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Session ordinaire de 2000-2001 - 70ème jour de séance, 161ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 25 AVRIL 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (suite) 2

          QUESTION PRÉALABLE 2

          ORDRE DU JOUR DU JEUDI 26 AVRIL 2001 27

La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

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      SÉCURITÉ QUOTIDIENNE (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif à la sécurité quotidienne.

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QUESTION PRÉALABLE

M. le Président - J'ai reçu de M.  Jean-Louis Debré et des membres du groupe RPR une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du Règlement. La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Bruno Le Roux, rapporteur de la commission des lois - Lui est-il possible de parler alors qu'aucun représentant de l'opposition n'est présent ?

M. Christian Estrosi - Je suis un représentant de l'opposition, et je constate qu'il n'y a ici qu'un représentant de la majorité. Voilà qui rend le débat encore plus surréaliste qu'à son début. Alors que la France est à feu et à sang, alors qu'il n'est plus un de nos concitoyens qui ne craigne pour ses proches, pour ses enfants lorsqu'ils se rendent à l'école, pour les anciens qui sont obligés de se barricader chez eux, vous nous proposez un texte que vous intitulez pompeusement « La sécurité quotidienne ». Je crains qu'il ne rassure pas beaucoup les Français. Leur inquiétude ne fait d'ailleurs que prolonger les observations d'éminents dirigeants de la gauche anciennement plurielle et désormais éclatée, qui fustigeaient « l'autisme » et la « surdité » du Premier ministre. Votre texte, Monsieur le ministre, confirme ce diagnostic. On ne peut en effet qu'être frappé du décalage entre l'indigence des propositions qu'il contient et la gravité de la situation. A vous écouter, à lire l'exposé des motifs, cette situation n'imposerait que quelques mesurettes, plus insignifiantes les unes que les autres.

M. le Rapporteur - C'est dans l'exposé des motifs ?

M. Christian Estrosi - Mais votre texte ne sert qu'à masquer votre incapacité à répondre aux attentes des Français. Loin de constituer une erreur de parcours, il traduit la position du Gouvernement : l'insécurité n'est un problème prioritaire que dans les discours. Aveuglement, ignorance, préjugés idéologiques ?

Nous ne pouvons débattre d'un texte aussi insignifiant alors que l'insécurité menace les fondements mêmes de notre démocratie et les libertés fondamentales de chaque Français. Cette question préalable a pour ambition d'exiger une véritable mobilisation, alors que votre texte n'est que de la poudre de perlimpinpin. Nous ne pouvons débattre de vos gadgets-alibis en évitant lâchement d'aborder les mesures qui pourraient enrayer la désagrégation sociale causée par l'augmentation incessante d'une délinquance impunie.

M. le Rapporteur - Démagogie !

M. Christian Estrosi - Il convient d'abord de dresser l'état des lieux. Les chiffres sont alarmants. Les actes de délinquance ont augmenté de 5,72 % en 2000, et en particulier de 14 % pour les vols à main armée, de 15,7 % pour les vols avec violence, de 10,7 % pour les homicides, de 17,5 % pour les dégradations de biens publics, sans compter les coups et blessures, les voitures brûlées et les actes de violence urbaine.

M. Guy Teissier - C'est de la démagogie ?

M. Christian Estrosi - Ces moyennes masquent des disparités. Certains départements atteignent les 20 %, 18 % pour les Alpes-Maritimes.

M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur - On sait pourquoi.

M. Christian Estrosi - Quatre régions concentrent la moitié des crimes et délits : l'Ile-de-France, la vôtre, Provence-Alpes-Côte d'Azur.

M. le Ministre - La vôtre !

M. Christian Estrosi - Rhône-Alpes et le Nord Pas-de-Calais.

Cet après-midi, vous vocifériez contre notre prétendue inaction entre 1993 et 1997. Je dois vous citer les conclusions d'un colloque organisé il y a quelques semaines à l'ENA : « la police de proximité, une révolution culturelle ? »

M. le Rapporteur - Ce n'est pas vous qui l'avez tenu.

M. Christian Estrosi - Quelles ont été ces conclusions ? La police de proximité est un concept qui date de 1982 et qui a surtout eu cours sous nos gouvernements. Mais les chiffres du ministère de l'intérieur sur les onze dernières années montrent que la délinquance n'a diminué qu'en 1995, 1996 et 1997.

M. Guy Teissier - Le ministre nous a dit le contraire !

M. Christian Estrosi - Comme vous nous avez parlé de coproduction hollywoodienne, j'ajoute que les énarques ont relevé que le concept de coproduction de sécurité avait été consacré pour la première fois par la loi du 21 juillet 1995.

M. le Rapporteur - C'est faux !

M. Christian Estrosi - Mais les chiffres, si alarmants qu'ils soient, sont encore loin de retracer toute la réalité. Beaucoup de victimes, désabusées ou craignant des représailles, ne déposent pas plainte.

M. le Ministre - Elles le font beaucoup plus que par le passé !

M. Christian Estrosi - Les chiffres n'intègrent pas les relevés de main courante. Plusieurs études soulignent cet écart. Les élus le savent, puisqu'ils connaissent la détresse de centaines de milliers de Français face à cette réalité tragique. Le Premier ministre et vous-même avez coutume d'affirmer que le sentiment d'insécurité est plus fort que l'insécurité elle-même.

M. le Ministre - Où avez-vous pris ça ?

M. Christian Estrosi - Ce raccourci est de plus en plus ridicule. Le crime et la peur du crime font partie du même raisonnement psychologique.

M. le Rapporteur - C'est ce que nous avons toujours dit.

M. Christian Estrosi - La délinquance, qui, partout, se banalise et se radicalise, ne relève pas d'un sentiment mais de pratiques concrètes. Elle atteint des degrés toujours plus élevés dans l'horreur. Je n'en veux pour preuve que ce crime odieux : il y a une semaine, à Nice, une jeune institutrice qui se promenait avec un enfant de trois ans a été poignardée gratuitement...

M. Jean-Pierre Pernot - Qu'est-ce qu'il nous fait là ?

M. Christian Estrosi - Comment pouvez-vous parler comme ça ? Vous avez des comptes à rendre à sa famille.

M. Jean-Pierre Pernot - C'est scandaleux !

M. Christian Estrosi - Ce crime est vraisemblablement le fait de trois jeunes...

M. le Rapporteur - Vous n'en savez rien !

M. Christian Estrosi - ...dont les actes portent le nom d'incivilités, terme qui masque pudiquement les germes des dérives les plus graves.

M. le Ministre - Vous ne nous accusez pas de ce crime ?

M. Christian Estrosi - Il y a encore ce réveillon à Strasbourg, cette fête des voitures brûlées pourtant prévisible.

M. le Rapporteur - Cynique et démagogue.

M. Christian Estrosi - Il y a aussi ce jeune, jeté sur la voie publique pour avoir refusé de donner une cigarette, ou ce règlement de comptes tribal un samedi après-midi à la Défense. Ce cortège de l'insupportable est hélas interminable et les Français exigent des actes déterminés et des sanctions efficaces. Trois domaines sont symboliques : les transports collectifs, l'école et les grandes cités urbaines. Les transports sont devenus le cadre privilégié de ce terrorisme moderne, qui met ainsi en cause la liberté d'aller et venir ; l'école, longtemps préservée, est gangrenée par la violence ; certains quartiers s'érigent en cités interdites, où les médecins, les pompiers et même les forces de police craignent de pénétrer, où s'établit une économie parallèle fondée sur la délinquance, où les relations sociales sont fondées sur la terreur et où les vols collectifs se multiplient. Or ce sont les personnes les plus fragiles qui sont les plus exposées. La fracture sécuritaire se creuse ainsi chaque jour un peu plus.

Cette situation menace la cohésion nationale, en s'attaquant à nos principes fondateurs : la liberté est remise en cause par l'insécurité, l'égalité n'existe pas devant la délinquance, la fraternité est bafouée par ceux qui ne se reconnaissent pas dans les lois de la République.

Cet échec sans appel des politiques conduites par la gauche en matière de sécurité repose d'abord sur une approche idéologique coupable, faisant du délinquant un Robin des bois des temps modernes qui assure une redistribution des riches vers les pauvres.

M. Jean-Pierre Pernot - Front national !

M. le Rapporteur - C'est l'éditorial de Présent !

M. Christian Estrosi - Depuis 1981, vous avez assimilé à l'extrême-droite et classé dans la catégorie des ennemis de la démocratie ceux qui voulaient s'attaquer à l'insécurité. Vous avez aussi expliqué la violence par le chômage ; or le million de chômeurs en moins s'est accompagné d'une augmentation de la délinquance de 30 % !

M. le Rapporteur - N'importe quoi !

M. Christian Estrosi - Que l'extrême droite soit devenue inaudible, n'empêche pas les Français de manifester leur désir de sécurité. Vous êtes contraints aujourd'hui de reconnaître vos erreurs, mais cela ne vous exonérera pas de vos responsabilités dans ce bilan catastrophique.

Votre politique de prévention a échoué. Combien de milliards auront été déversés en pure perte dans les quartiers au profit d'associations ou d'acteurs sociaux !

Un Premier ministre de vos amis avait décidé de repeindre les boîtes aux lettres et les cages d'escalier.

M. Jean-Pierre Pernot - Noble intention !

M. Christian Estrosi - Les peintures ont coûté cher, mais les dégradations ont été immédiates -et non sanctionnées.

La politique de prévention doit certes occuper une place majeure dans la lutte contre l'insécurité, mais il faut en revoir complètement la philosophie.

Votre politique pénale est également un échec. Mme Guigou et vous tous avec elle portez une lourde responsabilité dans l'augmentation de la délinquance : le Premier ministre a souvent arbitré en sa faveur contre M. Chevènement, notamment au sujet des mineurs délinquants. Quand ce dernier a affiché sa volonté d'imposer aux sauvageons des mesures d'éloignement des cités, elle a combattu sa position. Par là-même, elle a fait considérablement progresser la culture de l'impunité (Protestations sur les bancs du groupe socialiste).

Certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence s'avèrent extrêmement dangereuses.

Depuis le 1er janvier, les commissaires de police ont constaté une baisse de 34 % des gardes à vue pour la police judiciaire et de 28 % pour la sécurité publique. Cette diminution s'explique notamment par la plus grande difficulté à placer des témoins en garde à vue.

Un chiffre symbolise la faillite de la politique pénale : 80 % des plaintes demeurent sans suite. En outre, peu de sanctions décidées sont réellement appliquées.

Au regard de ce double constat d'échec, votre projet manque cruellement d'ambition. Ce n'est qu'un énième texte sur la sécurité, fait de mesures ponctuelles.

Vous soumettez le commerce d'armes à un système d'autorisation : je ne vois là rien de choquant, sinon peut-être la référence à la localisation. Visez-vous les quartiers dits sensibles, ou s'agit-il pour vous de légiférer sur une implantation en région parisienne ?

Vous renforcez la sécurité des cartes bancaires : soit. Le ministre de l'économie et des finances aurait d'ailleurs pu s'en préoccuper.

Vous améliorez les dispositions relatives aux chiens dangereux : je regrette que vous ayez tant attendu pour vous apercevoir de l'inefficacité de la loi de 1999. J'ai moi-même déposé en janvier une proposition de loi. Mais il faut améliorer la sécurité des policiers, qui manquent de moyens et de formation.

Les mesures que vous proposez concernant la police judiciaire relèvent de l'anesthésie collective. Il faut donner à la police les moyens d'exercer ses missions.

Pour lutter efficacement contre la délinquance, il faut mener une politique courageuse qui passe par le renforcement des moyens des forces de l'ordre, l'amélioration de certaines dispositions de la loi sur la présomption d'innocence, la modification de la politique pénale, avec notamment une réforme totale de l'ordonnance de 1945.

