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Session ordinaire de 2000-2001 - 27ème jour de séance, 58ème séance

1ère SÉANCE DU MERCREDI 15 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite) 2

          OUTRE-MER 2

La séance est ouverte à neuf heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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OUTRE-MER

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du secrétariat d'Etat à l'outre-mer.

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les départements d'outre-mer - Le projet de loi de finances pour 2001 fixe le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer à 6,8 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une augmentation de 7 %, certes inférieure à celle de 13,6 % constatée l'année dernière, mais qui demeure importante, puisque la progression du budget général est limitée à 1,8 %.

Je regrette cependant une fois de plus que la présentation des crédits consacrés aux départements d'outre-mer, qui relèvent d'au moins trois ministères différents, se caractérise par une dispersion qui nuit à la transparence budgétaire. En effet, seuls 10 % des crédits consacrés aux DOM transitent par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, sur un effort budgétaire total de 45,2 milliards, auquel il convient d'ajouter les 10 milliards de dépenses fiscales assurées par le ministère des finances au titre de la défiscalisation en 2001.

En réalité, la politique menée en faveur des DOM coûte beaucoup plus cher. Et il s'agit de savoir non si le budget augmente, mais s'il donne des résultats. Or, l'économie des DOM stagne toujours.

Les crédits que nous examinons s'inscrivent également dans la perspective de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Compte tenu des ratés de la préparation du projet de loi et de l'avalanche des niches fiscales en faveur de l'emploi, l'Etat devra verser près de 30 milliards de francs sur 7 ans. Il a bien du mal à stabiliser les dépenses publiques en faveur de l'outre-mer, qui semblent faire l'objet d'un saupoudrage plus que d'une politique cohérente.

La volonté politique ne semble pas à la hauteur des enjeux. Si ce rapport est avant tout budgétaire, il est impossible dans ces conditions de ne pas y aborder les maux que connaissent les DOM et auxquels la loi d'orientation ne remédie pas.

La recrudescence de l'immigration clandestine, l'augmentation de la criminalité organisée, le trafic de drogue, l'impuissance de la justice et l'incurie du système pénitentiaire local font de ces départements des zones franches du droit, tandis que se développent des économies souterraines lucratives.

Les subventions et la défiscalisation mettent les DOM sous constante perfusion.

Ils souffrent ainsi généralement d'une dépendance croissante vis-à-vis des dotations de l'Etat et la part des dépenses de personnel dans les dépenses de fonctionnement y est écrasante. Les dépenses de personnel seront d'ailleurs encore augmentées pour la création d'un second département à la Réunion, donc d'un nouveau centre administratif, malgré l'hostilité de la population et des élus locaux. Le coût de la fonction publique représente 406 F par habitant en métropole et plus du double dans les DOM.

Le taux de chômage dans les DOM se situe entre 29 et 35 % de la population active et la tendance ne s'inverse pas, malgré les 57,5 milliards de crédits issus des trois ministères, du dispositif de défiscalisation et des aides communautaires.

L'effort de l'Etat se borne malheureusement à un traitement social du chômage, accentué par la création de nouveaux contrats aidés.

La pérennité du chômage et la fraction croissante de la population qui bénéficie du RMI augurent mal d'une amélioration de la situation économique.

Après des débuts laborieux, la loi d'orientation lance une pléiade de crédits, mais omet des réformes indispensables.

La situation de l'emploi est très mauvaise dans les DOM. Pour un taux de chômage de 11,2 % en métropole en 1999, celui des DOM se situait entre 29 % et 35 %, chiffre qu'il convient il est vrai de relativiser du fait de l'importance du travail au noir. Le rapport Fragonard de 1999 dénonçait à ce sujet « des services de contrôle démobilisés et des parquets frileux ». Rien n'a été fait pour y remédier.

L'emploi est la grande priorité de la loi d'orientation, qui prévoit des exonérations de charges sociales pour les entreprises et des primes spécifiques à la création d'emploi pour un coût de 30 à 35 milliards sur sept ans.

Par ailleurs, les crédits du FEDOM, pris en charge par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, augmenteront de 26 % pour financer de nouveaux emplois solidarité et des emplois-jeunes.

La question du RMI perçu par 16 % de la population locale revêt une particulière acuité dans les DOM. La progression des bénéficiaires laisse d'ailleurs entrevoir une fraude massive. En effet, alors que le nombre d'allocataires diminue de 1,7 % en métropole, il augmente de 3,1 % dans les DOM. Le rapport Fragonard a souligné les lacunes du contrôle. Une grande majorité des bénéficiaires exercent en réalité une ou plusieurs activités non déclarées et pour eux le RMI est une rente indûment perçue. On aurait pu imaginer que la contrepartie à l'alignement du RMI dans les DOM serait le renforcement des contrôles et des sanctions, mais la loi d'orientation laisse perdurer le laxisme.

La grande nouveauté de la loi d'orientation pour l'outre-mer est en effet l'alignement du RMI versé dans les DOM sur le RMI métropolitain, alors que jusqu'à présent, il était égal à 80 % du montant fixé en métropole. Cette mesure ne fera qu'accentuer la progression anarchique du nombre de bénéficiaires et le gaspillage des fonds publics.

La crise du logement est toujours préoccupante. La pression démographique, les difficultés liées à la viabilisation foncière, les ressources modestes des ménages et la situation financière difficile des collectivités locales en sont les ingrédients.

L'insuffisance du parc de logements provoque une inflation des loyers, que nourrissent également les sur-rémunérations de la fonction publique. Il est incroyable qu'un loyer à la Réunion soit supérieur à un loyer de la région parisienne !

Dire que le logement est une priorité du budget des DOM relève de l'illusion. En effet, l'augmentation des crédits de la ligne budgétaire unique -LBU- ne fera que compenser la suppression progressive de la créance de proratisation qui accompagne l'alignement progressif du RMI, et dont une partie était consacrée au logement.

Enfin, la loi d'orientation ne remédie nullement à l'impuissance de l'Etat à remédier aux trafics de drogue, à l'immigration clandestine et à certaines pratiques financières douteuses.

La justice est aujourd'hui quasiment impuissante face au développement de la délinquance et de l'insécurité outre-mer. Les Antilles, situées au c_ur de trafics de cocaïne, tendent à devenir un lieu de consommation de drogue. Entre 1998 et 1999, les volumes de cocaïne saisis ont augmenté de 30 %. Dans l'ensemble des DOM, la consommation de drogue a également progressé de 30 %.

Les Antilles, et en particulier la Guyane, constituent désormais une plaque tournante du trafic de drogue vers l'Europe.

L'immigration clandestine croise la route des trafics et devient incontrôlée dans les DOM. La Guadeloupe, la Martinique et surtout la Guyane sont très touchées. A Saint-Martin, 8 000 des 36 000 habitants sont étrangers, et l'on compte 2 000 clandestins.

Il est donc urgent de mettre les moyens nécessaires à la disposition des forces de l'ordre afin de combattre l'immigration clandestine qui alimente les trafics, le climat d'insécurité et les difficultés financières des collectivités locales confrontées à la prise en charge sanitaire et sociale de ces populations généralement insolvables.

Quant à la criminalité organisée, elle progresse de près de 33 % d'une année sur l'autre ainsi que la gravité des délits. A Cayenne, le nombre de cambriolages a doublé d'une année sur l'autre.

La justice apparaît aujourd'hui incapable de faire appliquer correctement les lois de la République. La facilité avec laquelle on s'évade de prison n'aide pas à prendre la justice au sérieux. En Guyane, sur 1 200 jugements rendus en correctionnelle, seule une vingtaine a été enregistrée et exécutée...

La gestion des fonds publics donne lieu à de graves irrégularités : mystérieuse disparition du fonds de garantie de la société de développement régional Antilles-Guyane, pour un montant de 4 milliards, gestion calamiteuse de l'office de tourisme de la Guadeloupe dans l'attribution de certains marchés, débâcle financière du Crédit martiniquais qui détient un milliard de créances douteuses, autant de scandales complètement passés sous silence.

Ces irrégularités ne doivent pas engendrer le fatalisme. Elles montrent la nécessité de rétablir l'état de droit républicain dans les DOM.

La politique en leur faveur ne peut se limiter à y déverser des crédits et à y accorder des exonérations fiscales sans en mesurer l'efficacité ni s'attaquer au crime organisé et aux malversations qui sont courantes alors que la justice, faute de moyens, est impuissante.

La commission, malgré l'avis négatif de son rapporteur, a adopté le budget de l'outre-mer.

M. le Président - J'invite chacun à respecter son temps de parole.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les départements d'outre-mer - Cette année est marquée par d'importantes réformes pour les DOM : loi d'orientation, aide à l'investissement, statut de Mayotte. La volonté de modernisation du Gouvernement est évidente.

En progression de 6,94 % cette année -et le crédit pour l'outre-mer aura augmenté de 40 % sur les quatre exercices 1998 à 2001- le budget du secrétariat d'Etat traduit bien cette volonté et l'anticipe en prenant en compte des mesures précises pour la loi d'orientation, ce qui explique en partie qu'il soit porté à 7 milliards.

Les priorités concernent bien entendu l'emploi, l'insertion, le logement. Le secrétariat d'Etat joue aussi un rôle croissant pour accompagner la politique sociale et développer la politique culturelle. Les contrats de plan donnent également lieu à des financements d'Etat.

Une de nos principales préoccupations reste le chômage dans les DOM. Pour autant, n'oublions pas le dynamisme dont ils font preuve.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis - Le taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale tient en partie à l'évolution démographique. Il n'y a pas de fatalité de l'outre-mer. Ses hommes et ses femmes sont entreprenants et créatifs. Ce sont les moyens qu'il faut adapter à sa situation particulière.

C'est ce à quoi visent l'orientation et le budget. La réforme de l'aide fiscale à l'investissement mise sur ce dynamise des entrepreneurs. Elle s'accompagne d'actions de solidarité pour les plus démunis tel l'alignement du RMI.

La loi de finances traduit le choix de la loi d'orientation en dotant le secrétariat d'Etat des moyens d'intervention nécessaires.

Les mesures prévues doivent être appliquées d'urgence. En effet, si la situation économique des DOM s'améliore timidement, le climat social demeure tendu. Seul l'apaisement permettra le développement.

Je tiens, pour conclure, à souligner l'excellence des relations entre le secrétaire d'Etat, ses collaborateurs, et tous ceux qui, à l'Assemblée, travaillent pour l'outre-mer. Nous savons, bien entendu, que le budget du secrétariat d'Etat ne représente que 11 % de l'effort total de la nation pour l'outre-mer. D'autres ministères y concourent comme l'éducation nationale et récemment, M. Paul et M. Lang ont ensemble présenté la réflexion en cours dans ce domaine. Il faut donc pratiquement multiplier par dix le budget du secrétariat d'Etat pour apprécier les moyens consacrés à l'outre-mer. Ce budget, la commission des lois propose à l'Assemblée de l'adopter en souhaitant que l'outre-mer connaisse la réussite qu'il mérite et prenne en mains son avenir (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances pour les pays et territoires d'outre-mer - Les crédits du secrétariat d'Etat augmentent de 6,94 %, passant de 6,373 à 6,815 milliards. Pour les TOM, les dépenses ordinaires et crédits de paiement s'élèvent à 1,38 milliards et les autorisations de programme augmentent de 100 millions.

Les moyens accordés à l'administration centrale et aux services déconcentrés sont de 655 millions dont 556 millions en dépenses de personnel. Hors emploi de secrétariat d'Etat, le nombre d'emplois budgétaires passe de 2 153 à 2 172, soit 19 postes supplémentaires. Ce budget comporte également 77 transformations de postes.

J'interviendrai avant tout sur la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie ; M. Brial parlera de Wallis-et-Futuna.

En Nouvelle-Calédonie 61 emplois de fonctionnaire d'Etat seront créés en 2001 en contrepartie de la suppression de postes d'agents territoriaux. S'y ajoutent 5 postes supplémentaires. La revalorisation des crédits de fonctionnement et d'équipement permettra de faire face aux transferts de compétences.

Il s'agit de prendre en compte l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 et la loi organique du 19 mars 1999. Pour 2001, la dotation globale de compensation est fixée à 10,7 milliards pour financer le transfert de compétence dans l'enseignement primaire public, la jeunesse et les sports, les mines et l'énergie. La dotation globale de fonctionnement versée aux provinces au titre de la santé, de l'aide aux personnes âgées, aux handicapés, à l'enseignement scolaire, est de 407 millions, en hausse de 3,4 %. S'y ajoute une nouvelle dotation globale de construction et d'équipement des collèges de 52,8 millions.

Les crédits de développement engagés par l'Etat pour la Nouvelle-Calédonie s'élèvent à 2,218 milliards dont 1,6 milliard sur le budget du secrétariat d'Etat. L'effort consenti est donc important et répond aux engagements pris en 1998.

La conjoncture en Nouvelle-Calédonie profite de l'augmentation des prix du nickel, mais souffre d'une baisse de fréquentation touristique en liaison avec la crise économique au Japon et une desserte aérienne insuffisante.

L'an dernier, j'avais, à propos des mines, fait des observations sur l'échange des terrains pour la mise en valeur du Koniambo, l'Etat ayant versé un milliard d'indemnité à la SLN et à Eramet via l'agence française de développement. Un récent rapport de la Cour des comptes, demandé par le Président de l'Assemblée les confirme.

