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Session ordinaire de 2000-2001 - 37ème jour de séance, 84ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 5 DÉCEMBRE 2000

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

DÉCISIONS EUROPÉENNES POUR
LA FILIÈRE BOVINE 2

RÉFORME DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS 2

SOUTIEN À LA FILIÈRE BOVINE 3

TRANSPOSITION DE DIRECTIVES EUROPÉENNES 3

RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN 5

SITUATION DES KINÉSITHÉRAPEUTES ET DES INFIRMIÈRES 5

AIDE À LA FILIÈRE BOVINE 6

SUPPRESSION DE LA TAXE SUR
LES VÉHICULES A MOTEUR 7

HARMONISATION COMMUNAUTAIRE
DU DÉPISTAGE DE L'ESB 7

RÉFORME DE LA JUSTICE -
AIDE JURIDICTIONNELLE 8

POUVOIR D'ACHAT DES MINEURS RETRAITÉS 9

LUTTE CONTRE LE SIDA 9

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET CONTRACEPTION 10

EXPLICATIONS DE VOTE 12

FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ
SOCIALE POUR 2001 (lecture définitive) 16

TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES
DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES 25

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 31

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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DÉCISIONS EUROPÉENNES POUR LA FILIÈRE BOVINE

M. Jacques Rebillard - Depuis plusieurs semaines, les éleveurs se sentent angoissés, comme des salariés qui auraient reçu leur lettre de licenciement. Peuvent-ils être rassurés sur leur avenir ? Les décisions prises hier au conseil des ministres européens leur permettront-elles de voir le bout du tunnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Je crois sincèrement que le conseil de l'agriculture a abouti à un très bon résultat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Sur le volet sanitaire, nous avons obtenu la suspension des farines animales pour au moins six mois -nous la demandions depuis plusieurs semaines. En ce qui concerne les matériaux à risques spécifiés, l'utilisation des intestins de bovins est suspendue et les demandes de la France visant d'autres produits seront examinées par le comité scientifique directeur d'ici trois mois. Enfin, les bovins de plus de trente mois qui ne seront pas abattus seront systématiquement testés.

Dans le volet du soutien à la filière, plusieurs mesures d'aide directe ont été prises. L'abattage des bêtes de plus de trente mois sera financé à 70 % par l'Union. L'intervention publique le sera elle à 100 %, et un comité de gestion sera réuni le 12 décembre. Enfin, les avances sur prime PAC aux agriculteurs seront portées de 60 à 80 %, ce qui améliorera leur trésorerie.

Sur les deux volets donc, je crois que nous pouvons marquer le conseil d'hier d'une pierre blanche (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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RÉFORME DU CODE DES MARCHÉS PUBLICS

M. Yves Cochet - Ma question a trait aux marchés publics en général et aux lycées d'Ile-de-France en particulier. Je rappelle que les Verts ont été les premiers à dénoncer les anomalies. En 1994, trois conseillers régionaux verts d'Ile-de-France ont adressé une question orale à M. Michel Giraud, président du conseil régional, sur certaines bizarreries. Ils n'ont reçu qu'une réponse dilatoire. En 1996, ils ont pris pour avocat M. Arnaud Montebourg, qui n'était pas encore élu (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Ils ont saisi le procureur de la République et une information judiciaire a été ouverte en 1997. Aujourd'hui, des déclarations d'entrepreneurs ou de trésoriers de partis politiques attestent que ces marchés étaient réservés à des entreprises qui versaient des pots de vin, redistribués à certains partis politiques : RPR, parti républicain, parti socialiste... (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Vous ne devriez pas sourire, Monsieur Debré. Je ne suis pas génétiquement plus vertueux que vous, mais certainement politiquement plus respectable, car mon parti n'a jamais accepté les dons des entreprises même lorsque c'était légal entre 1990 et 1995.

La justice suit donc son cours, j'espère qu'elle ira jusqu'au bout. Mais le Gouvernement avait annoncé au début de sa législature qu'il réformerait le code des marchés publics. Pourquoi tarde-t-il tant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sur le volet judiciaire, la justice est saisie, qu'elle fasse son travail. En ce qui concerne la réforme du code des marchés publics, que nous vous avions annoncée lors de la loi sur les nouvelles régulations économiques, elle touche à sa fin. Nous sommes en train de mener une large concertation et ce qui est réglementaire sera rendu public en janvier, après examen par le Conseil d'Etat. Quelles sont les idées maîtresses de la réforme ? Il s'agit de rendre les marchés plus accessibles aux PME, de renforcer le contrôle de légalité, de s'aligner sur les procédures européennes, de prendre en considération des éléments sociaux, et environnementaux, dans l'attribution des marchés, d'interdire les marchés d'entreprises de travaux publics.

Le nouveau code sera simplifié : il ne comportera plus que 150 articles, contre 400 aujourd'hui. Il sera mis en application en juillet. Voilà un élément très important de la réforme de l'Etat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SOUTIEN À LA FILIÈRE BOVINE

M. René Dutin - Hier, le conseil extraordinaire sur la vache folle a interdit les farines carnées dans l'alimentation animale. Sans cette décision européenne, les mesures françaises seraient restées sans effet. Tout n'est pas résolu pour autant. Les ventes de viande bovine ont chuté de 40 à 50 %. C'est toute la filière et ses 8 000 emplois qui sont menacés. Il faut avant tout restaurer la confiance des consommateurs, par une application sans faille du principe de précaution et par l'amélioration du dépistage.

Les consommateurs doivent savoir que le système de traçabilité fonctionne bien. Par ailleurs, le programme national doit être renforcé en ce qui concerne la recherche. Quel mécanisme permettra de dégager le marché afin de rendre possible un redressement des cours ? Quelles mesures seront prises concernant le développement de la recherche et la fiabilité des tests ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le plan national de soutien à la filière représente 3,2 milliards, et 500 millions d'aide à la trésorerie seront distribués sous forme de prêts bonifiés : il est clair que nous avons fait le maximum au plan national.

Il manquait un volet européen, il existe depuis hier. Nous pourrons combiner les deux axes dans les prochains jours. En ce qui concerne les programmes de tests, la décision européenne nous amène à tester systématiquement les bovins de plus de trente mois qui ne seront pas abattus. Nous allons engager une concertation avec les professionnels et le choix entre test et abattage prendra en considération les résultats des programmes de test, dont nous connaîtrons les premiers résultats dans une dizaine de jours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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TRANSPOSITION DE DIRECTIVES EUROPÉENNES

M. François d'Aubert - Ma questions s'adresse au Premier ministre. Cinquante directives européennes doivent être transposées d'un coup par voie d'ordonnance. Méthode expéditive ! Le Gouvernement voudrait-il cacher les dissensions de la majorité plurielle sur des sujets aussi essentiels que l'avenir des services publics, Natura 2000, la refonte du code de la mutualité, les règles concernant la sécurité alimentaire et le droit du travail. Ce soir, nous allons avoir un débat à la sauvette, en catimini, sur cinquante sujets fondamentaux ; le Gouvernement nous dira : passez, il n'y a rien à voir ! Pour cacher les dissensions de la majorité plurielle, le Gouvernement s'en prend aux droits du Parlement et à la souveraineté nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF). Sur ce point, je pense que, sans avoir nécessairement ma vigueur, beaucoup ici sont d'accord avec moi.

La directive sur l'électricité avait donné lieu à un débat au Parlement. Il devrait en aller de même pour chacune de ces cinquante directives. A moins que l'Europe socialiste se construise par la voie de mauvais coups contre le Parlement français...

M. le Président - Votre question, s'il vous plaît.

M. François d'Aubert - Monsieur le Président, je n'ai pas épuisé mon temps ! Permettez-moi...

M. le Président - Vous avez épuisé votre temps, Monsieur d'Aubert. Cela fait plus de trois minutes que vous parlez. Posez votre question !

M. François d'Aubert - Quand je suis en train de défendre les droits du Parlement français, je ne pense pas que le Président de l'Assemblée nationale ait à me rappeler à l'ordre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste)

M. le Président - Puisque vous mettez en cause le Président de l'Assemblée (Protestations sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF), je vous rappelle qu'aux termes de l'article 13 de la Constitution, les ordonnances sont signées par le Président de la République.

La parole est à M. le Premier ministre (Protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). Si vous retrouvez votre calme, Monsieur d'Aubert, vous pourrez terminer d'un mot.

M. François d'Aubert - Permettez-moi deux questions. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à renoncer aux ordonnances pour transposer ces directives ? Êtes-vous prêt à nous soumettre cinquante projets de loi de transposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Je suis contrarié non par la vigueur de votre ton, mais par le caractère excessif et injuste de votre propos.

Honnêtement, Mesdames et Messieurs les députés, je crois que depuis trois ans et demi, ce gouvernement a constamment travaillé avec l'Assemblée nationale (Interruptions sur les bancs du groupe DL). Je vous prie de m'écouter avec un peu de courtoisie... Nous avons constamment travaillé, disais-je, non seulement avec la majorité, mais avec toute l'Assemblée nationale. Nous avons toujours été présents, et moi-même au premier chef, pour répondre à l'ensemble de vos questions (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) et nous n'avons jamais utilisé les ressources de la Constitution et du Règlement pour forcer les votes (Mêmes mouvements ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Je ne suis pas sûr que tout le monde puisse en dire autant.

Pourquoi ces ordonnances ? Tout simplement parce qu'avec le Président de la République, à qui j'en ai parlé avant que cette question soit examinée en conseil des ministres, nous avons pris la mesure du problème posé par le fait que, au moment où nous assumions la présidence de l'Union, la France soit en retard de transposition pour 136 directives.

M. Bernard Accoyer - A qui la faute ?

M. le Premier ministre - Dans certains cas, cette transposition tarde à venir depuis le début des années quatre-vingt. Autrement dit, les divers gouvernements qui se sont succédé n'ont pas su agir avec la rapidité souhaitable. Pourquoi ? Je suis tout prêt à ce que nous regardions cela ensemble. Peut-être y a-t-il un problème d'organisation du travail parlementaire (Interruptions sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR). En tout cas, ce retard n'est pas bon pour l'image de la présidence française. En outre, les procédures judiciaires engagées par la Commission pouvaient nous conduire dès les prochaines semaines à des astreintes extrêmement lourdes -pouvant se monter à 1 million de francs par jour. Nous avons mieux à faire de l'argent des Français !

M. Laurent Dominati - Il aurait fallu y penser avant !

M. le Premier ministre - C'est pour ces raisons que nous avons, avec le Président de la République, décidé de recourir à la procédure des ordonnances, qui impliquera en tout état de cause en fin de processus une confirmation parlementaire.

Il n'est donc pas juste de nous faire un procès d'intention. Vous devriez plutôt nous aider à régler ce problème, dans l'intérêt de notre pays. La discussion de cinquante projets de loi, ne correspondant pas à nos priorités actuelles mais résultant d'une sédimentation depuis près de vingt ans, représenterait une année de travail parlementaire. L'Assemblée nationale a mieux à faire, les Français le comprennent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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RECONNAISSANCE DU GÉNOCIDE ARMÉNIEN

M. François Rochebloine - Le 29 mai 1998, une proposition de loi du groupe socialiste, tendant à la reconnaissance officielle par la France du génocide arménien, a été adoptée à l'unanimité par notre Assemblée. Le 8 novembre dernier, le Sénat a adopté à son tour à une forte majorité la proposition de loi présentée par six sénateurs représentant les six groupes du Sénat. On peut donc dire que le Parlement a approuvé massivement la reconnaissance du génocide arménien.

Reste, Monsieur le Premier ministre, à permettre au Parlement d'adopter définitivement ce texte pour qu'il devienne loi de la République. Le Gouvernement doit tirer les conséquences des votes qui sont intervenus ; il en va du respect de la représentation nationale. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un simple engagement moral, même si le président du groupe socialiste semble s'en contenter. Oui ou non, le Gouvernement va-t-il faire le nécessaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Les textes adoptés par l'Assemblée nationale et le Sénat sont formellement distincts. J'avais eu l'occasion de répondre à Mme Jambu qu'une discussion à l'Assemblée nationale devrait, s'agissant d'une proposition de loi, résulter d'une initiative parlementaire. Votre groupe vient d'ailleurs d'annoncer en Conférence des présidents son intention de faire venir en discussion ce texte le 18 janvier, journée réservée à l'initiative parlementaire. Le Gouvernement s'expliquera à cette occasion. Vous savez notre attachement fort à la communauté d'origine arménienne qui vit dans notre pays, et vous savez aussi que nous devons veiller à ce que la paix, la stabilité et la démocratie progressent dans cette région (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

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SITUATION DES KINÉSITHÉRAPEUTES ET DES INFIRMIÈRES

M. Léonce Deprez - L'actuelle épidémie de bronchiolite rend nécessaire le traitement de nombreux enfants par kinésithérapie. Or les kinésithérapeutes manifestent depuis plusieurs mois.

Les infirmières libérales sont également en révolte, les dispositions prises ne leur permettant pas de vivre décemment.

Les soins à domicile sont pourtant beaucoup moins coûteux qu'une journée d'hospitalisation. Plutôt que d'envoyer les CRS faire barrage aux défilés, mieux vaudrait que le Gouvernement montre qu'il a pris conscience des problèmes. Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, êtes-vous prête à apporter aux kinésithérapeutes et aux infirmières les réponses qu'ils attendent, sans oublier le problème des écoles d'infirmières, dont 25 % des places sont inoccupées ? 298 places sont vacantes dans le Nord-Pas-de-Calais (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement, qui préfère à l'hospitalisation le maintien à domicile quand il est possible, attache une importance particulière au rôle joué, dans ce cadre, par les infirmières libérales et les masseurs-kinésithérapeutes. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous avons considérablement accru les recrutements dans les écoles d'infirmières, le nombre de postes mis au concours ayant augmenté de 10 200 depuis 1998 alors qu'en 1997 vous en aviez supprimé 2 000. Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Des craintes, c'est vrai, ont été exprimées par un syndicat d'infirmières, et un seul. J'ai reçu ses représentants comme les autres. Les syndicats qui représentent la profession ont approuvé le projet de soins infirmiers (Protestations sur les bancs du groupe UDF), qui valorise le rôle des infirmières et fait d'elles le pivot du système de soins ambulatoires. Ce qui est discuté, ce sont les modalités d'application du projet et, en particulier, un avenant rédigé par la CNAM dont c'est, je vous le rappelle, la prérogative exclusive depuis que le Parlement en a décidé ainsi.

Le Gouvernement, qui ne peut se substituer à la CNAM, examinera cependant de très près les modalités d'application du projet de soins infirmiers, et rien ne sera appliqué qui ne correspondrait pas aux objectifs fixés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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AIDE À LA FILIÈRE BOVINE

M. Alain Marleix - Lorsque, il y a trois semaines, le Président de la République a solennellement demandé l'interdiction des farines carnées dans l'alimentation animale et la généralisation des tests de dépistage de l'ESB, vous n'avez pas eu de mots assez durs pour qualifier cette juste requête, allant jusqu'à la taxer de démagogie sinon d'irresponsabilité.

Aujourd'hui, M. Glavany, de retour de Bruxelles, se glorifie que ces deux mesures aient été adoptées, qui témoignent de la clairvoyance du Président de la République (Rires sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) et appelle à marquer d'une pierre blanche le jour où s'est tenu ce Conseil européen. Je doute que les éleveurs aient le même sentiment ! Quelles mesures ont été décidées à Bruxelles pour soutenir une filière sinistrée et un marché dont les cours crèvent tous les planchers ?

Un député socialiste - Grâce à M. Chirac !

M. Alain Marleix - Quelles mesures ont été décidées, aussi, en faveur des éleveurs de troupeaux allaitants, que les retraits annoncés lèsent sans raison ? A ces questions, aucune réponse ! Je vous le demande clairement, Monsieur le ministre : quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre en faveur des éleveurs ? Quand allez-vous mobiliser l'intervention publique communautaire en faveur de la filière bovine française, cette intervention absolument nécessaire qu'en 1996 le Gouvernement de l'époque avait obtenu dans des délais rapides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Lorsque je fus, il y a 18 mois, le premier des ministres de l'agriculture de l'Union à dire qu'il fallait en finir avec les farines carnées, je n'ai entendu aucune voix s'élever, dans l'opposition, pour m'appuyer ! Vous pouvez contester, Monsieur Debré, je tiens à votre disposition le texte de mes interventions ! Il n'est donc pas surprenant que, lorsque des déclarations ont été faites, il y a trois semaines, aucun membre du Gouvernement ne les ait réfutées : nous travaillons là-dessus depuis des mois ! (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) En revanche, nous avons pris nos distances avec la manière dont ces déclarations ont été formulées. (Mêmes mouvements)

Il m'est arrivé d'exprimer un avis mitigé sur certains conseils européens. Si le dernier est, à mon avis, à marquer d'une pierre blanche, c'est que les décisions prises ont été excellentes, pour l'Europe et pour la France, tant sur le plan sanitaire que pour le soutien à la filière. Et si vous ne les avez pas saisies, c'est que vous ne savez pas lire (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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SUPPRESSION DE LA TAXE SUR LES VÉHICULES A MOTEUR

M. Gilbert Meyer - La vignette est en vente depuis le 15 novembre, et qui ne l'aura pas acheté demain devra s'acquitter d'une pénalité. Mais qui doit l'acheter ? Commerçants et artisans s'interrogent, et interrogent l'administration fiscale, dont les services ne savent pas répondre. La suppression, tant médiatisée, de cette taxe, est tout ce qu'il y a de virtuelle, et le dispositif décidé par le Gouvernement fait régner le flou le plus total. Comment peut-on s'y retrouver ? Les distinctions ont été multipliées, selon qu'il s'agisse d'une société ou d'une entreprise en nom personnel, une limite arbitraire a été fixée aux véhicules de deux tonnes, et le calendrier prévu est incohérent. Que doivent faire les artisans et les commerçants pour éviter d'être victimes d'un cafouillage dont ils ne sont en rien responsables ? Et comment se règle le cas des parcs automobiles des collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - La suppression de la vignette est entrée en vigueur le 16 novembre. Je conçois que le fait que le Gouvernement ait supprimé un impôt puisse gêner (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF ; rires sur les bancs du groupe socialiste), et que puisse gêner aussi le fait que l'Etat compense cette perte de recettes par une dotation aux collectivités locales.