Première priorité : la lutte contre la délinquance juvénile qui aujourd'hui explose. L'âge moyen de la primo-délinquance se situe désormais entre dix et douze ans. Il ne s'agit nullement de jeter le discrédit sur ces jeunes ni de tomber dans le tout répressif mais simplement de réhabiliter des sanctions dissuasives et graduées.

M. Pierre Cardo - Exactement.

M. Christian Estrosi - Ce qui vous manque, c'est une vision globale de la lutte contre la délinquance juvénile. Comment expliquer à un jeune la différence entre le bien et le mal si l'on n'a pas préalablement fixé certaines limites ?

Lorsque le ministre de l'éducation nationale demande que le zéro soit proscrit -tout en invitant d'ailleurs à veiller à son bon usage pédagogique-, ce à quoi les enseignants étaient opposés mais ils n'ont pas été entendus, il cède à une utopie dangereuse. Une telle mesure est le symbole même de votre politique absurde qui tend à repousser les frontières de la responsabilité.

Il est urgent de modifier l'ordonnance de 1945 dont la philosophie est seulement éducative.

M. le Ministre - Elle a été modifiée dix fois déjà !

M. Patrice Carvalho - On dirait que vous n'avez jamais été au pouvoir, Monsieur Estrosi !

M. le Rapporteur - Heureusement !

M. Christian Estrosi - Il ne s'agit pas de dépoussiérer cette ordonnance mais de l'adapter à la réalité de la délinquance juvénile aujourd'hui.

J'ai bien pris note de votre souhait, Monsieur le ministre, de publier prochainement avec votre collègue de la justice, une circulaire qui devrait permettre de lutter efficacement contre cette délinquance. Je m'étonne de la méthode alors que le Premier ministre et vous-même appeliez à une mobilisation nationale. Une fois de plus, au dialogue avec les acteurs qui sur le terrain contribuent à maintenir le lien social, vous privilégiez l'autoritarisme et la centralisation à outrance.

Il conviendrait d'abaisser l'âge de l'irresponsabilité et de la majorité pénales, comme cela a été fait en Grande-Bretagne par exemple. Pourquoi ne pas exploiter les données recueillies dans le cadre d'une étude réalisée par votre ministère sur la délinquance autoproclamée qui montre que l'enfant en danger de devenir un délinquant, peut-être récidiviste, est aujourd'hui âgé de 12 à 15 ans, adepte de l'école buissonnière et fraude dans les transports en commun -même si bien sûr il ne faut tirer aucune conclusion hâtive.

L'incarcération n'est qu'une solution ultime, toujours imparfaite. Il faut en tout état de cause séparer les mineurs des autres détenus ; favoriser leur réinsertion en leur donnant une formation, mais aussi en leur dispensant une instruction civique, au besoin en y associant les familles. Des maisons d'accueil et des internats spécialisés le permettraient.

En amont, l'autorité et la sanction doivent être réhabilitées.

Il faut recourir plus largement aux travaux d'intérêt général qui responsabilisent le jeune et constituent souvent une alternative à l'incarcération. Le jeune qui casse une vitre ne mérite assurément pas la prison mais s'il est contraint de la remplacer, je suis persuadé qu'il ne recommencera pas. Il faut également permettre aux policiers de pénétrer dans les écoles. Alain Finkelkraut notait que les mêmes que cette idée indignait, au motif que l'école devait rester un sanctuaire, voulaient à tout prix la désanctuariser en l'ouvrant sur la vie. « Or, poursuivait-il, la vie, c'est aussi la loi du plus fort et face à cette loi, la police peut parfois se révéler indispensable ».

Il faut de même sanctionner les manquements graves des parents à leurs obligations de surveillance et d'éducation. Le contrôle doit pouvoir aller jusqu'à la suppression des allocations familiales dans des conditions bien sûr justes et objectives.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - C'est votre marotte !

M. Christian Estrosi - Les parents devraient être coresponsables des infractions commises par leurs enfants dès lors que celles-ci résultent d'un manquement manifeste à leurs obligations et assurer la réparation des dommages causés, comme cela se fait chez certains de nos voisins européens.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Catéchumène !

M. Christian Estrosi - Pourquoi ne pas généraliser le dispositif mis en place à Maubeuge où lorsqu'un enfant a manqué l'école quatre demi-journées sans justification, l'établissement scolaire en informe la CAF, laquelle prend contact avec les parents. Cela permet de rétablir le dialogue rompu.

Mme Yvette Benayoun-Nakache - Cela, c'est de la prévention.

M. Christian Estrosi - Deuxième priorité : mettre en place une police de terrain et associer les maires à la politique de lutte contre l'insécurité.

Votre police de proximité, Monsieur le ministre, n'est que tromperie sur la marchandise. Il n'y a pas aujourd'hui en France une police de proximité comme les Français la réclament. Vous n'avez fait que recruter des emplois-jeunes pour pallier le manque d'effectifs et de moyens.

Plusieurs syndicats de police viennent opportunément à la veille de ce débat de souligner la faiblesse des moyens de la police.

M. le Ministre - Quels syndicats ?

M. Christian Estrosi - Les syndicats majoritaires.

M. le Rapporteur - Vous affirmez des choses fausses.

M. Christian Estrosi - La police de proximité n'aurait pu être efficace que si elle s'était accompagnée d'un renforcement des effectifs.

Vous avez pris ici même cet après-midi la défense de votre police, Monsieur le ministre.

M. le Ministre - C'est la police de la République.

M. Christian Estrosi - Mais lorsque le syndicat des commissaires de police...

M. le Ministre - Ah ! Vous avez parlé de syndicats majoritaires et vous n'en citez qu'un seul !

M. Christian Estrosi - Accordez-vous une crédibilité à ce syndicat qui représente la majorité des commissaires ? Eux-mêmes s'estiment démunis.

Pour la seule ville de Nice, il manque 116 policiers, soit 15 % des effectifs.

Pour que la police soit davantage présente sur le terrain, il faudrait aussi la décharger de certaines tâches. Un rapport révélait pourtant que seulement 5 % à 10 % des effectifs travaillaient réellement sur le terrain.

En réalité, avec votre police de proximité, vous avez péché par omission, sans prendre en compte les évolutions. Nos concitoyens attendent des réponses fermes mais de la part de l'élu qui est le plus proche d'eux, à savoir le maire, nous le constatons chaque jour dans nos permanences. Qui s'est fait voler son sac, qui s'est fait cambrioler, qui s'est fait agresser, tous nous demandent, à nous, d'intervenir. Nous sommes malheureusement pris en otages car l'Etat à la fois ne nous donne pas les moyens d'agir et ne fait rien lorsque nous lui demandons d'agir, lui. On voit bien que ni les préfets ni les procureurs de la République n'ont jamais tenu de permanence !

Vous vous refusez à écouter les maires, évoquant le spectre caricatural d'une « shérifisation ». Ce sont pourtant eux qui connaissent le mieux la sociologie de leur ville, ses points sensibles. Et il ne fait pas de doute que la police de proximité devrait être placée sous leur autorité et qu'ils devraient recevoir de véritables responsables en matière de sécurité.

Troisième priorité : la tolérance zéro ! Il ne s'agit pas là encore de tomber dans le tout répressif mais simplement aucune infraction, quelle que soit sa gravité, ne doit rester impunie. Elle doit recevoir une réponse juste, appropriée et immédiate dès la première fois tandis que la récidive doit bien sûr être réprimée plus sévèrement. Il n'est pas normal qu'un jeune arrêté huit à dix fois successivement pour des vols à la portière ne puisse être sanctionné. Les images diffusées hier soir par M 6 dans l'émission « Ça me révolte » n'auraient pas manqué de susciter l'effroi de nos concitoyens.

Il ne s'agit pas d'appliquer le système new-yorkais, lequel a d'ailleurs fait ses preuves, mais de combattre le sentiment d'impunité qui désormais fait loi. Il faut rappeler à ces jeunes que le vivre-ensemble exige le respect de certaines règles, dont la première est de ne pas nuire à autrui.

De même, il convient de résister à la pression de ceux qui militent pour la légalisation du cannabis au prétexte qu'il s'agirait d'une drogue douce et qu'elle est légalisée dans certains pays voisins.

M. le Rapporteur - Hors sujet !

M. Christian Estrosi - Il n'est pas de drogues douces mais seulement des produits dangereux pour l'individu. Et je souhaiterais qu'en ce domaine, comme dans d'autres, l'exception française demeure.

Quatrième priorité : le droit des victimes à réparation. On parle souvent des délinquants et des criminels, plus rarement des victimes.

M. Jean-Pierre Blazy - C'est faux !

M. Christian Estrosi - Pourtant, une agression, quelle que soit sa gravité, est toujours un traumatisme, et ce d'autant plus que son auteur reste impuni. Or, quatre plaintes sur cinq sont classées sans suite, et même une sur deux lorsque le coupable est identifié ! Il est urgent d'étendre le champ de la commission d'indemnisation.

De même, il convient de réprimer les rassemblements dans les halls d'immeubles et les cages d'escalier, qui constituent un facteur d'insécurité et peuvent entraîner des conséquences tragiques. Ce que propose Nicolas Sarkozy est marqué au coin du bon sens (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Patrice Carvalho - Neuilly serait-il une banlieue difficile ?

M. René Mangin - Les bandes de boursicoteurs y font la loi !

M. Christian Estrosi - Parce que votre projet de loi ne répond pas aux attentes profondes des Français, qui vivent l'insécurité comme une injustice et une détresse, parce que notre pays a besoin d'une grande loi pour le rétablissement du pacte républicain, parce que « gouverner c'est prévoir » ne doit pas devenir synonyme de « gouverner c'est attendre » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste), nous invitons l'Assemblée, avec lucidité, pragmatisme et détermination, à voter la question préalable afin que le Gouvernement revoie sa copie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Ministre - A ce long propos, riche en excès mais pauvre en propositions (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), je répondrai en soulignant simplement, à l'attention de l'orateur du groupe RPR, que ce projet de loi, que j'ai présenté au Conseil des ministres il y a quelques semaines, y a reçu le soutien explicite du Président de la République, qui l'a même fait savoir par un communiqué officiel. M. Estrosi est donc, non seulement en décalage par rapport aux attentes des Français, mais aussi par rapport au Président de la République ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Christian Estrosi - Vous êtes vraiment à court d'arguments !

M. le Rapporteur - A aucun moment, dans l'une comme dans l'autre motion de procédure, il n'a été question du projet lui-même, dont les dispositions sont pourtant parmi les plus attendues, et susceptibles de répondre à certains problèmes concrets. Nous devrons donc attendre demain pour débattre de ce que nous appelons, nous, la responsabilisation des maires, et qui consiste, pour vous, à mettre la police nationale sous leur tutelle (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). En vous écoutant, j'ai la même réaction que lorsque j'entends un bateleur sur un marché : je me demande combien de gens vont s'y laisser prendre et faire un achat qu'ils regretteront au bout de quelques jours seulement ! (Mêmes mouvements)

Oui, notre projet de loi pèse beaucoup plus qu'un discours qui ne peut s'appuyer sur aucune réussite observable lorsque vous étiez majoritaires (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) . C'est ainsi que la réforme de l'ordonnance de 1945, que vous réclamez, n'a pas été mise à l'ordre du jour par M. Toubon, qui savait pertinemment que ce n'était pas la réponse adéquate à la délinquance des mineurs. Ce que nous venons d'entendre, c'est davantage la défense d'un fonds de commerce que la réponse aux préoccupations de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Jean-Marie Bockel - Ce n'est pas la rubrique des faits divers, fussent-ils tragiques, qui constitue le meilleur angle d'approche d'un sujet aussi grave que celui qui nous préoccupe aujourd'hui. Ce n'est pas non plus la caricature, ni la déformation de nos prises de position et du travail que nous avons accompli. Tout ce qui est excessif est contre-productif, et j'ai eu le sentiment, en écoutant M. Estrosi nous décrire une France à feu et à sang, que nous ne vivions pas dans le même pays (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Estrosi - Je citerai vos propos quand je viendrai faire une réunion chez vous !

