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Délégation pour l’Union européenne

mardi 13 mai 2008

16 h 30

Compte rendu no 43

Présidence de M. Pierre Lequiller Président

I. Examen du rapport d’information de M. André Schneider, rapporteur, sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie, ouvert à la presse

II. Echange de vues sur le renforcement du rôle du Parlement en matière européenne dans le projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions de la Ve République

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

IV. Nomination d’un rapporteur

I. Examen du rapport d’information de M. André Schneider, rapporteur, sur le troisième paquet de libéralisation du marché de l’énergie, ouvert à la presse

M. André Schneider, rapporteur, a rappelé qu’en février 2006, il avait présenté devant la Délégation un rapport d'information sur le livre vert concernant l'efficacité énergétique dans l'Union européenne. Il évoquait alors l'hypothèse « pessimiste » d'un baril de pétrole franchissant le seuil des 100 dollars et émettait des réserves sur le développement des biocarburants dits « de première génération ». Aujourd'hui, le cours du pétrole a franchi les 120 dollars et le débat sur ce qu'il est convenu de dénommer la « durabilité » des biocarburants s'est considérablement amplifié.

Depuis deux ou trois ans, c'est plus généralement la place des questions énergétiques dans l'Union européenne qui s'est fortement développée. Dans un contexte marqué par la hausse du prix des hydrocarbures, leur épuisement progressif, les incertitudes pesant sur la sécurité d'approvisionnement et la lutte contre le changement climatique, l'énergie est clairement devenue une priorité communautaire. Cela s'est d'abord traduit dans les textes institutionnels : le Traité de Lisbonne fait de l'énergie un domaine de compétences partagées de l'Union européenne et des États membres, alors que, jusqu'à présent, l'Europe ne pouvait intervenir que de façon indirecte, en faisant valoir ses compétences en matière de marché intérieur, de concurrence ou d'environnement. La priorité accordée à l'énergie est également visible par la multiplication des initiatives de la Commission européenne. Elle vient de soumettre, en janvier 2008, un « paquet énergie/climat ». Elle annonce pour la fin de l'année, des propositions sur la sécurité d'approvisionnement et, plus globalement, sur la sécurité énergétique. Enfin, la Commission européenne a déposé, à l'automne 2007, cinq propositions – quatre règlements et une directive – visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel. Il s'agit du « troisième paquet énergie », faisant suite à deux précédentes réformes intervenues respectivement en 1996-1998 et en 2003. Ce sont ces textes qu’il convient d’étudier aujourd'hui.

Cet examen a fait l'objet d'une procédure spécifique. Les Présidents Lequiller et Ollier ont, en effet, souhaité la constitution d'un groupe de travail commun à la Délégation et à la Commission des affaires économiques, permettant de rationaliser la procédure d'examen et de confronter en amont nos approches respectives. Le rapport élaboré en commun, aura une rédaction identique, mais sera publié sous deux couvertures distinctes pour respecter le formalisme de l'article 88-4 de la Constitution.

Le rapporteur a ensuite noté que, dans une communication du 10 janvier 2007, la Commission européenne avait dressé le bilan de la mise en œuvre des deux premiers « paquets ». Selon elle, en dépit des progrès accomplis, l’achèvement du marché intérieur de l’électricité et du gaz est loin d’être atteint. Les principaux problèmes porteraient sur le degré élevé de concentration du marché, l’insuffisante intégration des marchés, qui restent nationaux, le manque de transparence et des mécanismes de formation des prix peu clairs. S’appuyant sur ce bilan, le Conseil européen du printemps 2007 a invité la Commission à proposer de nouvelles dispositions normatives. Pour la Commission européenne, une seule solution permettrait de résoudre les problèmes signalés précédemment : la séparation patrimoniale. Pour elle, sans une séparation effective des réseaux de transport par rapport aux activités de production et de fourniture, le risque existe d’engendrer des discriminations non seulement dans l’exploitation du réseau, mais aussi dans les incitations qu’ont les entreprises verticalement intégrées à consacrer les investissements appropriés à leurs réseaux. Il faudrait aller plus loin que le « deuxième paquet » de 2003, imposant aux entreprises intégrées comme EDF et GDF de séparer juridiquement, par la création d’une filiale, leurs activités de transport et de distribution. Il serait donc indispensable d’imposer une séparation de propriété entre le transport, d’une part, et la production-distribution, d’autre part.

