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Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mardi 10 décembre 2013

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Catherine Coutelle, Présidente

– Examen du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n° 1380) : dispositions relatives à l’égalité dans la vie professionnelle (Mme Barbara Romagnan, rapporteure)

La Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a procédé à l’examen du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n° 1380) : dispositions relatives à l’égalité dans la vie professionnelle et dispositions visant à mettre en œuvre l’objectif de parité (Mme Barbara Romagnan, rapporteure).

L’audition commence à 14 heures.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la Délégation. Le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, dans sa version initiale présentée le 3 juillet 2013, ne comportait que peu de dispositions relatives à l’égalité professionnelle : il comptait quatre articles destinés à favoriser cette égalité à travers deux leviers.

Le premier était un meilleur recours aux dispositifs de soutien à la parentalité pour favoriser le partage des responsabilités parentales et permettre ainsi aux mères de jeunes enfants de ne pas être exclues du monde du travail d’une manière préjudiciable à leur carrière et à leurs droits en matière de retraite ; le second levier concernait l’application effective des obligations d’égalité professionnelle par les entreprises et les professions libérales, par le biais d’actions précises : l’accès aux marchés publics et la protection des salariés lorsqu’ils deviennent parents.

Le choix du Gouvernement a été celui de procéder à l’ajout, dans le projet de loi, de dispositions relatives au droit du travail, à l’issue de la négociation des partenaires sociaux sur l’amélioration de la qualité de vie au travail et sur l’égalité professionnelle. L’origine de cette négociation, il faut le rappeler, est une délibération sociale du 13 juin 2012, qui avait fait ressortir des points de convergence entre patronat et syndicats, et avait permis de fixer les grands thèmes de la négociation.

Cette négociation a été longue et s’est achevée le 19 juin 2013 par la rédaction d’un accord national interprofessionnel, rendu valide le 8 juillet par les premières signatures de partenaires sociaux. Je précise que trois syndicats ont à ce jour signé cet accord : la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC.

Le Gouvernement a donc présenté, lors de l’examen du projet de loi en séance publique par le Sénat, le 16 septembre, des amendements créant cinq nouveaux articles, lesquels ont été adoptés et insérés dans le titre premier. Cette « transposition » de l’accord contribue à mettre en œuvre le souhait du Président de la République de faire de la qualité de vie au travail l’un des thèmes majeurs du dialogue social pour son quinquennat.

Les éléments ajoutés par le Sénat ne constituent qu’une petite partie du contenu des accords. Il est donc souhaitable de compléter le volet égalité professionnelle de ce projet de loi.

L’enjeu du projet de loi de manière générale est de passer d’une égalité formelle, légale, à une égalité effective.

Les recommandations que la Rapporteure et moi-même proposerons abordent de nombreux points : un usage plus complet de l’outil qu’est le rapport de situation comparée (RSC) dans les entreprises, la formation des acteurs de l’égalité professionnelle, la révision des classifications professionnelles.

Je voudrais souligner que l’État doit être exemplaire pour la mise en œuvre de l’égalité professionnelle dans la fonction publique. Je demanderai qu’une évaluation de la mise en œuvre de la loi Sauvadet soit faite fin 2014, afin de voir si les nominations de femmes aux postes de responsabilité ont progressé, notamment dans la haute fonction publique.

J’avais également proposé que le rapport de situation comparée soit rendu public et diffusé sur le site du ministère du Travail.

Il faut examiner avec attention comment le projet de loi peut renforcer l’obligation existante de révision des classifications professionnelles afin que cette révision soit conduite de manière efficace pour aboutir à ce que les classifications ne soient pas discriminantes pour les femmes.

Nous faisons un certain nombre de recommandations concernant le travail à temps partiel, une forme de travail qui concerne majoritairement les femmes et qui est souvent subie, et dont nous savons qu’elle est un facteur de précarité pendant la vie professionnelle puis lors de la retraite. Nous proposons notamment d’améliorer les droits sociaux des salariés à temps partiel, et d’inclure, dans la négociation annuelle sur le temps de travail, la question de la prise en charge par l’employeur des cotisations additionnelles sur la base d’un temps plein.

