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Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 5 février 2013

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 18

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Examen du rapport d’information présenté, au nom de la Délégation, sur le projet de loi (n° 631), rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral (Mme Pascale Crozon, rapporteure).

Présidence de Mme Catherine Coutelle, présidente.

La séance est ouverte à 16 heures 30.

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes examine le rapport d’information présenté, au nom de la Délégation, par Mme Pascale Crozon sur le projet de loi (n° 631), rejeté par le Sénat, relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires et modifiant le calendrier électoral.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral avait été déposé sur le bureau du Sénat le 28 novembre dernier. Comme vous le savez, le Sénat a rejeté ce texte le 18 janvier.

Il m’a paru important que la Délégation puisse présenter sa position sur ce projet de loi qui comporte plusieurs dispositions ayant un impact sur la parité. À mon initiative, nous avons demandé à M. Jean-Jacques Urvoas, président la commission des Lois, de nous saisir de plusieurs articles du projet, en application de l'article 6 septies de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Mme Pascale Crozon a été désignée rapporteure pour information de la Délégation sur ce projet de loi et va nous présenter ses travaux. Je tiens à la féliciter pour avoir procédé à des auditions dans un délai très contraint, auditions qui nous permis d’entendre des analyses et avis divergents sur les dispositions présentées par le Gouvernement à l’examen du Parlement. Après son exposé, nous examinerons les recommandations qu’elle nous propose d’adopter.

Mme Pascale Crozon, rapporteure. Le projet de loi, dont le Gouvernement indique dans son exposé des motifs qu’il « poursuit l’objectif constitutionnel d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, en l’étendant aux effectifs des assemblées départementales et aux effectifs des conseils municipaux », comporte trois dispositions sur lesquelles notre délégation est fondée à émettre un avis : l'institution d'un scrutin binominal paritaire majoritaire aux élections départementales, l'abaissement de 3500 à 1000 habitants du seuil de la proportionnelle aux élections municipales, et le fléchage paritaire des candidats aux mandats de délégué communautaire.

Si la représentation des femmes a progressé dans toutes les assemblées depuis la réforme constitutionnelle de 1999, le rythme et l'ampleur de ce progrès varient considérablement selon le mode de scrutin retenu. Elles ne représentent en effet que 13,9 % des conseillers généraux, 26,6 % des députés, et 32,2 % des conseillers municipaux dans les communes de moins de 3500 habitants.

Ces chiffres contredisent l’existence « d’effets induits » découlant de la parité dans les assemblées régionales et municipales (dans les communes de plus de 3 500 habitants). Le seul levier ayant fait ses preuves pour améliorer significativement l'accès équilibré des femmes et des hommes aux mandats électifs est donc bien la contrainte paritaire pesant sur le mode de scrutin. Tel est aujourd'hui le choix du gouvernement, dont votre rapporteure ne peut que se féliciter.

J’évoquerai d’abord les dispositions concernant les élections municipales et communautaires. Il existe de fortes disparités entre les communes de plus de 3 500 habitants, qui élisent 48,5 % de conseillères municipales, et les communes de moins de 3 500 habitants, qui n'en élisent que 32,2 %. Je rappelle qu’il avait été envisagé lors de la précédente réforme territoriale d’abaisser le seuil de la proportionnelle à 500 habitants, solution soutenue par l’Association des maires de France, et qui n’a finalement pas été retenue. Le gouvernement a aujourd’hui retenu le seuil de 1 000 habitants, qui concernera 6 550 communes supplémentaires et permettra l'élection de 16 000 nouvelles conseillères municipales.

En accord avec la Présidente de notre délégation, je souhaite déposer un amendement pour supprimer tout seuil, ce qui permettrait d’établir la parité dans toutes les communes de France. Il s'agit de contester l'idée reçue selon laquelle les communes rurales seraient moins disposées que les autres à élire des femmes. J'attire par ailleurs votre attention sur le dépôt, par le rapporteur de la commission des lois, d'un amendement abaissant le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, qui lève l'objection de la difficulté de présenter des listes complètes.

