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Session ordinaire de 2000-2001 - 25ème jour de séance, 54ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de Mme Christine LAZERGES

vice-présidente

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          VILLE (nouvelle procédure) 2

          ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (nouvelle procédure) 13

          ENSEIGNEMENT SCOLAIRE 22

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

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VILLE (nouvelle procédure)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la ville, pour laquelle nous allons mettre en _uvre en séance publique la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents.

Avant les votes des crédits, je donnerai donc la parole pour cinq minutes aux rapporteurs des commissions, puis pour dix minutes à M. le ministre délégué à la ville et à un orateur par groupe.

Les travaux de la commission élargie consacrée à ce budget et les réponses aux questions écrites le concernant seront publiées en annexe au compte rendu de la présente séance.

M. Pierre Bourguignon, rapporteur spécial de la commission des finances pour la ville - Cette année encore, le budget de la ville est un bon cru. Au cours des trois dernières années, le Gouvernement a entrepris une importante revalorisation des moyens budgétaires destinés à la politique de la ville. Cette mobilisation s'est concrétisée dès la loi de finances pour 1999 qui a augmenté de plus d'un quart les financements publics concourant au développement social urbain. Le budget 2000 a poursuivi cette évolution puisque l'effort public y a atteint 35 milliards. Pour 2001, ce sont plus de 40 milliards qui y sont dévolus, soit une augmentation de 65 % en trois ans. Des efforts de simplification ont été réalisés en vue de rendre plus facile l'utilisation des crédits. Ils devront cependant être poursuivis, pour ce qui concerne notamment le financement des grands projets de ville.

Pour la troisième année consécutive, le budget de la ville est celui qui augmente le plus : comment le Gouvernement pourrait-il mieux traduire la priorité qu'il lui donne ?

Les acteurs de la politique de la ville sont en ordre de marche et les outils contractuels sont opérationnels. Avec les plans de renouvellement urbain se dessine une véritable doctrine d'action sur la ville. Des tabous ont également été levés. Ainsi, les opérations de démolition-reconstruction permettent de mieux intégrer les quartiers à l'ensemble de l'agglomération. Restons cependant vigilants pour que ces différents projets ne s'enlisent pas. Veillons à les doter de comités de pilotage clairement identifiés et renforcés dans leurs moyens. Alors que le débat sur l'avenir de la décentralisation est à l'ordre du jour, il convient de réaffirmer la pertinence du modèle contractuel : ensemble, collectivités territoriales et Etat doivent être chefs de file des différents partenaires.

La politique de la ville ne peut réussir que si les services publics restent très présents au sein des quartiers populaires et j'observe que les efforts réalisés sont insuffisants pour assurer l'égal accès de tous les citoyens aux différents services. Je plaide donc pour l'organisation d'une conférence annuelle sur l'état des services publics dans les quartiers sensibles. Les contrats d'agglomération doivent aussi permettre de rattraper le retard car la présence des services publics est indispensable pour recréer le lien social là où il s'est distendu. Mme la déléguée interministérielle à la ville a rendu à ce sujet un rapport pertinent, qui tend, parallèlement aux programmes de renouvellement urbain, à mobiliser les différents services de l'Etat. Je connais, Monsieur le ministre, votre détermination à faire aboutir ces différentes évolutions. C'est pourquoi j'invite notre assemblée à adopter les crédits du ministère de la ville (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Robin-Rodrigo, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales pour la ville - La commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption du budget de la ville pour 2001. Pour la troisième année consécutive, ce budget est celui qui progresse le plus sensiblement : après une augmentation de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, ses crédits devraient connaître une nouvelle hausse spectaculaire de 70 % en crédits de paiement, et même de 85,6 % si l'on inclut les autorisations de programmes. Son montant total dépasse ainsi 3 milliards. Cet engagement financier continu traduit la priorité durable qu'accorde le Gouvernement à la politique de la ville et, partant, à la solidarité à l'égard de l'ensemble de nos concitoyens.

Au demeurant, l'effort public global en faveur de la politique de la ville dépasse largement le cadre du ministère qui lui est dédié. En 2001, il devrait ainsi atteindre 40,9 milliards contre 35,3 milliards cette année. Cette évolution tient aux contributions de douze autres ministères -qui devraient atteindre 15,1 milliards- et à un accroissement substantiel des participations des collectivités locales de 5 milliards en 2001 contre 3,8 milliards cette année.

Ce budget marque aussi une étape importante eu égard à la qualité des actions envisagées. Il y a ainsi tout lieu de se féliciter que la plupart des contrats de ville, pour la période 2000-2006, soient intercommunaux. Telle est en effet l'échelle pertinente : le quartier en difficulté doit être envisagé dans ses relations avec l'ensemble de l'agglomération. Une telle approche est indispensable pour réduire les inégalités entre les territoires.

Nous saluons aussi l'approche qui consiste à placer la revitalisation économique et sociale des quartiers en difficulté au c_ur de l'action des pouvoirs publics. Il faut ainsi absolument que la reprise économique profite à tous, sur l'ensemble du territoire, et tout particulièrement dans les quartiers sensibles, afin de ne pas y aggraver un sentiment d'injustice déjà perceptible.

Vous nous avez donné, Monsieur le ministre, quelques indications encourageantes à ce sujet mais il faut que cette évolution se confirme et s'amplifie, car l'écart reste trop grand entre le taux de chômage dans ces quartiers et la moyenne nationale. Dans ma ville, le taux moyen de 9,3 % monte à 25 % dans les quartiers les moins favorisés.

Les mesures inscrites dans ce budget 2001, telles que le fonds de revitalisation économique, devraient permettre d'apporter une aide significative aux entreprises déjà implantées dans les zones urbaines sensibles, comme à celles qui envisagent d'y investir. Le soutien au développement économique doit donc s'accompagner d'un effort accru en direction des créateurs d'entreprises.

Vous avez confirmé le versement prochain d'une prime aux créateurs issus des quartiers et je m'en félicite. Je souhaite cependant qu'elle ne soit pas subordonnée à l'octroi d'une autre aide. Il faut en effet éviter de multiplier les conditions d'attribution, qui rendent le soutien financier trop tardif ou trop difficile à obtenir. Il convient aussi d'envisager un accompagnement administratif de longue durée du porteur de projet. A ce titre, la création de « maisons de l'initiative » ou de couveuses d'entreprises doit être encouragée.

Pour les demandeurs d'emploi salarié, la création en trois ans de 10 000 postes d'adultes-relais représente un effort financier substantiel qui devrait améliorer les rapports sociaux et conforter le rôle des adultes face aux jeunes des cités.

Concernant ces jeunes, les chiffres disponibles ne permettent pas de constater l'embellie dont vous avez fait état. Tout au contraire, l'objectif fixé par le comité interministériel pour les villes du 30 juin 1998 -réserver 20 % des embauches en emplois-jeunes aux habitants des quartiers relevant de la politique de la ville- était loin d'être atteint en 1999 sur l'ensemble du territoire. Qu'en est-il en 2000 ?

Pour les jeunes les plus marginalisés, les programmes d'accès à l'emploi TRACE doivent être précédés d'actions préparatoires à dominante plus sociale. Pour beaucoup, les dispositifs d'insertion par l'économique restent une étape indispensable vers le monde du travail, dont il importe de préserver l'efficacité. Attention de ne pas réduire trop drastiquement le nombre des CES ; même si cela obéit à un souci louable de rationalisation.

Construire un parcours d'insertion avec un jeune suppose aussi qu'il soit assuré d'un minimum de continuité dans ses moyens d'existence : dans cette perspective, il semble souhaitable d'assouplir les conditions d'accès aux aides des FAJ. Il ne s'agit certes pas d'instituer un RMI pour les jeunes exclus mais de leur donner les moyens de s'inscrire effectivement dans un parcours d'insertion.

Le conseil général des Hautes-Pyrénées intervient ainsi, en complément du FAJ, pour 150 jeunes en grande difficulté.

Le droit au travail est un droit pour tous. La politique de la ville doit concourir à l'assurer.

Au nom de la commission des affaires culturelles, je vous invite à adopter les crédits du ministère de la ville. Ils vont dans le bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. André Santini, rapporteur pour avis de la commission de la production pour la ville et l'intégration - Nous nous penchons comme chaque année mais plus rapidement sur le budget ville et intégration, faisant ainsi les frais d'une procédure expérimentale d'examen de certains budgets, décidée par la Conférence des présidents.

Je ne peux que me réjouir de la constante augmentation des crédits spécifiquement alloués à votre ministère. Ils s'établissent à 2,4 milliards en moyens de paiement et plus de 3 milliards en moyens d'engagement. Le Gouvernement semble avoir pris conscience -tardivement certes-, de la nécessité d'agir.

Pour autant les crédits dont vous avez la responsabilité directe ne représentent que 20,9 % des interventions agrégées des autres ministères ou 40,5 % de celles de la seule Caisse des dépôts et consignations.

Augmenter les crédits est une chose. Manifester une volonté politique cohérente en est une autre.

Les intentions affectées par le Gouvernement sont louables. Ainsi je ne peux que dénoncer l'économie du projet de loi sur la solidarité et le renouvellement urbains.

L'obligation imposée à de nombreuses communes de se doter d'au moins 20 % de logements sociaux -sous peine de pénalités financières lourdes et sous la menace constante d'une intervention préfectorale- a un goût de recentralisation et d'immixtion dans la libre administration des collectivités territoriales.

M. Laurent Cathala - C'est pourtant la moindre des choses !

M. André Santini, rapporteur pour avis - Ma commune a 28 % de logements sociaux. Je peux parler à mon aise. Ces nouvelles mesures ne font qu'augmenter le nombre des dispositifs qui se superposent déjà -et qui donneront lieu à pas moins de 78 sigles dans le jaune budgétaire.

La multiplicité des régimes dérogatoires nuit également à l'efficacité de cette politique de la ville. Il peut exister pour une même zone plusieurs exonérations, tantôt facultatives et relatives uniquement à la fiscalité locale, tantôt sur le long terme et sur la taxe professionnelle.

Vous parlez de simplification. Apparemment elle n'est pas allée jusqu'à réformer de façon globale ces dispositions.

Par ailleurs il est de plus en plus difficile d'évaluer la politique de la ville tant les ministères concernés sont nombreux. Il est vrai que la dimension interministérielle est une nécessité.

Mais votre ministère, n'étant toujours qu'un ministère délégué, doit opérer une clarification. Or, dès l'introduction du jaune budgétaire, on sent pointer votre désarroi : « Les différents ministères concernés par cette politique n'ont au demeurant pas toujours la même conception, ni surtout la même capacité à identifier la part de leur effort budgétaire qui répond à une politique volontariste de la ville. », écrivez-vous.

La volonté est de mener une politique globale, les réalisations restent impressionnistes.

Ainsi les nouveaux contrats de ville, repensés dans une logique intercommunale, obligent à modifier les instances locales et à recourir à un dispositif tricéphale constitué d'un comité de pilotage, une instance de mise en _uvre -MOUS-, et une instance de concertation. Ils ne remplissent pas l'ensemble des objectifs que le Gouvernement s'était fixés. Et il reste plus de 20 % des contrats de ville qui n'ont pas été signés dans un cadre intercommunal.

Les grands projets de ville, successeurs des grands projets urbains, s'intègrent dans les contrats de ville et ont vocation à les concrétiser. Mais les financements croisés conduisent à des équilibres alambiqués.

De surcroît, ces grands projets de ville créent des besoins de financement à la charge des communes ; nombre d'entre elles n'ayant qu'une faible marge de man_uvres, le projet est suspendu. Pourtant le Gouvernement affirme que le rôle du ministère délégué à la ville est d'aider les collectivités locales en difficultés... sans doute n'était-il pas question de l'aspect financier !

Pour adapter ces politiques publiques, il conviendrait de mener des expérimentations à grande échelle. On peut imaginer une intervention plus significative des collectivités locales et une collaboration accrue avec les responsables du milieu associatif. Ces ambitions ne sont apparemment pas au goût du jour et je le regrette.

Comme républicain, enfin, je ne saurais me retrouver dans le communautarisme et autres « discriminations positives » à l'américaine, que je vois poindre derrière le seul traitement de « quartiers » en crise, auxquels on applique des opérations de restructuration urbaine et de démolition-reconstruction, comme sur un malade une crème apaisante en lieu et place d'un antibiotique.

Monsieur le ministre, les ambitions sont là, mais les circuits administratifs et financiers restent toujours aussi complexes, les compétences aussi enchevêtrées.

Je ne peux que donner un avis négatif sur ces crédits qui ne sont pas en adéquation avec une politique de la ville ambitieuse.

Toutefois, la commission de la production et des échanges a émis un avis favorable sur leur adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville - J'ai grand plaisir, après deux budgets traduisant des promesses, à pouvoir parler cette année des premiers résultats de notre action. Je remercie les rapporteurs qui ont présenté ce budget, avec plus ou moins de c_ur.

Mais on sait l'écart qu'il y a parfois entre le discours et la réalité.

La politique de la ville, dans un contexte nouveau de croissance, a profondément changé de sens. Pour répondre à cette nouvelle ambition de développement solidaire, pour 2001, les moyens vont à nouveau fortement progresser : 8 % à périmètre constant, 70 % en prenant en compte les nouveaux dispositifs, après 32 % en 1999 et 40 % en 2000, pour atteindre 2,4 milliards de francs.

Nous pouvons ainsi amplifier l'effort engagé depuis 2 ans autour de trois objectifs principaux : faire profiter les habitants de la croissance ; lancer le renouvellement urbain à grande échelle ; conforter les moyens des nouveaux contrats de ville.

Tout d'abord, la priorité reste de faire profiter les habitants des quartiers de la croissance. Le risque était grand que cette population soit exclue de la reprise de l'emploi, comme l'a montré l'excellent rapport parlementaire Bourguignon-Rodrigo. Dès 1998, j'ai fixé comme objectif 20 % des emplois-jeunes pour les quartiers, 25 % des parcours TRACE, le développement des PLIE et la lutte contre les discriminations. Cet effort commence à produire des résultats depuis quelques mois, et le chômage baisse dans la plupart des quartiers dans les mêmes proportions qu'ailleurs.

Mais pour s'attaquer au noyau dur du chômage, il faudra aller encore plus loin en 2001. Nous mettons donc en place dans les quartiers 150 équipes emploi-insertion, articulées avec le service public de l'emploi -dotées de 20 millions de francs en 2001-, nous poursuivons les effort de formation, notamment en direction des plus jeunes, et la lutte contre les discriminations. Le programme de 10 000 adultes-relais contribuera également à réinsérer les parents dans la société du travail. 300 millions de francs y seront consacrés en 2001.

Pour assurer la revitalisation économique des quartiers, nous voulons diversifier l'activité des cités-dortoirs, attirer les investisseurs privés dans le sillage des investissements publics.

Un dispositif désormais unique d'exonérations fiscales et sociales sera mis en place à partir de 2002 dans les 416 zones de redynamisation urbaine, prenant la suite des zones franches urbaines. Le fonds de revitalisation économique, créé par la loi SRU, permettra d'aider plus largement les créateurs d'entreprise par une prime forfaitaire de 20 000 F, les investisseurs, jusqu'à 150 000 F, et le tissu économique existant. Ce fonds sera doté de 500 millions de francs en 2001, dont 375 millions de francs de subventions disponibles.