Mme Barbara Romagnan. Les femmes se heurtent encore dans la sphère professionnelle à plusieurs types de discriminations ou de préjugés.

Il arrive encore trop souvent qu’elles soient considérées par leur employeur ou un futur employeur comme des personnes qui ont ou auront des difficultés à articuler leur vie professionnelle et leur vie personnelle, alors que ce genre de considération n’est pas de mise lorsqu’on envisage d’embaucher ou lorsqu’on travaille avec un homme.

L’articulation de la vie professionnelle et de la vie familiale est en effet une dimension essentielle, et certaines mesures du texte tentent de répondre de manière pragmatique à cet aspect. Cependant toutes les femmes ne sont pas mères et qu’elles le soient ou pas, les discriminations ou les difficultés auxquelles elles ont à faire face au travail ou dans l’accès au travail, ne se limitent pas à cette question.

C’est pourquoi j’ai voulu approfondir la question des inégalités entre les femmes et les hommes et notamment les inégalités salariales que l’on évalue à 27 %, trente ans, pourtant, après la loi « Roudy » sur l’égalité professionnelle.

L’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 fournit un cadre pour l’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle, dans une approche systémique qui, en améliorant les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail, doit avoir des répercussions favorables sur la performance économique de l’entreprise. Cette approche a pour ambition de résoudre les difficultés liées à « l’empilement des textes, le cloisonnement des thèmes, les obligations de négocier selon des modalités et échéances qui ne coïncident pas avec la dynamique (temps et contenu) du dialogue social dans les branches et les entreprises », comme le souligne l’accord.

De fait, la qualité de vie au travail nécessite qu’aucune forme de discrimination ne soit tolérée dans l’entreprise autant dans les conditions de l’accès à l’emploi et à la promotion, que dans la politique salariale ou dans les autres déterminants des conditions de travail.

Ma première proposition est d’admettre la possibilité de mener des actions de groupe pour lutter contre les discriminations au travail et notamment contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Créer une telle procédure permettrait aux syndicats de mener des actions en justice afin de faire constater une discrimination systémique, obliger les employeurs à y mettre un terme et obtenir réparation pour les personnes lésées. C’est un moyen d’action considérable et qui contribuerait à revaloriser les organisations syndicales.

Le rapport examine les outils nécessaires à l'évaluation et à la réduction des inégalités entre les hommes et les femmes. Le travail de la délégation s’est fait particulièrement en ce domaine dans un esprit d’accompagnement du mouvement initié par la Ministre des Droits des femmes, Mme Vallaud-Belkacem. J’attire l’attention sur la nécessité de compléter les données du rapport de situation comparée (RSC) et d’expliciter les objets des négociations sur l’égalité professionnelle, en mentionnant par exemple que le RSC doit comporter des données relatives à la progression professionnelle des salariées et salariés au vu de l'âge, du sexe, de l'ancienneté et des qualifications.

La révision des classifications professionnelles doit remplir l’objectif de non-discrimination pour les carrières des femmes, ce qui pourrait être renforcé en demandant aux branches professionnelles de fournir un rapport annuel à des instances telles que le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP). Il faut souligner que 50 % des femmes occupent des postes au sein de 12 seulement des 87 familles professionnelles ; ces métiers essentiellement exercés par des femmes souffrent d’un manque de reconnaissance de la pénibilité qui leur est propre, et un manque de reconnaissance par la grille salariale aussi.

Un autre aspect est de renforcer la formation des acteurs de l’égalité professionnelle que sont les chargés de ressources humaines et les représentants du personnel. Le contenu et le temps de formation des personnels doivent intégrer la sensibilisation à la question de l'égalité professionnelle.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Nous préconisons, pour les entreprises de moins de 50 salariés, de généraliser le « diagnostic égalité professionnelle » qui existe de manière expérimentale depuis 2010 en lien avec le Conseil supérieur de l’égalité professionnelle.

