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Session ordinaire de 2000-2001 - 66ème jour de séance, 152ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 17 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INONDATIONS DANS LA SOMME 2

PRÉVENTION DES INONDATIONS 3

INONDATIONS DANS LA SOMME 4

INONDATIONS DANS LA SOMME 5

ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS 5

REVENDICATIONS DES SAGES-FEMMES 6

RESTRUCTURATIONS DANS LE GROUPE PHILIPS 7

AVENIR DE LA SFP 7

RÔLE DE L'ETAT FACE AUX RISQUES ENCOURUS
À VIMY 8

SAGES-FEMMES 9

CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE 10

FICHIER DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES 10

INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE (nouvelle lecture) 11

EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ 17

QUESTION PREALABLE 21

CANDIDATURES AU CONSEIL SUPÉRIEUR
DE L'AVIATION MARCHANDE 35

La séance est ouverte à quinze heures.

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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INONDATIONS DANS LA SOMME

M. Francis Hammel - Depuis trois semaines, Monsieur le Premier ministre, quelque soixante communes de la Somme sont sous les eaux. Lors de votre visite à Abbeville, vous avez démenti une rumeur -orchestrée par un mouvement extrémiste bien connu chez nous- selon laquelle Paris aurait inondé la province. Il fallait la démentir, et il le faut encore. Toutefois l'inventaire exhaustif des causes de la montée des eaux, et une information aussi claire que possible de la population sont indispensables.

Nous connaissons la cause majeure de ces événements : c'est la combinaison, après des pluies d'une ampleur inhabituelle, de la crue de la Somme, de celle des étangs et des marais, et de celle des nappes phréatiques. Le département est dans une situation catastrophique, avec plus de 2 500 maisons inondées, des champs et des prairies inondées, des entreprises en chômage technique, une saison touristique perdue... Bref, c'est un vrai drame pour un département déjà durement touché sur le plan économique.

Face à une population en état de choc, et à la montée des eaux, les élus, les services municipaux, les pompiers, les militaires, les associations caritatives ont fait preuve de compétence et de générosité. Trois temps fondamentaux sont maintenant devant nous. Le premier est celui de la gestion actuelle de la crise, pour aider les sinistrés, maintenir l'activité économique, rétablir les réseaux de communication, rassurer le monde rural, notamment les agriculteurs. Ensuite viendra le temps de la décrue : outre les remboursements par les compagnies d'assurance, la solidarité nationale devra s'exercer avec autant, si ce n'est plus d'acuité qu'aujourd'hui. Enfin il y aura le temps de la réflexion et de l'action pour prévenir le retour d'une semblable catastrophe. Dans ces trois directions, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre dès aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Vous l'avez dit, nombre de nos compatriotes de la Somme vivent une situation dramatique. Elle l'est d'autant plus que la décrue est lente, et prendra plus de temps qu'en Bretagne ou en Normandie. Je me suis rendu sur place avec le ministre de l'intérieur ; vous étiez là, avec deux autres parlementaires de la majorité. Nous avons vu des gens choqués, un peu désespérés, mais aussi bouleversés par une rumeur que j'ai démentie, et que tout dément, mais qui expliquait la force de leur émotion. Encore fallait-il y être. Nous y étions, assumant notre devoir de solidarité, même si le contact n'était pas facile (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Aujourd'hui la décrue semble amorcée (Protestations sur les bancs du groupe UDF), mais elle sera lente du fait des conditions météorologiques. Il est donc important que le Gouvernement continue à mobiliser tous les moyens mis en _uvre, et qu'il tire les leçons de ces événements. Huit cents personnels civils et militaires sont en permanence sur le terrain, et je rends hommage à leur dévouement et à leur professionnalisme.

L'aide d'urgence de 600 000 F -destinée à de petits achats pour les gens en difficulté- a déjà été doublée, atteignant 1,2 million, et pourra être encore accrue en fonction des demandes des gens en particulière détresse. Mais ce sont 20 millions de francs qui seront dégagés pour venir en aide aux communes, et notamment pour rétablir les bâtiments publics et les routes : ce sera là un élément important de solidarité nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Les aides liées à l'état de catastrophe naturelle interviendront dès que celui-ci aura été déclaré par la commission compétente, qui se réunira le 25 avril. De même un effort pourra être fait au titre des calamités agricoles, notamment pour l'hortillonnage, mais aussi, grâce aux fonds du FISAC, pour les petites entreprises en chômage technique. Je tiens à saluer le mouvement spontané de solidarité qui est venu, non seulement des gens de la grande région Nord et particulièrement de la Picardie, mais d'autres communes de France ; de tels mouvements spontanés, prolongeant l'effort de l'Etat, sont nécessaires.

Il faut maintenant tirer les leçons de cette catastrophe. A cette fin j'ai souhaité qu'une mission d'experts de haut niveau en analyse les causes et propose des mesures. Cette mission est déjà à l'_uvre et, à la demande des élus de la Somme, elle associera des experts locaux à ses travaux. Elle rendra ses premières conclusions en mai. Par ailleurs le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, prévu pour juillet, avait déjà inscrit à son ordre du jour les problèmes du bassin de la Somme, sujet qui revêtira maintenant une acuité accrue. Sur la base des propositions de la mission d'experts, les mesures de prévention indispensables seront décidées au plus vite, en concertation avec les collectivités locales, qui ont de leur côté à assumer leurs responsabilités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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PRÉVENTION DES INONDATIONS

M. Eric Doligé - Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et concerne les inondations, notamment dans la Somme. Vous venez de dire : il fallait encore y être, et nous y étions... Mais nous avons regretté l'absence de votre ministre de l'environnement, dont la présence nous semblait aller de soi.

Monsieur le Premier ministre, nous ne pouvons certes pas vous imputer les fortes pluies actuelles. Mais nous pouvons vous reprocher, depuis quatre ans que vous êtes aux affaires, d'avoir abandonné toute idée de gestion de nos fleuves et de nos rivières. Ce n'est pas faute que de nombreux élus impliqués dans la lutte contre les inondations aient cherché à vous alerter, mais vous êtes resté sourd à notre demande d'une action concrète. Votre complexité « plurielle » vous aura seulement conduit à protéger certains poissons migrateurs, en oubliant la protection des riverains de nos cours d'eau. Vous savez pourtant qu'après celui d'un séisme sur la Côte d'Azur, le deuxième risque naturel en France est celui d'une crue de la Seine ou de la Loire. La création en urgence d'un comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs n'était qu'une réponse tardive et insuffisante. Et montrer du doigt les élus locaux dans l'élaboration des plans de prévention des risques n'était pas responsable, quand on sait que ces plans sont décidés par les préfets, qui dépendent de vous.

La prévention des inondations doit se traiter au niveau de chaque bassin. Avez-vous l'intention de définir pour chacun d'eux, avec les élus et les populations, une vraie stratégie globale de prévention, comme cela fut fait pour l'Oise et la Loire ?

Avez-vous prévu d'inscrire dans le projet de loi sur l'eau la prévention, l'information et l'alerte des populations, la réduction de la vulnérabilité des biens exposés au risque, la réalisation d'ouvrages de protection ? La commission d'enquête proposée par le groupe RPR pourrait utilement vous éclairer à ce sujet (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Monsieur Doligé, vous me faites de la peine, car vous tenez un double langage. Avant l'été, en effet, vous avez animé la réunion des établissements publics territoriaux de bassins, comme président de l'un des plus importants d'entre eux, l'EPALA. Vous vous êtes réjoui de l'excellent climat qui régnait entre le Gouvernement et ces établissements publics, vous avez félicité le ministère de l'environnement pour la reprise de l'élaboration des plans de prévention des risques, et des importants moyens consacrés à ceux-ci (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Cette politique était en effet en panne avant nous, avec à peine quelques dizaines de plans de prévention. Nous avons considéré que dix mille communes étaient exposées à un risque d'inondation, et que cinq mille étaient prioritaires. Le rendez-vous était pour 2005 : à mi-parcours, nous avons déjà signé 2 600 plans, plus de la moitié de ce qui était prévu. Cent millions de francs par an leur sont affectés, soit plus du double de ce qui était fait avant juin 1997.

Et ne faites pas l'innocent : vous bénéficiez dans le bassin de la Loire d'un plan décennal de restauration du lit et du bassin, qui a permis de faire face à des crues importantes. Et pourtant nous ne sommes pas aujourd'hui à l'abri d'une inondation grave ; et nous n'avons pu traiter encore le problème de l'estuaire. Vous connaissez bien la complexité du sujet, et pourtant vous le caricaturez ! Le Premier ministre a bien fait d'aller sur place avec le ministre de l'intérieur, car c'est aux services de ce dernier qu'on fait appel en cas d'urgence. Mais la mission interministérielle est présidée par un inspecteur général de l'environnement, et c'est bien à mon ministère qu'il appartiendra, dans la durée de conduire les politiques de prévention (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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INONDATIONS DANS LA SOMME

M. Maxime Gremetz - Personne ne s'étonnera que ma question porte, elle aussi, sur les inondations dans la Somme (Quelques exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF). Cela vous fait peut-être rire, mais pas nous, ni les milliers de personnes qui ont été évacuées dans près de cent communes. Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, des sentiments de solidarité que vous avez témoignés aux sinistrés, et qui ont complété le bel élan de solidarité qui s'est manifesté tant localement qu'à l'échelle nationale, voire internationale. Sans oublier que d'autres régions sont aussi concernées, je veux souligner qu'il y a urgence à prendre certaines mesures face aux drames que vivent des hommes et des femmes ayant tout perdu. Je ne doute pas que le Gouvernement ne déclare très vite l'état de catastrophe naturelle et de calamité agricole. Les assurances devront ensuite rembourser rapidement, et à un niveau correct.

Outre ces mesures immédiates, il faut soulever la question de fond, celle de la détérioration du climat planétaire. Les Etats-Unis doivent appliquer les engagements de Kyoto. Et l'on doit réfléchir plus soigneusement que jamais aux conséquences de toute intervention humaine sur l'environnement, qu'il s'agisse d'agriculture ou de construction.

Quelles mesures d'urgence prendrez-vous pour les sinistrés de la Somme et d'autres régions ? Quand ferez-vous procéder aux auditions de la mission interministérielle chargée de réfléchir à la prévention de tels drames humains et écologiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste)

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Vous avez raison, avant de réfléchir aux solutions à long terme, il faut répondre aux besoins de milliers de personnes qui resteront encore plusieurs semaines dans la détresse. La commission nationale chargée de se prononcer sur l'état de catastrophe naturelle se réunira d'ici quelques jours, et tous les dégâts assurables seront indemnisés rapidement. Quant à ceux qui ne le sont pas, ils bénéficieront de la solidarité nationale, des crédits devant être bientôt adressés aux préfectures à cet effet.

Je partage votre analyse sur les modifications probables du climat de la planète, suite à l'effet de serre. Les inondations deviennent de moins en moins exceptionnelles -la Somme n'avait pas été identifiée jusqu'ici comme une rivière présentant des risques particuliers. Désormais, le préfet considère qu'il est urgent d'élaborer un plan d'exposition aux risques et de mettre en place un réseau d'alerte aux crues.

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INONDATIONS DANS LA SOMME

M. Gilles de Robien - Je vous remercie, Monsieur le Premier ministre, d'être venu dans la Somme, même si l'eau n'a pas baissé depuis votre passage : il n'y a pas eu de miracle (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). Les épreuves n'ont pas entamé le courage des Picards : ils sont épuisés, mais ils restent debout. Pourtant, ils ont été déçus. Il n'y a pas eu de piège tendu par un mouvement extrémiste, Monsieur le Premier ministre. Mais vous n'avez pas su trouver les mots justes, le c_ur n'a pas parlé, et le portefeuille ne s'est pas ouvert (Protestations sur les bancs du groupe socialiste). 600 000 F, face à de pareils dégâts ! L'élan de solidarité qui s'est manifesté un peu partout fait ressortir cruellement l'absence de l'Etat, même si depuis huit jours, nous avons reçu le concours des militaires. Que de carences ! L'Erika, le naufrage de Cherbourg, les munitions de Vimy, les inondations de la Somme, de la Saône, de l'Ille-et-Vilaine. Et voici qu'on apprend par la presse que des convois de déchets nucléaires sont passés en douce dans nos gares sans que les maires en soient même informés !

A quelle date et pour quelles communes proclamera-t-on l'état de catastrophe naturelle ? Débloquerez-vous des fonds substantiels pour les premiers secours ? Quand paiera-t-on les indemnités pour catastrophe naturelle et calamité agricole ? Saisirez-vous Bruxelles pour les agriculteurs sinistrés ? Associerez-vous les communes à l'enquête ? Confirmez-vous le passage des convois nucléaires ? Y en aura-t-il d'autres ? Pourquoi ce goût du secret ? Et permettez-moi de vous le dire enfin, chers collègues de la majorité, tandis que l'on patauge, pour aider, nourrir, évacuer les sinistrés, on aimerait vous voir plus souvent sur place ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR ; protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - L'Etat et ses agents font leur travail, les militaires, mais aussi les services de l'Équipement -sans oublier les agents de mon ministère qui s'emploient sans relâche, depuis des années, à convaincre les élus qu'il faut prévenir les risques. Cela ne vaut-il pas mieux que de tenir des discours démagogiques et reprendre des rumeurs en exploitant et en instrumentalisant les détresses ? (Vifs Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Il y a des élus responsables aux côtés des sinistrés, et il y a ceux qui exploitent les pires rumeurs (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). Depuis des années nous essayons de convaincre qu'il faut intervenir en amont des catastrophes, en incluant notamment un important volet environnement dans les contrats de plan. De ce point de vue, le contrat élaboré par la région Picardie n'est pas exemplaire ! Il a fallu l'insistance de quelques élus comme M. Gremetz pour que soient inscrits des crédits en vue de restaurer la baie de Somme. Il y a des gens qui travaillent et ne se contentent pas de pointer un doigt accusateur : la commission d'étude est déjà constituée, et elle sera à l'_uvre d'ici à quelques jours (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe communiste).

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ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Mme Marie-Hélène Aubert - Les OGM posent un problème éthique, car le transfert des gênes permet de franchir la barrière des espèces. Mais ce qui est en jeu, c'est aussi l'appropriation par quelques multinationales, grâce aux brevets, de tout un patrimoine vivant qui devrait appartenir à l'humanité. C'est encore l'agriculture elle-même, de plus en plus industrielle et artificielle, avec toutes les conséquences sanitaires qui en découlent. C'est enfin la coopération avec les pays du Sud, pour lesquels les OGM ne constituent pas la réponse adéquate.

Face à tous ces enjeux, le Gouvernement français a choisi une attitude prudente et prôné un moratoire. Néanmoins, il encourage des programmes tels que « Génoplante » qui ont bien pour but de promouvoir les OGM, en combinant du reste de façon contestable des fonds publics et des fonds privés, et sans que les communes concernées aient leur mot à dire. Pourriez-vous préciser la position du Gouvernement, Monsieur le ministre de l'agriculture ? Que ferez-vous pour prolonger le moratoire et organiser un débat qui permette un choix clair ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - La position du Gouvernement peut se définir ainsi : « Ni aventurisme ni obscurantisme » je reprends là une formule de mon collègue de la Recherche. Il n'est pas question, en effet, d'autoriser à tous crins des OGM dont on ne connaît pas les effets sur le santé ni sur l'environnement. Mais pour mesurer ces effets, il faut bien autoriser la recherche. C'est en empêchant les chercheurs de mettre au jour les conséquences des OGM qu'on se rend coupable d'obscurantisme.