Je souhaite par ailleurs que notre délégation prenne position pour le renforcement de l'obligation de parité des exécutifs municipaux, introduite par la loi du 31 janvier 2007. Je souhaite poser le principe selon lequel le maire et son premier adjoint sont de sexe opposé, afin de favoriser l’accès des femmes à la fonction de maire.

La même obligation de parité de l’exécutif doit être selon moi étendue aux établissements publics de coopération intercommunale, pour lesquels on peut regretter l’absence de statistiques, à l’image de l’opacité qui préside à leur organisation. L'élection des délégués communautaires au suffrage universel direct au moyen du fléchage des candidats sur les listes municipales est un progrès démocratique. Nous devons toutefois faire preuve de vigilance quant aux effets réels de ce mode de scrutin sur la parité, compte tenu du nombre de communes représentées et qui ont dans leur immense majorité un homme à leur tête.

Il faut aussi prêter attention à une conséquence paradoxale du fléchage : l’impact du suffrage universel et paritaire pourrait être moindre dans les intercommunalités les plus importantes, et dont les compétences sont les plus intégrées. Je m’interroge sur le projet de métropoles d’intérêt européen (qui concernera les agglomérations de Lille, Lyon et Marseille) qui auront pour conséquence la disparition du conseil départemental. Cette nécessaire modernisation ne doit pas se faire au détriment de la légitimité démocratique des élus ni de la parité.

J’en viens à l'instauration d'un scrutin binominal paritaire aux élections départementales. La réforme du mode de scrutin était rendue nécessaire par l'abrogation du conseiller territorial, création dont notre délégation, y compris sous la précédente majorité, avait souligné le risque au regard de la parité.

Le choix de ce nouveau mode de scrutin a fait débat, et je veux rappeler la contribution de notre Présidente Catherine Coutelle auprès de la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique conduite par M. Lionel Jospin, contribution qui préconisait le scrutin de liste avec prime majoritaire au niveau de chaque arrondissement.

Le scrutin binominal paritaire est une innovation dont nous ne connaissons aucun précédent dans le monde, mais je souligne qu’il avait été proposé dès 1992 par Mme Françoise Gaspard et défendu en 2009 par la Délégation aux droits des femmes du Sénat. Il prévoit la candidature solidaire d'un binôme de candidats de sexe différent dans chaque canton, l'élection de l'un entraînant automatiquement l'élection de l'autre. La solidarité dure le temps des opérations électorales, étendue à la phase éventuelle de contentieux électoral. Ensuite chaque conseiller départemental exerce son mandat de manière indépendante, afin de ne pas mettre fin automatiquement au mandat de l’un des membres du binôme si l’autre n’est plus à même d’exercer son mandat. Deux suppléants sont élus en même temps que le binôme, de manière également paritaire, afin de garantir la parité en cours de mandat.

La politiste Réjane Sénac, auditionnée dans le cadre de la préparation de ce rapport, nous a alertés sur le risque de perpétuation d'une logique de fief, dans laquelle toute la légitimité politique continuerait d'être portée par le notable local, le plus souvent masculin, tandis que la femme lui apporterait des qualités complémentaires.

Ce risque m’apparaît sérieux pour les élections de 2015, où l'essentiel des sortants seront effectivement des hommes. Je souhaite que notre délégation recommande au Gouvernement de prendre toutes les mesures réglementaires de nature à garantir l'égalité de traitement entre les membres du binôme, notamment en matière de propagande officielle. Quoiqu’il en soit, le nouveau mode de scrutin empêchera dorénavant que 79 % des candidats titulaires soient à nouveau des hommes.

Au-delà, il me semble essentiel que notre délégation accorde sa confiance aux femmes. J'ai confiance dans leur capacité à prendre toute leur place dans l'exercice de leur mandat et à affirmer leur légitimité à l'occasion des élections suivantes. Cela passe aussi par la parité de l’exécutif départemental, prévue par le projet de loi, mais qui devrait être renforcée par l’exclusion de toute dérogation.