Depuis, un milliard de francs a été inscrit dans le collectif de 1999 pour permettre aux provinces d'acheter une participation de 5,6 % dans Eramet et de 30 % dans la SLN. Mais il a fallu attendre encore sept mois après le collectif budgétaire pour constituer la STCPI qui recueille ces participations. Et il reste à savoir si la province du Nord pourra, via la SMSP -qui a une expérience métallurgique et une surface financière limitées- à la fois poursuivre le projet de Koniambo et suivre les projets de développement de la SLN.

En ce qui concerne la Polynésie, la convention du 25 juillet 1996 prévoit le maintien des flux financiers qui résultaient de l'activité du centre d'expérimentation nucléaire du Pacifique. Les crédits nécessaires sont inscrits au chapitre 66-50 du budget de la défense et représentent actuellement un flux de 600 à 650 millions pour le fonds de reconversion économique du Pacifique.

M'étant rendu en Polynésie du 15 au 28 juillet dernier, j'ai pu constater qu'il y avait déjà 1,312 milliard engagé à ce titre. Une commission mixte Etat-Territoire a été mise en place et le statut du délégué à la reconversion est en train d'être clarifié. Les dépenses du fonds portent principalement sur l'aide à l'emploi -275 millions-, le logement social -489 millions-, la construction d'un port en eau profonde à Uturoa -218 millions- et celle d'une route aux Marquises -109 millions.

Il n'y a pas d'évaluation préalable des effets économiques de la dépense mais seulement un examen a posteriori ; encore ne concerne-t-il que l'aide à l'emploi et le logement social. Dans ces conditions, il est difficile de dire si les investissements atteindront bien leur objectif.

On note, d'autre part, une certaine hésitation sur le taux de subvention des opérations. Je pense pour ma part que, compte tenu des possibilités de participation du territoire, le taux limite de subventionnement par l'Etat doit être maintenu à 80 %.

Il semble par ailleurs que l'accord plein et entier des communes ne soit pas toujours obtenu, notamment pour le port en eau profonde, et que le Territoire ait tendance à faire croire que les ressources dégagées sont les siennes propres et qu'il est entièrement maître de leur utilisation. Il faudrait y remédier par une information appropriée sur les chantiers.

Enfin, il faudrait que la chambre régionale des comptes -créée par la loi organique de 1999- se mette au travail et examine toutes ces opérations, ainsi que les passations de marchés correspondantes.

Il faut reconnaître, en conclusion, que l'Etat fait de gros efforts pour la mise en valeur, l'équipement et le développement économique de la Nouvelle-Calédonie comme de la Polynésie ; et que l'avenir de l'aide fiscale à l'investissement est assuré pour les cinq prochaines années dans des conditions satisfaisantes pour les territoires d'outre-mer. C'est pourquoi la commission des finances a approuvé ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les territoires d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. - L'effort de l'Etat en faveur des territoires d'outre-mer ne se résume pas au seul budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, qui atteint 1,380 milliard et augmente de 0,4 % par rapport à 2000, mais représente 11,5 milliards, somme en hausse de 0,75 %. L'ampleur de ces crédits montre que l'Etat poursuit son effort, honore ses engagements et assure le bon déroulement des contrats en cours, en particulier en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Cela dit, nous avons du mal à faire des comparaisons d'une année sur l'autre parce que l'effort de l'Etat est réparti entre de nombreux ministères et parce que les agrégats eux-mêmes ont été modifiés.

En Nouvelle-Calédonie, l'effort de développement est porté par des provinces et par le Territoire. Nous devons veiller à ce que l'ensemble des provinces se développe de façon harmonieuse et ne pas relâcher notre effort sur la formation.

En ce qui concerne la Polynésie, je rejoins en partie l'analyse faite par M. Auberger à propos du Territoire. Il convient en effet de respecter la diversité de l'archipel -que l'on nous a rappelée avec force lorsque nous avons discuté du mode de scrutin pour l'élection de l'Assemblée territoriale. Les communes doivent être des acteurs à part entière du développement local. Nous avons tout à gagner à ce qu'elles se renforcent et prennent toute leur place comme partenaires du Territoire pour la mise en _uvre des moyens publics.

En Polynésie, l'effort considérable consenti par l'Etat à la suite de la cessation des activités du Centre d'expérimentation doit s'accompagner d'une évaluation permanente des investissements et d'un contrôle de leurs modalités, étant entendu que ce contrôle ne constitue pas un signe de défiance, mais est au contraire de nature à renforcer la confiance entre les différents partenaires. Des progrès sont à faire dans ce domaine. Wallis-et-Futuna a lui aussi passé avec l'Etat un contrat qui fonctionne bien mais continue de vivre selon un statut fort ancien, alors que la Nouvelle-Calédonie poursuit son processus institutionnel et que la Polynésie française a acquis une très large autonomie. Votre prédécesseur avait donc suggéré qu'un groupe de travail s'inspire des propositions des élus de Wallis-et-Futuna, mais pour l'instant cette ouverture n'a pas produit les effets que l'on pouvait attendre.

Il conviendrait aussi de se pencher sur les rapports qui existent entre le territoire de Wallis et la Nouvelle-Calédonie, car cette question préoccupe aussi bien les habitants de Wallis-et-Futuna que ceux de Nouvelle-Calédonie originaires de ce petit archipel.

Au total, je voudrais encore une fois souligner l'importance des moyens de l'Etat et la possibilité qu'ils donnent aux territoires concernés de s'inscrire dans leur univers géographique du Pacifique. Il faut bien comprendre que si l'augmentation des crédits destinés aux TOM est plus modeste que celle de l'ensemble de votre budget, Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est parce que l'effort de l'Etat en leur faveur se situe depuis de nombreuses années à un niveau très élevé. Il faudra poursuivre dans cette direction avec le souci d'évaluer et de contrôler (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'outre-mer - Je voudrais d'abord rendre hommage à votre prédécesseur, Monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi qu'à la manière dont vous assumez à votre tour la responsabilité de l'outre-mer. Il est remarquable que la loi d'orientation sur l'outre-mer n'ait souffert d'aucun retard du fait du changement de responsable.

Il y a un an, des chantiers étaient engagés, dont nous ne savions pas s'ils iraient à leur terme. C'était la discussion sur les fonds structurels européens et l'évolution de l'objectif I relativement à nos territoires. C'était la détermination des crédits des contrats de plan Etat-région. C'étaient encore la loi d'orientation, et l'incertitude sur l'avenir des dispositions de la « loi Pons ». Or ces chantiers ont été menés à bien. Dans la loi de finances pour 2001, l'article 12 a établi les conditions d'un nouveau dispositif de défiscalisation ; et les socio-professionnels, ardents défenseurs du dispositif précédent, et qui avaient exprimé leur inquiétude sur son devenir, se sont, à quelques-uns près, déclarés satisfaits du nouveau.

Ils rappellent seulement les inquiétudes qui persistent, chez les opérateurs de défiscalisation, au sujet des opérations de petite défiscalisation, pour lesquels les nouvelles règles susciteront des difficultés.

L'examen du budget pour 2001 s'inscrit dans un contexte que marque notamment le vote, dans quelques heures, de la loi d'orientation. Je dois redire combien elle est attendue, et aussi combien la politique du Gouvernement, si l'on confronte la loi d'orientation et ce projet de budget, apparaît cohérente. En particulier, la réduction de la créance de proratisation, au motif d'une réalisation attendue de l'égalité du RMI, est prise en compte dans le projet de budget : 250 millions viendront compenser la réduction de la créance de proratisation dans sa partie consacrée au logement. Sa partie relative aux agences d'insertion n'est pas non plus oubliée. Vous avez également inscrit dans la loi d'orientation le financement du fonds de promotion des échanges sportifs et culturels, et des fonds de coopération régionale. Je veux ici rappeler la légitime revendication de la population de Mayotte qui souhaite bénéficier aussi de ce dernier dispositif : s'il est un territoire de la République auquel va se poser avec acuité le problème de ses relations avec ses voisins, c'est bien Mayotte (M. Henry Jean-Baptiste approuve).

Dans votre budget, Monsieur le ministre, nous retiendrons l'effort en faveur du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM. Celui-ci regroupe toutes les interventions de votre ministère pour aider au développement de l'emploi, que ce soit dans le secteur marchand ou dans l'économie alternative. On doit souligner l'ampleur que prend aujourd'hui le FEDOM ; entre les CES, les CIA, les CAE, les contrats de retour à l'emploi, sans oublier le nouveau dispositif des emplois-jeunes, ce sont des dizaines de milliers de chômeurs de nos pays, jeunes pour la plupart, qui retrouvent un peu d'espoir. Tout n'est certes pas réglé par là ; mais le dynamisme économique des DOM pourrait faire des envieux chez certains de nos collègues métropolitains, qui devraient s'abstenir de jeter la pierre à nos populations et de faire croire qu'elles se complaisent dans l'assistance. Pourquoi ce qui est droit en France serait-il assistance outre-mer ? Pourquoi cette insulte permanente envers les populations les plus pauvres ? Ainsi donc la fraude n'existerait que dans les DOM ? Parce qu'ici ou là se sont produites quelques dérives, on en tire argument pour retarder l'égalité du RMI : ce n'est pas acceptable. La population de nos départements attend une avancée nouvelle vers l'égalité du RMI. Ce budget contient, et nous vous en donnons acte, Monsieur le ministre, le financement d'une première étape de rattrapage ; mais je le dis avec force, cet effort devra être rapidement complété. Nous ne saurions laisser perdurer cette injustice au-delà de la présente législature.

Une injustice sociale inacceptable, Monsieur le ministre, reste douloureusement ressentie par nos populations : c'est la situation des travailleurs communaux dans les DOM. Hier, lors d'une réunion de travail avec M. Sapin, nous avons appris qu'en métropole 10 000 travailleurs des collectivités territoriales étaient en situation de précarité, pour 60 millions d'habitants : à la Réunion ils sont 13 000 pour 700 000 habitants ! Est-il admissible qu'un employé communal d'une grande ville de l'Est, récemment nommé régisseur des cantines, puisse montrer une feuille de paie de 5 617 F ? Peut-on admettre que, selon le gré de tel ou tel maire, des travailleurs d'une bien moindre ancienneté soient titularisés à 9 000 ou 10 000 F ? Cette injustice doit cesser. Nous déposerons à ce sujet un amendement à la loi Sapin. Nous vous demandons, Monsieur le ministre, de l'examiner avec attention, et de faire qu'il ne se heurte pas à un refus : nul ne comprendrait que le Gouvernement ne contribue pas à résoudre ce problème.

Mayotte a connu sur la dernière période une avancée institutionnelle, qui répond partiellement à l'attente de sa population. Cela s'accompagnera, nous l'espérons, d'un effort significatif de l'Etat pour le rattrapage de certains retards. Cette avancée aura pour conséquence de creuser encore les contradictions entre la population de Mayotte et celle des trois autres îles : nous éviterons de graves problèmes si le Gouvernement est attentif à l'aide qu'il peut apporter à ces îles dans le cadre de sa politique de coopération.

La Nouvelle-Calédonie, malgré une économie encore trop dépendante du nickel, a connu en 1999 et en 2000 une situation économique favorable, notamment grâce à la hausse du cours du nickel, qui a doublé entre décembre 1998 et décembre 1999. De grands projets économiques permettent de nourrir dans ce secteur des espoirs encore accrus. Dans l'ensemble, une certaine sérénité s'est installée sur le territoire ; elle aidera à la solution des problèmes politiques qui persistent.

Les précédents rapporteurs ont rappelé les efforts faits en faveur de la Polynésie. Ces efforts seraient vains si la communauté nationale, avec les oublis qui sont les siens, n'était pas vigilante sur l'utilisation des fonds et le fonctionnement démocratique des institutions. Mettre de l'argent, oui, mais il faut veiller à son meilleur usage au service de la population ; ce qui passe par le développement économique, la stabilité des institutions et une vie démocratique réelle, loin des divers trafics qui faussent quotidiennement la démocratie.

Ce budget va de pair avec la loi d'orientation ; la commission de la production a émis un avis favorable à son adoption (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Henry Jean-Baptiste - Il est clair depuis longtemps que l'examen du projet de loi de finances va au-delà du vote rituel des crédits de votre ministère. Certes ce budget de 6,8 milliards, en progression de 6,94 %, ne représente que 11 à 12 % des crédits publics destinés à l'outre-mer. Mais ces moyens d'intervention permettent au secrétariat d'Etat d'exercer une fonction d'impulsion et de coordination au niveau interministériel ou à l'occasion des arbitrages financiers. Surtout, la discussion et le vote de ce budget sont devenus l'occasion, encore trop rare, d'une réflexion d'ensemble sur la situation de l'outre-mer français et sur nos priorités.

Il est vrai que le Parlement examinera aujourd'hui en dernière lecture la loi d'orientation applicable aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, et dans quelques semaines le projet de loi statutaire créant la collectivité départementale de Mayotte.