M. Jean-Marie Bockel - Entre l'angélisme et l'outrance, il y a place pour une démarche concrète, comme celle qui a présidé à l'élaboration de ce bon projet, que nous améliorerons encore et qui ne constitue pas pour autant l'alpha et l'oméga de la lutte contre l'insécurité.

M. Christian Estrosi - C'est certain !

M. Jean-Marie Bockel - C'est un élément, un levier parmi d'autres, alors que votre discours me donne l'impression que vous espérez un « grand soir » (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) qui n'est pas venu lorsque vous étiez au pouvoir et qui ne viendra pas plus si vous y revenez un jour.

La méthode suivie par le Gouvernement depuis Villepinte, c'est celle des contrats locaux de sécurité.

M. Christian Estrosi - Quel échec !

M. Jean-Marie Bockel - Si c'était le cas, vous n'en seriez pas parties prenantes !

M. Christian Estrosi - Mais nous n'en voulons pas ! Il y a même des maires communistes qui en sont sortis parce que cela ne marche pas !

M. Jean-Marie Bockel - Quant à la police de proximité, vous avez tout de même consenti à la qualifier de petite révolution, et c'est vrai : c'est une petite révolution par rapport à la culture policière de naguère. C'est une affaire de moyens, c'est vrai, mais aussi de méthode et d'état d'esprit.

La lutte contre l'insécurité ne doit pas être considérée comme matière à effets de tribune, mais comme un défi à relever. Il faut comprendre avant d'agir (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Christian Estrosi - Il serait temps d'agir, au bout de quatre ans !

M. Jean-Marie Bockel - Vous avez demandé la révision de l'ordonnance de 1945.

M. Jean-Luc Warsmann - Jean-Pierre Michel aussi !

M. Jean-Marie Bockel - Cela vous met en contradiction avec certaines personnalités proches de vous, si j'en crois un récent discours du Président de la République...

Je conclurai d'un mot sur le rôle des maires, qui fait l'objet d'importants amendements. Je crois qu'il faut, sur cette question comme sur d'autres, évoluer par étapes, et que les maires doivent être davantage associés à la lutte contre l'insécurité ; c'est ce que nous faisons déjà dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Ce projet est un bon projet ; vous le critiquez, mais il permettra de mieux répondre à un problème qui préoccupe nos concitoyens et que le Gouvernement et la majorité ont pris à bras-le-corps. C'est pourquoi je demande le rejet de la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Je rappelle que les explications de vote sont limitées à cinq minutes par groupe...

M. Guy Teissier - Le réalisme politique comme la conscience républicaine auraient dû inciter le Gouvernement à susciter un vrai débat parlementaire sur la sécurité, comme l'opposition le réclame depuis des mois, et à présenter une loi-cadre de lutte contre la délinquance dans les quartiers difficiles. Au lieu de cela, vous présentez un petit projet entre amis, au titre pompeux, sans rapport avec son contenu. Quel fossé en effet entre le titre du texte et sa teneur -pour ne pas dire : quelle tromperie sur la marchandise...

Moraliser les ventes d'armes, pourquoi pas ? Mais vos dispositions toucheront de plein fouet des personnes, certes détentrices d'armes, mais responsables, et avec qui nous avons peu de problèmes : je pense aux collectionneurs, et aux chasseurs que vous allez lourdement pénaliser dans l'exercice d'une pratique populaire et ancestrale. Ils ne pourront plus acheter d'armes que dans une armurerie, ce qui favorisera la spéculation ; c'est mal connaître les chasseurs, qui aiment acheter leurs armes de gré à gré.

En revanche ne croyez pas que les délinquants cesseront de se fournir sur les réseaux illégaux et iront chez l'armurier donner leur identité ! Une fois de plus vous péchez par angélisme, ou par défaut de réalisme.

Je regrette surtout qu'il vous ait fallu quatre ans pour donner aux gardiens de la paix les moyens juridiques d'être plus efficaces, et pour permettre ainsi une bonne administration des services de sécurité publique. Quant aux adjoints de sécurité, vous rectifiez une situation absurde, et nous ne pourrons que nous en satisfaire. Ils pourront faire des contrôles d'alcoolémie, mais toujours pas de toxicomanie. Mais rien dans le texte n'apporte de solutions concrètes à la délinquance que subissent nos compatriotes. Nous refusons qu'à l'impunité s'ajoute le sentiment d'insécurité, et que la police nationale soit incapable d'assurer une présence permanente dans les « zones de non-droit ».

Vous parlez de renforts, Monsieur le ministre. Mais le député de Marseille que je suis se souvient que les derniers renforts sont arrivés sous M. Pasqua ; depuis, mis à part les adjoints de sécurité, nous attendons. Et il en est de même ailleurs. Quand l'insécurité s'accroît, ce sont les plus faibles qui sont d'abord touchés, et c'est d'abord en leur nom que vous devriez agir, vite et fort. L'Etat ne remplit pas sa mission, quand il consacre plus d'argent aux chemins de fer qu'aux budgets réunis de la police et de la justice. Faute de moyens, trop de plaintes sont classées sans suite, trop de sanctions ne sont pas prononcées. Est-il normal qu'il y ait seulement trois cent juges pour enfants, quand le nombre des crimes et délits commis par des mineurs s'est élevé à deux cent mille en 2000 ?

En dix ans, tous les indicateurs de la délinquance ont doublé. Dans le même temps -et je suis le député des Baumettes- la population carcérale est restée stable. N'est-ce-pas à dire qu'il est deux fois moins risqué d'être délinquant aujourd'hui qu'il y a dix ans !

Pour toutes ces raisons le groupe DL votera la question préalable brillamment défendue par M. Estrosi (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF).

M. Patrice Carvalho - Monsieur Estrosi, je crois que le bruit des moteurs vous a rendu sourd, à moins que ce ne soit la Marseillaise tant de fois entendue, et je vous en félicite, lors de vos victoires... Vous êtes député depuis 1988 : que n'avez-vous montré autant de virulence sous MM. Pasqua et Debré ? Car l'insécurité n'a cessé de progresser, et c'est aussi cela qui vous a coûté cher en 1997. A mes yeux vous en faites un fonds de commerce. Mais c'est autre chose que souhaitent les Français quand ils demandent qu'on règle le problème de l'insécurité. Il faut donc un débat. Ce projet en offre l'occasion. Nous voterons donc contre la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Rudy Salles - L'augmentation de l'insécurité est une réalité. Elle n'est plus une exclusivité des quartiers « à risque », mais touche désormais la plupart de nos villes. Longtemps nié par vos amis, ce phénomène s'est imposé à vous, et vous devez chercher à l'intégrer à vos discours. Mais ce n'est pas de discours que nous avons besoin : c'est d'actes, et de moyens. Ce projet ne les apporte pas. Il est fait de petites mesures, dont certaines auraient pu être adoptées par la voie réglementaire.

Au lieu du grand débat que réclamaient l'opposition et même le rapporteur, et qui aurait pu conduire à un vrai dispositif de lutte contre l'insécurité, nous avons une discussion qui ne fait guère avancer les choses, mais qui vous permet de développer une ample campagne médiatique. Cependant les Français ne s'y trompent pas. Ils sont habitués aux errements de la gauche dans ce domaine.

Des chiffres incontestables émanant du ministère de l'intérieur, le montrent : de 1990 à 1993, sous des gouvernements de gauche, la délinquance a augmenté de plus de 17 %. Entre 1994 et 1997, sous des gouvernements de droite, elle a reculé de plus de 10 %. Depuis 1998, sous le gouvernement de Lionel Jospin, elle augmente de nouveau régulièrement : 2,06 % en 1998, 0,07 % en 1999, et plus de 5 % en 2000...

Dans ma ville la délinquance a augmenté de plus de 19 % l'an dernier, et les vols à la portière de 325 % ! Toujours dans ma ville, l'Etat avait envisagé de construire dans un quartier sensible deux cantonnements de CRS et un commissariat de police. Le chantier ayant été attaqué par des voyous, il est arrêté depuis plusieurs semaines, et les habitants craignent qu'ils soit abandonné... l'Etat n'est même pas en mesure d'assurer la sécurité de son propre chantier !

Depuis treize ans, auprès des différents gouvernements, je demande une vraie politique de lutte contre l'insécurité. Vos majorités, au mieux, restent indifférentes ; au pire, elles s'indignent qu'on aborde ces questions : il faudrait se taire. C'est ainsi, en occultant la réalité, que vous avez permis le développement de mouvements extrémistes et populistes.

Vous êtes sur la mauvaise voie. Votre projet comporte certaines mesures positives, mais ne permet en rien une lutte efficace contre la délinquance. Il traduit vos insuffisances plutôt qu'une volonté politique de régler le problème. On y cherche en vain une rénovation de l'ordonnance de 1945. On y cherche en vain des mesures propres à faire du maire un vrai coproducteur de sécurité. Vous traitez un problème contemporain avec les outils d'avant-hier. Nous attendions une vraie loi-cadre : nous avons de la poudre aux yeux -le groupe UDF votera la question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Gérard Hamel - Le groupe RPR votera bien entendu cette question préalable. Alors que l'insécurité est la première préoccupation des Français, rien dans ce projet n'apporte une réponse : aucune politique, aucune stratégie, aucun plan d'action ! A quand une loi-cadre faisant toute sa place à une véritable proximité partagée ? Celle que vous préconisez est imposée. Vous restez attaché à un carcan centralisateur, alors que le maire devrait être au centre du dispositif. Votre texte en fait simplement un partenaire de l'amont -au niveau de la « définition des actions de prévention »- et de l'aval, puisqu'il sera informé régulièrement des résultats, alors qu'il devrait être un partenaire à part entière dans l'action. Que sont devenues, Monsieur le ministre, vos intentions de Villepinte ? Où voyez-vous dans ce texte fourre-tout une loi relative à la « sécurité du quotidien » ? Celle-ci méritera demain une grande loi instaurant une nouvelle politique : la proximité partagée. Elle placera le maire au centre du dispositif, car lui seul a la légitimité élective, les autres partenaires étant nommés. Elle s'appuiera sur un schéma directeur de la prévention, de la dissuasion et de la sécurité, qui définira une méthode et un mode opératoire, sur un coordinateur en mairie, véritable gestionnaire du risque urbain, et sur un corps de « policiers de ville », réunissant police de proximité et police municipale et constitué après réajustement des statuts et des rémunérations, dans le respect des avantages acquis.

Un tel projet eût évité au Premier ministre de déclarer, lors de son intervention télévisée du 17 avril : « nous ne voulons pas créer de polices municipales si cela signifie confier des pouvoirs de police aux maires : la sécurité est le devoir de l'Etat et exige des professionnels ». Les intéressés apprécieront...

Cette nouvelle politique que nous souhaitons ne négligera pas la déjudiciarisation des petits délits, la réforme de la justice des mineurs, l'échevinage, les moyens à allouer à la PJJ, ni surtout le reconditionnement des moyens de l'aide aux victimes, alors que vous avez pendant 15 ans privilégié le travail en direction des auteurs d'infractions. Nous créerons dans chaque département les structures fermées d'éducation qui permettront de redonner aux jeunes le sens des valeurs et élaborerons un grand plan d'action pour les familles. A l'école, nous favoriserons un retour à l'éducation plutôt que la seule délivrance du savoir. Nous donnerons la place qui leur revient aux bailleurs sociaux et aux transporteurs, mais aussi aux associations, parents pauvres de votre politique. Nous impliquerons dans notre projet les conseils généraux et régionaux et nous démonterons pour la simplifier l'usine à gaz qu'est la politique de la ville, en supprimant une délégation interministérielle devenue un simple guichet distributeur de subsides.

