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Session ordinaire de 2000-2001 - 20ème jour de séance, 42ème séance

1ère SÉANCE DU LUNDI 6 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          DÉFENSE 2

La séance est ouverte à dix heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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DÉFENSE

M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur spécial de la commission des finances - Monsieur le ministre, au nom de la commission des finances, saisie au fond, je souhaiterais rendre tout d'abord hommage aux hommes qui sont sous votre responsabilité.

En effet, nos armées vivent quatre révolutions simultanées : la professionnalisation, la multinationalisation des programmes d'armement et des opérations, la réduction des budgets d'équipement -près d'un tiers en moins de dix ans- et la métamorphose d'une armée territoriale de masse en une armée professionnelle de projection. Ainsi, la part projetable de l'armée de terre à bref préavis était de 10 % en 1996. Elle est passée à 40 % aujourd'hui et sera de 75 % en 2002. La véritable révolution est là.

Cette réforme menée sans bruit dans des délais tendus montre la formidable capacité d'adaptation de nos armées et le civisme des jeunes. Derrière, on peut voir l'intelligence, le sens de l'Etat, le dévouement des hommes. Je suis heureux de pouvoir ici leur rendre cet hommage.

D'entrée de jeu, je qualifierai ce projet de bon budget. Le ministère a très profondément rationalisé ses procédures et c'est un progrès, Monsieur le ministre, que les observateurs devront porter à votre crédit.

La réforme a été menée avec une remarquable continuité à travers les alternances politiques. Les principaux chocs financiers ont eu lieu entre 1995 et 1997. La principale difficulté était que cette mutation devait s'effectuer en même temps que des restrictions budgétaires.

Pouvait-on faire autrement ?

Le respect du pacte de stabilité budgétaire européen, l'équilibre des budgets civils et militaires ne laissaient pas beaucoup de latitude. On peut le regretter, mais la situation s'impose à nous. Il ne s'agit pas de la vivre comme une frustration, mais comme une exigence.

Le Président de la République lui-même a accepté cette exigence. Notre politique de défense ne pâtira donc pas de la cohabitation. Le budget de la défense sera à l'abri des pollutions du débat politicien et c'est bien ainsi.

Le projet de budget suit de près la loi de programmation militaire. Nous sommes très au-delà des 90 % de réalisation, au moins en ce qui concerne le titre III, le titre V étant plus discutable.

Dans le titre III, qui s'élève à 105,5 milliards, 90 % des emplois prévus en loi de programmation sont aujourd'hui budgétés.

Les évolutions lourdes déjà pressenties l'année dernière se confirment. Il s'agit notamment du coût plus lourd que prévu de la professionnalisation. Les rémunérations et charges sociales -RCS- atteignent maintenant 80 % du titre III.

La déflation des effectifs globaux des appelés se poursuit et 7 700 emplois de militaires du rang, dont 1 050 gendarmes, sont créés.

La suppression du service national entraîne un mouvement d'externalisation qui, pour l'armée de terre, représente 15 % du titre III hors RCS.

Notons en négatif une très forte tension sur le service de santé des armées et surtout d'importants problèmes de carburant. Malgré l'effort budgétaire, la base d'un baril à 20 dollars et d'un dollar à 6,50 F sera certainement très en-dessous de la réalité. Attention à ne pas gérer le choc pétrolier au détriment de l'activité des forces.

En positif, on note le bon fonctionnement de la politique d'accompagnement de la professionnalisation et la revalorisation des rémunérations. Les inquiétudes qui concernaient le recrutement des personnels civils me paraissent s'atténuer.

Le budget de fonctionnement de la gendarmerie augmente de 6,9 % et les crédits relatifs à l'entraînement progressent. D'où une augmentation sensible du taux d'activité de chaque arme, souvent dans des cadres interalliés.

Le titre V, de 83,4 milliards de francs, augmente de 0,5 %. Rappelons que l'annuité théorique de la loi de programmation militaire -LPM- était de 90,3 milliards et celle de la revue de programme de 86,1 milliards. La baisse de la TVA à 19,6 % solde sans doute l'ensemble à une augmentation de 1 % des moyens disponibles.

La LPM sera réalisée à plus de 90 % alors que nous sommes en fin de période. Même si ce n'est pas parfait, c'est beaucoup mieux que pour la précédente, où ce décalage était apparu dès la première année.

En structure, notons que la dissuasion, qui a diminué de 60 % en dix ans, représentera 19 % du titre V. C'est exactement ce que prévoyait la LPM.

Les commandes globales, qui représentaient 12 % des engagements en 1997 et 16 % en 1998, vont passer à plus de 23 %. Evidemment, il faut éviter les dangers de rigidification du budget, mais les avantages de ces commandes globales sont tels que nous ne devons pas regretter le niveau atteint.

M. René Galy-Dejean - Et l'avion du futur ?

M. le Rapporteur spécial - J'y viens. Il faut noter l'effort de maîtrise imposé par la délégation générale aux armements qui a placé 85 programmes sous contrôle de gestion. C'est le cap à maintenir.

Ce titre V m'inspire quelques interrogations.

D'abord, sur le niveau à nouveau trop faible des études en amont. Les crédits baissent en francs constants, alors que nos partenaires de l'Europe maintiennent leur effort.

Au passage, je regrette que les recherches concernant les armes non létales restent à l'état de simple veille technologique.

En revanche, le programme de simulation « PALEN » va bénéficier de formidables outils informatiques. Ceux-ci devraient aussi être mis à la disposition d'autres recherches, civiles celles-là, comme sur le séquençage du génome humain.

D'importants efforts de rationalisation ont été menés, avec le développement du service interarmées de maintenance de tout le matériel aéronautique -SIMMAD-. Le développement du service de soutien à la flotte, l'adossement de la direction des constructions navales à Thomson pour ses activités internationales étaient des mesures positives attendues.

Mes collègues de la commission de la défense sauront vous dire la nécessité de financer en autorisations de programme l'A400 M, programme européen majeur de six Etats, qui restera fragile tant que cette décision ne sera pas prise.

Concernant le Rafale, il faut sortir du blocage sur le financement du standard F2 pour que ce programme, dans lequel nous avons déjà investi plus de 50 milliards, puisse enfin nous fournir les avions dont la marine et l'armée de l'air ont besoin.

Ce tableau où les aspects positifs l'emportent largement serait incomplet si je n'insistais pas sur quelques scories, essentiellement héritage du passé (« Ah ! Enfin ! » sur les bancs du groupe du RPR).

M. René Galy-Dejean - Un passé très récent !

M. le Rapporteur spécial - Quelques points d'abord sur lesquels je passerai rapidement. Les raisonnements de répartition par arme se rencontrent encore trop souvent. Il serait nécessaire de passer définitivement à une culture d'interarmisation et d'architecture de forces. La prochaine loi de programmation militaire doit s'y attacher.

Les restructurations de nos anciens arsenaux pèsent trop lourd. Les milliards engloutis par la DCN et par le GIAT peuvent être regrettés, mais l'absence d'alternative est évidente.

Je passerai également sur l'étrange financement de la direction des applications militaires du Commissariat à l'énergie atomique dont une bonne part des crédits devrait relever du titre III au lieu du titre V.

Par contre, je voudrais insister sur l'augmentation du BCRD. Disons, pour être indulgent, que ces sommes sont certainement utiles au CNES et peut-être même un peu au budget de la défense. Il est par contre évident qu'elles ne sauraient être intégrées dans la prochaine LPM. Une clarification s'imposera avant 2002.

Mais surtout, la plus forte progression de votre budget concerne les crédits destinés aux territoires de la Polynésie française : 360 millions en 1999, 600 en 2001. On peut s'interroger sur le cadre juridique qui régit l'utilisation de ces crédits.

Le rapporteur de la commission des finances n'a pas disposé d'informations sur l'utilisation détaillée de ces crédits, ni sur les critères précis de sélection des opérations et des bénéficiaires.

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une mauvaise circulation de l'information entre le Gouvernement et le Parlement, mais que le Gouvernement lui-même ne dispose pas de ces éléments. Je n'incrimine donc en rien votre administration puisque ces crédits, qui n'ont rien à voir avec la défense, devraient être prélevés sur un autre budget.

M. Yves Fromion - Pourquoi n'est-ce pas fait ?

M. le Rapporteur spécial - J'espère que se dissipera un jour l'impression de vaste désordre que m'a laissée ma tentative d'y voir clair. Notre pays s'est doté d'instances de contrôle qui, me semble-t-il, trouveraient dans l'utilisation de ces fonds un champ d'investigation prometteur.

M. Yves Fromion - C'est une accusation très grave que vous portez là !

M. le Rapporteur spécial - Oui. Enfin, ce budget, serré mais pertinent, doit s'analyser aussi dans un plus vaste ensemble, celui de l'Europe de la défense. La France y joue un rôle central puisqu'elle est au c_ur des regroupements industriels, au c_ur de tous les programmes de coopération et au c_ur des constructions institutionnelles.

Les sommets européens se suivent, depuis ceux d'Helsinki et de Saint-Malo, à un rythme soutenu et ils ont des résultats positifs, puisque l'Europe renforce ses capacités industrielles opérationnelles, stratégiques et politiques. Mais nous notons, pour nous en inquiéter, que si la France s'équipe à hauteur de 80 milliards par an, et le Royaume-Uni de 100 milliards, l'effort allemand est inférieur à 40 milliards. Espérons que l'évolution du budget allemand n'est que passagère car une telle divergence créerait, à terme, de fortes tensions.

Considérons comme un signe positif la position allemande concernant la politique spatiale. Notre voisin semble s'être ressaisi, à la suite de l'expérience douloureuse du Kosovo, qui lui a montré qu'il n'était pas d'existence politique possible sans capacité d'évaluation autonome des crises. Le sommet d'Helsinki a affirmé la volonté européenne de créer une capacité de renseignement commune. La décision prise par l'Allemagne de réinvestir dans l'observation radar à haute résolution est donc constructive. Encore doit-elle trouver une traduction budgétaire.

Pour notre part, nous remplissons nos engagements dans les domaines de l'observation optique, infrarouge et de l'écoute électromagnétique.

Mais l'Europe stratégique, c'est aussi une Europe du renseignement. Je salue les efforts en faveur du budget d'investissement de la DGSE et pour la montée en puissance de la DRM. La réalisation d'un centre de « targeting » est également un outil d'indépendance stratégique fondamental.

L'européanisation des systèmes de commandement et de gestion des affaires civilo-militaires reste largement à construire ; une structure permanente est donc nécessaire.

Déjà, l'Europe opérationnelle a beaucoup progressé. La conférence d'engagement de capacités en est l'outil et, un jour, la liaison se fera entre notre loi de programmation militaire et les programmations européennes. Personne ne s'étonnera que je milite, une fois de plus, pour la mise à disposition de nos forces, et donc des forces européennes, d'un second porte-avions.

M. Charles Cova - Très bien !

M. le Rapporteur spécial - Cette décision est impérative et, pour de multiples raisons, ce porte-avions devra être nucléaire.

L'espace et la marine ont pour caractéristiques communes d'assurer la disponibilité permanente de l'outil, partout dans le monde, et une très grande souplesse d'utilisation qui lui confèrent un rapport coût-efficacité politique remarquable et à notre portée. Ne nous en privons pas ! (« Très bien ! » sur plusieurs bancs)

Il faudra aussi surveiller à partager les capacités ou à les mutualiser, dans le respect des engagements nationaux. En la matière, le débat porte en fait sur le problème du droit de veto de la puissance principale.

Faire en sorte que les moyens stratégiques de l'Europe ne soient pas redondants avec ceux de l'OTAN, c'est sans doute une économie, mais cela peut aussi se transformer en moyen de domination.

Sans engager avec nos alliés des débats théologiques qui aboutiraient certainement à une impasse politique, nous devons, à coup sûr, nous doter d'une capacité stratégique commune si nous voulons réellement qu'existe un jour une politique européenne de sécurité et de défense.

Parce que ce budget, équilibré dans des finances assainies, s'inscrit résolument dans cet objectif, votre commission des finances vous invite à l'approuver (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Bernard Raimond, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères - Cette année plus encore que les années précédentes, l'avis de la commission des affaires étrangères sur le budget de la défense pour 2001 doit tenir compte de la situation internationale, de l'Europe de la défense, de la loi de programmation de 1996 et de la revue de programme de 1998. Depuis 1989, le contexte international est en pleine révolution. Mais les crises, nombreuses et graves dans le tiers-monde comme en Europe, ne remettent pas en cause une stratégie adaptée, depuis plusieurs années, à un monde radicalement différent de celui que nous avons connu depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à la chute du Mur de Berlin. La disparition du communisme en Europe est irréversible. La fin du régime de Milosevic est inscrite dans les faits et, dans l'ensemble des Balkans, la tonalité est à la modération. Les déclarations du Président de la République et le voyage à Belgrade d'Hubert Védrine ont parfaitement répondu à la situation. Les Balkans rejoignent l'ensemble pacifique européen, réussite exceptionnelle des pères fondateurs. L'ambition de toute cette Europe libre est d'entrer dans l'Union européenne et dans l'Alliance atlantique.