Cette réforme donne lieu à de vives discussions, compte tenu de l’opposition manifestée par la France et l’Allemagne, en particulier. Le troisième paquet comporte aussi, toutefois, des propositions plus consensuelles, visant à mieux organiser, mieux structurer le marché.

Le troisième paquet procède ainsi à une harmonisation des compétences des régulateurs nationaux de l'énergie, qui se traduit par une indépendance accrue et, pour la plupart d'entre eux, une extension de leurs compétences. L’autorité de régulation doit, par exemple, être dotée de la personnalité juridique, bénéficier de l’autonomie budgétaire et disposer de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de ses obligations. Les missions et compétences des régulateurs nationaux font aussi l’objet de longs développements, bien plus détaillés que dans les dispositions des directives de 2003. La principale innovation réside dans un alinéa attribuant aux régulateurs le soin d’évaluer les plans d’investissement des gestionnaires de réseau de transport. Il s’agit d’un accroissement significatif des compétences de la plupart des régulateurs nationaux. Jusqu’à présent, seuls le Royaume-Uni et la France ont doté leurs régulateurs de pouvoirs similaires. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) dispose ainsi d’un pouvoir d’approbation – plus fort que l’évaluation donc – des programmes d’investissements, qui, après avoir été limité au secteur électrique, a été étendu, par la loi du 7 décembre 2006, aux programmes des transporteurs de gaz naturel. Par ailleurs, les régulateurs devront disposer des pouvoirs nécessaires pour s’acquitter de leurs obligations d’une manière efficace et rapide. Ils se voient donc reconnaître le droit d’enquêter, de demander toutes les informations nécessaires et d’imposer des sanctions dissuasives. De plus, les entreprises seront tenues de conserver les données concernant leurs décisions opérationnelles durant cinq ans et de les mettre à la disposition des autorités de régulation pour leur permettre de vérifier les allégations d’abus de marché.

La coordination et la coopération entre les autorités nationales de régulation s’organise déjà par l’intermédiaire de l’ERGEG (Groupe des régulateurs européens dans le domaine de l’électricité et du gaz). La Commission estime aujourd’hui que cette structure n’a pas donné l’impulsion décisive pour renforcer les normes et les approches communes nécessaires à la création, à terme, d’un marché européen de l’énergie. Le « troisième paquet énergie » propose donc la création d’une nouvelle structure aux pouvoirs renforcés : l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (l’ACER).

La Commission propose également une réforme ayant pour objet de formaliser la coopération des gestionnaires de réseau de transport (GRT), à travers une nouvelle institution : l’ENTSO (European network of transmission system operators). Il est apparu, en effet, que trois ans après le black-out survenu en Italie, les GRT européens n’avaient pas tiré toutes les conséquences de cette panne d’électricité à grande échelle. Même après le scénario catastrophe de novembre 2006, résultant d’une erreur sur le réseau de la société allemande E.ON, qui a privé d’électricité quinze millions d’Européens - dont cinq millions de Français – pendant environ deux heures, ils n’ont pas pris pleinement la mesure des dommages subis par les consommateurs. De son côté, le régulateur allemand de l’énergie a réagi sans fermeté, manifestement soucieux de préserver E.ON. La coopération se fera donc désormais sur une base obligatoire au sein de l’ENTSO. Les principales tâches confiées à ce réseau seront l’adoption, dans un cadre contraignant, de codes commerciaux et techniques, ainsi que l’élaboration d’un plan d’investissement décennal comprenant des perspectives sur l’adéquation des capacités.

L’accroissement de la régulation et la création de nouveaux acteurs (l’ACER et l’ENTSO) font naître des interrogations sur la nouvelle répartition des compétences. Il convient, en premier lieu, de préserver une séparation claire entre ce qui relève de la surveillance du bon fonctionnement du marché (concurrence, accès au réseau, …) et appartient donc au domaine du régulateur et ce qui relève des compétences régaliennes (tarifs sociaux, protection des consommateurs, sûreté du système, sécurité d’approvisionnement, …). Ce souci de préserver les compétences des pouvoirs publics nationaux est évidemment lié au débat en cours sur l’étendue des compétences de l’ACER et sur l’influence de la Commission européenne sur cette agence. Les doutes sont d’autant plus forts que, par ailleurs, les renvois à la procédure de comitologie sont plus nombreux dans le « troisième paquet énergie » que dans les textes actuellement en vigueur. En second lieu, la délimitation des compétences respectives des régulateurs et des GRT donne lieu à de vives discussions. Selon les régulateurs, les propositions de la Commission européenne aboutiraient à un renforcement excessif du groupement européen des GRT (l’ENTSO) et il existerait un risque élevé que s’instaure une autorégulation des GRT. Cette critique est bien sûr réfutée par ces derniers, qui considèrent que le contrôle de l’ENTSO par l’ACER, la Commission et les États membres constitue une garantie suffisante.