Surtout, je ne crois pas que nous puissions nous opposer à un mode de scrutin qui ne se contente plus de « favoriser », mais « garantit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux », évolution sémantique à laquelle notre délégation est attachée et qu’elle défendra sans doute lors de la prochaine réforme constitutionnelle. Pour ces raisons, je vous demande de voter ce rapport et les recommandations qui vous sont soumises.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Comme je l’ai effectivement fait connaître par une contribution à la « commission Jospin », je souhaite rappeler ici que je ne peux soutenir l’ensemble des dispositions du projet de loi qui est soumis à notre assemblée.

En total accord avec les objectifs du Président de la République sur le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, je souhaite préserver la proximité des élus départementaux avec leur territoire, et aboutir à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les conseils départementaux. Mais le projet de loi, tel qu’il a été déposé à l’Assemblée nationale, ne me paraît pas remplir ces deux conditions.

On ne compte actuellement que 14 % de femmes dans les assemblées départementales. C’est un triste palmarès pour ces « irréductibles bastions masculins ». Il est temps de faire souffler un grand vent de modernisme démocratique et politique, de parité et de renouvellement dans ces enceintes. Dans ce contexte, le projet de binôme « femme-homme » envisagé aujourd’hui me semble être une fausse bonne idée.

Précédemment, l’instauration de suppléants du sexe opposé pour chaque conseiller général n’avait rien changé. Bien peu d’hommes ont laissé la place à leur « remplaçante » lors des dernières élections. Aucune inflexion significative de la masculinité de ces assemblées n’a pu être constatée. Trois conseils généraux ne comptent même aucune femme parmi leurs membres !

Il faudrait aujourd’hui mettre en place un mode de scrutin ambitieux, répondant aux attentes en termes de représentativité et de parité pour les assemblées et leurs exécutifs, mais aussi un mode de scrutin capable de donner du sens au projet départemental.

Le scrutin binominal mixte signifie l’élection dans chaque canton (dont le nombre serait divisé par deux) d’un « binôme » constitué d’une femme et d’un homme. Certes, il y aurait un effet paritaire mécanique, mais l’idée que pour être élue, une femme doive nécessairement être « associée », « accolée », à un homme peut heurter.

Dans la situation actuelle, 86 % des conseillers généraux sont des hommes. Les binômes seront donc en grande majorité constitués d’hommes expérimentés, connus sur leurs cantons, « notabilisés », et de femmes nouvelles, probablement choisies par eux, tout comme leurs suppléantes jusqu’à présent, et qui seront élues pour le même mandat sur le même territoire. Il n’est pas impossible que, dans le cas d’accords entre partis, l’organisation majoritaire désigne un homme bien implanté, et laisse à son partenaire le soin de désigner une femme, immédiatement positionnée à l’arrière-plan.

Il y a donc fort à parier que ces femmes auront des difficultés pour être considérées à égalité avec leur binôme : qui fera les discours d’inauguration : celui qui connaît le maire de la commune depuis trente ans ou la « petite nouvelle » ? À qui les habitants s’adresseront-ils ? À qui les services du conseil départemental s’adresseront-ils ? Qui représentera le (ou la) président(e) dans le canton ?

Évidemment l’on peut toujours imaginer qu’à l’occasion de l’instauration de ce scrutin binominal, les représentations sexuées qui régissent la vie en société depuis des milliers d’années vont disparaître d’un coup, et que par la magie du binôme, les femmes vont devenir à la fois sûres d’elles-mêmes et de leur légitimité, tandis que les hommes auront à cœur de leur laisser une partie de leur pouvoir, par esprit de justice désintéressé… Il est toutefois permis d’en douter.