Quant à la transparence, le Gouvernement s'est heurté à une problématique délicate. Enjoint par des décisions de justice de faire connaître les champs d'expérimentation d'OGM, il savait qu'aussitôt l'information publiée ils seraient hélas détruits. Nous nous trouvions donc devant un problème d'ordre public à propos duquel nous avons consulté de nouveau la justice. En tout état de cause, l'objectif est d'aller vers la transparence. Nous nous sommes déjà engagés, au niveau européen, à mettre en place des filières labellisées et certifiées non OGM, ce qui impose de définir des seuils de présence fortuite. Après les produits de grande consommation, il faudra s'intéresser aux semences. C'est un travail de grande envergure. En attendant, le Gouvernement maintient son moratoire et sa position : ni obscurantisme, ni aventurisme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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REVENDICATIONS DES SAGES-FEMMES

M. Georges Colombier - Je voudrais poser ma question au nom des trois groupes de l'opposition (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Monsieur le ministre délégué à la santé, alors que les sages-femmes entrent dans leur quatrième semaine de grève, vous parlez d'une contestation dure à vivre. Mais croyez-vous que les sages-femmes ont la vie facile ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Allez donc leur dire sur le terrain ! Leurs revendications sont largement fondées, qu'elles exercent dans le public, dans le privé ou en libéral. Elles réalisent 70 % des accouchements et sont de plus en plus sollicitées compte tenu de la baisse du nombre de médecins obstétriciens. Elles assument des responsabilités importantes, y compris au plan pénal. Et pourtant, leur statut n'est pas à la hauteur. Après quatre ans d'études réelles, dont deux années de stage, elles ne sont considérées qu'à bac + 2. La reconnaissance universitaire de leur diplôme est une nécessité, de même qu'un statut véritablement médical. Leurs grilles de salaires non seulement sont dévaluées mais sont inférieures de 25 % dans le secteur privé. Il est aussi urgent de mettre en place des conditions de travail adaptées au décret de périnatalité. Les sages-femmes ne peuvent plus assumer ce que l'on attend d'elles et craignent qu'un jour il ne se passe quelque chose de grave. Elle attendent de votre part des propositions sérieuses et concrètes (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Il est vrai que ce conflit doit susciter des propositions de notre part, mais le problème est qu'après les avoir faites, nous n'avons reçu aucune réponse ! Les sages-femmes font quatre ans d'études après le bac et leur profession est reconnue depuis 1943 comme étant médicale -quoique je préférerais de beaucoup un grand secteur médical qui engloberait aussi les professions paramédicales. Nous avons accepté, face à la première coordination que nous avons reçue -et que nous avons rencontrée trois fois en tout- que la première année des études médicales s'effectue en commun. Cette mesure est déjà appliquée dans trois villes et le sera, le 9 mai, si les dossiers sont prêts, dans 10 à 15 villes.

Nous avons aussi rendu possible aux sages-femmes, qui n'ont pas fait d'études universitaires, d'accéder aux maîtrises de sciences de la vie et biologie. Quant aux quotas, nous les avons augmentés pour pouvoir appliquer le décret de périnatalité. Mais toutes ces propositions de notre part sont restées sans réponse. En effet, il est difficile de parler avec une coordination pendant que les syndicats signent un accord concernant 800 000 personnes de la filière paramédicale. Nous souhaitons faire de grands progrès avec les sages-femmes, mais pour cela il faut qu'elles parlent aux syndicats. Mme Guigou et moi allons donc envoyer à chacune des 15 000 sages-femmes, dont 80 hommes- une lettre reprenant l'ensemble de nos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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RESTRUCTURATIONS DANS LE GROUPE PHILIPS

M. Jean-Claude Boulard - Des restructurations ont été annoncées aujourd'hui, sans autre précision, par le groupe Philips. En 1996, avec l'aide de l'Etat et des collectivités locales, Philips a installé au Mans un centre de recherche et de fabrication dans le domaine de la téléphonie mobile. Aujourd'hui, il emploie 2 600 personnes et des milliers en sous-traitance. Face à la crise mondiale de la téléphonie et aux ajustements annoncés, les élus locaux, unis, vous demandent d'intervenir auprès du groupe afin que le site soit pérennisé et que des activités nouvelles viennent y consolider l'emploi (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie - Après des années de très forte croissance -60 % en 1999, 45 % en 2000- le marché des téléphones mobiles connaît un retournement de conjoncture. Dans un contexte très concurrentiel de baisse des prix, les stocks d'invendus sont pléthoriques. Philips, neuvième fabricant mondial, vient d'annoncer des résultats en baisse de 90 % pour le premier trimestre. Il a annoncé la suppression au niveau mondial de 7 000 à 8 000 emplois. Le comité central d'entreprise s'est réuni aujourd'hui. La direction a exposé les options à l'étude aux syndicats et doit définir un projet durant le deuxième trimestre. Compte tenu de l'importance de Philips pour le Mans -2 600 emplois- la concertation et le dialogue préalable avec les organisations représentatives et les élus locaux sont indispensables. J'ai alerté solennellement les dirigeants du groupe sur l'importance de leurs décisions. Je les rencontrerai bientôt pour examiner toutes les solutions propres à pérenniser l'activité au Mans (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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AVENIR DE LA SFP

M. Gilles Carrez - Monsieur le Premier ministre, le 16 mai 1997, vous écriviez au représentant CGT de l'audiovisuel, à propos de la Société française de production, que vous n'envisagiez pas de nouvelles privatisations et que vous souhaitiez assurer la continuité et la viabilité de la SFP. Vous ajoutiez que les derniers projets de privatisation avaient échoué et que vous compreniez l'inquiétude du personnel, qui se sentait abandonné par les pouvoirs publics.

Quatre ans plus tard, la SFP, qui ne compte plus que 430 salariés sur les 1 000 de l'époque, accumule les pertes. Sa survie est en cause. Mme Tasca a clairement écarté la possibilité de reprendre la SFP dans l'audiovisuel public. La seule solution est donc la privatisation, sauf qu'il n'y a plus maintenant de repreneur identifié, comme c'était le cas il y a cinq ans. Comme dans d'autres domaines, votre immobilisme, votre refus de prendre les dossiers difficiles à bras-le-corps nous ont conduits dans l'impasse. Confirmez-vous que vous et vos alliés, communistes et Verts, écartez définitivement toute intégration dans l'audiovisuel public ? Quel sort réservez-vous aux 430 salariés, dont la compétence et le savoir-faire sont reconnus ? Quel avenir envisagez-vous pour la SFP, alors que le Val-de-Marne, défavorisé en emplois, a absolument besoin de son maintien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Pour ce qui est d'immobilisme dans l'audiovisuel public, le Gouvernement a donné des preuves (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il a conforté le financement de l'audiovisuel public que vous vous étiez efforcés d'affaiblir et a assuré son avenir avec le développement du numérique hertzien. L'immobilisme a donc plutôt été de votre côté de l'hémicycle.

Quant à la SFP, elle connaît depuis de longues années, y compris celles où vous étiez aux responsabilités, des difficultés financières et structurelles graves, le marché étant devenu largement surcapacitaire, notamment pour les prestations de services. Ce Gouvernement lui a apporté des aides financières considérables. La dernière, en 1998, s'élevait à 850 millions, moyennant une autorisation exceptionnelle de Bruxelles. Malgré cela et malgré les efforts de son président comme de son personnel, la SFP n'a pas atteint l'équilibre et à la fin de l'exercice 2000, son déficit d'exploitation s'élevait à 80 millions, sans perspective de redressement. Le Gouvernement a donc chargé un conseiller d'Etat d'analyser toutes les solutions possibles. Le rapport qu'il a remis fin février excluait l'intégration de la SFP à l'ensemble France Télévision, cette solution ayant été écartée par le Parlement lui-même lors du débat d'avril 2000.

Le Gouvernement a donc chargé aujourd'hui même M. Bruno Lasserre de veiller au bon déroulement d'une mise sur le marché de l'entreprise. Il sera assisté dans cette tâche par la banque BNP Paribas et devra veiller à ce que le volet social présenté par les futurs repreneurs soit à la hauteur. Le Gouvernement tient à ce que les 430 salariés de la SFP reçoivent une réponse personnelle appropriée. Les représentants du personnel seront associés à chaque étape de ce processus.

Quant au développement dans l'Est parisien d'un pôle audiovisuel, il dépendra largement de la réussite du plan de reprise (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÔLE DE L'ETAT FACE AUX RISQUES ENCOURUS À VIMY

M. Léonce Deprez - Monsieur le Premier ministre, lors de votre visite récente et rapide à Abbeville, vous avez certainement ressenti une certaine dégradation du moral de l'opinion. Durant la même semaine, les 12 000 habitants de Vimy, dans le Pas-de-Calais, ont dû évacuer leur habitation pendant une dizaine de jours, ce qui les a plongés dans le désarroi. Si je vous interroge à ce sujet, ce n'est pas que la solidarité ait fait défaut dans cette région dont elle est un des traits dominants, mais c'est qu'en septembre 1997, à Arras, M. Chevènement avait annoncé un plan global de toutes les destructions d'armes chimiques datant de la guerre de 14-18, ainsi que la création d'une usine « Séquoïa » destinée à mettre un terme aux risques que tous ces vestiges de guerre font courir aux habitants de diverses régions de France. Après quatre ans de gouvernement, pourquoi cette usine n'a-t-elle toujours pas été construite ? Pourquoi le dossier dort-il encore dans les cartons ? Dans ces conditions, croyez-vous que les habitants de Vimy puissent encore croire à la parole de l'Etat et de ceux qui le gouvernent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

M. Lionel Jospin, Premier ministre - Tempêtes de 1999, naufrage de l'Erika puis du Ievoli-sun, inondations dans plusieurs régions de France, ESB, fièvre aphteuse... A chaque fois, nos concitoyens ont trouvé à leurs côtés l'Etat. L'Etat, et donc le Gouvernement, les services publics, les fonctionnaires d'autorité mais aussi les personnels civils et militaires, y compris ceux qui à Vimy encore aujourd'hui risquent leur vie. Je pense donc que l'Etat remplit son rôle, de même que le Gouvernement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). J'ai été informé le lundi 9 avril au soir de risques très graves encourus par la population, autour du site de Vimy en raison d'une dégradation toute récente... (Interruptions sur les bancs du groupe DL) Messieurs, vous ne devriez pas m'interpeller ainsi car je pourrais montrer des photos du centre de Vimy avant les premiers aménagements que nous y avons faits en 1997 ! Evitons donc les polémiques indignes.

En raison, disais-je, de la dégradation de certaines caisses qui contenaient des obus -chimiques ou autres. Nous avons aussitôt lancé les premiers travaux d'expertise et commencé à mettre en place, en liaison avec le préfet de région, le général commandant de la zone, le préfet du Pas-de-Calais, tous les services de sécurité civile, un plan permettant de parer à ces risques et en particulier d'évacuer la population.

Un député RPR - En pleines Pâques !

M. le Premier ministre - Ce n'est pas de savoir si c'est Pâques qui m'intéresse mais s'il y a un danger pour mes compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Sans tarder, j'ai donc réuni les ministres de l'intérieur, de la défense et de la santé, ainsi que le secrétariat général du Gouvernement, et nous avons préparé l'action. Dès le jeudi 12 avril, le Gouvernement a décidé l'évacuation immédiate de la population. Je comprends la gêne des populations concernées -non pas 12 000 personnes à Vimy, Monsieur Deprez, mais 4 000 à Vimy et 12 000 dans les différentes communes alentour- et je les félicite pour leur maîtrise et leur discipline, mais plutôt que d'annoncer deux jours à l'avance une évacuation, au risque de susciter un sentiment de panique, je préférais que tout soit mis en place pour sécuriser les habitations, accompagner l'évacuation, accueillir les personnes. C'est ce que nous avons fait. Je pense que nous avons bien fait et que vous avez tort de polémiquer.

Dans le même temps, une opération extrêmement difficile et complexe a été conduite par le service des démineurs et le génie militaire, notamment, en vue de transporter 57 caisses de munitions chimiques sur le site de Suippes, après les avoir réfrigérées, afin de rendre les gaz inertes.

Le travail sur le site de Vimy a commencé dans des conditions bien maîtrisées et nous espérons donc bien que les gens pourront retourner chez eux à la fin de la semaine.

Plusieurs députés UDF - Et l'usine Séquoïa ?

M. le Premier ministre - Rappelons d'abord que si le problème s'est posé, c'est parce qu'en 1993, le pétardage en baie de Somme a été interdit, de sorte que le centre de Vimy s'est transformé en centre de stockage plutôt que de transit.

Quant à l'usine Séquoïa, si elle n'a pas vu le jour pendant les quatre ans où vous étiez au pouvoir ni après, c'est qu'elle constitue un projet extraordinairement complexe du point de vue industriel et de la sécurité. Mais il est clair que les événements de ces derniers jours doivent nous conduire à accélérer les décisions en vue de sa création.

Nous continuons de traiter le dossier avec maîtrise, dans le souci premier de la sécurité de la population ainsi que des salariés qui travaillent sur ces sites. Nous avons travaillé dans l'urgence efficacement. Vous devriez plutôt nous en féliciter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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SAGES-FEMMES

Mme Martine Lignières-Cassou - Monsieur le ministre délégué à la santé, vous avez présenté le 27 mars dernier le programme politique de votre ministère devant la conférence nationale de la santé. Je tiens à vous dire notre satisfaction face à votre volonté de passer de la gestion d'un système de soins au développement d'une véritable culture de santé publique. Ce chantier réclamera du temps et l'implication d'un personnel motivé, de qualité et en nombre suffisant. Le décloisonnement entre les différentes professions de santé me semble également indispensable.

Les annonces que vous avez faites aux délégations de sages-femmes sur le recrutement commun en PCEM vont dans ce sens. La revalorisation de leur profession -reconnaissance statutaire mais aussi augmentation de leur traitement- est un préalable au bon fonctionnement d'un système de santé dont le personnel est majoritairement féminin. Malgré les propositions importantes que vous avez formulées, Monsieur le ministre, les sages-femmes sont toujours mobilisées puisqu'elles annoncent pour le 26 avril une nouvelle journée d'action. Pouvez-vous donc nous dire votre position et l'état des négociations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Il est très difficile de négocier lorsque les interlocuteurs changent : ainsi, une première coordination a laissé la place à une seconde. C'est au comité intersyndical de suivi qu'il appartient de veiller à l'application de l'accord qui a été signé, et qui comporte en particulier une augmentation sensible - même si d'aucuns la jugent insuffisante - des rémunérations. Une enveloppe de 1,2 milliard a été dégagée pour le secteur privé, où des négociations sont en cours au sein des établissements ; quant aux sages-femmes libérales, elles ont obtenu une revalorisation importante de la nomenclature. Il faut maintenant que la nouvelle coordination discute, non seulement avec nous, mais aussi avec les cinq syndicats signataires.

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CRISE DE LA FILIÈRE BOVINE

M. Jean-Pierre Dupont - Le monde agricole et rural dans son ensemble se trouve dans une situation dramatique, comme en témoignera la grande manifestation qui aura lieu, samedi, dans toute la France, et à laquelle nous serons nombreux, je l'espère, à nous associer. Je suis l'élu d'un département particulièrement reconnu pour la qualité de sa viande, et qui n'a été touché ni par l'ESB, ni par la fièvre aphteuse ; les éleveurs y subissent pourtant de plein fouet les conséquences de la crise, et ont le sentiment de ne pas être écoutés par le ministère de l'agriculture. Quid de la compensation intégrale des pertes, notamment pour les broutards nés après le 23 mars 2000 ? Des mesures de retrait et d'intervention pour les broutards en surnombre ? De l'enveloppe européenne supplémentaire pour compenser le coût de l'ESB et de la fièvre aphteuse ? De la prorogation de l'autorisation de dépassement de 20 % du taux de chargement ? La communication passe mal, décidément, entre le ministre et le monde rural ; il est pourtant urgent d'agir, si l'on ne veut pas que l'irréparable se produise dans nos campagnes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le Gouvernement est parfaitement conscient de la situation des agriculteurs, des éleveurs en particulier ; vous en rencontrez dans votre département, j'en rencontre dans le mien et ailleurs, et les problèmes de communication sont moindres que vous ne le dites -ou que vous ne le souhaitez...