Quoi qu'il en soit, cette mesure concerne les particuliers et non les personnes morales tel est le critère distinctif retenu par le Gouvernement, et je pense que les Français s'y retrouveront assez bien (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste ; Vives protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

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HARMONISATION COMMUNAUTAIRE DU DÉPISTAGE DE L'ESB

M. Jean-Louis Fousseret - En dépit du succès indéniable du conseil européen qui s'est tenu hier, succès qui a montré que les positions du Premier ministre étaient les bonnes, nous sommes dans une situation paradoxale. Alors que notre réglementation est la plus rigoureuse d'Europe, alors que nous privilégions la transparence dans l'information sur la sécurité alimentaire, alors que la consommation de viande bovine française est moins risquée qu'il y a dix ans, un vent de panique s'est levé, que l'apparition des premiers cas reconnus d'ESB en Allemagne et en Espagne ne contribuera pas à apaiser. Le retour à la confiance suppose que le consommateur soit certain de l'innocuité de ce qu'il achète. Il convient donc de généraliser les tests de dépistage sur les carcasses à l'échelle européenne. Est-ce bien la direction dans laquelle l'Union va s'engager ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La généralisation des tests nous donne l'occasion de sécuriser au maximum la consommation de viande bovine dans notre pays. Du reste, la France a été la première, en Europe et dans le monde, à lancer un programme de tests à grande échelle. 48 000 tests, ciblés sur des animaux ou sur des régions à risques, ont déjà été réalisés et, en avance sur tout le monde, nous sommes déterminés à poursuivre l'effort. Notre objectif à court terme est de généraliser les tests et le conseil agricole d'hier nous a permis à cet égard de franchir une étape essentielle. Avant d'entrer dans la chaîne alimentaire, tous les bovins âgés de plus de trente mois feront ainsi l'objet d'un teste systématique.

S'agissant des modalités d'application de ce programme sans précédent et, notamment, de la définition des races ou des régions à traiter en priorité, nous avons pris le parti d'attendre le rapport des experts chargés d'établir où se situent les plus grands risques avant de nous prononcer. Leurs conclusions devraient être disponibles d'ici dix jours. Ainsi, le système de précaution que nous allons installer sera bien adapté à la réalité du risque. Enfin, j'ai décidé de rencontrer les représentants de la filière dans les tous prochains jours, pour leur exposer ce programme qui place notre pays dans une position de leader en Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÉFORME DE LA JUSTICE - AIDE JURIDICTIONNELLE

M. Bernard Roman - Madame la Garde des Sceaux, nous avons engagé depuis trois ans une réforme profonde de la justice (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR), afin de la rendre plus proches des citoyens (Mêmes mouvements), plus respectueuse des libertés (Mêmes mouvements) et nous serions parvenus à la rendre plus indépendante si les parlementaires de l'opposition n'avaient bloqué la réforme du Conseil supérieur de la magistrature votée le 18 novembre 1998 (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). La loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes doit s'appliquer dès le 1er janvier prochain. Or, en dépit d'un effort budgétaire sans précédent, plusieurs difficultés majeures restent en suspens. (« C'est une catastrophe ! » sur les bancs du groupe du RPR). L'attitude qui consiste à y faire face de manière pragmatique ne nous heurte pas, mais nous sommes profondément attachés à ce que la loi du 15 juin 2000 soit mise en _uvre à la date prévue (« Allô ! » sur les bancs du groupe du RPR).

Dès lors, pouvez-vous préciser comment vous entendez répondre aux revendications légitimes des avocats pour ce qui concerne l'aide juridictionnelle et remédier aux difficultés d'application de la loi sur la présomption d'innocence, qui, au demeurant, honore les valeurs de notre démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Vous avez raison de souligner l'importance de cette loi pour la protection des libertés publiques et la défense des droits de l'homme. Il s'agit décidément d'un grand texte (« Ah ! » sur les bancs du groupe du RPR), qui tend à réaliser un équilibre sans précédent entre le respect des personnes incriminées et celui des droits des victimes. Le Parlement, qui a excellemment travaillé, a, sur la proposition d'Elisabeth Guigou, décidé de la création de dix fois plus de postes de magistrats que sous les gouvernements précédents.

A l'évidence, le Gouvernement est déterminé à tout mettre en _uvre pour que la loi s'applique au mieux (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe du RPR). Mais, partageant sur ce point l'esprit de mon prédécesseur, je n'ai jamais caché que les deux amendements du Parlement exigeaient de notre part un effort sans précédent d'adaptation des structures et des moyens. C'est pourquoi j'ai demandé à l'inspection de mon département de conduire une évaluation détaillée -j'ai, devant votre commission des lois employé l'expression de « travail en dentelle »- de la situation de chaque tribunal de France pour identifier les problèmes tels qu'ils se posent et envisager des solutions.

A cet égard, je salue l'esprit de responsabilité qui anime les greffiers et les fonctionnaires du ministère, qui ont signé hier un protocole d'accord bien qu'ils eussent préféré un report d'application de la loi. Conscients de l'intérêt fondamental de la loi, ils sont prêts à l'appliquer malgré les difficultés.

Un autre problème essentiel tient à la juridictionnalisation de l'application des peines. Gardons-nous de créer dans nos prisons des motifs supplémentaires de désespérance et préservons le droit des détenus à être assistés.

Regardons sereinement ce que nous pouvons faire pour que la loi s'applique au mieux à l'échéance prévue : dès demain l'inspection me remettra son rapport et je ne manquerai pas de vous le transmettre comme je m'y suis engagée.

S'agissant de l'aide juridictionnelle, dont les principes directeurs ont été révisés en 1991, je suis attentive aux demandes des avocats, et en particulier de ceux qui sont conduits à traiter une proportion élevée d'affaires sous ce régime. Ils ont pris en compte nos propositions et je suis résolue, avec le concours de la secrétaire d'Etat au budget, à tout mettre en _uvre pour que les avocats puissent exercer leur mission de premiers défenseurs des droits dans notre pays dans de bonnes conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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POUVOIR D'ACHAT DES MINEURS RETRAITÉS

M. Marcel Cabiddu - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, le pouvoir d'achat des mineurs de charbon retraités ne cesse de se dégrader et l'écart entre les pensions servies par la caisse autonome et les autres régimes est de l'ordre de 1 400 F par mois. Les salariés payés au SMIC touchent en moyenne 1 500 F de plus et, avec les fonctionnaires retraités, l'écart atteint 70 % ! Pouvez-vous nous indiquer si des mesures de rattrapage sont envisagées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le maintien du pouvoir d'achat des mineurs retraités préoccupe le Gouvernement, comme, du reste, l'évolution de tous les régimes de retraite. C'est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale a décidé d'une revalorisation de 2,2 % de l'ensemble des pensions.

M. Bernard Accoyer - Qu'il se soucie aussi de l'avenir des retraites !

Mme la Ministre - Pour autant, les comparaisons entre les différents régimes ne sont pas toujours pertinentes et si l'on inclut les divers avantages qui s'attachent à celui des mines, l'écart avec le régime général, toutes choses égales par ailleurs, se réduit à 200 F. De même, les salariés payés au SMIC subissent un taux de prélèvements obligatoires qui fausse les comparaisons. Celles-ci doivent en outre se fonder sur les pensions totales, incluant les prestations des régimes complémentaires et non sur les seules pensions de base.

M. Albert Facon - Et la silicose ?

Mme la Ministre - Quant aux fonctionnaires, les durées de cotisation sont sensiblement moins favorables, ce qui fausse, là encore, les rapprochements.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement est attaché à une évolution concertée des régimes de retraites...

M. Bernard Accoyer - Il ne fait rien !

Mme la Ministre - ...respectueuse de surcroît de la spécificité de certains métiers (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

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LUTTE CONTRE LE SIDA

Mme Catherine Génisson - Madame la secrétaire d'Etat à la santé, la treizième journée mondiale de lutte contre le sida a eu lieu la semaine dernière et nous avons constaté à cette occasion que malgré les progrès accomplis, la situation demeure préoccupante. Ainsi, sur notre territoire, les populations d'origine étrangère restent particulièrement exposées, ce qui justifierait des campagne de prévention ciblées. Pouvez-vous nous indiquer votre position à ce sujet ?

Parallèlement, un certain relâchement des pratiques préventives a été constaté et certains n'hésitent pas à faire l'apologie -notamment sur Internet- des rapports sexuels non protégés. Ce phénomène, couramment désigné sous l'appellation générique de « relaps » nous semble hautement préoccupant.

De même, nous n'admettons pas que sur les 36 millions de personnes qui vivent avec le virus, 25 millions soient originaires de l'Afrique subsaharienne : 90 % des malades sont au Sud ; 90 % des soins sont au Nord... La responsabilité en incombe certes aux laboratoires pharmaceutiques mais aussi aux Etats eux-mêmes. Pour prendre en compte cet aspect du problème, la première conférence euroméditerranéenne sur les maladies transmissibles s'est tenue à Montpellier le 3 décembre 1999. Cette réunion devait constituer une première approche d'une coopération internationale plus forte en ce domaine. De quelles actions va-t-elle être suivie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - La journée du 1er décembre a été l'occasion de reprendre collectivement conscience que le sida est toujours là et que c'est une maladie très grave qui peut coûter la vie ou en tout cas la rendre très difficile. Les progrès accomplis depuis quatre ans en matière de traitement ne doivent pas conduire à la banaliser.

Aussi ai-je annoncé un certain nombre de dispositions, destinées à relancer en permanence l'information afin que la perception du risque soit toujours présente, à favoriser l'accès au préservatif, masculin mais aussi féminin et à développer l'éducation à la sexualité. Il s'agit aussi de relancer la prévention en développant avec les associations concernées un nouveau plan stratégique qui va être défini avec elles ; de faciliter l'accès au traitement et au dépistage ainsi que la prise en charge sociale et médico-sociale des malades du sida ; enfin de mieux indemniser les personnes contaminées.

Ces dispositions qui visent les personnes résidant en France ne nous font pas oublier celles qu'appelle la situation de pandémie dans les pays en voie de développement, en particulier en Afrique. Depuis 1997, le Gouvernement français s'est engagé activement dans la création et la mise en _uvre du fonds de solidarité thérapeutique international. Plusieurs programmes d'accès aux soins se développent actuellement, qui ont mobilisé 100 millions de francs ces trois dernières années -en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Maroc, en Afrique du Sud, au Vietnam.

Lors de la 13ème Conférence internationale contre le sida, qui s'est tenue à Durban en juillet dernier, j'ai appelé au nom de la France à une mobilisation de tous pour garantir l'accès des pays en voie de développement aux soins, et en particulier aux médicaments. A la suite de cette conférence, la Commission européenne a organisé le 28 septembre dernier une table ronde réunissant les responsables de l'industrie pharmaceutique et les autres acteurs concernés. Pour la première fois, les représentants de l'industrie pharmaceutique ont évoqué la possibilité d'une double tarification des molécules indispensables au traitement, afin de les rendre accessibles aux pays en voie de développement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

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INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET CONTRACEPTION

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur l'ensemble du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

M. le Président - Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que le vote aurait lieu par scrutin public, en application de l'article 65-1 du Règlement.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - La discussion de ce projet de loi a été l'occasion de débats de très bonne tenue, même s'ils n'ont pas permis de réduire toutes les divergences. Il traduit la volonté du Gouvernement d'assurer aux femmes l'exercice effectif de leur droit à la contraception et à l'IVG et s'inscrit dans la continuité des mesures prises depuis 1997 pour donner aux femmes les moyens de leur autonomie. Il vise aussi à améliorer la santé publique et à lutter contre les inégalités sociales.

Le texte proposé à la discussion s'est appuyé sur de nombreux travaux de spécialistes mais également sur un important travail de concertation avec les professionnels, les associations de planning familial. Il était sans doute perfectible et a d'ailleurs été perfectionné au fil du débat.

L'allongement de dix à douze semaines du délai légal de recours à l'IVG évitera à beaucoup de femmes et de jeunes filles d'avoir à se rendre à l'étranger pour demander cette intervention.

Je voudrais saluer ici tous ceux qui, face aux orateurs brandissant le risque de dérives eugéniques, ont fait confiance au sens des responsabilités des femmes et ont défendu le droit de celles-ci à avorter quand tel est leur choix. Je pense bien sûr aux deux rapporteurs, Mme Lignières-Cassou et Mme Bousquet, mais aussi à Mmes Yvette Roudy, Muguette Jacquaint et Marisol Touraine et, de l'autre côté de l'hémicycle, à Mmes Bachelot, Ameline et Catala.

Certains d'entre vous auraient souhaité que soit pratiquée, au-delà de dix semaines, une interruption médicale de la grossesse. Mais ç'eût été faire un amalgame entre IVG et IMG, alors que la première découle de la volonté de la femme et répond à une situation de détresse liée au refus de la grossesse, tandis que la seconde est proposée par des experts médicaux lorsque l'enfant attendu est atteint d'un handicap majeur ou incurable, le degré de gravité de cet handicap étant laissé à l'appréciation des seuls médecins. Vouloir inclure l'IVG tardive dans l'IMG, c'est accentuer la pression médicale sur le choix parental. Notre position n'est pas celle-là.

C'est d'ailleurs dans cet esprit de ne pas ajouter de pression que vous avez supprimé le caractère obligatoire de l'entretien pré-IVG pour les femmes majeures. Cet entretien sera systématiquement proposé mais pas imposé.

S'agissant de l'autorisation parentale pour les mineures, vous avez avec nous considéré que ce principe ne devait pas faire obstacle à la prise en compte des situations de détresse liées aux incompréhensions familiales ou à l'absence des parents.

L'entretien préalable pour la mineure demeure obligatoire. Il sera l'occasion de l'aider dans ses choix, de voir si elle tient à garder le secret vis-à-vis de ses parents, de déterminer quelle est la personne qui pourra l'accompagner. Vous avez pris la précaution d'obliger le médecin à vérifier que ces démarches auront été faites avant sa propre intervention.

Certains d'entre vous auraient souhaité que nous allions plus loin en émancipant la mineure pour tout ce qui touche à l'interruption volontaire de grossesse. Mais notre objectif est que l'autorisation parentale demeure la règle et que tout soit tenté pour qu'elle s'exprime.

D'autres ont proposé de confier la décision au juge des enfants, mais cette judiciarisation ne nous a pas paru opportune.

Vous vous êtes inquiétés, en particulier le président Le Garrec, de la responsabilité de la personne susceptible d'accompagner la mineure et de celle du médecin pratiquant l'IVG avec le consentement de la mineure. Je vous ai donc rappelé les règles applicables à la responsabilité médicale : ce sont celles du droit commun.

Pour ce qui est de l'accompagnateur, il ne peut y avoir de responsabilité du seul fait de l'accompagnement, dans la mesure où il n'est investi d'aucun pouvoir de décision. Je me suis engagée à ce que cela soit bien précisé.

En ce qui concerne les dispositions répressives, le texte gouvernemental abrogeait le délit de propagande et l'interdiction systématique d'exercer faite à un médecin condamné pour une pratique illégale d'IVG.

Vous avez quant à vous transféré dans le code de la santé publique les délits qui répriment le fait d'interrompre une grossesse en dehors des délais fixés par la loi et le délit de fourniture de moyens à un avortement illégal. Il ne s'agit pas là d'une « dépénalisation », puisque ces délits existent toujours et sont punis des mêmes peines, mais simplement la place dans le droit change.

Vous avez par ailleurs aménagé les éléments constitutifs du délit d'entrave afin que puissent être réprimées les nouvelles formes d'actions des commandos anti-IVG. Il s'agit ainsi de mieux protéger les femmes et les personnes qui les aident.

Votre souci d'encadrer l'exercice de certaines pratiques dans le respect des droits des personnes vous a conduit à insérer dans le texte des dispositions relatives à la stérilisation des personnes majeures en général et des majeures handicapées ou incapables en particulier. Bien que le Gouvernement n'ait pas prévu à l'origine de traiter ce sujet, je me félicite des accords qui ont été trouvés.

Je voudrais, pour terminer, souligner la qualité du travail accompli tout au long des débats, en particulier par Martine Lignières-Cassou, dont les interventions, tant à travers son rapport que durant les débats, ont été majeures pour les droits des femmes, la lutte contre les inégalités et la protection des plus démunies.

