Accueil > Archives de la XIe législature > Les comptes rendus > Les comptes rendus analytiques (2000-2001)

Session ordinaire de 2000-2001 - 76ème jour de séance, 173ème séance

1ère SÉANCE DU MARDI 15 MAI 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          ATTRIBUTION DE LOGEMENTS SOCIAUX 2

          ARTICLE PREMIER 10

          ART. 2 10

La séance est ouverte à neuf heures.

    Top Of Page

    ATTRIBUTION DE LOGEMENTS SOCIAUX

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, rapporteur de la commission de la production - Il y a quelques semaines, nous avons examiné la loi de 1975 sur les institutions sociales et médico-sociales, je peux dire que nous avons dialogué.

Notre groupe a rappelé que les personnes en situation d'exclusion, et les personnes handicapées en particulier, ne doivent pas être instrumentalisées dans un but politicien. C'est l'honneur du Parlement qu'il n'en soit pas ainsi.

La proposition qui vous est soumise vise à faciliter l'attribution de logements sociaux aux personnes handicapées. En l'inscrivant à son ordre du jour réservé, le groupe RPR s'est montré fidèle à sa tradition humaniste : Jacques Chirac était Premier ministre quand ont été adoptées la loi d'orientation de 1975, la loi sur les institutions sociales et médico-sociales dont je viens de parler, puis la loi de 1987 sur l'intégration professionnelle.

Nos récents travaux parlementaires l'ont montré : si les principes posés par ces textes demeurent d'actualité, leur mise en _uvre n'est plus adaptée au temps présent. Hier, on a fait le choix du « tout institution », du « tout collectif », du placement en établissement. Aujourd'hui, les personnes handicapées souhaitent être prises en charge individuellement et avoir accès à tout ce qui, pour nous, va de soi : l'éducation, la formation, les loisirs, les vacances, la vie sexuelle et affective, les transports et le logement. Relayée par l'Association des paralysés de France, la revendication d'autonomie s'exprime avec force. Mais le maintien à domicile exige une aide humaine et technique.

Les associations consultées nous ont indiqué que les personnes handicapées et leur famille rencontrent les plus grandes difficultés à obtenir un logement social. Ces associations ne manquent jamais de faire état du problème devant le Conseil national consultatif des personnes handicapées.

Le cadre législatif et réglementaire n'est pas inexistant. La loi de 1991 sur l'accessibilité des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations recevant du public a été complétée par des dispositions spécifiques à l'urbanisme et à l'habitat. Le respect du principe d'accessibilité est garanti par des procédures en amont et en aval de la construction.

Des dispositions réglementaires imposent, dans les habitations collectives neuves, que les logements, les ascenseurs et une partie des places de parking soient accessibles aux personnes à mobilité réduite. L'article R 111-18-1 du code de la construction indique que les circulations et les portes des immeubles collectifs doivent permettre le passage en fauteuil roulant. De même, la cuisine, le séjour, la salle d'eau et une chambre au moins doivent être utilisables par une personne à mobilité réduite.

Même s'il faut regretter qu'aucune disposition ne soit prévue pour le handicap sensoriel, le cadre juridique est donc assez satisfaisant.

Pourtant, les associations et tout particulièrement l'Association pour le logement des grands infirmes nous ont dit que l'accès au logement relève encore du parcours du combattant.

Alors que les personnes handicapées cumulent les facteurs d'exclusion, elles ne bénéficient d'aucune priorité pour l'attribution d'un logement social. On peut à cet égard regretter que l'actuelle majorité ait fait disparaître de l'article R 441-4 du code de la construction la notion de handicap.

La priorité d'attribution est d'autant plus justifiée que l'offre de logements adaptés est très insuffisante. Les bailleurs sociaux, en effet, ne respectent que partiellement leurs obligations. Il faut reconnaître que les surcoûts induits sont élevés. La subvention PALULOS étant insuffisante, les bailleurs doivent faire la quête auprès des caisses d'assurance maladie, de centres communaux d'aide sociale et des conseils généraux.

Il n'existe aucun fichier centralisé des logements sociaux adaptées et leur occupation ne fait l'objet d'aucun suivi : il n'est donc pas étonnant que l'ALGI fasse état d'un stock de 959 demandes insatisfaits en Ile-de-France, à la fin de l'année 2000.

A ces difficultés s'ajoutent les libertés que prennent les constructeurs pour rentabiliser des opérations toujours plus onéreuses, compte tenu du coût du foncier et des constructions.

