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Session ordinaire de 2000-2001 - 65ème jour de séance, 150ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 5 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          RATIFICATION DE LA CONVENTION N° 182 DE L'OIT 2

          RATIFICATIONS D'ACCORDS INTERNATIONAUX 8

          SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE 9

          ERRATUM 9

          ORDRE DU JOUR DU MARDI 17 AVRIL 2001 10

La séance est ouverte à quinze heures.

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RATIFICATION DE LA CONVENTION N° 182 DE L'OIT

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant l'interdiction de l'exploitation par le travail des enfants et l'action immédiate en vue de son élimination.

M. le Président - Cette discussion fait l'objet d'un examen simplifié, dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - L'Organisation internationale du travail (OIT) a pour vocation de promouvoir la justice sociale pour tous les travailleurs et, pour cela, de fixer des normes internationales minimales. A ce titre, elle met au point et se charge de faire respecter des conventions et des recommandations dans des domaines tels que la liberté syndicale, le droit d'organisation et de négociation collective, l'abolition du travail forcé ou encore l'égalité des chances et de traitement.

L'Organisation s'est préoccupée depuis plusieurs années de la situation des 250 millions d'enfants dans le monde qui travaillent pour gagner leur vie ou aider leur famille et dont 70 % sont employés dans un environnement dangereux. Après avoir adopté, en 1973, la convention n° 138 sur l'âge minimum d'accès au travail, elle a souhaité concentrer les efforts de la communauté internationale sur les formes les plus intolérables du travail des enfants afin de protéger ceux qui sont employés dans des activités particulièrement dangereuses, quel que soit le degré de développement du pays. A cette fin, elle a adopté, à l'unanimité, le 17 juin 1999, à Genève, sa 182e convention, relative à l'interdiction des pires formes de travail des enfants et à l'action immédiate en vue de leur élimination.

Même si cette formulation n'est pas des plus heureuses, elle transcrit le sentiment d'urgence que ressent la communauté internationale et elle permet d'accentuer la pression sur les Etats réticents à adapter leur législation. Les négociateurs ont donc pris le parti de l'efficacité, même maladroite, ce que l'on ne peut critiquer. La négociation n'a pas été des plus aisée, et le texte de la convention constitue un compromis entre « l'universalisme moral » des occidentaux et la recherche de la compétitivité économique « à tout prix » de certains pays asiatiques. Ce compromis a montré son efficacité, puisque la convention 182, entrée en vigueur le 19 novembre 2000, a déjà été ratifiée par 63 pays, incluant nombre de ceux où les enfants sont particulièrement exploités, tels que le Brésil, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam.

Ce texte concerne les enfants âgés de moins de dix-huit. Il énumère les pires formes de travail des enfants que les Etats signataires s'engagent à interdire et à éliminer de façon immédiate. Il s'agit de toutes les formes d'esclavage et pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, le travail forcé ou obligatoire, la servitude pour dettes et le servage ; de l'utilisation, du recrutement ou de l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ; de l'utilisation, du recrutement ou de l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants ; des travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l'enfant.

Il n'y a aucune ambiguïté dans ce texte : il n'assimile pas la prostitution ou le transport de drogue à une forme de travail, mais vise bien à interdire des activités contraires au respect des droits humains de l'enfant et à inciter les Etats à sanctionner lourdement les adultes qui utilisent ces enfants en profitant de leur minorité pénale.

Je tiens à redire de façon solennelle, que le gouvernement français n'assimile pas la prostitution à un travail, et je le confirmerai à la conférence de Yokohama sur les violences sexuelles faites aux enfants.

Ces définitions exhaustives des pires formes de travail sont complétées par l'énumération des mesures que doivent prendre les Etats signataires pour assurer la mise en _uvre des dispositions de la convention. Les gouvernements doivent notamment introduire dans leur droit interne des sanctions pénales en cas de violation des dispositions protectrices. Ils s'engagent également à prendre des mesures de prévention et de réinsertion, en accordant une attention prioritaire à la situation des filles et en assurant l'accès gratuit à l'éducation de base.

Afin de jouer un double rôle de contrôle et d'incitation, la convention 182 prévoit des mécanismes de suivi, ainsi que des programmes d'assistance pour les Etats qui en auraient besoin et auxquels l'OIT pourra apporter son aide technique, éventuellement cofinancée par les pays donateurs.

