Accueil > Documents parlementaires > Les rapports d'information
Version PDF
Retour vers le dossier législatif


N° 1809

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 février 2014.

RAPPORT D’ACTIVITÉ

FAIT

AU NOM DE LA DÉLÉGATION AUX DROITS DES FEMMES ET À L’ÉGALITÉ DES CHANCES ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES (1)

Juillet 2012 – Décembre 2013

PAR

Mme Catherine COUTELLE,

Députée

——

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes est composée de : Mme Catherine Coutelle, présidente ; Mme Conchita Lacuey, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue, Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidents ; Mme Édith Gueugneau ; Mme Cécile Untermaier, secrétaires ; Mme Marie-Noëlle Battistel ; Mme Huguette Bello ; M. Jean-Louis Borloo ; Mme Brigitte Bourguignon ; Mme Marie-George Buffet ; Mme Pascale Crozon ; M. Sébastien Denaja ; Mme Sophie Dessus ; Mme Marianne Dubois ; Mme Virginie Duby-Muller ; Mme Martine Faure ; M. Guy Geoffroy ; Mme Claude Greff ; Mme Françoise Guégot ; Mme Valérie Lacroute ; Mme Sonia Lagarde ; M. Serge Letchimy ; Mme Geneviève Levy ; Mme Martine Lignières-Cassou ; M. Jacques Moignard ; Mme Dominique Nachury ; Mme Ségolène Neuville ; Mme Maud Olivier ; Mme Bérengère Poletti ; Mme Barbara Pompili ; Mme Josette Pons ; Mme Catherine Quéré ; Mme Barbara Romagnan ; M. Philippe Vitel.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES DE LA DÉLÉGATION 7

A. LES SAISINES SUR DES PROJETS DE LOI 7

1. Le projet de loi sur le harcèlement sexuel (juillet 2012) 7

2. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires (février 2013) 7

3. Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (avril 2013) 8

4. Le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (mai 2013) 8

5. Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (octobre 2013) 9

6. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (janvier 2014) 10

B. LE SUIVI DES TEXTES BUDGÉTAIRES ET SOCIAUX 12

1. Les projets de loi de finances 12

2. Les projets de loi de financement de la sécurité sociale 13

II. LES TRAVAUX D’ÉVALUATION DE LA DÉLÉGATION 14

A. LES RAPPORTS D’INFORMATION THÉMATIQUES 14

1. La mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (novembre 2012 et janvier 2013) 15

2. L’organisation, les moyens et l’action du service et des délégations régionales des droits des femmes (février 2013) 20

3. Le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel (septembre 2013) 24

B. LES CONTRIBUTIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION 28

1. La contribution sur la petite enfance à la consultation « Au tour des parents », organisée par la ministre déléguée chargée de la Famille (janvier 2013) 29

2. La contribution sur les violences faites aux femmes, dans la perspective du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes (avril 2013) 34

C. LE SUIVI DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT 39

1. L’audition en juillet 2012 de la ministre des Droits des femmes 40

2. L’audition en octobre 2012 de la ministre des Affaires sociales et de la santé 40

3. L’audition en novembre 2012 de la ministre déléguée chargée de la Famille 40

4. L’audition en décembre 2013 de la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger 40

III. LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES DE LA DÉLÉGATION 41

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION 47

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE MINISTRES PAR LA DÉLÉGATION 51

ANNEXES 133

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION 133

ANNEXE 2 : RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION DE JUILLET 2012 À DÉCEMBRE 2013 135

ANNEXE 3 : LISTE DES RAPPORTS D’INFORMATION ET DES CONTRIBUTIONS THÉMATIQUES DE LA DÉLÉGATION 145

ANNEXE 4 : CONTRIBUTION SUR « L'ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE, CLEF DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES » (janvier 2013) 147

ANNEXE 5 : CONTRIBUTION SUR « LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET L’APPLICATION DE LA LOI DU 9 JUILLET 2010 RELATIVE AUX VIOLENCES FAMILIALES » (avril 2013) 155

Mesdames, Messieurs,

Au début de la présente législature, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances a tenu sa réunion constitutive le mercredi 4 juillet 2012, au cours de laquelle elle a élu sa présidente et les autres membres du Bureau.

C’est la quatrième Délégation aux droits des femmes à se mettre en place depuis que la loi n° 99-585 du 12 juillet 1999 a créé au sein de chacune des deux assemblées parlementaires, une délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances.

Chaque délégation compte trente-six membres, désignés « de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes parlementaires et équilibrée des hommes et des femmes ainsi que des commissions permanentes ».

Du 4 juillet 2012 au 18 décembre 2013, la Délégation a tenu 58 réunions pour une durée de 85 heures, auditionné 350 personnes et produit 9 rapports d’information.

Le présent rapport retrace les différentes activités conduites de juillet 2012 à décembre 2013 par la Délégation aux droits des femmes, conformément aux principes de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Il présente tout d’abord les activités législatives de la Délégation, et en particulier les positions qu’elle a défendues sur les projets de loi dont elle s’est saisie, par exemple sur le rétablissement du délit de harcèlement sexuel, les retraites ou encore la sécurisation de l’emploi.

Dans ses remerciements après son élection, la Présidente de la Délégation avait indiqué son intention d’inviter la Délégation à « servir d’aiguillon » aux commissions permanentes lors de l’examen des projets de loi dont elle se saisirait. Elle souhaitait en effet que la portée de chaque texte soit aussi appréciée au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et à l’égalité entre femmes et hommes. Elle avait également fait part de sa volonté de « contrôler » les politiques publiques en suivant en particulier le budget alloué à la politique de l’égalité, de se saisir des grandes réformes dont l’impact pouvait être important sur la vie des femmes et d’approfondir certains sujets comme par exemple la contraception et l’avortement. Le souci d’ouverture au monde et de veille sur le plan international était aussi affirmé comme un engagement de la Délégation.

I. LES ACTIVITÉS LÉGISLATIVES DE LA DÉLÉGATION

A. LES SAISINES SUR DES PROJETS DE LOI

1. Le projet de loi sur le harcèlement sexuel (juillet 2012)

La mandature a commencé avec ce projet de loi qui concerne majoritairement les femmes. Il convient de rappeler le contexte de l’examen de ce projet de loi. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 222-33 du code pénal et a décidé le 4 mai 2012 d’invalider cet article sur lequel étaient fondées les poursuites pour harcèlement sexuel. Il en est résulté un vide juridique très préjudiciable pour les victimes. Le Gouvernement, dès son installation le 16 mai, a jugé nécessaire de légiférer rapidement pour combler ce vide et élaborer un texte plus précis.

Un projet de loi a été déposé sur le Bureau du Sénat dès le 13 juin. Après l’invalidation de la loi par le Conseil constitutionnel, le nouveau projet de loi était l’occasion de mieux définir le délit de harcèlement sexuel afin qu’il englobe tous les comportements répréhensibles et que les éléments intentionnels soient élargis et adaptés à la réalité des faits observés.

La Délégation, qui avait déjà travaillé sur la problématique des violences faites aux femmes, a souhaité apporter sa contribution à cette réflexion. Elle a donc rédigé un rapport d’information sur le projet de loi, dont la rapporteure était Mme Ségolène Neuville. Celle-ci a déposé, pour la Délégation, des amendements en vue notamment de préciser la définition du harcèlement sexuel.

2. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires (février 2013)

Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, fait suite aux travaux de la commission ad hoc créée au mois de juillet 2012 à l’initiative du président de la République et présidée par l’ancien Premier ministre, M. Lionel Jospin. Cette commission a remis son rapport en novembre 2012 dont plusieurs des propositions concernaient directement la participation des femmes à la vie publique de notre pays.

La Délégation aux droits des femmes a toujours défendu la parité politique, et ce dès l’année 2000, année de l’adoption de la loi tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. C’est pourquoi elle a décidé de se saisir du projet de loi et contribuer au débat par un rapport rédigé par Mme Pascale Crozon et par le dépôt d’amendements, visant à conférer une plus grande efficacité aux dispositions proposées.

Le choix du « binôme » pour assurer la parité totale dans les Conseils généraux, s’il permet d’atteindre parfaitement ce but, a donné lieu à des débats et des divergences au sein de la Délégation.

3. Le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (avril 2013)

Ce projet de loi avait pour objet de transcrire l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, fruit de quatre mois d’intenses négociations et signé par trois syndicats représentatifs. Cette négociation s’était engagée sur la base de la feuille de route sociale donnée aux partenaires sociaux après la grande conférence sociale, qui s’était tenue en juillet 2012 et qui avait permis de dresser des constats partagés pour lutter vigoureusement contre le chômage et le travail précaire.

Face à la dégradation de l’emploi – explosion du chômage, précarisation des salariés, multiplication des contrats à durée déterminée (CDD) courts voire très courts dont les femmes sont les principales « victimes » attributaires – le Gouvernement a donc invité les partenaires sociaux à négocier les conditions d’une meilleure sécurisation de l’emploi pour limiter et mieux encadrer les licenciements économiques et pour réduire le nombre de travailleurs pauvres.

La Délégation aux droits des femmes ayant fait de l’égalité professionnelle une des priorités de cette législature, a souhaité apporter sa contribution à la transcription de l’accord dans le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi et s’est attachée en particulier à l’analyse du titre II dont l’objectif est de lutter contre la précarité. La Délégation a désigné comme co-rapporteurs M. Christophe Sirugue et Mme Ségolène Neuville, qui ont centré leur analyse sur l’impact du projet de loi sur la situation des femmes.

La Délégation a adopté huit recommandations, dont l’une visait à majorer la prime de précarité de 10 % versée au départ d’un salarié en contrat à durée déterminée, lorsque celui-ci était à temps partiel.

4. Le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (mai 2013)

Les femmes sont aujourd’hui sous-représentées dans les postes de direction des établissements universitaires, et dans la hiérarchie administrative, minorées dans les travaux de recherche, discriminées dans les évaluations sur les recherches, peu présentes dans les hauts conseils et instances nationales. Les statistiques résument les conséquences de l’ensemble de ces discriminations : près de 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, mais elles représentent en 2011, 50 % des doctorants, 40 % des maîtres de conférence, 22 % des professeurs des universités, et seulement 14 % des présidents d’université.

Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, présenté par le Gouvernement au mois de mai 2013, avait notamment pour objet de renforcer la parité dans les conseils centraux d’établissement.

C’est à M. Sébastien Denaja, que la Délégation aux droits des femmes a décidé de confier un rapport d’information sur le projet de loi. Il a proposé de compléter le texte initial afin de renforcer la parité dans toutes les instances universitaires.

Il a souhaité également signaler les problèmes de harcèlement sexuel à l’université déjà abordés lors de la loi de juillet 2012, et qui semblent se heurter à une véritable loi du silence. La Délégation a émis une recommandation visant à réformer la procédure disciplinaire applicable aux plaintes portant sur les violences, des situations de harcèlement ou de discrimination et déposé un amendement en ce sens.

5. Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (octobre 2013)

Malgré la progression de l’activité professionnelle des femmes de manière continue au cours du vingtième siècle, qui leur a permis de se constituer des droits propres à la retraite, et bien que des mécanismes correcteurs liés aux droits familiaux et conjugaux aient été mis en place, les pensions de retraite des femmes accusent toujours un net retard par rapport à celui des hommes (40 %).

Trois réformes du système de retraite ont eu lieu au cours des dernières années : la réforme du 22 juillet 1993, la réforme du 21 août 2003, et celle du 9 novembre 2010. La Délégation aux droits des femmes s’est à deux reprises, saisie du projet de réforme et a dressé un état des lieux portant sur les disparités de retraites entre les hommes et les femmes : le constat des écarts de pension demeure. Certaines réformes ont même aggravé la situation des femmes retraitées.

Comme il s’y était engagé en 2012, le Gouvernement a mené une consultation avec les partenaires sociaux, avant de présenter un nouveau projet de loi réformant le système des retraites en conseil des ministres, le 18 septembre 2013.

La Délégation a souhaité se saisir de ce projet de loi dont l’une des ambitions annoncées est d’améliorer les pensions des femmes en prenant en compte les situations telles que les bas salaires cumulés au temps partiel, ainsi que l’impact des aléas de carrière liés à la prise en charge des enfants.

Elle a participé au débat pour mettre en lumière les spécificités des carrières des femmes : salaires inférieurs, carrières moins linéaires et progressives, coupures qui les pénalisent au moment de la retraite.

C’est ainsi que sa présidente avec d’autres députés ont déposé des amendements, par exemple pour porter le minimum contributif à 75 % du SMIC ou étudier les conséquences d’un retour de l’âge du taux plein à 65 ans.

6. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (janvier 2014)

La Délégation aux droits des femmes s’est saisie, avec beaucoup d’attentes, du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, présenté le 3 juillet 2013 par Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes.

Ce projet de loi est un texte global traitant des inégalités entre les femmes et les hommes dans tous les domaines : inégalités professionnelles, précarité des femmes, violences faites aux femmes et parité.

Ce texte privilégie une approche transversale, comme le manifeste son article premier : il porte l’idée que les violences, la précarité, les inégalités dans la vie personnelle et professionnelle ainsi que l’exclusion des lieux de pouvoir sont étroitement liées, et qu’il est donc nécessaire, pour en venir à bout, de développer une action politique simultanée et cohérente.

Chacun des volets du projet de loi vise l’égalité entre les femmes et les hommes, mais ne prend tout son sens et son effet qu’avec l’appui des autres. C’est en cela que l’approche est dite « intégrée », chaque mesure étant à comprendre et à replacer parmi l’ensemble des mesures proposées par le projet de loi. C’est cette vision globale qui doit permettre à la fois la compréhension et l’effectivité de chacune des mesures proposées.

Le projet de loi est donc un instrument décisif pour instaurer l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes.

Le projet de loi était riche de multiples dispositions et très ambitieux ; la Délégation a nommé plusieurs rapporteures pour étudier les différents volets: Mme Barbara Romagnan pour l’égalité professionnelle et la lutte contre la précarité, Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé pour la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité, Mme Brigitte Bourguignon pour la mise en œuvre de l’objectif de parité.

La coordination de l’ensemble des travaux a été assurée par sa Présidente.

Afin de renforcer le volet « égalité professionnelle » du projet de loi déjà enrichi après son passage au Sénat, la Délégation a souhaité entendre le 11 décembre 2013, le ministre du Travail et de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, M. Michel Sapin. Celui-ci a insisté sur l’avancée constituée par l’accord sur la sécurisation de l’emploi qui encadre le travail à temps partiel, et dont l’application se heurte à des difficultés dans certains secteurs. Il a, par ailleurs, invité la Délégation à se saisir du prochain projet de loi sur la formation professionnelle, début 2014.

La Délégation se réjouit que certaines de ses propositions aient été prises en compte par le Gouvernement. Par exemple, concernant la question des petits temps partiels, la Présidente a déposé un amendement visant à abaisser le seuil de perception des indemnités journalières à 150 heures, sur le modèle de ce qui a été fait dans le projet de loi sur l’avenir des retraites retraite pour abaisser le seuil de validation des trimestres de retraite. Cet amendement a été jugé irrecevable au titre de l’article 40. Mais lors de l’examen du projet de loi en séance le 20 janvier 2014 à l’Assemblée nationale, la ministre des droits des femmes a été très claire et a déclaré : « Il est vrai que des progrès sont encore nécessaires, notamment sur la question du droit d’accès des salariés à petit temps partiel aux arrêts maladie. Je m’adresse notamment à Catherine Coutelle, qui a déposé un amendement qui a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Sachez, madame la présidente, que nous sommes en train de travailler très activement sur ce sujet de l’accès aux arrêts maladie, aux indemnités journalières pour les petits temps partiels qui en sont aujourd’hui exclus. Cela ne relève pas de la loi mais du décret ; sachez cependant qu’une mesure s’inspirant de votre proposition est à l’étude et sera annoncée très prochainement ».

De même, la Présidente de votre Délégation a déposé un amendement défendu par Mme Maud Olivier et adopté en séance, visant à compléter l’article 1er du projet de loi. Il s’agissait d’inclure dans la politique de l’égalité les actions « visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et internationales sur la construction sociale des rôles sexués ».

Lors de l’examen du texte en séance, un autre amendement de votre Présidente défendu par Mme Ségolène Neuville, adopté, a permis d’inclure dans les actions de formation professionnelle, les actions de promotion de la mixité dans les entreprises et de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes.

Plusieurs membres de la Délégation ont également activement pris part au débat animé qui s’est tenu en séance publique au sujet de l’article 5 quinquies C nouveau, qui visait à supprimer la référence à la notion de « détresse » figurant dans le code de la santé publique au sujet du recours à l’IVG.

Il convient aussi de rappeler que M. Sébastien Denaja, membre de la Délégation aux droits des femmes, a été désigné rapporteur de ce texte pour la commission des Lois et qu’il a notamment complété le titre du projet de loi en parlant d’égalité « réelle ».

Enfin, la Délégation a également suivi attentivement le projet de loi d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France, qui visait notamment à redéfinir la traite des êtres humains et à permettre la ratification par la France de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Des amendements ont été déposés sur ce texte.

B. LE SUIVI DES TEXTES BUDGÉTAIRES ET SOCIAUX

1. Les projets de loi de finances

La Délégation a estimé que son expertise sur l’action du Gouvernement en matière de droit des femmes passait, non seulement par un examen approfondi du projet de loi, mais aussi par une évaluation des moyens budgétaires alloués à la politique menée en faveur des femmes.

C’est pourquoi à l’automne 2012, puis à l’automne 2013, elle a procédé à l’audition de l’un de ses membres mais qui est aussi rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », M. Christophe Sirugue. Le 17 octobre 2012, il a ainsi abordé en particulier l’évolution du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » qui a bénéficié de 23,3 millions d’euros en 2013.

Pour compléter son information, la Délégation a souhaité également entendre la ministre des droits des femmes sur les moyens budgétaires de la politique de l’égalité : son audition s’est tenue le 23 octobre 2012. Quelques jours plus tard, le 30 octobre 2012, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013, s’est tenu dans l’hémicycle un débat sur l’égalité femmes-hommes en présence de la ministre, qui a mobilisé l’ensemble des membres de la Délégation.

La présidente de votre Délégation a, pour sa part, déposé un amendement lors du débat sur la loi de finances 2013, ayant pour objet de revenir sur la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire attribuée aux personnes seules ayant élevé des enfants, et qui concerne notamment les veuves et les veufs. Mais il a été déclaré irrecevable.

Le 23 octobre 2013, la Délégation a de nouveau entendu M. Christophe Sirugue sur les mêmes crédits budgétaires, afin de surveiller l’évolution des crédits alloués à la politique de l’égalité.

Le 29 octobre 2013, dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2014, s’est tenu un nouveau débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, en présence de la ministre des Droits des femmes. Plusieurs membres de la Délégation ont participé à ce débat et questionné la ministre sur les axes de sa politique.

La présidente de votre Délégation, lors de l’examen du budget, a souhaité redéposer un amendement identique à celui de l’année précédente, avec toujours l’objectif de revenir sur la suppression de la demi-part fiscale accordée aux veuves. Il s’agit en particulier de prendre en compte la situation des veuves qui ont des petites pensions. Il a connu le même sort qu’en 2012.

2. Les projets de loi de financement de la sécurité sociale

La Délégation a voulu participer également au débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), en expertisant les mesures susceptibles d’avoir un impact sur la vie des femmes. Par exemple, le PLFSS pour 2013 prévoyait dans son article 43 la prise en charge à 100 % de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), conformément à l’engagement pris par le président de la République, ce dont s’est félicitée la Délégation.

L’article 71 permettait, à titre expérimental, aux organismes débiteurs des prestations familiales de verser en tiers payant, directement à l’assistant maternel, l’aide de la garde d’enfants normalement versée aux parents employeurs. Les objectifs de la mesure étaient doubles :

– permettre aux familles modestes de recourir à un mode d’accueil individuel, en les dispensant d’une avance de frais conséquente ;

– permettre à des assistants maternels en sous-activité d’accueillir un nombre d’enfants correspondant à l’agrément délivré par le conseil général.

La Délégation a approuvé cette mesure.

Dans le PLFSS pour 2014, l’article 44 proposait d’instaurer le tiers payant pour les consultations et examens biologiques nécessaires à la contraception pour les mineures de plus de quinze ans, afin de faciliter le recours à la contraception. Les jeunes filles n’auront plus qu’à avancer le ticket modérateur.

L’article 56 prévoyait une majoration du complément familial pour les familles sous le seuil de pauvreté, ce qui devrait bénéficier à environ 400 000 familles.

L’article 57 modulait le montant de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) selon le niveau de ressources des familles.

Très favorable à ces mesures, la Délégation suit aujourd’hui avec attention la mise en œuvre.

Mme Ségolène Neuville, membre de la Délégation, avait déposé un amendement lors du débat sur la loi de financement : il demandait la remise au Parlement par le Gouvernement d’un rapport annuel sur l’application de la réglementation relative aux conditions d’ouverture de droit aux indemnités journalières. Il s’agissait ainsi d’attirer l’attention du Gouvernement sur le droit aux indemnités journalières des nombreux salariés ayant une faible activité et ne remplissant pas les conditions d’ouverture de droit aux indemnités journalières.

Nous avons vu plus haut que cette demande, portée également par la présidente de votre Délégation lors du débat sur le projet de loi sur l’égalité, a finalement été entendue par la ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem.

II. LES TRAVAUX D’ÉVALUATION DE LA DÉLÉGATION

Les deux délégations parlementaires aux droits des femmes ont pour mission « d’informer les assemblées de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (2) ». Elles assurent dans ce domaine « le suivi de l’application des lois ».

À ce titre, et parallèlement au développement de ses activités législatives dans le cadre des nombreux textes dont elle s’est saisie (cf. supra), la Délégation a souhaité engager des travaux d’évaluation concernant la mise en œuvre de certains dispositifs ou politiques publiques, en vue d’identifier les voies d’amélioration en termes d’égalité entre les femmes et les hommes. Ces travaux ont donné lieu à :

– la publication de trois rapports d’information thématiques portant sur les obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, sur le service des droits des femmes et son réseau déconcentré, ainsi que sur la prostitution ;

– l’adoption de deux contributions thématiques sur la petite enfance et les violences faites aux femmes, qui ont été transmises aux ministres concernées ;

– par ailleurs, dans le cadre du suivi de l’action du Gouvernement, la Délégation a souhaité entendre périodiquement des ministres pour faire le point, de manière transversale, sur les orientations et la mise en œuvre des politiques d’égalité, dans leurs champs de compétences respectifs.

Force de propositions, la Délégation a ainsi pu s’appuyer sur l’ensemble de ces travaux pour formuler différentes recommandations, dont plusieurs ont d’ores et déjà été suivies d’effets.

A. LES RAPPORTS D’INFORMATION THÉMATIQUES

La Délégation a procédé à un échange de vues sur les propositions de thèmes de travail émises par ses membres, lors de sa réunion du 2 octobre 2012. Ont ensuite été désignées :

– Mme Cécile Untermaier, rapporteure sur la mise en œuvre des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, en vue d’améliorer les conditions d’application du dispositif prévu par l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites ;

– la présidente, rapporteure sur l’organisation, les moyens et l’action du service et des déléguées aux droits des femmes, qui jouent un rôle majeur pour le déploiement des politiques d’égalité dans les territoires ;

– Mme Maud Olivier, rapporteure (3) du groupe de travail sur la prostitution, dont les travaux ont été suivis par le dépôt d’une proposition de loi, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2013.

1. La mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (novembre 2012 et janvier 2013)

L’article 99 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (4) a prévu une sanction financière, d’un montant maximum de 1 % de la masse salariale, pour les entreprises n’ayant pas conclu un accord collectif ou, à défaut, adopté un plan d’action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les espoirs suscités par l’adoption de ces dispositions ont cependant rapidement été déçus, suite à la publication du décret d’application du 7 juillet 2011 (5), qui en a considérablement affaibli la portée, en permettant à de nombreuses entreprises d’échapper aux sanctions. Sous la précédente législature, la Délégation n’avait d’ailleurs pas manqué de faire part de ses critiques sur ce décret, en appelant de ses vœux une révision de celui-ci.

Lors de son audition par la Délégation, le 18 juillet 2012, la ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, Mme Najat Vallaud-Belkacem, avait également jugé « urgent d’agir, car le décret d’application de l’article 99 de la loi sur les retraites, rédigé en 2011 par le ministre du travail, qui édulcore considérablement le texte voté en séance, ne nous convient absolument pas ».

La Délégation a dès lors décidé de se saisir rapidement cette question, afin de faire le point sur l’état de la législation et de la réglementation en vigueur et d’examiner les améliorations qu’il convenait d’y apporter.

● L’adoption d’un amendement au projet de loi relatif aux emplois d’avenir, en septembre 2012, réformant le dispositif prévu par l’article 99 précité

Dès le mois de septembre 2012, un amendement au projet de loi portant création des emplois d’avenir, présenté par la présidente de votre Délégation et les membres du groupe SRC, a permis de franchir une étape importante pour améliorer la mise en œuvre des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle.

Adopté en commission des Affaires sociales le 4 septembre 2012 (6), cet amendement, devenu l’article 6 de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir, prévoyait :

– d’une part, l’établissement d’un procès-verbal constatant, le cas échéant, l’absence d’accord dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de redonner la priorité à la négociation avec les partenaires sociaux par rapport au plan d’action établi de façon unilatérale par l’employeur ;

– d’autre part, le dépôt de ce plan d’action auprès de l’autorité administrative.

Il s’agissait ainsi d’éviter que l’employeur puisse ne répondre que formellement à ses obligations, par la voie unilatérale, en permettant également la centralisation des accords et plans d’action auprès des services de l’inspection du travail, avec la possibilité d’effectuer un recensement exhaustif des plans effectivement mis en œuvre (7).

En octobre 2012 (8), la ministre des Droits des femmes, en soulignant que « le cœur du sujet (…), c’est que les lois ne sont pas appliquées, alors qu’elles ne manquent pas », a évoqué la révision du « dispositif d’application de la pénalité, c’est-à-dire les conditions de la mise en œuvre de l’article 99 ». La ministre a salué à cet égard l’avancée représentée par la loi sur les emplois d’avenirs, qui « permet de remettre la négociation au cœur de la démarche d’égalité professionnelle dans l’entreprise, grâce à un amendement de la Présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle ». Au cours de ce débat, il avait été également indiqué que le nouveau décret « rendra bien plus efficace le dispositif de contrôle et de sanction, en remplaçant un contrôle sur place par un contrôle sur pièces ».

● La présentation d’une première communication, en novembre 2012, sur la réforme du décret d’application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010

Compte tenu du calendrier prévisionnel qui avait été annoncé pour la publication d’un nouveau texte d’application, aux environs de la mi-décembre, la rapporteure, Mme Cécile Untermaier, a décidé d’adopter une démarche en deux temps, en amont et en aval de celle-ci. Une première communication a ainsi été présentée à la Délégation, le 14 novembre 2012, avec pour objet de :

– rappeler les étapes de la construction du dispositif législatif visant à garantir l’égalité professionnelle ;

– souligner l’avancée représentée par le vote de cet article 99, mais aussi ses limites, au regard des modalités d’application prévues par le décret du 7 juillet 2011, en constatant en particulier l’absence de domaine d’action obligatoire, tel que la rémunération, pour les accords ou plan relatifs à l’égalité, et en déplorant une « application de la sanction [qui n’était] ni immédiate, ni automatique » ;

– formuler des recommandations en vue de corriger les insuffisances constatées, qui ont été adoptées par la Délégation, le 14 novembre 2012.

Les cinq recommandations adoptées par la Délégation en novembre 2012 concernant la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle 

1. Prévoir des domaines d’action obligatoires pour les accords négociés ou les plans d’entreprise, au premier rang desquels la rémunération.

2. Considérer la question des moyens dévolus à l’inspection du travail et celle de la formation de ces inspecteurs, indissociable de la question de la sanction.

3. Améliorer les procédures de mise en œuvre de la sanction : délai de mise en application de la sanction, caractère automatique, modulation par l’autorité administrative, caractère dissuasif de la sanction.

4. S’assurer par des dispositions appropriées que la voie de la négociation sera bien privilégiée par rapport au plan unilatéral de l’entreprise.

5. Formaliser la procédure du contrôle laissée en suspens par le décret du 9 juillet 2011 : cerner les objectifs du contrôle, en préciser la fréquence et les modalités, accompagner les acteurs et mettre au point une méthodologie.

Source : rapport d’information n° 629 de Mme Cécile Untermaier, rapporteure, au nom de la Délégation, sur l’application du dispositif relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises (17 janvier 2013)

À l’issue de cette réunion, la présidente de votre Délégation a demandé à la rapporteure de poursuivre son travail de suivi, afin d’évaluer les modifications apportées par le nouveau décret d’application et d’en faire part aux membres de la Délégation, ce qui fut fait dès le 15 janvier 2013, dans le cadre d’une seconde communication présentée par Mme Cécile Untermaier.

● La seconde communication, présentée en janvier 2013, sur le dispositif prévu par le décret du 18 décembre 2012 en matière d’égalité professionnelle

Le nouveau décret pris en application de l’article L. 2245-5-1 du code du travail, tel qu’issu de l’article 99 de la loi précitée du 9 novembre 2010, a été publié le 19 décembre 2012 (9). Les principales dispositions de ce texte, qui précise les conditions de mise en œuvre des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, sont présentées dans l’encadré ci-après.

Les principaux points du décret du 18 décembre 2012 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle

Pour ne pas être soumises à la pénalité financière prévue à l’article L. 2245-5-1 du code du travail, les entreprises d’au moins 50 salariés doivent être couvertes par un accord collectif relatif à l’égalité professionnelle ou, à défaut, par un plan d’action fixant des objectifs de progression, des actions permettant de les atteindre et des indicateurs chiffrés.

Les objectifs prévus dans les accords collectifs ou les plans d’action doivent porter, pour les entreprises de moins de 300 salariés, sur au moins deux, et pour les entreprises de 300 salariés et plus, sur au moins trois des domaines d’action définis par le code du travail (embauche, formation, promotion professionnelle, qualification, classification, conditions de travail, rémunération effective, articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale).

Le décret porte ce nombre minimal de domaines d’action inclus obligatoirement dans les accords et plans d’action respectivement de deux à trois, et de trois à quatre, et rend obligatoire celui de la rémunération. Pour les accords et plans d’action en vigueur à la date de publication du décret, ces dispositions entrent en vigueur lors de leur renouvellement et, pour les accords à durée indéterminée, au plus tard, à l’échéance triennale prévue à l’article L. 2242-5 du code du travail, imposant une nouvelle négociation. Le décret précise également que la synthèse du plan d’action (prévue aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail) comprend des indicateurs par catégories socioprofessionnelles.

Enfin, l’article 6 de la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir (entrée en vigueur le 1er janvier 2013) a complété les articles L. 2323-47 et L. 2323-57 du code du travail pour prévoir le dépôt des plans d’action auprès de l’autorité administrative. Le décret précise que ce dépôt a lieu auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte).

Source : décret n° 2012-1408 du 18 décembre 2012 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Conformément au calendrier initialement fixé, la rapporteure a présenté à la Délégation, le 15 janvier 2013, une seconde communication visant à :

– présenter la position des représentant-e-s de syndicats de salariés et d’organisations d’employeurs entendu-e-s par la rapporteure en novembre 2012 (10), ainsi que le point de vue de Mme Hélène Sabatier, juriste d’entreprise et animatrice d’un réseau de femmes dans le secteur de la banque et de l’assurance ;

– évaluer le dispositif prévu par le décret du 18 décembre 2012.

En conclusion de cette communication, la rapporteure a estimé que le nouveau dispositif proposé devrait permettre de faire progresser l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes, même si certains, parmi les syndicats entendus, ont regretté l’adoption d’un cadre insuffisamment pénalisant.

Le Gouvernement a cherché un point d’équilibre entre les différentes positions exprimées, notamment au sein du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en prenant en compte certaines des recommandations de la Délégation.

Par exemple, le décret susmentionné prévoit que « la rémunération effective doit obligatoirement être comprise dans les domaines d’action retenus par l’accord collectif ou, à défaut, le plan d’action », en satisfaisant ainsi la première recommandation de la Délégation. En sens inverse, s’agissant du délai laissé aux entreprises pour la mise en conformité et contrairement au souhait de la Délégation de le voir porté à deux mois (recommandation n° 3), le décret l’a maintenu à six mois. Par ailleurs, selon les informations recueillies par la rapporteure, les entreprises de plus de mille salariés devaient faire l’objet d’un contrôle systématique en 2013, et les autres de contrôles plus ponctuels.

La Délégation a adopté le rapport d’information de Mme Cécile Untermaier sur l’application du dispositif relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle, constitué des deux communications successivement présentées ainsi que des recommandations adoptées en novembre 2012.

La réforme de ce dispositif a ainsi permis des progrès significatifs en matière d’application de la loi, comme l’indique l’encadré ci-dessous.

« Les lois sur l’égalité professionnelle enfin effectives parce qu’assorties de contrôles et de sanctions »

Trop longtemps la loi sur l’égalité salariale est demeurée inappliquée et les sanctions dépourvues de toute effectivité. La loi relative aux emplois d’avenir a permis de franchir une étape importante en redonnant toute sa place à la négociation sur l’égalité professionnelle dans l’entreprise et en créant une obligation de dépôt des plans d’actions auprès de l’administration.

Le Gouvernement a publié le 18 décembre 2012 un décret qui renforce les exigences et les attentes vis-à-vis des entreprises en augmentant le nombre de thèmes devant être traités par les accords et plans d’action et en rendant obligatoire celui de la rémunération pour enfin s’attaquer à la réduction des écarts de salaires.

Une stratégie globale de contrôle a été définie pour que l’inspection du travail puisse effectivement mettre en œuvre tous les outils à sa disposition : lettres d’observation, mises en demeure et, en cas d’absence manifeste de volonté de mise en conformité, l’engagement de la procédure de pénalité. Désormais, les entreprises ne respectant pas l’égalité salariale entre les femmes et les hommes se voient sanctionnées.

Cette stratégie est payante : entre décembre 2012 et novembre 2013, 5 entreprises ont été sanctionnées, 530 mises en demeures, tandis que 3 645 entreprises ont envoyé leurs plans d’égalité professionnelle à l’administration. Le site www.ega-pro.fr met à disposition de toutes les entreprises outils, méthodologies et témoignages pour plus d’égalité professionnelle.

Le projet de loi pour l’égalité femmes-hommes amplifie l’arsenal juridique disponible pour inciter à la négociation d’entreprise. Il modifie les ordonnances du 17 juin 2004 et du 6 juin 2005 afin de prendre en compte, parmi les cas d’interdiction de soumissionner aux marchés publics et contrats de partenariat, le non-respect des dispositions prévues par le code du travail en matière d’égalité professionnelle.

Source : ministère des Droits des femmes, « 45 mesures qui changent la donne » (janvier 2014)

Par ailleurs, le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 28 janvier 2014, comporte un ensemble de dispositions relatives à l’égalité professionnelle qui permettront d’amplifier encore cette dynamique positive.

2. L’organisation, les moyens et l’action du service et des délégations régionales des droits des femmes (février 2013)

Dans le cadre de son programme de travail pour 2012-2013, la Délégation a décidé d’examiner l’organisation, les moyens et l’action du Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (administration centrale, déléguées régionales et chargé-e-s de missions départementaux), à l’initiative de la présidente de votre Délégation, qui en a été désignée rapporteure en octobre 2012.

● Les moyens des services de l’État : une question essentielle pour assurer le déploiement de politiques d’égalité volontaristes dans les territoires

Fragilisé par plusieurs années de révision générale des politiques publiques (RGPP), le réseau des droits des femmes joue pourtant un rôle stratégique dans la mise en œuvre des politiques d’égalité dans les territoires.

Dans le cadre de cette mission d’évaluation, la Délégation a entendu près d’une dizaine de personnes au cours de cinq séances d’auditions, qui ont eu lieu entre octobre 2012 et janvier 2013, dont la directrice générale de la cohésion sociale (DGCS), Mme Sabine Fourcade, et la présidente de l’Association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité, Mme Françoise Kieffer. La présidente a par ailleurs rencontré de nombreux acteurs et actrices du réseau aux niveaux central, régional et départemental.

La Délégation a examiné, au cours de ses réunions du 23 janvier et du 13 février 2013, le rapport d’information présenté par la présidente de votre Délégation sur l’organisation, les moyens et l’action du Service du droit des femmes (11) et intitulé : « Déléguées aux droits des femmes : consolider le réseau déconcentré de l’État pour favoriser l’application des politiques d’égalité femmes-hommes ».

La question centrale qui a sous-tendu ce rapport était celle des moyens à la disposition de la ministre des Droits des femmes pour mettre en œuvre la politique ambitieuse voulue par le Gouvernement.

LES INSTITUTIONS CHARGÉES DE L’ÉLABORATION ET DE LA MISE EN œUVRE DES POLITIQUES D’ÉGALITÉ EN 2012






























:

À cet égard, s’il a été jugé souhaitable que le réseau des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux reste une « administration de mission », il est apparu nécessaire de « [proposer] des moyens pour lui conférer une efficacité accrue, et pour que les actions engagées par ce réseau obtiennent un meilleur effet de levier en direction des politiques territoriales et des politiques européennes ».

Les 21 recommandations adoptées par la Délégation s’articulaient autour de cinq grands axes :

– redonner une visibilité, une autorité, et donc plus d’efficacité au réseau déconcentré du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (recommandations n° 1 à 3) ;

– assurer la transversalité, la cohérence et la valorisation des actions menées par les déléguées régionales et les chargés de mission départementaux (recommandations n° 4 à 11) ;

– garantir la présence des déléguées régionales et des chargés de mission départementaux sur tout le territoire (recommandations n° 12 et 13) ;

– favoriser la prise d’initiatives et la diffusion des bonnes pratiques afin de créer une dynamique opérationnelle renforcée (recommandations n° 14 à 19) ;

– renforcer les déléguées régionales pour renforcer les politiques publiques en direction des droits des femmes et de l’égalité (recommandations n° 20 et 21).

● Un suivi dans la durée du réseau déconcentré des droits des femmes, à l’occasion notamment de l’examen des projets de loi de finances

Après la publication du rapport d’information en février 2013, la Délégation n’a pas relâché sa vigilance sur cette question importante, comme en attestent les interventions de plusieurs de ses membres concernant les déléguées régionales aux droits des femmes, lors de l’examen des projets de loi de finances pour 2013 et 2014.

Ainsi, lors de son audition par la Délégation sur les crédits du programme budgétaire « Égalité entre les femmes et les hommes », le 23 octobre 2012, la ministre des Droits des femmes a indiqué que :

« S’agissant des moyens en personnels, votre présidente Catherine Coutelle m’a indiqué que la Délégation souhaitait connaître l’impact de la RGPP sur le réseau des droits des femmes, dont les moyens ont été considérablement réduits au cours des dernières années puisqu’ils servaient de variable d’ajustement budgétaire. Le nombre de personnels dédiés à la politique des droits des femmes passera en 2013 de 184 à 189 emplois en équivalents temps plein. Cinq postes seront créés pour renforcer le Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes pour animer le réseau, créer le fonds d’expérimentation sociale et mettre en place les études d’impact.

Les moyens des services déconcentrés sont maintenus, y compris pour les emplois mis à disposition par d’autres ministères. D’une façon plus générale, j’entends redonner au réseau du droit des femmes de la lisibilité et des orientations. Ce sera le sens de la circulaire que j’adresserai aux préfets après la tenue du Comité interministériel. Je souhaite que les personnels du réseau voient leur situation individuelle s’améliorer car un certain nombre de chargées de mission départementales et des déléguées régionales se trouvent dans des situations peu sécurisantes. Comme le prévoit la loi du 12 mars dernier, de nombreux contractuels peuvent prétendre à la titularisation. »

En réponse à la question posée par Mme Cécile Untermaier, lors du débat en séance publique sur l’égalité femmes-hommes organisé le 30 octobre 2012 (12), la ministre a également précisé ses orientations en vue de soutenir le réseau « pour qu’il puisse continuer à assurer les tâches et les missions qui sont les siennes dans la plus grande proximité, le partenariat et la synergie avec les territoires », en remerciant les parlementaires pour le soutien apporté aux déléguées régionales et chargé-e-s de missions départementaux.

De même, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014 (13), la présidente de votre Délégation, en saluant à nouveau l’action des déléguées régionales et départementales aux droits des femmes, a souhaité savoir notamment si tous les postes étaient désormais pourvus.

La ministre des Droits des femmes a souligné à cet égard que le réseau déconcentré des droits des femmes, « qui était en perte de vitesse en termes de soutien par l’État », avait été doté des moyens de fonctionner. La ministre a également précisé que, « s’agissant de la diminution du budget de fonctionnement des délégations territoriales aux droits des femmes, (…) un travail de rationalisation des imputations de dépenses [a été conduit]. Concrètement, [son] budget n’assume désormais plus que les dépenses de fonctionnement courantes et les autres dépenses, par exemple les frais de déplacement, ne sont plus prises en charge par [son] budget mais par les programmes support. (…) cela a permis de dégager une marge de 160 000 euros [qu’elle a] préféré affecter à des dépenses d’intervention pour les associations qui travaillent sur la prostitution et la traite des êtres humains. Les délégations territoriales aux droits des femmes n’y perdent pas concrètement. »

3. Le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel (septembre 2013)

La prostitution est une forme particulièrement grave de violence faite aux personnes, surtout aux femmes (la prostitution est à 85 % féminine), en ce qu’elle est dirigée contre des personnes pour la plupart de nationalité étrangère, placées dans une situation de grande misère financière et de violences, notamment lorsqu’elles se retrouvent prisonnières des réseaux qui les ont fait venir clandestinement en France, les exploitent et les menacent sans répit.

C’est pourquoi la question de la prostitution a mobilisé le Parlement à plusieurs reprises au cours de ces dernières années.

C’est ainsi qu’à l’Assemblée nationale, sous la précédente législature, la commission des Lois avait créé une mission d’information sur la prostitution en France, dont la présidente était Mme Danielle Bousquet et le rapporteur M. Guy Geoffroy (14), et qui a dressé un bilan approfondi de ce phénomène et des politiques mises en œuvre. Ces travaux se sont conclus par le dépôt d’une résolution, adoptée à l’unanimité le 6 décembre 2011, qui réaffirme la position abolitionniste de la France, ainsi que d’une proposition de loi, qui n’a pas pu être inscrite à l’ordre du jour en raison du calendrier électoral.

Au Sénat, il y a un an, une proposition de loi visant à l’abrogation du délit de racolage public, présentée par Mme Esther Benbassa, a par ailleurs été adoptée en séance publique, le 28 mars 2013.

Désireuse de poursuivre les travaux déjà engagés sur ce sujet majeur, la Délégation aux droits des femmes a décidé, à l’automne 2012, de constituer un groupe de travail pour actualiser et enrichir le bilan qui avait été dressé. Il s’agissait notamment, comme l’avait indiqué votre présidente (15), « d’examiner la proposition de loi présentée par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy, de voir en quels points cette proposition devrait être améliorée, de se rendre auprès des associations œuvrant sur le terrain afin de dialoguer avec elles » ainsi que « d’entendre un certain nombre d’acteurs qui n’auraient pas été auditionnés à l’occasion du rapport de 2011 », et ce, en vue de « pouvoir déposer une nouvelle proposition de loi susceptible de recueillir le plus ample soutien ».

● Les travaux de la Délégation ayant conduit à l’adoption à l’unanimité d’un rapport d’information sur la prostitution, en septembre 2013

La Délégation a constitué en son sein un groupe de travail animé par Mme Maud Olivier, qui en était la rapporteure, et réunissant la présidente de votre Délégation, Mme Marie-George Buffet, M. Sergio Coronado (non membre de la Délégation mais associé au groupe de travail), M. Guy Geoffroy, Mme Édith Gueugneau, M. Jacques Moignard et Mme Ségolène Neuville.

Il s’est naturellement appuyé sur les travaux réalisés sous la précédente législature, mais a aussi procédé à sa propre expertise de la situation, en organisant un certain nombre d’auditions et de déplacements, à même de l’éclairer sur la réalité de la prostitution en France et sur les moyens les plus appropriés pour combattre ce fléau et aider les personnes prostituées à en sortir. Ses travaux se sont poursuivis jusqu’en septembre 2013, en adoptant l’approche suivante.

L’approche suivie par le groupe de travail de la Délégation sur la prostitution

Les membres du groupe de travail ont souhaité privilégier une approche concrète du sujet, par des contacts directs avec des personnes prostituées, avec les acteurs concourant à la prise en charge et l’accompagnement de ces personnes, mais aussi avec les autorités publiques chargées de lutter contre la prostitution et ses formes organisées.

Ils se sont également appuyés sur les enseignements tirés des nombreuses auditions conduites en 2011 par la mission d’information de la commission des Lois.

Pour cette évaluation, le groupe de travail a mené un grand nombre d’auditions et effectué des déplacements à Rennes, Strasbourg, Poitiers et dans le dix-huitième arrondissement de Paris. Des réunions de travail ont également eu lieu avec le conseil général de l’Essonne, à Evry. Dans ces différentes régions, des tables rondes ont été organisées, en réunissant tous les intervenants locaux associés à la lutte contre la prostitution.

En outre, un déplacement a été organisé à Stockholm afin notamment d’étudier le bilan de la loi du 4 juin 1998 et son impact sur le recours à la prostitution et la situation des personnes prostituées.

Au cours de ces entretiens, les membres du groupe de travail ont été renforcés dans leur conviction que le combat contre la prostitution ne saurait se limiter au volet pénal, si souvent mis en avant (question de la suppression du délit de racolage ou de la sanction du client), et appelait au contraire une approche globale de ce phénomène.

Au terme de dix mois de travail, la Délégation a adopté à l’unanimité, le 17 septembre 2013, le rapport d’information présenté par Mme Maud Olivier, ainsi que quarante recommandations visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. Ces propositions visaient essentiellement à :

– renforcer les moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains (coopération internationale, protection des victimes, respect de la loi sur Internet, coordination de l’action des services de l’État et des associations, etc.) ;

– instituer un accompagnement des personnes prostituées (amélioration de l’accès au droit des personnes prostituées en termes de protection sociale, de dépôt de plainte et de prise en compte des enjeux sanitaires, accompagnement des personnes désireuses de sortir de la prostitution : conditions de régularisation des personnes étrangères victimes de la traite et du proxénétisme, mise en place d’un parcours social de sortie de la prostitution, avec une allocation de soutien et de transition et des moyens renforcés en matière d’hébergement et d’accès au logement, etc.) et abolir le délit de racolage ;

– élaborer une politique préventive pour changer les représentations et les comportements ;

– sanctionner le recours à la prostitution pour responsabiliser le client.

Ces différentes recommandations traduisaient ainsi « l’ambition d’une proposition de loi intervenant dans les différents aspects éducatifs, juridiques, sociaux, sanitaires et répressifs de la question de la prostitution, du proxénétisme mais aussi de l’achat d’acte sexuel (16) ».

● L’adoption par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi relative à la lutte contre le système prostitutionnel, en décembre 2013

Dans le droit fil des travaux de la Délégation, une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel a été déposée par M. Bruno Le Roux, Mme Maud Olivier, la présidente de votre Délégation et plusieurs collègues du groupe SRC, le 17 octobre 2013.

Compte tenu du caractère transversal de ses dispositions - qui relevaient notamment du droit social, du droit des étrangers, du droit fiscal, du droit pénal, du droit de l’Internet – votre Délégation a défendu l’idée de la création d’une commission spéciale pour l’examen de cette proposition de loi. Cette procédure permettait en effet d’associer toutes les commissions concernées à un titre ou à un autre par le texte. La suggestion de votre Délégation a été retenue et une commission spéciale a donc été constituée le 29 octobre 2013 : la présidence en a été confiée à M. Guy Geoffroy et Mme Maud Olivier en a été désignée rapporteure.

Comme le souligne le rapport de cette commission spéciale (17), « les quarante recommandations [du rapport de la Délégation] ont largement inspiré les auteurs de la présente proposition de loi qui, comme la résolution précitée de 2011, s’inscrit clairement dans la démarche abolitionniste que la France a adoptée ».

Cette approche, impliquant la suppression de toute disposition juridique susceptible d’encourager l’activité prostitutionnelle, sans pour autant l’interdire, suppose la mise en place d’une réelle protection des personnes prostituées, notamment par la répression de l’exploitation sexuelle d’autrui, la prévention de l’entrée dans la prostitution et l’aide à la réinsertion des victimes.

La proposition de loi, qui a reçu l’avis favorable du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (18), à  l’unanimité moins une voix, comporte plusieurs articles destinés à renforcer l’accompagnement des personnes prostituées souhaitant rompre avec l’activité prostitutionnelle, mais aussi des dispositions visant à mieux lutter contre les réseaux de proxénétisme et à responsabiliser les clients de la prostitution.

