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Session ordinaire de 2000-2001 - 28ème jour de séance, 61ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 16 NOVEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          LOI DE FINANCES POUR 2001
          -deuxième partie- (suite) 2

          FONCTION PUBLIQUE ET REFORME DE L'ÉTAT 2

          QUESTIONS 16

          APRÈS L'ART. 61 20

          RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE 21

La séance est ouverte à neuf heures trente.

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LOI DE FINANCES POUR 2001 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2001.

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FONCTION PUBLIQUE ET REFORME DE L'ÉTAT

M. le Président - Nous abordons l'examen des crédits du ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. Jean Vila, rapporteur spécial de la commission des finances - Parce qu'il rompt avec le dogme du gel de l'emploi public et parce qu'il comporte une hausse des crédits consacrés à la fonction publique, ce budget répond aux préoccupations que j'ai exprimées depuis plusieurs années et traduit la volonté du Gouvernement de renforcer le service public. Notre satisfaction n'est cependant pas totale. En effet, les 18 150 créations d'emplois budgétaires, dont je me réjouis, demeurent insuffisantes, d'autant plus que seule la moitié d'entre elles augmenteront véritablement les moyens humains de l'administration. En effet, les autres créations d'emplois correspondent à la consolidation des surnombres autorisés à l'Education nationale et à la résorption de l'emploi précaire. Au total, cela reste insuffisant pour mener à bien l'aménagement du temps de travail dans la fonction publique, résorber l'emploi précaire et consolider les emplois-jeunes.

D'autre part, ce projet de budget ne permet pas aux fonctionnaires de bénéficier des fruits de la croissance à travers leurs rémunérations. Et l'on peut craindre, compte tenu des intentions qui semblent être celles du Gouvernement à en croire la presse à la veille des négociations salariales que les fonctionnaires soient sacrifiés sur l'autel de la maîtrise des dépenses publiques.

Enfin, la progression de 8 % -soit près de 110 millions de francs - des crédits de la fonction publique demeure insuffisante pour consolider l'intégralité de l'enveloppe exceptionnelle consacrée, aux termes de l'accord salarial de 1998, à l'action sociale. Les crédits de personnel pour 2001 évoluent donc principalement en fonction des créations d'emploi et des mesures catégorielles.

Une mesure nouvelle de 3 020 millions de francs s'ajoute ainsi aux 230 millions inscrits au chapitre 31-94 du budget des charges communes de 2000 à titre de provision pour la couverture des ajustements complémentaires de rémunérations publiques en 2001.

Or, cette provision pèse bien peu. Une augmentation de 1 % de la valeur du point coûtant environ 6,3 milliards au budget de l'Etat, elle ne permettrait en effet de faire face qu'à une augmentation inférieure à 0,5 % pour les années 2000 et 2001. Je déplore donc que ce budget provisionne aussi peu le résultat des négociations salariales sur la suite à donner à l'accord dont l'application s'est achevée fin 1999.

La presse rapporte depuis quelques jours les discussions menées au sein du Gouvernement sur la nature et l'étendue des propositions salariales à présenter fin novembre aux organisations syndicales. Ces indiscrétions sont inquiétantes.

En effet, le ministère des finances raisonne en termes de variation de la masse salariale et non en termes d'augmentation du niveau des traitements. Il estime donc que les mesures générales d'augmentation, mais aussi les mesures catégorielles, les mesures individuelles résultant, pour l'essentiel, de l'avancement et le GVT, concourent à garantir le pouvoir d'achat des fonctionnaires.

Cette référence au passé est inacceptable. J'estime qu'il n'y a aucune raison pour que les fonctionnaires ne bénéficient pas des fruits de la croissance, alors que vous avez déclaré, Monsieur le ministre, que 2000 ne serait pas une année blanche.

Par ailleurs, je plaide pour le maintien du caractère autonome des négociations salariales.

En matière de rémunérations, qu'il s'agisse des traitements de base ou du régime indemnitaire, je veux insister sur la nécessité de la concertation et de la négociation. A cet égard, l'initiative de certains de nos collègues élus d'outre-mer tendant à supprimer la prime d'éloignement m'apparaît malheureuse. Cette disposition serait en effet trop lourde de conséquence pour être prise sans concertation.

Depuis que je rapporte ce budget, j'ai sans relâche dénoncé le gel des effectifs de la fonction publique, auquel le Gouvernement a malheureusement sacrifié ces dernières années.

Malgré la titularisation de près de 30 000 agents, l'effectif des agents non titulaires employés par l'Etat était supérieur en 1998 à son niveau de 1996. Ainsi la Gouvernement a-t-il signé le 10 juillet 2000 avec six des sept organisations syndicales représentatives des personnels des trois fonctions publiques un protocole d'accord sur la résorption de l'emploi précaire et la modernisation du recrutement dans la fonction publique.

D'une durée d'application de cinq ans, celui-ci prévoit un dispositif de recrutement plus large et plus adapté à la structure actuelle de l'emploi précaire, et des mesures de gestion prévisionnelle des effectifs et d'amélioration du recrutement. Ces mesures paraissent d'autant plus opportunes que la fonction publique sera, dans les dix prochaines années, confrontée à un renouvellement massif de ses effectifs.

J'ai pour ma part demandé la pérennisation d'un dispositif apprécié et favorable à l'emploi des jeunes, le congé de fin d'activité. Celui-ci a certes été prolongé à trois reprises, mais pour une durée limitée à un an et sans jamais figurer dans les projets de lois de finances initiaux. Il devrait porter sur une période plus longue, afin de permettre aux personnes entrées très jeunes dans la fonction publique, dont le nombre ne fera d'ailleurs que diminuer, de cesser de travailler avant l'âge de la retraite.

En ce qui concerne les 35 heures, je partage les craintes des syndicats, m'inquiétant surtout qu'il n'y ait aucun engagement clair de création d'emplois. Je ne vois pas pourquoi la fonction publique serait plus mal lotie que le secteur privé.

Les crédits de la fonction publique s'élèvent à 1,466 milliard de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, soit une hausse de 8,05 %.

Globalement, les taux de consommation des crédits en 1999 et en 2000 apparaissent satisfaisants. Ils atteignent 94,8 % pour les actions de formation, de perfectionnement et de modernisation, 99,8 % pour l'action sociale interministérielle et 100 % pour les subventions aux écoles ou au Centre des études européennes de Strasbourg.

L'exécution du budget pour 2000 est marquée par l'ouverture de 148,4 millions de crédits par la première loi de finances rectificative, sur les trois chapitres suivants : « action sociale interministérielle », avec 24 millions au titre d'une aide et d'un prêt spécifique, ainsi que d'un prêt à l'accession à la propriété, aux agents affectés en zone urbaine sensible ; « actions de formation, de perfectionnement, d'insertion et de modernisation dans la fonction publique » avec 50 millions destinés à des formations spécifiques pour ces agents ; « équipements : actions interministérielles », avec 74,4 millions pour le renforcement de l'effort de réservation de logements sociaux.

Les crédits d'action sociale passeront de 775 à 856 millions en 2001. Malgré cela, ils ne retrouvent pas leur niveau de 1999 -890 millions-, l'enveloppe exceptionnelle de 230 millions accordée en 1998 et 1999 conformément à l'accord salarial de février 1998 n'étant que partiellement consolidée.

J'ai entendu l'ensemble des organisations syndicales de la fonction publique. Comme elles, je regrette le retard avec lequel les négociations salariales sont engagées et insiste sur la nécessité de faire en sorte que l'année 2000 ne soit pas une « année blanche ».

De même, il importe que les traitements du bas de la grille indiciaire, aujourd'hui inférieurs au SMIC fassent l'objet d'un effort particulier afin qu'ils s'éloignent durablement du SMIC.

Enfin, les créations d'emplois prévues par ce budget, pour satisfaisantes qu'elles soient, n'épuisent pas les nécessités de sauvegarder le service public et de répondre aux attentes de nos concitoyens. D'une part, les créations prévues ne concernent pas les services de l'équipement et les services financiers, qui ont payé un lourd tribut au gel des emplois publics au cours des dernières années, alors que l'évolution de leurs missions nécessiterait un effort particulier. D'autre part, ces créations restent insuffisantes tant pour faire face aux besoins des 35 heures que pour poursuivre la résorption des emplois précaires et assurer la pérennisation, à l'issue de leur contrat de 5 ans, des emplois-jeunes.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que votre rapporteur ne pourra voter ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois - Peut-être est-il utile maintenant de passer un peu de baume : les chiffres du budget sont bons. Ils augmentent de 8 %. Les crédits de l'action interministérielle, en particulier en matière sociale, sont en hausse de plus de 10 %. Ce budget rompt par ailleurs avec le dogme du gel ou de la stabilisation des créations d'emplois : 10 112 emplois supplémentaires sont créés dans des ministères comme l'éducation nationale, la justice, l'intérieur ou l'environnement. Nous nous félicitons également de votre volonté de résorber les emplois précaires, avec le protocole du 10 juillet 2000 ; les contrats aidés mais aussi les emplois jeunes arrivant à échéance sont concernés. Enfin, deux chantiers importants sont ouverts : la mise en place des 35 heures, avec le décret du 25 août 2000, et la reconduction de l'accord salarial du 10 février 1998. La négociation aurait d'ailleurs été beaucoup plus facile en début d'année plutôt que maintenant, alors que vous n'avez pratiquement plus rien à distribuer !

Votre ministère est avant tout, ainsi qu'aimait à le rappeler votre prédécesseur, un ministère d'impulsion. Votre action veut établir un Etat moderne, transparent et efficace : très bien ! Le Gouvernement a toutefois reçu quelques volées de bois vert, notamment de la Cour des comptes qui dans son rapport du début de l'année, a parlé de gestion opaque, complexe et incompréhensible.

