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Session ordinaire de 2000-2001 - 25ème jour de séance, 55ème séance

3ème SÉANCE DU LUNDI 13 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite) 2

          QUESTIONS 14

          ORDRE DU JOUR DU MARDI 14 NOVEMBRE 2000 19

La séance est ouverte à vingt et une heures.

LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE (suite)

M. Bernard Birsinger - Parce qu'il prévoit des créations d'emplois, ce budget rompt avec le dogme du gel de l'emploi public et prend en compte les luttes menées par les personnels, par les élèves, par leurs parents.

Pourtant, il ne nous semble pas constituer la première étape du plan pluriannuel promis par le Premier ministre. Ce plan, voulu par tous les acteurs de l'école, ne posera plus la question du renforcement de l'encadrement des élèves, il mettra les moyens dégagés en cohérence avec un véritable projet de transformation de l'école, que le groupe communiste appelle de ses v_ux.

Plusieurs études récentes de l'Institut national de la démographie montrent la persistance de la ségrégation sociale à l'école.

Comment faire reculer les inégalités dans l'accès au savoir ? Telle est la principale question car l'échec et la sélection scolaires ne sont pas le résultat de dysfonctionnements de notre système scolaire, ils en sont des éléments structurels. L'échec scolaire ne renvoie pas à des « handicaps » des jeunes concernés. Il est le révélateur d'un système éducatif profondément écartelé entre sa mission de transmission des connaissances et son héritage élitiste, sa fonction de sélection.

Quand on parle d'accès au savoir, on parle bien sûr du contenu des enseignements, mais aussi du fonctionnement de l'institution scolaire, donc des moyens de faciliter l'accès au savoir pour tous.

La gratuité scolaire complète et un fonctionnement plus démocratique de l'institution scolaire appellent des moyens nouveaux, et j'ai quelques propositions à faire en la matière.

Les parents d'élèves, notamment la FCPE, mènent depuis plusieurs mois une campagne en faveur de la gratuité. D'ailleurs, les crédits instaurant la gratuité du carnet de correspondance ont été inscrits dans ce projet. C'est une bonne chose, mais ce n'est pas suffisant. Certains achats grèvent lourdement le budget des familles, en particulier les manuels scolaires des lycéens, tous les supports pédagogiques rendus obligatoires dans le cadre des enseignements, les équipements des élèves de l'enseignement professionnel.

Certaines communes, certaines régions prennent déjà en charge l'achat des manuels scolaires pour les lycéens. Cela devrait être généralisé à la charge de l'Etat. L'achat des équipements pour les élèves de l'enseignement professionnel est d'autant plus lourd qu'il frappe essentiellement les familles modestes. La gratuité totale devrait être de mise, puisque ces équipements sont obligatoires.

Prendre des mesures de gratuité dans ce budget, ce serait s'inscrire dans un projet plus global d'action contre les inégalités à l'école. Pourquoi, par ailleurs, ne pas instaurer un taux de TVA à 5,5 % pour les fournitures scolaires ? Pour sa part, le parti communiste propose que l'on crée un fonds d'action contre les inégalités. Son volet social viserait à réduire les inégalités de façon concrète : refonte du système de bourses et d'aide sociale, gratuité scolaire complète, plan de rattrapage pour les établissements sous-dotés. Son volet éducatif favoriserait une réflexion d'ensemble sur le système éducatif avec, notamment, un programme national de recherche sur les inégalités et le renforcement du professionnalisme des enseignants. Enfin, le volet démocratique donnerait aux citoyens plus de possibilités d'intervenir sur les questions éducatives, en prenant en charge le coût de la démocratie, en créant un statut du délégué -parent d'élève et lycéen-, en améliorant l'information publique sur l'école, en développant des services d'accueil, d'orientation et de conseil. Ce fonds pourrait être financé principalement par l'Etat mais aussi par les collectivités locales, les entreprises et l'Union européenne.

Telles sont donc nos propositions pour que l'on s'attaque, dès aujourd'hui, aux inégalités dans l'accès au savoir (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Martine David - L'enseignement professionnel offre aujourd'hui deux visages contradictoires : celui d'un enseignement performant, qui débouche presque assurément sur un emploi, et, trop souvent encore pour les familles et pour les jeunes, celui d'un enseignement de relégation, au mieux d'un choix par défaut.

Ainsi, au moment où, dans certains secteurs, les employeurs éprouvent les plus grandes difficultés à recruter, c'est sur l'enseignement professionnel que se répercute le plus brutalement la baisse démographique des élèves du secondaire.

Ouverture sur les autres types et les autres niveaux de formation, ouverture sur le monde économique et celui du travail, avec des diplômes, des formations et des débouchés clairement identifiables par tous et répondant aux besoins de notre société. Tels sont les principaux défis auxquels cet enseignement est confronté.

Un des premiers obstacles au choix de ce cursus, est le sentiment que, quel que soit le goût ou le talent de l'élève, il ne lui sera plus possible ensuite de progresser vers les plus hauts niveaux de qualification. Même si l'on peut aujourd'hui commencer par un CAP et finir ingénieur, cela reste exceptionnel.

M. Jean-Pierre Baeumler - C'est vrai !

Mme Martine David - L'idée est donc bien d'offrir des passerelles plus faciles à emprunter entre les différentes voies et les différents niveaux de formation. L'objectif doit être qu'il n'y ait plus de BEP sans ouverture sur un bac pro dans la même spécialité, puis d'un bac pro vers l'enseignement supérieur, jusqu'à la toute nouvelle licence professionnelle. Il paraît d'ailleurs souhaitable que cette continuité ait une traduction physique avec, dans de mêmes enceintes scolaires, à la fois des enseignements technologiques et professionnels.

Dans cette même idée de continuité, il est impératif que l'enseignement professionnel réponde mieux aux besoins du secteur économique, en garantissant aux employeurs un niveau de formation de haute qualité -c'est le cas aujourd'hui- mais aussi en proposant une offre adaptée aux métiers pour lesquels une demande existe.

Or la politique du Gouvernement et la conjoncture créent les conditions d'une forte relance économique, si bien que nous nous retrouvons devant une situation qu'on n'aurait pas osé imaginer il y a quelques années : des secteurs comme le BTP doivent faire face à une pénurie de main d'_uvre ! Mettre le potentiel de l'enseignement professionnel au service de cette demande, tel est aujourd'hui le défi. Le monde économique est tout prêt à soutenir cette création de formations adaptées aux métiers nouveaux et à des processus de production de plus en plus exigeants.

Il convient, enfin, de revoir les dénominations des diplômes, trop souvent absconses ou vieillottes. Leur opacité donne une mauvaise image de l'enseignement professionnel et accroît le sentiment d'échec ou de relégation des jeunes.

Avec vous, Monsieur le ministre, nous sommes très nombreux à attacher un très grand prix à l'enseignement professionnel, car en lui s'incarne ce qui fonde notre mission de notre système éducatif : la confiance dans les potentialités de chacun et l'action de l'Etat pour une véritable égalité des chances.

Cette égalité exige de donner aux jeunes, quelle que soit leur origine, la possibilité d'accéder aux plus hautes qualifications. Elle suppose la reconnaissance pleine et entière de l'enseignement professionnel, aussi bien par les élèves que par les milieux économiques. Cette nécessité, vous l'avez d'ores et déjà prise en compte, Monsieur le ministre. Vous avez pris des décisions et d'autres vont suivre -dès votre nomination, vous avez d'ailleurs annoncé votre volonté de faire de cette filière celle de la réussite. Soyez assuré que nous vous soutiendrons inconditionnellement dans cette entreprise (Applaudissements et « Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Baeumler - Quel enthousiasme, quelle énergie !

M. Pierre Lequiller - Nous ne pouvons juger votre politique sur les seuls éléments comptables, Monsieur le ministre. Or, il est, hélas, de tradition que l'on apprécie le premier budget de la nation à la seule lumière des crédits et du nombre de postes, en faisant peu de cas du fond -l'évaluation de la qualité de l'enseignement ou les réformes à opérer. Alors qu'il y va de la préparation des jeunes à la vie et de leurs possibilités d'ascension sociale, on ne considère que l'effort financier et les moyens, non le contenu des réformes. Ce n'est pas nouveau, certes, mais il y a quelques années déjà, j'avais souhaité que cette discussion budgétaire fournisse l'occasion d'un débat sur la qualité et sur les objectifs de notre enseignement. Mais, comme l'a relevé M. Goasguen, ce débat est confisqué par les spécialistes et les syndicats... Du coup, d'augmentation des crédits en augmentation des crédits, de plan en plan, le fossé ne cesse de se creuser entre l'école et les parents. De récents sondages, dont celui de Challenge que vous avez commenté, sont édifiants à cet égard : l'école apparaît de plus en plus comme inégalitaire, de moins en moins comme un ascenseur social ; l'illettrisme s'aggrave, de même que la violence scolaire ; la liberté de choix des parents est entravée et l'autonomie des établissements étouffée... Voilà qui devrait nous inciter à réformer, à ouvrir un grand débat sur la pédagogie et les contenus. Songez que 68 % des ouvriers estiment que l'école prépare mal à la vie, que 51 % des parents pensent qu'elle ne tient pas compte des évolutions de la société ! Quant aux enseignants, ils réclament à 84 % l'autonomie des établissements, avec ses corollaires : avancement au mérite, implication des établissements dans la notation et dans l'affectation...

