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Session ordinaire de 2000-2001 - 75ème jour de séance, 171ème séance

2ème SÉANCE DU JEUDI 10 MAI 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL,
          ÉDUCATIF ET CULTUREL (suite) 2

          APRÈS L'ART. 13 (précédemment réservé) 2

          ART. 12 (précédemment réservé) 5

          APRÈS L'ART. 12 (amendement précédemment réservé) 13

          APRÈS L'ART. 13 (amendements précédemment réservés) 13

          EXPLICATIONS DE VOTE 16

          MUSÉES DE FRANCE 17

La séance est ouverte à quinze heures.

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DISPOSITIONS D'ORDRE SOCIAL, ÉDUCATIF ET CULTUREL (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, éducatif et culturel.

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APRÈS L'ART. 13 (précédemment réservé)

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - La loi du 6 juillet 2000 a fixé de nouvelles conditions de délivrance des diplômes et qualifications permettant d'enseigner, d'animer, d'entraîner ou d'encadrer contre rémunération une activité physique ou sportive.

L'application de ce nouveau dispositif demande une concertation poussée et implique donc un délai de mise en _uvre. Pendant cette période transitoire, il importe de ne pas compromettre l'exercice de ces activités et de ne pas entraver le tourisme.

L'amendement 17 tend donc à proroger, jusqu'au 31 décembre 2002, la validité de tous les diplômes inscrits, avant le 10 juillet 2000, sur la liste d'homologation arrêtée par le ministère chargé des sports.

Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports - Avis favorable.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

M. Germain Gengenwin - C'est sans illusion excessive que je présenterai l'amendement 91, car le rapporteur et la ministre ne manquent pas de faire valoir que la dispositions proposée n'a pas sa place dans le texte... encore que... ne traitons-nous pas de mesures d'ordre social ? Or, la loi du 23 décembre 1998, en disposant que les recettes tirées de la location d'un fonds de commerce par une personne en activité seraient désormais soumises à cotisation, a créé une injustice, car elle ne distingue pas les commerçants qui poursuivent leur activité de ceux qui n'ont pas d'autre rémunération. Voilà qui explique l'amendement.

M. le Rapporteur - M. Gengenwin, qui a régulièrement présenté cet amendement à la commission, n'ignore pas qu'elle l'a tout aussi régulièrement rejeté. Son avis est toujours défavorable.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Cette disposition avait été introduite dans la loi de 1998 pour dissuader ceux qui les pratiquaient de recourir à des montages artificiels visant à échapper aux prélèvements sociaux. La préoccupation demeure, et le maintien de la disposition reste nécessaire. Avis, donc, défavorable.

L'amendement 91, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. le Rapporteur - Mme Odette Grzegrzulka a plaidé avec ferveur en faveur du relèvement du plafond de ressources fixé pour l'accès à la CMU, de manière que les bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés d'une part, du minimum vieillesse d'autre part, puissent y prétendre. Une telle modification n'étant pas de nature à créer des dépenses supérieures à celles qui étaient prévues lors de la création de la CMU, la commission a adopté l'amendement à une très large majorité.

Dans votre réponse à Mme Grzegrzulka, au cours de la discussion générale, vous avez tracé quelques pistes, Madame la ministre. Sans doute nous direz-vous quelle est la position du Gouvernement sur cette très importante question.

M. Maxime Gremetz - J'indique pour commencer que je demanderai un scrutin public sur l'amendement 50, puisqu'il apparaît désormais suffisant de formuler une requête oralement. Une nouvelle version du Règlement, sans doute...

M. le Président - Soyez assuré, Monsieur Gremetz, que je veille à l'application du Règlement, et veuillez poursuivre.

M. Maxime Gremetz - Dès l'ouverture de la discussion préalable à la création de la CMU, nous avions demandé que le plafond de ressources ne soit pas fixé de manière aléatoire mais par référence à un critère indiscutable : le seuil de pauvreté, déterminé par l'INSEE et par des organismes internationaux. Il nous avait été répondu, à l'époque, qu'une telle disposition serait impraticable, car trop coûteuse.

La situation économique ayant heureusement évolué, on constate que la totalité de l'enveloppe affectée à la CMU n'a pas été utilisée. Nous avons donc toute latitude pour passer d'une vision caritative de la CMU à l'ouverture d'un droit fondé sur un critère indiscutable. C'est ce à quoi tend l'amendement 50 dont je constate, pour m'en féliciter, qu'il a soudain réapparu, après être passé, en commission, à la trappe de l'article 40. Mystérieuse souplesse...

M. le Président - Je suis saisi par M. Gremetz et le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur l'amendement 50 mais aussi sur l'amendement 15.

Mme la Ministre - J'ai dit à Mme Grzegrzulka toute l'importance que j'attache à la question qu'elle a abordée : assurer aux bénéficiaires de l'AAH et du minimum vieillesse l'accès à la CMU. Je lui ai dit que je partageais cet objectif, qui est aussi celui de la commission, mais je lui ai aussi fait part de mes réserves, qui s'expliquent notamment par le coût du dispositif envisagé.

Je suis favorable à une démarche plus progressive sur la base d'une réflexion approfondie. Du reste, je ne suis pas hostile au principe de mettre en place un dispositif complémentaire à la CMU qui permette de traiter les effets de seuil. Il semble cependant de bonne méthode d'attendre les résultats de l'évaluation sur la mise en place de la CMU qui doivent être rendus avant la fin de cette année.

Dans l'immédiat, les caisses d'assurance maladie se mobilisent pour prévenir les effets du basculement de l'aide médicale gratuite sur la CMU pour les personnes dont les revenus sont supérieurs à 3 600 F mais restent inférieurs à 4 000 F. Il importe en effet que les titulaires de l'allocation pour adultes handicapés et du minimum vieillesse puissent conserver une couverture maladie de qualité.

Je confirme donc que le Gouvernement s'engage à rendre éligibles à la CMU jusqu'au 31 décembre 2001 les anciens bénéficiaires de l'aide médicale gratuite dont les revenus mensuels -pour une personne isolée- sont compris entre 3 600 F et 4 000 F. Nous nous donnons aussi le temps de traiter sereinement leurs situations et d'explorer toutes les pistes de réflexion disponibles pour atténuer les effets de seuil. Au bénéfice de cet engagement, je vous invite, Monsieur le rapporteur, à retirer votre amendement.

M. le Rapporteur - J'y consens d'autant plus volontiers que le Gouvernement s'engage à retenir un seuil de ressources de 4 000 F mensuels qui excède le seuil de pauvreté communément admis et les montants respectifs de l'AAH et du minimum vieillesse.

Pour autant, cette solution transitoire ne règle pas tout et la commission souhaite approfondir ses travaux sur la question. Dès lors, Mme Grzegrzulka remettant son rapport sur l'application de la CMU le 30 mai prochain, les commissions souhaiteraient entendre Mme la ministre en audition publique le 13 juin 2001 pour poursuivre la réflexion sur les effets de seuil.

Avis défavorable sur l'amendement 50.

Mme la Ministre - Je remercie M. le rapporteur d'avoir accepté de retirer son amendement et je serai très heureuse de venir présenter à votre commission le 13 juin prochain les solutions pérennes qui sont envisagées pour compenser les effets de seuil.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement 50.

M. Robert Pandraud - Je reprends l'amendement 15 que le rapporteur vient de retirer car je préfère les actes aux promesses.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur les amendements 15, 50 et 49.

A la majorité de 15 voix contre 6 sur 22 votants et 21 suffrages exprimés, l'amendement 15 n'est pas adopté.

A la majorité de 16 voix contre 5 sur 22 votants et 21 suffrages exprimés, l'amendement 50 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 49 vise à rendre exigibles à la CMU les titulaires de tous les minima sociaux : RMI, allocation spécifique de solidarité, AAH, allocation d'insertion, minimum vieillesse, allocation parents isolés.

M. le Rapporteur - Défavorable. L'amendement tend en outre à déroger au principe d'universalité de la CMU en introduisant une discrimination entre les titulaires de minima sociaux et les ménages qui n'en bénéficient pas tout en se situant dans les mêmes tranches de revenus.

Mme la Ministre - Même avis. L'amendement 49 est comparable au 15 mais sa rédaction est plus fragile sur le plan juridique.

M. Maxime Gremetz - Les principes semblent cet après-midi encore à géométrie variable selon le point de vue qu'il semble opportun d'adopter ! Notre rapporteur semble avoir une conception bien singulière de l'universalité de la CMU.

A la majorité de 17 voix contre 2 sur 20 votants et 19 suffrages exprimés, l'amendement 49 n'est pas adopté.

M. Maxime Gremetz - L'amendement 48 est défendu.

M. le Rapporteur - Favorable. Cet amendement tend à favoriser la pratique du covoiturage en élargissant la protection du salarié au titre des accidents de trajet. Dans le cadre du covoiturage, il doit être en effet admis que le salarié soit amené à faire un ou plusieurs détours pour se rendre de son domicile à son lieu de travail.

Mme la Ministre - Il s'agit en effet d'un sujet important. Le code de la sécurité sociale définit du reste de façon assez large le trajet protégé par la législation sur les accidents du travail puisqu'il retient la notion de parcours accompli dans un temps « normal ». L'itinéraire garanti ne doit donc pas être détourné ou interrompu pour un motif personnel. Une abondante jurisprudence a en outre permis de faire évoluer de façon souple et pragmatique la notion d'accident de trajet. Elle a, à plusieurs reprises et de façon assez constante, considéré que, dans des circonstances assez proches de celles décrites dans l'amendement, il s'agissait d'accidents de trajet. Le Gouvernement, favorable au développement du covoiturage, s'interroge toutefois sur l'opportunité de légiférer à ce sujet. Il s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 48, mis aux voix, est adopté.

M. Maxime Gremetz - Historique !

M. le Rapporteur - Tout arrive !

L'amendement 16, présenté en commission par M. Terrasse, tend à permettre aux comités d'entreprise de financer sur leur budget « Activités sociales et culturelles » des organisations caritatives ou humanitaires. Il tente de remédier aux difficultés que certains comités finançant par exemple les Resto du c_ur ont pu rencontrer avec les services fiscaux.