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - C'était avant que je ne sois là !

M. le Rapporteur pour avis - La Cour, sous la signature de son premier président, M. Joxe, a stigmatisé l'action menée par l'Etat depuis plusieurs années. Elle s'est en particulier étendue sur les rémunérations accessoires. Au ministère des finances, qui devrait pourtant montrer l'exemple, il existe 40 primes accessoires, dont la plupart n'ont aucune base légale, et qui représentent 40 % des rémunérations ! Certaines n'ont jamais été publiées. Il y a donc des possibilités de rétroactivité non contrôlée. Vous êtes, Monsieur le ministre, en train de régulariser ces anomalies mais rien n'a encore été fait au ministère des finances. Le rapport dénonce aussi certaines facilités faites aux hauts fonctionnaires. Les trésoriers-payeurs généraux par exemple, qui perçoivent tout de même 1 250 000 francs par an, ont la possibilité de défiscalisation de 27 % de leur rémunération au titre d'une forfaitisation de leurs frais... lesquels leur sont tous payés par ailleurs. Bel exemple, venant de la catégorie la plus favorisée !

La fonction publique doit être un modèle. En matière de parité, elle en est loin. Des progrès ont certes eu lieu : on est passé à 13 % de femmes dans la haute fonction publique. Cela reste ridiculement bas. L'augmentation vient d'ailleurs principalement des directeurs d'administration centrale. En ce qui concerne les recteurs, les ambassadeurs et les préfets, le progrès est nul. La marche vers la parité est une nécessité absolue. Certes, un comité de pilotage et des plans pluriannuels existent, mais elle aura besoin de votre plus grande vigilance.

Un autre domaine dans lequel l'Etat est loin de donner l'exemple concerne les personnes handicapées.

Dans la fonction publique, 6 % d'emplois leur sont réservés. Ils en occupent 3,1 %. C'est proprement scandaleux, d'autant que c'est la fonction publique d'Etat qui est nettement à la traîne. Vous devez, Monsieur le ministre, prévoir des sanctions contre les ministères : le gel des crédits de fonctionnement ou des emplois non pourvus. L'Etat doit remplir son devoir de solidarité.

Monsieur le ministre, vous vous êtes particulièrement préoccupé de la gestion prévisionnelle des emplois. C'est en effet un des grands enjeux de ces prochaines années : d'ici à 15 ans, la moitié des fonctionnaires devront être remplacés. La création de l'observatoire de l'emploi public par le décret du 13 juillet 2000 y aidera. Il faudra par ailleurs accroître la mobilité, qui est pour l'instant inexistante entre les fonctions publiques ainsi que vers le détachement européen.

Le cumul des activités pose aussi problème. Le rapport du Conseil d'Etat du 27 mai 1999 est très sévère sur ce sujet. Il dénonce le cas de fonctionnaires qui consacrent 10 % de leur temps à leur emploi et le reste à d'autres activités ! Il faut y remédier. Il est aussi anormal que les fonctionnaires exerçant un mandat politique aient une situation beaucoup plus favorable que les non fonctionnaires. M. Chevènement avaient eu des mots sévères à ce sujet.

Il importe également de revoir le système de notation des fonctionnaires, qui est totalement obsolète. La notion de pouvoir disciplinaire a disparu. Seules 19 personnes ont été licenciées pour motif réel et sérieux sur 1 600 000 fonctionnaires. Cela perturbe les services qui ont à supporter des personnes incompétentes et l'ensemble des syndicats sont conscients du problème.

Je terminerai avec la rémunération des cabinets ministériels et de la présidence de la République. Voilà 300 à 400 personnes qui ont un rôle éminent au sein de l'Etat et bénéficient d'un système anormal et totalement opaque. Une lettre accablante du président de la Cour des comptes au Premier ministre soulignait en 1998 que le système était incontrôlable et présentait un écart constant entre la rigueur affichée et la réalité. Elle affirmait que la dissociation permanente entre le droit et le fait ne peut être toléré. Des changements sont possibles. Nous rencontrons dans nos mairies des directeurs de cabinet, qui sont rémunérés sur la base de 90 % de la rémunération la plus haute. Il y a une dizaine d'années, à l'Assemblée, certains recevaient tous les mois des enveloppes de billets bien sûr non déclarés ! Comment ensuite recevoir des contribuables pour des redressements de 1 000 ou 2 000 francs ? Un système transparent peut être organisé et doit l'être par un Gouvernement qui a voulu faire de l'éthique le principe de son action.

Au vu de ces observations, je voterai votre budget et suivrai votre action avec la plus grande attention.

M. Patrice Carvalho - La présentation de ce budget ainsi que les engagements que vous prenez pour l'avenir, Monsieur le ministre, semblent confirmer les orientations que vous aviez fixées le 24 août dans la tribune libre d'un quotidien du soir.

Votre objectif est de promouvoir un Etat plus transparent et plus efficace, capable d'accomplir ses missions de service public et de répondre aux attentes des usagers. Vous vous engagez ainsi pour une réforme des règles budgétaires et pour la gestion prévisionnelle des effectifs de fonctionnaires.

Va-t-on enfin sortir de la logique de gestion comptable de l'emploi public et reconnaître les agents non pas comme « une charge », mais comme un investissement ? Ce serait pour le moins une orientation nouvelle, attendue avec une impatience certaine par les usagers et par les personnels qui aspirent à travailler dans des conditions dignes du service public.

Dans des circonstances exceptionnelles telles que celles de décembre 1999 comme dans la vie au quotidien, le service public a montré l'importance de son rôle, en termes d'adaptabilité, d'efficacité, de continuité territoriale, d'égalité de traitement.

A l'Equipement, à l'ONF, dans les services de sécurité, à l'Education nationale, dans les établissements hospitaliers, les municipalités, à EDF, à la SNCF, à France Télécom ... les personnels, malgré les dénigrements systématiques dont ils sont l'objet, assument pleinement leur mission de service public, et souvent dans des conditions difficiles.

Vous reconnaissez dans vos déclarations, Monsieur le ministre, l'urgence d'un changement profond qu'il ne faut pas remettre en cause par manque de financement. Les crédits proposés pour 2001 permettront-ils de remédier à l'insuffisance des moyens, de répondre aux attentes des usagers et aux aspirations des personnels ?

La politique de l'emploi constitue un des éléments essentiels du développement des services publics.

L'annonce de 18 510 créations d'emplois budgétaires marque sans aucun doute une rupture avec la logique de suppression d'emplois publics qui a fait beaucoup de dégâts ces dernières années, notamment en 1996, quand on a supprimé 5 600 emplois. Si nous nous félicitons de cette mesure, nous n'oublions pas que plus de la moitié de ces créations de postes n'auront pas d'effets sur les effectifs réels puisqu'il ne s'agit que de consolider des surnombres à l'Education nationale et de résorber des emplois précaires.

Les créations de postes dont bénéficient les ministères prioritaires -l'enseignement, la justice et l'intérieur- ne sont pas négligeables. Elles s'ajoutent à celles enregistrées l'an passé. Il faut continuer, car nous sommes loin du compte et les besoins sont immenses.

Nous regrettons que l'Equipement et les services financiers soient une fois de plus oubliés. Nous nous demandons comment va être appliquée la réduction du temps de travail dans la fonction publique. Peut-on prétendre faire progresser le service public sans créer des emplois utiles, efficaces, stables, qui permettent de compenser la réduction du temps de travail et d'améliorer les conditions de travail des fonctionnaires ?

Le décret du 29 août 2000 ne nous rassure pas. Il ne fait pas de l'emploi l'objectif central de la réduction du temps de travail dans la fonction publique.

Concernant le plan de résorption de la précarité que nous examinerons très prochainement, le champ des agents visés va au-delà de l'accord dit Perben de 1996. Nous nous en félicitons, d'autant que des mesures visant à mettre en _uvre une gestion prévisionnelle des effectifs et à améliorer les modalités de recrutement semble accompagner ce protocole.

Les dispositions prévues seront-elles suffisantes pour compenser les départs à la retraite ? Ils vont devenir massifs puisque 43 % des personnels peuvent y prétendre d'ici à 2010.

Néanmoins, Monsieur le ministre, nombre de catégories restent exclues du dispositif. En outre, votre texte ne dissuade pas assez l'administration de recourir à l'emploi précaire.

En mai dernier, devant le Conseil national de la jeunesse, Lionel Jospin s'était engagé à demander à ses ministres de faire des propositions pour pérenniser les 276 000 emplois-jeunes créés. Employés sous contrat de droit privé, les intéressés semblent être exclus du plan de résorption de la précarité. Ils ont pourtant démontré l'utilité de leurs missions. Que va-t-on faire de ces jeunes ? La solution n'est-elle pas l'emploi public, la création de nouveaux corps et la reconnaissance de nouvelles qualifications ?

Concernant les salaires, il ne nous semble pas que ce budget rompe avec l'idée de rationaliser les dépenses publiques. Pourtant, les fonctionnaires ont assumé leur part de la rigueur. En témoigne la baisse de leur pouvoir d'achat ! Les organisations syndicales n'ont pas caché leur mécontentement. Malgré l'ouverture des négociations le 21 novembre, elle craignent que l'année 2000 se solde par un petit rattrapage sans ambition. Alors que la croissance est revenue, le traitement brut minimum vient de passer au-dessous du SMIC. La valeur du point d'indice a diminué de 9,80 % depuis 1983. Cette évolution concerne 5,1 millions d'actifs dans la fonction publique, soit un quart de la population salariée, ainsi que 4 millions de retraités.