La Commission européenne a enfin conscience du besoin de mieux encadrer la coopération régionale. Elle a nommé, en septembre 2007, M. Mario Monti coordinateur de la liaison électrique France-Espagne. Le « troisième paque énergie » consacre quelques articles à la promotion de la coopération régionale. De plus, pour le gaz naturel, un article fait référence à la solidarité régionale dans les situations susceptibles d’entraîner à court terme une rupture d’approvisionnement. S’agissant de l’électricité, le groupe de travail estime qu’il serait opportun de veiller à ce que chaque État membre développe parallèlement des capacités de production en rapport avec la progression de la demande. Sans obligatoirement être autosuffisant, chaque pays se doit de participer à l’effort commun. Le respect de normes minimales de production d’électricité permettrait de prévenir les incidents susceptibles de se produire du fait de la fragilité des réseaux de transport. Il éviterait également que certains États refusent de prendre la responsabilité de développer l’énergie nucléaire, tout en achetant à un moindre coût de l’électricité d’origine nucléaire à leurs voisins.

Le rapporteur a ensuite abordé la question de la séparation patrimoniale. Dans cette option, toute personne exerçant un contrôle direct ou indirect sur une entreprise de production ou de fourniture se voit interdire tout contrôle direct ou indirect sur un GRT ou un réseau de transport (RT), et même toute participation dans un GRT ou un RT. A l’inverse, toute personne exerçant un contrôle direct ou indirect sur un GRT ou un RT ne pourra exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise de production ou de fourniture, ni détenir une quelconque participation dans une telle entreprise.

L’exigence de séparation patrimoniale ne porte que sur le transport et pas sur la distribution. D’une part le risque de discrimination en ce qui concerne l’accès des tiers et les investissements est moindre que pour le transport : l’influence des structures de production et les congestions y sont plus faibles. D’autre part, la séparation fonctionnelle des gestionnaires de réseau de distribution, rendue obligatoire par la directive 2003/54/CE, ne l’est que depuis le 1er juillet 2007. Ses effets sur le marché intérieur doivent donc encore être évalués.

La Commission européenne prétend donner le choix aux entreprises : soit la séparation patrimoniale, soit une solution alternative dite « ISO » (opérateur indépendant de système), qui impose la séparation entre l’entité propriétaire des infrastructures de réseau de transport et l’entité chargée de la gestion de ces mêmes infrastructures sans cession de propriété. L’analyse des autorités françaises, largement partagée, est qu’il ne s’agit que d’une forme particulière de séparation patrimoniale, et non une alternative crédible. A cet égard, les rares exemples d’ISO, en Italie notamment, n’ont pas été concluants.

La séparation patrimoniale s’applique aussi bien au gaz qu’à l’électricité. Il n’y a pas de traitement différent des deux énergies. La Commission défend même la thèse que la séparation patrimoniale est encore plus pertinente pour le gaz que pour l’électricité, car le marché du gaz souffre d’un manque de concurrence encore plus grand. Ces analyses de la Commission sont peut-être adaptées aux pays producteurs de gaz, mais elles ne tiennent pas compte de la problématique des contrats d’approvisionnement à long terme, ni du fait que les réseaux de transport contribuent à renforcer le pouvoir de négociation des opérateurs gaziers en augmentant leur assise financière et leur crédibilité.

La logique même de la séparation patrimoniale impose que cette mesure s’applique indifféremment aux entreprises de l’Union européenne et aux entreprises de pays tiers. Cette clause des pays tiers est très mal perçue par la Russie qui y voit une clause anti-Gazprom.