Une campagne nationale sera lancée en janvier pour faire mieux connaître ces nouveaux outils au secteur privé.

Notre deuxième grande priorité est le programme national de renouvellement urbain, lancé en décembre dernier, pour amplifier et coordonner les efforts dans 50 sites en grand projet de ville -GPV- et 30 sites bénéficiant d'une opération de renouvellement urbain -ORU. L'objectif, fixé par la loi SRU, est de renforcer la mixité sociale.

Grâce à notre action, désormais, détruire une tour ou une barre n'est plus un tabou car ce n'est plus seulement le constat désolant d'un échec, mais une première victoire.

Ce programme de renouvellement urbain va vite prendre l'ampleur nécessaire. Je vais signer dans les prochains jours les premières conventions de sites en GPV, et sur mon budget seront immédiatement disponibles 485 millions de francs d'autorisations de programme, 78 millions de francs de crédits de paiement et 90 millions de francs de fonctionnement. Ces crédits prennent également en compte les besoins en ingénierie, ainsi qu'une aide spécifique de 70 millions de francs au bénéfice des communes les plus pauvres.

Nous voulons renforcer la mixité sociale pour contrer, pendant qu'il en est encore temps, les pulsions ségrégationnistes générées par les égoïsmes et le laisser-faire.

Enfin, nous confortons les moyens des contrats de ville 2000-2006, afin d'intensifier les actions notamment en matière de sécurité et d'éducation et de tenir compte de leur dimension désormais intercommunale à 80 %. Une nouvelle ligne dotée de 15 millions est créée pour favoriser les innovations sociales, dans des domaines clés comme la santé, la famille et la culture.

Le chantier de la simplification des procédures va être poursuivi, afin que les acteurs locaux bénéficient plus rapidement des crédits disponibles. Une mission parlementaire sur le partenariat avec les associations vient d'ailleurs d'être confiée à Jean-Claude Sandrier, qui fera ses propositions l'année du centenaire de la loi de 1901.

Les professionnels de la politique de la ville sont eux aussi confortés à travers la délégation interministérielle à la ville, dont les moyens sont stables, et l'Institut des villes qui va se mettre en place pour développer avec les élus une véritable gouvernance urbaine. Mon ministère a encouragé l'émergence de nouveaux intervenants, à travers le programme emplois-jeunes, le programme adultes-relais et l'installation de délégués de l'Etat dans les quartiers, de délégués du médiateur de la République ou prochainement de volontaires civils. Les travailleurs sociaux et les agents des services publics ont été eux-mêmes amenés à faire évoluer leurs pratiques.

Ces nouveaux métiers ont fait l'objet d'un excellent rapport de Mme Claude Brevan et M. Paul Picard, dont nous suivrons les propositions. La formation sera intensifiée, en particulier pour les agents de l'Etat ; le programme de formation interministérielle et partenariale de mon ministère bénéficiera en 2001 de 25 millions de moyens nouveaux.

Au-delà du seul budget de mon ministère, l'effort public en faveur de la politique de la ville, tel qu'il est récapitulé dans le « jaune », dépassera 40 milliards, et aura ainsi doublé depuis 1997. C'est le signe que les acteurs publics ont enfin pris la mesure des défis urbains. En témoigne la réunion de ministres européens que j'ai organisée avec la Commission à Lille, le 3 novembre dernier, dans le cadre de la présidence française, qui a pris acte du souhait d'établir un agenda politique sur les questions urbaines.

Les premiers résultats de la politique de la ville sont encourageants, mais la bataille contre l'exclusion urbaine n'est pas gagnée. Maintenant que les moyens sont davantage proportionnés aux enjeux, elle peut être réellement livrée (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Monsieur le ministre, vous exercez une très belle fonction républicaine et au fond, vous ne devriez pas être ministre délégué, mais ministre d'Etat... En effet nous vivons une période de vraie violence ; les grandes idéologies ont disparu mais la vie quotidienne est particulièrement difficile. « Chacun a droit de cité », dit un beau principe républicain ; encore faut-il traduire celui-ci dans les faits.

J'illustrerai mon propos par trois souvenirs récents.

Pendant la campagne des législatives, dans un café situé dans un quartier difficile, j'avais rencontré un homme extraordinaire, plein de vivacité, qui allait avoir cent ans. Je lui ai promis que si j'étais élu député, j'organiserais dans ce café une grande fête pour son anniversaire. Je l'ai fait, et j'ai voulu lui porter en mains propres, dans le bloc d'immeubles où il habitait, le carton d'invitation que j'avais fait imprimer, qui reproduisait le journal du jour de sa naissance. Des jeunes, me jugeant sur ma cravate, m'ont dit : « Toi, t'es flic ! Tu vas chez qui ? » Appropriation du territoire : il fallait savoir ce qui se passait dans l'immeuble. Je fais écho à ce que disait André Santini : nous ne pouvons pas accepter un développement urbain à l'américaine, c'est-à-dire avec des ghettos.

Mon deuxième souvenir date d'un jour où je distribuais avec d'autres un document, au pied d'un immeuble. Le dialogue s'est noué avec une bande de jeunes : « Nous en avons ras-le-bol qu'on nous envoie les flics », m'ont-ils dit. « Bien sûr, on fait du bruit, mais le seul endroit où on peut se retrouver, c'est la cage d'escalier ! » Effectivement, dans ce quartier, il n'y avait pas de salle, pas de café...

Enfin, j'ai reçu récemment une délégation syndicale d'enseignants, qui n'étaient pas de mon bord politique mais voulaient me faire comprendre la violence à laquelle ils étaient confrontés dans les établissements scolaires et la difficulté qu'ils avaient à se faire respecter.

J'aurais aimé voter ce budget car je crois à votre mission, Monsieur le ministre. Je sais combien il est difficile dans la France d'aujourd'hui de calmer les passions. Le racisme et les intolérances se développent, ne nous le cachons pas ; et je voudrais rendre hommage à tous ceux qui travaillent sur le terrain : les maires et les conseillers municipaux, souvent jugés nuls ou corrompus (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), les enseignants, les moniteurs et animateurs sportifs, les responsables d'associations, les travailleurs sociaux, les gardiens d'immeubles qui font en sorte de faire cohabiter des gens différents.

Je ne vous donne pas de leçons car nous n'avons pas toujours réussi quand nous étions au pouvoir -même si nous l'avons été beaucoup moins longtemps que vous au cours des vingt dernières années-, mais je considère que la priorité du Gouvernement doit être de clarifier les responsabilités. Il ne faut pas se rassurer à bon compte ; l'argent et les contrats sont importants, mais ils ne suffisent pas. Je viens de recevoir une belle lettre du ministre de l'intérieur m'expliquant que dans ma ville -ô coïncidence !- en février 2001 on va poser le principe de la police de proximité ; les moyens suivront en avril 2001. Mais l'important est qu'il y ait unité d'action entre la police nationale et la police municipale ; à terme, il faudrait que les maires aient la responsabilité de la police de proximité.

Le budget que vous nous proposez supposerait une volonté politique d'ensemble et beaucoup de décloisonnements. Le groupe UDF ne le votera pas, non parce qu'il considère que ce que vous faites n'est pas important, mais parce qu'il ne faut pas se rassurer à bon compte et qu'il est nécessaire d'organiser le destin commun de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Michel Vaxès - Pour la troisième année consécutive, votre budget, Monsieur le ministre, est celui qui augmente le plus, et il a plus que doublé en trois ans, si bien qu'en 2001, l'effort de l'Etat en faveur de la politique de la ville atteindra 40 milliards. Cette remarquable progression témoigne de l'attention particulière que le Gouvernement porte à votre ministère, mais elle illustre aussi l'ampleur des problèmes.

Pour contribuer à les résoudre, votre budget affiche cinq priorités : le développement économique et l'emploi ; l'habitat ; l'accès à l'éducation, aux soins et à la culture ; le droit à la sécurité et à la justice ; enfin une meilleure implantation des services publics.

Le soutien de l'activité économique et de l'emploi dans les zones urbaines sensibles, l'installation de 3 000 adultes-relais pour 2001 et la création de 10 000 postes avant 2003, telles sont vos préoccupations majeures. Cela s'explique fort bien, car la croissance, et donc l'emploi, tardent à atteindre les populations fragilisées.

Une étude récente de l'INSEE souligne d'ailleurs que la reprise bénéficie d'abord aux diplômés de l'enseignement supérieur, dont le taux de chômage est tombé de 17 % fin 1997 à 10 % en 2000, pendant que le chômage des jeunes sans diplôme et sans qualification stagne à 57 %, proportion identique à celle de 1997. Ce constat validerait à lui seul les orientations d'une politique de la ville dont l'enjeu nouveau, dites-vous, est de faire profiter les habitants des quartiers concernés du retour de la croissance.

Mais y parviendrez-vous si le budget de la nation ne traduit pas cette impérieuse nécessité ? La question mérite d'être posée, même si des outils nouveaux sont mis à la disposition de la politique de la ville. Ainsi, le fonds de revitalisation économique, doté 500 millions, vise à encourager les entreprises implantées dans les zones urbaines sensibles à y demeurer, ce que nous apprécions.

De même, les équipes « emploi-insertion » joueront un rôle utile, et il est bon que 50 millions soient inscrits dans votre budget à ce titre.

Concernant le plan emploi-jeunes, le CIV du 30 juin 1998 avait décidé que 20 % des embauches seraient réservés aux habitants des quartiers relevant de la politique de la ville. Mais nous sommes très loin du compte, puisque, selon les dernières statistiques ils n'en représenteraient que 9 %.

Il faut donc tout mettre en _uvre pour atteindre l'objectif fixé. Je rappelle, à ce sujet, l'attachement du groupe communiste à la pérennisation de ces emplois.

Enfin, votre budget comprend diverses exonérations fiscales temporaires, visant à favoriser les emplois marchands.

Je n'ai, volontairement, évoqué que les mesures liées à l'emploi et au développement de l'activité économique dans les territoires concernés par la politique de la ville.

La politique de la ville a franchi, ces dernières années, une étape importante, et les communistes se réjouissent d'avoir été entendus par le Gouvernement de la gauche plurielle.

S'inscrivant dans un projet global de reconstruction équilibrée de la ville, cette politique rompt avec une vision étriquée. Cette rupture était nécessaire, mais elle ne sera pas suffisante si, simultanément, la revitalisation économique, l'accès à l'emploi et à la formation, la réduction drastique des inégalités de revenus et d'accès à la culture et aux soins ne font pas l'objet d'une mobilisation sans précédent. L'Etat, qui bénéficie des ressources d'une économie en croissance, a les moyens d'agir.

Nous apprécions donc, Monsieur le ministre, que vous manifestiez le souhait d'infléchir la politique de la ville vers des objectifs de reconquête économique et d'accès à l'emploi pour ceux qui en sont privés depuis trop longtemps.

Certaines de vos dispositions budgétaires témoignent de cette volonté. Ce sont de premiers pas, mais l'effort à accomplir, d'urgence, doit être beaucoup plus ambitieux. Je n'en donnerai qu'un exemple. J'ai eu l'honneur de vous accueillir dans un quartier qui a fait l'objet d'une requalification urbaine parfaitement réussie. Or, que constatons-nous ? Après une période d'attrait retrouvé et de réelle satisfaction des habitants, le processus de dévalorisation du quartier s'enclenche à nouveau. Cette menace de rechute s'explique par l'absence de gestion de proximité adaptée mais surtout par la difficulté persistante, particulièrement pour les jeunes de bénéficier du retour de la croissance et de sortir de la pauvreté chronique qui est leur lot quotidien.

Et comme ceux qui, par chance, ont retrouvé un emploi aspirent à s'éloigner de leur quartier d'origine, les bailleurs, à nouveau soucieux de l'équilibre de gestion font cohabiter des pauvres avec d'autres pauvres. Ainsi se reconstituent les îlots de précarité des ghettos ethniques qui compromettent des années d'effort pour apprendre à chacun le respect mutuel, au-delà les différences de cultures, de religions et de langues.

Ainsi renaissent les oppositions malsaines et les conflits que l'on se proposait de combattre. Si l'on n'y prend garde, c'est toute l'architecture de la politique de la ville qui s'en trouvera menacée. Ce serait dramatique, mais ce n'est pas inéluctable. Votre politique peut réussir, et nous ne ménagerons aucun effort pour vous soutenir. Mais elle ne réussira que si nous sommes entendus, c'est-à-dire si le Gouvernement prend la mesure de l'urgence à faire bénéficier les exclus du travail d'une activité professionnelle reconnue et, donc, normalement rémunérée.

Elle ne réussira que si tous les responsables des politiques urbaines comprennent que l'apartheid résidentiel sape les fondements même de notre République.

L'Etat doit relever ce défi. Il le peut.

Depuis trois ans, la politique de la ville a considérablement évolué. Son budget et sa conception ont progressé et évidemment le groupe communiste votera ses crédits.

Mais, convenons-en, il reste encore beaucoup à faire pour éviter que des préoccupations égoïstes, détestables parfois, ne viennent compromettre les choix d'une politique de la ville qui se propose de réduire partout les insupportables inégalités de traitement dont souffre encore cruellement une partie trop importante de notre peuple (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Mignon - Vous tentez avec talent, Monsieur le ministre, de faire accroire que le Gouvernement accorde la priorité à la politique de la ville. Je sais vos efforts, réels, mais je sais aussi que les crédits de votre ministère ne représentent que 0,14 % des dépenses de l'Etat. Quant aux dispositifs que vous nous proposez, ils sont d'une complexité bien souvent décourageante, qui s'apparente, pour les élus, à un parcours du combattant. Des retards inacceptables sont pris, alors que l'urgence est avérée. Je souhaite donc qu'avec la contribution de notre assemblée, le Gouvernement s'attache à simplifier les procédures d'octroi des aides. Je l'ai dit en commission élargie, mais j'y reviens : ce qu'il faut ce n'est pas dépenser plus mais dépenser mieux.

De fait, beaucoup d'annonces sont faites, sans guère de résultats. Et, en ma qualité de maire d'une commune concernée par la politique de la ville, je dois vous dire mon inquiétude à l'idée que vous comptez affecter une partie importante des emplois-jeunes à la sécurité des quartiers difficiles. C'est mettre ces jeunes gens dans une situation bien compliquée que de les envoyer, sans formation, dans les quartiers dont ils sont issus, en uniforme et parfois avec une arme ! Que ces emplois doivent être pérennisés, certainement, mais votre solution est-elle la bonne ?