Rien dans ce budget ne permet d'envisager une revalorisation du minimum de rémunération ni une progression du pouvoir d'achat, ni une réforme de la grille ni l'intégration des primes dans la rémunération. Cette situation ne nous satisfait pas.

Dans le régime spécial des fonctionnaires, une inégalité de traitement entre hommes et femmes persiste en matière de pension de réversion à cause de l'article L 50 du code des pensions.

Dans sa réponse à la question écrite de mon ami Claude Billard parue au Journal officiel du 31 janvier 2000, votre prédécesseur reconnaissait que l'égalité entre les sexes constituait une règle fondamentale du droit communautaire et qu'elle devait être prise en compte dans la législation française. C'est pourquoi je vous demande, Monsieur le ministre, si peut être envisagé un financement rétroactif des pensions et l'abrogation de l'article L 50 du code des pensions.

Les dernières statistiques, datant de 1997, révèlent que seulement 65 800 personnes handicapées sont employées dans la fonction publique, soit 3,06 % des effectifs. La loi en faveur de l'emploi des handicapés, adoptée il y a dix ans, est donc un échec. Les méthodes de recrutement sont-elles inadaptées ? Il faut revoir le politique menée en ce domaine.

Qu'il me soit également permis d'évoquer les congés de fin d'activité. Cette année encore, nous sommes dans l'expectative. Pouvez-vous nous garantir, Monsieur le ministre, la prolongation de ce dispositif pour 2001 ?

Les députés communistes s'abstiendront (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Dominique Paillé - J'ai écouté avec intérêt M. Tourret, même si je ne partage pas sa conclusion. Monsieur le ministre, nous entretenons de bons rapports depuis de nombreuses années et votre nomination m'avait donné l'espoir que vous alliez entreprendre une réforme de la fonction publique, à laquelle je suis fier d'appartenir. Je dois constater qu'il n'en est rien. Vous avez pourtant réaffirmé votre volonté réformatrice, créé un observatoire de la fonction publique et annoncé plusieurs mesures qui pourraient faire l'objet d'un large consensus, comme doter chaque ministère, à partir de 2002, d'un système de gestion prévisionnelle des effectifs ou généraliser le contrôle de gestion dans les administrations à partir de 2003.

Au lieu de geler les effectifs en attendant de disposer de ces outils de gestion, vous vous lancez dans une politique de recrutement, créant 11 000 emplois nets.

En procédant ainsi, vous portez atteinte à votre crédibilité. Celui qui veut réformer doit d'abord disposer d'éléments d'analyse. Et ses décisions devraient être soumises au Parlement. La situation est très différente. La Cour des comptes n'a-t-elle pas estimé qu'à 300 000 postes près, la représentation nationale était parfaitement informée de l'état des effectifs ? En matière de rémunération, la transparence devient une obligation.

Votre attitude porte préjudice à la fonction publique elle-même : plus vous tarderez à la réformer, plus il sera difficile de le faire.

Nos concitoyens s'impatientent. Vous avez la mission de prouver aux Français que la fonction publique joue un grand rôle dans leur bien-être. Tous n'en sont pas conscients. Ils savent que tout recrutement se traduit par des hausses d'impôts et souhaitent des gains de productivité. S'ils souhaitent des infirmières supplémentaires, ils ne veulent pas entretenir des bataillons pléthoriques aux finances.

Votre politique porte préjudice aux fonctionnaires eux-mêmes. Les 35 heures vont s'appliquer dans la fonction publique. Comment les financer, si ce n'est au détriment des rémunérations et des carrières ? La crise des vocations dans la haute fonction publique devrait vous alarmer.

Monsieur le ministre, dans La Croix du 7 novembre, un journaliste vous interroge sur l'évolution des effectifs dans les ministères régaliens « Je ne gère pas ces personnels, répondez-vous, mais j'insuffle un état d'esprit. Dans le passé, le ministre de la fonction publique n'avait qu'un rôle incantatoire. J'ai le sentiment qu'il peut aujourd'hui rendre la gestion du personnel plus dynamique ». Ce budget ne reflète guère cette ambition. Il reste dans la plus pure tradition comportementale de la gauche. Sans doute vous a-t-il fallu céder à vos amis et à vos alliés. Je regrette que vous ne vous soyez pas davantage exprimé.

Ce budget pour 2001 vous offrait l'occasion unique d'engager la réforme en profondeur et la modernisation de la fonction publique. Vous ne vous êtes pas engagé dans cette voie, et votre budget reste éloigné des aspirations des Français. Or je crains que celui de 2002 ne soit pire, car ce sera le budget d'une année électorale : il sera donc, au mieux, celui de l'immobilisme, et au pire celui des largesses aveugles...

Ainsi 2001 aura été une occasion manquée, et de ce fait c'est toute cette législature qui aura été pour la fonction publique une formidable frustration... Pour toutes ces raisons, malgré les espoirs que vous avez portés, nous ne voterons pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jean-Yves Caullet - La précédente intervention montre combien les enjeux de la fonction publique peuvent prendre un tour idéologique, sous un ton patelin et « objectif » qui ne masque pas le fait que certains abordent ce dossier dans une optique très électorale... (Rires et exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ce budget est l'occasion d'envisager l'ensemble de la fonction publique et la dépense publique qui lui est consacrée. Cette année plus particulièrement, en raison des orientations fixées par le Gouvernement pour une gestion dynamique et à terme des fonctions publiques, nous devons réfléchir aux enjeux de ce débat. Car la fonction publique, ce n'est pas seulement un budget, ce sont des services qui doivent être rendus à non concitoyens. Or les besoins de ces dernières évoluent, tout comme les moyens techniques ou législatifs qui permettent d'y répondre. La fonction publique doit donc s'adapter, non pour des raisons comptables, mais pour répondre efficacement aux besoins. Tout ceci doit se faire dans le respect des personnels, mais de façon dynamique.

Votre budget s'inscrit dans cette perspective. En effet, pour relever ce défi, il faut d'abord connaître et prévoir : ce que fait le Gouvernement , notamment grâce à l'Observatoire de la fonction publique. Il faut ensuite savoir adapter, former, recruter. Le budget répond à cette exigence en insistant sur la formation des personnels, et notamment sur la formation initiale des personnels recrutés par les IRA.

Il faut enfin moderniser, et je sais que c'est votre souci, Monsieur le ministre. Je souligne l'apport qui peut-être celui des technologies de l'information et de la communication. -que je refuse de continuer à appeler « nouvelles »- pour aider tous les services publics à mieux répondre aux besoins, et permettre des redéploiements.

Il n'y a pas lieu d'appeler à un Grand Soir, à une réforme tellurique de la fonction publique : il faut s'inscrire dans la durée, la prévision, l'adaptation. C'est ce que fait le Gouvernement. Après la mise en place de l'Observatoire, ce sera la réduction du temps de travail -qui sera, dans la fonction publique comme ailleurs, l'occasion de repenser l'organisation des services-, et la négociation sur la rémunération des fonctionnaires, sur laquelle j'appelle l'attention du point de vue de la justice. Notre collègue Tourret, avec une vigueur peut-être excessive, a souligné l'existence de situation très diverses. On ne peut en effet parler de « la » rémunération des fonctionnaires, qui ont des niveaux de vie très différents. Outre leur traitement, ils perçoivent des compléments, comme le complément familial, calculé en fonction de l'indice alors que le besoin qu'ils en ont devrait être évalué en fonction de leur pouvoir d'achat.

Par ailleurs la lutte contre la précarité dans la fonction publique est en marche, et le Sénat va être saisi du texte. La modernisation des recrutements est essentielle pour répondre au besoin d'adaptation : il faut prendre en compte de nouvelles compétences, de nouvelles expériences. Ce sont là des priorités de long terme, à conjuguer dans une approche cohérente. Votre budget reflète cette cohérence, et, avec le groupe socialiste, je le voterai.

M. Georges Tron - Si j'avais été tenté de prendre un ton « patelin », j'aurais maintenant des raisons d'en changer... Le groupe RPR est stupéfait devant ce budget. Son examen permet de faire le point sur la politique de la fonction publique en France, et je veux exprimer à ce sujet nos préoccupations.

Tout d'abord, je vous remercie d'avance, Monsieur le ministre, de ne pas tomber -même si vous le faites fréquemment lors des questions d'actualité- dans la caricature qui prétendrait que mes propos tendent à culpabiliser les fonctionnaires. Mais ce budget s'inscrit dans une situation économique générale dont il n'a pas encore été dit un mot dans ce débat. Quelle est cette situation ? Tout d'abord la France est, parmi tous les pays comparables, celui qui a la fonction publique la plus développée, avec près de 25 % de la population active, contre 13,2 % pour la moyenne du G7. Devant cette réalité, je ne porte pas de jugement de valeur, mais il y a plusieurs façons d'aborder le dossier : on peut continuer systématiquement à recruter, mais on peut aussi chercher comment améliorer la qualité des services rendus et comment moderniser.

Second aspect de la situation : la France est, parmi les pays comparables, celui où le taux de prélèvements obligatoires est le plus lourd, et celui qui a le plus fort déficit. Il est donc légitime de se demander s'il ne faudrait pas définir une vraie politique de la fonction publique, sans tomber dans l'embauche systématique, non plus que dans le discours -tout aussi irréfléchi, et dont vous remarquerez que je m'abstiens- qui réclame moins de fonctionnaires pour le principe.