Je voudrais faire une observation relative à l’interdiction de soumissionner aux marchés publics, pour les entreprises qui n’auraient pas mis en œuvre leurs obligations légales au regard de l’égalité professionnelle. J’approuve la référence au RSC, mais à mon sens, il ne faut pas demander que ce RSC soit joint au dossier de réponse à l’appel d’offre, pour éviter d’ajouter de la « paperasserie » à un dossier qui est déjà volumineux ! Il faut simplement s’assurer que le RSC existe par la remise d’une attestation ou d’une déclaration sur l’honneur.

Mme Barbara Romagnan. Un autre axe de mon rapport est la réduction du recours au temps partiel par les entreprises, ce qui contribuerait à réduire la précarité liée à ce type d’emplois.

Au vu de la précarité qu'il induit pour les femmes, la délégation a déjà défendu à plusieurs reprises un encadrement plus étendu de ce type de contrats, afin de rappeler que la norme demeure l’emploi à temps plein. Le travail de réflexion a donc vocation à s’orienter vers des dispositifs visant à :

– décourager le recours au temps partiel par le biais d’une surcotisation concernant le chômage et l'assurance vieillesse, qui aurait donc pour avantage de protéger les salariés contre la précarité à laquelle ils sont exposés au terme du contrat et au moment de la retraite ;

– ouvrir les droits sociaux à tous les contrats en supprimant la notion de prorata temporis qui grève le droit à la formation et à la protection sociale ;

– limiter le recours aux horaires atypiques en majorant les heures périphériques. La délégation se prononce également en faveur d'examens médicaux renforcés en cas d'horaires de travail atypiques ;

– enfin, prévoir une prime de précarité pour les contrats à temps partiels à l'instar de ce qui existe pour les contrats à durée déterminée.

Enfin, un dernier axe important du projet de loi et de nos propositions est la mise en place d’un véritable accompagnement de la parentalité afin de limiter l’impact des responsabilités familiales sur la vie professionnelle des femmes.

La ministre des Droits des femmes a initié une démarche décisive et salutaire, que la délégation appelait de ses vœux, consistant en l’instauration du partage entre les deux parents du complément de libre choix d’activité (CLCA). Ce choix conduit selon nous à poser clairement comme objectif à moyen terme un congé plus court et mieux rémunéré. En effet, plus le congé est long, plus le retour à l’emploi est difficile pour les femmes.

La délégation porte par ailleurs une conception partagée de la parentalité ; c’est pourquoi j’ai insisté sur la nécessité d’ouvrir des droits pour les pères (tel que la prolongation du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, l’autorisation d'absence des pères au travail pour les examens prénataux, par exemple). Nous savons que l’implication précoce des pères détermine le partage des responsabilités éducatives et familiales par la suite.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Enfin, un chapitre du rapport évoque l’importance d’ouvrir une réflexion au plan national sur l’articulation de la vie professionnelle avec la vie personnelle et les mesures qui pourraient être prises dans les différentes sphères collectives pour la favoriser. En effet, un aménagement plus efficace et plus respectueux des rythmes de vie produit d’excellents résultats tant pour faire baisser le stress des salariés qu’en termes de productivité de l’entreprise.

La délégation rappelle que notre pays doit augmenter et diversifier l’offre d’accueil des enfants jusqu’à trois ans afin de constituer un véritable service public de la petite enfance, car trop souvent l’impossibilité de faire garder son enfant entraine la perte de l’emploi pour la mère.

L’ouverture plus grande des possibilités de télétravail a été évoquée par certaines personnes entendues en audition : il peut être une réponse pertinente pour l’adaptation de l’organisation du travail et des rythmes pour certains salariés et pour les cadres. C’est une organisation à manier avec prudence et à bien délimiter afin qu’il ne soit pas porteur des défauts qu’on constatait avec le travail à façon à domicile.

M. Christophe Sirugue. Il y a un risque d’isolement lié au télétravail, aussi faut-il considérer les avantages et les inconvénients de ce mode d’organisation : cela appelle en effet la réflexion.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Le congé parental devra, à terme, être plus court, mieux rémunéré et partagé. Il est certes intéressant de faciliter la présence du père lors des examens prénataux, comme vous le mentionnez, mais ils sont aujourd’hui assez nombreux, aussi faut-il être prudent sur l’extension qu’on veut apporter.