Les problèmes soulevés par la séparation patrimoniale ont conduit huit États membres à présenter une troisième voie, pour une « séparation effective et efficace ». L’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la France, la Grèce, la Lettonie, le Luxembourg et la Slovaquie font d’abord remarquer qu’il est possible d’obtenir les résultats recherchés par la Commission par d’autres moyens que la séparation patrimoniale. Ainsi, nul ne conteste l’indépendance et la neutralité du gestionnaire de réseau de transport d’électricité RTE, dont les investissements sont par ailleurs en forte croissance, doublant en cinq ans : ils passeront de 500 millions d’euros en 2004 à près d’un milliard d’euros en 2009. La Commission européenne n’a jamais pu faire part de discriminations en France. Il en va de même en Autriche, où la position du régulateur E-control en faveur de la séparation patrimoniale n’apparaît pas clairement motivée, dans la mesure où, d’une part, il reconnaît qu’il n’y a pas eu de problème de discrimination dans l’accès au réseau autrichien et que, d’autre part, même en cas de séparation patrimoniale, les oppositions d’ordre environnemental pourraient freiner la réalisation des investissements.

Les partisans de la « troisième voie » soulignent aussi que l’étude d’impact avancée par la Commission pour démontrer que la séparation patrimoniale favorise les investissements et contribue à la baisse des prix de l’énergie présente de sérieuses faiblesses. Statistiquement, il n’y a en Europe aucune corrélation entre les prix du marché de l’énergie et la mise en place ou non de la séparation patrimoniale. En France, en Grèce, dans les États baltes, ou en Hongrie, pays où la séparation patrimoniale n’a pas été mise en œuvre, les prix de l’électricité sont inférieurs à la moyenne. En revanche, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique ou l’Italie, qui expérimentent depuis plusieurs années la séparation patrimoniale, pratiquent des prix supérieurs. De plus, les séries statistiques utilisées ne sont pas exhaustives : par exemple, les investissements du GRT gazier allemand n’y figurent pas, la phase de baisse des investissements du GRT électrique britannique est tronquée. On peut aussi regretter le caractère déséquilibré de l’étude d’impact, qui ignore des analyses contradictoires, sur le secteur du gaz au Royaume-Uni notamment. Enfin, l’étude ne prend pas en compte le cadre de régulation, qui détermine la rémunération des opérateurs, donc une incitation à investir, et l’acceptabilité sociale, pourtant déterminante dans les investissements dans les réseaux, comme l’illustre l’interconnexion France-Espagne.

Les huit États ont travaillé étroitement pendant plusieurs mois pour pouvoir présenter au Conseil et au Parlement européen une solution de séparation qui réponde aux objectifs poursuivis par la Commission. Cette solution est effective parce qu’elle répond au cahier des charges fixé par le Conseil européen de mars 2007. Elle est aussi efficace parce qu’elle offre un cadre plus adapté pour garantir une juste concurrence, des investissements suffisants, l’accès aux nouveaux entrants et l’intégration des marchés.

La troisième voie repose sur deux ensembles de mesures. Le premier pilier (mesures organisationnelles et relatives à la gouvernance du GRT) présente en lui-même une vraie alternative à la séparation patrimoniale. La France et ses partenaires ont cependant estimé qu’il fallait aller plus loin pour garantir le niveau des investissements et l’intégration des marchés. La voie alternative comporte donc un deuxième pilier de mesures relatives aux investissements, à la connexion au réseau de nouvelles capacités de production et à l’intégration des marchés par la coopération régionale.

Beaucoup moins bureaucratique que le modèle ISO, cette solution répond à la nécessité d’une forte régulation, par l’État et le régulateur national, qu’implique le caractère stratégique des réseaux. Dans ce cadre, aucune clause particulière concernant l’accès des pays tiers aux réseaux n’est plus nécessaire. Parmi les propositions originales de la « troisième voie », figure la création d’un « officier de conformité » indépendant, chargé de suivre la mise en œuvre du programme d’engagements établi par les GRT pour garantir que toute pratique discriminatoire est exclue. Une autre disposition intéressante a trait aux investissements. La Commission propose que les GRT élaborent un plan de développement à 10 ans du réseau de transport, au moins une fois tous les deux ans. Les huit États suggèrent d’aller plus loin pour garantir la réalisation des investissements. Si un GRT refuse de mettre en oeuvre un investissement particulier devant être réalisé dans les trois prochaines années, l'autorité nationale de régulation ou toute autre autorité publique compétente aura la possibilité, soit de demander par tous les moyens légaux que le GRT exécute ses obligations d'investissement en utilisant ses propres capacités financières, soit d’inviter des investisseurs tiers à présenter leurs propositions pour un investissement nécessaire dans le réseau.

Enfin, un dernier volet de la « troisième voie » vise à favoriser le raccordement de nouvelles centrales au réseau de transport en obligeant les GRT à publier des procédures transparentes, efficaces et non discriminatoires, soumises à l'approbation des autorités de régulation nationales ou de toute autre autorité publique nationale compétente.

