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Session ordinaire de 2000-2001 - 85ème jour de séance, 197ème séance

2ème SÉANCE DU MERCREDI 6 JUIN 2001

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

Sommaire

          DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2002
          (suite) 2

          RÉGLEMENT DÉFINITIF DES BUDGETS
          1998 (nouvelle lecture) et 1999 (deuxième lecture)
          -procédure d'examen simplifiée-
          (discussion générale commune) 11

          ART. 13 14

          ARTICLE PREMIER 15

          ART. 8 ET TABLEAU G ANNEXÉ 15

          ORDRE DU JOUR DU JEUDI 7 JUIN 2001 16

La séance, ouverte à vingt et une heures trente, est aussitôt suspendue.

Elle est reprise à 21 heures 35.

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DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE POUR 2002 (suite)

L'ordre du jour appelle la suite du débat d'orientation budgétaire pour 2002.

M. Alain Rodet - A ce point du débat, nous avons entendu s'exprimer plusieurs Cassandre et même quelques jeteurs de sorts. Et pourtant ! Depuis quatre ans, notre économie a retrouvé la vitalité qui lui faisait défaut depuis si longtemps. La croissance est repartie, et avec elle l'emploi, cependant que, contrairement à ce qui s'était passé pendant les Trente Glorieuses, les prix et les taux d'intérêt augmentaient faiblement. Ces résultats probants ont été atteints, il faut le souligner, sans que soit appliquée la médication de choc appelée par certains qui, tels de modernes Diafoirus, en tiennent pour le « d'abord saigner, ensuite purger ».

M. Jean-Jacques Jégou - Encore !

M. Alain Rodet - Qui ne se souvient avoir entendu M. Jégou et M. Auberger dire leur effroi lors du déclenchement de la crise asiatique, puis de la crise russe, puis de la crise sud-américaine ? Et en 2000 encore, lorsqu'à la crise des nouvelles technologies succéda la crise pétrolière, des guetteurs, des prophètes prédirent le pire.

Il n'empêche : la croissance perdura. On en retiendra qu'une pendule arrêtée peut bien avoir raison deux fois par jour, elle ne donne pas l'heure pour autant... Malgré cela les Cassandre ne désarment pas, et fondent cette fois leurs sombres prévisions sur le ralentissement de l'économie américaine. Certes, des signes se manifestent en ce sens, mais il doivent être interprétés avec précaution. N'a-t-on pas constaté une baisse du chômage en mai ? Et M. Greenspan, qui n'est pas le plus malavisé, est-il si pessimiste ? Une fois de plus, les prédictions sinistres risquent donc d'être démenties -les responsables du bulletin de l'UIMM eux-mêmes dont dû convenir que l'évolution de notre économie était positive !

C'est que les décisions budgétaires et fiscales du Gouvernement et de la majorité ont rétabli ce climat de confiance que nous envient bien des pays de l'OCDE, dont les Etats-Unis de M. Bush et l'Italie de M. Berlusconi (Protestations sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF). Cela ne signifie en rien absence de vigilance ou de prudence, car l'espoir n'a jamais supprimé l'anxiété (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Jacques Jégou - Notre porte-parole, Pierre Méhaignerie, a indiqué la position du groupe UDF dans ce débat d'orientation budgétaire.

Pour ma part, je souhaite revenir sur l'audition du Ministre des finances par la commission des finances, mercredi dernier, qui se caractérisait par un parfum de morosité, teinté de fatalisme.

Je suppose que le Ministre est retenu par une très importante affaire, qui l'empêche d'être avec nous ce soir. Je le regrette car je souhaitais lui poser une question, restée pour moi sans réponse, en sortant de la commission : où est le vrai Fabius ? Est-ce celui qui, Président de l'Assemblée, créa la MEC, ou bien le Ministre flamboyant que nous connaissons depuis sa nomination ? Est-ce celui qui est venu présenter les orientations, décevantes, pour 2002, ou le Ministre de la conférence de presse du lendemain, pourfendant les ministres dépensiers ? En bref, est-ce le docteur Jekyll ou Mr Hyde ?

Certes, à un an d'échéances électorales importantes, la période est complexe. On voit bien, cependant, que ce débat masque l'inconsistance de votre politique, menée au fil de l'eau.

La rigidité de votre budget est telle qu'elle nous fragilisera en cas de retournement de conjoncture ou même de ce ralentissement, auquel nous devons nous attendre. Nous ne nous en sortirons alors que par des gels de crédit et des prélèvements sur nos capacités d'investissement, ce que vous pratiquez depuis quatre ans déjà. Mais nous savons tous aujourd'hui l'inutilité de ce genre d'exercice : ce n'est qu'une figure imposée, qui n'apporte rien, dans un débat budgétaire qui n'a pas une clarté suffisante.

Ce ne sont pourtant pas les sujets d'inquiétude, de débat et de réforme qui manquent. Je souhaite évoquer la fonction publique, dont on sait la place considérable dans le budget. Quand la majorité plurielle est arrivée au pouvoir, le budget de la fonction publique -rémunérations, pensions et charges- s'élevait à 594,4 milliards. Deux ans après il s'était déjà accru de 60 milliards pour atteindre 655 milliards : 10 % de plus en deux ans !

Pour 2000 et 2001 nous n'avons que des montants prévisionnels, mais ils augurent déjà d'une augmentation significative des dépenses de personnel. L'exécution fera sans doute apparaître la même dérive de l'ordre de 10 %, à quoi s'ajouteront les accords salariaux et les créations de postes de 2001. Il est à peu près certain qu'en exécution le montant dépassera 700 milliards, soit plus de 40 % du budget de la nation.

Ce surplus de dépense, Madame la ministre, a jusqu'à présent été financé par la croissance. Comment le financerez-vous désormais, avec le ralentissement de celle-ci ? Ce ralentissement vous met dans une impasse, et devrait nous conduire à reconnaître l'absence totale de gestion de notre fonction publique, que la Cour des comptes, a cruellement soulignée.

L'exemple le plus frappant est celui qu'a donné la MEC -l'outil qu'a créé M. Fabius- concernant la police nationale. Vous reprochez toujours à l'opposition de vouloir moins de dépenses, mais plus de policiers, d'infirmières, etc. Or tous les membres de la MEC, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, ont constaté l'absence d'administration de notre police, l'absence de mission, de motivation et de stratégie. Le même constat, en plus grave, a été fait pour les COTOREP et leur inefficacité flagrante.

