que le projet de loi constitutionnelle permettra de sortir la Nouvelle-Calédonie de sa situation. J’en prends acte ; l’avenir nous le dira.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Monsieur le ministre, plusieurs de vos propos me semblent incohérents. Ouvrir le corps électoral aux natifs, c’est appliquer non pas le droit du sang, mais le droit du sol. (M. Antoine Léaument applaudit.) Et nous y sommes favorables dans l’Hexagone aussi.

    M. Emeric Salmon

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    Vous n’allez pas territorialiser le droit du sol !

    M. Bastien Lachaud

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    Je ne comprends donc pas ce que vous avez voulu dire en opposant le droit du sol là-bas et le droit du sol ici.
    Ce que nous expliquons depuis le début, c’est que les Calédoniens ont accepté qu’il y ait eu des victimes de l’histoire et qu’ils sont d’accord pour partager un destin commun – mais construit par eux, par le dialogue. Nous n’allons pas décider de la citoyenneté calédonienne en disant que c’est dix ans, point. Il faut un code de la citoyenneté défini par les Calédoniens.
    M. Millienne s’interrogeait sur ce qu’on ferait si dans un an et demi aucun accord n’était trouvé. C’est une bonne question.

    M. Bruno Millienne

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    Merci !

    M. Bastien Lachaud

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    M. le ministre a indiqué que des discussions se tenaient depuis trois ans, mais c’est faux : les indépendantistes ont refusé de discuter pendant un an à la suite du troisième référendum ; cela fait donc en réalité beaucoup moins d’un an. Surtout, le document dit martyr de septembre 2023, dans lequel l’identité kanak et le sénat coutumier ne sont pas mentionnés, pose un problème. En effet, j’espère que tout le monde est d’accord pour dire que l’accord de Nouméa est irréversible et qu’on ne peut pas revenir dessus ou aller en deçà. Or, précisément, ne pas mentionner l’identité kanak et le sénat coutumier dans le document martyr, c’est aller en deçà.
    Vous affirmez, monsieur le ministre, que la réforme du corps électoral concerne non pas la liste électorale générale utilisée pour les référendums, mais uniquement la liste spéciale provinciale. Rappelons que l’accord de Nouméa prévoit qu’un référendum peut être organisé si un tiers des membres du Congrès de la Nouvelle-Calédonie le demande. La composition du Congrès est donc intimement liée à l’autodétermination.
    Pourtant, nous ne savons pas ce que l’accord général dira…

    Mme la présidente

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    Merci, cher collègue.

    M. Bastien Lachaud

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    …et donc quel sera le rôle du Congrès dans le processus d’émancipation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Yoann Gillet.

    M. Yoann Gillet

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    La situation est assez pénible, ce soir. Nous considérons qu’il est nécessaire de travailler à un nouveau statut pour la Nouvelle-Calédonie – les Calédoniens y sont favorables, quelles que soient leurs positions – et nous estimons qu’il eût été plus intelligent de la part du Gouvernement de procéder à des modifications dans le cadre d’un accord global ; cela aurait certainement évité certains conflits en cours.
    Pour autant, on ne peut pas s’opposer à ce que des Français puissent voter sur un territoire français, chers collègues d’extrême gauche. Votre façon de faire ce soir est insupportable. Vous jetez de l’huile sur le feu. Dans la discussion générale, vous avez tenu des propos intolérables. Vous contribuez à rendre extrêmement dangereuse la situation actuelle.

    Mme Sophia Chikirou

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    Il faut suivre les débats !

    M. Yoann Gillet

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    Madame Chikirou, vous n’avez pas de leçons à nous donner en la matière. Pour notre part, nous sommes très clairs : nous appelons au calme.

    Mme Danièle Obono

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    Oui, oui, c’est ça, retournez vous coucher !

    M. Yoann Gillet

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    J’aurais bien aimé que vous en fassiez de même. Or, depuis le début, vous ne cessez de jeter de l’huile sur le feu.

    M. Antoine Léaument

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    Il y a parmi vous quelqu’un qui a défendu à la tribune la colonisation de l’Algérie !

    Mme la présidente

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    Monsieur Léaument, s’il vous plaît !