La proposition que je vous soumets n'a pas l'ambition de résoudre l'ensemble des problèmes. M. Cacheux, au nom du groupe socialiste, nous a annoncé un vaste plan d'action...

M. Alain Cacheux - C'est celui du Gouvernement !

Mme la Rapporteure - Dont vous vous faites le porte-parole. Quoi qu'il en soit, il faudra des années pour qu'on ressente les effets de cette opération mirifique.

Ma proposition, plus modeste, présente l'avantage d'être opérationnelle. A l'origine, je ne voulais accorder de priorité d'attribution qu'aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge.

Je me rends compte qu'il faut l'accorder aussi aux personnes en situation de handicap.

MM. Cacheux et Hammel ont souhaité étendre le bénéfice de cette disposition à « toute personne en perte d'autonomie ». Qui trop embrasse mal étreint : cette notion sans valeur juridique risquerait de vider la proposition de son contenu.

En revanche, nous approuvons l'amendement de M. Cacheux visant à déduire de la taxe foncière les dépenses engagées par les office HLM pour assurer l'accessibilité des logements.

Nous souhaitons apporter une réponse, partielle mais efficace, à une question lancinante. La personne handicapée a le droit d'exercer sa pleine citoyenneté. Nous avons le devoir de lui en donner les moyens (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jean-Marie Geveaux - L'article 13 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'ONU le 10 décembre 1948 dispose que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat ».

En France, les articles 49 et 52 de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 ont posé le principe d'accessibilité comme une obligation nationale. Or, plus de cinquante ans après la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, les personnes handicapées ne jouissent toujours pas des mêmes droits que les autres citoyens. Nombre de logements, de bâtiments publics, d'équipements, ne sont pas libres d'accès.

Pourtant, l'accessibilité conditionne l'intégration de la personne handicapée, qui doit pouvoir exercer ses droits fondamentaux : droit à l'éducation, droit au travail, droit au logement...

En matière de logement, une législation relativement récente impose que les bâtiments d'habitation collective neufs soient accessibles aux personnes handicapées à mobilité réduite.

Il serait d'ailleurs judicieux d'étendre cette obligation aux constructeurs du secteur privé. S'il est indéniable que le parc reste insuffisant et qu'un contrôle de conformité est indispensable, les plus grandes difficultés apparaissent néanmoins dans l'attribution de ces logements sociaux.

L'article L 444-1 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoit une attribution prioritaire aux personnes mal logées ou défavorisées « ou rencontrant des difficultés de logement, pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence » est trop général. Il ne permet pas aux organismes de donner la priorité aux personnes présentant un handicap lorsqu'elles sont en concurrence avec d'autres demandeurs. Priorité que justifie pourtant le problème récurrent de l'insuffisance de logements adaptés.

L'article R 441-4 du même code dispose que « les logements construits ou aménagés en vue de leur occupation par des personnes handicapées sont attribuées à celles-ci », mais il est inopérant du fait de l'inexistence d'un fichier centralisé de ces logements.

10 % de nos concitoyens sont en situation de handicap, dont 125 000 enfants. Les frais liés au handicap diminuent d'autant les ressources disponibles pour le logement. Comme l'écrit très justement M. Vincent Assante, auteur d'une étude récente pour le Conseil économique et social...

M. Alain Cacheux - Excellente étude !

M. Jean-Marie Geveaux - ... « L'entrée dans un logement et, pour des personnes à faibles revenus comme le sont souvent les personnes handicapées, l'accès au logement social relèvent de la quadrature du cercle. Les listes d'attente ont tendance à s'allonger et la triple exigence de surface minimum, de revenu minimum et d'accessibilité rend l'éventualité d'obtenir satisfaction bien hasardeuse ».

En France, pays des droits de l'homme, plus de cinquante deux ans après la Déclaration universelle des droits de l'homme, les personnes handicapées n'ont toujours pas le droit de choisir leur résidence. Accessibilité, adaptabilité demeurent encore trop souvent des mots vides de sens. Cette proposition de loi constitue donc une réelle avancée pour nos concitoyens, handicapés, et c'est pourquoi le groupe RPR la soutient (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alain Cacheux - Avec cette proposition de loi, Madame la rapporteure, vous mettez l'accent sur l'un des problèmes majeurs de la société française, à savoir la place des handicapés et plus généralement des personnes en perte d'autonomie.