Il faut définir des politiques sur mesure, fondées sur la tolérance et le respect mutuel. Il est regrettable, à cet égard, que la question religieuse soit taboue, car un débat de fond serait nécessaire, comme je l'ai expérimenté fin 1997, en tant que maire d'une ville de 21 000 habitants, avec les élus locaux. Il faut aussi apprendre, surtout aux jeunes, la citoyenneté et le respect de nos institutions. S'agissant des démolitions -je sais de quoi je parle, étant maire de droite dans une ville qui compte plus de 60 % de logements sociaux-, il faut avoir le courage d'y procéder sans retomber ultérieurement dans les mêmes erreurs, et d'opérer un rééquilibrage entre communes. J'approuve d'ailleurs les dispositions de la loi sur l'intercommunalité qui le permettront. Votre politique est aujourd'hui trop lourde et trop complexe ; les crédits de votre ministère sont dilués. Je ne vous surprendrai pas en annonçant que le groupe RPR ne votera pas votre budget. Mais j'espère sincèrement que nous trouverons ensemble des solutions pour nos villes, sans quoi l'avenir s'annonce, comme la presse s'en fait l'écho, bien inquiétant (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Michel Pajon - Je suis heureux de défendre, au nom du groupe socialiste, ce budget qui est, pour la troisième année consécutive, celui qui enregistre l'augmentation la plus forte : après une hausse de 32 % en 1999 et de 10 % en 2000, la progression est de 8 % en 2001. Depuis votre nomination, le budget de la ville a triplé, pour atteindre près de 2,5 milliards en 2001. Il est bien une priorité pour le Gouvernement, dont l'action s'exerce à la fois sur les terrains de l'emploi, de la sécurité et de l'éducation. Les crédits consacrés par les autres ministères à des actions contribuant à la politique de la ville ont également augmenté -je pense aux emplois-jeunes ou à la police de proximité. Si l'on y ajoute les participations financières de la Caisse des dépôts et consignations et des collectivités locales, l'effort public global en faveur de la ville s'élève à 40 milliards. Votre connaissance du terrain nourrit une politique cohérente de lutte contre la formation de ghettos et de renforcement du sentiment d'appartenance à la collectivité nationale, ciment du pacte républicain. En témoigne la signature des 250 contrats de ville 2000-2006, plus ambitieux que les précédents, qui visent à traiter dans un cadre unique l'ensemble des problèmes urbains.

Nous voulons comme vous favoriser le développement d'une ville équilibrée, et permettre à chaque habitant de vivre normalement en luttant contre toutes les discriminations. Les choix budgétaires faits cette année viennent conforter votre politique.

Il faut transformer profondément certains quartiers pour les associer au développement de nos villes et modifier leur image. Ces objectifs sont au c_ur de la politique de la ville, ce qui justifie pleinement l'engagement pris par le Gouvernement lors du comité interministériel des villes de décembre 1999.

Le programme national de renouvellement urbain amplifie et coordonne ainsi les efforts à travers 50 grands projets de ville, qui visent à améliorer les conditions de vie des habitants et à transformer profondément leur perception de la ville. En effet, l'image que les habitants ont de leur quartier nourrit un sentiment d'appartenance à la cité et contribue à fonder une véritable identité.

Ce budget réunit des crédits destinés à des interventions susceptibles d'améliorer la vie quotidienne et des crédits dévolus à des actions durables, pour un montant total de 650 millions.

Je ne peux passer sous silence les mesures prises en faveur de la revitalisation économique, dont le Gouvernement a décidé de faire une priorité nouvelle de la politique de la ville. Elle passe par une plus grande implication du secteur privé, que ce budget encourage par des exonérations fiscales et sociales dans un dispositif unique et simplifié qui sera mis en place à partir de 2002 dans les zones de redynamisation urbaine, et par le fonds de revitalisation économique créé par la loi SRU pour aider les créateurs d'entreprises et les investisseurs.

500 millions de francs viendront abonder ce fonds, répartis à parité entre l'aide au fonctionnement et l'aide à l'investissement et à la création d'activité.

Ces mesures permettront de soutenir le tissu économique existant et d'encourager le développement de l'activité.

L'accès à l'emploi est une autre priorité de votre budget.

Le taux de chômage a été ramené à 9,5 % : c'est dire que les mesures prises par le Gouvernement donnent des résultats. Néanmoins, si les quartiers prioritaires de la politique de la ville commencent à bénéficier de la reprise de l'activité, le taux de chômage y demeure en moyenne deux fois supérieur au taux national. Un effort supplémentaire doit donc être entrepris.

Il ne s'agit pas de discrimination positive, mais de permettre à la population la plus éloignée du marché de l'emploi de bénéficier du retour de la croissance.

En effet, paradoxalement, la croissance tend aujourd'hui à renforcer les inégalités, et le sentiment qui en résulte est dévastateur pour les populations fragilisées.

Nous nous réjouissons donc des 20 millions prévus pour créer 150 équipes emploi-insertion. La formation, notamment des jeunes, est en effet plus que jamais nécessaire.

L'ANPE, les missions locales et les associations sont également mobilisées pour répondre aux besoins des demandeurs d'emploi de ces quartiers.

L'accès à la fonction publique est également encouragé par le développement du système de bourses de l'éducation nationale et par la création de préparations rémunérées aux concours.

Le programme de 10 000 adultes relais contribuera, quant à lui, à revaloriser le rôle des parents dans des quartiers où manquent les repères. A ce titre, 300 millions sont inscrits au budget.

De plus, un effort de formation sera entrepris en faveur des agents publics impliqués dans la politique de la ville. 25 millions y sont affectés.

Enfin, l'institution, dans chaque quartier, de délégués du médiateur de la République devrait améliorer les relations entre les services publics et les usagers.

Nous nous félicitons de votre souci d'offrir aux habitants des quartiers défavorisés un environnement social rénové. L'égalité des chances et la cohésion sociale sont à ce prix.

Enfin, une attention particulière sera apportée à l'accélération de la mise à disposition des crédits pour les acteurs locaux et à la simplification des procédures administratives. Vous connaissez en effet comme moi l'importance du travail mené sur le terrain par le monde associatif. En tant que maire de Noisy-le-Grand, je peux en témoigner. Les acteurs de terrain contribuent à tisser le lien social et à redonner à chacun une place au c_ur de la cité.

Votre politique a suscité de grands espoirs. Il ne faut pas les décevoir : soutenons les associations en leur versant rapidement les subventions promises.

A travers ce budget, la dynamique de ces dernières années se trouve amplifiée, tandis que le retour de la croissance transforme le sens de la politique menée et rend encore moins acceptable la dévalorisation de certains territoires. Ce budget marque la volonté d'_uvrer à une société plus juste et plus solidaire. Avec lui, vous confirmez nos espoirs. C'est donc sans réserve que le groupe socialiste vous apportera un soutien déterminé (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Goulard - Je m'exprime au nom de Pierre Cardo, dont la compétence sur le sujet est largement reconnue au-delà des clivages politiques, et qui ne peut participer à ce débat, compte tenu des modifications intervenues dans notre ordre du jour, retenu qu'il est par une réunion consacrée, justement, aux grands projets de ville.

Ce budget comporte des points positifs, tels que la forte augmentation des crédits et la continuité dans l'action, gage de succès dans un domaine où il faut du temps pour construire. Je salue aussi l'absence chez vous, à la différence de certains de vos collègues, de toute obsession médiatique. Vous lui préférez, avec raison, le travail de terrain, et nous avons ainsi eu le plaisir de vous accueillir dans ma ville de Vannes, ainsi que dans beaucoup d'autres.

J'en viens aux réserves que je dois exprimer, non sur votre budget en lui-même mais sur votre méthode. Car vos crédits ne seront pas utilisés de façon efficace.

La résolution des problèmes des quartiers difficiles ne relève pas de votre seule compétence. Derrière la boutade de M. Donnedieu de Vabres se pose la question de la place de votre ministère. Le caractère interministériel de votre action implique un rattachement direct au Premier ministre, si ce n'est une remontée dans l'échelle hiérarchique. Quoi qu'il en soit, les principales politiques publiques ont toutes des conséquences sur la vie des quartiers difficiles et leurs défaillances sont graves. L'éducation nationale n'est pas à la hauteur de sa tâche. Continuer à envoyer des professeurs débutants dans les quartiers difficiles conduit forcément à l'échec, et rien n'a changé dans ce domaine depuis 1997. Cet organisme gigantesque que M. Allègre nomme le mammouth est incapable de s'adapter, de déroger à ses règles statutaires pour nommer les enseignants adaptés. Il faut donner plus de moyens aux directeurs d'établissements concernés, mais surtout une liberté totale de recruter, avec une obligation non pas de moyen mais de résultat. Lorsque nous aurons eu le courage de violer ces règles sacro-saintes, nous aurons beaucoup fait pour les jeunes en difficulté, qui ont plus besoin d'aide que les catégories que ces règles protègent.

En ce qui concerne la politique de sécurité, tous les discours sur la police de proximité ne peuvent pas cacher la réalité : demain, les fonctionnaires de police expérimentés qui vont massivement partir à la retraite seront remplacés par des jeunes qui ne seront pas formés et qui ne feront pas carrière dans la police nationale. Les forces de police ne seront pas en mesure de remplir leur mission, d'autant que vous êtes incapables de mobiliser la justice pour les assister.

Quant à la politique de l'emploi, elle n'est pas bien orientée. Il est très dommage de consacrer autant de moyens à des jeunes qui aujourd'hui trouveraient facilement une place dans le marché du travail et de se désintéresser des cas vraiment prioritaires, qui, quelle que soit la conjoncture, auront du mal à trouver un emploi. Réduire le nombre des CES et des CEC est à l'opposé d'une politique de l'emploi efficace. Par ailleurs, l'ANPE n'est pas adaptée aux personnes en difficulté. La volonté de maintenir le monopole du service public de l'emploi empêche de parvenir à des solutions satisfaisantes. Il faut plus d'audace, d'initiative, de confiance envers les associations.

En ce qui concerne la politique de la ville proprement dite, le péché majeur s'appelle centralisation, complexité administrative, saupoudrage des crédits, cloisonnement des actions. Les crédits sont nécessaires : la solidarité impose absolument d'aider les communes qui ont moins de moyens et plus de difficultés. Mais de grâce, faites-leur confiance pour l'utilisation de cet argent ! N'en appelez pas aux préfets ! Leur rôle, leur métier est d'assurer la présence des forces de police, et non pas celle des animateurs sociaux. Lorsqu'il s'agit d'action sociale sur le terrain, ou d'associations, les administrations d'Etat ne sont pas performantes, elles ne connaissent pas la réalité. Laissez faire les collectivités locales et les associations. C'est à ce prix que vous aurez des résultats.

La politique de la ville doit corriger un des échecs patents de notre société et de tous nos gouvernements : celui de la politique de l'urbanisme, à l'époque où elle relevait de l'Etat. Je suis persuadé que les élus locaux ne referaient pas les erreurs des fonctionnaires d'Etat qui ont décidé de bâtir ces quartiers. L'échec aussi d'une politique du logement uniformisatrice. Le caractère gigantesque de certains offices HLM est incompatible avec toute action de proximité pour améliorer le parc HLM. C'est l'Etat qui est à l'origine de cette politique, comme de celle de l'éducation, de la sécurité et de l'emploi.

Je vous demande donc de donner aux collectivités les moyens d'agir. N'oubliez pas à ce propos que l'intercommunalité n'est pas la panacée. Il est des cas où c'est la commune qui est la mieux placée, et où l'égoïsme de la majorité des communes d'un groupement empêchera d'agir. Les structures intercommunales ne doivent pas avoir le monopole de la conduite de la politique de la ville. Donnez aux communes et aux associations les moyens de réussir là où l'Etat a largement échoué (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

Les crédits ouverts au titre III de l'état B, mis aux voix, sont adoptés, ainsi que les crédits ouverts au titre IV de l'état B et aux titres V et VI de l'état C.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité concernant la ville.

La séance, suspendue à 16 heures 25, est reprise à 16 heures 35.

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ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR (nouvelle procédure)

Mme la Présidente - Nous abordons la discussion des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement supérieur, pour laquelle nous allons mettre en _uvre en séance publique la nouvelle procédure budgétaire définie par la Conférence des présidents, dont j'ai rappelé les modalités en début de séance.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la commission des finances - Je tiens à souligner la qualité des débats qui ont eu lieu en commission élargie et à remercier MM. les ministres pour les nombreuses précisions qu'ils ont bien voulu nous apporter sur les principales orientations qui seront poursuivies grâce à ces crédits.

2,7 milliards ont été mobilisés en quatre ans en faveur du plan social étudiant. Il s'agit d'un effort sans précédent qui tend à permettre au plus grand nombre d'accéder aux études supérieures. La dernière tranche de 650 millions, mise en place cette année, ne signifie en rien que tout engagement financier pour améliorer les conditions de vie des étudiants est désormais impossible. Ainsi, le plan U3M prévoit diverses mesures en faveur du logement étudiant. J'appelle cependant l'attention des ministres sur la nécessité de poursuivre l'effort en faveur de l'encadrement sanitaire et social des étudiants. Je salue à ce titre la création dans ce budget de trente emplois d'infirmiers et de 15 emplois d'assistants de service social. Encore faut-il rester très attentif à la cohérence des actions conduites par les CROUS et par les universités.

Dans le droit fil des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, je me félicite de l'attention portée au fonctionnement des établissements d'enseignement supérieur grâce à une augmentation des dotations allouées de près de 120 millions. Je constate avec intérêt qu'un effort de coordination de la politique d'évaluation a été réalisé et que les moyens du comité national d'évaluation seront à ce titre renforcés. Une étape importante a ainsi été franchie.

La politique de rénovation des sites universitaires est également poursuivie : l'effort conjoint de l'Etat et des collectivités locales atteint 42 milliards, inscrits dans les contrats de plan Etat-régions 2000-2006. Sur les 18,3 milliards de dotations d'Etat, le ministère de l'éducation nationale assume la part prépondérante avec une participation de 14,3 milliards. Il convient d'y ajouter 7,5 milliards au titre du désamiantage de Jussieu, de la rénovation du Muséum d'histoire naturelle et de la mise en sécurité des bâtiments universitaires.

La rénovation du patrimoine universitaire est un chantier d'avenir, susceptible de renforcer l'attrait de notre système : je souhaite que notre assemblée soit régulièrement informée des investissements projetés et réalisés.

Dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, je me félicite des initiatives prises en faveur de la mobilité des étudiants et des enseignants. J'ai souligné dans mon rapport sur l'accueil des étudiants étrangers tout l'intérêt d'une gestion décentralisée des bourses de mobilité instituées par le plan social étudiant. Il revient aux universités de les gérer. Plus généralement, je souhaiterais qu'une réflexion soit engagée en vue de démocratiser l'accès au statut ERASMUS. J'y vois une condition essentielle de diffusion de la culture européenne, à laquelle je vous sais, Monsieur le ministre, très attaché.

M. Jean-Jacques Denis, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Avec la sécurité, la justice et l'environnement, l'éducation nationale fait partie des priorités du projet de loi de finances pour 2001. Atteignant 56 milliards, le budget de l'enseignement supérieur accuse une croissance à structure constante de 2,73 %.

S'agissant du budget des universités, vous allez entreprendre une réforme des normes San Remo. Les attentes à cet égard sont fortes et tous les partenaires intéressés souhaitent être entendus. Il en va de même pour les mesures qui ont vocation à compenser le départ en retraite de près de 50 % des enseignants dans les dix prochaines années. Là encore, le plan pluriannuel afférent est très attendu.

D'un montant total de 32,9 milliards, les dépenses de personnel augmentent cette année de 7,4 %. Un effort important est consenti en faveur des personnels IATOS : 1 000 emplois sont ainsi créés dont 150 pour les bibliothèques, ce qui ne suffira pas à rattraper le retard de notre pays en matière d'ouverture des salles de lecture. Il convient cependant de saluer cette avancée, en ce qu'elle permettra de réduire le nombre d'agents non titulaires : n'oublions pas qu'il en reste 6 000 ! Nous avons du reste noté votre volonté d'avancer sur ce dossier avec le ministre de la fonction publique.