    M. Yoann Gillet

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    Nous ne saurions soutenir ces amendements, qui reflètent une vision sectaire et unidirectionnelle ne tendant qu’à empêcher des Français de voter sur un territoire français. Ce n’est pas acceptable.
    Madame la présidente, nous aimerions pouvoir avancer au lieu d’avoir à discuter de ces amendements d’obstruction. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

    (L’amendement no 211 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement no 100.

    Mme Danièle Obono

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    Il s’agit là aussi d’un amendement rédactionnel (« Ah ! » sur divers bancs),…

    M. Emeric Salmon

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    Et un beau : il vise à remplacer « moins » par « minimum » !

    Mme Danièle Obono

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    …qu’il nous semble nécessaire de défendre car nous ne sommes pas satisfaits par les réponses du Gouvernement. Vous nous avez indiqué des chiffres, monsieur le ministre, qui ne correspondent pas à ceux demandés par le FLNKS et les indépendantistes : ce sont des projections sur dix ans qu’ils réclament et non une estimation à l’instant T. Ils s’étaient dits prêts à étudier vos propositions, mais sur la base de ces projections. La manière dont vous menez le débat depuis le début n’est ni sérieuse, ni impartiale, ni respectueuse pour l’une des parties à la négociation.

    M. Bruno Millienne

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    Ce qui n’est pas respectueux, ce sont vos amendements !

    Mme Danièle Obono

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    Notre parti n’a pas pris position sur l’indépendance ou l’appartenance à la France, même s’il existe en son sein des souhaits individuels, mais vous avez tant tordu le bâton en prenant parti pour un camp au lieu de garantir l’impartialité, …

    M. Bruno Millienne

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    Parce que vous, vous ne prenez pas parti ?

    Mme Danièle Obono

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    … que nous sommes obligés de faire entendre les questionnements de l’autre camp, que votre projet de loi veut silencier. Ces questionnements, vous n’y répondez pas : les projections demandées portent sur la période de dix années, retenue dans les différents accords. Tant que vous ne nous transmettrez pas ces éléments, la discussion ne pourra être claire et le vote ne sera pas sincère. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Défavorable.

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Défavorable également.

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne, pour un rappel au règlement.

    M. Bruno Millienne

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    Je me fonde sur l’article 54, alinéa 6, qui précise que l’orateur ne doit pas s’écarter de la question de son amendement.
    Madame la présidente, vous donnez, et je vous en félicite, largement la parole, plutôt du côté des bancs situés à la gauche de l’hémicycle : ceux qui y siègent ont en moyenne six à huit minutes pour s’exprimer après que l’amendement a été soutenu. Dans ces conditions, il serait bon qu’ils s’en tiennent au texte de leurs amendements.
    L’amendement no 100 a pour objet de remplacer…

    M. Emeric Salmon

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    « Moins » par « minimum » !

    M. Bruno Millienne

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    …« moins » par « minimum » ; l’amendement no 101, « suivantes » par « qui suivent ».

    Mme Danièle Obono

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    Oui : il s’agit d’amendements rédactionnels.

    M. Bruno Millienne

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    Tenez-vous en au contenu de vos amendements, chers collègues, et nous gagnerons un tout petit peu de temps. Vous passerez moins pour le groupe spécialiste depuis le début de l’obstruction systématique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem, sur plusieurs bancs du groupe RE et sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Rappel au règlement !

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Je vais mettre aux voix l’amendement no 100.

    (L’amendement no 100 n’est pas adopté.)

    Mme Sophia Chikirou

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    Il y avait une demande d’intervention, madame la présidente !

    Mme la présidente

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    Madame Chikirou, vous pourrez prendre la parole sur l’amendement suivant.
    Nous en venons donc à l’amendement no 21.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’avais demandé la parole pour un rappel au règlement !

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je tiens à rappeler le texte exact de l’alinéa 6 de l’article 54 qu’a mal lu notre collègue Millienne : « L’orateur ne doit pas s’écarter de la question, sinon le président l’y rappelle. » Ce n’est donc pas la « question de l’amendement » qui est en cause. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LFI-NUPES.) Nous avons d’ailleurs eu ce débat à plusieurs reprises. Oui, pendant la défense de chaque amendement, il est possible d’évoquer l’ensemble du texte auquel il se rapporte. S’il fallait s’en tenir strictement au contenu de sa rédaction, il n’y aurait plus grand monde pour prendre la parole dans cet hémicycle !