Ce problème revêt plusieurs aspects : conditions quotidiennes d'existence à travers l'accès aux services publics, aux équipements, au sport, à la culture ; emploi, domaine où les règles édictées en faveur des handicapés sont encore loin d'être respectées, même dans les entreprises et services publics ; logement, sujet qui retient notre attention ce matin et sur lequel M. Hammel présentera la position de notre groupe.

S'agissant d'améliorer les conditions de logement des personnes handicapées, vous vous êtes naturellement tournée vers le logement social. Vous avez eu raison car le secteur privé, soumis à des impératifs de rentabilité, peut difficilement prendre en compte ce type de préoccupations. Vous avez d'autant plus raison que contrairement à une idée répandue, le logement social répond aux demandes exprimées par de nombreuses catégories sociales -personnes modestes à la recherche d'un cadre de vie agréable, jeunes couples, citoyens démunis qui cumulent handicaps financiers et sociaux.

Votre proposition de loi est ainsi l'occasion de rappeler le rôle social joué par les organismes HLM pour lutter contre la « fracture sociale » -persuadé que vous serez sensible à la formule. Près d'un millier d'organismes, plusieurs milliers d'administrateurs bénévoles, plusieurs dizaines de milliers de salariés tentent d'allier efficacité, humanité et intelligence dans le traitement des situations individuelles. C'est cela, la réalité quotidienne du logement social, même si on ne parle dans les médias que de l'OPAC de Paris, du juge Halphen et du Président de la République. On pourrait d'ailleurs tout autant parler de l'office départemental du Gard ou de l'OPAC de Metz.

En oubliant cette réalité, on donne du logement social une image négative. Le débat sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains n'a malheureusement pas échappé à la règle, à l'initiative de vos propres amis, qui ont versé dans la caricature, en présentant l'habitat social comme un lieu de relégation des cas sociaux, alors que, heureusement, la grande majorité de ceux qui y vivent ne pose aucun problème, paie son loyer, respecte les règles de la vie en collectivité ; ou encore en évoquant, pour faire peur, les barres et les tours, que le secteur HLM ne construit plus depuis plus de vingt ans.

Si vous voulez, Madame la rapporteure, que davantage de logements sociaux soient affectés aux handicapés, il faut d'abord que davantage de logements sociaux soient construits.

Mme la Rapporteure - J'en suis bien d'accord !

M. Alain Cacheux - Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les déclarations parfois indécentes de vos amis l'année dernière. Je les tiens à votre disposition.

Est-ce par une priorité dans les attributions qu'il faut répondre au problème bien réel du logement des handicapés ?

Nous avions eu ce débat lors de l'examen de la loi de prévention et de lutte contre les exclusions et nous avions pensé qu'il valait mieux fixer des critères généraux, notamment au profit de personnes mal logées, dont les handicapés font à l'évidence partie. Les députés socialistes ont par ailleurs amendé le texte sur la solidarité et le renouvellement urbains afin de mieux prendre en compte les personnes handicapées dans toutes les politiques urbaines.

Donner une priorité aux handicapés revient à hiérarchiser les urgences, en mettant au second rang les personnes expulsées ou vivant dans un logement insalubre, les familles nombreuses ou les personnes d'origine étrangère. Il est bien préférable de laisser les commissions d'attribution décider en fonction des réalités locales. Les organismes d'HLM sont dans leur majorité fidèles à leur mission sociale et ont donc la volonté de répondre aux demandes des handicapés comme à celles des autres catégories de demandeurs prioritaires.

Le problème est ailleurs : d'où l'amendement portant article additionnel que j'ai déposé au nom du groupe socialiste et que la commission a bien voulu adopter. Lorsqu'un organisme d'HLM décide de réaliser dans le parc existant des travaux d'adaptation au bénéfice des personnes handicapées, il ne perçoit aucune subvention spécifique et ses impositions n'en sont jamais réduites. Ainsi, l'office de Lille, que je préside, aménage chaque année une quinzaine de logements en faveur de handicapés moteurs, pour un coût moyen de 50 000 F : ces dépenses sont entièrement couvertes par son budget, financé à 93 % par les loyers -c'est-à-dire, en définitive, par les autres locataires, en général de situation modeste. Si donc la représentation nationale veut amplifier l'effort déjà consenti par les organismes, c'est sur ce point qu'elle doit intervenir, et non en ajoutant aux priorités d'attribution dont les commissions locales sont déjà submergées ! Mais il est vrai, Madame la rapporteure, que vous avez reconnu n'être pas familière de ces réalités...