La stratégie de la loi de programmation, transformant notre armée en armée professionnelle, est donc de mieux en mieux adaptée à la situation internationale.

D'autres événements tempèrent cependant cet optimisme, dont le plus important est celui de la prolifération nucléaire et des missiles. L'accès à l'arme nucléaire de l'Inde et du Pakistan, quelle que soit la relative sagesse du comportement de ces deux Etats, est un signe grave. Quant au problème posé par la Corée du nord, est-il réellement en voie de règlement ? Restent aussi les Etats dits « dangereux », comme l'Irak et l'Iran. Quant à la Chine et la Russie, la dissuasion nucléaire demeure au c_ur de leur dispositif de défense.

Le projet américain de nouveau bouclier antimissiles répond donc à un problème réel : celui de la prolifération nucléaire. Mais, à juste titre, la France et la Russie sont plus que réservées devant les conséquences qu'aurait la modification du traité ABM. Les crédits consacrés à la dissuasion dans votre budget, bien qu'en diminution, sont satisfaisants et correspondent aux nécessités, notamment pour les trois programmes majeurs puisque le quatrième SNLE de nouvelle génération a été commandé le 21 juillet 2000 et que le missile M51 et l'ASMP sont en cours de finalisation malgré la poursuite d'une discussion avec le groupe industriel EADS.

Mais l'Europe de la défense est, en un sens, le critère principal d'un bon budget aujourd'hui.

Les progrès politiques et institutionnels accomplis depuis le sommet franco-britannique de 1998 sont considérables. Ils devraient être poursuivis et consacrés au conseil de Nice. L'essentiel est de doter l'Union d'une capacité d'action autonome et de décision en matière de gestion des crises. Le Corps européen joue, désormais, un rôle central et est devenu le noyau du quartier général de la KFOR au Kosovo. La coopération institutionnelle se met en place, la perspective étant que l'Union européenne se substitue progressivement à l'UEO. Aux derniers conseils européens, il a ainsi été décidé que l'Union européenne pourrait mettre en action à partir de 2003, 60 000 hommes en 60 jours pendant un an.

Tout votre effort, Monsieur le ministre, porte donc, en principe, sur l'équipement des forces. Pour 2001, les crédits d'équipement, avec 83,4 milliards de crédits de paiement et 84,7 milliards d'autorisation de programme, ne sont cependant pas tout à fait au niveau des 86 milliards prévus par la loi de programmation, ni même des 85 milliards envisagés par la revue de programme.

Un certain retard est donc pris, qui risque d'avoir des conséquences, non seulement pour notre contribution à la défense européenne, mais aussi pour les perspectives de la future loi de programmation 2003-2008. Toutefois pour certains programmes aussi importants que le Rafale ou le NH90, le niveau des commandes ou de la fabrication est satisfaisant.

En revanche, pour l'avion de transport européen A400M, pour lequel se sont engagées, avec la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, aucun crédit n'est prévu. Cette lacune est inquiétante puisque, dans le domaine de la gestion des crises, là est la faiblesse militaire la plus criante de l'Europe.

Pour l'armée de terre, la professionnalisation a augmenté les réserves de forces projetables, l'objectif pour 2002 étant de 100 000 hommes. Les activités d'entraînement, dans les trois armes, sont également pourvues. Pour les matériels, on enregistre la commande des 52 derniers chars Leclerc. Mais, dans la perspective d'une défense européenne éventuellement autonome, les lacunes les plus sérieuses portent sur les capacités de renseignement et d'observation, y compris dans l'espace. Sans doute, les améliorations du projet Hélios II ont-elles été prévues, ainsi que la mise au point du satellite Syracuse III. Enfin, le Corps européen ne peut jouer son rôle de force de réaction rapide que s'il dispose de la capacité de constituer la structure de commandement d'un dispositif entrant en force sur un théâtre d'opérations. Or seul l'OTAN dispose de cette structure.

En conclusion, le budget de la défense pour 2001 est relativement stable et prévoit le développement ou l'entrée en fabrication d'équipements qui avaient souffert beaucoup de retard, comme le Rafale ou le NH90.

Mais ce qui est préoccupant, c'est le déficit par rapport au projet de défense européen, au moment où les Etats-Unis et la Grande-Bretagne annoncent une augmentation de leurs crédits de défense, sans doute en raison des enseignements de la crise au Kosovo. Il ne s'agit pas, naturellement, de prétendre rivaliser avec les Etats-Unis, dont le budget de défense représente déjà le double de l'effort de défense des Européens. Mais la France devrait tenir compte de l'effort britannique. Monsieur le ministre, la réunion prévue les 21 et 22 novembre pour examiner les capacités militaires des différents Etats européens sera l'occasion de mesurer les efforts nécessaires pour tous les Européens. Mais la France, qui est engagée dans le projet EADS, doit veiller, face à l'accroissement des financements britanniques, à ne pas perdre le leadership dans ce secteur industriel. Notre poids politique, dans une politique européenne de défense, est le seul garant du renforcement de l'autonomie de décision de l'Europe face aux Etats-Unis. C'est pourquoi, Monsieur le ministre, tout en reconnaissant les qualités certaines de votre budget, j'ai recommandé à la commission des affaires étrangères de le rejeter. Mais la commission ne m'a pas suivi.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la dissuasion nucléaire - En l'état actuel des choses le projet de budget de la dissuasion pour 2001 ne remet pas en cause l'objectif du modèle d'armée pour 2015 qui garantit la crédibilité de notre dissuasion : la constitution d'une force océanique stratégique plus efficace est en cours, et les forces aériennes stratégiques verront leurs moyens modernisés.

Toutefois, les négociations que mènent la délégation générale pour l'armement et l'industriel EADS sur le programme M 51 doivent trouver une issue rapide.

A ce sujet, et sans remettre le moins du monde en cause les capacités de négociation du délégué général, le blocage actuel ne devrait-il pas avoir pour conséquence votre intervention directe, Monsieur le ministre, dans un dossier dont l'importance stratégique n'échappe à personne ?

En effet, un retard dans ce programme, sans réduire la capacité française de dissuasion nucléaire, porterait atteinte à notre crédibilité.

Formellement, les décisions du Président de la République et leur traduction législative qu'est la loi de programmation militaire 1997-2002 ne sont pas remises en cause. Mais votre rapporteur pour avis constate que cette loi de programmation est toujours interprétée de manière restrictive, ce qui est contraire à son esprit même.

D'année en année, le budget de la dissuasion s'érode, ce qui oblige les ingénieurs à arrêter des solutions techniques à un stade très précoce, dans un domaine où l'innovation est pourtant constante. Il leur faut faire, en quelque sorte, des paris. Or la dissuasion doit être une assurance et non un pari. On ne peut, dans ce domaine, s'accommoder d'une approche comptable, dans une gestion budgétaire annualisée.

Nous devons nous montrer vigilants, au moment où se constituent en Asie des arsenaux nucléaires toujours plus importants. L'Inde dispose d'une force de dissuasion qualifiée de minimale, mais celle-ci repose sur une triade complète, comme l'a montré le projet de doctrine publié le 17 août 1999. Ses réacteurs lui ont permis de constituer un stock de plusieurs centaines de kilos de plutonium, avec lequel elle peut fabriquer entre vingt-cinq et cent armes nucléaires.

M. Yves Fromion - Il faut leur envoyer Voynet !

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - L'Inde maîtrise aussi la production d'uranium hautement enrichi par méthode de centrifugation gazeuse, ce qui lui permet de couvrir ses besoins pour l'étude d'un réacteur nucléaire de sous-marin. Quant au Pakistan, il détient un stock conséquent d'uranium hautement enrichi qui lui permettrait de fabriquer plusieurs dizaines d'armes nucléaires. Que dire enfin de la Chine, dont le budget de la défense est en augmentation et qui poursuit trois programmes de lanceurs intercontinentaux mobiles ? Le plus gros lanceur chinois, le C SS-4, a déjà une portée de 12 000 à 12 500 km.

Si on ajoute que les Etats-Unis et l'Angleterre maintiennent leur effort dans le domaine de la défense, comment accepter la position frileuse de la France ? Cette attitude n'est pas conforme au rôle que notre pays doit avoir pour ambition de jouer en Europe et dans le monde. La reprise économique et les fortes rentrées fiscales permettaient pourtant d'améliorer l'équipement de nos forces et de notre dissuasion en particulier. Tel n'est pas le cas, au contraire. C'est pourquoi il ne m'a pas été possible d'approuver les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire de la France.

Cette année d'ailleurs, le groupe RPR refusera de voter le budget de la défense.

M. Bernard Grasset, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'espace, les communications et le renseignement - L'espace, les télécommunications et le renseignement -que celui-ci soit d'origine humaine ou technologique- constituent des paramètres essentiels de la politique militaire des grandes nations. La France conduit, depuis plusieurs décennies, une politique spatiale militaire ambitieuse. Certes, cette politique s'est infléchie avec la loi de finances initiale pour 2000, qui lui consacrait un montant de crédits à peine supérieur à 2 milliards en autorisations de programme, pour un peu plus de 2,3 milliards en crédits de paiement.

Mais le projet de loi de finances pour 2001 met fin à cette évolution exceptionnelle qui s'explique par les aléas des coopérations européennes.

Evitons à l'avenir, de telles fluctuations. Il n'est pas sain que le budget spatial serve de variable d'ajustement. Une certaine constance budgétaire est nécessaire pour garantir l'avenir des grands programmes, qui fondent notre indépendance de décision.

Ce budget, précisément, a été élaboré dans le souci de préserver la continuité des orientations spatiales. Les crédits consacrés à l'espace militaire augmentent de manière significative, alors que la masse totale du titre V, n'évolue quasiment pas. En outre, les enseignements du conflit du Kosovo ont été tirés, puisque de grands programmes, comme Hélios II, vont être modifiés.

On regrettera néanmoins le maintien, malgré sa diminution, de la participation du ministère de la défense au budget civil de recherche et développement, ces dotations ne bénéficiant que partiellement, pour ne pas dire marginalement, à la recherche militaire.

Autre motif de satisfaction : les avancées en matière de coopérations européennes. Je souhaite saluer ici la détermination du Gouvernement, qui n'a pas hésité à persévérer dans cette voie, quand beaucoup de signes pouvaient l'inciter à l'abandonner.

Ces coopérations reposent, parfois encore, sur le principe d'une conception et d'un financement conjoints : c'est le cas de la seconde génération de satellites de télécommunications Syracuse III, que la France et l'Allemagne pourraient réaliser en commun.

La mutualisation de certains équipements nationaux spécialisés constitue dans ce domaine une heureuse innovation. Je pense aux négociations, sur le point d'aboutir, entre la France et l'Italie, pour échanger des capacités d'observation optique et radar, dans la lignée du sommet de Florence de septembre 1998. On peut aussi évoquer la déclaration de Mayence, par laquelle le gouvernement allemand suggère une utilisation des satellites radars qu'il compte réaliser, en complément de la filière d'observation optique française.

L'enjeu est d'importance, à un moment où les Etats-Unis reviennent en force sur tous les créneaux du domaine spatial, avec la volonté affichée de devenir hégémoniques d'ici à 2005. De leur côté, le Japon, la Chine, l'Inde ou le Brésil ont l'ambition de concurrencer les programmes européens, qu'il s'agisse des lanceurs ou des satellites.

Alors que le projet de loi de programmation militaire pour les années 2003-2008 est en cours d'élaboration, je souhaite appeler votre attention, Monsieur le ministre, sur la nécessité de conforter l'autonomie spatiale de notre pays en assurant la continuité des systèmes d'observation et de télécommunication existants, mais aussi en favorisant le développement de moyens d'alerte avancée, de navigation et d'écoute électromagnétique.

Les dispositions de ce budget relatives aux systèmes de télécommunications et aux moyens de renseignement tendent à favoriser l'adaptation des équipements de nos forces aux technologies les plus modernes. Il faut saluer cet effort. Le renouvellement et la modernisation des systèmes de télécommunication et de transmission pourront ainsi se poursuivre de façon assez soutenue.