Nous mobiliserons nos compatriotes quartier par quartier, en nous appuyant sur des interlocuteurs désignés parmi les résidents au lieu des associations autoproclamées comme telles.

Cette politique disposera d'un budget d'investissement de fonctionnement spécifique, exécuté sous le contrôle des maires et des préfets.

Voilà, Monsieur le ministre, un véritable plan de lutte contre la délinquance ! On ne trouve rien de tout cela dans votre texte ; vous n'écoutez pas les Français ; ils sauront s'en souvenir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

La question préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.

M. le Président - Nous en arrivons à la discussion générale.

M. Claude Goasguen - Le sujet, comme l'a dit M. Donnedieu de Vabres, devrait inciter chacun à réfléchir et, d'abord, à se montrer modeste. La question de la sécurité n'est plus de droite ni de gauche et l'on voit bien que les difficultés vont croissant. Mais nous ne devrions non plus éprouver aucune gêne à aborder ce débat. On nous a accusés de rechercher la polémique : mais la nation réclame que nous traitions le sujet ! Et ce n'est pas polémiquer que de dire qu'une grande partie de nos compatriotes connaissent de graves problèmes de sécurité. Où pourrions-nous en parler, sinon ici ? Simplement, il faut le faire sans animosité et en pensant avant tout à l'avenir.

Ce débat est au reste d'une grande noblesse : sécurité n'est pas synonyme de répression, le mot ne devrait donc pas avoir cette connotation si négative qu'on s'est acharné à lui donner, rendant très difficiles toute réforme, voire tout débat. La sécurité, c'est au contraire une action conçue pour favoriser l'épanouissement des libertés. On peut bien concevoir les réponses les plus ambitieuses et les plus coûteuses : elles échoueront si les Français ne se sentent pas en sûreté. Ce débat est donc nécessaire et essentiel, et c'est bien ici qu'il doit avoir lieu. Il faudra bien qu'ensemble, nous finissions par élaborer une grande politique, permettant de moderniser notre système.

Vous en êtes d'ailleurs conscients, certains de vos propos le révèlent. Dès lors, pourquoi vous être contentés d'une addition de mesures -que nous voterons une à une, mais qui ne font pas un projet ?

De ce texte, le ministre a peu parlé. Je vais essayer de le faire. Ce projet a une histoire : l'an dernier, les arbitrages budgétaires ont privilégié l'éducation nationale, M. Lang ayant prévu de recruter 250 000 personnes -lui fait de la gestion prévisionnelle ! Vous n'y êtes pour rien, Monsieur le ministre, mais peut-être la personnalité de votre prédécesseur n'est-elle pas étrangère à ce choix, défavorable au ministère de l'intérieur comme d'ailleurs à celui de la justice. Reste que vous n'avez pas eu les crédits que vous auriez dû avoir. On semble désormais en prendre conscience dans le pays : les Français, et l'opposition avec eux, souhaitent que la sécurité dispose de moyens matériels convenables. Nous aurions dû évoquer ce point, à tout le moins.

Bien des choses ne vont pas : ainsi la politique de proximité ne donne pas les résultats escomptés. A cause des redéploiements et peut-être parce que la chose est nouvelle, la police de proximité est souvent synonyme de réduction de la présence dans la rue. Or c'est cette présence qu'exigent nos concitoyens. Quant à la réserve volante de 8 000 CRS « fidélisés », s'imposait-elle ?

Je ne vous ferai pas de querelle sur les chiffres : ceux-ci sont mauvais depuis longtemps. En revanche, je souhaiterais, la sécurité exigeant la vérité, qu'une autorité incontestable élabore chaque année des statistiques irréfutables, en croisant les données, en amont des enquêtes de victimisation.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Nous en sommes d'accord.

M. Claude Goasguen - Autre de ces mots que vous avez le talent d'inventer : la « coproduction » de la sécurité. Mais le terme suggère-t-il une politique énergique, dynamique, de nature à rassurer nos concitoyens ? Je ne le pense pas. Après les municipales, vous vous êtes aperçu que les Français aspiraient fortement à la sécurité mais il ne suffit pas d'un mot, et surtout pas de celui-là. En revanche, le rapporteur a fait un premier pas dans le bon sens en parlant de complémentarité, à propos de la police nationale et des polices municipales. Dès lors, pourquoi ne pas admettre que le maire serait le coordinateur naturel de ces moyens si diversifiés ? Lui saurait mieux que d'autres indiquer la direction. Mais coordinateur, pas coproducteur ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe DL)

Sur l'ordonnance de 1945, le débat me paraît très mal parti. Evitons de polémiquer à ce sujet : lorsque nous demandons que soit abaissé l'âge de la majorité pénale, nous signons notre échec à tous.

Même ceux que vous accusez d'être sécuritaires reconnaissent l'échec des institutions. Mais alors, plutôt que de s'obstiner dans une voie que l'on sait condamnée, il faut avoir le courage d'assumer son impopularité dans certains médias ou cénacles bien pensants, mais qui n'y connaissent rien, et de changer le système. La société française a changé depuis 1945 et l'ordonnance élaborée à cette époque où la cellule familiale fonctionnait encore ne lui correspond plus.

Monsieur le ministre, certaines de vos dispositions peuvent être utiles à la sécurité. Mais vous avez donné aux Français l'espoir que nous allions débattre de la sécurité, et nous en sommes loin. Vous devez donner les moyens juridiques à la police et aux magistrats de rétablir l'ordre. Vous voyez que notre position n'est pas subversive, puisque nous tentons d'imposer au Gouvernement l'impératif de l'ordre public et de la sécurité ! Nous voterons donc contre ce texte, tout en approuvant certaines de ses dispositions (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Jean-Pierre Blazy - Ce projet de loi entend apporter des réponses législatives à des problèmes de sécurité quotidienne. Son ambition n'est pas d'être une loi d'orientation et de programmation, comme l'opposition feint de ne pas le comprendre. Je dois d'ailleurs lui rappeler que la LOPS de 1995 n'a pas été appliquée parce que les budgets de l'intérieur et de la justice n'ont pas suivi. A l'opposé de vos pratiques, il est normal que ce texte vous choque ! Il a un objet limité et contient des mesures concrètes dont l'efficacité sera immédiate.

N'y a-t-il pas lieu de combattre la prolifération des armes à feu ?

M. Jean-Luc Warsmann - Il ne la combat pas !

M. Jean-Pierre Blazy - Faut-il, comme aux Etats-Unis, votre modèle, pays de la tolérance zéro, tolérer la prolifération des armes ? Selon un rapport récent, un jeune homme y est 23 fois plus susceptible d'être assassiné avec une arme qu'au Royaume-Uni ! D'où ces enfants victimes des armes dans les crèches, les écoles et les églises...

Ne faut-il pas agir au sujet des cartes bancaires ? Ne faut-il pas renforcer les capacités de la police nationale en permettant à ses fonctionnaires des corps de maîtrise et d'application, dès leur titularisation, de constater les crimes et délits et d'en dresser procès-verbal, de même qu'aux adjoints de sécurité et aux agents de police judiciaire adjoints ?

M. Christian Estrosi - Avec une formation de deux mois !

M. Jean-Pierre Blazy - Ce projet est utile. Il appartient évidemment au Parlement de l'enrichir, car il s'agit de la sécurité quotidienne, de la petite et moyenne délinquance qui exaspère nos concitoyens, détériore leurs conditions de vie et porte trop souvent atteinte à leur dignité ou à leur intégrité, morale ou physique.

Oui, des amendements pourront venir enrichir le texte gouvernemental.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Pas en ce qui concerne les pouvoirs des maires.

M. Jean-Luc Warsmann - Pas non plus en ce qui concerne les mineurs.

M. Jean-Pierre Blazy - Oui, malgré la procédure d'urgence, il faut rechercher d'ici la nouvelle lecture des solutions plus efficaces, notamment en ce qui concerne les occupations anormales et prolongées des parties communes d'immeubles.

Dès lors nous répondrons mieux aux attentes de nos concitoyens. Mais ne cherchons pas, avec ce texte, à transposer le « modèle » de la tolérance zéro, à créer des illusions, à faire croire que la municipalisation de la police de proximité serait la panacée...

Plusieurs députés UDF, RPR, DL - Caricature !

M. Jean-Pierre Blazy - Ne pensons pas qu'une énième réforme de l'ordonnance de 1945 et que des couvre-feu résoudraient le problème de la délinquance des mineurs.

A propos de la transposition à l'identique de la politique américaine de tolérance zéro, il me semble que ce qui échoue aux Etats-Unis ne pourra pas fonctionner chez nous. Le populisme punitif a conduit les Etats-Unis à incarcérer plus de 2 millions de personnes, proportionnellement 5 fois plus que les Européens et pour une durée moyenne trois fois supérieure à celle de la France. Six millions de personnes sont sous surveillance. La politique de ghettoïsation de l'espace urbain mène à sous-estimer la criminalité. Or le sentiment d'insécurité n'a jamais été aussi fort.

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Vous ne parlez que des Etats-Unis !

M. Jean-Pierre Blazy - En France, la réforme de l'ordonnance de 1945 n'est pas à l'ordre du jour. Le Premier ministre n'a pas exclu une évolution du texte. Mais celui-ci, remanié à de nombreuses reprises, tant par la gauche que par la droite, doit être d'abord pleinement appliqué notamment sur la question de la comparution immédiate.

M. Jean-Luc Warsmann - Quel aveu !

M. Jean-Pierre Blazy - N'oublions pas que c'est M. Chalandon qui a modifié l'article 11 et supprimé la détention provisoire pour les moins de 16 ans en matière correctionnelle. Peut-être avait-il alors des raisons compréhensibles.

La municipalisation de la police nationale constitue de la même manière une fausse alternative. Elle aggraverait les inégalités entre les communes et romprait donc avec l'exigence de l'égalité républicaine. L'insécurité est une injustice sociale et remet en cause le pacte républicain. En outre, la délinquance ne connaît pas les frontières communales. Seule la coproduction de la sécurité...

Plusieurs députés RPR - « La voilà » !

M. Jean-Pierre Blazy - ...mise en _uvre par le Gouvernement, donnera au maire un rôle essentiel dans la politique de sécurité.

Enfin, le couvre-feu pour les mineurs apparaît comme une solution d'un autre âge, sauf chez nos voisins anglais. C'est par la voie de la coproduction que nous traiterons la question de l'errance des mineurs, qui n'est d'ailleurs pas uniquement nocturne. C'est ce qu'en tant que maires nous nous efforçons de mettre en _uvre, dans le cadre du contrat de sécurité.

Il n'existe donc pas de solutions miracles. Il faut susciter l'engagement de tous dans la coproduction, mieux appliquer la législation et faire aboutir la grande réforme de la police de proximité.

Depuis 1997, la majorité plurielle a engagé des actions résolues. Les dernières élections municipales...

M. Jean-Luc Warsmann - Tout va bien à ce sujet !

M. Jean-Pierre Blazy - Ces élections ont montré une fois de plus l'importance croissante de cette question dans les préoccupations de nos concitoyens.

La gauche fait résolument le choix de traiter l'insécurité sans arrière-pensées idéologiques. La droite qui veut sans doute recycler l'obsession sécuritaire d'une partie de la population, cherche à l'exploiter.

Il ne faut pas politiser l'insécurité. Depuis quatre ans, depuis le colloque de Villepinte, le conseil de sécurité intérieure définit au niveau national des orientations et les contrats locaux de sécurité, au niveau communal ou intercommunal, mettent en _uvre la coproduction de la sécurité. La réforme de la police de proximité est engagée. Parallèlement, la législation a évolué sur les polices municipales, les chiens dangereux et la déontologie de la sécurité publique. Les budgets de l'intérieur et de la justice et de la ville ont connu une augmentation significative. L'Etat, les collectivités locales et leurs partenaires de la société civile collaborent, car l'Etat ne peut tout faire.