Votre proposition me paraît donc inadaptée, même si elle a le mérite de souligner un problème. Connaissant le courage et la sincérité dont vous avez fait preuve à propos d'autres dossiers difficiles, je ne veux pas croire que vous auriez songé à faire un « coup », venant après ceux qui ont été tentés sur l'environnement, les inondations ou la sécurité sanitaire. Mais il reste que ces dispositions constituent une réponse bien maladroite au souci légitime d'améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Georges Colombier - Comment ne pas s'accorder sur la nécessité de faciliter la vie des familles ayant un enfant handicapé à leur charge ? Cependant, je note que cette proposition de loi ne ferait que consacrer la procédure suivie par les commissions d'attribution des logements HLM, qui prennent déjà en compte, au titre de la composition des ménages, l'existence d'une personne handicapée à charge. Il est vrai toutefois que la nouvelle rédaction de l'article 441-1 donnerait à cette procédure une garantie législative explicite...

Par ailleurs, je me suis réjoui que la commission ait adopté un amendement, déposé par Mme Bachelot, afin que la priorité d'attribution ne soit plus réservée aux familles ayant un enfant handicapé à leur charge, mais qu'elle soit étendue à toute personne en situation de handicap ou à toute famille ayant une personne en situation de handicap à leur charge. Nul doute qu'une telle mesure sera bien accueillie par les personnes à la motricité réduite ou encore par les familles ayant à leur charge, non un enfant, mais un jeune adulte handicapé.

Le financement des aménagements visant à adapter les logements aux besoins des handicapés, en particulier à les rendre plus accessibles, ne peut reposer sur les seuls offices HLM, déjà soumis à de lourdes charges. L'amendement déposé par M. Cacheux contribuerait à régler le problème, grâce à la majoration de la DGF.

Ainsi complétée et précisée, la proposition va donc dans le bon sens : celui d'une reconnaissance et d'une meilleure prise en compte du handicap. Je dois toutefois émettre plusieurs réserves, que je souhaite cependant constructives.

Il ne faudrait pas, tout d'abord, qu'accorder une priorité aux personnes handicapées revienne à leur réserver d'office des logements. Des quotas rigides risquent en effet de conduire à des vacances de logements alors que des ménages, dont aucun membre n'est handicapé, sont demandeurs.

D'autre part, un aménagement reste à trouver pour les familles dont les revenus dépassent, ne serait-ce que de peu, le plafond de ressources et qui, même avec une personne handicapée à charge, ne pourraient donc obtenir un logement social. Pourquoi ne pas revoir ces conditions de ressources en faisant intervenir la présence d'une personne handicapée comme un élément modérateur ?

Enfin, la voie réglementaire ne doit pas être écartée. L'article L. 441-1 prévoyant qu'un décret détermine les conditions de réservation que le préfet peut faire jouer au profit des personnes prioritaires, il est parfaitement concevable d'inclure dans ce décret les personnes handicapées.

Merci, Madame Bachelot, d'avoir attiré l'attention sur certaines difficultés rencontrées par les personnes handicapées, trop souvent marginalisées. Depuis les lois de 1975 et 1987, peu de dispositions ont été prises en matière d'accueil et d'insertion. Le récent plan triennal, n'a pas tenu ses promesses. Il paraît donc urgent de faire le point sur la situation afin d'examiner les mesures à prendre. C'est à quoi vise la proposition de résolution que déposera prochainement M. Mattei, en vue de créer une commission d'enquête, après l'arrêt Perruche, rendu le 17 novembre 2000 par la Cour de cassation. Il paraît, en effet, très contestable qu'une institution judiciaire cherche à pallier les carences des pouvoirs publics. De ceux-ci, la présente proposition de loi rappelle l'éminente responsabilité. C'est pourquoi le groupe DL la votera !

Mme la Rapporteure - Merci.

M. Jean-François Chossy - Cette proposition est un petit pas de plus en faveur de l'intégration des personnes handicapées et le groupe UDF la soutiendra donc pleinement tout en espérant que les ajouts suggérés par la commission seront adoptés.

