Fabrication de la liasse
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Compléter cet article par l’alinéa suivant :

« Dans une perspective de gestion intégrée des enjeux d’alimentation, de nutrition et du climat, le Gouvernement organise une concertation pour la mise en œuvre d’un nouveau risque associé au volet prévention ou à une sixième branche de la sécurité sociale sur l’alimentation, rassemblant l’ensemble des acteurs concernés, et pilotée par les organismes gestionnaires des différentes branches de la sécurité sociale. »

Exposé sommaire

Cet amendement propose de mettre en oeuvre une concertation sur la possibilité d'une expérimentation nationale d'une sécurité sociale de l'alimentation.

La situation sanitaire exacerbe la situation de précarité de nombreux ménages : le nombre d’individus en situation de précarité alimentaire est désormais estimé à 10 millions. Nombre d’entre eux sont jeunes, étudiants, mais aussi avec enfants. Or, le système d’aide alimentaire actuel présente de nombreuses failles :

  • Il n’existe pas à ce jour d’effort concerté et structurant articulant l’ensemble des dispositifs dans une stratégie globale de lutte contre la précarité alimentaire. Le FEAD opère de manière dissociée des stratégies nationales, qui elles-mêmes coopèrent peu.
  • Le système actuel ne fait pas le lien entre précarité, santé publique et lutte contre l’obésité, transition agro-écologique, soutien économique des exploitations agricoles. Or, une stratégie conjointe portant sur l’ensemble de ces enjeux aurait du sens, étant donnée leur interdépendance. Aujourd’hui, les publics les plus précaires sont davantage touchés par le surpoids et l’obésité, l’accès financier à une alimentation saine et durable leur est difficile : l’aide alimentaire ne permet pas de répondre à ces enjeux entrecroisés. 
  • Le système actuel possède une couverture insuffisante : en 2018, seuls 5,5 millions sur 9,2 millions de personnes pauvres en France (source INSEE, définition de la pauvreté à 60% du revenu médian) ont bénéficié de l’aide alimentaire, soit 6 personnes éligibles sur 10. Ceci est lié notamment à son caractère volontariste (un individu éligible doit faire la démarche pour en bénéficier) et stigmatisant (perception avilissante du recours à l’aide).
  • Cette aide est insuffisante pour combler les besoins nutritionnels moyens des bénéficiaires, et souvent en décalage vis-à-vis de l’équilibre nutritionnel prescrit par le PNNS (UMR Inserm, Inra, Cnam). Elle est à 95% constituée d’invendus et de produits transformés (EAPN France, 2018).
  • Le système ne donne pas beaucoup de choix aux bénéficiaires, ceci étant inhérent à son fonctionnement basé sur le don, et accolé à la lutte contre le gaspillage alimentaire. L’INRAE le qualifie de système “nourrissant les rebus de la société avec les rebus de la société de consommation”.
  • Le système est conçu pour faire face à des besoins urgents, et non pour fournir une alimentation saine et durable sur le long terme aux publics fragiles. Or, leur nombre augmente : il est à craindre qu’il atteigne les 10 millions du fait de la crise sanitaire.
  • La mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation durable serait l’affirmation en actes du droit de tous à une alimentation saine, durable et choisie. Accolée à la sécurité sociale de 1945 affirmant le droit de tous à la santé, elle serait le pendant préventif d’une vision curative de la santé, depuis longtemps prédominante.

En sortant d’une logique spécifique de lutte contre la pauvreté, qui “institutionnalise la charité”, la sécurité sociale de l’alimentation durable est conçue comme une politique publique transversale, créatrice de droit et répondant aux priorités économiques, sociales et environnementales caractéristiques de la décennie qui s’ouvre. 

En versant un montant fixe, tous les mois, à un public ciblé (voire progressivement plus large) sur la carte vitale, à dépenser dans les établissements conventionnés et pour des produits conventionnés, l’État s’assure de :

  • Toucher l’ensemble des publics éligibles, palliant les obstacles d’ordre informatif, administratif et psychologique du système actuel ;
  • Encourager les comportements de consommation vertueux (produits sains, de saison, de qualité, locaux) ;
  • Lutter contre le surpoids et l’obésité, touchant plus particulièrement les publics précaires ;
  • Accélérer la transition agro-écologique par la demande.

Assurément élevé, le coût de cette mesure est à amortir sur le long terme, grâce aux économies issues notamment :

  • De la diminution des coûts de santé imputables au surpoids, à l’obésité et aux maladies connexes (le coût de l’obésité est d’environ 5% du budget de la sécurité sociale, soit environ 24 Md€/an) ;
  • De la réorganisation et simplification du système d’aide alimentaire actuel (750 M€/an) et des plans et stratégies nationales y ayant trait ;
  • De l’anticipation du coût écologique et social imputable au secteur agricole conventionnel et au système alimentaire actuel.
  • Enfin, en favorisant la consommation locale et l’agriculture de qualité, cette politique publique se ferait l’outil de la souveraineté alimentaire nationale et européenne.

Une concertation quant à une éventuelle expérimentation permettrait d'étoffer l'état des connaissances et du consensus en la matière, et d'avancer sur cette base.