Faut-il continuer à sacraliser la carte scolaire quand 80 % des parents aspirent à la liberté de choix, d'accord en cela avec 52 % des enseignants ?

Mme Martine David - On ne gouverne pas avec les sondages !

M. Pierre Lequiller - Pour avoir été en Allemagne, en Espagne et en Belgique, je sais que la carte scolaire y est regardée comme une source, non d'égalité, mais d'injustice car, liant la scolarité au domicile, elle s'oppose au brassage social.

Ne faut-il pas également s'attaquer au problème des rythmes scolaires ? Une majorité des enseignants et des parents est favorable à un allégement des horaires hebdomadaires et à un allongement de l'année scolaire.

Il conviendrait aussi d'alléger les contenus pour concentrer l'effort sur l'acquisition des connaissances de base -français, langues étrangères, mathématiques et informatique.

Toutes les enquêtes démontrent que la première préoccupation des parents est la sécurité, mal assurée selon 67 % d'entre eux.

Autant de raisons de ne pas nous laisser accaparer par les chiffres ! Sans pour autant opérer toutes les réformes nécessaires et souvent de façon maladroite, votre prédécesseur avait eu le mérite d'aborder tous ces sujets tabous et dans toute l'Europe, la réforme de l'éducation nationale est au c_ur des débats électoraux. Notre opinion aspire aussi à cette réforme et, comme l'écrit un sociologue, dans une société où l'accès à l'emploi dépend du diplôme, les parents attendent de l'école qu'elle soit plus efficace et moins injuste. Or vous semblez avoir choisi la prudence...

Ouvrons le débat sur tous ces sujets : décentralisation, autonomie des établissements, notation, avancement au mérite, allégement des programmes et des rythmes scolaires, assouplissement de la carte scolaire, ouverture de l'école sur son environnement. Ces réformes nécessitent de l'habileté. Vous n'en manquez pas. Elles exigent aussi courage et audace face aux conservatismes et aux corporatismes. Parce que nous ne sentons pas cette volonté de réforme, nous ne pouvons pas adhérer à votre démarche (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Etienne Pinte - J'ai déjà entretenu votre prédécesseur du problème qui se pose aujourd'hui à propos du financement de l'enseignement musical et, notamment, des cours de musique à horaires aménagés, sans jamais obtenir de réponse. Trente-quatre villes possèdent un conservatoire national de région et dans un très grand nombre d'entre elles, l'Etat a décidé, avec l'accord des municipalités, de créer ces cours à horaires aménagés, destinés à mener les jeunes concernés jusqu'au baccalauréat F11. Cependant, le même Etat a laissé à la charge des collectivités locales la rémunération des professeurs, en totalité. Les communes pour lesquelles cette charge était insupportable -19, soit plus de la moitié- ont dû se résigner à instituer des droits d'inscription et de scolarité. Or cette solution, mauvaise, est de surcroît devenue illégale depuis une décision du tribunal administratif de Versailles, en date du 3 décembre 1999.

Parmi ces 19 mauvais élèves, toutes les sensibilités politiques sont représentées : Angers, Aubervilliers, Besançon, Boulogne-Billancourt, Caen, Lille, Lyon, Nantes, Nancy, Rennes, Strasbourg et Toulouse y figurent ! Nul n'a le monopole de la turpitude, ni de la vertu !

Je rappelle que ces cours à horaires aménagés font partie du cursus normal dès lors qu'ils ont été offerts par l'Etat. Ils doivent donc être gratuits et les rémunérations des professeurs doivent être versées par l'Etat. Si celui-ci n'assume pas ses responsabilités dès ce budget, nous serons contraints de mettre cette filière en extinction, en commençant dès la prochaine rentrée par supprimer les cours préparatoires du primaire. Ces cours coûtent à notre ville plus de 5 millions, soit plus de deux points d'impôt, et le coût moyen d'un élève se monte à plus de 20 000 F par an. J'ose espérer que nous ne serons pas acculé à cette extrémité mais l'avenir de la filière musicale en milieu scolaire est entre vos mains, Monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Camille Darsières - Je redirai, comme l'an dernier, la grande misère des 259 écoles primaires de la Martinique, dont certaines sont vieilles de plus d'un demi-siècle. A Fort-de-France, les travaux de réparation s'élèveront à 9 millions l'an prochain, ceux de sécurité et de mise aux normes à 1,5 million, leur coût étant renchéri, par rapport à la métropole, par les frais d'approche.

Cela dit, il faut reconnaître que le budget est en augmentation dans les secteurs où les enseignants martiniquais attendaient de l'Etat qu'il amplifiât son effort : 2,3 millions de plus pour les technologies nouvelles, 9,5 millions pour l'équipement à caractère économique et social, 18,9 millions pour l'aide aux actions éducatives et innovantes.

Les syndicats ont établi, dès mai 1993, un projet pédagogique, qui part d'une double réalité : les Antilles sont une plaque tournante du trafic des stupéfiants, et ce fléau est aggravé par celui du chômage, qui frappe 29 % de la population active. Cette situation est génératrice, selon le document, « de délinquance, de marginalité, de prostitution, d'oisiveté, de libération sexuelle effrénée », et « certains jeunes parents sont déjà eux-mêmes des proies faciles pour ces nombreux désordres ». Dans ce terreau asphyxiant d'une société qui consomme la production des autres bien plus qu'elle ne produit elle-même, il faut tout faire, conclut le projet pédagogique, « pour, dès la maternelle, apprendre aux enfants à produire ».

Cela suppose de donner leurs chances à toutes les couches sociales martiniquaises, en créant un poste d'assistante sociale par établissement en zone prioritaire et un pour deux ailleurs, et de recourir au créole comme outil pédagogique pour vaincre l'échec scolaire, de dix points plus élevé qu'en métropole.

Afin de préparer les jeunes Martiniquais à profiter de leur environnement régional, il convient de les initier, dès le primaire, aux deux langues les plus parlées par nos voisins, l'anglais et l'espagnol, de sorte qu'ils puissent accéder, plus tard, à la West Indies University, qui regroupe, depuis 1948, treize pays de la zone caraïbe.

Doit être combattu le préjugé selon lequel le lycée classique serait le seul vrai outil de promotion sociale, et donc valorisés les lycées professionnels, qui devraient devenir des établissements polytechniques, regroupant un large éventail de formations, du CAP au BTS.

Enfin, si l'entrée de l'informatique dans l'école est un échec, il est largement dû aux performances des cambrioleurs (Sourires). Il n'en faut pas moins y remédier, car la rupture entre la culture de l'école et celle de la vie courante amenuise les chances de l'enfant de s'intégrer à un monde qui devient de plus en plus technologique.

En théorie, le budget est bon, qui permet ces actions, mais dans la pratique il le sera lorsque, pour citer un inspecteur martiniquais de l'éducation nationale, l'organisation de l'enseignement sera « plus couplée avec la société globale, plus adaptée aux besoins économiques martiniquais, plus axée sur la promotion culturelle de l'homme martiniquais » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gérard Voisin - Si ce budget semble celui de la surenchère, certains regretteront le saupoudrage et l'absence de priorités claires. Or, s'il est un domaine où l'on attend du qualitatif plutôt que du quantitatif, c'est bien l'école : chacun a conscience que la lutte contre l'échec scolaire, les inégalités et la violence ne se fera pas à coups de postes, mais par un débat sur les principes et les objectifs du système.

On peut au moins espérer que l'augmentation des effectifs mettra fin aux difficultés constatées sur le terrain : classes surchargées, enseignants absents, postes de directeurs vacants. On peut toutefois en douter, car trop de lourdeurs et de lenteurs empêchent que soient toujours remplacés en temps utile les titulaires manquants. Votre prédécesseur a fait la preuve que l'absentéisme du corps enseignant était un sujet tabou, mais il faut dresser un état des lieux précis et déconcentrer la gestion du personnel au plus près du terrain.

