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Session ordinaire de 2000-2001 - 89ème jour de séance, 204ème séance

1ère SÉANCE DU JEUDI 14 JUIN 2001

PRÉSIDENCE de M. Pierre LEQUILLER

vice-président

Sommaire

          AUTORITÉ PARENTALE 2

          ART. 2 18

          ART. 3 19

          ART. 4 21

          MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR 30

La séance est ouverte à neuf heures.

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        AUTORITÉ PARENTALE

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues relative à l'autorité parentale.

M. Marc Dolez, rapporteur de la commission des lois - Cette proposition du groupe socialiste vise à répondre à l'évolution des modes de vie. Aujourd'hui 300 000 enfants naissent chaque année hors mariage, soit 40 % du total des naissances contre 6 % il y a trente ans. Environ 120 000 divorces sont prononcés chaque année, pour 280 000 mariages célébrés. Les deux tiers des couples en instance de divorce ont des enfants.

Ces évolutions rendent indispensable une réforme de l'autorité parentale. C'est l'objet de cette proposition, qui tend à renforcer le principe de la coparentalité et à harmoniser l'exercice de l'autorité parentale quelle que soit la situation matrimoniale des parents.

Loin de constituer un bouleversement, cette réforme est plutôt l'aboutissement d'une évolution commencée avec la loi du 4 juin 1970 -qui a remplacé la puissance paternelle par l'autorité parentale- et poursuivie par les lois de juillet 1987 et de janvier 1993.

Les mesures proposées s'inspirent du rapport rédigé en 1998 par la sociologue Irène Théry et des préconisations du groupe de travail présidé par Françoise Dekeuwer-Defossez.

Les dispositions relatives à l'autorité parentale sont actuellement dispersées sous deux titres du code civil. La proposition tend à supprimer la distinction faite selon le statut matrimonial des parents. La mise en place d'un droit commun de l'autorité parentale complétera ainsi l'harmonisation des droits des enfants, que ceux-ci soient légitimes, naturels ou adultérins. Il en va de même de l'abrogation des discriminations en matière successorale, objet de la proposition que nous avons adoptée en première lecture en février dernier.

Il est aujourd'hui proposé de compléter, dans un nouvel article 371-1 du code civil, la définition de l'autorité parentale, en précisant qu'elle a pour fondement et pour finalité l'intérêt de l'enfant. Même si la doctrine avait consacré cette interprétation, elle ne figurait pas dans le code. Il y sera également fait référence dans les dispositions relatives à l'homologation des accords parentaux et à la décision du juge aux affaires familiales en cas de désaccord sur un changement de résidence.

Ces différents ajouts nous permettront d'appliquer pleinement la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990 et qui reconnaît aux enfants le droit d'être élevé par leurs deux parents.

Dans la définition de l'autorité parentale, il sera aussi précisé que celle-ci comporte des droits et des devoirs.

Le premier axe de la réforme consiste à renforcer le caractère conjoint de l'exercice de l'autorité parentale. La proposition en modifie les règles de dévolution, qui seront les mêmes quelle que soit la situation matrimoniale des parents à la naissance de leur enfant. La condition de vie commune est supprimée. L'autorité parentale sera exercée en commun dès lors que la filiation de l'enfant est établie. Ce principe souffrira deux exceptions, lorsque le second lien de filiation est établi plus d'un an après la naissance ou lorsqu'il résulte d'une décision judiciaire. Dans ces deux hypothèses, néanmoins, l'autorité parentale pourra être exercée en commun selon les procédures habituelles : déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance ou décision du juge aux affaires familiales.

La proposition fait des accords parentaux homologués le principal mode de règlement des conflits. Ce système responsabilisera les parents. Des solutions élaborées en commun seront mieux respectées que des décisions imposées.

La proposition encourage le recours à la médiation familiale. Le juge pourra enjoindre aux parents de rencontrer un médiateur.

Le deuxième axe de la réforme est l'affirmation de la permanence du couple parental. La séparation ne doit pas avoir d'effets sur l'exercice commun de l'autorité parentale.

L'article 373 du code civil tel qu'il vous est proposé rappelle pour la première fois que chacun des parents a le devoir de maintenir des relations personnelles avec l'enfant et de respecter les liens de ce dernier avec l'autre parent.

En cas de conflit, le juge devra prendre en compte un nouveau critère, inspiré de la législation californienne : l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et surtout à respecter les droits de l'autre.

Application concrète du principe de la coparentalité, la résidence alternée fait son entrée dans le code civil avec les nouveaux articles 372-3 et 372-5.

Elle pourra figurer dans les accords parentaux homologués ou être imposée par le juge. Elle n'impose pas un partage strict entre les deux parents, des formules souples étant autorisées. Elle suppose une certaine proximité géographique des deux parents et une entente minimale entre eux.

Il me paraît souhaitable d'envisager aussi une alternance dans le temps qui permettrait de suivre quotidiennement son enfant pendant quelques mois, voire quelques années.

Les mesures concrètes annoncées par le Gouvernement -qu'il s'agisse de l'école, de l'assurance maladies, du logement social ou des tarifs de la SNCF- vont faciliter l'exercice commun de l'autorité parentale.

Cette proposition, qui s'inscrit dans une politique globale de la famille dont le Premier ministre vient de rappeler les grandes orientations, est très attendue.

Votre commission vous invite à l'adopter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Chantal Robin-Rodrigo, au nom de la Délégation aux droits des femmes - De profondes mutations sociologiques appellent une nouvelle définition de l'autorité parentale. Le vieux modèle familial s'effrite.

Chaque année, pour 280 000 mariages, il y a 120 000 divorces. Le nombre des enfants nés hors mariage ne cesse de croître. La très grande majorité des enfants de moins de 18 ans dont les parents sont séparés vivent avec leur mère et, pour la moitié d'entre eux, ne voient leur père qu'une fois par mois, ou jamais. Dans plus de huit cas sur dix, ce sont les mères qui assument la charge des enfants après la séparation.

Ces chiffres recouvrent des réalités humaines complexes, fragiles et fluctuantes. Le mariage d'autrefois, indissoluble, a fait place à des unions fondées sur un engagement contractuel, rompu dès la première mésentente, dans une recherche exigeante de bonheur et d'accomplissement individuel.

Fréquentes, ces crises de couples n'en restent pas moins douloureuses. Elles sont presque toujours source d'amertume et de souffrance pour les parents. Elles sont, toujours, cause de douleur pour l'enfant.

Cette proposition que la Délégation aux droits des femmes a approuvée, apporte des solutions équilibrées, justes et raisonnables aux problèmes que pose l'exercice de l'autorité parentale en cas de séparation ou de divorce.

Elle ajoute une pierre de plus à l'édifice construit par le législateur depuis la loi de 1970 abolissant la puissance paternelle. Les avancées juridiques proposées sont considérables : affirmation des droits et devoirs de chacun des parents à l'égard de l'enfant ; égalité du père et de la mère ; exercice conjoint de l'autorité parentale, quel que soit le statut des parents ; affirmation de l'intérêt de l'enfant comme finalité et fondement de l'autorité parentale ; égalité de traitement entre tous les enfants, qu'ils soient légitimes ou naturels.

Trois dispositions essentielles méritent toute notre attention.

En premier lieu, dans le souci de respecter l'intérêt de l'enfant mais aussi les droits et devoirs du père comme de la mère, le choix de la résidence de l'enfant sera choisi de manière plus souple.

Avec le dispositif de la garde partagée, l'enfant pourra résider au domicile de l'un des parents ou en alternance chez chacun d'eux, que cette solution soit retenue par les parents dans une convention ou qu'elle soit décidée par le juge. Les parents auront toute latitude pour définir le mode d'hébergement de l'enfant : soit une résidence habituelle de l'enfant chez l'un d'eux, soit un partage de l'hébergement, le juge veillant à ce que la solution retenue soit conforme à l'intérêt de l'enfant. Ce partage ne doit pas avoir un caractère strict, mais répondre, selon toutes les formules possibles, aux besoins de l'enfant ainsi que de ses père et mère. Ces dispositions devraient permettre de faire évoluer les décisions des juges, mais aussi l'attitude des pères.

La seconde disposition concerne la valorisation des accords entre parents et l'introduction de la médiation. L'homologation des accords parentaux permettra d'établir de nouvelles modalités d'exercice de l'autorité parentale en faisant appel à la responsabilité des parents, qui devront s'entendre. Cette possibilité, qui existait pour les seuls parents divorcés sur requête conjointe, sera étendue à tous les parents. Ceux-ci devront pouvoir, avant le divorce ou la séparation, faire appel à la médiation familiale, avec l'aide de travailleurs sociaux et d'associations, dans des lieux d'accueil pour les couples. Ces structures informelles devraient être développées, car elles aident à éviter les conflits les plus graves. Introduire la médiation à l'initiative du juge -qui ne l'impose pas, mais la conseille- pourra contribuer à la pacification des conflits ; il faudra toutefois bien préciser comment est envisagé -entre incitation et obligation- le recours à cette médiation.

La troisième disposition concerne l'intérêt de l'enfant, qui sera mieux pris en compte dans les décisions le concernant. Les parents l'associeront à ces décisions, selon son âge et sa maturité. Le juge prendra en compte les sentiments exprimés par l'enfant mineur, selon les modalités définies par l'article 388-1 du code civil issu de la loi de janvier 1993. Ces dispositions ne peuvent concerner le jeune enfant, qui n'a pas atteint l'âge du discernement. La décision du juge à son égard est lourde, et l'enquête sociale ne semble pas suffisante -surtout en cas de conflit grave- pour évaluer l'impact psychique sur le jeune enfant des modalités de résidence envisagées. Il serait donc souhaitable qu'avant de statuer le juge prenne l'avis d'un pédopsychiatre.

La Délégation, tout en formulant un certain nombre de recommandations, a souscrit totalement à la philosophie de cette proposition, qui permettra un meilleur équilibre entre les droits et les devoirs des pères et mères bancs du groupe socialiste) bancs du groupe communiste).

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées - Je veux avant tout saluer le travail remarquable accompli sur la réforme du droit de la famille par Mme la Garde de Sceaux et la direction des affaires civiles, et remercier le groupe socialiste qui a choisi de consacrer à cette proposition son espace parlementaire. Je remercie également les parlementaires et les groupes qui se sont engagés sur cette importante réforme de société.

Je suis heureuse que ce débat ait lieu aujourd'hui, trois jours après la conférence de la famille, et trois jour après que le Gouvernement a annoncé la création d'un véritable congé de paternité, premier pas vers une meilleure conciliation pour tous de la vie familiale et professionnelle et vers plus d'égalité entre les femmes et les hommes. Cette concordance des dates l'illustre : la présente réforme s'inscrit dans une réflexion globale sur les évolutions de la famille contemporaine, et dans la cohérence d'une politique familiale qui doit permettre de mieux articuler les libertés, les responsabilités et les sécurités nécessaires, les choix privés et les solidarités publiques. Refonder et rénover l'autorité parentale quels que soient le statut juridique du couple ou les désunions entre parents, soutenir l'exercice concret de la parentalité en veillant à ce que le père prenne toute sa place, mieux garantir le droit de tout enfant à être éduqué par ses deux parents, y compris après leur séparation, faire de l'égalité formelle entre père et mère une égalité plus réelle : telle est l'inspiration de la politique familiale, que je conduis. Toutes ces réformes, dont celle du droit civil de la famille est en quelque sorte le socle, ont un point commun : considérer que les droits et les devoirs auxquels nous donnons force de loi ne vont jamais sans les moyens de les exercer. Votre rapporteur a bien voulu rappeler à cet égard l'ensemble des mesures prises à la suite du travail animé par M. Yahiel, concernant l'école, la sécurité sociale, le logement, les pensions alimentaires, la reconnaissance parentale.

Le droit de la famille est la clef de voûte de la politique familiale. Loin d'être une simple technique de régulation sociale au service d'impératifs gestionnaires, il fait sens, c'est-à-dire, au besoin, sanction, mais avant tout institution et promotion de la famille. Il est devenu un droit du principe et non plus un droit du modèle comme le code Napoléon, qui enserrait la famille dans le carcan de la puissance maritale et de la puissance paternelle. Désormais il appartient à notre droit civil d'énoncer des règles communes et de fixer des limites ; celles-ci découlent du principe fondamental de l'indisponibilité de l'état des personnes, garant de l'asymétrie des places dans la famille et de l'impossibilité de leur permutation, avec l'interdit fondamental de l'inceste.

Ce droit témoigne que la famille, domaine privé par excellence, est aussi une affaire d'Etat. Non au sens où les pouvoirs publics devraient normaliser les modes de vie, empiéter sur les intimités, mais au sens d'une solidarité assumée. En définissant un droit commun porteur de repères stables, en mettant en place les moyens qu'elle estime nécessaire à l'exercice des fonctions parentales, la collectivité des adultes assume sa commune responsabilité générationnelle et lui donne force de loi. Ce droit-là est un droit de la bonne distance : ni incertain ni instructif. Il n'a pas à saisir tout le vif et doit donc s'obliger à une certaine retenue. Trop loquace, il serait envahissant. Trop silencieux, il s'effacerait devant la loi du plus fort.