Les mesures en faveur des personnels doivent permettre de maintenir un taux d'encadrement convenable, en dépit de la baisse des effectifs.

L'aide sociale aux étudiants représente le troisième poste important de votre budget. Il est naturel que les problème sociaux pénètrent le monde universitaire dès lors que celui-ci s'ouvre plus largement que par le passé.

Les crédits relatifs aux bourses allouées sous conditions de ressources s'élèvent à 8,4 milliards : en cette année d'achèvement du plan social étudiant, près de 30 % des 500 000 étudiants du supérieur en bénéficient. Il est indispensable d'aider ceux qui en ont le plus besoin car la précarité matérielle est à l'évidence une source d'échec. A ce titre, votre action est significative : augmentation du plafond de ressources ouvrant droit à bourses, revalorisation de 15 % de leur montant, création d'une bourse à taux nul, création de nouvelles bourses au mérite, institution de bourses par cycle avec maintien du droit pour une année supplémentaire en cas d'échec, généralisation des allocations d'études -dont je rappelle cependant que la trop grande disparité entre académies devra être corrigée.

Au total, les crédits destinés aux bourses augmentent cette année de 647 millions et ils auront progressé en quatre ans de près de deux milliards.

Le dispositif reste cependant perfectible : il faut en simplifier considérablement l'accès et l'étendre aux étudiants de troisième cycle.

Enfin, mille bourses de mobilité viendront compléter le programme ERASMUS. Pourtant celui-ci ne concerne que 20 000 étudiants sur 13 ou 14 millions en Europe. Il y a un effort à fournir dans ce domaine comme pour l'enseignement des langues en France.

Nous partageons votre volonté d'ouvrir l'université à la société et à tous les âges, pour que l'université de demain soit un creuset éducatif et culturel (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Je me réjouis de la procédure qui nous a permis de débattre de façon plus directe en commission et m'en tiendrai donc à l'essentiel. Pour résumer ce que les deux rapporteurs ont excellemment décrit, ce budget s'inscrit dans la continuité de l'effort engagé depuis de nombreuses années pour rendre à l'Université solidité et rayonnement et pour en ouvrir plus largement les portes aux étudiants français et à ceux d'autres pays. En même temps j'ai souhaité infléchir cette politique. M. Schwartzenberg est intervenu sur la recherche fondamentale appliquée à la technologie ; je confirme notre volonté forte de faire que chaque université atteigne l'excellence dans la recherche.

Nos deux grandes ambitions sont de placer plus que jamais l'étudiant au c_ur de notre action, de moderniser l'enseignement supérieur et d'accentuer son rayonnement.

L'Université se doit d'assurer au mieux possible la réussite de chaque étudiant, et donc d'améliorer l'accueil des jeunes bacheliers et l'insertion professionnelle des jeunes diplômés ainsi que la vie matérielle à l'Université.

Sur le premier point, la question principale porte sur l'efficacité des premiers cycles universitaires. 35 % seulement des étudiants obtiennent le DEUG en deux ans, 70 % en trois ans. Un progrès a été fait depuis la réforme engagée par Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, que j'ai complétée en 1992-1993. Je veux aller plus loin et j'ai annoncé une série de changements. Un directeur des études sera créé pour la première année ; nous lancerons un appel à projet pédagogique dans le premier cycle ; l'étudiant pourra changer d'orientation non plus seulement à la fin du premier semestre mais au terme de la première année ; des premiers cycles pluridisciplinaires faciliteront son choix. Nous améliorerons également les conditions d'accueil dans les établissements et dans les bibliothèques.

Pour cela il faut améliorer le taux d'encadrement en personnels enseignants et non enseignants. Avec 616 nouveaux postes d'enseignants créés en 2001, le taux d'encadrement deviendra supérieur à la moyenne européenne et dans les années à venir nous rejoindrons le peloton de tête. A la demande des présidents d'université, nous renforçons le personnel IATOS, dont je salue le dévouement, avec l'inscription de 1 000 emplois nouveaux au budget contre 500 en 2000.

C'est l'effort le plus important réalisé depuis trois ans. 180 millions de crédits de fonctionnement supplémentaires sont aussi inscrits au budget, dont l'essentiel pour les établissements et 20 millions pour les bibliothèques universitaires.

Notre effort porte aussi sur un domaine qui a peut-être été un peu négligé, l'amélioration des conditions de vie et de travail des étudiants. Outre le souci de la qualité des équipements, grâce au plan social étudiant, 500 000 d'entre eux recevront un soutien à la rentrée 2001. Nous ne relâcherons pas l'effort en faveur du logement étudiant, car les retards s'étaient accumulés, notamment en région parisienne. Au total, nous allons mobiliser rapidement 2,5 milliards dans ce domaine.

La qualité de l'environnement universitaire n'étant pas seulement une affaire de mètres carrés, j'ai mis en place une mission « urbanisme et architecture universitaires » qui encouragera les meilleures réalisations.

Notre second grand objectif est de moderniser l'enseignement supérieur et d'assurer son rayonnement. Nous allons réorganiser les DEUG scientifiques, les études d'économie, de médecine, les études littéraires et de sciences humaines.

Nous souhaitons accentuer la professionnalisation et avec M. Mélenchon, je travaille à la réforme des licences professionnelles, à côté de nombreuses autres filières. Je mentionne simplement le rôle de l'enseignement à distance, pour la formation initiale ou la formation tout au long de la vie.

Je me félicite que notre volonté de favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs soit partagée. L'ensemble des ministres de l'éducation de l'Union européenne ont approuvé un plan d'action pour la mobilité, qui devra être adopté au sommet de Nice. Avec Hubert Védrine, nous venons aussi de confier à Elie Cohen, ancien président de l'université Paris-Dauphine une mission sur l'accueil des étudiants étrangers, qui laisse à désirer malgré les progrès réalisés.

Un tel effort budgétaire mérite la transparence. L'évaluation est donc vitale. Je m'inspirerai sur ce point des conclusions de la mission d'études et de contrôle animée par Alain Claeys. A côté du comité d'évaluation des universités, un haut conseil de l'évaluation va être mis en place sous la présidence de M. Claude Thélot. Un nouvel équilibre doit s'établir entre politique nationale et politique des universités. L'autonomie de celles-ci doit être réaffirmée et j'apprécie que la conférence des présidents d'université y consacre prochainement un séminaire.

Je vous remercie pour le soutien que vous voudrez bien apporter à notre action de rénovation des universités françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - La qualité des débats en commission me permet de n'aborder aujourd'hui qu'un point, car il s'agit d'une nouveauté, qui est la mise en place des licences professionnelles. La dotation inscrite dans ce budget est de 16 millions au total, soit 80 000 F par licence. Cette nouvelle étape atteste de l'importance de la professionnalisation pour l'enseignement supérieur. Plus de 500 maquettes ont été proposées par les Universités, et nous en avons sélectionné 185.

La valeur nationale de ces diplômes étant acquise grâce au travail de notre comité d'experts et de notre comité de suivi, leur lisibilité étant assurée par la décision que nous avons prise d'effectuer un reclassement général d'après la nomenclature des métiers, nous faisons vivre un modèle français de professionnalisation durable, répondant tout à la fois aux attentes du secteur productif et à celles des individus, qui pourront réussir aussi bien une première insertion professionnelle qu'une deuxième, grâce à leur haut niveau de connaissances académiques et technologiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Goasguen - J'irai à l'essentiel, puisque nous avons déjà débattu en commission.

D'un point de vue comptable, ce budget est en hausse, ce qui n'est pas une nouveauté : que la majorité soit de droite ou de gauche, les budgets de l'éducation nationale sont toujours en progression. Je ne fais pas partie de ceux qui critiquent systématiquement toute hausse : il est clair que des moyens doivent être affectés aux priorités.

Néanmoins, j'exprimerai quelques inquiétudes.

A propos du plan U3M, M. Claeys a parlé de collaboration intéressante entre l'Etat et les collectivités territoriales ; pour ma part, je constate qu'on pratique ici une nouvelle forme de décentralisation : celle du financement sans celle des compétences... Il est sans doute temps d'aborder de manière sereine la question de l'autonomie des universités ; M. Mauroy a fait ses propres propositions sur le sujet.

Par ailleurs, les crédits affectés au désamiantage de Jussieu me paraissent insuffisants. En effet, si on s'en tient à 300 millions par an, il faudra dix ans pour achever ce travail, ce qui, au moment où des universités se constituent sur la ZAC Rive gauche, porterait préjudice à Paris VI, qui est l'une de nos plus grandes universités scientifiques.

Autre problème : l'insuffisance, malgré les efforts accomplis depuis 1988, du budget des bibliothèques universitaires. Il faudra notamment faire en sorte que celles-ci, comme chez nos voisins, soient ouvertes toute l'année.

Enfin, je veux souligner l'importance qu'il faut attacher aux technologies nouvelles d'enseignement. Dans le maquis comptable de cette loi de finances, j'ai trouvé 20 millions qui y étaient affectés ; ce n'est vraiment pas assez et je vous mets en garde sur la concurrence qui va se manifester en la matière ; la rue de Grenelle devra faire des arbitrages entre les universités.

Je voudrais aussi stigmatiser le conservatisme qui marque la politique universitaire depuis mai 68. Ce qui était explicable à droite l'est moins à gauche... Pourtant, on semble avoir toujours peur que les étudiants descendent dans la rue.

Cela explique un certain nombre de nos difficultés. 37 % des étudiants obtiennent le DEUG en deux ans : ce n'est pas assez. Par ailleurs, les IUT sont en train de perdre leur spécificité, beaucoup d'étudiants préférant prolonger leur cursus. Enfin, l'Université est beaucoup trop coupée du monde économique. Comment expliquer qu'elle ne donne pas aux étudiants la possibilité de s'insérer professionnellement ? Elle doit, suivant en cela l'exemple de ses concurrentes européennes ou nord-américaines, inventer des départements de placement. Le service public universitaire ne doit plus se limiter à la délivrance du diplôme.

Le monde économique est prêt à participer à la professionnalisation des universités ; et l'Etat doit pousser les banques à imiter leurs homologues étrangères en accordant des prêts aux étudiants.

Par ailleurs, notre Université manque de rayonnement international. Ce qui a été décidé par les Quinze il y a quelques jours -le plan d'action pour la mobilité- est une bonne chose ; mais nous devons accroître nos coopérations avec les universités, notamment africaines. Sur les quelque 160 000 étudiants étrangers qui fréquentent nos universités -effectif d'ailleurs à la baisse-, près de 80 000 viennent d'Afrique. Il faudrait aussi aider au développement des universités africaines ; je regrette que l'université de Dakar soit en déclin et que celle d'Abidjan connaisse des difficultés.

En conclusion, nous voterons contre votre budget. Nous le ferons sans agressivité ni animosité car d'un point de vue quantitatif, c'est un bon budget ; mais nous voulons par ce vote souligner deux impératifs : la liberté -nos universités ont besoin de davantage d'autonomie- et la mobilité. Je souhaite que vos successeurs, quels qu'ils soient, développent ces deux axes de la modernité.

M. Jacques Guyard - J'ai cru jusqu'à ses dernières phrases que M. Goasguen allait voter ce budget... Finalement, ce ne sera pas le cas. Le groupe socialiste, en revanche, le votera sans hésitation, pour cinq raisons. La première est l'amélioration du taux d'encadrement des étudiants. De 21,63 % qu'il était en 1997, il passera à 18,87 % en 2001, ce qui signifie que la France sera revenue au niveau des grands pays. On ne peut que se féliciter de la création de 300 postes de maîtres-assistants, alors même que l'effectif étudiant stagne. Quant à s'indigner, comme certains le font, qu'il n'y ait pas de création de postes de professeurs d'université, c'est faire semblant d'ignorer l'appel d'air que constitueront, au cours des quatre ans à venir, les départs massifs à la retraite.

Je me réjouis, par ailleurs, de l'amélioration matérielle des conditions de fonctionnement des universités dont, depuis vingt ans, nous ne cessions de déplorer la pauvreté. C'est un changement de politique majeur que la création de mille postes IATOS, et je salue tout particulièrement l'effort consenti en faveur des bibliothèques -qui devra être poursuivi ; à cet égard l'institution d'assistants de bibliothèques est un progrès réel. Il reste à mieux doter l'enseignement supérieur privé de bonne qualité, car il participe du service public de l'enseignement.

Le groupe socialiste se félicite encore de l'achèvement du plan social étudiant, plan exigeant, mené à terme au rythme prévu. C'était, on le sait, l'un des objectifs majeurs du Gouvernement : parvenir à ce que 30 % des étudiants soient aidés. Nous y serons en 2001, grâce à un budget de bourses qui s'élèvera à 8,45 milliards, contre 6,6 milliards en 1997. Cette progression, considérable, permettra de servir des bourses plus élevées, à un plus grand nombre de bénéficiaires. On se réjouira, aussi, de la création de bourses de mérite, qui marquent l'exigence de qualité de nos universités. Il faudra, à terme, instituer un guichet unique d'attribution des bourses, gage d'efficacité.

Le budget permettra aussi de faire progresser le plan U3M. On peut certes regretter le mélange des ressources de l'Etat et celles des collectivités territoriales, mais l'essentiel est que la France puisse, pour mener à bien ce plan ambitieux, disposer de 42 milliards car si la situation est particulièrement critique en Ile-de-France, l'évolution de l'enseignement impose que, partout en France, les locaux soient adaptés.

J'ai, par ailleurs, été très sensible aux préoccupations exprimées par le Gouvernement au sujet du logement des étudiants. A cet égard, l'extension de l'ALS aux étudiants est une mesure importante, mais il faut faire davantage.

J'en viens à ce qui me tient le plus à c_ur, l'innovation pédagogique. Les 195 licences professionnelles se développeront sur un substrat solide, et l'on sait la créativité dont ont déjà fait preuve certaines universités déterminées à encourager la professionnalisation de leurs enseignements sans attendre que le Gouvernement les y invite. Les licences professionnelles contribueront sans aucun doute à enrayer le recul des disciplines scientifiques, qui ne doivent plus être présentées comme des moyens de sélection mais comme un instrument de développement humain.

Amélioration de l'autonomie des universités, amélioration de leur évaluation aussi : les orientations retenues sont décidément les bonnes, et le groupe socialiste votera avec enthousiasme, je l'ai dit, le budget de l'enseignement supérieur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Michel Dubernard - J'ai dit, en commission élargie, les lacunes de ce budget, son manque d'ambition et de prospective. Ce budget n'innove en rien ; il s'inscrit dans la tradition d'immobilisme de la politique universitaire en France. C'est de gestion qu'il s'agit, et de gestion seulement, sans vision particulière.

Ainsi du plan social étudiant. La proportion des étudiants aidés augmentera en 2001, nous dites-vous. Soit. Mais vous ne choisissez pas la voie que vous entendez suivre, et ne tranchez donc pas entre autonomie et accompagnement social. Un groupe de travail s'en chargera... un autre groupe de travail pourrait aussi s'intéresser à la francophonie et au rôle de l'université dans ce domaine, dont Claude Goasguen a excellemment parlé.

Que dire, d'autre part, du plan U3M, sinon qu'il met à contribution des collectivités dont ce n'est pas la compétence, en vertu de la politique éprouvée du « donne-moi ta montre et je te donnerai l'heure » !