Rien n'est prévu au budget pour pourvoir les 4505 postes de directeur d'école qui étaient vacants à la dernière rentrée - dont 58 en Saône-et-Loire - ni pour mettre fin à l'aberration qui consiste à envoyer directement sur le terrain, sans formation, les jeunes professeurs figurant sur les listes complémentaires des concours, tandis qu'ont été recrutés à grand prix plus de 60 000 aides-éducateurs, dont les attributions ne sont même pas définies clairement, et dont la formation a été totalement négligée. C'est un véritable gâchis humain et financier : n'aurait-on pu employer cet argent à former de bons enseignants, y compris parmi ces emplois-jeunes ?

L'éducation physique et sportive est le parent pauvre des programmes, faute de personnels et d'équipements. Il faudrait un effort significatif pour pourvoir les vacances et résorber l'emploi précaire. Le vivier est là, mais le nombre de postes ouverts au concours n'augmente pas assez.

Il est également temps de combler notre retard en matière d'apprentissage des langues à l'école primaire. Les moyens financiers supplémentaires permettront-ils à chaque établissement de mettre en _uvre cette nouvelle orientation pédagogique ? Si oui, de quelle manière, avec quel personnel, et combien d'heures par semaine ? Ma commune est prête à apporter un soutien financier et logistique à ce projet, mais force est de constater, une fois de plus, le manque d'empressement de l'administration à honorer ses effets d'annonce.

S'il est un domaine, en revanche, où la participation des collectivités est fortement sollicitée, c'est le recrutement, toujours plus important, d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles qui interviennent de plus en plus dans les classes aux côtés des instituteurs. Cela ne relève-t-il pas de la compétence de l'éducation nationale ? Ces personnels jouent, en outre, un rôle essentiel pour l'intégration des élèves handicapés en primaire, mais cet effort n'est que peu relayé, hélas, dans le secondaire, où élèves et parents se heurtent à des difficultés d'accès insurmontables. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

J'ai lu avec intérêt, enfin, le document de presse relatif à la constitution d'un comité national de lutte contre la violence à l'école. J'insisterai, pour ma part, sur la nécessité de commencer dès l'école primaire et de renforcer le pouvoir de sanction des chefs d'établissement : je rejoins Claude Goasguen pour prôner la tolérance zéro. Je suis également favorable à l'implication des collectivités locales, car les maires connaissent bien leurs établissements, mais nous voulons que l'on nous dise précisément ce que l'on attend de nous.

Je regrette, en conclusion, que nous n'ayons pas davantage d'occasions de parler de l'école. Ne mériterait-elle pas un grand débat d'orientation ? Le groupe DL ne votera pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Christiane Taubira-Delannon - Poursuivant, après Camille Darsières, notre grand voyage vers le Sud, je parlerai des 54 000 élèves que compte, sur 157 000 habitants, la Guyane. Encore ce chiffre n'est-il qu'une estimation, car la clandestinité échappe à toute mesure, et les enfants de parents en situation irrégulière ont, eux aussi, droit à l'école, meilleur rempart contre la violence, la délinquance et la désespérance.

S'il y a aujourd'hui 15 % d'élèves de plus qu'il y a trois ans, ce qui est colossal, l'Etat a consenti un effort notable, puisque les enseignants sont, eux, 12 % de plus. Mais 60 postes étaient signalés vacants à la dernière rentrée, et 10 le sont toujours ; mais des élèves n'ont pu être admis en lycée professionnel, et ne sont passés en SECPA qu'en bousculant les procédures ; mais la scolarité en maternelle régresse.

Quatre écoles prévues n'ont pas été livrées, des maternelles ont été reconverties pour accueillir des CP. Des communes de l'intérieur ne disposent d'aucune structure d'enseignement formel. Or l'école est le principal lieu de socialisation.

La Guyane compte le plus grand nombre d'adultes sans diplôme, 43,3 %. Mais elle compte aussi le plus fort pourcentage de diplômés de l'enseignement supérieur pour l'outre-mer, sans université de plein exercice. Cela laisse imaginer ce qu'il en sera lorsqu'on mettra les moyens au service de cette volonté d'apprendre. La cellule interministérielle d'assistance à maîtrise d'ouvrage qui avait pour mission d'élaborer un plan d'action pour le pôle universitaire guyanais dispose-t-elle d'un calendrier ? Vous attendiez la réunion des ministres de l'éducation nationale de l'Union européenne, d'Amérique latine et de la Caraïbe. Elle a eu lieu début novembre. L'IUFR de Guyane sera-t-il rattaché à ce cadre universitaire ? Il s'agit de former les maîtres qui répondront à nos besoins propres.

Des aménagements ponctuels ont eu lieu. Il était envisagé un recrutement local au niveau du DEUG avec certificat préparatoire pour stabiliser le corps enseignant. Quels sont les résultats de la mission que votre prédécesseur avait confiée à un directeur-adjoint de l'IUFR -avec une dotation de 800 000 F ?

Depuis quatre ans, l'effort gouvernemental n'a pas cessé de croître. Mais il s'essouffle tant la situation est mouvante.

La politique éducative ne peut ignorer que la société guyanaise est pluri-ethnique, multilingue et que les identités y sont parfois antagonistes.

Pour passer à la confidence, savez-vous ce que j'aime le plus dans mon apparence ? Sa brutale vérité. Il suffit de me voir et de m'entendre pour comprendre que l'enseignement doit avoir vocation multiculturelle. Certes je ne regrette pas l'enseignement universaliste. Il m'a révélé que mes ancêtres étaient gaulois. Je ne l'aurais pas deviné en me mirant dans l'eau d'un lac (Rires). Mais il m'a aussi permis de découvrir des poésies sublimes, des engagements magnifiques, des destins absolus. Il ne m'a pas instruite des ambiguïtés de la Révolution de 1789 à l'égard de l'esclavage, mais il m'a préparée à aimer la Commune et à vibrer au chant des Partisans.

J'aurais également aimé apprendre l'épopée de Tchaka, l'ancêtre de Mandela, saisir la source des talents de la reine Zinga, rêver à la grandeur de Félix Eboué. Pendant longtemps j'ai cru que le monde était lisse et beau et que je n'y serais admise qu'au détriment de moi-même. Je souhaite que les générations actuelles ne vivent pas cette expérience difficile. Je veux croire que les conseils de l'éducation mis en place par la loi d'orientation pour l'outre-mer y veilleront.

Mais la nostalgie est une chose, l'énergie pour préparer l'avenir en est une autre. Je reviens donc à vos réformes. L'amélioration dans l'acquisition des savoirs fondamentaux suggère une priorité à l'expression orale dès la maternelle -pour les enfants qui auront la chance d'y être admis. Donner dès l'école élémentaire le goût de lire suppose d'améliorer fortement l'accès aux supports éducatifs et culturels. C'est l'un des enjeux de l'alignement du prix du livre en Guyane. La participation des médiateurs culturels à l'enseignement est également essentielle. Autant de questions importantes sur lesquelles nous aurons, je l'espère, des réponses -qui je l'espère ne sont pas une fuite : on nous fait manoeuv pour tan ta pa baré nok. Je me demande si vous ne prendrez pas autant de plaisir à explorer le créole que j'en prends à m'exprimer en français. Dans ce cas, pour me transcrire, les plumes de nos sténographes donneraient sans doute le kassé-kol, le songué, le kalawachi (Applaudissements sur tous les bancs).

M. Philippe Duron - Peut-on encore intervenir après Mme Taubira-Delannon ? Et pour évoquer des questions aussi techniques que la modification du régime indemnitaire des stagiaires des IUFM ? J'en doute. Il le faut pourtant.

Ce budget reflète bien la priorité accordée à l'école et l'effort pour lui donner les moyens en enseignants et en personnels d'encadrement. 12 819 emplois nouveaux sont créés pour les établissements et les IUFM.

De récentes mesures améliorent les conditions d'exercice du beau et difficile métier d'enseignants.

Je pense notamment à la modification du régime indemnitaire des professeurs stagiaires d'IUFM. Mais la nécessité de faire appel à la liste complémentaire du concours de professeur des écoles a des conséquences budgétaires.

Les élèves des IUFM perçoivent une indemnité de stage s'ils sont en déplacement. Un arrêté du 31 décembre 1999 qui s'applique depuis le 1er janvier 2000 supprimait la distinction opérée précédemment entre stagiaires mariés et non mariés. Beaucoup de stagiaires sont célibataires -80 % dans l'académie de Caen. De plus l'indemnité a été très revalorisée.

En conséquence le total des dédommagements versés aux stagiaires augmente de 42 %. Pour la seule IUFM de Basse-Normandie, ce budget est passé de 1,2 million en 1999 à 1,8 million en 2000. De plus la suppression de toute dégressivité par un arrêté du 22 septembre 2000 augmentera probablement ce montant de 30 %.