Cette situation, je constate que le Gouvernement n'en prends pas acte. Le présent projet de loi de finances prévoit la création de quelque 20 000 emplois, dont plus de 11 000 emplois nouveaux, 90 % de ces créations nettes étant affectées à quatre budgets : l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur, la justice et l'intérieur. Ces 20 000 emplois créés contrastent avec le discours du Gouvernement sur la maîtrise de la dépense publique. D'un côté M. Fabius annonce un plan 2002-2004 de maîtrise des dépenses, et se dit déterminé à tenir dans ce domaine des positions raisonnables. De l'autre, ce budget crée 20 000 emplois...

Comment expliquer cette attitude de votre part, Monsieur le ministre ? Dans un article du 24 août, vous faisiez l'apologie de la gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, ce qui vous a conduit à installer le 19 septembre l'Observatoire de l'emploi public. Il s'agissait de préciser les effectifs de l'administration pour savoir ensuite quelles mesures prendre en matière de recrutement, de formation et de mobilité interne. Il y avait dans tout cela une logique. Mais à peine l'Observatoire est-il installé qu'on ne contrôle plus rien ! M. Lang annonce tout de go la création de 32 000 emplois entre 2001 et 2004, dont 17 000 créations nettes. D'un côté, votre discours prône la transparence et la mise en ordre ; de l'autre, cela part dans tous les sens...

De même, on entend sur les emplois-jeunes des propos fort divers. Il en va des emplois-jeunes comme des fonctionnaires : il ne s'agit pas d'être pour ou contre, mais de savoir ce qu'on veut. M. Lang a dit qu'il souhaitait pérenniser les 65 000 emplois-jeunes de l'Education nationale. Mais dans Le Monde d'hier, M. Fabius rappelle qu'il n'a jamais été prévu que les emplois jeunes deviennent des emplois permanents de fonctionnaires. Il ajoute que, puisque l'emploi s'améliore, il existe davantage d'opportunités pour les jeunes de s'intégrer au monde de l'économie. Ainsi donc, il y a d'un côté les bonnes intentions, et de l'autre votre propension naturelle à embaucher pour embaucher, non sans arrière-pensées électorales...

Un mot sur la loi de résorption de la précarité. Ici encore on peut adhérer à vos intentions, mais si elles sont aussi contournées que dans les domaines que j'ai déjà évoqués, il n'en résultera pas grand-chose. L'exposé des motifs du projet de loi admet d'ailleurs lui-même qu'on n'a guère progressé sur ce problème entre 1997 et 1999.

Deuxième grand sujet, après les recrutements : la politique salariale dans la fonction publique. Elle fera fatalement les frais des orientations que j'ai évoquées. Dans cinq jours vous entamez la négociation salariale. Dès lors, quel sens a notre débat ? En effet, si vous avez quelque chose à annoncer, n'aurait-il pas fallu le faire aujourd'hui ? Ce serait se moquer du Parlement, le priver du bénéfice de la transparence que vous prônez par ailleurs, que de dépasser, à l'issue des négociations qui commenceront le 21, plus que les 3 milliards inscrits pour la revalorisation de 0,5 %. A moins que vous n'ayez décidé de vous en tenir à ce volant, auquel cas ce seraient les fonctionnaires que vous tromperiez...

On ne peut contester que les 35 heures pèsent lourdement sur la fonction publique et sur le débat salarial. On sait dans quelles conditions cette réforme a été imposée au secteur privé : avez-vous dans votre département la même conception de la « modération salariale » et comptez-vous proposer aux fonctionnaires un échange : emplois contre salaires ? Ou vos orientations sont-elles autres que ce qu'en disent les journaux ?

Enfin 600 000 fonctionnaires vont partir à la retraite d'ici à 2010, après avoir cotisé moins longtemps que les salariés du privé -37 ans et demi en général. Les carrières publiques ont même tendance à se raccourcir puisqu'en 1999, 54 % de ces retraités n'atteignaient pas cette durée de cotisation, en raison de certaines limites d'âge imposées. Comment comptez-vous traiter ce dossier épineux ?

Comme l'a relevé M. Tourret, vous n'avez exploité ni le rapport de la Cour des comptes ni celui du Commissariat général au plan, qui posait nettement que la fonction publique n'avait pas besoin d'embaucher. Ce budget sera donc celui des occasions perdues : vous ne serez pas surpris que le groupe RPR ne le vote pas !

M. Dominique Bussereau - Je veux d'abord rendre hommage à notre rapporteur de la commission des lois pour avoir évité la langue de bois, travers auquel nous sommes trop nombreux à avoir cédé, y compris moi, par discipline politique, lorsque j'occupais sa fonction.

Voici donc un budget « nouvelle formule » et comment ne pas se réjouir qu'on ait rompu, comme nous ne cessions de le demander, avec une présentation limitée aux emplois budgétaires, ne retraçant donc pas l'évolution globale des effectifs financés par l'Etat ? Pour la première fois, nous disposons d'un tableau précisant l'évolution des effectifs nouveaux autorisés, tant dans les services de l'Etat que dans des établissements publics.

Cependant, si l'effort est louable, je ne suis pas certain que nous soyons en mesure de cerner certaines pratiques dénoncées en janvier par la Cour des comptes : ouvertures d'emplois croisées entre ministères, transferts en cours d'année, mises à disposition, détachements... Il reste donc encore beaucoup à faire pour atteindre à une transparence totale !

Je relève toutefois un frémissement, une certaine volonté de changement. Reprenant le bâton de pèlerin de vos prédécesseurs, vous vous lancez à votre tour dans l'aventure qu'est la réforme de l'Etat : vaste programme ! Malheureusement, il n'est pas certain que ce budget soit à la hauteur : rendre l'administration plus attractive, y introduire plus de souplesse et, surtout, mettre en place une véritable gestion des emplois, tout cela exigerait un autre projet. Il est clair que vous avez renoncé au gel des effectifs, pratiquant plutôt l'expansionnisme, et que vous ne vous dotez pas des moyens de gérer les départs à la retraite, d'anticiper l'application des 35 heures ni de valoriser la haute fonction publique. L'évolution des salaires, quant à elle, réduit à néant toute velléité de maîtrise des dépenses publiques, au grand dam de Bercy qui ne sortira sans doute pas vainqueur du bras-de-fer que vous engagez avec lui -élections obligent !

Vous n'aurez donc pas longtemps résisté à la tentation du « toujours plus » de fonctionnaires. Vous balayez l'objectif de stabilisation proclamé en 1997, créant 11 237 emplois, prévoyant 4 020 titularisations pour les lauréats des concours ouverts au titre de la résorption de la précarité et l'inscription à moyens constants de 5 463 emplois en vue de consolider les surnombres liés à l'effet différé des taux de réussite aux concours. Ce sont donc plus de 20 000 fonctionnaires que nous compterons en 2001, ce qui accroîtra de 2,2 % les dépenses de fonctionnement -pendant que les dépenses d'investissement reculeront de 3,5 % ! Vous ignorez donc les conclusions du Commissariat général au plan qui, en mars, contestait l'opportunité d'une hausse des effectifs, sachant qu'une simple stabilisation entraînait déjà un surcoût de 115 milliards. Vous affichez même un accroissement inégalé depuis le gouvernement Rocard -auquel vous apparteniez ! Et vous vous gardez bien de rappeler que la France est le plus mauvais élève de l'OCDE (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) : entre 1988 et 1998, pendant que le Canada, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne réduisaient leurs effectifs de 10 à 20 % et la Suède de 42 %, ceux de la France ont augmenté de 10 % pour atteindre 25 % de la population active -et absorber près de 44 % du budget !

Encore n'y a-t-il pas que ce problème d'effectifs : il y a aussi celui des salaires. En 1998, votre prédécesseur avait arraché la paix sociale par un accord prévoyant une augmentation de 1,3 % sur deux ans. Aujourd'hui, avec une inflation plus faible que prévue, les agents de l'Etat ont engrangé 1,1 % d'augmentation.

Par ailleurs, pour ne pas parler des primes non imposables et du cumul d'emplois, comment ne pas s'étonner que certains retraités de la fonction publique partent prendre leur retraite dans les DOM, où ils n'ont jamais servi, afin de bénéficier d'une surrémunération ? Le trésorier général de Nouvelle-Calédonie nous a indiqué à M. Dosière et à moi-même que beaucoup s'installaient ainsi à Nouméa... M. Paul, que j'ai interrogé à ce sujet, n'a pas pris position sur cette dérive...

Un point d'augmentation des traitements de la fonction publique entraîne une dépense supplémentaire de 6,7 milliards. Bercy ne vous accordant que 3,2 milliards, comment allez-vous financer vos projets ? Les arbitrages risquent d'être fort tendus... D'autre part, les trois quarts des fonctionnaires devront partir à la retraite d'ici à 2040, où trouver les 255 à 280 milliards nécessaires ? Comment concevez-vous les redéploiements à organiser ? Allez-vous augmenter les effectifs poste par poste ou allez-vous procéder à une véritable réorganisation ?

Enfin, la haute fonction publique est en crise. Ses effectifs ont massivement diminué ces vingt dernières années, de 72 à 60 % du total, cependant que la part des disponibilités ou des départs vers le secteur privé passait de 6 à 15 % entre 1982 et 1998. L'Etat se révèle incapable de gérer les carrières des intéressés, qui se plaignent d'un écart de rémunération avec le privé allant jusqu'à 40 %, de l'absence de mobilité, de responsabilité et d'objectifs clairs -et ils ont raison. Je suis par ailleurs choqué que la nouvelle directrice de l'ENA se prépare à être candidate aux élections municipales à Paris : le fait est sans précédent et vous aurez l'occasion d'en entendre reparler le mardi ou le mercredi ! -cela sans mettre en cause les qualités de cette dame...