    M. Bruno Millienne

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    Surtout avec vos amendements d’obstruction !

    M. Ugo Bernalicis

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    Souffrez qu’il puisse y avoir un peu de libéralité dans l’organisation de la discussion. Je sais que vous êtes plus autoritaires que nous,…

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce n’est pas ce que dit M. Corbière !

    M. Ugo Bernalicis

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    …mais, en l’occurrence, ma collègue n’a pas parlé d’autre chose que de la Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.)

    Mme la présidente

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    Je ne crois pas, chers collègues, que vous ayez été brimés ce soir. Les orateurs du groupe LFI-NUPES comme des groupes GDR-NUPES et du groupe SOC ont pu largement s’exprimer. S’il vous plaît, ne vous plaignez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe LFI-NUPES.)

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    Nous continuons la discussion. La parole est à M. Jean-Victor Castor, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Bruno Millienne

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    Pourra-t-il en donner lecture ?

    M. Jean-Victor Castor

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    Je ne vais pas moi non plus me limiter au texte de l’amendement : il me servira d’introduction pour évoquer le contexte actuel.
    Comme le soulignait Sophia Chikirou, nous débattons ce soir dans cet hémicycle alors que la Nouvelle-Calédonie Kanaky est à feu et à sang. Ne soyons pas déconnectés de ce qui se passe là-bas.
    Nous voulons par cet amendement fixer dans la Constitution le corps électoral référendaire tel qu’il a été établi en 1999. Cela donnerait des garanties au peuple kanak et aux indépendantistes. Les discussions devront de toute façon avoir lieu. Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous n’étiez pas opposé à l’idée de remettre à l’ordre du jour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes – je suppose que vous faisiez référence à la possibilité d’un référendum.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est à l’ordre du jour, en effet.

    M. Jean-Victor Castor

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    Que va-t-il se passer maintenant ? La nuit dernière, des drames sont survenus et des choses extrêmement graves se sont produites. Partout où il y a ce que l’on appelle des émeutes, je regarde le comportement de l’État. Je constate que, systématiquement, il entre dans un processus de répression en envoyant le Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou le Raid – recherche assistance intervention dissuasion.
    Hier, à la télévision, le haut-commissaire a même déclaré : « Les forces de l’ordre seront en état de légitime défense ».

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il a raison !

    M. Bruno Millienne

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    Quand on leur tire dessus à balles réelles, oui !

    M. Jean-Victor Castor

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    Je peux terminer, madame la présidente ?

    M. Bruno Millienne

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    Vous interrompez vos interlocuteurs, j’ai bien le droit de vous interpeller !

    Mme la présidente

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    Monsieur Millienne, s’il vous plaît !

    M. Jean-Victor Castor

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    Chers collègues, voulez-vous retourner en 1984 ? C’est ça, la perspective ?

    M. Bruno Millienne

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    Pas du tout, mais soyez exact !

    M. Jean-Victor Castor

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    Savez-vous que pendant les événements, cette année-là, dix Kanaks ont été tués et que ceux qui les ont tués ont été amnistiés ? Le savez-vous ?

    M. Bruno Millienne

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    Oui, je le sais !

    M. Jean-Victor Castor

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    Comment sortirons-nous de cette situation ?

    Mme la présidente

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    Merci, monsieur Castor.

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est ça, le vrai problème ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Irresponsable !

    M. Jean-Victor Castor

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    C’est vous qui êtes irresponsables, en n’utilisant que la répression !

    Mme la présidente

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Mon île a connu cette nuit de graves violences et si nous voulons retrouver la paix, la première étape est d’avoir un débat apaisé. Il ne faut pas inciter à tirer sur les gendarmes à balles réelles.

    M. Nicolas Sansu et Mme Sabrina Sebaihi

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    Qui a incité ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    C’est bien ce qui s’est passé hier soir : les gendarmes ont été pris pour cible à balles réelles. Ils ne sont pourtant à l’origine d’aucune exaction en Nouvelle-Calédonie.