Le droit civil, qui définit les statuts et les places de chacun, a valeur référentielle. C'est à partir de ses concepts que s'organisent le droit social, le droit pénal, les droits fiscaux et administratifs.

L'accès véritable de chacun à la plénitude de ses droits et de ses devoirs exige que l'on fasse mieux connaître les leurs à tous les parents. C'est pourquoi je prépare, en concertation avec les maires des mesures permettant une meilleure information et une sensibilisation précoce des deux parents : cérémonie civile parentale célébrée par les maires ou leurs adjoints, carnet de paternité, livret des parents remis lors de la reconnaissance.

La réforme du droit de l'autorité parentale contribue à refonder une vision partagée de la famille, forte d'une légitimité nouvelle, de valeurs communes, d'espoirs partageables, mais aussi d'un pacte d'obligations acceptées. Liberté des choix, égalité des droits, sécurité des liens et continuité des obligations doivent être redéfinies et mieux garanties, en tenant compte du recentrage de la famille autour du droit de tout enfant à être élevé par ses deux parents, quel que soit le statut juridique ou le devenir de leur couple. Il en résulte pour moi quatre principes concernant la réforme de l'autorité parentale. Il faut réaffirmer le bien-fondé de l'autorité parentale ; définir un droit commun à tous les enfants et à tous les parents, quelles que soient les formes de leur vie familiale, dont le principe général soit l'exercice partagé de l'autorité parentale ; assurer la sécurité du double lien de l'enfant à ses père et mère ; donner enfin aux familles socialement fragilisées les moyens matériels d'assurer ce double lien.

Affirmer le bien-fondé de l'autorité parentale, dis-je, et lui donner toute sa force et son sens. Le terme légal d'autorité heurte certains, qui y voient le creuset de tyrannies domestiques qui nous sont devenues intolérables. Pourtant, le mot est juste et beau. Il vient d'un verbe latin qui signifie « augmenter », et d'un nom qui signifie « auteur ». L'autorité est ce par quoi les parents sont reconnus, dans la société, et se reconnaissent eux-mêmes comme « auteurs » de leurs enfants : l'auteur ici n'est pas le fabricant, mais l'inspirateur, le fondateur, celui qui institue ; celui qui, ayant hérité, transmet à son tour.

On a pu parler de l'obligation d'acquitter « la dette généalogique » contractée lorsqu'on était soi-même enfant auprès de ses propres parents. Cette dette de vie est un mélange de protection, d'affection et d'interdits structurants qui permet à l'enfant, personne en devenir, de s'humaniser, de s'inscrire dans une histoire et une lignée ; elle est la condition de son autonomie progressive et de la construction ultérieure d'autres liens ; elle est ce qui relie liberté et responsabilité.

Votre proposition conserve à juste titre l'article inaugural énonçant que « l'enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses parents ». Il n'orchestre pas la soumission enfantine à la toute-puissance abusive des père et mère, mais signifie au contraire, que parents et enfants doivent rester dans une bonne distance et une hiérarchie des places conformes à l'obligation de protection des uns par les autres, et sans lesquelles nulle autorité juste ne peut advenir. Si l'enfant a des droits, il a aussi des devoirs. Il était donc nécessaire de maintenir cette mention, mais en la complétant pour que le lien entre droits et devoirs soit plus ferme, et pour tenir compte d'une conception actuelle plus exigeante des droits de l'enfant.

Le droit de tout enfant d'être éduqué et protégé par ses parents dans le respect de sa personne doit avoir force de loi, de même que le fait, pour ses parents, de l'associer aux décisions qui le concernent, de manière adaptée à son âge et à son degré de maturité. Est ainsi posé le cadre structurant et sécurisé dont a besoin l'enfant, personne en devenir et, comme telle, sujet de protection.

« Affranchi de l'autorité des adultes, notait déjà Hannah Arendt, l'enfant n'est pas libéré mais soumis à une autorité plus tyrannique qui le nie comme individu ».

Le reconnaître comme individu en effet, c'est donner toute sa place à sa parole, l'entendre et y répondre, -y compris en luttant contre toute forme de violence familiale et de maltraitancemais de la place irréductible d'adulte et de parent qui doit en toutes les occasions rester la nôtre.

En second lieu, il nous faut instituer un droit commun de l'autorité parentale. Le mouvement qui en 1970 a conduit à substituer à la puissance paternelle le principe de l'égale responsabilité du père et de la mère, étendu, en 1987 et 1993, sous certaines conditions, aux couples divorcés et aux couples non mariés, doit être aujourd'hui parachevé. C'est à quoi tend votre proposition qui tire ainsi toutes les conséquences des réformes passées. Tout d'abord, la dispersion des dispositions relatives à l'autorité parentale entre deux chapitres de notre code civil était facteur d'obscurcissement, notamment en cas de divorce. Regrouper dans un chapitre unique toutes ces dispositions, quel que soit le statut juridique de la famille, leur donnera plus clairement valeur permanente, quels que soient les aléas du couple.

Votre proposition supprime également la condition de communauté de vie pour l'exercice en commun de l'autorité parentale. En faisant procéder cet exercice du seul lien de filiation dès lors qu'il est établi dans la première année de la vie de l'enfant, on renforce l'égale responsabilité des parents. C'est aussi un gage de sécurité juridique puisque la seule lecture de l'acte de naissance permettra d'établir que les deux parents bénéficient de l'autorité parentale. C'est enfin de nature à réduire le nombre des enfants -20 000 chaque année- qui ne sont pas reconnus par leur père, à leur naissance. Y contribueront l'information précoce des pères par le carnet de paternité qui leur sera adressé pendant la grossesse de leur compagne, ainsi que l'encouragement donné aux deux parents à aller reconnaître ensemble leur enfant avant sa naissance.

En troisième lieu, il convient de stabiliser l'exercice de l'autorité parentale par les parents séparés. Ceux-ci sont en droit des parents comme les autres. Seuls les désaccords liés aux souffrances de la désunion justifient l'intervention d'un juge en vue d'aménager la vie quotidienne des enfants. Que le dialogue repris conduise à un accord et ces parents retrouvent la plénitude de leur autorité : cet accord prime la décision antérieure du juge et s'impose aux tiers.

Pour l'enfant, ses attentes vis-à-vis de ses parents restent inchangées. Or, même si les conduites se modifient, trop d'enfants de parents séparés ne voient plus leur père ou ne le voient que très épisodiquement. Faire entrer le principe de la résidence alternée dans le code civil, c'est favoriser un partage moins inégalitaire des temps et des rôles, loin de la formule « standard » qui ne réserve aux pères que le fameux week-end sur deux... et laisse aux mères la charge d'éduquer les enfants tout au long de la semaine. Nous ne devons certes par remplacer un standard par un autre mais, pour atténuer « cette souffrance et la fêlure que porte en lui la parole brisée de ceux qui, à ses yeux, ne pouvaient être qu'un » selon la belle expression de la juriste Marie-Thérèse Meulders-Klein, tout doit être fait afin que les parents retrouvent une seule parole pour signifier à leur enfant ce qu'ils ont décidé ensemble et qui leur semble le mieux pour organiser sa vie nouvelle.

Avant d'être un droit du père, la continuité du lien de l'enfant avec lui est d'abord un droit de l'enfant, mais c'est aussi un droit de la mère à un partage enfin égalitaire.

Rappeler que c'est un devoir pour chaque parent de maintenir des relations personnelles avec son enfant, c'est bannir de notre vocabulaire la notion absurde de « droit de visite et d'hébergement ».Que peut signifier aujourd'hui pour un père le droit de « visiter » son enfant ? Comment expliquer à tel autre qu'il ne s'agit pas d'une prérogative discrétionnaire, que son enfant l'attend ce troisième samedi du mois et qu'une désertion sera vécue par lui comme un abandon ?

M. le Rapporteur - Très bien !

Mme la Ministre déléguée - Valoriser la résidence alternée, ce n'est pas en faire une panacée, mais c'est prendre en compte le fait que l'essentiel se transmet à l'enfant au travers des mille faits, gestes et paroles de la vie quotidienne. C'est aussi maintenir une relation triangulaire, indispensable à l'équilibre psychologique des enfants. C'est enfin inciter les parents à s'entendre, à ne pas disqualifier l'autre.

Le mode d'organisation de leur vie est crucial pour l'épanouissement des enfants mais ceux-ci ont également besoin que se manifestent clairement le respect de chaque parent vis-à-vis de l'autre ainsi que l'intérêt que tous deux continuent à lui porter. Il n'est par ailleurs pas nécessaire de demeurer un couple pour demeurer père et mère à part entière et je préfère pour cette raison ne pas utiliser le terme de couple parental -c'est la seule nuance qui me sépare de vous, Monsieur le rapporteur-, mais parler plutôt de double lien parental ou de coparentalité. Or la sécurité de ce double lien nécessite que soient donnés aux parents les moyens matériels de l'assumer : nombre de familles monoparentales, composées pour l'essentiel de mères, sont parmi les plus exposées à l'isolement et à la précarité, cependant que des pères séparés sont considérés comme n'ayant pas charge de famille. Je m'attache donc à définir une politique globale de soutien aux familles en situation de précarité.

Rappeler la responsabilité première des parents s'agissant d'organiser les conséquences de la séparation pour leurs enfants, présumer qu'une décision prise de leur commun accord est la meilleure solution pour ceux-ci n'est pas faire preuve d'angélisme. Les conflits n'ont pas à être niés, mais ils peuvent être régulés de telle sorte que les enfants en fassent le moins possible les frais et que le plus vulnérable des parents ne soit pas livré sans défense au plus fort.

Les procédures judiciaires et la mission de conciliation du juge doivent tenir pleinement leur place. Pour cette raison il faut éviter à l'institution judiciaire des procédures inutiles afin qu'elle puisse se concentrer sur les contentieux où dire le droit est une nécessité.

Par ailleurs, on oublie trop souvent que le procureur de la République a des compétences civiles auxquelles tout un chacun, y compris l'enfant, peut recourir pour demander au juge des affaires familiales de modifier une décision relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale.

La proposition de loi n'ajoute pas au dispositif existant qui prévoit l'audition de l'enfant par le juge. Il est bon que soit prise en compte la parole de l'enfant, étant entendu qu'il faut se tenir à égale distance de ces deux dangers jumeaux : « le Charybe de l'enfant-chose et le Scylla de l'enfant-juge ».

Les dispositions nouvelles concernant la délégation de l'autorité parentale permettront à d'autres adultes d'épauler des parents en difficulté sans pour autant les exclure.

La médiation familiale peut également être un recours pertinent dans certaines situations : en amont d'une saisine judiciaire, ou dans le cours d'une instance pour aider à restaurer des relations acceptables pour les deux parties. C'est donc un droit qui doit être plus largement ouvert à tous mais en se gardant, sous prétexte de mieux faire, de tout « paternalisme d'Etat ». La médiation est adaptée à certains contextes familiaux, elle n'a pas forcément sa place dans d'autres, notamment dans des situations de violence conjugale.

Notre action doit donc viser aujourd'hui à consolider l'autorité protectrice des parents, qu'ils soient unis ou désunis, et l'exercice d'une responsabilité qui est le pendant naturel de libertés pleinement reconnues. Les présentes dispositions constituent une étape importante dans l'actualisation du droit des familles, mais d'autres devront suivre pour permettre la mutation heureuse évoquée par Mme Théry.

Cette réforme est un message adressé aux adultes pour les aider à surmonter les conflits en épargnant ceux-ci à leurs enfants. De la sorte, ces derniers, conservant leur estime à leurs deux parents, auront envie de devenir adultes à leur tour, de construire une famille et de transmettre à leurs propres enfants le désir de grandir et d'éduquer. Ainsi sera assuré l'enchaînement paisible des générations. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Christine Lazerges - Quatre conférences de la famille, trois réformes du droit de la famille et une quatrième à venir tout démontre l'importance que ce Gouvernement et cette majorité attachent à ce premier lien de socialisation et de solidarité qu'est la famille.

Nous attachons une importance cruciale, également, aux droits et devoirs qui protègent, responsabilisent, construisent les uns et les autres dans ce cadre. Nous voulons que la liberté, l'égalité, la fraternité et la solidarité puissent s'y conjuguer. C'est pourquoi nous avons mené à bien depuis le 30 juin 2000, la réforme de la prestation compensatoire. Celle des droits du conjoint survivant aboutira sans doute prochainement, cependant que nous avons bientôt à examiner la réforme du droit du divorce. Avec la présente proposition et celle relative au PACS, ce sont donc cinq textes que le Parlement adoptera avec le souci d'affirmer la fonction à la fois régulatrice et pédagogique du droit.

Il y a 31 ans, la grande loi du 4 juin 1970 a substitué à la puissance paternelle l'autorité parentale. Il ne s'agissait pas que de changer des mots : la puissance paternelle était un droit absolu, réservé au père, au chef de famille. La réforme de 1970, due au doyen Carbonnier, était donc une révolution. En effet, l'autorité parentale se définit, elle, non en termes de pouvoirs, mais de fonctions.

L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs fondés sur l'intérêt de l'enfant. Elle doit être exercée sur un pied d'égalité par les deux parents pour assurer l'éducation et le bon développement de l'enfant.