Quant à l'effort consenti en faveur des bibliothèques universitaires, c'est une goutte d'eau dans l'océan des besoins ; vous avez d'ailleurs convenu, en commission, que les heure d'ouverture et le confort des locaux sont insuffisants.

Sans revenir sur l'éloquent sondage que j'ai cité devant la commission élargie, j'insiste sur le fait que les universités doivent, enfin, prendre en compte, au titre de leurs nouvelles missions, l'insertion professionnelle et la diversité de leurs publics. Jusqu'à présent, ni l'organisation des études ni les structures universitaires ne se sont adaptées à la « massification » de l'enseignement supérieur, dont la finalité reste à préciser. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, Monsieur le ministre, et si vous pensez, comme moi, qu'un débat de fond est nécessaire.

Pour remédier à l'échec en premier cycle, vous avez pris différentes mesures qui ne se distinguent guère des dispositions retenues dans les réformes précédentes. Que dire, en particulier, du premier cycle d'études médicales, sinon qu'il s'agit désormais d'une machine à rejeter les étudiants les plus brillants ? Le « gaspillage humain » est immense, votre prédécesseur l'avait souligné avec justesse. Or, ce n'est pas dans les jours à venir mais en juin 2001 seulement que seront connues les grandes lignes de la réforme des études médicales. A quand, alors, son application ? Ne faut-il pas agir sans attendre, quand il y a urgence !

De même, d'autres questions difficiles sont renvoyées à des groupes de travail : le contenu des enseignements, la redéfinition du métier des enseignants, la gestion des universités... A ce sujet, vous nous annoncez pour 2001 un colloque consacré à « la refondation de l'autonomie universitaire ». Puis-je vous rappeler que la mission d'évaluation et de contrôle a publié, en mai 2000, un rapport sur la modernisation de cette gestion ? Le rapport de M. Delalande, nettement moins pessimiste que celui de la Cour des comptes -formulait diverses propositions et, en particulier, une plus grande autonomie financière. Où en est votre réflexion à ce sujet ?

Je n'ai pas obtenu plus de réponses aux questions que je ne peux manquer de me poser sur l'évolution des enseignements au cours de la décennie prochaine. Pourtant, la politique, n'est-ce pas de savoir anticiper, en prenant ses distances par rapport au calendrier électoral ?

Cette gestion comptable ne règle qu'une petite partie des problèmes de l'enseignement supérieur. Sans vision prospective, il ne peut contribuer à la modernisation de l'université. Le groupe RPR votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrick Leroy - Le groupe communiste se félicite du triplement des crédits alloués au plan social étudiant et au plan U3M, même si j'aurais souhaité un effort plus conséquent. Les récents rapports de Jean-François Dauriac et de l'observatoire de la vie étudiante se sont alarmés de la pauvreté dans laquelle vivent de nombreux étudiants, qui fait l'objet de ma question écrite. 100 000 étudiants vivent en-dessous du seuil de pauvreté, avec moins de 3 300 F par mois. 28 % seulement de la population étudiante française percevait une aide en 1999. Cela contraint ces étudiants à travailler, au détriment de leurs études, et les exclut de fait des grandes écoles et des meilleures formations. 37,2 % des étudiants salariés sont exclus de certaines filières. Ce budget permettra de porter à 30 % le pourcentage d'étudiants aidés, ce qui demeure insuffisant, puisque la mesure concernera 500 000 étudiants sur les 2 130 000 inscrits.

Il est par ailleurs inconcevable que des étudiants se voient refuser une bourse d'études au motif que leurs parents perçoivent le RMI. En interdisant de cumuler le RMI des parents avec une bourse d'enseignement supérieur, la réglementation actuelle ferme les portes de l'université aux enfants des érémistes, ce qui est profondément injuste !

Il faut donc modifier les textes sur ce point.

L'effort de 2 milliards consenti en faveur du logement étudiant est important. Mais suffira-t-il à réhabiliter les cités vétustes et à remédier aux conditions d'accueil insuffisantes dans certaines académies ? J'en doute.

La restauration étudiante doit également être améliorée, l'alimentation constituant le poste principal des dépenses des étudiants, avant le logement.

S'agissant du fonctionnement de nos universités, la concurrence entre établissements, une décentralisation mal maîtrisée et le manque de moyens budgétaires préoccupent les étudiants, le personnel et la direction des universités.

La Conférence des présidents d'université a émis des doutes, le 19 octobre, sur la pertinence du pilotage et de la régulation menés. La question essentielle est de savoir si l'on vise la concurrence entre universités, dans un cadre marchand importé des Etats-Unis, ou un service public garantissant une égalité de traitement entre étudiants ?

L'hétérogénéité croissante et la stagnation des effectifs étudiants, conjugués au renouvellement des enseignants, aggraveront les inégalités si l'Etat ne s'engage pas davantage, comme je vous y invite.

En effet, d'ici 2008, la moitié des 17 000 professeurs d'universités et le quart des 29 000 maîtres de conférences seront partis à la retraite. Ce budget crée 300 postes de maître de conférence, mais aucun de professeur... Nous sommes loin du compte pour faire face à la situation.

Je me félicite en revanche de la fusion des seconde et première classes du corps des maîtres de conférences, qui rend plus attractif le métier d'enseignant-chercheur. Il est aberrant que les personnels aient dû colmater les brèches au moment de l'explosion des effectifs étudiants, et qu'à présent que ceux-ci décroissent, rien ne soit prévu pour améliorer le système. Il en va pourtant du devenir intellectuel de notre pays.

Pour résoudre ces problèmes, il faut un engagement politique et financier ambitieux. Nous approuvons les mesures que vous envisagez pour améliorer les résultats au DEUG, que seuls 37 % des étudiants obtiennent en deux ans, telles que la création d'une fonction de directeur des études de première année, l'appel à projets pédagogiques, la possibilité d'enseignements pluridisciplinaires, la possibilité de réorientation jusqu'à la fin de la première année. Il faut cependant aussi améliorer la qualité des travaux dirigés et le tutorat des étudiants, développer leur mobilité et faciliter l'activité de recherche des enseignants-chercheurs.

Nous considérons donc ce budget comme une première étape du plan pluriannuel, en attendant que le budget 2002 en fasse une priorité nationale.

Le groupe communiste votera donc ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Jean-Pierre Foucher - Le budget pour 2001 de l'enseignement supérieur qui dépasse à peine 56 milliards nous est présenté comme progressant de manière exceptionnelle de 2,73 % par rapport au budget de l'année dernière, au seul motif que les effectifs étudiants stagnent. Pour ma part, j'estime que les crédits de l'enseignement supérieur traduisent davantage la simple gestion des actions engagées que l'innovation. Faut-il souhaiter que le nombre d'étudiants diminue encore pour apprécier la valeur de ce budget ? Je n'ose penser, Monsieur le ministre, que ce soit votre raisonnement ! Mais cela révèle un manque d'ambition et de projets mobilisateurs, que les effets d'annonce de ces derniers mois peinent à cacher. La Conférence des présidents d'universités du 19 octobre dernier a pourtant dénoncé « les difficultés à mener un pilotage cohérent et une régulation globale » et souligné la stagnation des effectifs étudiants. Elle a aussi souligné les graves problèmes que posera d'ici 2008 le renouvellement de la moitié des professeurs d'université et du quart des maîtres de conférences partant à la retraite. L'Université serait donc malade des pieds à la tête. Il est temps d'en prendre conscience et de redonner un souffle à notre enseignement supérieur !

J'ajoute que l'augmentation du budget prend en compte plus de 2 millions de francs de cotisations patronales au régime d'assurance maladie des fonctionnaires, auparavant assumées par le budget des charges communes. La progression « exceptionnelle » se réduit donc à une peau de chagrin, et est à peu près la même que celle de l'année dernière, dont j'avais déjà dénoncé l'insuffisance.

Les priorités annoncées concernent en particulier les dépenses de personnel, la montée en puissance -enfin !- du plan U3M, et un plan social étudiant encore très flou.

Les 1000 emplois d'IATOS ouverts concernent principalement les bibliothèques, les infirmières et les assistantes sociales. Je ne doute pas que tous ces postes répondent à une demande, mais ne pourrait-on y répondre par des réformes de structures, à moyens constants ?

S'agissant des enseignants, une revalorisation de la carrière des maîtres de conférences s'opère avec la fusion des deux premières classes, les perspectives de carrière des enseignants chercheurs sont améliorées par la transformation d'emplois dans le cadre d'une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des effectifs. A ce propos, le ministre de la recherche a souligné lors de l'examen du budget de son ministère, qu'il était inutile de recruter des enseignants-chercheurs et de réévaluer leur carrière sans leur accorder de moyens matériels. J'espère que les mesures envisagées sur ce plan ne resteront pas lettre morte.

Le plan U3M est ambitieux puisqu'il doit permettre à l'enseignement supérieur et à la recherche de contribuer au développement économique, d'améliorer les conditions de la vie étudiante et de favoriser l'ouverture sur l'international qui manque encore cruellement en France. L'Etat avait pris des engagements dans le cadre des contrats de plan Etat-régions. Je déplore la divergence entre des autorisations de programme, en hausse de 9,41 % et des crédits de paiement qui ne progressent que de 1,58 %. Nous connaissons tous, en effet, le sort des autorisations de programme non suivies d'effet, et c'est pourquoi j'ai parlé d'effets d'annonce... Certes, la partie « vie étudiante » est favorisée, je m'en réjouis, qu'il s'agisse de l'amélioration de la restauration, de la construction ou de la rénovation de logements ou du développement des équipements sportifs et culturels, y compris les bibliothèques. Mais les uns et les autres sont bien souvent dans un état déplorable. Il y a donc encore un effort majeur à accomplir.

Enfin, votre troisième priorité concerne le plan social étudiant engagé en 1998. 23,2 % des étudiants bénéficiaient d'une aide directe en 1997-1998, chiffre à améliorer en raison de l'augmentation des étudiants d'origine modeste et de la nécessité de ne pas les contraindre à un travail salarié en plus de leurs études. Le projet de loi de finances ajoute 647 millions de francs de bourses, dont 251 applicables à la rentrée 2000. Mais, comme le nombre de bénéficiaires augmente avec le relèvement des plafonds du premier échelon, il est nécessaire de progresser encore.

Un récent rapport a révélé que plus de 100 000 étudiants vivent en-dessous du seuil de pauvreté, ce qui est un déshonneur pour la France et que plus de 70 000 d'entre eux sont obligés de travailler, soit qu'ils n'aient pas de bourse, soit qu'ils soient boursiers du cinquième échelon, soit parce qu'ils ont une bourse mais que leurs parents ne peuvent participer à la moindre dépense, soit parce qu'ils entrent en troisième cycle, etc. Tout cela montre, hélas, que le plan social étudiant aborde une vraie question, sans apporter la bonne réponse. Il faut revoir l'allocation d'études elle-même, et le système d'octroi, qui ne fait qu'aggraver les situations. Par ailleurs, le montant des allocations de recherche, fixé en 1991 par décret à 7 400 F, n'a jamais été réévalué. Sa base était alors de 1,34 fois le SMIC. Or, celui-ci est passé en dix ans de 5 500 à 7 100 F bruts mensuels, sans que l'allocation de recherche soit augmentée, ce qui est très préjudiciable. Comptez-vous réévaluer cette allocation à hauteur de 1,34 fois le SMIC d'aujourd'hui ? Les étudiants en thèse revendiquent aussi l'indexation de l'allocation de recherche sur le coût de la vie. Quelle est votre position sur ce point ? Je me félicite en revanche de votre décision d'accorder désormais également aux étudiants des grandes écoles de lettres et sciences humaines les bourses de mérite réservées jusqu'alors aux juristes et aux scientifiques. Enfin, je souhaite vous interroger sur le devenir du fameux statut d'étudiant, qui semble enterré alors qu'il aurait permis aux étudiants d'être autonomes.

Je vais aborder le problème du coût de l'enseignement supérieur dans les grandes écoles privées, pour lesquelles la participation financière de l'Etat reste insuffisante. C'est notamment le cas des grandes écoles réunies au sein de la FESIC. Performantes, bien gérées, et aux diplômes et aux enseignants reconnus, elles ne reçoivent que 6 350 F d'aide par étudiant pour un coût moyen annuel de 60 000 F par élève inférieur à celui des grandes écoles publiques, qui se situe entre 80 000 et 250 000 F par étudiant. Or, en vingt ans elles ont doublé leurs effectifs et affirmé leur réputation. Pour améliorer encore leurs moyens et leurs formations et pour permettre aux étudiants de milieux modestes d'y accéder, une aide financière plus importante de l'Etat est attendue.

Ces écoles participent de la diversité, de la modernisation et de la répartition territoriale que vous souhaitez.

Le sentiment de retard dans les réformes est de plus en plus vif. Il ne suffit pas de mettre en place des groupes de travail. Souhaitons toutefois que le haut conseil de l'évaluation créé en septembre contribuera à enrichir le débat sur l'éducation.

Les carences dans l'information et l'orientation des étudiants persistent. Je suis toujours sidéré d'entendre annoncer un avenir brillant dans des filières bouchées. Par ailleurs, la désaffection des étudiants pour les carrières scientifiques est préoccupante dans un monde d'innovation technologique qui demande toujours plus de chercheurs. A ce propos, qu'en est-il de la réforme des études médicales alors que le projet de loi sur la modernisation du système de santé est ajourné ? Les concours d'entrée et d'internat doivent faciliter les passerelles avec d'autres disciplines et il faut éviter que deux années d'études sans succès ne se soldent par une perte de temps complète.

Quant à la question du contenu des enseignements, elle est renvoyée à un groupe de travail. Vous avez annoncé que vous vouliez lutter contre l'échec en premier cycle. En effet, 37 % seulement des étudiants le réussissent dans le délai normal de deux ans ! Il faut donc améliorer l'accueil, l'orientation, l'évaluation et l'information des étudiants. Enfin, le domaine international est encore très négligé. Nous restons franco-français. Je crois pourtant qu'il est important pour la France de rayonner à l'étranger. Je crains que les problèmes de l'enseignement supérieur n'aient échappé au Gouvernement. Compte tenu du décalage existant entre les ambitions et les moyens, le groupe UDF votera contre ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - L'utilisation de la procédure simplifiée fait que la plupart des questions exprimées ici publiquement ont déjà reçu des réponses en commission. Je voudrais donc remercier ceux qui ont apporté leur suffrage et leur capacité de persuasion à ce projet de budget, comme MM. Guyard et Leroy. Je voudrais toutefois préciser un point. M. Goasguen, dans son discours pondéré et constructif, a évoqué Jussieu. Je dois lui dire que les crédits ne manquent pas. Les autorisations de programme et les crédits de paiement suffisent largement aux opérations prévues, et l'établissement public dispose de réserves et de ressources propres. L'important est de faire progresser le transfert de Paris VII vers d'autres sites : Paris rive gauche ou Tolbiac. Nous avons entrepris d'accélérer la marche, en obtenant de la ville de Paris la cession des terrains et en confiant à l'établissement public constructeur une délégation et des moyens pour mener le dossier. La programmation du futur campus Paris rive gauche avance rapidement. Les concours d'architecte auront lieu dans un court délai. Un architecte en chef sera désigné dans les prochains jours à Jussieu pour assurer la cohérence des diverses opérations. Bref, les choses avancent rapidement.