Après avoir réagi d’abord très défavorablement, la Commission européenne a ensuite posé, fin février, des conditions permettant de rendre la troisième voie acceptable. La troisième voie est aussi prise en compte par les parlementaires européens. Un compromis semble se dessiner, qui consisterait en une période de transition durant laquelle les deux options pourraient cohabiter et au terme de laquelle un bilan serait effectué, soit par la Commission, soit par un auditeur externe.

Après l’avis des différentes commissions, la Commission au fond du Parlement européen votera sur les cinq textes le 28 mai. Le vote en session plénière au Parlement européen est prévu le 17 juin en première lecture, le Conseil « énergie » étant prévu le 6 juin. L’issue reste donc très incertaine.

M. Serge Poignant, membre de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, a remercié le Président de la Délégation pour les travaux menés sur ce rapport conjointement avec la commission des affaires économiques. Il a souligné le caractère très instructif des auditions organisées à cette occasion. Il a tenu à mettre en avant deux éléments du rapport : d’une part, le fait que la séparation patrimoniale soit disproportionnée et, d’autre part, la nécessité de la coopération régionale et des interconnexions comme constituant la base de la sécurité de l’approvisionnement.

M. André Schneider, rapporteur, a alors présenté les différents points de la proposition de résolution.

M. Jérôme Lambert a souhaité que la sécurité d’approvisionnement figure de manière très claire dans le point 1 de la proposition de résolution, comme étant au cœur des priorités, car il ne peut y avoir de politique européenne sans garantie dans ce domaine. Peut-être le point 1 pourrait-il être uniquement consacré à cette question.

Le Président Pierre Lequiller a proposé que cette question fasse l’objet de la première phrase du point 1.

M. Philippe Tourtelier a indiqué, s’agissant du point 4 de la résolution, que la référence aux coûts des opérateurs pour la fixation du montant des tarifs réglementés supposait que la transparence des prix existe. Il a indiqué être en accord avec la formulation retenue quant à la séparation patrimoniale des réseaux de transport. Il a ajouté que l’expression « économie d’énergie » devrait être également mise en avant dans le point 1 car il s’agit d’un élément central. Enfin, pour les industriels fortement consommateurs d’énergie, il a souligné qu’il serait important de leur accorder la possibilité de négocier les contrats de gaz et d’électricité sur le long terme.

M. André Schneider, rapporteur, et le Président Pierre Lequiller ont approuvé la remarque faite à propos des économies d’énergie.

M. Jacques Desallangre a souhaité, en ce qui concerne le point 4 de la résolution, que le maintien des tarifs réglementés soit laissé à la disposition de la puissance publique, sans que cette dernière puisse être gênée par les questions inévitables qui pourraient surgir dès lors qu’il est indiqué que les tarifs doivent couvrir les coûts exposés par les opérateurs. La puissance publique sait gérer ces questions sans qu’il soit nécessaire d’encadrer sa compétence.

M. André Schneider, rapporteur, a considéré que des difficultés pourraient apparaître, notamment avec la Commission européenne, si le prix social était fixé à un niveau inférieur aux coûts exposés.

M. Jérôme Lambert a lui aussi estimé que la définition des coûts auxquels il est fait référence pouvait poser problème.

M. Jacques Desallangre a avancé l’exemple de la rémunération des actionnaires, dont il n’est pas évident de décider si elle doit faire partie ou non des coûts exposés par les opérateurs.

M. Serge Poignant a rappelé que cette discussion avait déjà été menée lors de l’examen de projets de loi récents relatifs à l’énergie et qu’il serait préférable de maintenir la référence aux coûts exposés par les opérateurs dans la résolution de la Délégation.

M. Philippe Tourtelier a estimé que la référence aux coûts supportés par les opérateurs pour la définition des tarifs réglementés nécessiterait que les prix soient transparents mais ce n’est pas le cas. La proposition de résolution déposée au Sénat justifie le maintien de tarifs réglementés par la protection des consommateurs contre les aléas des marchés libéralisés de l'énergie et la garantie de la réalisation des investissements nécessaires.

M. André Schneider, rapporteur, a précisé que la proposition de résolution du Sénat demandait la modification des directives « afin que celles-ci autorisent explicitement le maintien de systèmes de tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz dès lors que leur niveau couvre les coûts exposés par les opérateurs vendant de l'énergie sous ce régime ». Il a alors proposé que le point 4 se réfère au respect de la jurisprudence européenne. Celle-ci sous-entend en effet que le niveau des tarifs couvre les coûts exposés par les opérateurs.