Ce texte complète utilement un dispositif international important en faveur des droits de l'enfant. Il constitue, à l'OIT, la huitième convention du « socle universel » des principes et droits fondamentaux de l'homme au travail que chaque Etat membre, quel que soit son niveau de développement, est fortement incité à ratifier. Son adoption a d'ailleurs eu un effet d'heureuse concurrence entre organisations internationales puisqu'il a indirectement entraîné l'ONU à achever plus rapidement les négociations sur les trois protocoles concernant la prostitution des enfants, l'interdiction de leur implication dans les conflits armés, la traite des femmes et des enfants.

La France a joué un rôle déterminant dans la définition de ce socle universel et elle soutient les efforts de l'OIT pour la défense des droits de l'enfant. La ratification de la convention 182 par la France renforcera la portée politique de ses efforts bilatéraux pour soutenir les pays en développement qui s'engagent à éradiquer le travail des enfants et à fournir un accès à l'éducation de base.

Telles sont les principales dispositions de la convention 182 de l'OIT concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination qui fait l'objet du projet aujourd'hui soumis à votre approbation, conformément à l'article 53 de la Constitution (Applaudissements sur tous les bancs).

Mme Monique Collange, rapporteure de la commission des affaires étrangères - Le principal artisan en France de l'abolition de l'esclavage, Victor Schoelcher, repose aujourd'hui au Panthéon. Mais si la République l'a élevé au rang de ses grands hommes, son combat n'appartient pas au passé. En effet, sous des formes différentes, les tendances esclavagistes subsistent à travers le monde, et l'exploitation des enfants par le travail est l'une de celles-là.

Révélée pour la première fois en France dans sa brutale réalité dans le rapport du docteur Villermé, consacré en 1840 à la condition des ouvriers de l'industrie, cette question n'est pas qu'un sujet d'étude pour les historiens, mais un fléau planétaire aux nombreux visages...

Ce sont les visages d'enfants, parfois âgés d'à peine huit ans, qui descendent à trente mètres sous terre pour creuser des mines, huit heures par jour. Ce sont les visages d'enfants qui plongent à plus de soixante mètres sous l'eau, au péril de leur vie, pour attacher des filets aux récifs. Ce sont les visages d'enfants vendus comme esclaves pour rembourser une dette familiale. Ce sont les visages de petits garçons soumis à des travaux agricoles exténuants pour faire vivre leur famille. Ce sont aussi les visages de fillettes qui travaillent du matin au soir comme domestiques. Ce sont enfin les visages d'enfants exploités sexuellement, traumatisés à jamais. Tous sont victimes des pires formes de travail des enfants, telles que la convention n° 182 les définit.

Cette convention, dont la ratification est soumise à votre examen, vise à lever les obstacles qui entravent l'efficacité des différents dispositifs internationaux de lutte contre le travail des enfants, et que les statistiques du Bureau international du travail traduisent.

L'éradication totale du travail des enfants a échoué, malgré l'objectif ambitieux de la Convention 138, qui est l'interdiction absolue de l'exploitation des enfants par le travail. En effet, on estime encore à 250 millions, pour les seuls pays en développement, le nombre des enfants de 5 à 14 ans qui travaillent.

Pour 120 millions d'entre eux, il s'agit d'un emploi à temps plein. 80 % de ces enfants travaillent 7 jours par semaine, sans percevoir aucune rémunération. Parler d'esclavage n'est donc pas excessif. Si l'exploitation des plus jeunes sévit surtout dans les pays les plus pauvres, elle ne leur est pas exclusive. En France par exemple, si le travail clandestin des enfants reste rare, il est en augmentation, notamment par le biais de l'exploitation sexuelle des mineurs, dans le cadre de réseaux de prostitution.

La marche mondiale contre le travail des enfants qui a réuni trois groupes d'enfants travailleurs nous a rappelé la gravité de la situation, et les limites des outils existants. Une prise de conscience mondiale est donc nécessaire.

Il faut toutefois insister sur le chemin parcouru. Dès sa création, en 1919, l'OIT adoptait la Convention n°5 qui interdit le travail des enfants de moins de 14 ans dans l'industrie. Cet instrument a ensuite été complété par neuf autres conventions sectorielles. La convention n° 29 sur le travail forcé, élaborée en 1930, a également mis en place des filets protecteurs pour les plus jeunes. Mais c'est surtout la convention 138, entrée en vigueur en 1976, qui a marqué un tournant décisif.

Outre qu'il regroupe l'ensemble des règles concernant le travail des enfants, ce texte, qui porte sur l'âge minimum au travail constitue un socle de référence, puisqu'il fait partie des sept conventions dites fondamentales de l'OIT, censées engager chaque pays membre.