Il apparaît ainsi que l'outre-mer s'achemine vers une évolution institutionnelle différenciée répondant aux besoins d'identité et de responsabilité locales, comme à la diversité de nos aspirations. Cette évolution est légitime. Encore faut-il -je tiens à le dire au nom de l'UDF- que le pacte républicain, fait de disciplines collectives autant que de droits et devoirs individuels, soit respecté par tous, comme une exigence fondamentale. Il est la garantie la plus sûre d'une solidarité nationale bien comprise. Car, malgré nos spécificités réelles ou supposées, l'outre-mer reste confronté aux mêmes défis : emploi, éducation, formation professionnelle, accès à la modernité.

C'est en fonction de ces contraintes et de ces attentes qu'il faut apprécier ce budget, en répondant aux questions qu'il soulève : comment améliorer l'efficacité de la dépense publique pour le développement ? Comment ce budget peut-il accompagner les évolutions institutionnelles en cours ?

Il a été question récemment des problèmes institutionnels de Mayotte, qui seront prochainement évoqués devant le Parlement. Je souhaite donc, Monsieur le ministre, sur ce budget, m'en tenir à une approche pragmatique et concrète de nos difficultés. Tout d'abord j'observe que l'une de vos premières décisions a consisté à modifier très sensiblement, et je m'en réjouis, le montant des crédits de construction et d'équipement des établissements scolaires du deuxième degré à Mayotte. Vous aviez ainsi ajouté à la dotation initiale de 500 millions de francs, une dotation exceptionnelle de 681 millions pour cinq ans, ce qui signifie que la ligne de crédits a plus que doublé. Tous les élus mahorais se sont félicités de cette mesure qu'ils avaient fortement réclamée et qui résulte aussi du travail des administrations locales ainsi que d'une mission sur place dépêchée par l'éducation nationale. Cette décision met implicitement en cause une pratique que nous déplorons, la sous-évaluation de nos besoins et des rattrapages nécessaires, à laquelle il serait temps de renoncer. Cette année, pour la première fois, la quasi-totalité des jeunes Mahorais est scolarisée ; en 1976, le taux de scolarisation n'était que de 20 %.

Un autre impératif, que je me borne à rappeler, est la régulation de la dépense publique, et plus précisément la régularité des délégations de crédits car les à-coups dans les flux financiers pénalisent lourdement les entreprises mahoraises. Celles-ci connaissent aujourd'hui des risques graves de débrayage et de licenciements ; il est urgent de prendre des mesures pour relancer l'activité, notamment dans les BTP.

Ma deuxième observation concerne la LBU, qui comme on le sait regroupe tous les financements destinés au logement. A l'origine, elle était l'application au cas particulier du ministère de l'équipement et du logement d'une politique générale qui visait à impliquer les ministères techniques dans les actions de développement des collectivités d'outre-mer. Depuis 1994, ces crédits sont passés du budget de l'équipement et du logement au budget de l'outre-mer, au chapitre 65-01, qui augmente cette année de plus de 20 %. J'ai déjà exprimé à cette tribune le souhait que, pour mieux gérer ces crédits, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer décide de reconstituer la capacité d'expertise technique et financière que nous trouvions autrefois au ministère de l'équipement et du logement. Je réitère cette suggestion d'autant plus fermement que je souhaite voir la gestion de la LBU franchir une nouvelle étape, par la décentralisation des programmes de construction de logements. Cette proposition m'est inspirée par mon expérience à la présidence de la Société immobilière de Mayotte.

Il est devenu urgent de mieux prendre en compte les problématiques locales : les besoins quantitatifs restent forts, mais de nouvelles attentes apparaissent en termes de qualité des logements. En outre, il est indispensable de faire davantage appel aux petits artisans mahorais. Au secrétariat d'Etat doit revenir la répartition entre les DOM ou territoires ; aux élus et aux services locaux, l'orientation des crédits. Les conseils départementaux ou territoriaux de l'habitat que nous avons créés nous permettent de procéder ainsi.

Quelques mots, enfin, sur les crédits d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle. Les moyens du FEDOM augmentent de 25 % afin d'assurer la mise en _uvre de la loi d'orientation, mais ils ne concernent pas Mayotte. Les crédits d'aide à la formation et à l'emploi qui, auparavant, nous étaient délégués directement par le direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle sont transférés cette année au budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer. Or, ce transfert s'accompagne d'une déperdition de crédits. Des redressements sont donc nécessaires, d'autant que pour tous les responsables mahorais, la formation professionnelle demeure une priorité.

Monsieur le ministre, vous parlez d'accompagner par le budget les évolutions statutaires en cours à Mayotte. La mesure la plus significative serait de doter Mayotte d'un chapitre budgétaire, la dispersion actuelle des moyens rendant peu lisible l'effort budgétaire dont nous bénéficions. C'est la voie qui avait été choisie il y a quelques années pour la Nouvelle-Calédonie. Ainsi s'inscriraient dans la durée les engagements résultant de la consultation populaire du 2 juillet, et en particulier la création d'un fonds de développement.

En conclusion, Mayotte connaît, depuis une vingtaine d'années, de profondes transformations et il s'agit, plus que jamais, de les orienter au mieux des intérêts du plus grand nombre.

Il faut à Mayotte une claire vision d'avenir s'exprimant d'abord dans un véritable plan de développement économique et social, dont la priorité irait à la valeur ajoutée locale -agriculture, artisanat, tourisme- afin de ne pas reproduire le modèle qui, depuis un demi-siècle, a montré ses limites dans l'outre-mer français.

Le même volontarisme doit prévaloir dans l'ordre institutionnel : la collectivité départementale de Mayotte doit s'engager résolument dans la perspective de la départementalisation adaptée, garantie de sécurité et de progrès de la population mahoraise.

Mais il faut, dès à présent, répondre aux cas d'urgence sociale liés aux inévitables mutations d'une société longtemps marquée par la tradition. Les élus mahorais, qui n'entendent pas s'abandonner aux trompeuses facilités de l'assistanat, ont depuis longtemps adopté un règlement territoriale d'action sociale ; il faut rapidement l'améliorer et le compléter, au bénéfice des personnes âgées, des handicapés, de l'enfance et des familles en difficulté.

Ainsi, Monsieur le ministre, de nombreuses questions demeurent posées, à la mesure des attentes de la population et des multiples promesses qui lui ont été prodiguées.

Vos réponses détermineront le vote du groupe UDF (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Emile Vernaudon - Iaorana. Dans ce projet de loi de finances pour 2001, le Gouvernement manifeste sa volonté de mener outre-mer une politique de développement économique et social, en maintenant un partenariat étroit avec les collectivités territoriales, quelle que soit leur évolution institutionnelle spécifique. Cette volonté est conforme au préambule de la Constitution, qui donne à la France la mission d'accompagner les efforts de développement des peuples d'outre-mer dont elle a la charge.

Le budget du secrétariat d'Etat est en progression de 6,94 %. Les autorisations de programme consacrées aux pays et territoires d'outre-mer passent de 433 à 528 millions de francs français. Les priorités sont le financement des mesures prévues par la loi d'orientation pour l'outre-mer, l'emploi, l'insertion et le logement. Je voterai donc avec conviction votre budget, Monsieur le ministre.

Quelques semaines à peine après votre première visite dans nos îles, ce débat budgétaire est l'occasion d'analyser la situation non seulement économique et budgétaire mais également politique et institutionnelle de la Polynésie française.

Le partenariat Etat-Territoire se traduit non seulement par les conventions avec les ministères techniques, mais aussi par le contrat de développement, auquel s'ajoute la convention pour le renforcement de l'autonomie économique, qui assure pendant dix ans à la Polynésie le maintien d'un flux financier annuel de 990 millions de francs français.

Tout Polynésien sait pertinemment que sans ces crédits de l'Etat, la reconversion économique de la Polynésie serait aléatoire, même si le président du gouvernement du territoire ne cesse de montrer son autosatisfaction et de faire l'éloge des actions de son gouvernement.

Le comportement irresponsable du président-sénateur, qui refuse de signer le second volet du contrat de développement 2000-2003 sous prétexte que l'Etat n'assumerait pas ses responsabilités, a de quoi effarer. Vous nous avez rassurés, Monsieur le ministre, lorsque vous lui avez répliqué que « l'Etat n'est pas un guichet de financement mais un véritable partenaire dans le développement économique et social du territoire ».

Je suis d'accord avec le rapporteur spécial lorsqu'il estime « qu'il serait préférable, dans toute la mesure du possible, de subordonner l'engagement des opérations à une étude préalable des effets économiques du programme et de vérifier ensuite que les réalisations atteignent les objectifs initiaux ». Je ne peux m'empêcher de pointer du doigt l'un des plus importants chantiers de l'après-CEP, financé par le fonds de reconversion, le futur complexe hospitalier baptisé « hôpital Jacques Chirac » par le président du gouvernement local... dont le coût de réalisation est passé, en moins de deux ans, de 10 milliards de francs Pacifique à plus de 32 milliards soit près de 1,8 milliards de francs français !

Prenez le temps, Monsieur le secrétaire d'Etat, d'examiner le dossier technique de ce projet ! De toute façon, la pose de la première pierre vient d'être reportée...

Je félicite le Gouvernement d'avoir eu le courage de remplacer la loi Pons, source d'abus répétés, par une nouvelle loi de soutien aux investissements, plus juste et plus transparente, donnant la priorité à l'emploi et renforçant le contrôle a posteriori sur les opérations de défiscalisation. Dans l'esprit de cette loi Paul, je demande qu'on examine de près les retombées qu'ont eues pour la Polynésie les deux paquebots de croisière Renaissance, battant pavillon libérien et pour lesquels le président du gouvernement a exigé une mesure de défiscalisation en s'impliquant personnellement. On est en effet en droit de se demander si cette opération n'a pas profité qu'à une infime minorité liée au pouvoir en place.

Ce qui est en jeu ici, ce sont le contrôle de l'utilisation des deniers publics, le respect de l'Etat de droit, les libertés ! Nous pourrions ainsi parler du palais présidentiel, dont le coût final reste un mystère mais qui entraînera des dépenses de fonctionnement comparables à celles de l'Elysée, d'une compagnie aérienne qui ne survit que grâce à une injection massive de fonds territoriaux, d'une télévision TNTV, créée également sur fonds publics... « Qui paie contrôle », disait un Premier ministre. L'installation d'une chambre territoriale des comptes répond à cette exigence. J'ai également demandé que l'Etat exerce pleinement le contrôle de légalité, face au comportement d'un président de gouvernement qui confond trop souvent vitesse et précipitation. Le statut d'autonomie interne doit permettre le contrôle de ses actes individuels, ainsi que de ceux de ses ministres, et non se borner au contrôle a posteriori des actes collégiaux du gouvernement. Cette limitation a en effet autorisé le recrutement d'agents politiques sur des emplois fictifs -ce qui a d'ailleurs donné lieu à enquête judiciaire.

Il me faut également dénoncer la création du « groupe d'intervention de la présidence », qui représente une menace pour les libertés. Notre collègue Tourret qui a eu le courage de condamner publiquement cette dérive a été traité par le président du gouvernement de « député étranger » ! Les députés de la République n'auraient-ils pas le droit d'analyser la situation en Polynésie ? Celle-ci est considérée par le président-sénateur comme chasse gardée, pour ne pas dire comme son fonds de commerce, et l'Etat, pour préserver la présence française dans le Pacifique-sud, laisse faire ce potentat local qui n'a de cesse de rejeter ses institutions et ses règles. Des actions en justice ont déjà permis d'obtenir des condamnations pénales sévères pour certains des actes du président, à telle enseigne que certains estiment que sa radiation des listes électorales s'imposerait. Les Polynésiens souhaitent que la justice soit la même pour tous et ils ressentent un malaise profond à l'idée d'avoir à leur tête une personnalité qui a manqué à son devoir de probité. Mais cet homme se prévaut de « hautes protections parisiennes » et seul le corps électoral saura le sanctionner.

Une réforme électorale modifiant la répartition des sièges à l'Assemblée de Polynésie est devenue une nécessité absolue. Ma proposition de loi de mars 1999, adoptée en première lecture, autorise ce rééquilibrage sans compromettre la représentation des archipels éloignés. Elle doit entrer dans les faits car les échéances électorales approchent.

A propos de celles-ci, il s'imposerait également d'organiser simultanément, en mai 2001, les élections municipales et territoriales, pour éviter deux campagnes coûteuses à deux mois d'intervalle.

Enfin, je me fais l'interprète des fonctionnaires de l'éducation nationale pour demander que, chaque année, 260 instituteurs du corps CEAPF soient intégrés dans le corps des professeurs d'école, au lieu de 22 comme c'est le cas aujourd'hui : il le faut si l'objectif est d'en intégrer 1 847 d'ici à 2007.

Les Polynésiens veulent le changement car ils ont pris conscience de la nécessité de tourner la page de la « rente atomique ». Mais ils veulent aussi avoir la certitude que la France sera toujours à leurs côtés pour les accompagner vers leur destin national et, surtout, pour garantir l'Etat de droit. La Polynésie et la France doivent poursuivre ensemble leur marche vers la voie du progrès, de l'amitié et de la solidarité.

Mauru'uru e iaorana !

M. le Président - Je vous prie tous de ne pas vous laisser emporter par la passion et par l'enthousiasme et de respecter votre temps de parole.