M. Bernard Deflesselles a observé que le point 1 donnait la priorité à la sécurité d’approvisionnement et estimé que cela constituait un aveu de faiblesse sur la capacité d’autosuffisance énergétique de l’Europe. Il a proposé de souligner la nécessité d’une véritable politique de l’énergie, orientée prioritairement vers la production d’énergie.

M. Jérôme Lambert a jugé que la notion d’approvisionnement incluait la production d’énergie.

M. André Schneider, rapporteur, a indiqué que ce débat avait été au centre des travaux et des auditions du groupe de travail. La question de la production d’électricité renvoie nécessairement à celle du nucléaire, qui est, par exemple, un sujet tabou en Autriche.

M. Serge Poignant a souligné que le point 1 visait déjà l’encouragement des investissements, qui concernent notamment la production.

M. André Schneider, rapporteur, a insisté sur les différences d’approches entre les Etats membres et sur les avantages que présenterait une politique européenne de l’énergie.

M. Jacques Desallangre a estimé que la proposition de résolution devait exprimer la position de l’Assemblée nationale et qu’il fallait éviter de l’affaiblir par avance en prenant en compte les positions différentes de nos partenaires.

M. Philippe Tourtelier a souhaité que les priorités citées dans le point 1 soient d’abord l’encouragement des investissements, puis la sécurité de l’approvisionnement et enfin les économies d’énergie.

M. Jean-Claude Fruteau a estimé que le point 1 était suffisamment fort car il affirme nettement la nécessité de mettre en œuvre une politique énergétique européenne qui ne se limite pas à la réalisation du marché intérieur.

Le Président Pierre Lequiller a suggéré d’insérer dans le point 1 une référence à l’autonomie de production.

M. Philippe Tourtelier a estimé que cette notion n’était pas valable pour le gaz.

M. Serge Poignant a alors proposé d’insérer après les mots « politique énergétique européenne » le mot « volontariste ».

Le Président Pierre Lequiller a également proposé de préciser que l’encouragement des investissements s’applique à la production et aux économies d’énergie.

M. Jérôme Lambert a proposé de substituer dans le point 4 aux mots « dès lors que leur niveau couvre les coûts exposés par les opérateurs » les mots « à un niveau compatible avec les coûts exposés par les opérateurs ».

M. Philippe Tourtelier a aussi estimé nécessaire de prendre position en faveur de contrats d’approvisionnement de long terme concernant le gaz et l’électricité, pour les entreprises fortement consommatrices d’énergie.

M. André Schneider, rapporteur, a proposé que cette disposition soit intégrée après le point 4.

A l’issue de ce débat, la Délégation a approuvé la proposition de résolution suivante :

« L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/54/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (COM [2007] 528 final/n° E 3642),

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/55/CE concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (COM [2007] 529 final/n° E 3643),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (COM [2007] 530 final/n° E 3644),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1228/2003 sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (COM [2007] 531 final/n° E 3645),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1775/2005 concernant les conditions d’accès aux réseaux de transport de gaz naturel (COM [2007] 532 final/n° E 3646),

1. Souligne la nécessité de mettre en œuvre une politique énergétique européenne volontariste qui ne soit pas limitée à la réalisation du marché intérieur. Elle doit s’attacher prioritairement à la sécurité d’approvisionnement, à l’encouragement des investissements de production et d’économie d’énergie, ainsi qu’à la fixation des meilleurs prix pour les consommateurs domestiques et industriels ;

2. Approuve l’harmonisation des compétences des régulateurs nationaux, le renforcement de leur indépendance, ainsi que le développement de la coordination des gestionnaires de réseau de transport ;

3. Considère que les compétences de l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie doivent se limiter à la surveillance du bon fonctionnement du marché, en particulier au niveau transfrontalier, et ne pas empiéter sur le domaine régalien, qui comporte notamment la fixation des tarifs sociaux et la définition des obligations de service public ;

4. Demande le maintien des tarifs réglementés pour les particuliers comme pour les entreprises, à un niveau compatible avec les coûts exposés par les opérateurs ;

5. Souhaite que soit encouragée la conclusion de contrats d’approvisionnement à long terme en gaz et en électricité pour répondre aux besoins des entreprises fortement consommatrices d’énergie ;