Selon toute vraisemblance, les femmes nouvellement élues avec ce système auront toutes les peines du monde à se débarrasser de leur « tuteur » encombrant, et à être reconnues pleinement. Pour beaucoup de femmes, l’obligation d’être accompagnée d’un homme pour avoir accès à un lieu, à une profession, à l’ouverture d’un compte en banque, rappelle encore beaucoup de mauvais souvenirs. Avec le binôme, nous voilà replongés cinquante ans en arrière. Ce n’est pas là l’esprit de la parité.

Le Président de la République a redit son souhait que la réforme favorise l’ancrage territorial et la parité. De mon point de vue, l’organisation de listes infra-départementales répondrait pleinement à ces deux exigences.

Le scrutin de liste s’est révélé efficace pour en finir avec certains archaïsmes de la vie politique. C’est le cas pour les assemblées régionales, pour les membres français du Parlement européen ou encore pour les conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui sont aujourd’hui paritaires. Les Français souhaitent que l’on simplifie les modes de scrutin et que l’on n’augmente pas le nombre des élus. Or, au lieu de simplifier, rendre plus cohérent et donc plus compréhensible notre système politique, nous nous apprêtons à créer un nouveau mode de scrutin. Il n’est pas compréhensible que le scrutin de liste soit satisfaisant au niveau municipal, au niveau régional, mais pas au niveau intermédiaire.

L’exercice citoyen de la démocratie serait ainsi facilité par la lisibilité et la simplicité de scrutins identiques pour les élections départementales et régionales, et davantage encore si l’on généralisait ce scrutin de liste à l’ensemble des communes. Le scrutin de liste est aussi le mode d’élection qui correspond le mieux à la défense d’un projet politique pour un territoire et les décisions des conseillers départementaux valent bien pour le département tout entier.

L’égalité femmes-hommes est bien l’objectif mais le remède doit être le bon, et d’autres solutions auraient pu être choisies.

M. Sébastien Denaja, Mme Martine Faure et Mme Ségolène Neuville se déclarent favorables au scrutin proportionnel infra-départemental pour l’élection des conseillers départementaux et approuvent la position développée par la présidente Catherine Coutelle.

Mme Pascale Crozon, rapporteure. Je vais maintenant vous présenter les recommandations que je formule en conclusion de mon rapport.

J’ai souhaité en premier lieu que le scrutin binominal soit évalué trois ans après son entrée en vigueur et c’est l’objet de ma recommandation n°1. Consciente que le risque d’asymétrie entre les candidatures masculines et féminines existe, surtout pour le premier scrutin sous ce régime en 2015, j’ai souhaité que le gouvernement assure l’égalité de traitement des candidats par des mesures réglementaires (recommandation n°2). La troisième recommandation porte sur la parité dans les exécutifs des conseils départementaux et préconise des candidatures paritaires aux commissions permanentes ; cette recommandation fait aussi l’objet d’un amendement.

Pour les élections municipales, je propose la suppression de tout seuil pour l’application du scrutin proportionnel, car la parité doit être une réalité dans toutes les communes (recommandation n°4) et, logiquement, je fais une recommandation visant à ce que les exécutifs municipaux soient aussi constitués de manière paritaire (n°5). Je rappelle que le rapporteur de la commission des Lois a présenté un amendement visant à réduire le nombre des conseillers municipaux à sept dans les petites communes, ce qui facilitera la constitution des listes.

Il me semble nécessaire d’étendre à l’élection des adjoints l’usage de listes alternées homme femme et de prévoir que le premier adjoint soit de sexe opposé à celui du maire (recommandation n°6). En cas de remplacement d’un adjoint en cours de mandat, je recommande la suppression de toute possibilité de déroger à l’obligation paritaire (recommandation n°7). Je présenterai des amendements traduisant ces recommandations.

Enfin, la parité doit être promue au sein des bureaux des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui sont de plus en plus des lieux de pouvoir (recommandation n°8) ; cette recommandation sera aussi traduite par un amendement. Enfin, dans ma dernière recommandation j’ai souhaité que l’impact sur la parité du suffrage universel direct par fléchage dans les EPCI fasse l’objet d’une évaluation deux ou trois ans après son entrée en application.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Merci à notre rapporteure pour la qualité de son travail et ses recommandations très complètes quant à la mise en œuvre de la parité dans les différentes enceintes de la démocratie locale.