M. Pierre Petit - J'applaudis, en dépit de quelques réserves, la progression de ces crédits et des dispositions que nous avions nous-mêmes préconisées, mais comment ne pas être déçu de constater que ce budget n'est adossé à aucun projet politique clair ? Nous ne dressons pas de réquisitoire contre une action dont nous ne connaissons que les orientations et nous n'entendons certes pas faire de la mendicité, mais nous souhaiterions que le gouvernement de la France adopte une nouvelle approche, pour l'outre-mer et pour la Martinique ! Quel est donc votre dessein pour notre département, Monsieur le secrétaire d'Etat ? La dogme d'un traitement global et uniforme est désormais inadapté car chacune de nos régions a son histoire, son environnement, son peuplement et son dynamismes propres. Nous ne pouvons nous contenter des seules exceptions qui nous arrangent. Obéissant à cette logique, notre loi d'orientation n'ouvre aucune perspective d'avenir. Vous n'avez pas conscience que la Martinique avait besoin d'un projet élaboré sur place et approuvé par sa population.

Notre souhait est de ne pas subir les mutations, mais de les programmer, de les maîtriser. La Martinique est une société jeune qui, en moins d'un siècle, a subi deux chocs d'importance : la départementalisation qui nous a certes apporté la solidarité de la nation et un niveau de vie sans équivalent dans les petites Antilles, et la mondialisation qui fragilise notre économie. Or la croissance de la métropole n'a pas atteint nos rives. Sans jouer les Cassandre, craignons que le désespoir, jusqu'ici contenu, de nos 52 000 chômeurs et le mal-être de notre jeunesse ne nous contraignent à réagir dans l'urgence, plutôt qu'à agir de façon concertée !

Les Martiniquais ne sont pas des fraudeurs qui rejetteraient la France. Ils n'aspirent qu'à mieux vivre en France et en Europe. Ils veulent échapper à une logique de distribution de crédits pour devenir dignes et responsables. Le mouvement politique que je préside revendique ainsi une nouvelle organisation des pouvoirs locaux, la mise en oeuvre d'un projet durable et l'adoption d'un plan de financement. Nous voulons établir avec la République un nouveau contrat de confiance et de développement, afin de redonner espoir à la Martinique par une nouvelle dynamique économique.

Il est urgent d'accompagner notre société pour l'aider à surmonter les fléaux qui l'assaillent : drogue, mendicité, prostitution. La toxicomanie aussi touche toutes les couches sociales mais la police et les douanes n'ont pas les moyens de surveiller un territoire de 85 000 habitants. Nous vous demandons donc de renforcer les moyens des services spécialisés : toxicomanie et développement ne font pas bon ménage.

L'économie sociale est un secteur important pour l'outre-mer. Or les associations sont accablées de charges sociales : ne pouvez-vous réfléchir à des allégements, voire à des exonérations, en particulier pour celles qui interviennent dans les secteurs de la formation professionnelle et de la santé ?

Nous venons de créer un comité de bassin d'emploi dans le nord de l'île afin de faciliter le développement d'emplois après la crise de l'ananas. Les moyens à notre disposition ne sont pas suffisants : ne pourraient-ils être prorogés de deux ou trois ans ?

Les DOM ont besoin de confiance, de stabilité et de responsabilité pour sortir de l'assistance à laquelle on les a réduits. Reporter une évolution des institutions à 2004 serait faire fi de l'urgence. Certains de nos collègues ont été une époque embastillés à Fresnes pendant dix-huit mois. Ils ne demandaient pourtant qu'une décentralisation et une évolution des institutions. Les temps ont changé et nous ne risquons plus la prison ; mais nous restons soumis aux caprices du calendrier électoral de la métropole. Ainsi ne puis-je que dire, comme l'écrivait Aimé Césaire en 1947 : « Quand, mon peuple, cesseras-tu d'être le jouet sombre au Carnaval des autres ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. François Asensi - Votre budget est en hausse sensible, et les députés communistes le voteront, car il traduit la volonté de remédier à la crise économique et sociale de ces « territoires du bout du monde », dont les rapports de l'Institut d'émission des départements d'outre-mer -IEDOM- confirment chaque année l'existence.

Les mesures prises jusqu'à présent n'ont pu répondre aux attentes des populations locales, même si les transferts financiers ont permis d'améliorer les conditions de vie des populations ultramarines, de réaliser des infrastructures et d'assurer la présence de services publics.

En effet, les économies de ces sociétés, qui se caractérisent par une dépendance de type colonial, souffrent de la faiblesse des capacités productives et de la surconsommation de produits importés.

L'augmentation du chômage, notamment chez les jeunes, et de l'exclusion, est un obstacle au développement durable, tandis que la mondialisation et la libéralisation déstabilisent les économies d'outre-mer, comme les crises subies par la filière canne-sucre-rhum ou la banane.

Les producteurs antillais sont de plus en plus menacés par les multinationales américaines implantées en Amérique centrale, qui obtiennent les coûts les plus bas sans respecter les règles sociales de l'Organisation internationale du travail.

La réévaluation de l'aide compensatoire accordée aux producteurs locaux est indispensable pour garantir un avenir à l'exportation bananière. Vous devez par ailleurs obtenir de vos collègues de l'Union européenne le maintien du système des quotas sucriers et la garantie des prix.

Il faut promouvoir un nouveau type de développement. De fait, votre budget favorise un développement durable par des choix ambitieux et ouvre des horizons prometteurs dans les domaines économique, social, culturel et institutionnel.

Il prévoit 2,64 milliards de crédits pour le Fonds pour l'emploi dans les DOM-FEDOM -soit une augmentation de 25,6 % par rapport à 2000.

En ce qui concerne le développement économique, votre budget amplifie l'effort des nouveaux contrats de plan dans le domaine de l'investissement.

Cette année, un nouveau régime d'aide fiscale à l'investissement vient remplacer la mesure de défiscalisation introduite par la loi Pons en 1986. Dénoncé à de multiples reprises et prorogé par la loi de finances pour 1998, ce système a surtout bénéficié aux contribuables les plus favorisés, souvent peu soucieux d'un développement harmonieux des économies locales. Il a encouragé le surinvestissement et les opérations frauduleuses. Le nouveau mécanisme devra donc être attentivement suivi par notre assemblée.

Les crédits consacrés à l'action culturelle et sociale progressent.

S'agissant du logement social, 250 millions viennent compenser la diminution de la créance de proratisation résultant de l'alignement du RMI des départements d'outre-mer sur celui de la métropole. Cependant, les besoins restent immenses, en raison de la pression démographique, des risques climatiques et de la croissance urbaine.

Une politique publique de soutien à la construction de logements sociaux, à la rénovation du parc immobilier et à la résorption de l'habitat insalubre doit donc être poursuivie, avec d'autant plus de vigueur que la « révolution urbaine », commencée dans les années 1950, crée des besoins croissants. En effet, la transformation des modes de vie et des équilibres écologiques par cette urbanisation rapide est un enjeu majeur pour les collectivités locales et l'Etat, dont l'action devra être renforcée.

Les crédits que vous présentez sont globalement à la hauteur des engagements pris dans le cadre de la future loi d'orientation. Je regrette cependant l'absence d'une vision d'ensemble des crédits consacrés à chaque département d'outre-mer, par exemple dans le domaine de l'éducation où vous avez, avec votre collègue Jack Lang, pris des mesures pour améliorer le fonctionnement du système éducatif et renforcer l'égalité des chances. Si les efforts dans ce domaine doivent se poursuivre, je souhaite qu'ils apparaissent plus clairement lors de la discussion budgétaire, comme ceux menés en matière de culture ou de justice pour chaque département d'outre-mer.

Les DOM-TOM sont à la recherche d'un nouveau modèle, qui nécessite que les relations avec les pays voisins soient renforcées en tenant compte des spécificités de chaque espace d'outre-mer.

Comme vous l'avez dit, Monsieur le ministre, devant la commission des lois, la présidence française de l'Union européenne a permis d'avancer l'idée d'un statut de « régions ultraphériphériques » pour les DOM.

Même si l'aide de l'Europe, notamment au travers des fonds structurels, ne doit pas être négligée, la démarche d'intégration régionale risque d'être difficile pour des DOM trop longtemps confinés dans une relation exclusive avec la métropole. La crise de la banane démontre clairement qu'il faut mettre en place des garde-fous.

Il en va de même pour les territoires du Pacifique, dont l'insertion dans un contexte mondial ouvert et concurrentiel reste aléatoire.

Ce nouveau modèle passe aussi par des aménagements institutionnels. Plus que jamais, il faut rompre avec un traitement uniforme de ces « territoires du bout du monde » et inventer des statuts plus proches des réalités locales.

Les relations entre la métropole et l'outre-mer ont évolué depuis la décolonisation, avec la départementalisation en 1946, la régionalisation en 1983, l'autonomie élargie pouvant conduire à l'indépendance en Nouvelle-Calédonie en 1998, le statut de pays d'outre-mer de la Polynésie française. Aujourd'hui, l'Etat doit envisager des relations différentes avec ses espaces d'outre-mer comme Wallis-et-Futuna, où il faut relancer le dialogue entre l'assemblée territoriale, le représentant du Gouvernement et les autorités coutumières, ou à Mayotte où le projet de transformation de l'archipel en collectivité territoriale, approuvé par la population locale en juillet 2000, peut enfin être mis en place.

Comme le dit mon collègue Ernest Moutoussamy, « les DOM ont besoin de statuts progressistes adaptés aux exigences d'un monde nouveau correspondant à l'image d'une République fidèle aux droits de l'homme et aux droits des peuples ».

Un lien profond nous unit aux peuples d'outre-mer, qui sont aussi le symbole de notre diversité à travers la littérature, le sport et la musique où ils font preuve d'une grande vitalité, et qui participent à l'engagement associatif. Je tiens à leur rendre un hommage tout particulier.

Approuvant les moyens importants mis en place pour relever les principaux défis du développement de l'outre-mer, le groupe communiste votera votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Michel Tamaya - Je me réjouis que votre arrivée au ministère de l'outre-mer coïncide avec la volonté du Gouvernement de permettre aux DOM de mettre pleinement en valeur leurs atouts et leur potentiel, même si votre prédécesseur, Jean-Jack Queyranne, avait ouvert la voie.

L'activité législative déployée depuis quelques mois avec la loi d'orientation, les mesures de défiscalisation de la première partie de la loi de finances pour 2001 et le budget de l'outre-mer, est bienvenue au moment où les DOM connaissent une évolution économique et sociale encourageante.

A la Réunion, les secteurs du BTP et de l'industrie se portent bien, et la consommation des ménages se maintient.

Surtout, le chômage diminue, avec une baisse de 4,6 % fin mars en glissement annuel, principalement imputable à une diminution de 8,3 % du nombre de chômeurs de longue durée.

Le chômage des jeunes connaît pour sa part une baisse supérieure à la moyenne qui s'explique, pour partie, par les emplois-jeunes. Cette tendance à la baisse est confirmée par la diminution des allocataires des ASSEDIC pour le deuxième mois consécutif en glissement annuel de 2,5 % au 30 juin.

Bien sûr, nous ne devons pas oublier que ce taux de chômage de 38 % demeure le plus élevé de France et d'outre-mer, ni la proportion élevée de chômeurs de longue durée, et les 50 000 foyers qui bénéficient du RMI. Mais c'est malgré tout dans un contexte économique confiant que les nouvelles mesures pour l'outre-mer trouveront à s'appliquer. Elles sont notamment contenues dans la loi d'orientation qui fera l'objet d'une troisième et dernière lecture cet après-midi. Elle s'est voulue ambitieuse, et je m'en félicite, son objectif étant d'inscrire les DOM dans un véritable pacte de croissance et de solidarité en s'attaquant, plus que jamais, au chômage et à l'exclusion qu'ils connaissent depuis trop longtemps.

Le projet initiative-jeunes permettra d'accorder une aide allant jusqu'à 50 000 F par projet à chaque jeune de moins de 30 ans créant une entreprise ou suivant une formation professionnelle. Le congé-solidarité servira à mettre en place un système de préretraite contre embauche de jeunes en CDI, financé à 60 % par l'Etat. Par ailleurs, les bénéficiaires de minima sociaux pourront, pendant deux ans, cumuler l'ARA avec les revenus tirés d'une activité rémunérée.

Est également mise en place une exonération totale des cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite de 1,3 fois le SMIC au profit de toutes les entreprises de moins de 11 salariés, avec maintien de l'avantage de manière dégressive si elles excèdent ce seuil. Il s'agit là d'une mesure sans précédent, que vient compléter un projet de budget innovant et ambitieux.

Mais avant d'y venir, je dirai un mot du nouveau dispositif de soutien fiscal aux investissements, qui participe à la fois d'une plus grande justice fiscale et d'une plus grande efficacité économique. Cette « loi Paul » fait d'ailleurs l'unanimité du monde économique dans l'outre-mer.

La présentation de la première partie du projet de loi de finances pour 2001 a ainsi donné au Gouvernement l'occasion de respecter son engagement de modifier la loi Pons. Le nouveau dispositif, qui s'appliquera jusqu'en 2006, revient à une conception plus progressiste de l'impôt, et comporte une réduction d'impôt égale à 50 % du montant de l'investissement, avec l'exigence qu'au moins 60 % de l'avantage fiscal soit rétrocédé aux entreprises d'outre-mer.