Pour ces deux cas, et en particulier la police, le problème n'est pas « plus de policiers », mais « mieux de policiers ». N'oublions pas que notre pays est celui qui en compte le plus dans l'Union européenne et où, pourtant, le fonctionnement de la police est le moins satisfaisant. Une fois de plus, il ne s'agit pas de « taper » sur les fonctionnaires. Je reste convaincu que les fonctionnaires eux-mêmes ont soif de formation, d'efficacité et de reconnaissance de leur travail par leurs concitoyens. Ce n'est pas l'Etat qui est malade de ses fonctionnaires, mais les fonctionnaires qui sont malades de leur Etat.

Je ne suis pas seul à dire que la fonction publique n'est pas gérée : le dernier rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique en fait le constat cruel. Il étudie à la loupe un certain nombre de ministères. A Bercy, par exemple, les très officieux mais bien connus mécanismes de primes deviennent paralysants et pénalisants : ils créent des tensions hiérarchiques et finissent par nuire au bon déroulement du travail. Le pire, bien sûr, vient de l'Education nationale. C'est par excellence le ministère qui ne peut pas être géré, puisqu'on n'en connaît pas les effectifs ! Dans plus d'une académie, les magistrats de la Cour des comptes n'ont jamais réussi à obtenir de réponse sur ce point. Certains professeurs n'ont pas de classe, certains élèves n'ont pas de professeurs. Dans ce ministère, le concept d'efficacité n'existe pas plus que celui de mobilité.

Cette situation n'est plaisante pour personne, ni pour les parlementaires, quelle que soit leur place dans cet hémicycle, ni pour les fonctionnaires eux-mêmes et surtout pas pour les Français.

A cela s'ajoutent au moins deux problèmes. Tout d'abord, les fonctionnaires embauchés en masse à l'époque Pompidou commencent à partir en retraite. Cela entraînera des dépenses de pensions dont l'Etat n'a pas le premier franc. Et pour cause : l'Etat est le seul organisme à ne pas provisionner les charges de retraites à venir. S'agissant de cette génération, les projections budgétaires sont explosives. Second élément, dont les effets seront visibles encore plus rapidement : les 35 heures dans la fonction publique. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet, Madame la ministre ? Y aura-t-il application des 35 heures, et dans quels délais ?

Vous pouvez, certes, redéployer une partie de la fonction publique ; encore faudrait-il la gérer. Mais est-ce bien votre volonté ? Seule la fonction publique hospitalière nécessitera à coup sûr des embauches : les malades, eux, ne se limitant pas aux 35 heures. Décidément, Martine Aubry a bien fait de partir pour Lille : elle sera à bonne distance quand explosera la bombe qu'elle a mise en place.

Mme Nicole Bricq - Terroriste !

M. Jean-Jacques Jégou - Sur un sujet qui représentera bientôt plus de 40 % des dépenses de l'Etat, vous ne montrez pas la volonté qui serait indispensable pour assurer l'avenir de notre pays, dans une Europe où nos partenaires ont déjà en grande partie effectué cette mutation. Mais le plus grave est que, j'en suis convaincu, le Premier ministre, vous-même et la partie responsable de votre majorité, avez parfaitement conscience de cette situation. Cette responsabilité, qui est la vôtre et que vous n'assumez pas, sera jugée sévèrement, le moment venu, par les Français (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

Mme Hélène Mignon - Remplaçant Gérard Bapt dans ce débat, j'espère ne pas trahir sa pensée. Le débat d'orientation budgétaire est désormais une étape attendue de la discussion parlementaire sur nos finances publiques. Il se situe dans le cadre de nos engagements européens, définis dès 1997, et du programme pluriannuel des finances publiques pour 2001-2003, arrêté l'an dernier, lequel s'inscrit lui-même dans une stratégie de croissance durable. En trois ans, le taux de croissance effective a rattrapé le taux de croissance potentielle qui lui était supérieur depuis 1993. L'économie française a résorbé son retard de croissance, évalué à trois points du PIB en 1997, grâce à la forte progression de la demande intérieure voulue par le Gouvernement et sa majorité. Malgré la flambée du prix du pétrole, la croissance s'est élevée à 3,2 % en 2000. Pour 2001 et 2002, le ralentissement de l'économie américaine pèsera sur nos exportations. Il faut donc utiliser le levier des taux du crédit pour inciter à l'investissement, alors que nous sommes dans une phase de déstockage, conséquence de l'incertitude ambiante. La demande intérieure française devrait constituer encore un socle de croissance solide, comme depuis trois ans. L'effort budgétaire doit favoriser d'abord tout ce qui peut entretenir cette croissance qui nous a placés dans le peloton de tête, en Europe.

Le réveil de la demande intérieure a été dû à deux ressorts fondamentaux : l'amélioration de l'emploi et celle du pouvoir d'achat des familles, notamment les plus modestes. J'y insisterai un moment. Pour évaluer sérieusement l'évolution du pouvoir d'achat des ménages, tout d'abord il faut faire abstraction de la hausse de la consommation en rapport avec le solde positif de l'évolution de l'emploi, c'est-à-dire de 1,5 million d'emplois créés depuis 1997 et du pouvoir d'achat qui en résulte. L'examen du « surplus distribuable » permet d'évaluer la rémunération du capital et celle du travail. Ce surplus représente depuis trois ans un peu moins d'un point de PIB par an. Sa répartition s'est faite au profit du travail plus que du capital : grâce aux baisses d'impôts, en 2001 et 2002, 80 % du surplus disponible ira à la rémunération du travail. La politique gouvernementale rencontre ainsi la volonté sociale de la majorité plurielle.

Si d'autre part la demande intérieure est plus dynamique en France qu'en Allemagne ou en Italie, c'est qu'elle est portée par des créations d'emplois plus nombreuses. Mais le ralentissement, même modéré, de la croissance réduira la création d'emplois. Il importe donc de favoriser, notamment au niveau local, toutes les opportunités de créations d'emploi, de lutte contre l'exclusion, de développement durable.

Les politiques publiques pour l'emploi doivent s'adapter à cette nouvelle donne. Pour cela, nos administrations extérieures du travail et de l'emploi, ainsi que les acteurs locaux, doivent disposer de moyens suffisants, qu'il s'agisse des contrats aidés -CES, CEC et SIFE- ou de leurs capacités à accompagner les structures locales, comme les contrats de bassin d'emploi et les entreprises d'insertion, ou les porteurs de projets innovants.