6. Juge disproportionné d’imposer aux entreprises énergétiques intégrées la séparation patrimoniale de leur réseau de transport alors que la séparation juridique et fonctionnelle peut donner satisfaction, comme c’est le cas en France, et que les propositions de la Commission européenne s’appuient sur une étude d’impact controversée ; souligne, de plus, que la solution dite « ISO » (désignation d’un gestionnaire de réseau de transport indépendant du propriétaire) comporte des inconvénients unanimement dénoncés du fait de sa complexité ;

7. Apporte son soutien à la proposition alternative visant à établir une régulation effective et efficace puisqu’elle va au-delà de la simple problématique de la séparation des activités de réseaux et assure la transparence et le contrôle des décisions relatives aux investissements dans les infrastructures de transport ;

8. Estime indispensable de développer les coopérations régionales et juge donc opportune la désignation de coordinateurs régionaux ;

9. Propose que l’accroissement des interconnexions électriques soit accompagné de l’obligation, pour chaque Etat membre, de développer des capacités de production en rapport avec la progression de la demande ;

10. Insiste sur l’intégration des politiques énergétiques et environnementales, qui nécessite de lever les obstacles rencontrés par les producteurs d’énergies renouvelables pour l’accès aux réseaux de transport et de distribution d’électricité. »

II. Echange de vues sur le renforcement du rôle du Parlement en matière européenne dans le projet de loi constitutionnelle sur la modernisation des institutions de la Ve République

Le Président Pierre Lequiller a introduit l’échange de vues en présentant les dispositions du projet de loi constitutionnelle de modernisation qui modifient le titre XV de la Constitution relatif à l’Union européenne. Il les a estimées de nature à permettre au Parlement de tenir un rôle à la mesure du poids de l’Europe dans la vie quotidienne. Le cycle vertueux ouvert en 1992 par l’institution des résolutions des assemblées sur l’Union est en effet en bonne voie d’être bouclé.

Il a rappelé les grands progrès accomplis par le traité de Lisbonne, qui donne aux parlements nationaux une place décisive au cœur même des procédures institutionnelles européennes, grâce au contrôle de subsidiarité mais aussi au moyen d’autres prérogatives plus discrètes mais tout aussi prometteuses : la participation à l’évaluation de la justice et des affaires intérieures ou les nouveaux droits de veto sur les révisions simplifiées des traités et les actes affectant le droit de la famille.

Le projet de loi constitutionnelle prend le relais du traité pour affermir le contrôle parlementaire français de l’Union.

D’abord, le Président Pierre Lequiller a relevé que la rédaction proposée de l’article 88-4 de la Constitution met enfin un terme à la lente conquête des « trous noirs » du contrôle parlementaire sur l’Europe. Après la loi constitutionnelle de 1992 préalable à la ratification du traité de Maastricht, qui avait restreint le champ des documents européens sur lesquels le Parlement pouvait s’exprimer, à ceux intervenant dans le domaine législatif français, et la loi de 1999, à l’occasion du traité d’Amsterdam, qui avait accordé au Gouvernement la simple « faculté » de transmettre, à sa convenance, tout autre texte européen qu’il estime utile, une nouvelle étape est franchie. Il est vrai que depuis 2005 l’habitude s’est solidement ancrée de soumettre au Parlement tous les documents majeurs. Néanmoins, quelques expériences ont permis aux assemblées de mesurer les limites concrètes du champ de leur contrôle.

La rédaction proposée libère totalement l’expression du Parlement en lui permettant d’adopter des résolutions « sur tout document émanant d’une institution de l’Union », qu’il lui soit ou non transmis par le Gouvernement. Ainsi, les assemblées seront en mesure de s’exprimer sur tous les sujets européens qu’elles jugent nécessaire d’aborder.

En outre, la possibilité d’intervenir sur tous les documents rendra les parlementaires maîtres de leur propre agenda, sans qu’il soit besoin d’attendre la transmission formelle par le Gouvernement.

De même, la levée du « filtre » obligatoire du Gouvernement permettra aux assemblées d’engager un dialogue direct avec les institutions de l’Union.

Le Président Pierre Lequiller a tenu à préciser que ce droit de résolution est différent en substance du droit de résolution général proposé par le nouvel article 34-1 de la Constitution.

Il l’est, d’abord, d’un point de vue technique. L’agenda européen impose en effet de pouvoir adopter des résolutions à tous les stades du processus décisionnel de l’Union. C’est pourquoi les résolutions européennes pourront être adoptées, le cas échéant, en dehors des sessions.