Par ailleurs, les dotations des services de renseignement devraient augmenter de manière à leur permettre de mener à bien leurs missions et, dans certains cas, leurs réformes internes. Comme en 1999 et en 2000, le projet de loi de finances pour l'année 2001 prévoit une augmentation, au pire une stabilisation, des crédits d'équipement et des crédits liés aux rémunérations et charges sociales.

Sur ce dernier point, je tiens à vous remercier, Monsieur le ministre, de m'avoir permis de rencontrer les responsables des services de renseignement relevant de votre autorité : le directeur général de la sécurité extérieure, le directeur du renseignement militaire et le directeur de la protection et de la sécurité du territoire. Ils se sont entretenus avec moi des questions budgétaires afférentes à leurs services. Le contrôle parlementaire, sur ces questions, s'il demeure perfectible, n'est pas inexistant.

A cet égard, la fonction « renseignement » devrait fait l'objet d'une ligne budgétaire spécifique. L'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire vous en offre l'opportunité.

Les dispositions du budget pour 2001 sont satisfaisantes, qu'il s'agisse de l'espace, des communications ou du renseignement. Force est de reconnaître qu'une telle appréciation n'a pas été portée depuis plusieurs années. C'est pourquoi la commission de la défense a donné un avis favorable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les forces terrestres - Le projet de budget des forces terrestres pour 2001 s'élève à 48,5 milliards, soit un diminution de 232 millions en francs courants par rapport aux crédits votés pour 2000. Après une sévère diminution de 2,9 % en francs constants l'année dernière, la réduction est cette fois limitée à 0,6 %.

Les crédits du titre III vont subir une légère baisse de 0,8 % en francs constants, mais, ainsi que l'a affirmé le général Crène, chef d'état-major de l'armée de terre, « les crédits de fonctionnement ne remettent pas en cause les objectifs de la loi de programmation militaire » et l'armée de terre comptera 85 000 hommes projetables fin 2001. Mais il faut bien souligner que les charges en personnel continuent à croître, atteignant 81,6 % des charges de fonctionnement.

La décroissance des effectifs d'officiers et de sous-officiers se poursuit, grâce aux mesures incitatives au départ.

Le recrutement des engagés volontaires continue à s'effectuer de manière satisfaisante, même si le nombre de candidats a tendance à baisser. D'ici à deux ans, lorsque tous les emplois auront été pourvus et qu'il ne s'agira plus que de remplacer les départs, la situation sera certainement meilleure. Le taux de renouvellement des contrats, qui dépasse parfois les 80 %, est très encourageant.

De leur côté, les derniers appelés sursitaires accomplissent leur service militaire avec autant de civisme que leurs prédécesseurs. Une diminution anticipée de 4 500 postes est néanmoins inscrite dans le projet de budget pour 2001, afin d'adapter les emplois budgétaires à la ressource prévisible. Cette anticipation ne pose pas de problème particulier.

La situation des civils est plus préoccupante. En effet, les forces terrestres enregistrent un déficit d'environ 4 500 personnes, soit 15 % des effectifs. Pour 2001, le projet de loi de finances prévoit un effectif théorique de 31 089 postes, qui a peu de chances d'être atteint. L'objectif fixé par la loi de programmation militaire pour 2002, à savoir 34 000 civils apparaît également hors de portée si des dispositions vigoureuses ne sont pas prises.

L'armée de terre serait ainsi privée de 3 200 emplois civils pour n'en compter, en 2002, que 30 800. Si tel était le cas, cela remettrait en cause, sinon la professionnalisation des forces terrestres, du moins leur qualité et leur efficacité.

Comme l'an dernier, j'insiste sur la nécessité d'accorder à la question du personnel civil toute l'attention nécessaire. Il convient, cette année encore, d'obtenir des dérogations afin que les ouvriers d'Etat puissent être affectés à des postes auxquels leur statut les empêche habituellement d'accéder. Il est surprenant que l'on ne puisse mettre en relation la déflation des effectifs d'ouvriers d'Etat dans l'industrie et leur nécessaire accroissement dans le personnel civil des armées. A défaut de ces dérogations, il faut transformer des postes d'ouvriers d'Etat en postes de fonctionnaires. Mais l'armée de terre n'en a obtenu que 674 en 2000. Enfin, on doit accorder aux régiments qui sont dans les situations les plus difficiles les dérogations nécessaires pour recruter sur le plan local.

Les crédits consacrés au fonctionnement courant, hors alimentation, augmenteront de 70 millions. Cette hausse bénéficiera essentiellement aux exercices : le nombre de jours d'activité devrait atteindre 80 jours, contre 68 en 1999 et 73 en 2000. Cet effort, qui situe les forces terrestres encore loin des pratiques d'autres armées professionnelles, doit néanmoins être salué.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Il manque 1 milliard pour le carburant !

M. Jean-Claude Sandrier, rapporteur pour avis - En contrepartie, les crédits consacrés au reste du fonctionnement courant demeurent très contraints : si la diminution du format permet de diminuer mécaniquement certains frais, en revanche les crédits consacrés au carburant, à la reconversion et au recrutement, à l'entretien des bâtiments, à l'acquisition de matériels informatiques et de télécommunications modernes paraissent insuffisants. Il est dommage de nous soumettre ces crédits en sachant déjà qu'il faudra un rattrapage. C'est ce qu'a souligné le général Crène, qui s'est néanmoins félicité de l'amélioration de l'entraînement et de l'évolution des effectifs militaires, conforme à la loi de programmation, ajoutant que les trois-quarts des difficultés sont derrière nous.

J'en viens au titre V. En matière d'équipement, le général Crène a précisé que « les retards enregistrés en début de loi de programmation ne se creusaient plus et avaient même tendance à se résorber ». L'utilisation d'autorisations de programmes antérieures non consommées permet de rattraper le retard de commandes de matériels, malgré la forte diminution de ces crédits cette année. Les crédits de paiement diminuent de 2,6 % et sont inférieurs de 6,1 % aux prévisions de la loi de programmation.

Cette baisse des ressources, conjuguée à la reprise des engagements depuis 1998, ne doit pas conduire les forces terrestres à ne pas honorer leurs factures. Toutefois, même en diminution de 4,8 %, les autorisations de programme « correspondent -selon le général Crène- au profil de la loi de programmation militaire »

S'il convient de s'alarmer de la faible disponibilité d'un certain nombre de nos équipements, qui résulte principalement des retards qu'a entraînés la récente réorganisation des établissements du matériel, je souligne l'excellence du char Leclerc, dont l'armée de terre ne cesse de louer les qualités. Pour des raisons industrielles, il serait souhaitable d'anticiper la commande des derniers chars pour l'état-major de l'armée de terre.

En revanche, le vieil AMX 10P, qui accompagne le Leclerc sur les théâtres d'opération, est à bout de souffle et les militaires demandent depuis plusieurs années son remplacement par le véhicule blindé de combat d'infanterie. Aucune décision n'est encore prise. La réussite du Leclerc devrait amener le ministère à choisir le même constructeur Giat-Industries, allié à Renault Véhicules Industriels.

Autre sujet d'inquiétude, le Trigat, missile antichar de troisième génération à moyenne portée. Le retrait de nos partenaires britannique et néerlandais à porté un coup très dur à ce programme. Je ne puis que vous mettre en garde contre un éventuel abandon de ce missile au performances prometteuses, qui priverait l'industrie française et européenne d'un produit à fort potentiel d'exportation et qui marquerait l'abandon du créneau des missiles antichars, ne nous laissant pour nos approvisionnements que le choix entre les Etats-Unis et Israël. En outre, cela se produirait à un moment inopportun, EADS connaissant actuellement d'importantes restructurations. Je ne veux pas croire que ce missile, indispensable quand les Anglais soutenaient le programme, serait devenu subitement inutile, alors qu'Aérospatiale-Matra-missiles a divisé les coûts par trois et qu'une ligne budgétaire importante était inscrite en 2000. En 2001, ce sont 215 millions qu'il faudrait inscrire.

Une attention plus grande doit être apportée à la pérennité et au développement de notre industrie d'armement, garante de l'autonomie des choix stratégiques de notre pays et déterminante dans le développement des coopérations européennes. A cet égard, la relance de la recherche-développement, un soutien plus déterminé aux plans de charge, la reconnaissance d'une priorité équivalente aux projets civils, sont des enjeux essentiels.

L'armée de terre a accompli un effort remarquable depuis le début de la loi de programmation. Le moral des militaires s'améliore. Bien que conscient des difficultés, le chef d'état-major de l'armée de terre se dit assez optimiste car il considère que l'armée est aujourd'hui plus solidaire et plus efficace.

Sous réserve que ses remarques soient prises en compte, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des forces terrestres (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Jean-Yves Le Drian, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la marine - Après s'être montrée réservée lors des exercices précédents, la commission a, cette année, jugé ce budget satisfaisant. D'abord parce qu'avec des crédits de fonctionnement en augmentation de 2 %, la marine atteint pour la première fois 17,7 % des efforts consentis pour la défense. Surtout, les crédits de paiement du titre V augmentent de 2,9 % et les autorisations de programme de 16 %. Ce budget marque donc une inversion de tendance. Cette volonté de modernisation devra être confirmée l'an prochain, par la nouvelle loi de programmation.

Cette remarque m'apparaît d'autant plus nécessaire que le budget de la marine a trop souvent fait l'objet de très importantes annulations de crédits. Ainsi, de 1995 à 1998, le total des annulations en AP a atteint 11,5 milliards. En 2000, encore, 4,2 milliards d'AP ont été annulées, dès le mois d'avril, afin de contribuer au financement du NH90, programme commun à l'armée de terre et à la marine qui, sur 160 hélicoptères n'en recevra que 27...

L'exercice 2001, correspondra à la complète professionnalisation des effectifs de la marine. Dès la fin du premier semestre, celle-ci ne comptera plus aucun appelé embarqué. A la fin de l'année, toutes les tâches seront du ressort de professionnels, civils ou militaires. Au total, la réduction des effectifs portera sur près de 20 % des personnels au cours de la période 1996-2002. L'effectif assigné pour cette année est de 55 293 emplois budgétaires.

On peut toutefois être inquiet des difficultés de recrutement rencontrées pour certains emplois -d'atomiciens et d'informaticiens, par exemple- en raison de la reprise économique. Par ailleurs, alors qu'un effort important a été fait pour accueillir du personnel de la DGA et de la DCN, la source semble aujourd'hui se tarir. Il serait donc temps de lever les restrictions posées à l'embauche d'ouvriers d'Etat car, à la fin de 2000, 10 % des emplois civils seront vacants. On rencontre aussi des problèmes pour les engagés. Le recrutement de fusiliers marins est ainsi insuffisant et près du tiers des jeunes engagés cassent leur contrat de courte durée avant son terme.

En ce qui concerne les programmes, je me réjouis qu'après quelques avatars, la frégate Horizon bénéficie de 3,58 milliards en AP et de 1,6 milliard en CP. Pour sa part, le NTCD se voit allouer 1,8 milliard en AP et 842 millions en CP. Des crédits sont aussi inscrits pour le programme PAAMS. Une nouvelle commande de 8 Rafale complétera la livraison de 5 appareils en 2001. A ce propos, la marine a demandé la transformation d'une partie de son contingent en biplaces, pour un surcoût de 1,5 milliard . Pourquoi ne pas l'avoir prévu plus tôt ?

J'en viens à un sujet d'actualité : l'action au titre des missions de service public, en particulier les moyens mis à disposition des préfets maritimes. Dans les affaires de l'Erika et de l'Ievoli Sun, on a souvent oublié de dire que les équipages de deux bateaux ont été sauvés, au péril de la vie des hommes des super-frelon, auxquels je rends ici hommage (Applaudissements sur les tous les bancs).

La commission d'enquête parlementaire a considéré qu'il fallait maintenir l'organisation actuelle, mais aussi veiller à ce que les préfets maritimes aient à leur disposition les moyens nécessaires et leur donner le pouvoir de mobiliser toutes les forces civiles utiles.

Cette année, la marine nationale a affrété avec la Grande-Bretagne un quatrième remorqueur. Nous estimons qu'il en faudrait six : que se serait-il passé, en effet, si un autre chimiquier avait été en détresse au cours de cette tempête ? Il faut également veiller à ce que le bâtiment à forte capacité de pompage de pétrole inscrit au budget 2001 soit effectivement acquis.

En ce qui concerne les perspectives d'avenir et la future loi de programmation, le quatrième sous-marin nucléaire SNLE devrait être directement équipé du missile M51. Pour la flotte de surface, il est décidé de renouveler 17 frégates classiques et d'engager les études pour des frégates multimissions dans une optique de standardisation industrielle : nous nous en réjouissons.

En revanche, les crédits pour le programme de production des sous-marins d'attaque Barracuda nous semblent trop faibles.