Mme la Ministre - Cet amendement dérogerait à l'article L. 432-8 du code du travail, lequel définit précisément les activités sociales et culturelles des comités d'entreprise, de façon à éviter que leurs fonds ne soient détournés au profit d'autres que les salariés et leur famille. Il n'est d'ailleurs pas certain que les salariés des petites entreprises soient favorables à ce que leur comité d'entreprise subventionne des associations humanitaires ou caritatives.

La proposition mérite donc d'être retravaillée pour s'entourer de toutes les garanties nécessaires. Il conviendrait notamment d'exiger un vote à la majorité du comité d'entreprise, ainsi que la vérification des statuts des associations subventionnées, et de limiter ce type d'aide à une fraction de la subvention annuelle du comité. En outre, cet amendement risquerait d'être considéré comme un cavalier. Je suggère donc à ses auteurs de le retirer : il trouvera mieux place dans le projet de loi de modernisation sociale que l'Assemblée examinera en seconde lecture dans deux semaines. Cela permettra en outre de recueillir d'ici là l'avis des partenaires sociaux.

M. Germain Gengenwin - Si je partage la philosophie de cet amendement, j'estime que des garde-fous seraient nécessaires.

M. Maxime Gremetz - Je partage l'avis de la ministre.

La subvention des comités d'entreprise est calculée en pourcentage de la masse salariale -souvent amputée puisque ne sont pas pris en compte les travailleurs précaires. Et il faut souvent batailler pour que les comités reçoivent leur dû, avec lequel ils ont la plupart du temps bien du mal à satisfaire les demandes des salariés et de leur famille. Je n'en connais pas beaucoup qui auraient les moyens de subventionner des associations caritatives. En tout état de cause, les comités doivent rester souverains de leur décision.

M. le Rapporteur - En effet. La décision est prise par les délégués élus qui rendent compte à leurs mandants.

Cet amendement pourrait être considéré comme un cavalier, nous dit Mme la ministre. Mais il est certain qu'il le sera en seconde lecture si nous ne le votons pas aujourd'hui. Je propose donc que nous l'adoptions en l'état, quitte à en améliorer la rédaction d'ici à la deuxième lecture.

L'amendement 16, mis aux voix, est adopté.

Mme Nicole Catala - Je souhaite faire un rappel au Règlement pour déplorer très vivement les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte. Depuis hier, nous avançons dans le brouillard le plus épais puisqu'à la suite de multiples réserves demandées par le Gouvernement, comme il en a certes le droit, nous ne savons jamais quels articles vont être examinés à une heure donnée. Cela tient certes au caractère de pot-pourri de ce texte. Mais quelles que soient les contraintes des ministres qui depuis hier vont et viennent au gré des sujets, les parlementaires n'ont pas à être à leur entière disposition. Un amendement auquel je tenais après l'article 13 devait être appelé vers 15 heures 15 : il l'a été en tout début de séance, si bien qu'il n'a pu être défendu. Voilà qui est inadmissible. Trop, c'est trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Madame la vice-présidente, vous pourrez vous entretenir de ce problème avec le ministre chargé des relations avec le Parlement mardi prochain en Conférence des présidents.

A la demande du Gouvernement, les amendements 13, 100, 14, 80, 55 et 53 sont réservés jusqu'après l'examen des amendements portant article additionnel après l'article 12.

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ART. 12 (précédemment réservé)

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - L'article 12 a trait au statut de l'Institut d'études politiques. L'IEP est un établissement public d'enseignement au sens de la loi du 26 janvier 1984 relative à l'enseignement supérieur. Il bénéficie à ce titre d'une large autonomie et son conseil de direction dispose de pouvoirs étendus. Le Gouvernement souhaite aujourd'hui renforcer cette autonomie ancienne et donner une base législative à la pratique, constante à l'IEP depuis 1945, selon laquelle le conseil de direction fixe les conditions d'admission et le déroulement des études. L'initiative prise récemment par le conseil de favoriser l'accès à l'IEP d'élèves de lycées situés en zone difficile trouvera ainsi une assise législative.

Les lycéens concernés ne seront pas choisis au hasard mais subiront de épreuves d'admission organisées conjointement par l'IEP et par leur établissement d'origine. Parmi ces épreuves, figure un oral passé devant un jury. C'est là en réalité une procédure parallèle d'admission comme il en existe déjà à l'IEP et dans d'autres établissements.

L'IEP souhaite diversifier son recrutement tant il est vrai que les élèves qu'il accueille aujourd'hui sont dans leur très grande majorité issus de familles disposant des atouts du savoir et de la culture. Il n'est en effet pas normal que les origines sociales soient à ce point déterminantes dans l'admission. Cette volonté d'ouverture de l'IEP mérite d'être soutenue.

C'est un signal positif en direction des lycéens ayant déjà prouvé leurs aptitudes que leur chef d'établissement a souvent soutenus pour qu'ils atteignent l'excellence. L'idée est de leur permettre, dans des conditions de sélection sévères, de tenter leur chance à l'entrée à Sciences Po. Cette initiative sera étendue à l'ensemble de l'enseignement supérieur...

M. Germain Gengenwin - Nous vous y aiderons par des amendements !

M. le Ministre de l'éducation nationale - ...qui sera ouvert plus largement aux lycéens d'origines multiples.

M. Claude Goasguen - Cet article 12 en contient en réalité deux : le premier tend à modifier la loi de 1984, le deuxième à valider une décision prise antérieurement par un conseil d'administration.

De ces dispositions, vous venez de faire une présentation a minima. L'affaire n'est pourtant pas mince ! On demande au Parlement rien de moins que modifier une loi fondamentale, la loi Savary de 1984. Si la décision prise pour l'IEP est si anodine que vous le déclarez, pourquoi modifier la loi ? En réalité cette décision encourt le risque de recours devant la juridiction administrative.

S'agissant du pouvoir du ministre de décider des conditions d'accès à l'enseignement supérieur, la loi de 1984 avait suscité un vif conflit dans les universités, qui avait rebondi en 1986. C'est que la question était d'importance. L'initiative prise par l'IEP de Paris ne l'est pas moins, puisqu'elle touche à deux points essentiels : l'autonomie des établissements et la mixité sociale. Le groupe DL est plutôt favorable à la liberté pour les établissements de déterminer eux-mêmes les conditions de recrutement de leurs étudiants. Pourquoi vous être arrêté en si bon chemin ? Puisque vous devez abandonner en faveur de l'IEP le pouvoir que vous tenez de la loi de 1984, pourquoi n'accordez-vous pas la même autonomie aux universités ? Il serait paradoxal que l'IEP ait le droit de choisir librement sa politique de recrutement, et que d'autres universités doivent se battre avec la juridiction administrative pour pouvoir agir de même. C'est à quoi est pourtant contrainte l'université Paris-Dauphine, qui depuis des années est obligée de ruser avec les textes pour parvenir à ce que vous accordez d'emblée à l'IEP. Le débat ne pourra pas se limiter aux dispositions de votre article 12.

La deuxième partie de cet article tient un peu de la supercherie. Vous nous demandez de valider rétroactivement une décision politiquement de grand poids, qui permet de choisir directement des étudiants dans certains lycées d'Ile-de-France. Nous ne saurions voter cette disposition.

M. Maxime Gremetz - La question qui concerne l'IEP de Paris ne laisse pas la province insensible. Je n'avais pas sur ce sujet de religion arrêtée. Je me suis fait expliquer l'affaire par les syndicats d'étudiants, qui sont directement concernés, et son hostiles à la création de fait de deux catégories d'étudiants. Je me retrouve bien dans l'amendement de M. Sarre, que je voterai. Le Parlement doit refuser de jouer le rôle qu'on lui demande.

M. Bruno Bourg-Broc - Cet article a une apparence, il a une réalité, qui est différente, et il contient des dispositions conjoncturelles.

Alors que le Parlement ne se prononce plus guère en matière éducative, ce que, Monsieur le ministre, vous avez déclaré regretter, voilà que le problème de Sciences Po nous arrive à la fin d'un texte fourre-tout ; et l'on nous demande de nous prononcer un peu à la sauvette sur les graves questions de l'égalité des chances et de l'autonomie des universités. De fait, la démocratisation de l'enseignement supérieur n'est pas achevée. Comme le montre une étude de l'association « France moderne » animée par Alain Juppé, si en 1950 20 % des élèves de Polytechnique, de l'ENA, de l'ENS et de Centrale étaient issus des milieux populaires, ils ne sont plus guère que 9 % aujourd'hui, alors qu'ils forment 68 % de leur classe d'âge. 50 % des bacheliers technologiques n'obtiennent aucun diplôme de l'enseignement supérieur, et 15 % parviennent à la licence contre 50 % des bacheliers généraux. La situation est encore pire pour le 3ème cycle. Nous sommes donc heureux que vous veniez à nous sur le terrain de l'égalité des chances. Mais organiser deux modes de recrutement différents pour une même scolarité ne va pas sans difficulté. Sept ZEP sont aujourd'hui concernées, davantage le seront sans doute demain, mais jamais vous ne parviendrez à puiser dans les 400 ZEP que compte le pays. Existeront ainsi les ZEP avec accès à Sciences Po, et les autres sans.

Les élèves seront-ils vraiment des enfants des quartiers classés en ZEP ? Le risque de s'adresser à des « classes CAMIF » est-il réellement écarté ? Actuellement, les ZEP couvrent des zones urbaines, mais on trouve dans la Creuse comme à Villetaneuse des jeunes défavorisés.

En fait, vous proposez de traiter les conséquences bien plus que les causes. Il faudrait donner aux élèves des ZEP les moyens de réussir normalement les épreuves d'entrée à Sciences Po, et créer des classes préparatoires là où il n'en existe pas.

Nous sommes heureux que vous nous rejoigniez pour affirmer l'autonomie des établissements. Mais pourquoi se limiter à l'IEP ? Nous proposerons par nos amendements d'étendre cette autonomie aux autres établissements d'enseignement supérieur.

Au total, même si l'expérience engagée par l'IEP est intéressante, vous vous donnez bonne conscience à peu de frais, et vous cherchez par cette exception à usurper la vertu des justes.

M. Georges Sarre - Le 26 mars 2001, le conseil de direction de l'IEP de Paris, constatant la dégradation de la mixité sociale dans son établissement, dont les élèves proviennent à plus de 80 % des classes sociales supérieures, adoptait deux résolutions tendant à recruter sans examen dans sept lycées classés en ZEP quelques élèves cooptés directement par leurs professeurs.