    M. Jean-Victor Castor

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    Retirez le projet de loi !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Il y a eu des émeutes et des Calédoniens, des personnes civiles, ont été mis en danger.

    M. Jean-Victor Castor

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    Ouvrez le dialogue !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Ce qui contribue à mettre le feu en Nouvelle-Calédonie, c’est le choix politique que vous avez fait de soutenir les indépendantistes les plus radicaux.

    M. Antoine Léaument

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    C’est faux.

    M. Nicolas Sansu

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    C’est ça qui a mis le feu là-bas ?

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Vous auriez pu, je le dis sincèrement, prendre le parti d’un mouvement comme l’Union nationale pour l’indépendance (UNI)-Palika, qui fait de la pédagogie, appelle au calme et souhaite un dégel dans le cadre d’un accord.
    Vous reprenez les éléments de langage des indépendantistes les plus radicaux.

    M. Davy Rimane

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    Ce n’est pas bien, ce que vous faites.

    M. Nicolas Sansu

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    Ce n’est pas sérieux !

    M. Yoann Gillet

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    Ce sont des anarchistes ! Ils mettent de l’huile sur le feu !

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Je suis désolé de vous le dire, chers collègues, mais par vos interventions ce soir, vous contribuez à mettre de l’huile sur le feu.

    M. Yoann Gillet

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    Eh oui !

    M. Davy Rimane

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    Vous déformez nos propos.

    M. Nicolas Metzdorf, rapporteur

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    Que vous ayez sur la Nouvelle-Calédonie des opinions contraires aux miennes, je le respecte et je défendrai toujours ce principe. En revanche, arrêtez d’inciter à la haine entre les Calédoniens. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et LIOT et sur quelques bancs du groupe RN.)

    M. Nicolas Sansu

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    Les colonisés finissent toujours par gagner !

    M. Jean-Victor Castor

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    Retirez le projet de loi ! (M. le rapporteur fait un geste en direction du groupe GDR-NUPES. – Vives exclamations sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)
    Qu’est-ce que c’est que ce geste ?

    M. Nicolas Sansu

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    Madame la présidente !

    M. Jean-Victor Castor

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    Vous ne le rappelez pas à l’ordre ?

    Mme la présidente

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    Ne criez pas. J’entends très bien et je regarde ce qui se passe, mes chers collègues.

    M. Nicolas Sansu

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    Le rapporteur a menacé mon collègue !

    Mme la présidente

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    J’ai vu ce qu’il a fait : il ne l’a pas menacé !
    Monsieur le ministre, vous avez la parole pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

    M. Jean-Victor Castor

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    Madame la présidente ! Qu’est-ce qu’il a fait ? Il m’a menacé !

    Mme la présidente

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    On ne m’interpelle pas comme cela en pleine séance publique, monsieur le député.
    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement no 21 ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Monsieur Castor, personne n’ignore les drames des années passées : les morts d’indépendantistes kanak comme celles de gendarmes, que vous n’avez pas citées.

    M. Roger Chudeau

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    Comme à leur habitude !

    M. Emeric Salmon

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    Eh oui !

    M. Davy Rimane

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    Si, je les ai citées !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je parle à M. Castor.
    Des drames, il y en a eu des deux côtés et il suffit d’aller en Nouvelle-Calédonie, plus précisément à Ouvéa, pour le savoir. N’ayons pas le drame sélectif !
    D’autre part, si le GIGN a été envoyé cette nuit, ce n’est pas pour tirer sur les manifestants, c’est parce qu’il est le seul à pouvoir intervenir pour sauver un homme de 81 ans dans sa maison en flammes – parce que certaines personnes l’avaient incendiée. Il s’agit du père de Mme Backès. Vous qui êtes tous élus, imaginez un instant que vos parents se retrouvent dans une maison en feu parce que vous faites de la politique. Vous auriez dû plutôt remercier les gendarmes du GIGN. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, RN, LR, Dem, HOR et LIOT.)

    M. Philippe Gosselin

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    Quelle honte !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    J’ajoute que trente-cinq gendarmes ont été blessés cette nuit.