Nous prenons note de vos engagements concernant le deuxième porte-avions. Les deux commissions sont convaincues de sa nécessité.

En ce qui concerne la DCN, sa transformation en « service à compétence nationale » ne nous paraît pas suffisante pour passer des alliances industrielles : la preuve en est que la relation engagée avec Thomson passe par DCN-international. Où en est cette négociation ? Il faut pousser la réforme plus loin pour être capables de défendre notre savoir-faire au niveau européen et enregistrer de nouvelles commandes.

Enfin, la commission a adopté une observation qui devrait vous aider dans vos discussions avec vos collègues, Monsieur le ministre : elle appelle l'attention du Gouvernement sur l'urgence de la publication du décret adaptant les règles des marchés publics pour ce secteur.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yann Galut, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour l'air - Le budget de l'armée de l'air en 2001 sera de 34,5 milliards de francs, soit le même niveau que l'an dernier. Les autorisations de programmes, avec 20,7 milliards, sont en hausse sensible et supérieures aux crédits de paiement, comme il convient dans une situation de bonne gestion.

En matière de personnel, 1 059 postes budgétaires d'appelés sont ouverts. Il y en avait 32 000 en 1996. La conscription n'est plus le souci de l'armée de l'air.

Les militaires techniciens de l'air sont désormais près de 15 000, soit les 9/10èmes de l'effectif prévu en programmation. Parmi les 22 spécialités ouvertes, certaines subissent la concurrence du secteur privé, comme les conducteurs routiers ou les métiers de bouche, d'autres semblent peu attractives, comme les fusiliers commando et conducteurs de chiens. Pour remédier à ces difficultés, les réorganisations devront être poursuivies et le statut des MTA devra sans doute évoluer.

Les fonctions des MTA sont par essence militaires, puisqu'ils ont vocation à être envoyés en opérations extérieures pour en assurer le soutien.

Enfin, compte tenu de la localisation de certains de ses établissements, l'armée de l'air rencontre des difficultés à recruter certains personnels civils, ce qui l'oblige à recourir à la sous-traitance.

Quant aux volontaires, il semble que leur place par rapport aux MTA doive être précisée.

Ainsi professionnalisée, l'armée de l'air met l'accent sur l'amélioration de l'entraînement opérationnel. Nous nous félicitons du doublement de sa participation aux grands exercices interalliés, et nous souhaitons qu'elle égale bientôt celle de nos alliés.

Pour le carburant opérationnel, la solution adoptée depuis quelques années, c'est-à-dire la fixation d'un montant de crédits vraisemblable, suivi d'abondement en cours de gestion si nécessaire, semble donner satisfaction.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Pourquoi ne pas les inscrire tous immédiatement ?

M. Yann Galut, rapporteur pour avis - S'agissant de la politique d'équipement, 2001 promet d'être aussi dynamique que 2000 avait été atone.

Les douze Rafale Air qui devaient être commandés en 2000 le seront en 2001, pour livraison en 2005. Rappelons que le chef d'état-major de l'armée de l'air a souligné, devant notre commission, les qualités exceptionnelles de cet excellent avion, auquel l'armée de l'air reste très attachée.

Les conséquences de l'expérience du Kosovo sont tirées. Le nombre de « pods » de désignation laser à caméra technique va passer de 31 à 41 et 7 nacelles de reconnaissance de nouvelle génération seront commandées.

Je passerai sur les autres livraisons pour me réjouir des décisions prises concernant l'A400 M : le Premier ministre a indiqué devant l'IHEDN, le 22 septembre dernier, qu'une dotation serait inscrite dans la loi de finances rectificative pour 2000, pour concrétiser l'engagement de commander cinquante A400 M. Nous souhaiterions quelques précisions à ce sujet.

Je voudrais conclure par un point qui est apparu comme fondamental à notre commission : la mise ne place de la SIMMAD, ou structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense. Il s'agit de la création d'une structure unique pour toutes les armées dotées de ce matériel, associée à une réforme complète des procédures et des relations avec les industriels, qui devrait se traduire par un gain final de 20 %. Pour la seule armée de l'air, c'est un milliard de francs par an qui sera ainsi dégagé. La SIMMAD devrait donc permettre, à coût égal, d'améliorer l'équipement de l'armée de l'air.

La commission de la défense a donc adopté à l'unanimité une observation demandant instamment au Gouvernement de veiller à ce que la SIMMAD soit constituée sans retard et dispose des moyens et des prérogatives nécessaires pour remplir une tâche qui revêt un caractère essentiel.

La commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'armée de l'air pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour le titre III et les personnels de la défense - Les crédits inscrits au titre III du ministère de la défense -hors pensions- s'élèveront en 2001 à 105,5 milliards de francs, soit une hausse de 0,5 % par rapport à 2000.

Les rémunérations et charges sociales connaissent une légère hausse de 0,7 % tandis que les crédits de fonctionnement diminuent de 0,4 %.

Ces évolutions sont la conséquence de la professionnalisation et de la réduction du format des armées : les emplois nouveaux sont moins nombreux et beaucoup plus coûteux et la diminution des effectifs s'accompagne de mesures assez onéreuses, comme les pécules. En contrepartie, la réduction du format provoque une diminution importante des autres crédits de fonctionnement.

Les effectifs budgétaires du ministère de la défense atteindront 446 143 personnes, soit une suppression nette de 27 866 emplois, compte tenu de la disparition de 39 657 postes d'appelés.

Est prévue la création de 7 700 emplois de militaires du rang, pour l'essentiel au profit de l'armée de terre. Depuis 1997, 39 500 postes de militaires du rang ont été créés, soit près de 90 % de ce qui avait été prévu par la loi de programmation. Ainsi, les recrutements prévus ont bien été réalisés. Toutefois, le nombre de candidats diminue, notamment pour l'armée de terre, avec 1,3 à 1,4 candidat par poste en moyenne.

M. Charles Cova - Payez-les mieux et il y en aura davantage !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis - Le nombre d'appelés continuera à diminuer progressivement en 2001, dans des proportions équivalentes à celles des quatre premières années de la programmation.

La réduction du nombre des sous-officiers se poursuit principalement dans la marine et l'armée de l'air. Pour cette catégorie de militaires, le format sera atteint sans problème en 2002.

En ce qui concerne les officiers enfin, les ajustements d'effectifs seront faibles en 2001 avec seulement 159 postes en moins pour l'ensemble des armées, seuls les effectifs de la gendarmerie augmenteront. L'armée de terre a même, quant à elle, pris une avance significative, preuve que les mesures d'incitation au départ comme le pécule ont porté leurs fruits.

Mais les problèmes quantitatifs ne sont pas tout. La fin du service national prive l'armée de beaucoup de compétences mises à son service de manière peu onéreuse, notamment dans le domaine médical ou d'autres, très techniques. Pour relever ce défi on envisage de revaloriser les rémunérations, de développer ponctuellement la sous-traitance, de recruter des officiers ou des réservistes sous contrat.

La situation des civils est plus préoccupante. La loi de programmation prévoit un accroissement du personnel civil, hors DCN, de 9 300 personnes, soit 12,3 %. En proportion des effectifs totaux du ministère, les civils devraient passer de 13 % à 19 %, ce qui reste néanmoins inférieur aux armées étrangères comparables. Pourtant, le ministère éprouve des difficultés à pourvoir ces postes, qu'il s'agisse des fonctionnaires ou des ouvriers d'Etat. Le déficit n'a cessé de croître depuis 1996 pour atteindre 9 300 au 1er septembre 2000, soit 9,5 % des emplois ouverts. Ainsi que l'a indiqué devant la commission M. Jean-François Hébert, secrétaire général pour l'administration, le ministère cherche à améliorer le rendement des concours de fonctionnaires et à les faire mieux connaître. En ce qui concerne les ouvriers d'Etat, le redéploiement interne des personnels issus de la DCN atteint ses limites. Le ministère tente d'obtenir des dérogations d'embauche supplémentaires, transforme des emplois vacants d'ouvriers d'Etat en emplois de fonctionnaires et développe le recours à la sous-traitance, en contrepartie du gage de 1 020 emplois non pourvus. Au total, toutes ces difficultés ont de bonnes chances d'être en partie surmontées. Le déficit en civils pourrait n'être plus que de 5 500 à la fin de l'année et se réduire encore un peu l'année prochaine. Il sera toutefois difficile de pourvoir tous les emplois vacants d'ici à 2002. J'appelle l'attention sur la situation des personnels civils étrangers des anciennes forces françaises stationnées en Allemagne : tous les problèmes n'ont pas été réglés.

Les crédits du titre III hors rémunérations et charges sociales diminuent de 0,43 % en 2001, soit beaucoup moins que les années précédentes. Mais cette faible variation masque d'une part une évolution très contrastée des crédits de fonctionnement courant selon les années, d'autre part, une revalorisation, unanimement appréciée, des dotations d'activité.

L'armée de terre, par exemple, sera assez contrainte. Sa dotation de fonctionnement se trouve mécaniquement réduite de 259 millions et ses crédits d'alimentation de 243 millions du fait de la réduction du format. La baisse de la TVA conduit également à une baisse de 29 millions. Mais les crédits d'entretien immobilier sont aussi réduits de 12 millions. Les besoins des forces terrestres en matière d'informatique ou de télécommunications ne sont pas assez pris en compte. Quant aux crédits consacrés au recrutement, ils restent faibles : 10 000 F par recrue contre 20 000 F en Grande-Bretagne et 70 000 F aux Etats-Unis.

Si la situation est plus équilibrée pour la marine et l'armée de l'air, les crédits de fonctionnement de la gendarmerie augmentent de 6,9 %, ce qui est sans précédent. Cette revalorisation traduit les engagements pris par le ministre et prend en compte les frais inhérents au recrutement des 1 000 gendarmes supplémentaires annoncé récemment.

C'est sur le plan de l'activité des forces que se situent les bonnes nouvelles de ce budget.

Grâce à 120 millions supplémentaires, l'armée de terre pourra porter le nombre de ses jours d'exercice à 80 contre 68 en 1999 et 73 en 2000.

M. Charles Cova - On arrivera à 100 !

M. Aloyse Warhouver, rapporteur pour avis - La marine pourra passer 94 jours en mer contre 89 en 2000 avec un objectif à terme de 100 jours.

Enfin, l'armée de l'air va participer à des exercices internationaux très utiles pour améliorer l'interopérabilité des flottes aériennes alliées. Pour la première fois depuis 1998, plusieurs équipages vont participer à l'exercice américain Red Flag ainsi qu'à d'autres exercices en Alaska et au Canada.

Un mot sur le coût des produits pétroliers : les hypothèses du budget 2001 peuvent apparaître comme optimistes puisqu'on table sur un dollar à 6,50 F et un baril à 20 dollars. Un ajustement sera nécessaire en cours d'exercice. A défaut, les mesures destinées à améliorer l'entraînement de nos forces seraient remises en question.

Au total, même si la situation n'est pas encore totalement satisfaisante, notamment en ce qui concerne le fonctionnement courant, le projet de budget du titre III pour 2001 est en parfaite cohérence avec la loi de programmation et accorde aux forces armées les moyens nécessaires pour achever leur professionnalisation. C'est pourquoi la commission a donné un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean Michel, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les crédits d'équipement - Le budget de la défense pour 2001 couvre l'avant-dernière année d'exécution de la loi de programmation. Au terme de l'exercice 2000, un premier bilan est donc possible.

Aucune loi de programmation n'a jamais été exécutée en parfaite correspondance avec les enveloppes initiales. Celle-ci n'a pas dérogé à la règle.

Outre les réajustements et les encoches budgétaires qu'elle a subis au titre de la régulation, elle a fait aussi les frais d'événements intervenus en cours de son exécution. Les engagements français en ex-Yougoslavie puis au Kosovo ont eu des conséquences sur l'activité de nos forces qu'il était impossible de prévoir au moment de son vote. Toutefois, l'expérience de notre intervention dans le Golfe permettait déjà d'évaluer, au moins pour partie, nos besoins et les matériels susceptibles d'y répondre, notamment dans un souci d'interopérabilité. L'expérience acquise par la France dans toutes ces opérations extérieures nous permettra de mieux prendre en compte les besoins lors de la prochaine programmation.

La commission de la défense souhaiterait être mieux associée aux travaux préparatoires à la programmation ou, à tout le moins, à la définition des grandes orientations.

Dans mon rapport écrit, je consacre d'ailleurs plusieurs développements à nos besoins en matière spatiale et aux matériels à finalité opérationnelle majeure qui devront être renouvelés. Pour satisfaire de tels besoins à moyen et à long terme, la coopération européenne dans la recherche et la production industrielles des armements devra s'intensifier.