Les crédits ouverts à l'état B, titre III, mis aux voix, sont adoptés, ainsi que les crédits ouverts à l'état B, titre IV et à l'état C titre V et titre VI.

Mme la Présidente - Nous avons terminé l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement supérieur.

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ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Mme la Présidente - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de l'éducation nationale concernant l'enseignement scolaire.

M. Jacques Guyard, rapporteur spécial de la commission des finances - C'est un rare plaisir de rapporter un budget que la commission a adopté à l'unanimité...

Le budget des enseignements scolaires, qui concerne le plus grand nombre d'employés et de familles, reste le premier budget de l'Etat. Ses 332 milliards en font une priorité politique claire.

Sa progression s'élève à 2,8 % à structures constantes, contre une moyenne d'1,1 % pour l'ensemble du budget, alors même que la population scolaire continue de diminuer. Par élève, la progression atteint presque 3 %. L'abandon du dogme du plafonnement du nombre d'emplois publics permet à la fois de répondre aux besoins manifestes et d'apporter plus de transparence à la gestion des personnels.

Les créations de postes dessinent la politique éducative.

800 professeurs des écoles, 570 professeurs du second degré et 30 principaux et proviseurs viendront résorber les inégalités entre académies.

La création de 300 postes de chefs de travaux concrétise les engagements de réforme de l'enseignement professionnel. Leur introduction dans les formations tertiaires est le meilleur gage de la professionnalisation de ces formations, qui étaient peu valorisées.

Enfin, 1 000 surveillants et 700 assistants étrangers de langue supplémentaires amélioreront l'ambiance et l'efficacité des établissements.

Parallèlement des postes de régularisation sont créés. Yves Durand et moi sommes heureux d'y trouver les premières réponses aux questions que nous posions l'an dernier.

D'abord 18 000 heures supplémentaires annuelles sont transformées en 600 postes de certifiés et 400 postes de PLP2. Pour la première fois depuis vingt ans, en dehors de l'enseignement professionnel, les heures supplémentaires vont diminuer. Cela donnera plus de crédibilité aux réformes.

Ensuite, 1 338 emplois ouverts en surnombre en 1994 et 1995 sont régularisés et consolidés. C'était une des sources d'incertitude sur les effectifs réels du ministère.

De même, 3 000 emplois d'auxiliaires sont transformés en postes de titulaires. On limite donc les auxiliaires à leur rôle réel : répondre aux variations de l'absentéisme au long de l'année.

Enfin 4 125 postes de professeur des écoles stagiaire sont ouverts pour compenser l'augmentation des départs à la retraite dès l'an prochain. Cela évitera le recours excessif aux listes complémentaires des concours d'entrée en IUFM, qui a été catastrophique. Dans mon département, les listes ont été épuisées et l'on doit s'adresser à l'ensemble du bassin parisien ! Cela évitera de lâcher des professeurs devant leurs classes sans véritable formation. Peut-être plus important : vous prenez enfin en compte la sous-administration chronique de l'éducation nationale. Depuis vingt ans, obsédés à juste titre par la nécessité d'avoir des maîtres devant les classes, les gouvernements successifs ont négligé la gestion des établissements. Ce n'est plus possible quand l'opinion publique demande à l'éducation nationale d'assurer à la fois l'instruction et l'éducation des jeunes.

On ne peut demander aux professeurs qu'ils soient en même temps des spécialistes de leur discipline et capables de se substituer aux familles dans tous les domaines !

Quoiqu'il en soit, avec 1 675 emplois nouveaux de personnels non enseignants, dont 620 emplois administratifs, 50 médecins, 150 infirmiers, 100 assistants de service social, l'effort est sans précédent et ces créations de postes ATOS s'accompagnent du dégagement de 739 équivalents temps plein en vue de leur remplacement. Là encore, c'est du jamais vu depuis plus de dix ans !

Bien que le mot réforme semble galvaudé, notre pays attend de profonds changements dans l'éducation nationale. Du reste, certains parents n'attendent-ils pas trop de l'institution scolaire dont ils ne tolèrent aucune des difficultés de fonctionnement ? Le « zapping » entre public et privé en témoigne.

En préférant l'expérimentation aux effets d'annonce, vous vous efforcez de répondre à ces attentes : le changement est là ! Il a beaucoup été dit que l'école privée attirait de plus en plus de familles. La réalité est plus nuancée : si l'enseignement privé répond aux besoins de soutien individualisé des enfants en difficulté, dès lors que la qualité de l'enseignement redevient le critère essentiel, les familles s'empressent de ré-intégrer les filières publiques. Pour une famille sur deux, le privé n'est qu'une voie de recours transitoire pour faire face à une situation de crise.

Il importe donc de poursuivre l'effort d'accompagnement personnalisé des élèves quelque peu désemparés par le travail scolaire. Les travaux personnels encadrés offrent de précieuses occasions de dialoguer avec les familles : l'inscription de moyens supplémentaires en faveur de leur développement est donc bien venue. Du reste, il y a tout lieu de se réjouir que la pédagogie revienne en force dans ce budget : 500 000 livres pour les écoles, une initiation scientifique rénovée qui se fonde sur les initiatives les plus avancées telles la démarche de « la main à la pâte », des activités artistiques et culturelles enfin revalorisées, une extension de l'initiation dès l'école primaire à une langue étrangère -dispensée par des maîtres formés à l'IUFM-, un accès à l'informatique et à l'Internet facilité, grâce au remarquable effort d'équipement effectué par les collectivités territoriales.

Malgré l'éclatement disciplinaire qui rend les choses plus difficiles, l'effort d'innovation pédagogique devra se prolonger au collège et au lycée. Nous avons noté à cet égard que ce budget prévoit la disparition par intégration des derniers PEGC qui accédaient à une bonne connaissance de leurs élèves en leur enseignant plusieurs matières : où en est la réflexion sur la possibilité -que nous avions soutenue dans un rapport parlementaire- de réintroduire au collège des professeurs certifiés bi ou trivalents ?

L'enseignement professionnel, Monsieur le ministre délégué, m'inquiète quelque peu. Si l'on a pu y réduire sans remous l'horaire des professeurs, c'est que les effectifs d'élèves diminuent sensiblement, alors même que les besoins des entreprises augmentent, comme l'atteste le succès de l'apprentissage. Or, notre économie a besoin d'un enseignement professionnel performant et qui attire tous les jeunes, qu'ils soient ou non en situation d'échec dans les filières générales.

En ce qui concerne le dépistage de la dyslexie et de la dysphasie, l'accueil des enfants handicapés -jusqu'alors bien souvent relégués dans des structures inadaptées-, et la dotation en personnel de Mayotte -qui bénéficie de 111 nouveaux postes d'instituteurs-, votre budget nous donne des motifs d'intense satisfaction.

A l'inverse, deux problèmes majeurs restent en suspens : les directeurs d'école ne bénéficient pas de moyens adaptés pour exercer leur mission. Ainsi, le directeur d'une école de neuf classes ne dispose que d'une décharge d'enseignement de quatre jours par mois -cependant que le principal d'un collège de même taille est déchargé à plein temps- et le directeur d'une école de près de cent élèves -soit quatre classes- n'a droit à aucune décharge et ne touche qu'une indemnité annuelle de 2 543 F. Faut-il s'étonner, dans ces conditions, que 4 505 écoles soient restées sans directeur à la dernière rentrée ? Il convient d'y remédier par tous les moyens, car l'école n'est plus un monde fermé. Elle est de plus en plus interpellée par les familles et par les autres institutions : le directeur, qui assume la responsabilité de cette ouverture, doit être épaulé.

Le second problème en suspens est celui des aides éducateurs : 70 000 interviennent dans l'éducation nationale dont 40 000 depuis 1997. Eu égard à la place qu'ils ont su prendre dans les établissements, c'est à la fois un remarquable succès et un problème considérable pour demain. Quelles perspectives offrira-t-on à ceux qui, faute de capacité réelle d'insertion professionnelle, ne sortiront pas d'eux-mêmes du dispositif ?

M. Claude Goasguen - C'est bien de reconnaître ses erreurs !

M. le Rapporteur spécial - Il faut leur fournir une formation adaptée afin qu'ils définissent un projet professionnel qui ne se limite pas à la préparation de concours administratifs auxquels ils ne sont pas assurés d'être reçus.

Ces deux points ne suffisent pas à ternir l'éclat de ce budget. C'est pourquoi la commission des finances vous recommande à l'unanimité de l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Yves Durand, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles - Nul ne s'étonnera que nos positions soient largement concordantes avec celles que vient d'exprimer M. le rapporteur spécial. S'agissant de la bi ou trivalence de certains enseignants, nous avons du reste produit en son temps un rapport qui l'envisageait comme une solution possible en vue d'un meilleur encadrement des élèves du secondaire : je persiste sur ce point.

Ce budget traduit une priorité : les moyens attribués visent à faire de notre système éducatif un facteur d'égalité des chances et d'intégration sociale, alors même que l'INSEE confirme dans un rapport récent la persistance d'un lien irréfutable entre pauvreté et échec scolaire.

Il convient donc de maintenir la priorité donnée à l'éducation nationale, telle qu'elle avait été formulée en 1981 et réaffirmée par Lionel Jospin à cette même tribune en juin 1997.

Aujourd'hui, un élève scolarisé en ZEP mobilise un effort financier de 15 % supérieur à celui d'un élève accueilli hors zone. L'encadrement y est sensiblement renforcé et l'effectif par classe n'excède pas, en moyenne, 21 élèves contre 24 en milieu non prioritaire. C'est dire que des moyens ont été dégagés : votre budget, Monsieur le ministre, tend à confirmer cette priorité et nous nous en félicitons.

Pour que ces moyens soient plus efficaces, je ferai deux propositions concernant les ZEP et les REP. D'abord les établissements en ZEP ne doivent pas être des « sanctuaires », isolés de leur environnement, de leur quartier. La démarche à suivre est celle du plan de prévention et de lutte contre la violence de 1998, qui vise à se concentrer sur des sites à problèmes plutôt qu'à prendre des mesures générales. Le même esprit doit prévaloir dans d'autres aspects de la vie scolaire. Il faut renforcer les liens existants entre politique de la ville et politique d'éducation prioritaire, afin de mettre les moyens au service de ceux qui en ont le plus besoin pour réussir. Ensuite, il faut revoir le contenu et les méthodes pédagogiques de l'enseignement en ZEP et en REP. Au-delà des travaux personnels encadrés, ces élèves méritent que les enseignants soient plus disponibles, et les enseignants ont besoin d'autre chose que d'indemnités supplémentaires.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - De considération.

M. le Rapporteur pour avis - Ils ont besoin de temps, pour vivre dans l'établissement en dehors de leurs heures d'enseignement. Le concept d'équipe éducative doit y prendre toute sa signification et on pourrait en tenir compte dans les maxima horaires. D'autre part ces équipes ne sont pas toujours aussi stables qu'il le faudrait car on nomme en ZEP des jeunes qui souhaitent en partir. Les ZEP ne devraient pas être des zones d'attente mais des zones d'excellence. Je sais que vous y réfléchissez et que vous en prévoyez les moyens.

La déconcentration du mouvement des enseignants du second degré a déjà permis d'améliorer leur implication dans les équipes éducatives.

L'éducation prioritaire est une idée républicaine, car elle assure la solidarité. Il en va de même de la carte scolaire. S'il est normal que les parents cherchent le meilleur niveau d'éducation, cela ne doit pas conduire au consumérisme, au « zapping » scolaire. L'école de la République n'est pas celle de la concurrence mais de l'égalité des chances et du brassage social. Dire cela n'est pas condamner une évaluation indispensable. Mais celle-ci doit se faire sur des critères objectifs, ce qui n'est pas le cas des classements que publient régulièrement certains magazines, et qui renforcent le consumérisme des parents.

La carte scolaire est justement l'instrument privilégié pour une répartition équitable des moyens. Dans le premier degré, cette répartition se fait par académie, à partir du nombre d'élus, des structures en place, de critères qualitatifs. Le recteur assure ensuite la répartition entre départements, ce qui se traduit par des fermetures et des ouvertures de classes non en fonction de normes nationales mais de priorités nationales, tels le maintien en milieu rural et le renforcement des ZEP. Ces dernières années, le ministère a encouragé une pondération entre académies pour couvrir les besoins. Pour être efficace la carte scolaire doit aussi s'inscrire dans une politique pluriannuelle. En tout cas la programmation engagée est une impérieuse nécessité. Il serait souhaitable que le ministère y accorde toute son attention et informe précisément la représentation nationale sur ses modalités d'application et son contenu.

M. René Couanau - Dès aujourd'hui.

M. le Rapporteur pour avis - Dans un délai raisonnable.

Je me félicite que les ministres aient réaffirmé la nécessité de maintien de la carte scolaire. Son principe n'était pas mis en cause mais on aurait pu craindre qu'elle le soit dans les faits par des mesures de simplification administrative comme la suppression du justificatif de domicile. La carte scolaire est un outil irremplaçable de brassage social. Certes son élaboration est difficile, parfois même dramatique. Les travaux de la commission présidée par le directeur de l'enseignement scolaire continueront à la rendre plus efficace et plus juste.

L'école de la République est laïque, gratuite et obligatoire. Mais le principe de gratuité subit quelques entorses. Certes, la forte augmentation de l'allocation de rentrée scolaire depuis trois ans est bienvenue. Mais elle ne couvre pas les achats de livres et de matériels, la restauration, certaines activités. Ces dépenses sont plus élevées encore dans les lycées professionnels. Le budget 2001 consolide des mesures sociales qui figuraient au collectif. Je souhaite néanmoins qu'on engage une réflexion globale sur le respect du principe de gratuité. Je sais que vous y êtes sensibles.

Le budget de l'enseignement scolaire pour 2001 est un très bon budget. La rentrée scolaire 2000 a été sereine. Profitons de ce climat pour approfondir les réformes engagées. Outre la relance de l'éducation prioritaire, la carte scolaire, la gratuité, j'aurais pu évoquer la déconcentration du mouvement des enseignants et la gestion prévisionnelle des besoins et des moyens. Ce budget marque une rupture avec la notion purement comptable de gel de l'emploi public. Je m'en félicite. Saisissons la chance qu'il nous offre.

L'école de la République a des moyens. Elle a su s'adapter à l'arrivée massive de publics hétérogènes. Elle a ouvert ses portes à tous les enfants jusqu'à 16 ans, alors même qu'on contestait son monopole dans la transmission du savoir. Le passage à un enseignement de masse est une réussite. Le grand défi est maintenant la démocratisation. Avec ce budget vous donnez à l'école les moyens de le relever.

La commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur les crédits de l'enseignement scolaire (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Bernard Outin - Avec plus de 332 milliards en crédits de paiement, soit une hausse de 2,82 % et 12 838 emplois supplémentaires, le budget de l'enseignement enregistre une progression inégalée depuis 1993. Premier budget de l'Etat il est aussi le plus privilégié. Nous saluons cet effort.

J'apprécie également qu'on ait fait porter les priorités sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, les langues vivantes et les sciences en primaire, la formation artistique et culturelle. Peut-être aurait-il fallu y ajouter l'éducation physique au lycée.