Mme Barbara Romagnan. Je voudrais proposer que le congé de trois jours pour évènement familial soit renforcé, et que le congé de paternité soit prolongé jusqu’à quatre semaines. Si on ne rend pas ces congés obligatoires, les pères ne les prendront pas. Il faudrait selon moi faire en sorte que les pères n’aient pas à solliciter la faveur de leur employeur pour obtenir les autorisations d’absence à l’occasion et après la naissance.

M. Christophe Sirugue. Et comment définissez-vous le père en dehors des liens du mariage ? Est-ce celui qui sera déclaré tel par la mère ? Et si le père ne se rend pas aux examens, que se passera-t-il, y aura-t-il une sanction ?

Mme Barbara Romagnan. Il existe une définition de la personne bénéficiaire du congé de paternité dans le code du travail. Il s’agit du père salarié, mais le cas échéant, le conjoint de la mère ou la personne vivant maritalement avec elle. J’ai conscience qu’interdire au père de travailler pendant ces périodes liées à la naissance serait très nouveau mais cette interdiction existe bien pour la mère avec le congé de maternité.

Mme la présidente Catherine Coutelle. On se heurterait au problème de l’absence de rémunération du père dans la plupart des cas. Nous pourrions évoluer vers une telle solution s’il existait une compensation financière. Il ne faudrait pas que ce congé soit perçu comme une diminution des revenus de la famille. Dans le cas où le père seul travaille, chaque jour non travaillé a une influence importante sur le niveau de vie du couple.

Les objectifs, très bien décrits dans le rapport, consistent à impliquer le père dans l’accompagnement de l’enfant le plus tôt possible ; mais on ne peut pour cela obliger le père à prendre un arrêt de travail sans compensation, surtout ceux dont les revenus sont les plus faibles.

Mme Barbara Romagnan. Il y a également un problème concernant les travailleurs indépendants, et je l’entends. Mais en cas d’assouplissement de l’obligation en simple possibilité pour le père de prendre un arrêt de travail, le résultat sera celui que nous ne connaissons que trop bien : arrêteront de travailler seulement ceux qui en ont les moyens.

En ce qui concerne la recommandation qui propose l’ouverture de la possibilité de prolonger le congé paternité et d’accueil de l’enfant à quatre semaines, il s’agit toujours de l’objectif d’impliquer le père dans la vie de l’enfant. Cela intéresse aussi la protection accordée en pareil cas aux professions libérales. Les pères doivent être autant protégés par le droit du travail que les mères, qui ne peuvent actuellement être licenciées dans les quatre semaines qui suivent la naissance. Le but est de stabiliser la situation du foyer dans lequel arrive l’enfant.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Il y a une inégalité que l’on ne résout pas concernant le congé de paternité de onze jours. On constate une distorsion entre la fonction publique où le congé de paternité est pris par 80 % des pères – et le secteur privé, dans lequel ce congé n’est pas pris en compte – et en conséquence la proportion des pères qui le prend n’est que de 25 à 30 %. Un arrêt de travail de onze jours non payés dans un mois, cela peut être très difficile pour les revenus les plus faibles, voire impossible.

Je suis favorable à tout ce qui touche l’accueil partagé de l’enfant, mais il est important d’envisager des moyens qui soient effectifs.

Mme Barbara Romagnan. J’en viens à ma recommandation relative aux sportives de haut niveau : elle vise à empêcher la désinscription des femmes enceintes des listes de sportives de haut niveau. Actuellement, la perte de statut qu’elles subissent modifie les ressources qu’elles perçoivent, et cette situation est particulièrement défavorable à l’accueil d’un enfant.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je précise le contexte de la recommandation relative au développement de l’école préélémentaire et des classes passerelles. J’ai déjà défendu cette ambition devant Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la Famille, lors du travail de notre délégation sur l’accueil de la petite enfance. Le Gouvernement veut diversifier les modes d’accueil des jeunes enfants. Notre école maternelle est une force, mais l’âge à partir duquel l’enfant peut y entrer est un problème pour nombre de familles.