Le texte déposé en octobre 2013 prévoyait ainsi, par exemple :

– la mise en place d’un parcours de sortie destiné à offrir aux personnes désireuses de sortir de la prostitution les moyens de se libérer de l’emprise de leur proxénète et d’envisager un autre avenir, la proposition de loi prévoyant en particulier des mesures concernant les droits spécifiques ouverts aux personnes de nationalité étrangères, l’extension de la liste des bénéficiaires de l’allocation de logement temporaire (ALT) ou encore les possibilités de remises fiscales gracieuses, s’inscrivant dans le prolongement des recommandations n° 14, 15, 18, 29 et 30 du rapport de la Délégation ;

– une meilleure coordination de l’action de l’État (19), avec un financement dédié (création d’un fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, dont la ministre des Droits des femmes a indiqué qu’il serait doté de 10 à 20 millions d’euros par an), ces deux mesures allant dans le sens des recommandations n° 8 et 26 du rapport précité ;

– des actions de prévention en direction des jeunes, dans le sens de la recommandation n° 36 du rapport d’information ;

– l’abrogation du délit de racolage et des mesures de responsabilisation en direction des clients, dans l’esprit des recommandations n° 31 et 39.

Après son examen par la commission spéciale, la proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale, le 4 décembre 2013 à une large majorité.

Au cours de ces débats, la ministre des Droits des femmes a rendu un hommage appuyé à l’action des parlementaires qui, sous la précédente législature comme depuis juin 2012, ont porté le débat sur la prostitution avec conviction. La présidente de votre Délégation tient, elle aussi, à saluer ici ceux de ses collègues qui, appartenant à tous les groupes politiques, ont soutenu depuis le début l’initiative de la Délégation aux droits des femmes, partageant avec sa présidente et sa rapporteure une détermination sans faille pour permettre l’adoption d’un texte qui constitue, tout le monde le reconnaît aujourd’hui, une étape décisive dans le combat contre le système prostitutionnel.

L’adoption de cette proposition de loi marque un progrès majeur dans la lutte contre les violences faites aux femmes, en se situant dans une approche humaniste, porteuse de progrès social et d’égalité entre les femmes et les hommes. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a d’ailleurs salué « un pas historique » grâce à l’adoption de ce texte « fruit d’un riche travail parlementaire (20) ».

L’Assemblée nationale a ainsi envoyé un signal fort en France, en Europe et dans le monde, pour faire reculer un phénomène, qui constitue l’une des formes les plus graves de violence de genre, et lutter plus efficacement contre les réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains, en refusant de considérer la prostitution comme une fatalité.

Il convient à présent de « transformer l’essai », avec une adoption définitive de ce texte par le Parlement. Au Sénat, une commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi a été constituée et Mme Laurence Rossignol en a été désignée rapporteure le 5 février 2014. Cette commission a d’ores et déjà engagé ses premières auditions, et votre Délégation souhaite naturellement l’inscription de ce texte dans les meilleurs délais à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

B. LES CONTRIBUTIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

Les contributions thématiques sont des études accompagnées d’une prise de position de la Délégation, qui peuvent être réalisées, par exemple, en amont du dépôt d’un projet de loi ou dans le cadre d’une réflexion du Gouvernement sur un programme d’action publique à venir, soit à la demande d’un ministre dans le cadre d’une consultation préalable des différents acteurs, soit de sa propre initiative.

Elle choisit alors un mode d’intervention et de prise de position plus réactif que l’élaboration d’un rapport d’information, qui lui permet d’émettre des propositions dès ce stade préalable. C’est ainsi que la Délégation a apporté sa contribution à la consultation nationale sur la petite enfance ainsi qu’à l’élaboration de mesures de lutte contre les violences faites aux femmes, dans la perspective du dépôt annoncé d’un projet de loi pour l’égalité femmes-hommes.

1. La contribution sur la petite enfance à la consultation « Au tour des parents », organisée par la ministre déléguée chargée de la Famille (janvier 2013)

Le Gouvernement a annoncé, en octobre 2012 (21), le lancement d’une grande consultation citoyenne sur l’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité, « Au tour des parents ».

La mobilisation pour la petite enfance et la parentalité, « Au tour des parents » : une méthode nouvelle ayant permis une très large consultation de l’ensemble des acteurs

Entre novembre et décembre 2012, et pour la première fois à l’échelle nationale, des parents ont été́ associés à une réflexion sur l’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité́. D’autres acteurs – élus, institutionnels, associations et porteurs de projets – tant aux plans national que local ont également permis d’enrichir la démarche.

Les ateliers citoyens

4 ateliers citoyens organisés dans 4 régions représentatives de la diversité́ des territoires : Bourgogne (Dijon), Midi-Pyrénées (Toulouse), Nord Pas de Calais (Lille), Pays de la Loire (Nantes).

- Près de 300 parents mobilisés pendant près de 3 jours, tirés au sort parmi les allocataires des CAF des 4 régions sur la base de la diversité́ des situations (lieu de résidence, âge de leurs enfants, niveau de revenus, configuration familiale...) : 60 % de parents ayant des enfants âgés de 0 à 3 ans ; 20 % de parents ayant des enfants âgés de 3 à 6 ans ; 20 % de parents ayant des enfants âgés de 6 à 20 ans ; 20 % de familles monoparentales.

• La consultation des acteurs locaux

200 acteurs locaux de la petite enfance et de la parentalité (collectivités locales, CAF, UDAF, État déconcentré, porteurs de projets, etc.) réunis dans les 4 régions pour procéder à l’évaluation de l’offre existante sur leurs territoires au regard des besoins des familles.

• La consultation des acteurs nationaux

- Une centaine de contributions d’acteurs nationaux de la petite enfance et de la parentalité adressées à la Ministre de la Famille.

- L’expertise du Haut conseil de la famille (HCF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sollicités à cette occasion par la ministre de la Famille.

- La consultation des représentants de professionnels de la petite enfance.

• Un site internet contributif (www.autourdesparents.fr) a recueilli une centaine de contributions d’internautes et toutes les contributions des institutionnels à télécharger.

Source : ministère de la Famille (janvier 2013)

Lors de son audition par la Délégation, le mardi 27 novembre 2012, la ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille, Mme Dominique Bertinotti, a présenté cette consultation nationale, en soulignant que « la Délégation aux droits des femmes [avait] naturellement toute sa place pour contribuer à la réflexion sur l’ensemble de sujets relatifs à la petite enfance et à la parentalité ».

Dans ce sens, et compte tenu de l’importance de ces questions pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, une contribution thématique a été présentée à la Délégation par sa présidente en janvier 2013, en vue de sa transmission à la ministre déléguée chargée de la Famille.

● La Délégation a adopté une contribution à la consultation nationale « Au tour des parents » en janvier 2013.

Le 24 janvier 2013, la Délégation a adopté la contribution présentée par la présidente de votre Délégation sur le développement des services d’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité, intitulée : « La petite enfance, clef de l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Cette communication soulignait en premier lieu le rôle déterminant d’un service public de la petite enfance pour mettre fin aux inégalités entre les femmes et les hommes. En effet, «  les femmes pallient la pénurie de places d’accueil pour la petite enfance, davantage encore dans les foyers les plus modestes », la contribution évoquant également les craintes des femmes bénéficiaires du complément du libre choix d’activité (CLCA) quant à leur retour à l’emploi, les répercussions importantes de la parentalité sur la vie professionnelle des femmes, ainsi que les difficultés accrues pour les mères célibataires et la situation de nombreuses femmes contraintes au temps partiel.

Les répercussions positives d’un meilleur accueil de la petite enfance étaient également présentées, y compris sur le plan économique  (22). La Délégation a ensuite émis plusieurs préconisations, dont les principales orientations sont présentées ci-après.

L’accueil de la petite enfance, clef de l’égalité entre les femmes et les hommes : les grandes orientations des recommandations de la Délégation

Les propositions pour développer un service public de la petite enfance :

1. Développer l’accueil collectif avant l’école maternelle (à cet égard, la contribution soulignait notamment l’existence de fortes disparités territoriales).

2. Repenser le lien entre l’accueil des plus jeunes enfants et l’école préélémentaire et proposer une offre collective alternative sur le plan pédagogique (préscolarisation des enfants de moins de trois ans, « classes passerelles », etc.)

3. Former les personnels à l’égalité filles-garçons, sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge.

Pour une approche intégrée de l’égalité, penser les autres réformes favorables à l’égalité femmes-hommes et nécessaires à l’épanouissement des familles, enfants, parents, ainés :

1. Faire progresser les congés parentaux (23), déspécialiser les rôles sociaux.

2. Mieux articuler les temps de vie.

Cette contribution ainsi que le compte rendu des travaux de la Délégation ont été adressées à la ministre déléguée chargée de la Famille, en janvier 2013.

● Les réformes engagées par le Gouvernement ont répondu à plusieurs préoccupations exprimées par la Délégation en matière de petite enfance.

En 2013, plusieurs réformes importantes ont été engagées par les pouvoirs publics, dans le cadre du plan de rénovation de la politique familiale et du programme d’actions pour l’égalité femmes-hommes adopté en novembre 202.

– L’amélioration de l’offre d’accueil de la petite enfance, avec la programmation de 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour les moins de trois ans

Le plan de rénovation de la politique familiale, annoncé en juin 2013 par le Premier Ministre, prévoit 100 000 créations nettes de solutions d’accueil collectif (crèches), 100 000 enfants supplémentaires accueillis par des assistant-e-s maternel-le-s et 75 000 nouvelles places en école maternelle pour les moins de 3 ans. Le 16 juillet 2013, la nouvelle convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche Famille a été signée avec la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pour une période de cinq ans (2013-2017). Le budget du Fonds national d’action sociale (Fnas) de la branche Famille augmentera ainsi de 7,5 % par an passant de 4,6 milliards en 2012 à 6,6 milliards d’euros en 2017.

La présidente de votre Délégation se félicite de cet effort financier sans précédent, qui traduit l’ambition du Gouvernement en faveur de la jeunesse, conformément à l’engagement du Président de la République.

Le développement de l’offre de solutions pour tous les parents ne se limite cependant pas à une approche quantitative. En effet, l’accent est mis sur la qualité de l’accueil et la réduction des inégalités, territoriales et sociales. Le développement des réponses adaptées aux besoins des parents sera favorisé (accueil en horaires atypiques et en urgence, accueil des enfants handicapés, etc.). Par ailleurs, pour éviter aux familles modestes de faire l’avance dans la prise en charge des modes d’accueil, le projet de loi pour l’égalité femmes-hommes prévoit d’expérimenter le versement du complément mode de garde en tiers payant.

S’agissant de la question des disparités territoriales, qui avait également été évoquée par la Délégation, les moyens seront ciblés sur les territoires où les besoins sont le moins couverts, sur les modes d’accueil le mieux adaptés aux caractéristiques de chaque territoire, et qui répondent en priorité aux difficultés éprouvées par les familles les plus modestes, notamment monoparentales. Une nouvelle gouvernance territoriale a été décidée de la politique d’accueil de la petite enfance et du soutien à la parentalité. Elle s’appuiera donc sur l’élaboration de schémas départementaux de services aux familles qui assureront la cohérence des interventions et définiront des territoires prioritaires. La branche Famille assurera un accompagnement financier renforcé aux territoires prioritaires ainsi définis (fonds de rééquilibrage territorial). La ministre de la Famille a lancé en décembre 2013 une démarche de préfiguration de ces schémas dans seize départements qui se déroulera au cours du premier semestre 2014.

Concernant le lien entre l’accueil des plus jeunes enfants et l’école préélémentaire, la ministre des Droits des femmes a indiqué travailler « avec le ministère de l’éducation nationale aux solutions de classes passerelles qui permettent d’accueillir les enfants avant l’âge de trois ans », lors de l’examen par le Sénat du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes, le 16 septembre 2013.

Ces mesures permettront ainsi d’améliorer l’accueil de la petite enfance, qui constitue l’un des leviers importants pour promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomie des femmes.

La Délégation a poursuivi ses travaux sur cette question dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, en préconisant notamment, dans son rapport adopté en décembre 2013 (24), de développer « l’école préélémentaire et les classes passerelles, avec l’ambition de mettre en place un service public de la petite enfance, auquel les familles monoparentales auraient un accès prioritaire » (recommandation n° 36).

Elle entend donc suivre attentivement cette question tout au long de la présente législature, s’agissant en particulier des conditions de mise en œuvre des mesures annoncées et des progrès observés en matière d’accueil de la petite enfance.

– La réforme du congé parental pour favoriser l’emploi des femmes et l’implication des pères

Pour accroître le niveau d’emploi des femmes, favoriser un meilleur partage des responsabilités parentales et contribuer au développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, une période (6 mois) du complément de libre choix d’activité (CLCA) est réservée au second parent. Portée par le projet de loi pour l’égalité femmes-hommes, la réforme s’appliquera aux enfants nés après le 1er juillet 2014.

Comme cela a été souligné dans le rapport d’information adopté par la Délégation en décembre 2013, cette réforme constitue un levier pour faire évoluer les représentations sociales. Dans son avis sur le projet de loi, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a ainsi salué « une disposition centrale pour déconstruire les stéréotypes liés à la parentalité et pour faire évoluer les rôles sociaux de sexe : d’une part, parce qu’un congé parental partagé entre les deux parents est susceptible de mieux répartir les tâches au sein du foyer ; d’autre part parce qu’il peut contribuer à rééquilibre les « risques professionnels » au sein du couple. Lorsque l’employeur sait qu’un homme, autant qu’une femme, est susceptible d’interrompre son activité professionnelle pour ses enfants, c’est toute l’organisation de l’entreprise qui doit être repensée et non plus seulement les recrutements et parcours des femmes ».

La Délégation considère toutefois qu’au terme d’une période assez longue pour permettre l’évolution des mentalités et des choix familiaux, le CLCA devrait être de deux fois six mois, répartis à égalité entre les deux parents et mieux rémunéré. Pour parvenir à ce résultat, elle a préconisé de fixer un objectif chiffré de raccourcissement du CLCA à un horizon de dix ans (recommandation n° 38 du rapport précité), pour promouvoir à terme un congé parental plus court et mieux rémunéré.

– Vers un meilleur équilibre des temps

Dans la contribution adoptée en janvier 2013 (cf. supra), ainsi que dans le cadre de l’examen du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes, la Délégation avait préconisé de promouvoir une meilleure articulation des temps de vie professionnels et personnels, s’agissant en particulier de l’organisation du travail.

Dans ce domaine également, plusieurs évolutions sont intervenues depuis lors dans le sens des recommandations de la Délégation avec, par exemple, la conclusion d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle, en juin 2013, ou encore l’élaboration d’une charte « 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie », présentée ci-dessous.

Vers un meilleur équilibre des temps

« Avec les entreprises, nous signons des conventions pour favoriser l’implication des salariés dans leur responsabilité parentale Un partenariat a été́ noué avec l’Observatoire de la parentalité́ en entreprises pour approfondir cette dynamique. Une charte « 15 engagements pour l’équilibre des temps de vie » a été́ proposée à la signature de toutes les entreprises pour y promouvoir une culture managériale plus souple, plus respectueuse de la vie privée de tous les salariés et intégrant leurs contraintes personnelles. 11 l’ont déjà̀ signée.

Le projet de loi pour l’égalité femmes-hommes permet aux salariés d’utiliser les jours épargnés sur un compte épargne temps pour financer des services d’emploi à domicile (garde d’enfant, ménages, etc.). Dans plusieurs ministères, une « Charte courriels » a défini le bon usage de la messagerie électronique pour les agents. Ces chartes déconseillent l’usage de la messagerie professionnelle à domicile. Elles énoncent la règle selon laquelle chaque organisation dispose de cycles de travail définis. Le travail en dehors de ce cadre est un dysfonctionnement. En dehors des horaires de travail du destinataire, les courriels ne sont pas présumés être lus.»

Source : ministère des Droits des femmes, « 45 mesures qui changent la donne » (janvier 2014)

2. La contribution sur les violences faites aux femmes, dans la perspective du projet de loi pour l’égalité femmes-hommes (avril 2013)

Lors de sa réunion du mercredi 20 février 2013, la Délégation a désigné Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé, rapporteures d’information sur la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes.

En rappelant que la ministre des Droits des femmes avait annoncé une loi-cadre sur l’égalité femmes-hommes, la présidente de votre Délégation avait en effet proposé qu’en amont de l’examen de ce texte, les rapporteures fassent « le bilan de la mise en œuvre de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».

Les chiffres des violences faites aux femmes

– 400 000 femmes victimes de violences conjugales déclarées en deux ans. 10 % de femmes victimes de violences conjugales 

– 148 femmes mortes sous les coups de leur conjoint en 2012.

– 20 % seulement des victimes se déplacent à la police ou à la gendarmerie

– 16 % des femmes déclarent avoir subi des rapports forcés ou des tentatives de rapports forcés au cours de leur vie, et 154 000 femmes (18-75 ans) ont déclaré avoir été victimes de viol entre 2010 et 2011

– 2,5 milliards d’euros : coût économique annuel des violences pour la société

Sources : contribution présentée par Mme Édith Gueugneau et Monique Orphé (24 avril 2013), étude d’impact du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes et dossier de presse du ministère du Droit des femmes (novembre 2013)

Dans ce cadre, la Délégation a entendu, le 23 mars 2013, Mme Ernestine Ronai, coordinatrice nationale de la lutte contre les violences envers les femmes au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF) et responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil général de la Seine-Saint-Denis.

Le 24 avril 2013, la Délégation a pris connaissance de la communication présentée par Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé en vue du projet de loi pour l’égalité femmes–hommes, dont les principales conclusions sont présentées dans l’encadré ci-après. Elle en a adopté les recommandations et autorisé sa transmission à la ministre des Droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem.

Les principaux points de la contribution sur les violences faites aux femmes et l’application de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences familiales

« Les violences faites aux femmes constituent une réalité incontestable. Les chiffres disponibles pour évaluer et quantifier ce phénomène proviennent de l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (ENVEFF) réalisée en 2000. L’enquête VIRAGE (enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre) décidée par le ministère des Droits des femmes devrait apporter des chiffres plus récents en 2015. Cette enquête sera réalisée sur l’hexagone en excluant malheureusement l’outre-mer pour des raisons de coût, ce qui m’a paru assez choquant. Le coût de l’enquête s’élèverait à 3 millions d’euros pour la métropole, dont 1,5 million d’euros serait pris en charge par le ministère des Droits des femmes. (…) À ma demande, l’enquête inclura finalement la Réunion. Les statistiques dont nous disposons pour le moment, souvent citées, témoignent d’une réalité ordinaire : 10 % des femmes sont victimes de violences au sein de leur couple, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, compagnon ou ex-partenaire. Les femmes handicapées semblent particulièrement concernées par les violences. L’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir », qui représente les femmes handicapées, avance un chiffre effrayant : 70 % de ces femmes seraient concernées par les violences. Les territoires ruraux présentent une situation particulière, caractérisée par le manque de prise en charge des personnes victimes comme des auteurs. Le coût annuel pour la société des violences faites aux femmes a été estimé à 2,5 milliards d’euros.

En réponse à ce phénomène massif des violences, la loi de 2010 a adopté comme mesure centrale la création de l’ordonnance de protection. Celle-ci est rendue par le juge aux affaires familiales (JAF), et vise à fournir un cadre protecteur à la femme victime de violences et à stabiliser sa situation juridique. La liste des mesures que peut prendre le JAF sur le fondement de l’article 515-11 du code civil est particulièrement complète (…) La loi de 2010 a aussi créé un article 222-14-3 au sein du code pénal transcrivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de violences. Désormais « les violences (…) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ». Le délit de violence psychologique n’a pas encore donné lieu à jurisprudence. Le législateur a également décidé de faire du mariage forcé une circonstance aggravante d’infractions existantes.

Par ailleurs, les associations de soutien et de défense des femmes victimes de violences ayant signalé que la médiation pénale était inappropriée dans les situations de violences conjugales, l’article 30 de la loi de 2010 a introduit dans le code de procédure pénale une présomption de non-consentement à la médiation pénale pour les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection.(…) La question essentielle est celle de la nécessité ou non de modifier le dispositif de l’ordonnance de protection. Aujourd’hui, avec un délai moyen de délivrance autour de 26 jours alors que ce dispositif vise à répondre à des situations d’urgence, la question se pose d’inscrire dans la future loi un délai maximal pour la délivrance d’une ordonnance de protection. Par ailleurs, la plupart des personnes entendues proposent de porter la durée de l’ordonnance de protection, actuellement fixée à quatre mois, à six mois, renouvelable une fois sans qu’il soit nécessaire de recommencer la procédure, selon une procédure de tacite reconduction. Après avoir envisagé dans un premier temps de reconnaître le juge délégué aux victimes (Judevi) comme autorité compétente pour la délivrance de l’ordonnance de protection, le législateur a décidé de confier cette compétence au JAF), ancrant cette mesure dans le droit de la famille. Certains considèrent pourtant que lorsqu’une procédure pénale est engagée, il faudrait que le juge pénal puisse aussi rendre une ordonnance de protection.

Certaines associations préconisent la suppression de la médiation pénale dans les situations de violences conjugales, en dehors de l’application d’une ordonnance de protection. La loi de 2010 nous semble néanmoins avoir trouvé une solution d’équilibre sur ce point. Les violences au sein du couple posent enfin la question des enfants témoins et parfois aussi victimes. Longtemps a prévalu l’idée qu’un mauvais mari pouvait être un bon père. Ce postulat doit aujourd’hui être remis en cause. L’enfant témoin est toujours victime au moins à titre secondaire. Toute décision le concernant devrait toujours faire prévaloir l’intérêt de l’enfant. Dans un contexte de violences conjugales, le principe du maintien de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement (garde alternée) peut aussi légitimement être interrogé. L’ordonnance de protection pourrait, durant la durée de son application, entraîner une suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour l’auteur des violences.

Pour améliorer l’application du dispositif de la loi de 2010, quelques axes pourraient être suivis. Premièrement, l’application de l’ordonnance de protection est très inégale sur le territoire, leur nombre étant variable d’un tribunal à l’autre ; de plus, certains juges semblent réticents à recourir à ce nouvel outil. Des instructions de la part de la Chancellerie et un effort de formation sont donc indispensables pour faire « décoller » le dispositif. Le succès obtenu par le département de la Seine-Saint-Denis dans l’application de l’ordonnance de protection indique la voie à suivre. C’est le partenariat entre les différents acteurs, la mise en réseau, qui est la clé du succès. La mise en œuvre d’un protocole formalisant ce partenariat a permis la réussite de l’application de l’ordonnance de protection. Ces protocoles devraient être généralisés. L’articulation insuffisante des procédures au civil et au pénal est aussi régulièrement dénoncée : la désignation dans chaque TGI d’un magistrat du parquet spécialisé dans le suivi des violences faites aux femmes doit devenir systématique et non facultative.

Deuxièmement, il est indispensable de prendre en charge les auteurs de violences et de prescrire une période d’accompagnement thérapeutique et psychologique, afin d’éviter les récidives ultérieures et de faire prendre conscience des actes commis. La question se pose d’aller plus loin en envisageant une obligation de soins ou non Troisièmement, il convient de prévoir l’accompagnement social des victimes par la mise à disposition de logements. Quatrièmement, des actions de prévention et de lutte contre les stéréotypes sont nécessaires. Ainsi, les personnels médicaux qui sont susceptibles de repérer en premier lieu les femmes victimes de violences doivent être mieux informés et mobilisés dans la lutte contre ce fléau. Enfin, la prévention des violences suppose également d’agir en amont, en luttant contre les stéréotypes sexistes présents dès l’école et en veillant aux contenus diffusés par les médias. Cet aspect apparaît également important pour modifier à moyen terme les comportements et les représentations »

Source : compte rendu de la réunion de la Délégation du 24 avril 2013, intervention de Mme Monique Orphé.

Les rapporteures ont poursuivi leurs travaux sur ces questions, en se rendant notamment au tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, le 17 juin 2013, à l’invitation de Mme Ernestine Ronai, afin de mieux appréhender la réalité du parcours d’accueil des femmes victimes de violences qui y a été mis en place.

Mme Christelle Hamel, coordinatrice de l’enquête nationale sur les violences subies et les rapports de genre, dite « enquête Virage », a par ailleurs été entendue par la Délégation, le 20 novembre 2013.

Les rapporteures ont également procédé à de nombreuses auditions dans la perspective de l’examen du projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, dont elles ont été désignées rapporteures le 18 juin 2013, s’agissant de ses dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité (titre III du projet de loi).

À cet égard, il convient de souligner que la contribution adoptée par la Délégation en avril 2013 suggérait d’inscrire un délai maximal pour la délivrance de l’ordonnance de protection et que cela a été fait par le projet de loi, comme l’a fait observer Mme Édith Gueugneau, lors de la réunion de la Délégation du 3 décembre 2013.

En outre, le quatrième Plan de lutte contre les violences faites aux femmes, qui a été présenté par le Gouvernement en novembre 2013, comporte d’importantes mesures dans ce domaine, avec en particulier un doublement du budget afférent (66 millions d’euros pour les trois prochaines années). Sont également prévus 1 650 solutions d’hébergement d’urgence nouvelles et 1 350 intervenants sociaux en commissariats et en brigades d’ici 2017.

Le « téléphone grand danger » sera également généralisé pour protéger les femmes victimes de violences conjugales, avec aussi l’expérimentation d’un kit de constatation en urgence des viols, et un numéro unique (39 19) pour orienter les femmes victimes de violences, gratuit et ouvert sept jours sur sept.

C. LE SUIVI DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

La Délégation aux droits des femmes s’est évidemment réjouie de la création d’un ministère des droits des femmes de plein exercice, seul vrai moyen de placer cette question au cœur des préoccupations. Pour autant, la Délégation a dès le début affirmé sa volonté d’être très vigilante et très présente sur toutes les questions en lien avec les droits des femmes.

Dans cette optique, elle a souhaité entendre différents ministres dont les politiques étaient susceptibles d’avoir un impact sur les droits et la vie des femmes, et cela dès le début de ses travaux. Elle a également pu entendre les ministres dans le cadre de l’examen de projets de loi, dont la Délégation s’était saisie.

1. L’audition en juillet 2012 de la ministre des Droits des femmes

Dès le 18 juillet 2012, la Délégation a organisé une audition ouverte à la presse de la ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem sur ses axes d’action prioritaires. La ministre en a identifié quatre. En premier lieu : l’égalité professionnelle avec notamment la question centrale des temps de travail et du temps partiel, rejoignant ainsi une préoccupation majeure de la Délégation.

La deuxième priorité avancée par la ministre était la lutte contre les violences, avec le souci de faire « décoller » l’ordonnance de protection. Elle a alors annoncé le lancement d’une campagne de communication sur le harcèlement sexuel.

Troisième priorité : le droit des femmes à disposer de leur corps. La ministre a évoqué les difficultés d’accès à l’IVG et la fermeture de nombreux centres d’accueil, la prévention des grossesses non désirées et l’information sur la sexualité.

La quatrième priorité de la ministre était la chasse aux stéréotypes de genre à l’école, dans les médias et dans le sport, avec des actions à conduire dans le domaine de la petite enfance.

La ministre a ensuite évoqué des avancées récentes : réalisation pour tous les projets de loi et décret d’une étude d’impact qui permettra de s’assurer qu’aucun sexe n’est lésé par les mesures envisagées ; réunion du comité interministériel des droits des femmes qui ne s’était pas réuni depuis douze ans, désignation d’un haut fonctionnaire à l’égalité pour chaque ministère ; conférences de l’égalité.

2. L’audition en octobre 2012 de la ministre des Affaires sociales et de la santé

Puis, le 2 octobre 2012, la Délégation a procédé à l’audition de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé. La présidente souhaitait que la Délégation entende la ministre sur la question des retraites des femmes et des inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes. La question des retraites des femmes est en effet un des thèmes suivis régulièrement par la Délégation qui s’était d’ailleurs fortement engagée dans le débat de la réforme des retraites de 2010. Dans la perspective de la réforme de 2013, la Délégation souhaitait que les inégalités dans ce domaine ne soient pas oubliées.

La ministre a rappelé à cette occasion la méthode employée pour la réforme des retraites : état des lieux par le Conseil d’orientation des retraites (COR), mise en place d’une commission ad hoc, concertation avec les partenaires sociaux et projet de loi. Elle a assuré la Délégation de son souci que l’équité envers les femmes soit respectée lors de la réforme à venir.

Elle a aussi abordé les questions liées à la santé des femmes : inégalités d’accès aux soins, augmentation des taux de décès par cancer du poumon, de l’alcoolisme, des maladies cardio-vasculaires, vulnérabilité au stress et enfin violences subies par les femmes.

3. L’audition en novembre 2012 de la ministre déléguée chargée de la Famille

Le 27 novembre 2012, la Délégation a entendu Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. La ministre a évoqué la question des familles monoparentales et de la lutte contre la pauvreté ainsi que la précarité grandissante des retraitées. Puis, elle a abordé l’un des chantiers majeurs de son ministère, la petite enfance et le soutien à la parentalité.

La ministre a annoncé à cette occasion le lancement d’une consultation citoyenne associant les parents à cette « mobilisation pour l’enfance et la parentalité » et a demandé à la Délégation d’apporter son concours à cette réflexion collective. Répondant à cette sollicitation, a adressé à la ministre une contribution sur le sujet, le 24 janvier 2013.

4. L’audition en décembre 2013 de la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger

Le 18 décembre 2013, la Délégation a entendu Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. La ministre a abordé la question importante des mariages forcés. Seule une dizaine de cas par an est habituellement signalée au ministère des Affaires étrangères mais l’UNICEF estime à 400 millions le nombre de femmes mariées alors qu’elles étaient enfants.

La ministre a rappelé que la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, qui a transposé plusieurs directives européennes et conventions internationales, prévoit que le fait de contraindre une personne à se marier est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La ministre a évoqué la mobilisation des postes diplomatiques et consulaires pour lutter contre ce fléau.

III. LES ACTIVITÉS INTERNATIONALES DE LA DÉLÉGATION

Depuis son installation au mois de juillet 2012, la Délégation aux droits des femmes a poursuivi, à l’international, l’activité qu’elle mène depuis plusieurs années pour développer les échanges avec d’autres pays sur la question universelle des droits des femmes.

Le bilan des dix-huit premiers mois de la nouvelle législature est particulièrement substantiel : plus de huit déplacements à l’étranger, douze délégations étrangères accueillies par la Délégation et quatre participations à des colloques ou rencontres internationales à Paris.

Ce sont autant d’occasions de se faire part des expériences conduites par son pays pour faire progresser la cause des femmes, voire simplement pour défendre les acquis dans des sociétés où l’égalité femmes/hommes est loin d’être une construction naturelle. Certaines rencontres, notamment dans des enceintes internationales, ont aussi permis à la Délégation de s’associer à des démarches collectives destinées à dénoncer la situation dramatique des femmes dans des pays qui leur dénient tout droit et, donc, tout espoir d’émancipation, y compris vis-à-vis de leurs bourreaux lorsqu’elles sont victimes de violences.

● C’est pourquoi votre Délégation a tenu à ne pas manquer certains grands rendez-vous internationaux où elle voulait faire entendre sa voix sur les problématiques liées à la question des droits des femmes.

La présidente de votre Délégation a ainsi participé au premier forum mondial des femmes francophones, organisé à Paris le 20 mars 2013, principalement consacré aux violences faites aux femmes pendant les conflits armés ou les crises politiques.

Plus tard, au mois de juillet, elle s’est rendue à Genève pour assister à une conférence régionale de l’ONU sur la population et le développement, chargée de faire le point sur les retombées du programme d’actions arrêté par la Conférence du Caire de 1994.

Au mois de mars 2013, aux côtés de la présidente de votre Délégation, notre collègue Mme Édith Gueugneau a participé, à New York, à la 57ème réunion de la commission des Nations unies sur la condition de la femme, dont le thème principal de réflexion était l’élimination et la prévention des violences faites aux femmes et aux filles.

Il faut aussi signaler la commémoration, le 17 décembre 2013, sur une initiative conjointe du ministère des droits des femmes et votre Délégation, du trentième anniversaire de la ratification par la France de la convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF/CEDAW) : l’événement organisé par la Délégation a eu lieu à l’Assemblée nationale.

● La Délégation aux droits des femmes a par ailleurs profité de plusieurs occasions qui se sont présentées à elle pour nouer des contacts avec des pays d’autres continents. Ainsi, en Afrique : notre collègue Pascale Crozon a représenté la Délégation à la conférence internationale sur la participation des femmes à la vie politique, organisée à Tunis par le ministère tunisien des affaires de la femme et de la famille au mois d’octobre 2012. Notre collègue Catherine Quéré s’est, pour sa part, rendue à la Chambre des représentants du Maroc pour une table ronde sur l’égalité et la parité, le 19 février 2013.

En Amérique du sud : au mois de mars 2013, Mme Claude Greff et M. Guy Geoffroy ont participé à une délégation du forum parlementaire européen invitée à un voyage d’étude en Bolivie et au Pérou sur le thème de la santé reproductive et la planification familiale.

Pour ce qui concerne l’Asie, c’est à Paris que la présidente de votre Délégation a rencontré, le 15 novembre 2012, une délégation de la Fédération des femmes de la province du Hainan, en Chine. Elle a participé, le 12 décembre 2013, à une réunion organisée par le groupe d’amitié France-Japon de l’Assemblée nationale, sur le thème de la place des femmes au Parlement, en présence de députés japonais.

● Votre Délégation a accueilli à l’Assemblée nationale des personnalités politiques étrangères : des députées du Bundestag, membres de la commission de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse, sont venues le 10 octobre 2012 ; la présidente de votre Délégation a reçu la ministre de la famille et des politiques sociales de Turquie, Mme Fatma ŞAHİN, le 11 septembre 2013.

● Sur le thème de la prostitution, auquel votre délégation a consacré une grande partie de ses travaux entre novembre 2012 et juillet 2013, la Présidente de votre Délégation s’est rendue, avec Mme Maud Olivier, le 4 décembre 2012, à Bruxelles, au Parlement européen, à l’occasion d’un colloque sur « Dix ans de politiques sur la prostitution : résultats des options suédoises et néerlandaises, et perspectives ». Quelques semaines plus tôt, elle avait accompagné Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, à Stockholm, pour un voyage dont l’un des thèmes était l’expérience suédoise en matière de lutte contre la prostitution.

● Enfin, votre délégation a répondu favorablement aux sollicitations du ministère des affaires étrangères dans le cadre du programme d’invitation des personnalités d’avenir. Elle a ainsi reçu : Mme Andrea Pappin, irlandaise, Mme Sara Hossain, bangladaise, et Mme Ayse Urün Güner, turque.

On trouvera ci-après la liste complète de toutes les initiatives prises par votre Délégation entre juillet 2012 et décembre 2013 :

– le 11 septembre 2012 : réception, par Mme Marie-Jo Zimmermann, vice-présidente de la Délégation, d’une délégation composée de Mme Gloria Flores, parlementaire de Colombie membre du Parlement andin, et de représentantes de l’association « Tejedoras de Vida » qui a pour objectif la lutte contre les violences faites aux femmes, lauréate 2011 du prix franco-allemand des droits de l’homme organisé par les ambassades allemande et française ;

– le 10 octobre 2012 : réception, au cours d’une réunion de travail de la Délégation aux droits des femmes, d’une délégation parlementaire conduite par Mme Sybille Laurischk, présidente de la commission de la Famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse du Bundestag ;

– le 16 octobre 2012 : réception, par Marie-Jo Zimmermann, vice-présidente, de Mme Andrea Pappin, ancienne présidente du mouvement européen d’Irlande, dans le cadre du programme « Personnalités d’avenir » du ministère des Affaires étrangères ;

– les 29 et 30 octobre 2012 : mission de Mme Pascale Crozon à Tunis dans le cadre de la conférence internationale sur la participation des femmes à la vie politique, organisée à l’Assemblée constituante tunisienne ;

– les 8 et 9 novembre 2012 : participation de la présidente de votre Délégation, au voyage d’étude de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, à Stockholm, sur les structures d’accueil des enfants combattant les préjugés sexistes dès le plus jeune âge, l’incitation au partage des congés parentaux et la législation en matière de prostitution ;

– le 15 novembre 2012 : accueil, par la présidente de votre Délégation, d’une délégation de membres de la Fédération des femmes de la Province du Hainan, Chine ;

– le 4 décembre 2012 : accueil, par la Délégation, de Mme Sara Hossain, avocate à la Cour suprême du Bangladesh, invitée dans le cadre des personnalités d’avenir du ministère des Affaires étrangères ;

– le 4 décembre 2012 : déplacement de la présidente au Parlement européen à Bruxelles à l’occasion du colloque « 10 ans de politiques sur la prostitution : résultats des options suédoises et néerlandaises et perspectives » ;

– le 15 janvier 2013 : accueil, par la Délégation de Mme Ayse Urün Güner, Conseillère parlementaire et conseillère pour l’ONG Balai volant (droits des femmes) de Turquie, invitée dans le cadre des personnalités d’avenir du ministère des Affaires étrangères ;

– le 19 février 2013 : mission de Mme Catherine Quéré à la Chambre des représentants du Maroc (à Rabat) pour animer l’une des tables rondes de la journée d’étude « Institutions et commissions en faveur de l’égalité et de la parité : défis et opportunités » ;

– du 4 au 8 mars 2013 : participation de Mme Édith Gueugneau à la délégation du Forum parlementaire européen envoyée à la 57ème réunion de la commission des Nations unies sur la condition de la femme, à New York, dont le thème prioritaire est « l’élimination et la prévention de toutes les formes de violence contre les femmes et les filles » ;

– le 12 mars 2013 : réception, par Mme Marie-Jo Zimmermann, d’une délégation de trente femmes francophones, cadres supérieurs dans les secteurs public et privé, réunies à Paris pour le programme Leadership et management au féminin de l’École nationale d’administration (Ena) ;

– le 18 mars 2013 : intervention de Mme Monique Orphé à l’Unesco, devant quarante jeunes femmes francophones invitées dans le cadre du Forum mondial des femmes francophones, sur le thème des violences faites aux femmes ;

– le 20 mars 2013 : participation de la présidente de votre Délégation, au forum mondial des femmes francophones, organisé à l’initiative de Mme Yamina Benguigui, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères chargée de la francophonie, représentante personnelle du président de la République auprès de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) ;

– du 17 au 23 mars 2013 : participation de Mme Claude Greff et M. Guy Geoffroy à la délégation du Forum parlementaire européen, envoyée pour un voyage d’études en Bolivie et au Pérou sur le thème de la santé reproductive et la planification familiale ;

– le 17 avril 2013 : réception, par la présidente et Mme Édith Gueugneau, de Mme Hijran Huseynova, Présidente du Comité d’État pour les questions relatives à la Famille, aux femmes et aux enfants de l’Azerbaïdjan, sur le thème de l’organisation et les travaux de la Délégation aux droits des femmes ;

– le 25 avril 2013 : accueil, par la Délégation, d’un groupe de membres de l’Institut de développement en faveur des femmes (KWDI) et du Centre de recherche sur l’approche intégrée budgétaire de l’égalité (GBRC) de Corée du Sud ;

– le 1er juillet 2013 : déplacement à Genève de la présidente de votre Délégation à la commission économique pour l’Europe, lors de la « Conférence régionale sur la Conférence internationale sur la population et le développement au-delà de 2014 » ;

– le 11 septembre 2013 : réception, par Mme Catherine Coutelle, présidente, de Mme Fatma ŞAHİN, ministre de la famille et des politiques sociales de Turquie ;

– le 25 septembre 2013 : réception, par Mme Barbara Romagnan, de Mmes Maina Sage, présidente de la commission de l’économie, des finances, du budget et de la fonction publique de l’Assemblée de la Polynésie française, et Nicole Sanquer, présidente de la commission de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la jeunesse et des sports ;

– le 7 novembre 2013 : participation de Mme Catherine Coutelle, présidente au « Symposium pour l’égalité » à l’invitation du président de l’Assemblée nationale de Turquie, Tahin Burcuoglu-conférence organisée dans le cadre du projet de dialogue et d’échange interparlementaire mené conjointement par la Grande assemblée nationale de la République de Turquie et l’Union européenne ;

– le 12 décembre 2013 : participation de Mme Catherine Coutelle, présidente, au groupe d’amitié France-Japon de l’Assemblée nationale sur la thématique de « la place des femmes au Parlement », en présence de M. Kosuke Hori, président du groupe d’amitié Japon-France de la Chambre des représentants de la Diète, et Mme Yuriko Koike, vice-présidente en charge de la relation bilatérale féminine entre les deux groupes d’amitié ;

– le 14 décembre 2013 : accueil de Mme Maria del Carmen Castillo, directrice de l’association Mouvement des femmes de Chinandega, Nicaragua, accompagnée de Mme Delphine Lacombe, ingénieur d’études au CNRS ;

– le 17 décembre 2013 : Mme Catherine Coutelle organise, à l’Assemblée nationale, la commémoration des 30 ans de la CEDAW (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), en présence de Mme Nicole Ameline, présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination contre les femmes, et de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes.

TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a examiné le présent rapport d’activité (juillet 2012 – décembre 2013), au cours de sa réunion du mercredi 19 février 2014.

Mme la présidente Catherine Coutelle.  En 2012, nous avions décidé de consacrer nos premiers travaux aux déléguées aux droits des femmes et à leurs moyens d’action dans les territoires. S’il avait pu être envisagé d’y adjoindre le bilan annuel d’activité de la Délégation, cela est apparu prématuré, dans la mesure où il se serait limité aux six premiers mois de cette législature.

Il s’agit donc du premier rapport d’activité de la Délégation, et je ne peux que me féliciter de tout le travail accompli depuis juillet 2012 ! La Délégation a en effet tenu 58 réunions, pour une durée de 85 heures, auditionné 350 personnes et produit 9 rapports d’information ainsi que 2 contributions thématiques. Ce travail a comporté l’analyse de plusieurs textes importants présentés par le Gouvernement, mais il traduit également la volonté de la Délégation de se saisir de certains sujets d’étude, en menant ainsi des travaux d’évaluation des politiques publiques en faveur des femmes, parallèlement à l’examen des projets de loi.

Le rapport retrace, tout d’abord, les activités législatives de la Délégation.

En juillet 2012, elle s’est saisie du projet de loi sur le harcèlement sexuel, qui visait à remédier à un vide juridique. Mme Ségolène Neuville en a été désignée rapporteure. La Délégation a souhaité notamment préciser la définition du harcèlement sexuel, en vue d’éviter une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Si des améliorations ont pu être apportées sur plusieurs points, il me semble cependant que nous n’avons pas totalement réussi à régler le problème de l’université : il faudrait pouvoir chaque fois « dépayser » l’examen de l’affaire dans un autre établissement. Nous avions d’ailleurs soulevé à nouveau cette question lors de l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche. En tout état de cause, des progrès restent à faire dans ce domaine.

Mme Ségolène Neuville. En effet.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Peut-être faudrait-il d’ailleurs travailler avec la ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, Mme Marylise Lebranchu, pour regarder de plus près ce qui se passe dans la fonction publique en cas de harcèlement sexuel, dans le cadre d’une approche plus large de ces questions ?

Nous avons également été saisis du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, sur lequel Mme Pascale Crozon a été désignée rapporteure. À cet égard, le rapport précise que le choix du « binôme » pour assurer la parité totale dans les conseils généraux a donné lieu à des débats et des divergences au sein de la Délégation.

L’examen du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, qui faisait suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu en janvier 2013, a permis de soulever la question de la précarité et des temps partiels. Sur ce point, je rappelle que, dans le cadre du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi à la démocratie sociale, que l’Assemblée nationale vient d’adopter en première lecture, il a été décidé de reporter de six mois la date d’entrée en vigueur des dispositions relatives au temps partiel, initialement fixée au 1er janvier 2014, compte tenu notamment des discussions en cours entre les partenaires sociaux. Si des difficultés d’application sont évoquées dans certains secteurs d’activité –  nous avions d’ailleurs bien conscience qu’il pourrait y avoir des difficultés, par exemple pour des associations  –, il faudra suivre très attentivement les conditions de mise en œuvre des dispositions de la loi relatives à la durée minimale de 24 heures, en juillet prochain.

Mme Ségolène Neuville. Lors de l’examen de ce projet de loi, j’ai dit très clairement en séance publique qu’étant donné la situation des femmes à temps partiel, la Délégation serait très vigilante sur ce qui allait se passer à partir de juin.

Mme la présidente Catherine Coutelle. L’un de nos collègues m’a fait observer récemment que des personnes souhaitent parfois travailler moins de 24 heures par semaine. Mais la loi le permet : le salarié peut en effet demander par courrier à travailler moins de 24 heures par semaine, s’il le souhaite. Bien sûr, on peut toujours craindre que l’employeur utilise cette possibilité pour faire pression sur le salarié mais, en tout état de cause, cette possibilité existe.

Mme Conchita Lacuey. Je suis sceptique quant au résultat des négociations de branche sur le temps partiel en juillet prochain. Les dérogations à la durée minimum seront fréquentes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Et les dérogations se feront en défaveur des femmes.

Les femmes étant sous-représentées dans le monde universitaire, nous avions souhaité y renforcer la parité autant que possible à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche mais, pour l’enseignement, le ministère de l’Éducation nationale semble avoir fait du zèle. En effet, pour les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), le principe retenu a été celui d’une parité par corps de métier, du professeur d’université aux agents techniciens, ouvriers et de service (ATOS), pour constituer le conseil d’administration. C’est donc chaque catégorie qui doit présenter un nombre paritaire ; or, en cas d’effectifs peu nombreux, cela peut poser problème : dans les ESPE, les commissions sont très restreintes, et dans certaines, il y a seulement un homme, qui est sûr d’être élu ! Sans doute eût-il été préférable de prévoir, plus simplement, que c’est l’ensemble du conseil qui doit être paritaire.

La Délégation a également participé activement à la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système des retraites, et nous avons naturellement été saisis du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui a fait l’objet d’importants travaux.

Je précise que le rapport étant consacré au bilan des activités de la Délégation de juillet 2012 à décembre 2013, il n’évoque donc pas nos récents travaux sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, qui a été examiné en séance publique en février 2014.

Nous avons également suivi attentivement les projets de loi finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, en auditionnant notamment la ministre des Droits des femmes sur les crédits du programme budgétaire Égalité entre les femmes et les hommes. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail remarquable de M. Christophe Sirugue, dans le cadre de l’analyse de la mission budgétaire Solidarité, insertion et égalité des chances. Il faudra poursuivre ce travail de suivi des textes budgétaires et sociaux.

Le rapport présente, d’autre part, les différents travaux d’évaluation de la Délégation. À ce titre, elle a adopté trois rapports d’information portant sur les thèmes suivants :

– les moyens des délégations régionales et départementales des droits des femmes : suite aux préconisations de la Délégation, il serait d’ailleurs intéressant de voir si ces services ont aujourd’hui plus de visibilité et d’efficacité ;

– les obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle et l’application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 : Mme Cécile Untermaier a ainsi présenté deux communications, avant et après la publication du décret du 18 décembre 2012. J’indique sur ce point que pour les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations dans ce domaine, un peu moins de dix ont été sanctionnées  et 500 ont été rappelées à l’ordre ;

– nous avons également adopté un rapport d’information sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel, présenté par Mme Maud Olivier, en septembre 2013. L’adoption par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, en décembre dernier, représente un grand succès, mais il faut transformer l’essai au Sénat. Une commission spéciale y a été constituée pour examiner ce texte, dont le président est M. Jean-Pierre Godefroy, et la rapporteure, Mme Laurence Rossignol ; elle a commencé ses auditions. J’ai d’ailleurs écrit au président du Sénat, M. Jean-Pierre Bel, qui nous invite à prendre contact avec le président de la commission spéciale.

La Délégation a également adopté deux contributions thématiques sur :

– la petite enfance : cette contribution, qui évoquait notamment les questions relatives à l’accueil de la petite enfance et au congé parental, en proposant par exemple le développement de « classes passerelles », a été adressée à la ministre déléguée chargée de la Famille, Mme Dominique Bertinotti, qui avait lancé, à l’automne 2012, une grande consultation nationale sur la petite enfance et la parentalité, « Au tour des parents » ;

– les violences faites aux femmes et l’application de la loi du 9 juillet 2010 : en amont du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, nous avons ainsi formulé plusieurs observations, adressées à la ministre des Droits des femmes, et qui ont d’ailleurs été prises en compte, s’agissant par exemple de l’ordonnance de protection.

Nous avons par ailleurs demandé à un certain nombre de ministres de rendre compte de l’action du Gouvernement en matière d’égalité, à commencer par la ministre des Droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, mais aussi la ministre déléguée chargée de la Famille, Mme Dominique Bertinotti, la ministre des Affaires sociales et de la santé, Mme Marisol Touraine, ainsi que la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger, Mme Hélène Conway-Mouret, concernant notamment la lutte contre mariages forcés et l’excision.