M. le Rapporteur pour avis - Elle est charmante !

M. Dominique Bussereau - Quelles réponses allez-vous apporter à ce malaise de la haute fonction publique ?

Je ne mets pas en question votre talent, qui est grand, Monsieur le ministre, mais je pense vous avoir fourni suffisamment de raisons pour justifier le rejet de ce budget par le groupe Démocratie libérale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Bernard Birsinger - Je souhaite évoquer la question des salaires dans les fonctions publiques. Depuis onze mois, aucune revalorisation n'est intervenue, au point que le traitement brut minimum vient de passer au-dessous du SMIC. Cette situation ne peut durer. Sont concernés par la revalorisation du point 5,1 millions d'actifs, mais aussi 4 millions de retraités. Si la gauche plurielle veut promouvoir une croissance partagée, elle doit apporter des réponses claires sur les rémunérations comme sur les emplois. J'espère que les négociations qui vont s'ouvrir la semaine prochaine déboucheront vite sur des accords.

C'est l'avenir des services publics à la française qui est en jeu. Alors qu'ils constituent un des vecteurs du progrès social dans notre pays, nous constatons une détérioration de leur efficacité. Nos collègues de droite y ont une large part de responsabilité car ils ont bloqué les augmentations de salaires en 1996 et supprimé des milliers d'emplois.

Ainsi, Monsieur le ministre, trouvez-vous normal qu'un agent technique, après trente années de service, touche 6 400 francs net par mois ? Au-delà de l'importante question du pouvoir d'achat, il en va aussi de la reconnaissance sociale du travail de ces personnes. Leur fierté en prend un coup et la frustration s'accroît. Cette évolution érode les bases mêmes de notre pacte social. C'est pourquoi il convient de décider au plus vite une nette augmentation des rémunérations des employés des fonctions publiques. Je rappelle que, sur les trois dernières années, le PIB a progressé de 9,5 %. La même remarque vaut pour les cadres. Pour prendre l'exemple de la fonction publique territoriale, je suis très inquiet de la différence des salaires entre le public et le privé, à compétence égale. Dans une commune qui m'est proche, un cadre touchant 15 000 francs, rémunération très correcte dans une municipalité, s'est vu offrir par une entreprise privée un salaire de 35 000 francs. Comment alors empêcher la fuite vers le privé des compétences dont les collectivités ont besoin pour un service public de qualité ?

Je trouve inquiétante la part croissante des primes dans les rémunérations des agents publics : 11,8 % du traitement en 1982, 18 % aujourd'hui. Dans la fonction publique hospitalière, cette part atteint même 30 %, voire 40 % pour les aides-soignants ! Outre qu'elles ne sont pas prises en compte pour le calcul des retraites, ces primes ont un caractère très inégalitaire -je pense à l'injuste indemnité d'exercice de missions des préfectures.

Il faut donc engager une véritable politique de revalorisation des salaires et en donner les moyens aux collectivités territoriales.

Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre volonté d'avancer sur toute une série de points : installation d'un observatoire de l'emploi public, plan de résorption de la précarité, création de nouveaux emplois. Mais cela est indissociable d'un effort sur les salaires et la formation.

Parce que sur ces questions, le budget n'apporte pas de réponse satisfaisante, les députés communistes ne le voteront pas (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. François Baroin - M. Bussereau a rappelé une évidence : même s'il y a plus de soleil à Nouméa qu'à Troyes, ce sont surtout les avantages fiscaux qui poussent les fonctionnaires vers la Nouvelle-Calédonie.

La question centrale de l'action gouvernementale est la suivante : y a-t-il dans ce pays une véritable volonté politique de réformer la fonction publique et l'Etat ? On peut s'abriter derrière Bercy -M. Fabius, lui aussi, a des états d'âme et s'épanche dans la presse. On peut aussi considérer, comme M. Jack Lang, qu'un bon budget est celui où les crédits et les effectifs augmentent -je pense le contraire et je suis convaincu que vous le pensez aussi dans votre for intérieur, Monsieur le ministre. Un bon budget, pour moi, est celui qui offre aux fonctionnaires des perspectives d'évolution, une adaptation, la lutte contre la précarité, mais surtout une âme, une vision et ce budget n'en a pas.

Or l'avenir de la fonction publique conditionne pour une large part l'adaptation de notre pays aux grands défis qui nous attendent. Il faut sortir des clichés du « toujours plus » ou « toujours moins » de fonctionnaires pour aborder avec sérieux la question au fond : un meilleur traitement des fonctionnaires à tous les égards est une condition de l'efficacité des agents publics.

Or les dépenses liées à la fonction publique continuent d'augmenter pour atteindre 675 milliards de francs, soit 40 % du budget de l'Etat, alors que de nombreuses études, notamment le rapport de la Cour des comptes, soulignent le manque de clarté concernant les effectifs : l'Etat n'est même pas capable de dire combien de personnes travaillent pour lui ! Comment, dans ces conditions, pratiquer une gestion des ressources humaines offrant des perspectives d'épanouissement à ceux qui ont choisi de servir l'intérêt général ? Cette léthargie démotive la plupart des agents publics. Les membres des grands corps sont attirés par le privé et on attend toujours la réforme du statut de la fonction publique.

Pourtant une autre politique serait possible. D'ici à 2010, 50 % des agents de l'Etat cesseront leurs fonctions et en 2020 80 % des cadres actuels de la fonction publique territoriale seront à la retraite. C'est l'occasion d'introduire de nouvelles pratiques et de revaloriser les conditions de travail. Beaucoup de fonctionnaires ne supportent plus le caporalisme, ni l'immobilisme par rapport à l'innovation technique ou sociale, ni l'absence de courage qui fait qu'on maintient des strates devenues inutiles et pourtant très coûteuses. Votre budget ne propose pas de réforme à cette opacité et à cette absence de dynamisme.

Les 35 heures vont coûter 100 milliards de francs par an : était-ce vraiment la priorité ? Nous ne ferons pas l'économie d'une politique volontariste de revalorisation de la fonction publique : non pas plus d'Etat, mais mieux d'Etat. Il ne sert à rien de continuer à saupoudrer les crédits : on le voit bien avec l'Education nationale, dont les crédits ne cessent d'augmenter sans que les problèmes soient résolus. Plusieurs membres de votre majorité ont d'ailleurs reconnu que l'Education nationale devrait pouvoir faire face à ses défis à effectifs constants : ce matin, à la radio, la secrétaire d'Etat au budget était bien en peine d'expliquer pourquoi il fallait créer 17 000 emplois sur trois ans alors que le nombre d'enfants et d'étudiants décroît. Ce hiatus va poser problème.

La réforme de l'Etat n'est pas la priorité de ce Gouvernement, la gestion des effectifs est indigente, les recrutements à l'identique sont une aberration. Peut-être aurez-vous un jour, Monsieur le ministre, le courage de faire face à ces défis.

En attendant, je m'associerai à ceux qui contestent ce budget (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat - Tout ministre de la fonction publique est placé devant une contradiction : il défend devant vous le plus petit budget -1,422 milliard- et il est interrogé sur le plus gros budget qui soit -724 milliards , soit 42 % du budget de l'Etat. C'est dire la modestie dont doit faire preuve ce ministre s'agissant de ses crédits et, en même temps, la volonté de répondre politiquement sur des sujets beaucoup plus vastes.

Je vous remercie de vos interventions et je suis sensible aux compliments et aux critiques, d'où qu'ils viennent.

Sans revenir sur les chiffres du budget, j'observe simplement que le critère habituel -qui n'est pas le seul bon critère- du taux d'augmentation des crédits et des emplois le place, avec une hausse de 8 % pour les premiers et de 5 % pour les seconds, parmi les premiers. S'agissant du contenu, ce budget est construit autour de deux grandes priorités. Il s'agit tout d'abord de l'action sociale interministérielle, avec une forte progression des crédits destinés au logement, qui représente souvent une difficulté pour les jeunes fonctionnaires, et aux crèches, ce qui répond à la question fondamentale de la place des femmes dans la fonction publique.

Mme Nicole Bricq - Très bien !

M. le Ministre - La second priorité est la formation, dont les crédits connaissent la plus forte progression, avec une hausse de 35 %. Elle sera centrée sur l'utilisation des techniques de l'information et de la communication et sur l'analyse qualitative de la gestion et des résultats, qu'il importe de développer à tous les niveaux de notre fonction publique.

Je tiens également beaucoup au fonds pour la réforme de l'Etat. C'est pourquoi il est doté à hauteur de 109 millions de francs, même si tous ses crédits n'ont pas été utilisés cette année : il doit contribuer notamment au fonctionnement des maisons de service public et des services d'information territoriaux comme l'intranet installé au niveau départemental. Voilà pour les crédits.

Sur la fonction publique, dont le poids dans le budget de l'Etat dépasse 42 %, je répondrai d'abord sur les effectifs. Leur diminution ne saurait être synonyme de réforme, bien que je l'entende encore dire trop souvent. Non, la clef de la réforme de l'Etat n'est pas là.

Si l'Education nationale a besoin de davantage de fonctionnaires pour maintenir ou améliorer la qualité de l'enseignement, y compris, Monsieur Baroin, dans les campagnes profondes de l'Aube, il faut embaucher ! S'il y a besoin, pour assurer la sécurité de nos concitoyens, de plus de policiers, il faut embaucher ! S'il faut plus de magistrats et de greffiers pour faire fonctionner la justice, il faut les recruter ! Mais pas plus que leur diminution l'augmentation des effectifs n'est un objectif en soi. Il faut simplement qu'il y ait le bon nombre de fonctionnaires au bon endroit, il faut surtout qu'il y en ait un nombre suffisant pour demain. Au ministre de la fonction publique qui me succédera dans cinq ans ...

M. François Baroin - Dans un an !

M. le Ministre - ...vous ne demanderez plus s'il y a trop ou pas assez de fonctionnaires, mais comment sont compensés les départs à la retraite !