Je voudrais également remercier Danièle Bousquet et les membres de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée pour leur travail qui a utilement stimulé notre réflexion. Il nous reste à poursuivre notre action pour assurer l'exercice effectif de ces droits. Le Gouvernement s'y engage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Mme la ministre a présenté une synthèse précise des débats. Je me contenterai de quelques remarques. Je salue en premier lieu la grande qualité et la grande rigueur des débats en dépit des divergences, à une exception près, sur laquelle je ne reviendrai pas. Je remercie chaleureusement notre rapporteure, Martine Lignières-Cassou, qui a fait un remarquable travail de préparation et su maîtriser avec mesure et humanité le débat sur ce sujet difficile. L'apport croissant de la délégation aux droits des femmes à notre travail, en matière d'égalité professionnelle comme en matière d'IVG, mérite d'être reconnu. Voilà ce que je voulais ajouter à votre synthèse, avec laquelle je suis en plein accord (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

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EXPLICATIONS DE VOTE

Mme Marie-Hélène Aubert - Il y a vingt-cinq ans était adoptée dans un climat passionnel, après des années d'hypocrisie puis de combat, la loi Veil légalisant l'IVG. Je lui rends hommage pour nous avoir permis de mener aujourd'hui une réflexion sereine, de déculpabiliser les femmes et de poursuivre dans la voie de la dépénalisation. Les droits des femmes ne se réduisent cependant pas aux techniques de contraception et d'IVG. Nous avons besoin d'une approche globale, humaine, à l'écoute de la détresse. Tout en nous réjouissant de ce texte, nous insistons donc sur la nécessité d'articuler davantage les politiques de santé publique avec l'éducation et l'amélioration des conditions de vie, et aussi de développer les moyens. Une IVG ne résulte pas tant d'un manque d'information que du fait que la parole sur les questions sexuelles demeure un tabou. La fatigue, le manque de moyens pèsent aussi. Il faudrait un département ministériel consacré aux droits des femmes pour progresser. Qu'il s'agisse d'assurer l'avenir des gynécologues, de développer la recherche pour limiter les effets secondaires des moyens contraceptifs et de l'IVG tout en améliorant leur accessibilité, ou de mieux doter les centres d'orthogénie et de planning familial, il faut intensifier l'effort. Ces actions seront encouragées par le renforcement de la présence des femmes dans les conseils municipaux dès le mois de mars prochain. La place qu'elles occupent dans cette Assemblée et la parité ont d'ailleurs joué leur rôle dans le texte que nous avons discuté. Nous sommes conscientes du chemin parcouru, mais aussi de la permanence des inégalités Nord-Sud, lesquelles affectent les femmes étrangères résidant en France. Parce qu'il permet aux femmes d'être elles-mêmes, d'améliorer leurs relations avec leur conjoint et leur famille, de libérer la parole sur la sexualité et de les responsabiliser, mais voterons sans exception ni hésitation -cela mérite d'être souligné...- ce projet de loi pour un droit au bonheur (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bernard Perrut - Votre projet de loi sur la prolongation du délai de l'IVG n'a pas fait l'objet d'un débat moral, le propos n'étant pas de revenir sur la loi Veil, qui a légalisé l'IVG dans des situations de détresse particulières. Les enjeux étaient cependant importants, et des convictions différentes, mais toutes respectables, se sont exprimées.

Votre texte n'apporte cependant aucune réponse satisfaisante aux 5 000 femmes qui se trouvent hors délai chaque année. Il reste empreint de fatalisme face à l'échec et à la solitude. Il faut rappeler que la loi de 1975 est mal appliquée, parce que les moyens font défaut : deux centres d'IVG sur trois n'ont pas d'anesthésiste, et le rapport Nisand comme de nombreux témoignages sont édifiants. Au lieu d'y remédier, vous augmentez le délai légal de l'IVG. Je crains qu'il ne s'agisse là d'une fuite en avant, vous permettant de vous donner bonne conscience. Or, nous pouvions, sans augmenter le délai, prendre des mesures qui, contrairement aux vôtres, ne laisseront pas le problème entier pour 3 000 femmes. Il suffisait, comme l'a dit M. Mattei, de procéder à des aménagements dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse.

Votre projet manque totalement d'humanité : alors que le dialogue est essentiel, vous avez rejeté mes amendements relatifs à l'accompagnement et au dossier-guide. Nous avons parlé de l'acte médical, qui est différent, de la psychologie des femmes, confrontées à un dilemme tragique. Loin de verser dans une polémique partisane, nous avons proposé des améliorations sur l'information, la prévention, l'aide envers les femmes, parfois soumises à des pressions, qu'elles veuillent ou non garder leur enfant. Il ne faut pas oublier la politique d'aide à la maternité et à la famille : quoi de plus beau, en effet, que la vie et l'accueil d'un enfant ? Nous avons aussi fait des propositions sur la responsabilité en cas d'accident ou le recours au juge des enfants dans les cas où les parents ne peuvent aider leur fille mineure. Personne ne peut s'exonérer des questions posées par la détresse que connaissent chaque année des milliers de femmes. Notre groupe ne se retrouve pas dans votre texte. Il laissera néanmoins chacun s'exprimer selon sa conscience (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR).

M. Philippe Nauche - Adapter les lois Neuwirth et Veil à l'évolution de la société et répondre à des attentes nouvelles, tels étaient les buts de ce projet de loi.

Celui-ci, amendé par la commission des affaires sociales et notre Assemblée constitue une amélioration sensible de la législation en vigueur.

Il s'agit d'affirmer que l'IVG est un droit pour les femmes à maîtriser leur fécondité et de porter son délai légal de 10 à 12 semaines de grossesse.

Le nombre d'IVG est plus important dans notre pays que dans la plupart des pays comparables. Il faut donc apporter des solutions à cette situation et régler le problème de l'accès à l'IVG de certaines mineures et des femmes qui se retrouvent hors délai.

L'allongement du délai résoudra une grande partie des cas de ces 5 000 femmes qui vont à l'étranger chaque année.

J'entends évoquer le fait que des femmes françaises arrivent à 13, 14 voire 15 semaines en Hollande ou en Angleterre.

Mais grâce à l'allongement du délai, à une obligation de service public réaffirmée, aux moyens supplémentaires en postes accordés par le Gouvernement, à une meilleure information, au fait que ces femmes n'auront plus à organiser de façon pénible un voyage à l'étranger, qui peut allonger le terme, la plupart de ces situations seront résolues.

Le texte reconnaît également l'IVG comme un droit, en supprimant dans la loi de 1975 des éléments stigmatisants pour les femmes.

Ce droit est affirmé par l'amélioration du contenu de l'entretien préalable médical et des informations délivrées, en ne confondant pas ce qui relève de l'IVG et ce qui relève de la politique familiale, et par le caractère désormais facultatif, bien qu'obligatoirement proposé, de l'entretien préalable pour les femmes majeures.

Cette reconnaissance du droit est également affirmée par le renforcement du délit d'entrave dans le code de la santé publique, ainsi que par le passage symbolique des articles réprimant la pratique de l'IVG hors cadre légal du code pénal au code de la santé publique. Sont maintenues dans le code pénal les dispositions réprimant l'avortement sur une femme non consentante. La femme, ou le couple, pourront ainsi choisir entre la grossesse et l'IVG avec la certitude de recevoir toutes les aides possibles dans chaque cas, selon le devoir de l'Etat laïc et républicain.

En ce qui concerne les mineures, il ne s'agit pas de supprimer le consentement parental en général mais dans les cas les plus difficiles, afin de régler des situations dramatiques.

Les IVG sont plus nombreuses en France que dans les pays comparables. Or ce n'est pas un acte anodin pour la femme. Les IVG « de confort » n'existent pas. Les chiffres ne peuvent donc baisser que grâce à une meilleure prévention. Après une campagne nationale sur la contraception sans précédent, et qui sera poursuivie, et la proposition de loi sur la contraception d'urgence, le présent texte prévoit l'information et l'éducation à la sexualité, à la contraception et à la responsabilité des jeunes.

Sur initiative parlementaire, il donne enfin un cadre légal à la stérilisation volontaire à but contraceptif. 25 000 à 30 000 interventions sont pratiquées chaque année à cette fin sans que l'on sache très bien si elles sont légales ni si elles s'effectuent dans des conditions satisfaisantes du point de vue déontologique et du consentement du patient.

Quant à la révision de la loi Neuwirth, elle facilite l'accès à la contraception, même si la prise en charge doit encore être mieux assurée.

En conclusion, les députés socialistes voteront ce projet, qui améliore beaucoup les lois Veil et Neuwirth. Ils le voteront avec enthousiasme car il constitue un progrès pour les femmes, en particulier, et pour la société en général (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Louis Debré - Sur ce projet, chacun d'entre nous a pu se forger sa conviction, qu'il exprimera par un vote fatalement réducteur de sa pensée. En effet, la question soulevée par ce texte ne peut appeler une réponse unique. Il n'existe pas une vérité, qui s'imposerait à chacun quelle que soit sa place dans l'hémicycle, et j'envie ceux qui n'ont jamais été habités par le doute.

L'IVG n'est jamais une solution de facilité ou de confort. Elle est l'ultime réponse à des situations de détresse et de solitude. Les difficultés d'application de la loi de 1975 sont connues : 220 000 IVG par an restent un chiffre beaucoup trop élevé. D'autre part, le secteur public hospitalier, malgré la qualité de son personnel, n'est pas satisfaisant : manque de lits, contingentement des actes, difficultés de recrutement, délais excessifs, sans parler des quotas de l'hospitalisation privée. L'échec de l'éducation à la sexualité et de la contraception est notoire. Trop de jeunes avouent leur ignorance et 60 % des premiers rapports sexuels ont lieu sans contraception. La conséquence, ce sont ces trop nombreuses femmes qui, chaque année, doivent se rendre à l'étranger, dans des conditions sanitaires incertaines et sans aucun accompagnement. Nous sommes tous conscients qu'une telle situation ne peut humainement perdurer.

Les députés du groupe RPR sont attachés à la loi Veil, texte équilibré qui concilie respect des femmes et appel à la responsabilité des médecins. Il appartient à l'Etat de veiller à l'éducation sexuelle des jeunes, dès la classe de quatrième, avec par exemple le concours d'adolescents de terminale. Il est également urgent d'agir beaucoup plus fermement en faveur de la contraception. La loi Neuwirth avait, en son temps, montré le chemin et c'est parce qu'il faut adapter la législation aux évolutions de la société que les députés du groupe RPR ont voté le projet relatif à la contraception d'urgence.

Nous nous prononçons donc en faveur des dispositions du texte concernant la contraception. Mais reste la question de l'allongement du délai à douze semaines. Les députés du groupe RPR ont beaucoup consulté et écouté. A la liberté de conscience dont ils s'honorent répondra aujourd'hui la liberté de vote. Certains voteront le projet, considérant que, même s'il n'atteint que partiellement ses objectifs, il améliorera la sécurité de nombreuses femmes. D'autres considéreront que c'est l'abstention qui correspond le mieux aux graves questions qu'ils se posent et auxquelles ils n'ont pas obtenu de réponse. D'autres enfin voteront contre le texte tel qu'il a été amendé. Alors que tous les amendements concernant l'interruption médicale de grossesse ont été écartés, ils estiment que le texte laisse une partie des femmes hors délais sans aucun soutien et qu'il créera des problèmes tant médicaux que familiaux qui n'ont pas été suffisamment examinés.

Au-delà de ces différences d'appréciations respectables, les députés du groupe réaffirment tous que la loi Veil ne doit pas être remise en cause et que la priorité doit être donnée à la contraception et à l'éducation (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Muguette Jacquaint - A l'issue de son examen, ce projet de loi scelle l'échec de toute tentative de retour en arrière.

Il consolide la liberté des femmes et des couples et comporte des mesures importantes en santé publique.

Ainsi, toutes les tentatives de remettre en cause la maîtrise de la fécondité ont échoué.

Ce projet, destiné à améliorer les lois de 1967 et de 1975, a été enrichi grâce à un débat sérieux qui a permis d'y intégrer certaines dispositions que le groupe communiste a soutenues. Les deux mesures les plus importantes sont l'allongement du délai à douze semaines et la suppression de l'autorisation parentale pour les mineures. Des amendements ont également été adoptés, supprimant les articles du code pénal concernant l'IVG, et renforçant la législation contre les commandos anti-IVG.

Ces avancées sont de nature à satisfaire tous ceux qui luttent quotidiennement pour le respect de la dignité des femmes, des couples et des adolescents.

Quelques points me semblent essentiels pour une bonne application de la loi.

Le premier a trait à l'information à la contraception. Que peut être, en effet, la liberté sans la connaissance ?

Si la sexualité peut rester taboue, nous devons cependant faciliter l'égal accès de tous à l'information. Je pense notamment à l'éducation sexuelle dans le système scolaire, dès le plus jeune âge, qui est pour les hommes et pour les femmes de demain la base de leur responsabilité vis-à-vis d'eux-mêmes, vis-à-vis de l'autre et vis-à-vis de la société toute entière.

Le second point tient à la nécessité pour tous les hôpitaux de disposer de moyens suffisants pour pratiquer des interruptions volontaires de grossesse et pour accueillir les femmes dans ces moments particulièrement difficiles, pour les aider à assumer cet acte grave et à maîtriser leur fécondité. L'IVG n'est en effet pas un acte chirurgical comme les autres. Il nécessite un accompagnement psychologique important.

Sous le bénéfice de ces observations, c'est sans état d'âme que le groupe communiste votera ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le groupe UDF est fondamentalement opposé à la philosophie qui sous-tend ce projet de loi. Certes la maîtrise de la fécondité est l'un des grands acquis du XXème siècle, sur lequel aucune femme ne voudrait revenir. Mais le problème change de nature quand la femme porte en elle un être humain en devenir qui, de toute évidence, n'est plus à elle, même si pour un temps il est totalement dépendant. Cette dépendance crée, selon nous, plus de devoirs que de droits (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR).

Pas plus aujourd'hui qu'hier, l'avortement ne peut être un droit, pour nous qui nous voulons fidèles à l'esprit de la loi Veil (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Jacques Brunhes - Vous ne l'avez pas votée !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Une vie qu'on supprime à son commencement, c'est une profonde blessure au c_ur de la femme qui avorte, mais aussi au c_ur de la société.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le nombre, beaucoup trop élevé des IVG diminuera quand il y aura une authentique éducation à la vie en société et à la sexualité dès le plus jeune âge. Les quelques dispositions prévues dans le texte, qui reprennent un amendement UDF, à supposer qu'elles soient appliquées, sont encore bien timides et le débat sur la diversité des méthodes contraceptives et leur gratuité n'a pas eu lieu.

La liberté des femmes enceintes en difficulté, c'est de pouvoir choisir. Or vous partez du postulat qu'elles ont déjà pris la décision d'avorter et vous éliminez de ce texte tout ce qui a trait à une éventuelle poursuite de la grossesse.

Rendre facultatif l'entretien préalable provoquera, à terme, sa disparition ; c'est infiniment regrettable car c'était l'occasion pour la femme de mettre sa souffrance en mots et de dénouer une situation difficile pour ensuite mieux assumer ses choix.

La liberté des femmes qui souhaitent avorter, c'est de pouvoir le faire le plus tôt possible et dans les meilleures conditions. Cela exige de dégager des moyens substantiels, ce que vous ne faites pas. Vous ne proposez rien en matière de statut des praticiens et de revalorisation des vacations. Par ailleurs, l'IVG médicamenteuse est trop peu souvent proposée, l'anesthésie générale trop souvent pratiquée.

L'allongement du délai n'est qu'une réponse partielle au problème posé. Les femmes qui dépassent les douze semaines et qui, souvent, sont les plus démunies, n'auront pas d'autre possibilité que d'aller avorter à l'étranger, puisque vous n'avez pas voulu entendre la proposition d'un groupe de députés UDF. C'est inadmissible : une société digne de ce nom se doit de ne pas se défausser de ses problèmes sur les pays voisins (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Surtout, cet allongement va dramatiquement interférer avec la première échographie et provoquer immanquablement des risques d'avortements préventifs.

Enfin, la suppression de l'autorisation parentale dans certains cas pose des problèmes de responsabilité majeurs, non résolus à ce jour.

Parce qu'il est contre un droit à l'avortement, parce qu'il a le souci de la liberté des femmes et parce que les solutions proposées sont partielles et dangereuses, le groupe UDF, dans sa très grande majorité, votera contre ce projet de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe du RPR).

A la majorité de 323 voix contre 222, sur 554 votants et 545 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 50, est reprise à 17 heures 5, sous la présidence de M. Ollier.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001 (lecture définitive)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe que, conformément aux dispositions de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, le Gouvernement demande à l'Assemblée de bien vouloir statuer définitivement sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

La commission mixte paritaire n'étant pas parvenue à l'adoption d'un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Le Sénat ayant rejeté, le 30 novembre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, et la CMP n'étant pas parvenue à un accord, l'Assemblée ne peut que confirmer le vote qu'elle a exprimé le 28 novembre. C'est ce que la commission l'invite à faire.

M. Jean-Luc Préel - Au terme de nombreuses heures de débat studieux, il nous faut constater que le texte final de ce projet est très proche du texte initial. Ainsi, l'enveloppe de l'ONDAM est la même à la décimale près, et vous n'avez accepté qu'un seul des nombreux amendements présentés au nom de mon groupe. Au moment où l'on parle de revaloriser le rôle du Parlement, je souhaite, Monsieur le Président, que vous appeliez l'attention du Président de notre Assemblée sur le fait que la majorité vote les propositions du Gouvernement et refuse systématiquement celles de l'opposition, même lorsqu'elles sont fondées et constructives.