Vous nous demandez cette ratification en urgence parce que les décisions en cause porteraient peut-être atteinte au principe d'égalité. Mais, s'il est vrai que la démocratisation des grandes écoles est souhaitable, ne peut-on s'interroger avant tout sur les causes de la sélection sociale à l'entrée à Sciences Po ? Il y a d'abord une épreuve de langue éliminatoire, d'un niveau tel qu'on ne peut y satisfaire sans avoir accompli plusieurs séjours à l'étranger. Puis cette épreuve de culture générale qui ne porte pas sur un programme défini. Pourquoi ne pas modifier ces épreuves ? Parce que la direction de Sciences Po s'y refuse ! Pourquoi ne pas créer des classes préparatoires à Sciences Po, dans les ZEP et ailleurs ? Parce que la direction le refuse.

Pourquoi ne pas organiser un concours égalitaire, ouvert à tous les élèves des ZEP, plutôt que de coopter, de façon humiliante, quelques élèves ?

La loi de 1946 nous a donné une mission de contrôle sur le fonctionnement de la Fondation des Sciences politiques : mais où est le rapport qui nous permettrait d'exercer notre mission ? L'Etat verse chaque année 360 millions de subvention à Sciences Po. Est-il normal que nous nous bornions à ratifier au plus vite les décisions de la direction ? C'est à croire que Sciences Po privatise le Parlement !

Je vous demande instamment, chers collègues, de ne pas voter cet article. La démocratisation des grandes écoles et du supérieur est une affaire trop sérieuse pour être traitée ainsi à la va-vite. Je demande au Gouvernement de nous fournir au préalable un rapport, et je propose la création d'une mission d'information parlementaire.

M. Robert Pandraud - On n'arrête pas le progrès ! Après les validations « a posteriori », dont nous avons l'habitude, hélas, voici les validations préventives ! Certes, sur le fond, nous sommes tous d'accord, il faut démocratiser l'enseignement supérieur, et Sciences Po en particulier. Mais ce qui est proposé ici, avec le choix de quelques lycées dans quelques ZEP, aboutit à rompre l'égalité devant le service public. Ne vaut-il pas mieux s'interroger, comment vient de le faire Georges Sarre, sur les raisons du recul observé dans le supérieur, et en particulier à Sciences Po, par rapport à cet objectif de la démocratisation ? En 1945, lorsque l'Ecole libre des Sciences politiques fut nationalisée pour donner naissance aux IEP, il y avait eu une réelle démocratisation, grâce à l'octroi de bourses relativement importantes. Je me souviens qu'après mon bac, en 1946, j'écrivais aux facultés de droit et à Sciences Po, et que j'optai pour Sciences Po parce que la bourse était plus élevée.

Mais la raison principale de l'absence de démocratisation, aujourd'hui, tient sans doute en effet à la politique des jurys, les épreuves portant davantage sur ce que l'on va apprendre à Sciences Po que sur ce que l'on appris au lycée -à la différence de ce qui arrivait en 1945. C'est la faute de ce syndicat de hauts fonctionnaires que l'on retrouve dans tous les jurys. Certes je ne condamne pas le concours qui reste la forme de sélection la moins mauvaise, mais il faudrait donner des instructions aux jurys, qui manquent singulièrement d'imagination, en cherchant la plupart de leurs sujets dans Le Monde. Lisez ce journal depuis l'âge de 15 ans, vous êtes sûr d'entrer à l'ENA !

Mme Nicole Bricq - Je voudrais, quant à moi, défendre cet article. Si l'on nous demande une « validation préventive », c'est que, ne l'oublions pas, l'UNI a demandé l'annulation de la décision, prise le 26 mars par le conseil d'administration de Sciences Po, de créer une filière spécifique pour les ZEP. Quant à l'argument de la précipitation, il ne tient pas. Le débat s'est engagé partout, dans la presse et le public, et le Parlement seul ne pourrait en parler !

Cette décision a suscité l'espoir dans toutes les ZEP, et cet espoir ne doit pas retomber. Du reste, la discrimination positive n'est pas nouvelle dans notre pays, elle a été instituée pour les ZEP, justement, en 1981, et il est temps de se poser la question pour l'Université.

M. le Rapporteur - Si cet article ne contenait qu'une validation préventive, il serait parfaitement à sa place dans le texte tant les mesures de validations sont traditionnelles dans de tels projets. Mais d'autres questions sont posées, de nature symbolique. Si vous me le permettez, je ferai un rapprochement avec la décision de Tony Blair de créer une sorte de « troisième voie » pour l'accès à la Chambre des Lords...

M. Robert Pandraud - Il aurait mieux fait de la supprimer !

M. le Rapporteur - A l'expérience, les personnes désignées par cette nouvelle voie, auraient pu l'être de la façon traditionnelle. Je ne voudrais pas que le même phénomène se produise pour cette réforme de l'accès à Sciences Po.

L'IEP de Paris devient de plus en plus un lieu de la reproduction chère à Bourdieu : au cours des dix dernières années, la part des jeunes issus des catégories privilégiées est passée de 77 à 85 %. C'est la raison pour laquelle, tout en émettant des réserves, la commission a adopté cet article. Il faudrait cependant continuer à réfléchir en se demandant notamment si l'accueil de 15 élèves de ZEP la première année et de 40 la deuxième année est suffisant pour démocratiser Sciences Po.

M. Robert Pandraud - Sûrement pas !

M. le Rapporteur - Pour que le Parlement puisse continuer à débattre, à l'occasion des lectures ultérieures, il est souhaitable que cet article soit adopté.

M. le Président - Je suis saisi par le groupe communiste d'une demande de scrutin public sur les amendements 79 et 92.

M. Georges Sarre - Mon amendement 79 tend à supprimer l'article. En effet celui-ci n'est qu'un habillage qui permet à Sciences Po de maintenir la ségrégation : une vingtaine d'étudiants seulement, choisis arbitrairement, seront issus des ZEP chaque année. La généralisation de cette expérimentation étant impossible, la démocratisation de l'IEP ne sera en rien assurée. D'autres voies de démocratisation de nos grandes écoles devraient en revanche être explorées. Nous souhaitons que Sciences Po participe à la modernisation du service public plutôt que d'être l'un de ses fossoyeurs.

M. Robert Pandraud - L'amendement 92 est défendu.

M. Jean Le Garrec, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je suis étonné de l'intervention de notre collègue Sarre. Cet article a une vertu symbolique. Affirmer des intentions est extrêmement important.

Pour corriger des disparités d'accès, des actions volontaires, sortant des schémas classiques, sont indispensables. Le discours que j'entends me rappelle celui qui était tenu lorsque nous avons créé la troisième voie d'accès à l'ENA.

M. Claude Goasguen - Cela n'avait rien à voir !

M. Georges Sarre - Là, j'étais pour !

M. le Président de la commission - Les opposants à la réforme refusaient l'action volontaire qu'elle représentait. Considérant là aussi qu'il s'agissait d'un symbole, le gouvernement de droite de 1986 s'est empressé de supprimer cette troisième voie.

Bien évidemment, s'agissant de Sciences Po, il faudra dans un deuxième temps associer d'autres rectorats comme Lille et Marseille ; mais commençons aujourd'hui à renverser les barrières car elles ne tomberont jamais naturellement.

M. le Ministre - Il faut ramener les choses à leur juste proportion. Il s'agit d'une mesure technique modeste, dont l'objet est double : conforter l'autonomie de l'établissement, établie en 1945 par le gouvernement du général de Gaulle, et donner une assise juridique à l'initiative qui a été prise, afin d'éviter aux élèves qui s'apprêtent à être recrutés de se trouver dans une situation juridiquement incertaine à la rentrée prochaine.

Cet article, comme l'a dit M. Le Garrec, a une vertu symbolique. Certes, Monsieur Sarre, le chemin est encore long pour transformer les modes de recrutement de nos grandes écoles, et au-delà de celles-ci, pour améliorer l'ouverture sociale de notre enseignement supérieur. J'aurai l'occasion avant la fin du mois de juin de faire des propositions à ce sujet.

M. Claude Goasguen - Une fois n'est pas coutume : je vais voter l'amendement de mon collègue Sarre...

Oui, Monsieur le ministre, cet article est modeste, c'est le moins qu'on puisse dire, quant à la mixité sociale qu'il introduit à Sciences Po. Tellement modeste qu'il pourrait apparaître comme de la poudre aux yeux : c'est le moyen de cacher votre absence de politique en ce qui concerne les ZEP.

L'argument de la discrimination positive me choque. Je suis favorable à certaines discriminations positives ; j'ai en particulier voté la loi sur la parité. Mais dans le domaine de l'enseignement, on ne peut pas parler de discrimination positive ou négative, mais seulement de discrimination tout court, que je refuse parce que je suis attaché à l'enseignement de la République, qui se caractérise par l'égalité des chances, sans distinction selon l'origine sociale ou géograhique.

M. Laurent Dominati - Cet article, que le ministre a dit de portée modeste, est en fait révélateur. Car il s'agit de rien de moins que de la démocratisation de l'enseignement supérieur. Si reproduction des élites il y a, elle provient de la rupture de l'égalité des chances au lycée : les grandes écoles ne sont que le lieu où se constate la faillite de l'enseignement public. Il faut prendre le mal à sa racine, et chercher à comprendre les raisons de l'échec des ZEP, qui bénéficient de moyens supplémentaires -ce qui est juste, mais sans que l'on en voie les effets ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. Georges Lemoine - Savez-vous dans quelles conditions vivent les familles concernées ?

M. Laurent Dominati - Bien sûr ! J'arpente ma circonscription !

M. Marcel Rogemont - C'est avant même la naissance que la discrimination s'opère !

M. Laurent Dominati - Je constate que le ministre refuse d'affronter la réalité sur ce point. En revanche, il ne craint pas de créer une inégalité de traitement entre certains lycées et certaines ZEP. Comment justifier qu'une convention soit passée avec certains lycées, dans certaines ZEP, dans certains départements, plutôt qu'avec d'autres ?

Mme Nicole Bricq - Parce que les établissements sont volontaires !

M. Laurent Dominati - Nous sommes favorables sans réserve au renforcement de l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, mais pas au mépris du droit ! Et quel exemple à donner aux étudiants de l'IEP de Paris que cette décision de légiférer pour ne pas tenir compte de la décision du tribunal administratif, lequel a donné raison au syndicat étudiant qui avait formé un recours contre cet disposition !