Le ministère de l'éducation nationale se prépare déjà, et il le faut puisque sur certains postes, jusqu'à 50 % des titulaires partiront à la retraite dans les prochaines années, et qu'il faut plusieurs années, jusqu'à sept pour les professeurs d'université, pour former leurs successeurs ! Il faut donc bien prendre dès maintenant les décisions permettant de faire face à ces grands enjeux.

M. Georges Tron - A quoi sert l'Observatoire de l'emploi public ?

M. le Ministre - Il doit permettre de répondre à la lancinante question du nombre précis de ceux qui travaillent pour l'Etat, que vous ignoriez lorsque vous étiez au Gouvernement et que j'ignore aussi aujourd'hui, ce qui n'est pas normal ! Je souhaite donc qu'on puisse dénombrer les agents de l'Etat, des collectivités locales et des hôpitaux, ce qui nous permettra de mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs. Certes, cette réforme n'est pas spectaculaire. Mais c'est en dotant chaque ministère d'un système rigoureux que nous pourrons satisfaire les besoins de demain. L'action du Gouvernement dans ce domaine, à l'exemple de ce que vient de faire le ministère de l'éducation nationale, est donc décisive. Lors du dernier comité interministériel pour la réforme de l'Etat, le Gouvernement a décidé que dans le projet de loi de finances pour 2003, les créations d'emplois seraient estimées non à partir de l'année précédente, mais en fonction du nombre de recrutements nécessaires.

M. Georges Tron - Voilà !

M. le Ministre - Ceci permettra de recruter qui il faut, là où il le faut.

Depuis des années, la Cour des comptes -et votre rapporteur s'y est associé aujourd'hui-, demande avec raison, que soit assurée la transparence des rémunérations accessoires, c'est-à-dire des primes. Des mesures ont été prises en ce sens à la fin de l'année dernière, afin qu'elles soient désormais versées sur la base de dispositions précises concernant leurs bénéficiaires, leur taux et leurs conditions d'obtention.

Mme Nicole Bricq - C'est un progrès !

M. le Ministre - Je cosigne, depuis mon arrivée, tous les textes de cette nature, et puis vous assurer qu'ils sont nombreux. Le progrès est donc considérable, et je ferai en sorte que le ministère des finances publie ces dispositions, pour ce qui le concerne, d'ici la fin de l'année. Progressons sans relâche, et la transparence sera bientôt établie, de même que pour les rémunérations des membres des cabinets ministériels, qui faisaient jusqu'à présent l'objet d'une enveloppe globale.

Enfin, je vous invite, Monsieur le rapporteur Alain Tourret, à poser directement au Premier ministre la question de l'emploi des fonds secrets, à laquelle je ne puis répondre.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis - La question est posée.

M. le Ministre - En ce qui concerne les rémunérations, il est difficile de donner des précisions alors que les négociations vont seulement s'engager. Je porte un respect absolu à la représentation nationale, mais je dois le même aux organisations syndicales.

M. Georges Tron - Ce n'est pas la question. Où est l'argent ?

M. le Ministre - Je peux vous exposer toutefois l'état d'esprit qui sera le nôtre. L'accord pour 1998 et 1999 s'est révélé, grâce à la baisse de l'inflation, meilleur que prévu. Le pouvoir d'achat a augmenté entre 1997 et 1999. Toutefois, des questions doivent être résolues.

Les fonctionnaires attachent normalement la plus grande importance à la question salariale, qui est toujours au c_ur du dialogue social et les employeurs, j'en suis un, doivent porter la plus grande considération à ces revendications. Toutefois, il faut bien garder à l'esprit que lorsqu'il s'agit de 700 milliards, toute augmentation a des effets considérables. Aucun ministre ne peut s'abstraire de cette réalité et négliger les exigences des équilibres budgétaires et de la réduction des déficits.

M. Georges Tron - Qui ne diminuent pas.

M. le Ministre - Qui diminuent avec une régularité absolue qui permettra à la France de tenir ses engagements et de n'avoir de leçons à recevoir de personne.

Je souhaite donc que les négociations se déroulent de la façon la plus directe, car nous avons beaucoup à nous dire, et dans une ferme volonté de les réussir afin que chacun, responsable du budget ou fonctionnaire, puisse savoir ce qui se passera dans les années à venir.

J'en viens aux 35 heures. Va-t-on laisser toute une catégorie de Français à l'écart de ce que nous considérons comme une profonde réforme, au-delà même de l'organisation du travail, de l'ensemble de la société ? Non, évidemment. L'ensemble des fonctions publiques sera passé aux 35 heures au 1er janvier 2002, comme dans les entreprises. La démarche est résumée dans un opuscule qui a été adressé aux membres de la commission des lois mais que je pourrais communiquer à tous ceux qui m'en feront la demande. L'avantage social pour les personnes doit se traduire par une amélioration du service rendu aux usagers qui ne doivent en aucun cas en pâtir, dans un contexte de stabilité des effectifs. Ce sera difficile mais nous y arriverons.

Je suis très sensible aussi à la place des femmes dans la haute fonction publique. Nous en reparlerons d'ailleurs à l'occasion de l'examen de la proposition de loi Génisson qui va revenir devant vous. Les chiffres sont choquants. L'armée mis à part, il y a 56 % de femmes dans la fonction publique et 13 % seulement dans les postes de direction déconcentrés. Comment remédier à cela ? Pas en changeant le droit qui, lui, est strictement égalitaire, mais en essayant de modifier les comportements et surtout le recrutement : en effet, le décalage se crée dès l'origine. Les grandes écoles auront un rôle à jouer.

En ce qui concerne les handicapés, je trouve parfaitement anormal que l'objectif de 6 %, commun aux entreprises, ne soit pas respecté dans la fonction publique. Nous devons élaborer un accord avec les organisations syndicales. Cela ne sera pas possible dans tous les métiers : la présence de personnes handicapées dans les professeurs ou la police pose des problèmes réels. Mais il faut y réfléchir.

Enfin, je réaffirme l'importance que j'attache à la réforme de l'Etat. A force d'en entendre parler, certes, le scepticisme gagne. Mais je crois à la place de l'Etat et de l'intérêt général dans la société. Je sais aussi que si certaines fonctions sont permanentes, comme la sécurité ou l'éducation, certaines missions deviennent moins importantes aujourd'hui qu'hier ou au contraire se font jour, comme la sécurité environnementale ou alimentaire. Cela implique une grande souplesse de l'administration ainsi qu'une certaine autonomie financière. C'est pourquoi, j'ai proposé de réformer l'ordonnance de 1959 pour revaloriser le rôle du Parlement.

Mme Nicole Bricq - C'est fondamental !

M. le Ministre - Cette réforme aura des conséquences considérables. La manière dont vous votez le budget influe directement sur la façon dont nous le dépensons. Il faut enfin donner à l'administration les moyens de mieux faire valoir les qualités individuelles. Ce sera sans doute une façon de donner aux jeunes l'envie de servir l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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QUESTIONS

Mme Nicole Bricq - Je voudrais d'abord remercier le ministre d'avoir évoqué la réforme de l'ordonnance de 1959. Elle permettra de rendre l'ensemble des postes et emplois de l'administration beaucoup plus lisibles. Si nous y parvenons, cela aura été une véritable révolution silencieuse dans les m_urs et pratiques de l'Etat.

Ma question porte sur les inégalités tant géographiques que sociales que l'on constate dans les indemnités de résidence des fonctionnaires. En Ile-de-France, les inégalités d'éloignement recoupent souvent les inégalités sociales. L'article 9 du décret du 24 octobre 1985, qui fixe les principes de l'indemnité de résidence, détermine des zones territoriales d'abattement de salaire. Paris et les départements les plus proches sont dans la zone zéro, qui a l'indemnité la plus importante. Meaux est la seule ville d'Ile-de-France à être classée dans la zone 2. Le recensement de 1999 sera-t-il pris en compte pour mettre fin à cette aberration ?

L'indemnité évolue par ailleurs de façon parallèle au niveau indiciaire. M. Laullet a relevé qu'il en allait de même pour le complément familial. Il faut repenser le décret pour mettre fin à ces inégalités.

M. le Ministre - C'est en effet un classement en trois zones qui détermine le niveau des indemnités. Il a été établi après la guerre pour tenir compte du surcoût du logement lié aux dégâts subis. Fruit de l'histoire, il ne retrace en rien les différentiels de coûts d'aujourd'hui. La répartition évolue en fonction des regroupements en agglomération opérés par l'INSEE à chaque recensement. C'est ainsi qu'à la suite du dernier recensement, des reclassements sont à l'étude pour tenir compte de la réalité des situations. J'ai conscience que les mesures prises jusqu'alors sont insuffisantes et mes services travaillent à moderniser le dispositif.

M. Michel Tamaya - Monsieur le ministre, la situation du personnel communal devient préoccupante dans les DOM, où un grand nombre d'agents des collectivités locales ne sont pas des titulaires de la fonction publique territoriale. On en compte 13 000 à la Réunion, où le climat social devient tendu.

J'ai déjà évoqué cette question avec M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Une commission va étudier ce problème. N'êtes-vous pas convaincu de la nécessité d'aligner les statuts des DOM sur ceux de la métropole ?

M. le Ministre - Ce problème n'est pas nouveau. Il ne tient pas à des questions de statut. Le plan de résorption de la précarité que je vais vous présenter dans quelques jours vous donnera la possibilité de titulariser ces personnels. Mais le problème est avant tout budgétaire, le différentiel de rémunération s'établissant à 53 %. Si la totalité du personnel contractuel était titularisée, cela coûterait 650 millions par an aux communes réunionnaises -plus que le montant annuel de la dotation globale de fonctionnement.