M. le Président - J'ai pris note de votre observation.

M. Jean-Luc Préel - Et puisque, pour l'essentiel, vous en êtes revenus au texte initial, je ne puis que réitérer mes critiques, et souligner à nouveau que vous ne préparez pas l'avenir.

S'agissant du financement, l'équilibre est aujourd'hui atteint, mais par une augmentation des prélèvements de 30 milliards, dont 15 sont obtenus par le basculement des cotisations maladies, et par le non respect de l'autonomie des branches. Cet équilibre est donc fragile, d'autant que l'OCDE vient de revoir à la baisse nos perspectives de croissance, en raison de votre politique économique laxiste.

La mesure phare de votre projet est une regrettable manipulation de la CSG, dont vous allez faire le premier niveau de l'impôt sur le revenu, et un premier niveau inéquitable. L'un de nos rapporteurs, Claude Evin, écrit lui-même que la sécurité sociale est un pacte de solidarité entre les Français, qui fait que chacun cotise selon ses moyens et est remboursé selon ses besoins. Il dénonce la rupture de ce pacte, et nous avec lui. Il regrette par ailleurs qu'une telle décision ait été prise rapidement et sans débat réel : nous aussi.

L'autre mesure contestable est le financement incertain de la réduction du temps de travail par un FOREC virtuel. Sans revenir sur la nocivité d'une loi imposée sans discernement aux entreprises de toutes tailles, je me limiterai à constater que vous avez inventé une usine à gaz pour tenter de trouver les 85 milliards qui seront nécessaires en 2001, vous livrant pour cela à un détournement de taxes conçues pour financer la prévention de ces fléaux que sont l'alcoolisme, le tabagisme et la pollution. Nous nous élevons avec force contre ce procédé.

Vous modifiez par ailleurs l'assiette des cotisations agricoles. Compte tenu de la trésorerie exsangue des éleveurs, cette décision aura des conséquences très dommageables, puisque référence sera faite à une année bénéficiaire.

Vous ne préparez pas davantage l'avenir pour les familles puisque, hormis deux mesures qui leur seront agréables, vous n'avez aucune politique familiale véritable. Et en vous cantonnant à l'immobilisme en matière de retraites, alors que les données démographiques sont connues de tous, vous prenez une lourde responsabilité : celle de laisser périr la retraite par répartition en ne décidant pas, dès maintenant, des mesures structurelles indispensables. C'est une faute politique dramatique. Vous avez certes créé un fonds de réserve, mais il doit être abondé par les ressources provenant de l'attribution des licences UMTS. En l'état actuel, je ne suis pas certain que l'Etat retirera de ces attributions tout ce qu'il espérait.

Pour la branche santé, l'échec est patent : tous les professionnels, désabusés, sont dans la rue, témoignant d'un manque de concertation et du refus des sanctions collectives, inacceptables. Vous poursuivez donc une étatisation déresponsabilisante, et votre gestion essentiellement comptable ne tient pas compte des besoins de la population.

Vous ne préparez décidément pas l'avenir, puisque vous ne prévoyez pratiquement aucune mesure de prévention, rien pour résoudre le problème aigu de la démographie médicale, rien pour l'organisation des services d'urgence, rien pour les 35 heures dans les hôpitaux, rien pour les cliniques étranglées et confrontées à une pénurie de personnel infirmier. De plus, vous maintenez, à tort, la non-fongibilité des enveloppes, et la tarification à la pathologie ne progresse pas.

Le groupe UDF considère que le processus doit être inversé, et que seule une régionalisation réelle permettra une politique de santé de proximité, responsabilisante. Nous sommes opposés aux sanctions collectives, leur préférant une évaluation individuelle fondée sur les bonnes pratiques médicales. Puisque vous acceptez le principe du rebasage fondé sur la réalité, pourquoi maintenez-vous les sanctions collectives ?

M. Jean-Pierre Foucher - Oui, pourquoi ?

M. Jean-Luc Préel - L'UDF désapprouve également le volet recettes avec le bricolage de la CSG et le financement ubuesque des trente-cinq heures. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UDF votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 et déposera un recours constitutionnel fondé sur cinq manquements : l'atteinte au principe d'égalité devant les charges publiques -notamment dans l'article 2-, l'atteinte au principe de sincérité budgétaire, -lié aux multiples transferts de charges-, le maintien des sanctions collectives -manifestement injuste puisque le bon praticien est sanctionné sans faute-, le non respect des droits de la défense -dans le cadre de l'article 42 relatif au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante -et la présence de plusieurs cavaliers sociaux- dans les articles 19 A, 31 bis et 22 relatifs respectivement à l'abrogation de la loi Thomas, aux laboratoires d'analyses et aux dettes AGIRC - ARRCO (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Muguette Jacquaint - Au terme de ce débat, nous allons nous prononcer sur le texte adopté par notre Assemblée en nouvelle lecture. Après l'avoir dénaturé, la droite sénatoriale l'a en effet rejeté, en adoptant une question préalable. Nous n'en sommes pas surpris car elle n'a toujours pas accepté la réduction du temps de travail ni la hausse du pouvoir d'achat pour les bas salaires qui découle de la suppression dégressive de la CSG ou de la CRDS.

Alors que les inégalités d'accès aux soins persistent, la droite reproche à ce texte la dérive des dépenses d'assurance maladie, comme si leur réduction pouvait permettre de mieux satisfaire les besoins de santé de nos concitoyens !

La vérité, c'est que trop de besoins restent insatisfaits et qu'il faudrait avoir le courage de dégager des moyens nouveaux.

Ainsi, dans le domaine qui me tient à c_ur de la politique familiale, l'ouverture du droit aux allocations familiales dès le premier enfant est une nouvelle fois repoussé. Quant aux prestations familiales, elles ne bénéficieront pas de la croissance. Et si nous approuvons les moyens dégagés pour les crèches, l'amélioration du dispositif de recours à une assistante maternelle agréée pour les familles modestes, ou la mise en place de l'allocation de présence parentale, nous regrettons que cette quatrième loi de financement de la sécurité sociale du gouvernement de la gauche plurielle n'aille pas plus loin.

En ce qui concerne les retraites, l'abrogation de la loi Thomas est un point positif, de même que la légère revalorisation des pensions. Il reste que l'indexation de ces dernières sur les salaires, à laquelle s'était engagé M. Jospin, demeure une revendication légitime.

La création du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a donné lieu à des échanges très vifs. Nous sommes évidemment satisfaits d'une mesure qui, comblera l'attente des malades. Toutefois, la question d'une meilleure reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles reste posée. Le transfert sur l'assurance maladie, des sommes énormes que représente la prise en charge des soins liés aux accidents du travail ou aux maladies professionnelles non reconnues comme telles en particulier les cancers d'origine professionnelle, pose le problème de la responsabilité des employeurs et de la prévention.

Quant aux dépenses de santé, les mouvements divers qui se font jour dans les différents secteurs témoignent de l'acuité des préoccupations professionnels de santé comme des usagers. Il n'est que temps de les écouter.

Pourquoi le texte que nous examinons n'apporte-t-il pas des réponses satisfaisantes à l'ensemble des problèmes en suspens ? Tout simplement parce qu'il contient les dépenses dans des limites trop étroites, comme si nos concitoyens n'aspiraient pas, légitimement, à bénéficier de l'embellie économique, comme si les dépenses de santé devaient être réduites coûte que coûte alors que la durée de vie s'allonge, et que le progrès des connaissances ouvre des perspectives sans précédent. Seront-elles réservées à une minorité ? Il y a là un enjeu majeur en termes de justice et de solidarité, qui impose de rechercher des modes de financement de la sécurité sociale plus solidaire.

Ces questions essentielles auraient justifié un débat bien plus approfondi que celui que des délais trop courts et un travail préparatoire insuffisant nous ont permis de tenir. Dès lors, nous reviendrons sur certaines de nos propositions à l'occasion du projet de loi de modernisation sociale. Pour ce qui concerne le financement de la sécurité sociale pour 2001, nous maintenons nos réserves, car le texte manque de souffle et d'ambition. Le groupe communiste s'abstiendra donc.

M. Bernard Outin - Très bien !

M. Pierre Morange - Les navettes successives n'ont malheureusement pas permis d'améliorer un texte dont nous n'avons cessé de dénoncer les imperfections. Ainsi, notre Assemblée en est revenu la semaine dernière au texte de première lecture, faisant fi de nos mises en garde et des propositions constructives du Sénat.

Madame la ministre, nous ne pouvons approuver l'orientation qui est donnée depuis plusieurs années aux lois de financement de la sécurité sociale, car vous les détournez de leur objectif initial en les transformant en outils de votre politique fiscale ou de votre politique de l'emploi. C'est ainsi que trois des dispositions essentielles de ce texte devraient en toute logique figurer dans une loi de finances, qu'il s'agisse de la dégressivité de la CSG, des exonérations de CRDS ou du financement de la réduction du temps de travail.

L'excellent travail du Sénat avait permis de démonter le système de tuyauterie que vous avez édifié en complète violation de la loi de 1994, qui avait posé le principe de la compensation de toutes les exonérations de cotisations sociales et de l'autonomie des différentes branches. Persistant dans la voie de la confusion, vous avez, en nouvelle lecture, ajouté deux tuyaux supplémentaires à un dispositif déjà compliqué et opaque.

L'un tend à compenser à la CADES l'exonération de CRDS pour les chômeurs non imposables : 350 millions vont être ainsi versés à la CADES par l'Etat, à partir d'une diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA, elle-même compensée par une affectation supplémentaire de la C3S... C'est la politique des vases communicants qui s'exerce au détriment des retraites car les excédents de la C3S sont normalement destinés au Fonds de solidarité vieillesse cependant que les excédents du Fonds de solidarité vieillesse viennent alimenter le Fonds de réserve des retraites !

L'autre est destinée à alimenter le FOREC : en augmentant de 96,8 % à 97 % la fraction des droits sur le tabac affectée au FOREC, vous réduisez d'autant une recette destinée à la CNAM pour financer la CMU !

Les dérives concernent également l'ONDAM, dont on peut du reste s'interroger sur l'utilité puisqu'à peine voté, il est modifié en cours d'année. Je pense bien évidemment au plan pour l'hôpital décidé en mars dernier, qui prévoit de dégager 2 milliards par an pendant trois ans. Dépassé, l'ONDAM est « rebasé » en fonction des dépenses effectivement constatées. Dès lors, quelle est sa logique ? Quel crédit faut-il lui accorder ? Plus fondamentalement, le débat sur les objectifs de la politique de santé et sur la ré-orientation des dépenses est occulté.

De même, la situation des professionnels de santé n'a pas évolué : la politique conventionnelle reste inexistante et ils demeurent soumis à des sanctions collectives comme à la menace périodique de baisses de tarifs. Il n'est que temps de mettre fin à un dispositif injuste et inefficace.

Du reste, toutes ces dérives ne conduisent-elles pas à vider de leur sens les lois de financement et ne convient-il pas dès lors de réviser la loi organique de 1996 ?

S'agissant des victimes de l'amiante, nous sommes favorables à la création d'un fonds d'indemnisation mais nous devons veiller à ce que les droits à réparation des victimes ne s'en trouvent pas limités. A cet égard, la rédaction proposée par le Sénat nous semblait offrir davantage de garanties. Les victimes craignent en effet de ne pouvoir maintenir leurs actions en indemnisation -ou engager une action juridictionnelle dès lors qu'elles auront été indemnisées par le FIVA.

Il serait également utile de s'interroger sur le sort des victimes d'autres maladies professionnelles.

Je n'aborderai pas à nouveau la question des retraites, dont il a déjà été largement débattu : le diagnostic est posé, les remèdes connus, c'est la volonté politique qui fait défaut ! N'oublions pas cependant qu'il y a urgence et que l'attentisme sur de tels sujets est toujours coupable.

Pour toutes ces raisons, le groupe RPR votera contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Gérard Terrier - M. Préel me surprend lorsqu'il soutient que ce texte ne prépare pas l'avenir ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) Nos collègues de l'opposition font en effet fausse route : la vraie menace qui planait sur la sécurité sociale, ce n'est pas l'avenir de notre système de retraites, mais le déséquilibre structurel des branches que nul gouvernement ne parvenait à résoudre. En rétablissant l'équilibre et, mieux, en dégageant des excédents, nous garantissons l'avenir de notre système de protection sociale. Il eut été plus élégant de votre part de le reconnaître plutôt que de persister dans une vision défaitiste que n'éclaire aucune proposition concrète.

Dès lors, plutôt que de répondre à vos outrances (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) et même si les réactions toujours très vives de M. Préel à mes propos me flattent (Sourires sur divers bancs), je préfère insister sur le retour à l'équilibre et sur la réforme courageuse des fonds de cotisations -CSG et CRDS- que nous avons entreprise au bénéfice des ménages les plus modestes.

Vous prétendez constamment que nous ne faisons rien pour les familles mais la création d'un congé et d'une allocation pour les parents d'un enfant gravement malade, est-ce rien ? Et que dites-vous de l'aide pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée ? De la création d'un fonds d'investissement pour les crèches ?

M. François Goulard - Ce sont de petites mesures.

M. Gérard Terrier - Nous avons aussi revalorisé les retraites. Bien entendu, vous direz que ce n'est pas assez mais cette mesure est bel et bien à mettre à notre crédit, de même que la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes de l'amiante ou que le relèvement du seuil en-deça duquel chacun a droit à la CMU...

M. François Goulard - Jusqu'en juin seulement.

M. Marcel Rogemont - Cela concerne 300 000 personnes.

M. Gérard Terrier - Concernant l'ONDAM, nous avons une lecture progressiste. Certes, il nous faudra retravailler sur ce sujet mais il faut dire aussi que nous avons fait un mauvais héritage, celui que la droite nous a laissé (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Nous apporterons les corrections nécessaires.

Vous devriez en tous cas, Messieurs de l'opposition, avoir l'objectivité de reconnaître toutes les avancées que nous avons permises. De son côté, le groupe socialiste votera avec fierté ce projet, qui a été sensiblement enrichi par notre Assemblée et qui, nous n'en doutons pas, sera apprécié de nos concitoyens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. François Goulard - En cette dernière lecture d'un projet qui porte tout de même sur quelque 1 900 milliards, beaucoup de choses ont déjà été dites mais il nous faut malheureusement les redire car elles sont toujours vraies.

La discussion a été polluée cette année, encore plus que les précédentes, par l'absence de séparation nette entre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi de finances lui-même. Cette confusion voulue -nous savons pourquoi- empêche tout débat sur les enjeux de la protection sociale et fait de ce projet une sorte de mauvaise loi de finances. Elle nous amène, par exemple, à nous prononcer ici sur le financement des 35 heures, ce qui est pour le moins paradoxal.

S'il y a un domaine où, comme le dit très justement M. Préel, vous ne préparez pas l'avenir, c'est bien celui des retraites. Certes, vous sortez une solution miracle, le fonds de réserve, mais celui-ci est alimenté par des recettes de circonstance, des excédents appelés à disparaître, comme le produit de la vente des licences de téléphone de troisième génération. Rien de régulier, rien de certain alors que les besoins de financement sont, eux, tout à fait certains.

Ce fonds -qui n'est d'ailleurs pas défini- aurait besoin d'une gestion qui utilise toutes les possibilités des marchés financiers et qui, en particulier, laisse la possibilité d'investir ailleurs qu'en France car il est évident que dans quelques années, lorsque la France sera confrontée à un creux démographique, son économie sera moins dynamique que celle de beaucoup d'autres pays.

Vous mettez par ailleurs une obstination terrible à empêcher les Français de se constituer une épargne de précaution, sous forme de fonds de pension ou sous une autre forme. Vous avez laissé aux communistes la satisfaction d'abroger la loi Thomas, qui avait au moins le mérite d'exister...

M. Marcel Rogemont - Sur le papier !

M. François Goulard - Bien sûr puisque vous n'avez pas pris les décrets d'application nécessaires !

Il est pourtant indispensable que tous les Français, y compris les plus modestes, puissent préparer leur retraite par une épargne fiscalement avantagée. Tous les pays qui nous entourent ont adopté des solutions de ce type, y compris l'Allemagne de M. Gerhard Schröder.

M. Terrier s'est félicité tout à l'heure du retour des excédents de recettes. D'abord ce n'est pas vrai pour l'assurance maladie, ensuite ces excédents sont la simple conséquence mécanique de la croissance et de l'élargissement de l'assiette opéré en 1998. Le jour où il n'y aura plus de croissance, nous serons à nouveau confrontés à des déficits lourds.

Pour en revenir à l'assurance maladie, je voudrais redire que les sanctions collectives vis-à-vis des professions de santé ne sont pas la bonne solution. Cette année, le Gouvernement s'en prend, sous forme de réductions tarifaires, aux infirmières et aux kinésithérapeutes mais il n'a pas osé aller plus loin car il savait qu'elle révolte il risquait de provoquer. L'application sur une large échelle de sanctions collectives est impossible.

Pour garantir l'avenir de l'assurance maladie, il faudrait revoir son organisation, et en particulier la décentraliser. Mais ce n'est pas le moment d'en parler en détail.