Enfin, à la rentrée 2000, les professeurs des écoles issus des listes complémentaires du concours de 1999 et envoyés sur le terrain en 1999-2000 entrent en formation en IUFM. Ils peuvent percevoir des indemnités de l'ordre de 14 000 F par an. En Basse-Normandie où ils sont 59, cela obligera à inscrire au budget 2001 plus de 3 millions pour ces indemnités, soit une augmentation de 150 % en deux ans.

Or la dotation budgétaire est fonction de l'augmentation des effectifs de l'année précédente, qui a été de 30 %.

Pour 2000 les IUFM ont dépensé 32 millions supplémentaires en indemnités de stage ; pour 2001 il leur faudra 60 millions de plus après l'appel à la liste complémentaire des professeurs d'école. Le ministère a déclaré pourtant ne disposer d'aucun moyen supplémentaire pour 2000 et 2001.

Comment allez-vous financer sur le budget 2001 ces augmentations ? Cela étant, elles traduisent une évolution très positive du recrutement dont je me réjouis. Aussi, évidemment, je voterai ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe communiste).

M. Jean-Pierre Pernot - Ce budget répond à nos préoccupations et permet d'appliquer votre politique. Son augmentation traduit la volonté du Gouvernement d'assurer un enseignement de qualité et de réduire les inégalités sociales devant l'école, comme les inégalités entre académies.

J'aborderai la question de la gestion des ressources. Les mesures quantitatives ont pour objet d'améliorer la qualité de l'enseignement. Je me félicite ainsi de la part croissante du budget affectée aux administrations déconcentrées. Le rôle des partenaires locaux est important et je salue l'action des comités départementaux de l'éducation nationale, les CDEN.

La carte scolaire est un moyen de tenir compte des disparités locales en mettant en _uvre des discriminations positives. Encore faudrait-il parvenir à un fonctionnement en réseau des établissements, en définissant une approche territoriale. C'est bien à des projets éducatifs locaux qu'il convient désormais de s'atteler, sans plus s'attacher exclusivement aux handicaps. Ainsi et ainsi seulement assurerons-nous un enseignement de qualité. Il faut, pour cela dynamiser la politique de projet pédagogique dont nous savons qu'elle vous est chère.

L'application d'une telle politique suppose que l'environnement éducatif soit le meilleur possible. Bonne définition des postes et des affectations, recrutements adaptés, travail en équipe, gestion des remplacements par anticipation, formation adaptée : ce sont autant d'éléments qui concourent à la bonne gestion des ressources. On se félicitera particulièrement de la création de 1 330 postes ATOS, mais cet effort encourageant devra être poursuivi. C'est d'autant plus nécessaire que la diminution des CES est programmée.

Je ne conclurai pas sans me réjouir de la création de 50 postes de médecins scolaires et de 150 emplois d'infirmières, car le souci sanitaire est un élément essentiel d'un enseignement de qualité et un outil, aussi, de l'égalité des chances. Il est bon aussi, de créer 100 postes d'assistantes sociales en faveur des élèves scolarisés en ZEP.

Je soutiens sans réserve votre budget, Monsieur le ministre, mais il doit, pour être crédible, être pleinement exécuté. Le haut conseil de l'évaluation de l'école aidera à en mesurer l'impact.

Le groupe socialiste sera le relais d'une politique et d'un budget auquel nous adhérons avec force et conviction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Julien Dray - Nombreux sont ceux qui, au cours du débat, ont évoqué les violences à l'école, sans pour autant faire mention des violences que l'institution exerce sur les enfants. La première est la charge que représente le cartable. Il est insupportable pour un enfant de 11 ans de devoir porter, en classe de sixième, un cartable lourd de six kilos. Et pourtant ! Il est plus que temps d'installer des casiers dans les établissements scolaires. Il conviendrait, aussi, d'en venir à la gratuité totale des ouvrages scolaires, ce qui permettrait une utilisation multiple.

Il a, d'autre part, été largement question de l'alimentation scolaire. Comment ne pas s'étonner de l'absence de toute éducation à la nutrition à l'école ? L'épizootie d'ESB devrait être l'occasion de mettre en place un tel enseignement dans tous les établissements scolaires. L'éducation nationale doit évoluer sur ce plan aussi.

S'agissant de la violence proprement dite, qu'il s'agisse de violence interne à l'établissement ou de violence rapportée, il faut aller plus loin. Un dispositif a été mis au point par le conseil régional d'Ile-de-France, qui prévoit l'élection de lycéens dits « correspondants anti-violence ». Cela ne suffit pas. Il faut créer des cellules anti-violence, auxquelles les lycéens doivent être associés. La fuite en avant qui consiste à filtrer les entrées, à installer des dispositifs de sécurité toujours plus perfectionnés -vidéo aujourd'hui, laissez-passer informatique demain- ne peut régler les questions de fond. Elles ne le seront que si tous les jeunes sont mobilisés. Ainsi mettra-t-on un terme à cette angoisse qui se propage et qui fait que les établissements scolaires ne sont plus seulement classés en fonction de leurs résultats mais aussi selon le degré de violence auquel les enfants sont exposés dans leurs murs.

Votre budget est en hausse, Monsieur le ministre. Il vous revient de faire en sorte de ne plus alimenter le tonneau des Danaïdes, et de veiller à ce que ces fonds supplémentaires aient des affectations concrètes efficaces (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - Je regrouperai mes réponses par thème, et je répondrai par écrit à ceux des orateurs qui m'ont posé des questions particulières. Avant d'en venir au budget proprement dit, j'observe que, pour certains, l'éducation nationale regorgerait de moyens et de crédits jusqu'à frôler l'apoplexie et que, pour d'autres -plutôt hors de cet hémicycle- elle en manque toujours. Mais la majorité d'entre vous, et je les en remercie, considère que l'éducation nationale doit être soutenue et encouragée par le Gouvernement et le Parlement. C'est le droit de chaque enfant de ce pays que d'accéder à un enseignement de qualité, c'est le devoir de la nation de les y aider par des moyens supplémentaires en hommes et en crédits. C'est un devoir impérieux pour notre pays, si nous voulons gagner la bataille de l'intelligence, que d'apporter à nos professeurs, à nos maîtres, le soutien dont ils ont besoin. Que prennent garde, donc, ceux qui, sans nuances, dénoncent et montrent du doigt ce « monstre étrange » que serait l'éducation nationale ! Qu'ils prennent garde, ce faisant, de remettre en cause le travail accompli, jour après jour, par les éducateurs, partout en France. Ils ne méritent pas cela.

D'ailleurs, dans quelles contradictions ne s'enferrent-ils pas, ceux qui, sur certains bancs, décrivent notre système éducatif comme s'ils parlaient d'Apocalypse now ! A leurs yeux, rien ne trouve grâce : échec quasi général des élèves, incapacité à enseigner correctement les langues étrangères, difficultés des chefs d'établissement et j'en passe. Et alors que cet orateur déroulait le fil de ses doléances et revendiquait le changement, je comptais en moi-même trois mille, quatre mille, dix mille postes ! Celui-là même qui avait entamé son réquisitoire en dénonçant l'excès des moyens tablait tout à coup sur on ne sait quelle machine à fabriquer des postes, comme s'il nous demandait par quelque alchimie mystérieuse de changer le plomb en or.

S'agissant de domaines qui touchent au savoir et à l'intelligence, gardons-nous de tenir des propos qui ne soient pas empreints du plus grand sérieux et du sens des responsabilités. Du reste, à une ou deux exceptions près, c'est cet esprit qui a prévalu sur les différents bancs de votre Assemblée.

Je dois vous dire combien je suis fier et heureux -et je ne pense pas trahir M. le ministre délégué en l'associant à mon propos -d'appartenir à un Gouvernement dont le Premier ministre a eu à c_ur, à contre courant de ce qui se pratique dans le monde et en Europe, de donner à nos maîtres les moyens d'accomplir la belle mission qui est la leur.

Mieux former, mieux cultiver, mieux préparer les jeunes à un avenir plein de promesses, telle est notre ambition car les progrès de l'esprit ne peuvent que concourir au progrès de nos sociétés et de nos économies.

