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Session ordinaire de 2001-2002 - 16ème jour de séance, 38ème séance

2ème SÉANCE DU LUNDI 29 OCTOBRE 2001

PRÉSIDENCE de Mme Nicole CATALA

vice-présidente

Sommaire

      LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite) 2

      OUTRE-MER 2

      ERRATA 36

La séance est ouverte à quinze heures.

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LOI DE FINANCES POUR 2002 -deuxième partie- (suite)

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2002.

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OUTRE-MER

M. François d'Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances pour les départements d'outre-mer - Le projet de loi de finances pour 2002 fixe le budget du secrétariat d'Etat à l'outre-mer à 7,08 milliards en dépenses ordinaires et crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3,7 % par rapport à l'année dernière. Depuis 1997, les dépenses publiques liées à l'outre-mer ont progressé de 35 %, passant de 45,3 milliards de francs en 1997 à plus de 62 milliards de francs prévus pour 2002. La commission des finances a une nouvelle fois relevé un certain manque de lisibilité dans la présentation des crédits consacrés aux DOM-TOM. Les dotations qui leur sont destinées relèvent en effet de plusieurs ministères : secrétariat d'Etat à l'outre-mer, éducation nationale, emploi et solidarité, économie et finances (douanes), intérieur et défense. 11 % seulement des crédits nationaux pour les DOM transitent par le budget du secrétariat d'Etat. Le plus gros contributeur reste le ministère de l'éducation nationale qui apporte 29 % du total. Il faut espérer que la réforme de l'ordonnance organique de 1959 relative aux lois de finances mettra un terme au caractère « éclaté » de la discussion budgétaire sur les DOM.

En ce qui concerne la politique menée en faveur des DOM, les priorités du Gouvernement, réaffirmées dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer, restent l'emploi et le logement. Cependant, malgré les efforts budgétaires programmés, les résultats semblent incertains. Non seulement les DOM sont restés relativement isolés de la dynamique de croissance métropolitaine, mais l'économie « domienne » connaît aussi une situation morose liée à des faiblesses structurelles.

Quant à la lutte contre l'insécurité et le crime organisé, elle reste la grande oubliée de la loi d'orientation alors même que la situation reste préoccupante.

Or, la mise en _uvre de la loi d'orientation pour l'outre-mer est coûteuse, notamment en ce qu'elle accroît le traitement social du chômage. Le fonds pour l'emploi dans les DOM - FEDOM - représente ainsi 3,3 milliards - soit 50 % des dotations du secrétariat d'Etat - et ses crédits progressent de 25 % l'année prochaine après avoir augmenté de 17 % en 2001. Il tend à financer quatre dispositifs introduits par la loi d'orientation : les projets initiative jeunes - PIJ -, l'allocation de retour à l'activité - ARA -, la prime à la création d'emploi pour les entreprises exportant au moins 20 % de leur production et le congé solidarité qui permet un départ en pré-retraite à 55 ans compensé par l'embauche de jeunes.

En 2002, le FEDOM financera 10 000 PIJ supplémentaires, 10 000 ARA et 3 000 congés solidarité auxquels s'ajoutent 2 200 primes à la création d'emploi. Le surcoût induit équivaut à 450 millions, ce qui traduit une certaine dispersion des moyens d'intervention en faveur de l'emploi. Du reste, les nouveaux dispositifs ont-ils été suffisamment étudiés préalablement à leur mise en _uvre ?

La loi d'orientation a également prévu de relever à 1,3 SMIC le seuil des exonérations de charges sociales et un plan d'apurement des dettes sociales et fiscales a été lancé pour aider les entreprises en difficulté. La commission des finances a déploré que cette mesure n'ait pas été effectuée car elle risque d'être très coûteuse, sachant qu'en 1999 les impayés sociaux dans les DOM atteignaient 10 milliards de francs.