Vous imposez à l'hospitalisation privée des conditions économiques de fonctionnement qui, à long terme, menacent sa survie même, alors qu'elle assure plus de la moitié des interventions chirurgicales, et ce à un coût intéressant pour la collectivité.

Même ostracisme envers l'industrie pharmaceutique : la confiscation systématique de tout dépassement des enveloppes que vous fixez arbitrairement va inévitablement l'affaiblir et dissuader les investissements dans ce secteur, pourtant essentiel.

Dans le domaine de la politique familiale, nous avons reconnu qu'il y avait des mesures positives mais elles restent modestes et ne sont pas de nature à assurer aux familles un niveau de revenu compatible avec les standards actuels. Force est de constater en effet que plus une famille a d'enfants, plus son niveau de vie régresse, et ce quelle que soit la catégorie de départ. C'est injuste et en outre préjudiciable à l'avenir de la collectivité.

Tout cela nous amène à repousser ce projet. Il restera demain à conforter notre protection sociale par des mesures courageuses, enfin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

La discussion générale est close.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je voudrais d'abord remercier les quatre rapporteurs, MM. Recours, Evin, Jacquat et Mme Clergeau, ici présente. Nous avons eu un débat de qualité. Si je le prolonge maintenant par quelques remarques, ce n'est pas dans le but de convaincre ceux qui resteraient opposés au projet mais pour préparer les débats à venir.

La loi organique du 22 juillet 1996, de M. Juppé, a certes eu le mérite de porter la discussion sur la protection sociale devant le Parlement mais son contenu doit être revu. Nous nous situons en effet sur un terrain complexe puisqu'il nous faut à la fois traiter du paritarisme, du rôle de l'Etat, de la mobilisation des professionnels de santé et des modalités de la négociation collective...

M. Evin l'a dit avec raison : nos mécanismes de négociation collective ne sont plus adaptés aux difficultés de ce système complexe. Bien que l'on ait donné, comme beaucoup le souhaitaient, une délégation de gestion à la CNAM, les reproches restent adressés au politique, jamais à la Caisse. C'est donc tout le terrain de la négociation collective qu'il faut revoir.

Je voudrais dire à M. Préel qu'il faut regarder notre politique comme un tableau impressionniste : si on ne regarde que les couleurs, on ne voit que les couleurs. Il faut donc prendre un peu de recul pour juger notre action depuis quatre ans. La politique que nous menons est d'abord une grande politique du médicament, notamment grâce au développement des médicaments génériques et à l'approche nouvelle que constitue le service médical rendu. Elle est aussi marquée par une volonté nouvelle de corriger les inégalités -c'est ce à quoi tend le schéma directeur financier de l'hôpital public- et de mener une action de prévention négociée avec les régions dans les contrats de plan. Les dispositions relatives à un fonds de garantie comme celui de l'amiante sont très précises quant au recours et quant à l'indemnisation. Elles ont fait l'objet d'un vrai travail juridique. L'amorce d'une régionalisation, Monsieur Préel, n'est pas un point mineur, et remet beaucoup d'habitudes en cause. L'établissement de réseaux associant tant l'hôpital public que les cliniques privées et le secteur privé à but non lucratif, ainsi que les professionnels de santé, nous permet, Monsieur Goulard, de nous rapprocher du terrain.

S'agissant des retraites, la création du fonds de garantie n'est tout de même pas un événement mineur ! Il reste, il est vrai, à préciser la nature juridique de la structure qui le gérera et à pérenniser ses moyens de financement. Mais nul ne l'a nié. J'en viens à la baisse de la CSG sur les bas salaires : est-il vraiment contraire au principe d'universalité de tenir compte des capacités contributives de chacun ? « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins », pour reprendre une formule aussi vieille que l'histoire du mouvement ouvrier.

Enfin, nous assurons l'équilibre de l'ensemble du système en rebasant l'ONDAM en fonction des dépenses réelles. L'évolution de 3,5 % qui est prévue est raisonnable et nous nous engageons dans une démarche structurelle en la calquant sur celle du PIB en valeur, ce qui manifeste que la santé est devenue un bien premier, qui fera l'objet d'exigences grandissantes. On nous adresse, du reste, le double reproche d'une approche exclusivement comptable et d'une absence de contrôle des dépenses. Cet équilibre que nous construisons manifeste une vision d'ensemble. Soyez impressionniste, Monsieur Préel, regardez le tableau dans son ensemble et vous verrez que nous opérons bien des réformes de fond (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés - J'ai l'honneur de soutenir pour la troisième fois à cette tribune le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Votre assemblée aura le dernier mot à l'issue de ce débat.

J'ai entendu, Monsieur le président de la commission, votre souhait d'une nouvelle étape, auquel le Gouvernement souscrit. Il sera prochainement satisfait.

Le projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis est identique au texte que vous avez adopté en deuxième lecture. En effet, le Sénat a, cette année encore, refusé de débattre en seconde lecture du texte que vous lui aviez transmis, qui rétablissait l'esprit du projet du Gouvernement, qu'il avait pour sa part profondément altéré en première lecture. Certes, le Sénat a amélioré, en première lecture, le texte voté par l'Assemblée nationale sur des points essentiels, comme l'aménagement de la fiscalité agricole ou l'assurance vieillesse des gens de mer. Mais la majorité sénatoriale n'a pas su résister à la tentation du maximalisme politique, amendant votre texte au point d'en dénaturer l'équilibre.

Ainsi, le Sénat a substitué à la réduction dégressive de la CSG et de la CRDS, une forme « d'impôt négatif » inspirée des expériences anglo-saxonnes. Il n'ignorait cependant pas qu'il prenait ainsi la responsabilité d'alourdir les dépenses sociales, alors que le projet du Gouvernement était de ne pas exclure les personnes à revenu modeste du bénéfice de la baisse des impôts. Il y a là un curieux renversement, la majorité sénatoriale ayant plutôt pour habitude de pousser le Gouvernement à la rigueur en matière de finances publiques ! Le Sénat s'est également montré peu disert sur les conséquences de sa contre-proposition, notamment sur l'encouragement à l'embauche de salariés à statut précaire qu'elle constitue : si l'expression « trappe à bas salaires » a un sens, le voici parfaitement illustré par le projet du Sénat !

En deuxième lieu, le Sénat a mené bataille contre les articles 10 et 11 du projet avant de les supprimer. Chacun jugera si c'est servir la qualité du débat démocratique que de s'obstiner à lutter contre les 35 heures sous l'angle de leur financement (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. le Président - Laissez parler Mme la ministre !

Mme la Secrétaire d'Etat - Enfin, en refusant d'approuver l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, le Sénat n'a pas craint la contradiction, puisqu'il se justifie en affirmant que cet objectif ne sera pas respecté, mais abroge dans le même temps des mécanismes de régulation et de maîtrise médicalisée des dépenses comme les accords de bon usage des soins et les contrats de bonne pratique créés par la loi de financement pour 2000. En vérité, le Sénat n'a pas agi dans l'intérêt de la couverture sociale des Français. Sa démarche a été mue par des considérations politiciennes.

M. Jean-Luc Préel - Votre discours, ne l'est-il pas tout autant !?

Mme la Secrétaire d'Etat - En refusant de le suivre à l'issue de la première lecture, vous avez donné mandat au Gouvernement de poursuivre son action en faveur de notre protection sociale, et apporté une contribution essentielle à l'étape nouvelle que constitue la présente loi de financement. Je vous en remercie.

Il n'est pas inutile, en effet, de revenir sur le passé pour apprécier les objectifs proposés pour l'an prochain. Nous sommes passés en quatre ans d'un déficit abyssal du régime général de 51 milliards de F à un excédent prévisionnel de plus de 4 milliards pour 2001, et ce sans obérer la croissance, en adaptant le financement de la sécurité sociale pour qu'il pèse moins sur le facteur travail. Nous avons aussi dégagé des marges de man_uvre pour améliorer la couverture sociale de nos concitoyens : la loi de prévention et de lutte contre les exclusions, création de la couverture maladie universelle, plan en faveur de l'hôpital public, enfin amélioration des prestations familiales, dont le bénéfice est étendu à tous les enfants de moins de 20 ans.

Cette démarche, le Gouvernement vous propose de la poursuivre l'an prochain, d'abord grâce à la réduction dégressive de la CSG et de la CRDS, qui allégera le fardeau des travailleurs les moins bien rémunérés, et encouragera donc les bénéficiaires de minima sociaux à reprendre un emploi. Par ailleurs, les retraités non imposables seront libérés du fardeau de la CRDS. Enfin, les articles 10 et 11 conforteront les missions et les ressources du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de la sécurité sociale (FOREC), et assureront ainsi le financement des aides aux entreprises qui passent aux 35 heures, sans dégrader les comptes du régime général : là encore, le Gouvernement veille à garantir le financement durable de la sécurité sociale en favorisant de nouvelles créations d'emplois.

D'autre part, les familles bénéficieront du renforcement des aides à la petite enfance, qu'il s'agisse de la réforme de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle, de la création de l'allocation de présence parentale, ou de la possibilité de cumuler l'allocation parentale d'éducation avec un revenu d'activité. Les retraités verront leurs revenus augmenter sous l'effet d'une revalorisation de leurs pensions supérieure à l'inflation. Dans le même temps, la consolidation du fonds de réserve des retraites, qui atteindra 50 milliards, traduit l'engagement du Gouvernement à garantir la pérennité de notre système de retraite. Ces mesures préserveront les droits acquis des retraités d'aujourd'hui et la solidarité entre les générations. En matière d'assurance maladie et d'accidents du travail, l'objectif de dépenses est cohérent avec l'évolution des besoins sanitaires des Français, tout en restant maîtrisé. Ainsi, quoique plus importante que les années précédentes, l'augmentation des dépenses de santé restera moindre que celle de la richesse nationale. Elle permettra la mise en _uvre de mesures concernant la sécurité sanitaire, le plan cancer ou le développement des soins palliatifs. Ce ne sont que des exemples destinés à montrer à M. Préel que les politiques pluriannuelles cohérentes existent depuis trois ans.

M. Jean-Luc Préel - Non !

Mme la Secrétaire d'Etat - Vous avez également consenti à la création du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, qui contribuera à la réparation des préjudices que trop de salariés ont subis.

Telles étaient, Mesdames et Messieurs les députés, les intentions du Gouvernement. Après l'avoir interrogé, souvent avec opiniâtreté, vous avez bien voulu le soutenir. Mieux, vous avez souhaité porter plus loin son ambition en étendant les réductions de CSG et de CRDS, en exonérant les demandeurs d'emploi non imposables de CRDS, en abrogeant la loi « Thomas », qui constituait une menace pour nos régimes de retraite par répartition, (Protestations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL) en transférant à l'échelon régional l'agrément des réseaux et filières de soins et enfin en élargissant l'accès à la CMU complémentaire.

M. Jean-Luc Préel - Et les agriculteurs ? Et la filière bovine ?

Mme la Secrétaire d'Etat - Cette énumération de la contribution de l'Assemblée n'est pas exhaustive. Ce texte sera la charte de l'action du Gouvernement en matière de sécurité sociale en 2001. Il me reste à vous remercier de votre contribution, et je voulais le faire pour toute l'Assemblée mais le chahut organisé par M. Préel m'en empêche. Je remercie plus particulièrement Mmes et MM. les rapporteurs, pour l'importance de leur travail et je vous demande solennellement d'adopter ce projet de loi dans les mêmes termes que lors de votre précédent vote (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - La CMP n'étant pas parvenue à un texte commun, l'Assemblée est appelée à se prononcer sur le dernier texte voté par elle.

M. Charles de Courson - Je souhaite expliquer notre vote (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je voudrais d'abord souligner que vous n'avez toujours pas répondu à nos questions sur l'application de la réduction de CSG et de CRDS aux pluriactifs. Le fait est que vous ne savez comment faire, et tous les gens honnêtes, à gauche comme à droite, en conviennent. Mme Guigou et M. le rapporteur ont publiquement reconnu qu'ils n'avaient pas de solution technique pour appliquer l'article que vous nous demandez de voter. C'est grave !

Ensuite, vous voulez simplifier le dispositif trop compliqué des cotisations sociales agricoles. Nous sommes tous d'accord. Mais pour cela, supprimez l'option de l'année N-1, mais maintenez celle de l'année N ! Vous avez reçu une lettre commune de la présidente de CCMSA et du président de la FNSEA attirant votre attention sur la crise bovine et vous prévenant que nous sommes à la veille d'émeutes. J'en ai parlé avec M. Glavany comme d'un problème technique, et non politique (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Hélas, vous vous êtes laissés influencer, comme d'ailleurs tous les gouvernements, par les technocrates qui vous assurent que la solution de l'année N n'est pas possible. Pourtant, elle a fonctionné plusieurs années et elle est encore utilisée pour les commerçants et les artisans ! Cette solution permet d'éteindre les incendies lorsqu'il y a des effondrements de revenus sectoriels, mais le bon sens ne l'a pas emporté... Madame, je prends le pari, que vous ou votre successeur serez contraint de rétablir avant un an l'option de l'année N.

Pour ces deux raisons, prises parmi bien d'autres, le groupe de l'UDF votera contre ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. le Président - Je dois rappeler que, selon l'article 54-3 du Règlement, les explications de vote sont de droit.

M. Maxime Gremetz - Mme Jacquaint a exposé la position du groupe communiste. Je voudrais insister sur deux questions graves. D'abord, Madame la ministre, si le Gouvernement persiste à empêcher que les vrais responsables du problème de l'amiante, c'est-à-dire les patrons, soient mis en face de leurs responsabilités, vous allez en entendre parler longtemps. Qu'un gouvernement de gauche interdise aux bénéficiaires du fonds d'indemnisation de traduire les responsables devant la justice, c'est inqualifiable, et toutes les associations sont de cet avis.

M. le Président de la commission - C'est faux !

M. Maxime Gremetz - Vous avez peut-être la science infuse, mais, moi, j'écoute les associations et je sais de quoi je parle.

Ensuite, et malgré les améliorations, votre texte contient toujours une difficulté majeure : nous ne pourrons pas continuer à financer la sécurité sociale comme aujourd'hui et à faire l'économie d'une remise à plat de l'assiette des cotisations.

Nous ne pourrons continuer à diminuer les cotisations patronales -126 milliards d'exonération, il faut le rappeler- et à proclamer qu'il faut boire, fumer et polluer davantage pour avoir une protection sociale de qualité !

Contrairement aux engagements de Mme Aubry, on n'a pas relevé d'un pouce la cotisation sociale sur les bénéfices, qui reste dérisoire. Cela explique sans doute pourquoi, après avoir stagné depuis 1997, les revenus du capital croissent ce mois-ci au détriment de ceux du travail. On ne peut continuer dans cette voie et c'est pourquoi le groupe communiste s'abstiendra.

L'ensemble du projet de loi tel qu'il résulte du dernier texte voté par l'Assemblée nationale, mis aux voix, est adopté.

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TRANSPOSITION PAR ORDONNANCES DE DIRECTIVES COMMUNAUTAIRES

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par le Sénat après déclaration d'urgence portant habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances des directives communautaires et à mettre en _uvre certaines dispositions de droit communautaire.

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement - Le projet de loi qui vous est soumis vise à autoriser le Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives européennes et à mettre en _uvre certaines dispositions du droit communautaire.

A l'heure où la France préside l'Union européenne et à quelques jours du sommet de Nice, l'application du droit communautaire en France est loin d'être satisfaisante.

Au 30 septembre, nous comptions 176 directives à transposer, dont 136 étaient à proprement parler « en retard ».

La majorité de ces textes a un caractère réglementaire mais un bon tiers présente un caractère principalement législatif, selon les critères -que le droit communautaire ne connaît pas- des articles 34 et 37 de notre Constitution.

Certaines de ces directives remontent au début des années quatre-vingt. C'est dire si la responsabilité de la situation actuelle est partagée entre les gouvernements qui se sont succédé. Il ne s'agit d'ailleurs pas aujourd'hui de chercher des responsables, mais de trouver des solutions.

En effet notre retard nous place au premier rang des Etats membres contre lesquels sont engagées des procédures contentieuses ou pré-contentieuses, susceptibles de se traduire par des condamnations au versement d'astreintes, dont le montant peut être considérable.

En outre, notre position est fragilisée vis-à-vis de la Commission et de nos partenaires lorsqu'une directive est en cours de négociation alors même que nous n'avons pas achevé de transposer une directive précédente sur le même sujet. C'est le cas pour l'une des deux directives que le Sénat a ôtée du projet et que le Gouvernement vous proposera de rétablir, relative à la procédure de désignation des sites Natura 2000 ; le commissaire européen en charge des fonds structurels conditionne les versements au respect par la France de ses obligations communautaires (Exclamations sur les bancs du groupe RCV).

Le recours à la procédure des ordonnances permettra d'accélérer la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire et d'éviter de nouveaux contentieux. Le Gouvernement s'y est résolu, avec l'accord du Président de la République, la présidence de l'Union européenne par notre pays devant nous inciter à une certaine exemplarité quant au respect de nos obligations européennes.

L'habilitation concerne principalement les secteurs de la santé, de la sécurité sociale, des assurances, de l'environnement, de la consommation, des contributions indirectes ainsi que des postes et télécommunications. La très grande majorité des directives a déjà fait l'objet de transpositions dans le cadre de projets de loi ordinaires ; il s'agit souvent d'y apporter des compléments minimes.