Mme Nicole Bricq - Syndicat étudiant, l'UNI...

M. Laurent Dominati - Cette démarche porte atteinte aux principes républicains. C'est la raison pour laquelle, exceptionnellement, nous soutiendrons l'amendement de notre collègue Georges Sarre, qui a parfaitement raison.

M. Robert Pandraud - Monsieur le ministre, vous êtes manipulé (Mouvements divers sur les bancs du groupe socialiste). Vous êtes manipulé par le syndicat des hauts fonctionnaires, dont les représentants siègent au conseil d'administration de l'IEP de Paris et dans les jurys de concours. Revenez-en à la légalité républicaine des concours et des bourses, nommez des professeurs de ZEP à la présidence des jurys de concours, et renoncez à cet alibi ridicule, qui fait fi de notre droit.

A la majorité de 25 voix contre 12 sur 38 votants et 37 suffrages exprimés, les amendements 79 et 92 ne sont pas adoptés.

M. Bruno Bourg-Broc - Tous les établissements d'enseignement supérieur et non, seulement, l'IEP de Paris, devraient être autorisés à mener des expérimentations afin de diversifier leur recrutement.

C'est ce à quoi tend l'amendement 21 de M. Martin-Lalande. J'ajoute que l'accession des jeunes issus des milieux défavorisés à l'enseignement supérieur suppose un accompagnement très large, y compris, par exemple, pour l'apprentissage des langues étrangères.

M. le Rapporteur - La disposition proposée eût-elle été destinée à compléter l'article qu'elle aurait pu être discutée. Mais, tel qu'il est rédigé, l'amendement se substituerait au texte, et l'IEP de Paris n'apparaîtrait plus. La commission a donc jugé bon de le repousser.

M. Germain Gengenwin - Fidèle à l'esprit de la loi dont M. Méhaignerie est l'auteur, le groupe UDF, très favorable à l'expérimentation, propose, par l'amendement 83, d'en étendre le principe à tous les établissements d'enseignement supérieur. Je ne vois pas comment le ministre, qui se dit favorable à la diversification du recrutement, pourrait s'opposer à cette disposition.

M. Pierre-Christophe Baguet - Préférant m'attaquer à la cause plutôt qu'à l'effet, j'étais favorable à la suppression de l'article, que je considère d'autre part d'un jacobinisme exacerbé : il s'agit d'un seul établissement, déjà choisi, situé à Paris comme par hasard, et la liste des bénéficiaires des conventions est déjà arrêtée ! Tout cela est par trop directif. Je propose, à défaut, et avec l'aval de la commission, de compléter l'article en disposant que le recrutement diversifié doit concerner tous les établissements d'enseignement supérieur. Tel est le sens de l'amendement 86.

M. Claude Goasguen - Le seul élément positif de ce débat est que le ministre semble attaché à donner une certaine autonomie aux établissements d'enseignement supérieur. Le principe étant acquis...

Un député socialiste - Avons-nous déjà voté ?

M. Claude Goasguen - ...il reste à déterminer comment l'appliquer. C'est là que le bât blesse ; nous ne reprochons pas à l'IEP de Paris d'organiser la mixité sociale, bien au contraire ; nous lui reprochons sa manière.

Il existe pourtant un moyen simple, qui a nom liberté (Mouvements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV). Je sais bien que derrière ce mot, vous entendez immédiatement « sélection », une notion que vous diabolisez. N'est-ce pas, cependant, le principe qui régit l'organisation des études supérieures dans les autres nations industrialisées ? Selon ce principe, il revient aux établissements de définir leurs propres politiques éducatives et, partant, les modalités du recrutement des étudiants. L'université française n'en peut plus du carcan réglementaire qui l'étouffe : qu'elle ait droit à la liberté, à la modernité, et la mixité sociale progressera. C'est ce que proposent les amendements 66 et 67. On comprendrait mal que le Gouvernement ne les accepte pas, alors même qu'il existe déjà des diplômes d'université. J'ajoute que seul l'IEP fait l'objet de votre bienveillance, et non les IEP de province qui font partie des universités. Belle discrimination que celle-là !

La discrimination, déjà inscrite dans la loi de 1984 devient désormais patente. Pourquoi n'accepterait-on pas -et tel est le sens de mon deuxième amendement- que soit reconnue aux IEP intégrés dans les universités de province, la même possibilité que celle ouverte à l'IEP de Paris ? J'espère que nous pourrons dans les années qui viennent -peut-être la majorité aura-t-elle changé ?-, débattre enfin de la liberté des établissements universitaires et mettre en place des filières qui permettent de choisir sans discriminer afin d'assurer la mixité sociale.

M. Bruno Bourg-Broc - Mon amendement 109 tend à promouvoir les principes d'autonomie et de libre organisation pédagogique. Il y a là une extraordinaire occasion pour le Gouvernement d'étendre l'expérimentation qu'il juge positive à d'autres établissements que « Sciences Po » et notamment aux IEP de province. Pour le reste, mes arguments rejoignent ceux que vient de défendre M. Goasguen.

M. le Rapporteur - Avis défavorable à l'amendement 83 car la notion de « grands établissements » nous semble trop hétérogène.

L'amendement 86 de M. Baguet a en revanche été adopté par la commission. Sa philosophie se démarque en effet des démonstrations auxquelles vient de se livrer M. Goasguen. Cet amendement présente du reste un caractère général en ce qu'il pose la question de la diversification sociale du recrutement dans tous les établissements supérieurs. Il convient donc de l'adopter en première lecture, ne serait-ce que pour ne pas se priver de la possibilité d'y revenir ultérieurement. Il ne s'agit pas en effet d'un amendement de substitution mais d'un amendement de complément.

Quant aux amendements de M. Goasguen, ils ont ceci de singulier qu'ils tendent à interdire au nom de la liberté. Il serait, nous dit-il, de bonne méthode qu'un certain nombre d'établissement suspendent le droit aujourd'hui généralisé d'accéder à l'enseignement supérieur...

M. Claude Goasguen - Vous avez dû mal m'écouter !

M. le Rapporteur - Je vous ai écouté avec la plus grande attention et je connais du reste vos thèses depuis longtemps ; vous les défendiez déjà lorsque vous exerciez de hautes fonctions au ministère de l'éducation nationale !

J'affirme donc que vos propositions vont dans le sens d'une atteinte au libre accès à l'enseignement supérieur en ce qu'elles tendent à introduire plus de sélection à l'entrée.

M. Claude Goasguen - Je n'ai rien dit de tel !

M. le Rapporteur - Vous tentez certes d'atténuer votre propos en précisant que certains établissements, s'ils ne pratiquent ni discrimination positive ni discrimination négative pourront faire le choix d'accueillir tout le monde mais la réalité, c'est que dans ce salmigondis de l'université libre il y aura la possibilité pour chacun, certes de choisir, mais surtout d'être choisi. Il ne nous est donc pas possible d'émettre un avis favorable aux amendements de M. Goasguen.

Quant à l'amendement 109, M. Bourg-Broc s'étant lui-même réclamé des arguments de M. Goasguen, nous ne pouvons y être favorables.

M. le Ministre - Ramenons les choses à leurs justes proportions. Le présent projet est essentiellement technique et dès lors modeste. Je souhaite cependant qu'il soit préfigurateur de la série de transformations que je soumettrai bientôt au pays, qui porteront à la fois sur le développement de l'autonomie de nos institutions universitaires et sur l'accès à l'enseignement supérieur d'élèves issus de tous les milieux sociaux. Vous conviendrez cependant, Monsieur Goasguen, que nous ne pouvons régler en une heure les questions fondamentales que vous soulevez !

Héritage de notre histoire commune, notre système est ainsi fait que l'on ne peut proposer exactement les mêmes réponses pour l'enseignement supérieur et pour les grandes écoles, comme tend à le faire un amendement de M. Martin-Lalande. Dans notre pays l'enseignement supérieur présente en effet la particularité sans doute unique au monde de ne pas comporter d'autre sélection à l'entrée que la détention du baccalauréat et je considère à titre personnel que c'est l'honneur même du système français de permettre à tout bachelier d'entrer à l'université. Mais cette liberté d'accès -que certains d'entre vous avaient à une certaine époque souhaite entraver- doit conduire les pouvoirs publics nationaux, locaux et universitaires à proposer en contrepartie tout une série d'aménagements. Il convient par exemple de tout mettre en _uvre pour que le premier cycle universitaire permette aux étudiants de mieux réussir et d'orienter leur parcours de la manière la plus conforme à leurs intérêts. A cet égard, plusieurs mesures sont d'ores et déjà expérimentées telles que la promotion du travail en petits groupes ou la mise en place du tutorat.

Les orientations que j'ai présentées il y a trois semaines au Conseil national de l'enseignement supérieur visent également à introduire dans notre système un régime de points capitalisables, tendant à favoriser la pluri disciplinarité et les échanges internationaux.

Tout doit être fait pour augmenter les chances des étudiants dont le parcours scolaire n'a pas toujours été marqué par la réussite. A ce titre, le pays sera saisi dans les deux prochains mois de plusieurs propositions visant à répondre à l'ensemble des préoccupations qui viennent de s'exprimer.

M. Claude Goasguen - Je préfère de loin la réponse que vient de m'apporter M. le ministre à la caricature que le rapporteur a opposée à mes amendements : je n'ai jamais proposé d'interdire quoi que ce soit et je n'ai jamais été un défenseur de la sélection. Je considère en effet que la possibilité d'accéder à l'enseignement supérieur constitue un droit fondamental et je le dis une fois pour toutes ! Je vous invite, Monsieur le rapporteur, à vous en souvenir.

Puisque M. le ministre a ouvert la possibilité d'un débat sur l'autonomie des universités, je souhaite appeler toute son attention sur le sort particulièrement injuste qu'il réserve aux IEP de province, à la différence de l'IEP de Paris, qui ont eu la malchance d'être intégrés à une structure universitaire et que votre article 12 ne libère pas. Il est peut-être prématuré d'étendre en première lecture à tous les instituts de province, la liberté que vous accordez à l'IEP de Paris, mais au moins faut-il veiller à ne pas les saborder car ils n'ont pas démérité. Ne créez pas, tout en prônant la discrimination positive, une vraie discrimination, entre Paris et la province. Sans doute faudra-t-il dans les prochaines semaines revenir sur ce point afin d'apporter un peu de liberté aux IEP de province.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 83, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 86, mis aux voix, est adopté.