M. Sébastien Denaja. Il me semble qu’il faudrait faire le lien entre la recommandation n° 4 en faveur de la parité dans tous les conseils municipaux, y compris ceux des communes de moins de 3 500 habitants, donc, et la recommandation n° 8 visant l’instauration de la parité au sein des bureaux des EPCI. En effet, faute de parité dans les conseils municipaux des petites communes, il serait impossible d’avoir une représentation paritaire dans les EPCI.

Mme Pascale Crozon. C’est certain. En fait, les plus petites communes n’ont souvent qu’un seul représentant, leur maire, qui est très souvent un homme, ce qui explique qu’environ 20 à 25 % seulement des délégués dans les EPCI soient des femmes.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Ce problème est difficile à résoudre car chaque commune désigne son délégué de son côté, sans se préoccuper de ce que font les autres communes. Le fléchage ne fera d’ailleurs que renforcer cette difficulté.

Mme Ségolène Neuville. Je m’interroge sur la rédaction de la recommandation n° 1 relative à l’évaluation du scrutin binominal après trois années de mise en œuvre. Je ne crois pas que ce mode de scrutin entraînera, à lui seul, une évolution des mentalités.

M. Sébastien Denaja. Ce mode de scrutin permettra nécessairement d’obtenir la parité au sein des conseils départementaux. Mais il serait en effet intéressant de savoir, à terme, dans quelle mesure il a contribué à un partage plus égalitaire du pouvoir entre les femmes et les hommes à l’échelon départemental.

Mme Ségolène Neuville. L’une des sous-parties du rapport de Mme Crozon a pour titre : « les élections législatives : le scrutin uninominal et le cumul des mandats expliquent la lenteur des progrès ». Je ne suis pas d’accord avec la seconde partie de ce diagnostic. Souvent, il n’y a qu’une seule candidate pour une élection que l’on croit perdue d’avance, et, si cette candidate a déjà un mandat, elle doit pouvoir se présenter car elle est souvent la seule à avoir une chance d’être élue, justement parce qu’elle a déjà fait ses preuves dans un autre mandat. Je souhaite donc que l’on ne soit pas aussi catégorique. Le cumul des mandats n’est pas forcément un obstacle à la parité.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. De mon point de vue, il est évident que le fait qu’une même personne – un homme le plus souvent – exerce plusieurs mandats pendant de nombreuses années constitue un frein au renouvellement des élus en général et à l’accès des femmes aux mandats locaux. Ne serait-ce qu’en termes de places, le cumul a constitué une limitation jusqu’à présent.

Mme Ségolène Neuville. Je suis persuadée que, dans les circonscriptions difficiles, si le cumul est interdit, ce sera un homme du bord adverse qui sera élu, et pas une femme dépourvue de tout autre mandat.

M. Sébastien Denaja. Nous pouvons convenir que le cumul limite le renouvellement des élus en freinant l’accès aux mandats électifs d’autres catégories de personnes, les femmes, les candidats plus jeunes, les représentants de la diversité. Cela paraît constituer une donnée objective.

Mme Martine Faure. On a trop tendance à prendre prétexte de la prétendue absence de candidat connu pour soutenir la candidature de « cumulards » ! Pour qu’il y ait davantage de femmes élues députées, il faut leur réserver des circonscriptions gagnables, comme l’avait fait M. Lionel Jospin jadis, et cela avait permis de réels progrès.

Mme la Présidente Catherine Coutelle. Nous entrons là dans un autre débat, qui sera prochainement à notre ordre du jour. Pour ma part, je ne suis pas sûre que les « cumulards » soient mieux placés que d’autres pour gagner une élection.

Mme Pascale Crozon et moi-même avons travaillé à la rédaction d’amendements inspirés des recommandations que la rapporteure vient de vous présenter. Un certain nombre ont été déjà déposés pour être examinés par la commission des Lois ; nous n’avons pas encore décidé leur dépôt en vue de la séance publique.