Le projet tend également à autoriser le Gouvernement à procéder par ordonnance à la refonte du code de la mutualité, en conséquence de la transposition de deux directives communautaires de 1992 relatives aux assurances, ainsi qu'à la réforme du code de la voirie routière, afin de moderniser le régime d'exploitation des autoroutes.

Depuis 1997, le Gouvernement a privilégié, pour satisfaire ses obligations communautaires, la voie du droit commun, à savoir la discussion d'un projet de loi. De nombreuses directives ont été transposées à l'occasion de la discussion de tel ou tel projet de loi ; par ailleurs, le Gouvernement a présenté des projets de loi portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire et permettant la discussion de plusieurs directives, le plus souvent à caractère technique, concernant un même secteur. C'est le cas de deux textes que vous avez récemment examinés en deuxième lecture et dont la discussion parlementaire va se poursuivre, l'un relatif aux transports, l'autre à la sécurité sanitaire.

Néanmoins, puisque nous demeurons dans le peloton de queue en matière de transposition, avec la Grèce et le Portugal, le recours à l'article 38 est nécessaire, dans le but exclusif d'apurer le passif.

Ancien parlementaire moi-même, je partage les réticences des parlementaires à cette forme de délégation du pouvoir législatif.

M. Maxime Gremetz - Le « coup d'Etat permanent »...

M. le Ministre - Depuis 1997, le Gouvernement a utilisé cette procédure seulement quatre fois. Dans deux cas, il s'agissait de l'outre-mer ; le premier train d'ordonnances a déjà été ratifié, le second sera également soumis à ratification. Des ordonnances sont en cours de rédaction dans deux autres domaines : la codification des lois et règlements et l'adaptation de la législation à l'euro.

Nous veillerons à ce que les droits du Parlement soient respectés à chaque étape. Votre rapporteur, M. Floch, a eu accès à toutes les informations qu'il souhaitait (Exclamations sur les bancs du groupe communiste), comme dans le cadre d'une procédure législative ordinaire. Il a pu procéder aux auditions nécessaires. La liste des directives à transposer a été rendue publique. Certains projets de loi de transposition vous ont été soumis pour information. Le Parlement sera naturellement amené à se prononcer sur les projets de loi de ratification, qui regrouperont les ordonnances par matière et sur lesquels les parlementaires pourront exercer leur droit d'amendement.

Sur le fond, le Gouvernement a veillé à ce que le projet qui vous est soumis ne porte pas sur des questions fondamentales qui n'auraient pas fait l'objet de débats préalables devant les Assemblées.

Il vous présente ce soir des garanties répondant aux préoccupations légitimes de parlementaires de tous les groupes.

Les premières concernent les directives relatives aux télécommunications et à la Poste. L'essentiel de la directive Poste de 1997 a été transposé dans la loi d'orientation sur l'aménagement durable du territoire du 25 juin 1999, qui a opéré les choix politiques instaurant un service universel postal. La transposition qui vous est proposée concerne les mesures techniques complémentaires. Elle doit permettre à la France de participer dans les meilleures conditions aux négociations de la future directive postale et constituer un signal fort en faveur d'une renégociation dans un sens moins libéral.

M. Jacques Desallangre - Nous prenons note...

M. le Ministre - La transposition des directives relatives aux télécommunications doit renforcer les obligations de service public, comprenant notamment l'instauration d'un annuaire universel des abonnés de tous les opérateurs, y compris les abonnés mobiles qui le souhaiteront. Elle a été approuvée par la commission supérieure du service public des postes et télécommunications.

En matière sociale, la transposition des directives ne peut en aucune manière conduire à un nivellement des normes par le bas. Comme le précise explicitement le traité instituant l'Union européenne, les directives dans ce domaine fixent les prescriptions minimales, les Etats membres conservant la possibilité d'établir une réglementation plus protectrice. Je m'élève donc contre certaines campagnes présentant les ordonnances comme un moyen de démanteler notre législation sociale.

Enfin, le droit d'amendement permet, bien sûr, à ce stade de la procédure, de préciser la portée de l'habilitation législative. Le Gouvernement présentera ainsi un amendement encadrant la transposition de la directive Natura 2000 ; les amendements de votre commission permettront d'assurer les activités de chasse dans les zones de protection spéciale et d'associer les conseils municipaux concernés.

Ce débat laissera à certains une pointe d'amertume.

M. Maxime Gremetz - Plus que cela !

M. le Ministre - La situation que le Gouvernement vous demande de régler par cette habilitation ne doit plus se renouveler. Faudra-t-il, comme en Allemagne, imaginer une procédure de discussion accélérée, permettant d'introduire un même texte de transposition simultanément dans les deux chambres ? Faudra-t-il chaque année une habilitation en bloc pour l'exécution des obligations communautaires, comme en Italie ? Faudra-t-il prévoir, pour les projets de loi transposant des directives, une saisine pour avis de votre délégation à l'Union européenne, comme le propose M. Alain Barrau, son président, ou appliquer davantage le procédure d'examen simplifiée introduite par votre Règlement en mai 1991 ? Le débat est ouvert, ici comme dans les autres pays de l'Union et jusqu'en Grande-Bretagne, où la Chambre des communes autorise des délégations législatives permettant au Gouvernement de transposer par voie réglementaire des textes communautaires de nature technique. Plus profondément, ce débat montre qu'il faut s'interroger sur la place que la représentation nationale doit prendre dans la mise en _uvre du droit communautaire.

Les réponses peuvent être apportées par le Règlement de l'Assemblée nationale, peut-être peuvent-elles avoir aussi une dimension constitutionnelle. Cette réflexion doit être menée. Elle nous concerne tous car il s'agit de répondre aux exigences de la construction juridique communautaire et de mieux garantir, pour l'avenir, les prérogatives du Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Floch, rapporteur de la commission des lois - Comme tout un chacun ici, je n'apprécie pas le fait de me voir retirer, même temporairement, mon rôle de législateur. Depuis 1958, le pouvoir exécutif a demandé ainsi au pouvoir législatif de ne pas exercer sa fonction 224 fois -soit sans doute pour environ un millier de textes de loi.

Pourquoi le Gouvernement nous fait-il à nouveau cette demande aujourd'hui ? L'accumulation des retards : à qui la faute ? L'encombrement du calendrier du Parlement : qui est responsable de l'ordre du jour ?

Sur les 50 directives, 23 ont moins de 3 ans, mais 11 ont plus de 10 ans.

Nos procédures existent, mais manquent singulièrement d'efficacité.

Plusieurs phases méritent examen : qui, en premier lieu, élabore les directives ? Non pas le législateur, mais bien plutôt les pouvoirs exécutifs des Etats membres. Des consultations sont certes prévues, mais ce ne sont que des consultations.

Quant aux règles de transposition, elles sont quelque peu obscures, les administrations jouant un rôle excessif et certainement plus marqué que ne le font les membres du Parlement. Vous comprendrez donc, Monsieur le ministre, que le type d'exercice auquel vous nous demandez de nous prêter soit pour nous difficile, puisque vous demandez à l'Assemblée de se défaire, pour un temps, de ce qui justifie son existence. Chacun, ici, mesure l'incongruité.

Mais le fait que les différents ministères aient « sous le coude » 176 directives en attente de transposition en droit interne, ce qui expose notre pays à des condamnations, est la conséquence et non la cause d'un travail insatisfaisant. Le constat est que la France applique très mal le droit communautaire puisque seuls le Portugal, le Luxembourg et la Grèce font moins bien que nous.

Le sénateur Hoeffel notait d'ailleurs avec tristesse que « ...notre pays, pilier de la construction européenne depuis les origines est donc, de loin, celui qui fait l'objet du plus grand nombre de procédures pour manquement à ses obligations d'application du droit communautaire... ». Telle est la réalité et ces manquements ont de graves conséquences.

Les gouvernements de la France qui se sont succédé depuis plus de vingt ans ont proposé, négocié et adopté des textes que la Commission nous a retransmis pour que nous les transposions en droit interne. Ces même gouvernements n'ont pas totalement rempli leur tâche en ne proposant pas à Paris l'application de textes qu'ils avaient acceptés à Bruxelles. Ces « oublis » peuvent coûter cher à la France : la Cour de justice européenne peut en effet nous condamner à de très lourdes astreintes. En juillet, la Grèce en a fait la douloureuse expérience.

En outre, l'absence de transposition de directives est une atteinte au droit : atteinte au droit de l'Union, dont nous ne respectons pas le traité que nous avons signé ; atteinte au principe d'égalité des Etats membres, ce qui donne une image déplorable d'un pays qui se veut un Etat de droit ; atteinte au droit des citoyens, car cette situation crée des situations juridiques inextricables.

Depuis 1970, en effet, la Cour de justice des Communautés considère que ces directives peuvent être invoquées par des particuliers une fois expiré le délai de mise en _uvre, en cas d'absence de transposition ou de mauvaise transposition par un Etat membre. D'autre part, le Conseil d'Etat reconnaît maintenant l'autorité de normes communautaires. Ainsi est entaché d'illégalité un règlement qui ignorait une directive non transcrite, y compris un règlement ancien. Il en est de même pour la loi : une loi ancienne en contradiction avec une nouvelle règle communautaire non transcrite est incompatible en droit.

Certes, il peut apparaître une certaine contradiction dans le comportement du Conseil d'Etat, qui s'oppose toujours à ce qu'une partie invoque une directive communautaire pour dire son droit mais qui déclare illégaux les actes administratifs nationaux en contradiction avec elle. Il n'empêche que plusieurs exemples montrent que ces manquements ont déjà coûté cher au Trésor français.

Il faut tenter d'en finir avec cette situation, dont nous sommes tous coupables, et tous responsables. Un véritable débat s'impose avec le gouvernement, pour instituer une procédure efficace permettant les transpositions dans un délai raisonnable, sous la responsabilité d'un seul département ministériel. Pourquoi le ministre délégué aux affaires européennes n'aurait-il pas cette charge ? Sa connaissance particulière des directives lui permet, que dis-je, l'oblige à cette fonction et sa place serait aux côtés du Premier ministre plutôt qu'aux côtés du ministre des affaires étrangères. Européen convaincu, je ne considère plus les affaires de l'Union comme des affaires étrangères et je suis convaincu qu'une telle organisation permettrait de ne plus utiliser de mauvais arguments pour nous proposer de légiférer à notre place, en exposant, par exemple, que le calendrier du Parlement est trop chargé... Je le rappelle, l'ordonnance est la transposition gaullienne de ce que la monarchie appelait décision royale et que la Restauration avait réintroduit, ce qui coûta cher à Charles X.

Cette confusion des pouvoirs a été reprise par les IIIe et IVe République, sous l'intitulé de « décret-loi », malgré l'interdiction faite par la Constitution de 1946 au Parlement de se défaire de son pouvoir législatif. Etant donné ses fondateurs, la Ve République ne pouvait échapper à une telle démarche et la loi accordant les pleins pouvoirs au général de Gaulle, le 3 juin 1958, utilise le terme d'« ordonnance » qui n'existe pourtant pas dans la Constitution de la IVe République.

L'essentiel, aujourd'hui, est que le Parlement et le Gouvernement trouvent un terrain d'entente pour « liquider le stock » des directives en souffrance. La seule question qui vaille est de déterminer si les conditions posées par l'article 38 de la Constitution sont remplies, sachant que le débat de fond aura lieu lorsque le Gouvernement déposera les projets de loi de ratification.

Les conditions définies à l'article 38 de la Constitution étant remplies, le Parlement peut débattre de la loi d'habilitation. Je souhaite donc que l'Assemblée, comme sa commission des lois, adopte le projet accepté par le Sénat et modifié par votre commission (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Myard - Quelle démission !

M. Alain Barrau, président de la délégation pour l'Union européenne - Le Gouvernement est dans une situation délicate. D'un côté, il met en _uvre, depuis 1997, une politique visant à faire progresser la place du Parlement dans l'examen et le contrôle de la politique européenne, d'un autre côté, il doit gérer une situation qui ne peut s'éterniser et dont il n'est qu'en faible partie responsable : la France est l'avant-dernier des pays de l'Union à avoir procédé aux transpositions en droit interne des directives adoptées par les Conseils des ministres de l'Union, souvent à la demande de notre pays ou, en tout cas, avec son accord.

Le Gouvernement a donc opté pour la seconde branche de cette alternative pour éponger le passé et repartir d'un bon pied. Comme tous les choix politiques, ce choix est discutable mais il s'explique par le sentiment qu'ont eu la Présidence de la République et le Gouvernement qu'il fallait débloquer cette situation sous la présidence française de l'Union.

Nous voulons, ensemble, faire évoluer la construction européenne...

M. Jean-Pierre Michel - Oui, mais pas de la même manière !

M. le Président de la délégation pour l'Union européenne - ...conformément aux valeurs qui nous sont chères -au sein de la gauche plurielle mais plus largement au sein de cette Assemblée- comme la prise en compte d'une politique européenne de l'emploi, d'une politique sociale, d'une prise en compte des services publics...

M. Georges Sarre - Parlons-en !

M. le Président de la délégation pour l'Union européenne - ...ou encore de notre conception de la laïcité. Nous voulons convaincre nos partenaires que la culture, le « vivant » ne sont pas des biens commerciaux comme d'autres et qu'il faut donc laisser à chaque Etat la possibilité de s'exprimer sur ces sujets. Voulant tout cela, nous serions parmi les derniers à avoir transposé des dispositions communautaires déjà adoptées !

D'autre part chacun conviendra qu'il est difficile de demander à nos futurs partenaires, candidats à l'adhésion à une union économique et politique, « d'intégrer l'acquis communautaire » et de ne pas le faire nous-mêmes !

C'est de ce débat seulement qu'il s'agit aujourd'hui, comme l'a rappelé notre rapporteur, mais je comprends que certains de nos collègues souhaitent profiter des circonstances pour intervenir sur le fond pour telle ou telle directive, ce que je me réserve de faire, éventuellement, dans le débat général.

Plus largement, j'ai pensé qu'il me revenait, es qualité, de formuler des propositions telles que nous ne soyons plus confrontés à une situation dont le caractère exceptionnel a été souligné.

De premières améliorations devraient être recherchées dans les modalités de préparation des textes de transposition par le pouvoir exécutif. Il conviendrait de réviser les procédures et, peut-être, de renforcer encore le rôle du SGCI, qui ne doit plus être perçu seulement comme une « boite aux lettres ». Il faudrait sans doute aussi se demander si les insuffisances dans la préparation des textes appelés à devenir des projets de loi ou des projets d'actes réglementaires, dénoncées il y a quelques années par le Conseil d'Etat, ont toutes trouvé un remède satisfaisant. Dans le cas contraire, la contrainte européenne ne ferait qu'amplifier l'insécurité juridique alors déplorée par le Conseil.

Il faudrait aussi que dans tous les projets de loi présentés par le Gouvernement soit systématiquement incluse la dimension européenne.

Ce serait oublier que la procédure communautaire combine les techniques de la négociation internationale et celles de l'élaboration des actes de droit interne. Du reste, si aucun texte n'interdit à un parlementaire de déposer une proposition de loi de transposition, il est patent que le Gouvernement, qui a conduit toute la négociation aboutissant à la directive à transposer, jouit d'un avantage objectif pour en déterminer le cadre juridique.

Cela impose à notre Parlement, par symétrie, une révision importante de son mode d'intervention. Nous le mesurons chaque jour : plus l'information du Parlement sur un domaine qui va donner lieu, via un projet de directive, à une intervention dans le champ de compétences du législateur est précoce, plus il a de chances d'exercer sur le processus d'élaboration, puis de transposition de la norme communautaire, l'influence conforme à sa mission constitutionnelle. Nous savons aussi qu'un certain flou affecte le suivi des observations exprimés par le Parlement à travers l'adoption de résolutions, même avec l'application de l'article 88-4 de la Constitution. D'ailleurs, la saisine des assemblées est parfois bien formelle et il convient d'y remédier.

Pour assurer à l'intervention du Parlement à la fois la précocité et la continuité qui en garantiraient l'efficacité, la solution idéale serait de créer, comme cela existe dans certains parlements nationaux des Etats membres mais aussi des Etats candidats à l'adhésion, comme la Pologne, une commission permanente compétente pour les questions européennes. Elle suivrait depuis l'origine et secteur par secteur le développement des procédures juridiques correspondant aux politiques communautaires; elle pourrait être, sous réserve de l'évocation du débat en séance publique et de l'intervention des autres commissions permanentes, l'instance chargée de préparer et d'adopter les résolutions que tel ou tel projet d'acte communautaire rendrait souhaitable d'adopter ; elle pourrait également donner son avis sur les projets ou propositions de loi pour lesquels un problème de transposition viendrait à se poser ; enfin, elle examinerait de plein droit les projets de loi de transposition au fond.

M. le Rapporteur - Excellente proposition !

M. le Président de la délégation pour l'Union européenne - Je ne méconnais pas que la concrétisation de cette idée supposerait une révision constitutionnelle, puisque la limitation à six du nombre des commissions permanentes résulte de l'article 43 de la Constitution. Une telle révision ne me paraît pas impossible : le Gouvernement en a évoqué l'idée devant le Sénat et les raisons qui limitaient les initiatives de révision n'ont plus le caractère impérieux qui était admis en 1958 : enfin, la Constitution de 1958, qui accomplissait son _uvre novatrice alors que le traité de Rome venait à peine d'être ratifié, n'a certainement pas prévu toutes les contraintes résultant de la construction européenne.