Quant aux petites entreprises des DOM qui ne disposent pas de revenus suffisants pour investir et bénéficier de la défiscalisation, un crédit d'impôt de 50 % non plafonné leur sera accordé, le solde éventuel pouvant être reporté sur leur impôt durant les quatre années suivantes.

J'en arrive au budget de l'outre-mer pour 2001. Premier budget d'application de la loi d'orientation, il est de 6,81 milliards de francs, soit une hausse de près de 7 %. Il bénéficie donc, et je m'en réjouis, de l'une des plus fortes progressions parmi tous les ministères, ce qui illustre bien la priorité accordée par l'Etat au développement de l'outre-mer.

Mais comme l'ont souligné de nombreux orateurs, le budget, bien qu'important et en augmentation sensible, ne représente qu'une partie de l'effort financier en faveur de l'outre-mer.

Je souhaite qu'à terme on nous communique, outre les bleus budgétaires pour l'outre-mer, les données sur l'effort accompli par chaque ministère, dans un souci de transparence et pour mieux appréhender le niveau global de la solidarité nationale.

Ce premier budget d'application de la loi d'orientation comporte 325 millions de dotations dont 290 millions en faveur du FEDOM pour financer de nouvelles mesures en faveur de l'emploi et de l'insertion. Le FEDOM financera 90 000 contrats dont 3 000 emplois-jeunes, 10 000 projets initiative-jeunes, 3 000 préretraites compensées par une embauche, 35 000 contrats emploi-solidarité.

Après l'emploi, le problème le plus important outre-mer est le logement. La demande est forte en raison de l'augmentation de la population -230 000 habitants en dix ans, pour les DOM dont la moitié à la Réunion. Le budget 2001 financera 16 000 constructions ou réhabilitations de logements.

Ce budget permettra d'appliquer la loi d'orientation, qui a soulevé un immense espoir. Nous serons vigilants quant à la parution rapide des décrets d'application.

Je ferai pour terminer quelques observations. Pour assurer une meilleure égalité sociale, le RMI dans les DOM va être aligné sur celui de la métropole. Je suis heureux que vous ayez confirmé que cela se fera dans un délai de trois ans au maximum. J'espère que ce sera le plus rapidement possible. Dans un grand quotidien de la Réunion ce matin, vous parlez d'ailleurs d'une accélération.

En second lieu, beaucoup d'agents de collectivités locales dans les DOM -13 000 à la Réunion- ne sont pas titulaires de la fonction publique territoriale. Je souhaite qu'on apporte une solution à cette situation douloureuse et je serai attentif aux dispositions que comportera la loi Sapin sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique territoriale.

En troisième lieu, pour développer la créativité régionale, je souhaite qu'on accroisse et qu'on coordonne mieux les moyens consacrés à la coopération régionale.

J'insiste enfin sur l'enjeu que représente l'attribution de quotas de pêche pour le développement de la Réunion. Nous attendons un arbitrage, et cela a des conséquences négatives pour l'économie.

Je voterai ce budget qui répond aux attentes des populations d'outre-mer, notamment pour l'application de la loi d'orientation. Je suis sûr que vous serez attentif à mes préoccupations (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Dominique Bussereau - L'outre-mer assure une présence de la France dans tous les océans et on y gère parfois mieux qu'en métropole les tensions nées d'une société multiculturelle, comme le racisme au quotidien. Nous devrions, dans ce domaine, nous en inspirer.

Cependant MM. d'Aubert et Auberger ont cité certaines dérives parfois choquantes à l'égard de la loi républicaine. Sur le problème de surrémunération, je n'attends pas, à l'approche de 2002, de décision particulièrement courageuse du Gouvernement. Ce serait pourtant nécessaire. Selon le trésorier payeur général de Nouvelle-Calédonie, de plus en plus de fonctionnaires qui n'ont servi qu'en métropole, découvrent que c'est dans le Territoire qu'ils veulent passer leur retraite pour profiter de cet avantage. Il y a un dévoiement complet de la logique initiale de la surrémunération.

Un autre problème est celui de l'économie grise et du travail clandestin dans les DOM. S'y ajoute une insécurité croissante à laquelle justice et police, en partie seulement pour des raisons d'effectifs, apportent des réponses insuffisantes.

Pour en venir aux problèmes des différents territoires, le groupe DL -et c'est la raison de son vote négatif sur la loi d'orientation- est farouchement opposé à la bidépartementalisation de la Réunion. Apporter une réponse administrative à un problème de sous-développement local et d'aménagement du territoire, c'est bien la méthode Jospin. Vous allez ainsi remplacer un sous-préfet par un préfet, créer, une deuxième DDE, une deuxième DDA.

Mme Huguette Bello - Et alors ?

M. Dominique Bussereau - Quant à Mayotte, on ne résoudra pas ses difficultés propres sans tenir compte de celles de ses voisines Anjouan et Moroni. Or, je ne suis pas sûr que le Quai d'Orsay ait une vision claire à propos des Comores.

Je m'inquiète également de l'avenir de Wallis-et-Futuna. Entre Polynésie française et Nouvelle-Calédonie qui suivent chacune leur propre logique de développement, Wallis-et-Futuna est l'oublié de la République. Beaucoup de ses habitants travaillent en Nouvelle-Calédonie. Que feront-ils quand l'emploi y sera réservé en priorité aux locaux ? Il faut songer à un véritable plan Marshall pour Wallis-et-Futuna si l'on veut que ce territoire reste paisible comme il l'a été jusqu'à présent.

En Nouvelle-Calédonie, malgré l'usine à gaz que constitue la loi organique, les choses suivent leur cours. Mais conserver le Franc CFP est une absurdité si l'on veut que le territoire s'insère dans une économie internationale. Je souhaiterais donc des précisions sur ses rapports avec la zone euro. D'autre part, la volonté des autorités locales de développer leur propre compagnie aérienne est compréhensible étant donné le désengagement d'Air France. Mais le projet est risqué et je souhaite que le Gouvernement et la compagnie nationale le soutiennent.

Pour le groupe DL, l'outre-mer est un atout pour la France et l'Union européenne. Mais vous ne lui consacrez ni la politique ni les crédits qu'il mérite. Nous ne voterons donc pas ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Gérard Grignon - J'aborderai quelques problèmes propres à Saint-Pierre-et-Miquelon. Pas plus que la loi Pons, le nouveau dispositif de défiscalisation que vous proposez n'y constituera un levier économique car en raison de l'autonomie fiscale de la collectivité locale, les investissements directs des sociétés soumises à l'IS y sont impossibles. Pour agir plus efficacement, il faudrait y donner un pouvoir de décision au directeur des services fiscaux jusqu'à un certain seuil d'investissement, comme c'est le cas dans les DOM et étendre les secteurs éligibles à la transformation et à l'exportation des produits de l'agriculture et de la pêche. S'agissant d'un territoire où la fiscalité nationale ne s'applique pas, on ne résoudra pas ce problème par une disposition en loi de finances. Mais ne pourrait-on s'inspirer de régimes comme celui du bénéfice mondial ou du bénéfice consolidé qui, avec l'agrément du ministre, s'appliquent à quelques grands groupes en métropole ? Je vous ferai parvenir une note à ce sujet.

Deuxième problème : l'érosion du pouvoir d'achat des retraités. Le coût de la vie à Saint-Pierre-et-Miquelon a en effet fortement augmenté du fait notamment de la hausse des hydrocarbures. Au prix actuel du litre de fioul domestique, un seul mois de chauffage coûte les deux tiers de sa pension à une personne retraitée vivant seule et percevant le minimum vieillesse. Que lui reste-t-il alors pour vivre ? Or, la majorité des retraités du secteur privé ne perçoivent que le minimum vieillesse, la loi instituant un régime d'assurance-vieillesse ne datant que de juillet 1987. Les articles 13 et 35 de celle-ci prévoient une revalorisation d'office, comme en métropole, ainsi qu'une possibilité de revalorisation supplémentaire en cas de forte hausse du coût de la vie. Celle-ci étant incontestable, la caisse de prévoyance sociale réclame, depuis juillet 1998, le réajustement qui semble lui être refusé par les ministres de la santé et du budget. Je compte sur votre intervention efficace, Monsieur le secrétaire d'Etat, pour débloquer la situation, étant entendu que la hausse de 3 % dont il a été question serait tout à fait insuffisante, je dirais même insultante.

J'ajoute que la vie est chère pour tous les retraité. Or, ni les pensionnés de l'ENIM, ni les retraités de la fonction publique territoriale et hospitalière n'ont bénéficié de la majoration de 40 % qui était prévue. Je déplore donc que les amendements que j'ai déposés à ce sujet sur la loi d'orientation n'aient pas été repris par le Gouvernement. J'estime que certains fonctionnaires ont été floués par l'Etat à l'époque où ils ont été conduits à choisir de devenir agents des collectivités territoriales et des hôpitaux.

J'en viens au dossier fondamental des hydrocarbures. Savez-vous, mes chers collègues, qu'en France métropolitaines et d'outre-mer, n'importe quel groupe pétrolier peut, dans le cadre d'une exploitation off shore, extraire du gaz ou du pétrole sans payer de redevance à l'Etat ? Cette situation date d'un amendement à la loi de finances pour 1993 qui a modifié l'article 31 du code minier. La France est ainsi devenue le seul pays au monde où ce type de redevance n'existe pas. Partout ailleurs, il est perçu par les Etats propriétaires 30 à 88 % du prix du baril de pétrole brut. Peut-être à l'époque existait-il des intérêts que j'ignore... Toujours est-il que cette disposition lèse les intérêts de l'outre-mer.

En effet, Saint-Pierre-et-Miquelon se situe en plein centre de réserves d'hydrocarbures estimées à plus de 50 % des réserves totales de l'Europe -fait bien connu des Canadiens. Heureusement, les parlementaires de l'archipel ont rectifié le tir en établissant, par amendement à la loi de finances de 1999, une redevance en zone économique exclusive autour de Saint-Pierre-et-Miquelon. D'importants travaux de recherche ont été menés et le premier puits sera foré au début de l'année prochaine.

Vous savez, Monsieur le secrétaire d'Etat, que l'article 27 du statut de Saint-Pierre-et-Miquelon dispose que « l'Etat concède à la collectivité territoriale, selon un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat pris après avis du conseil général, l'exercice des compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux surjacentes. » Il est impératif pour l'archipel que ce cahier des charges devant permettre la signature des permis d'exploration ainsi que les concessions, soit rédigé très rapidement.

De même est-il impératif que la partie française place la réciprocité en matière de desserte des plates-formes en préalable au traité d'unitisation.

D'autre part, vous savez l'importance économique et historique des activités de pêche et de transformation des produits de la mer à Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans ce secteur trois nouvelles sociétés sont apparues : nul doute que la loi d'orientation leur apportera l'encouragement qu'elles méritent.

Vous savez aussi l'impact sur l'emploi local de l'activité d'Archipel SA. Il importe de maintenir sa subvention d'équilibre tant que les quotas resteront au niveau actuel.

S'agissant justement des quotas, il est inacceptable que, dans le cadre des négociations bilatérales avec la France, le Canada impose comme incontournables les avis du Conseil consultatif des ressources halieutiques alors que cet organisme scientifique n'est absolument pas référencé dans l'accord franco-canadien de 1994.

De même est-il anormal que les Canadiens demandent à un petit pêcheur artisan de payer un droit de pêche identique à celui imposé à la grande pêche industrielle canadienne pour pratiquer la pêche au thon.

Je note aussi que la Communauté européenne refuse, depuis 1997, de restituer à l'archipel un quota de 270 tonnes de carrelets. Il faudrait profiter de la présidence française pour régler définitivement cette question.

Je terminerai en évoquant les difficultés budgétaires de la collectivité territoriale, pour souligner d'abord qu'elles étaient visibles dès 1990, voire avant, ensuite qu'elles ne sont pas le fait de la majorité en charge de la collectivité de 1994 à 2000, puisque tous les rapports des inspecteurs des finances chargés par le Gouvernement de missions d'audit ont au contraire établi que les gestion de ces années était sérieuse et responsable. Le rapport Limodin insistait même sur le fait que cette gestion prenait le contre-pied des errements antérieurs.

Les difficultés budgétaires ont été aggravées par l'obligation faite à la collectivité territoriale, à partir de 1994, de participer à une hauteur très élevée au financement de l'infrastructure aéroportuaire -dont le marché a été signé trois semaines avant l'arrivée de la nouvelle majorité. En 1994, la dette de la collectivité territoriale était de 60 millions et la marge d'autofinancement courante nulle, voire négative ; dans ces conditions, il est logique que la dette en capital atteigne, 6 ans après, 160 millions. Les solutions passent par la poursuite d'une gestion saine et responsable, par une action politique ferme auprès de la Commission européenne et par une prise en charge par l'Etat de tout ou partie de la dette imposée à partir de 1994 à l'exécutif mis en place. Je serai très attentif aux réponses que vous m'apporterez, Monsieur le secrétaire d'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Huguette Bello - Parler cette année du budget de l'outre-mer, c'est aussi parler de la loi d'orientation, puisqu'il constitue la première traduction en termes financiers des mesures qu'elle contient. C'est donc le premier budget d'une nouvelle étape.