Il lui appartient de favoriser les évolutions au sein des institutions. Les moyens financiers sont une partie de la réponse, et en 2002, les effectifs de la police de proximité auront augmenté de 8 %.

La gestion des effectifs est encore plus importante : les policiers les plus jeunes, qui viennent souvent de province, ne devraient pas être dans les commissariats les plus difficiles.

M. Jean-Luc Warsmann - Le projet de loi n'en parle pas.

M. Jean-Pierre Blazy - Il faut aussi regretter que le redéploiement police-gendarmerie ait été bloqué. Il faudra du courage et beaucoup de concertation pour faire évoluer la situation.

La justice a été largement sinistrée en 1993 et 1997. Il y a eu 39 arrivées nettes de magistrats en 1997 !

Il y en a eu 226 en 2000 et 390 sont prévues pour 2005. Mais il ne s'agit pas que de moyens.

Des évolutions sont également nécessaires concernant par exemple les rapports entre la protection judiciaire de la jeunesse et les services de l'administration pénitentiaire. La prochaine circulaire de la garde des Sceaux aux procureurs de la République devrait aussi permettre un meilleur fonctionnement des groupes locaux de traitement de la délinquance.

M. Jean-Luc Warsmann - Une circulaire va régler le problème !

M. Jean-Pierre Blazy - Comme l'écrivait notre collègue Robert Pandraud dans Le Monde d'hier, il faut appliquer les textes existants, et en particulier se servir comme sanction du travail obligatoire d'intérêt général.

Cela n'empêche pas de renforcer le dispositif législatif pour répondre aux attentes concrètes des Français en matière de sécurité. Tel est l'objet de ce projet ; le groupe socialiste le votera donc (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Luc Warsmann - Je voudrais d'abord rendre hommage à tous les policiers et gendarmes qui veillent au quotidien au respect de nos lois. Ils paient, à travers les agressions qu'ils subissent, un tribut de plus en plus lourd (« Très bien ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

L'aggravation de l'insécurité inquiète les Français. Dans de nombreux quartiers, les médecins, les infirmiers, les sapeurs-pompiers ne parviennent plus à exercer leurs missions, les forces de l'ordre ont de plus en plus de difficultés à intervenir. Le phénomène a tendance à s'étendre.

Les Français perdent petit à petit confiance en l'Etat pour faire respecter la loi. Les chiffres officiels de la délinquance sont bien loin de la réalité puisque, d'après une étude réalisée par l'Institut de hautes études de sécurité intérieure, une personne victime d'une dégradation volontaire de son véhicule ne porte plainte qu'une fois sur six, une victime de cambriolage une fois sur deux... Nos concitoyens sont en effet souvent persuadés que leur plainte n'aboutira pas. En outre, ils ont peur que celle-ci entraîne des représailles -quatre pneus crevés au lieu de deux, ou la voiture incendiée...

Bien plus, environ 80 % des plaintes sont classées sans suite, ce qui provoque un sentiment d'impunité. Dans certains cas, on classe sans suite parce qu'on n'a pas trouvé l'auteur de l'infraction ; mais sans doute ne s'en est-on pas toujours donné les moyens... Lorsque l'auteur a été identifié, le taux de classement sans suite reste de 50 % ; autrement dit, une fois sur deux, l'auteur de l'infraction n'est pas jugé.

Alimentent aussi le sentiment d'impunité l'inadaptation des textes permettant de mettre en cause la responsabilité des mineurs -notamment dans le trafic de drogue-, l'engorgement de la justice et, enfin, l'inexécution d'un grand nombre de décisions de justice : le ministère de la justice refuse toute statistique mais il ressort d'une étude réalisée par le principal syndicat de magistrats que les peines de prison ferme ne sont appliquées qu'une fois sur deux.

J'ai été très choqué que le ministre nous dise tout à l'heure qu'il n'accepterait aucune modification de la législation sur les mineurs. On n'a pas 16 ans en 2001 comme en 1945...

En matière de sanctions, je pense, moi qui ai participé à la commission d'enquête sur les prisons, que tout est préférable à l'emprisonnement, particulièrement pour les mineurs. Néanmoins, pour permettre aux jeunes de reprendre pied au plus vite dans la vie normale, il faut sanctionner dès le premier dérapage.

Il faut aussi responsabiliser les parents, sans pour autant les culpabiliser.

Autre question : la tolérance zéro. Je remarque que M. Gayssot en est un défenseur zélé s'agissant de la sécurité routière. Il déclarait il y a peu encore que c'était le seul moyen de limiter l'hécatombe sur nos routes. Pourquoi ce qui vaut pour le code de la route ne vaudrait-il pas pour la délinquance ? Pour donner aux délinquants une chance de retourner dans le droit chemin, il convient de leur signaler au plus tôt quand et où ils ont franchi la ligne blanche.

Dernier point : le rôle des maires. Vous évoquez sans cesse « la coproduction » de la sécurité mais comment serait-elle possible quand les maires ne sont pas même informés des plaintes déposées sur le territoire de leur commune, et qu'ils doivent quémander les informations auprès du commissaire ou du commandant de brigade ? Une lutte efficace contre l'insécurité exige de placer le maire au c_ur du dispositif, non pour en faire un shérif, mais simplement parce qu'il est celui qui connaît le mieux sa commune et ses habitants et parce que son élection lui confère une légitimité incontestable. Pourquoi vous obstinez-vous à refuser de faire évoluer la législation sur ce point ?

A toutes ces questions, que nous nous posons sur tous les bancs, vous répondez par ce texte en quatre chapitres.

Le premier tend à modifier le décret du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions. Soit. Je suis favorable à la réglementation des armes...

M. Jean-Pierre Blazy - Très bien !

M. Jean-Luc Warsmann - ...car leur circulation et leur trafic sont source de violence.

Malheureusement, en proposant d'interdire l'ouverture d'une armurerie si « du fait de sa localisation, elle fait courir un risque particulier pour la sécurité ou l'ordre public », vous reconnaissez par la loi l'existence de zones de non-droit, ce qui est scandaleux. C'est admettre que l'Etat ne parvient plus à maintenir l'ordre sur tout le territoire.

M. Henri Cuq - Tout à fait !

M. Jean-Luc Warsmann - Autant je suis favorable à une autorisation préalable pour l'ouverture d'un commerce d'armes, autant cet aveu d'impuissance me fait mal. Par ailleurs, votre texte ne limite en rien les ventes d'armes.

Le deuxième chapitre vise notamment à conférer la qualité d'agent de police judiciaire adjoint aux adjoints de sécurité... alors même qu'un décret, en date du 24 août 2000 seulement, dispose que les ADS ne peuvent participer à des missions de police judiciaire ni à des opérations de maintien de l'ordre. Je m'interroge sur ce soudain revirement. Je m'interroge sur un gouvernement qui, la même semaine, refuse de rouvrir la négociation sur les salaires dans la fonction publique et reconnaît à 15 000 contractuels le droit d'exercer des fonctions étroitement liées aux missions régaliennes de l'Etat.

Que n'auriez-vous dit si vous aviez été dans l'opposition et que nous ayons agi de la sorte ?

M. le Président - Veuillez conclure, je vous prie.

M. Jean-Luc Warsmann - Ce texte nous déçoit grandement. Il ne reflète nullement son titre. Il n'est pas à la hauteur de l'enjeu et ne répond pas aux attentes des Français. Or, notre devoir de législateur est de voter des lois correspondant à ces attentes. Lors des dernières élections municipales, nos concitoyens ont exprimé leur aspiration à une plus grande sécurité. Je regrette que le Gouvernement ne les ait pas entendus (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Patrice Carvalho - Beaucoup de nos concitoyens subissent de plein fouet l'augmentation permanente du nombre des délits et des crimes et souffrent de l'insécurité. Une partie de la population considère d'ailleurs que sa sécurité n'est plus assurée dans les meilleures conditions.

Or, l'Etat, de par ses prérogatives régaliennes, a l'obligation de garantir la sécurité de tous sur l'ensemble de son territoire. Rousseau n'affirmait-il pas dans Le contrat social « Au lieu de tourner nos forces contre nous-mêmes, rassemblons-les en un pouvoir suprême qui nous gouverne selon de sages lois, qui protègent et défendent tous les membres de l'association ? »

Le contrat liant l'Etat à sa population est mis à mal. Le droit des obligations enseigne que lorsqu'une partie ne s'exécute pas de son obligation, l'autre partie dispose d'une exception d'inexécution. Et en effet, le non-respect de ce contrat peut entraîner une grave crise de confiance. Si l'Etat ne remplit pas ses obligations, pourquoi faudrait-il s'occuper d'élire ceux qui le représentent ? Pourquoi ne pas s'en remettre à la loi du plus fort et au chacun pour soi ?

L'insécurité est de surcroît l'une des formes les plus criantes de l'injustice sociale. La délinquance sévit plus particulièrement dans les quartiers populaires. Les classes sociales les plus défavorisées, déjà victimes d'injustices sociales et économiques -leur droit au travail et à une vie décente étant sans cesse bafoué, sacrifié sur l'autel d'un capitalisme sauvage qui ne vise que la recherche effrénée du profit- souffrent spécialement de l'insécurité liée à une délinquance de mieux en mieux organisée qui, disposant de moyens importants et jouissant d'un réel sentiment d'impunité, exerce sur certaines zones géographiques, un contrôle remettant en cause jusqu'au pacte républicain. Ces populations sont pourtant en droit d'attendre des pouvoirs publics qu'ils garantissent leur droit à la sécurité.

Vous reconnaissez vous-même, Monsieur le ministre, que ce projet « ne prétend pas tout résoudre », mais qu'il aborde des questions concrètes ». Quel manque d'ambition ! Les victimes de la violence quotidienne, qui la subissent quotidiennement jusque dans leur chair, n'attendent pas de vous que vous abordiez des « questions concrètes » : ils souhaitent des réponses concrètes.

L'enjeu est de taille : sera-t-on en mesure d'assurer la sécurité des générations futures ? Il y a urgence. L'explosion sociale menace. En effet, une partie de notre jeunesse semble ne plus avoir de repères pour vivre en communauté.

La situation est grave et appelle une volonté réelle de changement, seule position responsable face à l'ampleur des dégâts. Or, Monsieur le ministre, je l'avoue, votre attitude me laisse perplexe, et ce d'autant plus que vous avez été maire d'un arrondissement comptant nombre de quartiers dits « en difficulté ».

Il faut enclencher une dynamique de fond permettant à tous nos concitoyens de retrouver la paix à laquelle ils aspirent, en priorité dans ces quartiers où la vie est particulièrement difficile.

Or, vous vous contentez de ce que d'aucuns appelleraient un saupoudrage.

Le groupe communiste ne cherche pas à nuire à votre réformette, dont vous-même avez reconnu le manque d'ambition. Mais il s'interroge : le Gouvernement veut-il s'attaquer en profondeur à ce fléau ? Si oui les députés communistes sont prêts à faire part de leurs propositions et à faire partager leur expérience sur le terrain.

Monsieur le ministre de l'intérieur, vous êtes le ministre de tous les Français. Vous devez prendre en compte la peur dans laquelle vit une partie de la population otage d'un certain nombre de délinquants et faire preuve de courage politique afin de rétablir le respect du pacte républicain.

Ce texte se veut la traduction législative des mesures annoncées à l'occasion du conseil de sécurité intérieure du 30 janvier 2001. Son chapitre premier vise spécifiquement le commerce et la détention d'armes à feu. Il s'agirait de renforcer les conditions d'ouverture des commerces de détail des matériels relevant des sept premières catégories. Celle-ci serait désormais subordonnée à l'obtention d'une autorisation administrative préalable. Les députés communistes ont d'ailleurs déposé un amendement visant à renforcer encore ces conditions en soumettant l'autorisation, à l'avis du maire. Dans le prolongement de la volonté exprimée par le Gouvernement d'associer les maires à la politique de sécurité, il semble important que le préfet sollicite l'avis du maire.