Les aides directes arrêtées dans le cadre du plan d'urgence, qui s'élèvent à 1,4 milliard, seront versées, pour 80 %, dès le mois de mai aux éleveurs qui les solliciteront en apportant la preuve qu'ils y ont bien droit. Elles pourront être ajustées aux cas particuliers par les commissions départementales, notamment pour faire face aux problèmes tels que ceux que vous avez soulevés. Je me battrai à Bruxelles pour que le dispositif de retrait et d'intervention prenne de l'ampleur, car nous ne sortirons de la crise que si les cours retrouvent un niveau normal, mais la meilleure façon de les soutenir est de stopper la chute de la consommation de viande bovine. Or, je connais beaucoup de maires, de l'opposition comme de la majorité, qui n'ont toujours pas levé l'interdiction du b_uf dans les cantines scolaires ; si vous voulez nous aider, faites-le dans vos municipalités ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste)

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FICHIER DES EMPREINTES GÉNÉTIQUES

M. Alain Tourret - Ce week-end pascal a marqué un tournant décisif dans l'affaire du meurtre de Caroline Dickinson : grâce au travail long et méticuleux des magistrats, des gendarmes et des policiers, l'ADN a fini par rendre son verdict et par accuser un suspect, disculpant au passage un autre suspect qui avait pourtant avoué avant de se rétracter. L'ADN, véritable code-barres génétique que l'on peut extraire d'un cheveu, de la salive ou du sperme, permet d'établir la vérité sans recourir à la « religion de l'aveu » ; il aurait peut-être sauvé la vie de deux des victimes de Guy Georges... Mais encore faut-il que la justice dispose du registre des empreintes des délinquants sexuels. Pourquoi celui-ci n'existe-t-il toujours pas ? Il faut que les pays européens s'associent pour mettre en commun cette source de vérité pour les innocents et de châtiment pour les coupables ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe UDF)

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - C'est en effet grâce à l'ADN que la famille de Caroline Dickinson a aujourd'hui la certitude que son assassin est sous les verrous et a cessé ses crimes. Quant au fichier, il existe, mais n'est centralisé que depuis qu'a été constituée, il y a quelques jours, la cellule interministérielle chargée de veiller à ce que les informations ne soient utilisées qu'à bon escient. C'est ainsi que tout magistrat ou enquêteur peut désormais demander à tout autre magistrat ou enquêteur à confronter les empreintes qu'ils ont respectivement recueillies. Au niveau européen, il existe également la cellule Eurojust, qui permet la mise en contact des fichiers nationaux, sur une base qui reste bilatérale dans la mesure où les méthodes de prélèvement ne sont pas les mêmes d'un pays à l'autre. C'est cette cellule qui a été saisie du dossier Dickinson.

Je remercie les habitants de Pleine-Fougères d'avoir accepté de donner leur empreinte ADN. Malgré les lois bioéthiques, le débat reste ouvert : sommes-nous tous prêts à donner nos empreintes génétiques comme nous donnons nos empreintes digitales ? Pour ma part, je crois que nous pouvons donner à cette question une réponse respectueuse des droits des personnes et des libertés publiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe RCV et du groupe UDF).

M. le Président - Nous en avons terminé avec les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 25 sous la présidence de M. Gaillard.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE (nouvelle lecture)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant que la commission mixte paritaire n'ayant pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution, à une nouvelle lecture du texte.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Ce projet, que vous aviez voté en première lecture le 29 novembre, vous revient. Comme je vous l'avais dit lors de la première lecture, le Gouvernement s'est engagé depuis 1997, avec détermination, dans une politique volontariste en matière de droits des femmes. Le bilan qui a été fait de cette politique, à l'occasion de la journée internationale des femmes, le 8 mars, est éloquent. On en retiendra la loi sur la parité, qui s'est appliquée pour la première fois lors des élections municipales ; la loi sur l'égalité professionnelle ; les dispositions sur le harcèlement moral qui figurent dans le projet de modernisation sociale.

On se gardera d'oublier la lutte contre le chômage et l'exclusion avec un objectif de 55 % de femmes dans les dispositifs prévus. Déjà les femmes occupent une part de plus en plus importante dans le volume des embauches du programme emplois-jeunes, et représentent aujourd'hui une embauche sur deux.

Le Gouvernement s'est aussi attaché à améliorer les possibilités, pour les femmes, de concilier vie professionnelle et vie familiale, avec la création de 40 000 places dans les crèches et avec l'allocation d'aide à la reprise d'activité pour les femmes en difficulté ayant un enfant de moins de six ans. Il s'est encore fortement investi dans la lutte contre les violences faites aux femmes, par l'amélioration de l'information et de la prise en charge des victimes.

Concernant la santé des femmes, le programme de lutte contre le cancer annoncé en février 2000 aboutira, à partir de cette année, au dépistage généralisé du cancer du sein pour les femmes de 50 à 74 ans, et la création d'un diplôme d'études spécialisées de gynécologie obstétrique et médicale va restaurer l'enseignement spécifique de la gynécologie médicale.

Avant d'en revenir au présent projet, je souhaite réaffirmer tout d'abord la priorité absolue de la contraception. Chacun sait qu'elle n'a pu réduire le nombre des grossesses non désirées : il y a encore 200 000 IVG par an, et 10 000 grossesses non désirées chez des adolescentes, dont 7 000 conduisent à une interruption volontaire. On sait aussi que l'information sur la contraception et l'éducation à la sexualité chez les jeunes ont été insuffisantes, voire gravement défaillantes.

Ce Gouvernement a entrepris d'importants efforts. Je rappelle la campagne d'information sur la contraception lancée en janvier 2000, et qui sera renouvelée chaque année, pour un coût de 20 millions. Les projets ont mis en place des comités de pilotage, qui ont mené localement une large gamme d'actions, extraordinairement diverses et imaginatives. La prochaine campagne en bénéficiera ; elle s'attachera à favoriser l'utilisation effective de la contraception, et à mobiliser professionnels de santé et relais d'information.

Je rejoins les parlementaires pour affirmer qu'en matière d'éducation à la sexualité il faut faire mieux et plus. Il incombe d'abord aux parents d'éduquer leurs enfants et de les protéger des risques : leur parler, même si ce n'est pas facile, de manière simple et naturelle de la sexualité, et particulièrement de la leur, c'est les reconnaître et les rassurer. Il faut aussi aider les parents et les jeunes en difficulté sur ces questions. Quant au milieu scolaire, son rôle est primordial. La direction générale de la santé a engagé des actions avec l'Education nationale pour former les personnels de cette dernière. Un réseau de deux cents personnes ressources est en place, qui interviennent pour former les équipes des établissements volontaires. Déjà 8 000 personnels de terrain ont pris en charge des séquences d'éducation, avant même que vous introduisiez à l'article 16 du projet de loi l'obligation de trois séances annuelles dans les collèges et lycées. Comme vous, les sénateurs ont souhaité étendre l'éducation à la sexualité à l'école primaire, et il me semble que nous pouvons progresser en ce sens.

Nous avons également agi pour faciliter l'accès de toutes les femmes à tous les contraceptifs disponibles. Ainsi le prix du stérilet a été réduit et son remboursement accru en août 2000, avec prise en charge intégrale pour les bénéficiaires de la CMU. Un mot sur les contraceptifs oraux. Les pilules de première et deuxième générations et les pilules progestatives sont au nombre de onze : trois d'entre elles, les plus chères, ne sont pas remboursables. Quant aux pilules de troisième génération, aucune n'est remboursable, car en 1982, lors de leur mise sur le marché, elles n'ont pas prouvé d'avantage par rapport aux précédentes en termes d'efficacité ni de tolérance. Nous avons proposé pour elles aux industriels une prix moyen de 56,30 F la plaquette mensuelle, contre 16,40 F pour la deuxième génération. L'affaire est suspendue à l'avis de l'agence européenne du médicament, qui a entrepris de réévaluer le rapport bénéfice-risque des contraceptifs de troisième génération. N'oublions pas enfin la mise sur le marché des premières pilules du lendemain, Tétragynon en 1998 et Norlevo en 1999. Les résultats de tous ces efforts ne pourront s'apprécier que dans la durée.

Je souhaite aussi revenir sur l'allongement de dix à douze semaines du délai légal d'IVG, disposition principale de ce projet. Pour nous, quand une femme a décidé d'interrompre sa grossesse, il faut que cela se passe bien, et il n'y a aucune raison d'imposer à ces femmes d'aller à l'étranger. La mesure proposée ne résoudra pas le problème pour toutes celles qui le font, mais pour 80 % d'entre elles, soit quatre mille....

M. Philippe de Villiers - C'est un mensonge.

Mme la Ministre - Le Gouvernement a entrepris d'améliorer les conditions d'accès à l'IVG, les délais d'intervention, les conditions d'accueil et d'information. Douze millions de francs ont été accordés à l'ensemble des régions pour améliorer la situation dans les centres d'orthogénie, en particulier dans les régions les plus en difficulté. Ces crédits n'ayant pas suffi à répondre aux besoins, une dotation supplémentaire de 15 millions a été prévue en 2001. Elle sera répartie en fonction des résultats de l'enquête de 2000 sur l'activité des centres et d'une enquête auprès des ARH.

Le projet prévoit en outre d'élargir à la médecine de ville la prise en charge des IVG médicamenteuses, ce qui augmentera l'offre de soins -d'autant que l'on pourra accéder à ces IVG au-delà du quarante-neuvième jour s'il y a confirmation par l'AFSSAPS.

Depuis le 1er juillet 2000 ont été mises en place des permanences téléphoniques pour accueillir les femmes, les informer, et les orienter en fonction du planning de permanence IVG des hôpitaux.

Cette information n'est nullement exclusive de celle qui est due à toute femme enceinte sur les aides dont elle peut bénéficier si elle veut poursuivre sa grossesse.

Mme Christine Boutin - Ce n'est pas ce que propose le rapporteur !

Mme la Ministre - Il est clair que l'allongement du délai exige un surcroît de précautions, mais cette nécessité ne peut servir d'argument contre l'allongement. En tout cas nous n'avons pas voulu remettre en cause l'esprit de la loi Veil (Exclamations sur les bancs du groupe UDF) : jusqu'à douze semaines, c'est à la femme de choisir librement d'interrompre ou non sa grossesse. Nul ne peut décider à sa place (Approbations sur plusieurs bancs du groupe socialiste ; M. Philippe de Villiers proteste).

Le débat au Sénat fut de qualité, même s'il n'a pu réduire toutes les divergences. Les sénateurs ont refusé l'allongement à douze semaines, arguant qu'il ne résoudrait pas le problème de toutes les femmes, qu'il comportait plus de risques et de difficultés techniques, et que le dépassement des délais résultait du manque de moyens. Le Sénat préfère, après dix semaines, recourir à l'interruption médicale de grossesse. Sur ce point, j'ai rappelé la position du Gouvernement.

Les sénateurs ont rejoint le souci du Gouvernement et de l'Assemblée de permettre, dans les situations exceptionnelles, le recours des mineures à l'IVG sur leur seule décision. Le texte a été amélioré pour rendre clair que l'autorisation de la mineure couvre l'IVG elle-même et tous les actes médicaux liés.

Reste une divergence avec le Sénat sur la qualité de la personne susceptible d'accompagner la mineure. Le Gouvernement maintient sa volonté de ne pas enfermer la mineure dans un choix entre des professionnels ou personnes qualifiées et un membre de sa famille.

M. Philippe de Villiers - C'est honteux.

Mme la Ministre - Comme je m'y étais engagée, notamment auprès de Jean Le Garrec, j'ai demandé à la Garde des Sceaux de préciser les risques d'engager la responsabilité de la personne accompagnante. Voici sa réponse : la mineure ou les titulaires de l'autorité parentale ne sauraient engager aucune responsabilité civile ou pénale de la personne désignée pour des faits liés à sa mission d'accompagnement. Le consentement à l'IVG n'incombe pas à cet adulte, non plus que la réalisation et l'organisation de l'intervention, qui relève de la responsabilité médicale.

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Qui est responsable alors ?

Mme la Ministre - Certains ont proposé de soumettre l'IVG à l'autorisation du juge des enfants, voire d'instaurer une sorte de pré-majorité. Mais la décision relève d'une réflexion entre la mineure, sa famille et l'équipe médicale. Si l'on ne peut obtenir le consentement des parents, la judiciarisation ne me semble pas opportune.

Mme Christine Boutin - On laisse l'enfant seule !

Mme la Ministre - En matière pénale, le Sénat a voté l'abrogation des dispositions de 1939 rendant automatique l'interdiction professionnelle pour les médecins ayant pratiqué l'IVG. En revanche, contrairement à vous, les sénateurs ont souhaité réinscrire dans le code pénal les délits relatifs à l'IVG. Ils n'ont pas souhaité l'abrogation du délit de propagande.

Les dispositions que vous avez introduites en première lecture pour encadrer le recours à la stérilisation volontaire masculine et féminine pour les personnes capables et pour les personnes incapables majeures ont donné lieu à un riche débat. J'ai noté la volonté de tous de veiller à un encadrement très respectueux des droits des personnes et de la protection des plus vulnérables.

Mme Christine Boutin - Comment ?

Mme la Ministre - Pour les personnes majeures capables, la ligature des trompes ou des canaux déférents ne peut être pratiquée que si la personne a exprimé une volonté libre, motivée et délibérée en considération d'une information claire et complète sur ses conséquences, avec un consentement écrit après un délai de réflexion.

En clair, une décision de stérilisation ne doit être prise qu'avec une connaissance complète des risques, et après mûre réflexion. C'est pourquoi il peut être envisagé, comme vous le proposez après le Sénat, de porter le délai de deux à quatre mois.

Pour les personnes protégées, la question est d'ordre éthique. En première lecture, vous avez posé un certain nombre de conditions : une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception, ou une impossibilité avérée de les mettre en _uvre ; et l'autorisation du juge des tutelles après consultations. Les sénateurs ont précisé en outre que seuls les parents ou le représentant légal pouvaient saisir le juge et qu'il n'était pas question de passer outre au refus de la personne intéressée.

Enfin, le Sénat a voté un article 9 bis, selon lequel « nul n'est recevable à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance ». Cette rédaction, proposée par M. Huriet, fait suite à un amendement déjà soutenu ici par M. Mattei. Comme je m'y étais engagée alors, j'ai saisi le Comité consultatif national d'éthique, et nous entendons les associations de personnes handicapées. Si nous devons légiférer, le présent projet sur l'IVG ne semble pas offrir le bon support, car il n'y a pas lieu de se prononcer dans l'urgence sur une telle question. Voilà les observations que je souhaitais faire au seuil de ce débat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des affaires culturelles - Etant donné les divergences de fond apparues entre les deux assemblées au sujet de ce texte, et notamment sur l'allongement du délai légal, la CMP n'a pu parvenir à un accord. Je vous propose de revenir sur de nombreux points au texte voté ici en première lecture.

Le Sénat s'est d'abord étonné du recours à l'urgence. Pourtant, il y a bien urgence à légiférer, devant la détresse que connaissent les femmes empêchées de recourir à l'IVG dans notre pays parce qu'elles ont dépassé les délais. Mais le projet de loi n'a pas été élaboré dans la précipitation : il résulte de longues réflexions et consultations conduites par Martine Aubry. Il porte à la fois sur la contraception et sur l'IVG, car il s'agit d'abord de prévenir, en développant la contraception par l'information et les remboursements, puis d'améliorer l'accès à l'IVG dans les établissements de santé ; enfin de revoir les lois Veil et Neuwirth pour répondre aux problèmes des femmes hors-délai et aux difficultés rencontrées par les mineures.

La Délégation aux droits des femmes a procédé, de son côté, à de nombreuses auditions, et organisé en mai 2000 un grand colloque « Contraception, IVG : mieux respecter les droits des femmes », avant de publier le rapport d'information de Mme Bousquet, qui a inspiré de nombreux amendements retenus par la commission.

Si les deux assemblées se rejoignent sur la nécessité de la prévention et sur la volonté d'améliorer les conditions d'accès à l'IVG, le Sénat propose une autre philosophie que la nôtre. Il revient en effet au texte de la loi Veil pour les délais, le dossier-guide, l'obligation de l'entretien, sans prendre en compte ni l'évolution de la société depuis 25 ans, ni la maturité des femmes, ni les problèmes que la loi Veil ne permet pas de résoudre.