La France pourra difficilement tout faire par elle-même, en dehors de ce qui concerne la dissuasion. Il convient cependant d'éviter un partage des rôles qui, pour l'Europe, avaliserait définitivement des choix transatlantiques. Si la France ne consent pas un effort durable dans certains domaines essentiels, d'autres qu'elle assumeront le rôle de maître d'_uvre de la défense européenne en cours de construction. J'appelle à cet égard l'attention sur les arbitrages réalisés, depuis plusieurs années, aux dépens des crédits de la « recherche-amont ». La France étant la seule parmi les nations de premier rang à pouvoir faire des choix autonomes pour l'avenir, elle ne peut baisser la garde en matière de recherche-développement (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Or, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la Grande-Bretagne a non seulement rattrapé ses retards par rapport à nous, mais elle ne cesse de creuser l'écart en sa faveur. Ainsi, pour les exercices 1999 et 2000, ses dépenses nettes d'équipement auront été supérieures aux nôtres de quelque 20 milliards de francs par an. Hors dépenses dédiées au nucléaire, la Grande-Bretagne réalise désormais 45 % des dépenses européennes de recherche-développement, à finalité de défense contre 35 % pour la France, même si celle-ci demeure, à cette deuxième place, loin devant l'Allemagne et ses autres partenaires.

Pour peser sur la définition de l'organisation comme des orientations de l'Europe de la défense, la France doit être en position d'affirmer ses compétences technologiques. A cet égard avec 84,1 milliards en autorisations de programme 83,4 milliards en crédits de paiement, le budget 2001 permettra juste de confirmer certaines priorités d'équipement, et non d'accentuer l'effort dans d'autres domaines tout aussi essentiels.

Pour les crédits d'études, les autorisations de programme diminuent de 4,4 % et les crédits de paiement de 2,7 %.

De 1994 à 2000, le total des crédits dévolus à la recherche de défense, nucléaire compris, aura baissé de plus de 35 % en francs courants.

S'agissant de l'espace, tant les autorisations de programme que les crédits de paiement augmentent sensiblement. Cette orientation devra être maintenue : ce secteur fait trop souvent l'objet d'annulations et de réajustements.

Un certain nombre de programmes sont confirmés dans le budget : les frégates Horizon, les nouveaux chalands de transport de débarquement, les chars Leclerc, le Rafale... Leurs dotations correspondent tant aux échéances qu'aux rythmes de fabrication. En revanche, des préoccupations subsistent pour l'avion de transport du futur, mais il semblerait que la loi de finances rectificative de fin d'exercice règle le problème. 20 milliards d'autorisations de programme doivent être dégagés. En faisant ce geste, auquel vous vous êtes engagé devant la commission, Monsieur le ministre, la France donnera un signal fort à ses partenaires, notamment à l'Allemagne, qui doit commander le plus grand nombre d'appareils.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - On se demande d'où vont sortir ces 20 milliards !

M. Jean Michel, rapporteur pour avis - L'exécution du programme de missiles balistiques M51, indispensable à notre dissuasion, pose problème. Les difficultés naissent moins des disponibilités budgétaires que de divergences d'appréciation entre l'Etat et EADS, le constructeur, qui bénéficie d'une position monopolistique. Nous attendons des éclaircissements au plus vite. Pour le véhicule blindé de combat d'infanterie, les crédits prévus ne permettront que d'en parachever le prédéveloppement, sans passer à la fabrication. Pourtant, les blindés légers actuels, fortement sollicités lors des opérations extérieures, n'iront pas au-delà de 2005-2008. Il faut pouvoir assurer le renouvellement de 500 unités, plus une centaine pour la gendarmerie. Ces commandes apporteraient par ailleurs une bouffée d'oxygène aux industries de l'armement terrestre, en particulier à GIAT industries.

Les armées ne disposent que de faibles marges de man_uvre pour l'entretien du matériel, dont les crédits sont désormais principalement concentrés sur le titre V.

Les restructurations doivent être menées à bien afin de dégager des capacités dès la prochaine loi de programmation. Le défi de la modernisation des équipements est particulièrement important si l'on veut que les armées disposent du matériel correspondant aux missions qui leur ont été assignées.

La prochaine loi de programmation sera donc principalement destinée à financer des fabrications. La politique des commandes globales et la rationalisation des procédures d'engagement vont dans ce sens, ainsi que la réforme de la DGA.

Les choix effectués pour 2001 ont conduit la commission de la défense à donner un avis favorable aux crédits des titres V et VI du projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Michel Meylan, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour les services communs - Comme les armées et la gendarmerie, les services communs du ministère sont l'objet d'une profonde réforme. Avant d'analyser plus précisément l'évolution de quatre d'entre eux, j'appelle votre attention sur les difficiles conditions de travail des rapporteurs. Ainsi, je n'ai disposé que tardivement des réponses au questionnaire budgétaire envoyé au mois de juin. Certaines me faisaient même encore défaut le jour où j'ai présenté le projet de budget des services communs à la commission. De telles méthodes nuisent au travail du Parlement, dont les pouvoirs sont pourtant déjà extrêmement limités. Vous qui connaissez très bien la vie parlementaire, Monsieur le ministre, serez sensible à ces propos.

Sur le fond, la DGA a fait l'objet d'une réforme majeure en 2000 : sa séparation d'avec la direction des constructions navales, devenue un service à compétence nationale, est désormais complète. Je m'interrogeais l'an dernier sur le périmètre optimal de la DGA : cette séparation est un début de réponse. La DGA ne peut être en même temps gestionnaire de 80 % du budget d'investissement de la défense et opérateur industriel. Toutefois, la moitié du budget de fonctionnement de la DGA reste consacrée à la direction des centres d'expertises et d'essais -DCE-, c'est-à-dire à une activité industrielle. A terme, ce n'est pas tenable car ces centres d'essais seront soumis à une concurrence européenne de plus en plus vive. Ils doivent, par conséquent, adopter des modes de fonctionnement semblables à ceux des entreprises.

La DGA essaie certes d'insuffler une culture d'entreprise, mais la DCE ne dispose pas encore des outils comptables nécessaires pour lui permettre de sortir du régime budgétaire. Dès que la réforme en cours depuis 1998 aura abouti, la question du statut de la DCE devra être posée.

L'objectif assigné à la DGA en 1996 était de réduire de 30 % le coût des programmes. La réduction devrait atteindre 10,5 % à la fin de 2000. Les commandes pluriannuelles, qui sont l'un des principaux leviers pour agir sur le coût des programmes, devraient s'élever à 20,7 milliards en 2000. Toutefois, cet objectif ne sera atteint que si la commande du missile balistique M 51 est notifiée avant le 31 décembre. Lors de son audition, le délégué général pour l'armement a exprimé sa conviction que tel serait le cas. Dans l'hypothèse contraire, le niveau d'engagement des autorisations de programme en 2000 sera médiocre.

L'objectif des 30 % ne pourra cependant être atteint que si les délais des programmes sont réduits. La politique actuelle vise à raccourcir la phase de développement. A cet égard, un retard sur le programme M 51 serait d'autant regrettable que ce même programme avait été le symbole, en 1998, des nouvelles méthodes de fonctionnement de la DGA.

La réforme de la DGA centralise la gestion de tous les programmes au niveau du délégué lui-même. La DGA souffrant traditionnellement de l'extrême lourdeur de ses circuits de décision, le raccourcissement de la chaîne ne peut qu'améliorer son efficacité.

J'aimerais enfin évoquer les progrès de l'Europe de l'armement, notamment par le biais de l'organisme conjoint de coopération en matière d'armement -OCCAR- dans lequel la DGA joue un rôle important. Le nombre de pays candidats ne cesse de croître, ce qui permettra d'augmenter le nombre de programmes gérés en coopération. Il s'agit en outre de programmes importants, comme la frégate Horizon ou l'avion de transport futur. Toutefois, le processus de ratification de la convention permettant à l'OCCAR d'acquérir la personnalité juridique est toujours en cours en Italie et le fonctionnement des programmes en coopération est plutôt laborieux. Il faut espérer que des décisions politiques le rendront plus dynamique.

J'en viens au service de santé des armées, dont le budget diminue de 2,8 %.

Ce service participe de plus en plus aux opérations extérieures. Il a fourni cette année en moyenne plus de 350 personnes contre 300 l'année dernière. Cette situation a des répercussions sur le potentiel chirurgical des établissements hospitaliers, puisque ces militaires ne sont pas remplacés durant leur absence.

D'autre part, la baisse des effectifs, entamée en 1997, se poursuit pour atteindre l'objectif de 13 500 personnes en 2002. Cependant, les tensions se sont plutôt aggravées : au 1er juillet 2000, il y avait un déficit de 154 médecins, soit près de 6 % des effectifs budgétaires. Des mesures ont été prises pour favoriser le recrutement. D'autres le seront en 2001 pour revaloriser les rémunérations. Seront-elles suffisantes pour enrayer la pénurie ?

Le budget du service des essences, lui, augmente de 3 %.

Les cessions de produits pétroliers aux armées ainsi que les approvisionnements, sont en hausse, notamment sur les théâtres d'opération. La flambée des cours a obligé le service à ralentir ses achats, ce qui a entraîné une baisse des stocks de 19 % de janvier à juin 2000. Le service participe de façon importante et systématique au soutien des forces en opérations extérieures. Il est actuellement présent dans plusieurs pays d'Afrique et surtout en ex-Yougoslavie, où son contingent a augmenté de 13 %. Cette hausse n'est pas sans poser de problèmes : à l'occasion des relèves, le service a franchi son seuil limite de fonctionnement.

Je mentionnerai pour finir la DICOD, délégation à l'information et à la communication de la défense, créée en 1998 en remplacement du SIRPA.

Son budget de fonctionnement et d'infrastructure, hors rémunérations et charges sociales, augmente en crédits de paiement de 19,2 %. Cette hausse sera principalement consacrée à la réforme de l'ECPA, l'établissement cinématographique et photographique des armées, qui sera achevée en 2001.

Comme le service de santé, la DICOD doit faire face à l'extinction prochaine de ses ressources d'appelés hautement qualifiés. Comme lui, elle doit relever rapidement ce défi.

Au bénéfice de ces observations, la commission de la défense a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des services communs, sur lesquels je me suis abstenu et que les commissaires de l'UDF, du RPR et de DL n'ont pas approuvé.

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis de la commission de la défense pour la gendarmerie - Dans le rapport que j'avais consacré l'an dernier à l'examen des crédits de la gendarmerie pour 2000, j'avais évoqué l'inquiétude croissante des personnels devant l'alourdissement croissant de leur charge de travail. J'avais également relevé le paradoxe d'un budget parfois contraint, notamment en matière de fonctionnement, alors que la gendarmerie est appelée à relever des défis toujours plus nombreux : la professionnalisation avec, en corollaire, la montée en puissance du volontariat, les redéploiements territoriaux et la sécurité routière.

Je constate avec satisfaction que ces préoccupations ont été entendues : les crédits affectés à la gendarmerie s'établissent en effet à 23,77 milliards, en progression de 2,6 %. L'évolution la plus notable concerne les crédits de fonctionnement des formations, qui atteignent 1,95 milliard, en augmentation de 20,5 %. Si une seule donnée chiffrée devait être retenue, ce serait celle-là.

Je m'étonne en revanche de la baisse de la dotation consacrée aux loyers, alors que l'insuffisance structurelle des crédits destinés au paiement des loyers des gendarmes est connue. Je sais, Monsieur le ministre, que la prochaine loi de finances rectificative couvrira les besoins immédiats. Mais les conclusions du rapport Sandras établissent nettement que la seule solution consiste à remettre les crédits à niveau.

De telles dispositions doivent être prises rapidement, afin que cessent les atteintes portées à l'image de la gendarmerie. Pourquoi répéter les erreurs commises dans le passé, et attendre que les dettes s'accumulent comme cela fut le cas au détriment d'Air France ?

S'agissant des dotations de crédits d'équipement, leur diminution globale ne doit pas susciter des jugements exagérément pessimistes. D'une part, les décisions prises par le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie le 28 février ont sensiblement amélioré l'équipement des forces ; d'autre part, selon la gendarmerie elle-même, le budget actuel permet d'assurer la remise à niveau du matériel courant.

C'est donc un bon budget qui est dévolu en 2001 à la gendarmerie. Tel était d'ailleurs l'avis de notre collègue Robert Poujade lorsqu'il l'a présenté à la commission.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Sauf pour les gendarmes des autoroutes !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur pour avis - C'est vous qui avez institué leur budget !