Cependant, si la convention 138 oblige les Etats qui la ratifient à fixer un âge minimum d'admission à l'emploi et à s'engager dans des politiques nationales visant à élever progressivement cet âge minimal, elle se caractérise par une grande souplesse, si bien que ses résultats sont contrastés selon que l'on considère pays développés ou pays en développement. De ce fait, cette convention reste bien la référence de la communauté internationale, mais elle ne permet pas de répondre à la complexité des situations nationales.

L'éradication du travail des enfants est l'objectif à atteindre, mais elle demande la définition des étapes que les nations devront franchir. La convention 182 vise à pallier ces insuffisances.

Tout d'abord, elle fixe une priorité à l'action : l'élimination des formes les plus intolérables de travail des enfants. Cette gradation, à bien des égards critiquable d'un point de vue éthique, est commandée par l'urgence. Par ailleurs, la convention oblige les Etats qui la ratifient à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'élimination des pires formes de travail des enfants. Ce texte est donc bien plus contraignant que la convention 138. Il a pourtant rallié à ses objectifs les pays en développement, dans leur grande majorité, parce qu'il prévoit un mécanisme de coopération susceptible d'accompagner leurs efforts. Dans cette perspective, le programme international pour l'abolition du travail des enfants, dit programme « IPEC », mis en place par l'OIT avant même la définition de la nouvelle convention, doit être utilisé comme un levier.

Encore ce programme doit-il trouver des moyens suffisants pour atteindre ses objectifs. Or la contribution financière de la France n'est pas à la hauteur de l'enjeu. A l'initiative de Mme Aubry, elle a certes été portée à 8 millions en 1998, ce qui constitue un progrès par rapport au malheureux million versé chaque année depuis 1993, mais elle demeure cependant très en-deçà de la contribution de nos amis allemands.

En outre, il est important que les pays de l'Union européenne coordonnent leurs financements pour équilibrer l'apport américain.

Il en va de notre influence sur la définition des orientations et des objectifs du programme.

Parallèlement, la France doit s'interroger sur le budget de l'OIT car il est difficile d'envisager d'étendre son action à moyens constants. C'est donc un appel que je vous lance, Madame la ministre et je suis convaincue qu'il sera entendu. Soyons dignes de notre héritage humaniste en accompagnant financièrement et humainement l'action de cette institution remarquable. La politique de lutte contre le travail des enfants de notre pays doit être exemplaire. C'est pourquoi le Parlement, organe de contrôle de l'action du pouvoir exécutif, attend que la loi du 9 juin 1999 visant à inciter au respect des droits de l'enfant dans le monde -notamment en favorisant l'achat de fournitures scolaires- fasse sans plus tarder l'objet d'un décret d'application. Pour l'heure, nous devons ratifier cette convention afin d'envisager réellement la disparition de la survivance esclavagiste que représente l'exploitation des enfants par le travail (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Je remercie donc la ministre et Mme la rapporteure pour la conviction et le talent avec lesquels elles ont défendu cette bonne convention, dont la commission des affaires étrangères a apprécié la précision. A l'instar de Mme la ministre, nous tenons cependant à souligner le caractère choquant de son intitulé qui traite des « pires formes » de travail des enfants...

M. Pierre Lequiller - Tout à fait !

M. le Président de la commission des affaires étrangères - La Conférence des présidents de mardi dernier a déploré qu'il n'ait pas été possible de retenir une terminologie plus appropriée. Nous aurions ainsi préféré que le terme d'« exploitation » figurât dans cet intitulé puisque la convention, comme l'a excellemment relevé Mme Collange traite des formes modernes d'esclavage.

Jugeant son contenu excellent, notre commission l'a cependant adoptée à l'unanimité en souhaitant que dans l'intitulé courant, s'il n'est pas officiellement modifiable, figure la notion d'exploitation des enfants par le travail. Nous approuvons donc le texte, tout en déplorant que la délégation française ne se soit pas montrée plus vigilante à Genève au moment de son adoption et qu'une terminologie inappropriée ait été retenue (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Lequiller - La convention qui nous est soumise aujourd'hui porte sur le sujet extrêmement douloureux du travail des enfants dans ses pires formes : prostitution, travail de forçat, exploitation à des fins pornographiques, servitude pour dette, recrutement forcé dans des unités de combat... autant de pratiques particulièrement insoutenables.

Au-delà du consensus que le projet de l'OIT ne peut manquer de susciter, je m'attacherai à trois points essentiels.