Vous avez fait allusion aux discussions auxquelles ont participé les secrétaires d'Etat à l'outre-mer successif, Jean-Jack Queyranne et Christian Paul. Je vous répondrai en leur nom. Le 23 octobre dernier, lors d'une conférence à la préfecture avec le secrétaire d'Etat, l'ensemble des maires de la Réunion se sont prononcés pour une démarche progressive, reposant sur un accord local conclu avec les organisations syndicales.

Quelle que soit l'opportunité de créer une commission, il faut assurer le suivi de ce protocole du 23 octobre. Je vous donne donc mon accord, ainsi que celui du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, pour que se réunissent chaque année à Paris, sur cette question, les parlementaires de la Réunion et le président de l'association des maires.

Mme Nicole Feidt - Pour se réformer, l'Etat doit d'abord s'appuyer sur ses agents. Ce sont eux qui vivent au quotidien les dysfonctionnements de l'administration.

Encore faut-il connaître le nombre de ces agents, leurs missions, leurs compétences. Si 45 % d'entre eux doivent effectivement partir à la retraite avant 2012, une réflexion doit s'engager rapidement. C'est d'ailleurs pour prévenir cette hémorragie que vous avez prévu dans ce budget la création de 11 000 emplois nouveaux. Il faut donc améliorer la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Décriée par certains, la création de l'observatoire de l'emploi public me semble une excellente initiative. Il ne faut plus qu'on puisse parler d'opacité en matière d'effectifs.

Les agents de l'Etat sont au service de l'intérêt général. Or, les besoins des usagers évoluent. Il faut être en mesure d'anticiper ces évolutions, car c'est souvent l'apparition de besoins imprévus qui sert à justifier le recours à l'emploi précaire.

La gestion prévisionnelle des effectifs est donc la clef de toute programmation. Elle permettrait en outre de progresser en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la mise en place d'un plan de gestion prévisionnelle dans chaque ministère avant 2002. Les agents seront-ils associés à son élaboration ? Et quelles mesures concrètes pouvons-nous attendre à court et à moyen terme ?

M. le Ministre - La gestion prévisionnelle est devenue un devoir et c'est pourquoi il était nécessaire de créer cet observatoire de l'emploi public. C'est un devoir, parce qu'elle nous permettra de résorber la précarité en mettant fin à toutes les bonnes raisons invoquées par les administrations pour faire appel à des personnels non titulaires. C'est aussi un devoir pour préparer l'avenir, c'est-à-dire le renouvellement des générations dans la fonction publique. Nous avons besoin de chiffres précis.

Chaque ministère est en train de mettre en place une cellule chargée de la gestion prévisionnelle des effectifs. L'Education nationale et l'Intérieur l'ont déjà fait. J'ai moi-même constitué un groupe de soutien. Les organisations syndicales, très attentives à cette réforme, siègent au groupe de travail paritaire mis en place au sein de mon ministère.

M. Robert Pandraud - Vous êtes le dixième ministre de la fonction publique que j'interroge et j'ai toujours l'impression de tirer sur le pianiste (Sourires).

M. le Ministre - Certains pianistes jouent mieux que d'autres.

M. Robert Pandraud - Pouvez-vous demander à l'observatoire que vous créez d'étudier le coût des concours de la fonction publique ? Les fonctionnaires passent un temps incalculable à corriger des copies, même pour des concours de catégorie C, et ce pendant leurs heures de service. Une meilleure organisation permettrait de dégager un volume horaire important.

D'autre part vous avez affirmé que nul ne pouvait s'opposer à la création de postes de magistrats. C'est vrai. Mais ne pourriez-vous demander une étude pour savoir combien d'heures de travail des magistrats sont consacrées à diverses commissions administratives, et non pas juridictionnelles, dans chaque département ? Dans le mien les magistrats font la grève de ce type de travail : cela n'empêche pas la terre de tourner... Ne pourrait-on remplacer les magistrats, dans ces activités, par des fonctionnaires en retraite, moyennant de petites vacations, pour que les juges puissent se consacrer à juger ?

Autre question : nous votons des créations d'emploi, soit. Mais il faut ensuite le temps d'obtenir le visa du contrôle financier, d'organiser les concours, de procéder aux affectations : nous travaillons en réalité pour dans deux ans. Et durant ce délai, souvent, les retraités ne sont pas remplacés, ce qui pose des problèmes et favorise le recours à l'emploi précaire. Peut-être faudrait-il un volant de crédits-élèves ou de crédits-concours qui permettrait d'ajuster les remplacements à la vie réelle.

J'ai appris par la presse que vous alliez accorder des bourses relativement importantes aux étudiants qui préparent l'ENA, et je m'en réjouis. Ce n'est d'ailleurs pas une innovation, puisque j'en ai moi-même bénéficié.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis - Ce dont nous nous félicitons.

M. Robert Pandraud - Mais on dit que ces bourses seraient réservées aux étudiants des Instituts d'étude politiques de province, et là je ne comprends plus. Le niveau de vie des étudiants d'Ile-de-France serait-il donc si élevé qu'ils n'aient pas besoin de bourses ? Et croyez-vous ainsi obtenir de meilleurs résultats en province ? En réalité, ce qui fait la force de l'Institut d'études politiques de Paris, c'est qu'il réunit des professeurs de l'enseignement supérieur et des hauts fonctionnaires. Ces derniers, vous les aurez très difficilement en province, où ils sont très occupés soit par leur travail, soit par des manifestations mondaines, et moins disposés à enseigner que les membres des grands corps. Je crains donc que vous développiez une inégalité au détriment de la région parisienne, qui a bien des problèmes, et cela pour un résultat douteux.

Enfin, dans l'optique de la réforme de l'Etat, quand allez-vous supprimer le Commissariat général au Plan ? Cette survivance de la période de reconstruction absorbe un certain nombre de hauts fonctionnaires, pour ce résultat prodigieux : on paie très cher des fonctionnaires pour critiquer publiquement l'action de tous les gouvernements...

M. le Rapporteur pour avis - C'est cela, la perestroïka !

M. Robert Pandraud - Cet organe a rendu de grands services après la Libération, mais il est aujourd'hui obsolète.

M. le Ministre - Sur vos deux premières questions, vous dites vous-même que les heures de travail en question sont « incalculables », et je ne sais donc pas comment les calculer. Quant au Commissariat au plan, je ne veux pas priver l'opposition -celle-ci comme toute autre- de rapports qui lui permettent en toute objectivité de critiquer le Gouvernement- celui-ci comme tout autre...

J'en viens aux aides accordées aux candidats à l'ENA. Une ces critiques souvent faites à cette école, et confirmée par les statistiques, est qu'elle est principalement composée d'élèves issus de milieux parisiens et plutôt aisés. Tout ce qui permet à des enfants de milieux moins aisés ou plus provinciaux d'entrer à l'ENA va dans le bon sens. Il existe deux types d'aides. Ce sont d'abord des aides créées par l'ENA pour aider des étudiants boursiers à préparer le concours. Ces aides sont versées dans tous les centres de préparation, qu'ils soient à Paris ou en province. Vingt-quatre ont été attribuées en 1999, dont une à un étudiant de l'IEP de Paris. Un second ensemble de bourses est attribué par le ministère de l'éducation nationale, à des élèves ayant eu une mention bien ou très bien au baccalauréat, pour préparer l'ENA ou l'ENM. Elle sont réparties dans chaque académie par le recteur ; une convention ENA-Education nationale en a réservé un certain contingent pour les IEP de province, mais ce dispositif n'exclut pas les étudiants parisiens.

M. Robert Pandraud - Croyez-vous que tous les étudiants parisiens sont aisés et font du parisianisme ? Allez donc voir en banlieue...

Mme Nicole Bricq - C'est vrai.

M. le Président - L'horaire me permet de donner la parole à M. Tron pour une question non prévue.

M. Georges Tron - Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous confirmer que le mémorandum transmis par le Gouvernement, au début de l'année, aux autorités de Bruxelles comportait l'engagement de geler les embauches dans la fonction publique ? Il me semble que c'est peu après, en mars, que le Premier ministre a déclaré dans cet hémicycle que le gel de l'emploi public n'était pas un dogme intangible.

M. le Ministre - Votre question étant inopinée, je n'y répondrai pas de façon trop catégorique : il faudra vérifier. Mais il me semble que les engagements pris portent sur l'évolution globale des masses salariales consacrées à la rémunération des fonctionnaires, et ces engagements seront respectés. Quand on raisonne sur 724 milliards, la moitié du budget de l'Etat, il faut certes savoir maîtriser la dépense. Mais aucun engagement précis n'a été pris quant au nombre des emplois : cela relève de la souveraineté de chaque Etat.

M. Robert Gaïa - Ma question, à laquelle s'associe mon collègue Jacques Floch, porte sur un contentieux administratif qui dure depuis plus de cinquante-cinq ans...

Il s'agit des reconstitutions de carrières des fonctionnaires d'Afrique du Nord engagés dans les combats de la seconde guerre mondiale. L'ordonnance de 1945 les avait exclus de cette possibilité. Cet oubli fut en partie réparé par l'ordonnance du 7 janvier 1959, pour les seuls fonctionnaires de Tunisie. C'est le Gouvernement de Pierre Mauroy qui, en 1982, a rétabli le principe d'égalité en levant la forclusion pour un an et en étendant cette possibilité à tous les fonctionnaires d'Afrique du Nord. Ces mesures étant restées inappliquées, le législateur de 1987 a derechef ouvert un délai d'un an. Nous avons aujourd'hui la preuve que certains ministères, dont celui de la défense, n'ont pas informé leurs retraités de cette possibilité.