MM. Guyard, Durand, Dutin, Couanau, Voisin ont posé le problème des directeurs d'école. Nul ne conteste l'importance de leur mission, qui, du reste, s'est sensiblement alourdie au cours des dernières années. Pour ne froisser personne, je me garderai d'évoquer la manière dont cette question a été mal traitée au cours des deux dernières décennies. Du fait de l'absence de directives nationales claires, la disparité et l'iniquité l'emportent : ici l'on décharge car les postes en surplus ne manquent pas, là, certains, accablés de travail, ne sont pas épaulés. Je ne suis pas hostile à une part de déconcentration, voire de décentralisation, dès lors que la règle nationale est clairement fixée. Ce dossier a été pris en main pour la première fois : il y a quelques jours, le directeur de l'enseignement scolaire, M. de Gaudemar, a noué les concertations nécessaires et dans les toutes prochaines semaines, mon directeur de cabinet rencontrera en personne des représentants des intéressés pour proposer des solutions graduelles et de bon sens, acceptables par tous.

MM. Durand et Birsinger m'ont aussi interrogé sur la gratuité à laquelle je suis tout particulièrement attaché. La situation est loin d'être uniforme sur le territoire : dans la région dont je suis l'élu ou en Provence, les manuels scolaires sont gratuits dans le secondaire ; ailleurs, on s'y refuse. Ici, le petit matériel est pris en charge ; là, il ne l'est pas.

Indépendamment des obligations que l'Etat assume déjà -et je rappelle que la prise en charge des livres au collège coûte chaque année plusieurs centaines de millions-, vous avez accepté sur notre proposition une nouvelle mesure de gratuité touchant aux cahiers de correspondance dans les collèges. Nous percevons qu'il existe encore des situations insatisfaisantes. C'est pourquoi j'ai demandé au recteur Bernard Toulemonde d'animer à ce sujet un groupe de travail, associant les organisations de parents et des élus de toutes tendances. Je recevrai d'ici dix jours ses propositions et je gage que nous saurons sur ces bases définir des règles d'harmonisation acceptables pour tous. Dans le plein respect de l'autonomie des collectivités locales, la préoccupation de l'école publique gratuite doit l'emporter sur toute autre considération.

Vos rapporteurs ainsi que MM. Couanau et Birsinger ont souhaité obtenir des précisions sur le plan pluriannuel annoncé par Lionel Jospin en mars dernier. J'ai lu ici ou là que certains doutaient qu'il y soit donné suite. A ceux-ci je réponds que le Premier ministre est connu pour respecter ses engagements. Celui-là aussi sera tenu. Ce document sera disponible dans les prochains jours et je ne manquerai pas de vous le soumettre, afin que nous procédions ensemble aux ajustements nécessaires. Là encore, les approbations comme les critiques seront de même nature que celles qui s'expriment sur l'ensemble de notre budget : certains le voudront encore plus ambitieux, d'autres estimeront que trop, et même beaucoup trop, est consenti. Au-delà des chiffres, il y a deux plans en un : un programme de création d'emplois sur trois ans et un plan de progrès de moyen terme qui prépare l'avenir. Je vous demande de considérer que les décisions prises, qui sont sans précédent, valent tout autant par les moyens qui sont dégagés que par leur portée symbolique et morale : elles expriment une volonté politique qui nous engage collectivement. Préparer l'avenir, c'est une attitude d'esprit qui doit nous inspirer dans chacune de nos décisions. Il ne s'agit plus de gérer mois après mois, année après année mais d'anticiper sur les conséquences à moyen terme de chacun de nos choix. Pierre Mendès France, que nous sommes nombreux à admirer, se demandait toujours, au moment de prendre une décision, quelles seraient ses conséquences pour ceux qui auraient vingt ans dans les quelques années suivantes. Nous sommes donc prêts à rencontrer vos rapporteurs dès demain pour en débattre.

M. Goasguen, dont j'ai apprécié l'intervention pour sa haute tenue intellectuelle sinon quant au fond, a posé le problème de l'évaluation de notre système d'éducation. Même si de grands efforts ont été accomplis et si notre maison a toujours été un champ privilégié d'expérimentation et de recherche, nous devons être, j'en conviens, plus exigeants et ambitieux encore. Le débat sur l'école doit être permanent. Mettons cartes sur table : toutes les données disponibles doivent être accessibles pour tout le monde. Nous allons entreprendre un travail exemplaire d'évaluation de notre système. Nous installerons mercredi le haut conseil de l'évaluation, composé de personnalités d'origines diverses, d'experts nationaux et internationaux. Il va de soi que cette institution sera indépendante et fonctionnera en toute transparence.

De même, je souhaite que le comité d'évaluation des universités se montre plus pugnace, plus ouvert à tous les courants de pensée. Telle est la mission de son nouveau président, au besoin nous l'élargirons. Le système actuel n'est pas satisfaisant. Il n'y a aucune raison de ne pas se montrer plus audacieux. Peut-être aurons-nous un jour le courage de nos amis Suédois, qui ont soumis leur système universitaire à un comité majoritairement composé d'experts internationaux. Encore faut-il que ces experts se mettent d'accord sur les critères d'évaluation. Je ne suis pas convaincu que ceux que retient l'OCDE soient pertinents pour un pays comme le nôtre.

MM. Goasguen et Dray ont traité d'un sujet non moins important : la violence scolaire. Nous nous rejoignons dans l'affirmation que la violence doit être mise hors la loi, qu'elle ne doit pas avoir droit de cité dans les écoles, et je me réjouis qu'ils l'aient dit avec force et dignité.

Bien sûr, l'école ne saurait tout résoudre à elle seule : la violence est parfois celle de la société. Il y a aussi le comportement des adultes, qui ne donnent pas le meilleur exemple du respect de la règle commune,...

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Tout à fait !

M. le Ministre - ...par exemple lorsqu'ils occupent des bâtiments publics ou détruisent des biens privés, sans même parler de ces violences que propagent certains organes de presse, certaines chaînes de télévision. Cette violence cerne l'école. Il faut l'éradiquer, il faut empêcher qu'elle pénètre dans les établissements. Certes, il ne suffit pas d'appuyer sur un bouton pour tout régler, mais, pour moi, il n'y a aucune fatalité à ce phénomène. Et il ne saurait y avoir aucune acceptation de quelque violence que ce soit ! Cela nous renvoie au débat de fond, aux réformes entreprises, à celles que nous allons entreprendre : réforme du collège, de l'école, réforme de la pédagogie elle-même, qui doit être assurée selon des règles adaptées au monde d'aujourd'hui mais aussi avec des exigences sans cesse plus fortes. Le premier remède contre cette violence, c'est, par la pédagogie, de permettre à l'enfant de prendre confiance, de trouver en lui cette lueur qui lui permettra d'avancer.

Au demeurant, le nouveau comité anti-violence ne sera pas un club de réflexion, il est destiné à l'action. Nous en avons confié la présidence à Sonia Henrich, qui a prouvé par ses actes sur le terrain, dans les Bouches-du-Rhône, sa capacité à éradiquer la violence, grâce à des expériences pédagogiques intéressantes. Nous avons, Jean-Luc Mélenchon et moi-même, constaté sur place cette réussite.

Nous avons d'ailleurs nommé à ce comité non des bureaucrates ou des apparatchiks mais des personnalités qui ont prouvé leur capacité à agir dans ce domaine : un procureur de la République, et pas n'importe lequel, un commissaire de police, pas n'importe lequel, des éducateurs, des élus. Je remercie Julien Dray d'avoir accepté d'y participer, lui qui a engagé en Ile-de-France une action tout à fait exemplaire, à partir de laquelle nous avons passé un accord avec le conseil régional. J'espère que cette action, notamment avec les correspondants jeunes dans les lycées, portera ses fruits. Pierre Cardo siégera aussi à ce comité, lui qui a fait reculer diverses formes d'injustice et de violence dans sa commune.

Il faut, sur ce sujet, éviter les fantasmes. Nous devons trouver les thérapeutiques adaptées. Nous vous informerons, bien sûr, de l'avancement de ce travail collectif.

J'ai eu souvent l'occasion de dialoguer avec M. Pinte sur des sujets touchant à la culture. Sur le point qu'il a soulevé ce soir je dirai, sans faire de promesses inconsidérées, qu'il n'a pas tort : nous devons absolument trouver une solution pour les classes musicales à horaires aménagés. Je ne puis en dire plus ce soir, mais un de mes collaborateurs suit cette question.

Nous préparons par ailleurs un plan pour donner aux arts, à la culture, à l'éveil de la sensibilité, une place très importante de l'école au lycée. Nous l'annoncerons dans quelques semaines, avec Catherine Tasca.

Il y a dans ce budget, on l'a dit, des créations d'emplois d'instituteurs, d'enseignants du secondaire, d'ATOS, mais aussi des crédits pour la pédagogie, pour l'innovation. A ce titre, plus de 230 millions seront consacrés à ce plan pour soutenir des expériences comme celles que vous avez évoquées. Nous y trouverons bien quelques francs, un peu plus, pour vous permettre de mener à bien les expériences d'avant-garde que vous menez depuis des années et dont je vous félicite.