    M. Jean-Victor Castor

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    Rappelez à l’ordre le haut-commissaire ! Il n’aurait pas dû dire ce qu’il a dit.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Au contraire, je félicite le haut-commissaire de la République. Sa propre fille est mariée à un Kanak appartenant à une tribu du nord de la Nouvelle-Calédonie. Vous ne connaissez pas ce haut fonctionnaire dont les petits-enfants ont du sang kanak et vous jetez son nom en pâture ! De quoi parlez-vous devant la représentation nationale ?

    M. Emeric Salmon

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    Scandaleux !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ce que vous faites est provocateur et scandaleux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et LIOT.)

    Rappel au règlement

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Marcellin Nadeau, pour un rappel au règlement.

    M. Marcellin Nadeau

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    Rappel au règlement sur le fondement de l’article 70.
    M. le rapporteur s’est montré agressif et menaçant à l’endroit de notre collègue Jean-Victor Castor. C’est inadmissible dans cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. – M. Jean-Victor Castor applaudit également.) Cette forme de violence prolonge celle qui se déroule en Nouvelle-Calédonie contre le peuple kanak. (Mêmes mouvements.)

    M. Emeric Salmon

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    Quelle honte !

    M. Philippe Gosselin

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    C’est déplacé !

    Article 1er (appelé par priorité - suite)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Tematai Le Gayic.

    M. Tematai Le Gayic

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    Ce sera ma dernière intervention ce soir, car je vais retirer les autres amendements que j’avais déposés. Leur objectif était d’apporter des éléments supplémentaires au débat et de faire en sorte que ce projet de loi constitutionnelle puisse connaître un destin commun. Malheureusement, pour des logiques que je comprends, on note la volonté, en vue d’accélérer le processus, de n’accepter aucun amendement. C’est la raison pour laquelle je préfère les retirer : ils n’auraient aucune chance d’être adoptés même si je les présentais de la meilleure des manières possibles.
    Nous débattons d’un projet de loi constitutionnelle portant sur la démocratie et l’ouverture du corps électoral. Vous avez confirmé, monsieur le ministre, que se pose également la question du droit à la décolonisation et de toutes les modalités d’exercice de ce droit. Un accord global est nécessaire, même s’il peut s’obtenir dans un deuxième temps. Nous étions ensemble à l’Élysée quand le Président de la République a, pour tous les territoires d’outre-mer qui souhaitent une évolution statutaire ou institutionnelle, ouvert le champ des possibles, selon le principe suivant : dites-nous ce que vous souhaitez et nous essaierons de travailler ensemble sur le processus d’évolution.
    Or, ce qui m’interpelle ce soir, en tant que représentant d’un peuple premier de Polynésie, c’est que cette assemblée qui devrait, au cours du quinquennat, décider de l’avenir institutionnel de mon pays – après celui de Nicolas Metzdorf et de Philippe Dunoyer – ne reconnaît pas la place du peuple premier. C’est en tout cas mon sentiment lorsque j’entends certains collègues. Reconnaître cette place, c’est reconnaître qu’à Wallis-et-Futuna, il y a un statut particulier des terres coutumières et trois rois, l’un à Uvea, les deux autres à Futuna ; qu’il y a un sénat coutumier des tribus en Nouvelle-Calédonie. Or ce n’est pas ce que j’ai entendu au cours du débat : on met de côté la question du peuple premier et des droits des peuples autochtones.

    Mme la présidente

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    Merci, cher collègue.

    M. Tematai Le Gayic

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    Enfin, je rappelle que la prise de possession de la Nouvelle-Calédonie a eu lieu en 1853, il y a cent soixante et onze ans. Pendant cent ans – jusque dans les années 1950 –, les Kanaks n’ont pas eu le droit de vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

    Mme la présidente

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    Merci.

    M. Tematai Le Gayic

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    Si vous le permettez, je termine, madame la présidente.
    Pendant la première guerre mondiale, la tribu de Tiendanite, à Hienghène, a été rasée parce que les Kanaks n’ont pas voulu participer à l’effort de guerre. Alors qu’ils n’avaient pas le droit de vote ni même la nationalité française, la France a exigé, il y a un siècle, qu’ils aillent sur le front. On a rasé la tribu parce qu’ils ont refusé !
    On ne peut pas mettre de côté toutes ces blessures de l’histoire de la colonisation, ni nier leur existence. C’est ce qui rend difficile la définition d’un destin commun. Quand, demain, nous allons parler d’un accord global, il faudra avoir cela en tête. Or ce n’est pas l’esprit qui règne aujourd’hui dans cet hémicycle. Je le regrette. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Philippe Dunoyer.