La ratification pose d'abord l'inévitable question de l'efficacité du droit international. En effet, plusieurs conventions ont déjà été adoptées sur le thème qui nous préoccupe aujourd'hui sous l'angle de la protection de l'enfance ou de la réglementation du travail. Or ces textes n'ont pas eu l'impact attendu. Insuffisamment contraignants, ils n'ont pas permis d'endiguer de manière significative l'exploitation des enfants. Il reste à espérer que cette convention, plus précise, soit suivie d'actions concrètes et efficaces.

Le deuxième aspect que je souhaite aborder est d'ordre économique. Le travail des enfants est en effet étroitement lié au niveau de développement et il s'explique donc essentiellement par la persistance de situations de grande pauvreté dans de nombreux pays. C'est bien la pauvreté qui mène à l'utilisation d'enfants forçats ou à l'exploitation sexuelle de mineurs. Il faut donc investir dans le développement et dans l'éducation pour répondre à un impératif éthique, social et économique. La soumission des enfants à des tâches dégradantes représente un frein au développement et enclenche un cercle vicieux : non seulement la pauvreté est à l'origine du travail des enfants mais celui-ci entretient et perpétue la pauvreté. De là l'importance de la coopération internationale et je ne peux, à ce titre, que me réjouir de la participation du Gouvernement français aux programmes de coopération réalisés sous l'égide du BIT, même si cette contribution reste très modeste -8 millions- par comparaison avec celle de l'Allemagne qui s'élève à 70 millions.

Enfin, si le travail des enfants est essentiellement le fait des pays en voie de développement, les pays développés ne sont pas exonérés de toute responsabilité à ce sujet, comme nous l'ont rappelé plusieurs procès récents. Je pense notamment aux cas d'exploitation domestique de jeunes filles, la prostitution juvénile ou l'exploitation des enfants à des fins pornographiques.

La vigilance ne doit donc pas se relâcher au niveau national et notre groupe engage le Gouvernement à faire preuve de la plus grande fermeté à l'encontre des filières clandestines, des réseaux mafieux et des familles qui exploitent des mineurs sans papiers.

Le groupe DL votera la ratification de la convention de l'OIT et se réjouit de voir la France rejoindre les 63 pays qui y ont déjà procédé.

A l'instar du président Loncle, nous condamnons fermement l'incapacité de la communauté internationale à régler le problème du travail des enfants « tout court », dont témoigne l'intitulé de la convention. Comme l'a relevé le président Mattei en Conférence des présidents le titre retenu par l'OIT constitue en soi un aveu d'impuissance.

De même, j'abonderai dans le sens du président Loncle et de notre rapporteure en demandant que la France augmente sa contribution au budget de l'OIT en sorte que les actions visant à mettre fin à toute forme de travail des enfants soient poursuivies et renforcées.

M. Jean-Claude Lefort - Six députés pour ratifier une convention aussi importante, un hémicycle plein pour inverser le calendrier électoral : ainsi va la vie politique, ainsi se creuse le fossé entre les citoyens et leurs représentants... Le travail des enfants soulève l'indignation de tous. Mais il faut le souligner d'emblée : les actions pour lutter contre ce fléau restent largement incantatoires et le décalage est tel qu'une « marche mondiale contre le travail des enfants », entamée le 1er juin 1998, a été organisée par les enfants eux-mêmes. Elle s'est achevée par une rencontre avec les participants à la Conférence internationale du travail, lesquels devaient adopter la convention 182 de l'OIT que nous allons ratifier aujourd'hui.

Après cette ratification nécessaire, qui doit être assortie de moyens d'accompagnement pour ne pas rester lettre morte, la question du travail des enfants reste entière. D'après l'OIT, près de 250 millions d'enfants de 5 à 14 ans seraient exploités dans les travaux agricoles, domestiques, dans les mines et les industries, surtout en Afrique subsaharienne et en Asie.

Dès 1973, la convention 138 de l'OIT incitait tous les Etats à légiférer sur un âge minimum de travail... Ce texte n'a été ratifié que dans 84 pays. En Europe, la directive du 22 juin 1994 relative à la protection des jeunes au travail, que le Gouvernement a récemment fait ratifier par ordonnance, prévoit une série de dérogations à l'interdiction du travail des jeunes de moins de18 ans. Autoriser la formation en alternance et l'apprentissage, cela va de soi. En revanche, l'épanouissement des enfants s'accommode souvent mal avec les intérêts économiques qui se dissimulent derrière « les activités de nature culturelle, artistique, sportive ou publicitaire », bénéficiant de dérogations pour employer des mineurs dès l'âge de treize ans.