En dépit des efforts déjà consentis, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le sort des personnes victimes de handicaps, notamment pour améliorer leur cadre de vie : les trottoirs sont trop hauts ou trop étroits, les feux tricolores sont rarement complétés par des dispositifs sonores, les transports en commun et la voirie sont inadaptés aux besoins des personnes à mobilité réduite -de même que la plupart des logements. Il nous incombe d'atténuer, de compenser ou de supprimer toutes ces difficultés quotidiennement rencontrées par nos concitoyens. La proposition de Mme Bachelot peut nous y aider. Changer le regard que la société porte sur le handicap, intégrer tous ceux qui sont ainsi marginalisés est notre devoir, parce que c'est le droit des intéressés. Cela suppose une politique volontariste, comme l'a justement souligné le Conseil économique et social dans son avis de septembre 2000. Or dans quel domaine cette politique s'impose-t-elle davantage que dans celui du logement ? Comment assurer aux handicapés une vie ordinaire, sinon en leur garantissant un cadre d'existence bien intégré dans l'environnement, décent et confortable ?

Pour rendre ces dispositions encore plus efficaces, il fallait les élargir à l'ensemble des personnes handicapées et à leurs familles : la commission l'a demandé, nous devons adopter son amendement.

A qui reviendra de définir le degré de handicap ? Je n'ai guère de souci à ce sujet : les commissions locales ne manquent ni d'experts ni de membres compétents capables de se prononcer sur ce point. Il paraît cependant nécessaire qu'elles soient éclairées par la réflexion des associations.

Donner aux handicapés un logement adapté, plus spacieux et plus confortable, c'est à n'en pas douter travailler à leur intégration. Les collectivités jouent un rôle important en ce domaine : ainsi la région Rhône-Alpes subventionne tous les travaux destinés à favoriser le maintien à domicile des personnes handicapées ou âgées.

Il importe aussi de faciliter l'échange d'appartements dans un même bloc, un même quartier, une même rue, une même ville, de façon que la famille qui cherche un appartement de plain pied le trouve aussi vite que possible. Le texte doit pouvoir s'appliquer à tout moment d'une vie, car le handicap peut frapper à tout moment.

Ce texte ouvre grand les portes de l'intégration et chacun voudrait prolonger la réflexion, s'intéresser de plus près à l'intégration scolaire, culturelle, sportive, sociale en un mot, mais ce n'est pas le but de la discussion de ce matin, d'emblée plus limitée. Ce texte a cependant le grand mérite d'exister et nous avons quant à nous le devoir de le voter. C'est ce que fera le groupe UDF en souhaitant que la discussion promise par Dominique Gillot sur le vaste thème de l'intégration ait lieu le plus tôt possible (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

Mme Janine Jambu - La proposition de loi soumise aujourd'hui à notre examen est certes généreuse mais n'est-elle pas la bonne intention qui masque la profondeur des insuffisances et des mauvaises volontés politiques en matière de logement social ? Elle émane en effet de bancs où se font souvent entendre de farouches opposants aux mesures prises pour relancer la construction de logements sociaux. J'en veux pour preuve le récent débat sur un projet qui a permis de rétablir, dans le respect des règles constitutionnelles, le dispositif de sanction des communes n'ayant pas respecté l'engagement de construction de logements sociaux et la possibilité d'intervention du préfet en cas de carence. Le retour à l'esprit de la loi dite SRU a soulevé à nouveau l'ire de nos collègues de l'opposition. L'un d'eux nous a ainsi expliqué que les communes de Saint-Maur et du Perreux n'ont pas de terrains disponibles, que leurs habitants ne veulent pas que leur cadre de vie soit défiguré et enfin que la loi Gayssot est un véritable repoussoir. Outre la sempiternelle caricature de ce qu'est aujourd'hui le logement social, c'est une véritable logique d'exclusion qui s'exprime ainsi. Envers les handicapés mais plus largement envers tous ceux qui ont besoin d'un logement social. Quelle probabilité auront-ils d'être logés dans ces communes qui ne veulent pas de logements sociaux ?

Si je regarde le règlement départemental d'attributions des Hauts-de-Seine, mon département, je constate que les personnes handicapées figurent au nombre des prioritaires, ainsi que les personnes défavorisées, les familles nombreuses, monoparentales, les femmes enceintes, les personnes privées d'emploi en difficultés financières... Mais face à cette liste de milliers d'hommes et de femmes dont l'attente n'est pas satisfaite, je vois celle des communes et je constate que Levallois, Neuilly, Bois-Colombes, Saint-Cloud, Garches, Bourg-la-Reine ou Boulogne comptent moins de 20 % de logements sociaux et n'en construisent guère. L'essentiel de l'effort est supporté par Gennevilliers, Villeneuve, Nanterre ou Bagneux, qui compte aussi la part la plus élevée de ménages non imposables et le pourcentage le plus élevé de ménages modestes dans le parc social.