Au-delà de ces auditions transversales, la Délégation a également entendu plusieurs ministres dans le cadre de l’examen des différents projets de loi dont elle s’est saisie, et dernièrement, le ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, M. Michel Sapin. Les comptes rendus des auditions des ministres sont présentés en annexe du rapport, ainsi que la liste des réunions, des rapports et des contributions de la Délégation.

Le rapport présente enfin les activités internationales de la Délégation, qui concourt à la présence de la France dans le monde et au développement de la diplomatie parlementaire, mais qui peut aussi permettre d’appuyer des prises de position et d’accompagner des pays qui le demandent concernant les politiques d’égalité. C’est un rôle important qui nous incombe. Mme Maud Olivier pourra d’ailleurs nous présenter son déplacement récent au Maroc.

Pour conclure, je tiens à féliciter à nouveau l’ensemble des membres de la Délégation pour le travail important accompli au cours de ces dix-huit mois. Les droits des femmes avancent, et il est important de le faire savoir !

La Délégation adopte le rapport d’activité.

COMPTES RENDUS DES AUDITIONS DE MINISTRES PAR LA DÉLÉGATION

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur ses axes d’action prioritaires, le mercredi 18 juillet 2012 52

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes, le mardi 2 octobre 2012 67

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur les crédits du programme budgétaire « Égalité entre les femmes et les hommes », le mardi 23 octobre 2012 76

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille, le mardi 27 novembre 2012 89

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur les enjeux de la réforme du système des retraites au regard de la situation des femmes, le mardi 18 juin 2013 100

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le mardi 12 novembre 2013 113

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le mercredi 11 décembre 2013 119

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger, sur l’action du Gouvernement contre les mariages forcés, le mercredi 18 décembre 2013 126

Audition ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur ses axes d’action prioritaires

Compte rendu de l’audition du mercredi 18 juillet 2012

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre, nous nous réjouissons de vous accueillir, car nous tenions à vous entendre dès le début de cette législature. Les trente-six membres de notre délégation – hommes et femmes – sont d’autant plus fiers que celles et ceux qui y siégeaient déjà n’ont eu de cesse, au cours de la précédente législature, de demander la création d’un ministère des Droits des femmes, seul moyen de placer cette question au cœur des préoccupations. À peine constituée, notre délégation a travaillé à marche forcée sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel, qu’il fallait adopter avant la fin de la session extraordinaire en vue de combler un vide juridique. Cette urgence – qui n’est pas souhaitable en toutes circonstances – a en l’espèce permis à des députés nouvellement élus de se plonger immédiatement dans le travail parlementaire ; je salue le talent et la conviction de Ségolène Neuville, qui a fait sur ce texte ses premières armes de rapporteure.

Notre délégation est chargée de plusieurs missions. Premièrement, elle est saisie des projets de loi par une commission permanente ou spéciale, à son initiative ou sur demande de la délégation – en l’occurrence, la délégation avait adressé une lettre au président de la commission des Lois. Ensuite, elle assure une veille sur tous les textes, dans toutes les commissions, et elle évalue les textes qui ont été adoptés – pour la précédente législature, je songe notamment à la loi visant à réprimer les violences faites aux femmes – et les politiques conduites. Enfin, nous formulons des recommandations sur divers sujets de société et d’actualité.

Nous sommes enthousiastes à l’idée de nous mettre au travail et décidés à faire œuvre constructive. Plusieurs dossiers me tiennent particulièrement à cœur. D’abord l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : il est urgent d’agir, car le décret d’application de l’article 99 de la loi sur les retraites, rédigé en 2011 par le ministre du travail, qui édulcore considérablement le texte voté en séance, ne nous convient absolument pas. Les rythmes scolaires, ensuite, liés à différentes questions qui intéressent notre délégation : l’articulation entre vie personnelle et professionnelle ; les rythmes et les temps de vie dans notre société ; le partage des tâches, encore trop inégal dans le couple. Les violences, enfin : au-delà du projet de loi sur le harcèlement sexuel, nous souhaitons poursuivre l’évaluation de la loi sur les violences faites aux femmes et sur les violences au sein du couple, qui a déjà fait l’objet d’un premier bilan parlementaire. Nous évoquerons avec vous l’Observatoire des violences faites aux femmes que vous avez le projet de créer.

Nous vous auditionnerons prochainement à propos du projet de loi de finances, pour connaître les crédits dont vous bénéficierez pour votre action, ainsi que les crédits centraux et déconcentrés pour les droits des femmes et l’égalité. Les attentes sont grandes, mais les contraintes budgétaires sont fortes : il vous faudra concilier dynamique politique et moyens contraints.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes. Je suis heureuse d’être parmi vous, après deux mois d’activité au sein d’un ministère dont la création, très attendue, suscite de grands espoirs. Dans les domaines que vous avez évoqués, comme dans d’autres sur lesquels je reviendrai, il n’est pas question de repartir de zéro : je devrai m’appuyer sur les travaux que vous avez menés au cours de la précédente législature.

Mes priorités seront l’égalité professionnelle – vous voyez que nous nous rejoignons –, la lutte contre les violences faites aux femmes, la liberté des femmes de disposer de leur corps et la lutte contre les stéréotypes dès le plus jeune âge.

L’égalité professionnelle, tout d’abord, a été un sujet central de la grande conférence sociale, ce qui n’est pas habituel lors de ce type de rendez-vous. La feuille de route à laquelle nous sommes parvenus a fait l’unanimité. Même si tout ne va pas pour le mieux, les organisations syndicales, les organisations patronales et l’État sont décidés à agir dans un cadre tripartite constant au lieu de s’en tenir à des incantations qui ne déboucheraient sur rien. Cet engagement est un élément clé du succès.

Nous sommes partis du constat suivant : il existe ce que j’appelle un « triangle de faiblesses » qui conduit à reléguer au second plan l’égalité entre les sexes dans l’entreprise. Faiblesse de l’État d’abord, qui n’applique pas suffisamment les diverses lois adoptées depuis quarante ans ; faiblesse des organisations syndicales ensuite, peu promptes à promouvoir l’égalité professionnelle dans les différentes phases de négociation ; faiblesse des employeurs enfin, et notamment des PME, qui considèrent qu’il s’agit d’un problème de société qui les dépasse et qu’elles ne sont pas armées pour affronter.

Nous sommes parvenus à la conclusion que les trois partenaires – État, patronat, organisations syndicales – doivent bouleverser ce schéma et que pour y parvenir, il faut s’appuyer sur les engagements des chefs d’entreprise, des délégués syndicaux et des directeurs des ressources humaines en diffusant les bonnes pratiques qu’ils ont instaurées ici ou là. C’est ainsi que l’on s’attaquera véritablement aux racines des inégalités salariales.

Sur ce sujet, sur lequel on légifère depuis quarante ans, nous disposons d’un arsenal législatif plutôt structuré et assez complet. Il faut sans doute procéder à des ajustements, et nous le ferons – je songe notamment au décret que vous avez évoqué, Madame la présidente. Toutefois, l’essentiel n’est pas d’adopter une nouvelle loi sur l’égalité professionnelle mais d’appliquer celles qui existent déjà. Votre délégation a d’ailleurs signalé le problème. Seule la moitié des entreprises établit le rapport de situation comparée que la loi leur impose ; seul un dixième d’entre elles organise des négociations sur l’égalité ; et, depuis le début de l’année, seules deux entreprises ont fait l’objet d’une mise en demeure sur le fondement de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010, ce qui n’a rien d’étonnant puisque, sous le précédent gouvernement, instruction avait été donnée aux services déconcentrés de ne pas s’en préoccuper outre mesure à ce stade.

La résorption de l’écart de 27 % entre les rémunérations brutes moyennes des femmes et celles des hommes fait désormais l’objet d’une volonté partagée de l’État et des partenaires sociaux. Pour atteindre cet objectif, il nous faut nous intéresser aux causes structurelles des inégalités. Nous sommes très vite tombés d’accord pour considérer que les différences de temps de travail constituent ainsi un élément d’explication essentiel, notamment le recours au temps partiel, qui concerne les femmes beaucoup plus que les hommes. S’y ajoute – vous l’avez dit, Madame la présidente – le problème de l’articulation des temps de vie, qui pénalise particulièrement les femmes, ainsi que les ressorts profonds de notre société et les stéréotypes conduisant à la division sexiste du travail qui cantonne la moitié des femmes dans douze secteurs professionnels. Mais une fois ces causes profondes prises en considération, il subsiste un écart de 9 % du salaire horaire que l’on ne peut expliquer, sinon par un phénomène de discrimination qui est monnaie courante.

Lors de la grande conférence sociale, nous nous sommes donnés pour objectif prioritaire la résorption de cet écart. À titre indicatif, pour qu’il soit atteint d’ici à cinq ans, il faudrait que les entreprises consacrent chaque année 0,5 à 1 % de leur masse salariale à certaines mesures spécifiques qu’appliquent déjà les plus grandes d’entre elles dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires : elles réservent des enveloppes à cette fin, procèdent à une analyse approfondie de l’évolution des carrières respectives des hommes et des femmes qu’elles emploient, puis corrigent par lissage les inégalités dont souffrent les femmes. Il s’agit d’un effort non négligeable, mais qui n’est pas hors de portée : c’est une question de priorités. Comment faire en sorte que l’égalité professionnelle redevienne une priorité ?

J’ai mentionné la question centrale des temps de travail et notamment celle du temps partiel. Près de la moitié des écarts de salaire entre les femmes et les hommes s’explique par ce facteur temps. Depuis deux mois, j’ai rencontré beaucoup de ces femmes dont le quotidien est miné par les contraintes, qui se surnomment elles-mêmes les « femmes sandwich » : elles n’ont ni liberté de choix ni liberté de temps, elles travaillent à temps partiel mais elles ne voient pas pour autant leur famille. Elles sont, depuis vingt ans, les grandes oubliées de la sécurité de l’emploi. Elles ont été oubliées dans la loi TEPA comme, ces dernières années, dans les réformes de la formation professionnelle, de l’assurance chômage, de la sécurité sociale et, bien entendu, des retraites. Sur ce sujet, nous sommes convenus de passer par une négociation collective interprofessionnelle. Les partenaires sociaux ouvriront ainsi le 21 septembre prochain une négociation sur l’égalité professionnelle et sur la sécurisation des parcours.

Quant au fond, le travail que vous avez accompli sur ce sujet l’année dernière nous guidera. En particulier, il faut envisager de n’autoriser le « petit temps partiel » – moins de vingt heures par semaine –, qui concerne très majoritairement les femmes, que dans des conditions qui garantissent l’accès aux droits sociaux : aux indemnités journalières en cas de maladie, à une couverture chômage en cas de rupture du contrat, et à la formation professionnelle. L’idée est de varier l’approche selon les branches concernées – le nettoyage, la grande distribution, l’aide à domicile, etc. – puisque chacune a ses contraintes spécifiques. Toutefois, pour inciter les partenaires sociaux de chaque branche à négocier, on pourrait commencer par fixer un horaire minimal s’appliquant à tous les contrats.

Il faudra également s’intéresser aux heures complémentaires, dont la rémunération n’est majorée que lorsqu’elles dépassent 10 % du volume horaire prévu au contrat – et non dès la première heure comme les heures supplémentaires –, ce qui incite évidemment l’employeur à minorer le volume horaire contractuel par rapport à ses besoins afin de s’assurer une marge de manœuvre.

En outre, la transformation du temps partiel en temps plein est mal balisée par le droit, ce qui crée une insécurité juridique. L’un des problèmes identifiés par votre délégation concerne la priorité d’embauche à temps plein des salariés à temps partiel, définie de façon si restrictive qu’elle n’est presque jamais appliquée. Enfin, nous devrons réfléchir spécifiquement à l’organisation des filières dans les secteurs qui recourent massivement au temps partiel et qui, ne l’oublions pas, contribuent à l’insertion professionnelle des personnes peu qualifiées en rendant l’emploi accessible à tous. Nous devons les accompagner pour que cette insertion professionnelle n’en reste pas à la première étape mais devienne une ascension durable, notamment par le passage du temps partiel au temps plein. Dans le nettoyage, les collectivités publiques, souvent donneuses d’ordre, pourraient montrer l’exemple en demandant que les entreprises concilient les horaires des femmes de ménage et leur vie personnelle. Nous avons donc certaines marges de manœuvre, qui seront étudiées lors de la conférence de progrès que le secteur de la propreté a accepté, à notre demande, d’organiser.

Enfin, nous ne devons pas limiter notre réflexion aux 4,7 millions de femmes employées par les entreprises de plus de dix salariés, c’est-à-dire par le secteur concurrentiel, oubliant les 8 millions de femmes actives dans de plus petites entreprises, dans le secteur public ou au chômage. S’agissant des fonctions publiques, la grande conférence sociale a décidé l’ouverture au quatrième trimestre 2012 de négociations sur l’égalité entre les femmes et les hommes qui doivent rapidement déboucher sur un accord. N’oublions pas non plus celles qui ne sont même pas comptabilisées dans les statistiques d’activité – près de 8 millions également –, et ce en raison des freins à l’emploi des femmes. Selon une étude de l’Union européenne, la France pourrait accroître son potentiel de croissance de près de 20 % si le taux d’emploi des femmes y devenait égal à celui des hommes. C’est donc une question non seulement d’égalité, mais aussi de productivité et de compétitivité.

Ma deuxième priorité sera la lutte contre les violences. Nous allons reprendre le plan interministériel 2011-2013 de lutte contre les violences. Parmi les 61 mesures qu’il énumérait, certaines n’ont même pas commencé d’être appliquées. Nous en avons parlé avec les associations, dont j’entends l’insatisfaction. Nous devrons donc nous concentrer sur un plus petit nombre de priorités. Je réunirai en septembre la Commission nationale contre les violences envers les femmes pour engager la concertation sur ces points. Mais, les témoignages venus du terrain le montrent d’ores et déjà, la politique du logement doit absolument tenir davantage compte de la situation spécifique des femmes victimes de violences. En effet, une femme qui quitte son domicile pour se mettre à l’abri ne peut se sentir en sécurité que si elle est accueillie dans un lieu approprié au lieu d’être contrainte à une vie nomade. J’y travaillerai avec Cécile Duflot, ministre du Logement.

Une autre priorité à laquelle je consacrerai toute mon énergie au côté de Christiane Taubira, garde des Sceaux, sera le « décollage » de l’ordonnance de protection, très bon dispositif à propos duquel nous nous heurtons à une puissante inertie de l’appareil judiciaire. Ce sont les habitudes qui créent ce blocage. Dans certains départements, le dispositif n’a encore jamais été appliqué ! Deux ans après sa création, il est donc grand temps d’y sensibiliser les magistrats de manière plus énergique. Il nous faudra également envisager des ajustements le cas échéant. À titre personnel, j’estime que la durée de validité de l’ordonnance – quatre mois – n’est pas suffisante. Je m’interroge aussi sur l’intérêt d’une extension du dispositif à toutes les formes de violence familiale.

Nous devons plus généralement repenser la manière dont le service public s’organise au niveau local – le plus pertinent – pour aider les femmes fragilisées. Il s’agit de diffuser les méthodes qui ont fait leurs preuves. Il appartient donc à l’État de piloter des évaluations sérieuses des expérimentations puis, lorsque celles-ci donnent satisfaction, de tirer profit des réussites locales afin de consolider peu à peu un service public encore trop souvent défaillant. Le « téléphone grand danger », expérimenté depuis cinq ans en Seine-Saint-Denis et qui vient d’être étendu à Paris, en fournit un exemple. Peu onéreux, ce dispositif peut être installé rapidement et adapté à la situation spécifique de chaque femme. Il sauve des vies, l’expérience menée en Seine-Saint-Denis l’a montré. Nous nous interrogeons en revanche sur la pertinence d’autres dispositifs, comme le bracelet électronique.

S’agissant enfin du harcèlement sexuel, dont nous avons longuement parlé hier, l’adoption de la loi doit s’accompagner de la diffusion d’une circulaire aux parquets et d’une campagne de communication que nous préparons, avec les associations, et que je piloterai.

Ma troisième priorité sera le droit des femmes à disposer de leur corps. Cela ne vous surprendra pas puisque la défense de ce droit fait partie de l’ADN de mon ministère. Sa nécessité n’est toutefois pas toujours perçue par les jeunes générations. Si les femmes ont du mal à accéder à l’IVG, c’est parce que nombreux centres d’accueil ont fermé – environ 150 au cours des dix dernières années –, mais aussi parce que certains médecins refusent de pratiquer cet acte. Il faut donc faire à nouveau œuvre de sensibilisation. Je ferai également en sorte, avec Marisol Touraine, de concrétiser les engagements du Président de la République sur l’accès à l’IVG, sur l’information et l’éducation à la sexualité – qui concerne également le ministère de l’éducation nationale –, sur le forfait contraception pour les mineurs et sur la formation des médecins.

Le nombre d’IVG se maintient à environ 220 000 par an, soit environ 15 pour 1000 femmes, ce qui correspond à peu près à la moyenne européenne. Bien que notre couverture contraceptive soit assez étendue, 72 % des IVG sont pratiquées sur des femmes dont la grossesse a débuté alors qu’elles étaient sous contraception. D’une certaine façon, l’IVG est ainsi devenue une composante structurelle de la vie sexuelle et reproductive. Sans doute faut-il toutefois améliorer la prévention afin d’éviter certaines IVG. Nous devons donc conduire une politique globale qui allie l’information, la contraception et la prise en charge.

De ce point de vue, la période actuelle est problématique car les congés d’été des personnels médicaux et soignants réduisent la capacité d’accueil des centres, ce qui peut compliquer la prise en charge lorsque ces derniers ne se coordonnent pas suffisamment. Marisol Touraine et moi-même avons donc demandé aux agences régionales de santé, par instruction, d’être particulièrement vigilantes et de rappeler aux établissements les conditions de prise en charge et de permanence des soins. Considérez qu’il s’agit là de la première étape d’un chantier de moyen terme sur l’organisation de la prise en charge.

Les échecs contraceptifs s’expliquent probablement par l’inadaptation des méthodes utilisées à la situation particulière de chaque femme. L’aspect pratique est certainement en jeu, mais aussi l’aspect financier : le reste à charge varie considérablement – de 1 à 100 – d’une méthode contraceptive à l’autre. Le Planning familial nous l’a récemment rappelé. Le problème des restes à charge – quelle que soit la méthode utilisée – devra être étudié de plus près, notamment en ce qui concerne les mineures. À court terme, je constituerai, avec Marisol Touraine, un groupe de travail réunissant les régions qui ont expérimenté le dispositif du pass contraception, en vue de rendre plus efficaces les expérimentations de ce type.

D’autres mesures importantes permettront d’améliorer l’accès à la contraception. Une contraception d’urgence gratuite pourra être délivrée aux étudiantes dans les universités, comme elle l’est aujourd’hui dans les collèges et les lycées. Sur présentation d’une ordonnance datant de moins d’un an, les femmes pourront se procurer un moyen de contraception en pharmacie sans avoir besoin de consulter un médecin. Enfin, il sera mis fin aux discriminations en fonction de l’âge dans le remboursement de la contraception définitive, aujourd’hui réservé aux femmes de plus de quarante ans. Marisol Touraine s’est engagée sur ces différents points lors d’un déplacement que nous avons récemment effectué en commun.

Dernier chantier : la prévention des grossesses non désirées et l’information sur la sexualité. À cette fin, je saisirai à la rentrée l’instance compétente : le conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’information des familles. Il devra également s’intéresser aux prétendues campagnes d’information sur Internet, à ces sites pour le moins prosélytes orientant les femmes vers des organismes de conseil qui ne respectent pas leur liberté de choix en matière d’IVG. Il est essentiel de lutter contre ce type de pratiques.

Ma quatrième priorité sera la chasse aux stéréotypes de genre à l’école, dans les médias et dans le sport. Car ces stéréotypes sont partout, et ils entraînent des conséquences concrètes à plus ou moins long terme : les violences sexistes dès l’école ; la faible ambition scolaire des jeunes filles, ou plus exactement la manière dont elles s’autocensurent au moment de s’orienter, d’où leur faible présence dans les filières scientifiques ou très sélectives, puis dans les emplois supérieurs. Sur ce sujet, je suis convaincue de l’intérêt des expérimentations. Ainsi plusieurs gouvernements anglo-saxons ont-ils récemment mis l’accent sur les méthodes qui consistent à tester différentes modalités d’intervention afin de modifier les comportements des citoyens. C’est l’idée, théorisée dans un ouvrage à succès, de la nudge approach : de petites choses, comme une simple bourrade (nudge), suffisent parfois à produire des résultats à grande échelle dès lors que le message approprié est délivré au bon moment et sous une forme qui parle aux citoyens. Nous allons créer, sur le modèle de l’unité que le gouvernement britannique a dédié à ces expérimentations, une cellule de lutte contre les stéréotypes à laquelle je souhaite vous associer.

Pour identifier les actions à conduire dans le domaine de la petite enfance, j’ai demandé à l’Inspection générale des affaires sociales de faire le point sur les pratiques des professionnels et de formuler des propositions. En effet, il existe des crèches non sexistes, mais nous n’avons guère d’informations sur les fruits de cette expérience. Je souhaite également que soient menées des expérimentations, en lien avec le ministère de l’Éducation nationale, touchant la formation des enseignants, l’éducation aux médias dans les établissements scolaires et, plus généralement, l’évolution des pratiques professionnelles. Vincent Peillon et moi-même travaillons donc à une convention-cadre qui devrait être signée au cours des semaines à venir. Enfin, un programme spécifique sera élaboré avec l’Agence du service civique afin de mobiliser des jeunes volontaires pour mener des actions de sensibilisation et de formation à propos des stéréotypes sexistes, notamment auprès des établissements scolaires.

Pour conduire ces politiques, avec le Premier ministre, nous avons décidé d’une nouvelle organisation interministérielle. Premièrement, toutes les mesures – lois et décrets – intéressant les droits des femmes feront l’objet d’une étude d’impact qui permettra de s’assurer qu’un sexe n’y est pas lésé. Les études seront mises en ligne sur le site Internet du ministère et nous comptons leur consacrer une équipe dédiée au sein du Service des droits des femmes. Je souhaite par ailleurs recourir à une procédure externe d’évaluation de ces études d’impact par des chercheurs. Il n’est pas exclu qu’à terme, la loi organique du 15 avril 2009 soit modifiée pour les intégrer ; nous y travaillerions alors ensemble. Mais, sur ce point, nous n’en sommes encore qu’au stade de la réflexion. L’avenir des régimes de retraite est l’un des premiers sujets qui appellera une telle étude d’impact ; j’en ai parlé avec Marisol Touraine.

Ensuite, pour la première fois depuis plus de douze ans, le comité interministériel des droits de la femme sera réuni début octobre, sous l’autorité du Premier ministre. Nous préparons actuellement la modification de son décret constitutif. Cette première réunion permettra d’adopter plusieurs décisions, dont un véritable plan d’action interministériel grâce auquel l’égalité entre les femmes et les hommes sera prise en considération dans toutes les politiques publiques, dans toutes les administrations, dans tous les ministères.

Pour préparer ce comité interministériel, les ministres ont été invités à désigner auprès d’eux un haut fonctionnaire à l’égalité des droits. Investi d’une mission transversale d’impulsion et de suivi, ce haut fonctionnaire devra veiller au respect de l’égalité dans les politiques sectorielles qui le concernent, mais aussi dans les politiques de gestion des ressources humaines de son ministère. Il assistera personnellement au comité de direction du ministère ; l’idée est de confier cette tâche à une personne dont le rôle au sein de son administration est suffisamment important pour qu’elle puisse se faire entendre. Une circulaire du Premier ministre en ce sens sera adressée cette semaine à chaque ministère.

Par ailleurs, je convierai à la rentrée tous les membres du Gouvernement aux « conférences de l’égalité » que j’ai créées – sur le modèle des conférences budgétaires destinées à préparer le projet de loi de finances –, afin d’étudier avec chacun d’eux les modalités de mise en œuvre du plan d’action dont j’ai parlé. Nous proposerons enfin des actions de sensibilisation personnelle aux ministres qui le jugeront utile. Il est essentiel à mes yeux d’associer à notre démarche des laboratoires de recherche : vous qui souhaitez ouvrir un débat sur le genre savez que les importantes évolutions de la recherche ces dernières années, dont témoignent les travaux de chercheurs et de chercheuses que j’ai eu l’immense plaisir de rencontrer depuis ma nomination, ne sont pas assez connues du public, voire des plus hauts responsables.

Ma feuille de route est somme toute assez simple : elle se résume pour l’essentiel aux 40 engagements que le Président de la République a souscrits pendant la campagne présidentielle. J’ai décidé de faire du 8 mars un moment politique fort, consacré à évaluer le respect de ces engagements, sur lequel je souhaite faire régulièrement le point avec vous.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci, Madame la ministre. Quel plaisir de constater que lorsque nous avons une ministre, elle a autant d’initiatives, notamment transversales ! Je salue tout particulièrement l’idée de proposer une formation à vos collègues, d’autant que la scène à laquelle nous avons assisté hier dans l’hémicycle confirme que le sexisme est partout.

En matière d’égalité, il est au moins un engagement présidentiel qui est déjà respecté : la parité au gouvernement. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Mme Pascale Crozon. Madame la ministre, je veux vous dire le plaisir que j’éprouve à vous voir ici et l’importance que revêt à nos yeux l’existence d’un ministère des Droits des femmes, importance confirmée par le riche programme que vous venez d’évoquer. Les droits des femmes ne doivent pas être relégués parmi les diverses compétences d’un vaste ministère ; l’expérience l’a montré, en dépit des efforts de la ministre dont ils relevaient auparavant.

Contrairement à la convention qui avait été signée par l’État et les plannings familiaux, 500 000 euros ont manqué au financement de la contraception en 2012 et nous avons dû nous battre pour qu’ils soient restitués aux plannings. Cela doit nous inciter à une vigilance particulière lors de l’examen du budget, d’autant que quatre lignes budgétaires sont concernées qui relèvent de deux ou trois ministères différents. Nous devrons également veiller à ce que les moyens alloués aux droits des femmes soient stabilisés, à défaut de pouvoir être accrus.

Il me paraît par ailleurs souhaitable de reprendre deux propositions de loi déposées au cours de la précédente législature, l’une par Bérengère Poletti sur la contraception des mineures, l’autre par Christophe Sirugue sur la précarité professionnelle des femmes.

À propos de la lutte contre les violences, vous n’avez pas mentionné la police. Or, en la matière, la formation des policiers est primordiale car, après les associations, c’est vers le commissariat de police qu’une femme victime de violences se tourne en premier lieu, pour déposer une main courante ou pour porter plainte. La manière dont les policiers l’orientent est donc déterminante.

S’agissant enfin du harcèlement sexuel, nous ne disposons pas d’éléments statistiques. Les dernières enquêtes, dont celle de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, datent de 2000. Nous nous sommes heurtés au même obstacle lors de la mission d’information sur les violences faites aux femmes. Il est donc urgent de créer un observatoire si nous voulons légiférer en connaissance de cause.

M. Guy Geoffroy. Je suis moi aussi très satisfait – et je ne suis certainement pas le seul – qu’un ministère soit désormais chargé de piloter toutes les politiques permettant de promouvoir les droits des femmes, mission par définition transversale. La tâche n’est pas facile ; à nous d’aider les pouvoirs publics à la mener à bien.

J’aimerais revenir sur deux sujets, Madame la ministre : l’un dont vous avez parlé, l’autre que vous n’avez pas évoqué.

Vous avez parlé des violences faites aux femmes. Dans ce domaine, les deux précédentes législatures ont apporté à l’édifice législatif de profondes et très heureuses modifications, saluées par l’ensemble des mouvements qui se mobilisent sur ces questions. Il reste toutefois beaucoup à faire. J’insisterai sur deux points.

D’abord, l’ordonnance de protection, je l’ai constaté avec Danielle Bousquet, est inégalement appliquée sur le territoire national, de manière parfois inexplicable. Nous devons faire en sorte que la magistrature se saisisse de ce dispositif très utile aux victimes. Trop de magistrats restent persuadés que l’ordonnance de protection ne sert à rien dès lors qu’il existe, dans le cadre d’une procédure en divorce, une ordonnance provisoire qui a une valeur supérieure. C’est oublier que l’ordonnance de protection concerne toutes les victimes, donc tous les couples, quels que soit leur nature et leur statut – y compris, conformément à l’intention du législateur, bien après la séparation, dès lors que l’intervention de la société reste justifiée pour éviter les violences, en particulier lorsqu’il y a des enfants.

Nous avons par ailleurs conclu que la durée de quatre mois que nous avions attribuée à l’ordonnance de protection était insuffisante. Je vous serais reconnaissant, Madame la ministre, de réfléchir à un véhicule législatif permettant de la porter de quatre à six mois. En deçà de six mois, en effet, il paraît très difficile d’organiser la sortie des violences ; au-delà, le provisoire risque de s’installer, alors même que le dispositif ne devait stabiliser la situation de la victime que pour lui permettre de trouver d’autres moyens d’en sortir.

Second problème : le logement. Que ce soit en urgence, à moyen terme ou – plus encore – à long terme, les victimes peinent à trouver un nouveau logement où elles pourraient repartir sur des bases nouvelles et plus heureuses. Il faudra donc régénérer certaines dispositions. Toutefois, ne l’oublions pas, le problème du relogement concerne également les auteurs de violences. Alors même qu’en légiférant nous n’avons cessé de souligner, à juste titre, que le principe de l’éviction du conjoint violent constituait un grand progrès, nous peinons à appliquer la décision faute de réussir à le reloger. Il faut absolument y remédier – même si l’on conçoit que la victime puisse préférer quitter la première un logement qui lui évoque d’insupportables souvenirs. D’autant qu’en l’état actuel du patrimoine, il est plus aisé de loger une personne seule qu’une famille composée de la mère et des enfants. Ainsi, une victime qui compose le 115 s’entend souvent répondre que l’on pourra l’héberger mais que ses enfants, eux, devront être placés par l’Aide sociale à l’enfance, ce qui constitue une violence de plus.

Le sujet que vous n’avez pas évoqué, bien que vous l’ayez certainement à l’esprit, est la prostitution. Sur cette question, nous avons accompli un travail considérable au cours de la précédente législature, au sein de la commission des lois et avec le concours de la délégation aux droits des femmes. Je tiens à rendre hommage à Danielle Bousquet, qui a présidé notre mission d’information sur la prostitution en France. Je souhaite que nous poursuivions ce travail et que nous le concluions sans délai. Il a déjà débouché sur une proposition de résolution signée par tous les groupes et votée à l’unanimité, puis sur le dépôt, le soir même de ce vote, d’une proposition de loi qui satisfait, dans l’immédiat et pour l’essentiel, l’exigence de responsabilisation de la société – laquelle ne saurait se réduire à la pénalisation du client, trop suggestive pour l’opinion et pour les médias. La délégation aimerait connaître votre sentiment sur l’opportunité d’une action rapide, ainsi que la méthode que vous préconiseriez.

Mme Édith Gueugneau. Madame la ministre, j’appelle votre attention sur la spécificité de nos territoires ruraux, dont il a beaucoup été question pendant la campagne. Nous sommes souvent éloignés des associations et des centres de lutte contre les violences faites aux femmes, situés dans les grandes villes. Parce qu’il est également difficile pour les victimes de se rendre à la gendarmerie ou chez le médecin, nous avons besoin d’un plan de communication et de sensibilisation.

D’autre part, on a parlé du temps partiel, mais dans le monde rural, les femmes, contraintes à de nombreux trajets, subissent également le temps séquentiel, qui affecte leur pouvoir d’achat même lorsqu’elles travaillent beaucoup.

Quant à la contraception, il faut absolument mieux informer les très jeunes filles qui viennent demander en pharmacie la pilule du lendemain, laquelle est autorisée, bien entendu, mais ne constitue pas un moyen de contraception à proprement parler.

Enfin, on peut être féministe et être opposée à la pénalisation des clients. Il nous faudra donc débattre de la prostitution, même si nous n’en aurons pas le temps aujourd’hui.

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, vous nous gâtez ! Nous sommes heureux de constater que nos propositions sont déjà en discussion au niveau du Gouvernement. Merci de nous aider ainsi à respecter le contrat de législature que nous avons conclu dans nos circonscriptions.

En ce qui concerne la précarité professionnelle, j’ai été témoin de l’immense souffrance des femmes, notamment des femmes isolées, victimes du temps partiel, du temps tronqué. La situation professionnelle des femmes est si dégradée que la possibilité de quitter son conjoint est devenue un luxe ! La proposition de loi à laquelle Pascale Crozon a fait référence, et sur laquelle je me suis appuyée au cours de la campagne, mérite donc effectivement d’être reprise et alimentée.

Un autre dossier que je vous suggère de reprendre dans le cadre de votre action interministérielle est celui du travail dominical, qui a explosé, en particulier dans la grande distribution, et qui concerne particulièrement les femmes, contraintes de travailler le dimanche sans majoration de leur rémunération.

Mme Monique Orphé. Comme mes collègues, je suis heureuse de voir ressusciter le ministère des Droits des femmes. J’espère qu’au cours des cinq ans à venir, nous ferons fortement progresser l’égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la lutte contre les violences faites aux femmes, qui me préoccupe particulièrement.

À ce sujet, je souhaite que nous adoptions une véritable loi-cadre, sur le modèle de l’Espagne. Les associations réunionnaises le demandent car, chez nous, le problème constitue un véritable fléau : l’année dernière, à La Réunion, six femmes sont mortes sous les coups d’un homme, souvent leur ex-concubin, qui avait souvent déjà fait de la prison. Cette loi-cadre favoriserait la prévention – notamment au sein des collèges et des lycées où l’on constate beaucoup de violences opposant jeunes filles et jeunes garçons – ainsi que la prise en charge de la victime et de l’agresseur. Nous sommes désormais 155 femmes à l’Assemblée : le moment n’est-il pas opportun ?

Je souhaite également qu’une loi réglemente la publicité, car la dégradation de l’image de la femme dont elle témoigne n’est guère favorable aux droits des femmes, quand elle ne les fait pas régresser. Certaines publicités peuvent fortement influencer les enfants et les adolescents et produire un effet désastreux sur le comportement des plus sensibles d’entre eux. Il faut donc envisager de sanctionner les agences de publicité.

Mme Maud Olivier. Je vous félicite, Madame la Ministre, d’avoir décidé d’intégrer sans tarder la perspective de genre aux politiques publiques. Nous allons nous efforcer de faire de même au sein des commissions de l’Assemblée, afin que toutes les propositions soient, de manière transversale, étudiées de ce point de vue.

Parmi les engagements de François Hollande auxquels vous avez fait allusion, trois nous importent particulièrement : le vote de la loi contre le cumul des mandats ; la suppression des dotations publiques pour les partis politiques qui ne présenteraient pas autant de femmes que d’hommes aux élections, notamment législatives ; enfin, l’abrogation de la loi instituant le conseiller territorial.

Au niveau européen, la directive sur l’harmonisation de la durée du congé de maternité – qui la porte à 20 semaines – est bloquée depuis plus de deux ans entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Que pouvez-vous faire pour qu’elle soit appliquée ? Par ailleurs, la loi du 27 janvier 2011 qui impose 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises ne pourrait-elle être reprise par une directive européenne qui étendrait cette obligation à toute l’Union, voire porterait le taux à 50 % pour atteindre la parité ?

Mme Françoise Dumas. Je me réjouis moi aussi, Madame la ministre, de la création de votre ministère et de la possibilité qui nous est offerte d’agir à vos côtés. Nous avons un retard considérable à combler. Grâce à votre volonté d’avancer très vite, grâce aux engagements du Président de la République, nous pourrons nous mettre au travail sans tarder. Voilà longtemps que l’on déplore les phénomènes dont nous parlons et que des expérimentations sont menées sur tout le territoire pour y remédier ; il nous faudra les généraliser.

Deux d’entre elles me paraissent particulièrement intéressantes. Premièrement, le recours aux baux glissants qui permet aux associations de reloger sans délai les femmes avec leur famille, première étape avant l’accès au droit et la reconquête de l’autonomie, au cours des six mois qui suivent la prise en charge. Deuxièmement, indépendamment de la formation des policiers et des gendarmes, la mise à disposition dans les commissariats de police de travailleuses sociales présentes jour et nuit, que nous avons expérimentée dans le Gard. Elle permet de protéger les victimes et de faire le lien avec les services de police, qui ont parfois du mal à comprendre les situations de violence ou d’urgence.

M. Sébastien Denaja. Madame la ministre, comment comptez-vous appliquer les engagements du Président de la République en matière de parité aux élections législatives et locales ?

Le président tunisien vient de prononcer un discours très émouvant dans l’hémicycle. Comment votre ministère et le Gouvernement dans son ensemble souhaitent-ils contribuer à la promotion des droits des femmes sur la rive sud de la Méditerranée, dans les démocraties émergentes et dans le monde ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je signale à ce propos que j’ai reçu la semaine dernière avec Marie-Jo Zimmermann une délégation du PNUD qui comptait quatre parlementaires tunisiennes. Elles souhaitaient être informées du fonctionnement de notre délégation et de ses relations avec le ministère, car elles envisagent d’introduire un dispositif analogue dans la nouvelle constitution tunisienne actuellement en préparation. Elles nous demandent de rester en contact avec elles à cette fin. Nous serons heureux de travailler avec vous pour les aider, Madame la ministre.

Mme Ségolène Neuville. Madame la ministre, nous sommes fiers de vous avoir parmi nous : cela faisait si longtemps que nous demandions une ministre des Droits des femmes !

En ce qui concerne la contraception, vous avez évoqué plusieurs pistes de travail. Permettez-moi de vous en suggérer une autre. Savez-vous que dans la formation actuelle des soignants, en particulier des médecins, il n’y a absolument rien ni sur la contraception, ni sur l’IVG, pas même à l’intention des futurs gynécologues ? Parmi les quelques diplômes universitaires consacrés à ces questions, le DU « Régulation des naissances » de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, à Paris, est essentiellement suivi par des sages-femmes et par des médecins généralistes. Ces derniers, qui prescrivaient déjà des contraceptifs, pratiquent désormais les IVG dans la plupart des centres. J’ai moi-même suivi cet enseignement alors que je suis médecin spécialiste, mais non gynécologue. Ce phénomène n’est pas sans conséquences sur les prescriptions destinées aux jeunes filles : certaines pilules extrêmement chères et peu remboursées ne présentent aucun avantage par rapport à d’autres plus anciennes, mais les généralistes qui n’ont pas suivi ce DU ne le savent pas puisqu’ils n’ont d’autre source d’information que les recommandations des laboratoires pharmaceutiques ! Cela explique certaines dérives.

Quant à l’IVG, dans certains services de gynécologie, le chef de service invoque la clause de conscience pour refuser de pratiquer lui-même cet acte mais continue de diriger le service, donc le centre IVG, ce qui lui permet de faire obstacle à l’organisation des IVG. Il existe en France des médecins très motivés qui ont travaillé sur la clause de conscience et qui sont prêts à y réfléchir avec nous. Sans doute vous adresserons-nous des propositions en ce sens.

Mme Marie-Hélène Fabre. Madame la ministre, je me réjouis comme mes collègues de votre présence.

À propos de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes, on a parlé de l’éviction du conjoint violent du domicile, mais on oublie souvent l’obligation de soins qui peut incomber à l’agresseur. Il est souvent impossible, faute de moyens, d’accueillir l’agresseur dans un lieu de soin, voire simplement dans un lieu de parole, alors que cela permet de réduire le taux de récidive – comme en témoigne l’action menée dans le ressort du tribunal de grande instance de Douai, où ce taux ne dépasse pas 6 %. J’insiste également sur l’importance de la formation des médecins et des professionnels de santé – infirmières, assistantes sociales – ainsi que des gendarmes.

La loi du 9 juillet 2010 a aussi institué une journée de sensibilisation aux violences conjugales. Vous avez parlé du 8 mars, Madame la ministre ; j’espère que cette journée du 25 novembre permettra elle aussi d’agir, en milieu scolaire et universitaire et au niveau associatif.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre – j’ai quelque difficulté à vous appeler ainsi car je ne suis pas favorable à la féminisation des noms de fonction –, le précédent Gouvernement n’a pas à rougir de son action en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, qu’il s’agisse de l’accès des femmes aux postes à responsabilité, avec l’objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration d’ici à 2017 ; de l’égalité professionnelle – même si, vous l’avez dit, il faut encore faire des efforts ; des retraites, avec la petite révolution que constitue la prise en compte des indemnités journalières d’assurance maternité dans le calcul de la pension ; de la protection des droits fondamentaux des femmes ; enfin, de la parité en politique comme dans la sphère professionnelle et sociale, où son application a été constitutionnalisée.

La situation peut être améliorée, notamment en ce qui concerne la parité en politique. Vous avez parlé des horaires : nous pourrions nous inspirer des pays scandinaves pour fixer les heures de réunion. Une nouvelle génération de femmes entre en politique et la politique devra s’adapter à leurs rythmes de vie afin de leur permettre de concilier leur vie professionnelle, leur mandat électif, et leur vie privée. Mère d’une petite fille, j’en mesure la nécessité. Le Parlement européen s’est ainsi doté d’une crèche ; ici, nous en sommes loin.

Quant aux mentalités, l’éducation à l’égalité commence en effet à l’école, dès le plus jeune âge. Il nous faudra reparler du rapport de Mme Jouanno sur l’hypersexualisation des petites filles ; on sait ce qu’il en est aux États-Unis : ce n’est pas ce que nous voulons pour nos enfants. Nous devrons donc faire preuve d’une vigilance particulière vis-à-vis de ces dérives, notamment dans la publicité.

M. Bernard Lesterlin. La prévention dans les établissements scolaires est en effet essentielle : c’est dès l’école qu’il faut apprendre aux petits garçons à respecter les petites filles. Sur ce point, Madame la ministre, nous devrions obtenir sans difficulté la coopération de votre collègue George Pau-Langevin. Sans doute devrons-nous également institutionnaliser un module de respect des genres dans la formation civique et citoyenne du service civique.

J’en viens à un sujet un peu tabou : la féminisation excessive de certaines professions, qui n’est pas souhaitable car la parité a ses vertus. Sont concernés notamment les magistrats, les enseignants, les médecins. Dans ce dernier cas, cette féminisation explique pour partie les difficultés à remédier à la désertification médicale dans les zones rurales. Je suis le fils d’une pédiatre qui a dû devenir médecin scolaire faute de pouvoir continuer d’exercer comme médecin praticien dans une ville moyenne en élevant ses cinq gosses !

Quant à l’observatoire, arrêtons d’en parler et évaluons combien il en coûterait – à mon avis très peu – d’obtenir du Gouvernement qu’il lève le gage dans un prochain texte qui le créerait ou bien de l’inscrire, Madame la ministre, dans la mission du projet de loi de finances correspondant à vos attributions.

Mme la ministre des Droits des femmes. Je proposerais volontiers à Mme Duby-Muller que le ministère des Droits des femmes, qui est à deux pas de l’Assemblée nationale, ouvre une crèche si ses locaux n’étaient pas si exigus !

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il en a été question ici à une certaine époque : Ségolène Royal l’avait proposé.

Mme la ministre des Droits des femmes. Je vous remercie toutes et tous de vos questions très riches ; je sens que nous allons bien travailler ensemble.

En ce qui concerne la proposition de loi de Christophe Sirugue sur la précarité professionnelle, je souhaite, je le répète, m’appuyer sur vos travaux ; n’hésitez donc pas à la reprendre, je l’accueillerai avec grand intérêt.

Je suis consciente de l’intérêt de la formation des agents de police en matière de violences faites aux femmes ainsi que de la présence des assistantes sociales dans les commissariats. J’ai l’intention de réunir à l’occasion du 25 novembre les professionnels de différents secteurs pour un grand colloque de formation qui leur permettrait d’échanger à propos de leurs pratiques quotidiennes, car c’est ce qui, au-delà de la formation elle-même, fait aujourd’hui défaut.

Nous avons évoqué hier le manque criant d’études sur le sujet. Il justifie s’il en était besoin la création d’un observatoire national spécifique qui puisse à la fois mener des enquêtes – l’Institut national d’études démographiques en prépare une dont nous nous employons à trouver le financement – et servir de plateforme d’action : cet observatoire évaluera les expérimentations locales, préconisera d’en généraliser ou d’en créer certaines et nous conseillera ainsi sur les politiques publiques à conduire. Sa création n’est pas prévue dans le projet de loi sur le harcèlement sexuel, Monsieur Lesterlin, car ce serait trop réducteur, mais pourrait en effet trouver sa place dans le projet de loi de finances. J’espère bien, en tout cas, qu’il verra le jour à l’automne.

Monsieur Geoffroy, je salue le travail que vous avez accompli avec Danielle Bousquet sur les violences, mais aussi sur la résolution relative à la prostitution. Sur le premier point, je partage pour l’essentiel votre sentiment : si nous prolongeons la durée de validité de l’ordonnance de protection, il ne faudra pas le faire au point que le dispositif perde son sens. J’ai noté avec grand intérêt vos observations sur le logement des auteurs de violences, en écho à ce que vous disiez hier de la nécessité de traiter les auteurs et non les seules victimes. Nous devons garder cela en mémoire afin d’éviter les suites les plus graves des violences.

Quant à la prostitution, j’ai en effet évité de l’évoquer dans mon propos liminaire pour qu’elle n’éclipse pas toutes les autres dimensions de l’égalité entre les hommes et les femmes. Vous le savez, en rappelant la position abolitionniste de la France, je me suis inscrite dans la filiation de la proposition de résolution que vous avez adoptée à l’unanimité en décembre 2011. La prochaine étape consistera à identifier les mesures concrètes permettant de traduire notre position abolitionniste dans les faits. Peut-être l’Assemblée nationale est-elle le lieu le plus approprié pour cela. Vous en reparlerez dans le cadre de la délégation, naturellement, mais je verrais d’un bon œil que vous vous ressaisissiez du sujet. Je vous ai entendue, Madame Gueugneau : tous ici ne sont pas favorables à la pénalisation du client. La lutte contre la prostitution ne se réduit d’ailleurs pas à ce débat, comme l’a rappelé Monsieur Geoffroy. Comment réduire le nombre d’entrées dans la prostitution, comment multiplier le nombre de sorties ? Telle est la question que nous devons nous poser, et qui touche à l’aspect sanitaire, à la prévention, à la lutte contre la traite et les réseaux. Nous nous appuierons sur les conclusions de la mission sur la prévention sanitaire des personnes prostituées que l’IGAS rendra en octobre prochain.

Pour le reste, je rappelle que le Président de la République s’est engagé pendant sa campagne à supprimer le délit de racolage passif. Nous respecterons cet engagement.

Nous avons évoqué avec les partenaires sociaux le travail dominical, mentionné par Cécile Untermaier. Ils sont conscients du problème, inséparable de la question de l’articulation des temps de vie qu’ils aborderont lors de la négociation prévue en septembre.

La question d’une grande loi-cadre se pose, Madame Orphé, mais, pour l’heure, je souhaite plutôt tenter d’améliorer l’existant – la loi du 9 juillet 2010 – après en avoir fait le bilan. J’aimerais que nous allions assez vite à l’automne, en créant l’observatoire et en prolongeant la durée de l’ordonnance de protection. Nous procéderons donc plutôt par ajustement.

Faut-il une loi réglementant l’image des femmes dans la publicité ? La question se pose également et elle est fort intéressante. Nous souhaitons en tout cas que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, où la réforme du mode de nomination instaurera la parité, se saisisse du problème de l’image des femmes. Il est révélateur que les femmes présentes à l’écran soient le plus souvent des témoins ou des victimes plutôt que des experts !

Madame Olivier, vous savez qu’une commission sur la rénovation de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, a été créée et vous avez constaté qu’elle était paritaire. Quant à la loi sur le non-cumul des mandats, soyez sans inquiétude : elle sera votée, ainsi que cela a été réaffirmé à plusieurs reprises, notamment par le Premier ministre. En ce qui concerne les sanctions applicables aux partis qui ne respectent pas la parité, nous envisageons de modifier la loi du 11 mars 1988 en alourdissant les sanctions encourues par les formations qui ne font même pas l’effort d’aller jusqu’à 25 % de femmes, de sorte qu’elles soient désormais privées de tout financement public. S’agissant enfin de la disparition prévue des conseillers territoriaux, la question va se poser des modalités de mise en œuvre de la parité aux élections locales, surtout dans les conseils généraux, les moins vertueux en la matière puisqu’ils ne comptent que 12 % de femmes. Le rapport d’information de Michèle André adopté au Sénat en juin 2010 proposait de maintenir le scrutin majoritaire à deux tours dans le cadre du canton mais en faisant porter l’élection sur un binôme, ce qui implique de revoir le contour des cantons et d’en réduire le nombre de moitié. Cette proposition est intéressante mais nous en sommes encore, sur ce point également, au stade de la réflexion.

Je suis d’accord avec vous, Madame Dumas : la meilleure méthode de travail consiste à s’inspirer des bonnes pratiques expérimentées au niveau local, car sur les sujets dont nous parlons, en particulier la lutte contre les violences, c’est à ce niveau que l’on peut conclure des partenariats et aborder avec finesse chaque situation spécifique. Que les membres de la délégation n’hésitent donc pas à nous faire part des bonnes pratiques qu’ils constatent dans leurs circonscriptions.