M. Bapt, traduisant le sentiment de beaucoup d'entre nous, vous a écrit il y a quelques mois, Madame la ministre, pour proposer un redéploiement des crédits du ministère de l'emploi au profit des contrats aidés, et pour renverser la tendance à la baisse constatée depuis quelques années sur le chapitre 44-79 « Promotion de l'emploi », dont les crédits annuels sont passés de 100 millions en 1998 à 85 millions depuis. Il en a résulté en Haute-Garonne, par exemple, une diminution de 40 % de l'enveloppe déconcentrée de 1999, qui a stagné depuis. Il s'agit pourtant de l'action territorialisée pour l'emploi : accompagnement à la création d'entreprises, fonctionnement des bassins d'emploi, dispositif Défi pour l'emploi et groupements d'employeurs. A l'heure de la nécessaire territorialisation et de la mise en place des pays, avec leurs conseils de développement, il importe que la recommandation de la commission des finances sur cet article 44-79, votée deux années de suite, soit prise en considération dans la préparation du budget 2002.

M. le ministre a écrit, dans un quotidien du soir, qu'il fallait rendre les services de l'Etat plus réactifs en s'appuyant sur une conception plus efficace de la dépense.

M. Michel Bouvard - Très bien !

Mme Hélène Mignon - M. Bapt a récemment étudié « sur place et sur pièces » le fonctionnement d'une direction départementale du travail. Il a pu constater combien les mandatements des crédits, concentrés sur les mois de mai à novembre, ne les rendaient pas mobilisables pour une gestion souple et adaptée. Il estime nécessaire d'améliorer la mise à disposition des crédits vers les services déconcentrés, pour rendre plus efficace leur action de promotion de l'emploi et d'insertion des publics les plus éloignés de l'emploi. Est-il normal qu'au mois de mai les directions départementales du travail et de l'emploi n'aient pas encore notification des enveloppes mises à disposition ? Est-il normal que certaines d'entre elles nous disent en octobre qu'elles ont pratiquement consommé les quatre cinquièmes de leurs crédits consacrés aux CEC et aux CES ?

Voilà, Madame la ministre, une contribution qui s'inscrit dans le soutien qu'apporte le groupe socialiste aux orientations budgétaires que vous avez proposées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gilbert Gantier - Répondant à la demande de certains députés, soucieux de mieux associer le Parlement à la préparation du budget, M. Alain Juppé, Premier ministre, et M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, ont institué, depuis 1996, un « débat d'orientation budgétaire » qui se tient au mois de juin, et qui est censé faire connaître au Parlement les grandes orientations prévues pour le budget de l'année suivante, lui permettre d'en débattre, éventuellement de les infléchir. Ce n'est plus possible en effet au mois de septembre, lorsque le budget, adopté en Conseil des ministres, est présenté à notre commission des finances. Non seulement les grandes masses du budget sont alors arrêtées, mais les moindres détails de chaque chapitre sont répertoriés dans des « bleus » dont l'encre est déjà sèche. Malgré le « débat budgétaire » qui a lieu ensuite pendant plusieurs semaines, notre marge de man_uvre est des plus réduite et nous ne pouvons modifier le budget que d'une façon marginale.

Il était donc sain et démocratique d'organiser ce débat d'orientation budgétaire. Vous n'avez pas osé le supprimer, mais il est devenu, par votre volonté un exercice de style sans portée politique ou financière. Ainsi avons-nous disposé le mois dernier d'un rapport déposé par le Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire et nous avons eu l'honneur de recevoir en commission des finances, le 30 mai, M. le ministre de l'économie et des finances, et Mme la secrétaire d'Etat au budget. Mais vos textes et vos déclarations nous ont paru ressortir d'un exercice d'autosatisfaction et d'autojustification quelque peu surréaliste.

D'après vous, l'emploi va on ne peut mieux, le pouvoir d'achat des ménages continue à croître de près de 3 % par an ; les prélèvements obligatoires devraient certes monter à 46,7 % -un record !- mais il se trouve que, grâce aux « mesures nouvelles » que vous prévoyez, ils diminueraient à 44,5 % en 2002. Le poids de la dette dans le PIB, qui avait, ne l'oublions pas, atteint un sommet en 1998, poursuivrait sa lente décrue, etc. Bref, tout va bien à bord.

Il est vrai que nous sommes en année préélectorale et qu'il ne faut surtout pas affoler l'opinion. Votre héritage risque d'être lourd ? Peu importe : ou bien vous vous succéderez à vous-mêmes et vous vous en arrangerez, ou bien, comme il est probable et souhaitable, l'actuelle opposition reviendra au pouvoir et ce sera à elle de réparer les pots cassés. Cela me rappelle l'année 1992, elle aussi préélectorale, et le budget catastrophique que nous avait laissé le gouvernement socialiste de l'époque, avec un déficit affiché de 340 milliards.

Parlons du déficit justement : l'an dernier, seul le Portugal a obtenu un plus mauvais résultat que nous. Le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, le Luxembourg, l'Irlande ont tous enregistré des excédents. Rien d'exceptionnel à cela : en période de croissance les comptes se doivent d'être équilibrés.

Pour 2002, le pire est à craindre car les factures s'accumulent : emplois-jeunes, CMU, allocation personnalisée d'autonomie et, surtout, 35 heures. La réduction du temps de travail -géniale invention du socialisme à la française, coûtera cette année plus de 100 milliards, soit environ un tiers de l'impôt sur le revenu. L'année prochaine, la facture devrait dépasser 120 milliards. Bien que les syndicats et le patronat y soient hostiles, les régimes sociaux seraient, dit-on, mis à contribution. C'est inadmissible : si la sécurité sociale se trouve en excédent, diminuons plutôt les cotisations sociales, ce qui sera excellent pour le niveau de vie des assurés comme pour la productivité nationale.

L'équation budgétaire de l'année prochaine va être d'autant plus délicate à résoudre que la croissance se fait plus discrète. Dans ce domaine comme dans d'autres, il serait bon de rétablir la vérité : la France socialiste n'est pas le champion de la croissance que l'on nous dit. L'année dernière, la Belgique, l'Autriche, la Finlande, la Grèce, l'Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ont fait mieux. Les Etats-Unis eux-mêmes, que l'on nous dit proches de la récession, ont eu au premier trimestre 2001 un taux de croissance de 1,4 %, contre 0,4 % en France !

La France d'ailleurs investit peu et se situe au vingt-cinquième rang pour la compétitivité, loin derrière les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni et même l'Espagne. Elle a perdu au profit du Royaume-Uni la place de quatrième puissance économique du monde qu'elle occupait depuis de nombreuses années. En termes de PIB par habitant, elle se situe au dixième rang des quinze pays de l'Union européenne.

Comment dès lors ne pas s'inquiéter des propos lénifiants du Ministre, qui nous a déclaré en commission des finances que la France était « moins exposée » que nos partenaires aux effets de la récession américaine, que le budget pour 2002 prévoyait une « évolution maîtrisée » des dépenses publiques ainsi qu'un « rééquilibrage entre revenus du travail et revenus du capital » ? Nous espérions franchement mieux de ce débat d'orientation budgétaire.

Mme Nicole Bricq - Depuis quatre ans, le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont apporté la preuve que la cohérence économique et la justice sociale ne s'excluent pas mutuellement. L'opposition, d'ailleurs, après avoir vivement combattu nos réformes sociales, ne semble plus aujourd'hui les remettre en cause. C'est ainsi qu'un représentant du RPR a déclaré à propos des emplois-jeunes : « On ne tire pas sur le Père Noël ».

Dans ce débat d'orientation budgétaire, l'opposition fait au Gouvernement trois griefs.

D'abord, surestimer le potentiel de croissance. Mais elle se garde bien de donner sa propre hypothèse de travail... Pour votre part, Madame la ministre, vous misez sur l'effet des baisses d'impôt à venir et de la prime pour l'emploi. Est-ce irréaliste ? Je ne le pense pas, même si l'exercice est difficile.

Ensuite, se comporter en cigale, en dépensant et en laissant la facture aux autres. Or la loi de finances pour 2002 aura précisément pour ambition de financer les réformes, alors que sous la précédente législature la prestation spécifique dépendance avait été votée sans être financée... Sans doute faudra-t-il également faire appel aux collectivités locales et à la sécurité sociale ; est-ce choquant, dès lors qu'il s'agit de solidarité nationale ? En revanche, la complexité croissante de la « tuyauterie » pose le problème de la lecture des comptes publics consolidés, qui suscite une fois encore des observations de la Cour des comptes. Pour donner tout son sens à la réforme de la procédure budgétaire, il faut que cette lecture soit facilitée.

Troisième grief, enfin : ne pas réaliser la réforme de l'Etat. Que je sache, pourtant, l'opposition n'a pas été très vaillante pour défendre la réforme du ministère des finances ou celle de l'éducation nationale, les redéploiements de gendarmerie ou de police, ou encore la réforme de la carte judiciaire... D'ailleurs, j'ai lu sous la plume de M. Sarkozy que la réforme de l'Etat coûterait cher, au moins au démarrage.

Pour terminer, je voudrais évoquer la fiscalité écologique. Notre rapporteur général a déclaré dans un quotidien économique du matin qu'il faut trouver collectivement un dispositif « efficace, pragmatique et intelligent ». Jusqu'ici tout va bien, mais ces nobles ambitions ne doivent pas finir dans le bricolage comme l'année dernière (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). Tout le monde a sa part de responsabilité, avec d'un côté un certain dogmatisme qui nous a conduits à créer un dispositif national au plus vite, alors qu'à partir de 1999 la France aurait pu porter le débat au niveau pertinent qu'est l'Union européenne, et de l'autre côté la volonté d'alimenter le FOREC, tuyau funeste qu'il faut débrancher... Je crois à une fiscalité moderne, dans laquelle des taxations reflétant le coût environnemental des produits permettront de réduire d'autres impôts ; si nous n'allons pas de l'avant dans ce domaine, tous les discours sur la lutte contre l'effet de serre et la maîtrise de l'énergie seront vains. Je souhaite que nous y parvenions ; nous avons quelques mois pour nous mettre d'accord sur les modalités (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Le débat est clos.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Je veux remercier l'ensemble des intervenants, et tout particulièrement le rapporteur général et les orateurs de la majorité plurielle de leurs contributions.

Didier Migaud a eu raison de souligner que la période était marquée par les incertitudes. Incertitudes sur l'évolution de l'économie américaine, incertitudes sur l'évolution des prix pétroliers..., qui incitent à la prudence. Il a également insistée sur notre volonté d'inscrire notre action dans le moyen terme. Nous tiendrons le cap, en étant vigilants mais confiants.

Comme l'a souligné Gérard Charasse, nous avons refusé de faire de notre économie la variable d'ajustement de l'économie mondiale. Pour cela, nous avons travaillé sur le temps de la législature. Nous avons redonné la confiance aux ménages et aux entreprises. Notre priorité était la réduction du chômage : nous avons tenu nos engagements, même s'il reste encore énormément à faire.

Monsieur Auberger, vous avez qualifié le débat d'orientation budgétaire de « catéchisme ». Je n'ose imaginer que ce mot puisse avoir dans votre bouche la moindre connotation négative, mais il est vrai que dans la posture que vous avez adoptée de manière imperturbable depuis quatre ans, il y a quelque chose de mystique...

Vous avez prétendu que le Gouvernement était nullement conscient du ralentissement en cours.

Ce qui serait déraisonnable, ce serait de changer tout de suite, sur la base d'un seul trimestre, nos hypothèses de croissance et de recettes pour 2001. Ne vaut-il pas mieux attendre, comme chaque année, de connaître les résultats d'un semestre ? Nous avons subi d'autres choses ces dernières années, l'Asie, le Brésil, et surtout l'an dernier le pétrole -et nous nous sommes bien trouvés d'avoir maintenu malgré tout le cap. Quant aux encaissements de recettes, que voit-on ? Des baisses pour le produit de la TVA et de la TIPP, mais elles résultent des réductions décidées. Pour le reste, nous sommes en ligne avec nos prévisions -et si aléa il doit y avoir, ce sera plutôt à la baisse : il n'y a pas de cagnotte à attendre ni de collectif à préparer.

M. Vila a exprimé l'ambition de son groupe pour la préparation du budget, et je le comprends tout à fait. Il a regretté la modestie de l'évolution salariale : si la modération est incontestable, n'oublions pas qu'elle s'est accompagnée de 500 000 créations d'emplois. Malgré la hausse du pétrole, le pouvoir d'achat du salaire moyen s'est accru d'un demi-point ; depuis 1997, le travail a engrangé 80 % de fruits de la croissance, et le pouvoir d'achat du SMIC a progressé de 7 %. Vous avez regretté la norme de dépense : mais la dépense publique représente déjà 5 000 milliards, et si on ne la maîtrisait pas, il faudrait alourdir la dette. Or, Marx lui-même nous a mis en garde : la dette met les Etats à la merci des marchés financiers (M. Gremetz s'exclame). Depuis 1997, nous réduisons la dette publique et améliorons la gestion de la dépense.

M. d'Aubert a dit beaucoup de choses...

M. Henri Emmanuelli, président de la commission des finances - Il n'est pas là !

Mme la Secrétaire d'Etat - Il a dit par exemple que la baisse des recettes fiscales résultait d'un ralentissement de la croissance. Mais l'an dernier, il tenait un tout autre raisonnement : si les recettes augmentaient, c'était le résultat du matraquage fiscal ! Un peu plus d'honnêteté intellectuelle ne serait pas malvenu !

Par ailleurs, il a lié les 35 heures et la baisse de l'investissement. Or l'année 2000, première année pour les 35 heures, a battu tous les records pour l'investissement et la France a connu la plus forte croissance en Europe.

Nous ne céderons pas non plus aux sirènes qui voudraient que l'on sabre dans les dépenses et augmente les impôts : cette politique a été testée, on a vu ses résultats. Nous préférons continuer dans la voie qui a été engagée et nous reparlerons de tout cela plus en détail cet automne.

M. le Président de la commission - Dans la joie et la gaieté !

Mme la Secrétaire d'Etat - Assurément.

M. Méhaignerie s'est demandé si l'on n'était pas revenu en 1992-1993. Chaque année, certains agitent le spectre de la récession, et chaque fois ils sont démentis par les faits. Ce sera encore le cas cette année, car les situations diffèrent complètement. Hier, nous avions une crise européenne, aujourd'hui c'est une crise américaine. Hier, les taux européens étaient excessifs, aujourd'hui ils sont deux fois moins élevés, grâce à l'euro notamment. En 1993, la majorité de droite a déprimé la consommation en augmentant la CSG et la TVA. Nous, nous baissons les impôts. En 1993, les dépenses augmentaient, cette année elles baissent. Alors, je me demande qui peuvent bien être ces experts auxquels se réfère M. Méhaignerie -car enfin The Economist et Goldmann-Sachs sont beaucoup plus circonspects.

Quant à l'effet de repoussoir que joueraient les 35 heures pour les investisseurs, il n'est pas confirmé par les faits. D'aucuns ont cité l'Allemagne comme un meilleur élève que la France : mais en 2001, l'augmentation de notre dépense publique sera égale à 1 % du PIB contre 2 % pour l'Allemagne. Et faut-il rappeler que de 1993 à 1997, la dépense publique progressait de 1,7 % par an, alors que depuis 1997, elle ne s'est accrue que de 1,8 % en quatre ans !

M. Bouvard a posé de bonnes questions. La France a-t-elle suffisamment tiré parti de la période de vaches grasses ? C'est affaire de jugement, mais deux faits sont patents : depuis 1997, nous avons réduit la dépense publique plus que la moyenne de la zone euro, et le poids de la dette dans la richesse nationale a diminué. D'ici 2002, il baissera encore au rythme d'un point de PIB par an.

Vous m'avez interrogée aussi sur l'évolution des crédits d'investissement de l'Etat : en AP, ils ont progressé de 16 % depuis 1997, et si les CP ont un peu diminué, cela est dû à des reports d'une part, et aussi aux intempéries et à la conjoncture tendue qu'a connu le secteur du BTP. Ce n'est en rien le résultat d'une volonté de maîtriser les dépenses de l'Etat aux dépens du budget civil d'investissement, qui a progressé de 3,7 % en 2000 alors que la loi de finances prévoyait 2,8 %.

M. Brard n'est plus là...

M. Maxime Gremetz - Mais je le remplace avantageusement !

Mme la Secrétaire d'Etat - Loin de moi la tentation d'en douter ! (Sourires)

Les dépenses publiques ne sont pas intrinsèquement perverses, j'en suis d'accord avec M. Brard, dont je partage l'attachement à l'existence de services publics de qualité. Cela ne veut pas dire qu'il faille forcément dépenser plus, mais dépenser mieux. C'est ce que nous nous efforçons de faire depuis quatre ans. Je partage également avec M. Brard la conviction qu'il faut accentuer l'effort en faveur des plus défavorisés : c'est le sens de la prime pour l'emploi et de la revalorisation du SMIC - dont le pouvoir d'achat a progressé de 7 % quand celui de l'Etat n'a augmenté que de 1,8 %.

M. Laffineur a cru devoir déplorer notre manque de transparence ; je le renvoie aux nombreux documents que nous publions régulièrement et que nous communiquons aux commissions des finances du Parlement.

M. Barrot a fait des observations sur l'insuffisante lisibilité des fonds spécifiques. Nous nous employons justement à rendre plus transparents les transferts entre fonds. Il a également souligné que les dépenses sociales augmentent rapidement ; c'est vrai, et il sait lui-même d'expérience combien ces sujets sont délicats et doivent être maniés avec précaution.

M. Pierre Méhaignerie - Et les 35 heures dans les hôpitaux ?

Mme la Secrétaire d'Etat - MM. Hériaud et Bouvard ont souhaité que les rapports de la Cour des comptes fassent l'objet d'un débat au Parlement. Rien n'interdit, que je sache, aux commissions des finances d'entendre qui elles veulent, mais je ne verrais pas d'inconvénient à ce que ces rapports soient publiés, ainsi que les réponses des administrations.

M. Michel Bouvard - C'est déjà le cas !

Mme la Secrétaire d'Etat - Pas sur l'exécution !

M. Michel Bouvard - C'est vrai.

Mme la Secrétaire d'Etat - M. Cochet s'est notamment interrogé sur les perspectives de la fiscalité écologique. Je lui répondrais volontiers que beaucoup a été fait en ce sens depuis 1997, mais il le sait : une trentaine de mesures ont été prises, dont l'évolution différenciée de la TIPP sur le super sans plomb, la baisse de la TVA sur l'élimination des déchets, la TGAP ou le crédit d'impôt pour l'achat d'un véhicule « propre ». Le Parlement avait également adopté un dispositif de taxation de la consommation énergétique des entreprises, mais le Conseil constitutionnel l'a annulé.

M. Michel Bouvard - Il a bien fait !

Mme la Secrétaire d'Etat - Nous avons donc repris le dossier, et travaillons sur deux pistes : l'une fiscale, l'autre pas. L'essentiel est de s'assurer que la solution retenue permettra bien d'atteindre le double objectif poursuivi, à savoir la maîtrise de la consommation d'énergie et la réduction des émissions de gaz à effet de serre, sans entraîner de conséquences fâcheuses pour l'économie.

La partie la plus intéressante de l'exposé de M. de Courson était sa conclusion : lorsqu'il nous a expliqué que Pierre Mauroy avait succédé à Michel Rocard, j'ai mieux compris, à la lueur de son sens de la chronologie, sa façon de lire les documents et de faire les additions...

M. Jean-Jacques Jégou - C'est un peu court !

Mme la Secrétaire d'Etat - J'ai apprécié l'analyse, plus circonspecte, de M. Rodet, et je réponds à M. Jégou, qui s'est demandé pour la deuxième fois qui et où était le « vrai » Laurent Fabius -ce que j'avais pris, la première, pour une plaisanterie, mais à tort, semble-t-il- que la capacité du ministre de l'économie et des finances, que je connais pour travailler avec lui tous les jours, à concevoir une politique cohérente n'a d'égale que sa détermination à la mettre en _uvre. Cette politique, c'est la sienne et c'est la nôtre !

J'approuve l'idée, émise par Mme Mignon, de redéployer en profondeur les dépenses pour l'emploi, et je partage avec M. Bapt celle d'une gestion décentralisée de ces crédits.

Quant à M. Gantier, qui chiffre à une centaine de milliards le coût des 35 heures, je lui fais observer que les allégements de charges dont il parle résultent pour les deux tiers de la ristourne Juppé et du dispositif Robien. Il semble décidément fâché avec les chiffres, puisqu'il croit pouvoir opposer le rythme annuel de croissance atteint par l'économie américaine au premier trimestre, soit 1,3 %, avec l'acquis de croissance de notre économie durant la même période, soit 0,5 %. Si le premier chiffre était un rythme trimestriel, je crois que personne ne parlerait de stagnation de l'économie américaine ! Enfin, au risque de démentir M. Gantier lorsqu'il qualifie d'exercice de style le présent débat, je lui indique que nous avons l'intention d'en faire un rendez-vous organique et non plus seulement coutumier.

M. Pierre Méhaignerie - Vous n'avez rien dit des 35 heures dans la fonction publique, notamment hospitalière !

Mme la Secrétaire d'Etat - Je conclurai en remerciant Mme Bricq pour ses observations sur la fiscalité énergétique, dont j'ai parlé voici un instant en répondant à M. Cochet, et je puis lui annoncer que le Gouvernement choisira, d'ici quelques semaines, parmi les solutions possibles, celle qui lui paraîtra la meilleure (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Maxime Gremetz - Rappel au Règlement !

M. le Président - Sur quel article ?

M. Maxime Gremetz - Celui que vous voudrez, il y en a tant ! (Sourires)

M. le Président - Admettons que ce soit l'article 58, relatif à l'organisation de nos travaux.

M. Maxime Gremetz - J'ai écouté Mme la secrétaire d'Etat avec beaucoup d'attention, et c'est la première fois depuis bien longtemps, me semble-t-il, que quelqu'un citait Karl Marx dans l'hémicycle.

M. le Président - Ce n'est pas un rappel au Règlement.

M. Maxime Gremetz - Je voulais simplement dire, puisque Mme la secrétaire d'Etat m'a mis en cause en citant Marx, que j'ai bien vérifié ce qu'il a écrit...

M. le Président - Je ne vois pas de rapport entre votre propos et le Règlement de l'Assemblée. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Maxime Gremetz - Mon propos est qu'il faut faire dire à Marx ce qu'il a vraiment dit. C'est dans La Lutte des Classes en France, en effet, qu'il a expliqué comment la bourgeoisie française, qui vivait de ses rentes, avait mis l'Etat à son service...

M. le Président - Cela n'a rien à voir avec le Règlement. Veuillez conclure en laissant Marx, que nul n'a mis en cause, là où il est.

M. Maxime Gremetz - Il y a dix ans, les produits financiers s'élevaient en France à 2 400 milliards de francs ; ils atteignent 28 000 milliards aujourd'hui. Il y a donc un effort à faire, comme l'a dit Jean Vila cet après-midi, pour augmenter le pouvoir d'achat. Je tiens à votre disposition, Madame la secrétaire d'Etat, les statistiques sur l'évolution de la répartition de la valeur ajoutée depuis quinze ans...

M. le Président - Mon cher collègue, vous n'avez plus la parole.

M. Maxime Gremetz - Il faut aussi réformer la fiscalité...

M. le Président - L'article 132 du Règlement dispose que la réponse du Gouvernement aux orateurs clôt la discussion générale. Il ne convient donc pas de la rouvrir par le biais d'un rappel au Règlement.

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RÉGLEMENT DÉFINITIF DES BUDGETS 1998 (nouvelle lecture)
et 1999 (deuxième lecture)
-procédure d'examen simplifiée- (discussion générale commune)

M. le Président - J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre par laquelle il m'informe que la commission mixte paritaire n'a pu parvenir à l'adoption d'un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1998 et que le Gouvernement demande à l'Assemblée de procéder à une nouvelle lecture de ce texte, en application de l'article 45, alinéa 4, de la Constitution.

En conséquence, l'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de ce projet de loi.

M. le Président - Je rappelle que l'Assemblée est également saisie en deuxième lecture du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1999 et que la Conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'une discussion générale commune dans le cadre d'une procédure d'examen simplifiée dans les conditions prévues à l'article 106 du Règlement.

Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget - Pour ne pas être fastidieuse, après une journée marquée par le débat d'orientation budgétaire, je centrerai mon propos sur les éléments saillants des exercices 1998 et 1999.

Dans un contexte de croissance retrouvée, avec une progression du PIB en volume de 3,1 % en 1998 et de 2,9 % en 1999, ces exercices auront été marqués par une diminution sans précédent du déficit budgétaire. Le solde général d'exécution s'établit en effet à 206 milliards en 1999, en amélioration de 41,5 milliards par rapport à l'exécution de 1998 et de 89,4 milliards par rapport à l'exécution de 1996, la dernière de l'ancienne majorité.

Autre motif de satisfaction, l'amélioration très significative des comptes sociaux : en déficit de 35 milliards en 1996, ils sont revenus à l'équilibre en 1999. Ce redressement, qui apparaissait hors d'atteinte naguère, notamment à la précédente majorité, a été rendu possible par une politique budgétaire propre à conforter une croissance durable, forte et partagée.

Cette politique a permis de faire respecter l'objectif de stabilisation de la dépense. Ainsi, en 1999, la progression des dépenses en volume a été ramenée à 1,1 %, compte tenu d'un taux d'inflation de 0,5 % et selon la norme mesurée hors dépenses exceptionnelles et hors modification du périmètre de la loi de finances 1999.

Parallèlement, les recettes fiscales nettes ont progressé de 7,8 % entre 1998 et 1999 pour atteindre 1 565,6 milliards, en particulier grâce à l'augmentation de 30 milliards de l'impôt sur les sociétés, du fait des bons résultats des entreprises.

Cette amélioration a permis de ramener le besoin de financement des administrations publiques à 1,6 % du PIB en 1999 -au lieu de 2,7 % en 1998 et de 3,5 % en 1997- soit sous la barre des 3 % comme le Gouvernement s'y était engagé, malgré le scepticisme manifesté par l'opposition.

Elle a également ouvert la voie, dès 1999, à une inversion de la spirale de la dette, qui est ainsi passée en-dessous du seuil de 60 % du PIB.

Cet effort n'a cependant pas nui au financement des priorités retenues : l'emploi, l'enseignement, la justice notamment. Ainsi faut-il rappeler la réduction sans précédent du chômage : 550 000 demandeurs d'emplois en moins entre juin 1997 et janvier 2000.

Tels sont les principaux éléments de ces projets de lois de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - S'agissant du budget de 1998, à l'issue de deux lectures successives, l'Assemblée et le Sénat ont adopté en termes identiques l'ensemble des articles du projet de loi, à l'exception de l'article 13, relatif à la reconnaissance d'utilité publique de plusieurs gestion de fait, et plus particulièrement du paragraphe II, relatif à une gestion de fait au sein du tribunal de commerce d'Antibes.

La commission mixte paritaire n'est pas parvenue à un texte commun sur cet article, les conceptions de chacune des assemblées sur leur rôle étant en effet opposées. L'Assemblée nationale a considéré qu'une assemblée parlementaire souveraine, soucieuse d'exercer pleinement ses responsabilités, pouvait naturellement s'écarter, lorsqu'un problème de gestion de fait est particulièrement délicat, des recommandations de la Cour des comptes et du Gouvernement. Le Sénat, pour sa part, n'a pas souhaité se départir de sa position de principe selon laquelle une assemblée parlementaire n'apporte traditionnellement pas d'autre modification que de pure forme ou de rectification d'une erreur matériel à un tel article.

La commission des finances vous propose donc de rétablir le texte précédemment adopté par l'Assemblée.

S'agissant du budget de 1999, il n'y a pas de désaccord de fond entre les deux assemblées et le Sénat a adopté le projet de loi sans autre modification que la rectification d'une erreur matérielle, de portée très mineure, à l'article 13.

Depuis lors, d'autres erreurs matérielles ont été décelées, vous en trouverez le détail dans mon rapport écrit. Aussi votre commission des finances vous propose-t-elle, en application de l'article 108, alinéa 5, du Règlement, deux amendements aux articles premier et 8 du projet.

Sous réserve de ces amendements, la commission vous demande d'adopter les deux projets de loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Gilbert Gantier - Le débat sur la loi de règlement permet d'examiner l'état réel des finances publiques, d'évaluer les différences entre les réalisations et les prévisions gouvernementales. Il devrait donc être un instrument essentiel pour juger des capacités réelles d'un Gouvernement à gérer les finances publiques, au-delà des effets d'annonces de la loi de finances initiale. Force est hélas de constater qu'il n'en est rien et que ces projets donnent lieu à une discussion sommaire, souvent en séance de nuit. Nous devons même cette fois en examiner deux d'un seul coup !

M. le Rapporteur général - Auriez-vous oublié qu'il s'agit de nouvelles lectures ?

M. Gilbert Gantier - En 1998, la France a enregistré de fort mauvaises performances par rapport à ses partenaires en termes de déficits et de dette publics. Alors que tous les pays européens avaient déjà amorcé un sérieux processus de réduction de la dette publique, la France n'a été capable que de réduire sa progression, plutôt grâce à la croissance internationale qu'aux vertus du Gouvernement en matière de dépenses. L'arrivée du gouvernement socialiste a en effet marqué une augmentation de près de 33 milliards de la dépense publique.

L'année 1999 a été celle de toutes les dérives, marquée notamment par une estimation de recettes abracadabrante et une augmentation sans précédent des impôts de 113 milliards en un an, dont trente milliards au titre du seul impôt sur le revenu.

En outre, le report de 15,6 milliards de recettes non fiscales de l'exercice 1999 vers l'exercice 2000 témoigne du manque de rigueur du Gouvernement et de l'absence de sincérité des comptes publics. Déjà, en 1998, la Cour des comptes avait déploré le jeu de cache-cache auquel se livrait le Gouvernement avec les remboursements et les dégrèvements de TVA.

En 1999, la transparence budgétaire n'a pas non plus été respectée avec un gonflement des recettes fiscales dues aux impôts sur les sociétés et sur le revenu.

Et que dire du respect des engagements pris dans les lois de finances initiales en matière de dépenses ? La croissance des dépenses de l'Etat ne devait pas excéder 1 % hors inflation. Elle a été de 4,5 % alors que l'inflation n'était que de 0,3 % au lieu des 1,3 % prévus. Cela représente un dérapage de plus de 50 milliards !

Et si le déficit pour 1999 a été moins important que prévu, cela n'est nullement le fait de la politique du Gouvernement mais le simple résultat d'un ajustement mécanique dû à une plus forte croissance. Cette année a donné une marge de man_uvre exceptionnelle au Gouvernement, qui en a fait bien mauvais usage : les efforts d'assainissement financier ont été trop modestes, aucune des réformes essentielles n'a été entreprise, vous avez joué à la cigale sans vous soucier d'un éventuel retournement de conjoncture qui pointe hélas aujourd'hui à l'horizon.

En conséquence, le groupe DL votera contre les projets de règlement définitif 1998 et 1999.

M. Jean-Jacques Jégou - Comment ne pas regretter, au terme de l'examen de ces projets de règlement, que nous ne puissions véritablement exercer notre pouvoir de contrôle ?

Le groupe UDF votera contre ces textes en raison d'abord du manque de clarté et de transparence des orientations du Gouvernement, illustré notamment par l'épisode de la cagnotte et par la technique du report des recettes non fiscales, dont vous bénéficieriez d'ailleurs encore en 2001, s'il vous était difficile de joindre les deux bouts.

Ces deux années se sont caractérisées par une forte augmentation des prélèvements obligatoires, qui ont atteint en 1999 un taux record de 45,6 %. Elles ont aussi été l'illustration de votre vision de la dépense publique, même si vous avez refusé d'assumer pleinement les conséquences budgétaires des 35 heures.

Enfin, ni mon collègue Bouvard ni moi-même n'avons eu de réponse à nos questions sur la fonction publique. Pourtant, alors même que l'Assemblée installait la MEC, le Gouvernement masquait une hausse des dépenses qui n'a même pas présenté l'avantage d'améliorer les services rendus au public.

De fait, il n'y a eu ni réduction des dépenses, ni réforme de l'Etat. C'est pourquoi le groupe UDF votera contre ce projet (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Augustin Bonrepaux - En deuxième lecture, les longs développements ne sont pas nécessaires. Je me limiterai donc à rappeler pourquoi il paraît normal au groupe socialiste de voter ces projets et, à ceux qui déplorent l'insuffisance supposée des informations dont ils disposent, que le projet de loi de règlement pour 1999 est accompagné pour la première fois, conformément aux dispositions d'une circulaire du Premier ministre, de comptes rendus de gestion budgétaire établis par les ministères. Ces documents préfigurent la réforme de l'ordonnance de 1959 que nous avons adoptée il y a peu.

S'agissant de la progression des dépenses et des recettes, l'objectif de 1 % fixé par le Gouvernement a été respecté.

Pour ce qui est de la couverture des dépenses par les recettes, elle a été de 88 % en 1999 contre 85,7 % en 1998 et 82,2 % en 1997. Quant au déficit budgétaire, il s'est élevé à 206 milliards en 1999 contre 267,7 milliards en 1997. L'évolution du besoin de financement des administrations publiques a ainsi été ramené de 2,7 % du PIB en 1998 à 1,8 % en 1999.

Quoi qu'en disent nos collègues de l'opposition, les progrès incontestables accomplis dans l'exécution de la loi de finances sont aussi le fruit de la bonne politique budgétaire menée depuis 1997, qui a pris le contre-pied de celle qui était conduite précédemment. C'est ainsi que le PIB a connu, dès 1998, une progression record de 3,1 %, et son augmentation a été constante par la suite.

Cela s'explique par la politique du Gouvernement, grâce auquel le soutien du pouvoir d'achat a replacé la consommation au c_ur de l'activité économique. On peut citer les hausses de l'allocation de rentrée scolaire et de l'allocation logement, les emplois-jeunes, la baisse de l'impôt sur le revenu, la prime pour l'emploi...

La baisse des prélèvements obligatoires vient renforcer cette dynamique. Pour 2001, le taux de ces prélèvements serait ramené à 44,7 % du PIB, niveau inférieur à celui de 1997.

Enfin, le déficit budgétaire, qui s'est établi à 247,5 milliards en 1998, sera de quelque 186 milliards en 2001.

Cette politique budgétaire, qui consiste à maîtriser les dépenses et le déficit, a permis de financer les priorités que s'étaient fixées le Gouvernement et sa majorité : l'éducation, le logement, la justice, la sécurité. Elle a activement contribué à la réduction du nombre de chômeurs et à la création de nombreux emplois. C'est ainsi que le taux de chômage est passé de 12,7 % en 1997 à 8,7 % actuellement.

Enfin, la loi de finances pour 1998 a permis d'ouvrir le chantier de la réforme fiscale. Depuis, le Gouvernement continue de privilégier la croissance et l'emploi. Chacun comprendra donc pourquoi le groupe socialiste votera ces deux projets de loi de règlement (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Bouvard - Je ne reprendrai pas les observations que j'ai faites lors de la première lecture de ces deux textes, et je m'en tiendrai à expliquer la position du groupe RPR sur les articles qui font l'objet d'un désaccord entre notre Assemblée et le Sénat.

S'agissant de l'article 13 du projet de loi de règlement du budget de 1998, et tout en comprenant la position de principe de la Haute assemblée, le groupe RPR votera le rétablissement du texte voté par l'Assemblée en première lecture. La situation est en effet particulière, car il s'agit des conséquences de la gestion de fait du tribunal de commerce d'Antibes. Quant à la nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget de 1999, elle s'explique par la nécessité de rectifier des erreurs matérielles : le groupe RPR votera donc les amendements proposés par le rapporteur général.

Pour autant, nous confirmerons le vote négatif que nous avions émis en première lecture sur les projets eux-mêmes, qui reflètent des budgets que nous ne pouvons approuver, car ils n'ont apporté aucune amélioration structurelle. De plus, comme l'a souligné Jean-Jacques Jégou, l'exécution du budget de 1999 a connu bien des vicissitudes, au point de contraindre le Gouvernement à engager un processus de clarification de ses relations avec le Parlement en matière de contrôle budgétaire.

En dépit de votre réponse courtoise, Madame la ministre, je dois vous dire mon regret de ne pas vous avoir entendu expliquer la manière dont l'Etat entend s'attaquer au problème de la fonction publique, problème grave s'il en est. Tous souhaitent des réformes, de la commission des finances unanime à la Cour des comptes

J'espère donc que le débat budgétaire nous donnera l'occasion, cet automne, d'engager une réforme indispensable, car il est temps d'agir.

La discussion générale commune est close.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article 13 du projet de loi de règlement définitif du budget 1998 sur lequel les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat.

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ART. 13

M. Didier Migaud, rapporteur général de la commission des finances - L'amendement 1 est de rétablissement.

Mme la Secrétaire d'Etat - Sagesse.

L'amendement 1, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, l'article 13 du projet de loi de règlement définitif du budget de 1999 sur lequel les deux Assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique, dans le texte du Sénat

Toutefois, j'appelle d'abord l'article premier, ainsi que l'article 8 et le tableau G annexé, adoptés par les deux Assemblées dans un texte identique, mais sur lesquels la commission des finances a déposé deux amendements pour rectification matérielle.

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ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur général - L'amendement 1 est défendu.

L'amendement 1, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article premier, ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 8 ET TABLEAU G ANNEXÉ

M. le Rapporteur général - L'amendement 2 rectifié est défendu.

L'amendement 2 rectifié, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 ainsi modifié et le tableau G annexé, mis aux voix, sont adoptés.

L'article 13, mis aux voix, est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Prochaine séance demain matin, jeudi 7 juin 2001, à 9 heures.

La séance est levée à 23 heures 10.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER

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ORDRE DU JOUR
DU JEUDI 7 JUIN 2001

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

Discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi (n° 3082) relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

      M. Pascal TERRASSE, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 3093)

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la première séance.


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