Les personnes handicapées figurent souvent au nombre de ces ménages, compte tenu de la faiblesse de leurs allocations, de même que les familles ayant un ou plusieurs enfants handicapés à charge.

Aussi faut-il dépasser les v_ux pieux. Or, la situation reste préoccupante, avec seulement 42 500 logement sociaux financés en 2000. Le plan de relance annoncé par le Ministre de l'équipement et la volonté réaffirmée par Mme la secrétaire d'Etat au logement doivent donc être soutenus et il faut continuer dans la voie ouverte par les améliorations obtenues dans le domaine des financements, le relèvement des subventions publiques, la TVA à 5,5 %, le contrôle des normes d'accessibilité, la réhabilitation et l'adaptation des logements existants. Il faut aussi poursuivre la concertation avec les associations, notamment au sein du COLIAC -Comité de liaison pour l'accessibilité des transports et du cadre bâti-, les institutions, les élus et les bailleurs.

Je souhaiterais, pour terminer, insister sur notre conception du logement social : nous le voulons moderne et composé de petites unités bien insérées ; nous voulons des logements permettant l'accueil de catégories sociales diversifiées, un escalier où se côtoient l'infirmière et la famille démunie, l'instituteur et la personne handicapée, l'employée et le privé d'emploi, le retraité et la technicienne... tout cela dans le quartier de leur choix. Je pense profondément que c'est là le rôle essentiel du logement social et qu'il relève de la responsabilité nationale et locale d'y consacrer plus d'efforts et de volonté politique.

Le fait de contribuer aujourd'hui à l'adoption de ce texte qui comble un manque dans la loi et corrige une injustice constitue pour notre groupe un pas en ce sens (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Francis Hammel - Cette proposition de loi ne manque pas d'intérêt et part d'un bon sentiment. Accorder une priorité aux familles ayant une personne handicapée à leur charge constitue en effet un objectif que nous ne pouvons que partager, mais je voudrais insister sur quatre points : premièrement, il existe une législation et une réglementation relatives à l'accessibilité des logements ; deuxièmement, force est de constater que certains élus locaux, souvent proches de votre sensibilité politique, Madame la rapporteure, rechignent à construire des logements sociaux dans leur commune ; troisièmement, le Gouvernement et le groupe socialiste ont déjà beaucoup travaillé sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui ; enfin, cette proposition de loi a un caractère assez restrictif.

Dans l'arsenal législatif et réglementaire relatif à l'accessibilité de la voirie, des établissements recevant du public et des logements, il faut citer les lois de 30 juin 1975 et du 13 juillet 1991 ainsi que les décrets du 10 mars 1986 et du 24 décembre 1987. Les outils existent, encore faut-il qu'ils soient utilisés et que les bailleurs se conforment à leurs obligations. Il faudrait aussi que la politique ambitieuse de relance du logement social, voulue par le gouvernement Jospin, soit plus largement soutenue. Connaissant vos convictions, Madame la rapporteure, je vous invite à user de votre énergie pour convaincre vos collègues d'investir davantage dans la construction de logements sociaux. Le plan de relance et la loi SRU constituent la meilleure manière de surmonter la contradiction évidente entre votre proposition de loi, Madame Bachelot, et l'attitude malthusienne de certains de vos amis.

Nous comptons donc sur vos talents de persuasion. Le Gouvernement mène depuis 1997 une politique en faveur de l'accessibilité au logement des personnes dépendantes. L'accessibilité du cadre architectural et du logement est en effet la condition sine qua non non seulement de l'intégration des personnes handicapées dans la cité, mais aussi de la préservation de l'autonomie des personnes âgées. L'intérêt humain et sociétal de cette politique se double d'un intérêt financier pour notre protection sociale : je pense aux personnes handicapées qui se voient contraintes de passer de longs mois en centre de rééducation, à un tarif journalier élevé, parce que leur logement leur est inaccessible. Ne serait-il pas préférable que celui-ci soit aménagé ? C'est l'une des raisons pour lesquelles le Gouvernement a engagé depuis quatre ans une politique d'amélioration de l'habitat. L'article 56 de la loi d'orientation contre les exclusions du 29 juillet 1998 a ainsi modifié l'article L. 441-1 du code de l'habitation en prévoyant l'introduction de critères généraux de priorité dans l'attribution de logements au profit des personnes mal logées, défavorisées ou victimes de difficultés particulières tenant à des raisons financières ou à leurs conditions d'existence. Vous connaissez bien ce texte : c'est celui-là même que vous proposez d'amender.