Nous nous réjouissons de mesures nouvelles à caractère social, comme le doublement de la prime d'équipement versée aux familles des élèves des lycées professionnels, la gratuité du carnet de correspondance au collège ou le plan « handiscol » pour améliorer l'accueil en milieu scolaire ordinaire d'enfants et adolescents handicapés.

Néanmoins des carences demeurent dans plusieurs domaines, de même que les disparités entre académies. Les tests faits par l'armée lors de la journée d'appel à la préparation à la défense révèlent qu'un jeune sur dix a des difficultés à comprendre un document de la vie quotidienne, par exemple un programme de télévision. Selon une étude de l'INSEE, le risque de retard scolaire est trois fois plus élevé dans les familles les plus modestes que dans les familles les plus aisées. Est notamment en cause le coût des livres et des activités extrascolaires enrichissantes pour l'élève ; c'est la question de la gratuité réelle de l'éducation qui reste ainsi posée. A défaut d'un financement entièrement par l'Etat pour les fournitures et matériels scolaires, ne faudrait-il pas un financement partagé entre l'Etat et les collectivités territoriales, tenant compte des différences de richesse de celles-ci ?

Par ailleurs, la participation des parents a peu progressé, surtout pour les familles modestes. Qu'en est-il du statut de délégué parent, demandé depuis si longtemps ?

Le développement du consumérisme scolaire dans les couches moyennes et supérieures produit deux catégories d'établissements : les uns pour les familles qui connaissent les méandres de l'organisation scolaire et qui font leur choix en fonction des palmarès établis par les médias ; les autres pour les familles défavorisées ou moins informées. Cette situation risque d'être aggravée par le projet Sapin de remplacement des justificatifs de domicile par une simple déclaration sur l'honneur.

L'école doit respecter les principes d'égalité et de laïcité, qui excluent tout sectarisme ou communautarisme. A cet égard, pourriez-vous nous apporter des précisions sur la création d'un CAPES de religion en Alsace-Moselle ?

Dégager du temps pour le travail en équipe, le dialogue avec les familles et l'aide individuelle aux élèves, rénover la recherche pédagogique, développer la formation à l'IUFM, augmenter les moyens de la formation continue, relancer les réseaux d'aide : tout cela ne peut se faire sans moyens. Analysons donc ceux qui sont prévus dans ce budget.

Sur les 12 838 emplois budgétaires, seuls 4 150 sont réellement nouveaux. Nous prenons acte avec satisfaction que l'on rompt avec le gel de l'emploi public. 6 500 collèges et lycées publics se voient attribuer 390 enseignants nouveaux. 4 125 emplois de professeur d'école stagiaire sont prévus par consolidation dans le primaire, mais aucun dans le second degré. Enfin, il faut saluer la transformation d'heures supplémentaires en emplois, de même que la création de 1 675 emplois ATOS. Cependant il faudrait faire un effort particulier pour les emplois médico-sociaux, pour lesquels les retards ont été accumulés.

Il reste beaucoup d'emplois précaires, en particulier dans l'enseignement professionnel. Quand l'accord intervenu dans la fonction publique pour la résorption de la précarité sera-t-il appliqué à l'éducation nationale ?

Dans 4 500 écoles primaires, le poste de directeur est vacant, faute de candidats. Cette désaffection s'explique par l'accroissement des tâches administratives et des responsabilités des directeurs d'école, non compensé par une réelle incitation salariale et une décharge de service.

En ce qui concerne les PEGC et les chargés d'enseignement EPS, une augmentation significative du nombre d'emplois hors classe et classe exceptionnelle est nécessaire pour permettre les avancements.

Pour les inspecteurs de l'éducation nationale, l'ajout d'un échelon supplémentaire à la hors échelle A avec prolongation de carrière de cinq ans constitue une avancée, mais risque de bloquer les carrières. Par ailleurs, les IEN retraités ne tirent aucun bénéfice de cette revalorisation.

Les 65 000 aides éducateurs, dont le travail est très apprécié, s'inquiètent à juste titre de ce qu'ils feront à l'issue de leur contrat de cinq ans. Il serait indispensable de maintenir l'objectif de 200 heures par an de formation.

Enfin, une gestion prévisionnelle du personnel fait cruellement défaut. Un plan pluriannuel a été annoncé par le Premier ministre en mars dernier, mais sa concrétisation se fait attendre. Nous souhaitons qu'il soit discuté avec toutes les parties intéressées.

Je voudrais maintenant dresser un bref bilan par type d'enseignement.

Dans l'enseignement primaire, l'augmentation des crédits de paiement et les créations nettes d'emplois ne doivent pas faire oublier que des problèmes demeurent, notamment la scolarisation des enfants de moins de 3 ans, l'accueil des enfants handicapés et la situation des écoles rurales à classe unique. Je salue la décision de généraliser l'enseignement d'une langue vivante dès le CM1, mais disposons-nous d'enseignants qualifiés en nombre suffisant ? Et ne va-t-on pas donner une trop grande place à l'anglais ?

Les sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges et les établissements régionaux d'enseignement adapté, destinés à accueillir des élèves en grande difficulté, fonctionnent mal et souvent comme des ghettos. Les élèves ont peu de possibilités, à la sortie, de poursuivre une formation de CAP. Les lycées professionnels manquent de professeurs dans certaines disciplines.

Prenant en considération l'important effort budgétaire, l'arrêt du gel de l'emploi public et les priorités définies, le groupe communiste votera le budget, tout en considérant qu'il doit être la première étape du plan pluriannuel, sur lequel il demande des précisions et des engagements précis (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. René Couanau - Vous disposez, Monsieur le ministre, de moyens nouveaux et supplémentaires. Nous en prenons acte, mais nous constatons qu'ils sont, pour une large part, consacrés à la création d'emplois de stagiaires, à la résorption partielle de la précarité dans le second degré, et à la régularisation des surnombres autorisés pour pallier, dans l'urgence, l'absence de programmation des recrutements.

Au total, ce seront 8 500 postes environ qui ne seront pas, en réalité, des moyens nouveaux « devant les élèves » mais qui serviront à réparer les erreurs et les insuffisances du passé récent.

La réalité financière est bien là, cependant. Et comme je ne suis pas de ceux qui appliquent à l'éducation nationale l'équation simpliste « baisse d'effectifs égale baisse des moyens », je considère que c'est un point positif, à la condition, toutefois, que cette marge de man_uvre soit utilisée comme levier des réformes urgentes et que l'on ne s'enlise pas une fois de plus, dans les sables paralysants des habitudes, des revendications catégorielles et de l'immobilisme.

Or ce budget et les commentaires dont vous en assortissez la présentation sont loin de lever toutes les incertitudes.

Ainsi, quels sont le contenu, les critères et les modalités du plan pluriannuel de recrutement annoncé il y a plusieurs mois par le Gouvernement ? La représentation nationale peut-elle en être informée avant la réunion qui aura lieu, demain, avec les syndicats ? Le Parlement ne serait-il pas dans son rôle ? Et quelles mesures seront prises pour résorber l'auxiliariat ? Quel sera, d'autre part, l'avenir des 62 000 jeunes recrutés en tant qu'emplois -jeunes comme aides-éducateurs ? Ils ont rendu des services dont beaucoup se demandent qui les rendra à l'avenir. Surtout, quels débouchés l'éducation nationale offrira-t-elle aux jeunes gens et aux jeunes filles concernés ? Le terme des cinq ans approche, et rien ne semble encore se dessiner fermement.

Mais votre budget suscite beaucoup d'autres interrogations. J'en relèverai trois, qui concernent principalement les écoles. La première porte sur les disparités, selon les départements, de l'admission dès l'âge de deux ans en maternelle. Quels sont vos objectifs sur ce point ?

D'autres interrogations portent sur l'enseignement d'une langue vivante à l'école. Quels sont les résultats, et l'évaluation ? Quelle formation est donnée aux enseignants ? Comment se fait le suivi avec les professeurs de collège ? Pour vous, l'unicité et la polyvalence de l'enseignant de l'école élémentaire constituent-elles un dogme intangible ? Et comment éviter que l'enseignement d'une langue étrangère à l'école ne devienne une nouvelle forme de sélection ?

Je dois vous dire, encore, la surprise des élus locaux à la lecture de votre circulaire récente indiquant que, pour réaliser le grand plan annoncé par vous avec fracas, l'Etat ne financera que les logiciels et les périphériques, le reste, c'est-à-dire l'essentiel, étant à la charge financière des communes... Vous dire, encore, la surprise aussi, des maires et des conseils municipaux, à la découverte des consignes données par votre ministère interdisant le financement des équipements informatiques dans les écoles privées sous contrat, ce qui constitue une interprétation hasardeuse et inattendue de la loi, si on se réfère à certains de vos propos, plus éclairés.

Une dernière interrogation a trait à la santé scolaire et la prévention sanitaire dans les établissements. On s'est trompé, en croyant que le progrès dispenserait de mettre en place ou de maintenir dans les établissements scolaires un dispositif étoffé de prévention et de premiers soins. La réalité est malheureusement tout autre. Il est donc grand temps de réagir.

Les grandes questions posées à l'éducation nationale demeurent. Le débat y est d'ailleurs normal, mais il est des questions récurrentes dont on se lasse, tant elles finissent par apparaître comme des alibis à l'inaction. Faute de temps, j'en évoquerai brièvement deux. La première, lancinante, est la plus grave : comment, dans l'école républicaine du XXIème siècle, dotée de moyens considérables, est-il possible que 15 à 20 % d'une classe d'âge ne maîtrisent ni la lecture, ni l'écriture, ni le calcul pour une part importante d'entre eux, à leur entrée en collège ? Il n'existe pas de sujet de mobilisation plus urgent que celui-ci, si les évaluations dont je dispose sont fondées.

Comment, Monsieur le ministre, votre budget va-t-il permettre que cesse cette situation inadmissible, dont sont victimes quelque deux élèves sur dix au sortir de l'école, avec la perspective, hélas, de voir s'aggraver ces handicaps à la sortie du collège ?

Le deuxième débat récurrent porte sur le degré de décentralisation souhaitable. Je ne l'aborde pas sous l'angle institutionnel ou en termes de pouvoirs, et je ne suis pas convaincu que des transferts supplémentaires de responsabilité et de charges aux collectivités locales, apporteraient plus d'efficacité à un service public dont la mission est, aussi, de respecter une unité, des références communes et l'égalité au-delà des appartenances territoriales ou communautaires.

Cependant, l'exigence d'efficacité par la proximité demeure. Comment, alors, dans le cadre général que je viens d'évoquer, libérer au mieux les talents dans les établissements, dans les classes, puisque c'est là que tout se fait, mais où, pour l'instant, rien ne se décide ?

Savez-vous, Monsieur le ministre, les circulaires, les instructions, les formulaires et les contraintes de toutes sortes entre lesquels doit naviguer une équipe pédagogique décidée mais dont l'énergie s'use à contourner ces obstacles ? C'est pourtant dans les établissements que sont les compétences et que se trouvent les ferments d'une école rénovée. Or, combien de bonnes intentions sont découragées ! Voyez, par exemple, les directeurs d'écoles. Combien de volontaires pour assurer des fonctions écrasantes mais si mal reconnues que c'est à de jeunes professeurs tout juste sortis des IUFM que l'on confie maintenant ce qui devrait être un poste de responsabilité, d'animation et d'expérience !

Quand, Monsieur le ministre, définirez-vous et mettrez-vous en _uvre un véritable statut des directeurs d'écoles maternelles et élémentaires, avec les décharges d'heures correspondantes ?

Mieux encore, quand établirez-vous pour les écoles un véritable statut juridique qui en ferait des centres de décision en même temps que des partenaires, éventuellement liés par contrat aux collectivités locales ? Tout cela est urgent, au moins autant que la réunion de nouveaux états généraux ou de commissions qui ont déjà tout dit avant même de se réunir.

L'appréciation que nous porterons sur votre budget, Monsieur le ministre, sera déterminée par les réponses que vous apporterez à ces questions qui sont au c_ur du débat sur l'avenir du service public de l'éducation (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Jean-Pierre Baeumler - En augmentation de 2,82 %, le projet de budget de l'enseignement scolaire confirme la priorité que le gouvernement de Lionel Jospin accorde à l'éducation et donc à l'avenir de la jeunesse. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, cet effort financier mérite d'être souligné. Il montre le souci de poursuivre la modernisation de notre système éducatif et la construction d'un grand service public de l'éducation.

A cette fin, 12 838 emplois nouveaux sont créés. C'en est fait du gel de l'emploi à l'éducation nationale. L'effort est significatif, et la progression des effectifs sensible. Pour le première fois depuis des années, la baisse du nombre d'élèves scolarisés ne se traduit pas par la stagnation -voire la diminution- du nombre des personnels titulaires. Ces moyens nouveaux permettront de réduire les inégalités entre les académies et d'améliorer les conditions de travail des élèves. Ils faciliteront donc la mise en oeuvre des réformes.

Cela étant, le ministère continue de recruter des personnels vacataires ou contractuels, d'appliquer les réformes par le recours aux heures supplémentaires, notamment dans les lycées professionnels, ou encore de faire appel aux candidats qui figurent sur les listes complémentaires des concours de recrutement de professeurs des écoles, qui sont ensuite envoyés dans les classes sans formation.

Ces situations justifient l'inscription de la politique de recrutement dans une perspective pluriannuelle, même si elle est délicate à concilier avec l'annualité budgétaire. Le nombre d'emplois créés est exceptionnel : il s'élève à 1 675, dont 1 330 ATOS et 300 emplois médico-sociaux. L'effort engagé depuis 1997 se trouve ainsi poursuivi. Il permettra de limiter le recours à des personnels à statuts précaires, et constitue une reconnaissance de la contribution apportée par ces personnels à la bonne marche des établissements. Leur présence est l'une des meilleures réponses qui soient à un certain nombre de difficultés, notamment la violence. Si les aides éducateurs présents dans 30 % des établissements, s'y sont rendus indispensables, il faut parfaire leur formation en vue d'une insertion professionnelle durable. Quelles initiatives comptez-vous prendre en ce sens ?

La rénovation pédagogique privilégie trois domaines : celui de l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication, pour lequel l'effort complète celui consenti depuis plusieurs années par les collectivités locales, qu'il faut encourager dans leurs initiatives ; celui de la formation artistique et culturelle pour lequel je souhaite savoir comment vous entendez renforcer les partenariats avec les collectivités locales ; et celui de la rénovation de l'enseignement des sciences et de l'apprentissage des langues vivantes, l'objectif étant de généraliser l'enseignement d'une langue vivante dès le cours moyen à partir de la rentrée 2001, ce qui nécessite une forte mobilisation de tous les partenaires.

Je souligne à ce sujet l'intérêt que représente la convention que vous venez de signer avec le conseil régional d'Alsace, en faveur de l'apprentissage précoce de l'allemand.

La forte majoration des crédits confirme votre volonté de poursuivre la modernisation de notre système éducatif, tant pour l'école primaire que pour les lycées et l'enseignement professionnel, avec la volonté de répondre aux besoins de main-d'_uvre qualifiée et d'améliorer la lisibilité des parcours et la crédibilité des diplômes et des qualifications.

Reste le collège, point sensible de notre système éducatif. Nous, parlementaires, entendons participer à sa rénovation, engagée par la mission confiée à M. Philippe Joutard, et proposer des changements. Le collège unique n'est bien évidemment pas remis en cause, mais il doit mieux prendre en compte la diversité des aptitudes.