Il faut encadrer au maximum l'ouverture des commerces d'armes. Souvenons-nous de ce supermarché d'armes qui a ouvert au pied d'une cité particulièrement sensible de la région parisienne. Les députés communistes ont déposé un amendement visant à limiter les risques nés de l'implantation de tels commerces. Lorsque l'exploitation d'une armurerie présente un risque particulier pour l'ordre ou la sécurité publique, l'autorisation doit être refusée.

Nous avons de même proposé un amendement visant à interdire le commerce de détail par correspondance ou à distance, la vente directe entre particuliers mais aussi la location et le prêt d'armes ou de munitions.

Afin d'éviter une prolifération qui alimenterait un véritable marché parallèle, il importe de restreindre autant que possible la circulation des armes, car nombre de celles mises en vente dans des circuits occultes sont le produit de vols. Nous avons donc déposé un amendement obligeant les titulaires d'armes à les conserver dans des conditions qui en réduisent la « dangerosité » potentielle.

Nous constatons tous, d'autre part, que l'accroissement du nombre des délits s'accompagne d'un phénomène des plus inquiétants : le passage à l'acte se fait de plus en plus tôt, et ce constat devrait constituer l'épicentre de l'action du Gouvernement. Pour être efficace, celle-ci doit être équilibrée ; or, il me semble que vous n'avez pas assez pris en considération la situation des victimes (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UDF). Toutefois, si une « victimisation » outrancière des délinquants ne peut aboutir qu'à l'échec, une conception simpliste niant les facteurs sociaux de la délinquance n'est pas plus satisfaisante (Exclamations sur les bancs du groupe UDF).

Naguère, un clivage net séparait les tenants du « tout répressif » de ceux du « tout éducatif ». Dans le premier registre, nous avons pu entendre des propos savoureux : ainsi, un ancien ministre délégué à la sécurité, aujourd'hui député RPR, préconisait hier, dans un quotidien du soir, de faire porter aux délinquants condamnés « une tenue spécifique qui leur ôterait l'envie de jouer les caïds » - comme dans certains Etats américains où on leur fait porter des uniformes à rayures et des chaînes aux pieds !

M. Jean-Antoine Leonetti - Et en Sibérie ?

M. Patrice Carvalho - La réponse n'est ni le « tout répressif » ni le « tout éducatif », mais un mélange des deux. Il n'est pas tolérable, par exemple, que de jeunes délinquants demeurent impunis grâce au vide juridique qui les entoure, et soient relâchés quelques heures après leur arrestation, car cela nourrit le sentiment d'insécurité. Mais, d'un autre côté, les structures éducatives adéquates sont en nombre insuffisant.

Le dispositif de lutte contre la délinquance doit comporter un éventail de réponses adaptées aux phénomènes nouveaux qui apparaissent, et être ancré dans une perspective à long terme. Une réflexion globale sur la jeunesse, en particulier sur celle qui vit dans les quartiers populaires, est nécessaire, car il est de notre devoir de lui redonner les aspirations qu'elle est en droit d'avoir. Le matérialisme est devenu l'échappatoire d'une partie de notre jeunesse, incitée par la publicité à ne reconnaître et à ne respecter que les signes extérieurs de richesse, quitte à recourir sans retenue aucune, pour accéder à cette profusion de biens, à la violence envers ceux qui, comme eux, vivent dans ces quartiers difficiles.

M. Pierre Cardo - C'est vrai !

M. Patrice Carvalho - Redonner un ensemble de repères à cette jeunesse est une condition sine qua non pour que la vie en communauté reste possible.

Nos interrogations sur ce texte, qui ne peut constituer qu'une ébauche de réponse aux nouvelles formes de la délinquance, soulignent l'ampleur des réformes qui restent à accomplir. Je livrerai à votre réflexion, en conclusion, ce propos de Saint-Just : « Le jour où je serai convaincu qu'il est impossible de donner au peuple français des m_urs douces, énergiques, sensibles et inexorables pour la tyrannie et l'injustice, je me poignarderai » (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe RCV).

M. Jean-Antoine Leonetti - Ne faites jamais cela ! (Marques d'approbation sur divers bancs)

M. Renaud Donnedieu de Vabres - Ce projet de loi nous fait passer à côté d'un débat capital. Qu'il s'agisse d'un simple effet d'annonce post-municipal ou pré-présidentiel, ou bien d'une législation émotionnelle à intention médiatique, il ne répond pas à la forte exigence de sécurité exprimée par les Français. Je le regrette, car un débat parlementaire, c'est l'occasion de faire _uvre pédagogique, de dire clairement quelle est la règle.

Nous ne cherchons pas à polémiquer, mais seulement à parler vrai et à sonner juste, sur un sujet qui met en cause la vie de la cité. Nous souhaitons un plan d'action cohérent, responsable, réaliste, à la fois rigoureux et généreux, car l'objet même de la politique, c'est de faire vivre ensemble des gens de toute sorte, quel que soit leur passé, et quelles que soit, parfois, les fautes qu'ils ont pu commettre. C'est difficile, car nous avons à extirper un fléau grandissant, et il nous faut, en quelque sorte, « changer de braquet », dire avec plus de force que naguère un certain nombre de choses. Ne rien faire, ou laisser faire, c'est laisser s'installer une situation de plus en plus explosive.

Si certaines dispositions proposées constituent des progrès partiels, il est clair qu'il faudra, pour une action en profondeur, attendre 2002. Un autre projet sera nécessaire pour répondre aux aspirations des victimes et de leurs familles, ainsi que des fonctionnaires exposés : policiers, gendarmes, enseignants, travailleurs sociaux, chez qui nous sentons poindre le découragement parce qu'ils ne se sentent pas assez soutenus, que ce soit par nous-mêmes, par les moyens mis à leur disposition ou, plus généralement, par la collectivité nationale.

Répondre à leurs aspirations, c'est mettre en _uvre une vaste politique, qui mêle répression et prévention, et qui repose sur la multiplicité des intervenants et sur la diversité de moyens, et cette multiplicité, cette diversité mêmes peuvent contribuer au sentiment d'impunité. Nous avons été quelques-uns, cet été, à rencontrer, en tant que membres de la commission d'enquête sur les prisons, de jeunes détenus, et nous en avons tous retiré la même impression, que nous avons d'ailleurs livrée à Mme la Garde des Sceaux : leur attitude à notre égard n'était même pas agressive, mais carrément indifférente, ce qui est, d'une certaine façon, encore pire ! Parler de sécurité quotidienne sans évoquer ce genre de question, c'est passer à côté d'une grande partie du problème.

Parler de sécurité quotidienne, ce doit être aussi, en effet, parler du rôle de l'école, des travailleurs sociaux, des élus, de la justice, des services publics, et j'en passe. L'heure est venue, pour reprendre une expression qui vous est chère, Monsieur le Ministre, d'un « plan ORSEC », qui mobilise des moyens importants dans tous ces domaines.

Certes, lors du vote des articles, nous ne nous opposerons pas, et même, sous réserve de certains amendements, nous pourrions approuver les dispositions sur les chiens dangereux, sur les armes à feu, sur les cartes de crédit, sur l'habilitation des gardiens de la paix et des emplois-jeunes ; tout cela est très utile. Mais, dans un projet qui traite de la sécurité quotidienne, faire l'impasse sur l'ouverture des antennes de police la nuit et la multiplication des patrouilles ; sur la question des mineurs ; sur celles de la drogue et des armes blanches ; sur celle des lieux d'accueil pour les jeunes de certaines cités, qui, faute d'un local associatif, culturel ou sportif, restent au pied de leur immeuble et sont incités à faire des bêtises, qui deviennent un jour des délits ; ne pas traiter des problèmes de pratique sportive et culturelle ; de la question des substituts à la prison, qui n'est pas la solution pour nombre de mineurs ; de la nécessité d'activités économiques de proximité dans les quartiers ; de la reconnaissance du travail des gardiens d'immeuble ; de l'insuffisance de la médecine scolaire dans la détection des problèmes psychiatriques ; de la responsabilisation des parents ; du soutien aux enseignants, sans cesse exposés à plus de violences et de difficultés ; de la reconnaissance financière des fonctionnaires les plus exposés ; de la question de la tolérance zéro, fondée sur des réponses graduelles à toute infraction ; des moyens programmés pour la justice et la sécurité -c'est passer à côté des problèmes les plus importants de la sécurité quotidienne.

Il faut, j'y insiste, renforcer les moyens nécessaires pour toutes les fonctions régaliennes de l'Etat, celle que vous incarnez comme celle que représente notre collègue garde des Sceaux. Vous devriez utiliser la caisse de résonance de l'opinion publique, voire le soutien de l'opposition, pour obtenir du Premier ministre qu'il y ait, pour chacune des fonctions régaliennes de l'Etat, une vraie loi de programmation, avec interdiction juridique à notre collègue des finances d'en remettre en cause par voie réglementaire l'exécution annuelle.

Vous passez également à côté d'une chose très importante : la nécessité de redéfinir avec clarté qui est responsable de quoi dans notre pays. D'après la loi actuelle, le maire est responsable de la sécurité et de la tranquillité publiques. Lorsque, durant la campagne municipale, nous avons questionné le Premier ministre à ce sujet, il a balayé d'un revers de main cette responsabilité légale et républicaine des maires, en qualifiant de shérifs ceux qui se préoccupent de la sécurité de leurs concitoyens. Ils nous reprochait de vouloir introduire des m_urs américaines. C'est faux ! Respecter la loi, et la répartition des compétences telle qu'elle existe, ce n'est pas donner le modèle du shérif. C'est vouloir donner aux citoyens un interlocuteur, directement responsable devant eux, élu par le suffrage universel, donc légitime, et soumis à l'obligation de gagner leur confiance. Vous passez à côté de cette réforme nécessaire.

M. Bockel s'est exprimé avec vivacité contre l'opposition. Mais le 22 mars, il déclarait : la gauche n'a pas un discours audible sur ce sujet, alors que le Président de la République, en janvier, à Dreux, a su tenir un discours équilibré, ni droitier ni réactionnaire... Cela montre que sur les questions de sécurité nous pouvons peut-être nous retrouver, pourvu qu'on ne soit pas archaïque.

Je regrette donc, Monsieur le ministre, que vous n'acceptiez pas cette avancée dans la mise en _uvre de responsabilités nouvelles du maire. Il ne s'agit pas de remettre en cause le statut d'Etat des fonctionnaires de la police nationale, ni des militaires de la gendarmerie, mais de faire en sorte qu'il y ait, au c_ur des réalités concrètes, un interlocuteur clairement désigné -en liaison bien sûr avec le préfet et le procureur. C'est une question de clarté pour les citoyens. Vous pouvez retirer au maire ses prérogatives de police, et abroger l'article de loi qui le rend responsable de la sécurité publique, pour transférer cette responsabilité au préfet : au moins il y aurait pour les citoyens un interlocuteur unique et clair. Ou sinon il vous faut franchir une étape, considérant que les citoyens se tournent plutôt vers le maire que vers le préfet quand ils ont un problème d'insécurité. Je regrette que vous ne vouliez pas franchir cette étape.

Les solutions alternatives à votre politique, nous les avons échafaudées, et vous allez découvrir au fil des mois que l'opposition n'en est plus au stade de la critique, mais de la préparation de l'alternance. Avec tous les collègues ici présents sur les différents bancs de l'opposition, nous nous sommes mis d'accord, après un certain nombre de discussions, sur des propositions concrètes. Elles tendent tout d'abord à permettre de mieux appréhender les chiffres de la délinquance grâce à un observatoire indépendant. Nous souhaitons d'autre part adapter l'ordonnance de 1945 aux nouvelles formes de la délinquance juvénile. Nous ne recherchons à ce sujet ni l'effet d'annonce, ni la polémique : nous souhaitons répondre aux nouveaux défis. Ce n'est pas de gaieté de c_ur qu'on voit sans cesse diminuer l'âge des délinquants et augmenter la gravité des actes.