À mon sens, il y a deux problèmes. Aucun texte ne prévoit l’accueil de l’enfant à partir de septembre, donc celui-ci pourrait théoriquement entrer à l’école dès ses trois ans. Mais c’est une habitude très forte du corps enseignant que d’accepter les nouveaux enfants en septembre. On pourrait également améliorer l’accueil des enfants à partir de deux ans par le développement des classes passerelles adossées à l’école maternelle, mais qui ne se confondent pas avec elle. Le financement en serait assuré partiellement par la caisse d’allocations familiales dans la limite de ce qu’elle verse aux familles et par le ministère de l’Éducation nationale.

Nous recommandons d’étudier la possibilité d’un statut pour les familles monoparentales, afin qu’elles accèdent plus facilement à certains services (transports, crèche, par exemple).

Enfin, la dernière recommandation exprime le désaccord de la délégation avec l’amendement adopté au Sénat concernant la garde alternée obligatoire entre les deux parents. C’est au juge, selon l’intérêt supérieur de l’enfant, de décider des modalités de la garde.

M. Christophe Sirugue. J’ai deux idées d’amendement que je voudrais suggérer, d’autant plus que le Gouvernement m’avait répondu, lorsque je les avais présentés dans le cadre de la discussion sur la sécurisation des parcours professionnels, d’attendre la loi « Égalité entre les femmes et les hommes ».

Le premier concerne le délai de prévenance de sept jours, qui peut faire l’objet d’une négociation avec l’employeur, et être rapporté jusqu’à trois jours. Il faut empêcher que les horaires des employés soient modifiés au dernier moment.

Le second amendement concerne la majoration des heures effectuées dans le cadre d’un avenant. La loi sur la sécurisation de l’emploi prévoit aujourd’hui huit avenants, et je pense qu’il faut encadrer cette disposition. Je propose donc d’intégrer ces deux idées aux recommandations.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis d’accord avec le fait que cette possibilité de ramener le délai de prévenance à trois jours est un facteur d’instabilité des horaires de travail. L’encadrement des avenants est en effet très important, sinon on réduit la portée de la loi et la sécurité que l’on a introduite avec la durée hebdomadaire de 24 heures pour le travail à temps partiel.

Je suis d’accord avec ces propositions, qui devront faire l’objet d’amendements. Il s’agit maintenant de passer aux actes, et de ne plus renvoyer les garanties que l’on veut apporteur aux salariés à d’autres acteurs.

Il me semble qu’il faudra étudier les difficultés auxquelles se heurtent les femmes étrangères dans l’accès au travail et à même à l’information.

M. Christophe Sirugue. La Délégation se saisira-t-elle pour avis lorsque viendra le débat sur le travail du dimanche ? Je pense utile qu’elle se saisisse de ce texte, car je pense qu’il aura beaucoup d’influence sur les conditions de vie et de travail des femmes.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Je suis tout à fait d’accord pour que la Délégation continue à s’intéresser à cette question et examine ce futur projet de loi.

M. Christophe Sirugue. Ma deuxième question concerne le problème des transsexuels. Quel serait le véhicule législatif le plus adapté à cette thématique ? Je m’interroge sur la meilleure manière de procéder. Je considère que la présente loi pourrait au moins régler le problème de l’état civil.

Mme Barbara Romagnan. Dans la mesure où la loi vise l’égalité entre les sexes, je ne vois pas de problème à introduire une disposition sur les transsexuels. D’autre part, je pense que le moment est judicieux dans la mesure où nous n’en faisons pas un point spécifique.

Mme Monique Orphé. J’entends le problème d’une proposition de loi particulière qui stigmatiserait par trop les transsexuels, mais je considère qu’aborder la question dans ce projet de loi sur l’égalité homme-femme contribuerait à le rendre trop disparate. La garde alternée et les « mini miss » ont déjà eu pour conséquence de passer sous silence toutes les avancées pour les femmes que porte le projet de loi.