Si nous légiférons aujourd'hui, ce n'est pas pour substituer autre chose à l'autorité parentale, c'est pour parfaire la réforme de 1970 en tirant les leçons de l'évolution des familles.

Nous souhaitons épauler la fonction parentale et développer la pratique de la coparentalité à égalité. Cette proposition de loi est l'expression d'un droit de l'autorité parentale identique pour toutes les familles, quelles que soient les formes de conjugalité.

Ce texte a été longuement mûri. Il s'appuie sur les travaux de la sociologue Irène Théry, du groupe de travail présidé par Françoise Dekeuwer-Défossez et du colloque organisé il y a un an par Elisabeth Guigou sur le thème « Quel droit pour quelles familles ? ». Je citerai aussi les auditions auxquelles nous avons procédé et les cinq tables-rondes que j'ai organisées dans ma circonscription.

Il est clair qu'il faut valoriser la fonction parentale, fonction qui appartient au père et à la mère à parité. Oui, après la parité en politique, nous désirons conforter la parité familiale, même si les femmes consacrent encore deux fois plus de temps aux enfants que leur conjoint et si de 1985 à 1998, les hommes n'ont accordé que dix minutes de plus aux tâches de la maison.

L'évanescence de trop de pères est beaucoup plus caractéristique de notre époque qu'un exercice archaïque de la puissance paternelle devenu rare.

Cela fait dire aux psychiatres : « Les enfants d'aujourd'hui n'ont pas de père, trop de pères, l'apprentissage de la loi ne se fait plus que par leurs pairs ».

Irène Théry rappelle que « les parents n'ont pas que des responsabilités, mais aussi un devoir d'exigence à l'égard des enfants, permettant leur socialisation ».

Ce texte conjugue responsabilité des parents et protection de l'enfant. Il met les enfants à égalité devant les règles de l'autorité parentale, que ces enfants soient légitimes ou naturels, que leurs parents soient mariés, séparés, divorcés ou concubins.

Il met l'intérêt de l'enfant au c_ur du droit des familles.

En dix articles, des ajustements essentiels sont apportés au droit de l'autorité parentale et de la filiation.

L'article premier qui remet en ordre les dispositions du code civil concernant l'autorité parentale, a valeur symbolique en ne liant plus le statut de l'autorité parentale à la situation conjugale.

L'article second est fondamental. Il redéfinit l'autorité parentale, constituée de droits et de devoirs et inscrit clairement l'enfant dans ses deux lignées, la famille maternelle et la famille paternelle. Chacun doit être inscrit à sa place dans la succession des générations. En conséquence, l'enfant a le droit, dit l'article 2, d'entretenir des relations personnelles avec chacune de ses lignées. Les père et mère ne peuvent, sauf motifs graves, faire obstacle aux relations de l'enfant avec ses grands-parents. A défaut d'accord entre les parties, le juge aux affaires familiales peut fixer les modalités de ces relations ainsi que de celles de l'enfant avec un tiers, parent ou non. On pense à l'ex-compagnon d'une mère qui aurait, pendant des années, participé à l'éducation de l'enfant et noué avec lui des relations affectives fortes.

Les articles 3 et 4 portent sur l'exercice commun de l'autorité parentale. Ils précisent que chacun des parents doit contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources. La commission des lois a jugé indispensable d'ajouter que cette obligation peut perdurer lorsque l'enfant est majeur. En effet, la mission de parent ne cesse pas brutalement à la majorité de l'enfant. Parent, on le demeure tant que vit l'enfant et un adulte demeure enfant devant ses parents tant que ceux-ci vivent. Le code civil rappelle d'ailleurs que l'enfant doit « à tout âge honneur et respect à ses père et mère ».

Lorsque les parents sont séparés, l'apaisement du conflit conjugal est recherché par tous les moyens : incitation à régler par une convention homologuée par le juge l'exercice de l'autorité parentale et la résidence, alternée ou non, de l'enfant, possibilité pour le juge de proposer une mesure de médiation, définition des critères sur lesquels le juge s'appuie pour organiser l'exercice de l'autorité parentale en l'absence de convention valable.

Est affirmé le principe que le père et la mère doivent maintenir chacun des relations personnelles avec l'enfant et respecter ses liens avec l'autre parent. En conséquence, obligation est faite à chaque parent d'informer préalablement l'autre de tout changement de résidence.

La commission des lois a jugé nécessaire de sanctionner le non-respect de ces droits et devoirs par la possibilité pour le juge de convoquer le parent concerné pour leur rappeler ses obligations.

Les articles 5, 6, 8, 9 et 10 apportent des ajustements utiles à la délégation, totale ou partielle, de l'autorité parentale.

L'article 7 est majeur. Il pose le principe de l'égalité de tous les enfants dont la filiation est légalement établie dans leurs rapports avec leurs père et mère et vis-à-vis de la famille de chacun d'eux.

Il n'y avait plus, depuis 1972, d'enfants adultérins, il n'y a plus aujourd'hui d'enfants légitimes ou naturels. Il n'y a plus que des enfants qui entrent à égalité dans la famille de chacun de leurs parents, lesquels exercent l'autorité parentale à parité.

On est passé, au fil de l'histoire, de la puissance paternelle à l'autorité parentale partagée.

L'autorité parentale partagée est un projet politique au sens le plus noble, un pari sur l'avenir dans l'intérêt de l'enfant et de toute la société. Je suis convaincue que le droit à la sécurité, dont nous sommes tous si soucieux, serait mieux garanti dans une société où les parents réinvestiraient l'autorité parentale, et à parité. Les mesures annoncées lors de la conférence de la famille du 11 juin confortent l'esprit et la lettre de ce texte, qui répond à des attentes légitimes et est porteur d'espoir car il responsabilise les parents et protège les enfants (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Marie-Thérèse Boisseau - La réforme du droit de la famille se poursuit par l'addition de petits projets : prestation compensatoire, droits du conjoint survivant, droits successoraux des enfants, non patronymique, autorité parentale, aujourd'hui...

Convenez que ce comportement est contradictoire avec les déclarations d'un Gouvernement qui n'a cessé d'affirmer la nécessité d'un grand projet de refonte du droit de la famille. Ce dernier avait même été annoncé solennellement au Sénat en avril 1998. Nous l'attendons toujours !

Saucissonner de la sorte un droit aussi complexe et porteur de valeurs que le droit de la famille, c'est se livrer à un jeu dangereux et risquer de lui enlever toute cohérence.

Ces fortes réserves émises, une modernisation du droit de l'autorité parentale est nécessaire car la société a beaucoup changé les trente dernières années. Une conception plus égalitaire, plus libérale et pluraliste de la famille a succédé à une vision traditionnelle, patriarcale et hiérarchisée. Les histoires familiales sont devenues instables, avec des ruptures et des recompositions qui bouleversent les relations parents-enfants.

Ces mutations s'accompagnent d'une attente sociale forte des parents et des professionnels de l'enfance ou de la justice, confrontés à une législation complexe qui ne tire pas toutes les conséquences de la pluralité des modèles familiaux.

Les nouveaux enjeux juridiques sont clairs.

Il s'agit, plus que jamais, de la promotion des droits et intérêts de l'enfant, qui doit rester la justification essentielle des mesures prises. La convention universelle des droits de l'enfant, ratifiée par la France, stipule que « l'enfant a le droit d'être élevé par ses propres parents ».

Cette promotion passe par un renforcement de l'autorité parentale : la même convention précise que « les parents, ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie, ont le droit et le devoir de donner à l'enfant l'orientation et les conseils appropriés à l'exercice de ses droits ».

En d'autres termes, les enfants, légitimes ou naturels, ont le droit d'être élevés par leurs deux parents et ces derniers, père ou mère, mariés, séparés, divorcés ou concubins, ont la vocation fondamentale d'assurer la protection et l'éducation de leurs enfants, de façon égalitaire et continue, malgré une éventuelle séparation du couple. On ne divorce pas d'avec ses enfants, on est parent pour toujours !

Certes, on peut toujours affirmer que la séparation ne doit plus apparaître comme une coupure dans l'exercice de l'autorité parentale mais toute redéfinition des concepts juridiques est difficile.

Le texte de l'article 4 se veut équilibré : les père et mère exercent en commun l'autorité parentale dés lors que la filiation est établie. Tel est le cas des enfants nés en mariage mais aussi de la plupart des enfants nés hors mariage puisque pour 9 sur 10 la filiation paternelle est établie avant un an. Dans les autres cas, exceptionnels, il est proposé de substituer à la prééminence de la mère une règle plus simple et plus égalitaire : le parent dont la filiation est déjà établie continue à exercer seul l'autorité parentale. Attention toutefois à ne pas perdre de vue la nécessité d'affirmer simultanément des droits et des devoirs, y compris pour le parent qui n'exerce pas l'autorité parentale.

La proposition faite aux parents d'établir eux-mêmes des conventions qui seront homologuées par les juges va dans le bon sens. Elle les responsabilise en leur permettant de prendre en main les conséquences de leur séparation. Il s'agit de dissocier autant que faire se peut, les problèmes de couple des problèmes relatifs aux enfants. Surtout, les parents sont les mieux placés pour adapter l'organisation de la vie de l'enfant à ses besoins. Ils prendront ainsi mieux conscience de l'importance pour l'enfant, de garder le contact avec ses deux parents, de recevoir une éducation à la fois de leur père et de leur mère.

Il est en revanche regrettable que la médiation ne soit pas engagée plus souvent en amont du conflit ouvert et judiciaire, en quelque sorte à titre préventif.

Mme Christine Boutin - Très bien !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Comme la Délégation aux droits des femmes, je pense qu'il faut préciser s'il s'agit d'une simple incitation ou si le juge peut l'imposer en cas de désaccord.

En prévoyant « la résidence en alternance chez chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux », le texte reconnaît la résidence partagée comme un mode d'exercice de l'autorité parentale, que son principe soit retenu par les parents dans une convention ou qu'il soit décidé par le juge.

C'est un changement très important car, actuellement, le juge confie dans 80 % des cas la résidence principale à la mère qui exerce ainsi de fait l'autorité parentale aussi bien pour les choix importants que pour les actes quotidiens. L'autre parent, n'intervenant qu'épisodiquement, se retrouve souvent titulaire de l'autorité parentale sans pouvoir véritablement l'exercer.

Au nom de l'intérêt de l'enfant, l'hébergement alterné a longtemps été considéré avec méfiance, non seulement par les juges mais aussi par les psychologues et par les travailleurs sociaux. C'est moins le cas aujourd'hui comme le montre un arrêt du 24 février 1999 de la cour d'appel de Paris, aux termes duquel le système classique fixant une résidence principale et un droit de visite et d'hébergement chez l'autre parent contribue à « fragiliser le lien entre l'enfant et le parent chez lequel il ne vit pas au quotidien », l'hébergement alterné étant la « condition d'une coparentalité réelle et l'élément fondamental pour lutter contre la précarisation de l'une ou l'autre des fonctions parentales ».

Selon le psychologue Gérard Poussin, la résidence alternée est la moins mauvaise des solutions à condition qu'elle ne soit pas imposée, que les parents aient dépassé le conflit, que les résidences ne soient pas trop éloignées géographiquement...

Mme Christine Boutin - Pourquoi se séparent-ils alors ? (Sourires)

Mme Marie-Thérèse Boisseau - ...que ses modalités évoluent avec l'âge des enfants.

L'information sur le changement de résidence est une démarche respectueuse vis à vis de l'autre parent certes, mais aussi un v_u pieux qui, dans les faits, ne changera pas grand chose : comment empêcher un parent séparé de partir à l'autre bout du pays avec son enfant, pour des raisons affectives, professionnelles ou simplement pour éloigner l'enfant de son autre parent ?

Avec la délégation volontaire de l'autorité parentale que crée l'article 6, les parents pourront continuer à élever leurs enfants sans souhaiter le confier à une tierce personne ou à une institution mais en ayant besoin d'être secondés dans leur mission de parents. Le cadre juridique d'une autorité partagée est esquissé alors que l'évolution des familles recomposées ou greffées fait émerger des pluriparentalités de fait. Cette possibilité est intéressante, mais elle peut entraîner un certain nombre de conflits juridiques, d'autant que la définition des exceptions est bien imprécise. Les décrets d'application devront ouvrir des possibilités de saisine aisée des juges aux affaires familiales.

Enfin, avec l'annulation de la distinction traditionnelle entre filiation légitime et naturelle, tous les enfants pourront voir leur filiation établie à l'égard de leurs deux parents et bénéficier de la plénitude des droits anciennement reconnus aux enfants légitimes puis aux enfants naturels simples. Ils deviennent ainsi tous égalitaires au regard de leur filiation, à l'exception bien sûr des enfants incestueux.

Comme l'affirme un juge aux affaires familiales, la construction de l'autorité parentale n'est pas une affaire de droit, elle comporte une grande part d'affectif. Pour qu'elle s'exerce de façon sereine, il faut que chaque parent puisse travailler sa relation dans toutes les composantes de la vie.