Je n'aurai ni les mots, ni le charme, ni le talent poétique de Mme Taubira-Delannon, dont j'ai toujours apprécié l'engagement personnel en faveur de la Guyane, mais pas seulement.

Nous avons souhaité que le nouveau pôle universitaire de Guyane soit un pôle d'excellence, articulé avec les pays voisins, notamment le Brésil, autour de thèmes de recherche comme la biodiversité, intéressant la Guyane et toute cette partie du monde. Bernard Fontaine va quitter mon cabinet pour diriger la cellule interministérielle chargée de ce dossier.

En ce qui concerne l'IUFM et d'autres institutions, j'admets avec vous que l'on a trop longtemps eu tendance, depuis Paris, à considérer la Martinique et la Guadeloupe, qui ont leur originalité, et la Guyane comme ne formant qu'un. On ne peut tout changer d'un seul coup d'un seul. Mais vous avez raison, il faut progressivement assurer le plein épanouissement de l'IUFM comme de l'Université de Guyane. Et si je ne puis fixer de calendrier, soyez assurée que la direction prise est la bonne.

Il est un autre point sur lequel vous avez totalement raison : l'enseignement en Guyane, quel que soit le respect que l'on porte à la recherche scientifique, ne peut être réservé aux seuls enfants de ceux qui travaillent au centre spatial. Je veillerai à ce qu'il soit au service de tous les petits Guyanais.

J'ai aussi pris bonne note des observations présentées par M. Darsières et je m'attacherai à trouver des solutions à tous ces problèmes -sauf peut-être un, qui ne dépend pas de moi mais relèverait plutôt d'une négociation avec le ministère de l'intérieur : je veux parler de la construction des écoles.

En attendant de répondre à vos questions plus précises, je cède la parole à M. Mélenchon -avec votre permission, Madame la Présidente (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l'enseignement professionnel - Merci aux rapporteurs et à tous ceux d'entre vous qui ont manifesté leur intérêt pour l'enseignement professionnel. Nous devons en effet avoir conscience qu'entre les lycées professionnels et l'apprentissage, cet ordre d'enseignement accueille la moitié d'une classe d'âge et forme au bout du compte 6 millions d'ouvriers, 7 millions d'employés et 5 millions de cadres intermédiaires -60 % de la population active ! N'oublions jamais, non plus, que c'est lui qui, plus que tout autre élément de notre système éducatif, a permis à notre patrie de devenir la quatrième puissance économique mondiale et le deuxième pays pour les exportations par tête. L'enseignement a donc été bien donné et bien reçu ! Et si l'on constate quelques routines là aussi, je veux croire qu'elles sont salvatrices : un ordre d'enseignement comme celui-ci ne peut vivre dans la transe et le bouleversement permanents ! Nous devons user du temps qui passe pour préserver les savoir-faire professionnels et les renouveler.

Après M. Goasguen en commission, Mme David et M. Guyard se sont inquiétés de la baisse des effectifs, en effet préoccupante. Les causes historiques profondes en sont connues : depuis les notes de Diderot pour l'Encyclopédie, l'estime due aux arts mécaniques n'a guère crû. Souvenons-nous de la suppression pure et simple des classes de 4ème et de 3ème technologiques, de la légèreté avec laquelle on a décidé que le CAP ne répondait pas aux exigences de la production ou de la précipitation avec laquelle on a sacralisé au-delà du raisonnable un apprentissage qui permettait de régler la question du statut des jeunes en formation... On ne peut cependant croire que tous ces éléments seraient à l'origine d'une régression commencée il y a deux ans seulement. Si la baisse démographique constatée dans le second degré se fait pour les trois quarts dans l'enseignement professionnel, je crains que ce ne soit dû à un effet « de système ».

Nous avons essayé de réagir en élargissant l'offre de formation professionnelle. C'est dans cet esprit que nous avons avancé l'idée d'un « entretien de plan de carrière » dès 15 ans, soit un an avant la fin de l'obligation scolaire car nous refusons de régler hypocritement le problème de l'hétérogénéité des classes d'âge en attendant le moment où les jeunes peuvent partir au travail -sans formation. Nous ne saurions accepter un égalitarisme formel qui déboucherait sur la plus cruelle des inégalités. Cinq académies ont accepté de se lancer dans cette expérience dès cette année, selon un protocole qui permettra de discerner les canaux les plus efficaces, tant pour l'amélioration de l'offre de formation que pour l'obtention d'un emploi durable.

En second lieu, nous devons à l'évidence partir des préoccupations des parents, même si ce ne sont pas les responsables de la baisse des effectifs. Réglons tout de suite une querelle qui n'a pas lieu d'être : l'enseignement professionnel est une interface entre le monde de la production et celui des pouvoirs. Pour qu'il fonctionne, il faut que chaque famille sache que le jeune qui le mérite pourra aller le plus loin possible : garantir la fluidité est donc une exigence de démocratie élémentaire. Donc, Madame David, nous ne voulons plus de BEP sans « bac pro » au bout ! En outre, les lycées professionnels devront aussi dispenser une formation continue : l'expérience a montré que la présence d'adultes aux côtés des jeunes contribuait à détendre les relations au sein d'un établissement et stimulait les lycéens.

Deuxième objectif : la lisibilité. Les milieux sociaux qui font appel à l'enseignement professionnel pour former leurs enfants n'ont pas la culture de l'ambition et du plan de carrière. L'illisibilité du système est un facteur de discrimination. Quant aux pédagogues, elle ne peut que susciter leur colère : comment pourraient-ils tolérer que les jeunes ne puissent intérioriser l'utilité sociale du métier qu'ils leurs enseignent ? Ce serait leur refuser la possibilité de se construire. Quelles raisons absurdes ont pu conduire à baptiser un CAP de boucher CAP de « préparateur de produits carnés » -avec option A pour les bovins, B pour les ovins et C pour les lapins ? A quoi peut bien correspondre le CAP de maintenance de cellules aéronefs ? Pourquoi parler de CAP en matériaux souples pour celui de mode ? La lisibilité répond à une exigence de cohérence et nous avons donc décidé de reclasser les licences professionnelles en suivant la nomenclature des métiers, de sorte que les jeunes puissent se projeter dans l'avenir.

Il faut enfin veiller à la crédibilité des diplômes. Ne croyons pas tout ce qui se dit, et par exemple que l'école ignorerait l'entreprise : il n'est pas un diplôme professionnel dans ce pays dont le contenu n'ait été élaboré en relation avec les professionnels, grâce aux CPC qui mettent au point un référentiel. Je crois qu'il n'y en a que trois dont la définition remonte à plus de cinq ans : tous les autres sont adaptés aux métiers d'aujourd'hui. Demain matin, le comité interprofessionnel consultatif va se réunir et discuter des nouvelles formations à créer, notamment dans les services.

Pour atteindre ces objectifs, nous entendons favoriser la plus grande synergie entre la voie technologie et la voie professionnelle en les réunissant dans les mêmes établissements. Les jeunes pourront ainsi passer des formations donnant un accès immédiat à l'enseignement supérieur. Centre de formation des apprentis, BTS et licences professionnelles voisineront : tel est le modèle de lycée des métiers que nous voulons promouvoir -et dont il existe d'ailleurs déjà un prototype dans presque chaque département.

Les ministres de l'éducation nationale ne peuvent faire moins que de considérer la pédagogie comme le premier remède à la violence : partout où l'on sait prendre en compte la diversité des élèves -par exemple grâce aux CAP modulables-, le niveau de cette violence s'est littéralement effondré. Rien de tel en effet que le sentiment de sa réussite pour se réconcilier avec le monde et avec les adultes ! Ne nous montrons donc pas frileux à cet égard : nos enseignants sont toujours disponibles pour le progrès pédagogique. De même nos jeunes et j'attends beaucoup des comités de la vie lycéenne, élus au suffrage universel : ce système, unique en Europe, favorisera l'apprentissage de la vie collective, de la citoyenneté, de la démocratie ; il incitera les jeunes à être les co-producteurs de leur enseignement. Les premiers résultats observés sont très encourageants, de fait.

J'aurais bien d'autres choses à dire, mais je crains que l'heure tardive ne les rende inaudibles... (Sourires) Je dirai donc seulement à la représentation nationale qu'elle peut compter sur les enseignants de l'enseignement professionnel pour aller de l'avant. Qu'elle ne les croie pas étouffés par la routine et l'ennui : c'est tout le contraire, et ils méritent d'être encouragés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

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QUESTIONS

M. Ernest Moutoussamy - Vous avez affirmé, Monsieur le Ministre, dans votre conférence de presse commune avec le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, que le Gouvernement avait pour priorité de doter l'outre-mer d'un projet éducatif fort et novateur. Le plan pluriannuel de développement de 1997, aux grandes orientations duquel nous souscrivons, permet de prendre en compte les identités régionales et de relever le défi démographique et social. C'est sur ce dernier point que porte ma question : Saint-François, commune dont je suis le maire, a vu sa population augmenter d'un tiers d'un recensement à l'autre, ce qui me crée l'obligation de construire une maternelle de cinq classes. Pouvez-vous, à titre exceptionnel, m'y aider financièrement ?