Mme la présidente Catherine Coutelle. Effectivement, les deux amendements introduits au Sénat sur les « mini miss » et le congé parental obligatoire ont concentré l’intérêt des médias. Pour ma part, il me semble que la loi étant relative à l’égalité entre les femmes et les hommes, une recommandation sur les transsexuels n’y a pas vraiment sa place. Mais je comprends aussi qu’il n’y a pas d’autre support dans l’immédiat, et qu’il s’agit donc d’un sujet délicat.

Je vous indique que la partie du projet de loi relative à la parité sera abordée la semaine prochaine sur le rapport de Mme Brigitte Bourguignon. Nous adopterons l’ensemble du rapport d’information à cette occasion.

À l’issue de la présentation de la deuxième partie du rapport d’information sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (n°1380), la Délégation a adopté les recommandations suivantes :

I. De nouveaux droits pour l’ensemble des salarié-e-s et pour mieux construire l’égalité professionnelle

1) mettre en place la possibilité de mener des actions de groupe pour lutter contre les discriminations au travail et notamment contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes. Permettre aux syndicats de mener des actions en justice afin de faire constater une discrimination systémique, obliger les employeurs à y mettre un terme et obtenir réparation pour les personnes lésées ;

2) inscrire dans le code du travail l’objectif de réduction des discriminations en raison du sexe dans les catégories et les critères de classification et de promotion professionnelles ;

3) prévoir que les branches professionnelles fournissent un rapport annuel à la commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au Conseil supérieur de l’égalité professionnelle (CSEP) sur la révision des classifications, portant sur l’analyse des négociations réalisées et sur les bonnes pratiques ;

4) s’assurer de l’exemplarité de l’État en matière d’égalité professionnelle et appliquer le protocole d’accord signé le 8 mars 2013. S’assurer du respect du principe de traitement égal pour un travail de valeur égale dans les grilles de la Fonction publique.

II. Renforcer le rapport de situation comparée et les autres obligations en matière d’égalité professionnelle

5) faire des obligations légales concernant le rapport de situation comparée, la négociation sur l’égalité professionnelle ou le plan d’action, une condition de l’allègement de charges sur les bas salaires.

6) les entreprises, pour pouvoir soumissionner à une procédure de marché public, doivent respecter la législation en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le dossier de candidature doit comprendre une déclaration de dépôt du rapport de situation comparée (RSC) ou du plan d’action auprès de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE).

7) élargir à l’ensemble des contrats publics la condition de respect par l’entreprise des obligations relatives à l’égalité professionnelle.

8) inclure l’objectif d’égalité professionnelle ainsi que les mesures pour atteindre cet objectif de manière transversale dans l’ensemble des négociations.

9) ajouter le sujet des discriminations au cours de la carrière parmi les thématiques à traiter au sein de la négociation sur l’égalité professionnelle.

10) recouper les données salariales du rapport de situation comparée en fonction de l’âge et du sexe des salariés occupant des postes équivalents.

11) renforcer la capacité d’expertise du comité d’entreprise en lui permettant de demander une expertise en cas de non-présentation du rapport de situation comparée.

12) généraliser le diagnostic égalité professionnelle pour les entreprises de 10 à 50 salariés afin de produire des données à partir de celles fournies par les entreprises dans leurs déclarations sociales.

13) rendre les rapports de situation comparée, les accords négociés et les plans d’action publics et disponibles sur le site du ministère du Travail et de l’emploi ou des DIRECCTE.

III. Améliorer la santé et la sécurité des salarié-e-s

14) rendre obligatoire l’évaluation genrée des risques professionnels et psycho-sociaux.

15) faire en sorte qu’aucun salarié ne soit à l’écart de la médecine du travail et rendre plus fréquents les examens médicaux effectués dans le cadre de la médecine du travail pour les salariés soumis à des horaires atypiques.