Pour le délai, le Sénat revient aux 10 semaines, avec une timide ouverture de l'IMG à des indications d'ordre psychique. Le délai de 12 semaines ne constitue pourtant pas une « fuite en avant », c'est un terme raisonnable, tenant compte des raisons multiples pouvant conduire à dépasser les dix semaines. C'est une avancée qui permettra de mettre un terme au scandale des départs de « femmes hors-délai » vers les pays voisins dont la législation est plus souple.

En second lieu, le Sénat a souhaité rétablir, dans le dossier-guide remis à la femme lors de sa première consultation médicale, des informations qui sont des incitations indirectes à garder son enfant, en vue d'une adoption éventuelle. Il me semble que le dossier-guide devrait contenir seulement des informations neutres.

Par ailleurs, le Sénat rétablit le caractère obligatoire de l'entretien préalable, alors que l'Assemblée avait estimé que la décision de recourir à l'IVG relevait de l'entière responsabilité de la femme majeure qui a pris mûrement une décision difficile. L'entretien peut être nécessaire lorsque le choix suscite angoisse et hésitations et il doit être systématiquement proposé, avec des conseillères conjugales qui retrouveront tout leur rôle.

Pour les mineures, l'autorisation parentale demeure la règle. Mais, dans certains cas extrêmes, elle doit pouvoir être accompagnée par un adulte de son choix, après avoir recherché conseil lors de la consultation préalable, et confirmé seule sa décision au médecin. Le Sénat a adhéré à ce principe, mais les conceptions du rôle de cet adulte divergent. Pour notre Assemblée, cet adulte choisi par la mineure aura pour mission de l'accompagner tandis que le Sénat a souhaité qu'il « assiste » la jeune fille dans sa démarche, par référence à certaines dispositions du code civil, ce qui entraînerait l'exercice d'une responsabilité. Aucun adulte, même membre de la famille, ne voudra assumer le risque lié à l'assistance et l'adulte-référent ne peut avoir qu'une mission de soutien psychologique et moral (Mme Christine Boutin s'exclame).

Par ailleurs, le Sénat a voté un article pour répondre à l'arrêt « Perruche ».

Notre commission, sous la responsabilité de M. Claude Evin, a procédé de son côté à des auditions de juristes et d'associations sur ce sujet et conclu qu'il ne fallait pas légiférer dans la précipitation sur une question aussi controversée. Vous nous avez dit, Madame la ministre, que vous saisissiez de votre côté le Comité d'éthique.

Je crois, pour ma part, que notre réflexion doit être guidée par deux principes : une société qui discrimine un groupe social, en lui déniant la valeur même de l'existence est une société qui ne respecte pas la dignité humaine. Mais une société qui empêcherait l'un de ses membres d'exprimer sa souffrance et de demander réparation d'une faute ne respecte pas non plus la dignité humaine.

Sur la contraception aussi, les deux assemblée divergent, et votre commission a rétabli le texte adopté en première lecture, avec la délivrance de contraceptifs sans prescription médicale en cas d'urgence. La commission a supprimé la création d'un conseil supérieur de l'éducation sexuelle qui ferait double emploi avec le conseil de l'information sexuelle créé en 1973. Elle a supprimé aussi la demande de rapport sur la politique d'information à la contraception et de prévention qui feraient également double emploi.

Pour pallier l'insuffisance de l'information sur la sexualité dans les établissements scolaires, la commission souhaite qu'elle soit introduite dès l'école primaire. Et pour la contraception d'urgence, la commission a souhaité voir insérer dans le code de la santé publique, les dispositions de la loi du 13 décembre 2000 concernant la gratuité pour les mineures et l'administration aux élèves par les infirmières.

Enfin, l'Assemblée avait souhaité donner un cadre légal à la stérilisation volontaire à visée contraceptive, celle-ci s'exerçant actuellement dans une grande incertitude juridique, du fait de l'article 16-3 du code civil sur l'atteinte à l'intégrité du corps humain. L'Assemblée autorisait donc la ligature des trompes ou des canaux déférents en l'entourant de toutes les garanties permettant de respecter la dignité de la personne : un libre choix éclairé et motivé, l'information la plus complète possible, des garanties médicales indispensables.

Le Sénat a accepté le principe, mais en fixant une condition d'âge : âge minimum de 35 ans, ou un âge tel que son produit par le nombre d'enfants donne un résultat supérieur à 100 (Sourires). Votre commission a accepté de porter à quatre mois le délai de réflexion, après la première consultation médicale.

Cet article a suscité beaucoup d'émotion. Nous savons tous que ces pratiques existent, parfois sans le consentement des intéressés, à la demande des parents ou des institutions. Des abus sont dénoncés fréquemment et l'article 16-3 du code civil protège mal les personnes handicapées mentales. En donnant un cadre légal à la stérilisation, on augmente les risques d'un recours à cette pratique. Mais rien ne serait pire que la loi du silence.

Nous voulons que chacun accède à une vie affective et sexuelle épanouie.

Mme Christine Boutin - C'est bien !

Mme la Rapporteure - Et dès lors qu'il y a relations sexuelles, il existe une possibilité de grossesse.

Une société qui refuserait à l'ensemble des personnes handicapées mentales d'avoir des enfants ne respecterait pas le principe de la dignité humaine. Ce qui nous distingue des régimes totalitaires est de considérer chacun de façon singulière.

C'est donc dans le rapport de chaque personne handicapée mentale à son environnement familial, social, institutionnel que se décide la stérilisation. Est-elle capable d'élever un enfant, son entourage peut-il le prendre lui-même en charge ? La réponse n'appartient pas qu'à la famille ou à l'institution : la présence du juge des tutelles est nécessaire pour respecter l'éthique et le principe de consentement. La commission des affaires sociales a repris à ce sujet un amendement du Sénat.

La question de la stérilisation soulève aussi celle des moyens qui doivent permettre d'accompagner la sexualité des personnes handicapées mentales -information sur la contraception, un amendement du Sénat a été repris par la commission à ce sujet, recherche d'une contraception moins astreignante- et d'accompagner une éventuelle parentalité.

Je crois que les principes qui guident ces articles sont justes. Cependant, pour évaluer le dispositif, je vous propose de mettre en place une commission de suivi comprenant des magistrats, des médecins et des associations.

A travers ce texte, nous voulons mettre en place une politique de progrès, fondée sur la responsabilité de chacun et sur le respect de la dignité de la personne humaine (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

Mme Odette Casanova, au nom de la délégation aux droits des femmes - Le projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception donne l'occasion, au vu des différents rapports de nos assemblées et délégations, de souligner le poids d'un réel et juste regard porté sur les valeurs de la vie.

Le droit des femmes à maîtriser leur corps, leur sexualité et leur fécondité a inspiré de nombreux travaux au cours de l'année 2000.

Notre seule délégation a mené quatorze auditions et huit réunions de travail ainsi qu'un colloque, le 30 mai 2000. Elle a ainsi pu mettre en lumière des situations humaines douloureuses dans notre pays et de nouveaux problèmes préoccupants de santé publique.

Nul ne pourra affirmer que nous avons décidé à la légère ou agi dans la précipitation, ni que les conclusions de nos réunions sont contradictoires, car les témoignages n'ont pas varié.

Nous avons tous abouti aux mêmes constats, mais nous ne leur apportons pas les mêmes réponses.

Il est regrettable que le Sénat ait refusé de moderniser des lois qui ne correspondent plus à la réalité sociale.

Les modifications prévues tenaient compte des conclusions critiques des différents rapports de nos assemblées. Le nombre d'IVG n'a pas significativement diminué depuis 1976 et notre pays ne s'est pas doté d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et à la contraception.

Il faut en faire une priorité de santé publique. Notre pays ne s'est pas davantage donné les moyens d'appliquer correctement la loi Veil. Il faut donc améliorer l'accès à l'IVG dans les structures publiques, dont les dysfonctionnements, les pesanteurs administratives, l'insuffisance des moyens et les problèmes de statut sont reconnus par tous.

Nous voulons éviter que tant de femmes soient contraintes de se rendre chaque année hors de nos frontières, dans des conditions psychologiques et financières difficiles, pour mettre fin à leur grossesse. Il s'agit d'une atteinte insupportable à leur dignité, sans compter l'extrême injustice de ces situations.

Nous proposons donc de porter à douze semaines le délai légal de recours à l'IVG.

Faut-il rappeler qu'à ce jour, il n'existe aucune contre-indication à cet allongement ?

Nous ne pouvons plus tolérer que des femmes basculent dans l'illégalité, nous ne pouvons plus les laisser dans des situations dramatiques, supplier les médecins et subir toutes sortes d'humiliations. Combien d'entre elles iront jusqu'au terme de leur grossesse pour finalement abandonner leur enfant ? Et comment se satisfaire que l'Espagne, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne remplissent notre devoir ?

Les sénateurs proposent que ces situations soient prises en charge dans le cadre de l'interruption médicale de grossesse : c'est de nature à accentuer la pression médicale sur le choix parental.

Nous souhaitons au contraire que, dans le cadre de l'interruption de grossesse pour motif médical, le médecin expert auprès des tribunaux soit supprimé. Nous voulons introduire collégialité et pluridisciplinarité dans une commission composée d'au moins trois personnes qualifiées, dont un médecin choisi par la femme.

Nous voulons aussi supprimer le caractère obligatoire de l'entretien pré-IVG pour les femmes majeures, qui constitue une atteinte non seulement à l'intégrité morale mais aussi à la dignité des femmes.

De même, nous proposons de transférer du code pénal au code de la santé publique les articles réprimant la pratique de l'IVG hors du cadre légal, tout en maintenant dans le code pénal les dispositions réprimant l'avortement sur une femme non consentante.

Concernant les mineures, nous enregistrons chaque année un nombre élevé de situations intolérables. Il faut porter une attention particulière à ces adolescentes qui entrent dans la vie avec une expérience particulièrement traumatisante.

Nous proposons donc la délivrance de moyens contraceptifs dans les centres de planification familiale sans prescription médicale et l'aménagement de l'obligation de l'autorisation parentale qui demeure néanmoins la règle. La mineure pourra désigner une personne majeure de son choix susceptible de l'accompagner tout au long de cette période.

La loi doit s'adapter et accompagner un mouvement vers la responsabilité.

En ce qui concerne la stérilisation à visée contraceptive, nous savons que notre pays demeure réticent. La stérilisation volontaire nécessite une attention spécifique. Elle n'est mentionnée dans aucun texte juridique. Elle doit donc être reconnue et mieux encadrée, par toutes les précautions nécessaires.

Nous sommes tous d'accord : interrompre volontairement une grossesse constitue une décision difficile pour toute femme. Cependant, comme l'indique le terme « volontaire », cette décision lui est exclusivement personnelle. C'est pour la femme l'affirmation d'un droit absolu et d'une volonté qui correspond toujours à une situation de détresse et qui doit être respectée. Nous continuerons a mener une politique de progrès afin de garantir l'exercice effectif de ce droit. Car nous, nous faisons confiance à la responsabilité des femmes et défendons leur liberté de choix (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

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EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ

M. le Président - J'ai reçu de Mme Christine Boutin une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91-4 du Règlement.

Mme Christine Boutin - Rappelons tout d'abord que la loi Veil a été adoptée, dans son principe intrinsèque, comme une loi d'exception. Une exception qui confirme la règle selon laquelle « tout être humain possède des droits inaliénables et sacrés », comme notre Constitution le rappelle par l'alinéa 1 du Préambule de 1946. Le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1975 a affirmé que la loi sur l'interruption volontaire de grossesse « n'admet qu'il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de sa vie (...) qu'en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu'elle définit... ». Juridiquement, cette formulation implique la reconnaissance de l'embryon comme être humain (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste). C'est ainsi qu'une mère qui décide d'avorter exerce, au sens juridique strict des termes, une liberté et non un droit. Le principe de protection de l'être humain, garant de celui de la dignité humaine, a d'ailleurs toujours été confirmé par le Conseil constitutionnel. Comme en 1994, à l'occasion du vote sur les lois bioéthiques.

Mme Yvette Roudy - Ce n'est pas vrai !

Mme Christine Boutin - C'est sur ce fragile équilibre entre la liberté de la mère et le droit de l'embryon que s'est appuyée toute la législation de 1975, qui a été déclarée, selon les propres termes du Conseil constitutionnel, ne vous en déplaise, conforme en l'état à notre Constitution. Si l'on en vient à allonger le délai légal d'intervention de 10 à 12 semaines, on peut penser que cet « état » n'est plus et que l'équilibre de 1975, discutable en soi, sera définitivement rompu.

On nous dit que cet allongement apporte une réponse aux 5 000 femmes qui, chaque année, franchissent nos frontières pour se faire avorter à l'étranger ou ont recours à l'interruption médicale de grossesse. Je ne les oublie pas. Ce n'est pas leur faire injure que de s'opposer à cette révision de la loi. Leur faire injure, c'est se contenter d'accepter une situation de fait et de niveler encore une fois par le bas sans chercher à comprendre les causes de leur détresse. Non, je n'oublie pas ces 5 000 femmes ni les 5 000 autres qui décideront, un jour, de se faire avorter à l'étranger parce qu'elles auront dépassé le délai légal de 12 semaines. Faudra-t-il alors voter un autre allongement ?

Le débat d'aujourd'hui a au moins l'intérêt de mettre en lumière les effets pervers de la loi Veil, qui nous emprisonne dans un « comment avorter ? » quand nous devrions nous demander pourquoi on avorte. S'obstiner à faciliter l'avortement de toujours plus de femmes, c'est se tromper lourdement. Se demander pourquoi elles avortent, c'est avoir la réponse : pressions économiques, affectives, familiales... Lorsque le législateur en trouvera le courage, il saura répondre de manière constructive à l'appel que lancent ces milliers de femmes et leur proposer une alternative à l'avortement. Alors, notre démocratie leur aura enfin donné les moyens de choisir de garder leur enfant.

Mais pour cela, il ne faut pas supprimer le caractère obligatoire de certaines informations visant à instruire la femme des possibilités dont elle disposerait si elle gardait son enfant.

L'équilibre que la loi de 1975 entendait instaurer entre la protection de l'embryon et la liberté de la mère et sur lequel insistait le juge constitutionnel est bel et bien rompu par la suppression du caractère obligatoire de l'entretien préalable. Pour que le législateur donne à la femme tous les moyens d'exercer sa liberté, il faut qu'il prévoie toutes les mesures propres à assurer l'expression d'un consentement éclairé. C'est d'autant plus nécessaire que la décision de la femme est de nature à avoir des répercussions importantes sur sa santé physique et psychologique. Supprimer le caractère obligatoire de l'entretien, c'est priver de garantie légale tant le principe de liberté personnelle édicté par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que le droit de la femme à la santé, prévu par l'alinéa 11 du Préambule de 1946.

Permettre aux femmes de choisir de garder leur enfant supposerait enfin que l'on ne supprime pas le délit de provocation à l'IVG, suppression qui prive de protection légale non seulement l'embryon mais aussi le droit de la femme, pourtant expressément reconnu par le Conseil constitutionnel, de ne pas recourir à l'avortement, lequel induit nécessairement le droit de ne pas subir de pressions en ce sens.

Choisir, c'est renoncer. En réalité, c'est le législateur qui est en train de renoncer à aider les femmes enceintes en difficulté à mener, si elles le désirent, leur grossesse à terme. Le législateur choisit pour les femmes le « tout avortement ». Tout le texte est porté par cette volonté.

Par ce projet, le législateur s'autorise aussi à choisir pour les parents en leur déniant la légitime autorité qu'ils ont sur leur fille mineure. En effet, si cette jeune fille souhaite garder le secret sur sa grossesse, ou si elle n'a pas obtenu leur consentement à l'IVG, il pourrait être dérogé à l'obligation d'obtenir leur accord pour peu que la jeune fille en question soit assistée d'une personne majeure. Mais raisonner ainsi, c'est vider de sens le principe même d'autorité parentale. Or, ce principe découle directement de la protection constitutionnelle de la famille, affirmée par le Préambule de 1946 en son alinéa 10...