L'emploi étant le maître mot de la loi d'orientation, il n'est pas surprenant que les sommes qui lui sont consacrées en fassent le premier poste de ce budget. Elles vont tout d'abord aux dispositifs de droit commun tels les emplois-jeunes, qui ont contribué à ce que le taux de chômage ne s'aggrave pas. Mais lorsque plus d'un jeune sur deux est sans emploi, ces dispositifs ne suffisent pas. Des mesures spécifiques ont donc été prises : le projet initiative-jeunes et le congé-solidarité devraient offrir à nos jeunes de nouvelles perspectives. Il faut aussi évoquer, même si elles figurent dans le budget du ministère de l'emploi, les sommes prévues pour les exonérations de charges sociales, qui vont plus que tripler.

Quand les taux de chômage sont aussi durablement élevés, les situations d'exclusion ne sont pas rares. Les solidarités familiales ou amicales ne suffisent pas pour y remédier, non plus que les mesures de la loi de lutte contre l'exclusion. C'est pourquoi ces dernières vont être renforcées par un dispositif propre à l'outre-mer. En prévoyant le cumul légal d'une activité et d'une indemnité, l'allocation de retour à l'activité tend à limiter le nombre de personnes définitivement exclues du monde du travail.

Ce budget nous renseigne en partie aussi sur l'alignement du RMI. L'examen des sommes consacrées au logement laisse apparaître que sa première augmentation dans les DOM aura lieu en 2001. Le processus d'égalité est ainsi à nouveau enclenché, mais nous aimerions en savoir un peu plus sur le calendrier qui conduira à celle-ci.

Ces différentes mesures, qui concilient développement économique et avancées sociales, s'appliqueront dans un contexte marqué par d'importants transferts de compétences, donc par un accès accru aux responsabilités.

Le succès de cette politique dépendra de la capacité de tous à se mobiliser, à user de tous les moyens qu'offre la loi d'orientation, mais aussi de ceux existant au plan local et européen. A cet égard, Monsieur le ministre, j'appelle votre attention sur une proposition de la Commission européenne tendant à réduire du quart de ses ressources la dotation du POSEIDOM agricole. Comme présidente de l'intergroupe parlementaire pour l'outre-mer, j'ai alerté le Président de la République, président en exercice de l'Union européenne, et le Premier ministre, sur les risques que comporterait pour l'agriculture ultramarine l'adoption d'une telle mesure, déjà acceptée en première lecture par le Conseil. A l'heure où la France préside l'Union, nous comptons sur la vigilance du Gouvernement pour éviter le renouvellement de telles initiatives.

Ce budget et la loi d'orientation ouvrent de réelles perspectives. Faut-il estimer que la loi d'orientation a atteint son point de perfection, et qu'elle fera à elle seule, que la Réunion redevienne « l'île d'Eden », comme l'appelèrent les navigateurs portugais du XVIIe siècle ? Certes pas. Mais, en ouvrant la voie du développement et de la responsabilité, elle inaugure une ère nouvelle, qui suscite espoir et inquiétude.

Après la liberté, après l'égalité, nous accédons à la responsabilité. Rarement, sans doute jamais, des moyens aussi importants n'ont existé à la Réunion. La loi d'orientation intervient au moment même où entrent en vigueur le contrat de plan Etat-région, le plan de développement régional avec l'Union européenne, mais aussi le nouveau dispositif de soutien fiscal à l'investissement. Tout cela crée les conditions requises pour engager une stratégie de développement.

C'est cette voie qui s'ouvre aujourd'hui aux Réunionnais. Et c'est par notre capacité à mobiliser les moyens, à imaginer les solutions les plus efficaces, que nous relèverons les défis du développement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Philippe Chaulet - On ne juge pas la qualité d'un budget sur sa seule croissance : c'est M. Sapin qui nous le rappelait hier lors de notre réunion. Votre budget, Monsieur le ministre, représente si peu pour l'investissement et le développement outre-mer que je préfère débattre ce soir de la partie économique de la loi d'orientation, plutôt que de tout mélanger comme certains collègues -car depuis ce matin, j'ai l'impression que nous discutons de la loi d'orientation plutôt que de vos crédits... En outre l'augmentation de ceux-ci résulte simplement de transferts à partir d'autres budgets (M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, manifeste son désaccord).

Je préfère évoquer l'article 12 adopté en première partie de cette loi de finances. Chacun en dit merveilles ; mon avis est tout opposé. Vous avez totalement modifié la loi Pons, que votre prédécesseur avait commencé à tuer. On a parlé d'excès : je rappelle qu'il y a toujours eu délivrance d'agréments -qu'il s'agisse du club Méditerranée ou de bateaux portant les noms d'hommes célèbres- et que ce ne fut pas toujours le fait des gens de mon côté ! Vous avez été obligé de réhabiliter un peu le principe d'une incitation fiscale à l'investissement, alors que vos amis l'avaient tant critiqué. Mais cette aide, telle que l'organise la loi de finances pour 2001, s'inscrit dans une perspective dirigiste et administrée, de sorte que, quoi qu'on prétende, elle ne soulève pas l'enthousiasme en Guadeloupe. Si elle comporte quelques aspects positifs pour les petites entreprises et le logement social, il faut déplorer un système de plafonnement de l'avantage fiscal qui rendra le tour de table terriblement complexe, d'où un effet de désincitation qu'aggravera le maintien de la tunnelisation, d'autant que le système d'agrément par le seul ministère des finances demeure en vigueur. En somme, ce nouveau dispositif se caractérise par l'étroitesse de son champ d'application, et la réduction de la portée de l'incitation. Il manque en outre d'un dispositif de drainage de l'épargne locale, et ne permet pas de renforcer les fonds propres des PME. Comme l'ont dit des personnes directement concernées par l'utilisation de ce dispositif fiscal, l'esprit de doctrine l'a emporté. Vous comprendrez donc que je ne voterai pas votre budget.

Je ferai toutefois deux observations à son sujet. La première concerne la suppression de l'aide à l'embauche pour les apprentis dans les entreprises de 11 salariés et plus, au motif que la reprise économique a réduit le chômage des jeunes. Ce point de vue peut se justifier sur le territoire hexagonal, mais on ne saurait conclure que le chômage des jeunes recule durablement dans les DOM. Je vous demande donc votre appui pour exclure ces derniers du champ d'application de l'article 57 de la loi de finances. En second lieu, il semblerait que le dispositif des aides aux contrats de qualification devrait être supprimé par décret. Pouvez-vous garantir que cette mesure ne concernera pas nos départements ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Ernest Moutoussamy - Ce budget se signale par une augmentation intéressante de près de 7 %, qui le classe à ce titre au troisième rang des ministères, après la ville et l'environnement. Il traduit la volonté politique de transformer la loi d'orientation en levier pour la construction de l'outre-mer et la rénovation du pacte républicain. Accompagné par le budget du ministère de l'emploi, qui finance l'exonération des 3,5 milliards de charges sociales patronales de la loi d'orientation, et par l'article 12 de la loi de finances qui met en place un nouveau dispositif d'aide fiscale à l'investissement, il devrait faire reculer l'assistance et le chômage, et permettre aux petites entreprises de reconquérir le tissu économique au profit de l'emploi et de la production de richesses.

Cependant, cette année encore, je déplorerai l'absence d'une lisibilité et d'un débat sur le volume global des crédits consacrés à l'outre-mer. Il est de plus en plus insupportable pour les parlementaires de l'outre-mer d'examiner uniquement ce budget, qui ne représente que 10 % des interventions de l'Etat, et de laisser dans l'ombre les 90 % restant qui intéressent la santé, la ville, l'emploi, la justice, l'éducation nationale, l'agriculture... Nous devons nous évader de cet archaïsme. Après la réforme de l'ordonnance de 1959, espérons que la discussion du budget de l'outre-mer, portera sur toute la politique menée en outre-mer.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Ernest Moutoussamy - En attendant, je salue l'initiative que vous avez prise récemment de tenir une conférence de presse commune avec M. le ministre de l'éducation nationale, qui fut une première. Elle vous a donné l'occasion de confirmer que la priorité du Gouvernement est de doter l'outre-mer d'un projet éducatif fort et novateur, pour élever le niveau de qualification de nos jeunes. Bien entendu, il eût été souhaitable qu'une réunion de cette nature se tienne aussi avec les parlementaires, par exemple dans le cadre de l'intergroupe Outre-mer.

Dans la même logique, ne pourrait-on envisager une conférence sur l'emploi avec Mme Guigou, pour arrêter une stratégie globale de lutte contre le chômage, prenant en compte tous les dispositifs actuels mais aussi l'économie sociale et solidaire et une plus juste redistribution des fruits de la croissance ?

A propos de chômage, fin 1999, la Guadeloupe était le seul département d'outre-mer où le fléau n'avait pas même commencé à reculer. Il eût été intéressant d'analyser les causes de cette situation atypique. Un diagnostic approfondi en surprendrait plus d'un sur la volonté de certains de voir la politique de la gauche plurielle réussir en Guadeloupe...

D'autre part, dans un contexte marqué par le contrat de plan Etat-région, le DOCUP, l'article 299-2 du traité d'Amsterdam et la loi d'orientation, il faut clarifier notre place dans l'Union européenne, et mieux cerner le concept de région ultrapériphérique. Ce qui me conduit à vous interroger sur le POSEIDOM, dont on parle de réduire les moyens, sur la libéralisation des droits des contingents des productions en provenance des pays les moins avancés, sur l'avenir du sucre et de la filière de la canne avec l'usine sucrière de Marie-Galante et le projet guyanais, enfin sur le dossier de la banane. Bref, quel est l'avenir de l'outre-mer au sein de l'Union européenne ? Que peut-il attendre de la présidence française de l'Union ?

Le champ de compétence du FEDOM s'élargit désormais aux mesures de la loi d'orientation en faveur de l'emploi et de l'insertion. Selon quelles modalités et avec quelle logistique interviendra-t-il, notamment pour les projets initiative-jeunes, les départs en préretraite et les allocations de retour à l'activité ?

M. Daniel Marsin - Depuis le projet de budget pour 1998, le Gouvernement a toujours affiché ses priorités : l'emploi, le soutien à l'économie, la solidarité. Nous, parlementaires d'outre-mer, avons toujours applaudi l'effort budgétaire qui a été consenti, tout en insistant sur la nécessité d'un vrai débat d'orientation. De cette revendication a découlé le grand débat du 23 octobre 1998, lui-même suivi par la mission Lise-Tamaya puis par le projet de loi d'orientation pour l'outre-mer. Celui-ci a été l'occasion d'un vrai débat, débouchant sur de vraies orientations. Des mesures audacieuses ont été envisagées. Certains nous ont dit qu'ils auraient préféré une loi de programmation à une loi d'orientation ; pour ma part, depuis que je participe aux travaux de l'Assemblée nationale, je considère que jamais un budget ne s'est appuyé sur des orientations aussi claires et précises.

Nous appelons à une application rapide de ces différents dispositifs, pour maintenir l'immense espoir suscité par la loi d'orientation et inscrire notre département dans une logique de croissance durable, portée par un cadre statutaire adapté, démocratiquement choisi.

J'appelle enfin votre attention, Monsieur le ministre, sur la forte poussée de la délinquance et de l'insécurité en Guadeloupe. La drogue, l'immigration clandestine, la violence, les scandales financiers -comme la disparition du fonds de garantie de la SODERAG- exigent des moyens renforcés pour la police et la justice, afin que l'Etat assure pleinement le respect de la loi et la protection des citoyens.

En conclusion, nous voterons ce budget. Il ne confond la politique ni avec la magie, ni avec les promesses démagogiques qui caractérisent certaines déclarations, mais il met en _uvre une forte solidarité nationale, de façon digne, active et progressiste (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Je me réjouis, bien sûr, que ce budget soit en progression de 6,7 %, à périmètre constant, et que l'effort budgétaire en faveur de l'outre-mer augmente de 10 %. Au-delà des chiffres, je me félicite que ce budget permette de traduire la loi d'orientation, laquelle a clairement donné la priorité au développement économique -qui suppose de solvabiliser les entreprises existantes, d'alléger les charges sociales, d'accorder des primes à la création d'emplois et d'aider fiscalement l'investissement. Les orientations de la loi d'orientation se traduisent également dans ce budget par l'inscription des crédits correspondant à 10 000 projets initiative-jeunes, ainsi que par le financement de 3 000 départs à la retraite contre réemploi de jeunes. Néanmoins, je m'inquiète sur ce point du complément que devront apporter les départements et les régions. Toujours pour lutter contre le chômage, ce budget prévoit le financement de 10 000 allocations de retour à l'activité.

La loi d'orientation a également mis l'accent sur l'effort en faveur du logement : en crédits de paiement, il progresse de 3,5 %. Vous tenez votre parole, Monsieur le ministre, puisque vous aviez promis de faire en sorte que l'augmentation du RMI et la baisse de la créance de proratisation qui en découle n'entraînent pas une baisse des crédits destinés au logement.

La loi d'orientation reconnaît clairement la nécessité de promouvoir la culture dans nos régions : 12 millions sont prévus à cet effet.