La Délégation adopte le rapport de Mme Pascale Crozon et les recommandations suivantes :

1) La solution retenue par le Gouvernement pour l’élection des conseillers départementaux – le scrutin binominal – assurera la parité dans ces enceintes. Il conviendra d’en faire l’évaluation trois ans après son entrée en application avec les élections de mars 2015, afin de constater si ce mode de scrutin a entraîné une réelle évolution des mentalités et un partage à égalité du pouvoir entre les femmes et les hommes à l’échelon départemental.

2) Compte tenu du risque d'asymétrie des candidatures masculines et féminines, plus particulièrement liée à l'utilisation par les hommes du statut de "candidat sortant", à l'occasion des élections départementales de 2015, la Délégation invite le gouvernement à prendre toutes les mesures réglementaires permettant d'assurer l'égalité de traitement des candidats d'un même binôme. Il s'agit en particulier de veiller à l'équilibre des candidatures dans la propagande officielle : affiches, professions de foi, bulletins de vote.

3) La parité dans les conseils départementaux doit impliquer l’égal accès des femmes aux exécutifs de ces conseils. Il convient donc d’instaurer une obligation pour tous les groupes de conseillers de présenter une liste de candidats paritaire en vue de l’élection de la commission permanente.

4) La parité au sein des conseils municipaux doit s’imposer dans toutes les communes, seul moyen de rénover fondamentalement la vie représentative locale en impliquant largement les femmes dans les responsabilités locales.

La Délégation est en conséquence favorable à la suppression de tout seuil à l’article L.252 du code électoral, afin d’assurer l’élection de tous les conseils municipaux au scrutin de liste paritaire par alternance stricte.

5) Les exécutifs municipaux doivent aussi être constitués de manière paritaire, y compris dans les petites communes.

Il convient pour cela de modifier l’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales afin d’étendre à toutes les communes l’élection des adjoints au scrutin de liste à la majorité absolue, sans panachage ni vote préférentiel. En outre, sur chacune des listes, l'écart entre le nombre des candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.

6) L’accès des femmes à la fonction de maire et de maire-adjoint est encore très limité. Cette situation pourrait évoluer en étendant à l’élection des adjoints l’usage de listes composées alternativement de candidats de chaque sexe, présidant pour l’élection des conseillers municipaux.

Il doit être prévu également que le premier adjoint est de sexe opposé à celui du maire.

7) L’article L.2122-7-2 du code général des collectivités territoriales prévoit une obligation de parité au sein de l’exécutif municipal. Toutefois, en cas de remplacement en cours de mandat, l’obligation de parité demeure si deux adjoints doivent être remplacés, mais le dernier alinéa de cet article permet de déroger à la règle de parité si un seul adjoint doit être remplacé.

Il convient de supprimer cette possibilité dérogatoire afin de garantir, tout au long du mandat, la parité de l’exécutif telle qu’elle a été mise en place lors de son installation.

8) Les femmes sont encore très minoritaires au sein des structures intercommunales. La Délégation souhaite l’instauration de la parité au sein des bureaux des EPCI. Celle-ci interviendrait en modifiant les alinéas 1 et 2 de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, en les complétant par la phrase suivante : « L’écart entre les représentants des deux sexes au sein du bureau ne peut être supérieur à un ».

Cette recommandation est liée à la recommandation n°4. Elle ne pourrait évidemment se concrétiser en l’absence de la parité dans tous les conseils municipaux préconisée plus haut.

9) En l'absence de statistiques officielles sur la représentation des femmes dans les EPCI, la Délégation considère que l'impact sur la parité du suffrage universel par fléchage doit faire l'objet d'une évaluation trois ans après son entrée en application. Il convient en particulier d'en comparer les résultats selon le nombre d'habitants ou de communes membres de l'EPCI.

La séance est levée à 17 heures 45.

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