    M. Philippe Dunoyer

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    Je suis le deuxième député calédonien. Je n’ai pas pris la parole jusqu’à présent, non parce que je n’avais rien à dire, mais parce qu’il était important que chacun puisse défendre son point de vue sur le texte et, plus globalement, sur le sujet calédonien.
    La nuit dernière, des émeutes se sont déroulées en Nouvelle-Calédonie : des dizaines d’entreprises ont disparu, des centaines de personnes ont perdu leur emploi, parmi lesquels, à n’en pas douter, des électeurs indépendantistes et non indépendantistes.

    M. Davy Rimane

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    C’est sûr !

    M. Philippe Dunoyer

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    Je suis un vieux monsieur de 56 ans ; cela fait quarante ans que ce genre d’événement ne s’était pas produit chez moi. J’ai entendu tout à l’heure qu’il ne fallait pas considérer la question avec légèreté. Je peux vous assurer que tel n’est pas mon cas ; je l’envisage avec une extrême inquiétude et une gravité comme j’en ai rarement ressenti dans ma vie. Je vous le dis, mes chers collègues, parce que nous arrivons à la fin de la séance : le processus institutionnel de la Nouvelle-Calédonie est tellement compliqué – je ne peux même pas prétendre le connaître parfaitement – qu’il ne peut pas se résumer ou se limiter à certains rappels historiques, pour exacts qu’ils soient.
    L’épisode de Nainville-les-Roches, qui a été évoqué à plusieurs reprises, a eu lieu en 1983, soit un an avant les événements. La sortie de ceux-ci a été rendue possible par les accords de Matignon et d’Oudinot, puis par l’accord de Nouméa. Dans ce processus, engagé il y a trente-six ans, nous sommes, péniblement, difficilement, toutes sensibilités politiques confondues, parvenus à progresser vers le destin commun. Personne, objectivement, ne renonce à cet objectif. Tout le monde sait que l’histoire a été tragique et personne ne l’a oublié, moi et Nicolas Metzdorf moins que tout autre. Dans mon cas, il ne s’agit pas d’une évocation historique : ces événements, je les ai vécus personnellement.
    Parler de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, c’est certes très important ; cela sert à développer des arguments sur des amendements finalement assez peu défendus en tant que tels et à parler du contexte. Je veux simplement vous dire que le processus calédonien – mon collègue Tematai Le Gayic le sait bien car le processus polynésien est lui aussi très compliqué – est complexe et extrêmement fragile.

    Mme Sophia Chikirou

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    Dites-le à Darmanin !

    M. Philippe Dunoyer

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    Je vous le dis avec le cœur, sans incriminer quiconque : je suis très inquiet de ce qui se passe. (« Nous aussi ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES. – M. Arthur Delaporte applaudit également.) Je vous demande, je nous demande de ne pas risquer de donner le sentiment à ceux qui écoutent nos débats qu’il y aurait des remises en question et que le Gouvernement serait subitement frappé de folie, en décidant tout à coup de désinscrire la Nouvelle-Calédonie de la liste des territoires autonomes. Seul l’ONU peut le décider. Cela fait un an que nous discutons entre partenaires politiques avec l’État, sans malheureusement parvenir à un accord. Hier, le Président de la République a pris une initiative et fait des propositions. Je vous le dis : c’est notre dernier espoir collectif de sortir de l’ornière un territoire qui est en train de replonger quarante ans en arrière, dans les pires heures de son histoire. (M. Arthur Delaporte et M. Antoine Léaument applaudissent.)
    C’est l’objet de mon intervention, qui – pardon, madame la présidente – n’a rien à voir avec l’amendement en discussion :…

    Mme Danièle Obono

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    Et c’est très bien.