16) redéfinir le temps effectif de travail dans des secteurs particulièrement sujets à la dispersion des heures travaillées

– soit en incluant dans le calcul de la durée légale du travail, les déplacements entre différents lieux de travail sur une même journée

– soit en prenant en compte le temps de déplacement lorsque le temps travaillé est inférieur à trois heures.

IV. Mieux former et informer les acteurs de l’égalité professionnelle

17) intégrer dans la formation de l'ensemble des professionnels chargés de l'accompagnement vers l’emploi, ou de l'orientation, une sensibilisation à l’égalité professionnelle, et à la question de la segmentation sexuelle du marché du travail.

18) former les responsables des ressources humaines et les élu-e-s des instances représentatives du personnel (IRP), aux questions de l’égalité entre les femmes et les hommes, de l’égalité professionnelle et des violences sexistes.

19) inclure, parmi les catégories d’action de formation professionnelle prévues par l’article L. 6313-1 du code du travail, les actions de promotion à la mixité dans les entreprises ainsi que les actions de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes et pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

V. Encadrer davantage le travail à temps partiel

20) renforcer les droits sociaux pour les contrats courts, ouvrir des droits sociaux à tous les contrats et supprimer la notion de prorata temporis pesant notamment sur les droits à la formation et la protection sociale.

21) ouvrir davantage l'accès aux indemnités journalières, permettant de compenser la perte de salaire en cas d'arrêt de travail, aux personnes travaillant à temps très partiel et n'y ayant pas accès ; une première étape pourrait consister à abaisser le palier de 200 heures à 150 heures pour valider un trimestre ouvrant ces droits.

22) instituer une surcotisation à l’assurance chômage pour les emplois à temps partiel.

23) banaliser une journée par an, sur le temps de travail, pour l’information et la sociabilisation des employés à temps partiel, et afin de lutter contre leur isolement et la méconnaissance de leurs droits relatifs à l’hygiène, la santé et la sécurité, à la formation professionnelle et à la représentation collective du personnel.

24) rendre la surcotisation obligatoire pour les employeurs lorsqu’ils abusent du recours à l’emploi à temps partiel ; un seuil de 50 % de salariés à temps partiel pourrait être retenu pour l’application de cette surcotisation.

25) le recrutement d’un nouveau salarié à temps plein sur un type d’emploi ne peut avoir lieu lorsqu’au sein de l’entreprise, un ou plusieurs salariés à temps partiel ont manifesté, par écrit, leur souhait de travailler à temps plein (article L.3123-8 du code du travail).

26) rendre obligatoire la possibilité de l’employeur de prendre en charge les cotisations patronales additionnelles sur la base du temps plein lorsque les négociations prévues sur les modalités d’organisation du temps partiel n’ont pas été menée.

27) inclure systématiquement la possibilité de l’employeur de prendre en charge les cotisations patronales additionnelles sur la base du temps plein dans la négociation annuelle sur le temps de travail.

VI. Améliorer les droits des salariés aux horaires fractionnés et atypiques

28) redéfinir le temps effectif de travail dans les secteurs particulièrement sujets à la dispersion des heures travaillées, et prendre en compte dans le calcul de la durée légale du travail, les déplacements entre différents lieux de travail sur une même journée. Inclure le temps de déplacement lorsque le temps travaillé est inférieur à 3 heures.

29) éviter le contournement de la majoration des heures complémentaires par le recours à un avenant, et décourager le recours aux avenants en augmentant la majoration des heures complémentaires effectuées dans ce cadre. 

30) inviter les partenaires sociaux à revoir, au niveau des accords de branche, dans un sens plus strict, les dérogations aux dispositions légales relatives aux interruptions de travail et aux délais de prévenance en cas de modification d'horaires.

31) supprimer la possibilité pour les entreprises de réduire le délai de prévenance par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement.

32) inviter les interlocuteurs sociaux à mener des négociations sur les horaires atypiques et sur la possibilité de décourager le recours aux horaires atypiques en majorant les heures effectuées très tôt ou très tard.

33) encourager les entreprises retenues pour un marché public à réaliser les tâches de ménages et d'entretien pendant les heures habituelles de travail afin de limiter les horaires atypiques.