Mme Yvette Roudy - C'est votre interprétation !

Mme Christine Boutin - Que dire d'ailleurs de la responsabilité de la personne majeure qui se substituerait ainsi aux parents ?

Par ce projet, le législateur s'autorise également à choisir pour le personnel médical, et en particulier pour le chef du service, dans lequel le conseil d'administration d'un établissement public aura décidé que se pratiqueront les IVG. Il ne pourra plus opposer les exigences de sa conscience. On sacrifie ainsi la liberté personnelle de l'intéressé, visée à l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme, à la continuité du service public, que le dernier alinéa de l'article 2212-8 du code de la santé publique suffirait pourtant à assurer -justement un alinéa que vous proposez d'abroger, Madame la ministre.

Par ce projet, enfin, le législateur s'autorise à choisir pour les personnes handicapées. Rappelons donc que la stérilisation contraceptive est contraire au principe d'intégrité du corps humain dont le Conseil constitutionnel a fait l'une des garanties de la dignité de la personne humaine. Non seulement elle est souvent irréversible mais en outre elle porte atteinte à la liberté personnelle de celui qui la subit.

Stériliser les personnes handicapées sans leur consentement est moralement et juridiquement inacceptable. Je ne parlerai pas des motivations eugénistes, conscientes ou inconscientes, qui entachent ces dispositions.

Un sondage que vient de réaliser l'institut BVA, à la demande de l'Alliance pour les droits de la vie est particulièrement révélateur du décalage entre les solutions préconisées par le Gouvernement et les besoins réels des femmes.

En réponse à la première question sur l'influence principale qui pousse une femme à recourir à l'IVG, 37 % des sondées désignent la situation matérielle, 29 % l'avis du corps médical, 14 % celui du compagnon. Seulement 2 % considèrent qu'elles ne subissent pas d'influence particulière (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste).

Par ailleurs, 80 % des sondées considèrent que « la société devrait davantage aider la femme à éviter le recours à l'IVG ». Lorsqu'on voit comment notre commission des affaires sociales a rejeté les amendements sénatoriaux visant à accroître cette aide aux femmes enceintes, on s'aperçoit de l'ampleur du malentendu qui sépare cette révision de la loi de 1975 des besoins des Françaises.

Enfin 86 % des Françaises interrogées par BVA affirment que l'avortement laisse des traces psychologiques difficiles à vivre pour les femmes.

Plusieurs députées socialistes - Bien sûr !

Mme Christine Boutin - La représentation nationale devrait mieux écouter la voix des Françaises et investir davantage dans une politique d'aide à l'accueil de la vie.

Oublions un instant les clivages politiques qui trop souvent obscurcissent notre sens critique et ayons l'honnêteté intellectuelle de lire ce projet de loi à la lumière de notre Constitution et de ce sondage. Certains estimeront, je l'espère, que ce texte est moralement inacceptable dans la mesure où il ne propose en rien d'aider les femmes enceintes en difficulté, bafoue la liberté personnelle des acteurs en présence et où il ne respecte pas la dignité des personnes handicapées. D'autres, sans forcément partager cet avis, estimeront néanmoins que ce texte est juridiquement répréhensible.

Quoi qu'il en soit, je vous invite à adopter l'exception d'irrecevabilité (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Yvette Roudy - Malgré leur habillage pseudo-juridique, nous ne pouvons accepter les arguments de Mme Boutin car nous ne partageons pas la même philosophie ni les mêmes valeurs. Pour elle, le commencement de la vie se confond avec le moment où l'embryon se constitue. Pour d'autres, c'est le moment où le f_tus commence à bouger. Pour d'autres encore, c'est celui où l'enfant pousse son premier cri. Mais le législateur n'est pas intervenu sur ce sujet et il n'y a pas lieu de faire prévaloir une interprétation sur une autre.

Vos arguments, Madame Boutin, sont d'une autre époque et d'un autre monde. Archaïques et obscurantistes, ils ne répondent pas aux besoins de la société...

M. Philippe de Villiers - Elle est belle, votre société !

Mme Yvette Roudy - Vous considérez en effet toujours les femmes comme des mineures. Quelqu'un doit donc décider à leur place, qu'il s'agisse du père, du prêtre ou du médecin. Le pape conçoit sans doute les choses ainsi mais ce n'est pas lui qui fait la loi. Cessez donc d'avoir peur de la sexualité des femmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

Mme Christine Boutin - Vos arguments sont un peu légers sur le plan constitutionnel !

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Mme Roudy nous parle de choses dont il n'a pas été question.

La liberté suppose le choix et le rôle du législateur est de tout faire pour préserver cette liberté. Or ce projet dénie aux femmes le droit de choisir (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) dans la mesure où il les prive d'informations sur les aides possibles lorsqu'une grossesse pose certains problèmes. Sans cette information, où est la liberté des femmes ?

Par ailleurs, ce projet porte atteinte à l'autorité parentale, alors même que celle-ci est un moyen d'aider l'enfant à accéder à son autonomie. D'ailleurs, Mme Ségolène Royal insiste régulièrement sur son utilité.

Or, la personne la mieux placée pour exercer un succédané d'autorité parentale ne sera pas la personne choisie par la mineure enceinte, car il n'y a pas de garantie qu'elle aura été vraiment choisie et non imposée : nous avons tous reçu dans nos permanences des mineures enceintes de leur père ou du compagnon de leur mère ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) Il me semble que le juge des enfants serait mieux à même d'accompagner la jeune fille dans sa décision.

Quant à la stérilisation des personnes handicapées, c'est une insulte à notre culture.

M. Philippe de Villiers - C'est Hitler !

Mme Bernadette Isaac-Sibille - Enfin, l'article 9 bis ajouté par le Sénat a toute sa place dans le projet de loi, tant l'arrêt Perruche a soulevé d'indignation dans les familles concernées. Pour toutes ces raisons, et parce que cette loi, dont beaucoup d'articles sont contraires à notre Constitution, n'est pas une véritable loi de liberté pour les femmes, je vous demande de voter l'exception d'irrecevabilité (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Philippe de Villiers - Très bien !

Mme Janine Jambu - Comme Mme Roudy, j'ai trouvé bien archaïque l'intervention de Mme Boutin, et bien éloignée des attentes des femmes. Le groupe communiste votera contre l'exception d'irrecevabilité.

L'exception d'irrecevabilité, mise aux voix, n'est pas adopté.

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QUESTION PREALABLE

M. le Président - En application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement, M. Mattei et les membres du groupe DL opposent la question préalable.

M. Marc Laffineur - Plus de vingt-cinq ans après l'adoption de la loi Veil, il nous est demandé d'allonger la durée légale de l'interruption volontaire de grossesse. Nous serons tous d'accord pour reconnaître qu'il s'agit d'un sujet extrêmement délicat, qui touche à l'idée même que nous nous faisons de la personne humaine, en même temps qu'à des situations humaines douloureuses, voire dramatiques. Il est de notre devoir de législateur de trouver des solutions pragmatiques aux problèmes posés par les IVG telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui, et qui sont autant de cris d'alarme poussés par des femmes en désarroi. Il convient donc d'éviter toute précipitation, et c'est pourquoi je ne comprends pas que le Gouvernement ait déclaré l'urgence.

Aurions-nous besoin de légiférer si la loi Veil était appliquée correctement ? Je ne le crois pas, car les chiffres montrent qu'elle a peu fait baisser le nombre d'IVG : on en dénombre encore quelque 220 000 par an, pour 730 000 naissances, et plus de 5 000 Françaises partent encore avorter à l'étranger chaque année parce qu'elles ont dépassé le délai légal. La cause essentielle en est le manque d'information : Martine Aubry elle-même a reconnu « l'insuffisante prise en charge des IVG », que « certains médecins sont peu enclins à pratiquer », et le professeur Nisand a relevé, dans son rapport de février 1999, les « difficultés d'accès aux structures, notamment publiques ». D'autre part, notre pays n'a pas su non plus se doter d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception, notamment chez les jeunes.

Tel est le constat dont nous devons partir si nous voulons légiférer plus avant, afin d'éviter les dérives qui nuiraient au pragmatisme des solutions proposées. Je précise qu'il n'est pas question de reprendre le débat éthique qui a eu lieu en 1975, et dont les termes n'ont nullement changé : l'avortement est et demeure un processus d'interruption d'une vie en développement.

Le projet de loi que nous examinons apporte-t-il une réponse au problème des 5 000 femmes qui partent chaque année avorter à l'étranger parce qu'elles ont dépassé le délai de dix semaines ? A l'évidence, non. D'abord parce que le manque d'information, d'équipements, de structures demeure. Ensuite parce que la moitié environ de ces femmes dépassent douze semaines, et que l'on peut même craindre qu'elles ne soient encore plus nombreuses lorsque le délai aura été allongé ; faudra-t-il alors le porter à quatorze, puis à seize semaines ?

Mme Yvette Roudy - On verra bien quand on y sera ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UDF)

M. Philippe de Villiers - C'est honteux ! Pourquoi ne pas les tuer à la naissance, pendant que vous y êtes ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Marc Laffineur - Je suis surpris, à mon tour, de l'archaïsme de Mme Roudy (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), comme je l'ai été des propos de Mme Casanova, qui a dit que ces 5 000 femmes allaient devoir abandonner leurs enfants !

Mme Odette Casanova - Je n'ai pas dit cela ! J'ai dit que certaines le feraient !

M. Marc Laffineur - Il faut leur dire qu'il y a d'autres solutions, comme l'adoption.

M. Philippe de Villiers - Très bien !

M. Marc Laffineur - Il est vrai qu'il existe des situations de détresse extrême qui expliquent un dépassement des délais, mais leur allongement ne résoudra rien, et comporte des risques graves, en particulier sur le plan médical. Avant dix semaines, en effet, les médecins peuvent pratiquer la technique de l'aspiration ; à douze semaines, en revanche, l'embryon est devenu f_tus, ce qui les oblige à procéder par fragmentation.

Mme Yvette Roudy - Ce sont des fantasmes ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UDF) Vous pourriez apporter un bocal ! Cela s'est fait, dans le temps ! (Mêmes mouvements)

M. Philippe de Villiers - Cela vous gêne qu'on dise comment cela se passe !

M. Marc Laffineur - Je ne porte pas de jugement, je vous dis les choses telles qu'elles sont ! Je suis prêt à vous emmener dans les hôpitaux pour vous en convaincre.

M. le Président - Veuillez poursuivre, sans vous laisser tenter par un dialogue dont je ne suis pas certain qu'il ait une chance d'aboutir.

M. Philippe de Villiers - Mais ça leur fait du bien ! Ils ne supportent pas d'entendre la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Jean-Paul Bacquet - Cher confrère, dois-je vous rappeler qu'avant les aspirations, on procédait par curetages ?

M. Marc Laffineur - Une fois encore, je ne fais que rappeler les faits, et constater qu'avant la dixième semaine on pratique une aspiration, et une fragmentation au-delà.

Ce changement de nature de l'acte médical implique un effort considérable de formation, et des moyens techniques garantissant la sécurité des interventions. En conséquence, non seulement l'accès à l'IVG sera toujours aussi difficile pour certaines femmes, mais il est à craindre que ces difficultés soient même accrues.

Enfin le risque existe de sélection du f_tus au vu des éléments du diagnostic prénatal.

M. Philippe de Villiers - Eh oui !

M. Marc Laffineur - Alors, que faire ? Dans un premier temps, il convient évidemment de se doter des moyens d'appliquer correctement les lois existantes. Si les moyens en personnels formés et disponibles, en structures proches et accessibles, avaient pu être dégagés ou s'ils l'étaient aujourd'hui, le projet perdrait sa raison d'être.

De même, il est de la responsabilité du Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception, mobilisant le corps enseignant et le corps médical et ouvrant le dialogue au sein des familles.

Ensuite, il est essentiel de permettre la prise en charge des situations les plus douloureuses dans le cadre de l'interruption volontaire de grossesse. Cela ne passe pas obligatoirement par l'allongement du délai légal. Le délai de 10 semaines apparaît comme la durée charnière au-delà de laquelle il ne saurait y avoir un droit automatique à l'IVG.

En revanche, pour les situations de grande détresse, et comme le proposent les sénateurs, chaque cas pourrait être examiné par une commission pluridisciplinaire composée d'un médecin choisi par la femme, d'un médecin gynécologue-obstétricien et d'une personne qualifiée non médecin.

Par ailleurs, la référence à la santé de la femme devrait inclure sa santé psychique, appréciée notamment au regard de risques avérés de suicide ou d'un état de détresse consécutif à un viol ou à un inceste.

D'autre part, le projet réaffirme que l'autorisation parentale reste la règle pour les mineures, mais il ouvre cependant la possibilité d'une dérogation à ce principe en proposant que la jeune fille soit accompagnée par une personne de son choix. Cette personne ne devrait pas se limiter à « accompagner » la mineure, concept qui n'a aucune signification juridique, mais l' « assiste », par référence aux dispositions du code civil qui prévoit, dans certaines situations, l'assistance d'un mineur par une personne adulte. Cette personne devrait constituer une sorte de passerelle avec la famille afin de privilégier le dialogue avec la jeune fille.

Il est également indispensable de maintenir le caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG, que vous avez supprimé en première lecture.

Cet entretien est l'occasion, pour la femme, d'exposer ses difficultés personnelles, et d'être informée des soutiens dont elle peut bénéficier. C'est donc un moment important qui permet à la femme de parler de contraception. Cet entretien est nécessaire à l'information qui fait tant défaut aujourd'hui, lacune qui fait que nous légiférons à nouveau.

Enfin, il convient de réaffirmer la nécessité d'un suivi médical de la contraception.

En résumé, votre projet ne règle pas le problème des 5 000 femmes qui partent avorter à l'étranger, ne prend pas les mesures de bon sens qui permettraient la bonne application de la loi Veil et pose de nouveaux problèmes médicaux qui risquent d'aller à l'encontre même des objectifs poursuivis.

Pour toutes ces raisons, et parce que nous ne pouvons souscrire à la logique d'un texte qui fait de l'IVG non plus une solution d'ultime recours et, donc, exceptionnelle, mais un droit socialement garanti, je vous demande, au nom du groupe Démocratie libérale, de bien vouloir voter cette question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Martine Aurillac - Pour les trois raisons excellemment exposées par M. Laffineur, le groupe RPR votera la question préalable.

M. Alain Calmat - C'est une véritable ineptie que de dire, comme vient de le faire M. Laffineur, que ce serait susciter de nouveaux risques médicaux de permettre à des femmes de bénéficier d'une sécurité médicale accrue ! Chacun sait que si ce projet n'est pas adopté, 5 000 femmes continueront de se rendre, chaque année, à l'étranger pour avorter entre la dixième et la douzième semaine de leur grossesse.

Lorsque j'étais interne, j'ai dû pratiquer des curetages, dans des conditions parfois dramatiques, sur des femmes atteintes d'hémorragie parce qu'elles avaient avorté au-delà de la dixième semaine. Pour certaines, il a fallu aller jusqu'à l'hystérectomie. Ces souvenirs sont, pour moi, parmi les plus douloureux. Que leur a-t-il manqué, à toutes, sinon la sécurité d'une intervention médicalisée ? Aucun argument philosophique ne résiste à ce danger réel, et il serait criminel de ne pas voter ce texte.

M. Philippe de Villiers - C'est vous les criminels ! (Huées sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV)

M. Alain Calmat - En fait, vous n'avez jamais digéré la loi Veil, et c'est ce texte que vous remettez en cause, en réouvrant un débat qui n'a pas lieu de l'être.

Pour ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas la question préalable.

M. Bernard Perrut - Je déplore avoir entendu Mme Roudy parler de « fantasmes », et M. Calmat d'« inepties », alors que les questions qui ont été posées renvoient à des problèmes réels. Depuis la première lecture de ce texte, nombreux sont ceux qui, parmi nous, se sont rendus dans les hôpitaux pour examiner la situation. Je puis vous dire que si nous avions été convaincus que les dispositions que vous nous proposez sont utiles, nous les accepterions ; mais ce n'est pas le cas.