Les amendements 66 et 67, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement 109.

L'article 12 modifié, mis aux voix, est adopté.

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APRÈS L'ART. 12 (amendement précédemment réservé)

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 96 est défendu.

L'amendement 96, repoussé par la commission et par le Gouvernement, mis aux voix, n'est pas adopté.

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APRÈS L'ART. 13 (amendements précédemment réservés)

M. le Rapporteur - L'amendement 13 tend à corriger une incohérence de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le législateur avait en effet prévu en deuxième lecture que LCP (la chaîne parlementaire) disposerait d'un canal à part entière pour sa diffusion en numérique terrestre, au même titre qu'Arte par exemple. Mais il a alors oublié une modification de coordination à l'article 45-3 adopté en première lecture. La portée de celui-ci doit être limitée aux seuls « distributeurs de service » par câble et par satellite.

M. le Ministre - Avis favorable.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. Pierre-Christophe Baguet - L'amendement 100 rectifié est défendu.

M. le Rapporteur - Le Gouvernement a déposé un amendement 80 répondant mieux à la préoccupation que nous exprimions dans l'amendement 14 de la commission que je retire donc à son profit.

L'amendement 14 est retiré.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - L'amendement 80 vise en effet le même objectif que le 14 et le 100 rectifié. Il tend à renforcer les rôles des collectivités locales dans l'établissement des réseaux de télécommunications, de façon à favoriser l'essor des connexions à haut débit, cruciales pour l'équilibre de l'activité économique sur l'ensemble du territoire et le développement de l'emploi. Le Premier ministre avait d'ailleurs pris des engagements en ce sens l'année dernière à Castres.

Cet amendement introduit deux dispositions nouvelles. D'une part, il étend le champ des acteurs susceptibles d'utiliser ces infrastructures aux titulaires d'une autorisation de réseau indépendant -collectivités locales, administrations, entreprises-. D'autre part, il ouvre la possibilité de subventionner ces infrastructures dans des zones défavorisées qui seront définies par décret en Conseil d'Etat.

L'amendement 100 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 80, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - La commission a adopté l'amendement 55 de M. Mathus. Devant la multiplication prévisible des chaînes, il ne paraît pas possible pendant les campagnes électorales d'imposer à toutes de diffuser aux mêmes heures les mêmes émissions y ayant trait. La Cinquième par exemple ne diffuse pas en soirée.

Mme la Ministre - Avis favorable.

L'amendement 55, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre - L'amendement 53 vise à compléter le dispositif d'encadrement des cartes d'abonnement au cinéma. La loi sur les nouvelles régulations économiques a posé plusieurs principes protecteurs des ayants droit comme des exploitants indépendants : agrément préalable des cartes d'abonnement par le CNC après avis d'une commission d'experts ; obligation pour l'exploitant de s'engager durablement vis-à-vis du distributeur pour garantir la transparence auprès des ayants droit, leurs recettes étant calculées sur la base d'un prix de référence, quel que soit le nombre d'entrées ; ouverture aux autres exploitants de la même zone de chalandise des cartes diffusées par les grands circuits, dans des conditions de non-exclusivité et équitables.

Nous vous proposons aujourd'hui d'améliorer ce dispositif sur deux points.

Outre l'engagement souscrit sur le prix de référence, l'exploitant devra également s'engager sur le taux de location, lequel consacre le partage du prix de la place de cinéma entre la salle et les ayants droits.

L'autre disposition complète le mécanisme de garantie de prix que l'Assemblée a adopté en janvier dernier sur proposition de M. Rogemont. En effet, s'il est justifié que les grands circuits assurent aux petits exploitants cette garantie minimale de recette par place, il paraît délicat d'imposer une contrainte de même nature aux exploitants de taille moyenne.

Nous vous proposons donc de retenir trois régimes distincts. Tout circuit, détenant à lui seul plus de 25 % de parts de marché dans une zone donnée ou plus de 3 % au niveau national, garantira tout exploitant proposant sa carte. Tout exploitant détenant moins de 25 % de parts de marché ou moins de 0,5 % au niveau national, sera, lui, garanti. Enfin, les exploitants de taille moyenne, dont la part de marché est inférieure à 25 % sur le plan local ou se situant entre 0,5 et 3 % sur le plan national, n'auront pas à garantir les petits exploitants.

Conformément au principe déjà posé dans la loi NRE, le seuil de 25 % valable pour l'ensemble de la France, est respectivement ramené à 15 % et 8 % en région parisienne. La densité des salles de cinémas et la plus grande concentration des opérateurs y justifient des seuils plus contraignants.

Il a paru important au Gouvernement que les exploitants de taille moyenne -soit aujourd'hui une quinzaine d'entreprises à Paris et en région- parce qu'elles sont porteuses de diversité et qu'elles constituent un contrepoids économique aux grands circuits n'aient pas les mêmes charges que ceux-ci, lesquels, en prenant l'initiative de ces cartes d'abonnement, ont rompu l'équilibre qui prévalait.

M. le Rapporteur - La commission n'a accepté cet amendement que mollement. En effet, la voie législative n'est peut-être pas la meilleure en l'espèce et des interférences risquent de se produire avec le recours déposé sur les dispositions en question de la loi NRE.

M. Pierre-Christophe Baguet - Exercices ô combien difficiles demandés à Mme la ministre de défendre un amendement qui n'est pas le sien et à M. le rapporteur de dire à mi-mot ce que chacun pense ici tout bas !

Cet amendement, tout simplement scandaleux, ne fait que traduire le mépris du Gouvernement à l'égard du Parlement. L'examen de ce texte aura atteint des sommets : ordre aléatoire d'examen des articles -en fonction de la disponibilité des ministres-, extrême variété des sujets abordés dans un même texte, amendements déposés à la dernière minute par le Gouvernement alors même que leur contenu pourrait à lui seul faire l'objet d'un projet de loi. Mais avec cet amendement-ci, les bornes sont dépassées. Qu'on en juge : il y a une semaine à peine, nous votions un amendement du Gouvernement à la loi NRE tendant à garantir un juste équilibre entre la nécessaire protection des exploitants indépendants et la démarche commerciale des grands réseaux d'exploitation favorisant l'accès au cinéma du plus grand nombre. Notre vote a rassuré les uns et les autres. Ainsi aucun des groupes de l'opposition n'a-t-il déposé de recours devant le Conseil constitutionnel. Avant-hier, à Cannes, devant l'assemblée générale des exploitants indépendants, le directeur du CNC a confirmé à ces derniers les dispositions adoptées, pour leur plus grand apaisement.

Faisant fi ce de consensus, vous venez provoquer aujourd'hui notre Assemblée avec un amendement qui remet en cause la chose jugée moins de huit jours auparavant. Pourquoi cette réaction précipitée ? Pas pour des raisons économiques ; uniquement pour des raisons de copinage ! En effet M. Marin Karmitz, ami personnel du Premier ministre et membre de son comité de soutien, vient de se réveiller. Il veut à la fois bénéficier de la garantie des grands réseaux et s'affranchir de toute obligation envers les indépendants. Quand vous libérerez-vous de votre fâcheuse tendance à créer des seuils pour la seule convenance politique du Gouvernement ? Que diable, un peu de cohérence et de hauteur !

Si vous maintenez votre amendement, vous prenez personnellement le risque de sacrifier l'ensemble des 900 indépendants français au seul profit de M. Marin Karmitz. Vos textes successifs finiront par succomber à un examen approfondi par le Conseil constitutionnel.

Je ne vous crois pas capable de cautionner sans réagir le retour à la politique des copains et des coquins !

M. Marcel Rogemont - Sur la forme, le rapporteur a dit ce qu'il fallait. Sur le fond, nous avons voté une première fois pour réagir à une initiative intempestive. Nous avons bien fait de garantir les intérêts des ayants droit.

Quant aux exploitants, leur situation est différente selon qu'il s'agit de Gaumont-Pathé ou d'un cinéma Art et essai. La création de multiplex et de cartes d'abonnement illimité conduira à la mort les petits exploitants dans tous les cas, si des garanties de prix ne leur sont pas apportées. Nous y avons paré dans la loi NRE. Aujourd'hui le Gouvernement propose de définir une nouvelle catégorie d'exploitants : les plus gros garantissent, les moyens ne garantissent pas et ne sont pas garantis, les plus petits sont garantis. Ce système est sain. Nous le savons tous, la diversité de l'exploitation en salles est le corollaire de la diversité de la production cinématographique.

M. Laurent Dominati - Alors que le consensus s'est réalisé ici sur la question des cartes d'accès illimité, vous voulez remettre en cause notre vote précédent, Madame la ministre, en présentant un amendement qui n'a pas été vraiment discuté. De ce fait nous avons le sentiment qu'il s'agit d'un amendement Karmitz, comme le rapporteur l'a dit à demi-mot. Cet amendement Karmitz sert-il l'intérêt général ? Il semble que non. D'autant que sa rédaction n'est pas claire. Par exemple il est question d'entrées multiples, qui n'est pas la même chose qu'un accès illimité. La garantie formulée au troisième alinéa n'est pas davantage satisfaisante. Il semblerait que M. Karmitz veuille bénéficier de tous les avantages sans subir aucun inconvénient. Ce dispositif paraît avoir été rédigé dans la précipitation sous un coup de colère de M. Karmitz, qui certes a fait beaucoup de bien au cinéma, mais à qui le cinéma a fait aussi beaucoup de bien. Cette précipitation entache votre texte d'une certaine suspicion. Dans un domaine où les équilibres sont si fragiles, vous devriez prendre le temps de réfléchir davantage.

Mme la Ministre - J'ai entendu les remontrances du rapporteur et de M. Baguet sur la méthode, dont je reconnais qu'elle n'est pas la meilleure.