    M. Philippe Dunoyer

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    …faisons très attention à ne pas refaire l’histoire et soyons attentifs aux interprétations de nos propos qui pourraient être faites en Nouvelle-Calédonie. Je m’intéresse à la Guyane, monsieur Castor, mais je serais très prudent si je devais en parler. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a simplement rappelé qu’en plusieurs lieux, notamment à Saint-Louis, dans la commune du Mont-Dore, depuis des années, des gens tirent à l’arme lourde sur les forces de l’ordre : ils ne sont pas animés par des objectifs politiques ; ce sont des criminels, qui, à ma connaissance, n’agissent pas pour défendre le gel ou le dégel du corps électoral. Le haut-commissaire n’a fait que rappeler que les gendarmes ne sont pas là pour servir de cibles au tir au pigeon. Toute l’après-midi, nous avons reçu des nouvelles d’un gendarme qui était entre la vie et la mort. Si nous franchissons le stade où un mort sera à déplorer d’un côté ou de l’autre, à ce moment-là, je ne sais pas où nous irons.
    Je sais que je ne vous apprends rien et que vous êtes vigilants, mais, de grâce, restons sur ce texte, qui fait l’objet d’oppositions et de soutiens. Après son adoption, je souhaite que la proposition du Président de la République soit accueillie par l’ensemble des formations politiques, pour que l’accord global que tout le monde attend finisse par surgir. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LR, Dem, HOR et LIOT. – M. Davy Rimane applaudit également.)

    M. Jean-Victor Castor

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    Pourquoi ne pas retirer le texte ?

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Pour aller dans le sens de mon collègue Dunoyer, personne, monsieur Castor, n’a oublié les événements qui ont endeuillé la Nouvelle-Calédonie, même sans être parfaitement au fait de son histoire. Aucun d’entre nous n’a oublié ce qui s’est passé, n’a oublié les morts – d’un côté comme de l’autre, d’ailleurs. En revanche, je suis intervenu, monsieur Castor, parce que vos propos au sujet du haut-commissaire n’étaient pas justes ni complets, pour une raison simple qui vient d’être rappelée : quand on tire à balles réelles sur des gendarmes – M. Le Gayic sera d’accord avec moi puisqu’il a hoché la tête quand cela a été rappelé –, ils sont en légitime défense. Vous ne pouvez pas le nier.

    M. Davy Rimane

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    C’est vrai.

    M. Bruno Millienne

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    Il faudrait calmer les débats parce que pour l’instant, nous ne faisons qu’attiser le feu d’une situation déjà très compliquée. Je souhaite qu’un accord global soit trouvé localement ; c’est la meilleure des solutions. Ce texte, d’ailleurs, ne l’empêche pas. Il met un peu la pression, j’en conviens, pour aboutir à un accord global peut-être plus rapidement que prévu, mais, à part M. Le Gayic qui a donné ou esquissé une forme de réponse, ce dont je le remercie, aucun d’entre vous, qui, j’y insiste, avez déposé des amendements d’obstruction – l’amendement no 101 vise à remplacer « suivantes » par « qui suivent » ! –, n’a proposé au Gouvernement une sortie par le haut… (M. Davy Rimane lève la main)

    Mme Danièle Obono

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    Si !

    M. Bruno Millienne

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    Madame Obono, laissez-moi terminer !
    Aucune issue, donc, si ce n’est de vouloir prolonger le processus, sans envisager une seule seconde que ce dernier ne puisse aboutir. Quelle serait la solution si, au bout du compte, il n’aboutissait pas ? Vous ne le dites pas. Vous pouvez parler sans cesse de réponse globale et nous pourrions en débattre pendant des jours, s’il n’y a pas l’esquisse d’un début de solution et si le compromis global local n’émerge pas, on n’avancera pas.

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bruno Millienne

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    « Suivantes » par « qui suivent » !