Les personnels constituent la troisième priorité, tant il est vrai qu'on ne peut bâtir une école de qualité sur leur découragement ou leurs incertitudes. Il importe aussi de poursuivre un dialogue fructueux avec les organisations syndicales et les parents d'élèves. 1,265 millions sont donc prévus pour améliorer la carrière des personnels.

Je citerai aussi les mesures nouvelles prises en faveur des maîtres formateurs et des professeurs de lycées professionnels.

Deux types de mesures retiennent toute notre attention. Il s'agit d'abord de celles prises en faveur des corps d'inspection, et notamment des inspecteurs de l'éducation nationale, de la mobilisation desquels dépend le succès de toute entreprise de réforme. Vous l'avez bien compris. Il s'agit en second lieu de la revalorisation du statut des chefs d'établissement. Des mesures significatives viennent d'être décidées, ce dont je me réjouis. Elles portent notamment sur la création d'un corps unique des personnels de direction et la refonte du classement des établissements.

Par ailleurs, des mesures de revalorisation importantes sont prévues en faveur des ATOS.

Signalons enfin la majoration, de l'ordre de 20 millions, des crédits consacrés à la formation continue des personnels. L'effort est significatif, mais peut-être pas suffisant. Je souhaiterais que vous nous apportiez quelques assurances à ce sujet. Je voudrais encore appeler votre attention sur la situation des directeurs d'école. Il faut en effet prendre en compte l'élargissement continu de leurs missions, au contact de tous les partenaires de l'école, mais aussi le rôle moteur qu'ils jouent dans l'animation de l'équipe éducative.

J'ajoute un mot pour réclamer une meilleure prise en compte de la situation des personnels médico-sociaux. La revalorisation de leurs carrières va de pair avec l'accroissement de leurs responsabilités. Enfin, nous souhaiterions quelques informations sur la réforme des IUFM.

J'en viens à la quatrième priorité : la solidarité et la volonté d'assurer la gratuité scolaire et donc l'égalité devant le service public de l'éducation, ainsi que la volonté de répondre aux questions de la vie quotidienne de nos établissements.

Afin de contribuer à cette gratuité, la prime d'équipement versée aux familles des élèves des lycées professionnels est doublée, et la gratuité du carnet de correspondance au collège est instaurée. Ceci répond un peu à l'étude que vient de publier l'INSEE et qui met en évidence le lien entre les revenus des parents et la réussite scolaire des enfants, en soulignant que la réussite des élèves passe par une amélioration de leurs conditions de vie matérielles. Nous ne devons donc pas relâcher notre effort en ce domaine.

La solidarité consiste aussi à lutter contre toutes les formes de violence que vous voulez éradiquer. La mise en place d'un comité national de lutte contre la violence en est l'illustration. Elle permettra de valoriser les expériences réussies, d'assurer la coopération entre les différents partenaires et de mobiliser toutes les bonnes volontés, celles des élèves et des collectivités locales.

La solidarité, c'est aussi un effort plus marqué pour donner toute leur place dans nos établissements aux élèves handicapés.

Pour conclure, je crois avoir montré que ce budget est marqué par une forte volonté de transformation du système éducatif, pour le rendre plus performant et prendre en compte la diversité des élèves.

Il s'agit de donner plus à ceux qui ont le moins tout en permettant à chacun d'aller le plus loin possible selon ses possibilités.

Il y a là un souci d'accroître l'égalité des chances devant le service public de l'éducation. L'école est en effet un des ciments de la République. Elle se doit donc de porter ses idéaux, comme le fait aujourd'hui ce budget.

C'est donc avec confiance que le groupe socialiste votera ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Claude Goasguen - Ce budget de l'enseignement scolaire pose une question fondamentale aux yeux de l'opinion. Nous allons voter en cinq heures 388 milliards de crédits, qui seront l'unique occasion de débattre de l'éducation nationale dans l'année. La question que je pose, sans vous imputer, Monsieur le ministre, de responsabilité, est celle de la dérive comptable de l'éducation nationale. L'essentiel des compétences de ce grand ministère relève en effet du domaine réglementaire. Le Bulletin officiel -mais qui le lit ?- sera donc notre seule source d'information, une fois le budget voté. Notre éducation est-elle encore nationale ? N'est-elle pas devenue une affaire de syndicats et d'inspecteurs, dont la nation se désintéresse alors qu'il y va de son avenir ? Cela ne peut pas durer. Nous ne pouvons plus nous contenter de débattre des chiffres et non des politiques, alors que la société et les parents d'élèves, surtout dans les catégories défavorisées, revendiquent toute leur place dans le système. Faut-il rappeler que l'éducation est un thème majeur des campagnes électorales aux Etats-Unis, ou que votre prédécesseur a remporté un grand succès de librairie avec son récent ouvrage ? Nous ne couperons pas à une réforme du système éducatif. Il y faut des moyens, de la transparence, une démarche dans ces établissements. Ce budget est avant tout quantitatif. Vous avez eu beaucoup de crédits, Monsieur le ministre, et je reconnais là votre habileté, même si les emplois créés le sont aussi par redéploiement. Vous avez obtenu des moyens, essentiellement en personnel. Mais des problèmes réels demeurent, celui des personnels médico-sociaux, celui de la vacance de 4 000 postes de directeur d'école... Et puis fallait-il, Monsieur Guyard, recruter autant d'aides éducateurs que l'on s'aperçoit maintenant qu'il faut former ?

En recrutant massivement des emplois-jeunes d'aide éducateur, vous avez lesté le budget pour de nombreuses années. Aujourd'hui, vous avez compris qu'une formation était indispensable pour ce métier et vous essayez de vous défausser de l'amateurisme de votre prédécesseur.

La nation réclame aussi la transparence. Le rapport du sénateur Gouteyron a montré des dysfonctionnements dont votre prédécesseur a paru très étonné. L'éducation nationale est experte dans l'art de jongler entre les postes et les emplois. Vous vous êtes engagé à clarifier la politique des surnombres et à présenter une gestion plus transparente. Je vous le rappellerai, car ce ne sera pas une mince affaire. Je vous soutiendrai dans toutes les initiatives pour améliorer la transparence et l'évaluation. Il est en effet évident que l'augmentation quantitative des moyens n'a pas eu d'effet sur la qualité. J'en prendrai quelques exemples. D'abord, à l'entrée en sixième, l'évaluation menée depuis 1996 montre une baisse. En septembre 1998, 20 % des élèves de sixième ne maîtrisent pas la lecture, contre 15 % en 1997 ; 38 % ne maîtrisent pas le calcul contre 33 % en 1997. Notre enseignement primaire n'est pas si mauvais qu'on le dit. Le problème est le collège unique. Il faut une fois pour toutes décider que le collège ne peut pas être intégralement géré rue de Grenelle par des règlements de plus en plus complexes. Il faut associer les 4 000 principaux, qui suivent un objectif commun : l'égalité des chances. Les problèmes seront réglés sur le terrain.

Deuxième exemple : depuis 1996, le nombre de bacheliers section générale diminue. Malgré les bacs technologiques et professionnels, nous sommes loin d'atteindre l'objectif du gouvernement précédent de 80 % d'une génération au baccalauréat. On voit là encore l'échec de la politique quantitative.

Dernier exemple : dans l'enseignement supérieur, et malgré tout l'argent qu'on y a consacré, les DEUG piétinent : 37 % des étudiants sont diplômés dans le délai normal. L'évaluation est donc indispensable. Je me félicite de la création du haut comité. Encore faut-il qu'il puisse se faire entendre ! Les clés d'évaluation devront être déterminées au niveau européen. Le comité sera d'ailleurs ouvert à des personnalités étrangères, ce qui pourra nous permettre d'établir des comparatifs européens. Le comité devra aussi être absolument indépendant.

Pour terminer, je voudrais vous dire que la violence scolaire doit être prise au sérieux. Certes, divers plans ou comités ont été instaurés, qui n'ont eu qu'un succès très relatif. Mais annoncer que vous voulez réduire l'« incivilité » me paraît extrêmement choquant. Cette modération est hors de propos. Les établissements scolaires doivent appliquer une tolérance zéro à l'égard de la violence, appeler la délinquance et les délits par leur nom. Les statistiques du conseil régional montrent que la délinquance juvénile en Ile-de-France non seulement augmente, mais se produit pour moitié au sein des établissements scolaires ! La nation exige que la sécurité des élèves soit assurée ainsi que la mission des professeurs. Pourquoi devrais-je appeler l'agression d'un professeur une « incivilité » ? Ils n'ont pas fait des études et utilisé leur énergie au service de leurs semblables pour être traités par leurs élèves comme des malfrats. Nous ne l'accepterons pas.

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Vous non plus.

M. Claude Goasguen - Vous n'échapperez pas, et vos successeurs peut-être non plus, à la réforme de l'éducation. Ce ne sera pas une réforme quantitative. Notre système éducatif est bien doté par rapport à ceux de nos voisins. Ce ne sera pas non plus une réforme exclusivement structurelle. Ce fut une grave erreur de votre prédécesseur, qui n'a vu qu'une partie du problème. La nation attend une vraie politique, claire, axée sur la qualité, dont elle pourra discuter régulièrement. Ce jour là, notre système éducatif sera redevenu l'éducation nationale. En l'état actuel et malgré vos efforts, nous ne pourrons voter votre projet de budget.

M. Bruno Bourg-Broc - Monsieur le ministre, vous semblez heureux : heureux de nous présenter votre premier budget, et de le présenter en hausse. Toutes vos interventions le montrent.

Et pourtant, je ne suis pas certain que l'on puisse s'en féliciter, sauf à considérer la paix politique et sociale comme devant être une cause de contentement en soi. Faire un peu de bruit mais ne jamais innover, égrener les bonnes intentions et surtout ne fâcher personne, c'est un peu votre politique, comme l'a rappelé récemment un universitaire connu. Mais vous allez avoir du mal à nous convaincre que les postes que vous vous flattez de créer ne répondent pas au seul souci de faire oublier les pilules amères de votre prédécesseur en cédant au « toujours plus ». C'est d'ailleurs un élément caractéristique de vos passages rue de Grenelle : vous disiez, lors de votre conférence de presse du 20 septembre : « une progression aussi forte n'a été enregistrée, en francs constants, qu'une seule fois depuis le budget que j'avais moi-même fait adopter en 1993 » ou encore « la priorité donnée à l'éducation nationale s'exprime en premier lieu par un volume de créations d'emplois budgétaires qui n'a jamais été atteint depuis 1990 ». Voilà votre argument phare, mais je ne crois pas qu'il suffise à emporter notre adhésion.

Le budget de l'éducation nationale est celui qui augmente le plus depuis quinze ans, tous gouvernements confondus. Le nombre de postes a considérablement augmenté alors même que la démographie scolaire baisse fortement. Le coût moyen par élève est passé entre 1985 et 1998 de 20 400 à 37 200 F.

Dans la même période, la part de la dépense intérieure d'éducation dans le PIB est passée de 6,8 % à 7,4 %. Peut-on pour autant dire que notre système scolaire a connu une explosion qualitative ? Que les inégalités aient été résorbées ? Que l'illettrisme ait été éradiqué ?

Entre 1985 et le début des années 1990, les lycées puis les universités ont su accueillir un nombre grandissant d'élèves et donc réduire les inégalités face au diplôme. Le phénomène s'est inversé. Les inégalités croissent de nouveau. Il n'y a aucune corrélation entre l'augmentation des moyens et la qualité du système, car il porte en lui les causes de son échec. Monsieur le ministre, ce n'est pas en empilant les milliards que vous rendrez service à nos enfants.

Je ne nie pas que des moyens soient nécessaires. L'évolution de nos sociétés nous conduit à faire un effort particulier en matière d'éducation et de recherche. Mais augmenter les moyens actuels du ministère ne sert à rien sans une profonde réforme préalable.

Du reste, vos effets d'annonce travestissent la réalité. Là où vous parlez de créations de postes, il n'y a bien souvent que la confirmation d'emplois déjà créés, la résorption -utile au demeurant- d'emplois précaires ou la transformation en postes d'heures supplémentaires. Au final, ce ne sont pas 12 000 adultes de plus qui prendront en charge des classes mais à peine la moitié.

Pouvez-vous, Monsieur le ministre, indiquer votre position sur les propositions de la commission Mauroy qui tendent à confier aux collectivités locales la gestion des personnels d'entretien ? Une telle évolution serait cohérente dans la mesure où elles sont déjà en charge de la construction et de l'entretien des bâtiments scolaires.

Pour aller plus loin que la commission précitée, je voudrais également connaître votre opinion sur la décentralisation de l'ensemble de la formation professionnelle initiale. Eu égard à l'efficacité dont ont fait preuve les régions en relançant l'apprentissage, ne serait-il pas opportun de leur confier l'ensemble de la formation professionnelle initiale ?

S'agissant des emplois-jeunes, l'échéance arrive et l'inquiétude monte. Allez-vous les titulariser ? Leur ouvrir un concours spécifique à l'instar des maîtres auxiliaires ? Les attentes sont d'autant plus vives que, comme l'a dit notre rapporteur spécial, l'expérience constitue à la fois un succès remarquable et une angoisse pour l'avenir.

Près de 40 % des personnels enseignants du primaire et du secondaire vont partir à la retraite d'ici à 2008. Qu'avez-vous prévu pour faire face aux recrutements nécessaires qui se comptent en dizaines de milliers ? Allez-vous en profiter pour modifier les modalités de recrutement ? Comment va se dérouler votre plan pluriannuel de recrutement ?

Force est de constater que pour ce qui concerne l'enseignement des langues vivantes, l'hégémonie de l'anglais et de l'espagnol ne souffre aucune contestation : 97 % des collégiens apprennent l'anglais et ils sont moins de 10 % à choisir l'allemand en première langue. Pour la seconde langue, l'espagnol est largement majoritaire. Certes, le choix des familles pèse sur cette évolution mais il est aussi à craindre que des préoccupations de nature gestionnaire, internes à l'institution scolaire, contribuent aussi à cette uniformisation pernicieuse. Du reste, pratique-t-on une véritable évaluation de l'enseignement des langues et, notamment, de l'impact de l'apprentissage précoce ?

Je me demande enfin dans quelle estime vous tenez la représentation parlementaire.

M. le Ministre - Très haute, cela va de soi !

M. Bruno Bourg-Broc - Vous venez nous voir en commission, vous répondez à nos questions d'actualité...

Mme Martine David - C'est un bon ministre ! (Sourires)

M. le Ministre - Je réponds à vos courriers...

M. Bruno Bourg-Broc - ...mais je ne vous cache pas que tout cela me semble un peu insuffisant. Alors que nous convenons tous du fait que la priorité doit être donnée à l'éducation nationale, l'intervention de la représentation nationale se limite la plupart du temps à des exercices de style sans conséquences. Et s'il est juste que les syndicats soient associés à la définition de votre politique, il est inique que les élus de la nation en soient écartés. Je souhaite donc que vous sachiez, sur ce point aussi, évoluer et que vous ne vous contentiez pas de promettre un débat sans enjeu et sans suite.

Le groupe RPR ne votera pas vos crédits, non qu'ils soient insuffisants, mais parce qu'ils ne traduisent aucune ambition de réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 35.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.


Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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