Au niveau international évoqué par Sébastien Denaja, beaucoup de choses se jouent en ce moment en matière de droits des femmes. L’un de mes premiers rendez-vous au ministère m’a d’ailleurs permis de rencontrer Michelle Bachelet, directrice exécutive d’ONU Femmes. La Commission de la condition de la femme se réunira en 2013 et la prochaine Conférence mondiale sur les femmes devrait avoir lieu en 2015. À l’heure où de nombreux pays cherchent à remettre en cause des acquis et des droits fondamentaux des femmes, l’Union européenne doit affirmer clairement son ambition et son engagement à les défendre. Nous pourrons y travailler ensemble.

Quant à la Méditerranée, sur laquelle l’actualité appelle notre attention, les réunions ministérielles catégorielles organisées dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée n’ayant pas toujours donné satisfaction, nous reprenons une réunion ministérielle consacrée aux droits des femmes, afin d’établir une plateforme commune d’action et, notamment, veiller à ce que la Convention des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes soit adoptée par tous les pays membres.

J’ajoute à l’intention de Maud Olivier que le déblocage de la négociation sur la directive relative au congé de maternité en Europe fait partie de nos priorités. Je m’en suis entretenue assez longuement au téléphone avec Viviane Reding, qui souhaite que la France contribue à remettre cette question à l’ordre du jour. Cela suppose une réflexion sur l’articulation des temps de vie, personnelle et professionnelle, dont la France devrait être le fer de lance en Europe, au-delà de celle que nous menons au niveau national avec les partenaires sociaux. Nous y sommes pionniers sur un autre front puisque plusieurs de mes homologues européennes souhaitent s’inspirer de nos mesures sur les quotas de femmes dans les conseils d’administration, qui font effectivement partie des bonnes dispositions adoptées sous la précédente législature. Nous essaierons également de les défendre au niveau européen.

Je parlerai au président du Conseil national de l’Ordre des médecins, que je dois rencontrer prochainement au sujet des violences, du problème de formation des médecins signalé par Ségolène Neuville. En ce qui concerne la clause de conscience, nous attendons avec intérêt vos propositions, Madame la députée.

Nous travaillerons sur l’hypersexualisation des petites filles – Chantal Jouanno m’a présenté son rapport – ainsi que sur l’effet de la pornographie sur les jeunes, au risque de paraître une fois encore moralisateurs.

Je partage enfin le constat de Bernard Lesterlin sur la féminisation des médecins et les difficultés qu’elle entraîne en milieu rural. Il confirme la nécessité d’une politique publique active en matière d’installation des médecins qui prenne en considération la question du genre.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce qui nous ramène, comme souvent, au problème de l’articulation des temps de vie : cette question joue un rôle dans le choix des spécialités.

Merci, Madame la ministre, de nous avoir consacré autant de temps. Nous en sommes très heureux et très flattés. Nous avons maintenant une feuille de route bien fournie ; à nous de la remettre en ordre et d’y identifier nos priorités avant de travailler en lien avec vous. Nous trouvons en vous un soutien – ou une partenaire – de poids ; en retour, comptez sur nous pour vous servir de petits soldats si d’aventure certains arbitrages menacent de vous mettre en difficulté au Gouvernement.

Mme la Ministre des Droits des femmes. C’est l’un des premiers conseils que m’a donnés Yvette Roudy : « Appuie-toi sur l’Assemblée ! » Je compte bien le suivre.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous nous retrouverons donc à la rentrée. D’ici là, bonnes vacances, si vous parvenez à en prendre !

Audition ouverte à la presse, de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes

Compte rendu de l’audition du mardi 2 octobre 2012

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, pour l’entendre sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes.

L’avenir des retraites et de notre protection sociale, qui figurait à l’ordre du jour de la grande conférence sociale, constitue l’une des préoccupations majeures de la Délégation. Le financement des retraites doit être sécurisé, ce que n’ont pas permis les réformes de 1993, de 2003 et de 2010. Nous tenons tous à la retraite par répartition. Nous souhaitons voir garanti un niveau de pension suffisant et, surtout, un régime de retraite juste et équilibré, en particulier pour les femmes. En effet, les écarts de pension – de l’ordre de 40 % – entre les femmes et les hommes n’ont pas été résorbés par les réformes antérieures ; bien au contraire, certaines mesures les ont aggravés, en particulier l’allongement de la durée de cotisation et le recul de l’âge pour bénéficier du taux plein à soixante-sept ans. Or nous le savons, ce sont surtout les femmes qui seront concernées par la retraite à soixante-sept ans.

Madame la ministre, lors du débat sur les retraites en 2010 – où vous meniez le combat pour le groupe de l’opposition –, nous avons eu beaucoup de mal à mettre ce sujet à l’ordre du jour, qui n’était pas considéré comme une priorité, et, il faut le dire, ce sont les femmes qui ont permis que l’on en parle un peu plus. La loi de 2010 « portant réforme des retraites » a introduit des mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier le fameux article 99 sur l’égalité professionnelle – dont le décret d’application nous a fortement déçus, mais qui, je crois, va être revu.

Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé. Mesdames, messieurs, chers amis, je suis heureuse d’être parmi vous aujourd’hui. Je ferai un point sur la question des retraites, avant d’évoquer les enjeux en matière de santé. Puis nous pourrons, si vous le souhaitez, engager la discussion sur l’ensemble du champ médico-social.

Vous avez eu raison de le rappeler : lors du débat de 2010, la question des retraites s’est finalement imposée comme l’une des questions majeures, alors qu’elle n’était pas perçue comme telle au départ.

Malgré des améliorations, la situation globale des femmes reste toujours marquée par d’importantes inégalités par rapport aux hommes.

Certes, l’espérance de vie des femmes reste supérieure à celle des hommes, mais cet écart se réduit régulièrement. Les femmes atteignent désormais un niveau d’études supérieur à celui des hommes, mais l’emploi non qualifié est occupé par des femmes à 62 %, contre 56 % en 1990, et les écarts de revenus salariaux restent très importants (25 % en 2009 contre 29 % en 1991).

L’emploi féminin a augmenté d’un quart ces vingt dernières années, alors que celui des hommes est quasiment resté constant. Pour autant, le chômage touche toujours davantage les femmes, tout comme la pauvreté.

Enfin, les taux d’activité féminins se rapprochent de ceux des hommes, mais ils chutent toujours en présence de jeunes enfants, et le partage des tâches domestiques et familiales demeure principalement à la charge des femmes.

Ces inégalités, préoccupantes, se répercutent dans les écarts de niveaux de retraite entre hommes et femmes. En effet, dans un système de retraite fortement contributif, le niveau de retraite est d’abord le reflet de la carrière professionnelle

En 2010, la retraite moyenne de droit direct des femmes s’élevait à 899 euros par mois, soit 58 % du montant moyen perçu par les hommes (1 552 euros par mois).

Si l’on prend en compte la pension totale (y compris réversion, minimum vieillesse et majoration pour enfants), la pension des femmes s’élève alors à 1 148 euros par mois, soit 72 % du montant perçu par les hommes (1 594 euros par mois).

On le voit : les mécanismes de redistribution fonctionnent, mais un écart significatif demeure, qui s’explique au regard des données que j’ai rappelées. Si le parcours de vie des femmes est plus haché, plus précaire, davantage marqué par la pauvreté et des niveaux de rémunération problématiques, la retraite des femmes restera inférieure à celle des hommes.

Cette situation est aggravée par le fait que les générations de femmes actuellement en âge de partir à la retraite ont connu un taux d’activité plus faible que les générations actuelles. Le nombre d’enfants a d’ailleurs un impact direct sur le montant de pension de retraite des femmes.

Pourtant il existe des mécanismes de redistribution visant à corriger ces écarts.

Les femmes bénéficient plus largement du minimum vieillesse et du minimum contributif, qui permettent de relever le montant des petites pensions.

Les majorations de durée d’assurance (MDA) liées aux enfants, ainsi que l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) permettent d’augmenter la durée validée par les femmes.

Au total, la situation n’est pas satisfaisante, mais est prise en compte partiellement par notre système de retraite.

Comment réduire ces écarts ? Je voudrais d’abord rappeler le calendrier que s’est fixé le Gouvernement.

La réforme de 2010 n’ayant pas permis de stabiliser la situation financière de nos régimes de retraite, le Gouvernement a décidé, d’une part, d’engager un effort significatif en faveur du redressement des comptes de la branche vieillesse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d’autre part, de poser la perspective d’une nouvelle réforme des retraites dans le courant de l’année prochaine. Ce scénario est issu des discussions que nous avons menées avec les partenaires sociaux lors de la grande conférence sociale qui s’est tenue au mois de juillet.

La réforme des retraites sera menée en trois temps : un état des lieux du système de retraite sera dressé par le Conseil d’orientation des retraites (COR) qui établira ensuite de nouvelles projections financières au début de l’année prochaine ; une commission ad hoc sera ensuite mise en place pour formuler des pistes de réforme ; puis, à partir du printemps, la concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux aboutira à l’élaboration du texte de loi.

J’ai souhaité que, dans le cadre des travaux menés par le COR, les retraites des femmes fassent l’objet d’une étude spécifique.

Comment améliorer la situation de la retraite des femmes et réduire les inégalités avec les hommes ? La réflexion doit se situer à deux niveaux.

Premièrement, les inégalités en matière de retraite reflètent avant tout celles qui prévalent sur le marché du travail et dans le partage des tâches domestiques. Il est donc illusoire de penser pouvoir compenser au moment de la retraite l’ensemble des inégalités accumulées tout au long d’un parcours de vie. Par conséquent, c’est en amont du système de retraite qu’il nous faut agir avant tout.

Sur le marché du travail, d’abord, en luttant contre les inégalités de salaire et de carrière entre femmes et hommes. Il s’agit notamment de rendre effectives les obligations en matière de négociation sur l’égalité salariale, et les sanctions en cas de carence.

Dans l’organisation de la société, ensuite, en favorisant la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, notamment par un meilleur accès à des solutions d’accueil des jeunes enfants.

Sur la répartition des tâches dans le couple, enfin, en favorisant un meilleur partage des congés entre parents.

Ces mesures prendront cependant du temps avant de produire leurs effets. On peut faire l’hypothèse que les générations qui ont quinze ou vingt années d’activité professionnelle, voire celles qui entrent sur le marché du travail, pourront bénéficier de situations plus favorables.

Deuxièmement, nous devons améliorer notre système de retraite afin d’en améliorer l’équité. Comme je l’ai dit, nous aurons l’occasion d’engager cette réflexion l’année prochaine.

Je porterai une attention particulière aux règles qui peuvent pénaliser les femmes. Je vous en donne deux exemples.

Les règles de calcul du salaire annuel moyen (SAM), qui prend en compte les 25 meilleures années et non de toute la carrière, et de validation des trimestres (sur la base d’un salaire de 200 heures de SMIC), qui ont été conçues pour protéger les assurés ayant des parcours accidentés, peuvent se révéler pénalisantes pour les femmes. Nous devons donc nous interroger pour savoir s’il faut aménager ces règles, ou pas.

La majoration de pension pour trois enfants et plus, que l’on imagine bénéfique avant tout pour les mères de famille nombreuse, accroît en fait les inégalités de pensions entre hommes et femmes : elle bénéficie moins aux femmes qu’aux hommes, et moins aux femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants qu’à celles qui l’ont poursuivie.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pourquoi les hommes en bénéficient-ils davantage ?

Mme la ministre. Parce que c’est une majoration proportionnelle au niveau de pension, et que les hommes ont des salaires plus élevés et donc des pensions plus élevées. C’est une règle de redistribution horizontale entre ceux qui ont plus de trois enfants et ceux qui en ont moins, mais pas une règle de redistribution verticale, des pensions élevées vers les basses pensions. Doit-elle le devenir ? La réponse ne va pas de soi. De la même manière, toutes les majorations familiales reconnaissent le fait familial, sans pour autant reconnaître les différences de revenus. Cette question devra donc être présente dans la réflexion en 2013.

J’aborderai à présent le domaine de la santé des femmes.

La plus grande longévité des femmes est tempérée par des vulnérabilités spécifiques, le développement de comportements à risques, et des inégalités d’accès aux soins.

En effet, l’écart d’espérance de vie entre hommes et femmes a commencé de se réduire dans les années 1990 pour retomber à 6,7 ans actuellement.

Les changements de comportements des femmes expliquent cette réduction. Elles fument de plus en plus, et l’on assiste actuellement à un accroissement du taux de décès par cancer du poumon, en particulier chez celles âgées de moins de soixante-cinq ans (+105 % entre 1990 et 2005), alors qu’il a diminué dans le même temps chez les hommes. L’alcoolisme chez les femmes est également une préoccupation. De plus, les maladies cardio-vasculaires, en augmentation, sont devenues la première cause de décès chez les femmes.

On constate également une plus grande vulnérabilité des femmes au stress, à l’anxiété et à la dépression, qui sont des motifs de consultation. L’anxiété déclarée des femmes est deux fois supérieure à celle des hommes. On observe en outre un risque accru pour les femmes de subir des violences, qu’elles soient physiques ou psychologiques, de la part des hommes.

Ce développement des vulnérabilités et des comportements à risque s’accompagne d’un renoncement aux soins et à la prévention plus fréquent qu’auparavant. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ce renoncement est plus élevé chez les femmes (16,5 %) que chez les hommes (11,7 %). Renoncer à se faire soigner est, certes, parfois signe de difficultés dans l’accès aux soins, mais peut aussi être révélateur d’autres phénomènes : le manque de temps, la difficulté à évaluer la réelle nécessité de voir un médecin, par exemple.

Ce renoncement est préoccupant car il concerne bien évidemment aussi le recours aux examens de prévention et de dépistage. Cette question est cruciale, d’abord, parce que le bénéfice du dépistage est nettement supérieur au risque. Ensuite, parce que le renoncement accroît les inégalités sociales dans la mesure où les femmes de milieu modeste ou de niveau culturel moins élevé que les autres renoncent davantage au dépistage.

Enfin, si l’intégration professionnelle des femmes produit des effets positifs sur leur santé, elle les expose aussi à des risques auxquels elles échappaient jusque-là.

Pour terminer, la lutte contre le cancer du sein et du poumon, l’accès à la contraception et l’interruption volontaire de grossesse (IVG), qui sera prise en charge à 100 % comme je l’ai annoncé, et le suivi des femmes enceintes, encore insuffisant, restent des enjeux importants de santé publique pour les femmes.

Tels sont les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.

Mme Édith Gueugneau. Je voudrais témoigner de la réalité du monde rural où, bien souvent, les femmes vivent avec une toute petite retraite après avoir eu une carrière précaire et élevé leurs enfants. Les nombreuses femmes concernées que nous recevons dans nos permanences sont souvent seules et touchent 500 euros par mois. Leur situation n’est pas sans rappeler celle des femmes d’artisans qui n’ont jamais été déclarées.

J’ai bien entendu qu’il y aurait des avancées, en particulier la possibilité d’une retraite complémentaire pour les femmes d’agriculteurs. Néanmoins, beaucoup d’agriculteurs touchent le RSA et ne peuvent pas cotiser 1 000 euros par an pour leur conjointe.

M. Guénhaël Huet. Mesdames, au nom de l’égalité entre les hommes et les femmes, je préfère dire « madame le ministre » et « madame le président ».

Madame le ministre, je me réjouis de votre convergence de vue avec Mme Bachelot, laquelle avait indiqué en 2010 que la réforme des retraites ne pouvait, à elle seule, régler les inégalités entre les femmes et les hommes. Effectivement, les plus importantes sont liées à la carrière professionnelle – au parcours de vie, avez-vous dit –, et le problème doit être traité en amont.

Vous avez évoqué l’augmentation du tabagisme et de l’alcoolisme chez les femmes, mais pas les autres conduites addictives. Qu’en est-il de la lutte contre la drogue ?

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, la suppression de la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux personnes veuves a un impact très important sur le pouvoir d’achat des personnes âgées, dont la modicité des pensions est problématique.

En outre, j’attire votre attention sur la situation des femmes travaillant dans la grande distribution pour un salaire mensuel de 1 000 euros après vingt à vingt-cinq ans d’activité, alors qu’elles sont contraintes de travailler le dimanche et que leur salaire baissera prochainement en raison de la majoration des cotisations salariales. Le travail dominical, soutenu par l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, est au demeurant très pénalisant pour le petit commerce de centre-ville rural, qui connaît une baisse de son chiffre d’affaires de 30 % à 40 % et par conséquent des suppressions d’emplois.

Mme Virginie Duby-Muller. C’est le statut du conjoint collaborateur qui est posé, celui des femmes d’agriculteurs et d’artisans qui, après avoir travaillé aux côtés de leur époux sans être déclarées, se trouvent dans une situation très difficile au moment de la retraite, surtout si leur situation familiale a changé.

En 2011, 365 000 cas de cancer ont été diagnostiqués, soit 1 000 par jour. Alors que les Françaises sont incitées à se faire dépister, certains pays, comme le Danemark, la Suède, le Canada, changent leur communication à ce sujet. Quel est l’état des connaissances des pouvoirs publics français sur le plan du bénéfice/risque ? En outre, quels sont les effets secondaires de la vaccination contre le cancer du col de l’utérus ? Il est en effet très important pour les femmes d’être parfaitement informées en la matière.

Mme Martine Lignières-Cassou. Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, les régimes de retraites ne peuvent pas rattraper les écarts subis par les femmes du fait de leur vie professionnelle hachée. Certaines peuvent néanmoins bénéficier de la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux personnes seules et du mécanisme dit « de réversion ».

Mme Valérie Lacroute. La problématique de la démographie médicale se pose avec acuité. Les urgences d’hôpitaux, comme celui de Nemours en Seine-et-Marne où je suis élue, assurent des permanences de soins le soir et le week-end pour faire face au manque de médecins.

Qu’en est-il du Plan hôpital 2012, en particulier du rapprochement entre l’hôpital de Nemours et celui de Fontainebleau ? Pouvez-vous nous rassurer sur le pôle des urgences de l’hôpital de Nemours qui permet de répondre au problème de la démographie médicale ?

Mme Martine Faure. La retraite agricole moyenne des femmes, après une carrière complète, est comprise entre 538 et 350 euros. Qu’en est-il de la promesse du candidat Hollande de porter à 75 % du SMIC le montant des retraites des carrières complètes des chefs d’exploitation agricoles ?

Par ailleurs, on parle beaucoup de l’alcoolisme et du tabagisme chez les jeunes, mais pas suffisamment de la prévention des toxicomanies.

Mme Brigitte Bourguignon. Certaines femmes travaillant dans le milieu hospitalier sont pénalisées au moment de leur retraite car leur congé de maternité est assimilé à des journées de carence. Les recours administratifs ne leur permettent pas d’obtenir gain de cause car les hôpitaux se basent sur leur règlement intérieur.

Par ailleurs, j’aimerais connaître votre position, d’une part, sur le Planning familial, association dont le rôle auprès d’un public souvent jeune et vulnérable est primordial en termes de santé publique, et, d’autre part, sur le développement des maisons de santé en milieu rural, qui est un impératif.

Mme Maud Olivier. À la veille du lancement d’ « Octobre rose », campagne de communication sur le dépistage du cancer du sein, l’association l’UFC-Que Choisir a interpellé les pouvoirs publics pour que soit garanti le droit des femmes à choisir librement et de manière éclairée de se faire dépister ou non. Votre ministère va-t-il répondre officiellement ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous nous réjouissions du remboursement intégral de l’IVG, qui constitue une avancée importante.

Monsieur Huet, le ministre Woerth avait prétendu, en 2010, qu’il y avait des problèmes, non de retraite, mais de carrière des femmes. Or les deux se posent !

M. Guénhaël Huet. J’ai parlé de Mme Bachelot.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Certaines décisions prises pour les retraites, comme le calcul basé sur les vingt-cinq meilleures années, ont pour effet d’aggraver la situation des femmes. Or au sein de l’OCDE, la France affiche l’un des taux les plus élevés en matière d’accueil des jeunes enfants, mais est aussi le pays où les femmes s’arrêtent plus fréquemment de travailler à partir du troisième enfant.

En outre, on assiste à un phénomène récent : la pénalisation de la maternité. Certaines femmes travaillant dans le privé, au prétexte qu’elles vont s’absenter à cause de leurs enfants, sont harcelées jusqu’à démissionner. La garantie du retour à l’emploi après un congé de maternité n’est manifestement pas respectée.

Mme la ministre. Le monde des retraités agricoles souffre de la faiblesse des pensions, et les femmes d’exploitants sont particulièrement touchées par la précarité.

Alors que les retraites agricoles n’ont pas évolué depuis plus de dix ans – les dernières avancées ont été réalisées par le gouvernement Jospin –, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 comportera une disposition selon laquelle les personnes qui auront connu des interruptions de carrière en raison de maladie ou d’invalidité pourront bénéficier de points gratuits. Cette première mesure, ciblée, concernera les hommes comme les femmes. Mais au-delà, c’est dans le cadre d’une réforme plus générale que le sujet devra être traité.

La situation des conjoints collaborateurs, des femmes d’agriculteurs notamment, est effectivement problématique. Nous y travaillons : des progrès ont d’ores et déjà été réalisés, mais nous devons aller plus loin. Le sujet est celui de la constitution des droits à la retraite par les femmes, préalable nécessaire au versement d’une retraite. Si nous pouvons insister auprès des plus jeunes sur cet impératif, nous devons remédier, de manière juste, à la situation de celles qui ont passé une partie de leur vie à travailler en constituant des droits à la retraite limités. Nous sommes actuellement en discussion avec les représentants agricoles à ce sujet. Les minima – pension minimum, minimum vieillesse – permettent néanmoins de faire face aux situations les plus difficiles.

Monsieur Huet, je ne me sens pas dévalorisée par l’appellation « madame la ministre » ! J’observe d’ailleurs que la féminisation des noms de métiers qui ne sont pas considérés comme des métiers de pouvoir se fait naturellement, alors qu’on donne du « le » aux fonctions liées au pouvoir pour montrer la magnanimité de la société à l’égard des femmes ayant eu la chance d’accéder à ces responsabilités dont l’exercice par des hommes paraît tellement normal !

Mme Bachelot n’a jamais été en responsabilité du dossier des retraites. C’est M. Woerth qui, lors de la réforme de 2010, a très clairement indiqué que les droits à la retraite étaient constitués en fonction de la carrière et qu’il ne lui paraissait pas possible d’introduire des éléments de compensation au moment de la retraite. Pour ma part, je n’ai jamais changé de position, comme le prouvent mes propos tenus à l’époque en commission et en séance publique avec M. Woerth. Je considère que l’essentiel des droits est constitué tout au long de la carrière, mais que notre système de retraite ne repose pas uniquement sur les droits acquis, puisqu’il comporte également des dispositifs de solidarité en faveur des femmes comme des hommes, le premier élément de solidarité étant celui des avantages familiaux.

La question n’est donc plus de savoir si la retraite des femmes doit tenir compte de la carrière, mais elle est de savoir si des mécanismes de compensation, nécessairement partiels, doivent être introduits. La réponse est oui. Des éléments existent, et le débat qui s’ouvre déterminera s’il faut aller plus loin.

J’en viens à la lutte contre les addictions. La lutte ne saurait être uniquement de nature répressive ; elle doit mettre l’accent sur la prévention, la prise en charge des populations, en particulier des jeunes et des personnes en détention, car elle constitue un enjeu de santé publique.

Les femmes consomment moins de drogue que les hommes, mais davantage de psychotropes. Cela rejoint mes propos liminaires sur le fait qu’elles se déclarent deux fois plus angoissées, anxieuses et stressées que les hommes.

S’agissant de la prévention contre le cancer du col l’utérus, les autorités scientifiques recommandent la vaccination, ayant jugé le bénéfice/risque favorable. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) procède à un suivi des effets indésirables, comme pour tous les médicaments.

Ces recommandations n’aboutissent pas à considérer que toutes les jeunes filles sont exposées de la même façon. Par conséquent, en l’état actuel des données scientifiques, je ne pense pas que nous devons encourager la vaccination de toutes les jeunes filles. Le médecin a un rôle essentiel pour apprécier si elle s’avère nécessaire, en fonction du comportement, de la situation et des antécédents. Vous le voyez : les recommandations sont plus nuancées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient au départ.

S’agissant du cancer du sein, j’ai exposé la position de mon ministère à l’occasion de la conférence de presse destinée à lancer la campagne « Octobre rose ».

Le dossier de l’UFC-Que Choisir ne remet pas en cause le principe du dépistage, il s’interroge sur la manière dont celui-ci est mené et sur le manque d’information des femmes à propos du sur-diagnostic – qui devrait en réalité être nommé sur-traitement. En effet, dans certains cas, il est difficile pour les médecins de savoir si une tumeur va évoluer ou pas, et certaines femmes porteuses d’une tumeur détectée grâce au dépistage font l’objet d’un traitement lourd, sans doute trop lourd au regard de l’évolution qu’aurait connu celle-ci.

L’UFC-Que Choisir préconise donc d’indiquer aux femmes qu’il peut leur être détecté une tumeur dont l’évolution n’est pas certaine. Or le courrier envoyé aux femmes de cinquante à soixante-quatorze ans dans le cadre de la campagne nationale de dépistage a considérablement évolué en ce sens au cours des dernières années, puisqu’il insiste désormais sur la liberté de faire ou de ne pas faire ce diagnostic. Une femme sur deux bénéficie de ce dépistage, les autres passant par leur médecin. Au total, un peu plus de 60 % se font dépister. Ce sont les femmes les mieux éduquées qui se font spontanément dépister.

L’enjeu est important : on estime à 20 % le taux de femmes ayant pu échapper à l’évolution de la maladie grâce au dépistage. On le voit : la balance bénéfices/risques est favorable, et impose de ne pas banaliser le dépistage comme moyen de lutte contre le cancer.

J’ajoute que les éléments mentionnés dans l’article de l’UFC-Que Choisir sont parfaitement connus et font l’objet d’études menées par l’Institut national de lutte contre le cancer. Un rapport sera rendu public.

Je pense que les femmes doivent pouvoir choisir librement et de manière éclairée de se faire dépister ou non. Mais j’insiste : le cancer du sein concerne chaque année 53 000 femmes et provoque 11 500 décès. Le dépistage le plus tôt possible reste la première arme dans la lutte contre la maladie. Je vous enverrai un courrier, madame la présidente, que vous pourrez diffuser à l’ensemble des membres de la Délégation.

S’agissant de la question des déserts médicaux, j’ai la volonté de restructurer la politique de santé autour d’équipes médicales et de soignants de proximité qui fassent une part plus importante à la prévention au travers de mécanismes de rémunération et de soutien à l’activité coordonnée. L’enjeu est, là aussi, important.

La question du Planning familial ne relève pas seulement de mon ministère, mais nous avons la volonté de défendre cette association.

Je termine par les hôpitaux. Je n’ai pas eu connaissance de la question de l’hôpital de Nemours, mais d’autres hôpitaux de Seine-et-Marne se sont manifestés auprès de moi. Je regrette que le financement des nombreux investissements prévus au Plan Hôpital 2012 n’ait pas été envisagé.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Selon le Comité d’orientation des retraites, c’est seulement en 2030 qu’une amélioration des retraites des femmes sera observée. Il faut donc jouer, comme vous l’avez dit, madame la ministre, sur différents mécanismes, d’autant que certaines lois ont aggravé la situation.

Près de quarante ans après l’entrée en vigueur de la première loi sur l’égalité professionnelle, la tâche reste immense. C’est pourquoi nous nous réjouissons de la circulaire publiée au mois d’août annonçant l’obligation de nommer au sein de chaque ministère un haut fonctionnaire en charge de l’égalité des droits hommes-femmes. Une politique transversale est en effet indispensable.

Madame la ministre, nous vous remercions pour la précision de vos réponses et vous réaffirmons notre volonté d’être pleinement parties prenantes des travaux en cours et à venir sur les retraites.

Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur les crédits du programme budgétaire « Égalité entre les femmes et les hommes »

Compte rendu de l’audition du mardi 23 octobre 2012

Mme la présidente Catherine Coutelle. C’est avec plaisir que nous accueillons Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui nous présentera le budget du tout nouveau ministère des Droits des femmes dont M. Christophe Sirugue, vice-président de la Délégation, est le rapporteur pour avis au sein de la commission des Affaires sociales.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Je suis très heureuse d’être parmi vous, après quelques mois passés à la tête d’un ministère dont la création a suscité beaucoup d’espoir. Avec votre présidente Catherine Coutelle, je participais hier au 60ème anniversaire du premier vote des femmes à une élection législative, et ensemble nous dressions un constat à la fois enthousiaste et désabusé sur la façon dont les droits des femmes ont évolué depuis soixante ans.

Je conçois la mission qui est la mienne comme le combat de la troisième génération en matière de droits des femmes. La première génération, au sortir de la deuxième guerre mondiale, avait assisté à la suppression dans la loi de toutes les discriminations faites aux femmes – interdiction de voter, d’être éligibles, d’ouvrir un compte sans l’autorisation de leur mari ; la deuxième génération, dans les décennies 1970 et 1980, s’est vu offrir des droits liés à la condition de femme – contraception, IVG. En 2012, les principes sont inscrits dans la loi mais le bilan est tel qu’il nous reste à faire l’essentiel, à savoir appliquer et faire appliquer la loi. Pour cela, il faut faire évoluer les mentalités.

Le Gouvernement l’a fait en présentant au Parlement le projet de loi sur le harcèlement sexuel avant tous les autres textes. Ce n’était pas uniquement pour combler le vide juridique laissé par la décision du Conseil constitutionnel que le Gouvernement paritaire de Jean-Marc Ayrault a pris cette décision, mais pour annoncer au pays que désormais la tolérance zéro s’appliquerait aux violences sexistes.

La prochaine étape sera la réunion, fin novembre, du Comité interministériel aux droits des femmes, qui ne s’était plus réuni depuis douze ans et dont le rôle sera de demander à l’ensemble des administrations et des ministères de continuer à faire évoluer positivement les droits des femmes et l’égalité entre les sexes. Nous préparons ce comité depuis le mois de septembre dans le cadre des conférences de l’égalité ; nous avons défini de nombreuses préconisations et mis en place en place un plan d’action qui sera présenté au Premier ministre à la fin du mois de novembre.

Le Gouvernement a souhaité rendre systématiques les études d’impact pour tous les projets de loi et les décrets que nous étudierons pour nous assurer qu’ils ne portent pas atteinte à l’égalité entre les sexes.

Dans un contexte contraint, le budget de mon ministère, inscrit au rang des priorités du Gouvernement, voit ses crédits progresser de près de 15 % avec 23,3 millions d’euros pour le programme 137, ce montant étant stabilisé pour les trois prochaines années. En outre, mon ministère disposera des moyens du Service d’information gouvernemental pour conduire des actions de communication et de sensibilisation, ainsi que d’une enveloppe de 12 millions d’euros du fonds social européen (FSE) destinée à mener à bien les expérimentations dans neuf régions – l’Aquitaine, la Bretagne, le Centre, l’Ile-de-France, Midi-Pyrénées, le Nord-Pas-de-Calais, Poitou-Charentes, Rhône-Alpes et la Réunion – réputées pour leur excellence en matière d’égalité professionnelle.

Ce budget a pour objectif de soutenir diverses priorités.

La première d’entre elles est l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les femmes qui choisissent le congé parental de trois ans se retrouvent durablement éloignées du marché du travail : nous allons leur apporter un accompagnement personnalisé et des formations spécifiques. Nous allons en outre accompagner les entreprises, notamment les PME qui n’ont pas les moyens de mettre en œuvre l’égalité professionnelle car elles ne disposent pas des ressources humaines suffisantes pour établir un diagnostic et rédiger le rapport de situation comparée.

Autre priorité de ce budget, le soutien aux dispositifs de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes, qui relève également du programme 137, dont les crédits sont ainsi répartis : plus de 4 millions d’euros sont affectés au réseau des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), 1,37 million d’euros aux lieux d’accueil et d’écoute, 2,77 millions aux lieux d’accueil de jour et aux espaces neutres, 1,87 million à la lutte contre la prostitution et au soutien des femmes qui en sont victimes. Nous avons enfin réservé une enveloppe pour satisfaire deux engagements que j’avais pris devant vous lors de ma précédente audition : d’une part, la création d’une instance nationale dédiée aux violences faites aux femmes, qui verra le jour dans le courant de l’automne et aura pour mission de généraliser les dispositifs dont l’expérimentation s’est révélée concluante ; d’autre part, le soutien au lancement de l’enquête VIRAGE 2014, destinée à remplacer l’enquête Enveff de 1999.

La principale innovation de ce projet de budget est la création de l’action 14, qui traduit la volonté du Gouvernement d’introduire une véritable culture de l’expérimentation et de l’évaluation dans les politiques de soutien aux droits des femmes. Cette action est financée par un abondement de 3 millions d’euros et un transfert de crédits internes au programme, à hauteur de 3 millions d’euros. Ces moyens seront complétés par des crédits du FSE utilisés dans le cadre des conventions signées avec les collectivités régionales partenaires.

Les crédits qui avaient été accordés aux principales associations partenaires en 2012 sont maintenus. Plusieurs d’entre elles, comme le CNIDFF ou le Mouvement du Planning familial, verront, par le biais de conventions pluriannuelles d’objectifs, leur financement sécurisé sur trois ans. Pour l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) et le Collectif féministe contre le viol (CFCV), les engagements pluriannuels ont été reconduits.

Je compte aller plus loin et approfondir le suivi du partenariat entre mon ministère et le CNIDFF, qui a été trop longtemps négligé, afin de profiter de la connaissance qu’a tout le réseau des CIDFF des situations sur le terrain.

S’agissant des moyens en personnels, votre présidente Catherine Coutelle m’a indiqué que la Délégation souhaitait connaître l’impact de la RGPP sur le réseau des droits des femmes, dont les moyens ont été considérablement réduits au cours des dernières années puisqu’ils servaient de variable d’ajustement budgétaire. Le nombre de personnels dédiés à la politique des droits des femmes passera en 2013 de 184 à 189 emplois en équivalents temps plein. Cinq postes seront créés pour renforcer le Service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes pour animer le réseau, créer le fonds d’expérimentation sociale et mettre en place les études d’impact.

Les moyens des services déconcentrés sont maintenus, y compris pour les emplois mis à disposition par d’autres ministères.

D’une façon plus générale, j’entends redonner au réseau du droit des femmes de la lisibilité et des orientations. Ce sera le sens de la circulaire que j’adresserai aux préfets après la tenue du Comité interministériel. Je souhaite que les personnels du réseau voient leur situation individuelle s’améliorer car un certain nombre de chargées de mission départementales et des déléguées régionales se trouvent dans des situations peu sécurisantes. Comme le prévoit la loi du 12 mars dernier, de nombreux contractuels peuvent prétendre à la titularisation.

Les travaux du Comité interministériel reposeront sur plusieurs priorités.

La première d’entre elles est la lutte contre les stéréotypes, car si nous voulons que les lois deviennent effectives, nous devons agir sur les mentalités. Or les stéréotypes et les représentations sexistes sont partout : à l’école, dans le sport, les associations, les médias, la publicité. Ces stéréotypes ont des conséquences à plus ou moins long terme : violences sexistes, différences de traitement en matière d’insertion professionnelle ou d’accès aux responsabilités.

Sa deuxième priorité est l’égalité professionnelle, conformément à la feuille de route issue de la Conférence sociale de juillet dernier qui avait débouché sur un accord entre les organisations syndicales, les organisations patronales et l’État. Cet accord portait sur la nécessité de s’attaquer aux causes structurelles des inégalités que sont les différences de temps de travail entre les hommes et les femmes, notamment le temps partiel subi, sur l’articulation entre vie personnelle et vie professionnelle, qui pèse particulièrement sur les femmes, et sur les stéréotypes, enfin, qui influent sur l’orientation des jeunes et lèsent les filles plus que les garçons.

Le cœur de notre action est de faire appliquer les lois. J’ai donc décidé de réviser le dispositif d’application de la sanction financière pour les entreprises qui ne s’impliquent pas en matière d’égalité professionnelle en agissant sur les conditions de mise en œuvre de l’article 99 de la loi de novembre 2010, qui dispose que les entreprises de plus de 50 salariés peuvent être sanctionnées jusqu’à 1 % de leur base salariale. Mais cet article n’a jamais été appliqué. Nous avons donc, par décret, prévu de remplacer le contrôle sur place par un contrôle sur pièces – jusqu’à présent l’entreprise n’était menacée que lorsqu’un inspecteur du travail prenait l’initiative d’un contrôle, ce qui se produisait rarement. Désormais les entreprises seront invitées à adresser au ministère leur plan d’action et l’accord négocié avec les partenaires sociaux. Après un délai préalablement établi, celles qui ne nous auront pas adressé ce document verront s’enclencher le dispositif de sanction.

Nous avons récemment présenté le décret au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle qui rendra prochainement son avis. J’étudierai avec intérêt les conclusions du travail entrepris sur cette question par Mme Cécile Untermaier et ne manquerai pas de vous transmettre les conclusions du bilan réalisé par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Un autre aspect central de l’égalité professionnelle tient aux différences en matière de temps de travail, en particulier le temps partiel dans lequel les femmes sont surreprésentées. Sur ce sujet, comme sur celui du congé parental d’éducation, nous nous en remettrons à la négociation collective interprofessionnelle qui réunit les partenaires sociaux depuis le 21 septembre dernier et dont les conclusions nous seront transmises avant le 8 mars prochain. Sans attendre cette date, nous organiserons le 16 novembre une conférence nationale de progrès sur la question du temps partiel, en présence de représentants des secteurs particulièrement concernés. Cette conférence débouchera sur un certain nombre de préconisations en vue de mieux protéger les salariés à temps partiel, de faciliter leur passage du temps partiel au temps complet et d’inciter les entreprises et les branches concernées à adopter une organisation susceptible d’éviter le temps partiel et le morcellement des horaires, extrêmement préjudiciable pour les femmes.

La lutte contre les violences faites aux femmes est la troisième priorité du Comité interministériel. Lors de la discussion du projet de loi sur le harcèlement sexuel, j’avais pris l’engagement de créer un « observatoire national des violences faites aux femmes » et de réaliser des enquêtes sur ce thème. Cet engagement sera tenu. Nous lancerons une campagne de communication avant le 25 novembre, Journée nationale des violences faites aux femmes, car la loi ne suffit pas à rendre le harcèlement inacceptable. Nous investirons cette date, qui ne l’avait pas été jusqu’à présent, et nous en profiterons pour proposer une séance de formation pluridisciplinaire aux magistrats, personnels de police et assistants sociaux.

La loi de juillet 2010 est intéressante mais elle peut être améliorée, notamment en ce qui concerne les ordonnances de protection. Nous travaillons sur des pistes de réflexion pour le Comité interministériel afin de rendre leur délivrance plus rapide, prolonger leur validité et amplifier leur champ d’application.

La lutte contre les violences faites aux femmes doit également s’intéresser à l’hébergement des femmes qui désirent quitter le domicile conjugal – il convient à cet égard de faire mieux connaître la règle de l’éviction du conjoint violent. Pour celles qui choisissent de quitter le domicile, nous devons réserver des places dans les hébergements d’urgence et le parc social. Mes services y travaillent en liaison avec ceux de Mme Cécile Duflot.

La quatrième priorité du Comité interministériel porte sur le droit des femmes à disposer de leur corps. Le PLFSS pour 2013 prévoit le remboursement à 100 % de l’IVG et la revalorisation du tarif de l’acte, qui permettra d’accroître le nombre de professionnels disposés à le pratiquer. Mais cette avancée ne nous dispense pas d’une réflexion sur l’accessibilité géographique des centres d’IVG et l’amélioration de leur fonctionnement.

Nous avons trouvé un accord avec Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, pour que soit inscrit dans le PLFSS le remboursement à 100 % des contraceptifs pour les mineures et la garantie de l’anonymat. À cet égard, la situation dans notre pays n’est pas réjouissante. Nous assistons à une augmentation des grossesses précoces et non désirées. Selon un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) de 2010, le taux de grossesses chez les Françaises de 15 à 19 ans est de 22/1000. Il est donc très supérieur à celui des Suissesses – 9/1000 – et des Néerlandaises – 12/1000.

Par ailleurs, le nombre d’IVG chez les jeunes femmes mineures n’a cessé d’augmenter. Entre 1990 et 2007, le recours à l’avortement est passé de 8 766 à 13 400. Ce chiffre traduit un manque d’information en matière de contraception qui doit nous alerter. Le passage de 65 à 100 % du remboursement des contraceptifs par l’assurance maladie facilitera l’accès des mineures à la contraception. La liste des contraceptifs concernés – qui bénéficient déjà d’un remboursement – fera l’objet d’un décret. La pilule de troisième génération, ne devant plus être remboursée, n’entrera pas dans ce cadre. Ce remboursement pourrait permettre potentiellement à plus d’un million de jeunes filles de réaliser une économie de 60 euros par an – de 40 euros pour la pose d’un implant.

Aussi important soit-il, ce remboursement n’épuise pas le sujet de l’accès à la contraception des plus jeunes, qui mérite une politique d’ensemble. L’éducation à la sexualité doit être dispensée à l’école. Mes services y travailleront, en liaison avec ceux de mon collègue en charge de l’Éducation nationale.

J’ai souhaité engager les discussions avec les régions pour tirer profit de leur expérience en ce qui concerne le « pass contraception » et définir les actions qu’elles pourraient entreprendre avec l’État pour informer les jeunes et prévenir les grossesses non désirées.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis très sensible à la culture de l’expérimentation et je suis curieuse de savoir comment la haute administration va s’approprier cette culture qui n’est pas la sienne.

Il semble que les déléguées régionales aux droits des femmes aient du mal à préserver leur autonomie par rapport aux préfets dont elles dépendent à présent. Il est indispensable que les déléguées puissent continuer à faire valoir leurs convictions avec la même force que leurs aînées dont l’action a été fondatrice.

M. Christophe Sirugue. J’exprimerai une satisfaction, une inquiétude et une interrogation.

Une triple satisfaction car en tant que rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales sur ce projet de budget, je vois enfin les crédits correspondant à ces questions groupées au sein d’un unique ministère. Cette nouvelle gouvernance facilitera notre travail et donnera une meilleure lecture de la politique engagée. Je salue en outre la qualité des échanges que j’ai pu avoir avec votre cabinet, Madame la ministre. Enfin, je me réjouis de la hausse de 15 % des crédits du ministère.

Mon inquiétude, qui est récurrente, porte sur le financement des associations proposé dans la convention Hortefeux, complété par la suite par un crédit de 500 000 euros provenant de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSé). Or les décisions de l’ACSé sont prises au niveau régional, ce qui entraîne des disparités. Ainsi en 2012, 40 % des structures locales du Planning familial n’ont pas perçu les crédits qui auraient dû leur être versés au titre de l’ACSé. Je considère que ce mode de financement n’est pas satisfaisant et je souhaite que ces crédits reviennent à votre ministère.

Mon interrogation concerne la multitude des plateformes téléphoniques, l’une dédiée aux violences faites aux femmes, une autre aux violences faites aux femmes au travail, une autre encore aux viols… Outre leur coût, je ne suis pas certain que ces numéros soient connus de toutes les femmes. Il serait judicieux de nous attarder sur l’efficacité, non des associations elles-mêmes mais de la multitude des numéros d’appel et du traitement de ces appels. Car si les financements sont attribués en fonction du nombre d’appels traités, les associations ont intérêt à en recevoir peu et à les traiter de façon à améliorer leur rendement, donc leur financement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’interrogeais aujourd’hui même la ministre de la Justice sur la création par l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (INAVEM) d’un centre d’appel dédié au harcèlement, car nous ne sommes pas favorables à la pratique de la médiation pour les cas de harcèlement.

Il y a effectivement lieu de nous interroger sur le bien-fondé de tous ces numéros d’aide aux côtés du 3919.

Mme la ministre. Je partage votre constat, et mes services ont engagé une réflexion sur le nombre des centres d’appel. Cependant, Christophe Sirugue a omis de le préciser, le taux de réponse du 3919 ne dépasse pas 60 %.

En ce qui concerne le financement des antennes du Planning familial et des établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF), les engagements financiers issus du protocole ont été tenus en 2012 puisque les crédits ont été affectés au niveau local, via le programme 106 Action en faveur des familles défavorisées. Un message a en outre été adressé aux préfets de région pour leur rappeler les engagements nationaux quant au financement des EICCF et leur demander d’être particulièrement attentifs à leur concrétisation.

L’État maintiendra son soutien aux EICCF en 2013 en leur allouant des crédits du même montant qu’en 2012, leur répartition locale relevant de la compétence des préfets. Le Gouvernement maintient son engagement envers le Planning familial afin qu’il poursuive son activité de tête de réseau en mobilisant 50 000 euros sur le programme 106 et 210 000 sur le programme 137 (Égalité entre les femmes et les hommes). Mon ministère signera une convention avec le Planning familial ainsi que d’autres ministères, dont celui de l’Éducation nationale pour développer l’éducation à la sexualité dans les écoles.

Dans le prolongement des travaux de l’IGAS sur le Planning familial en 2011, la ministre de la Santé engagera une réflexion sur l’action des EICCF et leur articulation avec les centres de planification et d’éducation familiale (CPEF).

Mme Barbara Pompili. Je me réjouis de la création du ministère des Droits des femmes, de l’augmentation des crédits du programme et des crédits dédiés aux politiques transversales et enfin de la relance du Comité interministériel aux droits des femmes, qui illustre la volonté du Gouvernement d’agir concrètement.

Madame la ministre, vous n’avez pas abordé la question de la parité, dans la vie politique et les institutions mais également au sein des conseils d’administration des grandes entreprises. La législation actuelle a des lacunes et les dispositions incitatives ont montré leur insuffisance. Comment envisagez-vous de développer la parité ?

La fin des stéréotypes passe par l’éducation à l’égalité et le respect entre les sexes. Je salue votre volonté, annoncée dans la presse, d’enseigner la lutte contre le sexisme dès la maternelle, étant entendu que cette démarche doit être reprise par tous les acteurs de notre société, en particulier la grande distribution.

Qu’en est-il de la formation spécifique des enseignants du lycée en vue des enseignements d’éducation à la sexualité ?

En ce qui concerne le soutien au tissu associatif, j’ai été alertée dans mon département de la Somme sur la situation de femmes victimes de violences conjugales qui ne trouvent pas de structure d’accueil et se retrouvent dans la rue avec leurs enfants.

Enfin, dans la mesure où les femmes sont toujours les plus concernées par la garde des enfants, que pensez-vous du partage du congé parental entre la mère et le père ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je salue à mon tour la création de votre ministère. Je vous envie, et j’envie les députées qui disposent désormais d’une oreille attentive sur ces questions fondamentales pour notre société et son avenir.

Je me suis battue depuis 2002 pour maintenir et renforcer la fonction des déléguées aux droits des femmes. J’aimerais qu’elles jouent un véritable rôle aux côtés du préfet mais également des inspecteurs du travail, en particulier pour vérifier l’application de la loi relative à l’égalité professionnelle. Elles ont la volonté de le faire. Comment allez-vous les aider à jouer ce rôle au sein de l’équipe préfectorale ? Nous devons nous montrer intransigeants sur cette question.

Comment comptez-vous conserver l’anonymat de la contraception, s’agissant de jeunes filles mineures ?

Je salue la création du Comité interministériel qui permettra sans aucun doute de faire évoluer la culture au sein de chaque ministère et précisera la place des délégués à l’égalité des chances. Aurez-vous un droit de regard sur leur nomination ?

En 2011, j’avais suivi avec attention la parution du décret relatif à l’application de l’article 99 du projet de loi sur les retraites. J’attends avec beaucoup d’impatience la nouvelle version du décret en cours d’élaboration. Les inspecteurs du travail ont un rôle important à jouer en matière de contrôle des rapports de situation comparée.

Mme Catherine Quéré. Madame la ministre, pouvez-vous m’assurer de la présence d’une déléguée aux droits des femmes dans chaque préfecture ? Leur avez-vous délivré une feuille de route ?

J’avais moi-même fait la promotion du pass contraception à l’Assemblée nationale, sous les sarcasmes de mes collègues de la majorité d’alors. Ne pourrait-il être distribué par les infirmières dans les lycées, collèges et écoles d’apprentissage ? Tout en garantissant une certaine discrétion, cela permettrait aux jeunes filles de recevoir des conseils.

La réforme territoriale prévoit la mise en place de binômes hommes-femmes pour les élections cantonales. Je trouve pour ma part cette disposition méprisante pour les femmes et j’espère qu’elle sera supprimée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je me suis récemment exprimée clairement contre la mise en place de ces binômes.

Mme Ségolène Neuville.  Le statut de conjoint collaborateur est souvent utilisé comme variable d’ajustement par les chefs d’entreprise qui, en cas de difficultés, licencient leur épouse. Votre ministère a-t-il engagé une réflexion sur ce point ?