J'ai, pour ma part, la conviction que cette loi peut faire évoluer un peu les mentalités, dans le sens d'une plus grande responsabilisation, en cas de divorce, de chacun des parents vis-à-vis de leurs enfants et combattre ainsi la marginalisation de celui qui n'a pas la garde des enfants, le plus souvent le père. Il serait infiniment souhaitable que les parents puissent offrir à leurs enfants non plus une éducation parallèle mais une éducation partagée voire coopérative. Ils peuvent ne plus s'aimer, mais développer en tant que parents une relation quasi professionnelle et discuter avec l'autre des besoins et expériences de l'enfant : c'est cela, l'éducation partagée. L'éducation coopérative s'exerce encore mieux dans un esprit de pardon et de concessions mutuelles.

II y a malgré tout quelque chose de dérisoire et pathétique dans cette tentative de conforter le lien de filiation qui est manifestement devenu la pièce maîtresse de l'horlogerie familiale. Cette politique s'inscrit bien dans l'air du temps d'une société qui célèbre l'autonomie des individus mais rien ne sert de courir après le parental si le lien conjugal manque. C'est du couple aujourd'hui qu'il nous faudrait prendre soin, tant il est précieux, voire indispensable à la fonction parentale. Ce qui nous ramène à une politique globale de la famille, mais j'ai cru comprendre que ce n'était toujours pas d'actualité... (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL).

M. Claude Goasguen - Avant d'examiner ce texte, il me faut parler de la famille, en évitant de faire s'écrouler, par des propos lapidaires, cet édifice déjà branlant. En France, comme d'ailleurs en Europe et aux Etats-Unis, la situation est grave. Dans ce contexte, force est de constater que notre droit de la famille, qui a beaucoup évolué au début du XIXe siècle, se contente désormais de suivre les mutations sans jamais les anticiper. Tel est le cas de la présente proposition, certes positive, mais qui colle à la réalité sans véritablement se préoccuper de l'avenir de la famille.

Or le législateur ne pourra plus longtemps s'affranchir d'une réflexion d'ensemble sur les difficultés de la famille. L'idée de puissance paternelle, qui a longtemps dominé notre droit, a été abandonnée à juste titre et l'accent semblait être mis sur les devoirs vis à vis de l'enfant et sur ses droits. Pourtant, on constate aujourd'hui qu'il n'y a plus ni pouvoir, ni devoirs et la notion d'autorité parentale, pour nécessaire qu'elle soit, ne résout qu'imparfaitement les difficultés juridiques et sociales.

Du modèle de la famille nucléaire, on est passé à des modèles multiples et il fallait faire évoluer la notion d'autorité parentale pour tenir compte de la jurisprudence de l'application de la loi de 1970 comme de l'attention grandissante portée à l'enfant et à ses droits, dans des relations familiales de plus en plus complexes. C'est ce que fait en partie ce texte, qui présente également l'avantage de simplifier, notamment en supprimant certaines obligations obsolètes. Autre point positif, le renforcement de la médiation familiale.

M. Jean-Marie Geveaux - Tout à fait !

M. Claude Goasguen - Je regrette toutefois que l'on n'ait pas gagné quelques mois, en adoptant la proposition que nous avions inscrite dans notre fenêtre parlementaire. Sans doute le groupe socialiste a-t-il voulu garder cela dans son patrimoine...

La définition de l'autorité parentale, à l'article 2, comporte quelques risques, mais comment faire autrement ? La notion de respect dû à la personne peut être à l'origine de quelques abus devant les tribunaux qui auront aussi bien du mal à apprécier la maturité de l'enfant. L'arrêt Perruche du 17 septembre 2000 a montré les dangers d'une conception extensive des droits de l'enfant.

Cette proposition de loi, au demeurant bien amendée par la commission, colle d'assez près à la réalité sociale, et si mon groupe a décidé de s'abstenir de la voter, c'est que nous estimons révolu le temps des lois-constats, des lois parcellaires, des mesures pointillistes, comme la réforme de la prestation compensatoire, celle de l'accouchement sous X ou celle des droits du conjoint survivant, qui ont certes leur intérêt, mais qui ne font que prendre acte de la mauvaise évolution actuelle de nos structures familiales.

Je regrette que vous n'ayez pas eu le courage de lancer, devant le Parlement et devant l'opinion, un grand débat d'ensemble de la politique familiale, afin de passer d'une législation qui constate à une législation qui prévoit et essaie d'organiser l'évolution de notre société. Je souhaite que nous ayons ce débat avant la fin de la législature, afin de mettre en perspective les lois disparates que nous avons examinées depuis quatre ans et les mesures d'accompagnement financier dont vous vous êtes contentés durant la même période.

Le droit de la famille est de moins en moins, en effet, un droit civil, et de plus en plus un droit social, ce qui signifie que la société a des devoirs envers la famille. Or, qu'avez-vous fait sur ce plan, hormis prendre des mesures contestables comme la réduction de l'AGED et celle du quotient familial ? Vous me direz que vous avez augmenté d'autres prestations, mais c'était avec l'argent de la Sécurité sociale, excédentaire grâce à la bonne conjoncture internationale.

En résumé, ce texte permettra de remédier à certaines situations parfois cruelles, mais il n'est pas le texte fondamental que nous attendions et ne s'appuie pas sur une politique familiale tournée vers l'avenir. C'est pourquoi le groupe DL s'abstiendra (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Mme Muguette Jacquaint - La famille est l'objet, depuis plusieurs mois, de multiples textes parlementaires : après avoir réformé la prestation compensatoire, les droits du conjoint survivant, l'accouchement sous X, la médiation familiale, nous abordons aujourd'hui l'autorité parentale. Il s'agit de rattraper le retard pris par la loi sur l'évolution des conditions de vie et des mentalités. Cette parcellisation du travail législatif a toutefois le défaut d'empêcher que s'instaure un débat d'ensemble sur la famille.

La grande réforme de 1970, qui a replacé la notion de puissance paternelle par celle d'autorité parentale, a été une étape essentielle, et les lois de 1987 et 1993 ont été importantes également, mais la multiplication des naissances hors mariage, des couples non mariés, séparés, divorcés, celles des familles recomposées, commande que cette notion soit encore précisée, adaptée à la nouvelle réalité. Ainsi, la différenciation des enfants selon leur naissance « légitime » ou « naturelle », l'exercice de l'autorité parentale par la mère seule lorsque les parents ne sont pas mariés, la notion de « résidence habituelle » paraissent dépassés.

Le principe de l'intérêt de l'enfant doit être au c_ur de notre réflexion, et l'article 2 recueille donc notre approbation. D'autres dispositions traitent des droits du père, en tenant compte de l'évolution de la paternité : le fait que le père se voie reconnu une place croissante est un progrès indéniable pour l'ensemble de la société, à commencer par les femmes elles-mêmes. Aussi le groupe communiste approuve-t-il la création d'un congé paternité, annoncée il y a quelques jours à la conférence de la famille.

Nous avions d'ailleurs déposé, en première comme en seconde lecture du projet de loi de modernisation sociale, un amendement tendant à porter à dix jours le congé exceptionnel accordé au père pour chaque naissance, mais ni la commission ni le Gouvernement ne l'avaient retenu, au motif qu'une telle mesure « impliquerait une nouvelle organisation de l'entreprise afin de remplacer les pères absents ». Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait changé d'avis...

Mme Christine Boutin - Il vous arrive donc parfois de vous réjouir d'une décision du Gouvernement... (Sourires)

Mme Muguette Jacquaint - Autre sujet important : la garde alternée. C'est une avancée certaine, tant vers la reconnaissance de l'égalité entre le père et la mère que vers celle de l'intérêt de l'enfant, mais encore faudra-t-il adapter les prestations familiales, car la garde alternée impose à chaque parent de disposer d'un logement lui permettant d'accueillir en permanence ses enfants. Il est donc souhaitable que les aides au logement soient versées à l'un et à l'autre, si leur situation sociale le justifie.

Le groupe communiste est donc favorable à cette proposition de loi, mais appelle de ses v_ux l'organisation d'un grand débat sur la famille, afin de faire évoluer la politique familiale dans le sens de la modernité et du progrès social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Jean-Marie Geveaux - Envisager un sujet aussi important que le droit de la famille sous le seul angle de l'autorité parentale, c'est le compartimenter, alors qu'une vision d'ensemble serait nécessaire. Nous avons traité hier, dans des textes épars, des patronymes, des successions, des régimes matrimoniaux, nous traiterons demain de la filiation et du divorce ; comment s'assurer, dans ces conditions, de la cohérence du tout ? Le grand débat promis sur la famille n'aura pas lieu, et c'est regrettable.

Ces observations faites, le texte qui nous est proposé repose sur un constat : la famille change, mais elle demeure la cellule de base de notre organisation sociale.

Il faut la soutenir pour lui donner ses chances dans la France de demain.

L'enfant n'est pas un adulte en miniature, capable d'entretenir des relations d'égal à égal avec ses parents. Sa vision du monde, ses désirs ne sont pas ceux d'un adulte. Il doit devenir adulte et pour cela, il a besoin de l'affection et du respect de ses deux parents, qui doivent lui donner des repères. C'est le principe même de l'autorité parentale.

Pour que celle-ci soit effective, il importe de garantir le caractère conjoint de son exercice par des règles claires et précises. L'autorité parentale doit s'exercer conjointement, à condition que la filiation de l'enfant soit établie. Être parent, c'est savoir partager ses responsabilités avec d'autres.

Il importe de supprimer la distinction entre filiation naturelle et filiation légitime, à l'origine d'une hiérarchie qui n'a plus lieu d'être. Il faut rendre à la filiation son sens fondamental : la place d'un individu dans un arbre généalogique.

Le statut de l'enfant ne doit plus dépendre de la situation matrimoniale des parents, que l'enfant n'a pas choisie.

S'il est important de garantir des droits égaux au père et à la mère, ce principe doit se décliner aussi quand le couple est en situation de crise. La résidence alternée doit donc être encouragée. Néanmoins, la plus grande souplesse doit être recherchée dans les modalités d'hébergement et c'est l'intérêt de l'enfant qui doit primer.

La procédure des accords parentaux permettra d'éviter une judiciarisation du conflit dont l'enfant sort toujours victime.

L'enfant ne doit pas subir les conséquences de la rupture du lien conjugal. C'est pourquoi la permanence du lien parental doit être juridiquement protégée.

Pour autant, d'autres personnes que les parents jouent un rôle de plus en plus grand dans la vie de l'enfant et il faut reconnaître cette situation. J'avais moi-même en février déposé une proposition, partiellement reprise dans ce texte, tendant à combler le vide juridique dans lequel nous tombons quand un enfant est confié à un tiers par des parents qui ne souhaitent plus exercer leur autorité parentale.

Le texte que nous examinons n'est pas parfait et je regrette qu'on ne nous propose pas une réforme globale du droit de la famille. Pour autant, cette proposition contient des avancées et le groupe RPR la votera.

M. François Colcombet - Très bien !

Mme Martine Lignières-Cassou - A l'initiative de Ségolène Royal, les décisions annoncées lors de la conférence de la famille du 11 juin dernier, notamment le congé de paternité, sur le modèle des pays scandinaves, confirment votre volonté de favoriser la coparentalité.

Concrètement, cette mesure va renforcer l'égalité domestique et professionnelle entre hommes et femmes. Le partage des tâches à la maison et des responsabilités parentales garantira à son tour l'égalité professionnelle.

La société accorde une place légitime aux hommes aussi bien dans la sphère domestique que dans la sphère parentale, aux côtés du nouveau-né. Ce qui signifie que le domaine de la petite enfance commence à être partagé entre le père et la mère. Cette mesure bouscule l'assignation sociale, culturelle et symbolique des rôles -rôles qui doivent être repensés dans le cadre de l'autorité parentale. En effet, ce nouveau partage des responsabilités correspond aux profondes mutations sociologiques de la famille, à la nouvelle attitude des pères qui veulent assumer leurs droits et devoirs, mais aussi aux souhaits des femmes de plus en plus impliquées dans leur vie professionnelle, qui demandent une meilleure répartition des tâches.

L'autorité parentale suppose un ensemble de droits et de devoirs pour les parents et les enfants, mais aussi une égalité de droits et de devoirs de chacun des parents à l'égard de l'enfant. L'autorité parentale a une finalité : protéger l'enfant et assurer son éducation.

La proposition comporte des avancées juridiques d'importance : l'exercice conjoint de l'autorité parentale, quel que soit le statut des parents, l'égalité de traitement entre tous les enfants, qu'ils soient légitimes ou naturels.

Si, en cas de séparation, la résidence alternée de l'enfant aux domiciles de chacun de ses parents constitue une solution intéressante, elle ne peut être considérée systématiquement comme une réponse.

La résidence alternée peut être mise en place dans la convention de divorce ou dans le jugement dès lors qu'elle est conforme à l'intérêt de l'enfant. Cependant, la garde alternée a un coût, qui pèse davantage sur les milieux modestes. La société doit réfléchir aux moyens de mieux prendre en charge les conséquences économiques et sociales de la séparation, du point de vue du logement, de la sécurité sociale, des transports, de l'éducation et des pratiques administratives et fiscales. De plus, les conséquences psychologiques sur l'enfant doivent être étudiées soigneusement.