Ainsi, l'exploitation marchande des enfants existe bien dans nos pays, même si elle y revêt des formes différentes.

La ratification de la convention 182 de l'OIT figure parmi les instruments à notre disposition après la ratification de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant dont l'article 32 proscrit l'exploitation économique de l'enfant et tout travail comportant des risques physiques, mentaux, spirituels et sociaux. Cependant, cette expression de « pires formes de travail » constitue un euphémisme choquant dès lors qu'il s'agit de qualifier l'utilisation des enfants à des fins de prostitution ou de pornographie. En ce qui concerne les enfants, cette exploitation est un crime. A ce titre, nous réclamons la mise en _uvre immédiate de moyens judiciaires et policiers pour démanteler les réseaux de "pédocriminalité ». Pouvez-vous du reste nous indiquer où en est l'enquête sur le fichier contenu sur cédérom dont l'existence a été révélée par L'Humanité et qui a été remis à la justice par des journalistes ?

De même, l'article 8 soulignant la nécessité d'une coopération internationale renforcée, il semble utile de réformer l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers, pour les enfants isolés arrivant dans les ports, les gares ou aéroports de notre pays. Le groupe communiste a déposé un amendement pour mettre en _uvre un dispositif d'accueil dans le projet de modernisation sociale, comme le réclame notamment le conseil général de Seine-Saint-Denis.

Il est nécessaire que la France soit exemplaire, afin d'être mieux en mesure d'engager un dialogue positif avec les pays du Sud. Les négociations OMC à Seattle ont achoppé en partie sur la proposition américaine d'ériger le non-respect des normes sociales fondamentales en sanction contre les pays en développement. Mieux vaux conclure avec eux des contrats de développement pour abolir le travail des enfants partout dans le monde.

Il existe un programme d'accompagnement de cette convention, tendant à encourager le retrait des enfants des emplois dangereux, et à permettre aux parents d'avoir un travail stable et rémunéré. Une interdiction pure et simple peut aboutir à rejeter les enfants de l'exploitation économique vers pire encore, le trafic sexuel. La France et l'Europe doivent augmenter leur participation financière à ces programmes.

Enfin, les multinationales, qui sont les premières à réclamer des sanctions, ne sont pas les dernières à employer des enfants lorsqu'elles s'implantent dans les pays du Sud. L'exemple de Nike n'est que trop connu. Tous les codes de bonne conduite discutés à l'ONU ont pour le moment échoué. Nous militons en faveur d'une charte internationale qui s'appliquerait non pas seulement aux gouvernements mais aussi à toutes les entreprises qui ont une part de responsabilité dans l'exploitation des enfants.

Notre démarche n'est pas seulement un acte moral ou de solidarité. C'est aussi un acte de responsabilité. Des sociétés dans lesquelles les enfants travaillent sont sans avenir. C'est un risque pour elles et pour toute la planète.

C'est pourquoi nous souhaitons que la France et l'Europe lancent un message clair et fort au Sud, et qu'elles prennent des initiatives pour que le travail des enfants soit un fléau non plus devant nous mais derrière nous. Il faut être, en ce domaine aussi, des abolitionnistes !

Mme Nicole Catala - On vient de le dire, le titre de la convention heurte notre sensibilité. Il s'agit en fait d'interdire certaines formes d'exploitation des personnes de moins de 18 ans. Je salue la volonté de l'OIT de se saisir plus vigoureusement de la situation très douloureuse faite aux centaines de millions d'enfants qui travaillent à travers le monde. Ils seraient 250 millions pour la tranche d'âge de 5 à 14 ans.

Déjà 70 Etats ont ratifié la convention. Voilà un chiffre encourageant ! Cette convention 182 a ceci de particulier qu'elle ne se borne pas à édicter des normes ; elle invite les Etats à prendre eux-mêmes des dispositions pour éliminer les formes inacceptables d'exploitation des enfants. Elle va inciter les Etats à travailler de façon coordonnée.