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Ce n'est pas une raison pour le maintenir !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - Je rappelle à nouveau que les gendarmes, où qu'ils servent, supportent une charge de travail dont l'intensité et l'amplitude, certes variables selon les unités, sont toujours importantes. Selon une étude réalisée par l'observatoire social de la défense, en 1999, la moitié des gendarmes départementaux totalise de 9 à 10 heures de travail effectif par jour, y compris les heures consacrées à la sécurité routière.

En 1999, les gendarmes ont relevé plus de 750 000 excès de vitesse -c'est qu'en France, une voiture sur deux roule trop vite ! Considérant que chaque infraction constatée exige, ensuite, plus de 2 heures de traitement, la gendarmerie nationale a dû consacrer plus de 1,8 million d'heures à la sécurité routière.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - C'est à M. Gayssot de les payer !

M. Georges Lemoine, rapporteur pour avis - De même, l'engagement de la gendarmerie mobile s'est maintenu, en 1999, au niveau très élevé de 204 jours de déplacement, et les projections réalisées pour 2000 laissent présager une augmentation du nombre moyen de jours de déplacement par unité du fait, notamment, de la mise en _uvre de la fidélisation dans les départements « sensibles ».

Cette très forte sollicitation de la gendarmerie mobile a pour conséquence de limiter sensiblement le temps consacré à l'instruction, alors même que la « fidélisation » de certains escadrons accroît le besoin de formation. Je me félicite par ailleurs qu'un protocole d'accord ait été signé avec le ministère de l'intérieur afin d'encadrer strictement le recours aux gendarmes mobiles.

Evoquant la charge de travail des gendarmes, je ne saurais passer sous silence le dévouement dont ils ont fait preuve, tant après le naufrage du pétrolier Erika qu'à la suite des terribles tempêtes de décembre. Ces hommes, fortement mobilisés, auraient apprécié qu'une gratification leur soit versée, comme elle a été versée à leurs homologues des services civils de l'Etat.

Dans un tout autre domaine, je souligne que les 1 500 postes de sous-officiers supplémentaires ouverts par le CSMG en février ne doivent en aucun cas être considérés comme destinés à pallier une éventuelle insuffisance d'embauches de volontaires. La plus grande vigilance devra être la règle à ce sujet.

Nous avons enfin appris avec plaisir que la gendarmerie disposerait désormais d'une véritable école d'officiers et non plus, seulement, de l'école d'application de Melun. La question reste posée de savoir si Melun est le meilleur site possible pour une telle école. J'ajoute que la musique de la gendarmerie doit, dans tous les cas, être préservée.

C'est sans aucun bémol que les commissaires ont exprimé un avis favorable sur le budget de la gendarmerie, qui est un bon budget. Nous vous faisons confiance, Monsieur le ministre, pour poursuivre dans la même voie (Applaudissements sur divers bancs)

M. Paul Quilès, président de la commission de la défense - Le présent budget traduit la continuité et le respect des engagements pris.

La professionnalisation se déroule dans des conditions satisfaisantes, avec l'augmentation des effectifs d'engagés du rang, la réduction des emplois d'officiers et de sous-officiers, facilitée par des mécanismes efficaces d'aide aux départs et l'amenuisement de la place des appelés.

Les créations d'emplois civils dans les armées progressent, pour permettre aux militaires de se consacrer aux missions qui leur sont propres. Mais des sous-effectifs subsistent, en particulier dans les emplois d'ouvriers d'Etat, ce qui crée des difficultés dans certaines unités de l'armée de terre par exemple, dans cette période de transition où la ressource en appelés disparaît.

Le phénomène tend à se résorber, à un rythme parfois ressenti comme trop lent. L'interdiction d'embauche d'ouvriers d'Etat dans les armées était compréhensible lorsqu'ils étaient en sureffectif à la DGA. Ce n'est plus le cas. Dans ces conditions, pourquoi ne pas autoriser les embauches qui permettraient aux armées, et en particulier à l'armée de Terre, d'achever en toute sérénité leur professionnalisation ? En ce domaine, la sous-traitance n'est pas le remède absolu. elle est même dangereuse quand il s'agit d'activités qui intéressent directement la sécurité. Une réflexion me paraît nécessaire à ce sujet ; la commission de la défense pourrait y contribuer.

Dans le domaine du fonctionnement courant, les dotations augmentent de 1,1 % alors que les effectifs baissent de près de 6 %. Le gain de ressources qui en résulte permet, en particulier, de revaloriser les crédits de carburants opérationnels, pas assez toutefois pour permettre le redressement des normes d'activité, étant donné la hausse récente des prix des produits pétroliers. Pour tenir les objectifs d'activité, un abondement sera donc nécessaire pour 2000 et 2002. Je souhaite qu'il ne soit pas prélevé en totalité sur les dotations d'équipement.

A un titre III dans l'ensemble satisfaisant correspondent des crédits d'équipement suffisants, en ligne avec les objectifs de la programmation et, plus largement, avec le modèle d'armée 2015.

A 83,4 milliards, le niveau des crédits de paiement des titres V et VI est en retrait de 3,5 milliards par rapport aux prévisions de la revue de programmes. Mais ce décalage financier de 4 % ne doit pas accaparer l'attention. Les efforts d'économie entrepris depuis trois ans commencent en effet à porter leurs fruits. Selon les estimations de la DGA, 57 milliards d'économies ont été obtenus sur les devis initiaux des programmes en cours depuis 1997 ; 20 milliards supplémentaires seraient attendus. Quelle que soit la part d'arbitraire statistique que comportent ces chiffres, la baisse des coûts est une réalité. Elle est due en particulier au contrôle de gestion exercé sur environ 85 programmes majeures. Les objectifs de réduction varient de 30 % pour les programmes entrant en phase de faisabilité à 10 % pour les programmes en production. Il faudra toutefois veiller à ce que cette politique de réduction des coûts ne se fasse pas au détriment de la compétitivité économique de nos entreprises. On sait parfaitement que deux pays réputés très libéraux, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, pratiquent en fait la politique industrielle la plus élaborée grâce à leurs commandes d'armement. Nous avons des intérêts de souveraineté à défendre et il nous faut concilier cette nécessité de réduire les coûts des programmes d'armement et la défense de l'industrie française et européenne de défense.

Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que la plupart des dépenses d'équipement militaire ont un caractère de flux. Leur exécution dépasse le cadre de l'annualité budgétaire. C'est pour cette raison que les insuffisances de ressources ne se traduisent pas par des réductions ou par des interruptions de programmes, mais par des retards de quelques mois.

Certains de ces retards ont été rendus inévitables par les aléas de la coopération européenne ou par des obstacles momentanés d'ordre technique ou industriel.

Il faut aussi tenir compte des difficultés d'exécution rencontrées par la DGA. Elles semblent en voie d'être levées, mais elles freinent encore la capacité du ministère à dépenser des montants de crédits très supérieurs à ceux qui sont inscrits au projet de budget.

La situation des paiements est enfin la conséquence du faible niveau des engagements dans la période 1996-1998. Elle devrait s'améliorer sensiblement en 2001 et au-delà. L'inscription, dans le projet de budget, d'un montant d'autorisations de programme de 84,7 milliards est, de ce point de vue, encourageante. A ce montant devrait s'ajouter, dans la loi de finances rectificative, une dotation supplémentaire pour financer la commande des cinquante A 400 M que la France s'est engagée à acquérir. Les besoins sont tels en effet -20 milliards- qu'ils ne peuvent pas être totalement couverts par le stock d'autorisations de programme non utilisées par la Défense.

En termes physiques, comme les chefs d'état-major nous l'ont confirmé, le projet de budget donne aux armées les moyens d'atteindre, sans difficulté majeure, les objectifs fixés par la programmation, tels qu'ils ont été ajustés à la marge par la revue de programmes. Il ressort des auditions de la commission, comme des déclarations publiques du Gouvernement, que les programmes d'avion de transport A 400 M et de véhicule blindé d'infanterie pourront également être lancés en 2001, bien qu'ils n'aient pas été inscrits au projet de budget.

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Pour le VBCI, ce n'est pas sûr.

M. le Président de la commission - Si le projet que vous présentez, Monsieur le ministre, est approuvé par la commission de la défense, c'est parce qu'il respecte les orientations de l'actuelle loi de programmation et de la revue de programmes. Mais cette loi de programmation vient à son terme. Vos services préparent depuis déjà un an la suivante, dont le premier ministre a esquissé en septembre dernier les grandes orientations possibles. C'est l'occasion aujourd'hui d'aborder plusieurs questions fondamentales que soulèvent ces orientations.

Il faut en effet s'interroger sur la nature des évolutions stratégiques prévisibles, des missions des forces et de leurs caractéristiques. On peut se demander si l'analyse stratégique qui fonde l'actuelle programmation conservera toute sa pertinence au delà de 2002.

De fait, au fil des rapports sur l'exécution de la loi de programmation, on peut discerner des évolutions sensibles dans l'analyse du contexte stratégique.

En premier lieu, on constate une progression rapide de l'Europe de la défense, désormais considérée par tous les pays de l'Union comme possible à la fois au sein et en dehors de l'OTAN.

Apparaît aussi une nouvelle gestion des crises, caractérisée par l'installation durable d'un volume de forces important, avec des missions tant militaires que civiles.

Par ailleurs, la recherche de la supériorité technologique s'impose de plus en plus, qu'il s'agisse du renseignement, des communications, ou de la précision des armes. La « révolution dans les affaires militaires » s'installe en Europe.

Enfin, les situations d'effondrement des Etats se multiplient sur une échelle préoccupante, en Afrique en particulier.

Sans bouleverser les grands équilibres de l'actuelle loi de programmation, ces évolutions, à l'échéance de deux ans, ne manqueront pas de créer une nouvelle donne dont il faudra tenir compte. Un débat s'impose. L'Assemblée nationale et sa commission de la défense en seraient le cadre naturel.

Compte tenu des décisions prises par l'Union européenne à Helsinki et de celles qu'elle s'apprête à prendre dans le cadre de la conférence d'engagement de capacités, il paraît évident que cette réflexion devra trouver un prolongement européen.

L'Europe de la défense se construit actuellement par le bas. Elle a commencé par se doter d'un outil militaire : la force de réaction rapide, définie par ce qu'il est convenu d'appeler « l'objectif global ». Les missions de cette force sont décrites en termes extrêmement vagues : il s'agit des « missions de Petersberg » qui recouvrent, en pratique, toute action militaire ne relevant pas de la défense du territoire national. L'Union n'exclut pas de se forger une doctrine stratégique commune, mais progressivement, en ajustant le contenu de son objectif global aux scénarios de conflit prévisibles. N'est-ce pas faire un peu trop confiance au pragmatisme ? Ne faudrait-il pas compléter cette démarche empirique par un début de réflexion stratégique européenne en amont, par l'établissement d'un livre blanc sur la sécurité et la défense de l'Union ?

Dans l'idéal, on pourrait concevoir que les pays de l'Union établissent des programmations militaires convergentes sur la base de ce livre blanc. Mais il s'agit là d'une perspective de moyen terme. En attendant, la prochaine programmation française devra revêtir une dimension européenne plus prononcée que la précédente. « L'objectif global » d'Helsinki conditionnera d'abord le volume de la participation française aux forces européennes de réaction rapide. Il fera aussi apparaître des lacunes « capacitaires », en France comme dans les autres pays de l'Union. Si un mécanisme de suivi efficace est mis en place, combler ces lacunes en matière de transport stratégique ou de moyens de renseignement fera nécessairement partie des actions prioritaires de la programmation. Il faut d'ailleurs remarquer que le lancement du programme A400 M a été considérablement facilité par l'intégration du transport aérien stratégique dans l'« objectif global » d'Helsinki.

L'un des enjeux majeurs de la future programmation sera de donner aux forces françaises les capacités de jouer pleinement leur rôle au sein de l'Europe de la défense. Comment, dans ces conditions, construire la prochaine programmation ? Sur la base traditionnelle d'une répartition équilibrée des crédits entre armées, ou en fonction d'une analyse « capacitaire » ? Cette nouvelle méthode impliquerait une réorganisation majeure des compétences et une perte d'autonomie budgétaire des chefs d'état-major des différentes armées. Est-ce souhaitable ? Est-ce nécessaire ? Ce débat doit avoir lieu au Parlement, dans le cadre de la programmation, mais aussi d'une réflexion plus vaste sur l'organisation générale de la défense nationale, dont je rappelle qu'aux termes de la Constitution, elle relève de la loi.