Il y a là un vrai dysfonctionnement et une véritable injustice. Ces hommes, fonctionnaires de l'Etat ou des collectivités territoriales avant 1940, n'ont pas hésité à s'engager dans les campagnes de Tunisie, d'Italie, la libération de la Corse, les débarquements de Provence et de Normandie, enfin la libération de la France. Ils ont aujourd'hui au moins soixante-quinze ans, et il est regrettable que soixante ans après les événements, le droit à réparation et le devoir de mémoire ne puissent prévaloir sur des arguties administratives.

Pour ces raisons, Jacques Floch et moi avions déposé une proposition de loi, au nom du groupe socialiste, tendant à lever la forclusion. D'autres groupes ont fait de même, et, au nom du groupe socialiste du Sénat, le sénateur Picheral. Un conseiller du Premier ministre nous a répondu, par courrier du 8 août, que ce délicat problème pourrait trouver sa solution dans le cadre de la procédure budgétaire. J'ai donc déposé avec Jacques Floch un amendement à votre budget, Monsieur le ministre, tendant à lever la forclusion. Il est tombé inéluctablement sous le couperet de l'article 40, mais dans notre naïveté -et ne nous enlevez pas notre naïveté, Monsieur le ministre, nous y tenons : elle se confond avec notre volonté de faire de la politique autrement... -nous pensions que le Gouvernement allait lever le gage ou reprendre l'amendement.

C'est ce qui s'est produit dans le budget des anciens combattants, pour une disposition levant une forclusion pour les combattants de nos anciennes colonies. Je ne veux pas opposer le ministre des anciens combattants, qui assurerait le devoir de mémoire et la justice, et le ministre de la fonction publique, qui serait cantonné dans des contingences administratives entravant l'élan du c_ur...

Le problème est global, et il faut aujourd'hui y mettre fin dans la procédure budgétaire, que ce soit en deuxième lecture ou dans le collectif. Quelle solution pouvez-vous nous proposer ?

M. le Ministre - Je ne voudrais pas qu'on oppose l'élan du c_ur, que nous partageons tous, et, si je puis dire, l'élan de l'administration, dont je ne suis pas seul à devoir vérifier la qualité. Ma réponse ne vous satisfera pas entièrement, en tout cas pas aujourd'hui. Le préjudice de carrière subi par les fonctionnaires qui ont quitté leur emploi pour participer aux campagnes d'Afrique du Nord, d'Italie et de France est en effet chose importante, et je suis d'accord avec vous sur notre devoir moral à leur égard.

Vous le savez, le gouvernement Mauroy a étendu la mesure de réparation à tous les fonctionnaires ayant servi en Afrique du Nord. Cette procédure engagée en 1982 a permis un grand nombre de régularisation. Sa réouverture en 1987 en a permis bon nombre d'autres. Il ne reste, si mes informations sont bonnes, que quelques dizaines de cas. Je me propose de chercher s'ils peuvent être régularisés du point de vue administratif. Sinon, il faudra rechercher dans le débat budgétaire une autre solution, mais je ne suis pas autorisé à vous en dire plus.

M. Jérôme Lambert - Les ministres européens en charge de la fonction publique se sont récemment réunis sous votre présidence à Strasbourg. Ces responsables européens ont-ils le souci de préserver les caractères originaux des services publics de nos différents pays ? Peut-on espérer une prise en compte au niveau européen de la nécessité d'une politique ambitieuse pour les services publics, alors que certains discours européens sont plutôt de nature à inquiéter ceux qui, en France, sont attachés aux spécificités de nos services publics ?

M. le Ministre - Cette réunion des ministres de la fonction publique ou des réformes administratives, la dénomination peut varier d'un Etat à l'autre- avait essentiellement pour objet d'arrêter une approche commune des problèmes et des solutions possibles. En effet, la gestion des fonctions publiques et la réforme de l'Etat échappent à la compétence communautaire telle que la définissent les traités et, de même, l'application des directives- même de celles qui peuvent nous concerner, comme les directives sur l'égalité entre sexes ou sur l'intégration des handicapés, est de la responsabilité de chaque Gouvernement. Nous devons donc respecter la souveraineté des Etats, comme la diversité des modèles selon lesquels ils se sont constitués : ainsi l'Union compte des Etats à l'origine très centralisés, mais en cours de décentralisation, comme la France, et d'autres organisés en fédérations ; certains ont constitué des fonctions publiques puissantes, comme la France encore, et d'autres je pense à la Suède- considèrent que leurs agents publics, plus nombreux d'ailleurs que les nôtres, ne sont pas des fonctionnaires... Les comparaisons sont donc bien difficiles, Monsieur Tron ! En tout état de cause, nous devons prendre en compte ces différences.

Cela étant, quand bien même les solutions ne seraient pas identiques, les problèmes qui se posent à tous sont de même nature -ainsi en est-il par exemple de l'introduction des nouvelles technologies. Nous avons donc tout intérêt à échanger nos expériences pour prendre le meilleur de ce que font les autres et -pourquoi pas- faire valoir auprès d'eux nos qualités.

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions.

Les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat seront appelés à la suite de l'examen des crédits des services généraux du Premier ministre. Toutefois, en accord avec la commission des finances, j'appelle maintenant un amendement du Gouvernement portant article additionnel.

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APRÈS L'ART. 61

M. le Ministre - L'amendement 177 tend à reconduire, pour l'an prochain, le dispositif du congé de fin d'activité -CFA. Il répond ainsi aux interrogations de beaucoup d'entre vous, en même temps qu'à un désir exprimé par nombre de fonctionnaires.

Le congé permet aux agents, titulaires ou non, d'au moins 58 ans -ou de 56 ans s'ils justifient de 40 années de cotisations et de 15 années de services-, de prendre une retraite anticipée.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Très bien !

M. le Ministre - Le dispositif est similaire à celui de l'ARPE, en vigueur dans le secteur privé, et nous entendons maintenir le parallélisme entre les deux.

Mme Nicole Bricq - Cela s'impose, en effet.

M. le Ministre - Pourquoi ne pas pérenniser le CFA au lieu de le reconduire d'année en année, a demandé votre rapporteur. En premier lieu, le dispositif va perdre de son intérêt à mesure que la démographie de la fonction publique évoluera. D'autre part et surtout, nous ne voulons pas le rendre définitif tant que les partenaires sociaux n'auront pas fait de même de l'ARPE.

Cela étant, je suis heureux de pouvoir tenir l'engagement que j'avais pris devant les organisations syndicales. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Rapporteur spécial - La commission n'a pas examiné l'amendement, mais je pense qu'elle aurait rendu un avis favorable -c'est en tout ces ce que je fais à titre personnel. Je vous reposerai toutefois les questions que je posais dans mon rapport : pourquoi cette quatrième prorogation ne figure-t-elle pas dans le projet initial, et pourquoi faut-il vous prier pour qu'elle y entre ?

M. le Ministre - Parce que j'aime me faire prier (Sourires)

M. le Rapporteur pour avis - Ce n'est pas très laïc !

M. le Rapporteur spécial - Plutôt que de déposer le même amendement l'an prochain, pourquoi ne pas pérenniser ce congé ? Cela inciterait les partenaires sociaux à faire de même de l'ARPE et la formule est d'autant plus appréciée qu'elle favorise l'embauche de jeunes. Enfin, les bénéficiaires potentiels ne doivent pas être si nombreux que cela menace l'équilibre budgétaire -au surplus, l'effectif de ceux qui ont commencé à travailler suffisamment jeunes ne peut que se réduire au fil des ans.

M. le Ministre - Je ne reviendrai pas sur le raisonnement qui nous a conduits à ne proposer la reconduction que pour 2001 -même si je conçois qu'il puisse être réversible. Et, si nous n'avons pas inscrit cette disposition dans le projet initial, c'est que les partenaires sociaux n'avaient pas achevé leur négociation.

En 1999, on a enregistré 10 683 départs en CFA dans la fonction publique d'Etat, 1 233 dans la fonction publique hospitalière, et 4 880 dans la fonction publique territoriale. Le coût s'est élevé à 1 787 millions pour la première et de 734 millions pour les deux autres.

Enfin, si nous avons tenu à faire figurer cette reconduction dans le projet de budget, c'est que nous devons permettre aux intéressés de se préparer et à l'administration de faire face aux demandes en temps utile.

M. Georges Tron - Cet amendement nous introduit au coeur même du problème que j'évoquais tout à l'heure : le CFA est certes un dispositif apprécié et utile mais il ne faudrait pas que sa reconduction soit un prétexte à ne rien faire dans le domaine des retraites ! Ne renvoyez pas les décisions indispensables aux calendes grecques !

Le coût de ce congé est évalué selon les uns à 1,8 milliard, selon les autres à plus de 3 milliards -mais ces dossiers intègrent sans doute la dépense liée aux fonctions publiques hospitalières et territoriales, si on en juge par les chiffres que vous venez de donner. Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir si cette dépense va s'imputer ou non sur votre « marge » de 3,2 milliards ? Si oui, vous ne pourrez consentir une revalorisation de 0,5 % mais seulement de 0,2 ou 0,25 % !

M. le Ministre - Le coût du dispositif est bien celui que j'ai donné. Il est intégré dans le budget à venir et, heureusement pour moi d'ailleurs, il n'est donc pas intégré dans la réserve à laquelle vous faites allusion ! (Sourires)

L'amendement 177, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - Nous en avons terminé avec l'examen des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

La suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2001 est renvoyée à la prochaine séance.

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RÉUNION D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant qu'il a décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi sur l'épargne salariale, l'actionnariat salarié et l'épargne retraite.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 12 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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