M. le Ministre - La loi est ainsi faite que le ministère de l'éducation nationale n'a pas la capacité de financer les constructions scolaires, qui incombent, comme vous le savez, aux collectivités locales. Néanmoins, 40 millions ont été dégagés, dans le contrat de plan, en faveur des communes de votre région qui en ont le plus besoin, au titre du ministère de l'intérieur, et par ailleurs M. Bartolone a obtenu, pour les communes qui font partie d'ensembles urbains relevant de la politique de la ville, un crédit exceptionnel de 200 millions. Il y a donc deux portes auxquelles vous pouvez frapper, et je ne manquerai pas de plaider votre cause auprès de l'un ou de l'autre de mes collègues.

M. Patrick Leroy - Faute de place, seuls 35 % des enfants de deux à trois ans peuvent être accueillis en maternelle, ce qui oblige les parents des autres à recourir à des structures extra-scolaires, alors même qu'il ressort de toutes les études que la préscolarisation précoce est très profitable aux enfants qui en bénéficient. La généralisation de l'accueil à deux ans, annoncée par le Premier ministre, entrera-t-elle bientôt dans les faits ?

Par ailleurs, l'accueil des enfants handicapés en milieu scolaire ordinaire constitue pour eux la meilleure forme d'insertion, en même temps que la meilleure des éducations à la solidarité pour leurs camarades valides. Il convient donc de systématiser, avant l'âge où ils doivent être orientés vers des établissements spécialisés, leur intégration dans des classes ordinaires d'établissements classiques. Que comptez-vous faire pour améliorer le fonctionnement des CLIS en maternelle et en primaire, et des UPI dans le secondaire ?

M. le Ministre - Vous posez deux questions en une. A la première, je répondrai d'abord que notre pays a déjà parcouru un chemin considérable : la scolarisation à trois ans y est réalisée, depuis une bonne dizaine d'années, à 100 % ou presque, et il a fallu créer pour cela dix à quinze mille postes supplémentaires. Quant à la préscolarisation à deux ans, elle couvre actuellement 35 à 40 % du territoire, avec de très fortes différences, que je ne m'explique guère, entre les régions : vous êtes, dans le Nord, très en avance, comme le sont aussi les Bretons, tandis que la proportion stagne en d'autres endroits. Cela dit, il faut procéder avec précaution, car la question est encore très disputée, certains pédagogues et certains médecins contestant l'intérêt de cet accueil précoce s'il ne se fait pas dans des conditions adaptées ; d'autres pays préfèrent, d'ailleurs, la formule du jardin d'enfants, hors institution scolaire. Il nous faut donc, avant toute chose, veiller à ce que les conditions d'accueil soient adaptées aux enfants de deux ans, et comme l'on ne peut tout faire d'un seul coup, nous avons choisi de commencer par les ZEP, où se trouvent les enfants qui en tireront le plus grand avantage.

Pour ce qui est de l'intégration des enfants handicapés, nous avons rattrapé une partie de notre retard, mais nous sommes encore loin de l'exemplarité de nos amis scandinaves. Le Premier ministre s'est engagé personnellement dans le plan Handiscol, et un crédit de 57 millions est inscrit au budget. Mme Gillot et moi-même avons réuni la semaine dernière les directeurs de l'action sociale et les inspecteurs d'académie de tous les départements, afin d'examiner ensemble la meilleure façon d'assurer cette intégration. Faut-il se donner pour objectif l'accueil à 100 % en milieu scolaire ordinaire ? La question mérite pour le moins d'être posée, car les spécialistes estiment que 20 % des enfants handicapés ne pourront, de toute façon, s'y intégrer, car ils nécessitent des soins particuliers. Il nous faut donc, pour eux, affirmer la présence de l'école hors les murs, et amplifier notre action, car il n'y a pas de raison pour qu'un pays riche comme la France ne fasse pas aussi bien que les pays scandinaves.

M. Bernard Birsinger - La création d'un nombre fortement accru de postes médico-sociaux dans les établissements scolaires est à saluer. Elle est due à la forte mobilisation des représentants de ces personnels, des enseignants et des parents d'élèves, sans oublier les enfants eux-mêmes, car le Parlement des enfants avait adopté une proposition de loi tendant à doter chaque établissement d'une infirmerie.

A Drancy et à Bobigny, le nombre d'infirmières scolaires a fait plus que doubler au cours des trois années écoulées, et l'on peut en mesurer les effets, non seulement sur la santé des élèves, mais encore sur leurs résultats scolaires. Trop d'enfants encore, cependant, ne voient jamais ni médecin ni infirmière à l'école, et une étude récente montre bien que les classes sociales sont très inégales devant l'accès à la prévention. Or, tous les enfants et presque tous les adolescents sont scolarisés ; l'école, le collège, le lycée sont donc les lieux privilégiés de cette prévention, comme l'a d'ailleurs montré notre débat sur la contraception d'urgence. Un programme pluriannuel de création de postes de médecins, d'infirmières et de secrétaires médico-sociales dans les établissements est indispensable à la mise en _uvre d'un véritable programme de santé publique. Qu'entendez-vous faire en ce sens ?

M. le Ministre - Je vous remercie d'avoir cité les exemples de Drancy et de Bobigny. Ils prouvent en effet que des moyens au service d'une politique portent leurs fruits. Cela encourage les pouvoirs publics à faire mieux encore.

Je vous remercie aussi d'avoir rappelé que depuis trois ans nous avons augmenté -de 1 800- le nombre d'assistantes sociales et d'infirmières. L'effort se poursuit dans ce budget où pour la première fois depuis dix ans est inscrite la création de postes de médecins scolaires, en l'occurrence une cinquantaine.

S'il nous faut dégager des moyens, il faut aussi réaffirmer notre politique pour la santé à l'école. Trois circulaires le feront prochainement sur des sujets dont nous avons récemment débattu, et pour lesquels j'ai présenté nos orientations en juin dernier : les nouvelles mesures sur la contraception d'urgence, le renforcement de l'éducation à la santé, la prévention des violences sexuelles et de la maltraitance, celle des conduites à risque. Vous le voyez, l'effort budgétaire s'accompagne d'une démarche volontariste.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - « Mens sana in copore sano » ... prônaient les Romains.

Comme il est loin le temps où Sieyès et Lakanal proposaient « qu'un officier du district visite dans les quatre saisons de l'année toutes les écoles nationales, examine tous les enfants et indique en général et en particulier les règles propres à fortifier leur santé ».

La santé mentale et physique des jeunes Français est en grand danger : 1 000 adolescents se suicident chaque année dont 70 % de garçons et l'on dénombre 45 000 tentatives de suicide chez les jeunes de 15 à 18 ans : où est la détection de la maltraitance de soi ?

La commission d'enquête parlementaire sur les droits de l'enfant présidée par M. Fabius a souligné l'urgence de l'amélioration de la santé scolaire.

Le conseil général du Rhône a mené en partenariat avec l'académie de Lyon une expérience pilote de santé scolaire dont Mme Royal fait état dans une brochure du ministère. Or, cette opération est interrompue sans même que le conseil général soit prévenu, alors qu'il souhaite la poursuivre.

Quand déconcentrerez-vous les moyens en donnant aux académies leur autonomie pour traiter les besoins locaux ? Elles peuvent tout à fait travailler avec les conseils généraux.

Par ailleurs, est-il normal que les enseignants ne passent pas une visite médicale annuelle mais seulement une visite à l'embauche ?

M. le Ministre - J'ai déjà eu l'occasion de rappeler l'effort accompli depuis trois ans. S'il l'avait été systématiquement dans le passé, la situation actuelle n'en serait que meilleure. Ce budget marque une nouvelle avancée pour la médecine scolaire et j'espère que vous en tiendrez compte.

Quant à l'expérience de Bron, expérience pionnière, il n'y a aucune raison qu'elle s'interrompe. L'Etat avait d'ailleurs consenti un effort important. J'espère que les renseignements dont vous faites état ne sont pas fondés.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Si, hélas.