Les moyens d'évaluation de ces politiques ne sont donc pas à la hauteur des efforts budgétaires qui leur sont consacrés. Ainsi, le nombre de contrats signés ne saurait être le seul indicateur retenu et la détérioration de la conjoncture permettra seule d'apprécier l'impact réel de ces mesures sur la préservation du niveau de l'emploi.

S'agissant du logement, la priorité affichée par le Gouvernement se justifie par l'état du parc et par les tensions qui s'exercent sur le marché de l'immobilier. Cependant, la progression des crédits destinés au logement via la ligne budgétaire unique - LBU -, tend pour l'essentiel à compenser la disparition progressive de la créance de proratisation - laquelle accompagne l'alignement progressif du RMI sur celui de la métropole - dont une partie était consacrée au logement.

De même, le bilan de la politique de défiscalisation des investissements outre-mer semble mitigé et l'information dont dispose le Parlement sur les dépenses fiscales liée à la loi Pons reste insuffisante. On ne connaît pas précisément le nombre d'emplois créés ou le montant des investissements réalisés grâce aux agréments. Incertain, le coût du dispositif est évalué, DOM et TOM confondus, à 3,40 milliards en 2001 et la politique de défiscalisation ne semble enregistrer que des résultats modestes : pour 2000, 881 emplois seulement auraient été créés ou préservés grâce aux investissements. Le dispositif de défiscalisation entré en vigueur en 2001 ne sera pas neutre pour les finances publiques, puisqu'il coûte 4,8 milliards, soit 27 % de hausse par rapport à 2000, sans que rien n'ait justifié une telle augmentation.

Du reste, malgré les moyens conséquents qui leur sont dévolus, les effets directs de ces politiques restent peu probants et la situation économique sur place semble morose.

Ainsi, le secteur du tourisme connaît un ralentissement certain, en particulier à la Martinique et en Guadeloupe où il occupe 10 à 12 % de la population. Ces difficultés sont certes liées au ralentissement économique mondial, et aux événements du 11 septembre, mais aussi à la persistance de troubles locaux qui découragent la venue des touristes.

Les économies locales liées à la banane et à la canne à sucre ont du mal à se remettre de mauvaises conditions climatiques en 1999 et 2000 et la structure des exportations en est affectée. Bien que la production ait augmenté de 8 % en 2000, les exportations n'ont progressé que de 1 % et sont moins diversifiées qu'auparavant. La part expédiée vers la métropole s'est accrue de 31 %, cependant que les autres destinations - Royaume-Uni, Espagne, Belgique- enregistraient une baisse préoccupante de 65 % en un an : les DOM sont de fait de plus en plus dépendants de la métropole.

Parallèlement, la situation de l'emploi reste critique. Le taux de chômage, trois fois plus élevé que la moyenne nationale, représente en effet 29 % de la population active contre 9 % en métropole. Le chômage touche ainsi 31 % de la population active à la Réunion, 25 % en Guadeloupe, 24 % en Martinique, 19 % en Guyane. Ces chiffres doivent être relativisés compte tenu de l'importance du travail au noir, relevée notamment dans le rapport Fragonard de 1999.

Depuis août 1993, le nombre de RMistes ne cesse d'augmenter, représentant 17 % de la population. La tendance est à l'accroissement constant de leur nombre, quel que soit le taux de croissance en métropole. Le rapport Fragonard a laissé entrevoir le caractère lacunaire des contrôles de la fraude au RMI. Il conviendrait de se montrer plus rigoureux.

La lutte contre l'insécurité est la grande oubliée de la loi d'orientation. Au cours des cinq dernières années, les crimes et délits constatés ont diminué de 5 % dans les quatre DOM. Ce chiffre global masque de grandes disparités.

En effet, la délinquance de voie publique progresse de 20 %. En 1995, elle représentait 42 % de la délinquance totale. En 2000, le taux s'élève à plus de 52 %. Au total, les DOM ont présenté en matière d'insécurité les mêmes tendances constatées en métropole, particulièrement en Guyane, à la Martinique et surtout à La Réunion.