On peut constater, trois ans après cette loi, que l'attribution des logements sociaux au niveau local tient le plus souvent compte de la présence d'une personne handicapée dans la famille. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains a également inscrit parmi ses objectifs, dans son article 140, outre la satisfaction des besoins de logement, la promotion de la décence du logement, de la qualité de l'habitat, l'accessibilité aux personnes handicapées. En complément des actions de formation et d'information, le budget de contrôle des DDE a augmenté de 50 % à cet effet entre 1997 et 2000, passant de 7,5 à 13 millions de francs. Les aides financières à l'amélioration des logements existants ont aussi été majorées, et leurs conditions d'obtention assouplies, qu'il s'agisse des aides de l'ANAH, du 1 % logement, des primes à l'amélioration de l'habitat pour le secteur privé ou des PALULOS. Afin de réfléchir aux difficultés spécifiques des personnes handicapées, le comité de liaison pour l'accessibilité des transports et du cadre bâti, qui réunit des représentants de l'administration, des maîtres d'ouvrage, des maîtres d'_uvre et des professionnels du bâtiment, a été mis en place en décembre 1999. Une action de proximité est également engagée avec les sites pour la vie autonome, qui seront généralisés à partir de 2003. En dépit des difficultés recensées par le rapport Assante, l'action du Gouvernement s'inscrit donc bien dans une perspective ambitieuse et durable.

J'approuve bien évidemment la démarche de notre collègue, et partage son souci d'accorder aux familles comptant un enfant handicapé une priorité dans l'attribution de logements sociaux. Je regrette toutefois le caractère trop restrictif de sa proposition qui, comme je l'ai dit en commission, aurait mérité d'être élargie aux personnes âgées ou atteintes d'une maladie grave. C'est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi, tout en maintenant son amendement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

La discussion générale est close.

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement - Le Gouvernement partage les préoccupations qui s'expriment au travers de ce débat et de cette proposition de loi. Il est en effet fondamental que soit garanti à tous les citoyens de notre pays, et plus particulièrement à ceux qui sont handicapés, l'accès au logement dans des conditions normales -c'est la clé d'une bonne intégration dans la société.

Comment atteindre ces objectifs ? Le Gouvernement n'est pas demeuré en reste, puisqu'il a lancé en janvier 2000 un plan triennal d'action, dont on ne peut encore dresser le bilan, et dont le sort dépendra largement des initiatives des collectivités locales que je suivrai de près avec Ségolène Royal et le COLIAC. S'agissant de l'accessibilité, de nombreuses mesures financières ont été prises pour le parc privé par l'ANAH et le 1 % logement, et pour le parc social avec le relèvement de 25 à 40 % du taux des aides PALULOS en avril 2001. S'y ajoute l'impact de la baisse de la TVA. Nous devons éviter d'aller trop vite en besogne. Pour régler le problème de l'accessibilité, il faut adapter l'ensemble du parc, ce qui implique d'augmenter le niveau de l'offre. Dans ce cadre, le plan de relance décidé par mon prédécesseur mérite tout votre soutien. Je ne doute pas que vous saurez déployer la même énergie qu'aujourd'hui pour convaincre tout un chacun de faire preuve de vertu républicaine.