S'il y a urgence, le Gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour que la loi de 1975 s'applique. Cela signifie des moyens suffisants pour la formation et pour faire face aux demandes, dans des structures en nombre suffisant. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

S'il y a urgence, on ne la réglera pas par l'allongement du délai légal d'avortement. Quant aux réactions de Mme Roudy, elles me semblent traduire, plus que tout autre chose, une sérieuse méconnaissance de la question : comment nier que l'acte médical n'est pas de la même importance selon qu'il a lieu avant ou après 10 semaines de grossesse ?

Pour ces raisons, le groupe Démocratie libérale souhaite l'adoption de la question préalable. Dans tous les cas, nous reviendrons, au long de la discussion des articles, sur un texte qui doit être rigoureusement amélioré avant de pouvoir être adopté.

Mme Janine Jambu - Le groupe communiste et apparentés votera contre l'adoption de la question préalable.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Le groupe UDF partage le point de vue exprimé par M. Laffineur, que je remercie, et regrette qu'un dialogue de sourds se soit institué dès la première lecture.

Un député socialiste - A qui la faute ?

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Nous ne sommes d'accord ni sur le fond, ni sur les chiffres : la loi ne réglera rien, et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Non seulement le professeur Nisand a expliqué que les 80 % de cas dont il avait fait état devaient s'entendre rapportés à la situation particulière de l'Alsace-Lorraine, mais encore Mme Leroy, représentant le mouvement français pour le planning familial a indiqué elle-même devant les sénateurs que seuls 40 % des cas seraient réglés. C'est dire que 60 % des femmes concernées continueront de devoir se rendre à l'étranger, faute de trouver, en France, une solution.

La question préalable, mise au voix, n'est pas adoptée.

Mme Yvette Roudy - Le Sénat a rendu sa copie et le moins que l'on puisse dire est que nous avons de sérieuses divergences, ce dont nous ne sommes pas autrement surpris. Ceux qui pensent encore qu'il n'y a pas de différence entre progressisme et conservatisme seront convaincus du contraire par les réponses régulières du Sénat aux propositions nouvelles de l'Assemblée. Le Sénat a en effet tenu à réaffirmer son rôle conservateur, à des années-lumière des attentes des femmes. Il propose de réintroduire le sujet dans le code pénal, renouant avec la croyance révolue que les femmes sont a priori coupables. Il rétablit le caractère obligatoire de l'entretien préalable, comme si les femmes n'étaient pas des citoyennes à part entière, capables de décider en adultes.

L'année 1975 fut une date-clef dans l'histoire des droits des femmes ; nous avons alors entrouvert une porte en matière de liberté de procréation. En effet, dans une phrase importante dont il faudra se souvenir en discutant les lois bioéthiques, la loi précisait bien qu'en dernier ressort c'est aux femmes de décider. Proposée par un Gouvernement de droite, la loi de 1975 fut votée grâce aux voix de la gauche. Elle a entrouvert un nouvel espace de liberté. Les demandes des femmes et de leurs associations étaient fortes alors ; elles étaient, nous étions dans la rue, et les institutions ne pouvaient que répondre aux demandes.

En 2001 nous vivons une autre époque, plus sereine, apaisée. Pourtant, à nouveau, depuis des mois, les associations féminines et féministes interpellent le législateur, et il faut saluer leur action civique. Elles disent que la loi de 1975 n'est plus adaptée à notre temps. Nous devons répondre. Notre propos n'est pas de banaliser l'IVG -accusation qui fait insulte à l'intelligence et à la sensibilité des femmes- ni d'instaurer une IVG de complaisance -autre insulte : c'est de l'encadrer pour que toutes puissent bénéficier de ce droit dans les meilleures conditions, compte tenu du fait que l'idéal n'est pas de ce monde. Par ce projet nous nous attaquons aussi à un tabou plus global, celui de la sexualité des femmes, dont beaucoup ont encore trop peur.

Le texte comporte deux volets : prévenir les grossesses non désirées, grâce à une meilleure information et un meilleur accès à la contraception ; améliorer l'accès à l'IVG. Sa grande avancée est la suppression de l'autorisation parentale pour la prescription de contraceptifs aux mineures. Cette mesure, combinée au renforcement de l'éducation à la santé et à la sexualité, permettra de réduire le nombre des grossesses non désirées. La contraception doit le permettre, à condition d'être assurée de façon permanente. On peut toutefois regretter que la campagne d'information sur la contraception ait été aussi discrète. Il est donc important que le Gouvernement ait décidé de la rendre permanente : rendez-vous est pris pour que le message soit relayé plus efficacement. L'Assemblée, et particulièrement la délégation aux droits des femmes, y seront attentives.

Le second volet concerne l'amélioration de l'accès à l'IVG. Nous avons pris en compte l'évolution des mentalités et celle des techniques médicales. Chaque année 220 000 IVG ont lieu en France, et 5 000 femmes sont contraintes de se rendre à l'étranger parce qu'elles ont dépassé les délais. Ce sont ces 5 000 femmes que le Sénat a oubliées en refusant de voter l'allongement du délai... Le projet leur apporte de vraies réponses, ainsi qu'à toutes les femmes confrontées à la douloureuse décision de l'IVG.

Encore faut-il les écouter. Et il faut en finir avec certains arguments, comme celui de la dérive eugénique -qui n'a pas, semble-t-il, rencontré le succès escompté par ceux qui en usaient pour faire peur. On argue aussi de la complexité du geste médical après dix semaines. Pourquoi cet argument n'a-t-il pas cours dans certains pays voisins ? Leurs médecins seraient-ils plus compétents ? Ou n'est-ce pas plutôt le pouvoir médical qui cherche à nous intimider ? Cet argument ne tient pas, il cache une hypocrisie.

La priorité du législateur doit être la situation des femmes en détresse. Tous ces débats doivent nous conduire à un consensus sur le droit à l'avortement. Pourquoi refuser d'améliorer son accès ? Le problème des détracteurs de ce texte, c'est leur refus de voir l'évolution de la société, une société où les femmes sont responsables, s'assument et travaillent en égales des hommes.

Le texte initial prévoyait que l'entretien ne serait plus obligatoire. Pourquoi tenter d'aller contre une décision longuement mûrie ? Il n'est pas question de supprimer cet entretien : nous laissons les femmes décider. Les aménagements que nous apportons à la loi de 1975 tendent à un plus grand respect de la décision des femmes. Ainsi l'Assemblée a voulu, en première lecture, donner au dossier-guide un caractère impartial. Les débats du Sénat montrent la volonté de certains sénateurs de s'opposer à la volonté des femmes. Le texte qu'a voté le Sénat est d'une autre époque. Je souhaite que législateurs, médecins, prêtres perdent cette détestable habitude de vouloir protéger les femmes contre elles-mêmes : pleinement responsables, elles n'ont nul besoin d'être protégées, et ne leur demandent surtout pas à eux cette protection ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Martine Aurillac - La décision de mettre fin à une grossesse est toujours douloureuse, vécue comme un échec, dans la solitude et le désarroi. Un avortement, disait Simone Veil, est toujours un drame. Sa loi fut une loi courageuse ; elle a mis fin à la tragédie des avortements clandestins en trouvant un juste équilibre entre le respect dû aux femmes et la responsabilité des médecins que vous voulez aujourd'hui remettre en cause. En première lecture, chaque député du groupe RPR a pu exprimer en conscience, son choix, mais aussi ses craintes et ses interrogations. Car, face à ces situations de détresse, comment croire qu'il y a une seule réponse, une seule vérité ? Dans un sujet qui touche à l'être humain dans toute sa dimension métaphysique, il y a place au moins pour le doute. En deuxième lecture, à nouveau, chaque parlementaire de mon groupe se prononcera en conscience et tous ces choix seront respectables.

Le Gouvernement a voulu, dans l'urgence, remettre en cause l'équilibre de la législation sur l'IVG. Il s'agit certes de répondre à des problèmes réels : le nombre anormalement élevé des IVG dans notre pays vingt-cinq ans après l'adoption de la loi Veil et l'obligation pour un certain nombre de femmes de se rendre à l'étranger pour mettre un terme à leur grossesse. Mais d'autres solutions que l'allongement arbitraire du délai peuvent être trouvées. Tous les collègues de bonne foi, je pense, s'accorderont pour constater tant l'échec de la politique d'éducation sexuelle et d'information sur la contraception, que l'insuffisance des moyens dégagés pour permettre à la loi Veil de s'appliquer correctement. Les rapports des professeurs Michèle Uzan et Israël Nisand ont mis en évidence ces dysfonctionnements : insuffisance des capacités d'accueil dans le secteur public, manque de lits dans les services, contingentement des actes, difficulté de recruter un personnel médical peu motivé, délais excessifs pour obtenir un rendez-vous... Mais l'allongement du délai est une solution de facilité, qui permet de faire l'impasse sur les problèmes de fond. Son résultat sera sans doute décevant ; les femmes qui sont aujourd'hui hors délai le seront encore demain, les difficultés des centres d'orthogénie seront aggravées et en amont le travail d'éducation et d'information sur la contraception ne sera pas plus efficacement mené... Gageons que d'ici peu, constatant l'échec de cette réforme, vous demanderez d'aller encore plus loin, portant le délai à quatorze semaines voire seize ou davantage... Le problème persistera puisqu'on n'aura pas traité les causes principales des dépassements de délai aujourd'hui constatés. N'y-a-t-il pas un manque de courage à répondre par un simple allongement du délai ?

Le Sénat, après un travail approfondi, a proposé des solutions équilibrées, et je regrette que vous ne les ayez pas retenues. Qu'y a-t-il de choquant à rétablir l'entretien préalable obligatoire ? Le plus souvent, certes, les femmes qui consultent pour une IVG ont déjà pris leur décision et s'y tiennent. Mais il faut répondre au besoin de parler et d'être écouté, voire informé et conseillé, ce qui n'a rien à voir avec une volonté de dissuasion. Supprimer le caractère obligatoire de cet entretien, c'est refuser aux femmes une occasion de s'exprimer, c'est refuser d'ouvrir un dialogue que certaines d'entre elles, souvent les plus défavorisées, n'ont jamais pu engager, c'est banaliser un acte qui a pourtant besoin d'être accompagné pour préserver l'avenir. Qu'y a-t-il de choquant à réintégrer, dans les documents remis lors de la demande d'interruption de grossesse, les informations relatives aux aides à l'accueil de l'enfant ? Il ne s'agit pas ici de culpabiliser, mais de donner une information complète pour que la femme ou le couple ait un véritable choix. Dans le même esprit, renforcer par une véritable assistance l'engagement de l'adulte qui accompagnera la mineure qui ne peut obtenir l'accord de ses parents me paraît une solution de sagesse.

Je ne reviendrai pas sur les problèmes techniques et sur les risques de complications que pose une interruption de grossesse tardive, et qui ont été évoqués en première lecture.

Les professionnels les plus compétents, gynécologues ou échographes, ont exprimé leurs réserves voire leur opposition à l'allongement du délai de 10 à 12 semaines. Les centres d'IVG qui ont répondu à l'enquête du sénateur Huriet ont également fait part de leurs réticences. Deux sur trois ont fait savoir qu'ils ne pratiqueraient pas d'interruption de grossesse au-delà de 10 semaines ou qu'ils dirigeraient ces demandes vers des centres mieux équipés.

Un tiers des centres qui ont accepté de les faire ont demandé des moyens supplémentaires, techniques et humains et une formation adaptée. Les médecins, ceux-là même qui pratiquent des IVG, qui sont au contact de la réalité vous disent : attention ! Or, sans leur adhésion, vous ne pourrez appliquer correctement ce texte.

Oui, l'allongement du délai apparaît bien comme une solution de facilité qui ne règle aucun problème de fond. Ce sont seulement un peu plus de 2 % des femmes qui sont aujourd'hui hors délai. Même si leur situation est très douloureuse, reste que près de 98 % des femmes procèdent à une interruption volontaire de grossesse dans le cadre de la loi : sur les 2 %, la moitié seulement seraient concernées par l'allongement, les autres -souvent les plus démunies, qui n'ont pu accéder à une information et à une orientation- étant déjà hors des 12 semaines.

Ces cas de grande détresse, mais qui restent marginaux, doivent-ils conduire à une modification importante de notre législation ? Ne faut-il pas plutôt procéder à des adaptations nécessaires, mais qui conserveraient l'équilibre délicat de la loi Veil ? Car le choix initial de dix semaines ne devait rien au hasard : il correspondant à une étape dans l'évolution de l'embryon. Ces contraintes physiologiques sont toujours les mêmes et l'acte chirurgical devient plus lourd.

Certaines femmes se trouvent en dehors des délais légaux du fait des dysfonctionnements de la législation. Ceux-ci sont inacceptables. Donnons-nous donc les moyens d'une application correcte de la loi. D'autres femmes sont dans une telle détresse qu'elles n'ont plus la capacité de réagir dans les délais imposés ; il s'agit de femmes, parfois très jeunes, en situation de grande précarité, il peut aussi s'agir de viols ou d'incestes. Il faut prévoir une prise en charge de ces femmes, pour lesquelles un allongement de deux semaines n'apporte pas une véritable réponse. Le Sénat a proposé une solution pour ces situations : il s'agit d'étendre les possibilités d'application de l'interruption médicale de grossesse à la prise en compte de la santé psychique de la femme dans des cas graves, lorsqu'il y a risque de suicide, ou lors d'un viol ou d'un inceste. Chaque cas serait examiné par une commission pluridisciplinaire, composée d'un médecin choisi par la femme, d'un gynécologue, et d'une personne qualifiée non médecin.

S'agissant de la contraception, je m'étonne de la mesure qui permet la délivrance sans ordonnance d'un contraceptif hormonal car, à l'exception du Norlevo, contraceptif d'urgence à propos duquel nous avons déjà légiféré, il n'existe actuellement aucun contraceptif qui remplisse les caractéristiques permettant la vente libre.

Le rôle du médecin me paraît indispensable pour le choix d'un contraceptif, surtout lorsqu'il s'agit du premier ; cette visite est en outre l'occasion d'une information sur la contraception dont on ne cesse de dire qu'elle est insuffisante, et d'une démarche de prévention de certaines pathologies.

Quant à la stérilisation à visée contraceptive c'est un acte grave du fait de son caractère généralement irréversible. Il est donc nécessaire de s'entourer de toutes les précautions, comme l'a fait le Sénat. La stérilisation suscite notamment des inquiétudes lorsqu'il s'agit de majeurs sous tutelle ou de personnes handicapées et la dimension éthique de cette question aurait justifié que l'on s'entoure de tous les avis nécessaires, à commencer par celui du comité national d'éthique.

Notre objectif commun est de faire baisser le nombre des IVG par un meilleur accès à la contraception d'abord, c'est-à-dire par un engagement de l'Etat pour développer l'éducation, la prévention et l'information et pour mieux rembourser les produits contraceptifs.

Ensuite par un meilleur fonctionnement des centres d'IVG, auxquels il faut donner les moyens matériels de mener à bien leur mission. Enfin, en ouvrant la possibilité d'un traitement au cas par cas des situations de détresse graves qui ont conduit à dépasser le délai légal.

J'aurais souhaité que le texte voté par le Sénat soit maintenu.

Tel n'étant pas le v_u de la commission des affaires sociales, et tout en rappelant la totale liberté des membres de mon groupe, je ne voterai pas quant à moi un texte qui ne répond pas aux cas de réelle détresse et ne remédie pas aux carences de notre société (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Janine Jambu - La majorité sénatoriale nous renvoie aujourd'hui un texte qui, passé au tamis de ses conceptions moralisatrices, dénature la démarche que nous avions accomplie en première lecture. Il remet en effet en cause l'allongement du délai à 12 semaines, la levée de l'obligation d'autorisation parentale pour les mineures, la suppression de l'entretien préalable obligatoire pour les majeures. En outre, le nombre des motifs de recours à l'IVG est restreint et l'on inverse la charge de la preuve en matière de délit de propagande. Une nouvelle fois, les femmes sont culpabilisées, traitées comme des êtres irresponsables.