Je salue le remboursement de la pilule et des implants pour les mineures, mais mon inquiétude demeure car les médecins prescrivent trop souvent les préservatifs oraux alors même que les jeunes filles ont parfois du mal à les prendre régulièrement. Avez-vous rencontré le président de l’Ordre national des médecins pour évoquer la formation des médecins – dont nous connaissons la réticence à poser un stérilet à de très jeunes filles alors même qu’il est recommandé par la Haute autorité de santé depuis 2004 ?

Mme Monique Orphé. Ce projet de budget cible les vraies priorités, notamment en aggravant les sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas la parité. Ne peut-on mettre en place un système de sanction à l’encontre des bailleurs dont les logements sont inoccupés afin de disposer des logements d’urgence pour les personnes victimes de violences ?

Je suis très favorable au remboursement de la pilule, mais il ne faudrait pas qu’elle soit un mode unique de contraception. Je suggère donc d’accompagner son remboursement d’une véritable information.

J’aimerais que les politiques publiques soient évaluées pour que nous puissions connaître leur impact sur les violences.

À la Réunion, lorsqu’on lui demande d’agir en faveur des femmes victimes de violences, la déléguée régionale invoque le devoir de réserve. Nous devons adresser aux déléguées un message pour les inviter à adopter une autre attitude.

Enfin, je regrette que les DOM-TOM ne soient pas concernés par l’enquête sur les violences.

Mme Édith Gueugneau. Le taux de grossesse chez les jeunes femmes est en effet important dans notre pays. Pour avoir longtemps travaillé dans une pharmacie, j’ai souvent vendu la pilule du lendemain de façon anonyme. Les médecins orientent les jeunes filles vers les contraceptifs oraux alors qu’il existe d’autres moyens de contraception, plus aptes à prévenir les maladies sexuellement transmissibles. Il est regrettable que le Planning familial n’intervienne que très rarement dans les lycées, étant entendu que l’éducation à la sexualité doit commencer en amont du lycée.

L’organisation régionale du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles n’est pas adaptée car le réseau n’est pas présent dans certains départements ruraux. Il serait bon qu’il soit étendu à tous les territoires, éventuellement en signant des conventions avec les communautés de communes.

Les femmes sont victimes du temps partiel subi. Pourquoi ne pas leur permettre de cotiser plus, par le biais d’un régime complémentaire, afin de ne pas être pénalisées à la fin de leur carrière ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. La loi leur donne la possibilité de payer des cotisations plus élevées, avec l’accord de leur patron, mais elles en sont peu informées. Il me semble souhaitable que toute personne s’engageant dans un temps partiel soit informée des conséquences de son choix en termes de retraite et de droits.

M. Jacques Moignard. Je me réjouis de la mise en place de la parité dans les élections municipales des communes de plus de 3 500 habitants.

Dans mon département, nous sommes souvent placés dans une situation de non-assistance à personne en danger lorsque des femmes, après avoir été prises en charge, sont remises à la rue, le soir venu, faute de places d’hébergement d’urgence. Que comptez-vous faire pour développer l’hébergement d’urgence ?

Mme Maud Olivier. Aucun doute, Madame la ministre, sur le bien-fondé de la dynamique enclenchée par votre ministère. Toutefois, j’ai le sentiment que l’égalité entre les hommes et les femmes ne sera pas prise en compte du jour au lendemain par les autres ministères.

Vous souhaitez vérifier que les budgets des autres ministères ne portent pas atteinte aux droits des femmes. Pourquoi ne pas vous montrer plus volontariste ? J’ai appris hier que la mission sécurité de la police et de la gendarmerie ne prenait en compte ni les indicateurs chiffrés ni les objectifs stratégiques en matière de violences faites aux femmes. De la même manière, il n’existe pas d’indicateur permettant de comparer le nombre des dépôts de plainte et celui des condamnations.

Quel est le calendrier envisagé concernant l’éducation à la sexualité dans les écoles ?

Enfin, l’IVG médicamenteuse est-elle prise en charge à 100 % par la sécurité sociale ?

Mme Cécile Untermaier. Il me semble, moi aussi, que le paysage s’éclaire. Jusqu’à présent, la loi sur l’égalité professionnelle n’était pas appliquée. Elle le sera demain, après la révision du décret d’application.

L’État doit nous aider à changer les mentalités dans les zones rurales en menant des actions de sensibilisation. Les régions qui n’ont pas été désignées pour l’expérimentation aimeraient, elles aussi, en bénéficier. Les déléguées aux droits des femmes pourraient soutenir la politique nationale en la matière, pourtant elles ne le font pas. Nous devons les aider à relayer le débat public.

J’aimerais que le débat sur le temps partiel subi s’étende au « dimanche subi », libéralisé par la loi de 2009, qui pénalise les femmes. Dans la distribution, certaines travaillent tous les dimanches matin sans la moindre majoration de leur rémunération.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le travail du dimanche, qui nous préoccupe énormément, est réservé aux zones touristiques et devait être accompagné d’une augmentation de salaire – à laquelle nous n’avons jamais cru.

Mme Martine Faure. Je suis très favorable à l’éducation à l’égalité dès la maternelle. Quand débutera la formation des enseignants ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous avez pu juger de la satisfaction de nos collègues, de la majorité comme de l’opposition, devant la création d’un ministère aux Droits des femmes. Votre présence nous rend encore plus exigeants, et cette exigence m’incite à vous demander d’accélérer les réformes.

Mme la ministre. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, pour votre engagement et l’enthousiasme dont vous faites preuve sur les questions liées aux droits des femmes.

Les CIDFF recevront 4,18 millions d’euros en 2013 : les moyens sont donc maintenus.

Je souhaite en effet introduire dans les services du ministère la culture de l’expérimentation pour dynamiser nos partenariats avec les autres ministères, les collectivités territoriales, les acteurs publics et privés, et pour accroître l’efficacité des réponses que nous apporterons.

L’expérimentation porte sur l’égalité professionnelle dans les neuf régions concernées mais également, dans cinq académies, sur la lutte contre les stéréotypes et l’apprentissage de l’égalité dès le plus jeune âge à travers le programme « ABCD de l’égalité ».

Pour mettre en place le programme petite enfance, nous nous appuierons sur l’expérimentation réalisée à la crèche Bourdarias de Saint-Ouen et sur les recommandations d’un rapport, que j’ai commandé à l’IGAS et qui me sera remis dans de brefs délais, sur les moyens de lutter contre les stéréotypes dès le plus jeune âge.

Pour réaliser ces expérimentations, nous procéderons essentiellement par appels à projets qui seront examinés par un jury, composé de représentants des services déconcentrés et de personnalités qualifiées. Un fonds d’expérimentation sera mis en place au sein du programme 137, en s’inspirant des pratiques du fonds d’expérimentation jeunesse instauré par l’ancienne mandature. Quant à la durée des expérimentations, elle varie selon le sujet : on peut estimer à deux ans l’évaluation du dispositif de congé parental d’éducation destiné aux femmes qui s’éloignent durablement du marché du travail, mais sur d’autres sujets une durée de six mois à un an devrait suffire.

Les déléguées, je le répète, seront pleinement associées aux expérimentations. J’adresserai prochainement aux préfets une circulaire d’orientation qui insistera sur le rôle transversal des déléguées. Il est clair qu’elles doivent se faire entendre. Je les ai rencontrées en septembre, ainsi que les chargées de mission départementales. J’insiste sur la nécessité de créer du réseau, entre les différents territoires comme à l’intérieur d’un territoire. Nous leur donnerons les moyens de se réunir et d’échanger leurs expériences.

Il existe une déléguée régionale dans toutes les régions, mais trois départements ne disposent pas d’une chargée de mission – la Manche, la Loire et l’Ardèche – car les personnes en place, mises à disposition par d’autres ministères, ont vu leur poste supprimé avant mon arrivée au ministère. Nous devons travailler sur cette question.

Nous sanctionnons déjà les partis qui ne font pas d’efforts pour respecter et promouvoir la parité dans le cadre des élections législatives. Je réfléchis actuellement à une pénalité financière dont le montant serait aussi important que l’aide publique accordée au parti. Cette suggestion devrait emporter l’adhésion du Gouvernement et être retenue, mais nous attendons sur ce point les conclusions de la commission Jospin.

Je rappelle que nous nous sommes engagés à introduire une part de proportionnelle dans les élections législatives de 2017 et dans ce cadre, nous devrons veiller à ce que la parité soit respectée.

J’ai bien entendu le jugement très sévère de Mmes Coutelle, Quéré et Zimmermann concernant le scrutin binominal pour les élections cantonales. Je vous avoue que je trouve cette idée intéressante. Vous craignez que la femme soit considérée comme la suppléante de l’homme. Je le comprends, mais pour ma part je ne le crois pas. Je fais partie de ces 13 % de femmes qui siègent dans les conseils généraux : à ce titre, je sais quel effort il faudrait fournir pour parvenir à la parité. Nous n’y parviendrons pas sans faire une révolution. Or, changer de mode de scrutin est bien une révolution qui seule permettra d’obtenir la parité dans les conseils généraux. Madame Pompili, vous qui êtes coprésidente, en binôme avec François de Rugy, du groupe EELV, avez-vous l’impression d’être lésée par la présence d’un homme à vos côtés ? Cela ne semble pas être le cas. Mais quels sont ceux qui, parmi vous, sont favorables à cette mesure ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pour le savoir, je vous propose, mes chers collègues, de voter à main levée.

Je constate que neuf d’entre vous y sont défavorables tandis que cinq y sont favorables. Nous devrons nous emparer de cette question dans les plus brefs délais.

Mme la ministre. Vous avez évoqué la parité dans les entreprises. La loi relative à la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les conseils d’administration contient une idée intéressante que nous aurions aimé promouvoir au niveau européen, mais Viviane Reding, malgré le soutien de la France, n’est pas parvenue à faire adopter sa proposition. Quoi qu’il en soit, dans les grandes entreprises, le pouvoir se trouve davantage entre les mains du comité de direction et du comité exécutif que dans celles du conseil d’administration. Or nous n’avons pas la même emprise sur les comités de direction. Il y a un équilibre à trouver entre l’application de la loi et la valorisation des bonnes pratiques.

En ce qui concerne la formation des enseignants et personnels pédagogiques, le ministre de l’Éducation nationale et moi-même avons fait des propositions très intéressantes, comme la mise en place d’un module consacré à la déconstruction des stéréotypes dans la formation des enseignants au sein des futures écoles supérieures de professorat et de l’éducation (ESPE).

Pour ce qui est du service public de la petite enfance, l’État signera en février 2013 la prochaine convention d’objectifs et de gestion avec la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). En attendant, nous avons mis l’accueil de la petite enfance à l’ordre du jour du comité interministériel aux droits des femmes. Un premier débat d’orientation nous permettra de définir le périmètre de notre politique.

Les moyens que nous consacrons à l’Éducation nationale nous permettront d’œuvrer à la scolarisation des enfants de deux à trois ans, ce qui allégera la charge des mères de famille.

Nous souhaitons en outre développer des formes d’accueil de la petite enfance adaptées à chaque territoire. C’est pourquoi, avec la ministre en charge de la famille, nous nous attachons à mieux cerner les besoins des territoires, sachant qu’entre le moment où la collectivité prend une décision et l’ouverture de la structure, il se passe généralement trois ans.

Le partage du congé parental est l’un des leviers de l’égalité professionnelle et de l’épanouissement des deux membres du couple. Il faut éviter que le congé parental de trois ans devienne un facteur d’éloignement durable du marché du travail. Les partenaires sociaux se sont emparés de cette question et rendront leurs conclusions avant le 8 mars prochain.

Madame Zimmermann, l’anonymat de la contraception pour les mineures sera garanti puisque la feuille de soins elle-même sera anonyme.

Dans le cadre de la nouvelle gouvernance, qui implique le retour du ministère des Droits des femmes et fait de l’égalité entre les sexes une politique intégrée, le Premier ministre a demandé à chacun des ministres de désigner un haut fonctionnaire référent. Ils ont été désignés. Tous sont des personnalités de haut niveau, qui ont participé aux conférences de l’égalité et seront aptes à juger de la façon dont les ministères réagiront à la feuille de route.

Oui, nous allons revenir sur le décret d’application de l’article 99 de la loi sur les retraites en mettant en place deux innovations, dont un mécanisme de contrôle sur pièces susceptible de corriger les failles du dispositif actuel qui consistait, je le répète, à attendre qu’un inspecteur du travail contrôle spontanément une entreprise ou soit saisi par une organisation syndicale. Ensuite, il lui fallait six mois pour dresser un constat. Ce délai était trop long. Dès la parution du décret, en novembre, le service déconcentré du ministère du travail adressera aux entreprises concernées un courrier leur demandant de renvoyer, dans un délai précis, leur plan d’action ou les accords qu’elles ont négociés, ce qui les obligera à établir le rapport de situation comparée. Une fois ce délai écoulé, les entreprises qui n’ont pas répondu feront l’objet d’une procédure de sanction.

Je rappelle que jusqu’à présent, les entreprises de plus de 300 salariés avaient le choix entre l’adoption d’un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle ou la négociation avec les organisations syndicales. Considérant qu’elles en ont les moyens, nous leur imposons d’engager des négociations – c’est la deuxième innovation du décret.

Au-delà du remboursement de la contraception pour les mineures, j’insiste sur la nécessité de généraliser les dispositifs qui se sont avérés intéressants comme l’information, la prévention et le conseil en matière de contraception. Estimant qu’il incombe aux établissements scolaires de répondre aux questions liées à la sexualité, nous avons l’objectif de rendre effective l’éducation à la sexualité.

Concernant le statut de conjoint collaborateur, Madame Neuville, une directive communautaire de 2010 prévoyait d’étendre au conjoint les droits à la sécurité sociale du chef d’entreprise ou de l’artisan. Nous prendrons les mesures que nous impose cette directive en étendant au conjoint l’accès aux indemnités journalières, ce qui contribuera à réduire la précarité de ce statut.

Je rencontrerai la semaine prochaine le président de l’Ordre national des médecins. Au-delà de ce qui sortira de cette rencontre, nous devons engager une réflexion globale sur la santé des femmes et j’entends saisir la Haute autorité de santé sur notre stratégie contraceptive.

Vous proposez, Madame Orphé, d’étendre la coercition aux bailleurs en vue de libérer des hébergements d’urgence pour les femmes victimes de violence. Sur ce point encore, il y a fort à faire pour rendre effective la loi de 2010, sans forcément aller jusqu’à la coercition. J’ai constaté, pour avoir beaucoup travaillé avec les collectivités locales, que beaucoup d’entre elles ignorent la possibilité qui leur est offerte de travailler avec les bailleurs.

Avec la ministre de Logement, Cécile Duflot, nous aimerions réserver un quota d’appartements aux femmes victimes de violences – ou aux auteurs des violences, car il arrive que les femmes occupent avec leurs enfants un hébergement d’urgence tandis que l’homme reste dans l’appartement, souvent plus grand. Il serait plus opportun de lui attribuer l’hébergement d’urgence.

Vous regrettez que l’enquête VIRAGE 2014 ne concerne pas les départements d’outre-mer. C’est un point à vérifier. D’ailleurs, en liaison avec le ministre des Outre-mer, Victorin Lurel, nous allons lancer dans le courant de l’automne des actions contre les stéréotypes dans les DOM.

En ce qui concerne l’éducation à la sexualité, je vous propose de nous en référer à la loi de 2001. Je me suis rendue dans un certain nombre d’établissements scolaires. Les plus volontaristes en la matière appliquent la loi en demandant au professeur de SVT de se charger de quelques cours relatifs à la sexualité – bien qu’à nos yeux la sexualité ne relève pas uniquement de la science. L’éducation à la sexualité doit être assurée en donnant une place aux associations. J’ai assisté récemment dans un collège à la présentation par une association de la lutte contre l’homophobie. J’ai bien vu que les enseignants auraient été mal à l’aise s’ils avaient dû s’en charger eux-mêmes. Je déplore que l’Éducation nationale se soit si peu ouverte aux associations au cours des dernières années. Nous favoriserons cette ouverture, dès lors que les associations présentent certaines garanties.

J’en viens au temps partiel. Lorsqu’elles acceptent un temps partiel ou s’engagent dans un congé parental long, les femmes ont le sentiment qu’elles font un choix personnel mûrement réfléchi. Pourtant il est rare qu’on leur présente les conséquences de leur choix. Ce n’est que lorsqu’elles atteignent 50 ans qu’elles se rendent compte qu’elles ont commis une erreur. C’est inacceptable. C’est la raison pour laquelle il faut rendre obligatoire la transmission d’informations sur l’impact de tels choix, dans l’immédiat mais aussi pour l’avenir de ces personnes.

Vous avez raison, Monsieur Moignard, l’hébergement des femmes victimes de violences nécessite des moyens et des actions concrètes.

Madame Olivier, nous attendons des ministères qu’ils contribuent positivement à la promotion des droits des femmes. Nous disposerons d’indicateurs budgétaires très précis dans le projet de loi de finances et dans le PLFSS pour 2014, comme l’a précisé le Premier ministre dans la circulaire du 23 août dernier.

L’IVG médicamenteuse entre bien dans le champ du remboursement à 100 %.

Je partage votre préoccupation, Madame Untermaier, en ce qui concerne le dimanche travaillé subi par les femmes. Nous en reparlerons.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous vous remercions, Madame la ministre, pour votre disponibilité. Je salue encore une fois la lisibilité de ce budget, qui traduit fidèlement la politique menée par le Gouvernement et dont nous pourrons suivre les évolutions année après année.

Audition ouverte à la presse, de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille

Compte rendu de l’audition du mardi 27 novembre 2012

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille.

Madame la ministre, les questions relatives à la famille renvoient à de nombreux sujets, en particulier les congés parentaux et la possibilité pour les mères de reprendre un travail. En France, le taux d’activité des femmes – qui est l’un des plus élevé d’Europe – chute au deuxième, puis au troisième enfant ; ainsi, seules 42 % des mères de trois enfants continuent de travailler. Les obstacles à l’accès ou au maintien dans l’emploi des femmes sont souvent liés à des problèmes de garde d’enfant et à la difficulté d’articuler vie professionnelle et vie familiale, ce qui a des incidences importantes sur leur carrière et le niveau de leur retraite.

Madame la ministre, quels principaux chantiers allez-vous mener ? Envisagez-vous une loi sur la famille ?

De quelle façon se fait l’articulation entre le périmètre du ministère de la Famille et celui du ministère des Droits des femmes ?

Les familles monoparentales, généralement une mère avec ses enfants, sont aujourd’hui plus souvent exposées à la pauvreté. Nous le savons : c’est en majorité des femmes qui se présentent aux Restos du cœur. Que compte faire le Gouvernement face à cette situation ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille. Toutes les femmes sont concernées par les thématiques que vous évoquez, Madame la présidente : petite enfance, conciliation des temps, familles monoparentales.

En raison de leur augmentation et de leur forte exposition à la pauvreté et à la précarité, les familles monoparentales constituent un sujet très important qui sera abordé lors de la conférence contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui se tiendra les 10 et 11 décembre. On sait que la majorité des enfants pauvres vit dans des familles monoparentales, les neuf dixième d’entre elles étant composées d’une mère et de ses enfants. La pauvreté touche donc de plus en plus de familles monoparentales. C’est pourquoi toutes nos actions en matière de lutte contre la pauvreté et de soutien à la parentalité doivent prendre en compte ce phénomène.

J’ajoute que la précarité grandissante des retraitées est également un sujet préoccupant. Les Restos du cœur accueillent aujourd’hui des femmes dont la pension ne leur permet pas de subvenir à leurs besoins.

L’égalité entre les femmes et les hommes au sein de la famille est une conquête relativement récente. C’est seulement dans les années soixante à soixante-dix que les femmes ont obtenu le droit d’ouvrir un compte bancaire à leur nom sans l’accord de leur époux, qu’elles disposent de l’autorité parentale, et qu’elles ont pu bénéficier d’un assouplissement des procédures de divorce. Au XIXe siècle, le travail était réservé aux classes les plus modestes, et les femmes des classes moyennes ou aisées vivaient l’enfermement au sein de la famille. Le XXe siècle a été celui de l’émancipation des femmes. Et aujourd’hui, de plus en plus d’hommes réclament l’égalité de traitement en matière familiale.

En effet, un mouvement s’exprime aujourd’hui pour réintroduire les hommes dans leur rôle de père. À la maison des adolescents que j’ai visitée à Toulouse samedi et qui accueille des jeunes entre onze et dix-huit ans, une des mères qui élève seule son enfant a expliqué qu’elle en était venue à s’interroger sur le fait de savoir si les femmes doivent se substituer à la défaillance du père et si celui-ci n’est pas trop souvent mis à l’écart. Le centre parental du XIXe arrondissement, que j’ai visité récemment avec le Premier ministre, accueille de très jeunes mères avec leur compagnon.

Cette évolution ne signifie pas que les hommes assument toujours le même volume de tâches domestiques que les femmes ou qu’ils sont exemplaires pour le versement des pensions alimentaires. Mais aujourd’hui, on constate que les gardes alternées sont en augmentation et que, dans ce cas, de plus en plus d’hommes demandent que leur soit versée une partie des prestations familiales.

Un chantier de mon ministère porte sur la petite enfance – les enfants de zéro à trois ans – et le soutien à la parentalité.

Le Gouvernement a décidé d’appréhender la question de la petite enfance, non sous l’angle chiffré des places d’accueil à pourvoir, mais sur la base d’un travail avec les territoires pour inciter les communes, les syndicats de communes, les départements, voire les régions, à se mettre autour d’une même table afin de déterminer leurs besoins à l’échelle régionale. Les parents sont associés à cette « Mobilisation pour l’enfance et la parentalité » par le biais d’une consultation citoyenne qui se déroulera jusqu’à la mi-janvier. L’objectif est que chaque région soit capable de déterminer le nombre de places d’accueil dont elle a besoin, le mode d’accueil qu’elle souhaite privilégier en fonction des territoires – cœurs de ville ou secteurs ruraux – et l’échéancier en fonction des départements, dont certains sont moins pourvus que d’autres. J’ai choisi cette démarche car nous renégocions actuellement la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui est un financeur important des collectivités locales en matière de petite enfance.

Au-delà du manque de places d’accueil, trop peu de villes pratiquent la transparence pour l’attribution des places. Un travail devra donc être mené sur les critères d’attribution. Certaines agglomérations, comme Rennes, mènent des expériences très innovantes en centralisant tous les types de demandes, de la demi-journée à la semaine de garde. Certaines villes, comme par exemple en banlieue parisienne, manquent cruellement de structures collectives. La politique de la petite enfance doit corriger ces inégalités territoriales.

Dans ce contexte, un trop grand nombre de femmes renoncent à un emploi, soit parce qu’elles n’ont pas obtenu une place d’accueil, soit parce que leur salaire est insuffisant pour couvrir le coût de l’accueil de leur enfant. Là aussi, la politique de la petite enfance doit être un correctif des inégalités sociales.

Les demandes de soutien à la parentalité sont en augmentation, quels que soient les milieux sociaux. Ce sont souvent les femmes, y compris de milieux très défavorisés, qui prennent l’initiative de résoudre les difficultés auxquelles leurs enfants et elles-mêmes sont confrontés.

La Délégation aux droits des femmes a naturellement toute sa place pour contribuer à la réflexion sur l’ensemble des sujets relatifs à la petite enfance et à la parentalité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Au cours de la précédente législature, nous avons travaillé sur la durée du congé de maternité et sur le partage du congé parental entre la mère et le père. Y a-t-il des réflexions sur ces sujets ?

Mme Édith Gueugneau. Madame la ministre, je tiens à vous féliciter pour votre engagement en faveur d’une nouvelle politique de la petite enfance.

Comme vous l’avez dit, les familles sont aujourd’hui diverses et des attentes s’expriment dans nos territoires. À cet égard, je pense que les villes, mêmes moyennes, doivent être capables d’offrir un service de la petite enfance aux familles, y compris les familles monoparentales qui sont de plus en plus touchées par la précarité.

En outre, le soutien à la parentalité est très important, en particulier pour les familles en détresse et les femmes qui élèvent seules leurs enfants et dont certaines se rendent aux Restos du cœur ou à l’épicerie sociale. Là encore, un accompagnement est nécessaire, en lien avec les collectivités.

Mme Maud Olivier. La préscolarisation des enfants de moins de trois ans doit être menée en lien avec l’Éducation nationale. Fera-t-elle l’objet de concertations avec les collectivités locales ?

Y a-t-il une réflexion sur les revendications du collectif « Pas de bébés à la consigne », qui dénonce une dégradation des dispositifs de garde existants, en particulier l’extension des capacités maximales d’accueil des assistantes maternelles de trois à quatre enfants ?

Mme Martine Faure. Les rythmes scolaires actuels sont inacceptables pour certains enfants. Des efforts sont demandés aux collectivités territoriales et aux parents. Pourquoi les entreprises ne participeraient-elles pas au soutien à la parentalité ? L’idée d’un assouplissement du temps de travail pour permettre aux parents d’accompagner et de récupérer leurs enfants à l’école sans avoir à les laisser « à la consigne » vous semble-t-elle intéressante ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce sujet est très important. Les entreprises et les administrations gagneraient énormément, en particulier au regard du stress de leurs salariés, à proposer la généralisation du temps de travail sur la carrière et la différenciation des horaires en fonction des moments de la vie familiale.

Par ailleurs, les emplois précaires, en particulier des femmes qui ont plusieurs coupures dans la journée, constituent un véritable problème.

Mme Ségolène Neuville. Bien souvent, les familles choisissent leur mode de garde en fonction de la confiance qu’elles accordent en la personne qui va garder leur enfant. La formation des assistantes maternelles assurée par les conseils généraux comprend cent vingt heures au total, ce qui est peu par rapport à l’enseignement reçu par les personnes titulaires d’un CAP petite enfance. Est-il possible d’uniformiser les formations par le haut ?

Par ailleurs, tous les personnels de la petite enfance ne devraient-ils pas bénéficier d’un enseignement sur les stéréotypes sexués ? Certaines collectivités l’ont introduit, mais je pense que cela devrait être généralisé au niveau national.

Mme Maud Olivier. En parlant de stéréotypes, il est peu étonnant que très peu d’hommes exercent le métier d’assistant maternel : un terme plus neutre, comme assistant parental, conviendrait mieux.

Mme la ministre. Il est possible que la professionnalisation des métiers de la petite enfance finisse par faire l’objet d’une disposition législative, au regard des exigences en la matière, que ce soit pour les assistantes maternelles ou les personnels de crèche. De plus en plus d’hommes demandent d’ailleurs à pouvoir exercer ces métiers. Nous devrons donc travailler au niveau des CAP et des BEP pour renforcer l’exigence de professionnalisation. En outre, les crédits régionaux devront être mobilisés à court terme, en particulier pour permettre aux auxiliaires de puériculture exerçant dans les crèches collectives de former les assistantes maternelles. Les relais d’assistantes maternelles (RAM) ne suffisent pas car ils sont très hétérogènes sur le territoire.

Ainsi, nous réfléchissons actuellement à des modalités très précises de nature à améliorer cette professionnalisation, sachant que le décret du 7 juin 2010 relatif aux établissements et services d’accueil des enfants de moins de six ans, dit « décret Morano » sera abrogé lorsque la convention d’objectifs et de gestion entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pour la période 2013–2016 sera signée le 1er trimestre 2013.

L’Observatoire de la parentalité en entreprise encourage les entreprises à signer des chartes de parentalité. Ces chartes définissent la façon dont les entreprises sont capables d’intégrer le temps parental dans le temps de travail. Une agence du Crédit agricole signataire a ainsi proposé à ses employés, dont les temps de transport sont très longs, une ou deux journées de télétravail. Les salariés qui en bénéficient vont du nouveau papa qui désire soulager la maman et voir son enfant plus souvent, à des hommes dont la carrière est déjà longue et qui souhaitent être présents aux côtés de leurs enfants adolescents le mercredi, en passant par des femmes qui y voient la possibilité d’emmener leurs enfants à tous les rendez-vous médicaux. Les entreprises sont très satisfaites de cette formule car elle est la preuve que le temps salarié n’est pas incompatible avec le temps parental. Malheureusement, seules les grosses structures sont actuellement signataires. Je pense donc qu’une réflexion au niveau de l’ensemble des entreprises, y compris des administrations, constituerait un énorme progrès, car elles gagneraient beaucoup à développer ces chartes. Je pense même que les conventions devraient prévoir un volet relatif aux mesures en faveur de l’équilibre des temps professionnel et familial, auquel les jeunes générations attachent une grande importance.

S’agissant de l’accompagnement des mères, une difficulté est qu’un grand nombre d’entre elles sont dans un processus de réinsertion professionnelle et peuvent se voir proposer un contrat à durée déterminée (CDD) ou un poste à temps partiel. Face à cette situation, nous devons fortement inciter les collectivités à introduire des éléments de souplesse, c’est-à-dire à réserver dans leurs structures de garde un minimum de places, par exemple sur la base de trois heures sur deux jours, pour permettre à ces mères d’accéder à l’emploi. Cela serait une véritable révolution. Certaines collectivités le font, comme la ville de Rennes.

Le bilan de la concertation actuellement en cours avec les territoires nous placera devant une alternative. Dans un premier temps, le gouvernement privilégiera la solution contractuelle. En cas d’échec de la politique contractuelle, il nous faudra envisager de passer par la loi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Parmi les partenaires de la contractualisation, figure la Caisse des allocations familiales, dont le comptage du prix de journée et la comptabilisation des enfants dans les crèches ont énormément influencé le remplissage des structures.

En Suède, les communes ont l’obligation de proposer une place en structure collective à tous les enfants trois mois après leur premier anniversaire. Ce dispositif, dénommé préélémentaire, pèse pour 50 % dans le budget de certaines communes, pour 20 % à 30 % dans d’autres. Ainsi, le taux d’activité des Suédoises est aujourd’hui plus élevé que celui des Françaises, certes avec beaucoup d’emplois à temps partiel.

Mme la ministre. En France, la préscolarisation fonctionne lorsque le secteur de la petite enfance, l’Éducation nationale et la collectivité travaillent en commun. Vincent Peillon a annoncé, et j’approuve sa démarche, le renforcement de la préscolarisation dans les quartiers défavorisés. Les classes passerelles ont prouvé leur succès, mais elles sont mises en place à l’initiative des collectivités. Celles de l’Ouest, par exemple, ont choisi d’y admettre uniquement des enfants de deux ans qui n’ont jamais été gardés dans une structure d’accueil. Ces classes passerelles sont un formidable outil car elles associent les parents. Elles permettent ainsi à des familles dont la maîtrise de la langue française est difficile, ou pour qui le rapport avec l’école très conflictuel, d’entrer à nouveau dans l’école. La préscolarisation est donc un correctif des inégalités en matière scolaire, et je pense qu’il faut la développer.

S’agissant des rythmes scolaires, les modalités d’accueil des enfants de plus de trois ans entre la fin de la classe et le retour de leurs parents du travail constituent un vaste chantier ! Il ne faut pas oublier que le coût financier pour la collectivité et la CAF entre en ligne de compte.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Pour l’instant, les parents font ce qu’ils peuvent en fonction des horaires des garderies lorsqu’elles existent, et des possibilités des aides maternelles qui n’acceptent pas toutes de garder, à la fois, des petits à domicile et des plus grands qu’elles vont chercher à l’école.

L’amélioration de la formation des aides maternelles est certes une piste intéressante, mais ces professionnelles travaillent souvent onze heures par jour pour des salaires relativement faibles et, en fin de compte, des retraites misérables.

Mme Virginie Duby-Muller. Ma première question porte sur l’intervention remarquée de la philosophe Sylviane Agacinsky aux « Semaines sociales de France » qui viennent de s’achever. Interrogée sur les droits des enfants, celle-ci a répondu : « Quant à la parenté, même adoptive, doit-elle renoncer à son modèle bilatéral et non symétrique, et instituer une équivalence des sexes ? Avant toute décision législative en matière de procréation et de parenté, il faudra au moins entreprendre une réflexion collective sur les droits de l’enfant, qui sont prioritaires. L’enjeu est l’égalité de tous les enfants face à l’institution parentale et leur droit à n’être pas de simples produits. »

Que vous inspirent ces propos, madame la ministre ? Le Gouvernement ne doit-il pas encore réfléchir aux conséquences que le mariage pour tous va entraîner sur la notion de famille ?

Ma deuxième question a trait à la réforme du congé parental, lequel pénalise les femmes. Pouvez-vous nous en dire plus sur les expérimentations régionales que vous avez mises en place et sur les suites législatives que vous leur donnerez ? Un calendrier a-t-il été fixé et une concertation est-elle prévue ?

Enfin, que pensez-vous de la campagne des militantes d’ « Osez le féminisme ! », intitulée « Qui va garder les enfants ? » Seuls 10 % des enfants de moins de trois ans ont une place en crèche, et 63 % d’entre eux sont gardés par un de leurs parents, presque toujours leur mère. Faut-il réellement abroger le décret « Morano » ? Dans le contexte actuel, quelle réponse concrète pouvez-vous apporter au nombre insuffisant de places d’accueil ?

Mme la ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 prévoit, à titre expérimental, le versement en tiers payant du complément de mode de garde pour les familles modestes. Les départements pourront ainsi se porter volontaires pour assister des familles bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), qui sont dans un processus de réinsertion dans l’emploi, mais pourtant dans l’incapacité d’avancer les sommes correspondant aux salaires des assistantes maternelles. La Caisse des allocations familiales (CAF) avancera alors une grande partie du salaire de l’assistante maternelle. Ce dispositif aura vocation à être généralisé s’il permet aux femmes de retourner à l’emploi, et aux assistantes maternelles d’accueillir le nombre d’enfants correspondant à leur agrément.

S’agissant du manque de places d’accueil, nous avons lancé une vaste consultation en Pays de la Loire, Nord-Pas-de-Calais, Midi-Pyrénées et Bourgogne, ces quatre régions représentant une grande diversité des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. L’ensemble des conclusions sera rendu à la mi-janvier et préfigurera la définition de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion.

Concernant la question qui m’a été posée au sujet du mariage et de l’adoption et son impact sur les droits de l’enfant : aujourd’hui, la proportion d’enfants qui vivent dans des familles homoparentales est incertaine, on estime qu’ils sont entre 40 000 et 300 000. Le problème est que s’il arrive quelque chose au parent biologique, le deuxième parent ne bénéficie d’aucune reconnaissance légale, ce qui met l’enfant dans une situation de fragilité juridique. C’est le cas, par exemple, des enfants conçus à l’étranger grâce aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) avec donneur anonyme. Il est donc nécessaire, selon moi, que notre pays se dote des moyens permettant d’assurer la sécurité juridique de ces enfants, ce qui constituerait une mesure d’égalité.

Le problème est d’ailleurs le même pour les familles recomposées. En effet, de plus en plus d’enfants sont élevés par un des deux parents biologiques et par un autre adulte qui n’a aucun droit.

Par conséquent, le débat n’a rien à voir avec l’homosexualité ou l’hétérosexualité. Il doit prendre en compte l’évolution de la composition des familles, qui implique d’assurer la protection juridique de tous ces enfants. La loi sur le mariage et l’adoption des couples homosexuels constitue un premier élément de réponse.

Le débat doit aussi prendre en compte la notion d’éducation de l’enfant. J’attends que l’on me démontre qu’il y a une différence substantielle entre des enfants qui sont élevés par un père et une mère, et des enfants qui sont élevés par une mère seule, par une mère et un beau-père, par deux hommes ou encore par deux femmes. Si l’éducation d’un enfant par un couple classique était la garantie de son bien-être et de son bonheur, à mon avis, cela se saurait. L’enfant doit avoir accès à des biens élémentaires – alimentation, santé –, mais il a aussi besoin de l’affection, de l’amour de ses parents.

Il fut un temps où il ne fallait pas dire à l’enfant qu’il était adopté. Puis les choses ont évolué, et les familles adoptantes sont à présent encouragées à lui dire la vérité. Je dis cela parce que l’enfant a le droit de connaître son histoire et donc les conditions qui ont entouré sa naissance, quelles qu’elles soient. Le droit à l’enfant a-t-il été évoqué lorsque la procréation médicalement assistée a été autorisée pour les couples hétérosexuels infertiles ou lorsqu’on a autorisé l’adoption ? On le voit, ce débat n’a rien à voir avec l’homosexualité des parents.

Le débat n’a rien à voir avec une remise en cause de la civilisation – ce qui renvoie à des considérations religieuses, philosophiques, personnelles. Il s’agit de prendre en compte la diversité des situations familiales car, aujourd’hui, tout le monde demande à bénéficier d’une règle, d’un cadre. Il n’y a rien de déstructurant dans cette approche puisque l’on ne fait pas exploser le mariage et que l’on ne supprime pas le PACS. On est très loin de mai 1968 ! C’est un fait : l’aspiration à entrer dans une norme juridique est très importante chez nos concitoyens.

Je pense que toutes ces questions peuvent être abordées sans tabou puisque toutes ces situations familiales existent déjà. Ce n’est pas la loi qui va les créer. Mais il revient au législateur d’adapter le droit à ces situations. L’enjeu est là.

Dans le cadre du débat sur la loi sur le mariage et l’adoption, aucune revendication n’a été exprimée sur la gestation pour autrui (GPA), même pas par les associations. Je pense qu’aucun débat ne sera ouvert à ce sujet. La seule question a été celle de la non-inscription à l’état civil des enfants nés par GPA de couples hétérosexuels, question que nous ont posée ces derniers.

La PMA est déjà autorisée pour les couples mariés et les couples pacsés. En revanche, l’adoption est autorisée pour les célibataires et les couples mariés, mais ne l’est pas pour les couples pacsés. Le code civil est ainsi fait qu’il aboutit à certaines incohérences.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je pense que si la PMA était autorisée pour les couples homosexuels, cela ne risquerait pas, au regard du risque de discrimination entre les couples femmes et les couples hommes, d’aboutir à des demandes de GPA puisque celle-ci est interdite en France.

Mme Maud Olivier. L’État va-t-il créer un service public de la petite enfance ?

Mme la ministre. Nous travaillons actuellement à la définition des missions de service public de la petite enfance qui devront tenir compte, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, de la spécificité des territoires.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Une réflexion est-elle menée sur le congé de maternité, dont la durée varie au sein des pays européens, et sur le partage du congé parental ? Il faut noter que la Suède, souvent prise en exemple, est loin d’avoir abouti aux résultats escomptés.

Mme la ministre. Ces sujets doivent, certes, faire l’objet d’une réflexion, mais ne sont pas prioritaires. Pour le Gouvernement, la priorité est le développement des modes d’accueil et la possibilité d’offrir à chaque famille une place pour ses enfants, afin que les femmes aient le choix de travailler ou pas.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le commerce notamment, les femmes de retour d’un congé de maternité ont parfois des difficultés à se réinsérer. Certains patrons considèrent la maternité comme un handicap, et poussent ces femmes à occuper un poste qu’elles ne peuvent pas assumer ou les mettent au placard, au point que certaines d’entre elles en viennent à démissionner.

Mme la ministre. D’où la nécessité de développer les chartes de la parentalité en entreprise, dont j’ai parlé tout à l’heure.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Ce pourrait même être des chartes interentreprises, comme à Lyon.

Les crèches à horaires différés sont également intéressantes. Néanmoins, la création de crèches ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre est-elle une nécessité ? Hormis les professions qui exigent de travailler la nuit – infirmières, pompiers, etc. –, d’autres métiers, comme vendeuses ou caissières dans des magasins parisiens, demandent une présence jusqu’à vingt et une heure, vingt-deux heures, voire vingt-trois heures comme Monoprix. Doit-on suivre la demande des entreprises et accompagner les parents jusqu’au bout dans cette dérégulation ?

Mme la ministre. Le travail à partir des territoires est important. À Toulouse, une crèche fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures et sept jours sur sept, mais fixe des critères pour l’attribution des places. Elle accueille, par exemple, un enfant élevé par une jeune maman seule qui travaille dans une maison de retraite plusieurs jours par semaine, y compris le samedi et le dimanche.

Dans la consultation citoyenne qui se déroule en Midi-Pyrénées, une maman domiciliée loin de Toulouse et occupant un emploi de nuit très qualifié à la SNCF a expliqué qu’elle n’avait trouvé aucune structure qui puisse garder son enfant la nuit, son mari exerçant le même métier. Elle a négocié avec son employeur, mais a dû finalement accepter un travail de jour moins qualifié.

On le voit : dans certains cas, la crèche de nuit a une vraie pertinence car elle permet à des femmes de travailler, les critères d’accueil entrant en ligne de compte. Cela étant dit, les enfants qui ont besoin d’être gardés toute la nuit sont très rares ; il s’agit plutôt d’enfants qui doivent l’être jusqu’à minuit ou très tôt le matin.

Mme Martine Faure. Certaines assistantes maternelles accueillent les enfants à partir de cinq heures du matin.

Mme Ségolène Neuville. Le temps domestique est également un facteur qui entrave le travail des femmes. Or les statistiques montrent que le temps domestique des hommes a peu augmenté au cours des vingt-cinq dernières années. Selon l’Observatoire de la parité, dans un couple français moyen avec un enfant, la femme accomplit en une semaine vingt heures de travail rémunéré et trente-quatre heures de travail non rémunéré, alors que l’homme effectue respectivement trente-trois heures et dix-huit heures de travail.

Que peut faire un ministre de la Famille pour lutter contre ce phénomène ?

Mme la ministre. Il n’est pas étonnant que la maternité soit de plus en plus tardive. Mais pour répondre à cette dernière question, je dirai qu’il faut engager un travail sur les mentalités, en particulier combattre les stéréotypes, et ce le plus tôt possible, c’est-à-dire à la crèche et à l’école. Certes, beaucoup de jeunes pères s’occupent de leur enfant – le nourrissent, le changent, etc. –, mais il reste encore beaucoup à faire. Il faut lutter contre les représentations inégalitaires des rôles respectifs des femmes et des hommes. C’est d’ailleurs pourquoi l’accueil des pères est fondamental dans les crèches.

Mme Maud Olivier. Selon les statistiques, après un divorce, l’homme retrouve très rapidement une compagne, alors que la femme décide le plus souvent de rester seule. En fait, les hommes seuls sont perdus, notamment au regard des tâches ménagères, et préfèrent retrouver une compagne assez vite.

Mme Martine Faure. De la même façon, les veufs restent moins longtemps seuls que les veuves.

Mme la ministre. Dans les maisons de retraite que j’ai visitées en tant que maire d’arrondissement, les femmes, même très âgées, restent soignées alors que souvent les hommes deviennent plus négligents ! J’ai donc suggéré à certaines directrices de maison de retraite d’organiser des actions autour de l’entretien de soi. Sur ce plan-là aussi, il faut travailler sur les stéréotypes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les tâches domestiques représentent plusieurs milliards d’heures et pèsent dans le produit intérieur brut (PIB). Une réflexion est-elle menée sur la valorisation du temps domestique ?

Mme la ministre. Peut-être le Centre d’analyse stratégique l’a-t-il fait ; il faudrait vérifier. Une réflexion sur le sujet serait certainement utile.

Ce qui est fondamental, c’est l’égalité professionnelle. Le combat est là.

Mme Ségolène Neuville. Certes, mais ce qui entrave l’égalité professionnelle, c’est la maternité. Pour preuve, en Allemagne, où les modes de garde collectifs sont très rares, 30 % des femmes nées en 1965 n’ont pas d’enfant.

Mme la ministre. Les mœurs de la société allemande exigent de la femme qu’elle élève elle-même son enfant.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Aux Pays-Bas, où les femmes travaillent peu, il est inconcevable – la religion y est certainement pour quelque chose – que la mère n’aille pas chercher elle-même son enfant à l’école, y compris à midi car il n’y a pas de cantine scolaire.

Aujourd’hui, deux, trois, voire quatre générations peuvent cohabiter. Y a-t-il une réflexion en la matière ? Des études sont-elles conduites sur les familles recomposées, en particulier au regard du statut des beaux-parents et de la situation des enfants qui ne voient qu’un seul de leurs parents ?

Mme Martine Faure. En France, les femmes sont majoritaires à s’occuper de leurs parents âgés et souvent malades. Elles assument à la fois leur emploi et cette responsabilité familiale.

Mme la ministre. Encore une fois, le soutien à la parentalité est primordial. Je pense d’ailleurs que, dans un avenir proche, les parents demanderont un service public de la parentalité.

La maison des adolescents à Toulouse, que j’ai visitée, accueille aussi bien des mères et des grands-mères, autrement dit plusieurs générations, y compris de milieux très favorisés. Il s’y exprime une demande très importante de soutien à la parentalité.

Aujourd’hui, nous sommes confrontés au problème des « enfants carte bleue » : ils ne manquent de rien, sauf du lien affectif avec leurs parents qui ne s’occupent pas assez d’eux. C’est encore la preuve que des mutations sont en train de s’opérer. C’est pourquoi, de la même façon que nous devons définir les missions de service public de la petite enfance, nous devrons travailler à la définition des missions de service public d’aide à la parentalité pour répondre à toutes les demandes. En effet, aujourd’hui, quel que soit leur milieu social, certains parents sont désemparés et un certain nombre d’enfants ont besoin de retrouver une écoute, une parole.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans les communes périurbaines, l’accueil de la petite enfance est assuré, mais pas celui des préadolescents et adolescents, pour lesquels d’ailleurs la CAF s’est désengagée. J’ai récemment participé à l’inauguration d’un centre d’accueil pour la petite enfance dans une commune, laquelle dispose également de deux pièces destinées aux préadolescents et adolescents, mais pour lesquels elle ne sait pas encore ce qui pourrait être organisé.

Aujourd’hui, un certain nombre de pères divorcés ont de grandes difficultés à préserver le lien avec leurs enfants. Les juges accordent le plus souvent la garde des enfants à la mère, si bien que des associations de défense des pères existent. J’ai même reçu des pétitions de pères à ce sujet. Comment améliorer la situation de nombreux parents divorcés ?

Mme la ministre. Les maisons des adolescents sont très hétérogènes. Certaines sont très médicalisées – on y traite l’anorexie, l’addiction aux drogues, etc. –, d’autres sont des lieux d’écoute et de parole où des spécialistes apportent une aide psychologique et donnent des conseils juridiques. Là aussi, il faudra définir le type de maison des adolescents dont les grandes villes devraient se doter, parce que cela correspond à une vraie nécessité, pour les adolescents comme pour les parents.

Il faut entamer une vraie discussion avec le juge aux affaires familiales, car la notion de lien entre les pères et leurs enfants est à repenser au regard de l’évolution de la nature des familles. La position de la justice française n’est pas de rompre le lien entre un enfant et ses parents, et pourtant des enfants sont en difficulté.

C’est encore la preuve que l’explosion des modèles familiaux conduit nos concitoyens à nous demander de respecter leur choix individuel, mais aussi de leur apporter une sécurisation, ce qui n’est pas toujours simple.

Mme Ségolène Neuville. L’âge de la première grossesse augmente dans les couches sociales les plus favorisées, alors que dans les milieux défavorisés, on assiste toujours à des grossesses précoces, voire extrêmement précoces. Dans les Pyrénées orientales, dont je suis élue, les jeunes filles issues de la communauté gitane ont des enfants dès douze ou treize ans. Bien sûr, l’appartenance culturelle est une explication, mais dans d’autres milieux défavorisés, les jeunes femmes sont enceintes dès dix-huit ou dix-neuf ans. Quand on les interroge, elles nous expliquent qu’elles acquièrent le statut d’une personne respectable à partir du moment où elles sont mères. D’où l’éternelle question : une femme ne devient-elle respectable, un humain à partir entière, qu’à partir du moment où elle est mère ? Comment la ministre de la Famille peut-elle agir en la matière ?

Mme la ministre. La contraception est un acquis pour certaines générations, mais son utilisation régresse chez les jeunes – j’ai même entendu des jeunes filles exprimer leur méfiance au regard de sa nocivité pour leur santé.

Je pense qu’une campagne devrait être menée, en particulier pour mieux informer sur l’existence du Pass’contraception et sur l’anonymat, qui sont des éléments fondamentaux pour l’accès des jeunes filles à la contraception.

Je crois également qu’un travail devrait être conduit au niveau de l’Éducation nationale. Autrefois, la présence des infirmières et des assistantes sociales dans les collèges et les lycées pouvait être un recours, car ce n’est pas avec un professeur qu’un jeune a envie d’aborder ces questions.

S’agissant des grossesses précoces, la question est de savoir comment on entre en contact avec ces familles, comment on contribue à une prise de conscience. C’est une question très difficile.

En tout état de cause, l’accès à la contraception n’est pas si évident qu’on le croit, y compris en termes d’information.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les médecins eux-mêmes ont tendance à ne pas proposer toutes les formes de contraception qui existent.

Mme la ministre. C’est vrai.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, madame la ministre. Nous constatons qu’il existe beaucoup de chantiers à mener sur ces questions, qui touchent profondément nos concitoyens tant dans leur vie privée que professionnelle.

Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur les enjeux de la réforme du système des retraites au regard de la situation des femmes

Compte rendu de l’audition du mardi 18 juin 2013

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous auditionnons pour la troisième fois Mme Najat Vallaud-Belkacem, qui nous parlera aujourd’hui d’un sujet qui intéresse l’ensemble des Français, et tout particulièrement les femmes. La Délégation aux droits des femmes – je le dis en présence de Mme Marie-Jo Zimmermann, son ancienne présidente, qui a présenté en 2011 un rapport sur le sujet – s’est toujours préoccupée de l’injustice qui est faite aux femmes au moment de la retraite.

À la différence de ce qui s’est passé en 2010, la situation des femmes a été évoquée dès que l’on a décidé d’examiner à nouveau l’avenir des retraites. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cette situation est connue de tous : l’inégalité des retraites des femmes perdure dans notre pays, en dépit des réformes de 1993, 2003 et 2010. En 2011, hors réversion, les retraites atteignaient en moyenne 932 euros par mois pour les femmes, contre 1 603 euros pour les hommes. Le différentiel est toujours de 40 à 50 % – suivant ce que l’on inclut dans la notion de retraite – et il progresse au fil des générations.

L’activité féminine augmentant, on pouvait imaginer qu’au fur et à mesure des années, les retraites des femmes rejoindraient celles des hommes. Mais il se trouve que des obstacles s’opposent à cette évolution. Le principal est la multiplication, à partir des années quatre-vingt-dix, des temps partiels, à l’origine de carrières hachées et incomplètes. Un autre est le fait que certaines femmes arrêtent leur carrière pour s’occuper de leurs enfants. Ces deux phénomènes font qu’aujourd’hui les femmes continuent à avoir des retraites beaucoup plus faibles que celles des hommes.

Je vous poserai deux questions. Que fait-on pour assurer une vie décente aux femmes qui ont une toute petite retraite ? Que fait-on pour stopper l’aggravation des inégalités en matière de retraite ?

M. Raphaël Hadas-Lebel est venu nous présenter le rapport 2013 du Conseil d’orientation des retraites (COR). Mme Yannick Moreau, quant à elle, vient de remettre le sien au Premier ministre. J’aurais aimé que ce dernier rapport soit un peu plus étoffé sur la situation des femmes.

Madame la ministre, nous avons compris que la méthode employée serait différente de celle de 2010, dans la mesure où une grande place sera faite – avant que le texte n’arrive au Parlement – à la négociation qui a été engagée avec les partenaires sociaux. Mais selon vous, à quel moment, par rapport à cette négociation, le Parlement devra-t-il intervenir ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, en n’intégrant pas, dès le départ, dans une réforme des retraites, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, on court le risque, non seulement de conforter, mais encore d’aggraver les inégalités. À l’inverse, si l’on fait de l’égalité entre les hommes et les femmes un objectif de cette réforme, on pourra progresser. En effet, il y a peu de domaines dans lesquels on arrive à réduire de façon aussi évidente les inégalités. Nous avons donc une occasion en or devant nous.

En outre, les décisions que l’on est amené à prendre pour procéder à une réforme des retraites se construisent un peu comme un Lego, bloc par bloc. Si l’on attend d’avoir construit chaque bloc du Lego avant de poser la question de l’égalité, on aura laissé passer cette occasion.

Enfin, les décisions qui conduisent à modifier les règles de calcul de la pension, c’est-à-dire la manière dont on traduit la carrière en droits à la retraite, peuvent peser différemment sur les femmes et sur les hommes. De fait, les carrières des femmes ne sont pas encore tout à fait les mêmes que celles des hommes – par exemple, elles sont souvent moins continues. C’est une raison supplémentaire pour que nous abordions cette question de l’égalité hommes/femmes dès le début de notre réflexion sur la réforme des retraites.

Pour mon ministère, vous imaginez bien que c’est un sujet majeur. Il y a quelques mois, nous avons lancé la campagne Léa, une campagne de communication télévisée dans laquelle on faisait reprendre conscience aux Français de l’ampleur des inégalités existant entre les hommes et les femmes : inégalités professionnelles, inégalités dans la répartition des tâches domestiques, et inégalités de retraite.

Aujourd’hui, pour compléter ce que disait Mme la présidente, les hommes retraités perçoivent, en moyenne, chaque mois, une retraite de 1 749 euros, et les femmes, de 1 165 euros, soit un écart d’un tiers. Et près de 700 000 femmes de plus de soixante-cinq ans vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.

Le faible niveau de retraite des femmes est le résultat de parcours professionnels hachés, interrompus et d’un accès limité au marché du travail dans les années cinquante et soixante. Ces parcours discontinus les conduisent à devoir attendre très souvent l’âge limite pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Les droits acquis en matière de retraite sont étroitement liés aux carrières professionnelles, à l’importance des interruptions de carrières, des emplois occupés et des salaires perçus. Par définition, davantage d’interruptions de carrière, de temps partiels, de petits salaires et de précarité génère mécaniquement, pour les femmes, des droits à la retraite plus faibles.

Certes, on nous objectera que l’activité des femmes, ces dernières décennies, n’est pas celle des femmes des années cinquante, qu’elle s’est considérablement développée, que leurs parcours professionnels sont moins hachés, que les postes qu’elles occupent aujourd’hui sont sans commune mesure avec ceux qu’elles occupaient dans les années soixante-dix, qu’elles sont formées, qualifiées – leurs résultats scolaires sont d’ailleurs meilleurs que ceux des garçons – et que certaines d’entre elles exercent de hautes responsabilités. Pour autant, sur le marché du travail, les inégalités demeurent entre les femmes et les hommes. Et si on ne change rien à ces inégalités professionnelles et salariales, elles deviendront demain des inégalités de pensions de retraite. De fait, les inégalités de retraite sont un condensé des inégalités de rémunération et de carrière sur le marché du travail.

Dans un système contributif comme le nôtre, si l’on veut corriger ces inégalités primaires, il faut conduire une politique de discrimination positive. Il s’agit en effet de compenser, une fois arrivé l’âge de la retraite, les inégalités que l’on n’a pas pu attaquer à la racine. Voilà pourquoi il est important de fixer au régime de retraite de base un objectif de réduction des inégalités de pensions de retraite entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, il y a à peu près un tiers de différence entre la retraite des femmes et celle des hommes. Le COR a montré que ces écarts ne se résorberont pas spontanément. Par exemple, en 2040, pour la génération née dans les années soixante-dix, l’écart devrait rester de 20 %.

Pour autant, ce serait une erreur de vouloir compenser, par les régimes de retraite, l’intégralité de l’écart. Si nous voulons être rationnels, nous devons également faire en sorte d’intervenir sur les causes. Voilà pourquoi la stratégie que je vous propose pour tenter de faire disparaître, à l’horizon 2040, cet écart de 20 %, repose sur trois piliers.

Premier pilier : il s’agit d’annuler les inégalités de rémunération pendant que les hommes et les femmes sont sur le marché du travail – en particulier les inégalités de rémunération à temps de travail égal.

Pour ce faire, nous appliquons la loi sur l’égalité professionnelle, procédure de contrôle sur les entreprises, prise de sanctions ; on a assisté à la multiplication des plans d’action au cours de ces derniers mois.

Mais la loi de sécurisation de l’emploi, en luttant contre les effets néfastes du petit temps partiel – seuil minimum de 24 heures hebdomadaires, majoration de 10 % dès la première heure complémentaire – contribue elle aussi à la réduction des inégalités de rémunération.

Les politiques que nous menons pour briser, petit à petit, le plafond de verre qui subsiste dans les entreprises, vont également dans le bon sens. Par exemple, nous publierons désormais chaque année le taux de féminisation des comités directeurs des grandes entreprises pour inciter ces dernières – qui tiennent à préserver leur image de marque – à évoluer en la matière.

De même, la mise en place d’un plan crèche ou, plus globalement, les mesures visant à améliorer l’accueil de la petite enfance – le Premier ministre a récemment annoncé la création de 275 000 places – éviteront aux mères de jeunes enfants de devoir interrompre leur carrière.

Toutes ces politiques visant à réduire les inégalités de parcours et de rémunération seront complétées demain par l’accord sur la question de l’égalité professionnelle et de la qualité de vie au travail. Cet accord est très important parce qu’il a vocation à assurer l’effectivité des droits résultant des lois Roudy et Génisson. Une fois que les partenaires sociaux auront conclu cet accord, et j’espère qu’il sera conclu, on en tirera les conséquences dans le projet de loi global sur l’égalité entre les hommes et les femmes que j’ai l’intention de vous présenter.

Deuxième pilier : il s’agit, cette fois, d’aller encore plus loin sur la question du temps partiel, même si l’Accord national interprofessionnel ou ANI, devenu loi de sécurisation de l’emploi, en avait déjà traité. Pour en avoir discuté avec vous, je sais que votre délégation a pris cette question à bras-le-corps.

Comment renforcer les droits sociaux des salariés à temps partiel – qui, à 80 %, sont des femmes ? Je me souviens que vous aviez proposé que l’on rende enfin effectives les dispositions de l’article L. 241-3-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit la possibilité de la prise en charge, par l’employeur, des cotisations patronales additionnelles sur la base d’un temps plein, lorsque le salarié à temps partiel en fait la demande. Ces dispositions, qui datent de plusieurs années, ne sont quasiment jamais appliquées. Il faudrait faire en sorte que le sujet soit plus largement abordé dans le cadre des négociations annuelles sur l’égalité. Nous devrons y réfléchir.

Mme Yannick Moreau, dans son rapport, propose des pistes de travail intéressantes, pour mieux prendre en compte les carrières heurtées et celles des assurés à temps très partiel. Par exemple, vous savez qu’aujourd’hui, en dessous de 200 heures travaillées par trimestre, le trimestre n’est pas comptabilisé pour les droits à retraite. Selon ce rapport, ces heures qui donnent lieu à cotisation pourraient être totalisées en fin de carrière pour valider des trimestres supplémentaires utiles en cas d’années incomplètes. La limite serait de quatre trimestres par an, mais cela signifie que ces heures seraient enfin comptabilisées. C’est un sujet sur lequel je serai heureuse de vous entendre.

Troisième pilier de cette stratégie : réduire les inégalités au moment de la retraite. De ce point de vue, la réforme que l’on s’apprête à adopter constitue, je le redis, une opportunité extraordinaire. Je sais que Mme Marisol Touraine, qui en assure la responsabilité, y est extrêmement sensible.

Un certain nombre de pistes ont été proposées par Mme Yannick Moreau dans son rapport. Mais que les choses soient claires : aujourd’hui, aucune décision n’a été prise. La concertation débute jeudi par la Conférence sociale et durera jusqu’au mois de septembre.

Pour autant, je vous propose de revenir sur ce que pourraient être les objectifs de ce troisième pilier.

L’essentiel des efforts doivent porter sur les moyens de compenser la pénalité que subissent les femmes au moment des naissances, la Child Penalty. On pense en effet que celle-ci expliquerait quelque 10 % des écarts de salaires entre les femmes et les hommes. On manque de données pour évaluer son impact en matière de retraites. Voilà pourquoi j’ai demandé à l’Institut des politiques publiques, avec lequel nous avons passé une convention-cadre, de réaliser une étude approfondie sur cette question. Cette étude, qui dure depuis plusieurs mois, est sur le point d’être finalisée. Elle m’a semblé prometteuse, et je vous suggère d’auditionner ses auteurs.

Nous pensons par ailleurs que cette réforme des retraites doit être l’occasion de s’interroger sur les droits familiaux et conjugaux. Ceux-ci permettent de réduire un certain nombre d’inégalités qui découlent automatiquement du marché du travail et de la répartition inégale des responsabilités parentales. Mais ces droits sont assez peu lisibles et le rapport Moreau souligne qu’ils sont à l’origine d’un certain nombre de situations d’iniquité.

Ces droits recouvrent trois mécanismes différents : les bonifications de pension, les majorations de durée d’assurance, et l’assurance vieillesse des parents au foyer ou AVPF. Il faut reconnaître que ces trois droits cumulatifs contribuent aujourd’hui à réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. Ils représentent même une part significative des droits à retraite des femmes qui ont liquidé leur pension, en 2010, au régime général.

Mais vous aurez sans doute remarqué que je parle de « droits familiaux » et non d’« avantages familiaux », qui est le vocabulaire habituellement utilisé. Je le fais sciemment, parce que je pense que le choix des mots a son importance. Ces trois mécanismes ne sont pas tant des avantages que des moyens de compenser, au moins en partie, au moment de la retraite, le manque à gagner lié au poids que font peser les enfants sur la carrière des femmes.

Certes, les parcours des femmes qui vont partir à la retraite demain ne seront pas les mêmes que ceux de leurs aînées. Elles sont en effet plus actives. En revanche, elles travaillent beaucoup plus souvent à temps partiel – 30 % des femmes actives sont aujourd’hui à temps partiel. Les écarts en termes de durée de validation, qui sont aujourd’hui importants, devraient se réduire très sensiblement. Mais ce sont les écarts de salaire – dans la mesure où ils intègrent, notamment, les effets du temps partiel – qui seront demain la cause principale des écarts de pension.

Le COR a fait des projections qui lui permettent de dire qu’à partir de 2020, l’écart entre les durées d’assurance moyenne des hommes et des femmes se réduirait à environ deux trimestres seulement et que l’écart entre les âges moyens de départ à la retraite des hommes et des femmes disparaîtrait progressivement. Restent les écarts de salaires.

Le premier des droits familiaux est la majoration de durée d’assurance, ou MDA, qui représente aujourd’hui environ 5 milliards. Son impact est réel, puisque le gain moyen de pension, sur l’ensemble des femmes, est estimé à environ 12 %. Ce mécanisme permet d’augmenter la durée d’assurance pour les mères, mais elle ne compense pas du tout la moindre progression salariale ou le fait d’être passée à temps partiel.

Par ailleurs, elle a un effet négatif sur le travail des femmes dans la mesure où celles qui ont connu peu d’interruptions de carrière entrent plus vite, vers la fin de leur vie active, dans la zone de surcote, et sont, de ce fait, « désincitées » à continuer à travailler.

Nous nous interrogeons donc sur la cible et sur les effets pervers de ce mécanisme de MDA.

Le deuxième des droits familiaux est l’assurance vieillesse des parents au foyer, ou AVPF, accordée aux bénéficiaires de certaines prestations familiales – notamment le complément de libre choix d’activité, ou CLCA, et le complément familial – sous conditions de ressources. Elle permet de valider des trimestres, par le rapport au compte du salarié, au régime général, d’un salaire mensuel équivalent au SMIC. Ce dispositif coûte environ 4,5 milliards d’euros à la CNAF. Il est toujours en phase de montée en charge, mais on considère qu’il a concerné un peu moins de 50 % des femmes qui sont parties en retraite en 2010.

Le troisième de ces droits familiaux est constitué par les bonifications de pension. Le dispositif en est très simple, puisqu’il consiste à majorer de 10 % la pension des parents de trois enfants et plus. On estime qu’il coûte aujourd’hui un peu moins de 6 milliards d’euros et qu’il devrait en coûter 10 milliards en 2040. Le problème est qu’il profite, de fait, davantage aux hommes qu’aux femmes. En effet, cette majoration est proportionnelle au salaire et donc proportionnelle à la pension, et avantage ceux qui ont les pensions les plus élevées – les hommes.

Ainsi, ces droits familiaux tendent à favoriser les pensions les plus élevées et accentuent, dans une certaine mesure, les inégalités – c’est le cas de la bonification de pension. Par ailleurs, ils privilégient très clairement la durée d’assurance sur le montant de la pension – c’est le cas de la MDA.

En conclusion, ce système est complexe, onéreux et parfois inadapté. Comment aménager ces dispositifs autour d’objectifs plus clairs, tout en veillant à ce que le système soit globalement efficace ? C’est un des sujets essentiels de la concertation qui va s’ouvrir. Mais j’accueillerai vos propositions avec beaucoup de soin.

Je voudrais terminer sur les pensions de réversion, qui bénéficient en très grande majorité aux femmes ; 90 % de ses bénéficiaires sont en effet des femmes. Ces pensions de réversion représentaient en 2010 une dépense annuelle, tous régimes confondus, de plus de 30 milliards d’euros. Il ne s’agit pas de les remettre en cause, mais de voir si elles sont adaptées aux changements sociétaux de notre pays, où il y a de plus en plus de divorces et de couples qui ne se marient jamais.

L’idée même des droits dérivés s’était imposée dans une société où le mariage était la forme prédominante de la vie en couple. La pension de réversion permettait d’éviter qu’en raison de la faiblesse des droits acquis par la femme au cours de sa vie professionnelle – faiblesse liée à la répartition inégalitaire des rôles au sein du couple –, celle-ci voie son niveau de vie chuter au décès de son conjoint. D’une certaine façon, la dépendance financière de celle-ci se trouvait compensée par la solidarité du couple au-delà même du décès de son conjoint.

Le problème est que le modèle sur lequel a été bâtie la pension de réversion n’est plus le modèle dominant et que les femmes qui se retrouveront seules au moment de leur retraite seront autant, voire davantage des femmes célibataires ou divorcées que des femmes veuves. Cela doit nous amener à chercher à renforcer plutôt les droits propres des femmes que les droits dérivés.

Je tiens à vous donner l’exemple, pour moi très parlant, d’une de mes administrées : son mari gagnant bien sa vie, elle arrête de travailler pour élever ses enfants. Le couple divorce. Elle se retrouve dans une situation précaire et ne touchera rien pendant des années, malgré les efforts qu’elle a fournis pendant sa vie de couple. Elle ne touchera une pension de réversion que très tardivement, lorsqu’elle partira elle-même à la retraite, et lorsque son ex-conjoint sera décédé. Et si cet ex-conjoint s’est remarié, le montant de la pension de réversion sera divisé entre les épouses successives.

Nous pouvons chercher des pistes à l’étranger. Il se trouve qu’en Allemagne, les droits à la retraite sont partagés au moment du divorce – c’est le splinting. Mais ce dispositif est difficile à appliquer à notre système de retraite, qui n’est pas un système à points et qui ne permet pas de calculer en temps réel, au cours de la carrière, les droits qui ont été acquis.

En conclusion, même si on peut commencer à y réfléchir, la question de la pension de réversion ne se résoudra que sur le long terme. En revanche, nous avons dès maintenant la capacité d’agir sur les droits familiaux. En en réorientant les masses financières, qui sont assez importantes, nous pourrions déjà résoudre certains problèmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre, je vous remercie pour la façon dont vous avez posé les questions, auxquelles nous n’avons plus qu’à répondre.

Comme vous l’avez dit, le système des droits familiaux pèche par son opacité, sa complexité et parfois, par une certaine iniquité. Mais le système des retraites, qui ne se limite pas au régime de base du secteur privé, est lui-même très complexe. En outre, les femmes ne connaissent souvent leurs droits à la retraite – et donc ce qu’elles vont toucher – qu’au moment où elles y arrivent. C’est alors que se profilent des situations souvent dramatiques.

Le rapport Moreau préconise deux solutions pour réformer les droits familiaux : l’une radicale, et l’autre à évolution lente. Va-t-on vers une refonte complète de ces droits ? Celle-ci se justifierait, pour des raisons de justice. Mais elle risque de prendre du temps, car pour mener une telle réforme, il faudra faire des études d’impact.

Par ailleurs, vous n’avez pas abordé le sujet du report à soixante-sept ans du départ à la retraite, que l’on justifie par une plus grande longévité. Certes, au sortir de la guerre, on n’imaginait pas vivre aussi longtemps. À ce propos, si les femmes ont une plus grande longévité que les hommes, elles vivent moins longtemps en bonne santé que ceux-ci.

Cette mesure est particulièrement injuste pour les femmes qui seront les plus nombreuses à devoir attendre soixante-sept ans pour partir en retraite avec un taux plein, du fait de l’allongement progressif de la durée de cotisation. Ne pourrait-on pas revenir à soixante-cinq ans ? Bien sûr, je suis consciente que l’enjeu de la prochaine réforme est d’éviter que nous ne nous retrouvions en 2020 avec un déficit de 20 milliards. Mais on voit mal comment certaines femmes pourraient travailler jusqu’à soixante-sept ans. Un accord sur la qualité de vie au travail, nous avez-vous dit, est sur le point d’être signé. Je m’en réjouis, mais je remarque que certains métiers, majoritairement occupés par des femmes, ne sont pas considérés comme pénibles. Dans les EHPAD, dans les crèches, dans les maisons de santé, les femmes qui vieillissent connaissent des problèmes musculaires. Elles n’effectuent pas un travail de force comme sur les chantiers, mais ces métiers n’en sont pas moins usants. Ces sujets-là sont encore à étudier.

Mme Édith Gueugneau. J’observe que pour éviter les inégalités de retraite, il faudrait déjà que l’on puisse permettre aux femmes d’occuper des temps pleins. Or on leur propose le plus souvent des temps partiels, notamment dans le secteur des services à la personne. Ce secteur crée certes de l’emploi pour les femmes, mais pas à temps plein.

Madame la ministre, je voudrais savoir quel outil nous pourrions mettre en place pour lutter contre les inégalités salariales.

Je remarque par ailleurs que les basses pensions mériteraient d’être revalorisées. Certaines sont en effet inférieures au seuil de pauvreté, ce qui est préoccupant. Par exemple, les femmes d’artisans ou d’agriculteurs qui ont travaillé avec leur conjoint ne touchent qu’une retraite de 350 ou de 400 euros.

Enfin, si les femmes arrêtent de travailler, c’est parce leur salaire n’est pas assez élevé pour que ce soit rentable. Lorsqu’elles travaillent à temps partiel, les entreprises pourraient payer une surcotisation. Mais elles ne le font pratiquement jamais. Comment les y obliger ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. Je vous remercie, Madame la ministre, d’aborder devant la Délégation cette question de la retraite des femmes. Vous avez eu raison de distinguer la génération des femmes nées dans les années soixante-dix, dont la situation se sera sans aucun doute améliorée, au moment de la retraite, des générations précédentes. Je vous félicite également des efforts que vous déployez pour faire appliquer la loi sur l’égalité professionnelle. Sous la menace d’une sanction, les entreprises comprendront rapidement où est leur intérêt.

Vous proposez d’agir sur les droits familiaux. Certes, comme l’a fait remarquer Mme la présidente, le système est complexe et les situations multiples. Mais si le principe est posé et qu’on a la volonté politique nécessaire, on trouvera des solutions. C’est un espoir pour ces générations nées avant les années soixante-dix, dont la situation m’inquiète beaucoup.

Enfin, le sort des salariés à temps partiel a toujours été l’une de mes grandes préoccupations. Comme je l’ai dit à la délégation, la loi sur la sécurisation du travail, prise après la conclusion de l’ANI, aurait pu aller plus loin en matière de temps partiel, notamment en faveur des femmes. Voilà pourquoi il me semble absolument nécessaire, dans cette loi sur les retraites, de s’intéresser au temps partiel.

Mme Cécile Untermaier. Madame la ministre, comme tout un chacun, j’assure des permanences dans ma circonscription. Nous y recevons des femmes d’exploitants agricoles ou d’artisans qui se trouvent dans des situations telles qu’on ne sait pas comment leur répondre. Nous rencontrons également des femmes qui dépendent de plusieurs régimes, qui ne connaissent pas ce que sera leur future retraite et qui constatent, au moment où elles s’arrêtent de travailler, que tel régime ou tel dispositif aurait été beaucoup plus intéressant. Pour que ces femmes ne soient pas surprises par le niveau de leur retraite ou par le mode de calcul, nous avons un gros effort d’information à faire. Il faut reconnaître aussi que c’est toujours la formule la moins favorable qui leur est appliquée.

Je voudrais par ailleurs vous alerter une nouvelle fois sur le travail dominical. Les lois adoptées en 2008 et 2009 sous la présidence de M. Sarkozy ont abouti à une libéralisation, notamment dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire. Ainsi, désormais, des femmes – qui sont majoritaires dans ces grandes surfaces – travaillent le dimanche au tarif de la semaine. C’est une régression pour ces salariées, aussi bien en termes de rémunération que de qualité de vie. Je compte donc sur notre ministre et sa détermination pour évoquer très sérieusement cette question qui concerne de nombreuses femmes – qui, en outre, travaillent le plus souvent à temps partiel.

Mme Martine Pinville. Madame la ministre, je voulais attirer votre attention sur les femmes âgées immigrées, qui sont arrivées par le biais du regroupement familial, avec un visa de tourisme, ou par d’autres moyens. Parmi elles, certaines ont travaillé, mais peu et sur de très courtes périodes. Elles ont une double peine : celle d’être femmes et celle d’être étrangères. C’est un sujet important, sur lequel nous devons nous pencher.

M. Sébastien Denaja. Madame la ministre, je vous ai entendu avec satisfaction rappeler que l’égalité entre les femmes et les hommes devait être un des objectifs de la réforme des retraites. En effet, cette dernière doit d’abord être une réforme de justice, une réforme pour l’égalité, avant même d’être une réforme comptable. Améliorer le sort des femmes au moment de la retraite est un enjeu positif et mobilisateur. Et, comme l’a rappelé notre collègue, la retraite est le premier sujet de préoccupation des personnes que nous recevons dans nos permanences.

Je voulais saluer également la prise en compte globale de la problématique. Il ne faut pas en en effet se limiter à la période des retraites. En amont de la retraite, il y a le travail des femmes. En aval, il y a la fiscalité applicable aux femmes retraitées. Avez-vous des éléments à nous communiquer sur ce dernier point ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Où en est-on de la suppression de la demi-part fiscale ? L’année dernière, j’avais tenté d’intervenir par amendement sur ce sujet, qui me tient à cœur. En effet, certaines personnes, en raison de cette suppression, peuvent devenir imposables et être soumises à de nouvelles charges dont elles étaient auparavant exonérées.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre, je m’interroge sur le choix fait par François Hollande de prolonger la durée de cotisation plutôt que de reculer l’âge légal de la retraite. Cela pénalisera davantage les femmes qui ont le plus souvent des carrières incomplètes, et donc moins d’années de cotisation. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter l’âge légal de départ à la retraite, en prenant en considération, par exemple, les années consacrées à l’éducation des enfants, lesquelles seraient ainsi davantage valorisées ?

Ensuite, j’ai l’impression qu’il y a une dichotomie entre votre discours, pétri de bonnes intentions – agir à la racine et réduire à la fois la situation de précarité des femmes et les inégalités professionnelles – et les mesures qui ont été récemment mises en œuvre par le Gouvernement. Le taux d’activité des femmes françaises est parmi les plus élevés et le taux de natalité est le plus important d’Europe. Or tout semble fait pour qu’elles préfèrent rester chez elles que de reprendre leur activité professionnelle : baisse du crédit d’impôt pour les emplois à domicile, durcissement des conditions d’attribution de la prestation d’accueil du jeune enfant – PAJE, révision du CLCA, baisse du quotient familial, suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité.

Je me demande donc si l’on pourra continuer à réduire les disparités de pensions entre les femmes et les femmes, et atteindre l’objectif de faire disparaître cet écart de 20 % à l’horizon de 2040.

Mme Monique Orphé. La population de La Réunion est plus jeune que celle de l’hexagone. Nous avons 100 000 seniors, dont le niveau de retraite est très faible. 30 % touchent l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – contre 7 % dans l’hexagone. Comment améliorer le salaire de référence ?

Certaines femmes arrivent à l’âge de la retraite complètement « cassées ». Celles qui travaillent dans les administrations publiques et les collectivités, dans les cantines ou les écoles maternelles, finissent par être atteintes de diverses pathologies comme les troubles musculosquelettiques – TMS – ou le diabète. Mais elles doivent attendre pour partir à la retraite parce qu’elles n’ont pas suffisamment de trimestres. Quand elles partent, elles ne touchent que la moitié de leur salaire. En fin de compte, elles ne gagnent pas plus qu’une personne qui n’aurait jamais travaillé. Ne pourrait-on pas améliorer le taux de liquidation ? Pourrait-on faire en sorte que ces femmes qui connaissent de graves difficultés de santé à 55 ou 60 ans, puissent partir et attendre de toucher une retraite à taux plein à 65 ans ?

Mme la ministre. Madame la présidente, vous vous demandiez si on allait vers une refonte complète des droits familiaux. Le rapport Moreau suggère leur remise à plat, avec création d’une majoration dès le premier enfant, et non plus à partir du troisième, comme c’est le cas pour l’actuelle bonification de pension.

Plus précisément, le schéma qui est proposé s’organise autour de deux mécanismes : d’abord, un dispositif unique de compensation de la réduction d’activité pour enfants, qui serait issu d’une fusion de l’AVPF et de la MDA ; ensuite, la mise en place d’une majoration de pension, qui serait liée à l’accouchement ou à l’adoption, et qui serait issue de la refonte de la bonification de pension pour trois enfants et de la MDA.

La commission Moreau a également envisagé d’autres schémas de réformes plus modestes. On pourrait se contenter, par exemple, de plafonner ou de forfaitiser la majoration de pension pour trois enfants, ou de mettre en place un dispositif de non-cumul entre l’AVPF ou la MDA. Plusieurs pistes ont été lancées.

Pour en avoir discuté, notamment avec Mme Yannick Moreau, je pense que le rapport n’a pas été suffisamment ambitieux en matière de refonte des droits familiaux. La commission n’est d’ailleurs pas allée au bout des simulations que l’on pouvait faire. Il faut donc continuer à travailler sur le sujet. L’Institut des politiques publiques, qui est très avancé dans son travail, est arrivé au constat qu’une remise à plat vraiment ambitieuse des avantages familiaux pourrait permettre de réduire de six points l’écart de pension entre les femmes et les hommes, ce qui conforte mon point de vue.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Aura-t-on le temps de procéder à la refonte des droits familiaux dans le cadre de cette réforme, ou faudra-t-il remettre ce travail à plus tard ?

Mme la ministre. Je souhaite évidemment qu’on le fasse dans le cadre de cette réforme. Le rapport de l’IPP sera rendu public dans les jours qui viennent et sans doute pourrez-vous le recevoir dès la semaine prochaine. Vous serez donc à même de contribuer à ce travail. Madame la présidente, vous vous interrogiez sur le rôle du Parlement. Il est évident que vos propositions sur ce sujet sont très attendues.

Vous m’avez également demandé pourquoi on ne reviendrait pas sur le report à soixante-sept ans de l’âge de départ à la retraite. Que les choses soient claires : je partage l’idée que les mécanismes de décote de 2010 ont pénalisé les femmes. J’ai demandé à Mme Yannick Moreau pourquoi elle n’avait pas chiffré cette éventualité. Elle m’a répondu qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments pour le faire. C’est un sujet que l’on peut en effet regarder de plus près, mais il m’est difficile de vous en dire plus aujourd’hui.

Ensuite, sur le temps partiel, j’avais discuté avec vous d’une mesure qui a été reprise par la commission Moreau, et que je trouve intéressante : un salarié à temps partiel pourrait reporter d’une année sur l’autre les heures excédentaires qui n’ont pas donné lieu à validation de trimestres. Par exemple, une femme qui aurait cotisé 750 heures payées au SMIC validerait trois trimestres, donc trois fois 200 heures. Mais les 150 heures qui resteraient pourraient être reportées pour valider un autre trimestre. Cela augmenterait donc le nombre de trimestres validés.

Je pense qu’il faut aller dans le sens de cette proposition. Pour autant, cela ne résout pas le problème que vous avez été plusieurs à aborder : comment faire en sorte de rendre effective la possibilité laissée, par la loi, aux employeurs de surcotiser ? Nous pourrions au moins essayer d’obtenir que, dans les branches qui n’auraient pas conclu un accord sur les modalités d’organisation du temps partiel comme cela leur est imposé aujourd’hui par l’ANI, cette cotisation équivalent temps plein soit réclamée avec davantage de fermeté. Mais c’est le type de sujet qui sera abordé avec les partenaires sociaux. Nous y reviendrons après la conclusion de l’accord de demain, et je referai le point avec vous.

Mme Gueugneau s’est inquiétée des petites retraites. Là encore, le rapport Moreau fait des propositions intéressantes. On pourrait fixer une règle selon laquelle le montant minimal de la pension de retraite doit être équivalent à 85 % du SMIC pour les carrières complètes. C’est un point que l’on est en train d’étudier, car il faudra aussi s’intéresser aux carrières incomplètes. Ce serait une avancée intéressante.

S’agissant des services à la personne, vous avez tout à fait raison. Nous avons intérêt à ce qu’ils se développent, si ce n’est qu’ils créent par nature des emplois à temps partiel. Mais nous sortons là de la réforme des retraites. Quoi qu’il en soit, j’ai évoqué à plusieurs reprises cette question avec le Premier ministre. Je souhaite vivement que l’on s’attaque de façon ambitieuse au chantier des services à la personne et que l’on en étudie tous les aspects.

Les services à la personne libèrent certaines femmes : en déléguant un certain nombre de tâches domestiques, elles peuvent travailler. Mais nous devons nous préoccuper de ceux qui exercent ces tâches, et qui sont principalement des femmes. Or nous n’avons peut-être pas suffisamment travaillé sur la qualité de ces emplois – exercés souvent au domicile de l’employeur. L’un des réponses est la création de filières, mais aussi la professionnalisation des salariés. J’ai souhaité m’impliquer dans ce chantier des services à la personne, qui représentent un gisement d’emplois qu’il ne faut pas négliger. Vous en aurez des nouvelles assez prochainement.

Je pense avoir répondu à Mme Zimmermann à propos des droits familiaux. Et je suis d’accord avec elle : l’idéal serait d’aller plus loin que la loi de sécurisation de l’emploi, s’agissant du temps partiel.

Je répondrai à Mme Untermaier que le sujet des polypensionnés figure dans les priorités du rapport Moreau. La logique proposée consisterait à créer une passerelle entre les règles du régime général et celles des régimes spéciaux. C’est un sujet essentiel, qui concerne très souvent des femmes. Mais nous n’en sommes encore qu’au stade de la réflexion.

Je lui répondrai également que le non-travail le dimanche doit rester la règle. Les conditions de travail et de rémunération qui sont faites aux femmes qui travaillent le dimanche, notamment dans les grandes surfaces, nous incitent à rester sur ce principe.

Mme Pinville m’a interrogée sur les femmes âgées immigrées. Nous étudions cette question dans le cadre des conventions bilatérales que nous réactualisons avec un certain nombre de pays concernés, notamment en Afrique du Nord. La question du statut et des conditions de vie des personnes âgées fait partie des sujets traités. Si vous le voulez, nous pourrons en reparler. J’aimerais que vous travailliez avec nous sur le sujet.

M. Denaja m’a interrogée sur la fiscalité appliquée aux veuves retraitées – la demi-part fiscale. Nous abordons ce sujet sous l’angle de la réduction de la pauvreté. Je vous l’ai dit, 700 000 femmes se trouvent sous le seuil de pauvreté, une fois arrivées à l’âge de la retraite. Mais la demi-part fiscale attribuée aux veuves peut aussi être considérée comme une niche fiscale. Nous allons nous en préoccuper.

Mme Gueugneau s’est inquiétée de la situation des conjoints collaborateurs. Il se trouve que la France a transposé la directive européenne de 2010, qui pose le principe d’égalité de traitement. Par ailleurs, certaines dispositions du futur projet de loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes concerneront les congés de maternité et paternité. Mais vous avez raison, la réforme des retraites devra également s’intéresser à ces conjoints collaborateurs. J’examinerai avec attention les propositions que vous pourrez faire sur ce sujet. En effet, je n’ai pas l’impression qu’il ait été abordé par le rapport Moreau.

Madame Duby-Muller, vous voyez une contradiction entre le fait de chercher à remettre les femmes dans l’emploi et les mesures prises par le Gouvernement qui ne les inciteraient pas à retravailler.

Les mesures adoptées dans le cadre de la réforme de la politique familiale – à laquelle j’ai participé – visent à permettre aux femmes de concilier travail et vie personnelle. Celles que vous avez mises en avant comme, par exemple, la réduction du quotient familial, ne doivent pas en occulter d’autres, très importantes, comme la création de places de crèches, le doublement du complément familial ou la revalorisation de 25 % de l’allocation de soutien familial.

La réforme de la politique familiale répond à un objectif de solidarité avec les familles les plus en précarité, et de modernisation de notre politique familiale. Il s’agit, notamment, de prendre en compte le fait que les femmes travaillent – d’où la création de places de crèche.

Je reconnais, madame Orphé, qu’à La Réunion, la pauvreté est plus grande que dans l’hexagone et les enjeux bien spécifiques. M. Victorin Lurel sera présent, en tant que ministre des outre-mer, à la Grande conférence sociale, et il aura le privilège de pouvoir participer à différents ateliers. Ce sera pour lui l’occasion de porter les enjeux de La Réunion.

Mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je pouvais vous répondre. Vous avez compris que de nombreuses questions sont encore à l’étude. Certes, l’exercice auquel nous nous sommes pliés aujourd’hui ne constitue qu’une étape. Mais il était important de réaffirmer nos objectifs et de poser ces questionnements pour pouvoir avancer. Nous verrons comment s’engagera la Grande conférence sociale, qui devrait se terminer à la fin du mois de septembre. Les suggestions que vous pourrez nous faire parvenir d’ici là seront les bienvenues.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Madame la ministre, nous apprécions beaucoup la manière dont vous avez engagé ce travail, dont nous serons les « coproducteurs ».

Le rapport Moreau suggère la mise en place d’un comité de pilotage des retraites. Celui-ci pourra proposer des ajustements, ce qui est fort judicieux. En effet, les mesures que l’on prend en matière de retraites ont parfois des conséquences que l’on n’avait pas envisagées au départ.

Mes chers collègues, le message que nous devons adresser à nos concitoyens est que nous allons améliorer les retraites, particulièrement les plus faibles d’entre elles. Ceux qui le peuvent devront faire des efforts, mais il n’est pas question de toucher aux petites et très petites retraites. Certains le craignent pourtant.

Madame la ministre, vous avez lancé un certain nombre de pistes. Je peux vous assurer que nous allons les étudier. Nous souhaitons vous revoir. Nous auditionnerons début juillet, comme vous l’avez suggéré, l’Institut des politiques publiques qui va remettre, à votre demande, un rapport sur les droits familiaux. Cette question est très importante, dans la mesure où les droits familiaux constituent une variable d’ajustement pour les retraites des femmes.

Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes

Compte rendu de l’audition du mardi 12 novembre 2013

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, nous sommes heureux d’accueillir ce soir Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, pour l’entendre sur le projet de loi « pour l’égalité entre les femmes et les hommes », dont l’examen en séance publique aura lieu en janvier prochain. Il s’agit d’un texte global qui permettra, nous l’espérons, d’instaurer l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

Ce projet de loi comporte quatre parties : l’égalité dans la vie professionnelle ; la lutte contre la précarité ; la protection des femmes contre les violences ; la mise en œuvre de la parité.

La Délégation aux droits des femmes travaille à l’analyse de ce projet de loi, afin d’y apporter des enrichissements s’ils s’avéraient nécessaires : Monique Orphé et Édith Gueugneau travaillent sur les violences faites aux femmes, Barbara Romagnan sur l’égalité professionnelle et la lutte contre la précarité, et Brigitte Bourguignon sur la parité.

Nous souhaitons vous poser des questions, Madame la Ministre, sur les dispositions de ce projet de loi et sur les modifications qui y ont été apportées par le Sénat en première lecture.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes. Ce projet de loi s’inscrit dans le cadre de la politique volontariste du Gouvernement visant à faire progresser les droits des femmes. Ce texte global traite des inégalités entre les hommes et les femmes dans tous les domaines – inégalités professionnelles, précarité des femmes, violences faites aux femmes et parité. Il faut en effet se rendre à l’évidence : les inégalités, qui s’appuient sur une forme de hiérarchie entre les sexes, perdurent et doivent être combattues avec la plus grande énergie.

Le titre Ier du projet de loi, relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, comporte deux mesures phares.

La première est la réforme du congé parental. Comme vous le savez, la plupart des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes dans notre pays s’expliquent par le fait que les femmes ont des carrières plus souvent interrompues, heurtées, ce qui limite leur accès aux responsabilités, aux promotions et aux augmentations de salaire. Or ces interruptions de carrière sont largement liées au congé parental – dans 97 % des cas, ce sont les femmes qui le prennent, surtout pour une longue durée. C’est pour lutter contre l’éloignement des femmes du marché du travail et instaurer un meilleur partage des responsabilités parentales que le Gouvernement souhaite réformer le congé parental. Pour les familles avec un enfant, six mois supplémentaires pourront être pris à condition qu’ils le soient par le deuxième parent. Et pour les familles avec deux enfants et plus qui choisissent de prendre un congé parental de trois ans, six mois parmi ces trois ans devront être pris par le deuxième parent. Cette répartition des responsabilités parentales au sein du couple ira dans l’intérêt des femmes et des hommes : les premières se verront moins pénalisées par de longues interruptions de carrière, et les seconds seront considérés la fois comme des salariés et des pères.

La seconde mesure phare consiste à interdire aux entreprises de plus de cinquante salariés ne respectant pas les obligations en matière d’égalité professionnelle de soumissionner aux marchés publics. Cette disposition peut paraître sévère, mais la commande publique doit avoir pour vertu de contribuer à faire respecter la loi. Ce levier est utilisé au Québec avec de très bons résultats.

Le titre II du projet de loi est consacré à la lutte contre la précarité des femmes, en particulier des femmes seules confrontées aux impayés de pensions alimentaires.

Actuellement, dans notre pays, 40 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont de façon irrégulière. Sachant qu’une famille monoparentale sur trois dirigée par une femme vit sous le seuil de pauvreté, ce problème des impayés est un facteur aggravant de précarité. C’est pourquoi le projet de loi crée un mécanisme de garantie publique contre ces impayés. Il permettra au parent de se tourner, dès le premier mois de non-perception de sa pension, vers la caisse d’allocations familiales qui lui versera alors une allocation de soutien familial – laquelle passera de 90 euros aujourd’hui à 120 euros par mois et par enfant en 2017, à charge ensuite pour la CAF de se retourner contre le débiteur défaillant pour recouvrer son dû. Cette mesure importante est introduite dans un premier temps sous forme d’expérimentation afin d’en évaluer l’efficacité avant sa généralisation sur l’ensemble du territoire.

Le Sénat a introduit une mesure permettant d’aider les familles modestes pour la prise en charge des frais de garde par des assistants maternels, à travers un dispositif de tiers payant. Cette mesure bénéficiera en particulier, là encore, aux familles monoparentales.

Le titre III du projet de loi comporte des dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité.

D’abord, le principe d’une formation de tous les professionnels – policiers, gendarmes, magistrats, avocats, médecins – amenés à être en contact avec une femme victime de violences est acté. Il s’agira d’un module obligatoire, en formation initiale et continue.

L’article 10 permet la généralisation du dispositif téléphone portable « grand danger » remis aux femmes victimes de violences conjugales. Ce dispositif, expérimenté dans quelques territoires, s’est révélé très utile car il permet aux femmes d’obtenir l’intervention rapide des forces de sécurité. Le Sénat a étendu ce dispositif de téléprotection aux femmes victimes de viol. Cette mesure indispensable permettra de protéger les femmes victimes de viol qui habitent dans le même quartier que leur agresseur placé sous contrôle judiciaire.

L’article 7 renforce le dispositif de l’ordonnance de protection. D’abord, il porte de quatre à six mois la durée maximale de celle-ci. Ensuite, il affirme l’objectif d’une délivrance de cette ordonnance dans les meilleurs délais.

L’article 8 met fin à la médiation pénale dans les cas de violences commises au sein du couple.

L’article 9 affirme le principe de l’éviction du conjoint violent du logement du couple.

L’article 14 permet aux femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de la traite des êtres humains d’être dispensées des taxes et droits de timbre liés au séjour, qu’il s’agisse d’une primo-délivrance ou d’un renouvellement de titre de séjour.

L’article 15 prévoit la possibilité pour le procureur de la République de demander à l’auteur d’une infraction de suivre à ses frais un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple. Ce stage, prononcé à titre de peine complémentaire ou alternative, constituera une réponse pédagogique visant à dissuader l’auteur de s’enfermer dans un déni ou de renverser la responsabilité. Cette mesure, à laquelle je tiens beaucoup, permettra de contribuer à la prévention de la récidive.

Le titre III comporte également des dispositions visant à protéger les femmes contre les atteintes à leur dignité. Ainsi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel sera chargé de veiller à une juste représentation des femmes dans les programmes, à l’image des femmes dans ces programmes et à l’égalité, en luttant notamment contre la diffusion de stéréotypes sexistes. Ces mesures amèneront les chaînes de télévision et de radio à s’interroger sur les messages diffusés dans le cadre des programmes destinés à la jeunesse, par exemple, sachant que les stéréotypes sont à la base d’un grand nombre d’inégalités.

Enfin, le titre IV vise à mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de parité.

D’abord, le Gouvernement a souhaité durcir les règles applicables en matière de parité, en doublant les sanctions applicables aux partis politiques ne respectant pas cet objectif. Ensuite, le principe de parité est étendu, dans le domaine des responsabilités sociales et professionnelles, aux fédérations sportives, chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture, autorités administratives indépendantes, notamment.

J’en viens aux modifications apportées par le Sénat à ce projet de loi.

La première concerne l’interdiction des concours de mini-miss, sujet qui a fait couler beaucoup d’encre. La sénatrice Chantal Jouanno a proposé cette mesure qu’elle avait défendue dans son rapport de 2012 sur l’hypersexualisation des petites filles. L’article 17 ter (nouveau) introduit par le Sénat interdit l’organisation de concours de beauté pour les enfants de moins de seize ans, sous peine de deux ans d’emprisonnement. De son côté, le Gouvernement préférerait une protection des petites filles contre les manifestations à visée commerciale par le biais d’un système déclaratif auprès de la préfecture, laquelle pourrait refuser la tenue d’une telle manifestation au cas où elle ne garantirait pas la dignité de ces enfants. Je m’interroge en effet sur la constitutionnalité de la disposition sénatoriale. Peut-être serait-il possible d’opérer une distinction en fonction de l’âge de l’enfant. À titre personnel, je choisirais l’interdiction pour les enfants de moins de treize ans, et un système déclaratif et d’autorisation, assorti de garanties suffisantes, pour ceux de plus de treize ans.

La seconde disposition introduite par le Sénat – contre l’avis du Gouvernement – vise à privilégier la garde alternée pour l’enfant en cas de séparation des parents, autrement dit à introduire un automatisme dans le prononcé de ce mode de garde par le juge. J’y suis totalement défavorable car, en la matière, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit prévaloir et le juge ne doit pas avoir les mains liées. En outre, la question de la garde alternée sera traitée dans le futur texte de loi relatif à la famille. Aussi le Gouvernement vous demandera-t-il de supprimer cette disposition votée par le Sénat.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Mes chers collègues, je vous invite à consulter un guide très intéressant publié par le Défenseur des droits, intitulé « Un salaire égal pour un travail de valeur égale », à la rédaction duquel a participé Séverine Lemière, que nous avons entendue en audition aujourd’hui. À cet égard, je pense que nous pourrions peser sur les négociations des partenaires sociaux sur la révision des catégories professionnelles et des critères de classification, afin de revaloriser les emplois majoritairement occupés par des femmes. La Délégation est en effet très préoccupée par la question de la précarité des femmes, qui sont majoritaires à occuper des temps partiels.

Madame la Ministre, le renforcement de l’ordonnance de protection me semble très important.

L’introduction de la parité dans tous les domaines est une très bonne chose, en particulier dans l’art et la culture, où prédominent les hommes. Je rappelle que vous avez signé avec Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, une charte pour l’égalité entre femmes et hommes dans le cinéma.

Nous avons deux propositions. La première concerne la lutte contre le sexisme. Des incidents se sont encore produits récemment à l’Assemblée, et nous aimerions introduire par voie d’amendement le texte qu’Yvette Roudy avait préparé sur le sujet. La seconde concerne la féminisation des noms de métiers, fonctions et grades. Certains n’acceptent toujours pas les appellations « Mme la ministre » et « Mme la députée », se réfugiant derrière la règle grammaticale établie par l’Académie française, cette dernière n’étant pas un exemple en matière de parité… Il faudra peut-être passer par la loi pour faire avancer les choses.

La Délégation va étudier les deux derniers sujets que vous avez abordés. Je trouve dommage que celui des mini-miss ait été autant médiatisé, alors que le texte de loi est porteur de grandes ambitions. Quant à la garde alternée automatique, j’y suis totalement opposée : c’est au juge de se prononcer en fonction de l’intérêt supérieur de l’enfant. À cet égard, un courant masculiniste, présent au Canada notamment, me semble particulièrement dangereux.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Merci beaucoup, Madame la Ministre : la question de l’égalité entre les femmes et les hommes méritait amplement une loi-cadre. La réforme du congé parental, en particulier, constitue une avancée importante.