M. Michel Herbillon - Alors, pourquoi l'avoir suivie ?

Mme la Ministre - Je veux d'abord répondre à une accusation grave et nominative : non, on ne peut pas dire que ce dispositif réponde à la seule intervention de M. Karmitz. Gaumont-Pathé compte 620 écrans, UGC 300. Le tiers secteur dont nous parlons ici regroupe 15 entreprises moyennes, dont 10 en région parisienne, représentant 1 000 écrans sur un total de 5 000. Sur ces 1 000 écrans, M. Karmitz en détient 44, à rapprocher du millier appartenant à Gaumont-Pathé et UGC pris ensemble.

M. Michel Herbillon - Cela prouve que M. Karmitz a beaucoup d'influence !

Mme la Ministre - Ces 1 000 écrans relevant d'entreprises moyennes sont dignes de considération. La mesure que je vous propose a été présentée au Sénat à l'occasion du projet NRE, et repoussée. Ce n'est donc pas une complète nouveauté.

Pourquoi créer une troisième catégorie, qui échappe à l'obligation de garantir les petits exploitants mais n'est plus elle-même garantie ? L'exploitation cinématographique est profondément fragilisée par de nouvelles techniques commerciales, qui semblent pour le moment renforcer la fréquentation et diversifier l'offre, mais qui perturbe l'équilibre général actuel. Or cet équilibre est la clé, à long terme, d'une offre diversifiée. Un tiers secteur en bonne santé économique constitue donc un utile contrepoids. Nous n'avons aucun intérêt à ce que s'installe un paysage bipolaire, dans lequel deux mammouths feraient face à une myriade de petits exploitants. C'est dire tout l'intérêt d'un secteur intermédiaire.

Enfin, les fédérations d'exploitants ont été consultées, y compris le mouvement d'art et d'essai et elles n'ont pas formulé d'objection. Le tiers secteur des « poids moyens » n'est pas inutile, bien au contraire, dans un paysage déséquilibré entre les très grands et les tout petits.

L'amendement 53, mis aux voix, est adopté.

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EXPLICATIONS DE VOTE

M. Maxime Gremetz - Je n'avais jamais vu cela ! Sur un texte déjà très considérable et divers sont encore venus se greffer des amendements qui auraient pu constituer de véritables projets par eux-mêmes. Ce n'est certes pas ainsi qu'on revalorisera le rôle du Parlement.

Quant au fond, nous avons abordé les sujets les plus variés, la mutualité, le cinéma, la démocratie à Sciences Po, l'éducation populaire. Nous avons même inventé une nouvelle forme d'économie, « l'économie solidaire ». Mais de tout ce fatras ressort surtout ce grand projet cher au MEDEF, le PARE, qui remet en cause un droit collectif pour lui substituer le contrat individuel passé avec l'ANPE et les ASSEDIC, avec des sanctions à la clé. D'un côté 30 milliards de cotisations en moins pour le patronat, et 20 milliards pour les caisses de l'Etat. De l'autre, 8,80 F de cotisation ouvrière en moins pour un salaire de 8 000 F. Certains chômeurs seront un peu mieux indemnisés, mais 60 % des chômeurs ne seront pas indemnisés du tout. Le MEDEF tenait beaucoup à ce dispositif, et il n'espérait pas l'obtenir : c'est un projet de refondation antisociale contre lesquels les communistes auront été les seuls à voter -mais rejoignant ainsi les syndicats majoritaires et l'opinion publique.

Je relève d'autre part qu'aucun amendement de notre groupe à cette loi n'aura été accepté sur aucun sujet. Nous appartenons pourtant à la majorité plurielle, que je sache ! Mais nos alliés sont si intelligents qu'ils savent tout faire par eux-mêmes.

En tout cas, le groupe communiste avait résolu à l'unanimité de ne pas voter ce projet si le PARE en faisait partie. Il votera donc contre, et je demande un scrutin public.

M. Pierre-Christophe Baguet - Le projet comporte quelques bonnes mesures, en particulier le PARE, qui permettra de mieux indemniser les chômeurs et de leur offrir un accompagnement personnalisé. Mais pour que nous votions le texte, il aurait fallu disjoindre ses différents éléments comme le demandait hier M. Barrot. Vous ne l'avez pas voulu, et nous ne saurions cautionner des mesures comme celles qui concernent les retraites. Le groupe UDF votera contre.

M. Laurent Dominati - Le Gouvernement ne semble plus savoir où il en est. Vous n'aviez pas eu de mots assez durs pour le PARE quand il était négocié entre les partenaires sociaux : à présent, vous l'approuvez, sous une forme à peine modifiée.

La mesure relative aux retraites revient à avouer que vous n'avez rien fait à ce sujet, alors qu'il y a urgence et que les sociaux-démocrates allemands viennent de prendre des décisions très importantes.

A propos de la mutualité, vous passez outre à l'opposition de nombreuses mutuelles, vous proposez des entorses à la concurrence et des mesures dérogatoires. L'ouverture de Sciences Po en direction des ZEP est surtout une excuse à l'absence de réforme véritable. Et au sujet du cinéma, vous nous faites revenir sur ce qui avait été décidé il y a quelques mois. Il y a donc bien un trouble idéologique du côté de la gauche. Au bout de quatre ans de confrontation à l'exercice du pouvoir, vous ne savez plus très bien où vous en êtes. Pour notre part, nous avons voté la ratification de la convention UNEDIC, à la différence des communistes, pour le bien des chômeurs, des entreprises et finalement de la France, mais nous nous sommes opposés aux autres dispositions. C'est la raison pour laquelle le groupe DL votera contre l'ensemble du projet.

Quelques mots encore à propos du déroulement de nos débats. Il est assez surprenant que, dans le cadre de ce texte fourre-tout, le Gouvernement ait présenté une série d'amendements de dernière minute, dont la commission n'a pas eu le temps de débattre et sur lesquels on n'a parfois même pas laissé aux parlementaires le temps de s'exprimer : ce matin, le président Cochet a quasiment interdit à M. Gremetz et à moi-même de parler d'un sujet pourtant très important. Ces procédés sont scandaleux je vous demande, Monsieur le Président, d'en référer à la Conférence des présidents.

M. Aloyse Warhouver - Les radicaux du groupe RCV voteront sans hésitation pour l'ensemble de ce projet, à la fois en raison des améliorations qu'il apporte et par souci de rester en cohérence avec le Gouvernement.

M. Bruno Bourg-Broc - Le groupe RPR a exprimé ses positions dans la discussion des articles de ce texte fourre-tout. Opposé à l'ensemble des dispositions à l'exception de celles concernant le PARE, il votera contre le projet.

A la majorité de 19 voix contre 7 sur 26 votants et 26 suffrages exprimés, l'ensemble du projet de loi est adopté.

M. le Président - A la demande de la commission, qui souhaite se réunir pour examiner les amendements au projet de loi relatif aux Musées de France, je vais suspendre la séance pour une trentaine de minutes.

La séance, suspendue à 17 heures 50, est reprise à 18 heures 30.

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        MUSÉES DE FRANCE

L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi relatif aux musées de France.

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - André Malraux, dont nous célébrons cette année le centenaire, écrivait dans Le musée imaginaire : « le rôle des musées, dans notre relation avec les _uvres d'art, est si grand que nous avons peine à penser qu'il n'en existe pas, qu'il n'en exista jamais ».

Les musées sont, dans notre pays, une institution de la Révolution ; la volonté des Constituants était de montrer les collections, devenues nationales, pour contribuer à l'éducation du peuple. Cet objectif demeure prioritaire aujourd'hui, et il transparaît dans plusieurs articles du projet.

Il aura fallu attendre 1945 pour que les musées soient dotées d'un statut, par une ordonnance « provisoire », toujours en vigueur en 2001. Il est donc indispensable d'adapter ce texte, en tenant compte des nouvelles pratiques culturelles des Français.

Je ne rappellerai que quelques chiffres : en 2000, plus de 50 millions de visiteurs se sont rendus dans les musées, dont 15 millions dans les musées nationaux.

Depuis le début des années 1980, sous l'impulsion personnelle du Président Mitterrand, le paysage des musées a profondément changé. Les institutions muséales sont devenues des acteurs culturels et économiques de premier plan. Elles ont contribué à l'aménagement culturel du territoire, plus d'une centaine de chantiers de rénovation et de construction ayant été menés à bien depuis cette date. Au titre des derniers contrats de plan, les projets concernant les musées ont représenté près d'un milliard d'investissements. Les chantiers en cours, à Montpellier, Aix-en-Provence, Rennes, Angers, Vitry, Rodez, Albi et Mulhouse pour n'en citer que quelques-uns démontrent que l'élan se poursuit.

C'est pourquoi, j'ai souhaité présenter ce projet de loi au plus vite. Je tiens du reste à souligner le rôle décisif de votre Assemblée dans l'élaboration de ce texte et à rendre hommage à la commission des affaires culturelles et à la mission d'information sur les musées présidée par M. Alfred Recours. Ce texte témoigne de la convergence de vues du Gouvernement avec les propositions de votre mission dont certaines, à mon sens, relèvent du pouvoir réglementaire. J'entends bien m'en inspirer pour les réformes que j'engagerai ultérieurement. De nombreux articles renvoient au décret d'application dont l'élaboration est en cours et qui prend en compte plusieurs recommandations de votre commission.

La politique du Gouvernement ne se réduit d'ailleurs pas à ce projet. Ainsi, le développement des réseaux intermusées renforcera son dispositif, tout en procédant non de la loi mais de partenariats librement consentis.

Le projet respecte les principes constitutionnels de libre administration des collectivités locales et de liberté d'association.

Il vise pour l'essentiel à approfondir la logique de décentralisation, à préciser le rôle du musée face aux attentes de la société, à renforcer la protection des collections et à harmoniser le statut des musées reconnus par l'Etat, de manière à fédérer les différents « musées de France ».

Conforme aux objectifs fondamentaux du Gouvernement de Lionel Jospin, c'est un texte décentralisateur. Il prend acte des changements qui sont intervenus depuis l'ordonnance de 1945. Il crée la catégorie « Musées de France », précise le champ du contrôle scientifique et technique, et propose des mesures concrètes de décentralisation. Il fixe ainsi pour la première fois la règle du jeu s'agissant des relations entre l'Etat et les collectivités. Il limite le contrôle technique aux seuls musées labellisés et instaure un organe collégial nouveau, le Conseil des « Musées de France ». Il offre des garanties particulières dans le domaine de la protection du patrimoine et des mesures en faveur du public.