Pour ces raisons, l'UDF votera certaines des mesures ponctuelles que vous proposez. Mais, au regard de ce qui est une priorité nationale, l'effet d'annonce que vous avez obtenu de la presse n'empêche pas que vous passez à côté des problèmes essentiels. Nous ne saurions donc voter le projet dans son ensemble (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Pierre Cardo - Nous nous attendions à discuter d'un projet sur la sécurité quotidienne des Français : nous trouvons un projet qui traite des armureries, des qualifications dans la police, de la contrefaçon des moyens de paiement, des chiens dangereux et de l'immigration clandestine en Grande-Bretagne par le transmanche. Ces sujets, aussi hétéroclites qu'éloignés des soucis quotidiens des Français, semblent tirer de textes différents et recollés ensemble pour l'occasion... Cela fait un peu brocante, voire publicité mensongère, et masque mal la misère de votre projet en matière de sécurité. Le Premier ministre déclarait récemment qu'il cherchait un sens pour l'action du Gouvernement : je le comprends mieux maintenant !

Pourtant quand j'ai lu votre exposé des motifs, j'étais optimiste. En lisant sous la plume du rapporteur que la sécurité est un droit, qui conditionne l'exercice des libertés, je me suis dit : enfin ! Fini l'angélisme, ils ont changé. Certains atterrissages brutaux les ont rapprochés du terrain. D'autant qu'on peut lire plus loin : « les comportements délinquants, les vols et les violences s'exercent d'abord au détriment des plus défavorisés ». Quand je disais la même chose il y a encore deux ans, j'avais, selon vous, un discours sécuritaire, pour ne pas dire extrémiste.

J'attendais donc de vraies réponses à ces lourds problèmes d'insécurité quotidienne que sont les insultes, les menaces, le racket, les violences collectives, les zones de non-droit, les vols, les trafics, le rajeunissement de la délinquance, les dysfonctionnements de nos institutions sur le terrain. Hélas, il n'en est rien. Qu'une armurerie s'installe à un ou à dix kilomètres d'un quartier sensible n'y changera en rien le niveau de la délinquance. Les armes détenues illégalement sont achetées illégalement : les seuls à être gênés seront ceux qui les achetaient pour un usage légal.

On s'interroge d'autre part sur le rapport entre le contrôle de l'immigration clandestine sur le Transmanche et les préoccupations de sécurité quotidienne de nos concitoyens. Quant au pouvoir supplémentaire que vous donnez aux adjoints de sécurité, c'est-à-dire aux emplois-jeunes, en matière d'infractions au code de la route, qui sera rassuré et qui sera ennuyé, d'après vous ?

J'allais oublier les chiens dangereux : une petite pincée de pitbulls dans la loi, pour lui donner un arrière-goût de quartiers difficiles (Murmures sur les bancs du groupe socialiste). Mais les maires et les parquets qui se sont attelés au problème l'ont déjà réglé sans attendre cette disposition.

Non ! Ce n'est pas ce texte que les Français attendaient. Comme moi, ils espéraient de votre part un examen de conscience : que vous reconnaissiez l'échec du tout-préventif, dont vous fûtes si longtemps les champions, entraînant notre société sur la pente glissante du refus de la sanction.

La réponse à l'insécurité passe par la remise à plat complète de notre système préventif aussi bien que répressif. Elle implique la remise en question d'une école primaire qui amène le tiers de ses enfants, dans les quartiers sensibles, à ne maîtriser ni le français ni le calcul. Elle exige la responsabilisation des parents, qui abandonnent à la rue l'éducation de leurs enfants, par la mise en _uvre d'un contrat éducatif appuyé éventuellement sur leurs allocations familiales. Elle requiert une remise en cause de nos pratiques sociales qui déresponsabilisent les parents de tout enfant repéré comme ayant des problèmes. Il faut en outre renforcer les moyens pédopsychiatriques, notamment dans les collèges, où l'éducation nationale n'a pas jugé nécessaire de prévoir un suivi psychologique pour les adolescents, alors qu'il existe dans le primaire. Il faut renforcer les pouvoirs et les moyens de la police dans les secteurs difficiles, et assurer à ces fonctionnaires une meilleure formation et un autre statut. Les douanes et les brigades fiscales doivent épauler la police nationale dans les quartiers difficiles, afin de lutter contre les différents trafics. Il faut accroître le nombre des officiers de police judiciaire, seuls à même de mener des enquêtes permettant de faire aboutir les plaintes.

Dans chaque département, une politique pénale en direction des mineurs doit être coproduite, en s'appuyant sur les travaux des groupes de traitement local de la délinquance. Il faut augmenter le nombre de juges et de substituts des mineurs et imposer aux futurs magistrats, pendant les études à l'ENM, un stage dans les communes ayant des quartiers relevant de la politique de la ville.

Il faut adapter l'ordonnance de 1945 en abaissant de 13 à 10 ans l'âge auquel les mineurs deviennent pénalement responsables. En cinquante ans, une société change forcément et je rappelle que, lorsque cette ordonnance a été adoptée, la majorité était à 21 ans. Elle est aujourd'hui à 18 ans.

Il faut augmenter les moyens consacrés à l'aide éducative en milieu ouvert et créer des internats adaptés pour les jeunes délinquants.

Il faut reconnaître aux maires un rôle dans la conception et la mise en _uvre des politiques de prévention, mais aussi de répression, non pour en faire des shérifs, mais des chefs d'orchestre. Vous parlez de coproduction de la sécurité : où l'organiser mieux qu'à l'échelon de la commune ?

Enfin, il faut une vraie loi pour lutter contre les mouvements collectifs de violence qui se produisent dans certains quartiers, une loi qui sanctionne tous ceux qui auront contribué à ces émeutes.

Il y a vingt ans, M. Dubedout, initiateur de la politique de la ville, disait : « A situation inégalitaire, réponse inégalitaire ». Appliquez donc ce précepte pour sauver les milliers de victimes soumises aux agissements de semi-mafieux !

Voilà quelques éléments pour vous permettre de réussir votre copie en deuxième lecture, si vous souhaitez que votre projet soit digne de son titre. En attendant, peut-être pourriez-vous donner instruction aux parquets d'appuyer les conseils généraux et les mairies qui ont décidé de financer les pôles d'accueil pour jeunes en difficulté ou des Maisons de l'espoir, au lieu de les freiner. A défaut de faire reculer l'insécurité par la loi, vous auriez au moins aidé les acteurs locaux à l'enrayer.

Quant à votre projet, je n'ai pas grand chose à en dire, sinon que, sur un thème vital pour nos concitoyens comme pour votre avenir politique, il n'est pas à la hauteur des attentes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Jean-Marie Bockel - Je consacrerai ce bref propos à un sujet qui me tient à c_ur : les pouvoirs des maires. Les amendements de la commission, d'ailleurs inspirés de pratiques locales assez répandues, me paraissent enrichir le texte sur ce point et je me réjouis que le ministre semble les voir d'un bon _il. L'obligation d'informer les maires va de soi mais celle de les associer à la police de sécurité ouvrira sans aucun doute un champ d'expérimentation intéressant -en tout cas, la proposition vaut mieux que tous les débats idéologiques sur les rapports du maire et de la police nationale !

Disposant d'une légitimité démocratique, placé en première ligne et assuré de sa présence pour six ans, le maire peut contribuer à une certaine permanence des politiques. Il importe donc de le conforter dans sa mission d'animation, dans le cadre des contrats locaux de sécurité notamment. Peut-être, Monsieur le ministre, pourriez-vous suggérer quelques pistes à cet égard, avant de les ouvrir dans vos décrets, comme le permettent les amendements de la commission...

S'agissant de la police de proximité, le fait d'associer les maires à cette politique offrirait une garantie de concertation préalable avec les responsables de l'Etat. Nous poussons, grâce à notre expérience, au succès de l'entreprise -et nous y contribuons d'ailleurs déjà.

Amendé par la commission, ce projet concret et positif nous permettra, je le crois, de progresser de façon pragmatique, dans le respect de la tradition républicaine, en assurant aux maires une position d'animateur des politiques locales de sécurité. En ce sens, il s'inscrit assurément dans une politique générale qui va dans la bonne direction (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Claude Guibal - L'insécurité est, on l'a dit et redit, l'une des préoccupations majeures des Français, sinon la principale. Il était donc bon que le Gouvernement nous présente ce projet sur la sécurité au quotidien. Mais quelle déception quand on en découvre le contenu ! Autant le dire d'emblée, il n'est pas à la mesure des enjeux et ne parviendra qu'à ancrer davantage les Français dans leur conviction que, décidément, pour la gauche plurielle, la sécurité est un sujet tabou.

Les Français attendent une politique globale, novatrice et volontariste : au lieu de quoi vous leur proposez un catalogue disparate de mesures ponctuelles qui, pour la plupart, n'ont rien à voir avec la lutte contre l'insécurité. Pouvez-vous croire qu'ils se satisferont d'un si léger saupoudrage ?

Je ne dis pas qu'il ne soit pas nécessaire de lutter plus efficacement contre la fraude aux cartes bancaires et contre la multiplication des chiens dangereux, ni resserrer le contrôle sur les filières d'immigration clandestine. En revanche, comment ne pas s'insurger contre votre agression camouflée à l'égard des chasseurs, sous le prétexte vertueux de mieux contrôler les ventes d'armes -à l'exception cependant des armes blanches ? Et comment ne pas remarquer votre silence assourdissant s'agissant de la lutte contre la toxicomanie ou des moyens de la police nationale ? Croyez-vous vraiment que ces dispositions changeront quoi que ce soit à la réalité de la délinquance ?

Du reste, qu'avez-vous fait de significatif depuis la grand-messe de Villepinte ?

M. le Ministre - Nous avons accru les effectifs que vous aviez réduits !

M. Jean-Claude Guibal - Les contrats locaux de sécurité ? Nous attendons toujours que soit établi le bilan de ce bavardage institutionnalisé ! La police de proximité ? Enfin un concept neuf, mais vous ne vous donnez pas les moyens de le rendre opérationnel.

Bien sûr, personne ne prétendra qu'après des décennies de laxisme, d'interdiction d'interdire et de dénonciation de toute forme d'autorité, il soit facile de faire respecter les règles élémentaires de la vie en société. Personne ne niera qu'après avoir mis tant d'acharnement à ne parler que des droits de l'homme et jamais des devoirs du citoyen, à se préoccuper de la présomption d'innocence des délinquants et si peu de la protection des victimes, il faille aujourd'hui procéder à une révolution copernicienne. Mais, de cela, vous ne paraissez pas capables.

La question de la sécurité se pose en des termes nouveaux dans une société où le sentiment d'appartenance et de responsabilité personnelle s'affaiblissent à mesure que progressent l'individualisme et l'assistance. Il ne s'agit donc pas de revenir au passé et encore moins d'instaurer un système dont l'homme ne serait pas le centre. Il s'agit d'établir une hiérarchie claire des priorités et de mettre en pratique les mesures qui en découlent. Dans cet ordre d'idées, il convient sûrement de poursuivre les actions d'éducation, de prévention et d'insertion. Mais à l'évidence, la politique de prévention a atteint ses limites et elle doit donc trouver un prolongement dans un dispositif de sanctions adapté. Tel est l'objet des amendements que nous défendrons comme des propositions de lois que nous avons présentées et qui préfigurent un projet global. Ils portent notamment sur la responsabilisation des parents et la mise sous conditions des prestations familiales, sur l'abaissement de l'âge de la responsabilité pénale, sur le renforcement des travaux d'intérêt général, sur la création d'unités d'éducation renforcée et sur les compétences à donner aux maires dans la lutte contre la petite délinquance.