La médiation est aujourd'hui présentée comme la réponse à un certain nombre de conflits, dans la sphère privée comme dans l'entreprise. Si nous en approuvons le principe, nous pensons que sa pratique doit faire l'objet d'une évaluation. Force est de constater que la qualité des médiations est assez inégale, la formation des médiateurs restant d'une grande hétérogénéité. Celle-ci devrait se dérouler dans le cadre d'un enseignement théorique et pratique selon un programme national et être sanctionnée par un diplôme d'Etat.

Se pose enfin, la question du coût du recours à la médiation pour les familles. Selon les associations, cinq à dix séances sont nécessaires. Pour des familles à faibles revenus, il faut envisager la prise en charge des frais liés à la médiation dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Des mutations sociologiques profondes ont rendu nécessaire une réflexion sur le sens de l'autorité parentale. Cette proposition va dans le bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

Mme Christine Boutin - Je constate avec plaisir le nouvel engouement du groupe socialiste et du Gouvernement pour la famille. Mais c'est avec un plaisir mêlé d'inquiétude, car la gauche parlementaire ne nous a pas habitués à la placer au centre de ses préoccupations. M. Jospin, perpétuant l'_uvre de M. Mitterrand, a achevé de faire de nous des sceptiques en matière de politique familiale. Effets d'annonce, saupoudrage, absence de vision globale, telle est votre marque. Il est vrai qu'à l'approche des échéances électorales, la famille revient toujours sur le devant de la scène. Mais, ce n'est pas cette proposition qui nous convaincra de votre sérieux.

Certes, l'exercice commun de l'autorité parentale même après séparation des conjoints, l'information mutuelle ou encore la médiation sont de bonnes orientations. Mais votre texte, inspiré par un égalitarisme à outrance, nous entraîne sur une voie qui tôt ou tard se révélera sans issue.

L'exercice en commun de l'autorité parentale ne pose guère de problèmes lorsque les deux parents quoique séparés, s'entendent et sont prêts à faire des concessions dans l'intérêt de l'enfant. Malheureusement, c'est loin d'être le cas de la majorité des couples qui divorcent. Dès lors, nous allons assister à un déplacement du contentieux, du tribunal au quotidien, et voir les parents se livrer une bataille au jour le jour, sur tous les terrains, chaque fois qu'une décision concernant l'enfant devra être prise.

Si l'article 372-2 du code civil dispose que chacun des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre quand il fait seul un acte usuel de l'autorité parentale l'enfant se pose le problème de la définition de « l'acte usuel ». Dois-elle être large ou restrictive ? Où commence-t-elle, où s'arrête-t-elle ? Le texte ne nous éclaire aucunement sur ce point. En revanche, soyez assurés que chacun des parents séparés se fera fort de trouver à cette question une réponse, totalement subjective... Enfin, dans le cas d'un enfant naturel dont les parents n'ont jamais vécu ensemble, on peut s'interroger sur le bon exercice commun d'une autorité parentale qui n'a jamais été pratiquée de concert.

On aperçoit ici les limites d'une réforme du droit de la famille qui s'évertue à tout aplanir, à tout uniformiser. Si les mêmes principes régissent les relations des conjoints entre eux et avec leurs enfants, quel que soit leur état de vie, si être marié ou non revient finalement au même, puisque l'on a les mêmes droits et les mêmes devoirs à quoi bon se marier ?

M. Alfred Recours - Nous y voilà !

Mme Christine Boutin - Une douloureuse conclusion s'impose : c'est l'institution même du mariage qui est en danger, parce qu'elle est la première cible d'un travail de sape mené aveuglément depuis des mois par ce Gouvernement . Or, si l'enfant légitime et l'enfant naturel ont droit au même amour, le mariage aura toujours cet avantage d'être un engagement pris devant la société et consacré par elle. Nous devons donc sauvegarder cet engagement, et cela d'abord pour l'enfant. C'est à l'enfant que nous devons penser aujourd'hui, afin qu'il ne soit pas l'otage d'une guerre entre ses parents. L'enfant à des droits, notamment celui de pouvoir jouir de la présence de ses deux parents même s'ils ne vivent plus ensemble. Nous avons, quant à nous, le devoir de lui préserver ce droit sans nuire à l'institution du mariage qui doit demeurer la règle. Petit à petit, vous légitimez dans le corps social l'affaiblissement du sens de l'engagement. Loin de créer une nouvelle liberté, vous faites peu à peu de l'instabilité familiale la référence, déstabilisant à terme tout le corps social. Ce n'est pas la paix que vous installez, mais la fragilité et la précarité.

M. Alfred Recours - Amen.

M. François Colcombet - Cette proposition contient d'heureuses innovations, notamment le recours à la médiation. On imagine difficilement un exercice correct de l'autorité parentale si des parents séparés refusent de se parler et ont impliqué dans leur conflit tout leur entourage. Il faut donc pour cela que la dissolution du couple se soit opérée dans des conditions pacifiées.

Or nous sommes loin du compte, et le bilan de la loi de 1975 sur le divorce est contrasté. Une grosse moitié des divorces s'effectue par consentement mutuel. Mais la solution n'est pas toujours satisfaisante ; pour en juger, il suffit de considérer le nombre des procédures postérieures à ces divorces ou de lire le beau lire de Françoise Chandernagor La première épouse.

Mais que dire des quelque 40 % de divorces qui sont prononcés pour faute ! Cette procédure, qui suppose que le demandeur prouve la faute de l'autre, a des effets ravageurs, alors que souvent tous deux sont décidés à divorcer. Elle mobilise l'énergie des parties et du juge sur la recherche des responsabilités passées, au détriment de l'organisation de l'avenir, en particulier de celui des enfants. Cette recherche effrénée conduit le plus souvent à un match nul par double KO : une demande reconventionnelle est formée et le divorce prononcé aux torts partagés, mais les ravages personnels induits par la procédure demeurent. Mensonges, humiliations, rien n'est épargné aux parties. La production de journaux intimes malgré un arrêt récent de la Cour de cassation, de correspondances privées, de certificats médicaux, de documents concernant la sexualité des époux a des effets destructeurs. Il est ensuite bien difficile de reprendre le dialogue indispensable pour exercer correctement en commun l'autorité parentale. Tout l'entourage est sollicité : famille, amis, employés... Le divorce étend ses ravages bien au-delà du couple. Malgré l'interdiction légale de faire témoigner les enfants, ceux-ci sont inévitablement mêlés au conflit.

Les justiciables ont l'illusion que le juge peut faire la lumière sur la réalité de leur intimité -ce qui entraîne un sentiment d'injustice profonde lorsque le juge tranche au vu des éléments nécessairement partiels dont il dispose. En outre, la loi attache aux torts dans le prononcé du divorce des effets juridiques disproportionnés : dommages et intérêts, perte de prestation compensatoire, ce qui incite les époux à poursuivre le combat jusqu'au bout. Comble de l'absurde : il arrive que des procédures de divorce pour faute, mettant fin à des unions de courte durée, durent plus longtemps que la vie commune : une procédure avec appel et pourvoi en cassation peut durer de cinq à dix ans. Et, à la fin du procès, le divorce n'est pas forcément prononcé, alors que les deux conjoints sont au moins d'accord sur l'échec du mariage.

Le plus grave est que le divorce pour faute rend pratiquement impossible l'organisation sereine de l'avenir des conjoints et surtout des enfants. Ce divorce devient ainsi une cause de profond désordre. Cette situation, bien connue des praticiens du droit, a pris, du fait de l'augmentation du nombre de divorces, l'allure d'un véritable fléau social.

Il importe donc d'avoir une autre approche. La procédure de conciliation devant le juge, trop rapide et sommaire, est peu féconde. Si en revanche les parties acceptent une médiation et si une attitude positive du juge les incite à entrer dans une démarche constructive, les résultats sont meilleurs, et parfois des mariages sont sauvés. La seule véritable contre-indication à la médiation est le cas de violence entre époux ou envers les enfants. Mais dans les autres cas, heureusement les plus nombreux, elle est indispensable et devrait devenir la règle.

Au demeurant, tout couple a eu une période heureuse : les enfants ont été conçus d'une volonté commune, la maison aménagée en commun... Plutôt que d'insister sur les fautes, mieux vaut partir de ce qu'il y a eu de positif, pour organiser correctement l'avenir de enfants.

M. Pierre Cardo - Très bien !

M. François Colcombet - Mme Boutin a dit que le mariage était sacré...

Mme Christine Boutin - Je n'ai jamais dit cela. Vous avez des voix !

M. François Colcombet - Je dirai pour ma part qu'il est civil, et que sa dissolution doit être civilisée. De la bonne santé des familles, du règlement harmonieux de leurs conflits dépend l'équilibre des enfants et celui de tout le corps social (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

La discussion générale est close.

Mme la Ministre déléguée - Je remercie M. le rapporteur pour la qualité de son travail et Mmes Robin-Rodrigo et Lazerges, qui connaissent parfaitement le sujet et qui ont bien montré la cohérence de ce texte avec l'ensemble de la réforme du droit de la famille. Cette réforme ne se réduit pas, comme le dit Mme Boisseau, à une suite de petits pas. Ce sont des projets successifs mais cohérents, et loin d'être petits, si j'en crois leur écho dans le pays. Surtout notre démarche respecte les initiatives des parlementaires, et je m'étonne qu'une parlementaire le déplore. Le Gouvernement, du reste, accompagne ces initiatives parlementaires, car elles sont en cohérence avec le document d'orientation que j'ai élaboré avec Mme la Garde des Sceaux.

Mme Boisseau souhaite une médiation en amont, et je partage ce point de vue. Le rapport confié à Mme Sassier, de l'UNAF, nous permettra d'y revenir. Nous avons une politique globale, qui comporte aussi une dimension conjugale : j'ai décidé de revitaliser les centres de conseil conjugal, un service public trop méconnu qui peut épauler les jeunes couples en difficulté.

M. Goasguen décèle des risques dans ce texte, et déplore que l'enfant soit associé selon son âge et sa maturité. Pour moi il y a là une évolution des droits et devoirs de l'enfant, et c'est possible précisément parce que nous réaffirmons l'autorité parentale. La famille a évolué ; ce n'est pas parce que les parents ont l'autorité et un devoir de protection qu'ils ne doivent pas écouter ce que les enfants ont à dire. Je ne suis pas partisane d'une conception absolutiste des droits de l'enfant. Mais compte tenu de l'importance des violences familiales, et du nécessaire combat contre toutes les formes de maltraitance, l'enfant doit aussi être écouté, pour participer aux décisions qui le concernent.

M. Goasguen justifie son abstention par l'affirmation qu'il s'agit d'une loi parcellaire. Pas du tout ! Simplement, dans un domaine délicat, nous avons choisi d'avancer pas à pas, mais en cohérence avec le document d'orientation et les quatre principes que j'ai rappelés. On a l'impression que M. Goasguen cherche des arguments pour ne pas voter le texte. C'est pourtant une bonne réforme, donc chacun a salué le contenu.

Je remercie Mme Jacquaint de son soutien. Elle a évoqué les problèmes de moyens liés à la garde alternée. C'est bien pourquoi l'allocation logement sera étendue aux parents non gardiens ou exerçant une garde alternée. Je n'accepte pas en effet qu'on parle d'une loi élitiste : elle doit permettre à tous les parents, quel que soit leur revenu, d'accéder à la résidence alternée.

En outre, dans un article additionnel à cette proposition, je vous proposerai d'instituer l'affiliation de l'enfant à la sécurité sociale de chaque parent. Puis viendront des dispositions fiscales, permettant la déduction des pensions alimentaires, et la question de l'allocation logement.

M. Geveaux juge lui aussi qu'il y a trop d'étapes dans cette réforme du droit de la famille. Mais ces étapes s'inscrivent dans une cohérence globale. Nous avons choisi l'efficacité et la précision, et je me réjouis que le Parlement y contribue par ses propositions.

Ces étapes sont cohérentes, et bâtissent une politique concrète et opérationnelle : après l'autorité parentale viendra la filiation, puis la réforme du divorce.

Je remercie Mme Lignières-Cassou, qui a abordé l'accès à la médiation et le soutien financier qu'il requiert. Ce point sera traité dans le rapport sur la médiation familiale. Il faut que toutes les familles puissent y accéder.

Je veux rassurer Mme Boutin, car le nombre des mariages augmente de façon significative...

Mme Christine Boutin - C'est la réponse des Français au Pacs !

Mme la Ministre déléguée - Cela relève de la liberté des couples. Le Gouvernement a choisi de respecter les familles dans leur diversité, et d'affirmer leur responsabilité envers les enfants, quel que soit leur choix.

Enfin, je remercie M. Colcombet qui, évoquant la réforme à venir du droit du divorce, a souligné la cohérence de ces différentes étapes de l'adaptation de notre droit de la famille (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste)

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues par l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

L'article premier, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Cet article donne une nouvelle définition de l'autorité parentale en commençant par poser que celle-ci a « pour fondement et finalité l'intérêt de l'enfant ». Les parents devront donc protéger la sécurité, la santé et la moralité de ce dernier, assurer son éducation et « permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Ils devront également l'associer « aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ».