Signalons néanmoins quelques problèmes juridiques. Le premier est relatif à la détermination de la qualité d'enfant. L'emploi de ce terme par l'OIT ne recoupe pas notre propre définition des enfants, puisque l'âge pour accéder au travail a été fixé à 16 ans en France puis en Europe. Aussi existe-t-il dans notre droit des dispositions encadrant les conditions de travail des jeunes entre 16 et 18 ans. Nous risquons donc de rencontrer des difficultés particulières pour cette tranche d'âge et pour certains types de travaux. Une divergence pourrait donc s'introduire entre le droit européen et le droit international issu de la convention. Nous avons tous en mémoire la question du travail de nuit des femmes, que la France, qui l'avait interdit, a dû pour finir autoriser dans l'industrie. Il existe donc en germe, avec cette convention, un conflit de normes.

La seconde difficulté porte sur les types de travail que la convention tend à éliminer. Il est choquant que le terme de travail soit appliqué à des activités qui sont en réalité délictueuses. Viser la prostitution dans la convention ne va-t-il pas conduire à reconnaître la prostitution comme un travail ? Le BIT s'en défend, mais il faudra se montrer vigilant.

Je souhaite enfin que la France réprime beaucoup plus vigoureusement l'utilisation des enfants pour le trafic de stupéfiants. J'aimerais que le Gouvernement exprime sa détermination sur ce point.

Le groupe RPR approuvera la ratification...

M. Pierre Lequiller - Très bien !

La discussion générale est close.

L'article unique du projet, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

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RATIFICATIONS D'ACCORDS INTERNATIONAUX

L'ordre du jour appelle le vote selon la procédure d'examen simplifiée de quatre projets adoptés par le Sénat autorisant la ratification ou l'approbation de conventions ou accords internationaux.

M. le Président - En application de l'article 107 du Règlement, je vais mettre aux voix l'article unique de chacun de ces textes.

L'article unique du projet autorisant l'approbation de l'instrument d'amendement à la Constitution de l'Organisation internationale du travail, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet autorisant la ratification de la convention de sécurité sociale entre la République française et la République du Chili, mis aux voix, est adopté.

M. Jean-Claude Lefort - Sur la convention d'entraide judiciaire entre la France et les Etats-Unis, je demande la parole.

M. le Président - La procédure de l'article 107 n'admet pas d'intervention.

M. le Président de la commission - Je souhaiterais moi aussi dire quelques mots.

M. le Président - Je vous propose de le faire à l'issu des votes.

L'article unique du projet, autorisant la ratification du traité d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et les Etats-Unis d'Amérique, mis aux voix, est adopté.

L'article unique du projet autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, mis aux voix, est adopté.

M. le Président de la commission - La commission, examinant cet ensemble de projets a vivement critiqué la convention d'extradition avec les Etats-Unis, en raison de l'existence de la peine de mort dans ce pays, et a demandé son retrait de l'ordre du jour. Celle que nous venons de voter concernant l'entraide judiciaire, est toute différente.

M. Jean-Claude Lefort - Rappel au Règlement. Nous avions à autoriser la ratification de deux traités avec les Etats-Unis. Nous venons de le faire pour le premier, relatif à l'entraide judiciaire. Pour le second, relatif à l'extradition, nous avons décidé en commission de le refuser, la peine de mort étant appliquée dans de nombreux Etats américains. Les Etats-Unis et la France sont convenus d'un système qui permet au cas par cas de refuser l'extradition d'une personne qui risque la peine de mort. Or l'article 7 de ce traité dispose que l'extradition « peut » être refusée, et non pas que l'extradition est refusée. Quant à des assurances que la peine de mort encourue ne serait pas exécutée, on peut en douter quand on connaît la versatilité des autorités politiques américaines sur le sujet.

Le traité signé par Jacques Toubon en 1996 ne doit pas revenir devant notre Assemblée, d'autant qu'il existe maintenant un dispositif plus conforme à notre conception européenne des droits de l'homme.

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SUSPENSION DES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE

M. le Président - Sur proposition de la Conférence des présidents, l'Assemblée a décidé, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, de suspendre ses travaux pour la semaine à venir.

En conséquence, et sauf séance supplémentaire décidée en application de l'article 28, alinéa 3, de la Constitution, la prochaine séance de l'Assemblée aura lieu le mardi 17 avril 2001, à neuf heures.

La séance est levée à 15 heures 45.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ERRATUM

au compte rendu analytique de la 2ème séance du mardi 3 avril.

A la page 5, dans l'intervention de M. Maxime Gremetz, au lieu de « le 2 avril » lire « le 21 avril ».

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ORDRE DU JOUR
DU MARDI 17 AVRIL 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 2966) relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Mme LIGNIÈRES-CASSOU, rapporteure au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 2977 )

3. Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2936) relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

M. Pascal TERRASSE, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 2971)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


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