Je sais bien cependant que les conditions politiques d'une telle révision ne sont pas aujourd'hui réunies. Or, les motifs qui ont conduit à la demande actuelle de législation par ordonnance sont et demeureront présents. Il faut donc rechercher ce qui, dans le cadre juridique actuel, peut être entrepris pour augmenter la capacité de réaction du Parlement en matière de transposition de directives.

A l'évidence, la solution passe par un renforcement du rôle des délégations parlementaires pour l'Union européenne.

J'ai donc déposé une proposition de loi modifiant l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de manière à permettre aux délégations pour l'Union européenne de chaque assemblée de se saisir pour avis des projets ou propositions de loi transposant des textes européens dans notre droit.

Si ce texte était adopté, la délégation pourrait s'attacher, dans le cadre de l'examen de projets de loi de transposition, à vérifier qu'ils touchent tous les domaines et toutes les règles dont les directives européennes devraient imposer l'adaptation. Ainsi, elle remplira une fois de plus, le rôle de veille, de réflexion et d'alerte que lui reconnaît la loi, non pas en amont de l'adoption de la directive comme l'a institué la révision de l'article 88-4 de la Constitution à laquelle nous avons procédé à l'occasion de la ratification du traité d'Amsterdam -mais en aval, après l'adoption des directives au plan européen.

J'espère que cette proposition, qui ne bouleverse pas l'ordre institutionnel mais tendra à répondre, dans le cadre juridique en vigueur, à l'impératif politique de la construction européenne, recueillera l'adhésion de notre Assemblée, car elle vise aussi à conforter son rôle et à rétablir le rang qui lui est dû (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de M. Georges Sarre une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement.

M. Georges Sarre - Il n'est pas dans les usages qu'une formation de la majorité dépose une exception d'irrecevabilité mais il m'a semblé, ainsi qu'à mes collègues du Mouvement des citoyens, qu'il était nécessaire, devant cet amoncellement de textes qui vont être ainsi homologués, d'envoyer un message et de donner un coup d'arrêt. Je considère en effet que ce qui nous est proposé aujourd'hui est la conséquence d'un Parlement affaibli et dépossédé de ses prérogatives.

M. Jacques Myard - Un parlement croupion !

M. Georges Sarre - Dans sa déclaration de politique générale du 19 juin 1997, Lionel Jospin avait, pourtant, affirmé, qu'en tant qu'incarnation de la souveraineté nationale, le Parlement, devait pleinement exercer son rôle éminent au sein de nos institutions. Or, la déclaration de politique générale constitue à mes yeux un texte de référence. Non seulement parce que le Premier ministre y affirme son souhait de revenir en tout domaine à la République, mais aussi parce qu'il s'agit du contrat de législature, qui engage eux qui promettent et ceux qui l'ont voté.

C'est à la lumière de ce texte qu'il m'apparaît aujourd'hui justifié de défendre, au nom des députés du Mouvement des citoyens, cette exception d'irrecevabilité. Le référendum sur le quinquennat, la décision de notre Assemblée de modifier la procédure budgétaire, le débat lancé ici même par le MDC, au travers d'un amendement sur l'inversion du calendrier électoral, ont remis au c_ur de l'actualité la question des institutions et la nécessaire revalorisation du rôle de notre Assemblée.

Chacun reconnaît aujourd'hui que le quinquennat « sec » aurait plutôt tendance à renforcer encore le rôle du Président de la République. Même si les propositions de réformes institutionnelles diffèrent, chacun s'accorde à penser qu'un rééquilibrage entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est devenu nécessaire.

Contrairement aux craintes exprimées par certains, l'inversion du calendrier électoral -qui relève du simple bon sens- ne constitue pas en soi un affaiblissement du rôle du Parlement, dès lors que le chantier d'une réforme institutionnelle plus large s'engagera inévitablement dans la foulée du renouvellement de 2002.

Mais toutes les réformes institutionnelles du monde ne suffiront pas pour redonner à l'Assemblée nationale le rôle central qui lui revient.

Là comme ailleurs, tout dépend de la volonté politique, du Gouvernement mais aussi des députés eux-mêmes. A force de nous dessaisir nous-mêmes de l'essentiel de nos prérogatives, il ne faut pas nous étonner si le député apparaît, aux yeux des citoyens comme l'élu le moins populaire, et le plus loin des préoccupations des gens.

M. Jacques Myard - Il a raison.

M. Georges Sarre - L'inventaire à la Prévert des reculs de la volonté politique est impressionnant : politique monétaire confiée à une banque centrale indépendante (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe du RPR), politique fiscale encadrée par l'Acte unique européen et la libéralisation des mouvements de capitaux sans contrepartie fiscale (Mêmes mouvements), politique budgétaire contrainte par les traités de Maastricht et d'Amsterdam, politique commerciale extérieure largement confiée à la Commission européenne, directives européennes -j'y reviendrai- sur lesquelles notre Assemblée n'a aucune prise, multiplication des autorités dites indépendantes et des comités Théodule, Parlement mis hors jeu en politique extérieure y compris lors de l'engagement de troupes françaises avant-hier dans le Golfe, hier dans les Balkans.

Tous ces abandons ne doivent rien à je ne sais quelle évolution inéluctable liée à la mondialisation libérale et à l'interdépendance. Chacun de ces reculs a été décidé par le Parlement lui-même, qui s'automutile avec régularité et abnégation, au point de devenir un théâtre d'ombres. Si vous voulez continuer en ce sens, dites-le !

Je n'ai pourtant pas rêvé. Malgré nos multiples et récents déplacements à Versailles pour réviser notre Constitution, nous n'avons pas encore abrogé son préambule, qui fait référence à la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 lequel, dans son article 3, dispose que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ».

M. Jean-Pierre Michel - Pas même la Commission européenne !

M. Georges Sarre - Nous n'avons pas non plus abrogé l'article 3 qui affirme « que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants. Aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice » (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

C'est sur la base de ces principes que se fonde l'exception d'irrecevabilité que je vous présente.

Je l'ai montré, la liste des abandons par le Parlement lui-même de ses prérogatives est longue. Et nous ne devons finalement nous en prendre qu'à nous-mêmes.

Depuis l'été cependant, le Gouvernement de Lionel Jospin multiplie les entorses à la règle définie par le même Lionel Jospin le 19 juin 1997 : l'annonce du plan de baisse des impôts durant les vacances parlementaires sans que la commission des finances soit saisie, la présentation du projet de loi sur la Corse en avant-première à l'assemblée territoriale de Corse qui n'a jamais été élue pour ce faire (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR) avant même le passage du texte devant le Conseil d'Etat, constituent deux exemples extrêmement préoccupants. J'ai entendu plusieurs députés socialistes, y compris un président de commission, considérer que le Parlement était affaibli par le ralliement de Lionel Jospin à l'idée d'inverser le calendrier électoral de 2002. Il me semble que nos collègues auraient plutôt dû se mobiliser pour défendre les droits du Parlement sur les deux dossiers que j'ai cités et sur celui, lourd, qui nous occupe aujourd'hui.

Le projet de loi d'habilitation, autorisant le Gouvernement à transposer par ordonnances près de cinquante directives -excusez du peu !- constitue une double atteinte aux droits du Parlement.

D'abord parce que les directives européennes, élaborées en-dehors du cadre national et le plus souvent sous la pression de groupes d'intérêts très écoutés, échappent presque totalement au contrôle parlementaire. La Commission européenne détient le monopole de l'initiative et tout se passera ensuite entre elle et le conseil des ministres européens. On m'objectera que le Parlement européen a vu ses pouvoirs de codécision accrus depuis le traité d'Amsterdam, mais le processus de codécision est extrêmement lourd et complexe, ce qui limite la capacité d'influence du Parlement européen. Et surtout, l'essentiel n'est pas là : en l'absence d'un peuple européen, le Parlement européen n'a pas de légitimité populaire au sens républicain du terme. C'est le Parlement national qui la détient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe du RPR et du groupe communiste)

En vertu de l'article 88 alinéa 4 de la Constitution, le Gouvernement soumet au Parlement « les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législatives ». La révision constitutionnelle de janvier 1999 a élargi ce dispositif aux projets d'actes relatifs à la politique extérieure et de sécurité commune, à la justice et aux affaires intérieures. La délégation pour l'Union européenne peut faire voter en séance publique des résolutions sur les actes communautaires qui lui sont soumis mais elles n'ont qu'une portée consultative, le Gouvernement n'est pas tenu de s'y conformer ni même d'indiquer les suite qu'il leur a données.

Il serait temps que notre Assemblée se dote d'une commission permanente des affaires européennes. Nous pourrions en cette occasion nous inspirer du modèle danois, dans lequel le gouvernement soumet à la commission des affaires européennes du Folketing un plan de négociation sur la quasi-totalité des propositions d'actes législatifs avant toute adoption au sein du conseil des ministres européens. C'est donc nantis d'un mandat de négociation et d'une autorisation parlementaire que les ministres danois s'en vont négocier avec leurs partenaires à Bruxelles.

MM. Maxime Gremetz et Jacques Myard - Très bien !

M. Georges Sarre - En outre, le ministre qui s'est rendu au Conseil européen a l'obligation de rendre compte au Parlement de l'accomplissement de son mandat, dont il ne peut s'éloigner (Mêmes mouvements). Et qu'on ne vienne pas me dire que ce système est trop lourd. Il n'empêche pas le Danemark d'être champion d'Europe pour la transposition en droit interne des directives européennes.

Nous pouvons aussi prendre exemple sur la Finlande, qui dispose d'un système équivalent, ou sur notre grand voisin allemand, qui a révisé sa loi fondamentale pour reconnaître au Bundestag le droit de prendre position sur les textes normatifs européens. Par ailleurs, la commission allemande des affaires européennes est « habilitée à exercer les droits du Bundestag vis-à-vis du gouvernement ».

C'est moins bien que le Danemark, mais bien mieux que la France !

Si le débat d'aujourd'hui pouvait au moins servir à prendre conscience de l'urgente nécessité d'un réel contrôle démocratique sur la construction européenne, nous n'aurions pas perdu notre temps. Mais je n'y crois guère.

Quant aux sanctions européennes, constamment agitées pour faire plier le Parlement, il serait bon de ne pas en exagérer la portée. La France ne fait en effet l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice que pour onze directives.

M. le Rapporteur - Ce n'est déjà pas mal !

M. Georges Sarre - Et la Commission n'a engagé contre la France que quatre procédures d'astreinte financière. De toute façon, il n'existe pas encore d'huissier européen et seule la Grèce a été, une fois, soumise au versement effectif d'une astreinte. Alors trêve de menaces ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe du RPR)

Deuxième argument d'autorité : l'insécurité juridique qui résulterait de la non-transposition de directives. Il est vrai qu'outre le fait que les règlements communautaires sont directement applicables dans les Etats membres, la Cour de justice considère que les directives suffisamment précises sont invocables par les particuliers en cas d'absence de mise en application dans les délais par un Etat membre. De son côté, le Conseil d'Etat veille à l'autorité de la norme communautaire -en particulier le tristement célèbre arrêt Nicolo réaffirme la prédominance de la législation européenne sur la loi française, même postérieure.

Tout cela n'est pas très bon pour la démocratie.

Le Parlement devrait d'abord exiger une plus grande fermeté du Gouvernement pour que ne soient pas bradés à Bruxelles les acquis sociaux français sur l'autel du plus petit dénominateur commun européen. Par ailleurs, le Parlement devrait songer sérieusement à modifier l'article 55 de la Constitution, en vertu duquel les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l'autre partie. Or, plusieurs pays de l'Union européenne n'appliquent pas le même traité de Maastricht que nous. C'est le cas par exemple du Danemark ou de la Grande-Bretagne, qui ont obtenu des dérogations majeures. Mais surtout, le Parlement français devrait modifier l'article 55 de façon à limiter la supériorité des traités sur les lois aux seules lois votées avant la ratification desdits traités.

Voilà une réforme qui redonnerait un peu de pouvoir au Parlement national et qui replacerait la politique avant le juge européen ou français.

Le Gouvernement devrait mesurer les dégâts causés par cette image d'une « Europe fouettarde » à laquelle peuples et parlementaires seraient sommés d'obéir sous peine de sanctions. La très mauvaise gestion du dossier chasse l'a abondamment montré, de même que la légalisation à marche forcée du travail de nuit des femmes dans l'industrie.

Je conteste politiquement cette judiciarisation de l'action publique qui est contraire à la démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe du RPR).

L'atteinte aux droits du Parlement résulte aussi du choix de la voie des ordonnances.

L'article 249 du traité instituant la communauté européenne stipule que « la directive lie tout Etat membre quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. » C'est cette petite marge de man_uvre que le Gouvernement confisque aujourd'hui au Parlement en choisissant la voie des ordonnances pour transposer brutalement cinquante directives européennes.

On lit dans l'exposé des motifs que « le projet de loi porte sur des directives de nature essentiellement techniques ». On y apprend que le Gouvernement souhaite ainsi délester le Parlement d'une lourde charge de travail afin qu'il puisse se consacrer aux projets de loi présentant un véritable enjeu politique.

Pour le Gouvernement, l'avenir du service public postal, du service public -ou ce qu'il en reste- des télécommunications, le destin de cette grande spécificité française qu'est la Mutualité ou le mode de financement des autoroutes n'avaient donc qu'un caractère technique !

Le Gouvernement agite la menace de sanctions européennes en cas de non transposition des directives. Mais il est pourtant maître de l'ordre du jour et pourrait parfaitement transposer les directives les plus importantes par la voie parlementaire classique.

Je ne détaillerai pas les textes secondaires qui occupent souvent les jours et les nuits de notre Assemblée, à qui on fait de surcroît souvent voter des dispositions de nature réglementaire. Par « bongarçonnisme » (Sourires), je ne dirai rien de l'absurdité de la procédure budgétaire qui mobilise l'automne entier le Parlement, procédure encore alourdie par l'expérimentation hasardeuse pratiquée depuis deux ans sur quelques budgets et qui n'a atteint aucun de ses objectifs proclamés, à savoir le gain de temps et une meilleure médiatisation.

Le retard accumulé en matière de transposition des directives européennes est de la responsabilité des gouvernements successifs. Il provient souvent de leurs dysfonctionnements internes, et le Parlement n'a pas à en être sanctionné. Il est trop facile, une fois l'accord signé, de le faire adopter par ordonnances au lieu de venir le défendre devant le Parlement.

Lionel Jospin le disait ici même, le 9 avril 1986, « la législation par ordonnances est l'arme traditionnelle de la défiance ». Et Laurent Fabius de renchérir lors du débat de censure contre le plan Juppé en 1995 : « On ne réforme pas la protection sociale par ordonnances. »

J'en viens maintenant à quelques-uns des dossiers majeurs de ce projet de loi d'habilitation, que nous considérons comme éminemment politiques et sur lesquels le Gouvernement n'obtiendra pas notre accord en choisissant le passage en force des ordonnances.

Le premier est celui de l'avenir de la Poste. Le débat national que mérite ce sujet est escamoté d'une manière inadmissible. En effet, le service public n'est pas seulement un moyen de répondre aux besoins fondamentaux de nos concitoyens et un fondement de notre droit public, mais aussi, depuis près d'un siècle, un instrument d'unification du territoire et de développement économique. Surtout, il est un des piliers actuels du pacte républicain.

Les secteurs de l'électricité, du gaz, du transport ferroviaire, de la poste et des télécommunications ont été organisés en France selon une approche originale conduisant à la création d'un puissant opérateur national, fortement intégré, en situation de monopole, contrôlé par l'Etat, investi de missions de service public et vecteur de stratégies nationales dans son domine d'activité.

L'Etat a joué un rôle central dans l'organisation de ces services publics de réseau : à la fois régulateur, porteur des stratégies industrielles et garant des grands équilibres économiques, il a aussi été la tutelle et l'actionnaire des opérateurs publics.

La Poste jouit d'une situation particulière, en raison de son universalité et de sa forte présence territoriale.

La conception française du service public heurte frontalement la conception européenne du libéralisme économique. Malgré une certaine résistance de la France, la directive postale de 1997 montre que le service public est une idée étrangère à la Commission et à beaucoup de nos partenaires. Sa transposition aurait dû faire l'objet d'un débat parlementaire approfondi, comme l'avaient laissé espérer les déclarations de Dominique Voynet ou de Christian Pierret. Le Gouvernement a malheureusement reculé.

La majeure partie de cette directive a ainsi été transposée en droit interne par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 25 juin 1999. J'étais intervenu à l'époque pour combattre ce cavalier législatif dont l'objectif était d'ouvrir le marché postal français à la concurrence. Le procédé était déjà critiquable. Mais le Gouvernement souhaite aujourd'hui transposer par voie d'ordonnances le reliquat de cette directive. La motivation reste la même. Il s'agit de refuser tout débat sur l'avenir et les missions de la Poste. Mais verrouiller le débat n'est jamais une bonne solution, même s'il ne s'agit aujourd'hui que de transposer des points mineurs. Le grand absent de cette affaire, c'est un débat parlementaire sur la Poste. Que direz-vous lorsqu'on vous interrogera sur ce sujet lors des élections.