Proposer cette version rétrograde, c'est se refuser à entendre les demandes des femmes et des associations qui se battent pour défendre les droits à une sexualité maîtrisée et à une maternité choisie. C'est ignorer la réalité des 5 000 femmes de notre pays qui doivent se rendre à l'étranger parce qu'elles sont hors délai.

Bien sûr, nous voulons que l'interruption volontaire de grossesse reste l'ultime recours. Mais il existe une situation concrète, vécue chaque année par 225 000 femmes. C'est pourquoi je me félicite du travail accompli par la commission des affaires sociales qui revient au texte voté ici en première lecture.

Je me réjouis en particulier du délai porté à 12 semaines, de la suppression de l'autorisation parentale pour les mineures, mais aussi de la suppression des articles du code pénal concernant l'IVG et du renforcement de la législation contre les commandos anti-IVG.

A cet égard, si les méthodes de ces derniers se sont modifiées, la vigilance reste nécessaire : Xavier Dor n'a-t-il pas déclaré il y a quelques jours sur France 2 que ses partisans « peuvent comprendre » l'action de l'américain Charles Kopp, meurtrier présumé d'un médecin ?

Je souhaiterais enfin soulever à nouveau la question des moyens : moyens des centres accueillant les femmes dans les hôpitaux publics, moyens pour l'accompagnement psychologique des patientes, moyens pour les campagnes d'information sur la sexualité et la contraception, en milieu scolaire notamment ; moyens pour améliorer le remboursement des contraceptifs, notamment des pilules de nouvelle génération.

C'est dans un esprit positif et combatif, et en apportant une particulière attention à l'examen des amendements, que le groupe communiste aborde cette nouvelle lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'échec de la CMP témoigne de nos divergences tant sur la philosophie du projet de loi que sur les solutions apportées pour répondre à la détresse des 5 000 femmes qui, se retrouvant hors délai, doivent se rendre, chaque année à l'étranger pour y subir une IVG.

Même si je suis bien consciente que nous avons un dialogue de sourds, je rappellerai d'abord les principaux points de désaccord à l'intention des générations futures.

Le projet tel qu'il a été amendé par la majorité, modifie radicalement l'esprit de la loi Veil, en transformant un devoir de notre société à l'égard de femmes en situation de détresse, en un droit absolu des femmes à disposer de leur corps. Vous supprimez en effet toutes les références aux aides matérielles susceptibles d'être accordées aux femmes en difficulté qui figuraient précédemment dans le dossier-guide. Le véritable respect dû à chaque femme serait pourtant de lui permettre de prendre sa décision en toute connaissance de cause.

De même vous supprimez le caractère obligatoire de l'entretien préalable. Celui-ci n'est pourtant pas un examen de passage, mais une occasion pour les femmes de prendre la parole et de mettre leur souffrance en mots.

En rendant cet entretien facultatif, vous programmez, à terme, sa disparition. Il aurait été plus judicieux d'agir pour améliorer la formation de ceux qui en ont la charge car cet entretien, s'il est bien fait, paraît extrêmement utile.

Voici quelques témoignages de femmes à qui on demandait comment elles l'avaient ressenti. « Très bien, cela m'a permis de mieux me préparer à l'IVG, la personne m'a rassurée et permis de ne pas prendre une décision sur un coup de tête ». Ou encore : « Pour les jeunes, il est souvent plus facile de parler à une personne que l'on ne connaît pas pour lui poser des questions ».

Quant aux solutions que vous proposez aux femmes hors délai, je les considère comme largement inadaptées.

Une société digne de ce nom doit assumer tous les problèmes qui se posent à elle. Honte à nous, qui laissons chaque année 5 000 femmes sans aucune aide, les contraignant à aller avorter à l'étranger parce qu'elles ont, pour diverses raisons, dépassé le délai légal. Mais allonger le délai légal de deux semaines ne résoudra le problème, au mieux, que pour 2 000 d'entre elles. Que proposerez-vous aux autres ?

L'allongement des délais ne résoudra pas le problème du manque de moyens matériels et humains. Plutôt que de vous donner les moyens d'assurer la mise en _uvre de la loi Veil, vous choisissez la fuite en avant. Or, le passage à 12 semaines risque, en limitant le nombre des médecins susceptibles de pratiquer des IVG tardives, d'aggraver les difficultés. Voyez les résultats de l'enquête réalisée par notre collègue sénateur Claude Huriet auprès de 200 centres d'orthogénie. Sur les 132 qui ont répondu, 45 centres seulement poursuivront leurs activités en cas d'allongement du délai, mais ils ont souligné l'importance du renforcement des moyens matériels et humains. Par ailleurs, alors que vous affirmez que les médecins sont largement favorables à cet allongement, 84 centres ont indiqué qu'ils ne prendront pas les IVG en charge au-delà de 10 semaines et 47 précisent qu'ils les transféreront à des centres mieux équipés. C'est pourquoi nous proposions d'effectuer les IVG tardives dans des centres de référence disposant du personnel et du plateau technique nécessaire. Le corps médical fait aussi état de risques si le délai est allongé, comme l'interférence avec le diagnostic prénatal. L'avis d'experts qui ont toujours pratiqué des IVG mérite d'être pris en compte. Nombreux sont ceux qui pensent, comme le professeur Nisand le déclarait le 20 décembre, que le croisement des délais de l'IVG et du diagnostic prénatal est mortifère. On ne peut dire le contraire, cela existe déjà.

Enfin, un certain nombre de points majeurs sont encore mal élucidés. La responsabilité de l'adulte référent dans le cas des jeunes mineurs n'est pas définie. Le président de la commission Jean Le Garrec s'interroge toujours sur la différence entre accompagnement et assistance. Le président du conseil national de l'ordre des médecins et celui du conseil national des gynécologues obstétriciens français se demandent aussi qui délivrera l'autorisation d'anesthésie générale, souvent nécessaire en cas d'avortement tardif.

En ce qui concerne les handicapés, la stérilisation mériterait un meilleur cadrage. Cela aurait été facile après un large débat avec les associations concernées. Sans éclaircissements, ces dispositions susciteront de très lourds contentieux.

Au-delà de nos divergences, nous avons pour objectif commun de réduire le nombre d'IVG et de grossesses non désirées : 220 000 avortements par an en France, c'est trop, beaucoup trop. Aux Pays-Bas, le taux d'IVG est deux fois moindre : il est donc possible de réduire le nôtre, mais il faut s'en donner les moyens. Les Pays-Bas ont mis l'accent sur l'éducation sexuelle dès le plus jeune âge, à la maternelle. Le message « préservatif + pilule » passe très bien et le taux de grossesse chez les adolescentes est très bas. Mais vous, qui affirmez que la prévention et notamment l'information sont notre priorité, vous refusez de porter l'éducation sexuelle à cinq séances par an, plus une séance spécifique destinée aux parents, comme le proposait le Sénat. J'ose encore espérer que les amendements que j'ai déposés au nom du groupe UDF seront acceptés. Ils concernent trois aspects de la politique de prévention. D'abord, le nombre d'IVG s'explique en partie par la méconnaissance qu'ont trop de femmes, surtout mineures, de leur corps, de leurs droits et des méthodes contraceptives. On sait que 60 % des mineures ont leur premier rapport sans aucune contraception ! L'information est donc capitale, dès le début et tout au long de la scolarité. Pour former ceux qui vont parler d'un sujet si sensible, je propose de mettre en place un enseignement spécifique pour les professionnels de la santé. Si les gynécologues sont bien sûr bien informés, ce sont souvent les généralistes que les femmes consultent d'abord. Par ailleurs, l'information est souvent véhiculée par les jeunes entre eux, avec le risque de voir se propager des affirmations erronées. Il conviendrait donc de former des élèves, par le biais d'un organisme agréé, qui participeront aux séances d'information. Cette formule, suggérée par les syndicats lycéens, permettrait aux jeunes de se parler entre eux, avec leurs mots. Enfin, une formation obligatoire des enseignants dans les IUFM permettrait de délivrer un message homogène.

Second volet de nos amendements : l'accessibilité à la contraception. Beaucoup reste à faire. La contraception reste chère, et presque exclusivement à la charge de la femme. Mme la ministre a annoncé au Sénat la mise sur le marché d'une pilule de troisième génération remboursable. Qu'en est-il ? En tout état de cause, c'est le remboursement intégral de la contraception qu'il faut viser -alors que celui de l'IVG est paradoxalement acquis- et de la consultation qui va avec. Les plannings familiaux accomplissent un travail précieux, mais ils sont inégalement répartis et leurs horaires sont peu adaptés aux emplois du temps des jeunes. Des médecins généralistes agréés, rémunérés à l'acte, pourraient prendre en charge gratuitement les jeunes exposés à des risques de grossesse ou infectieux.

Dernier aspect : l'offre contraceptive. Elle doit être la plus large possible, pour correspondre à tous les styles de vie. Il faut donc encourager la recherche, alors que les laboratoires français montrent un relatif désintérêt dans ce domaine. D'autres pays disposent d'une offre beaucoup plus variée. Mais surtout, le conseil d'un médecin est irremplaçable.

La suppression du caractère obligatoire de la prescription médicale pour les contraceptifs hormonaux me paraît dangereuse. J'ai bien compris la nécessité d'adapter notre droit à la législation européenne. Toutefois, la visite médicale est l'occasion non seulement de déterminer la méthode contraceptive la plus adaptée, mais également de procéder à l'ensemble des examens de dépistage. Cette suppression, à terme, serait en contradiction avec le programme national de lutte contre le cancer lancé par le Gouvernement.

Madame la ministre, après mûre réflexion et loin de tout esprit de polémique, je considère, et le groupe UDF avec moi, que cette loi est une mauvaise loi. Je serai moins sévère si, au terme de la discussion, le volet dont nous nous accordons à dire qu'il est capital, le volet de la prévention, est amélioré (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Marie-Hélène Aubert - Les réticences du Sénat à entériner la modernisation de la loi Veil montrent bien qu'il subsiste dans notre pays des forces conservatrices d'inspiration patriarcale, promptes à considérer les femmes comme des irresponsables. Certes, les sénateurs ont évité de dépasser les bornes. Ils ne sont pas revenus sur la liberté des femmes à disposer de leur corps que représente l'accès à l'IVG lui-même. Mais en tentant de rétablir le caractère obligatoire de l'entretien préalable, le Sénat revient sur le droit des femmes à décider seules et à assumer leurs responsabilités. Par ailleurs, dans la réalité, les femmes ne trouvent pas souvent d'écoute neutre lors de ces entretiens.

Autre recul : la tentative de rétablir la pénalisation de l'avortement et la philosophie selon laquelle l'IVG serait une dérogation à un délit. La reconnaissance de l'IVG comme un droit représente une avancée emblématique pour les femmes et pour la société.

En outre, il est indispensable de permettre aux mineures de se faire accompagner par la personne de leur choix : on ne connaît que trop de cas de jeunes filles ayant dépassé les délais faute d'avoir parlé à leurs parents.

Quant aux étrangères, elles ne peuvent avorter en France que si elles sont en conformité avec la loi sur le droit au séjour. C'est dire les situations inextricables qui peuvent exister.

Et puisqu'il nous faut revenir sur l'extension des délais légaux de l'IVG, il est clair que c'est une modernisation nécessaire de la loi Veil, sans bien sûr constituer la panacée : l'épreuve de l'IVG demeure entière, que ce soit à 10 ou à 12 semaines.

Toute la question est donc d'atténuer la souffrance et surtout d'essayer d'éviter d'en arriver là.

Chaque année, quelque 5 000 femmes sont contraintes de se faire avorter à l'étranger en raison de la brièveté du délai en France. Elles sont le plus souvent en situation de grande fragilité psychologique et de précarité sociale. L'allongement du délai légal leur évitera tracas, coûts supplémentaires, voire atteintes à leur dignité. En outre, il permettra d'harmoniser le dispositif français avec celui de la plupart des autres pays européens.

Il faut constater que, 26 ans après la loi, le droit de choisir demeure problématique pour beaucoup de femmes. A l'heure des manipulations du génome et de la procréation médicalement assistée, il est inimaginable que la question de la contraception ne soit pas mieux traitée en France.

Les campagnes d'information sur la contraception restent mal ciblées. Elles doivent être élaborées en partenariat avec des représentants de la société civile et mieux adaptées aux diverses catégories de la population. Nous attendons du Gouvernement qu'il nous donne des gages quant à l'élaboration de ces campagnes et aux moyens qui leur sont consacrés. Il y a bien un problème de conception et de diffusion puisque, malgré une dotation de 20 millions de francs, celle de l'an dernier est passée relativement inaperçue.

En matière d'avortement, la prévention reste évidemment essentielle et qui dit prévention dit information, accessibilité et gratuité en cas d'urgence, dans le respect de l'anonymat. Il reste aussi à mettre fortement l'accent sur l'éducation à la sexualité, ce qui implique un accroissement du nombre d'infirmières scolaires et un soutien plus fort au milieu associatif.

Mais avec l'allongement des délais légaux de l'IVG, se repose surtout avec urgence la question des moyens alloués au fonctionnement des services d'IVG. Il faut savoir que les femmes trouvent un accueil très variable auprès du corps médical et que certains chefs de services de gynécologie interdisent toute possibilité de réaliser des IVG dans leur service, en vertu de la clause de conscience. Je salue donc l'insistance du Gouvernement sur le fait que l'objection de conscience ne doit pas entraver le déroulement d'une IVG. C'est important car ce sont parfois les rendez-vous tardifs des médecins objecteurs et leur refus de renseigner les femmes qui mettent celles-ci hors délais. De plus, l'avortement est un acte médicalement déconsidéré et mal rémunéré. Tout cela, conjugué à la disparition du militantisme dans le corps médical, entraîne des restrictions sur le nombre de lits dans les centres pratiquant l'IVG. Le secteur privé doit alors, comme à Toulouse, relayer le secteur public.

L'allongement du délai légal d'IVG ne se suffit pas à lui-même, il doit impérativement s'accompagner d'une vaste réorganisation des secteurs hospitaliers concernés, de moyens substantiels et de larges débats sur la contraception, l'avortement et le droit des hommes comme des femmes à une sexualité épanouie et une procréation maîtrisée.

C'est dans cet esprit que les députés Verts abordent cette nouvelle lecture, en espérant qu'elle revienne à l'esprit et aux acquis de la première.

M. Bernard Perrut - Vingt-cinq ans après la discussion de la loi Veil, nous n'allons pas refaire ici un débat moral ou éthique, mais nous devons tout de même évoquer les enjeux -d'ordre médical, psychologique, familial, social, philosophique- du texte et il nous faut bien nous interroger, comme l'ont fait nos collègues sénateurs, sur une évolution législative qui peut apparaître comme une fuite en avant.

La puissance publique paraît en effet plus prompte à modifier la règle qu'à prendre les mesures qui assumeraient sa pleine efficacité. Chacun sait que la loi de 1975 n'est pas appliquée faute de vrais moyens en structures, en équipements et en personnels. Les équipes sont débordées et deux tiers des centres d'orthogénie estiment ne pas pouvoir faire face à un allongement des délais. Les IVG sont souvent confiées à des vacataires dont elles représentent la seule fonction hospitalière. Par ailleurs, les femmes ont de plus en plus de mal à obtenir rapidement un rendez-vous chez leur gynécologue car il ne s'ouvre pas de nouveaux cabinets et parce que les médecins qui partent en retraite ne trouvent pas de repreneurs.

Dans ces conditions, allonger le délai ne fera souvent que repousser la décision, le dilemme demeurant le même. Le seuil de 12 semaines est arbitraire. Je sais bien que 2 000 femmes sur 5 000 se trouvent hors délai entre la dixième et la douzième semaine, mais que ferons-nous pour les 3 000 autres ? Ne faudra-t-il pas dans quelque temps repousser le délai de 12 à 14, voire à 16 semaines ?