Je regrette que cette définition ne mentionne plus les droit et devoir de garde et de surveillance, sous prétexte que ceux-ci renverraient à des principes quelque peu désuets. Cette suppression ne va pas dans le sens indiqué par la Convention de New-York et me semble affaiblir l'affirmation de droits et devoirs réciproques : au droit par l'enfant d'être gardé et surveillé doit correspondre, pour les parents, le devoir de veiller à cet élément essentiel pour son bien-être et pour la structuration de sa personnalité. J'espère donc que le débat sur ce point n'est pas clos et, notamment, que la discussion de mon amendement permettra d'y revenir.

La référence au respect dû à la personne de l'enfant s'inscrit dans un mouvement progressif des m_urs, conforté par l'évolution du droit interne et international. L'idée d'associer les enfants aux décisions des parents obéit à la même inspiration, mais elle risque d'être difficile à traduire dans la pratique. Comment distinguer les décisions qui concernent les enfants de celles qui ne les concernent pas ? Il sera encore plus malaisé de vérifier le caractère affectif de cette association, d'autant que le degré de maturité peut varier considérablement au même âge ou selon la nature des décisions et le contexte.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 22 tend à clarifier la rédaction du premier alinéa : « L'autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour fondement et finalité l'intérêt de l'enfant. ».

Mme Martine Lignières-Cassou - L'amendement 14 de la Délégation est ainsi satisfait : je le retire donc.

L'amendement 14 est retiré.

L'amendement 22, accepté par la commission et mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou - L'enfant doit pouvoir se développer comme être humain mais aussi comme être social. Par l'amendement 15, la Délégation propose donc de préciser que l'éducation devra comporter une formation à la citoyenneté.

M. le Rapporteur - Rejet : cette précision, outre qu'elle alourdit le texte, risque d'affaiblir la définition de l'autorité parentale.

Par ailleurs, cette éducation à la citoyenneté est bien évidemment comprise dans l'éducation.

Mme la Ministre déléguée - Cette notion d'éducation, associée à celle de développement, recouvre en effet déjà celle d'éducation à la citoyenneté et bien d'autres choses encore. L'amendement est donc satisfait.

M. Pierre Cardo - Le principe de coproduction dont on parle tant en ce moment pourrait s'appliquer ici car les parents n'ont pas toujours les moyens d'assurer l'éducation de leurs enfants à la citoyenneté. Nous serions peut-être bien avisés à ce propos de rappeler la responsabilité de la société. Ce n'est peut-être pas le thème de cette proposition, mais ce pourrait être l'un de ceux du grand débat que beaucoup ont souhaité aujourd'hui.

L'amendement 15, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Notre amendement 4 est celui qui vise à inscrire dans la définition les droit et devoir de garde et de surveillance.

M. le Rapporteur - Rejet. Le terme « garde » risque d'être mal compris, la notion étant confondue par les justiciables avec celle de résidence (Exclamations sur les bancs du groupe UDF et du groupe du DL).

L'amendement 4, repoussé par le Gouvernement et mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

M. François Colcombet - Par l'amendement 12, je propose tout d'abord une réécriture que j'estime plus cohérente des dispositions arrêtées par la commission, s'agissant des relations de l'enfant à chacun des membres de sa lignée. Comme il importe de faire clairement apparaître que le droit en question doit être respecté dans l'intérêt de l'enfant et non dans celui des lignées, je suggère cette rédaction : « L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec les membres de chacune de ses lignées. A l'égard de ses grands-parents, seuls des motifs graves peuvent y faire obstacle.

Si tel est son intérêt, l'enfant peut également entretenir des relations avec un tiers ».

Dans une deuxième partie, je souhaitais également faire mention du droit à se faire assister d'un avocat mais le nouveau code de procédure civile y pourvoira.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - Dans cet amendement 12 rectifié, il conviendrait cependant de garder la première phrase de ce dernier alinéa : « A défaut d'accord, le juge aux enfants peut être saisi à l'effet de fixer les modalités de ces relations ».

M. François Colcombet - En effet.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé l'amendement 12, estimant que le troisième alinéa serait source d'ambiguïté. Mais M. Colcombet a répondu à cette objection en le retirant, étant entendu qu'il faut en effet maintenir la première phrase. Cependant, la commission a préféré, pour les premières dispositions proposées, s'en tenir à la rédaction qu'elle-même proposait. Mais ce que propose M. Colcombet pourrait tout de même être retenu sans inconvénient, à mon avis.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

Mme Christine Lazerges - J'avoue continuer à préférer la rédaction initiale : il ne faudrait pas que les grands-parents soient empêchés de demander à avoir des relations personnelles avec l'enfant, celui-ci pouvant ne pas oser les réclamer, dans une situation un peu conflictuelle.

M. Pierre Cardo - Je partage la position de Mme Lazerges et je voudrais insister sur la nécessité d'harmoniser les conceptions au niveau européen, en se fondant sur l'intérêt de l'enfant. Il y a actuellement d'énormes contentieux, concernant des centaines d'enfants, notamment avec un pays voisin, où les juges n'ont pas la même doctrine que nous.

M. François Colcombet - Vous soulevez un sujet important.

Pour en revenir à l'amendement, la demande de contacts avec les grands-parents ou d'autres membres de la famille est rarement présentée par l'enfant lui-même ; dans un contexte conflictuel, il n'ose pas. En pratique, c'est le plus souvent un des parents ou des grands-parents qui fait cette demande.

Ma rédaction a l'avantage de permettre à toutes les personnes concernées de saisir le juge. Mais de même que l'enfant n'est pas la propriété de ses parents, il n'est pas non plus un jouet pour ses grands-parents ou ses oncles et tantes.

Mme Véronique Neiertz - Je voudrais d'abord soulever un problème de méthode. La commission des lois s'est réunie deux fois pour discuter de cette question et à deux reprises elle a adopté la rédaction proposée à l'unanimité des personnes présentes.

D'autre part, l'amendement de M. Colcombet n'englobe pas toutes les éventualités, il ne mentionne pas le droit des grands-parents à voir leurs petits-enfants. Le texte de la commission me paraît préférable.

L'amendement 12 rectifié, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Par l'amendement 17, nous proposons la création d'un diplôme de médiateur, puisque nous reconnaissons l'importance de cette fonction.

M. le Rapporteur - La commission a repoussé cet amendement dans l'attente des conclusions du groupe de travail sur la médiation mis en place par le Gouvernement et présidé par Mme Sassier.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

M. Pierre Cardo - Je ne suis pas d'accord avec cette position d'attente. Au niveau européen la médiation se met en place, notamment en Allemagne, pays avec lequel nous avons le maximum de contentieux familiaux.

Il y a donc urgence. Le juge n'est pas toujours le mieux placé pour obtenir un accord.

Par ailleurs, j'aimerais que la médiation serve aussi à vérifier la mise en _uvre des décisions. La plupart des contentieux ne portent pas sur le contenu des décisions de justice, mais sur leur non-application.

Je suis l'un des trois parlementaires français à qui on a demandé de jouer bénévolement ce rôle de médiation, avec trois collègues allemands, et je dois dire que nous sommes complètement débordés par le nombre des cas, souvent dramatiques.

Mme Véronique Neiertz - Je trouve cet amendement important car une proportion croissante des textes que nous votons prévoit le recours à la médiation. Or, les juges et les travailleurs sociaux ont de plus en plus de difficultés à trouver des médiateurs qualifiés. Jusqu'à présent, c'étaient des bénévoles. Mais cela ne suffira plus à l'avenir. Il est temps qu'on reconnaisse la fonction de médiateur soit par la validation d'acquis professionnels soit par une formation appropriée relativement rapide. Ce texte en donne l'occasion. Si la commission des lois pouvait écouter pour une fois la Délégation aux droits des femmes !

Mme Muguette Jacquaint - La médiation prend de plus en plus d'importance et permet de régler les cas les plus dramatiques. Il est nécessaire qu'à l'occasion de l'examen de cette proposition on reconnaisse un statut aux médiateurs.

M. le Rapporteur - Je suis un peu surpris d'entendre Mme Neiertz s'exprimer au nom de la commission des lois qui a repoussé l'amendement. Je l'invite à suivre ses propres recommandations en respectant le travail de la commission.

Mme Véronique Neiertz - Je voulais juste indiquer que j'étais membre de cette commission !

M. le Rapporteur - Vous n'étiez pas présente à la réunion de ce matin et je me crois plus qualifié pour rapporter ce qu'a décidé la commission.

Mme Véronique Neiertz - Je n'en suis pas sûre...

Mme Christine Lazerges et M. Pierre Cardo - Désignons un médiateur ! (Sourires)

M. le Rapporteur - La commission des lois a repoussé l'amendement parce qu'il n'est pas du domaine de cette loi et n'a pas à figurer dans le code civil. La sagesse impose d'attendre les conclusions du groupe de travail mis en place par le Gouvernement.

L'amendement 17, mis aux voix, est adopté.

L'article 3 ainsi modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Selon le rapporteur, cet article constitue le c_ur de la proposition. Il organise l'exercice de l'autorité parentale lorsque les parents ne sont pas mariés ou sont séparés. Les précisions relatives à la médiation, que j'approuve sur le fond, auraient d'ailleurs mieux leur place ici.

S'agissant de la dévolution de l'exercice de l'autorité parentale des parents non mariés, le texte reprend les dispositions actuelles, qui préservent les liens entre le parent non marié dépourvu de l'autorité parentale et ses enfants. L'article 4 reconnaît ainsi que le parent qui n'a pas l'autorité parentale conserve un droit de surveiller l'entretien et l'éducation de son enfant et doit, en conséquence, être informé des choix importants relatifs à la vie de ce dernier. Si le souci de conforter la relation parent-enfant est louable, on fait une fois encore référence à des droits sans mentionner en parallèle les devoirs. Je me réjouis donc que l'amendement que j'ai déposé avec mon collègue Henri Plagnol et qui subordonne le droit de surveiller l'entretien et l'éducation de l'enfant au respect de l'obligation d'y contribuer, ait reçu l'approbation de la commission. J'espère que le Gouvernement y sera également sensible. En effet, un parent qui se serait désintéressé complètement de son enfant pendant plusieurs années et qui surgirait dans sa vie en se prévalant de son droit à surveiller son entretien et son éducation risquerait surtout de perturber son équilibre.

Cet article conforte donc par ailleurs le recours à la médiation judiciaire. Le juge pourra proposer une mesure de médiation et enjoindre aux parents de rencontrer un médiateur. Il est regrettable que, le 5 avril dernier, la majorité ait refusé de passer à l'examen d'une proposition de loi sur la médiation familiale déposée par Bernard Perrut. Ce texte offrait pourtant à tous les parents d'enfants mineurs une séance d'information sur la médiation familiale avant toute instance, ainsi que d'éventuelles séances de médiation familiale gratuite. Mais, apparemment, les initiatives parlementaires pour réformer le droit de la famille reçoivent un accueil différent selon les bancs dont elles émanent...

La médiation est de plus en plus réclamée par les familles en crise car, en cas de conflit irréductible, la réponse judiciaire est rarement satisfaisante. L'intervention d'un tiers neutre, qui ne propose pas de solution au conflit mais qui amène les parents à passer d'une logique de revendication à une logique de responsabilité, est donc très utile.

Mais il ne suffit pas de promouvoir la médiation, il faut la doter d'un véritable statut : 800 personnes ont été formées à cette discipline et elles sont 300 à l'exercer. Les centres de médiation ne font l'objet d'aucun agrément. Et, si les médiateurs sont titulaires d'un certificat d'aptitude, celui-ci n'est pas reconnu par l'Etat, de sorte que n'importe qui peut s'intituler médiateur, déplore Roger Leconte, président des comités des associations de médiation. Là encore, on peut regretter l'absence d'un grand projet de refonte du droit de la famille qui nous aurait permis d'aborder l'ensemble de ces questions.

Mme la Ministre déléguée - En cohérence avec l'objectif de créer un droit commun de l'autorité parentale applicable à tous les parents, l'amendement 23 traite les cas de filiations établies à l'égard du deuxième parent par adoption simple.

L'amendement 23, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme Martine Lignières-Cassou, présidente de la délégation - J'ai bien conscience que l'amendement 16 ne fait que reprendre l'article 57-1 du code civil, qui fait obligation d'informer le parent qui a reconnu l'enfant en premier -le plus souvent la mère-, de la deuxième reconnaissance, mais nous constatons chaque jour que cette disposition n'est pas appliquée par les employés municipaux. Je souhaite donc surtout obtenir de la ministre qu'elle demande aux maires de veiller au respect du code civil.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas adopté cet amendement, d'une part parce que cela figure déjà dans le code civil, d'autre part parce que cette préoccupation sera satisfaite ultérieurement par un amendement du Gouvernement qui prévoit la lecture des articles du code civil lors de la reconnaissance.

Mme la Ministre déléguée - En effet, un amendement à l'article 9 prévoit qu'il sera fait lecture des textes relatifs à l'autorité parentale, en particulier de la présente loi, au moment de la reconnaissance. En outre, nous souhaitons encourager les parents à reconnaître conjointement l'enfant. Un livret leur sera remis et le père recevra un carnet de paternité dès la déclaration de grossesse.