Dans le respect du principe de la libre administration des collectivités locales, le texte met en avant le rôle de conseil de l'Etat et instaure, à l'exception de l'article 8 un régime d'avis préalable et non d'autorisation.

Prenant acte de l'engagement des partenaires territoriaux, le texte prévoit que l'ensemble des dépôts anciens de l'Etat dans les musées classés effectués jusqu'en 1910 -soit plus de 15 000 _uvres- devienne propriété des collectivités locales, si celles-ci le souhaitent. Cette mesure tend à garantir l'intégrité des collections locales.

Je demanderai prochainement aux musées nationaux et aux établissements publics tels que le Louvre de me présenter un programme concerté de dépôts possibles dans les musées de province.

De même, le texte favorisera les collaborations entre tous les niveaux d'administration locale, y compris intercommunale. Des possibilités originales de cessions de biens entre personnes publiques doivent aussi contribuer à l'aménagement culturel du territoire.

Enfin, la présence au sein du Conseil des « musées de France » de représentants des collectivités renforcera le rôle des musées dans le cadre d'une politique culturelle équilibrée sur le territoire.

Le musée doit être au service du public ; si les missions de conservation et d'enrichissement des collections demeurent prioritaires, le texte insiste sur la nécessité de rendre accessibles les _uvres, dans le cadre d'une mission d'intérêt général.

Les articles 4 et 6 précisent la portée de ces principes généraux en inscrivant dans la loi l'objectif de démocratisation culturelle. Enfin l'obligation d'inscrire la politique tarifaire dans le cadre d'une politique culturelle plus globale contribuera à la mise en _uvre de ces objectifs.

La prise en compte du public se traduit aussi par la création du label « Musées de France », réservé aux musées reconnus et contrôlés par l'Etat.

Le projet tend aussi à assurer une meilleure protection du patrimoine. Ainsi l'article 11 dispose que les collections ne pourront être entretenues que par des professionnels qualifiés et que les acquisitions comme les restaurations seront soumises à l'avis préalable de l'Etat. La mesure essentielle à cet égard réside dans l'instauration d'un régime d'inaliénabilité renforcée pour les musées publics et dans la promotion d'une logique d'affectation perpétuelle, non pas à tel musée particulier, mais au cercle des « Musées de France ».

L'amendement adopté par votre commission tendant à imposer un délai de trente ans pour les _uvres d'art contemporain avant de leur conférer le caractère d'inaliénabilité remet en question la notion même de collection publique. Alors que trop peu de musées investissent le champ contemporain, cette mesure me semble par trop dissuasive, en particulier pour les musées de province. Un tel dispositif tendrait à jeter un « doute légal » sur la pertinence des acquisitions et il porterai préjudice aux artistes vivants.

Le projet améliore aussi sensiblement la protection des collections des musées de droit privé, qui acceptent de devenir « Musée de France », qu'il s'agisse des fondations, des écomusées ou des musées de société. Quasi inexistante jusqu'ici, la protection de leurs collections sera enfin assurée dans les mêmes conditions que celle des musées publics : le nouveau régime leur accordera le caractère imprescriptible et insaisissable et elles seront assimilées aux collections publiques pour l'application des lois de 1992 et 1995 sur la circulation des biens culturels.

Plusieurs dispositions témoignent de notre volonté de fédérer sans uniformiser. Ce texte vise ainsi à définir le corpus de règles communes applicables à tous les musées de France, au-delà des différences statutaires ou thématiques. Les musées privés voient pour la première fois leur statut défini et protégé par le législateur.

Le projet crée aussi un Conseil des « Musées de France », qui a vocation à devenir un lieu de dialogue sur la politique nationale des musées.

Pour la mise en _uvre des principes ainsi posés, il est prévu de confier au ministre de la culture un rôle non pas hégémonique ni de gestionnaire mais un rôle de coordination : il veillera, avec l'aide du Conseil des « Musées de France », à la cohérence de la politique nationale de ces institutions.

Certes, au-delà de ces structures, d'autres acteurs participent au développement de nos musées, qu'il s'agisse des sociétés d'amis des musées ou des donateurs, qui ne ménagent pas leurs efforts pour accompagner le travail des conservateurs. Ils participent, aux côtés des pouvoirs publics, à la construction d'une politique nationale à laquelle je suis très attachée.

Votre commission a souhaité compléter le texte par un volet fiscal afin de favoriser l'enrichissement de notre patrimoine. Le Gouvernement a décidé de retenir certains de vos amendements, de prévoir la révision du régime des fondations d'entreprises et d'engager parallèlement une réflexion sur la possibilité d'un prélèvement sur les jeux de hasard.

Telles sont les orientations essentielles de ce projet dont chacun peut mesurer l'urgence. Ce texte ne prétend pas répondre à toutes les attentes des élus et des professionnels : soyez assurés que je serai très attentive aux propositions que vous formulerez.

Nos musées sont la première de nos institutions patrimoniales. Ils contribuent à la diffusion de notre culture et, comme le montrent les millions de touristes étrangers qui les fréquentent, au rayonnement de notre pays dans le monde.

Je suis bien consciente du caractère un peu technique de ces différentes dispositions mais il y a fort longtemps que le législateur ne s'était pas penché sur le cadre juridique des musées. Au regard de leur contribution à la richesse nationale, ceux-ci méritent pourtant toute notre attention

Je tiens encore une fois à remercier l'Assemblée et tout particulièrement la mission d'information dont les travaux ont permis de faire de nos musées un sujet d'actualité quand tant d'autres sujets peuvent paraître prioritaires. Encore une fois, merci de votre confiance.

Avec ce texte, nous aurons doté notre réseau de musées des instruments juridiques indispensables à son développement et reconnu l'importance des investissements consentis par les collectivités dont l'action est irremplaçable. En accompagnant le travail du Gouvernement, vous aurez donné un élan nouveau à notre politique culturelle (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Je vous remercie à mon tour, Madame la ministre, pour l'exemplarité de votre travail. L'ensemble des partenaires que la mission d'information a pu rencontrer lui a permis d'enrichir sa réflexion très en amont. Je ne reviens pas sur les conclusions de ses travaux -auxquels vous avez participé- et dont le compte rendu a été rendu public.

Félicitons-nous qu'aboutisse ce soir, enfin, un projet que nombre de vos prédécesseurs n'avaient pu mener à bien. La commission a noté quelques différences, pour l'essentiel des édulcorations, entre l'avant-dernière et la dernière moutures du texte. Elle s'est principalement attachée à restaurer l'avant-dernière version. Elle a notamment souhaité que les missions des musées soient définies au tout début du texte et non à l'article 4 qui traite du contrôle de l'Etat.

Elle a également élaboré un plan fiscal général pour soutenir les musées de France. Certaines dispositions de ce plan feront l'objet d'amendements, d'autres non, la commission des finances risquant d'invoquer l'article 40. Elles pourraient toutefois être reprises ultérieurement par le Gouvernement, à l'occasion de la loi de finances par exemple. Nous souhaitons d'ailleurs que le Gouvernement nous précise ses intentions à ce sujet.

La première de nos propositions, qui a d'ailleurs été relayée par le Président de la République au Louvre il y a peu, est de créer un fonds d'affectation spéciale alimenté par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des casinos et destiné à financer l'acquisition de « trésors nationaux ». Ce chiffre d'affaires, en forte progression depuis plusieurs années, a atteint 58 milliards pour la saison 1996-1997. Il a fait l'objet d'un prélèvement de 8,3 % de la part de l'Etat -contre 17,3 % pour le PMU et 28,4 % pour la Française des jeux, laquelle finance le FNDS. Plutôt que de taxer encore davantage les petits jeux des bars-tabacs, auxquels s'adonne un public beaucoup moins fortuné que celui des casinos, nous préférerions instituer une taxe de 1 % sur le chiffre d'affaires de ces derniers. Cela procurerait près de 600 millions, soit six fois plus que les crédits d'acquisition actuellement disponibles. Nous ne pouvions pas proposer par voie d'amendement la création de ce fonds mais dans la mesure où nous avons trouvé une recette nouvelle, il n'appartient qu'au Gouvernement de nous emboîter le pas.

Nous souhaiterions également que l'on étende la réduction d'impôt sur le revenu, prévue à l'article 200 du code général des impôts, aux dons et versements au profit de souscriptions nationales visant à financer l'acquisition d'_uvres pour enrichir les collections d'un musée de France.

Il faudrait également encourager le mécénat en révisant l'article 238 bis-OA du code général des impôts qui permet aux entreprises de déduire de leur bénéfice imposable, dans une certaine limite, la valeur d'acquisition d'_uvres d'art qu'elles s'engagent à céder à l'Etat dans un délai de dix ans, ces _uvres devant entre temps être exposées au public.

Enfin, un assouplissement du régime des fondations d'entreprise serait également nécessaire.

Toutes ces mesures faciliteraient, à n'en pas douter, l'enrichissement des collections des musées de France.

En conclusion, merci de ce travail que nous avons pu mener en commun, Madame la ministre, avec vous et vos services. Merci par avance de la suite que vous voudrez bien donner à nos propositions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

Mme Catherine Génisson - L'examen de ce projet de loi nous donnera l'occasion d'un beau débat. Il faut vous en remercier, Madame la ministre : nous le devons à la force de vos convictions et à votre détermination de reconnaître le droit à la culture de chacun. Nous le devons également au président Le Garrec et au chef de notre mission d'information sur le sujet et rapporteur du texte, M. Recours. Qu'ils en soient eux aussi remerciés.

L'offre muséale s'est accrue et diversifiée -on compte aujourd'hui plus de 1 100 musées en France-, l'ordonnance de 1945 est devenue obsolète. Les collections aussi se sont enrichies et diversifiées -l'oeuvre d'art n'est plus la référence exclusive. Le public apprécie cette ouverture puisque la fréquentation ne cesse de croître, atteignant des pics lors des expositions exceptionnelles. On peut d'ailleurs s'interroger sur la composition du public de ces expositions : ne suit-il pas davantage une mode qu'il ne cherche à éprouver et partager une émotion ?

Une définition plus moderne du musée est donc nécessaire. Elle doit rappeler avec force l'importance de leur rôle scientifique, mais aussi de leur vocation culturelle.

A l'article premier, nous soutenons l'amendement du rapporteur qui a souhaité placer le public au c_ur de l'institution muséale et qui invoque avec bonheur la notion de plaisir. Le texte favorise l'intégration de toutes les familles de musées dans le label Musées de France. La création du Conseil des musées y contribuera largement, en particulier grâce à sa composition que nous avons voulue très large.