M. Bernard Madrelle - Le mode de calcul pour répartir les postes d'enseignants entre les départements est mal adapté. En particulier il a des conséquences négatives pour la Gironde. Les départements sont classés en groupes, des plus urbanisés aux plus ruraux. Dans mon académie, la Gironde est considérée comme le département le plus urbain alors qu'il a la population rurale la plus importante. Pour comparer les départements on tient également compte de l'encadrement. Avec 4,94 enseignants pour cent élèves, à la rentrée 1999 la Gironde était au 97ème rang en France.

Souffrant de ce mode de répartition, la Gironde n'a pas les moyens de mettre en place les expérimentations pédagogiques, notamment en ZEP. Le département se retrouve au dernier rang pour le remplacement de maître, la décharge de directeur d'école, la formation continue et les actions spécifiques ; il doit se priver d'instituteurs animateurs en informatique comme d'instituteurs déchargés pour l'enseignement des langues vivantes. Pour rattraper la moyenne nationale, il faudrait de nombreux postes supplémentaires.

Chefs d'établissement et enseignants des ZEP mettent toute leur énergie et leur détermination à réduire les inégalités. Il serait regrettable de les priver des moyens nécessaires. C'est pourquoi je vous demande d'envisager la révision d'un mode de calcul injuste, et de mieux tenir compte de l'évolution démographique des départements.

M. le Ministre - Vous plaidez bien pour votre département. Avec le directeur de l'enseignement scolaire, nous avons essayé de mettre au point les critères nationaux les plus adaptés pour traiter les situations locales et nous allons tenter de réduire progressivement les disparités. Il est de notre responsabilité d'expliquer aussi que les réajustements ne peuvent se faire en un seul jour.

La Gironde mérite d'être mieux encadrée. Mais au cours des dix dernières années elle a bénéficié d'efforts non négligeables, même si son taux d'encadrement n'est pas des plus satisfaisants. En application des critères nationaux, sa situation s'améliorera. Nous avancerons patiemment, méthodiquement, obstinément.

Mme Christiane Taubira-Delannon - Le plan de développement des bibliothèques et centres de documentation que vous avez prévu fournira l'accès à la lecture bien plus que l'alignement du prix du livre prévu outre-mer. J'ai d'ailleurs demandé au secrétaire d'Etat à l'outre-mer que la mission chargée d'évaluer des conséquences de l'alignement du prix du livre se préoccupe également de l'insuffisance des équipements culturels -bibliothèques, médiathèques- en Guyane. Dans votre plan y a-t-il une clé de répartition permettant de savoir ce qui reviendra à l'outre-mer et à la Guyane ? C'est avec ferveur que j'aborde ce sujet tant je sais que la littérature -les littératures-peuvent être source d'éveil et de bonheur.

M. le Ministre - Les DOM ont eux aussi bénéficié de l'effort consenti dans le collectif budgétaire du printemps pour l'équipement en BCD et CDF. il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas pour la Guyane. Je vous ferai parvenir les renseignements précis à ce sujet. D'autre part, les contrats de plan Etat-région comportent des crédits pour la construction d'établissements scolaires. Ils peuvent être utilisés pour construire des bibliothèques et des centres de documentation. Enfin les DOM ont bénéficié des crédits inscrits au collectif pour développer l'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement. Je vous ferai également savoir ce qu'il en est précisément pour la Guyane.

Mme Huguette Bello - Les Réunionnais ont accueilli avec intérêt la nouvelle de la création d'un CAPES de créole. Cependant, la licence correspondante n'existe pas sur l'île. Une formation devrait donc être mise en place dès la prochaine rentrée universitaire.

Par ailleurs, le plan de rattrapage lancé en 1997 a conduit à la création de 1 300 postes à la Réunion. Les résultats obtenus sont loin d'être négligeables, puisque l'on a constaté une amélioration de dix points du taux de réussite au baccalauréat. Pour autant, l'objectif que s'était fixé le Gouvernement n'est pas encore atteint, puisque près de 40 % des jeunes scolarisés quittent le système scolaire sans diplôme, et que le taux de réussite au baccalauréat est inférieur de dix points à la Réunion à ce qu'il est en métropole. On constate aussi que le score réalisé par les enfants réunionnais de la classe de sixième est inférieur à celui de leurs camarades métropolitains ; tel est le résultat de la dernière évaluation nationale. L'effort engagé doit donc être poursuivi, et une réévaluation des besoins doit être réalisée au plus vite pour éviter que les écarts ne se creusent à nouveau. Si, en effet, le taux d'encadrement va, pour la première fois, croître en France alors que les effectifs d'élèves stagnent, il reste insuffisant à la Réunion.

Enfin, Monsieur le ministre, j'aimerais savoir quelle sera votre politique à l'égard des personnels enseignants non titulaires d'une part, des aides éducateurs d'autre part. Ces derniers, qui sont 2 000 à la Réunion, voient en effet avec inquiétude leur contrat arriver à échéance.

M. le Ministre - Si la proposition de création d'une licence de créole à la Réunion répond aux exigences de qualité souhaitée, je ne vois aucune raison qu'elle ne soit pas acceptée. M. Paul et moi-même souhaitons que l'enseignement de créole se fasse partout où il est possible, s'il est assuré dans de bonnes conditions.

S'agissant du rattrapage du taux d'encadrement à la Réunion, le Gouvernement fonde son action sur l'égalité entre la métropole et l'outre-mer. L'effort engagé à la Réunion sera donc poursuivi, et les textes réglementant la résorption de la précarité s'appliqueront aussi sur l'île, tout comme les mesures relatives aux aides éducateurs. Aucune raison ne pourrait faire que la Réunion soit frappée d'une discrimination qui la tiendrait à l'écart des progrès accomplis ou en passe de l'être.

M. André Schneider - La question a déjà été abordée des difficultés de recrutement de directeurs d'école, comme de chefs d'établissements du second degré. Le mécontentement grandit de jour en jour, ce qui s'explique aisément : la tâche est de plus en plus difficile, les responsabilités ne font que croître et à l'absence de décharge d'heures s'ajoute maintenant la très délicate gestion de la violence.

Le malaise est tel que 4 500 postes de direction sont vacants. Dans le seul département du Bas-Rhin, il manque 33 directeurs d'écoles maternelles et 59 d'écoles élémentaires.

J'avais appelé l'attention de votre prédécesseur sur ce problème en 1998 déjà, l'incitant à prendre des mesures efficaces. Vous nous annoncez la constitution d'un groupe de travail placé sous la présidence de M. de Gaudenar, dont je salue la compétence. L'intention est louable, mais l'absence de crédits affectés à des dispositions précises dans votre budget, pourtant en hausse, me laisse bien peu d'espoir.

M. Jean-Pierre Baeumler - Vous êtes pessimiste.

M. André Schneider - Ce constat est le même dans le second degré, où la violence sévit davantage encore. Qu'en est-il du protocole d'accord qui devait être signé ? Et quelles mesures d'urgence entendez-vous prendre pour arrêter l'hémorragie de candidats et pour assurer aux quelques courageux qui acceptent encore d'exercer cette fonction des conditions d'exercice dignes ?

M. le Ministre - J'ai eu l'occasion de répondre, sur ce point, à plusieurs de vos collègues. Il faut distinguer. Je vous confirme que je signerai, jeudi prochain, avec les organisations syndicales concernées, un protocole d'accord relatif aux chefs d'établissement du second degré. Je vous rappelle par ailleurs que dans le projet qui vous est proposé certaines des mesures catégorielles les plus importantes concernent cette catégorie de personnel. Si, donc, vous voulez les soutenir, je vous engage à voter ce texte ! Pour les directeurs d'école, les négociations s'engageront dans les prochains jours.

Mme la Présidente - Nous en avons fini avec les questions. J'appelle les crédits de l'enseignement scolaire.

Les crédits inscrits à l'état B, titres III et IV, successivement mis aux voix, sont adoptés, de même que les crédits inscrits à l'état C, titres V et VI.

Mme la Présidente - Je rappelle que la séance de demain matin a été supprimée en raison de la cérémonie qui aura lieu à la mémoire du président Jacques Chaban-Delmas en l'église Saint-Louis des Invalides.

La suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001 est renvoyée à une séance ultérieure.

Prochaine séance, demain, mardi 14 novembre, à 15 heures.

La séance est levée à 23 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU MARDI 14 NOVEMBRE 2000

A QUINZE HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Questions au Gouvernement.

A VINGT ET UNE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Fixation de l'ordre du jour.

2. Suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001
(n° 2585)

      M. Didier Migaud, rapporteur général au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Rapport n° 2624)

Communication ; lignes 40 et 41 de l'état E ; article 46.

      M. Jean-Marie Le Guen, rapporteur spécial nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Annexe n° 10 du rapport n° 2624)

      M. Didier Mathus, rapporteur pour avis au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Tome IV de l'avis n° 2625)

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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