La Poste joue pourtant un rôle irremplaçable dans la cohésion du territoire national. Elle concourt à l'égalité des citoyens. Son savoir-faire, en matière de services financiers, est un rempart contre l'exclusion. Ses missions d'intérêt général touchent à l'acheminement des envois, mais aussi aux moyens de paiement, aux transferts de fonds, à l'épargne. Tout cela a un coût. La libéralisation des services postaux, qui est l'objectif de la Commission européenne, met en péril l'équilibre financier de l'opérateur public. Là est le vrai défi.

Cette man_uvre « d'escamotage » se produit précisément au moment où se noue la négociation en vue de l'adoption, peut-être le 22 décembre, lors du Conseil Postes et Télécommunications sous présidence française, d'une nouvelle directive postale, toujours, pour « faire moderne », plus libérale que la précédente.

Ce vent de libéralisme encourage ou contraint la direction de la Poste à prendre des décisions dictées par la rentabilité à court terme, sans égards pour l'égalité sociale et l'aménagement du territoire. Elle entend ainsi supprimer le train postal Paris-Besançon au profit d'un transport par camion. Bientôt, il sera trop tard. Nous ne pouvons donc accepter que le débat sur l'avenir de la Poste échappe à l'Assemblée par la combinaison d'un cavalier législatif et des ordonnances.

Un autre secteur sensible, celui des télécommunications, figure dans le champ de l'habilitation demandée au Parlement. L'enjeu est substantiel, puisque neuf directives sont concernées et qu'il s'agit de réécrire plusieurs pages du code des Postes et Télécommunications. La partie relative à la modification des modalités de financement du « service universel des télécommunications » a appelé l'attention des députés du Mouvement des Citoyens. On tente bien de nous faire prendre pour technique ce qui est politique. La directive 97-33 pour laquelle le Gouvernement demande l'habilitation vise en effet à revoir la méthode d'établissement du coût du service universel, dont la charge incombe à l'opérateur historique France Télécom, aux termes de la loi du 26 juillet 1996, et est financée par l'ensemble des opérateurs. La Commission, qui considère que la répercussion de ces charges constitue une barrière à l'entrée sur le marché français de nouveaux acteurs, demande à la France de diminuer l'estimation du coût du service universel des avantages économiques liés à l'image et à la notoriété qu'en retirerait l'opérateur historique. Cela reviendra à diminuer de 7 à 20 % cette estimation, soit un montant compris entre 200 et 550 millions de francs.

Plusieurs centaines de millions de francs en plus ou en moins pour la pérennité du service public, cela compte et c'est une question de choix politique et non d'ajustement technique. A trop minimiser la portée politique de telles mesures, la démocratie se retrouve toujours perdante. Cette directive n'a rien à faire dans un train d'ordonnances. Son contenu et sa portée doivent être débattus au grand jour.

J'en viens à l'avenir de la mutualité.

M. Jacques Myard - C'est le pompon !

M. Georges Sarre - Car ce projet de loi porte aussi sur la transposition de deux directives européennes, dites « vie et non vie », initialement consacrées aux assurances mais malheureusement étendues aux mutuelles. S'y ajoute la réécriture complète du code de la mutualité.

La mutualité constitue en France, depuis la loi fondatrice de 1898, un acteur essentiel de la protection sociale. Le mouvement mutualiste, ce sont 5 880 groupements mutualistes, 99 caisses autonomes, 1 325 réalisations sanitaires et trois métiers : la santé, la prévoyance et les services à la personne.

Ce mouvement, sans équivalent en Europe, associe une forte dimension éthique à ses activités. La solidarité, le refus des discriminations, la péréquation financière, le développement culturel, moral, intellectuel et physique et l'amélioration des conditions de vie font partie de ses objectifs. Nous sommes donc loin du monde de l'assurance, tristement illustré par le scandaleux comportement d'AXA vis-à-vis des parents d'enfants handicapés.

C'est malheureusement à la demande de la France et d'une des deux grandes fédérations mutualistes que les mutuelles ont été intégrées aux directives sur les assurances de 1992. Cette fédération très puissante pensait pouvoir percer sur le marché européen de l'assurance complémentaire. Elle a malheureusement dû déchanter et prendre conscience des risques que la transposition des directives assurances faisaient peser sur sa spécificité.

Le mouvement mutualiste a alors alerté les parlementaires et les gouvernements successifs ont retardé les décisions, afin de rendre compatibles la spécificité des mutuelles et les textes européens.

C'était sans doute la quadrature du cercle puisqu'il a fallu attendre huit ans et plusieurs rapports pour qu'un projet de loi voie le jour.

Un avant-projet de loi a été transmis aux fédérations mutualistes en décembre 1999. La première version a conduit à l'adoption par la Fédération nationale de la mutualité française d'une motion publique faisant état de sa consternation devant une véritable « agression » à l'égard des mutuelles. La deuxième version du mois de mai semble avoir été plus convaincante.

Un projet de loi a été présenté au Conseil d'Etat début juillet. Il comportait 8 articles, dont le premier faisant référence à une « annexe » de 225 articles constituant la partie législative du code de la mutualité.

Au conseil des ministres du 1er août 2000, où il devait être adopté, la présentation de ce projet de loi s'est transformée inexplicablement en une communication sur la réforme du code de la mutualité.

Alors que le Gouvernement aurait pu, aurait dû déclarer l'urgence, il a choisi de recourir aux ordonnances pour traiter un dossier éminemment politique qui engage l'avenir de notre protection sociale. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV)

Le Gouvernement se prévaut de l'accord des deux principales fédérations mutualistes. Mais cet accord ne le dispense pas de rechercher celui de la représentation nationale, du moins si l'on pense que la souveraineté populaire a encore un sens ! Pourquoi n'a-t-il pas demandé à Bruxelles que les mutuelles soient retirées de la liste des organismes concernés par les directives, alors même que tout le monde reconnaît que leur inclusion était une erreur ?

Le Parlement aurait dû pouvoir débattre de l'avenir du mouvement mutualiste, surtout à l'heure où certains entendent marchandiser la santé dans le cadre de l'OMC. Il aurait aimé mettre en perspective les directives avec la charte des droits fondamentaux, élaborée en dehors des Parlements nationaux.

Beaucoup de questions se posent en effet. Les principes généraux de la mutualité -économie sociale, liberté, solidarité, responsabilité- seront-ils préservés ? Comment la question de la fiscalité sera-t-elle résolue ? Le niveau des exigences prudentielles permettra-t-il aux petites mutuelles de poursuivre leurs activités ?

M. Bernard Accoyer - Très bonne remarque !

M. Georges Sarre - C'est d'un véritable débat de société dont se trouve privé le Parlement. A l'heure du développement sans limite de la médecine prédictive, à l'heure où se posent des questions aussi essentielles que l'autorisation de recherches sur l'embryon humain, le clonage thérapeutique, les brevets industriels sur les gènes, l'utilisation des tests génétiques à des fins commerciales et leur confidentialité, la mutualité apparaît comme un rempart. Un rempart éthique contre la taxation du « risque aggravé ». Un rempart contre le génétiquement correct.

Ce rempart pourra-t-il tenir sous les coups de boutoirs des directives sur les assurances ? Les présidents des deux grandes fédérations mutualistes veulent le croire, mais les responsables de la fédération française des assurances souhaitent une transposition rapide. Il y aura forcément un déçu.

Je voudrais vous faire part de la surprise de plusieurs personnes qui, ayant cotisé de longues années pour une retraite complémentaire, viennent de se voir notifier par leur mutuelle que celle-ci serait inférieure au montant fixé. Et la directive n'est toujours pas transposée ! Je peux vous garantir que l'accueil ne sera pas bon. Les députés du Mouvement des citoyens ne veulent être ni compères, ni complices de cette mauvaise action.

En ce qui concerne les autoroutes, le projet de loi autorise le Gouvernement à supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires et à prolonger les durées de concessions. Le Gouvernement pourra également redéfinir les règles relatives à l'institution des péages.

Là encore, il s'agit d'un dossier éminemment politique. La suppression de l'adossement aura forcément des conséquences. L'autoroute constitue un moyen de désenclavement important. Elle est la voie la plus sûre et un instrument d'échanges économiques majeur. Qu'il faille réfléchir à un rééquilibrage au profit des trains et notamment au ferroutage ne peut conduire à faire une croix sur tout le programme autoroutier.

Toutes ces questions auraient dû être débattues devant le Parlement.

L'article 38 de la Constitution permet au Gouvernement, pour l'exécution de son programme, de demander l'autorisation au Parlement de prendre par ordonnances des mesures législatives.

Je ne suis pas sûr que la libéralisation du secteur postal ou la mise en concurrence de la mutualité avec les assurances fassent réellement partie du programme de ce gouvernement.

Par ailleurs, la plupart des directives concernées ont été élaborées bien avant l'arrivée du gouvernement Jospin.

J'ai montré comment les directives échappent au contrôle démocratique.

J'ai insisté sur le fait que le Gouvernement privait le Parlement de toute capacité d'intervention sur des dossiers éminemment politiques. Le Parlement ne fait plus la loi.

M. Jacques Myard - Il subit le diktat de Bruxelles !

M. Georges Sarre - En adoptant cette exception d'irrecevabilité, vous contribuerez à redonner un peu de couleur à notre Parlement et un peu de sens au principe de la souveraineté populaire. La vie publique et politique ne s'en porterait que mieux. C'est donc la conscience légère que je vous demande de la voter (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe communiste).

M. le Président - Nous en venons aux explications de vote.

M. André Vauchez - M. Sarre a voulu délivrer un message. Et certes, nous nous interrogeons tous ici pour savoir comment transposer le stock incroyable de directives qui restent en souffrance.

Une voix sur les bancs du RPR - Vous les choisissez !

M. André Vauchez - On peut certes considérer que ce n'est pas un problème, mais lorsqu'on veut construire l'Europe, on ne peut se complaire dans cette situation.

M. Sarre a cité deux articles de la Constitution le 3 et le 38. Mais il ne peut se prévaloir de l'un et de l'autre.

Au demeurant, à ceux qui se sentent dessaisis par ce projet de loi, je rappelle que la procédure des ordonnances n'est pas considérée par les constitutionnalistes comme une capitulation législative mais plutôt comme une intrusion consentie du pouvoir réglementaire dans le champ législatif. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision du 29 février 1972 que tant que les ordonnances ne sont pas ratifiées, elles restent du domaine réglementaire. Quant à la ratification, l'article 38 fait seulement obligation au gouvernement de déposer un projet de loi dans les délais, sa programmation étant laissée à la discrétion de l'ordre du jour.

Une voix sur les bancs du RPR - Baratin !

M. André Vauchez - Baratin peut-être, mais je me souviens des ordonnances de 1995 (Protestations sur les bancs du groupe du RPR).

Notre vigilance sera grande et les séances d'initiative parlementaire pourraient permettre d'éviter les risques de ratification implicite.

Dans le domaine des mutuelles, M. Sarre a parlé de catastrophe. Mais je puis témoigner que si elles étaient extrêmement inquiètes ces dernières années, après le rapport Rocard et le travail fait par les mutuelles elles-mêmes qui sont à l'origine de ce projet, les présidents des fédérations mutualistes ont affirmé le 16 novembre, que c'était un bon texte.

Enfin, en ce qui concerne Natura 2000, des débats ont eu lieu dans le pays depuis 1996 (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Le mot « perturbation » inquiétait les associations, mais des amendements viendront préciser que la chasse ne peut être considérée en être une.

M. le Président - Je vous demande de conclure.

M. André Vauchez - Peut-être des collègues s'entêteront-ils dans leur refus et déféreront-ils ce texte devant le Conseil constitutionnel. Nous sommes assez sereins quant à la décision qu'il rendrait.

Nous voterons donc contre cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Quentin - Alors que les Français ont le sentiment que le pouvoir échappe un peu plus tous les jours aux élus de la nation, ce gouvernement décide de transposer une soixantaine de directives, règlements et décisions communautaires, par voie d'ordonnances, sous le prétexte fallacieux de délester le Parlement du travail de transposition de textes à caractère essentiellement technique. En réalité, on bride l'action du Parlement, par un usage abusif de l'article 38, selon lequel le Gouvernement peut avoir recours aux ordonnances « pour l'exécution de son programme ». Il paraît assez osé de prétendre que les mesures dont il s'agit aujourd'hui s'inscrivent dans le programme exposé par M. Jospin le 19 juin 1997... (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

Ne s'agit-il pas plutôt d'une man_uvre dilatoire pour tenter de masquer les divisions d'une majorité « plurielle » qui est de plus en plus cacophonique ? Je rappelle qu'en commission M. Michel avait parlé à propos de ce texte d' « infamie »...

Dans sa déclaration de politique générale, M. Jospin avait dit qu'il souhaitait impliquer davantage le Parlement dans la construction européenne... Vous donnez aujourd'hui aux Français le sentiment de subir le diktat des institutions européennes, alors que le rapprochement avec les citoyens serait le seul moyen de donner une âme à notre Europe.

Il aurait été possible d'utiliser d'autres formules, par exemple la procédure d'examen simplifiée. En recourant aux ordonnances sur des sujets touchant à la vie quotidienne, vous portez un mauvais coup au Parlement, un mauvais coup à l'idée européenne, un mauvais coup à la ruralité et à des éléments essentiels de notre organisation collective. C'est pourquoi, sans partager tous les arguments développés par Georges Sarre, le groupe RPR votera cette exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF).

M. François Goulard - Les arguments avancés par Didier Quentin sont aussi les nôtres. Bien sûr, nous n'avons pas les mêmes conceptions que Georges Sarre au sujet de l'Europe. Néanmoins, nous nous retrouvons avec lui pour dénoncer l'abus que constitue l'utilisation de l'article 38. Il s'agit d'une opération de dissimulation, le Gouvernement sachant très bien qu'une partie de sa majorité n'est pas d'accord avec certains aspects de la construction européenne. C'est pourquoi nous voterons sans hésiter cette motion de procédure (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Maxime Gremetz - Ce n'est pas tous les jours qu'on défend une motion de procédure contre un Gouvernement auquel on appartient, mais il s'agit aujourd'hui d'une question de principe. Nous n'avons, nous, jamais accepté la législation par ordonnances.

En outre, nous contestons le fait que les ordonnances dont il s'agit aujourd'hui soient d'ordre technique : il s'agit de problèmes sociaux, de problèmes environnementaux, de services publics, donc de sujets importants. Nous n'avons donc d'autre choix que de voter cette exception d'irrecevabilité.

M. le Président - Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, le groupe RCV a demandé un scrutin public. Je le fais dès maintenant annoncer dans le palais.

M. Yves Bur - Quelles que soient les bonnes raisons invoquées par le Gouvernement, ce n'est pas rendre service à l'idéal européen que de dessaisir le Parlement de ses prérogatives, déjà très limitées par les transferts de compétences. Sans pour autant se convertir aux positions de M. Sarre, le groupe UDF votera cette exception d'irrecevabilité parce que nous considérons que chaque niveau, l'européen comme le national, doit jouer pleinement son rôle, en application du principe de subsidiarité -que le recours aux ordonnances vide de son sens.

M. le Ministre - Les deux arguments principaux de M. Sarre sont l'abaissement du Parlement et le caractère insuffisamment démocratique de la construction européenne.

Le recours aux ordonnances a été prévu par la Constitution de 1958. L'article 38 l'encadre, en prévoyant un vote d'habilitation et une ratification.

Depuis 1997, le Gouvernement a respecté les droits du Parlement. Il n'a jamais fait usage de l'article 49-3, conformément à ses engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Jamais autant de textes d'initiative parlementaire n'ont été votés, puisqu'ils représentent un tiers des lois qui ont été adoptées. En ce qui concerne la construction européenne, de nombreux débats ont été organisés, que ce soit sur le passage à l'euro, sur l'accord de Berlin concernant les perspectives financières ou sur les priorités de la présidence française. Nous n'avons jamais refusé les débats sur les directives européennes, dont plusieurs ont été transcrites par le biais de projets de loi ; la directive « poste » de 1997, que M. Sarre a citée, a donné lieu à un débat de fond dans la loi sur l'aménagement du territoire.

Par ailleurs, l'article 88-4 de la Constitution, voté en 1992 et étendu en 1999, permet au Parlement de donner son avis pendant les négociations sur les propositions de directive ou de règlement. Ses résolutions sont prises en considération et constituent un atout dans les négociations que nous menons à Bruxelles. D'ailleurs, la délégation aux affaires européennes auditionne régulièrement les ministres, qui rendent compte des négociations. Il ne faut pas pour autant donner un mandat impératif au Gouvernement pour négocier à Bruxelles : ce serait faire prévaloir une autre conception de la séparation des pouvoirs que celle qu'a fixée la Constitution de 1958.

Il faudra, certes, débattre du rôle du Parlement dans la discussion des textes communautaires -cela participe de la modernisation de nos institutions. Mais ce n'est pas l'objet de notre débat ce soir. Il nous faut, aujourd'hui, rattraper le retard que nous avons accumulé et je m'étonne qu'à la veille d'un sommet européen qui s'annonce difficile, l'opposition qui dit soutenir le Président de la République puisse envisager de voter contre le projet de loi d'habilitation, au mépris des intérêts de la France (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

A la majorité de 152 voix contre 131 sur 287 votants et 283 suffrages exprimés, l'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures 30.

La séance est levée à 20 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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