Même si elle ne concerne qu'une fraction de notre potentiel, notre participation à l'« objectif global » ne manquera pas de peser aussi sur nos choix budgétaires. Le processus de transformation des forces européennes en forces de projection dotées d'armements de supériorité technologique est irréversible. L'Union engage ses membres dans cette voie, mais aussi l'OTAN avec son « initiative de capacités de défense ». Pour maintenir son crédit et son influence, la France doit aussi préserver, au moins en partie, l'avance qu'elle a acquise en ce domaine.

Mais le choix de participer à une Europe de la défense qui disposerait des moyens technologiques lui donnant une autonomie militaire a un prix. Compte tenu de l'apparition des nouveaux besoins de commandement, de contrôle, de communication et d'informatisation, quel arbitrage faire entre la quantité et la performance, entre le souci de conserver la maîtrise de l'essentiel de nos compétences de recherche et la nécessité de la spécialisation industrielle ? Quelle place réserver à la préparation de l'avenir, au sein d'une enveloppe qui sera davantage consacrée aux fabrications qu'aux développements au cours des prochaines années ?

La politique de réduction des crédits de recherche est risquée et coûteuse. Elle nous expose au risque de déclassement technologique et elle hypothèque les programmes en rendant les développements plus longs, plus aléatoires et donc plus chers. Mais à quel niveau fixer l'effort de recherche ? Un partage européen des compétences et des coûts est-il envisageable ?

Il faudra par ailleurs veiller à ce que toutes les économies possibles soient faites sur les dépenses qui ne relèvent ni de la recherche, ni des grands programmes, comme les dépenses de maintenance, par exemple.

Enfin, une fois définies les capacités nécessaires, il faudra examiner le titre III dans un contexte nouveau, celui de la consolidation de la professionnalisation.

Nous n'avons encore que l'expérience de la transition. Nous ne connaissons pas les coûts d'une armée entièrement professionnalisée, qui devra recruter pour renouveler ses personnels sous contrats, offrir des conditions de rémunération comparables à celles du monde civil et assumer les contraintes de la projection sur des théâtres nombreux et lointains. De l'expérience actuelle, il ressort que les dépenses de fonctionnement tendent à être comprimées par celles de rémunérations. Pourtant, l'augmentation des dépenses de rémunérations est actuellement freinée par le rajeunissement général des effectifs. Doit-on, dans ces conditions, accepter une dérive structurelle du titre III ou encore revoir le format ?

Une nouvelle loi de programmation est aujourd'hui en préparation dans les services du ministère de la défense. Tout débat sur ces questions devrait avoir lieu en amont de son examen, sans quoi le Parlement n'aura plus que le choix d'approuver ou de rejeter un projet qui laissera bien peu de place à son initiative.

Les travaux préparatoires ont été lancés depuis un an. Même si cet exercice est loin d'être terminé, il nous semble nécessaire que le Parlement et sa commission de la défense soient informés sur la méthodologie employée, sur l'état d'avancement des travaux, ainsi que sur la manière dont vous comptez y associer la représentation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Louis Bernard - Le conflit du Kosovo a montré l'obligation, pour notre pays, de disposer d'armées bien équipées, capables d'assumer leurs missions avec compétence et efficacité.

L'opinion publique, longtemps sensible au chant des sirènes pacifistes et antimilitaristes, a pris conscience des menaces que font peser les dictateurs sur les nations démocratiques. Elle a compris que notre défense nationale représente la clef de voûte de notre indépendance et de notre liberté.

Encore faut-il doter nos armées de moyens appropriés qui sont fort coûteux. Mais la sécurité a un prix. L'histoire nous rappelle qu'une nation insuffisamment armée constitue une proie alléchante pour tout prédateur déterminé.

L'analyse de ce budget n'est guère aisée, en raison de la professionnalisation de nos armées. En effet, la réduction du format rend illusoire toute comparaison d'une année sur l'autre.

A part le général Yves Crène, chef d'état major de l'armée de terre, qui a parlé d'un niveau de crédit de fonctionnement a minima, les autres chefs d'états majors n'ont pas formulé de critiques particulières à propos du titre III.

Nous constatons tous l'insuffisance des crédits de carburant, en raison de l'envol du prix du baril de pétrole et de l'augmentation du cours du dollar. Un ajustement sera nécessaire sous peine de voir nos avions cloués au sol et notre flotte retenue à quai.

Bien sûr, les progrès techniques et les évolutions de la situation géopolitique, ainsi que la défaillance de certains de nos partenaires et la fréquence des annulations de crédits -à cet égard, on peut se demander pourquoi la consommation des crédits est bonne en Grande-Bretagne et pas en France- empêchent de faire des comparaisons d'une année sur l'autre pour le titre V. Néanmoins, il m'apparaît que les crédits consacrés à l'espace, aux communications et au renseignement, essentiels pour un pays qui nourrit quelque ambition stratégique, atteignent un niveau appréciable par rapport à d'autres pays européens mais font de nous le parent très pauvre des Etats-Unis. Le renseignement est pourtant essentiel pour la prévention et pour la gestion des conflits, il est à la base de la décision politique.

Après bien des réductions de crédits, l'armée de l'air souffre de la comparaison avec d'autres flottes, notamment celle de la Grande-Bretagne.

M. Alain Richard, ministre de la défense - Etes-vous bien sûr que notre force aérienne ne puisse supporter la comparaison avec la force britannique ?

M. Jean-Louis Bernard - Je parle des budgets qui leur sont respectivement alloués. Prenons garde que la France ne puisse participer à hauteur de son rang à une future défense européenne commune.

Aujourd'hui, les matériels les plus performants cohabitent avec des équipements anciens, insuffisamment entretenus. Nous ne pouvons que regretter qu'après les diminutions drastiques des crédits d'entretien des dernières années, aucun rattrapage n'intervienne, dans une conjoncture pourtant favorable.

Depuis trois ans, les dépenses d'entretien des titres III et V sont passées de 5,827 à 4,708 milliards. Certes, il y a la compensation des crédits de sous-traitance, mais leur abondement est loin d'être suffisant pour combler ce retard.

Il paraissait clair, après les guerre du Golfe et du Kosovo, que la stabilité de l'ordre international exigeait de la part des grandes puissances une capacité de projection des forces et une maîtrise aérienne.

Plaidant depuis plusieurs années pour l'ATF, je me réjouis de la décision des pays européens en faveur de l'A400M. Même si aucun crédit n'est inscrit cette année, j'ai pris bonne note de l'engagement du Premier ministre « d'une dotation en autorisation de programme dans la loi de finances rectificative pour 2000 ».

Notre capacité en terme de force de projection va décroître dès 2005. En 2008, l'armée de l'air disposera de moins d'avions de transport qu'aujourd'hui, du fait du retrait de 27 Transall. Certes, les premières livraisons de l'A 400 M sont programmées pour 2008, date à laquelle l'armée de l'air ne disposera plus que de 22 C160, dont certains auront des difficultés à être opérationnels. Mais le moindre retard de projection affaiblirait nos capacités.

La réussite technologique d'un avion n'est pas synonyme de réussite commerciale. La viabilité du programme suppose le respect des signatures des Etats en ce qui concerne le nombre des appareils commandés, les coûts et les montants des éventuels dédits. Cela implique des commandes pluriannuelles et des autorisations de programmes correspondant au coût global.

Enfin, Airbus Industrie est engagé à la fois dans un programme civil très lourd, l'A3 XX et dans un programme militaire important, l'A 400 M. On imagine les problèmes pour respecter les délais de livraison. Il ne faudrait pas qu'une timidité budgétaire pénalise l'avion militaire par rapport à l'avion civil.

Un titre III satisfaisant, un titre V imparfait : c'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Gérard Charasse - Ce budget est celui de la stabilité. Le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères a même parlé d'une « très grande stabilité ». Dans le domaine de la défense, c'est un hommage, auquel s'associent les députés du groupe Radical, Citoyen et Vert. Pour les orientations, la messe est vite dite : ce budget est celui de la continuité du respect de celles que le Premier ministre avait jadis fixées à Saint-Mandrier. Il est aussi celui du respect de la loi de programmation qui devrait nous permettre d'aboutir en 2015 à un nouveau modèle d'armée, instrument de notre action sur la scène internationale.

La méthode est simple : cette majorité a dit ce qu'elle voulait faire et fait ce qu'elle avait dit.

Ce budget illustre la volonté politique de ne pas rompre avec des orientations approuvées ces derniers mois par la représentation nationale et de garder à la France une place importante sur la scène internationale, ainsi qu'un rôle déterminant dans la construction de la politique européenne de sécurité commune.

Sur ce dernier point, je salue les efforts accomplis par la majorité, en particulier par vous, Monsieur le ministre, et par vos collègues des affaires étrangères et européennes. Nous avons vécu, entre 1992 -le traité de Maastricht et le sommet de Petersberg- et 1997 une phase de latence très préoccupante. Chacun a senti, depuis 1997 une accélération propice à donner un sens à l'Europe politique et militaire -et qu'ont traduit le traité d'Amsterdam et les sommets de Saint-Malo, de Cologne puis d'Helsinki.

En 1997, l'Europe s'est décidée à désigner un « M. Pesc ». En 1999, Javier Solana a été nommé. En 1998, l'Europe s'est ralliée à la nécessité de pouvoir conduire des opérations de terrain avec ou sans l'OTAN ; en 1999, elle s'est autorisée à constituer une capacité d'action militaire commune.

Nous disposons même désormais d'un calendrier, fixé à Helsinki : en 2003, l'Europe devra être dotée d'une instance autonome de décision et de moyens d'action. Ce calendrier n'a rien d'irréel puisque, sur le terrain, l'intégration s'est largement faite. Ainsi, la France a sous son commandement, dans la zone nord du Kosovo, sept contingents de nationalités différentes.

Nous sommes donc sur le chemin qu'empruntent désormais nos principaux partenaires. Nous serions ainsi presque exemplaires...

M. Michel Voisin - Oh !

M. Gérard Charasse - Nous le sommes presque aussi dans l'application des règles de bonne conduite en matière de marchés publics. Elu depuis longtemps d'une collectivité locale, je sais la difficulté de l'exercice. Malheureusement, ces règles ne sont pas uniformément respectées. Ainsi les entreprises installées dans d'autres pays s'appuient sur des marchés domestiques qu'elles contrôlent pour tenter d'écarter du marché français, désormais déclaré ouvert, les industriels de notre pays. Car, si en application des règles de bonne conduite, les aides directes des Etats à leurs industries d'armement ont pratiquement cessé...

M. René Galy-Dejean, rapporteur pour avis - Sauf aux Etats-Unis !

M. Gérard Charasse - ...certains Etats continuent à supporter une partie des charges liées au fonctionnement et à la recherche-développement, par des artifices divers. Nos entreprises risquent donc de se trouver défavorisées en France même, parce que notre conduite est conforme aux règles.

Par ailleurs, vous avez, avec des conseillers particulièrement efficaces, mené une politique de restructuration de notre appareil de production militaire. Il ne faudrait pas que ces efforts soient aujourd'hui réduits à néant car cela ne ferait qu'augmenter nos coûts de développement et de production pour d'autres produits. Pour l'éviter, l'Etat devrait réorganiser sa politique d'achat.

Je conclurai sur ces deux remarques, en vous apportant le soutien du groupe RCV (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Yves Fromion - Cette discussion budgétaire est attentivement suivie par les centaines de milliers d'officiers, de sous-officiers et de militaires du rang de nos armées et par les personnels des établissements industriels qui _uvrent pour la défense.

Aux premiers, je réaffirme notre considération, notre soutien et notre reconnaissance pour leur engagement au service de notre pays, dans des conditions souvent difficiles (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Aux seconds, notamment aux salariés de nos anciens arsenaux, je souhaite dire que nous sommes attentifs à leurs inquiétudes et soucieux d'accompagner de façon équitable l'évolution de ces industries.

Une armée est avant tout un ensemble d'hommes et de femmes, au service de la communauté nationale, dans des conditions qui n'ont pas d'égal dans la société civile. Leur efficacité est conditionnée par la considération qui leur est accordée, au plan moral et matériel. Or, Monsieur le ministre, ce budget ne répond que très imparfaitement à cette exigence.

On a souvent affirmé que votre Gouvernement avait fait du budget de la défense une variable d'ajustement. Cela permettait au moins d'espérer que des circonstances économiques favorables conduiraient à réévaluer des crédits rognés pour cause de priorité donnée à l'emploi ou, disiez-vous, à la réduction du déficit.

Or, le déficit budgétaire de l'Etat n'a en rien diminué (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Il restera en 2001 à 186 milliards et depuis 1997 il atteindra la somme cumulée de 800 milliards. Le sacrifice consenti par nos armées l'aura donc été en pure perte ! (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste)

Le 6 novembre 1998, vous vous étiez engagé à maintenir le titre V à 85 milliards annuels en francs constants 1998. Cet engagement n'aura tenu que le temps d'un discours. Vous ne proposez guère plus de 83 milliards, pour une référence nominale de 88 milliards.