Nous apprécions le souci de l'Etat d'instaurer une coopération plus étroite et équilibrée avec les personnes morales responsables des musées. Pour réussir cette décentralisation, la contractualisation est un outil essentiel. Aussi l'amendement déposé sur ce point par le rapporteur est-il important.

Le succès des musées tient beaucoup à la qualité de formation des professionnels, qu'il faut garantir tant dans le domaine scientifique que dans celui de la médiation culturelle. Le texte contient des avancées notables. Cependant, la mobilité et les rencontres demeurent insuffisantes entre la pépinière des chercheurs des musées nationaux et les personnels des musées territoriaux souvent davantage mobilisés sur l'action culturelle. La médiation culturelle doit faire partie de la formation et la mobilité est un élément majeur d'enrichissement. La création du grade de conservateur général pour les collectivités territoriales devrait y contribuer.

Le statut d'établissement public administratif vous paraît-il être le mieux adapté aux missions de nos musées nationaux ?

Face à la hausse du prix du marché de l'art, nos musées disposent de moyens insuffisants. Comme il est impossible de tout demander à la puissance publique, nous devons imaginer d'autres formules. Nous soutenons les propositions du rapporteur sur ce point. Quand l'Angleterre prélève sur le produit des lotos, tournons-nous vers celui des casinos. Réduisons l'impôt des donateurs, encourageons le mécénat d'entreprise, favorisons la création d'une fondation.

Soyez assurée de notre conviction, et de notre plaisir à avoir examiné ce texte, que le groupe socialiste votera (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Bruno Bourg-Broc - En 1999 les musées français ont reçu 45 millions de visites de Français, dont plus des deux tiers dans les musées locaux et territoriaux. S'y ajoutent plus de 20 millions de visites de touristes.

Ainsi, même s'il reste beaucoup à faire, ces chiffres sont encourageants ; encore que deux Français sur trois ne franchissent jamais la porte d'un musée... Les musées aujourd'hui sont à la mode. Cet engouement résulte de l'évolution des curiosités du public, mais aussi des remarquables efforts des musées pour attirer les visiteurs.

Voici donc un public toujours plus nombreux, et des musées porteurs d'enjeux multiples, mais vivant sous un régime désuet, celui de l'ordonnance de 1945.

Le Gouvernement a pour objectif, et nous l'apprécions, de placer le public au c_ur de la vocation du musée ; il est également attaché à la notion de contractualisation dans les relations entre l'Etat, les collectivités territoriales et les personnes privées propriétaires de musée, et se préoccupe de mieux protéger les collections.

La mission d'information présidée par le rapporteur avait élaboré des propositions aussi audacieuses que novatrices. Nous ne reconnaissons guère nos petits dans votre projet. Heureusement la ténacité des parlementaires y a pourvu.

Le champ d'application du texte est plus vaste qu'il n'y paraît. Si l'appellation Musée de France est attribuée à la demande de la personne morale propriétaire, l'article 14 dispose que seront considérés de plein droit Musées de France les musées nationaux, les musées classés et les musées de l'Etat dont le statut est régi par décret ; il en est de même des musées contrôlés, à condition qu'aucune contestation ne soit élevée dans le délai d'un an suivant le classement. Cette automaticité fera entrer dans le champ de la loi les musées de l'Etat ne relevant pas de la Direction des Musées de France ni du ministère de la culture, comme le Muséum d'histoire naturelle ou le musée de l'Armée, ainsi que l'ensemble vaste et flou des musées dépendant pour l'essentiel des collectivités locales. Personne ne sait exactement ce qu'est un musée contrôlé, ni combien il en existe ; entre mille et mille cinq cents, dit-on. De plus, il résulte de l'article 14 que la personne morale de droit public responsable du musée ne pourra pas réellement s'opposer à l'obtention de l'appellation Musée de France. C'est un problème. Sous couvert d'excellents motifs, votre projet permet à l'Etat d'étendre son contrôle sur les musées relevant de tous les départements ministériels et des collectivités territoriales.

Vous imposez des obligations en contradiction avec l'esprit général du texte. A preuve les dispositions combinées des articles 7 et 11. Au nom d'une meilleure coopération entre l'Etat et les personnes morales, l'Etat étend son contrôle technique, qu'il n'a d'ailleurs pas toujours les moyens d'exercer. N'est-ce pas, contrairement à vos affirmations, le retour à une certaine centralisation ? Dans ces conditions, l'Etat pourrait-il vraiment remplir sa mission de conseil, d'expertise et de soutien, alors même que la Direction des musées de France ne dispose pas de services déconcentrés ? Tous les dossiers seront donc étudiés à Paris par l'inspection générale des musées, au risque de subir de longs délais. L'inspection générale possède-t-elle toutes les compétences pour se prononcer à la fois sur l'acquisition d'un timbre-poste pour le Musée postal et d'un couple de macaques pour le zoo de Vincennes, ou la restauration d'une trieuse mécanographique du conservatoire des Arts et métiers ?

Votre projet de loi ne traite pas du problème des personnels ; il survole la mise en réseau des collections et demeure silencieux sur le développement des fondations comme sur la liaison entre les musées et les DRAC.

Enfin, l'absence de dispositions fiscales et financières me déçoit. J'espère que vous accueillerez favorablement les propositions de mes collègues UDF et DL, auxquelles je souscris tout à fait. Nous tenons à ce volet fiscal, qui suscitera de nouveaux moyens d'acquisition et favorisera le mécénat.

Voilà encore une occasion manquée d'aller plus avant dans la voie du soutien aux musées par le mécénat.

Ce projet va dans le bon sens, et il répond à une attente : il reste néanmoins insuffisant, et très en deçà de ce que la mission d'information avait permis d'espérer. Dans son état actuel, le groupe RPR s'abstiendra de le voter.

M. Bernard Outin - Pour transmettre l'histoire et construire le sens, notre politique culturelle a un rôle important à jouer. Elle doit à la fois préserver et enrichir notre patrimoine, malgré la spéculation qui s'affole, et construire la rencontre des _uvres et des publics, en atteignant toujours plus de monde et en participant à la démocratisation culturelle.

Jusque dans les années 70, les musées semblaient encore des conservatoires réservés aux initiés. Les choses ont bien changé, et ces institutions se sont même quelque peu « révolutionnées ».

L'intitulé de la mission d'information montre le chemin parcouru : un musée doit être un lieu sans but lucratif, à la disposition des gens pour la connaissance, l'éducation et le plaisir. La fonction patrimoniale, si fondamentale soit-elle, ne peut que s'enrichir de la rencontre avec la création d'aujourd'hui. Quant à la fonction pédagogique, elle doit aussi être actualisée, avec les musées « hors les murs », par exemple.

Malgré les progrès accomplis, le musée demeure synonyme de sanctuaire pour beaucoup. D'où l'importance de la « démarche de service public », qui doit « participer à la lutte contre les inégalités, l'exclusion, l'isolement, aider à l'intégration, au développement de solidarités en cohérence avec la politique d'aménagement du territoire, et renforcer le sentiment d'appartenance à une même collectivité », et cela « en collaboration avec les acteurs de terrain ». Bref, « le musée doit devenir un lieu d'échanges culturels, intégré dans une politique globale de développement culturel ».

La mise en réseau des musées permettrait de mutualiser les financements et les compétences, dans l'intérêt notamment des petits musées. A cet égard, le projet mérite d'être enrichi.

Il serait important aussi de faire mieux circuler les publics entre les différentes institutions. Le projet propose une appellation « Musée de France » visant à fédérer les structures qui se sont multipliées ces dernières années. Nous approuvons la démarche de labellisation, car elle engage plus que l'agrément.

Le projet autorise aussi un partenariat entre l'Etat et des personnes morales de droit privé à but non lucratif. Mais qu'adviendrait-il si des critères comme celui de l'exposition au public n'étaient plus respectés ? Des précisions sont nécessaires, et l'Etat devra exercer un contrôle. Peut-être faudrait-il envisager d'autres cas de retrait de l'appellation que celui qui est prévu à l'article 12 pour les collections qui seraient mises en périls. Comment une structure pourrait-elle conserver le label « musée de France » si l'exposition au public n'était plus assurée correctement ?

Par ailleurs, nous proposons de marquer plus nettement l'engagement de l'Etat dans deux directions : pour la création de réseaux des Musées de France et la mise en place de conventions de coopération. La mission d'information avait proposé qu'un contrat d'objectif et de moyens soit lié à l'obtention de l'appellation, mais le projet n'a pas retenu cette option.

Nous espérons par ailleurs que la dynamique de ce projet se traduira dans le prochain budget. La mission d'information appelait notamment l'attention sur la nécessité de développer des services éducatifs et culturels, propres à tel musée ou partagés au sein d'un réseau.

Quant au nouveau Conseil des musées, quelle place prendra-t-il à côté de la Direction des musées de France ou de la Réunion des musées nationaux ? Qui exécutera les missions d'inspection et de contrôle ?

L'article 6 ne répond pas assez à l'objectif de démocratisation culturelle. Nous souhaitons la gratuité, dans tous les musées de France, pour les jeunes de moins de 18 ans, ainsi que l'ouverture gratuite un dimanche par mois.

Ce projet était attendu. La décentralisation, la recherche de nouveaux publics, et l'ouverture à toutes les cultures obligeaient en effet à rénover un cadre juridique dépassé. Je rappellerai enfin le cri d'alarme lancé le 30 avril par les professionnels des musées, contre une politique aboutissant au démantèlement de certains musées nationaux et contre certaines dérives ouvrant la voie à une démarche mercantile.

Il nous faut un budget de la culture plus audacieux, donnant à l'Etat et aux collectivités territoriales les moyens de leurs interventions, afin d'éviter le transfert d'une partie de notre politique culturelle vers le mécénat privé. Il ne faudrait pas, en effet, que l'initiative privée serve à pallier des carences de l'Etat, alors qu'elle doit permettre des actions supplémentaires.

Le groupe communiste soutient les orientations de ce projet, et souhaite qu'il soit renforcé pour mieux garantir l'intérêt général, faciliter l'accès des publics au musée et préciser la responsabilité de l'Etat.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 30.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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