La loi d'orientation pose aussi le principe d'une plus forte implication des DOM dans la coopération régionale : 20 millions sont mobilisés pour le fonds de coopération régionale.

Enfin, sont inscrits à ce budget les moyens nécessaires à l'application des contrats de plan. Les crédits de paiement du FIDOM augmentent de 15 %, les autorisations de programme de 55 %

En me réjouissant de cette concordance entre la loi d'orientation et le budget, je souhaite que les dotations budgétaires deviennent rapidement opérationnelles. Cela suppose que des décrets d'application soient pris à cette fin et que les acteurs locaux se mobilisent.

Je voterai donc ce budget, en souhaitant qu'il contribue à une dynamique de développement durable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

M. André Thien Ah Koon - Au regard des défis auxquels est confrontée la Réunion, avec ses 40 % de chômeurs et plus de 60 000 RMistes, les lacunes de ce budget sont frappantes, même si la loi d'orientation marque une avancée importante.

A quelques semaines de l'application de celle-ci, je voudrais faire le point sur certains dossiers qui ont été oubliés.

Il n'est pas normal que cinquante-cinq ans après la départementalisation, les Réunionnais soient toujours en quête d'égalité -sociale, économique et institutionnelle. Citoyens français, ils sont dans l'Océan Indien les dignes et fiers représentants de la France et de l'Europe. Par respect pour la mémoire des nôtres qui ont connu l'esclavage, la colonisation et les deux guerres mondiales, nous ne transigerons jamais sur notre citoyenneté française et sur notre droit à l'égalité.

Rien dans les principes de notre République et de la Constitution ne justifie un RMI diminué de 20 % par rapport à la métropole. Par cette discrimination, vous aggravez les erreurs de l'histoire au lieu de les réparer. Je ne me reconnais pas dans cette patrie des droits de l'homme-là.

N'écoutez pas, Monsieur le ministre, ceux qui ignorent nos conditions de vie et qui nous insultent en accréditant l'idée que les mères de famille de la Réunion seraient des paresseuses et des assistées. Je dis à ces mères : « Soyez fières de vous. Le courage ne vous a jamais manqué et vous avez consenti de lourds sacrifices, malgré des injustices d'autant plus insupportables qu'elles venaient de l'Etat ». Au nom de notre citoyenneté française et en pensant à nos familles, je vous demande solennellement, Monsieur le secrétaire d'Etat, l'alignement immédiat du RMI et des autres lois sociales !

De même, la France se grandirait en rendant justice à nos 12 000 journaliers communaux, autres grands oubliés de la loi d'orientation. Nul ne peut contester leur compétence ni leur conscience professionnelle : il faut donc les titulariser, en mettant à profit la loi Sapin.

Dans le domaine économique, la priorité des priorités est la création d'emplois durables. Sur ce point aussi, le Gouvernement aurait dû aller plus loin qu'il ne l'a fait, en concrétisant les idées novatrices, d'entreprise franche, de port franc ou de secteurs off shore, comme le réclament massivement nos élus consulaires, nos organisations socio-professionnelles et l'ensemble des partis locaux. Avec un statut d'île franche, la Réunion peut devenir la porte d'entrée de l'Europe dans l'Océan Indien. La « franchisation » de nos produits finis et semi-finis la rendrait en effet beaucoup plus attrayante pour les entreprises nationales et étrangères, qui auraient la certitude de pouvoir les vendre dans l'Union. L'entreprise franche ainsi créée, à l'exemple de ce qui a été fait à l'île Maurice, permettrait en outre de relever le défi de l'emploi : il faut donc mettre ce projet à l'étude !

L'existence de monopoles contribue à désorganiser les économies d'outre-mer. Le Gouvernement a eu le mérite de limiter, à mon initiative, l'implantation à la Réunion des grandes surfaces vouées au commerce alimentaire mais la mesure reste insuffisante : les DOM ont besoin d'une loi enrayant la constitution de monopoles dans les secteurs du transport aérien, des communications téléphoniques, des carburants et de matériaux de construction aussi. Il faut assurer l'équilibre des forces dans tous les domaines, en effet.

Reste enfin à garantir l'égalité institutionnelle. La loi d'orientation la fait progresser. La création d'un deuxième département a été préconisée par le Président de la République, par le Gouvernement, par les députés de la Réunion unanimes et par presque tous les responsables politiques de l'île, notamment par M. Jean-Paul Virapoullé et par Mme Margie Sudre. J'ai donc été consterné de voir que l'UDF M. Virapoullé affichait à Paris, à l'insu des Réunionnais, des positions favorables à l'autonomie de l'île et au Congrès, refusant ainsi à mes compatriotes le bénéfice de la même organisation administrative que les métropolitains. L'UDF manipulée par M. Virapoullé mène ainsi un combat de rupture avec la France, nous poussant à terme vers l'indépendance. Cette stratégie est une erreur politique majeure, commise au motif que nous coûterions trop cher à la France, sans doute. Il est vrai que, jadis, une éminente personnalité de l'UDF proclamait que la France entretenait des danseuses -mais ces danseuses étaient en haillons et, 55 ans après la départementalisation, elles en sont encore à combattre pour l'égalité !

Si l'UDF ne répétait que la création du deuxième département arrêterait l'évolution de la Réunion vers l'autonomie, n'est-ce pas reconnaître que ce deuxième département attacherait définitivement l'île à la France ? C'est précisément cette exigence que je place au-dessus de toute considération, dans l'intérêt de nos enfants. Les Réunionnais ne doivent pas payer le prix des ambitions de quelques-uns. Nous savons tous que l'autonomie, c'est l'insécurité sociale : elle entraînerait en effet la baisse des allocations familiales, des allocations pour handicapés, des retraites, du RMI. Le deuxième département est au contraire synonyme de sécurité institutionnelle renforcée, d'alignement sur le droit commun national. C'est l'espoir de constituer, avec Mayotte, les îles éparses et les TAAF, une véritable région française de l'Océan Indien, qui assurerait à notre pays un rôle majeur dans le Pacifique. C'est aussi la certitude d'un rééquilibrage en matière d'équipements et d'emplois et un outil au service de la décentralisation et de la démocratie locale. Les habitants du sud de l'île y gagneront la possibilité de gérer leur budget, de concrétiser leurs projets. En un mot, ils y trouveront un outil de développement. Je félicite donc tous ceux qui adhèrent à cette mesure consacrant l'intégration de la Réunion à la France. Ne manquons pas ce tournant, aussi décisif que la départementalisation de 1946 ! Je ne doute pas, en effet, que l'histoire finisse par donner raison au Président de la République, au Gouvernement et aux députés de l'île !

M. Henry Jean-Baptiste - Je souhaite répondre à M. Thien Ah Koon, Monsieur le Président !

M. le Président - Le même incident s'étant produit il y a quinze jours, je pense que vous ne pourrez guère ajouter à ce que vous avez dit alors. Soyez donc concis.

M. Henry Jean-Baptiste - Je ne puis laisser passer sans réagir cette attaque contre M. Jean-Paul Virapoullé, qui nous a laissé à tous le souvenir d'un excellent député. Nous pouvons nous opposer sans nous livrer à de violentes mais dérisoires mises en cause personnelles et je souhaite donc que M. Thien Ah Koon ait un jour l'occasion d'effacer les effets de celle-ci.

M. Elie Hoarau - La loi d'orientation qui sera bientôt adoptée définit les grandes lignes de notre action en faveur du développement des DOM mais ce n'eût été qu'un exercice formel sans engagement financier de l'Etat. Or ce budget apporte incontestablement une première réponse aux pessimistes et contribue à trancher le débat entre partisans d'une loi d'orientation et partisans d'une loi-programme : nous aurons à la fois les orientations et les crédits !

Ce budget est donc la traduction financière d'un texte riche en innovations : projet initiative-jeunes, allocation de retour à l'activité, alignement du RMI, congé de solidarité, fonds de coopération régionale... A ces 500 millions de moyens nouveaux, il faut d'ailleurs ajouter les quelque 5 milliards inscrits au budget du ministère de l'économie et des finances, pour la défiscalisation, et du ministère de l'emploi, pour les exonérations de charges sociales. N'oublions pas non plus l'effort organisé par les nouveaux contrats de plan et par la troisième génération de plans de développement régionaux, pour plusieurs dizaines de milliards au cours des sept années à venir... Nous abordons donc une étape nouvelle, d'autant que la loi d'orientation prévoit le transfert à nos forces vives de compétences nouvelles, qu'un deuxième département va être créé à la Réunion et un Congrès installé dans les TFA.

Toutes ces avancées ne doivent cependant pas faire oublier que la majorité du personnel communal de nos départements attend toujours un statut -ne tardez pas à ouvrir ce chantier !-, que les vieux travailleurs agricoles et pêcheurs ne perçoivent qu'une retraite dérisoire, que les titulaires d'emplois-jeunes s'inquiètent pour leur avenir, que le projet d'OCM rendu public le mois dernier fait planer une menace sur les quotas sucriers et que les armateurs réunionnais attendent toujours une solution à leurs propres problèmes de quotas... Il faut régler toutes ces questions, dans ce budget, dans les contrats de plan, dans les PDR et dans le cadre de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Nos pays ont besoin d'un projet d'avenir global et cohérent et c'est en l'attendant que je voterai ce budget, comme le feront nos amis Claude Hoarau et Huguette Bello (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

La séance, suspendue à midi, est reprise à 12 heures 10.

M. Anicet Turinay - Vous nous avez annoncé un budget en forte augmentation. Il faut cependant l'analyser à la lumière du projet de loi d'orientation, pour l'outre-mer. En conformité avec son volet économique, l'emploi et le logement sont les priorités, auxquelles nous souscrivons, de votre budget. Mais ce retard généralisé et les difficultés particulières des départements d'outre-mer donnent la mesure de l'effort à fournir. Or, malgré l'urgence, la loi d'orientation se fait attendre. En réalité, si elle se limitait à son volet économique, elle aurait été votée dès le mois de juin. La difficulté vient du volet institutionnel, qui sera probablement sanctionné.

Ce nouveau dispositif de défiscalisation est approuvé par la plupart des entreprises.

Si l'on peut s'en féliciter, de nombreux problèmes restent à résoudre. Comment satisfaire, avec les ressources limitées des collectivités locales, les revendications des personnels communaux non titulaires formulées en cette période pré-électorale stratégique ? Que faire pour les contrats emploi-solidarité qui arrivent à terme ? Que deviennent les emplois-jeunes au bout de cinq ans ? Ceux qui en sont titulaires dans mon département se syndiquent pour exiger des emplois durables et innovants. Nos jeunes s'indignent. Ils attendent des formations adaptées au marché de l'emploi et commencent à tenter leur chance ailleurs, par exemple dans le cadre de la coopération régionale, que nous appelons d'ailleurs de nos v_ux.

Mais, dans notre environnement géographique, la transmission du savoir-faire français dans la Caraïbe, voire aux Etats-Unis, ne peut se faire uniquement en français. Il est donc urgent d'instituer l'apprentissage d'une langue étrangère dans nos écoles primaires, encore trop peu nombreuses pour accueillir nos enfants. Faut-il d'ailleurs encore rappeler leur vétusté et leur non-conformité, aggravées depuis la disparition de la ligne budgétaire afférente ?

L'insatisfaction de la jeunesse se traduit par une montée de l'insécurité à la Martinique. Les vols à main armée ont ainsi augmenté de 257 % sur les six premiers mois de l'année par rapport au premier semestre 1999. Il faut donc des moyens humains supplémentaires pour lutter contre cette délinquance qui a, hélas, déjà entraîné mort d'homme dans mon département.

Les études supérieures peuvent désormais être suivies aux Antilles-Guyane, mais les moyens nous font cruellement défaut. Je pense notamment à la formation de médecins par l'UFR médicale des Antilles-Guyane. Le conseil d'administration du CHU de Fort-de-France a constaté que, quinze ans après la création de l'UFR médicale des Antilles-Guyane, moins de deux postes hospitalo-universitaires ont été créés chaque année. La première année de médecine, ouverte depuis deux ans, connaît pourtant un réel succès : dix sept étudiants en médecine ont été reçus au concours 2000, et, sur les douze reçus de 1999, onze ont réussi leur passage en troisième année à Bordeaux.

Les jeunes hésitent à se former dans nos principaux secteurs d'activité que sont le tourisme et l'agriculture. En effet, le tourisme de la Martinique n'est plus compétitif par rapport à celui de la Caraïbe, et est en baisse de fréquentation.

L'agriculture est fragilisée par l'Organisation mondiale du commerce et par la politique agricole européenne. Ainsi, les propositions de la Commission européenne visant à accorder à tous les produits des pays les moins avancés un accès en franchise de droits et de quotas au marché communautaire, et la diminution d'un quart des ressources du budget POSEIDOM pour 2001, laissent mal augurer de l'avenir de nos productions agricoles.

Pour terminer j'appelle votre attention sur deux sujets qui préoccupent les Martiniquais. D'abord, le plafond de 3500 francs pour bénéficier de la CMU a créé une nouvelle catégorie d'exclus, en particulier les personnes âgées qui bénéficient d'un minimum vieillesse. Ensuite, l'atlas des risques comporte des inexactitudes. On applique pourtant de façon brutale les règlements, aussi devient-il difficile de construire.