La preuve est donc faite que la réduction du budget de la défense est bien un choix politique délibéré. La variable d'ajustement était en fait une constante de récession.

Quel objectif votre Gouvernement poursuit-il ? Préparer une loi de programmation au rabais ? Nous conduire insensiblement vers l'abandon de notre force nucléaire stratégique ? Glisser vers une nouvelle réduction du format de l'armée ? On sait que des simulations ont été faites...

Vous nous disiez, le 10 novembre 1999, qu'il fallait avoir une vision d'ensemble de la législature pour apprécier l'action tenace du Gouvernement pour définir une politique de la défense adaptée à notre époque. C'est chose faite : nous prenons acte de votre ténacité à réduire le budget de la défense.

Je voudrais souligner quelques conséquences de ces restrictions budgétaires systématiques.

La décroissance de 2,9 % des frais de fonctionnement provoquera des difficultés croissantes dans la vie courante des unités : défaut d'entretien des bâtiments, retards dans l'informatisation, problèmes de transports, etc.

Les crédits pour le personnel civil ne permettront pas des recrutements suffisants et l'objectif de 31 000 emplois pourvus en 2001 ne sera pas atteint, notamment pour les postes de spécialistes, pas assez attrayants.

Enfin si je me réjouis que le nombre moyen de journées d'entraînement pour l'armée de terre passe de 73 à 80 par an, on est encore loin de l'objectif des 100 jours.

Enfin, je regrette la gestion peu satisfaisante de la fin de la conscription : un effort budgétaire en faveur des jeunes déjà engagés dans la vie professionnelle aurait été nécessaire.

Au titre V, l'impact de la réduction budgétaire sur les programmes d'équipement a été dénoncé. J'insiste sur la nécessité de lancer le programme Trigan, sous peine d'exclure la France de l'industrie du missile anti-char, et d'engager le programme Aster pour augmenter notre capacité de défense aérienne. Ceci impliquerait une commande dès 2002. Qu'en est-il ? La marine a commandé 27 hélicoptères NH 90, livrables dès 2005, mais elle paraît aujourd'hui plus soucieuse de centrer ses moyens sur la flotte de surface. Ne faudrait-il pas réorienter cette commande vers l'armée de terre, dont les puma sont à bout de souffle ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR)

La situation très tendue des crédits d'entretien, transférés du titre III au titre V, rend difficile la préservation du potentiel opérationnel, notamment pour les unités prépositionnées à l'extérieur de l'Hexagone.

En ce qui concerne le choix du remplaçant de l'AMX 10, vous avez accepté, suite à des démarches pressantes, de revoir les modalités d'attribution du marché du futur VBCI. Nous espérons que votre décision préservera les intérêts de GIAT-industries, entreprise en quasi-perdition : les promesses n'ont pas été suivies d'effets, les salariés attendent avec angoisse des réponses. L'actuel PSES est obsolète. On sait que GIAT ne pourra entrer dans un schéma de restructuration européenne que si des mesures réalistes sont prises très rapidement. Il est de la responsabilité du Gouvernement de mettre en place les moyens d'une sortie de crise.

Le groupe RPR n'approuve pas ce budget. Il n'est pas assez volontariste pour accompagner les orientations de la politique européenne conduite par le Gouvernement, en conformité avec celles fixées par le Président de la République.

Le chef de l'Etat, en invitant le Parlement à décider la professionnalisation de nos armées, a donné à la France les moyens de participer à la construction de l'Europe de la défense. Le conflit du Kosovo a démontré la pertinence de ce choix. Encore faudrait-il qu'en matière d'équipement on tire les enseignements des lacunes apparues, qui affectent l'autonomie d'action des Européens.

En réduisant vos budgets successifs, vous préparez mal l'avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Birsinger - Ce budget, comme ceux proposés depuis 1997, s'inscrit dans le cadre de la loi de programmation militaire qui concrétise le changement d'orientation stratégique, décidé par le seul Président de la République en faveur de la professionnalisation de l'armée, la priorité étant désormais donnée à la projection. On mesure toute l'ambiguïté de cette stratégie qui fait qu'au nom de la paix et des droits de l'homme, on intervient ici et pas là bas, sans parler de la tutelle politique et militaire des Etats-Unis.

Je rappelle que l'ONU a fait de l'année 2000 une année de culture de paix. C'est l'occasion pour le groupe communiste de réaffirmer que la sécurité doit se construire, non sur des solutions de force, mais en priorité sur des stratégies de prévention des conflits. C'est pourquoi notre groupe, bien que partie prenante de la majorité de la gauche plurielle ne pourra, cette année encore, voter le budget de la défense.

Si nous ne partageons pas les choix opérés, nous sommes attentifs à la manière dont se met en place une professionnalisation qui rencontre des difficultés importantes.

La « surchauffe » évoquée par le général Crène est réelle et on peut se demander si notre armée est aujourd'hui bien adaptée aux missions qui lui sont confiées, tant dans le domaine militaire qu'en matière de sécurité civile.

Les catastrophes naturelles majeures qui ont nécessité son intervention ne peuvent être le seul facteur explicatif de cet état de fatigue.

La professionnalisation de l'armée a un coût considérable. Les charges de personnel représentent aujourd'hui quelques 81,6 % des dépenses.

La priorité donnée à l'entraînement se fait au prix d'économies drastiques sur les autres postes, qui concernent la vie quotidienne de notre armée. Pourtant on ne saurait différer trop longtemps les travaux d'entretien des bâtiments ou l'acquisition des matériels informatiques ou de communication.

Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est le retard pris dans le recrutement des personnels civils, pilier indispensable de toute armée professionnelle.

Le déficit au 1er juillet 2000 est important. L'objectif de 34 000 civils, fixé pour 2002 par la loi de programmation militaire, implique des dispositions nouvelles. Nous insistons pour que, dès le prochain exercice, des dérogations permettent d'affecter des ouvriers d'Etat à des postes qui leur sont aujourd'hui interdits.

Nous sommes particulièrement attentifs à l'évolution du titre V. Si les CP progressent de 1 %, les AP régressent de 3,4 % -chiffres d'ailleurs à relativiser compte tenu des annulations de crédits effectuées. Je regrette, au passage, que ces pratiques continuent.

Nous nous félicitons, en revanche, de la progression des dépenses spatiales : 3,1 milliards d'AP consacrés principalement aux programmes Syracuse et Hélios, qui permettent de relancer un secteur stratégique pour l'autonomie de la défense de la France et des pays européens.

Nous ne partageons pas le propos alarmiste du rapporteur pour avis sur les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire. Si nous ne sommes pas favorables à un désarmement unilatéral de la France, y compris dans ce domaine, nous sommes opposés à tout ce qui peut servir de prétexte à relancer la course aux armements nucléaires. Leur dissémination est en effet dangereuse pour toute la planète, coûteuse, sans que sa pertinence stratégique ne soit avérée.

La France devrait faire progresser davantage le désarmement nucléaire dans le monde. Le risque nucléaire doit reculer : il y va de la survie de l'humanité.

Nous avons apprécié en son temps la position de notre pays quant au projet américain de bouclier nucléaire. Celui-ci doit être définitivement abandonné : nous souhaiterions que la présidence française réaffirme clairement cette exigence.

La prévention des crises devrait être au c_ur de notre politique de défense et de sécurité.

La sécurité n'est pas seulement un problème militaire mais renvoie à des questions économiques, sociales, politiques et religieuses. L'écart de revenus entre le cinquième des habitants des pays les plus riches et le cinquième des habitants des pays les plus pauvres était de 74 à 1 en 1997, contre 60 à 1 en 1990 et 30 à 1 en 1960. Ces inégalités, qui ne cessent de se creuser, sont la cause première des conflits.

La défense du territoire national demeure d'actualité : toute agression ne peut être exclue et la dissuasion nucléaire ne saurait suffire à faire face à la menace -il faudrait d'ailleurs préciser de quelle menace il s'agit. Par ailleurs, l'armée exerce également ses missions dans le domaine civil ou à la frontière du civil et du militaire. Il est donc important de pouvoir continuer à mobiliser en nombre suffisant des hommes et des femmes préparés à cet effet. Il faudrait réfléchir à la façon de refonder les liens entre la nation et son armée.

Nous ne sommes pas opposés à ce que notre pays participe à des opérations de maintien de la paix, en particulier en Europe. Encore convient-il que la France et l'Union européenne en maîtrisent les conditions et que ces opérations s'effectuent dans le cadre de missions clairement définies et dans le respect de la légalité internationale (« Très bien ! » sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Nous ne sommes pas opposés à des coopérations en matière de défense européenne, à la condition toutefois que les interventions extérieures aient lieu sous mandat de l'ONU et dans le respect des règles internationales. A cet égard, il conviendrait de revaloriser le rôle de l'ONU en démocratisant son mode de fonctionnement et en lui donnant réellement les moyens d'assumer sa triple mission : assurer la sécurité, impulser le développement, garantir la démocratie et les droits de l'homme.

Nous soutiendrons tous les efforts accomplis en vue d'une défense européenne autonome, en rupture avec le rôle que les Etats-Unis, soutenus par certains de nos partenaires européens, entendent lui faire jouer au sein de l'OTAN. La mise en _uvre de cette politique ne doit toutefois pas se traduire par de nouvelles dépenses et doit être contrôlée par le Parlement.

Il est urgent, on le voit, d'ouvrir le débat sur la prochaine loi de programmation. Il faut dès aujourd'hui y associer les parlementaires et tous les acteurs intéressés -je pense en particulier aux personnels civils appelés à jouer un rôle nouveau.

Je souhaite maintenant évoquer la situation de nos industries de défense dont l'avenir demeure problématique. Maîtriser la fabrication des armes et des munitions est pourtant indispensable pour conduire une politique de défense et de sécurité autonome.

Nos industries d'armement ont beaucoup souffert de la réorganisation de nos armées, qui s'est conjuguée avec le rétrécissement des marchés, les restructurations industrielles et la prévalence des dogmes libéraux dans la construction européenne. Nous réitérons notre souhait d'un débat à l'Assemblée sur ce sujet, débat qui pourrait être précédé d'un colloque largement ouvert aux industriels, aux syndicats, aux élus locaux et nationaux.

L'avenir très immédiat du GIAT, de la DCN et de la SNPE appelle un effort particulier pour assurer un plan de charge.

La maîtrise d'_uvre du VBCI doit bien sûr être confiée à GIAT mais il convient que la coopération prévue avec RVI intègre sans ambiguïté cette exigence. Il faudrait également anticiper les commandes de chars Leclerc et lancer la rénovation des chars AMX 10 RC. Deux milliards seraient nécessaires sur un ou deux ans avec comme premier objectif la relance de la recherche-développement.

L'avenir de la DCN passe par la confirmation des commandes de NTCD et le renouvellement de la flotte de surface, d'ailleurs indispensable.

Alors que la restructuration d'EADS se traduit déjà par de nombreuses suppressions d'emplois, le maintien d'une compétence missile dans notre pays exige de rénover l'Exocet, de développer le missile Aster et de lancer le missile antichar Trigan. Il y va du maintien d'une compétence antichar en France et en Europe : on ne saurait sans dommage se placer sous la dépendance directe des USA ou d'Israël dans ce domaine non plus.

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Bernard Birsinger - Le groupe communiste ne posera pas de questions.

Il faut surseoir aux décisions prises concernant la Société nationale des poudres et explosifs et élaborer, en concertation avec les organisations syndicales, un plan transitoire associant maintien des compétences et diversification.

Une véritable politique de diversification exige la constitution « d'équipes projets civils » au sein de GIAT, de la DCN et de la SNPE.

La présidence française de l'Union européenne devrait envisager une aide spécifique temporaire à la diversification pour les grands groupes de l'armement.

Nous souhaitons enfin, Monsieur le ministre, un engagement précis sur un calendrier d'application des décisions interministérielles en faveur des sites de GIAT et de la DCN les plus touchés.

Sur toutes ces questions nous attendons des réponses précises : il y va de l'avenir de milliers de salariés et de bassins d'emplois souvent sinistrés.

Nous souhaitons également connaître les modalités retenues du débat qui devra précéder la prochaine loi de programmation militaire, pour que celle-ci soit élaborée de manière totalement démocratique.

Nous espérons que vos réponses seront à la hauteur des enjeux. Si notre groupe ne peut voter ce projet de budget, nous souhaitons que l'annonce d'avancées concrètes et significatives nous permette de nous abstenir de façon vigilante et constructive (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 55.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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