Mais ce droit est aussi différent dans sa nature. Il consacre en effet une mission particulière du Parlement. Les résolutions européennes doivent en effet être comprises comme une procédure permanente et systématique de contrôle des activités et des politiques de l’Union.

C’est dans cet esprit de contrôle quotidien que le Président Pierre Lequiller a jugé utile d’interpréter l’obligation imposée au Gouvernement de transmettre tous les projets d’actes européens. Il est vrai que cette précision n’était pas indispensable. Le traité de Lisbonne prévoit en effet que l’ensemble des propositions d’actes législatifs sera directement soumis aux parlements nationaux afin que ceux-ci contrôlent leur conformité au principe de subsidiarité. Par anticipation, la Commission transmet ainsi, depuis le second semestre 2006, tous ses documents.

Cependant, la formulation retenue dans le projet de loi est plus vaste afin de permettre au Parlement d’être saisi des propositions relatives à la politique étrangère et de sécurité commune.

Surtout, la transmission obligatoire des textes sur lesquels le Gouvernement est appelé à se prononcer au Conseil maintient le principe d’un contrôle systématique et exhaustif de la législation européenne par le Parlement. L’Europe ne peut pas être une préoccupation « par éclipse » des assemblées. Elle doit bien devenir l’horizon naturel et quotidien de nos travaux.

Au cœur du nouveau dispositif de l’article 88-4, le projet de loi propose l’institution de « comités chargés des affaires européennes ».

Le Président Pierre Lequiller a estimé que le statut constitutionnel ainsi accordé aux Délégations est un témoignage fort du renforcement du rôle du Parlement dans les affaires européennes. La Constitution leur reconnaît ainsi implicitement un rôle primordial dans la procédure d’examen des textes de l’Union. Bien entendu, ce rôle continuera à s’appuyer sur leur mission de veille et d’alerte à l’intention des commissions permanentes, dans la continuité du travail commun déjà bien engagé, comme en témoignent l’étendue des auditions conjointes, des groupes de travail communs et des correspondants européens mis en place au sein des Commissions.

Le Président a conclu en abordant la question, débattue, de la suppression des référendums automatiques sur les adhésions. Il a jugé important de prendre conscience du fait que le caractère systématique des référendums pose problème. Quel sens aurait en effet l’organisation d’un référendum sur l’adhésion de la République de Macédoine à l’Union ? Il est dès lors sans doute nécessaire d’aménager une possibilité de ratification « simplifiée » mais à condition qu’elle repose sur un consensus extrêmement fort étendu à l’ensemble du champ politique et, surtout, qu’elle soit limitée aux Etats de petite taille. Le référendum est en effet indispensable pour les Etats dont la taille et la population exercent un fort impact sur les dimensions et les équilibres de l’Union.

C’est pourquoi le Président Pierre Lequiller s’est dit attaché principalement à donner un signal clair aux Français qu’aucune adhésion ne se fera dans leur dos voire contre leur hostilité, et a terminé en se félicitant de l’étendue des avancées que le projet de loi comporte dans la consécration du Parlement en acteur majeur de l’Europe, qu’il a estimées importantes et de portée durable.

III. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport du Président Pierre Lequiller, la Délégation a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

Point A

Aucune observation n’ayant été formulée, la Délégation a approuvé les textes suivants :

Ø Agriculture

- proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) no 1405/2006 du Conseil arrêtant des mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des îles mineures de la mer Égée et modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003 (document E 3837).

Ø Espace de liberté, de sécurité et de justice

- proposition de règlement du Conseil relatif à la migration du système d'information Schengen (SIS 1+) vers le système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (document E 3847).

Ø Pêche

- proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de l'accord relatif aux pêches du sud de l'Océan Indien (document E 3776) ;

- proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1386/2007 du Conseil établissant les mesures de conservation et d'exécution applicables dans la zone de réglementation de l'Organisation des pêcheries de l'Atlantique du Nord-Ouest (document E 3812) ;

- proposition de règlement du Conseil portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes lors de l'importation de certains produits de la pêche aux îles Canaries (document E 3815).

Ø Questions budgétaires et fiscales

- avant-projet de budget rectificatif no 4 au budget général 2008 – Etat des dépenses par section – Section III – Commission (document E 3770-4) ;

- proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires. Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires (document E 3819).

IV. Nomination d’un rapporteur

Sur proposition du Président Pierre Lequiller, la Délégation a nommé rapporteur d’information :

M. Gérard Voisin, sur le Livre vert sur une nouvelle culture de la mobilité urbaine.