Nombre de problèmes d'outre-mer demeurent sans solution. Nous attendons des réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. Léo Andy - Nous soutenons ce budget. La hausse de 40 % des crédits pour l'outre-mer en quatre exercices, dont 7 % pour 2001, traduit l'engagement du Gouvernement ; grâce à ce financement, la loi d'orientation sera bien appliquée dès janvier 2001 comme vous l'aviez déclaré ; enfin ce budget privilégie l'emploi, l'insertion et le logement, qui sont nos priorités.

J'approuve la dotation spécifique de 325 millions de francs destinée à financer des mesures nouvelles concernant les projets initiative-jeunes, les départs en préretraite contre embauche de jeunes, les allocations de retour à l'activité ainsi que les primes à la création d'emploi.

Avec la reconduction des mesures existantes, ce sont 88 000 mesures pour l'emploi et l'insertion que financera le FEDOM, dont les dotations augmentent de 25 %. En Guadeloupe, les bénéficiaires des emplois-jeunes, souhaiteraient rapidement leur pérennisation.

Les 3,5 milliards inscrits au budget du ministère de l'emploi pour financer l'abaissement du coût de travail, constituent un levier majeur pour relancer l'emploi.

Par ailleurs, le nouveau dispositif d'aide fiscale rendra l'investissement outre-mer plus efficace et bénéficiera notamment aux très petites et moyennes entreprises qui constituent l'essentiel du tissu économique dans les DOM.

Ce budget sert donc bien la politique globale, que le Gouvernement a définie en étroite concertation avec les forces vives de l'outre-mer, dans la loi d'orientation.

Je me félicite de ce que la baisse du montant de la créance de proratisation affectée à la ligne budgétaire unique, soit pleinement compensée, même si je regrette que ce soit en autorisation de programmes et non point en crédits de paiement.

Je suis également satisfait par la dotation des quatre fonds de coopération régionale, et du fonds de promotion des échanges éducatifs, sportifs et culturels entre les DOM, leurs voisins et la métropole.

Il reste que votre budget n'est qu'une partie des dotations affectées outre-mer. Nous regrettons, comme toujours, de ne disposer que de si peu d'informations sur celles des autres ministères. Du reste, les « jaunes » ne sont toujours pas disponibles.

Au niveau communautaire, le projet de budget 2001 du POSEIDOM, entériné en première lecture par le Conseil, prévoit une baisse notable des crédits. C'est inacceptable car ce programme est vraiment bénéfique pour les régions ultrapériphériques. De plus dans son rapport sur l'article 299-2 du traité d'Amsterdam, la Commission s'est engagée à accorder une attention particulière aux questions budgétaires de ces régions. Il me paraît indispensable que le gouvernement français obtienne la reconduction des mesures existantes, voire de nouvelles mesures, assorties des moyens financiers adéquats.

Concernant la banane, le feu vert a été donné à la Commission pour négocier la réforme du régime d'importation, sur la base de la formule dite du « premier arrivé, premier servi » pendant une période transitoire puis selon un système purement tarifaire. Cette réforme du volet externe de l'OCM banane n'est pas assortie des propositions de modification du volet interne. Or la survie de la production antillaise dépendra de la révision du régime d'aides.

Ce n'est que grâce à une revalorisation de la recette forfaitaire de référence qu'on pourra lutter contre le sur-approvisionnement du marché et la chute des cours qui résulteront inévitablement de cette réforme.

Or ce dossier banane n'est pas inscrit dans le calendrier des travaux sous la présidence française qui prendra fin en décembre 2000 et il y a peu de chances qu'il le soit sous les présidences suédoise et belge. Je demande donc qu'il soit évoqué au sommet de Nice. Sans résultat tangible sur ce point, l'activité bananière en Guadeloupe et Martinique, déjà sous perfusion, court le risque de disparaître à court terme, d'autant qu'il est question de supprimer, à compter du 1er janvier 2001, contingents et droits de douane appliqués à l'entrée du marché communautaire sur les produits exportés par les 48 pays qualifiés de « pays les moins avancés ». Pour trois productions, dont la banane, concernant les DOM, la suppression à titre exceptionnel est prévue au 1er janvier 2004 avec une réduction progressive à partir du 1er janvier l'an prochain. S'il faut aider les PMA, j'estime indispensable d'introduire des clauses de sauvegarde en faveur des produits les plus sensibles des DOM, comme cela a été le cas pour la Réunion dans le cadre de l'accord de libre-échange UE-Afrique du Sud.

Pour terminer, je voudrais rappeler que de nombreux retraités du secteur privé en Guadeloupe perçoivent environ 3 600 F par mois, et quelquefois moins. Or le coût de la vie y est élevé. Au cours des vingt dernières années, ils ont perdu entre 17 % et 22 % de leur pouvoir d'achat, en raison des changements dans le mode de calcul de leur retraite, et des prélèvements au titre de la CSG et de la RDS. Quant au retraité célibataire qui épouse une retraitée, il subit une réduction brutale de ses ressources, le plafond étant fixé pour la sécurité sociale à 6 226 F brut pour un ménage. Pourquoi ne pas l'augmenter au niveau du SMIC, soit 7 101 F ?

Je me félicite de la revalorisation de 2,2 % des pensions de retraite à partir du 1er janvier, de l'exonération partielle de la CSG et de la CRDS pour les retraités non-imposables et de la hausse du minimum vieillesse à 3 653 F pour une personne seule, prévues par le projet de loi sur la sécurité sociale. Mais nous sommes encore loin du compte.

Les syndicats de fonctionnaires outre-mer dénoncent des manquements à l'application du principe d'égalité entre DOM et métropole en ce qui concerne la prime d'éloignement -supprimée dans le projet de loi d'orientation- et les congés bonifiés. Ainsi, l'administration refuse de plus en plus souvent la prime d'éloignement au natif des DOM travaillant en métropole sous prétexte qu'il y a transféré son « centre des intérêts moraux et matériels », notion définie par le Conseil d'Etat en 1981. Mais s'il retourne chez lui on considère qu'il se rapproche du « centre » qu'il avait perdu, et il n'y a pas d'éloignement non plus. Or s'agissant de droit aux congés bonifiés, les métropolitains ne semblent pas soumis à ce critère. L'idéal serait que les habitants des DOM trouvent des emplois au pays, donc que s'exerce une sorte de « préférence locale » à égalité de compétence. Il y a un obstacle constitutionnel, mais ce ne serait pas impensable.

Les problèmes des DOM restent énormes, aucun budget ne les résoudra d'un coup. Mais grâce à l'effort engagé, à la loi d'orientation et aux contrats de plan, l'outre-mer va vers un développement équilibré et durable. C'est pourquoi je voterai ce projet de budget (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Alfred Marie-Jeanne - Un bon budget doit tenir compte de la réalité pour l'améliorer. Et sans noircir le tableau, l'a-t-on vraiment appréciée à sa juste couleur ?

En Martinique, 40 000 personnes étaient au chômage en août 2000, soit 27 % de la population active. On dénombre 28 178 bénéficiaires du RMI, soit une hausse de 6,1 % en un an. En 1998 1 100 entreprises ont disparu, sans compter 58 redressements. Tour à tour viennent de disparaître la société de développement régional des Antilles-Guyane, la société de gestion des fonds de garantie d'outre-mer et de réescompte.

Face à un bilan aussi calamiteux, un bon budget se devait de faciliter l'accès au crédit, en vue de financer en priorité les investissements productifs. Est-ce la voie empruntée ? Non, car on constate une baisse inexorable des concours aux entreprises ; car les fonds de garantie restants sont peu performants et n'intègrent pas une stratégie globale de financement ; car la structure de crédits actuelle avantage la consommation et la spéculation ; enfin car les financements externes ne s'adressent qu'aux gros investisseurs.

Un bon budget ne saurait s'appuyer sur des transpositions ou annulations de dispositifs arrêtés pour la France. Je pense en particulier au décret qui a supprimé les aides aux contrats de qualification et à cette recentralisation qui s'opère et qui cantonne l'élu dans un rôle de redistributeur des dotations allouées. Je pense aussi à la position de la direction du Trésor qui estime que la création d'un opérateur financier, chargé de proposer des mécanismes spécifiques d'ingénierie financière aux très petites entreprises ne constitue pas une solution appropriée pour l'accès au crédit. Si elle était maintenue, une telle position rendrait pratiquement inopérant le Document unique de programmation dans son volet « accompagnement des très petites entreprises ».

Un bon budget doit mettre en synergie toutes les initiatives et non contrecarrer celles qui sont prises au plan régional. Or, une délibération a été annulée au motif qu'elle contenait des incitations à l'exportation des produits martiniquais.

Même le principe de rétrocession d'une partie importante de l'avantage fiscal, au profit de l'exploitant ou de l'entreprise d'outre-mer, me laisse perplexe, car il présuppose une philanthropie à laquelle j'hésite à croire.

Quant au dispositif instauré au profit des très petites entreprises, son efficacité demeure aléatoire du fait de l'absence de marge de man_uvre financière préalable.

Au total, il faut reconnaître que de nombreuses mesures ont été prises. On peut se demander sont-elles toutes bien adaptées à la conjoncture ? Quelle que soit leur importance, elles ne sauraient constituer la réponse globale aux problèmes de la Martinique, car il est irréel de penser que les institutions sont neutres et ne jouent aucun rôle sur la vie économique. D'où, Monsieur le secrétaire d'Etat, l'urgence d'ériger le socle d'une nouvelle politique.

M. Léon Bertrand - Moment privilégié de l'activité parlementaire, l'examen des budgets, s'il ne permet pas d'influer sur leur contenu, nous donne l'occasion de faire entendre la voix de nos populations. Celui-ci affiche une progression de près de 7 %, ce qui peut être considéré comme satisfaisant, si l'on tient compte aussi du contrat de plan Etat-région, du document unique de programmation, de la loi d'orientation et de la réactualisation de loi de défiscalisation, autant d'instruments qu'il faudra savoir coordonner. L'outre-mer n'avait pas disposé depuis longtemps d'une telle panoplie d'outils. mais Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est au rendez-vous des actes que l'on voit les hommes...

Or, le Gouvernement réclame sans cesse aux élus de lui faire des propositions, dont on ne sait ce qu'elles deviennent ensuite. Ne voyant rien venir, les élus finissent par se dire que, si le Gouvernement dote l'outre-mer de moyens, il hésite souvent à s'engager politiquement sur le terrain.

J'en veux pour preuve deux exemples qui concernent la Guyane : le spatial et le projet sucrier.

Dès 1988, j'avais demandé que le spatial, fleuron technologique européen, ne soit pas considéré comme le seul pivot de l'activité économique de la Guyane. En effet, le spatial reste avant tout une affaire commerciale où la concurrence est de plus en plus redoutable, de sorte que tôt ou tard, le marché stagne. Le ralentissement des activités spatiales provoquera alors à coup sûr celui des autres activités induites.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas soutenir le projet sucrier que je défends depuis plusieurs années ? Pour satisfaire des intérêts extérieurs à la Guyane, il est contrecarré, alors que les avis des experts et des élus sont tous favorables. Ce dossier exige un engagement politique. Je vous demande de le prendre, Monsieur le secrétaire d'Etat. Après tout, quand nécessaire, le Gouvernement sait prendre des décisions rapides sans attendre l'avis des experts, comme le Premier ministre vient de nous le prouver dans cette malencontreuse affaire de la vache folle.

La Guyane est la région de France la plus jeune. Or quel exemple ces jeunes ont-ils quotidiennement ? Revendications sectorielles, grèves à répétition, parfois sans souci du service public, pour obtenir le dû quelquefois, mais plus souvent le surplus, sans considération pour les difficultés économiques engendrées et la gêne occasionnée aux usagers. La jeunesse a besoin d'un modèle ; donnons-lui celui d'un monde où chacun trouvera sa place selon ses mérites et ses besoins et non en l'exigeant par le chantage et la violence.

Il y a peu de temps, un hebdomadaire national soulignait que le Gouvernement, par le biais des subventions, cherchait à acheter la paix sociale et même la paix politique. Je ne crois pas que la problématique soit aussi simple mais l'on peut cependant s'interroger, faute de savoir si l'action gouvernementale résulte d'une tactique à courte vue ou d'une vision à long terme.

Si la France a une véritable ambition pour l'outre-mer, pourquoi ne pas le faire savoir ? La Guyane a besoin de savoir si elle aura du travail pour le plus grand nombre, des centres de santé dans les communes les plus enclavées, le téléphone, des points d'eau potable, des écoles, des routes... A ce propos, le projet de route reliant Maripasoula à Saint-Laurent est toujours dans les cartons. Pourtant, la récente grève d'Air Guyane a rappelé la nécessité de désenclaver les populations de Saint-Georges, Maripasoula, Saül.

D'une manière générale, l'Etat tarde à réagir, ce qui favorise l'audience des indépendantistes tout en discréditant les élus qui croient encore en la République.

Nous avons un objectif, nous avons des moyens, il faut maintenant une véritable ambition pour l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. le Président - Je vous indique que la commission des lois se réunira cet après-midi à 14 heures 45 pour l'examen des amendements au projet de loi d'orientation pour l'outre-mer.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance qui aura lieu cet après-midi à quinze heures.

La séance est levée à 12 heures 40.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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