Vous voyez, nous ne sommes pas sur la même « longueur d'ondes ». Je le regrette d'autant plus que ce sont nos concitoyens les plus faibles qui sont les premières victimes de l'insécurité quotidienne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

Mme Chantal Robin-Rodrigo - « La sécurité est un droit et une aspiration légitime des Français. L'insécurité est une forme d'inégalité sociale car elle touche d'abord les plus démunis ». Le 17 juin 1997, par son discours de politique générale, le Premier ministre a lancé une nouvelle politique, plus proche des citoyens, et cette politique s'est déjà concrétisée : définition de départements prioritaires pour le déploiement des forces de l'ordre, mise au point des contrats locaux de sécurité dont le succès est maintenant avéré, programme en faveur de la sécurité dans les transports, traitement de la délinquance des mineurs.

Le présent projet s'inscrit dans le droit fil de cette politique, s'il s'agisse de combattre l'usage des armes à feu, de lutter contre l'impunité par un renforcement des prérogatives de police judiciaire de la police nationale ou de réagir contre les formes de délinquance nouvelles.

Pour éviter que l'on ouvre à nouveau un commerce d'armes à feu et de munitions au c_ur d'un quartier réputé sensible, il était nécessaire de réglementer l'installation de tels magasins. Atteinte à la liberté individuelle ? Non : il s'agit avant tout de prévenir le risque de mort par arme à feu et le risque de cambriolage.

Les fédérations de chasseurs se plaignent. Je pense que des mesures dérogatoires, et qui ne nuiraient pas aux contrôles, pourraient leur être destinées. Ne pourrait-on envisager que les ventes d'armes et de munitions aux chasseurs transitent par les fédérations ?

En matière d'impunité, le projet comporte des améliorations. Une des orientations principales du Gouvernement depuis 1998 était déjà d'assurer une présence accrue de la police et de la gendarmerie dans les zones sensibles, et une autre de répondre systématiquement à chaque acte de délinquance. Les principes sont désormais largement mis en _uvre, avec quelques difficultés pratiques que ce projet veut aplanir. N'oublions pas les décisions du 6 décembre 1999 tendant à assurer la présence effective de la police sur les lieux et le suivi des affaires. Le chapitre 2 du texte a donc pour objet d'accroître les prérogatives judiciaires de la police nationale. Le statut de ses membres contribue en effet à entraver son action. Certaines catégories de fonctionnaires auront donc désormais la possibilité de constater les infractions. Les adjoints de sécurité notamment pourront remplir plus efficacement leur rôle et assurer le traitement en temps réel des affaires. Mais j'insiste pour que les moyens nécessaires soient dégagés. Je sais, Monsieur le ministre, que vous ferez tout votre possible pour cela.

M. le Président - Je vous prie de conclure.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Vos avez été plus indulgent pour certains autres orateurs.

M. le Président - Le chronomètre permet de vérifier tous les temps de parole.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je voudrais pour finir déplorer qu'un sujet n'ait pas été abordé par le projet : la sécurité routière.

Mme Nicole Bricq - C'est vrai !

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Les accidents de la route sont la première cause de mortalité en France et cette véritable violence routière est aussi un problème de la sécurité au quotidien.

Cette observation mise à part, nous considérons que ce texte va dans le bon sens et nous le voterons (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

Mme Christine Boutin - La première question qui se pose est de savoir quel objectif poursuivait le Gouvernement en déposant ce texte à la va-vite. On était en droit d'attendre que l'Etat se recentre sur ses responsabilités et agisse comme un partenaire avec les autres acteurs. Au lieu de cela, vous proposez un patchwork de petites mesures qui ne résoudront rien. Croyez-vous vraiment qu'en attribuant un rôle de contrôle à la Banque de France, en la faisant sortir de se fonctions de régulation, vous assurerez une meilleure sécurité des cartes bleues ?

Mme Nicole Bricq - Oui !

Mme Christine Boutin - La Banque de France n'a ni la vocation ni les moyens d'assumer ce rôle. Je ne vois dans cette mesure que votre volonté, constante, dès qu'il s'agit d'économie, de réglementer et de contrôler.

M. le Rapporteur - Que proposez-vous ?

Mme Christine Boutin - Vous prenez ces mesures alors que les négociations dans le secteur étaient sur le point d'aboutir. Un projet de charte était prêt, que le ministre avait trouvé intéressant. Les Français ont besoin d'être rassurés sur les paiements électroniques, mais vous mettez tout ce travail par terre et escamotez le débat au fond ! En supervisant les négociations, qui sont maintenant définitivement arrêtées, l'Etat était dans son rôle puisque le système avait montré des failles. Et voilà qu'il affirme qu'un organisme d'Etat, la Banque de France, réglera tous les problèmes ! Vous qui réclamez plus de dialogue social, vous réussissez, comme pour les 35 heures et comme pour les retraites, à casser des négociations sur le point d'aboutir. Sans doute était-ce nécessaire pour conforter votre majorité vacillante.

Aux attentes des Français, vous répondez par une série de mesures disparates. Mais nous ne manquons pas de lois. Ce qui manque, c'est la volonté de les appliquer ! Nous disposons d'un arsenal de textes qui permettent de poursuivre systématiquement les auteurs de délits, de les sanctionner sans exception, d'utiliser la force publique et d'attaquer sans merci les structures organisées. Les élus, qui vivent l'insécurité au quotidien, attendent de l'Etat qu'il assume sa première mission : garantir la sécurité du territoire. Mais il préfère s'attribuer des tâches que les différents acteurs concernés peuvent très bien remplir dans leurs domaines de compétences respectifs et les laisser se débrouiller avec les responsabilités de l'exécutif national !

Le problème n'est pas législatif, mais exécutif. Nous attendions que vous fassiez respecter le droit existant, pas que vous lui apportiez des corrections de détail. Les Français ne sauraient se satisfaire de ce petit texte de circonstance (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Nicole Bricq - Certains membres de l'opposition contestent le titre du projet. Mme Boutin vient de parler de « texte de circonstance ». Je me propose cependant de démontrer que, dans le domaine de la sécurité bancaire plus spécialement, le projet répond bien aux problèmes du quotidien. Les Français nous disent de plus en plus qu'ils ont besoin d'être protégés, qu'il s'agisse par exemple de sécurité alimentaire ou routière. En ce qui concerne les cartes bleues, le chapitre 3 est le résultat d'un travail approfondi mené avec le corps social. L'initiative en revient en avril 2000 à Mme Lebranchu, alors secrétaire d'Etat à la consommation et aux PME. Un groupe de travail a été créé, qui s'est mis en relation avec les professionnels, les associations de consommateurs et les pouvoirs publics. Une mission parlementaire a été confiée à Jean-Pierre Brard en octobre 2000. Le sommet européen de Lisbonne de mars 2000 avait déjà établi comme une priorité la lutte contre la fraude internationale et le Conseil de sécurité intérieure de janvier 2001 a enfin défini une série de mesures. On ne peut donc parler de texte préparé à la va-vite.

Dans le même temps, un accord avait été passé entre professionnels bancaires et commerçants, approuvé par le ministre de l'économie, qui a d'ailleurs suscité une réaction d'humeur parmi les associations de consommateurs avant même que l'avis du Conseil national de la consommation ne soit définitif. Saluons le chemin parcouru : il n'y a pas longtemps, le groupement des cartes bancaires niait la fraude ; aujourd'hui, nous examinons un projet qui vise à la combattre.

Des amendements ont été déposés qui tendent à rééquilibrer les responsabilités entre banquiers et utilisateurs de cartes ainsi qu'à faire jouer, conformément à la demande des associations de consommateurs, un rôle à la puissance publique à travers la Banque de France, au sein de l'observatoire de la sécurité des cartes bancaires.

Nos concitoyens attendent du concret : nous leur en apporterons en votant ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jacques Pélissard - La sécurité est un droit pour l'individu et un élément essentiel du lien social. C'est, avec l'emploi et l'environnement, l'une des principales préoccupations de nos concitoyens, mais ce projet ne répond que très partiellement à leurs attentes.

Il ne s'agit pas d'un projet de loi sur la sécurité quotidienne, mais de quelques mesures techniques sans cohérence globale. Pour lutter contre l'insécurité quotidienne, il aurait fallu se préoccuper de ces personnes âgées, de ces mères célibataires qui n'osent plus sortir de leur appartement parce que l'escalier de leur HLM sert de lieu de rassemblement et de consommation de stupéfiants, qui n'osent pas appeler les services de police par peur de représailles ; il aurait fallu se préoccuper de ces locataires qui ne supportent plus de voir les portes communes fracturées, les boîtes aux lettres arrachées, les murs taggés. Le phénomène s'aggrave, malgré les efforts de prévention, de mixité sociale, de réhabilitation de logement et d'aide aux associations.

Il faudrait organiser la coordination entre l'Etat et les collectivités locales. Il n'y avait rien à ce sujet dans votre texte initial, Monsieur le ministre, vous parlez maintenant de « coproduction », mais avec votre amendement les maires seront des figurants beaucoup plus que des acteurs...

M. Jean-Luc Warsmann - Très bien !

M. Jacques Pélissard - En deuxième lieu, il faudrait introduire de nouvelles dispositions pénales. Ainsi, nous avons déposé avec Nicolas Sarkozy un amendement qui tend à faire de l'occupation abusive des halls et des escaliers une infraction.

Enfin, il faudrait accorder au juge plus de liberté dans le choix des sanctions, en lui permettant en particulier d'imposer un travail d'intérêt général.

Contre l'insécurité, il faut une approche globale et une volonté politique, que ce projet ne traduit pas (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Jacques Desallangre - La sécurité est, avec l'emploi, au premier rang des préoccupations de nos concitoyens. Toute personne vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité de sa personne et de ses biens !

L'insécurité est un facteur d'inégalité car elle frappe davantage les plus démunis. Quand elle s'ajoute au chômage et à la pauvreté, le désespoir menace. Elle résulte d'abord de la fragilisation du sentiment d'appartenance à la nation ; il faut donc remobiliser nos concitoyens autour des valeurs républicaines : la République est un régime de liberté, mais il n'y a pas de liberté possible sans sécurité.

Le projet initial du Gouvernement ne pouvait que nous paraître lacunaire. Mais il nous est possible de l'enrichir. Pour ma part, j'ai défendu un amendement visant à renforcer la sécurité dans les trains, en donnant aux agents de la force publique la possibilité de faire descendre un contrevenant. J'espère que sur ce point l'Assemblée adoptera l'amendement issu des travaux de la commission.

En attendant d'autres débats sur le thème de la sécurité, les députés MDC voteront ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

La suite du débat est renvoyée à la séance de jeudi après-midi.

Prochaine séance aujourd'hui jeudi 26 avril à 9 heures.

La séance est levée à 1 heure.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 26 AVRIL 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Suite de la discussion de la proposition de loi (n° 2946) de M. Yves Cochet et plusieurs de ses collègues tendant à interdire aux aéronefs de décoller et d'atterrir la nuit de tous les aéroports français.

M. Yves COCHET, rapporteur au nom de la commission de la production et des échanges. (Rapport n° 3002).

2. Discussion, après déclaration d'urgence, de la proposition de loi (n° 2983) de M. Jacques Rebillard et plusieurs de ses collègues portant amélioration de la couverture des non-salariés agricoles contre les accidents du travail, de la vie privée et les maladies professionnelles.

M. Jacques REBILLARD, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 3006).

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi (n° 2938) relatif à la sécurité quotidienne.

M. Bruno LE ROUX, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. (Rapport n° 2996)

M. Jean-Pierre BRARD, rapporteur pour avis au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan. (Avis n° 2992).

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.

Le Compte rendu analytique
est disponible sur Internet
en moyenne trois heures après la fin de séance.

Préalablement,
est consultable une version incomplète,
actualisée au fur et à mesure du déroulement de la séance.

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