Lors de l’examen de la loi de 2006 relative à l’égalité salariale, j’avais présenté des amendements imposant la présence de 20 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés, les instances représentatives du personnel et les listes de candidats aux élections prud’homales. Ensuite, ma proposition de loi de 2011 a porté ce taux à 40 %, mais pour les seuls conseils d’administration, par respect pour les partenaires sociaux.

Madame la Ministre, la disposition relative aux marchés publics vous semble-t-elle pouvoir être étendue aux conseils d’administration ? En outre, ne pensez-vous pas que le temps est venu d’introduire dans cette loi-cadre un quota de 40 % s’agissant des instances syndicales et des listes de candidats aux élections prud’homales ?

M. Jacques Moignard. Quels moyens seront mis en place pour l’éviction du conjoint violent – homme ou femme – du domicile ?

M. Christophe Sirugue. La précarité professionnelle est un sujet majeur. De nos jours, un grand nombre de femmes sont confrontées au morcellement de leur journée de travail, en particulier les femmes agents de nettoyage dans les bureaux.

Madame la Ministre, comment le code du travail pourrait-il tenir compte de la durée globale de travail dans une journée ? Une piste pourrait être d’intégrer le temps de déplacement entre les deux lieux de travail dans le temps de la journée de travail. Qu’en pensez-vous ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Récemment, une association de services à domicile a signé une convention pour tenir compte des déplacements dans le temps de travail. Une telle mesure me semble possible en cas d’employeur unique, mais beaucoup plus compliquée s’il y a deux employeurs car il faudrait alors déterminer lequel prendrait en compte les temps de déplacement. Il me semble important de faire pression sur les entreprises de services à la personne pour qu’elles n’imposent pas des horaires décalés, très tôt le matin ou très tard le soir.

Mme la Ministre. Certaines discriminations salariales sont collectives, un certain nombre de classifications datant de la Libération. Le projet de loi, dans la partie relative à l’égalité professionnelle, incite donc les branches à rediscuter des classifications professionnelles, afin que les discriminations entre femmes et hommes soient prises en considération. Le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle est chargé d’une mission à ce sujet et appuiera le travail des branches.

Les discriminations peuvent également être individuelles : sur les 27 % d’écart de rémunération entre hommes et femmes dans notre pays, environ 9 % s’expliquent par ces discriminations, alors que le principe « à travail égal salaire égal » est inscrit dans la loi. Malheureusement, il est rare que les femmes dénoncent ces pratiques discriminatoires en justice. Il serait donc intéressant de permettre des actions groupées. Avec le ministre du Travail, M. Michel Sapin, et la Garde des sceaux, Christiane Taubira, nous avons confié une mission à Laurence Pécaut-Rivolier sur les techniques de preuves en matière de discriminations collectives, laquelle devrait nous rendre ses conclusions d’ici à quelques semaines. Je précise que, dans l’intérêt des salariés, il me semble nécessaire de préserver la compétence du juge prud’homal.

En février dernier, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a adressé une circulaire aux préfets et aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC) demandant que l’on tende vers la parité dans la composition des jurys de sélection des candidats aux postes de direction des institutions culturelles, ainsi que des listes restreintes. Il s’agit d’une mesure importante. Nous constatons d’ores et déjà une augmentation des candidatures féminines dans ce secteur et, depuis le début de l’année 2013, les nominations à la tête des centres dramatiques nationaux sont strictement paritaires. En outre, dans la mesure où le projet de loi comporte des dispositions sur représentation équilibrée au sein des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), un certain nombre d’institutions culturelles seront également concernées.

S’agissant de la féminisation des noms, je pense qu’il est possible d’avancer sans forcément passer par la loi.

Notre texte permet aux usagers d’Internet de signaler aux hébergeurs les sites et propos sexistes. Il s’agit d’une disposition importante, puisque seuls les propos haineux, racistes et antisémites étaient pris en compte dans la loi sur la confiance dans l’économie numérique. En outre, même si la jurisprudence est encore peu développée, il ne faut pas sous-estimer les avancées réalisées par la législation en matière de harcèlement et visant à sanctionner celui-ci où qu’il se produise, y compris dans la rue.

La parité dans les instances représentatives du personnel est un sujet majeur. Lors de la deuxième grande conférence sociale, nous avons demandé aux partenaires sociaux, qui s’y sont engagés, de nous faire des propositions d’ici à la fin de l’année sur la parité dans ces instances, faute de quoi le Gouvernement prendra ses responsabilités.

Il faut garder à l’esprit que l’éviction du conjoint violent ne sera décidée que si la victime le souhaite. En effet, certaines femmes refusent de rester dans le lieu de vie commun en raison de souvenirs douloureux, d’un sentiment d’insécurité, par exemple. À l’heure actuelle, le juge prononce l’éviction du conjoint violent dans 5,8 % des cas seulement. Certaines mesures sont envisagées, en particulier le transfert du bail au profit de la victime qui reste dans le lieu de vie si le bail est au nom de l’auteur des violences. Nous travaillons également sur la désolidarisation des comptes et des dettes entre époux.

S’agissant de la précarité, la loi de sécurisation de l’emploi comporte des mesures visant à protéger les salariés à temps partiel, notamment avec l’instauration d’une durée minimale hebdomadaire de 24 heures et une rémunération majorée des heures complémentaires. Il est possible d’aller plus loin, en particulier sur l’organisation du travail, afin d’éviter les journées de travail « en miettes ». La conférence de progrès sur le temps partiel à Caen, organisée par mon ministère il y a un an et qui a réuni les entreprises de propreté, les partenaires sociaux et les donneurs d’ordre – État et collectivités locales – a conduit à la signature d’une circulaire du Premier ministre qui prône l’intégration des dispositions favorisant le travail en journée et en continu dans les appels d’offres en matière de nettoyage dans nos bureaux. Cela peut servir d’exemple pour les collectivités locales. Ainsi, les sociétés qui remporteront les marchés seront celles qui veilleront à une amplitude horaire suffisante pour leurs salariés. C’est ainsi que nous pourrons faire avancer les choses.

Enfin, je vais réfléchir à la proposition de Christophe Sirugue sur la prise en considération des temps de déplacement. D’autres leviers peuvent être envisagés pour les petits temps partiels, comme la prise en compte des 150 heures/SMIC, au lieu de 200 heures/SMIC actuellement, introduite par la réforme retraite, ou encore l’accès aux indemnités journalières.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le principe du « salaire égal pour un travail de valeur égale » a été inscrit dans la loi de 1983, mais il a été affirmé pour la première fois en 2010 par la Cour de cassation. J’espère que l’action de groupe permettra de faire avancer les choses.

Merci infiniment, Madame la Ministre. Je tiens à souligner à quel point il est intéressant et agréable de travailler avec vous-même et vos services.

Mme la Ministre. Je souhaite que ce texte, très attendu, soit l’aboutissement d’une « coproduction » entre le Parlement et le Gouvernement. Je serai donc très attentive à vos suggestions d’amélioration.

Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes

Compte rendu de l’audition du mercredi 11 décembre 2013

Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes dont a été saisie notre délégation, comprend un volet important relatif à l’égalité professionnelle.

Bien que les lois relatives à l’égalité professionnelle existent depuis 40 ans, les discriminations n’ont pas disparu, comme en témoigne l’écart de 27 % qui existe entre les salaires moyens des hommes et ceux des femmes. Une telle discrimination n’est plus supportable aujourd’hui.

L’accord national interprofessionnel (ANI) de 2004, approuvé par tous les syndicats, devait nous permettre de parvenir à l’égalité en 2010. Or, actuellement, seules 15 % des 700 branches professionnelles qui existent dans notre pays ont négocié des accords d’égalité.

Monsieur le Ministre, comment faire en sorte que les écarts de rémunération et les autres discriminations se résorbent ? La Délégation a entendu le rapport de notre collègue Barbara Romagnan sur la partie « égalité professionnelle » du projet de loi, et nous souhaitons contribuer à ce dernier par des amendements.

Le travail à temps partiel, qui a explosé dans les années 1990, est un autre facteur de discrimination et d’inégalité salariale, car 80 % des postes à temps partiel sont occupés par des femmes. Si quelques textes de loi ont favorisé l’accès des femmes au temps partiel, l’accord national interprofessionnel conclu par les partenaires sociaux en janvier 2013 a renforcé les précautions au profit de ses bénéficiaires – notamment en fixant à 24 heures hebdomadaires le temps partiel minimum. Quel bilan peut-on établir, un an bientôt après la signature de cet accord, sur la question du temps partiel ?

L’accord national interprofessionnel sur la qualité de la vie au travail et l’égalité professionnelle, dit accord QVT, signé en juin 2013, contient un certain nombre de préconisations intéressantes. Comment cet accord sera t-il mis en oeuvre ?

M. Michel Sapin, ministre du travail et de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Sur toutes ces questions, beaucoup de choses ont évolué au cours des derniers mois. Certes, peu d’accords ont été signés jusqu’à présent dans les branches professionnelles, mais un nombre considérable d’accords sont en cours de négociation dans les entreprises depuis l’adoption de la loi portant création des emplois d’avenir qui a introduit une sanction en cas de non-respect par une entreprise de son obligation de mettre en place un plan d’égalité salariale et d’évolution professionnelle.

Sur des sujets aussi importants, les évolutions sociales ne peuvent être que lentes, mais nous devons veiller à ce qu’il n’y ait pas de régression.

L’accord sur la sécurisation de l’emploi, qui a été signé par une majorité d’organisations syndicales, encadre le temps partiel en fixant à 24 heures hebdomadaire la durée minimale du temps partiel, ce qui oblige les branches concernées à engager une négociation. Au cas où le temps partiel n’atteint pas 24 heures, le travail doit être concentré sur une partie de la journée pour éviter les emplois du temps morcelés qui ont des conséquences néfastes sur la vie personnelle des salariés.

La règle des 24 heures peut paraître insuffisante aux yeux de certains, mais sachez qu’elle est extrêmement difficile à mettre en œuvre. Les représentants de certaines branches, comme la grande distribution mais surtout les entreprises du secteur social, pourraient vous le confirmer. Il serait intéressant que votre Délégation les auditionne. Les associations de maintien à domicile, en particulier le réseau des ADMR (aide à domicile en milieu rural), nous ont fait part de leurs difficultés et nous demandent de revenir sur cette disposition. Si j’avais un message à vous délivrer, ce serait de faire preuve de la plus grande prudence en la matière, car l’application de cette disposition pose de réels problèmes. La durcir amènerait un grand nombre de secteurs à s’y opposer.

Je suis fermement décidé à faire respecter la loi sur la sécurisation de l’emploi et à rechercher les moyens d’adapter cette disposition, mais je vous invite, mesdames et messieurs les députés, à être prudents. Imposer un temps partiel d’une durée minimale de 24 heures est déjà un progrès considérable. Il convient de conforter ce progrès. Le jour où il sera réellement mis en place et que de nouvelles habitudes seront prises, nous pourrons progresser encore.

Nous avons également été alertés par le secteur des particuliers employeurs. Nous devons mettre en place des mécanismes susceptibles de permettre aux femmes qui travaillent à temps partiel – car ces emplois concernent majoritairement des femmes – de comptabiliser un nombre d’heures de travail décent, ce qui peut passer par le regroupement de différents employeurs.

Toutes ces branches doivent améliorer le dialogue social. Il est difficile pour les femmes qui travaillent à temps partiel de faire valoir leurs droits, d’autant qu’elles occupent parfois plusieurs emplois qui dépendent de branches différentes.

Les personnes qui travaillent à temps partiel sont celles qui bénéficient le moins de la formation professionnelle : or, elles ont besoin d’augmenter leur qualification. Mais pour construire un parcours de formation et mettre en place les financements correspondants, il faut une certaine stabilité. Cette exigence est l’un des sujets majeurs de la négociation en cours sur la formation professionnelle qui s’achèvera dans quelques jours et que je vous invite à suivre, car elle traite de sujets dont votre délégation pourrait se saisir lorsque viendra l’examen du projet de loi portant réforme de la formation professionnelle. Le public des travailleurs à temps partiel est fragile, au même titre que les jeunes sans formation et les chômeurs, et à ce titre, il doit pouvoir bénéficier des crédits de la formation professionnelle.

J’en viens à l’accord interprofessionnel du 19 juin 2013 intitulé «Vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle », dit accord QVT. Il faut naturellement aller plus loin en matière d’égalité salariale, mais les obstacles à l’égalité professionnelle ne relèvent pas uniquement du salaire. Les différences salariales entre des personnes qui effectuent les mêmes tâches et disposent des mêmes compétences constituent une inégalité insupportable, mais la principale inégalité vient du fait que les femmes, même si elles ont les mêmes capacités et le même engagement que les hommes, gravissent moins rapidement les échelons de la hiérarchie. Je peux vous citer l’exemple d’un grand journal français dont les 17 rédacteurs en chef étaient tous des hommes, avant que les femmes membres de la rédaction ne protestent.

L’accord s’attache à cette question. Il est clair que développer l’accueil des très jeunes enfants dans une entreprise ou ouvrir une crèche à l’extérieur sont des outils propres à favoriser l’égalité entre les femmes et les hommes. Car les employeurs considèrent qu’une jeune femme dont l’enfant n’est pas accueilli dans de bonnes conditions, sera plus souvent absente, qu’elle aura des retards, et hésitent à lui confier un poste qualifié dont les horaires sont peu compatibles avec sa vie familiale.

Des avancées étaient donc nécessaires sur ce point et tel était l’objectif général de l’accord QVT. Nous avançons étape par étape, en commençant par l’égalité salariale. Il convient de consolider cette étape avec les outils juridiques dont nous disposons et qui obligent les entreprises à respecter leurs obligations en la matière.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je rappelle que le décret d’application de la loi de 2010 portant réforme des retraites prévoyait déjà une sanction financière à l’encontre des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité. Selon les informations que nous avons recueillies auprès du ministère des Droits des femmes, 400 sanctions auraient été prononcées.

Après avoir interrogé les branches des services à la personne et de la grande distribution ainsi que les partenaires sociaux sur la question des qualifications, nous recherchons, plus encore qu’« un salaire égal pour un travail égal », « un salaire égal pour un travail de valeur égale ».

En ce qui concerne le plafond de verre, nous partageons votre sentiment.

L’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle est à l’ordre du jour. Nous nous en félicitons, car aujourd’hui une maternité représente 10 % de salaire en moins dans la carrière d’une femme.

Mme Barbara Romagnan. Monsieur le Ministre, nous sommes d’accord avec vous : si nous voulons parvenir à l’égalité dans la vie professionnelle, nous devons commencer par agir en dehors du travail car les inégalités trouvent largement leur source dans la vie personnelle des femmes. C’est pourquoi la question de l’accueil des jeunes enfants est très importante.

Il est nécessaire d’améliorer le partage des tâches entre les pères et les mères, tant pour reconnaître les droits des pères, dans l’intérêt des enfants, que pour décharger les femmes des tâches liées aux enfants, sur le plan matériel comme sur le plan psychologique.

Nous avons fait pour cela plusieurs propositions. Il s’agit tout d’abord de fixer un horizon à la réforme du congé parental pour que dans dix ans, ce congé soit partagé à égalité entre les hommes et les femmes. Nous souhaitons en outre raccourcir la durée du congé parental, car s’il est trop long il éloigne les femmes de l’emploi, et augmenter le montant de son indemnisation qui n’est pas suffisamment incitatif.

Nous voudrions également que les futurs pères aient la possibilité d’accompagner la mère de l’enfant à certains examens prénataux, afin de les impliquer davantage et le plus tôt possible. Le congé de paternité devrait avoir un caractère obligatoire. Certes, cette proposition a fait l’objet d’un certain nombre d’objections, mais reconnaissez que s’il n’est pas obligatoire, les hommes auront du mal à le négocier avec leur employeur.

En ce qui concerne le temps partiel, nous comprenons la difficulté qu’entraîne le minimum de 24 heures pour les associations car nous avons auditionné les associations de particuliers employeurs, ainsi que les représentants des employeurs du secteur de la grande distribution. Pour ces derniers, le seuil de 24 heures ne semble pas être un problème car les employés qui remplissent les rayons à 4 heures du matin sont différents de ceux qui se tiennent aux caisses. Il serait opportun de rendre plus coûteux l’emploi à temps partiel en alourdissant les cotisations patronales, de manière à ce que les salariées ne subissent pas les conséquences des moindres cotisations en termes de montant de retraite.

J’en viens à la valeur du travail. Les emplois très majoritairement occupés par des femmes sont encore trop souvent dévalorisés et c’est un aspect que devraient davantage prendre en considération les partenaires sociaux. Les chercheures Séverine Lemière et Rachel Silvera ont effectué un travail de grande qualité sur la question, sous l’impulsion du Défenseur des droits. Pour illustrer ce problème, je rappellerai la mobilisation des infirmières du canton de Genève pour faire comprendre à la société qu’il n’était pas justifié que leurs salaires soient inférieurs à ceux des policiers : elles faisaient valoir qu’elles ont le même niveau de formation et le même engagement, et elles pratiquent elles aussi un métier qui comporte des risques.

Enfin, dans certains secteurs, les femmes et les hommes perçoivent des salaires identiques. C’est vrai, mais en regardant la situation de manière plus précise, les hommes sont âgés de 35 ans tandis que les femmes, parce qu’elles ont interrompu leur vie professionnelle, sont âgées de 45 ans.

Mme Axelle Lemaire. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes prévoit que les entreprises et les branches professionnelles doivent engager une négociation sur l’écart entre les rémunérations des femmes et celles des hommes, mais sans fixer de date butoir à laquelle les négociations doivent aboutir à un accord. La loi relative à l’égalité salariale de 2006 avait fixé une date butoir, mais cette disposition a été supprimée en 2010 par la loi portant réforme des retraites à l’initiative du Gouvernement de M. Fillon. Ne pas savoir si nous devons imposer une obligation de résultats ou de moyens aux partenaires sociaux pose un vrai problème. Sachant que les écarts de rémunérations sont le levier principal de la lutte contre les discriminations entre femmes et hommes, ne pouvons-nous, sans bousculer l’équilibre de l’accord interprofessionnel, encourager les partenaires sociaux à engager des négociations en introduisant, par exemple, une date butoir au 31 décembre 2017 ?

Ma seconde question concerne le travail à temps partiel, en particulier le travail précaire qui concerne particulièrement les femmes, notamment dans le secteur des services à la personne. Je souhaiterais que ces employés bénéficient de la prime de précarité. Cette extension est-elle envisageable dans le cadre du projet de loi en cours ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le RSC est un outil mis en place dans la « loi Roudy » de 1983 et amélioré par la « loi Génisson » de 2001. Il est désormais adressé aux Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et nous nous en félicitons, mais nous souhaitons qu’il soit rendu public et accessible sur le site du ministère du Travail. Il faut renforcer cet outil pour inciter les entreprises à engager des discussions sur l’égalité salariale. Il est dommage que près de la moitié seulement des entreprises de plus de 300 salariés aient établi un RSC.

M. le Ministre. Pour lutter contre le temps partiel, il peut paraître intéressant de le rendre plus cher, que ce soit en instaurant une prime de précarité ou en augmentant les rémunérations. Il n’est pas interdit aux partenaires sociaux d’en discuter. Par définition, la négociation de branche peut mettre en place des dispositions de cette nature. Mais, comme vous l’avez certainement constaté, la négociation dans les secteurs dont nous parlons n’est pas très vivace.

Il est certes possible de rendre le temps partiel plus cher, mais la loi ne nous permet pas de différencier les secteurs. Nous pourrions obliger la grande distribution à mettre en place des primes de précarité car ce secteur est capable de trouver des solutions et il l’a fait avec beaucoup d’intelligence sous la pression législative. Mais la loi s’applique à tous les secteurs. Le seuil de 24 heures, parfaitement légitime dans 80 % des secteurs, pose de vrais problèmes à 20 % de secteurs. Tout renchérissement du temps partiel aurait de lourdes conséquences sur ces secteurs, notamment sur le secteur des services à domicile qui a déjà tellement de mal à trouver un équilibre qu’il nous demande de supprimer la contrainte des 24 heures. Il serait très délicat de lui imposer une contrainte supplémentaire. Je ne vous proposerai donc pas d’aller vers un renchérissement obligatoire du temps partiel, mais je vous incite à inviter les branches à négocier.

La mise en place d’une date butoir est un principe séduisant qui existe dans d’autres domaines, notamment pour les entreprises de plus de 300 salariés qui souscrivent un contrat de génération. Cette question pourrait être abordée au sein des entreprises dans le cadre de la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences (GPEC).

Nous pouvons parfaitement adopter ce raisonnement, mais je vous rappelle que nous pouvons obliger les partenaires à engager une négociation, non à aboutir. Si la négociation n’aboutit pas, pour des raisons tenant à un désaccord de fond ou à l’absence de partenaires, un plan d’action unilatéral est présenté à la DIRECCTE qui, dès lors, exerce un contrôle sur le contenu et le déroulement de la négociation. Si celle-ci n’existe pas, l’administration peut mettre en place les pénalités prévues par la loi.

Je suis prêt à étudier la possibilité d’une date limite, mais j’attire votre attention sur un point : si la toute première négociation doit être conclue par un accord ou un acte unilatéral avant une certaine date, le principe veut que la négociation se poursuive ensuite tout au long de la vie de l’entreprise. Il ne peut donc y avoir de limite à la négociation après l’existence d’un premier accord. C’est, à mon sens, intéressant, dans la mesure où cela intègre une notion de progressivité. Or seules les entreprises au sein desquelles la négociation est de bonne qualité peuvent engager une négociation dynamique sur plusieurs années.

Je n’ai pas d’opposition de principe à cette disposition, mais n’oubliez pas qu’il s’agit d’une négociation qui recouvre des enjeux humains considérables.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Les entreprises ne font pas toutes preuve de mauvaise volonté pour engager des négociations afin de réduire les inégalités salariales, mais peu mettent en place des plans d’action pour résorber l’écart salarial. Les représentants des salariés sont démunis face à l’immobilisme des employeurs lorsqu’il s’agit de passer aux travaux pratiques en matière d’égalité salariale.

M. Sébastien Denaja. Votre présence parmi nous est très importante car nous rendons service à la cause de l’égalité entre les femmes et les hommes en ne la voyant pas uniquement à travers le prisme sociétal mais à travers le prisme social.

Actuellement, il faut avoir comptabilisé 200 heures cotisées par trimestre pour avoir droit à des indemnités journalières. Le Gouvernement serait-il ouvert à l’idée de ramener ce seuil à 150 heures, comme cela a été fait dans le cadre de la loi sur les retraites ?

Le Gouvernement a demandé à Mme Laurence Pécaut-Rivolier d’étudier la possibilité de créer une action de groupe en matière de discrimination salariale. Elle rendra ses conclusions le 17 décembre. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Enfin, que comptez-vous faire pour instaurer la parité au sein des instances représentatives du personnel et dans le cadre des prochaines élections prud’homales ?

Mme la présidente Catherine Coutelle. La formation professionnelle tient une place très importante dans l’évolution des carrières, mais les emplois à bas salaires et à temps partiel en sont privés.

La révision des classifications salariales a une grande importance à nos yeux. Les travaux à ce sujet ont-ils commencé ?

Les inégalités salariales peuvent-elles, selon vous, faire l’objet d’actions de groupe pour conduire à la condamnation devant les tribunaux des entreprises réticentes ?

M. le Ministre. Un projet de loi relatif à la formation professionnelle sera présenté en Conseil des ministres le 22 janvier prochain et sera soumis au Parlement en février. Je vous engage donc à suivre ce projet.

S’agissant des indemnités journalières, Monsieur Denaja, ma réponse ne peut être qu’évasive car les cabinets du ministère des Droits des femmes et du ministère des Affaires sociales et de la santé ont engagé des discussions sur cette question, ce qui témoigne de l’ouverture du Gouvernement. Je vous invite à vous adresser aux ministères concernés, sachant que celui des Affaires sociales se montrera un peu moins ouvert à votre suggestion puisqu’elle représente un coût pour le budget de la Sécurité sociale. Cela dit, j’en conviens, certaines harmonisations seraient les bienvenues.

En ce qui concerne la révision des classifications, les travaux entre les partenaires sociaux ont commencé.

Pour ce qui est de la possibilité accordée aux associations et aux syndicats d’engager des class actions ou actions de groupe devant les tribunaux, Mme Laurence Pécaut–Rivolier, magistrate auprès de la Cour de cassation, remettra le 17 décembre prochain son rapport à Mme la ministre des droits des femmes, à Mme la ministre de la justice et à moi-même. Sans en dévoiler le contenu, je peux d’ores et déjà vous indiquer que les organisations syndicales ne pourront engager une class action au sens strict du terme, telle que l’envisage le droit anglo-saxon, mais une procédure adaptée à notre cadre juridique. Celle-ci n’aura aucun caractère indemnitaire, afin d’éviter l’indemnisation forfaitaire de chaque personne appartenant au groupe discriminé, quelle que soit la discrimination réelle dont elle a fait l’objet, mais permettra au juge d’enjoindre l’entreprise, dans un délai déterminé, à agir en vue de remédier à la discrimination constatée.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Notre collègue Christophe Sirugue, qui a beaucoup étudié la question de la précarité, souhaiterait que pour les très petits temps partiels, soient pris en compte les temps consacrés aux déplacements pour se rendre chez les différents employeurs, dans le temps de travail effectif. Ne peut-on « mettre la pression » sur les branches et les partenaires sociaux pour que chaque journée travaillée soit prise en compte et que les déplacements soient comptabilisés ?

M. le Ministre. Cette disposition est de celles qui se négocient dans les branches qui mènent des négociations dynamiques, mais ce n’est pas le cas de toutes.

Pour ce qui est de mettre la pression sur les branches et les partenaires sociaux, je le ferai dans le cadre des discussions sur les conditions d’application des fameuses 24 heures, qui, je le répète, génèrent d’importantes difficultés, et je vous invite à le faire aussi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je vous remercie pour cet échange très utile à ce stade de nos travaux, Monsieur le Ministre.

Audition, ouverte à la presse, de Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger, sur l’action du Gouvernement contre les mariages forcés

Compte rendu de l’audition du mercredi 18 décembre 2013

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis très heureuse de vous accueillir, Madame la ministre, pour examiner un sujet que nous avons déjà eu l’occasion d’aborder et auquel je sais que vous-même et la ministre des Droits des femmes accordez beaucoup d’importance. Un certain nombre d’actions de lutte contre les mariages forcés sont recensées dans le plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes. Vous nous avez en outre transmis un document relatif à la mobilisation des ambassades et des consulats sur cette question.

Pouvez-vous nous indiquer quels sont les pays les plus concernés par le phénomène des mariages forcés ? Disposez-vous de statistiques sur le nombre de mariages forcés ? Comment renforcer notre législation pour combattre ce fléau ? Nous savons que vous menez des actions auprès de l’Éducation nationale car il arrive que des lycéennes ou des collégiennes soient envoyées en vacances dans le pays d’origine de leur famille pour être mariées de force et ne jamais revenir en France.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Il s’agit en effet d’un sujet important, sur lequel la ministre des Droits des femmes et moi-même avons ressenti l’obligation morale d’agir rapidement, à la suite d’une rencontre avec des victimes de mariages forcés organisée par l’association « Voix de femmes ». Cette rencontre nous a alertées sur le sort de ces femmes et sur les violences qu’elles ont subies.

On ne parle pas du fléau que représentent les mariages forcés, bien qu’il s’agisse d’une réalité. Seule une dizaine de cas par an est habituellement signalée au ministère des Affaires étrangères. À la suite de l’envoi d’un télégramme diplomatique à l’ensemble du réseau consulaire il y a quelques mois, seize cas ont été signalés. En fait, il existe très probablement des centaines voire des milliers de cas. L’UNICEF estime à 400 millions le nombre de femmes mariées alors qu’elles étaient enfants. Or, nous considérons qu’une mineure est toujours mariée de force car, même si elle accepte de se marier pour obéir à ses parents, elle n’a pas pris la mesure de ce que le mariage représente.

Mon action s’inscrit en complémentarité de celles de mes collègues du ministère des Affaires étrangères qui mènent des actions multilatérales. Il s’agit d’apporter, en s’appuyant sur notre réseau diplomatique et consulaire, une réponse aux mariages forcés de jeunes filles et de jeunes garçons – qui sont aussi concernés, le mariage pouvant par exemple être utilisé par la famille afin de cacher leur homosexualité.

Les postes diplomatiques et consulaires ont été sollicités pour signaler les cas de mariages forcés, identifier les personnes et permettre leur retour en France. Je leur ai adressé à cette fin un télégramme diplomatique leur demandant de dresser un état des lieux des mariages forcés et de leur traitement. Une typologie des pays à risque a ainsi pu être élaborée, elle est utilisée pour renforcer la vigilance de certains postes. Une brochure rassemblant des informations pratiques et juridiques a été mise au point. J’ai également sollicité les consulats pour identifier localement des associations qui pourraient être des relais dans la prise en charge des victimes.

Il n’existe pas de profil-type des victimes de mariages forcés. Chaque histoire est différente mais toutes sont tragiques et incluent des violences très graves, d’ordre psychologique et parfois physique, pouvant aller jusqu’au viol conjugal menant à des naissances non désirées, ou à la séquestration.

Nous souhaitons donc agir en amont en mettant en œuvre des actions de prévention. Dans cette perspective, nous menons un travail d’information auprès de l’Éducation nationale, car, comme vous l’avez indiqué, Madame la présidente, des lycéennes et des collégiennes sont envoyées en vacances dans leur pays d’origine puis mariées de force ; il serait parfois possible de détecter des cas avant le départ.

Toujours dans cet objectif de prévention, un module de formation a été introduit dans la formation obligatoire préalable au départ des agents du ministère des Affaires étrangères affectés dans les services consulaires à l’étranger. Une page dédiée sur le site France Diplomatie, dans la rubrique « Assistance aux Français », va être créée. Enfin, un dépliant sur ces questions sera disponible dans toutes les salles d’attente des consulats.

Je rappelle que la loi n° 2013-711 du 5 août 2013, qui a transposé plusieurs directives européennes et conventions internationales, prévoit que le fait de contraindre une personne à se marier est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le mariage forcé peut être attaqué par le ministère public. Le procureur de la République de Nantes peut être saisi par le service de l’état civil du ministère des Affaires étrangères lorsqu’un mariage forcé a été détecté par un service consulaire français à l’étranger. La détection des cas peut se faire au moment de l’accomplissement des formalités administratives liées au mariage ou lors de la célébration. Dans cet objectif, les agents consulaires ont la possibilité d’avoir des entretiens séparés avec les deux époux. Dans 80 % des saisines, le procureur s’oppose à la célébration du mariage.

Comme je vous l’ai dit, nous souhaitons favoriser une approche pragmatique. Nous nous considérons comme un maillon dans une grande chaîne. En même temps, nous parvenons maintenant à fédérer tous ceux qui ont une expérience en ce domaine.

Nous sommes en train d’élaborer une « fiche-réflexe » destinée aux agents consulaires, c’est-à-dire à ceux qui, en tout premier lieu, sont en contact avec les victimes. La fiche doit les aider à accompagner les victimes si elles restent sur place. Car les victimes peuvent rester dans les pays où elles ont été mariées sans leur consentement. Elles peuvent aussi revenir en France. Pour leur suivi en France, nous sommes en contact avec les associations. Nous étudions aussi la possibilité de faire intervenir un Fonds de solidarité.

Je voudrais également m’inspirer des bonnes pratiques en usage au Royaume-Uni. Ce pays a mis en place un organisme d’État pour lutter contre le mariage forcé : le Forced Marriage Unit. Nous pourrions reprendre certains dispositifs qui ont fait leurs preuves, encore que la psychologie des victimes puisse être distincte. Ainsi, en Grande-Bretagne, les victimes sont plutôt originaires des Indes ou du Pakistan. En France, en revanche, nous avons affaire à des victimes originaires des pays du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne.

Madame la présidente, vous m’avez posé tout à l’heure une question sur le nombre des victimes. Pour l’année en cours, nous avons traité dix-neuf signalements. Sept d’entre eux correspondent à des personnes qui ont été rapatriées. Deux indiquent que les victimes sont revenues en France avec le père. Deux signalements sont intrafamiliaux. Enfin, trois victimes se sont rétractées. Quand les victimes sont très jeunes, ce qui arrive fréquemment, elles tendent à se rétracter, même en faisant l’objet d’un signalement. Elles restent fidèles à la famille.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci beaucoup, Madame la Ministre. J’apprécie vivement que les pouvoirs publics, et que vous-même, plus particulièrement, vous vous préoccupiez de cette question. Je n’ose imaginer que le fait que le ministre soit une femme y soit pour beaucoup.

Ma première question sera de savoir si vous êtes en relation avec une organisation non gouvernementale appelée « Plan ». Je l’ai en effet reçue à plusieurs reprises et je la rencontre, chaque année, le 10 octobre, pour la journée qu’elle organise, consacrée aux jeunes filles. Cette ONG m’a remis récemment un livre de témoignages sur les mariages forcés dans le monde. Les descriptions y étaient particulièrement émouvantes, montrant des jeunes filles enfermées du jour au lendemain et perdant tout contact avec le monde extérieur. Cette organisation me paraît très motivée et très active.

Ma deuxième question est liée au fait que le Parlement sera bientôt saisi du projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Je n’ai rien vu dans le projet de loi qui concerne l’aide de la France aux adolescentes en passe de subir un mariage forcé. Dans l’action de votre département ministériel, bien sûr, c’est l’aide aux ressortissants français à l’étranger qui est privilégiée. Néanmoins, on pourrait réfléchir à ce système.

Vous avez dit aussi que vous cherchiez à sensibiliser les proviseurs des lycées et des collèges. En effet, ce sont eux qui peuvent remarquer si, après les vacances scolaires, des jeunes filles sont portées manquantes, alors qu’elles étaient parties rendre visite à une partie de leur famille à l’étranger.

Mme la ministre. Nous avons très largement diffusé la brochure dont j’ai parlé, qui a été réactualisée. Il est vrai qu’il existe une coopération à tous les niveaux. Je voudrais préciser que mon action est complémentaire de celle de mes collègues du Quai d’Orsay même si je m’occupe des personnes de nationalité française, et notamment de celles qui sont contraintes de demeurer à l’étranger après avoir été mariées de force.

Notre objectif est de rappeler, avant chaque période de vacances, que les signalements doivent remonter s’il s’avère que des jeunes filles ne rentrent pas en France. Dans ce cas-là, nous contactons les postes consulaires situés dans les pays où les personnes se sont rendues pour leur signaler que ces personnes ne sont pas retournées en France. Nous avons donc aussi la possibilité d’effectuer des recherches localement afin de tenter d’identifier les personnes et, le cas échéant, de les aider.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Vous avez signalé dans le document intitulé Les bons réflexes – document indiscutablement utile car il est vrai qu’on ne sait pas toujours qui contacter lorsque l’on est confronté à une situation de mariage forcé – que lorsqu’une personne est ressortissante française mais détient une autre nationalité et qu’elle est contrainte de se marier dans le pays dont elle a aussi la nationalité, l’aide des autorités consulaires françaises peut s’avérer limitée. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

Mme la ministre. La bi-nationalité n’est pas reconnue partout. Dès lors, une personne disposant d’une double nationalité sera considérée comme Française pour les autorités de notre pays mais pas nécessairement pour les autorités de l’autre État dont elle a la nationalité – le Maroc par exemple. Nous n’avons, dans ce cas, pas la possibilité d’agir auprès des autorités du pays en question pour qui la personne n’a pas d’autre nationalité que celle de ce pays.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Si cette personne se rend au consulat…

Mme la ministre. Si elle se rend au consulat français, elle peut être aidée mais il n’en reste pas moins que vis-à-vis des autorités marocaines, la personne n’a pas d’autre nationalité que la nationalité marocaine, par exemple.

M. Christophe Sirugue. Je me réjouis, madame la Ministre, que le sujet des mariages forcés fasse l’objet d’une préoccupation particulière. Je rappelle d’ailleurs que ces mariages peuvent avoir lieu sur notre territoire.

Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai dialogué avec un couple pour lequel nous suspections que le mariage avait été forcé. La difficulté posée par ce type de situations est néanmoins beaucoup plus importante lorsque la jeune fille quitte la France pour un autre pays.

Je souhaiterais poser deux questions. Tout d’abord, y a-t-il une forme d’organisation structurée avec les pays étrangers qui traiterait de cette question ? En d’autres termes, existe-t-il des conventions signées avec les autres pays et qui vous permettent d’échanger et de faire davantage que signaler les problèmes ? Il y a là un enjeu qui me semble particulièrement important.

Ensuite, existe-t-il des structures pour aider les personnes mariées de force qui dénoncent le mariage et qui sont, souvent, rejetées par leur famille ? Les structures pour femmes victimes de violences conjugales ne me semblent pas du tout appropriées en la matière. Aussi, il est difficile de trouver des lieux d’hébergements adaptés. Par conséquent, existe-t-il des parcours d’aide aux jeunes filles et s’ils existent, quels sont les interlocuteurs ? Certes, il y a la déléguée aux droits des femmes dans les départements mais force est de constater que les moyens sont un peu faibles.

Mme la présidente Catherine Coutelle. J’ai moi-même été confrontée au cas d’une jeune fille rentrée en France dans un état de désarroi et d’abandon qui lui faisait presque regretter sa décision. Au-delà du retour en France – qui est un motif de satisfaction pour la personne –, il faut reconnaître qu’elle peut se retrouver complètement démunie et rejetée par son entourage. Elle peut même s’interdire de retourner dans son quartier en raison des risques qui pèsent sur elle.

Je ne sais si les associations – Voix de Femmes, GAMS, Planning familial, par exemple – ont la capacité et les moyens d’accompagner ces femmes.

Mme la ministre. S’agissant des points de contact et d’information, le Centre national d’information sur le droit des femmes et des familles fédère un réseau d’associations d’aide aux victimes, spécialisées dans la prise en charge des femmes victimes de toutes sortes de violences – cela est plus large que les seuls mariages forcés.

Le Planning familial – dont j’ai rencontré certains représentants récemment – et Voix de Femmes sont, par exemple, des associations bien structurées qui peuvent « récupérer » la victime au moment de son retour en France. Se posent tout de suite, il est vrai, la question de l’hébergement de la personne ainsi que celle de sa réinsertion sociale car elle se trouve isolée de sa famille. Nous avons eu connaissance d’un cas où la jeune fille a préféré quitter la France et retourner dans le pays où elle avait été mariée malgré les violences qu’elle y subissait ; cela lui a toutefois permis de renouer avec sa famille.

Les victimes doivent être traitées au cas par cas. Il n’est pas possible d’établir un profil type de la victime du mariage forcé. Nous essayons de donner les bons réflexes aux personnels de nos consulats afin de leur permettre d’appréhender ces situations de la meilleure des façons. C’est une première étape importante. Nous ne constituons toutefois qu’un maillon de la chaîne et avons absolument besoin des structures constituées localement pour accompagner les personnes. Il n’est pas possible que la personne ne soit pas aidée au moment de son retour en France.

Nous avons quelques possibilités d’hébergement géré par le comité d’entraide aux Français rapatriés où les personnes peuvent séjourner plusieurs mois. Je me suis d’ailleurs rendue dans le centre de Vaujours.

S’agissant des conventions, cela est un peu plus compliqué. Il y a la convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui, celle sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, et celle du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique qui prévoit, notamment, l’annulation des mariages forcés.

M. Christophe Sirugue. Y a-t-il une reconnaissance du problème des mariages forcés dans les pays où ils ont lieu ? Si tel est le cas, y a-t-il une action organisée à l’échelle internationale ?

Mme la ministre. Il n’y a pas de conventions bilatérales. En revanche, cinquante-quatre États sont parties à la convention précitée des Nations unies sur le consentement au mariage, adoptée en 1964, ce qui signifie qu’ils reconnaissent le fait qu’un mariage précoce – avec un mineur notamment – va à l’encontre de leur législation.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains, nous savons que certains pays coopèrent – comme la Roumanie, ainsi que nous l’a dit le ministre de l’Intérieur – mais pas d’autres. La coopération avec le Nigéria, pays pourvoyeur de personnes prostituées, est par exemple insuffisante.

Mme la ministre. Certains pays – comme le Sénégal – ont une législation contre le mariage forcé. Il existe des lois et des dispositions locales qui permettent de lutter contre les mariages forcés. C’est notamment le cas dans ce pays.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il faut souligner la mention, dans la plaquette d’information, du numéro « 3919 », qui est le numéro général donnant accès à l’ensemble des services offrant une écoute et un soutien aux femmes victimes de violences. Ce numéro est plus qu’une simple écoute, puisqu’il permet une orientation de la personne qui appelle vers le service le mieux à même de répondre à ses attentes. De même, il apparaît important de mieux lutter contre toutes les formes de violences sexuelles.

Mme la ministre. Le ministère des Affaires étrangères, avec la coopération de M. Pascal Canfin, ministre chargé du Développement, va organiser un événement pour réfléchir à une meilleure lutte contre l’excision. En ce qui concerne la prise en charge des victimes, le ministère s’est efforcé de former les personnels des consulats pour assurer à ces victimes une meilleure prise en charge. Le ministère travaille efficacement avec la ministre des Droits des femmes. Le travail interministériel est une priorité dans ce domaine pour le Gouvernement.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il est probable que nous connaissons peu de cas parmi tous les mariages forcés qui ont lieu. Si on établit un parallèle avec les violences faites aux femmes, il faut garder à l’esprit que les violences dénoncées sont estimées à 10 % seulement du total.

La lutte contre ces actes de violence à l’égard des mineures doit, comme vous le soulignez, être conduite de manière interministérielle, ce qui est plus efficace. La Délégation veut mener une action complémentaire à la vôtre dans tous ces domaines. Je vous remercie, Madame la Ministre, pour vos initiatives et l’action indispensable que vous menez.

ANNEXES

ANNEXE 1 : COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale comprend trente-six membres, dont vingt-neuf Députées et sept Députés.

Membres de la Délégation

Commission

Groupe

Présidente :

Mme Catherine COUTELLE

Défense

SRC

Vice-Président-e-s :

   

Mme Conchita LACUEY

Mme Monique ORPHÉ

M. Christophe SIRUGUE

Mme Marie-Jo ZIMMERMANN

Affaires sociales

Affaires sociales

Affaires sociales

Lois

SRC

SRC

SRC

UMP

Secrétaires :

   

Mme Édith GUEUGNEAU

Mme Cécile UNTERMAIER

Défense

Lois

Ap. SRC

SRC

Membres

   

Mme Marie-Noëlle BATTISTEL

Mme Huguette BELLO

M. Jean-Louis BORLOO

Mme Brigitte BOURGUIGNON

Mme Marie-George BUFFET

Mme Pascale CROZON

M. Sébastien DENAJA

Mme Sophie DESSUS

Mme Marianne DUBOIS

Mme Virginie DUBY-MULLER

Mme Martine FAURE

M. Guy GEOFFROY

Mme Claude GREFF

Mme Françoise GUÉGOT

Mme Valérie LACROUTE

Mme Sonia LAGARDE

M. Serge LETCHIMY

Mme Geneviève LEVY

Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU

M. Jacques MOIGNARD

Mme Dominique NACHURY

Mme Ségolène NEUVILLE

Mme Maud OLIVIER

Mme Bérengère POLETTI

Mme Barbara POMPILI

Mme Josette PONS

Mme Catherine QUÉRÉ

Mme Barbara ROMAGNAN

M. Philippe VITEL

Affaires économiques

Affaires culturelles et éducation

Affaires culturelles et éducation

Affaires culturelles et éducation

Affaires culturelles et éducation

Lois

Lois

Affaires culturelles et éducation

Défense

Affaires culturelles et éducation

Affaires culturelles et éducation

Lois

Affaires culturelles et éducation

Lois

Développement durable

Affaires culturelles et éducation

Affaires économiques

Affaires sociales

Développement durable

Défense

Affaires culturelles et éducation

Affaires sociales

Affaires culturelles et éducation

Affaires sociales

Affaires culturelles et éducation

Affaires économiques

Développement durable

Affaires sociales

Défense

SRC

GDR

UDI

SRC

GDR

SRC

SRC

SRC

UMP

UMP

SRC

UMP

UMP

UMP

UMP

UDI

Ap. SRC

UMP

SRC

RRDP

UMP

SRC

SRC

UMP

Écolo

UMP

SRC

SRC

UMP


Ont par ailleurs été membres de la Délégation M. Malek Boutih, de juillet 2012 à mai 2013 (SRC, Affaires culturelles et éducation), M. Guénhaël Huet, de juillet 2012 à février 2013 (UMP, Affaires culturelles et éducation) et Mme Jeanine Dubié (RRDP, Affaires économiques), de juillet 2012 à septembre 2012.

ANNEXE 2 : RÉUNIONS DE LA DÉLÉGATION DE JUILLET 2012 À DÉCEMBRE 2013

MERCREDI 4 JUILLET 2012

– Élection du bureau.

MARDI 10 JUILLET 2012

– Organisation des travaux.

– Information relative à la Délégation.

MARDI 17 JUILLET 2012

– Examen du rapport d’information fait au nom de la délégation sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel (n° 82) (Mme Ségolène Neuville, rapporteure).

MERCREDI 18 JUILLET 2012

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du gouvernement sur ses axes d’action prioritaires.

MARDI 2 OCTOBRE 2012

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la santé, sur la retraite des femmes et les inégalités en matière de retraite, ainsi que sur les axes d’action prioritaires en matière de santé des femmes.

MARDI 2 OCTOBRE 2012

– Échange de vues sur les travaux à venir de la Délégation.

– Informations relatives à la Délégation.

MERCREDI 10 OCTOBRE 2012

– Réunion de travail avec une délégation de la commission de la Famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse du Bundestag, conduite par Mme Sibylle Laurischk, présidente de la commission.

MERCREDI 17 OCTOBRE 2012

– Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales, sur les crédits pour 2013 du programme Égalité entre les hommes et les femmes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

MARDI 23 OCTOBRE 2012

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, porte-parole du Gouvernement, sur les crédits du programme budgétaire Égalité entre les femmes et les hommes.

MARDI 23 OCTOBRE 2012

– Audition de Mmes Sabine Fourcade, directrice générale de la cohésion sociale au ministère des Affaires sociales et de la santé, déléguée interministérielle aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes, et Nathalie Tournyol du Clos, cheffe du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, sur les thèmes : mise en œuvre de la politique en faveur de l’égalité ; organisation, fonctionnement et moyens des délégations régionales aux droits des femmes.

MERCREDI 7 NOVEMBRE 2012

– Audition de Mme Françoise Kieffer, présidente de l’association des déléguées régionales aux droits des femmes et à l’égalité, déléguée régionale aux droits des femmes et à l’égalité de la région Bretagne, sur l’action, l’organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes.

– Informations relatives à la Délégation.

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2012

– Communication de Mme Untermaier sur l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes : la réforme du décret d’application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 sur les retraites.

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2012

– Table ronde sur l’action, l’organisation et les moyens des délégations régionales aux droits des femmes, en présence de Mmes Jocelyne Mongellaz, déléguée régionale d’Île-de-France, Françoise Rastit, déléguée régionale de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et Véronique Tomas, déléguée régionale de Basse-Normandie.

MARDI 20 NOVEMBRE 2012

– Audition de Mme Danielle Bousquet, rapporteure générale de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes, et de M. Guy Geoffroy, député, auteurs du rapport d’information Prostitution : l’exigence de responsabilité ; en finir avec le mythe du « plus vieux métier du monde », présenté au nom de la commission des Lois le 13 avril 2011.

– Compte rendu de Mme Pascale Crozon sur la conférence internationale de Tunis sur la participation des femmes à la vie politique (29 et 30 octobre 2012).

MERCREDI 21 NOVEMBRE 2012

– Audition de Mmes Jacqueline Hatchiguian, chargée de mission départementale aux droits des femmes et à l’égalité des Bouches-du-Rhône et Josiane Régis, directrice départementale adjointe de la cohésion sociale, sur l’action et les moyens du réseau départemental des droits des femmes.

MARDI 27 NOVEMBRE 2012

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée de la Famille.

MERCREDI 5 DÉCEMBRE 2012

– Audition de Mmes Sophie Avarguez et Aude Harlé, sociologues, maîtresses de conférences à l’Université de Perpignan et de Mme Lise Jacquez, doctorante en sciences de l’information et de la communication, sur leur étude consacrée au phénomène prostitutionnel dans l’espace catalan transfrontalier – vécu, usages sociaux et représentations.

MERCREDI 19 DÉCEMBRE 2012

– Audition de Mme Claire Aubin et du Docteur Julien Emmanuelli, membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), à l’occasion de la remise au Gouvernement de leur rapport « Prostitution : les enjeux sanitaires ».

MARDI 15 JANVIER 2013

– Audition de Mme Sophie Elizéon, ancienne déléguée régionale aux droits des femmes de La Réunion, Déléguée interministérielle pour l’égalité des chances des Français des outre-mer.