L'allongement du délai soulève en tout cas des problèmes médicaux car l'acte opératoire après la dixième semaine est notoirement différent : l'embryon est en effet devenu f_tus, il commence à s'ossifier et a pris une consistance solide. L'intervention nécessite alors d'autres moyens : une anesthésie générale et une fragmentation f_tale. La responsabilité médicale change de nature, ce qui justifie d'ailleurs plus que jamais le respect de la clause de conscience.

L'allongement du délai légal risque par ailleurs de soulever d'autres difficultés, notamment du fait de l'interférence du délai légal de l'IVG avec celui du diagnostic échographique. Certains parents auxquels un médecin aura annoncé, au vu de la première échographie, un risque de malformation seront confrontés à un douloureux dilemme : soit attendre d'autres résultats, soit utiliser la possibilité offerte par l'allongement du délai de l'IVG.

Le Sénat a souhaité donner toute la priorité à l'impératif de santé publique, et il a raison, étant entendu aussi qu'une politique de santé publique responsable ne peut s'exonérer à bon compte de la détresse vécue par des milliers de femmes chaque année.

Mais ce n'est pas en érigeant des barrières légales que tout sera résolu. Il faut aussi des moyens suffisants, des personnels formés et disponibles ; il faut encore définir une politique ambitieuse d'éducation à la sexualité et pouvoir aborder par petits groupes tous les problèmes liés à la sexualité, à la fécondité, à la vie affective, mais aussi à la maternité et la paternité.

Le Sénat a réaffirmé avec raison la nécessité d'un suivi médical pour la délivrance de contraceptifs hormonaux. Quant à la stérilisation à visée contraceptive, il est indispensable de l'encadrer afin de protéger la santé des personnes et d'éviter que des excès soient commis, je pense notamment aux majeurs sous tutelle.

Nous partageons aussi avec le Sénat ce souci d'entourer de garanties la difficile question de l'accès des mineures à l'IVG. Il est vrai que certains parents sont incapables de répondre à la détresse de leur enfant et qu'il faut bien alors remédier à cette carence. Reste que la dérogation à l'autorité parentale doit être entourée de garanties car on ne peut accepter que la mineure en situation de désarroi soit simplement accompagnée par une personne de son choix dont on ne sait pas si elle sera capable d'apporter un réel soutien. Nos collègues sénateurs ont donc proposé que l'adulte référent soit une personne qualifiée, compétente et formée à ce type de mission et qu'elle assiste la jeune fille. Le groupe DL propose que le juge des enfants joue le rôle qui est le sien.

Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas répondu précisément au sujet de la responsabilité alors en jeu, peut-être parce qu'il fuit ses propres responsabilités.

Il ne faudrait pas que les solutions proposées aux femmes se réduisent à repousser un délai comme on repousse une déclaration administrative ou le dépôt de la feuille d'impôt. L'avortement n'est pas un acte bénin et la femme a besoin d'être soutenue. S'il est nécessaire d'assurer un suivi psychologique après l'IVG, il est tout aussi urgent de mieux accompagner la femme avant qu'elle ne prenne sa décision. Le Sénat a donc raison de maintenir un caractère obligatoire à l'entretien préalable à l'IVG. Cet entretien est l'occasion pour la femme d'exposer ses difficultés personnelles, conjugales, familiales et d'être informée sur les aides dont elle peut bénéficier. Le rendre facultatif aboutirait à ce qu'un bon nombre de femmes n'en bénéficient pas, et sans doute celles qui en auraient le plus besoin. Une femme enceinte a besoin d'être rassurée sur les moyens dont elle pourra disposer si elle garde son enfant. Il est de notre responsabilité collective d'offrir des structures d'accueil et une aide matérielle à toute femme en détresse qui souhaite mener sa grossesse à terme.

Enfin, il ne faut pas aborder ce débat comme un sujet isolé de la politique familiale car l'enfant est au c_ur de la vie et, comme l'écrit Victor Hugo, lorsqu'il paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris. Ne nous contentons donc pas de solutions dépourvues d'humanité et fondées sur les échecs de la société

Tout au long du débat sur ce texte, le groupe DL s'est montré respectueux de la liberté des femmes mais sans pour autant faire l'économie du débat de sens. Si le Gouvernement et sa majorité ne veulent pas tenir compte des propositions du Sénat et des nôtres, comment pourrions-nous le suivre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

Mme Nicole Bricq - Près de trente ans après le coup de tonnerre que fut le « manifeste des 343 », nous avons l'occasion de réaliser une nouvelle avancée concrète pour les droits des femmes, et il y a quelque hypocrisie, chez certains de nos collègues, à faire de la loi Veil une référence absolue tout en contestant la philosophie qui sous-tend le texte dont nous débattons. La loi Veil, en effet, n'existe que parce que, depuis des années, des femmes luttaient pour conquérir le droit de disposer de leur corps, et aussi parce qu'il s'est trouvé, grâce à la gauche, une majorité au Parlement pour la voter.

M. Jean-François Mattei - Droite et gauche ne veulent rien dire, sur de tels sujets !

Mme Nicole Bricq - Ce dont il s'agit aujourd'hui, c'est d'actualiser la loi, en contribuant, en quelque sorte, à l'harmonisation européenne « vers le haut », et il y a également quelque hypocrisie à vanter les Pays-Bas pour leur faible taux d'avortements tout en oubliant que le délai y est de vingt-deux semaines !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Les conditions ne sont pas les mêmes !

Mme Nicole Bricq - La France, elle, pratique encore quelque 220 000 avortements par an, on y compte 10 000 grossesses non désirées chez des adolescentes, dont les deux tiers donneront lieu à IVG, et 5 000 femmes, chaque année, partent avorter à l'étranger parce qu'elles ont dépassé le délai légal. Il est certain que l'allongement de celui-ci ne réglera pas tout et qu'il faut développer la prévention, mais c'est justement ce à quoi s'attache le titre II du projet. Le Sénat, pour sa part, a adopté une position réactionnaire et déraisonnable, en supprimant notamment la faculté donnée aux centres de planning familial de délivrer des contraceptifs à des mineures sans prescription médicale. Le groupe socialiste votera donc le rétablissement du texte adopté par l'Assemblée en première lecture (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. André Vauchez - La marche accomplie par notre société pour le droit à la sexualité et à des naissances désirées fut longue, et ce projet, trente-quatre ans après la loi Neuwirth, vingt-six ans après la loi Veil, en constitue une nouvelle étape : il améliore l'accès à la contraception et à l'IVG, et traite, de surcroît, du très délicat problème de la sexualité des handicapés mentaux.

L'évolution des m_urs a heureusement conduit à ce que ces derniers mènent désormais la vie la plus normale possible, soient intégrés à la cité, aient droit à une vraie vie affective, et même sexuelle, avec, pour corollaire, le droit à la parentalité. Mais cela ne va pas sans poser certains problèmes, notamment chez la femme : l'anxiété de leurs parents ou responsables légaux, la difficulté de choisir une contraception adaptée, la question du devenir des enfants par eux conçus sont autant de points que le législateur ne peut esquiver, à peine de laisser perdurer, par hypocrisie, des pratiques illégales. Interrogez des parents de handicapés mentaux, et vous recueillerez des témoignages surprenants !

L'article 20 du projet a pour but de protéger la personne handicapée de ce type de pratiques, en fixant un cadre précis et adapté. Le droit à la sexualité implique en effet l'accès à une contraception sûre, mais lorsqu'aucune méthode ne peut être appliquée à une femme donnée, le corps médical doit en prendre acte, et la seule alternative est alors la stérilisation, toutefois réservée aux cas où il existe « une contre-indication absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de la mettre en _uvre efficacement ». Le texte apporte même des garanties supplémentaires : la demande doit émaner des parents ou du représentant légal de la personne ; celle-ci doit être informée et, si sa capacité de discernement est reconnue médicalement, son consentement recherché systématiquement, étant entendu qu'il ne peut alors être passé outre à son refus ; enfin, l'acte de stérilisation est subordonné à une décision du juge des tutelles, après audition des parents ou du représentant légal ainsi que d'un comité d'experts composé de personnes qualifiées sur le plan médical et de représentants d'associations de personnes handicapées.

Le contrôle des naissances chez les handicapés bénéficie désormais des progrès de la contraception et de l'information sur la contraception, mais lorsque tous les moyens traditionnels ont échoué, il doit être proposé une stérilisation dans l'intérêt de la personne -et d'elle seulement- en garantissant son droit à la sexualité et son autonomie de décision (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe de Villiers - Il y a cinq mois, en première lecture, je défendais une exception d'irrecevabilité qui fut rejetée. Aujourd'hui, rien n'a changé, et l'on persiste à nous proposer, malgré le véritable effondrement démographique que nous vivons, une nouvelle régression. On compte en effet, après vingt-cinq ans d'application de la loi Veil, 210 000 avortements annuels pour 720 000 naissances.

Le parallèle est saisissant entre ce projet et les déclarations du ministre de la santé sur la loi hollandaise relative à l'euthanasie : il suggère en effet de commencer par « apprivoiser » la question, afin de présenter, plus tard, un projet calqué sur le modèle néerlandais, alors qu'il faudrait plutôt développer les soins palliatifs. Dans le cas de l'avortement, ce sont les parents qui suppriment les enfants ; dans celui de l'euthanasie, ce sont les enfants qui suppriment les parents, la boucle est bouclée ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

Le Parlement aurait dû se poser des questions, et surtout agir : pour aider les femmes enceintes en difficulté, d'une part, et pour promouvoir une alternative à l'avortement, d'autre part. Mais ce n'est pas ce qui nous est proposé, bien au contraire, et le présent projet pose en fait quatre nouveaux et redoutables problèmes.

Le premier est d'ordre médical. Interrompre une grossesse à dix ou à douze semaines n'est pas du tout le même acte : à douze semaines, il ne s'agit plus d'aspirer un embryon, mais de fragmenter un f_tus squelette en voie d'ossification, dont les premiers mouvements peuvent déjà être aperçus ; c'est un acte lourd et sans ambiguïté.

Le second problème est d'ordre éthique. Les progrès de l'échographie obstétricale et des techniques de diagnostics prénataux seront détournés pour ouvrir toute grande la voie à la recherche de « l'enfant parfait », c'est-à-dire à l'eugénisme. Nous approchons la rive dangereuse d'une société pré-totalitaire portée par le rêve libertaire d'une fécondité humaine devenue produit de consommation, et finalement, tentée par l'expérience de l'amélioration de l'espèce. La stérilisation des handicapés que vous avez osé prévoir comme un autre régime l'avait prévue avant vous (Très vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV) porte l'eugénisme en germe.

En outre, votre texte opère un renversement juridique complet, puisque de l'exception vous faites une règle.

Cette règle est portée par une implacable logique, qui d'ailleurs autorise, désormais, la propagande et la publicité pour des actes dont nos principes juridiques mêmes refusaient jusqu'à présent la systématisation.

Enfin, votre projet soulève un problème d'ordre philosophique. Au moment même où, pour amuser la galerie, Mme Royal parle de restaurer l'autorité parentale, votre texte soustrait de façon parfaitement irresponsable les adolescentes à l'autorité de leurs parents en leur permettant d'avorter sans l'autorisation de ces derniers, grâce à l'assistance d'un adulte choisi de façon arbitraire.

L'arrêt Perruche de la Cour de cassation, ce projet, l'avant-projet relatif à la révision des lois bioéthiques dont nous connaissons le contenu depuis peu, la proposition de débat sur l'euthanasie lancée par le ministre de la santé, sont autant de textes inquiétants, qui vont conduire notre pays à distinguer trois types d'enfants : ceux qui ont le droit de vivre et qui pourront compter sur la recherche appliquée à d'autres êtres humains pour vivre plus longtemps ; ceux qui n'ont pas le droit à la vie parce qu'ils sont handicapés et ne correspondent pas à l'image de « l'enfant parfait » ; ceux, enfin, qui sont destinés à mourir au cours d'expériences scientifiques.

C'est pourquoi, avant que ce texte ne soit adopté, je demande, par avance, au Président de la République d'exiger, le moment venu, une nouvelle délibération avant toute promulgation d'une loi dangereuse et inique, qui blesse la conscience morale de tout un peuple et qui viole les lois les plus fondamentales de notre civilisation.

La discussion générale est close.

Mme la Ministre de l'emploi et de la solidarité - C'est, comme au cours de la première lecture de ce texte, un débat très riche qui s'achève. Je tiens à réaffirmer, une nouvelle fois, que le Gouvernement entend, avec ce projet, privilégier la prévention, en améliorant l'éducation sexuelle, qui sera enseignée dès l'école primaire, et en renforçant l'information sur la contraception, tant il est vrai que 200 000 avortements par an, c'est trop, beaucoup trop. Vous le savez, le Gouvernement a lancé, en 2000 une grande campagne de sensibilisation, la première depuis celle qu'avait mené à bien Mme Roudy, au début des années 1980. Voilà qui montre bien que les gouvernements successifs ont failli depuis lors.

Je le répète : le Gouvernement est déterminé à prévenir, pour éviter les avortements. Je n'accepte donc pas que l'on caricature ce projet en le présentant comme un texte favorable au « tout avortement ». Je récuse cette interprétation, fausse absolument.

J'ajoute que le débat ancien sur la liberté de la femme opposée au droit de l'embryon a été tranché lors du vote de la loi Veil, cette loi que certains n'ont jamais acceptée. L'IVG est un droit...

Mme Christine Boutin - Pas encore ! Un ancien Garde des Sceaux ne peut dire des choses pareilles !

Mme la Ministre - Vous avez pu vous exprimer à loisir ; souffrez que je vous réponde, pour constater que, fort heureusement, vous êtes la seule de cet avis et que bien peu sont ceux qui même sur vos bancs, partagent vos convictions !

L'IVG est un droit pour la femme, droit qu'elle peut exercer si elle le désire.

L'entretien avec le médecin demeure, et l'entretien préalable pourra avoir lieu si la femme le désire : c'est son caractère obligatoire qui est supprimé. Le moins que l'on en puisse dire est que le risque pris de la sorte n'est pas inconsidéré, puisque 90 % des femmes sont décidées dès la première consultation. Pour autant, la possibilité d'une assistance médico-sociale existe toujours pour celles qui l'estiment nécessaire.

La question a été abordée des risques supplémentaires que susciterait l'allongement à 12 semaines de la durée légale d'avortement, en raison du changement de nature du geste médical. Le taux de complication est un peu plus élevé, c'est vrai. Cela signifie que des précautions supplémentaires devront être prises, et non que l'argument doit servir à refuser le texte. Il faudra des plateaux techniques de qualité et des médecins bien formés. A ces praticiens, je rends hommage, qui exercent avec un grand sens des responsabilités, une activité qui n'est pas la plus plaisante de toutes celles qu'ils mènent. La confiance leur est due, comme elle due à leurs confrères qui, dans les autres pays d'Europe, pratiquent sans risques particuliers des IVG jusqu'à 12 semaines d'aménorrhée.

Des moyens supplémentaires seront nécessaires, certes. Le Gouvernement en est pleinement conscient, qui a débloqué 12 millions de francs pour créer des postes de praticiens hospitaliers en 2000, et qui dégagera 15 millions aux mêmes fins cette année. Je rappelle d'autre part que, fin juin 2000, Mme Aubry, alors ministre de l'emploi, a organisé par une circulaire la continuité de la prise en charge des IVG en période estivale, et institué une permanence téléphonique.

S'agissant des mineures, l'autorisation parentale reste la règle, mais une dérogation est introduite au bénéfice des jeunes filles à qui l'écoute et l'accompagnement font défaut. J'ai déjà dit, mais je tiens à le répéter, que les accompagnants n'auront ni pouvoir de décision, ni responsabilité, et que seule s'appliqueront les règles habituelles de la responsabilité médicale, selon les règles de droit.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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CANDIDATURES AU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AVIATION MARCHANDE

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une demande de remplacement de deux membres de l'Assemblée nationale au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande.

Conformément aux précédentes décisions, le soin de présenter les candidats a été confié à la commission de la production et des échanges. Les candidatures devront être remises à la Présidence avant le jeudi 26 avril 2001, à 18 heures.

Prochaine séance ce soir, à 21 heures 15.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

        www.assemblee-nationale.fr


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