J'ajoute que cet amendement me paraît inopportun car il accrédite l'idée que le père pourrait reconnaître l'enfant à l'insu de la mère, possibilité que nous voulons précisément faire disparaître.

Mme la Présidente de la délégation - Je retire l'amendement.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - La délégation a bien fait de soulever le problème. Même si l'on fait tout pour parvenir à une déclaration conjointe, il y aura des exceptions. Suffira-t-il de lire ses devoirs au père pour qu'il respecte l'obligation de prévenir la mère ? Il faut donc lier effectivement la déclaration de paternité et l'obligation de prévenir la mère.

Mme Christine Lazerges - Ne pourriez-vous, Madame la ministre, adresser un courrier à tous les maires pour leur rappeler l'obligation d'informer la mère ?

Mme la Ministre déléguée - Ce sera fait, dans le cadre de la nouvelle procédure de déclaration conjointe.

M. Pierre Cardo - Mon amendement 42 vise à ce que le parent chez lequel l'enfant ne réside pas habituellement soit régulièrement informé des choix relatifs à la vie de l'enfant et à ce qu'il ait communication des informations relatives à sa santé et à sa scolarité. Un enfant a aussi le droit de bénéficier de la surveillance de ses deux parents.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas adopté cet amendement, même si elle partage la préoccupation de M. Cardo, car cela ne relève pas de la loi mais plutôt des mesures concrètes que la ministre a annoncées début mai. En outre, il n'y a plus lieu de parler de « résidence habituelle ».

Mme la Ministre déléguée - Je partage moi aussi la préoccupation de M. Cardo, mais une telle disposition n'a vraiment pas sa place dans le code civil. Dans mes fonctions précédentes, j'ai donné des instructions très fermes pour rappeler la responsabilité des deux parents à l'égard du système scolaire. Les formulaires distribués dans les établissements ne font plus référence au « représentant légal » ; ils prévoient l'inscription du père et de la mère, avec leurs adresses respectives. Il est aussi envisagé que les deux participent à l'élection des délégués de parents.

Vous le voyez, cette idée est largement prise en compte par le Gouvernement mais l'inscrire dans la loi pour la santé et la scolarité risquerait d'alléger l'obligation pour toutes les autres institutions. Soyez assurés que je rendrai compte à la représentation nationale des efforts faits pour établir la double responsabilité parentale. Pour toutes ces raisons, je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Pierre Cardo - J'entends bien, mais la loi parvient tout de même plus facilement à la connaissance du public, et donc des parents, qu'une simple circulaire. Je veux bien retirer l'amendement, mais je crains que nous ne nous trouvions, dans un an, face à de nombreux contentieux !

L'amendement 42 est retiré.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 24 tend à rappeler que l'obligation d'entretien ne cesse pas de plein droit à 18 ans, contrairement à ce que croient certains parents. Je crois que la commission l'a repoussé, mais j'espère que ces explications convaincront l'Assemblée.

M. le Rapporteur - La commission a préféré, en effet, sa propre rédaction.

L'amendement 24, mis aux voix, n'est pas adopté.

M. Pierre Cardo - L'amendement 41 prévoit, au-delà de l'obligation générale d'entretien prévue à l'article 203 du code civil, une obligation spécifique lorsque l'enfant est dépendant en raison d'un handicap.

M. le Rapporteur - La rédaction est fautive, puisqu'il est proposé de substituer l'une à l'autre, et non de l'y ajouter, ce qui paraît inutile en tout état de cause.

Mme la Ministre déléguée - C'est au juge qu'il appartient d'apprécier l'impact du handicap, comme d'ailleurs de toute autre situation spécifique non prévue par l'amendement.

M. Pierre Cardo - Je le rectifie pour tenir compte de l'observation du rapporteur. Faut-il, pour toutes choses, s'en remettre au juge ?

M. le Président - Devons-nous comprendre que vous proposez d'ajouter « et dépendant en raison d'un handicap » ou bien « ou dépendant en raison d'un handicap » ? Ce n'est pas la même chose.

M. le Rapporteur - Gardons-nous d'improviser sur un tel sujet : restons-en au texte de la commission pour le moment, quitte à y revenir en deuxième lecture.

L'amendement 41 est retiré.

Mme Christine Lazerges - L'amendement 8 a une portée symbolique importante : il s'agit de mentionner la garde alternée avant la garde au domicile de l'un des deux parents, afin de signifier que cette solution est préférable.

Mme la Ministre déléguée - En droit, l'ordre d'énumération ne vaut pas hiérarchisation, mais je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

L'amendement 8, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

M. François Colcombet - L'amendement 10 prévoit que la convention entre les deux parents est homologuée « sauf décision du juge motivée par des circonstances particulières d'espèce », car les attendus sont trop souvent des plus vagues, du genre : « Ce mode d'organisation est contraire aux intérêts de l'enfant ».

M. le Rapporteur - La commission a estimé qu'une telle exigence soulevait des difficultés, dans la mesure où les décisions des juges sont toujours motivées.

Mme la Ministre déléguée - Je propose, par le sous-amendement 46, d'écrire plutôt que la convention est homologuée « si les parents ont donné leur libre consentement et si elle préserve suffisamment l'intérêt de l'enfant », afin que la formulation soit plus positive.

M. François Colcombet - Ce qui m'importe, c'est que le juge ne se contente pas d'un attendu-type, mais motive sa décision de façon circonstanciée.

Mme Christine Lazerges - Il faut tout de même maintenir la référence à l'intérêt de l'enfant : imaginons que des parents n'ayant pas lu Françoise Dolto - ça existe (Sourires) - décident que leur bébé de quinze jours passera deux jours chez l'un, deux jours chez l'autre ! Le juge doit pouvoir s'y opposer au nom de l'intérêt de l'enfant ! Je suis d'avis que nous en restions, à ce stade, au texte de la commission.

Mme la Ministre déléguée - La référence à l'intérêt de l'enfant n'est nullement supprimée. Il s'agit simplement de faire de l'homologation par le juge la norme, en l'absence de raisons contraires précises : l'existence de pressions qui altéreraient le libre consentement de l'un des époux, ou l'insuffisante prise en considération de l'intérêt de l'enfant.

M. Pierre Cardo - Il faudra en deuxième lecture s'attacher à garantir la libre expression de l'enfant.

Mme la Ministre déléguée - Il est prévu dans cette proposition que l'enfant soit associé, en fonction de sa maturité et de son âge, aux décisions qui le concernent.

M. Pierre Cardo - La libre expression de l'enfant n'est pas garantie. Dans les contentieux, les souhaits de l'enfant sont souvent utilisés contre un des parents.

Le sous-amendement 46, mis aux voix, est adopté.

L'amendement 10 ainsi sous-amendé, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 44 du Gouvernement vise à rappeler que la mesure de médiation est particulièrement inadaptée en cas de violences familiales.

Mme la Présidente de la Délégation - Mon amendement 19, qui a le même objet, est retiré.

M. le Rapporteur - La commission, qui n'a pas examiné l'amendement 44, avait repoussé l'amendement 19, estimant que le juge devait conserver son pouvoir d'appréciation.

A titre personnel, je ne suis pas opposé à l'amendement du Gouvernement .

M. François Colcombet - Mon amendement 13 a le même objet que les précédents. Il précise que, sauf décision du juge motivée par des circonstances particulières, notamment en cas de violences familiales graves, la médiation est de droit.

Mme la Présidente de la Délégation - Que peuvent être des violences familiales légères ?

M. le Rapporteur - Avis défavorable.

Mme la Ministre déléguée - Même avis.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je suis d'accord avec Mme Lignières-Cassou, le rapporteur et le Gouvernement.

Vous voulez que la médiation soit « de droit » : mais une médiation imposée n'aboutira à rien, il faut qu'elle soit proposée.

M. le Rapporteur - Absolument.

M. Pierre Cardo - Laissons au juge son pouvoir d'appréciation. Il serait dangereux d'interdire par principe, dans la loi, toute médiation en cas de violences familiales. Quand on sait dans quelles conditions sont effectuées les enquêtes familiales et comment le juge collecte ses informations, pense-t-on garantir l'intérêt de l'enfant en empêchant a priori la médiation ?

M. François Colcombet - Mon amendement prévoit d'écarter la médiation dans les cas de violences graves, laissant au juge le pouvoir d'apprécier la situation.

Il est bon que le juge incite les parties à la médiation. Si celle-ci, comme c'est le cas dans certains pays, se résume à une petite cérémonie formelle, les parents y assisteront, mais sans y adhérer.

Mme la Ministre déléguée - Evitons tout malentendu. L'amendement du Gouvernement, en laissant au juge son pouvoir d'appréciation, atténue l'interdiction du recours à la médiation. Quand les coups ont remplacé les mots, la médiation est difficile, mais on ne peut l'interdire complètement.

En tout cas, le juge ne pourra pas imposer une médiation à une femme battue par son mari.

M. Pierre Cardo - Nous sommes d'accord.

Mme Véronique Neiertz - Tous ceux et surtout toutes celles qui ont une petite expérience en matière d'accueil des femmes battues savent que le premier problème est de cacher, de rendre inaccessible la victime, qui doit changer d'adresse et de numéro de téléphone.

Envisager une médiation en cas de violences conjugales va faire hurler toutes les personnes qui savent de quoi il s'agit. Ce serait aussi créer un précédent fâcheux alors que nous allons réformer le divorce pour violences conjugales. Je suis souvent d'accord avec vous, Monsieur Cardo, eh bien je vous assure que la rédaction proposée par le Gouvernement est la plus sage.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - L'amendement du Gouvernement me paraît équilibré. Il propose en somme que le juge ... soit juge de la situation. Je rappelle à ce propos que les juges aux affaires familiales sont débordés : ils mériteraient d'être plus nombreux et d'avoir plus de moyens, afin de pouvoir véritablement entendre ces situations complexes et douloureuses.

Mme Muguette Jacquaint - J'approuve l'amendement du Gouvernement. Je partage les propos de Mme Neiertz, pour avoir vu, comme elle, ces femmes victimes de violences qui viennent dans nos permanences et nos services sociaux. Or ce qu'elles demandent avant tout, c'est de fuir cette violence et de n'être pas retrouvées par ses auteurs.

Mme la Présidente de la Délégation - La violence est un délit ! Elle rend difficile de négocier quoi que ce soit. Il y a là une question de principe.

M. Pierre Cardo - J'ai simplement demandé une explication sur le sens de l'amendement du Gouvernement, que je voterai. Ce que je demande n'est pas qu'on impose une médiation, mais qu'on ne puisse pas l'interdire systématiquement. J'ai eu connaissance de nombreux cas, notamment dans des pays européens, où l'un des parents avait été incité à porter plainte pour violence, ou pour inceste, sans que les faits soient toujours vérifiés. S'il n'y avait pas eu de médiation, certains de ces cas ne seraient toujours pas réglés aujourd'hui. La violence est condamnable, le pénal est là pour cela. Mais n'oublions pas l'intérêt des enfants, et la médiation peut servir cet intérêt.

M. François Colcombet - Je voterai aussi l'amendement du Gouvernement. Mon amendement 13 visait un cas plus particulier ; il pourrait s'ajouter à celui du Gouvernement. La navette devrait nous permettre d'ajuster toutes les propositions.

L'amendement 44, mis aux voix, est adopté.

Mme la Présidente de la Délégation - Notre amendement 21 a un double objet. Tout d'abord le texte indique que le juge peut « enjoindre » à la famille de rencontrer un médiateur. Enjoindre signifie ordonner. Il n'est pas sûr qu'en la matière un ordre soit de quelque efficacité, d'autant qu'il n'est assorti d'aucune sanction. D'autre part, le texte ne précise pas ce qui se passe si l'un des parents refuse la médiation. En pareil cas, il nous a semble qu'il ne fallait pas laisser traîner : nous proposons donc que les parents reviennent devant le juge dans un délai d'un mois.

M. le Rapporteur - Ce matin, la commission a repoussé cet amendement, estimant qu'il encadre trop strictement la procédure.

Mme la Ministre déléguée - Effectivement. En cas de refus de la médiation, le juge garde la maîtrise de la procédure, et peut redemander aux parents de se présenter devant lui, conformément aux règles habituelles de la procédure civile.

M. Pierre Cardo - Je suis d'accord. D'autant qu'on a trop tendance à n'envisager que la médiation en amont.

Or il y a une médiation en aval, portant sur les conditions de mise en _uvre des décisions de justice, et qui peut jouer un rôle important.

L'amendement 21, mis aux voix, n'est pas adopté.

Mme la Ministre déléguée - L'amendement 45 est de conséquence.

L'amendement 45, accepté par la commission, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Notre amendement 18 tend à disposer que « chaque tribunal offrira une liste de personnes assermentées ou des structures de médiation ». Dans ma circonscription au tribunal de grande instance de Tarbes, il n'y a qu'un médiateur... Il est souhaitable que tous les tribunaux puissent présenter une liste, afin d'offrir un choix aux parents.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas adopté, car cette disposition est d'ordre réglementaire.