    M. Bastien Lachaud

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    Je souhaite rebondir sur les propos de M. Dunoyer parce qu’ils sont importants. Nous convenons avec lui que le sujet est très sensible et que ce que nous disons ici peut avoir des répercussions en Nouvelle-Calédonie ; l’action du Gouvernement aussi. Et c’est bien parce que le sujet est très sensible qu’il faut agir avec précaution.
    D’habitude, lors des débats relatifs à une réforme constitutionnelle, on nous dit qu’il ne faut toucher à la Constitution qu’avec une main tremblante. Rarement cette phrase n’a été aussi vraie qu’aujourd’hui ; c’est bien parce qu’il faut agir avec précaution que nous n’avons cessé de rappeler la fragilité de la paix et la nécessité d’avancer avec prudence. Voyez-vous, monsieur Millienne, quand vous admettez que ce texte met la pression, c’est un problème (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES) parce que la situation est si tendue et si fragile qu’il n’est pas possible que le Gouvernement et nous-mêmes, constituants, à 22 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie, nous mettions la pression.
    Oui, monsieur Millienne, nous avons une solution.

    M. Bruno Millienne

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    Ah, enfin !

    M. Bastien Lachaud

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    À chaque fois que des accords ont été conclus, une mission du dialogue a été envoyée en Nouvelle-Calédonie. (Mêmes mouvements.) De hautes personnalités indépendantes du Gouvernement et neutres, des préfets – Christian Blanc, par exemple – sont allés en Nouvelle-Calédonie et ont rétabli le dialogue entre les indépendantistes et les non-indépendantistes. Nous avons besoin d’une nouvelle mission du dialogue et d’un geste du Gouvernement qui consiste à retirer ce texte pour que la mission du dialogue puisse se déployer et permette d’aboutir à la paix. Personne ici ne veut autre chose que la paix civile en Nouvelle-Calédonie (Mme Mathilde Panot applaudit), mais nous ne l’obtiendrons pas en agissant à la manière du Gouvernement et en adoptant cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs du groupe GDR-NUPES.)

    Mme la présidente

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    La parole est à M. Sylvain Maillard.

    M. Sylvain Maillard

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    À l’invitation des députés Metzdorf et Dunoyer, je me suis rendu en Nouvelle-Calédonie il y a quelques semaines. J’ai eu la chance de rencontrer les plus hautes autorités, dont le président du gouvernement et celui du Congrès, et je me suis rendu au sénat coutumier. J’ai entendu le mot « blessures », que vient d’utiliser M. Le Gayic, mais aussi les mots « destin commun ». Il faut construire un destin commun : voilà ce que j’ai entendu.
    Le débat de ce soir porte non pas sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, mais sur le dégel du corps électoral. Je crois que, sur le fond, nous sommes assez d’accord. L’ensemble des autorités – y compris les indépendantistes, comme le président du gouvernement et celui du Congrès – s’accordent sur le principe du dégel. Elles demandent seulement qu’il y ait une discussion plus globale sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

    Plusieurs députés du groupe LFI-NUPES

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    Exactement !

    M. Jean-Victor Castor et Mme Mathilde Panot

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    Pour cela, il faut retirer le texte !

    M. Sylvain Maillard

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    Or que prévoit le texte ? N’oubliez pas l’article 2 ! Les discussions continueront dans les semaines qui viennent. Le Président de la République a tenu hier des propos très forts, affirmant qu’il laisserait aux négociations le temps qu’il faudra. Toutes les positions ont été entendues !
    Tout le monde est d’accord pour dégeler le corps électoral. Je ne comprends donc pas pourquoi nous restons bloqués sur ce point qui fait consensus en Nouvelle-Calédonie. Avançons dans l’examen du texte, allons jusqu’à l’article 2 – pas ce soir, mais nous y parviendrons – et accompagnons les négociations locales,…

    Mme Sophia Chikirou

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    Il n’y a pas de négociations en ce moment !

    M. Sylvain Maillard

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    …car oui, la solution se trouvera en Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RE.)

    (L’amendement no 21 n’est pas adopté.)

    Mme la présidente

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement.

    Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement

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    J’informe les parlementaires qu’au vu du nombre d’amendements restants, le Gouvernement demandera demain à la conférence des présidents l’inscription à l’ordre du jour de la suite de la discussion du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

    Mme la présidente

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    La suite de la discussion est donc renvoyée à une prochaine séance.

    2. Ordre du jour de la prochaine séance

    Mme la présidente

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    Prochaine séance, demain, à neuf heures :
    Questions orales sans débat.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à minuit.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra