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Session ordinaire de 2000-2001 - 87ème jour de séance, 200ème séance

2ème SÉANCE DU MARDI 12 JUIN 2001

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

AUTONOMIE DES JEUNES 2

SOUHAITS DE BIENVENUE À DEUX DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES 2

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT
(suite) 3

35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE 3

RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE 4

SITUATION DES PERSONNELS DE SANTÉ 4

AVENIR DES PLANS LOCAUX
D'INSERTION ÉCONOMIQUE 5

FINANCEMENT DES MESURES
GOUVERNEMENTALES 5

CONGÉ DE PATERNITÉ 6

TIPP 7

DIRECTIVE SOCIALE EUROPÉENNE 7

FINANCEMENT DES 35 HEURES 8

PILULE ANTI-VIEILLISSEMENT 9

TRANSPORTS RÉGIONAUX 9

RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE
(suite) 10

La séance est ouverte à quinze heures.

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      QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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AUTONOMIE DES JEUNES

M. Patrick Malavieille - Le Gouvernement a annoncé hier, lors de la conférence de la famille, plusieurs mesures positives que nous apprécions. Il a toutefois reporté toute décision sur l'allocation autonomie pour les jeunes, sans même attendre les conclusions de la commission nationale chargée d'y réfléchir. Il s'agit pourtant d'une revendication commune aux associations familiales, aux mouvements de jeunes et aux syndicats étudiants. Le conseil national de la jeunesse du 21 avril lui a d'ailleurs consacré ses travaux. Si une réflexion d'ensemble doit être conduite, il faut aussi mettre en place au plus vite des mesures pour aider les 16-25 ans à concrétiser leurs projets de formation et d'accès à l'emploi. C'est un chantier important qui ne peut attendre la prochaine législature. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Le Gouvernement attache une grande importance à l'autonomie des jeunes, pour laquelle il a déjà beaucoup fait, ne serait-ce qu'en faisant diminuer par sa politique économique le chômage des jeunes de 40 % en quatre ans. Nous avons par ailleurs décidé de reconduire le dispositif des emplois-jeunes, avec quelques modifications, afin d'assurer un débouché aux bénéficiaires : formation, pérennisation de leur emploi ou accès à la fonction publique. Le Gouvernement consent là un effort très important. Il prépare aussi, dans le cadre du programme national de lutte contre l'exclusion, un renforcement du programme TRACE, destiné aux jeunes les plus éloignés de l'emploi et qui leur assure un suivi personnalisé et des périodes alternées de stage et d'emploi. Le programme qui donne de très bons résultats, doit bénéficier à un plus grand nombre de jeunes.

Il est important que les jeunes aient les moyens d'être autonomes, notamment vis-à-vis de leur propre famille, mais en contrepartie d'un engagement d'activité. Les discussions sur la proposition de loi d'Alain Bocquet se poursuivent, menées par Ségolène Royal.

Sur la question plus large de l'autonomie des jeunes, le débat doit également continuer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SOUHAITS DE BIENVENUE
À DEUX DÉLÉGATIONS PARLEMENTAIRES ÉTRANGÈRES

M. le Président - Je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire conduite par M. Dragoljub Micunovic, président de la Chambre des citoyens de l'Assemblée fédérale de la République fédérale de Yougoslavie (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

Je suis également heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation parlementaire, conduite par M. Clemente Vazquez Gonzalez, président du groupe d'amitié Equateur-France du Congrès national de la République de l'Equateur (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent).

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    QUESTIONS AU GOUVERNEMENT (suite)

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35 HEURES DANS LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE

M. Arthur Paecht - Monsieur le ministre délégué à la santé et cher confrère, si vous me permettez de m'adresser à vous ainsi, hier soir, une personne proche de l'un des nôtres a été transportée en urgence à l'hôpital Georges Pompidou à Paris. Elle y a vu placardé cet avis : « Vous êtes en danger. Nous ne pourrons pas assurer votre sécurité par manque d'effectif ». Nous étions fiers, et à juste titre, d'avoir un des meilleurs services hospitaliers du monde, voire le meilleur. Nous faisions une visite aux malades le matin en équipe, et une contre-visite l'après-midi. Vous avez connu cette époque où le lien entre le malade et son médecin, son infirmière et son aide-soignante était très fort. Notre temps ne comptait pas. Les choses ont changé. Les techniques de soin et les conditions de travail du personnel ont connu des avancées considérables. C'est heureux et les 35 heures dans la fonction publique hospitalière doivent s'appliquer à tous, y compris aux médecins. Mais le malade, lui, n'en a que faire. Il veut rester au centre d'un système qui devrait être fait pour lui. Je ne remets pas en cause les 35 heures à l'hôpital...

Plusieurs députés socialistes - La question !

M. Arthur Paecht - ...mais la spécificité de ce travail ne peut s'accommoder des déclarations du Premier ministre sur le passage aux 35 heures sans création d'emplois.

M. le Président - Posez votre question.

M. Arthur Paecht - Le malade ne fait pas les 35 heures. La démultiplication du personnel entraînera la rupture du lien personnalisé et coûtera environ 20 milliards par an.

Comment le Gouvernement compte-t-il financer les emplois que tous les établissements réclament d'urgence ? Est-il conscient de la nécessité absolue de maintenir les relations humaines dans les structures de soin ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)

La situation se détériore à un rythme exponentiel, mais il est encore temps d'inverser la tendance (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Vous dressez, cher collègue, un véritable réquisitoire mais je suis heureux que vous ne mettiez pas en cause la nécessité de passer aux 35 heures dans l'hôpital. Il est vrai qu'il faudra créer des postes et cela sera fait quand la négociation sera terminée. Nous sommes en train d'aborder la deuxième phase de la négociation avec le personnel hospitalier. La spécificité du travail hospitalier a été exposée dans le premier rapport. C'est en particulier celui qui s'approche le plus, dans toute l'administration, de l'horaire légal hebdomadaire. Les 35 heures ne doivent en rien nuire au malade. La réorganisation du travail est au contraire une occasion rêvée pour remettre tous les intervenants au service du malade. C'est l'objet de la concertation. Cela sera un progrès social manifeste, tant pour le personnel, qui déjà s'en félicite, que pour les malades.

L'exemple des urgences est flagrant. L'hôpital Pompidou est extraordinairement moderne. Le personnel, outre la prise en charge des malades, doit saisir des données informatiques. Il faut donc un temps d'adaptation. La RTT, en renforçant le personnel et en lui assurant plus de temps de repos, améliorera la prise en charge des malades, dont je reconnais qu'elle n'est pas optimale dans tous les établissements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE

M. Pierre Carassus - Ma question devait s'adresser au Premier ministre. Notre Assemblée est appelée à ratifier le Traité de Nice. Celui-ci semble pourtant avoir été rendu caduc par le vote irlandais, comme le soulignent plusieurs juristes éminents. La presse nous apprend par ailleurs que le Conseil d'Etat y relève plusieurs points d'inconstitutionnalité. Demander que le peuple français soit consulté sur un projet de Constitution européenne est donc plus que jamais légitime. Sans cela, le vote que le Gouvernement nous demande n'est qu'un exercice vide de sens (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV).

M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie - Le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué aux affaires européennes sont retenus avec le Premier ministre au sommet franco-allemand de Fribourg qui doit préparer le sommet de Göteberg.

M. Jean-Pierre Michel - L'Assemblée nationale passe après ! C'est scandaleux !

M. le ministre délégué - Il m'étonnerait que la question du référendum irlandais n'y ait pas été évoquée.

Jeudi dernier, la population irlandaise s'est prononcée, avec un fort taux d'abstention mais de manière significative, contre la ratification du Traité de Nice. Nous devons bien entendu respecter ce vote, mais ne pas en tirer d'interprétations abusives. Hier encore, le Gouvernement irlandais a réaffirmé son engagement ferme en faveur de la construction européenne et de la ratification du Traité, que personne ne considère comme caduc. Le Gouvernement irlandais entend soumettre à nouveau le Traité de Nice à ratification et ses homologues de l'Union ne comptent nullement modifier le calendrier prévu pour qu'eux-mêmes le ratifient.

Rien, donc, n'empêche votre Assemblée de se prononcer tout à l'heure par un vote solennel sur le Traité de Nice (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SITUATION DES PERSONNELS DE SANTÉ

M. Marc Laffineur - Une fois de plus, vingt-trois organisations représentant les personnels de santé manifestent aujourd'hui, à Paris et dans plusieurs villes de province. Il faut dire que la situation de ceux qui ont choisi de consacrer leur vie à soigner les autres est grave. Ces femmes et ces hommes dont la semaine de travail est de 50 à 60 heures se sentent incompris, déconsidérés, non reconnus, constamment suspectés de fraudes, et montrés du doigt comme étant responsables de l'augmentation des dépenses de santé. Peuvent-ils vraiment être tenus pour responsables des conséquences de l'allongement de la durée de la vie, et de ce que nos concitoyens demandent à être toujours mieux soignés ?

Tous sont démotivés par les baisses de rémunération que vous leur imposez. Pour ne citer qu'eux, les médecins généralistes de campagne, découragés, n'arrivent même plus à trouver les remplaçants qui leur permettraient de prendre quelques vacances. Tout cela ne vous empêche pas d'appliquer des sanctions aux sages-femmes, aux orthophonistes, aux infirmières, aux radiologues, aux kinésithérapeutes, aux cardiologues... Il faut des mois pour obtenir un rendez-vous lorsque l'on doit se soumettre à un examen par IRM ou scanner ! Et qu'en sera-t-il après l'application de la réduction du temps de travail ? Déjà, des services ferment faute d'anesthésistes !

En 2000, vous avez consenti une augmentation de 3 % aux cliniques privées, alors que la seule entrée en vigueur des 35 heures augmentera leurs frais de 6 % et les infirmières sont payées de 20 à 30 % en moins dans les hôpitaux privés que dans le secteur public !

La réforme du système de soins ne peut se faire contre les personnels. Allez-vous donc rester insensible au malaise de ceux qui ne souhaitent que soigner dignement nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe du RPR et du groupe UDF)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - A vous entendre, votre collègue Arthur Paecht et vous-même, tout irait mal dans le domaine de la santé ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR) Eh bien, cela n'est pas vrai.

Il y a des difficultés, je le reconnais, et vous en êtes autant responsables que nous (Protestations sur les mêmes bancs) parce qu'il est compliqué, dans un pays moderne, d'ajuster l'offre à la demande, M. Juppé le sait fort bien. Oui, prendre toujours plus grand soin de la santé d'une population, cela coûte de plus en plus cher, et oui, nous devrons payer un peu plus cher pour cela. Mais, non, les hôpitaux ne sont pas à feu et à sang, et l'on y soigne plutôt bien. Et non, encore, les cliniques privées ne sont pas en si mauvaise situation. D'ailleurs, l'augmentation qui leur a été fixée n'est pas de 3 %, comme vous l'avez indiqué, mais de 3,3 % (Huées sur les mêmes bancs)... ce qui, sur 900 milliards, représente une sérieuse différence, Messieurs de l'opposition ! J'ajoute que l'hôpital public n'a pas reçu davantage, alors que l'enveloppe des cliniques privées a été revue à la hausse, vous le savez.

Enfin, ne dites pas que je n'ai pas accordé satisfaction aux sages-femmes : je n'ai fait que cela (Rires et protestations sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

Aujourd'hui, les professionnels libéraux manifestent, c'est exact. Dois-je vous rappeler qu'ils manifestaient déjà contre le système que vous leur aviez imposé ? Ils ne veulent pas, non plus, de celui que nous avions mis au point. Mme Guigou l'a dit clairement : nous en adopterons un autre s'il apparaît meilleur. Attendons donc les conclusions des quatre sages, qui seront rendues à la fin de ce mois et cherchons, avec eux, à faire ce que ni vous, ni nous, n'avons réussi jusqu'à présent (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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AVENIR DES PLANS LOCAUX D'INSERTION ÉCONOMIQUE

Mme Geneviève Perrin-Gaillard - Lors du vote de la loi contre l'exclusion, le Gouvernement avait pris l'engagement que les plans locaux d'insertion économique seraient pérennisés. Or la réforme du Fonds social européen les met en péril, si bien que certains pourraient être arrêtés. Cette décision est d'autant plus grave qu'elle est inattendue, et elle toucherait de plein fouet les bénéficiaires, particulièrement vulnérables, de ce dispositif, les collectivités territoriales et l'Etat, mis dans l'incapacité d'honorer ses engagements. Qu'en est-il exactement, et quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour assurer la poursuite des PLIE ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Dès 1992, le Gouvernement a souhaité accentuer la décentralisation de la politique de l'emploi, pour mieux mobiliser les collectivités locales et renforcer la cohérence des actions menées, en particulier en faveur des personnes les plus durablement écartées de l'emploi. Les 180 PLIE permettent des parcours individualisés. Chacun a permis d'accueillir 70 personnes en moyenne, et 60 % des personnes accueillies ont retrouvé un emploi. Ce système fonctionne donc de manière très satisfaisante.

Comme vous l'avez indiqué, les PLIE sont éligibles au Fonds national européen, dont les règles ont été modifiées, ce qui a eu pour effet de ralentir le financement du dispositif. J'ai saisi la commissaire chargée de l'emploi de cette question, et l'ai priée de bien vouloir revoir les nouvelles procédures. Dans le même temps, mes services ont pris des mesures destinées à améliorer la trésorerie des PLIE. Ainsi, des avances ont été accordées, qui correspondent à la part nationale des crédits du Fonds social européen qui leur sont destinés. Comme vous le constatez, nous cherchons à compenser ces retards, en effet très dommageables (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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FINANCEMENT DES MESURES GOUVERNEMENTALES

M. Serge Poignant - Ma question s'adressait au Premier ministre mais, en son absence, je la pose au ministre de l'économie.

Il y a quelques jours, M. Jospin a déclaré publiquement « Nous n'avons pas à laisser à nos éventuels successeurs je ne sais quelle ardoise ». Et pourtant ! Les coûts cumulés non financés des conséquences du décret sur la fonction publique, de la CMU, de l'APA, des emplois-jeunes et de la réduction du temps de travail dépasse les 100 milliards.

Dans ces conditions, comment allez-vous vous y prendre pour ne pas laisser d'ardoise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe DL et du groupe UDF)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Il est exact que les mesures, et en particulier les mesures sociales, décidées par le Gouvernement ont un coût, et il est normal que le financement en soit prévu. Ainsi des emplois-jeunes, que le Gouvernement a décidé de pérenniser : ils ont un coût, même si, contrairement à ce que laissent entendre certaines interprétations fallacieuses, ce coût ira diminuant au fil des ans. Tout cela est, normalement budgété.

Plusieurs députés RPR, UDF, DL - Tout est dans le « normalement » !

M. le Ministre - Mais il y a une limite aux dépenses publiques, et vous m'avez souvent entendu rappeler que l'on ne peut dépenser plus que l'on a.

Plusieurs députés RPR, UDF, DL - On est d'accord !

M. le Ministre - ...Puisque vous en êtes d'accord, je ne doute pas que lorsque se posera, dans quelques semaines, la question de savoir s'il faut augmenter chaque année de 10 milliards, les dépenses militaires, vous n'en serez pas partisans ! En tout cas, je ne le serai pas !

Il est normal que la croissance économique permette des progrès. Mais il serait erroné de croire que l'on peut dépenser à tout va, et je vous invite à ne pas confondre les prochaines échéances électorales avec un concours de démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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CONGÉ DE PATERNITÉ

Mme Marie-Françoise Clergeau - Depuis 1997, le Gouvernement et sa majorité ont fait de la famille et de l'enfance une priorité, maintenant un dialogue constant avec les associations. Rapporteure du budget de la branche famille, je le mesure particulièrement, et les réformes annoncées hier en apportent un nouveau témoignage. Je me félicite en particulier de la création d'un congé de paternité, car il faut encourager le partage de la responsabilité parentale. Pourriez-vous préciser le contenu des mesures annoncées hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - Le congé de paternité (Interruptions sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)... Si les familles ne vous intéressent pas, dites-le ! (Mêmes mouvements) Nous, elles nous intéressent, et nous agissons en conséquence. La création du congé parental est en vérité une révolution, elle contribuera à un meilleur partage de la responsabilité parentale, dans l'intérêt des jeunes enfants, des pères, mais aussi des mères, qui pourront mieux concilier leur foyer et leur vie professionnelle.

Cette mesure est complétée par la poursuite du plan d'investissement pour la petite enfance, avec 30 000 places de crèche supplémentaires, ainsi qu'une attention particulière portée aux familles en situation précaire et à celles qui ont des enfants handicapés. Ce dispositif sera du reste complété par le Parlement, à l'initiative du groupe socialiste et de son président et de M. Dolez.

Nous mettons donc en _uvre une politique moderne, et réformons le droit de la famille, organisant la garde conjointe et la médiation familiale notamment. Quant au financement, Monsieur Poignant, il sera assuré grâce aux excédents de la branche famille. Nous rendrons aux familles ce qui leur appartient, après avoir hérité de vous un trou de 14 milliards ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

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TIPP

M. Jean-Marie Demange - A l'automne dernier, les Français ont été confrontés à une forte hausse du prix des carburants, et vous aviez tenté de répondre à leur désarroi en instituant une TIPP flottante. Ce dispositif s'est ensuite révélé inapplicable lorsque les prix ont baissé. Or, dernièrement, de nouvelles hausses se sont produites, et le prix de l'essence à la pompe a progressé de 50 centimes par litre en un mois et demi. Le pouvoir d'achat des Français en sera encore amputé, alors que votre pression fiscale l'a déjà beaucoup rogné. Avez-vous à leur proposer un dispositif plus clair et plus efficace pour réagir à ces hausses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Sans doute cette question prolonge-t-elle la question précédente qui appelait à réduire le déficit ? (Sourires sur les bancs du groupe socialiste) Je l'ai déjà dit, gardons-nous de confondre la démocratie et la démagogie (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR). L'an dernier, l'Assemblée avait décidé en effet un mécanisme stabilisateur qui permettait d'éviter qu'à la différence de ce qui se passait auparavant, l'Etat ne s'enrichisse lorsque l'OPEP augmentait ses prix. D'où l'absence de progression, cette année, des recettes de TIPP, avec les soucis que cela peut d'ailleurs entraîner pour les finances de l'Etat.

Depuis peu, on assiste à nouveau, cela est vrai, à des hausses des prix à la production. Mais il existe un autre sujet de préoccupation, c'est l'augmentation des marges du raffinage, depuis que celui-ci s'est à son tour cartellisé. Vous savez d'autre part quel handicap représente la baisse de l'euro lorsque nous payons le pétrole en dollars.

Tout n'est pourtant pas négatif pour les consommateurs. Comme vous l'avez justement rappelé, nous n'avons pas rattrapé le bonus observé il y a quelques mois, et il existe enfin une vraie concurrence sur les autoroutes. Et si, malheureusement, nous ne pouvons pas fixer les prix de l'OPEP, nous appelons à une entente sur des prix raisonnables -de 20 à 25 $ le baril, contre 30 aujourd'hui. Plutôt que de polémiquer, ne pourrions-nous pas rassembler nos forces pour demander un tel accord ? On pourrait du reste s'interroger sur le rapport entre la hausse récente et le fait que les raffineries du Texas deviennent rentables à compter d'un cours de 30 dollars le baril. En tout cas, il ne serait pas de bonne méthode de laisser entendre à l'OPEP que ses hausses seront amorties par des baisses fiscales, et je compte sur vous pour dire avec nous aux pays producteurs qu'il faut arrêter ces hausses indues (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR).

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DIRECTIVE SOCIALE EUROPÉENNE

M. Gérard Terrier - Les ministres européens des Affaires sociales ont trouvé hier un accord de principe sur la consultation et l'information des travailleurs en cas de licenciement massif. La directive adoptée prévoit aussi un dialogue permanent dans l'entreprise et des mesures de protection des travailleurs. Pourriez-vous nous donner quelques détails à ce sujet ? L'Europe sociale est-elle en marche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Hier en effet, les ministres chargés des Affaires sociales se sont mis d'accord pour adopter la directive « Renault-Vilvorde ». Voici près de quatre ans que ce texte avait été présenté par la Commission, mais il avait fallu attendre la présidence française pour qu'il soit enfin inscrit à l'ordre du jour du Conseil. Le 20 décembre, la minorité de blocage était surmontée, puisque seuls le Royaume-Uni et l'Irlande s'opposaient encore à son adoption, que seul un artifice de procédure britannique fit encore différer in extremis. Mais la présidence suédoise a repris le processus qui a donc abouti hier.

C'est une grande avancée pour l'Europe sociale. Tous les pays de l'Union européenne seront obligés de prévoir une consultation des travailleurs pour tout projet de restructuration.

Le Royaume-Uni et l'Irlande n'ont aucune législation en la matière, -contrairement à nous qui allons même améliorer notre législation avec la loi de modernisation sociale. Ces deux pays ont tant insisté qu'ils ont obtenu des délais supplémentaires.

Pour tous les Etats membres sauf le Royaume-Uni et l'Irlande, il sera obligatoire, dans trois ans ou plus, d'informer et de consulter les salariés à chaque projet de restructuration.

Le Royaume-Uni dispose de délais supplémentaires selon le nombre de salariés concernés par les projets. Nous aurions souhaité que l'harmonisation soit plus rapide, mais au moins sommes-nous sûrs qu'à terme, le Royaume-Uni et l'Irlande appliqueront des règles analogues aux nôtres.

La France est à l'avant-garde sur ces questions et nous venons de démontrer qu'il est possible en Europe d'aligner vers le haut plutôt que de niveler. C'est là un acquis politique important.

On aurait pu espérer que le dispositif de sanction soit plus précis, mais nous ne désespérons pas de réaliser de nouveaux progrès dans de prochains textes, dont la future directive sur les comités de groupes européens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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FINANCEMENT DES 35 HEURES

M. Jean Ueberschlag - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et j'espère que sa réponse sera moins évasive que celle de M. Fabius à mes collègues Poignant et Demange (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; protestations sur les bancs du groupe socialiste). Je veux dire aussi à M. Fabius que, sans confondre démocratie et démagogie, nous l'invitons à distinguer entre gestion et gabegie (Mêmes mouvements).

M. le Président - Venez-en à votre question.

M. Jean Ueberschlag - Madame la ministre de l'emploi, au mépris des principes les plus élémentaires de la gestion et de la démocratie, vous avez unilatéralement imposé à la sécurité sociale de financer les 35 heures. C'est une décision lourde de conséquence pour l'avenir des comptes sociaux et le fonctionnement paritaire de la sécurité sociale. Incapable de financer les 35 heures, vous avez imposé un transfert de charges d'un montant de 13 milliards pour l'année 2000. Le pire reste à venir avec, en 2002, le passage aux 35 heures des petites entreprises.

Vous réduisez ainsi à néant le fragile équilibre des comptes sociaux, alors que vous avez perdu le contrôle des dépenses : pour l'assurance maladie, elles sont passées de 600 à 700 milliards en quatre ans. On peut aussi s'interroger sur les 4,5 millions de feuilles de soins en attente (« La question ! » sur les bancs du groupe socialiste)

Les ressources de la sécurité sociale doivent servir à couvrir les besoins de santé des Français. Les malades, les familles, les retraités n'ont pas à financer les 35 heures.

Allez-vous persister dans cette voie ?

Question subsidiaire : Mme Royal compte utiliser les excédents de la branche famille pour financer sa politique. Pensez-vous que vous pourrez dépenser l'argent deux fois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. le Président - Votre question a duré 3 minutes et 30 secondes.

M. Jean-Louis Debré - C'était important !

M. le Président - Monsieur Debré, vous êtes le premier à protester quand tous les orateurs inscrits ne peuvent pas s'exprimer (Huées sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - J'ai trouvé quant à moi les réponses de Laurent Fabius très pertinentes (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Il a bien fait de souligner cette contradiction consistant à s'insurger contre la dépense publique en général tout en demandant des crédits en particulier (Claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Les allégements de charges en faveur des entreprises ont représenté 72 milliards en 2000. C'est plus que prévu, parce qu'il y a eu des créations d'emplois. Mais les allégements liés aux 35 heures ne représentent que 40 % du total : le reste est constitué d'allégements consentis par les gouvernements précédents.

Il faut compenser le coût des allégements pour la sécurité sociale, mais celle-ci bénéficie des retours de la loi. Les allégements de charges se traduisent par des créations d'emplois, qui apportent des cotisations supplémentaires (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Si nous avons pu tenir ce raisonnement, c'est parce que nous avons rétabli l'équilibre des comptes sociaux. En 1999, ils étaient excédentaires, à hauteur de 700 millions. L'excédent est passé à 5,2 milliards en 2000 et il sera de 8 milliards en 2001. Quand vous étiez aux responsabilités, le déficit était de 67 milliards en 1995 et de 53 milliards en 1996. Il ne nous paraît pas anormal qu'une sécurité sociale en excédent consacre une partie de ses ressources à des politiques d'intérêt général. D'ailleurs, ce qui a été décidé hier par la Conférence de la famille a été approuvé par les partenaires sociaux.

l'Etat affecte aux 35 heures des ressources stables et juridiquement sûres, mais la sécurité sociale participe au financement à hauteur des retours qu'elle peut attendre de la réforme (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PILULE ANTI-VIEILLISSEMENT

Mme Sylvie Andrieux-Bacquet - Monsieur le ministre délégué à la santé, le DHEA, appelé par tous « la pilule anti-âge », a fait son apparition en France. Ce produit peut être utilisé alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune autorisation de mise sur le marché et qu'il n'est soumis à aucun contrôle. Il existe des systèmes de vente semi-clandestine, via Internet, depuis des pays frontaliers du nôtre.

On peut s'étonner que l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé estime que le DHEA ne doive pas être considéré comme un médicament. Cette hormone sera pourtant délivrée sur ordonnance médicale. Cette position est d'autant plus étonnante que nous connaissons les exigences ordinaires des pouvoirs publics avant la mise sur le marché de toute thérapeutique nouvelle.

Quelles mesures de précautions comptez-vous prendre pour vérifier l'innocuité de ce produit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé - Il est vrai que le DHEA n'est pas un médicament : c'est une substance chimique, comme la mélatonine, une matière première, un produit de synthèse à la disposition des pharmaciens, qui peut être délivré par ordonnance et qui n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

Les expérimentations qui ont eu lieu aux Etats-Unis ont montré que ce produit n'avait aucune toxicité à court terme. Nos travaux ont abouti au même résultat, mais nous ne savons rien de la toxicité du produit à long terme. Nous devons nous assurer qu'il n'est pas nocif. Ce qui est actuellement prescrit l'est sous la responsabilité du médecin et du pharmacien qui délivrent ce produit au consommateur.

Nous finançons des travaux de recherche sur une cohorte de personnes ayant accepté de prendre ce produit. Nous n'avons pas encore de résultats. Puisque les laboratoires ne sont pas intéressés, nous essayons de trouver un service public qui accepte de déposer ce produit comme médicament selon les procédures habituelles (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

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TRANSPORTS RÉGIONAUX

M. Roger Meï - Monsieur le ministre des transports, avec le Président de la République et le directeur de la SNCF, vous venez d'inaugurer le TGV Marseille-Paris, magnifique réalisation de la technique française dont tous, du cheminot au Président, peuvent être fiers, comme nous en sommes fiers nous-mêmes.

Mais dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur comme dans d'autres, aucun progrès n'a été accompli depuis une centaine d'années dans les transports de voyageurs, par la SNCF.

Marseille-Nice : 200 km, plus de 2 heures. Aix-Marseille : 25 km, 40 minutes. Je ne parle pas des embouteillages à l'entrée de Marseille et des difficultés de stationnement. Même si la loi de décentralisation confère aux régions la responsabilité des transports régionaux, elle ne dédouane pas la SNCF et l'Etat de la responsabilité de n'avoir rien fait depuis si longtemps. Vous avez insisté sur la priorité à donner aux transports régionaux de voyageurs.

La nouvelle majorité régionale en PACA a inscrit dans le contrat de plan pour 2000-2006 le doublement de la ligne Aix-Marseille, le triplement de la ligne Aubagne-Marseille et l'amélioration de la ligne Grasse-Cannes-Nice, soit l'inscription de plus de 3 milliards. N'est-il pas temps de mettre en place des procédures d'urgence pour réaliser au plus vite ces transports régionaux qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Je vous ai vu, parmi d'autres, à Avignon pour l'inauguration du TGV Méditerranée. Comme vous, je salue cette performance technologique et sociale, qui permet à tout le monde de se rendre de Paris à Marseille en 3 heures et, ajouterait M. Clary, de Paris à Nîmes en 2 heures 51. Saluons aussi la performance réalisée par le secteur public, si souvent dénigré ici par les chantres du libéralisme.

L'ordre du jour est maintenant au développement du transport ferroviaire, donc à l'embauche de cheminots et à la recherche d'une plus grande efficacité. Dans quelques mois nous allons généraliser la régionalisation du transport express de voyageurs.

Les sommes consacrées dans les contrats de plan Etat-région au transport ferroviaire sont huit fois plus élevées que dans les contrats précédents. En raison même de cette croissance, nous rencontrons actuellement des difficultés pour réaliser les études et engager les procédures aussi vite que nous le voudrions. Nous travaillons à les résoudre.

L'Etat et la région PACA ont décidé de réaliser la première phase de la ligne Marseille-Gardanne-Aix. L'enquête d'utilité publique sera lancée l'an prochain, comme pour les lignes Aubagne-Marseille. Nous faisons tout le possible pour satisfaire la demande de transport ferroviaire (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

M. Ollier remplace M. Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Patrick OLLIER

vice-président

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    RATIFICATION DU TRAITÉ DE NICE (suite)

L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote autorisant la ratification du Traité de Nice modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes.

M. Jean-Pierre Michel - Mon rappel au Règlement se fonde sur ses articles 58-1 et 128-2. Nous sommes convoqués à une séance surréaliste, qui ne grandit pas le Parlement.

En effet, le droit international le plus élémentaire enseigne que, pour être applicable, un traité doit être ratifié par tous ses signataires. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. Bien entendu, les ministres européens réunis hier ont dit que le peuple irlandais comptait pour rien, puisque Mme la Première ministre était tout à fait européenne et allait arranger cela. Voilà qui caractérise bien la nature de la construction européenne, qui fait fi de la démocratie.

Je vous demande, Monsieur le Président, de suspendre immédiatement la séance et de réunir le Bureau pour demander au Gouvernement d'ajourner le débat. Nous en avons l'habitude : on a bien ajourné à demain, et peut-être plus tard, le vote sur le projet de modernisation sociale.

Après le vote des Irlandais, nous avons besoin d'explication et le Gouvernement, dans sa sagesse, pourra ainsi consulter le peuple français par référendum, seule voie démocratique après le vote négatif de nos amis irlandais (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et sur quelques bancs du groupe du RPR).

M. le Président - Puisque vous interpellez le Gouvernement, le mieux est qu'il vous réponde.

M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes - Nous voici réunis pour conclure la procédure d'autorisation de ratification du Traité de Nice. Vous avez souhaité un vote solennel. Je me réjouis de l'importance que vous accordez ainsi à ce traité. Quel que soit le jugement que l'on porte sur ce texte, celui-ci ne aurait faire l'objet d'un vote à la sauvette. L'Europe mérite mieux que cela (Interruptions sur les bancs du groupe RCV).

M. Georges Sarre - Merci de me laisser vous dire que le rappel au Règlement de Jean-Pierre Michel est parfaitement fondé. Le Traité de Nice est mort ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste) Le peuple irlandais a voté, et vous ne pouvez pas passer ce vote par profits et pertes, fût-ce en utilisant la méthode Coué. Nous demandons une réunion du Bureau. Puisqu'il n'y a plus lieu de délibérer sur un texte qui n'existe plus en droit (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et quelques bancs du groupe du RPR).

M. le Ministre délégué - J'y venais. En effet, depuis notre discussion ici la semaine dernière, s'est produit un fait nouveau. Le référendum irlandais, dont le résultat a donné lieu à beaucoup de commentaires. Il est légitime d'en parler ici aujourd'hui, même si ce vote ne doit pas nous conduire à mettre en cause la procédure engagée. Je remercie le président de l'Assemblée d'avoir maintenu le calendrier fixé. Le vote des Irlandais a eu lieu. L'Eire est le seul Etat à avoir organisé une consultation référendaire. Nous avons pris acte des résultats de ce scrutin, qui ne signifient absolument pas que le Traité soit mort. Les Irlandais ont toujours soutenu franchement la construction européenne. Ils viennent pour la première fois d'émettre un avis négatif. Gardons-nous de commentaires excessifs, qui tendraient à donner à ce scrutin une signification qu'il n'a pas pour tenter de peser, en France, dans tel ou tel sens. Ce vote ne nous laisse pas indifférents, mais gardons-nous d'être plus irlandais que les Irlandais. Hier, à Luxembourg, nous avons entendu le ministre des affaires étrangères de la République d'Irlande. Des échanges auront certainement lieu entre chefs d'Etat et de Gouvernement à Göteborg à la fin de la semaine. Nos amis irlandais souhaitent prendre le temps de la réflexion et de la concertation avec les autres Etats membres, et ces derniers désirent examiner la situation nouvelle dans un esprit constructif, et sans précipitation, en excluant toute réouverture du texte signé à Nice et en poursuivant le processus de ratification selon les procédures et le calendrier prévus, c'est-à-dire, pour nous, aujourd'hui.

Engagement a été pris explicitement à Helsinki en décembre 1999 : mettre l'Union européenne en état d'accueillir au 1er janvier 2003 les pays candidats prêts à adhérer, ce qui suppose que nous ayons achevé d'ici-là les procédures de ratification du Traité de Nice.

S'il n'est pas question de renégocier le Traité, nous examinerons avec les Irlandais, à leur demande, les solutions leur permettant de surmonter la difficulté qu'ils viennent de rencontrer. Je peux comprendre que ce vote négatif puisse réjouir ceux qui, ici, ont appelé à voter contre la ratification du Traité de Nice.

M. Jacques Myard - C'est un signe d'espoir !

M. le Ministre délégué - Je reconnais que c'est cohérent.

En revanche je comprends moins ceux que le vote irlandais semble réjouir au nom d'une Europe qu'ils prétendent vouloir parfaite. J'invite ces fervents Européens à s'interroger sur le sens du message qu'ils adressent à l'opinion en cautionnant ceux qui, en Irlande, ont pour point commun d'être profondément opposés à la construction européenne. Qui a appelé en Irlande à voter non ? Les supporters de l'IRA, des religieux fondamentalistes, des neutralistes, des partisans du rejet de l'élargissement. Faire de ces 17 % d'Irlandais qui ont voté contre le Traité les sauveurs de l'Europe n'est pas très sérieux. Pourquoi prendre ainsi appui sur le référendum irlandais ? Pour demander l'organisation aussi, chez nous, d'un référendum ? Pour militer ensuite en faveur du non, pour des raisons contradictoires ?

La vraie question est de savoir si le Traité de Nice contient de quoi engager une consultation référendaire. Est-ce là le sens que notre Constitution donne à cette procédure solennelle ? Je ne le pense pas : une telle consultation doit être réservée aux questions qui engagent l'avenir de notre nation, comme le choix de la monnaie unique en 1992, mais ce n'est pas le cas du Traité de Nice qui, à l'évidence, ne bouleverse pas fondamentalement le fonctionnement de l'Union. Comment dès lors se réjouir que cette procédure du référendum soit utilisée comme moyen de laisser se manifester de simples mouvements d'humeur ?

J'entends aussi d'autres défenseurs de la cause européenne prôner une attitude plus radicale, pour conjurer le danger d'une alliance dont ils mesurent le caractère paradoxal : il faudrait, selon eux, purement et simplement sauter l'étape de Nice. Je ne crois pas que ce serait raisonnable et votre Assemblée en est d'ailleurs consciente puisque c'est à sa demande que le Gouvernement a accepté, lors de la ratification du Traité d'Amsterdam, l'ajout d'un article soulignant solennellement la nécessité de réformer les institutions de l'Union avant tout élargissement. Nous avons obtenu cette réforme à Nice, avec plus ou moins de bonheur mais au prix de grands efforts. Y renoncer maintenant reviendrait à signer l'acte de dilution de l'Union : est-ce cela qu'on voudrait ? Souhaite-t-on renoncer à encadrer la taille de la Commission, à rééquilibrer la pondération des votes au Conseil et à étendre le vote à la majorité qualifiée ? Sans doute non.

Sans doute soutiendra-t-on que, ce que qu'on appelle de ses voeux, c'est une refondation, une vraie réforme du projet européen. Mais, je l'ai déjà dit, un grand soir institutionnel était exclu à Nice. Si nous voulons doter demain l'Europe d'une Constitution, sachons cependant nous appuyer sur les résultats de ce sommet, qui a eu le mérite, de solder les reliquats. Disant cela, je n'essaie pas de vous convaincre que le Traité de Nice est le Traité idéal...

M. Hervé de Charette - C'est un mauvais traité !

M. le Ministre délégué - Il a ses défauts, nous les connaissons, mais est-ce une raison de le rejeter au risque de faire courir à l'Europe des dangers considérables ? Ce Traité, comme les précédents, est l'expression du point d'équilibre atteint grâce à la négociation et, quoi qu'on dise, il marque de réelles avancées (Exclamations sur les bancs du groupe UDF). Surtout, c'est la condition sine qua non d'un élargissement réussi. Il ne pouvait à l'évidence régler toutes les questions institutionnelles : au contraire, des débats autrement approfondis nous attendent encore. Le vote irlandais est sans doute l'expression d'interrogations sur l'avenir de l'Union, sur son caractère démocratique, sur la répartition des compétences et sur les conditions de l'exercice du pouvoir en Europe, interrogations tout à fait légitimes qui nous ont d'ailleurs conduits à signer, à Nice, une déclaration sur l'avenir de l'Europe prévoyant un très large débat sur ces sujets d'ici à 2000. Mais c'est précisément le Traité de Nice qui ouvre la voie à une telle démarche. Soyons donc conséquents et commençons par ratifier ce Traité si nous voulons que ce débat se déroule dans les meilleures conditions (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Michel Vauzelle, rapporteur de la commission des affaires étrangères - Contrairement à ce qu'on laisse entendre ici ou là en faisant preuve d'une démagogie irresponsable, le Traité de Nice, même s'il n'est pas parfait, doit absolument être ratifié. En 1989, nous nous sommes tous réjouis de la chute du Mur et du renversement des régimes totalitaires d'Europe centrale et orientale (Exclamations sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL). Tous, nous avons proclamé qu'il était de notre devoir de nous montrer solidaires de ces peuples frères. Dix ans plus tard, le conseil de Berlin prenait des engagements clairs à l'égard de ceux-ci. Aujourd'hui, après que notre Gouvernement a réussi, avec le Président de la République, à mener à bien une des négociations les plus difficiles qu'ait connues l'Europe, alors que nos pays ont réussi à dessiner le même cadre institutionnel pour les Etats membres de longue date et pour les Etats candidats, comment pourrions-nous rejeter un texte auquel tant d'espoirs sont attachés à l'Est ? Notre devoir de démocraties est de conforter la démocratie dans ces pays et la France ne saurait manquer à son devoir moral à leur égard.

Comment, à tout le moins, n'être pas attentifs aux nécessités d'une bonne gestion politique de l'espace européen, qui requiert, pour être sûr et solide, d'être construit avec l'ensemble d'une famille trop longtemps divisée ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste) Comme le référendum irlandais le démontre de façon malheureuse, nos peuples ont plus besoin aujourd'hui de pédagogie que de démagogie !

Si le Traité de Nice est imparfait, s'il a été difficile de le négocier, c'est que nous arrivons au terme de la première étape de la construction européenne. Jusqu'ici, il suffisait pour être un bon Européen de retirer des compétences aux Etats pour renforcer l'Union -on évitait ainsi de répondre aux Français qui s'interrogeaient sur l'avenir de leur nation. Aujourd'hui, une telle démarche n'est plus possible. Ce n'est pas un hasard si notre Assemblée, s'occupant de l'Union cet après-midi, débattra demain d'un projet relatif à nos régions, ce après avoir traité de la Corse. Entre l'Europe et les régions, doit-il rester une place pour les nations ? La question doit être désormais posée clairement. Dans le cadre de la défense des droits de l'homme et des libertés de proximité, dans le cadre de la mondialisation, comment partager les compétences entre ces trois niveaux ? Si les Français semblent peu favorables à une Europe des régions, c'est que leur culture accorde une grande place à la souveraineté nationale et à l'indivisibilité de la République. Si l'on refuse cela, il faut le dire tout net, puis envisager un référendum pour réviser le titre premier de notre Constitution. Que l'Allemagne, l'Italie, l'Europe, la Grande-Bretagne ou la Belgique proposent une Europe des régions, c'est compréhensible. En revanche, qu'on demande à la France de s'adapter à une telle perspective est pour le moins difficile. Cela mettrait en effet en cause notre conception de la légitimité démocratique, de la solidarité nationale, de l'égalité de tous devant la loi, et notre attachement à une culture et à une langue à vocation universelle. C'est pourquoi le concept de fédération d'Etats-nations proposé par le Premier ministre est celui qui convient à la vision française de l'Europe et, en tout cas, à une Europe vraiment européenne.

Il faut donc que les Français participent massivement au grand débat proposé par le Gouvernement avant les prochaines échéances européennes, afin de définir la future répartition des compétences entre Europe, Etat et régions. L'Assemblée y prendra toute sa part, comme elle le fera, je l'espère, dans le fonctionnement institutionnel de l'Union, grâce au Congrès des parlements dont le Premier ministre a suggéré la création.

C'est donc au nom de cet avenir et de la solidarité due -et promise- aux peuples de l'Est que je vous invite à voter ce projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. François Loncle, président de la commission des affaires étrangères - Je veux simplement indiquer (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) que le « non » irlandais ne peut en aucune façon remettre en cause les conclusions auxquelles est parvenue la commission, au terme d'un ample travail. Rien ne doit entraver la marche vers l'élargissement de l'Europe (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Pierre Lequiller - Dans sa très grande majorité, le groupe Démocratie libérale votera ce projet de ratification car, comme l'a expliqué Alain Madelin, le Traité de Nice ouvre enfin aux pays d'Europe de l'Est les portes de leur maison. Enfin nous accueillons ceux qui ont brisé les chaînes du communisme soviétique, nous libérant ainsi du système oppressant de Yalta. Enfin, ces millions de frères et s_urs qui se réclament de notre civilisation vont devenir Européens ! Dire non au Traité de Nice serait leur envoyer un message désastreux d'égoïsme et de repli sur soi.

Certes, le Traité de Nice ne répond pas à toutes nos attentes, mais que représente le débat sur ses mérites et ses lacunes à l'échelle de l'histoire de notre continent ? Depuis 1958, étape par étape, l'Europe s'est faite. Dans six mois, plus de trois cents millions d'Européens auront dans leur poche une même monnaie. Nous sous-estimons sans doute ce que représentera cette révolution à laquelle la Grande-Bretagne, elle-même, aspire maintenant à participer. L'architecture future de l'Europe ne pourra être calquée sur aucun modèle parce que, pour la première fois dans l'histoire, c'est d'unir le destin de nations démocratiques qu'il s'agit.

Plus que de débats théoriques, l'Europe a besoin de nouveaux symboles. Symbole de notre unité, un président stable, élu par le Conseil européen pour faire entendre la voix de l'Europe dans le concert mondial. Symbole de notre puissance, une politique étrangère et de défense commune et des coopérations renforcées où la France et l'Allemagne joueront un rôle moteur. Symboles de progrès démocratique, l'association des parlements nationaux qui veille au respect du principe de subsidiarité et aussi un texte constitutionnel décentralisateur. Nous rejetons en effet toute perspective, évoquée par le Premier ministre, d'Etat fédéral centralisé. Enfin, symbole d'ouverture, la convention, réunissant les institutions européennes, les Etats membres et les candidats, sur l'édification de la grande Europe.

La conscience européenne ne doit pas faiblir. Elle a longtemps constitué une réponse à l'horreur des deux guerres mondiales et à la menace soviétique ; elle repose aujourd'hui sur la volonté de défendre notre civilisation et nos valeurs dans un monde unipolaire. L'Europe est un projet politique, l'union pacifique de peuples que l'histoire a opposés. De même que Maastricht restera le traité de l'euro, Nice, avec ses qualités et ses défauts, sera celui de la grande Europe. C'est pourquoi nous le ratifions, conscients des avancées qu'appelle notre ambition pour une Europe politique (Applaudissements sur les bancs du groupe DL et du groupe UDF).

M. Alain Barrau - L'Assemblée nationale est appelée à ratifier le Traité de Nice que le peuple irlandais vient de repousser. Le peuple irlandais a ainsi exprimé la crainte que l'accord institutionnel ne lui soit défavorable. Nous devons respecter ce choix, exprimé souverainement, en dépit d'une forte abstention. J'ai bon espoir qu'une solution soit trouvée qui, sans bouleverser l'équilibre du traité, donnera des assurances aux Irlandais. Mais le « non » de l'Irlande ne doit pas influencer le choix français. Ce serait une curieuse conception de la souveraineté nationale : considérer qu'un pays doit interrompre son processus de ratification sous prétexte qu'un autre, parmi les Quinze, a voté contre ! Le débat a commencé ici avant le vote irlandais. Votons aujourd'hui comme la Conférence des présidents l'avait prévu sans chercher de faux-fuyant (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste).

Les arguments développés la semaine dernière sont toujours valables.

On ne peut demander le report du vote, on ne peut demander un référendum seul, sous prétexte de ce qui s'est passé en Irlande. D'autant qu'il y a plusieurs bonnes raisons de ratifier ce traité. D'abord, il ne comporte ni réserves ni reliquat. Il remplit l'objectif qui lui avait été assigné : non une refonte globale, mais une amélioration du fonctionnement des institutions, pour préparer l'élargissement. Le compromis est forcément imparfait, mais il a le mérite de clore la discussion. Ensuite, l'assouplissement du recours aux coopérations renforcées évitera la paralysie à l'Europe des 27. Les pays qui le veulent doivent pouvoir avancer plus vite dans certains domaines, sans fermer la porte aux autres.

Politiquement enfin, nous ne pouvons pas rejeter la demande d'adhésion de pays qui se sont battus pour leur liberté et leur indépendance pour de médiocres péripéties de négociation. Comment justifier un pareil égoïsme ! Nous devons négocier chaque dossier, mais en gardant une position conforme aux valeurs du pays des droits de l'homme. Les pays candidats ne doivent pas intégrer une zone de libre échange, mais une Europe économique et monétaire, politique, culturelle et sociale.

Le Traité de Nice lance le débat sur l'avenir de l'Union, un débat qui devra déboucher en 2004 sur une nouvelle architecture des institutions. Ce débat est celui des chefs d'Etat et de gouvernement, il est tout autant celui des citoyens. Il revient à notre Assemblée d'y apporter une contribution significative, elle a déjà pris plusieurs initiatives à cet effet. La question de la place des parlements nationaux est d'ailleurs centrale, et la mise en place du suivi par l'Assemblée de la transposition des directives est un pas dans la bonne direction.

Pour toutes ces raisons, et en assumant les insuffisances mais aussi les avancées du Traité de Nice, nous appelons à le ratifier (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Forni remplace M. Ollier au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

M. Alain Juppé - Il ne s'agit pas de rouvrir le débat mais d'expliquer nos votes. L'actualité européenne est souvent riche en mauvaises surprises et le vote du peuple irlandais en est une.

M. Philippe de Villiers - Une bonne surprise !

M. Alain Juppé - Il peut toutefois produire un choc salutaire et mettre en exergue les enjeux du débat.

M. Philippe de Villiers - Ne méprisez pas le vote des Irlandais !

M. Alain Juppé - Je ne le méprise pas, mais je suis fondé à ne pas le partager.

Le premier de ces enjeux est l'élargissement de l'Union. Voter contre la ratification, c'est s'y opposer.

M. Philippe de Villiers - C'est faux !

M. Alain Juppé - Or il s'agit là d'une promesse que nous devons tenir. Cela relève aussi de notre intérêt : le continent ne peut être stable si l'Europe de l'Est est tenue à l'écart de la prospérité de l'Ouest. Je dois rappeler que le RPR, il y a dix ans, a fait le choix de la grande Europe. Plus que jamais, il faut en faire notre nouvelle frontière.

Deuxième enjeu, celui de la réforme institutionnelle. L'élargissement ne peut pas être envisagé à institutions inchangées sans accroître le risque de paralysie de l'Union ainsi que le risque de déficit démocratique, puisque le système de décision ne tiendrait pas compte de la réalité démographique. Le Traité de Nice, s'il n'est pas parfait -mais quel traité, même signé à six, le fut ?- apporte des améliorations réelles. Il étend le vote à la majorité qualifiée à une trentaine de domaines nouveaux, il fixe une pondération plus démocratique des votes, il plafonne les effectifs de la Commission et, surtout, il assouplit les coopérations renforcées, dont le vote irlandais prouve qu'elles seront plus nécessaires qu'elles ne l'ont jamais été.

Le principal mérite du traité est d'ouvrir l'après-Nice. A la différence de M. Barrau, je considère qu'il y a bien un reliquat. Une déclaration adjointe au traité fixe d'ailleurs la liste des points qu'il faudra avoir réglé avant 2004. Les questions existentielles doivent être posées : que voulons-nous faire ensemble, une zone de libre échange ou une puissance internationale ? Avec qui, quelles sont les frontières de l'Union ? Qui fait quoi dans une fédération d'Etats nations ? Je rejoins en effet ici M. Vauzelle : nous ne voulons pas d'une Europe des régions, nous voulons une Europe d'Etats nations (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR). Comment enfin rendre les institutions européennes authentiquement démocratiques, y faire respecter la séparation des pouvoirs ou y organiser la proximité entre les citoyens et les institutions ? De nombreuses propositions ont été émises et une méthode esquissée : un débat national suivi d'une convention et d'une nouvelle conférence intergouvernementale. Le Président de la République, qui a tracé l'an dernier à Berlin des perspectives ambitieuses et le Gouvernement, malgré sa pusillanimité et ses divisions, doivent être en tête de ce nouveau débat européen. Le blocage irlandais doit nous inciter à aller de l'avant : soit que ce pays revoie sa décision...

M. Philippe de Villiers - Ce serait sans exemple !

M. Alain Juppé - Le Danemark l'a pourtant bien fait... Soit donc que nous avancions sans lui. L'objectif est de constituer, de donner une Constitution à la grande Europe, puissance de paix et d'équilibre. Voilà pourquoi plus que jamais, et en tout cas autant que la semaine dernière, le groupe RPR estime qu'il faut ratifier le Traité de Nice (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Daniel Paul - Les communistes souhaitent la réorientation de la construction européenne.

Nous voulons donner du sens à l'Europe et du corps à des projets répondant aux attentes sociales, économiques et culturelles des citoyens.

L'élargissement de l'Union en est l'occasion. Mais que va-t-on leur apporter ? Toujours plus d'austérité, de chômage, de réduction des dépenses sociales ? Quelle Europe construire avec eux, et comment s'assurer de son caractère démocratique ? Comment orienter les coopérations politiques et économiques pour répondre aux attentes des peuples ? L'Europe a besoin d'un souffle nouveau. Elle doit donner la priorité à la satisfaction des besoins sociaux et culturels, et faire de l'intervention démocratique le critère fondamental de sa réforme institutionnelle, dépassant les affrontements entre chefs d'Etat et de gouvernement.

Quel que soit le nombre d'Etats membres, le respect absolu de l'égalité doit demeurer, ce qui exclut tout esprit de domination. C'est dire que l'idée d'un « noyau dur » est contraire à toute construction européenne progressiste.

Après le refus de l'Irlande de ratifier le Traité de Nice, certains évoquent un risque de crise. C'est que l'idée d'une Union européenne qui aurait la velléité de démocratiser ses institutions et de se débarrasser du carcan du pacte de stabilité ne leur convient pas. Fédéralistes et souverainistes se retrouvent dans une même opposition qui dissimule mal un élément capital : on peut être frileusement replié sur soi-même ou furieusement fédéraliste sans pour autant, remettre en cause le libéralisme.

Rien de tout cela ne camoufle des démarches politiciennes rendues plus urgentes par la proximité des élections présidentielles.

Pour ce qui nous concerne, nous attendons du Gouvernement qu'il pèse en faveur d'une réorientation de la politique européenne ouvrant la voie à des projets communs dans une optique plus sociale et plus solidaire, y compris la procédure des coopérations renforcées.

Quant à la question de l'Europe politique, elle demeure entière. Nous continuerons à défendre avec fermeté l'idée de souveraineté. Enfin, nous voulons saisir, dans le Traité de Nice, les quelques éléments qui pourraient permettre d'avancer en matière d'emploi et de progrès social.

Le maintien de la situation actuelle n'est pas une fatalité ! Le débat sur le sens à donner à l'Europe demeure entier, puisque le Traité de Nice n'a laissé aucune place à des réformes structurelles susceptibles de remettre en cause l'orientation libérale consacrée par les traités précédents.

Ce traité est un exemple type d'ambivalence. Ainsi, les Etats conservent la liberté de « définir des services d'intérêt économique général », mais c'est à la seule Commission que l'on confie le soin de veiller au respect des sacro-saintes règles de la concurrence tandis que s'accélère la remise en cause des services postaux, que l'on s'acharne contre la SCNF, EDF et Gaz de France.

Pour autant, faut-il susciter une crise qui, à terme, aurait pour conséquence l'explosion de l'Union européenne ou, au contraire, travailler avec tous nos partenaires pour construire un véritable projet européen en s'écartant du carcan du pacte de stabilité, en travaillant à une harmonisation sociale et économique source d'épanouissement humain, en améliorant le fonctionnement des institutions, en respectant l'égalité entre tous ? Ne nous y trompons pas : les clivages sont trop souvent exacerbés artificiellement ; il faut, au contraire, faire émerger des valeurs communes.

Nous refusons l'orientation actuelle d'une construction européenne inféodée au libéralisme et nous refusons de croire que cette orientation soit irréversible. Nous voulons l'élargissement et nous croyons en la capacité des progressistes à faire émerger des projets communs. Nous croyons, en bref, que l'investissement citoyen permettra de remettre l'Europe sur ses pieds.

Le groupe communiste s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste).

M. Valéry Giscard d'Estaing - Les députés du groupe UDF ne voteront pas la ratification du Traité de Nice (« Oh ! » sur plusieurs bancs). Ainsi, pour la première fois dans l'histoire de l'édification européenne, les membres du parti de Robert Schuman et de Jean Lecanuet n'approuveront pas un traité concernant l'Europe. Pourquoi ce refus ? Tout traité relatif à l'Union doit être apprécié à deux titres : est-il favorable à la France ? Contribue-t-il à faire progresser la construction européenne ?

Le Traité de Nice est défavorable aux intérêts de la France, pays fondateur de l'Union : la France ne demande aucun privilège, elle demande que la place correspondant à son importance et à son expérience communautaire lui soit reconnue. Ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, la Commission compte 19 membres, dont deux commissaires français. L'objectif de la négociation était de réduire ce nombre à dix ou quinze commissaires -vous l'aviez exposé à notre commission des affaires étrangères, Monsieur le ministre, le compte rendu de ses débats en fait foi. La Commission, quant à elle, proposait de plafonner le nombre de ses membres à vingt personnes. Or la couveuse du Sommet de Nice a produit une Commission de 27 membres, et supprimé le second commissaire français ...

M. André Billardon - Encore la faute à Chirac !

M. Valéry Giscard d'Estaing - ...ce qui aurait été acceptable si cela avait correspondu à une réduction de l'effectif total. Il en va de même au Parlement européen, où le nombre de députés français va tomber de 87 à 72 alors que l'effectif de leurs collègues allemands, jadis égal au nôtre, sera toujours de 99.

Avec une population représentant 12,25 % de la population de l'Union, la France pourrait légitimement prétendre à trois commissaires et à 85 députés. On le voit : la place qui lui est faite n'est ni réaliste, ni convenable, et si le peuple français était interrogé...

Un député RCV - Il doit l'être !

M. Valéry Giscard d'Estaing - ...il y a fort à parier qu'il vous répondrait par une ballade irlandaise (Sourires sur divers bancs ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Ces sacrifices auraient une signification s'ils étaient la contrepartie d'un progrès dans l'édification européenne. Mais vous en êtes si peu convaincu, Monsieur le ministre, que l'encre du Traité de Nice à peine sèche, vous vous lancez dans une fuite en avant en annonçant un nouveau Traité en 2004. Vous savez bien que vous n'avez guère de chances d'aboutir, car plus l'Europe s'élargit, et moins les réformes sont possibles. Dans le cas qui nous occupe, comment imaginer que les gouvernements des pays candidats accepteront de renoncer aux nouveaux droits que leur ont conféré les Traités d'Amsterdam et de Nice, et dont ils se sont prévalus devant leur population ?

Le deuxième motif de notre refus est que le Traité de Nice engage l'Europe. Or, la voie qu'il trace est semée d'embûches, et le risque de crise est grand. En premier lieu, de quelle Europe nous parlez-vous ? Vous raisonnez sur une Europe à 27. C'est un choix possible, mais vous devrez en assumer les conséquences. Il s'agit, donc, d'ouvrir l'Union à tous les pays candidats, Turquie comprise...

M. le Rapporteur - Non !

M. Valéry Giscard d'Estaing - ...puisque l'engagement solennel en a été pris à Helsinki. Dans ces conditions, comment viser une intégration poussée, ou même le fédéralisme ? Comment prétendre intégrer d'un coup 700 millions d'habitants ? Un tel projet n'a aucune vraisemblance !

Il est grand temps de faire sortir l'opinion publique du brouillard où elle est maintenue, et de dire haut et clair qu'en vous précipitant dans la voie de l'élargissement sans rechercher de solutions plus élaborées, en vous laissant man_uvrer par les adversaires de l'intégration qui ont trouvé là une chance remarquable d'intervenir, vous avez engagé l'Union dans la voie d'une confédération, même si vous n'acceptez pas le mot. Pour plus de précision, reportez-vous donc au dictionnaire Le Robert, qui vous éclairera ! Dans le grand débat sur la nature de l'Union -zone de libre échange, comme le souhaitaient le Royaume-Uni et les pays scandinaves, ou Europe politiquement intégrée-, vous avez choisi la seconde solution, c'est-à-dire une confédération associée à la possibilité de coopérations souples. Soit ; mais donnez-lui au moins les institutions adaptées !

Quand le Traité de Nice sera complètement appliqué, les six plus petits Etats de l'Union, représentant 1,8 % de sa population, disposeront de six commissaires, c'est-à-dire deux fois plus que la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne réunies. Et l'on vient nous proposer que cette Commission-là devienne le Gouvernement de la France, cette Commission de 27 ministres, dont un seul Français, et un seul Allemand ! Se trouvera-t-il un jour un Gouvernement pour proposer au peuple français une telle absurdité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF)

Notre projet est différent, il repose sur une double démarche : organisation d'une grande Europe de type confédéral, afin de rétablir les liens de solidarité entre tous les peuples du continent ; poursuite du projet initial, de caractère fédéral, entre les Etats qui souhaitent construire une Europe politique dont la voix pourra se faire entendre dans le monde. Nous aurions ainsi une Fédération européenne au sein de la Confédération de la grande Europe.

M. le Président - Pardon, Monsieur le Président, mais je dois vous prier de conclure.

M. Valéry Giscard d'Estaing - Les députés UDF ont débattu entre eux du vote qu'ils devaient émettre sur ce projet. Le Traité de Nice connaîtra un destin pathétique, et s'il se trouve une majorité pour le ratifier, il ne s'en trouvera pas pour l'approuver. Nous n'avons pas voulu voter non cependant, car une opinion simplificatrice aurait vu là un non à l'Europe. Mais nous ne voterons pas le Traité de Nice, car c'est un mauvais compromis, où nous ne retrouvons ni notre projet ni notre rêve (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF et sur quelques bancs du groupe DL et du groupe du RPR).

Mme Marie-Hélène Aubert - Nous l'avons déjà dit, le Traité de Nice est un mauvais traité, voire un danger pour l'Europe que nous voulons bâtir pour nos enfants. Il ne contribue pas à faire émerger une véritable démocratie européenne et fédérale, il ne met pas au c_ur de son projet le bien-être des citoyens, il ne permet pas au modèle européen de s'affirmer dans le cadre d'une mondialisation libérale de plus en plus agressive. Enfin il paralyse un peu plus l'Union et n'offre qu'une porte en trompe-l'_il à l'élargissement.

En revanche, la dissolution de la prise de décision, la renationalisation latente des politiques de l'Union sont autant de menaces contenues dans ce traité : les chefs d'Etats et de gouvernements ont démontré un manque inquiétant de vision politique et de courage pour concevoir l'Europe de demain. Soucieux de leurs intérêts nationaux ils ont conclu un compromis minimaliste que l'on essaie de nous vendre comme une étape décisive.

Le Sommet de Nice a échoué aussi dans l'extension du vote à la majorité qualifiée qui permettrait à l'Union d'être plus efficace dans son processus de décision. Les domaines les plus importants, la politique sociale, la politique agricole commune, la fiscalité, l'asile et l'immigration ou les politique structurelles ont été tenus à l'écart, ce qui conduira à l'immobilisme et à l'impuissance. Nous regrettons par ailleurs que les écotaxes aient été omises.

Le rejet irlandais rend pour l'instant inapplicable le Traité de Nice. Plutôt que de renégocier en catimini quelques clauses spécifiques, il faudrait susciter au plus tôt une Convention constitutionnelle, afin d'élaborer une Constitution européenne claire, efficiente et comblant enfin le déficit démocratique qui mine l'édifice européen.

Une telle procédure a montré son efficacité pour la rédaction de la Charte des droits fondamentaux, ses vertus viennent d'être plébiscitées tant par le Parlement européen que par Lionel Jospin et Gerhard Schröder.

Loin de retarder le nécessaire élargissement à l'est ou de remettre à plus tard les réformes dont l'Union a besoin, ce serait le moyen de faire l'économie d'un traité dangereux pour l'avenir des peuples d'Europe.

Le nouvel échec de la méthode intergouvenementale démontre que, pour mobiliser les citoyens sur le projet européen, et dépasser l'euroscepticisme latent des opinions publiques, il faut leur offrir autre chose que des traités verbaux et alambiqués ne reflétant que la somme des intérêts à court terme des exécutifs nationaux.

Oui, l'Europe est en panne et elle a besoin d'un sursaut. Dépassons Nice en utilisant un des rares points positifs du traité, cette « déclaration 23 » qui permet d'ouvrir un large débat sur le devenir de l'Union européenne.

Lançons immédiatement une convention constitutionnelle, réunissant parlementaires régionaux, nationaux et européens, largement ouverte au débat citoyen, et dont le principe pourrait être discuté dès le sommet de Göteborg.

Donnons-nous les moyens d'élaborer une Constitution pour l'Union, qui serait soumise en 2004 à l'approbation, par référendum, des 15 pays de l'Union et des pays candidats.

Voilà qui redonnerait du souffle à notre Europe et remiserait le Traité de Nice dans le tiroir d'où il n'aurait pas dû sortir. Vous l'aurez compris : les Verts sont profondément attachés à la construction d'une Europe démocratique, sociale et écologique, ouverte à l'Est et au Sud. C'est au nom de cette idée de l'Europe que nous voterons contre le Traité de Nice.

Les députés RCV voteront contre également, mais pour d'autres raisons. Quant aux députés radicaux de gauche, ils voteront pour (Murmures sur divers bancs).

A la majorité de 407 voix contre 27 sur 547 votants et 434 suffrages exprimés, l'article unique du projet est adopté.

La séance, suspendue à 17 heures 10, est reprise à 19 heures 45 sous la présidence de M. Lequiller.

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

M. le Président - J'ai été informé que la commission des affaires culturelles n'a pas terminé ses travaux.

En conséquence, prochaine séance ce soir à 21 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 50.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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