– Communication de Mme Cécile Untermaier sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes : information de la délégation sur la parution, le 18 décembre 2012, du décret relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

– Audition de Mme Danièle Boyer, chargée de recherche à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), responsable de l’Observatoire national de la petite enfance, sur l’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité.

MERCREDI 23 JANVIER 2013

– Présentation du rapport d’information sur l’organisation, l’action et les moyens du réseau des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (Mme Catherine Coutelle, rapporteure).

– Contribution de la Délégation à la consultation « Au tour des parents » sur l’accueil de la petite enfance et le soutien à la parentalité, à la demande de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille : communication de Mme Catherine Coutelle.

MARDI 29 JANVIER 2013

– Audition de M. Denys Pouillard, directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, sur la réforme des élections territoriales.

– Audition de Mme Armelle Danet, présidente de l’association Elles aussi, sur la parité en politique.

– Nomination d’un rapporteur pour information sur le projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral.

MARDI 5 FÉVRIER 2013

– Examen du rapport d’information présenté, au nom de la Délégation, sur le projet de loi (n° 631), rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral (Mme Pascale Crozon, rapporteure).

MERCREDI 13 FÉVRIER 2013

– Suite de l’examen du rapport d’information sur l’organisation, l’action et les moyens du service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes (Mme Catherine Coutelle, rapporteure).

MERCREDI 20 FÉVRIER 2013

– Échange de vues sur les travaux à venir de la Délégation.

– Informations relatives à la Délégation.

MARDI 19 MARS 2013

– Audition (ouverte à la presse) des organisations syndicales représentatives des salariés, sur l’impact du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi sur la situation des femmes au travail : Mme Anne Baltazar, secrétaire confédérale en charge de l’économie sociale, de l’égalité professionnelle et des handicapés, pour la CGT-FO ; Mme Marie-Line Brugidou, déléguée nationale, chargée des droits des femmes et des discriminations au sein du secteur Emploi, pour la CFE-CGC ; Mme Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe, chargée de la protection sociale et économique, pour la CFDT.

– Audition, ouverte à la presse, des organisations syndicales représentatives des employeurs, sur l’impact du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi sur la situation des femmes au travail : Mme Geneviève Bel, vice-présidente chargée de l’entrepreneuriat, Mme Geneviève Roy, vice-présidente chargée des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, pour la CGPME ; M. Benoît Roger-Vasselin, président de la commission des relations du travail accompagné de Mme Sandra Aguettaz, pour le MEDEF.

MERCREDI 20 MARS 2013

– Examen du rapport d’information présenté, au nom de la Délégation, sur le projet de loi (n° 774), relatif à la sécurisation de l’emploi (Mme Ségolène Neuville et M. Christophe Sirugue, rapporteurs).

MERCREDI 27 MARS 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du conseil général de la Seine-Saint-Denis, coordinatrice nationale de la lutte contre les violences envers les femmes au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences (MIPROF).

– Compte rendu de Mme Édith Gueugneau sur sa participation à la délégation du Forum parlementaire européen auprès de la 57ème réunion des Nations unies sur la condition de la femme (4-8 mars).

MARDI 2 AVRIL 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Maître Linda Weil-Curiel, avocate au Barreau de Paris, accompagnée de Mme Nathalie Almada, juriste, membre de l’Association Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles (CAMS).

MERCREDI 3 AVRIL 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Christine Lazerges, professeure de droit privé et de sciences criminelles à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), et de Mme Fanny Benedetti, chargée de mission.

MARDI 16 AVRIL 2013

– Table ronde, ouverte à la presse, sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’enseignement supérieur et la recherche, réunissant :

- Mme Isabelle Kraus, enseignante-chercheure à l’Université de Strasbourg, présidente de la Conférence permanente des missions Égalité-Diversité des universités françaises ;

- Mme Anne Pépin, directrice de la mission pour la place des femmes au CNRS, responsable du projet européen INTEGER (Institutional transformation for effecting gender equality in research) ;

- Mme Anne-Marie Jolly, conseillère spéciale du directeur de Polytech Orléans pour les relations extérieures et M.Geoffroy Lahon-Grimaud, chargé de mission sur les questions de société, représentant la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) ;

- Mme Nadia Hilal, chargée de mission de la Conférence des grandes écoles (CGE) ;

- M. Vincent Berger, président de l’université Paris-Diderot, représentant la Conférence des présidents d’université (CPU).

– Information relative à la délégation.

MARDI 23 AVRIL 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Nicole Ameline, présidente du Comité de lutte de l’ONU contre les discriminations faites aux femmes (CEDAW).

– Compte rendu de M. Guy Geoffroy et de Mme Claude Greff sur leur participation au voyage d’études du Forum parlementaire européen au Pérou et en Bolivie, sur le thème de la santé reproductive et de la planification familiale.

MERCREDI 24 AVRIL 2013

– Communication de Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé sur les violences faites aux femmes, dans la perspective du dépôt éventuel d’un projet de loi relatif aux droits des femmes.

– Examen du rapport d’information présenté par M. Sébastien Denaja sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 835).

MARDI 14 MAI 2013

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Raphaël Hadas-Lebel, président du Conseil d’orientation des retraites, et Jean-Michel Hourriez, responsable des études, sur le bilan des réformes du système de retraite français au regard de la situation des femmes.

MERCREDI 22 MAI 2013

– Audition de M. Pierre Tatarkowsky, président de la Ligue des droits de l’Homme, accompagné de Mme Nicole Savy, déléguée du groupe de travail Femmes/genre/égalité de la LDH, sur le thème de la prostitution.

MERCREDI 12 JUIN 2013

– Audition de Mme Elisabeth Moiron-Braud, Secrétaire générale de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF), sur le thème de la prostitution et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.

MARDI 18 JUIN 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur les enjeux de la réforme du système des retraites au regard de la situation des femmes.

MARDI 25 JUIN 2013

– Audition sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre le travail précaire, avec Mme Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération nationale des particuliers employeurs (FEPEM), et Mme Magali Nijdam, directrice du pôle affaires publiques ; Mme Manuella Pinto, responsable des relations sociales de l’Union nationale des associations de soins et services à domicile (UNA).

MERCREDI 26 JUIN 2013

– Audition de Mmes Pascale Levet, directrice technique et scientifique de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) et Florence Chappert, responsable du projet « Genre et condition de travail » de l’ANACT.

MERCREDI 2 JUILLET 2013

– Audition sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la santé au travail : Mme Sophie Prunier-Poulmaire, ergonome, médecin du travail ; M. Charles Gadbois, ergonome, ancien directeur de recherche au CNRS.

MERCREDI 9 JUILLET 2013

– Audition, ouverte à la presse, sur le thème de l’égalité entre les femmes et les hommes (conciliation entre parentalité et vie professionnelle), de M. Jérôme Ballarin, président de l’Observatoire de la parentalité en entreprise et Mme Hélène Périvier, économiste au département des études de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

MARDI 9 JUILLET 2013

– Audition, ouverte à la presse, de M. Antoine Bozio, président de l’Institut des politiques publiques (IPP), sur les enjeux de la réforme du système des retraites au regard de la situation des femmes.

MARDI 16 JUILLET 2013

– Table ronde, ouverte à la presse, sur le thème de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, consacrée aux femmes créatrices d’entreprise : Mme Elisabeth Kimmerlin, membre du Comité de direction de Paris Pionnières ; Mme Chantal Mainguené, fondatrice de Môm’artre ; Mme Anne Cécile Mailfert, responsable du développement au sein du Mouvement des entrepreneurs sociaux (Le Mouves) ; Mme Bella Borromei, responsable de l’accompagnement régional Île-de-France et Mme Édith Daurier, responsable des partenariats privés de l’Association pour le droit à l’initiative économique (Adie).

MARDI 17 SEPTEMBRE 2013

– Examen du rapport d’information de Mme Maud Olivier sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel.

– Information relative à la Délégation.

MERCREDI 18 SEPTEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l’avenir des retraites, sur l’impact du projet de réforme des retraites sur la situation des femmes.

MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2013

– Examen du rapport d’information présenté par Mme Catherine Coutelle, rapporteure, sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

MERCREDI 16 OCTOBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Yvette Roudy, ancienne ministre des Droits de la femme, présidente du bureau de l’Assemblée des femmes, sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

– Communication de la Présidente sur les mesures concernant les femmes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

– Nomination d’un nouveau co-rapporteur d’information sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380).

MERCREDI 23 OCTOBRE 2013

– Audition de M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la commission des Affaires sociales sur les crédits pour 2014 du programme Égalité entre les femmes et les hommes de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

MERCREDI 6 NOVEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

MARDI 12 NOVEMBRE 2013

– Audition de Mme Séverine Lemière, maîtresse de conférences à l’Université Paris Descartes, co-animatrice du groupe de travail, constitué auprès du Défenseur des droits, pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine.

MARDI 12 NOVEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380).

MERCREDI 13 NOVEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380).

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2013

– Audition de Mme Christelle Hamel, sociologue, chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), sur le projet d’enquête « Violences et rapports de genre » (Virage).

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2013

– Audition des organisations syndicales représentatives des salariés, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380).

MARDI 3 DÉCEMBRE 2013

– Examen du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380) : dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité (Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé, rapporteures).

MARDI 10 DÉCEMBRE 2013

– Examen du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n° 1380) : dispositions relatives à l’égalité dans la vie professionnelle (Mme Barbara Romagnan, rapporteure).

MERCREDI 11 DÉCEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre du Travail et de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380).

MARDI 17 DÉCEMBRE 2013

– Examen du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380) : dispositions visant à mettre en œuvre l’objectif de parité (Mme Brigitte Bourguignon, rapporteure).

MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2013

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Hélène Conway–Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger, sur l’action du Gouvernement contre les mariages forcés.

ANNEXE 3 : LISTE DES RAPPORTS D’INFORMATION ET DES CONTRIBUTIONS THÉMATIQUES DE LA DÉLÉGATION

RAPPORTS D’INFORMATION

●  Rapport d’information n° 89 présenté par Mme Ségolène Neuville, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au harcèlement sexuel (18 juillet 2012).

●  Rapport d’information n° 629 présenté par Mme Cécile Untermaier, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur l’application du dispositif relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle (17 janvier 2013).

●  Rapport d’information n° 667 présenté par Mme Pascale Crozon, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi, rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral (5 février 2013).

●  Rapport d’information n° 765 présenté par Mme Catherine Coutelle, Présidente, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur l’action, l’organisation et les moyens des déléguées régionales aux droits des femmes (28 février 2013).

●  Rapport d’information n° 837 présenté par Mme Ségolène Neuville et M. Christophe Sirugue, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (20 mars 2013).

●  Rapport d’information n° 1007 présenté par M. Sébastien Denaja, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (24 avril 2013).

●  Rapport d’information n° 1360 présenté par Mme Maud Olivier, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel (17 décembre 2013).

●  Rapport d’information n° 1396 présenté par Mme Catherine Coutelle, Présidente, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (25 septembre 2013).

●  Rapport d’information n° 1655 présenté par Mme Catherine Coutelle, Présidente, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Édith Gueugneau, Mme Monique Orphé et Mme Barbara Romagnan, au nom de la Délégation aux droits des femmes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (17 décembre 2013).

CONTRIBUTIONS THÉMATIQUES

●  «  L’accueil de la petite enfance, clef de l’égalité entre les femmes et les hommes », contribution présentée par Mme Catherine Coutelle, Présidente, à la consultation « Au tour des parents » demandée à la Délégation par Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé (24 janvier 2013).

●  « Les violences faites aux femmes et l’application de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences familiales », contribution présentée par Mmes Édith Gueugneau et Monique Orphé, en vue du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (24 avril 2013).

Par ailleurs, Mme Cécile Untermaier a présenté deux communications relatives à l’application des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle, qui ont été examinées par la Délégation le 14 novembre 2012 et le 15 janvier 2013. Elles figurent dans le rapport d’information n° 629 précité (17 janvier 2013).

ANNEXE 4 : CONTRIBUTION SUR « L’ACCUEIL DE LA PETITE ENFANCE, CLEF DE L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES » (janvier 2013)

Contribution à la consultation « Au tour des parents »,
adressée à Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la Famille,

et présentée par Mme Catherine Coutelle, présidente

I.– Le rôle déterminant d’un service public de la petite enfance, pour mettre fin aux inégalités femmes-hommes

Notre pays ne dispose pas à l’heure actuelle d’un service public de la petite enfance qui garantirait à tous les enfants un égal accès à un accueil de qualité au même âge. Une multiplicité d’acteurs occupe ce secteur, avec des compétences diverses, et dont la responsabilité n’est pas toujours clairement identifiée. Mais les différentes solutions trouvées par les parents dépendent plus de leur revenu, du lieu d’habitation, du mois de naissance, que des besoins et souhaits des familles.

Cette situation a d’importantes répercussions sur l’épanouissement des enfants, l’organisation des familles, notre économie. Cette contribution traitera principalement de l’impact en termes d’égalité femmes-hommes, des modalités de l’accueil de la petite enfance.

La nécessité de trouver un mode de garde pèse en effet lourdement sur les femmes, souvent davantage impliquées dans l’éducation des enfants que leur conjoint. Cette division sexuée du travail est source d’inégalités entre les sexes. Il est donc crucial que des politiques publiques accompagnent les familles pour que les femmes ne soient plus en situation de pallier les lacunes de l’accueil de la petite enfance, notamment en mettant entre parenthèse leur carrière professionnelle. Plus largement, il faut que des politiques familiales favorisent et encouragent enfin un partage égal des rôles parentaux.

La parentalité a des répercussions importantes sur la carrière des femmes, dont les principales seront ici évoquées.

1. Les femmes pallient la pénurie de place d’accueil pour la petite enfance, davantage encore dans les foyers les plus modestes

Selon les données publiées par l’Observatoire de la petite enfance en 2011, seuls 10 % des enfants de moins de trois ans ont une place en crèche. Plus de 6 enfants de moins de 3 ans sur 10 (63 %) sont gardés principalement par leurs parents, le plus souvent la mère.

Ce sont majoritairement les femmes qui s'arrêtent de travailler totalement ou partiellement pour s'occuper des enfants. 97% des bénéficiaires des aides du Complément de libre choix d’activité (CLCA) sont des femmes.

Garder ses enfants est fréquent dans les familles à revenus modestes. Alors que 9 % des enfants des ménages les plus modestes (premier quintile des niveaux de vie, qui regroupe les 20 % des ménages les plus modestes) sont accueillis à titre principal par un intervenant autre que les parents, c’est le cas de 69 % des enfants des ménages les plus aisés (dernier quintile, qui regroupe les 20 % des ménages les plus aisés).

Dans le premier quintile de revenus, les enfants sont gardés à 91 % par les parents, 4 % ont une place en crèche, et 2 % sont accueillis par une assistante maternelle. Dans le cinquième quintile de revenus, 31 % sont gardés par les parents, 16 % ont une place en crèche, 37 % sont accueillis par une assistante maternelle. (Données de la CNAF)

2. Les craintes des femmes bénéficiaires du CLCA quant à leur retour à l’emploi

Parmi les bénéficiaires d’un Complément de libre choix d’activité qui désirent reprendre une activité professionnelle à la fin de leurs droits, 38 % craignent que leur arrêt d’activité ait des conséquences négatives lors de leur retour à l’emploi. Les appréhensions les plus fréquemment évoquées sont la crainte qu’une interruption d’activité ne pèse négativement sur la recherche d’un emploi ou qu’elle ait un impact négatif sur l’évolution de la carrière professionnelle, mentionnées chacune par 57 % des allocataires.

Signe que ces craintes ne sont pas infondées : 70 % des employeurs déclarent préférer recruter un homme plutôt qu’une femme, notamment en raison des problèmes liés à la maternité (congé de maternité, congé parental, enfants malades…).

De fait, cette situation éloigne souvent durablement de l’emploi les femmes bénéficiaires d’un CLCA et rend leur retour sur le marché du travail très difficile. Plusieurs mois après la fin du congé parental, 38 % des bénéficiaires n’ont pas retrouvé d’emploi malgré leurs efforts.

3. Les répercussions sur la vie professionnelle des femmes

Plus de 7 femmes sur 10 en couple avec un seul enfant ont un emploi, elles ne sont plus que 38 % lors qu’elles sont mère de familles de trois enfants ou plus.

Le recours au congé parental et la proportion de femmes interrompant leur activité professionnelle s’accroissent significativement au fil des naissances : 6 % des mères qui travaillaient avant la naissance du premier enfant déclarent prendre un congé parental à temps plein après. Cette proportion s’élève à 20 % pour une deuxième naissance et atteint 35 % pour une troisième.

4. Beaucoup de femmes sont contraintes au temps partiel

Parmi les familles qui ont un enfant de moins de 3 ans, 49 % des familles avec un enfant unique comptent un parent sans emploi (inactif ou chômeur) ou travaillant à temps partiel, contre 76 % des familles de deux enfants et 89 % des familles nombreuses.

Le temps partiel est plus fréquent lorsqu’il y a plusieurs enfants : en 2011, 30 % des mères ayant un emploi qui vivent en couple avec un seul enfant de moins de 3 ans sont à temps partiel, contre 49 % lorsqu’elles ont trois enfants ou plus.

Au sein des couples, les mères exerçant une activité à temps partiel ont fait ce choix, pour plus de la moitié d’entre elles, afin de s’occuper de leur(s) enfant(s), ou d’un autre membre de la famille. En seconde raison (21 %) est évoqué le fait de ne pas avoir trouvé d’emploi à temps plein. Parmi les mères travaillant à temps partiel pour s’occuper des enfants, 11 % n’ont pas trouvé de mode de garde, du moins pour un coût acceptable.

Ainsi plus de 80% des temps partiels sont occupés par des femmes. Or, le temps partiel est une source de précarité économique, et implique un salaire, puis une retraites amoindris.

5. Des difficultés renforcées pour les mères seules

Les enfants de moins de 3 ans vivent pour 12 % d’entre eux avec un seul de leurs parents. Dans 85 % des familles monoparentales, la charge de l’éducation des enfants revient à la mère.

Les enfants de moins de 3 ans qui vivent avec un parent isolé sont plus fréquemment gardés par celui-ci que les autres enfants : 71 % des enfants de parent isolé sont gardés par leur parent. Le parent exerce de ce fait moins souvent un emploi : 64 % des parents isolés (majoritairement des femmes) ayant de jeunes enfants sont inactifs ou au chômage, contre 24 % des autres parents d’enfants de moins de 3 ans et 38 % des mères vivant en couple.

La moitié seulement des mères de famille monoparentale avec un enfant unique, âgé de moins de 3 ans, ont un emploi, contre 71 % des mères en couple, alors que ces mères fournissent en général l’essentiel des revenus du ménage. Dans ces situations, il est donc primordial, quasiment vital, d’obtenir un mode de garde.

II.– Les répercussions positives d’un meilleur accueil de la petite enfance

Le premier bénéfice d’une meilleure prise en charge des enfants serait bien entendu de garantir un accès à un accueil collectif et/ou à la scolarisation à tous les enfants à un âge donné, et de favoriser ainsi l’épanouissement des enfants.

La mise en place d’un tel service nécessiterait le recrutement de personnels avec des niveaux de qualification divers et relativement élevés. L’étude effectuée par Mme Hélène Périvier, chargée de recherche à l’Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE) émet l’hypothèse selon laquelle la création de 400 000 places d’accueil pour la petite enfance, en dix ans, entrainerait la création d’environ 60 000 emplois dans ce secteur. Un tel investissement serait bénéfique à la présence des mères de jeunes enfants sur le marché du travail en favorisant la continuité des parcours professionnels des femmes.

Plus épanouissant pour ces femmes, un tel service serait aussi un facteur de lutte contre la précarité des familles, une source de croissance pour notre PIB et une source de recettes fiscales supplémentaires.

III.– Propositions pour développer un service public de la petite enfance

Une capacité d’accueil encore insuffisante malgré les « plans crèches » successifs

La pénurie de places d'accueil des jeunes enfants est de l'ordre de 400 000. ; cet ordre de grandeur varie cependant suivant les études et les estimations. Si le constat quant au déficit de places est partagé, les propositions sont multiples quant à la manière d’y remédier.

Selon les départements, la capacité théorique d’accueil varie encore aujourd’hui de 9 à 80 places pour 100 enfants de moins de trois ans.

Ces disparités départementales de forte ampleur se retrouvent au niveau des taux de scolarisation des enfants de deux ans : 40 % des enfants de deux ans de la Lozère, de la Haute-Loire et du Morbihan fréquentent l’école maternelle contre moins de 3 % à Paris, dans le Haut-Rhin, dans l’Essonne, en Haute-Savoie ou en Seine-Saint-Denis.

Le nombre d’enfants de moins de trois ans accueillis à la maternelle a été divisé par trois au cours des dix dernières années. A la rentrée scolaire 2011, 11,6 % seulement des enfants de 2 ans à trois ans fréquentent l’école (contre 35 % en 2000). Si des places d’accueil ont été créées ces dernières années, notamment à la suite des « plans crèches » successifs, le taux de scolarisation des enfants de 2 ans a fortement baissé de façon concomitante. Par ailleurs, la quasi-totalité des places créées pour la petite enfance l’ont été en accueil individuel.

La Délégation estime aujourd’hui plus judicieux de donner la priorité aux équipements collectifs plutôt qu’aux aides à la personne ; et de privilégier les opérateurs à but non lucratif (publics ou associatifs).

1. Développer l’accueil collectif avant l’école maternelle

L’objectif pourrait être de créer 20 000 places en accueil collectif chaque année pour les enfants de moins de trois ans, ce qui donnerait 200 000 places supplémentaires au terme d’un effort réparti sur 10 ans. S’il est à noter que, sur les trois dernières années, le rythme de création de places en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE), était d’environ 19 000 par an ; aussi cet objectif, s’il demande des efforts, semble donc réalisable.

Un système incitant les communes à développer l’accueil de la petite enfance, pourrait notamment être mis en place, en s’inspirant de la loi SRU-logement social. Cela permettrait aussi de soutenir l’investissement dans les communes pauvres, alors que de très fortes disparités territoriales existent en matière d’accueil de la petite enfance, comme cela a déjà été souligné.

2. Repenser le lien entre l’accueil des plus jeunes enfants et l’école préélémentaire et proposer une offre collective alternative sur le plan pédagogique

L’école maternelle est un atout majeur et une force du système français, il convient donc de la conforter. Alors que des réformes de l’école et des rythmes scolaires sont en cours, la Délégation rappelle que leur succès dépend aussi de la qualité de l’accueil, de la socialisation et de l’éducation qui sera apportée avant l’entrée à l’école maternelle.

La Délégation note d’ailleurs que, lors du Comité interministériel aux droits des femmes du 30 novembre 2012, le gouvernement a retenu comme objectif pour la solarisation des moins de trois ans, l’accueil de 30 % de la classe d’âge d’ici 2015.

L’école est un lieu de socialisation de qualité pour les enfants. L’objectif pourrait donc être selon nous de retrouver le niveau de scolarisation des moins de 3 ans que la France connaissait en 2000, soit 35,5 % (contre 11 % en 2011). Cela impliquerait d’accueillir 198 000 enfants supplémentaires dans une structure collective mais qui ne serait pas obligatoirement l’école maternelle que nous connaissons.

En répartissant cet effort sur 10 ans, cela permettrait la scolarisation de 19 800 enfants supplémentaires chaque année, et de recruter de nouveaux professeurs des écoles et du personnel d’encadrement.

Parallèlement, pour les enfants à partir de deux ans, un mode d’accueil intermédiaire devrait être expérimenté, comme cela a d’ailleurs déjà été fait par des collectivités locales ou des établissements privés. Des exemples étrangers (Suède notamment) peuvent également inspirer pour construire cet accueil. Il s’agirait de classes « passerelles » situées auprès de l’école maternelle, dont la vocation serait d’accueillir de nouveaux enfants de manière plus souple.

Les caractéristiques pourraient en être les suivantes :

– accueil en cours d’année sans être contraint par le calendrier scolaire ;

– souplesse accrue du temps d’accueil en journée ;

– accueil non lié à la propreté de l’enfant comme l’école maternelle ;

– pédagogie adaptée, qui n’est plus celle de la crèche mais n’est pas non plus une préparation à l’école  (défaut que l’on peut reprocher à notre école maternelle, dont la pédagogie est trop vite axée sur l’accès au primaire) ;

– personnel dédié formé : il ne serait pas fait appel aux professeurs des écoles, plutôt aux puéricultrices ou, ce qui serait encore préférable, à un personnel formé en vue de cet accueil intermédiaire ;

– la formation de ce personnel, dont il serait souhaitable qu’il comprenne des hommes aussi bien que des femmes, pourrait permettre d’introduire la déspécialisation des rôles, et prêter attention à ne pas reproduire les stéréotypes de genre dès le plus jeune âge ;

– le financement de ces structures d’accueil pourrait être partagé entre l’Education nationale, et la CNAF.

Il est en effet nécessaire de se montrer innovants en développant des projets d’accueil qui rempliront la vocation de socialisation du jeune enfant tout en prenant en compte les besoins spécifiques des enfants de deux ans. La solution des classes passerelles conviendrait particulièrement au milieu rural, notamment car ces classes seraient adossées au groupe scolaire existant, facilitant la vie des parents de plusieurs enfants.

On soulignera que la circulaire du ministère de l’Éducation nationale du 18 décembre 2012 sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans insiste sur la nécessaire collaboration entre les collectivités territoriales, l’Education nationale et les autres services ayant en charge la petite enfance (Caf, PMI, notamment). Elle prévoit différentes modalités d’accueil pour les moins de trois ans, dont l’accueil en milieu mixte, associant services de petite enfance et école. La proposition ci-dessus s’inscrit donc bien dans ce texte ministériel.

3. Former les personnels à l’égalité filles-garçons, sensibiliser les enfants dès le plus jeune âge

L’égalité entre les femmes et les hommes doit être prise en compte dans l’ensemble des politiques publiques : une politique qui oublie ses effets sur plus de la moitié de la société ne peut être efficace ni constituer une source de progrès. L’égalité entre les femmes et les hommes doit être une politique transversale, présente dans tous les domaines de la société.

Cette prise en compte est aujourd’hui loin d’être automatique et systématique et la nécessité de faire progresser les droits des femmes a longtemps été oubliée ou négligée.

Pour que cela change, dans la durée, il faut aussi se saisir de cette réflexion et de la construction d’un service public en direction de la petite enfance pour former les personnels à l’égalité filles garçon, afin que les nouvelles générations puissent être sensibilisées à ce sujet, et se construire dans le respect mutuel. C’est par ces mesures qu’il sera possible de construire une société plus juste.

IV.– Pour une approche intégrée de l’égalité, penser les autres réformes favorables à l’égalité femmes-hommes et nécessaire à l’épanouissement des familles, enfants, parents, aînés

Réorganiser l’accueil de la petite enfance doit se faire dans une réflexion et une action plus large sur les politiques familiales, ou encore sur l’articulation entre les temps de vie personnels et professionnels : agir sur ces différents leviers sera nécessaire pour accompagner les enfants et les parents vers plus d’épanouissement, d’autonomie et d’émancipation.

1. Faire progresser les congés parentaux, déspécialiser les rôles sociaux

Pour que l’arrivée d’un enfant ne renforce pas les inégalités entre les femmes et les hommes, et pour mettre au contraire un terme à ces inégalités, il faut aussi faire évoluer les rôles des pères et des mères, en agissant dès le plus jeune âge des enfants. Il s’agit de déspécialiser les rôles sociaux pour que les femmes et les hommes aient la possibilité d’exercer pleinement l’ensemble des rôles (parents, travailleur, citoyens)

Le gouvernement de M. Lionel Jospin avait déjà permis de valoriser le fait que l’éducation des enfants ne relève pas exclusivement du domaine des mères, en créant le congé paternité. C’est une avancée importante, mais il nous faut aujourd’hui aller plus loin.

Le Président de la République en est d’ailleurs convaincu puisque la réforme des congés parentaux figure parmi ses propositions.

La Délégation propose que :

– le congé paternité évolue vers un congé d’accueil de l’enfant, mieux rémunéré et plus long, en fonction des négociations avec les partenaires sociaux,

– le congé parental soit limité à un an pour chacun des enfants, mieux indemnisé et partagé de manière facultative entre les deux parents, afin d’encourager le partage des tâches au sein des familles. Ce congé parental partagé n’admettrait pas la possibilité de transférer à l’autre parent une partie des mois non utilisés.

Ainsi rénové le congé parental garderait son attractivité, sans enfermer les femmes loin de l’emploi et dans la précarité. Une partie du congé parental pourrait être transformée en heures susceptibles d’être prises de manière fractionnée pendant la journée de travail. Cela permettrait un retour progressif dans la sphère professionnelle. Cette démarche implique bien entendu, pour être efficace, un investissement dans l’accueil de la petite enfance.

2. Mieux articuler les temps de vie

Aujourd’hui la pression au travail, les temps de transport font mener un rythme de vie beaucoup trop soutenu aux travailleurs et notamment aux parents et à leurs enfants. Il est nécessaire de faire évoluer ces rythmes.

La difficulté à organiser son temps de travail, les réunions le mercredi, en soirée, la présence obligatoire pèsent également sur la possibilité des parents, souvent des mères, de mener à la fois leur vie personnelle et leur vie professionnelle, de manière épanouissante. Les entreprises devraient être sensibilisées à ce sujet, pour que vie personnelle, familiale, et professionnelle puissent mieux s’articuler.

Cette contribution de la Délégation aux droits des femmes, ne prétend pas épuiser le sujet de l’amélioration de l’accueil de la petite enfance, très vaste. Elle est plutôt l’amorce d’une réflexion sur ce thème, en espérant avoir contribué d’une manière novatrice à la réflexion de la Ministre déléguée à la Famille.

ANNEXE 5 : CONTRIBUTION SUR « LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET L’APPLICATION DE LA LOI DU 9 JUILLET 2010 RELATIVE AUX VIOLENCES FAMILIALES » (avril 2013)

Contribution adressée à la ministre des Droits des femmes, dans la perspective du dépôt d’un projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, et présentée par Mme Edith Gueugneau et Mme Monique Orphé, rapporteures

I.- Les femmes victimes de violences : une réalité incontestable

Les chiffres disponibles pour évaluer et quantifier le phénomène des violences faites aux femmes, proviennent de l’enquête nationale sur les violences faites aux femmes en France (ENVEFF) réalisée en 2000. L’enquête VIRAGE voulue par le ministère des Droits des femmes devrait apporter des chiffres plus récents en 2013 ou 2014. Pour l’heure, les chiffres souvent cités, témoignent d’une réalité ordinaire : 10 % des femmes sont victimes de violences au sein de leur couple, une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint, compagnon ou ex-partenaire.

Si l’on extrapole ces données à l’ensemble de la population française, cela veut dire que 1,3 million de femmes vivent chaque jour dans la violence de leur conjoint. Certaines femmes subissent simultanément plusieurs types de violences : physiques, sexuelles et psychologiques.

Les femmes handicapées semblent particulièrement concernées par les violences. L’association « Femmes pour le dire, femmes pour agir » qui représente les femmes handicapées avance un chiffre effrayant : 70 % seraient concernées par les violences.

L’enquête montre que tous les milieux sociaux et tous les territoires sont concernés, même si la désaffiliation sociale semble être un facteur aggravant, ce qui signifie que les catégories sociales les plus touchées sont les plus désocialisées.

Plusieurs moments de la vie de couple sont particulièrement à risque pour la manifestation des violences. La première grossesse est souvent le moment du passage à l’acte. L’alcoolisme intervient dans près de deux cas sur cinq. Les violences ne cessent pas avec la séparation du couple, bien au contraire.

Les violences psychologiques représentent la face cachée du phénomène et s’apparent souvent à des situations de harcèlement psychologique. Les psychologues mentionnent la fréquence de l’emprise, ce qui ne facilite pas le dépôt de plainte.

Le coût annuel des violences a été estimé à 2,5 milliards d’euros.

L’enquête VIRAGE, très attendue apportera des données actualisées, préalable indispensable à l’action publique.

II.- La réponse du législateur : la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants

La loi de 2010 a adopté comme mesure centrale, la création de l’ordonnance de protection. Celle-ci rendue par le juge aux affaires familiales, vise à fournir un cadre d’ensemble aux femmes victimes de violences et à stabiliser leur situation juridique.

La liste des mesures que peut prendre le JAF sur le fondement de l’article 515-11 du code civil est particulièrement complète :

Article 515-11 : L’ordonnance de protection est délivrée par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée. À l’occasion de sa délivrance, le juge aux affaires familiales est compétent pour :

1° Interdire à la partie défenderesse de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge aux affaires familiales, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit ;

2° Interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu’il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe ;

3° Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. Sauf circonstances particulières, la jouissance de ce logement est attribuée au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences ;

4° Attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement ;

5° Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ;

6° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;

7° Prononcer l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle de la partie demanderesse en application du premier alinéa de l’article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Le cas échéant, le juge présente à la partie demanderesse une liste des personnes morales qualifiées susceptibles de l’accompagner pendant toute la durée de l’ordonnance de protection. Il peut, avec son accord, transmettre à la personne morale qualifiée les coordonnées de la partie demanderesse, afin qu’elle la contacte.

En plus de la création de l’ordonnance de protection, la loi de 2010 a créé un article 222-14-3 au sein du code pénal transcrivant la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de violences. Désormais « les violences (….) sont réprimées quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques ».

Le délit de violence psychologique pour le moment n’a pas donné lieu à jurisprudence.

Le législateur a également décidé de faire du mariage forcé une circonstance aggravante d’infractions existantes, telles les menaces ou les violences. L’existence de cette circonstance aggravante permet de considérer que la législation pénale française est conforme aux exigences du 1er alinéa de l’article 37 de la Convention du 11 mai 2011 dite convention d’Istanbul, qui devrait être prochainement ratifiée par la France. En revanche la législation pénale française n’est pas conforme aux obligations de l’alinéa 2 de l’article 37 qui prévoit d’ériger en infraction pénale « le fait, lorsqu’il est commis intentionnellement, de tromper un adulte ou un enfant afin de l’emmener sur le territoire d’une Partie ou d’un État autre que celui où il réside avec l’intention de le forcer à contracter un mariage ». Le projet de loi transcrivant la convention d’Istanbul prévoit donc la création dans le code pénal d’un nouvel article 222-14-4 qui vise à y remédier (manœuvres dolosives).

Par ailleurs, les associations ayant signalé que la médiation pénale ne devait pas être employée dans les situations de violences conjugales, l’article 30 de la loi de 2010 a introduit dans le code de procédure pénale, une présomption de non-consentement à la médiation pénale pour les personnes bénéficiant d’une ordonnance de protection.

Enfin, l’article 16 de la loi a modifié le délit de dénonciation calomnieuse afin de ne pas rendre automatique la condamnation des personnes qui portent plainte pour violences conjugales quand elles ne parviennent pas à prouver la réalité des violences dont elles sont victimes et que les auteurs sont relaxés au bénéfice du doute.

En janvier 2012, M. Geoffroy et Mme Bousquet ont déposé un rapport d’information sur la mise en application de la loi du 9 juillet 2012 qui dresse un bilan nuancé : une loi mal connue, une ordonnance de protection dont la montée en régime est progressive et inégale sur le territoire, une mise en réseau des acteurs insuffisante.

Aussi avant la prochaine loi sur les violences annoncée pour 2013 par la ministre des Droits des femmes, il est opportun de s’interroger sur les possibles améliorations à apporter à la loi de 2010 et sur les points qui posent encore problème.

III.- L’ordonnance de protection

1) Faut-il modifier le dispositif ?

ð le délai de délivrance

Selon les chiffres établis par la Chancellerie, le délai moyen séparant la saisine du juge aux affaires familiales de la décision est de 26 jours, ce chiffre variant beaucoup d’un tribunal à l’autre. Or, l’ordonnance de protection vise à répondre à des situations d’urgence (article 515-9 du code civil) où des personnes sont en danger. Le délai envisagé par le législateur lors des débats parlementaires, mais qui n’a pas été inscrit dans la loi était de 24 à 48 heures. Le législateur craignait que l’inscription d’un délai dans la loi fasse courir un risque, quant à la légalité de l’ordonnance en cas de non-respect, à l’opposé de l’objectif recherché.

Mais aujourd’hui, avec ce délai moyen de délivrance autour de 26 jours, la question se pose réellement d’inscrire dans la future loi un délai maximal pour la délivrance d’une ordonnance de protection.

ð la durée de l’ordonnance

La loi de 2010 a retenu pour la durée de l’ordonnance de protection, une durée maximale de quatre mois. L’ensemble des personnes auditionnées par les rapporteurs considère cette durée comme trop courte pour stabiliser la situation juridique de la victime. La plupart des intervenants proposent de porter cette durée à six mois, renouvelable une fois sans qu’il soit nécessaire de recommencer la procédure (tacite reconduction). Certaines associations souhaiteraient d’emblée une durée d’un an. On pourrait également envisager que dans le cas où une procédure pénale a été engagée, les dispositions prises dans le cadre de l’ordonnance de protection soient prolongées. Le caractère temporaire de l’ordonnance doit être conservé.

ð le champ d’application

L’ordonnance de protection vise les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettant en danger la personne victime, un ou plusieurs enfants. Il s’agit donc de violences intrafamiliales. Certaines associations souhaiteraient étendre le dispositif à toutes les formes de violences faites aux femmes et quel qu’en soit le lieu, englobant par exemple les problématiques de traite des êtres humains. Cette approche n’apparaît pas pertinente, ni cohérente avec l’intention du législateur.

ð le juge compétent

Après avoir envisagé dans un premier temps le juge délégué aux victimes (Judevi), le législateur a décidé de reconnaître comme autorité compétente, le juge aux affaires familiales (JAF) pour la délivrance de l’ordonnance de protection, ancrant cette mesure dans le droit de la famille. Certains considèrent que lorsqu’une procédure pénale est engagée, il faudrait que le juge pénal puisse aussi rendre une ordonnance de protection.

ð l’autorité parentale et l’intérêt de l’enfant

Les violences au sein du couple posent la question des enfants témoins et parfois aussi victimes. Longtemps a prévalu l’idée qu’un mauvais mari pouvait être un bon père. Ce postulat doit aujourd’hui être remis en cause. L’enfant témoin est toujours victime au moins à titre secondaire. Toute décision le concernant devrait toujours faire prévaloir l’intérêt de l’enfant.

Or, en première lecture à l’Assemblée, les députés avaient prévu de donner dans l’article 371-1 du code civil une définition de l’intérêt de l’enfant, définition qui a disparu du texte du Sénat. Néanmoins, l’article 7 de la loi de 2010 a modifié l’article 373-2-1 du code civil pour introduire une référence explicite à l’intérêt de l’enfant au 3ème alinéa qui vise les exigences de « la continuité et de l’effectivité des liens de l’enfant avec le parent qui n’a pas l’exercice de l’autorité parentale ». Faut-il introduire une définition de l’intérêt de l’enfant dans le code civil, comme l’avaient envisagé les députés ?

Le droit de visite est souvent l’occasion de violences redoublées : la prochaine loi pourrait aller plus loin dans l’encadrement du droit de visite et d’hébergement et prévoir une évaluation systématique de la situation des enfants victimes directes ou indirectes, ainsi que le préconisent certaines associations.

Plus généralement, dans un contexte de violences conjugales, le principe du maintien de l’exercice conjoint de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement (garde alternée) peut légitimement être interrogé. L’ordonnance de protection pourrait, durant la durée de son application, entraîner une suspension de l’exercice de l’autorité parentale pour l’auteur des violences.

Dans le cas où un homicide conjugal est commis, le parent auteur se trouve investi de l’autorité parentale par l’effet de la loi. L’article 373-3 du code civil prévoit certes des exceptions dans l’application de ce principe, mais il reste choquant que le parent auteur exerce seul l’autorité parentale. L’automaticité de l’attribution de l’exercice de l’autorité parentale au parent vivant interroge. Mme Ronai, auditionnée par vos rapporteurs, imagine une solution inverse. Au moment de la décision de la Cour d’assises, le retrait de l’autorité parentale serait automatique pour le parent auteur sauf si l’intérêt de l’enfant le commande, dans des circonstances exceptionnelles (légitime défense).

ð la médiation pénale

Certaines associations préconisent la suppression de la médiation pénale dans les situations de violences conjugales, en dehors de l’application d’une ordonnance de protection. La loi de 2010 semble avoir néanmoins trouvé une solution d’équilibre sur ce point.

2) Comment améliorer l’application du dispositif ?

ð une application inégale sur le territoire

Il apparaît que le nombre d’ordonnances de protection délivrées est très variable d’un tribunal à l’autre et il semble même que certains tribunaux n’utilisent pas ce nouvel outil. D’une manière générale, le rapport Bousquet-Geoffroy de janvier 2012 considère que le nombre d’ordonnances délivrées est trop faible.

Certains juges aux affaires familiales semblent réticents pour utiliser ce dispositif nouveau mixant des mesures de droit civil et des mesures de droit pénal, et certains avocats se sont également montrés réticents à la sollicitation d’une ordonnance de protection, préférant orienter les victimes vers une procédure pénale ou une ordonnance de non-conciliation.

Des instructions de la part de la Chancellerie et un effort de formation destiné aux différents acteurs semblent donc nécessaires pour faire décoller le dispositif.

D’autre part, le succès obtenu par le département de la Seine-Saint-Denis dans l’application de l’ordonnance de protection indique la voie à suivre. C’est le partenariat entre les différents acteurs, la mise en réseau qui est la clé du succès. La mise en œuvre d’un protocole formalisant ce partenariat a permis la réussite de l’application de l’ordonnance de protection. Ces protocoles devraient être généralisés.

ð une articulation civil/ pénal insuffisante

L’amélioration de la coordination entre les magistrats passe moins par une juridiction spécialisée (solution souhaitée par certaines associations) que par une coordination effective des procédures judiciaires. Le manque de coordination entre les procédures et les décisions au civil et au pénal a des conséquences importantes et est relevé régulièrement par les personnes entendues par la Délégation. Cette coordination doit devenir systématique et il conviendrait que la circulaire du 19 avril 2006 soit modifiée : la désignation dans chaque TGI d’un magistrat du parquet spécialisé dans le suivi des violences faites aux femmes doit devenir systématique et non facultative.

ð la situation particulière des femmes étrangères

L’instruction du ministère de l’Intérieur du 9 septembre 2011 vise à une meilleure application de la loi de 2010, qui prévoit qu’en cas de présentation d’une ordonnance de protection, la durée de la carte de séjour délivrée ne soit pas inférieure à un an. Il faut veiller à l’application de cette instruction dans les différentes préfectures. Souvent, du fait de rendez-vous tardifs dans les préfectures, les femmes reçoivent leur titre de séjour après l’expiration des quatre mois de l’ordonnance de protection.

IV.- Quelques autres points à considérer pour une lutte efficace contre les violences faites aux femmes

ð le traitement des auteurs

La question se pose aussi du suivi de l’auteur des violences. Des études montrent que le taux de récidive diminue significativement, lorsqu’une prise en charge psychologique, sociale, éducative voire médicale de l’auteur a lieu rapidement. Le suivi des auteurs ne doit pas être regardé comme secondaire par rapport à la nécessité de prendre en charge les victimes. Or, le nombre de structures de suivi semble être trop faible par manque de moyens alloués, comme l’a constaté dès 2009 le rapport d’information de la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes.

Il est indispensable de prendre en charge les auteurs de violences et de prescrire une période d’accompagnement thérapeutique et psychologique, afin d’éviter les récidives ultérieures et de faire prendre conscience de ses actes. La question se pose de savoir s’il faut aller plus loin en envisageant une obligation de soins.

ð l’accompagnement social des victimes

Il s’agit ici notamment des logements mis à disposition pour les victimes ainsi qu’il est prévu dans la loi de 2010 (conventions avec les bailleurs sociaux et les CROUS) et des subventions aux associations actives dans ce domaine.

ð les actions de prévention et la lutte contre les stéréotypes.

Les personnels médicaux qui sont susceptibles de repérer en premier lieu les femmes victimes de violences doivent être mobilisés dans la lutte contre ce fléau.

La prévention des violences suppose également d’agir en amont, en luttant contre les stéréotypes sexistes présents dès l’école et en veillant aux contenus diffusés par les média.

Cet aspect apparaît également important pour modifier à moyen terme les comportements et les représentations.

1 () La composition de cette Délégation figure au verso de la présente page.

2 () Aux termes de l’article 6 septies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

3 () Mme Maud Olivier a été nommée rapporteure sur le système prostitutionnel lors de la réunion de la Délégation du mercredi 7 novembre 2012.

4 () Dispositions codifiées à l’article L. 2245-5-1 du code du travail.

5 () Décret n° 2011-822 du 7 juillet 2011 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

6 () Rapport n° 148 de M. Jean-Marc Germain, fait au nom de la commission des Affaires sociales, sur le projet de loi portant création des emplois d’avenir (5 septembre 2012).

7 () Selon le rapport d’information n° 629 de Mme Cécile Untermaier, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur l’application du dispositif relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle (17 janvier 2013).

8 () Compte rendu de la première séance du 30 octobre 2012 de l’Assemblée nationale (projet de loi de finances pour 2013 ; débat sur l’égalité femmes-hommes).

9 () Décret n° 2012-1408 du 18 décembre 2012 relatif à la mise en œuvre des obligations des entreprises pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

10 () Représentant-e-s de la CFTC, de FO, de la CGPME et du Medef. La CGT a par ailleurs adressé à la rapporteure la déclaration qu’elle avait faite à l’issue de la réunion du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le 12 novembre 2012.

11 () Rapport d’information n° 765 présenté par Mme Catherine Coutelle, Présidente, sur l’action, l’organisation et les moyens des déléguées régionales aux droits des femmes, déposé le 28 février 2013.

12 () Compte rendu de la séance du 30 octobre 2012 (débat sur l’égalité femmes-hommes).

13 () Compte rendu de la séance du 29 octobre 2013 (débat sur l’égalité femmes-hommes).

14 () Prostitution : l’exigence de responsabilité. Pour en finir avec le plus vieux métier du monde, rapport d’information n° 3334 déposé en conclusion des travaux de la mission d’information composée de Mme Danielle Bousquet, M. Guy Geoffroy, M. Philippe Goujon, M. Alain Vidalies et Mme Marie-Jo Zimmermann pour la commission des Lois, et de M. Elie Aboud et Mme Marie-Françoise Clergeau pour la commission des Affaires sociales (7 avril 2011).

15 () Compte rendu de la réunion de la Délégation du 7 novembre 2012.

16 () Rapport d’information n° 1360 de Mme Maud Olivier, au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel (17 septembre 2013).

17 () Rapport d’information n° 1558 de Mme Maud Olivier, au nom de la commission spéciale chargée d’examiner la proposition de loi n° 1437 de M. Bruno Le Roux et plusieurs de ses collègues renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (19 novembre 2013).

18 () Avis n° 2013-1104-VIO-010 du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) sur la proposition de loi n° 1437 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

19 () L’article 2 de la proposition de loi prévoit la création, au sein des conseils départementaux de prévention de la délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes, d’une instance consacrée à l’organisation et à la coordination de l’action en faveur des victimes de la prostitution. Cette nouvelle instance sera notamment chargée de mettre en œuvre les dispositions de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles (CASF), modifié par l’article 3 de la proposition de loi, qui organise l’action de l’État dans le département à destination des personnes prostituées, notamment en matière d’hébergement et d’action médico-sociale. Elle aura pour mission d’assurer le suivi des dossiers des personnes désirant rompre avec le système prostitutionnel et engagées pour ce faire dans un parcours de sortie de la prostitution, dispositif créé par l’article 3 précité.

20 () Communiqué de presse du HCEfh du 4 décembre 2013.

21 () Communication en Conseil des ministres le 10 octobre 2012.

22 () Une étude effectuée par Mme Hélène Périvier, économiste à l’OFCE suggérait que la création de 400 000 places d’accueil pour la petite enfance, en dix ans, pouvait entraîner la création d’environ 60 000 emplois dans ce secteur. La contribution soulignait qu’« un tel investissement serait bénéfique à la présence des mères de jeunes enfants sur le marché du travail en favorisant la continuité des parcours professionnels des femmes. Plus épanouissant pour ces femmes, un tel service serait aussi un facteur de lutte contre la précarité des familles, une source de croissance pour notre PIB et une source de recettes fiscales supplémentaires. »

23 () La Délégation proposait en particulier que « le congé paternité évolue vers un congé d’accueil de l’enfant, mieux rémunéré et plus long, en fonction des négociations avec les partenaires sociaux ; le congé parental soit limité à un an pour chacun des enfants, mieux indemnisé et partagé de manière facultative entre les deux parents, afin d’encourager le partage des tâches au sein des familles. Ce congé parental partagé n’admettrait pas la possibilité de transférer à l’autre parent une partie des mois non utilisés. »

24 () Rapport d’information n° 1655 présenté par Mme Catherine Coutelle, Présidente, et Mmes Brigitte Bourguignon, Edith Gueugneau, Monique Orphé et Barbara Romagnan, sur le projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (17 décembre 2013).


© Assemblée nationale