En ce qui concerne l'attribution même des logements, la loi du 29 juillet 1998 a déjà donné lieu à un débat sur la nécessité de définir rigoureusement les publics prioritaires dans la loi. S'il va de soi que les familles comptant un handicapé sont prioritaires, le législateur, dans sa sagesse, n'a pas souhaité le spécifier, préférant renvoyer à un décret en Conseil d'Etat l'établissement de règles plus contraignantes. Il a confié aux collectivités locales, notamment aux départements, le soin de définir des objectifs prioritaires aux plans pour le logement des personnes en difficulté, il a prévu des conférences locales du logement et de l'habitat. Si j'en crois M. Colombier, Mme Jambu ou M. Cacheux, les publics concernés sont bien prioritaires au niveau départemental. Mais cela ne suffit pas, et les attentes sont plus fortes. C'est pourquoi je vous propose d'examiner, de concert avec le COLIAC, comment les mesures prévues par la loi contre les exclusions sont appliquées au niveau départemental. Soit les plans et les procédures d'attribution sont, comme dans l'Isère, la Seine-Saint-Denis et l'Essonne, corrects, soit, bien que l'objectif soit inscrit dans le plan, le problème n'est pas réglé. Et si certains départements n'ont vraiment fait aucun effort, il faudra modifier le décret pour garantir son efficacité. Cette méthode a l'avantage d'assurer la mobilisation sur le terrain.

Au problème financier s'ajoute un problème culturel. J'ai vu des organismes, publics ou privés d'ailleurs, considérer que de très petits travaux, fort peu coûteux, ne relevaient pas de leurs interventions ordinaires. Je comprends le souci de M. Cacheux concernant les allégements fiscaux, mais il faut d'abord veiller à ce que l'ensemble du mouvement HLM mette en _uvre les priorités d'accessibilité, pour le neuf comme pour l'ancien. Et si le neuf répond à des règles d'accessibilité minimales, tout n'est pas fait, en matière de salles de bains ou de largeurs de portes par exemple, pour faciliter réellement la vie quotidienne des personnes handicapées. Je propose donc d'engager une négociation avec l'Union des HLM pour aboutir à un accord qui définirait les critères d'attribution, les règles d'accessibilité dans le neuf et celles d'adaptation dans l'ancien.

Toute personne handicapée ou en situation de perte d'autonomie doit voir son appartement adapté ou échangé. Ce n'est pas un objectif hors de portée, d'autant que les crédits PALULOS peuvent être mobilisés pour des opérations dans un seul appartement si c'est nécessaire. Si le mouvement HLM apporte la preuve que les crédits ne sont pas suffisants, le Gouvernement reverra le taux de financement de ces opérations.

L'accord auquel nous aboutirons ne sera pas purement formel puisque la loi SRU nous permet de lui donner valeur juridique contraignante par arrêté. Nous sommes en mesure, en partenariat avec les associations, de trouver les moyens de remplir les objectifs que vous avez rappelés et de susciter une mobilisation générale et efficace (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

Top Of Page

ARTICLE PREMIER

M. Alain Cacheux - M. Hammel a bien montré que la proposition était quelque peu restrictive. Au-delà des personnes handicapées, il faut prendre en compte les problèmes des personnes en situation de perte d'autonomie. C'est le sens de l'amendement 2.

Mme la Rapporteure - Cet amendement n'a pas été accepté par la commission. Le problème qu'il soulève est particulièrement important. Chacun peut être frappé par une maladie ou un accident qui occasionne des difficultés d'accès au logement. Mais à trop ouvrir le champ, on lui ôte son efficacité. La notion de perte d'autonomie est trop vague.

La loi sur l'allocation personnalisée d'autonomie offre l'occasion de la préciser. La réflexion est en cours sur la révision de la grille AGGIR et la redéfinition des groupes. Je vous suggère de reprendre votre amendement lors de la nouvelle lecture de ce projet.

En attendant, concentrons nos efforts sur les 3,5 millions de personnes handicapées.

Mme la Secrétaire d'Etat - La perte d'autonomie n'est pas définie juridiquement. Mme Guinchard-Kunstler et moi allons créer un groupe de travail entre administration et associations, présidé par un parlementaire, chargé de mieux définir le concept mais aussi de préparer l'accord avec le mouvement HLM sur l'accessibilité et l'adaptation.

M. Francis Hammel - Les propositions de la ministre et de la rapporteure sont très intéressantes et nous nous y rallions. L'amendement 2 est retiré.

L'article premier, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

Top Of Page

ART. 2

Mme la Rapporteure - L'amendement 1 est un amendement de cohérence -nous avons étendu le dispositif à toute famille comptant une personne handicapée.

Mme la Secrétaire d'Etat - Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté à l'unanimité

L'article 2, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté à l'unanimité.

M. le Président - Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, j'indique à l'Assemblée que, conformément aux conclusions de la commission, son titre est ainsi rédigé :

« Proposition de loi visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap ».

L'ensemble de la proposition de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance cet après-midi à 15 heures.

La séance est levée à 10 h 25.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


© Assemblée nationale