34) une prime de précarité est ajoutée à l’indemnité de licenciement ou à l’indemnité de départ du salarié lorsqu’il quitte l’entreprise. Cette prime est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée pendant la durée du contrat.

La prime de précarité versée au départ d’un salarié à durée déterminée est majorée lorsque celui-ci était à temps partiel.

VII. Mieux prendre en compte la question du handicap

35) le ministère délégué en charge des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion examine l’éventualité de l’institution, dans les entreprises, d’une personne chargée de mission ou référente pour les salariés handicapés.

36) le ministère délégué en charge des Personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion devra diligenter un rapport sur la situation matérielle et morale des mères d’enfants handicapés à travers différents éléments tels que le contexte de la prise en charge éducative des enfants handicapés aux différents moments de la journée scolaire et extra-scolaire, le suivi sanitaire et soutien psychologique apporté aux parents et particulièrement à la mère.

L’objectif de ce rapport pourrait être de préciser les mesures d’aide et de soutien à prendre en matière éducative, sociale et sanitaire pour les familles d’enfants handicapés.

37) inciter les partenaires sociaux à prévoir la possibilité de fractionner le congé pour enfant malade afin que les parents puissent mobiliser quelques heures pour accompagner leur enfant à des visites médicales ou des examens médicaux.

VIII. Accompagner la parentalité : un progrès pour les mères, les pères et les enfants

38) fixer un objectif chiffré de raccourcissement du congé libre choix (CLCA) permettant une meilleur rémunération. La réduction du congé permettra la réévaluation de sa rémunération sans augmenter le coût du dispositif.

39) prévoir pour les pères le bénéfice d’une autorisation d’absence pour se rendre avec la mère de leur enfant à naître aux examens prénataux obligatoires.

40) renforcer le congé de trois jours pour évènement familial lié à une naissance qui n’a actuellement qu’un caractère facultatif.

41) permettre le prolongement du congé de paternité et d’accueil de l’enfant à 4 semaines ;

– étendre aux pères, pour la même période, les garanties dont bénéficie la femme enceinte aux termes de l’article L 1225 – 4 du code du travail.

42) permettre aux sportives de haut niveau de continuer de percevoir l’intégralité de leur traitement pendant la durée de leur grossesse, puis la moitié de ce traitement dans les six mois suivant la naissance de l’enfant.

43) maintenir la possibilité du juge d’estimer la diversité des situations et faire en sorte que l’intérêt supérieur de l’enfant prévale dans les décisions relatives aux choix concernant sa résidence en cas de séparation des parents. Les dispositions du titre III bis du projet de loi sont particulièrement inadaptées aux situations de violences faites aux femmes dont l’enfant peut être la victime directe ou indirecte, en tant que témoin.

44) ouvrir une réflexion sur la définition d’un statut protégé du parent qui, en cas de divorce ou séparation, ne recouvre plus la pension alimentaire ou la prestation compensatoire. Ce statut aurait pour effet de le protéger d’éventuelles procédures dues à son insolvabilité, jusqu’au versement effectif, soit de l’allocation au soutien familial (ASF), soit des impayés en cas de recouvrement.

45) analyser la possibilité de créer un statut pour les familles monoparentales afin de leur permettre d'accéder plus facilement à certains services, notamment à des tarifs préférentiels dans les transports, ou encore à des places d’accueil pour la petite enfance.

46) augmenter et diversifier l’accueil des jeunes enfants de moins de trois ans, en développant l’école préélémentaire et les classes passerelles, avec l’ambition de mettre en place un véritable service public de la petite enfance, auquel les familles monoparentales auraient un accès prioritaire. En parallèle, développer les services de prise en charge de la dépendance.

47) orienter, par l’intermédiaire des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), davantage de fonds de formation en direction des ateliers de sensibilisation des managers de proximité au sujet de la conciliation de la vie professionnelle et personnelle. Mettre au point des formations-action afin que les managers réagissent de manière positive aux évènements familiaux ou personnels de leurs salariés.

La séance est levée à 15 heures 15.