Mme la Ministre déléguée - Nous réformons le code civil : il y faut beaucoup de rigueur, pour ne pas porter atteinte à la crédibilité de la réforme. Je partage l'objectif de cet amendement, puisque j'ai engagé une réforme de la médiation familiale ; le rapport que je recevrai bientôt sera transmis à votre commission. Cette réforme comportera une redéfinition du métier, avec la création d'un diplôme, des moyens financiers, un cahier des charges... Mais je souhaite le retrait de l'amendement 18, qui en outre est d'ordre réglementaire, et qui devra trouver place dans une réforme globale de la médiation familiale. Il faudra s'attaquer au problème des moyens : ceux-ci doivent être renforcés pour qu'on puisse accroître les possibilités de médiation, comme le souhaite avec raison Mme Robin-Rodrigo.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Ayant entendu ces explications, nous retirons l'amendement.

M. Pierre Cardo - N'est-il pas contradictoire de dire que la mesure est réglementaire, et en même temps que nous en traiterons dans le cadre de la réforme du code de la famille ? Je souhaite au moins que le Gouvernement s'engage à faire savoir aux instances judiciaires concernées qu'il est souhaitable de disposer de plus d'un médiateur.

Mme la Ministre déléguée - Il me semblait l'avoir dit : si l'on veut donner toute sa plénitude à la médiation familiale, il faudra que les moyens suivent. J'en prends donc l'engagement.

L'amendement 18 est retiré.

Mme Christine Lazerges - Je propose par l'amendement 9 de rétablir le texte de la commission, et donc, dans le septième alinéa du IV de cet article, de substituer aux mots : « en alternance chez chacun des parents ou au domicile de l'un deux » les mots : « au domicile de l'un de ses parents ou en alternance chez chacun d'eux ». Nous avons envisagé tout à l'heure l'hypothèse où les ex-conjoints passent convention pour organiser la résidence de l'enfant. Ici il s'agit du cas où le juge va devoir se prononcer, faute d'accord entre les parents.

M. le Rapporteur - La commission a adopté cet amendement. J'aurais personnellement préféré que nous en restions à la rédaction retenue la semaine dernière, notamment après le débat que nous avons eu sur la résidence alternée dans le cas d'un accord homologué. Mme la ministre a rappelé avec raison qu'une énumération ne valait pas hiérarchie. Il serait donc plus cohérent de retenir le même ordre d'énumération dans les deux articles visés.

Mme la Ministre déléguée - Je le redis avec quelque solennité : le droit de la famille n'est pas un droit du modèle mais un droit du principe. Le Gouvernement ne marque pas de préférence entre les différents modes d'exercice de l'autorité parentale et une énumération ne hiérarchise pas. En revanche, cette réforme vise clairement à inciter les parents à s'accorder sur le principe d'une résidence alternée, qui a l'avantage de maintenir entre eux la priorité. Pour moi, cependant, mieux vaudrait maintenir la rédaction initiale : inverser l'ordre des termes pourrait laisser penser que le législateur hiérarchise et donner mauvaise conscience aux parents qui feraient un autre choix.

Cela étant, la question n'est pas de simple arithmétique : lorsque l'un des parents éduque l'enfant pendant la semaine et l'autre le week-end, on peut très bien considérer qu'il y a malgré tout résidence alternée et qu'aucun des parents ne l'emporte sur l'autre.

Prenons aussi garde qu'à inverser, on ne donne le sentiment de n'être pas totalement convaincus du bien-fondé de ce que nous proposons !

Mme Christine Lazerges - L'amendement est maintenu : c'est celui du groupe socialiste.

L'amendement 9, mis aux voix, est adopté.

Mme la Ministre déléguée - Comme l'a souhaité la commission, l'amendement 33 permettra au juge de rappeler aux parents les obligations résultant du texte que nous examinons.

M. le Rapporteur - La commission l'a accepté. Il ne s'agit d'ailleurs que de réintroduire à une autre place, avec une rédaction légèrement modifiée, l'alinéa que nous avions suggéré d'ajouter à l'article 5.

L'amendement 33, mis aux voix, est adopté.

M. François Colcombet - L'amendement 11 vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du IV.

Le juge doit certes prendre en compte l'âge de l'enfant lorsqu'il arrête les modalités d'exercice de l'autorité parentale, mais cet âge n'est pas un critère à considérer isolément, comme ce pourrait être le cas si nous le faisions figurer dans la liste, au risque de faire écarter tel ou tel mode de garde sur ce seul fondement.

M. le Rapporteur - La commission a approuvé cet amendement lors de sa réunion de ce matin.

Mme la Ministre déléguée - Avis favorable.

Mme Véronique Neiertz - Lors de sa première réunion, la semaine dernière, la commission avait adopté à l'unanimité le texte que M. Colcombet veut amender, estimant que ne pas inclure l'âge parmi les critères irait à l'encontre de toutes les études menées sur la psychologie de l'enfant. On sait maintenant qu'à certains âges, celui-ci ne doit pas être séparé de tel parent mais qu'à d'autres, l'autorité parentale doit être donnée à celui qui sera capable de le reprendre en main, par exemple. Ce critère est donc aussi important que tous les autres qui sont énumérés dans la proposition.

M. François Colcombet - Mon amendement a également été adopté à l'unanimité ce matin. Toute la question est de savoir si le juge pourra ou non motiver sa décision sur le seul fondement de l'âge. Pour moi, il doit être clair que, quel que soit l'âge, toutes les solutions sont possibles, après débat contradictoire avec les parents. Bien évidemment, cet élément sera pris en compte, mais il ne faut pas qu'il suffise à motiver le choix arrêté -comme ce pourrait être le cas avec cette liste introduite par l'adverbe « notamment ».

Mme Christine Lazerges - Je souhaiterais d'abord rappeler qu'il peut être bon qu'un adolescent passe un certain temps chez son père, dans certains cas, et qu'il est toujours judicieux de ne pas arracher un nouveau-né à sa mère, lorsque celle-ci est placée en détention.

Cela étant, il est écrit dans le texte : « Le juge prend notamment en considération... » -suivent cinq éléments. J'ose espérer que le magistrat ne s'arrêtera pas à un seul, et même qu'il en prendra d'autres en compte, mais plus il aura d'indications, mieux ce sera.

M. Pierre Cardo - D'autres pays européens mentionnent ce critère d'âge et, un jour ou l'autre, nous serons forcés d'harmoniser notre législation sur ce point. Ce sera d'ailleurs utile pour mettre fin à certains abus des tribunaux étrangers obligeant parfois les enfants à s'exprimer alors qu'ils n'ont pas l'âge d'émettre un avis valide.

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je n'appartiens pas à la commission des lois mais je m'étonne qu'elle revienne ce matin sur un amendement que M. Plagnol avait présenté en mon nom...

Mme Véronique Neiertz - Et que j'avais défendu !

Mme Marie-Thérèse Boisseau - Je vous en remercie. Je m'en étonne, disais-je, puisque cet amendement avait été adopté la semaine dernière à l'unanimité. N'y a-t-il pas là un problème de méthode ?

Sur le fond, l'âge est à l'évidence un critère essentiel : on ne peut comparer un enfant de 15 jours et un enfant de 8 ans ou de 15 ans. La rédaction de la proposition, avec l'adverbe « notamment » qui apporte l'élément de prudence nécessaire, me semble donc sage. Nous ne pouvons négliger les travaux des psychologues et des pédopsychiatres.

Mme la Ministre déléguée - La position que je vais défendre ne sera peut-être pas facile à tenir !

Il est bien évident que l'âge doit être, et est pris en compte mais nous ne pouvons ignorer que cette question de la résidence alternée a fait l'objet de débats idéologiques acharnés, telle profession spécialisée expliquant que la mesure était à exclure à tel âge, mais à adopter absolument à tel autre. Le critère de l'âge est donc délicat à manier et je ne voudrais pas que la loi serve à cautionner des sectarismes de ce genre. L'essentiel pour nous doit être d'encourager des adultes à s'accorder, dans l'intérêt de l'enfant. Il va de soi qu'on ne traite pas de la même façon un enfant de moins de dix ans et un adolescent, mais la proposition énumère à raison bien d'autres éléments à considérer : la pratique précédemment suivie, les sentiments exprimés par l'enfant, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs, les résultats de l'enquête sociale... Je préférerais, bien sûr, dans ces conditions, que vous adoptiez l'amendement de M. Colcombet, la présence de « notamment » autorisant à ne fonder de décision que sur ce seul critère de l'âge. Cependant, si l'Assemblée tient à maintenir celui-ci, je suggérerai, pour lever toute ambiguïté, d'ajouter, après « l'âge de l'enfant », les mots : « sans que cet élément puisse suffire à lui seul ».

Mmes Martine Lignières-Cassou et Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. François Colcombet - Très bien !

M. le Rapporteur - Madame Boisseau, vous vous étonnez de la manière dont la commission aurait conduit ses travaux : je vous indique donc que, si nous avons eu un débat approfondi la semaine dernière, celui de ce matin ne l'était pas moins. Il portait en particulier sur la rédaction du premier alinéa de l'article L. 372-5, pour laquelle nous sommes également revenus sur notre décision précédente en adoptant un amendement de Mme Lazerges. Sur le point qui nous occupe, nous avons de même essayé de travailler au mieux, en mettant à profit la semaine écoulée et la réflexion qu'elle a permise.

Cela étant, l'amendement présenté par Mme la ministre me paraît satisfaire les préoccupations qui se sont exprimées.

M. le Président - C'est l'amendement 47.

M. François Colcombet - Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement 47 du Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - La délégation aux droits des femmes a entendu de nombreux médecins, des pédopsychiatres et ils ont souligné les conséquences psychiques que risque d'avoir une garde alternée sur des enfants très jeunes. C'est pourquoi mon amendement 2 propose que le juge puisse requérir l'assistance d'un pédopsychiatre lorsque l'enfant ne peut exprimer ses sentiments.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas adopté cet amendement car l'article 388-1 du code civil permet déjà à l'enfant d'être entendu avec une personne de son choix.

Mme la Ministre déléguée - Même avis. Le juge a déjà la possibilité d'ordonner une expertise, qui peut être confiée à un pédopsychiatre.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Je maintiens l'amendement car nous connaissons des cas où la garde alternée a été décidée pour des enfants de deux ans.

M. François Colcombet - Il me semble que le code civil actuel prévoit l'intervention éventuelle d'un avocat, mais non d'un pédopsychiatre.

L'amendement 2, mis aux voix, est adopté.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - L'amendement 1 corrigé vise à permettre au juge, lorsqu'il décèle une certaine fragilité chez l'enfant, d'ordonner une enquête sociale de suivi pour évaluer les conséquences et le bien-fondé de la décision prise quant au mode de garde.

M. le Rapporteur - La commission ne l'a pas retenu. L'article 372-6 permet déjà au juge d'ordonner une enquête sociale pour l'aider à statuer.

Mme la Ministre déléguée - Nous réformons le code civil, pas les procédures. Veillons à ne pas mettre sous tutelle les familles et les enfants en multipliant les expertises de tous ordres. Je pense que ces amendements ne pourront pas tous rester dans la rédaction définitive. Il est dangereux d'énumérer les spécialistes habilités à dire ce qui est bien pour une famille, d'autant qu'il y a parfois autant d'avis que de spécialistes consultés. L'audition de l'institutrice de l'enfant, par exemple, peut-être parfois plus intéressante que l'avis d'un spécialiste qui ne le côtoie pas au quotidien. Laissons au juge le soin d'en décider.

Je demande le retrait de cet amendement.

Mme Chantal Robin-Rodrigo - Nous parlons de deux choses différentes. Effectivement, au moment de la décision, le juge peut s'entourer de tous les avis qui lui semblent utiles. Mais mon amendement vise à lui permettre de diligenter une seconde enquête sociale après la décision, pour en vérifier le bien-fondé.

Mme Muguette Jacquaint - Je voudrais m'exprimer sur l'organisation du débat. Etant donné l'heure, nous n'allons pas pouvoir le conclure ce matin, et il faudra le reprendre plus tard. Quand on touche à un problème de société aussi important, il est essentiel d'avoir un temps de discussion suffisant et je regrette que ce texte soit présenté sous la forme d'une proposition de loi, et non d'un projet.

M. le Président - La discussion va reprendre cet après-midi.

Mme Muguette Jacquaint - Justement ! On ne peut pas toujours modifier son emploi du temps en dernière minute et je regrette de ne pas pouvoir être là pour la fin de cette discussion très importante. Je suis sûre que je ne suis pas la seule dans ce cas (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Madame Jacquaint, vous aurez pu observer que, sur ce sujet effectivement important, j'ai fait en sorte que le débat soit aussi ouvert que possible.

Mme Muguette Jacquaint - Je vous en donne acte.

L'amendement 1 corrigé, mis aux voix, est adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

Mme la Ministre déléguée - Comme l'a indiqué le Président, la discussion de cette proposition reprendra cet après-midi à 15 heures.

L'ordre du jour est ainsi modifié.

La suite de la discussion est reportée à cet après-midi, à 15 heures.

La séance est levée à 13 heures.

                      Le Directeur du service
                      des comptes rendus analytiques,

                      Jacques BOUFFIER


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