Surtout, la criminalité organisée se développe. Les Antilles constituent une plaque tournante du trafic de drogue vers l'Europe. Entre 1998 et 1999, les volumes de cocaïne saisis ont augmenté de 30 %, aucune information ne paraissant disponible pour 2000 et 2001.

L'immigration clandestine, naturellement, croise la route des trafics. A Saint-Martin, sur 35 000 habitants, 8 000 sont étrangers et on peut leur ajouter 2 000 clandestins. En Guyane, pour 157 000 habitants, il faut compter 37 000 étrangers, et 30 000 à 35 000 irréguliers.

Aussi l'insuffisance des moyens de répression devient-elle criante. En Guyane, des comités d'habitants exigent de l'Etat qu'il fasse appliquer les lois et fournisse les moyens matériels correspondants. Séjournant en Guyane le mois dernier, vous avez annoncé un renfort de 30 policiers supplémentaires. Or, pour la seule ville de Cayenne, les effectifs nécessaires sont estimés à plus de 200 agents supplémentaires. Rappelons qu'il s'agit de contrôler un département aussi vaste que le Portugal, recouvert de forêt à 90 %.

Au terme de ces quelques observations, j'indique que la commission des finances a adopté le budget de l'outre-mer.

M. Jérôme Lambert, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les DOM - Le budget que nous examinons ne représente que le sommet de l'iceberg des dépenses en faveur de l'outre-mer. Parler d'iceberg ne paraîtra pas incongru à nos compatriotes de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les départements des Antilles et ceux de l'Océan indien seront moins sensibles à cette image.

Votre budget témoigne de la volonté de tenir les engagements pris. Depuis 1997, le Gouvernement a pris de nombreuses dispositions pour assurer l'égalité sociale et pour inscrire l'avenir de l'outre-mer dans le cadre d'un réel développement économique et institutionnel. La loi d'orientation trouve dans votre budget des traductions financières concrètes, avec plus de 72 millions d'euros de dépenses nouvelles. Ces crédits permettront de financer la prime aux entreprises, le projet initiative jeunes, le congé de solidarité, la compensation de la perte de la créance de proratisation...

Ces efforts budgétaires concernent également le fonds de coopération, le fonds d'échange, les subventions aux agences de l'eau et à l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer.

Tenir ses engagements, c'est continuer à soutenir l'emploi, même si le chômage a diminué de 10,5 % depuis 1999. Le FEDOM a ainsi plus que doublé depuis 1997, et les mesures pour l'emploi représentent près de 47 % du budget que nous examinons aujourd'hui. De façon générale, les crédits sont affectés à la mise en _uvre de près de 100 000 mesures en faveur de l'emploi, dont 39 000 CES, 15 000 contrats d'insertion par l'activité et 10 000 projets initiative jeunes. L'effort en faveur du SMA est également à souligner.

Tenir ses engagements vous le faites également dans le domaine du logement, deuxième poste de votre budget. Votre action va au-delà de la simple compensation de la créance de proratisation. Elle permettra de réhabiliter 6 000 logements, et d'en construire plus de 16 000.

Pour tenir vos engagements en matière d'action sociale et culturelle et de coopération régionale, vous mobilisez 20 % de crédits supplémentaires. Depuis 1997, ces crédits ont été multipliés par deux et demi.

Tenir ses engagements, c'est encore appuyer comme vous le faites le développement économique. Vous inscrivez ainsi au FIDOM 46 millions d'euros pour répondre aux engagements contractuels de l'Etat. S'y ajoutent, comme l'a indiqué le rapporteur de la commission des finances, les mesures de défiscalisation destinées à rendre les investissements plus attractifs.

En faveur des collectivités, les engagements sont tenus. Mayotte bénéficie ainsi de nouvelles dotations spécifiques, en particulier pour le fonds mahorais de développement.

Différentes initiatives ont été prises, dans les départements d'Amérique, pour appliquer les dispositifs de la loi d'orientation relatifs à une évolution institutionnelle différenciée. En Guyane, comme en Martinique et en Guadeloupe, la réflexion va bon train.

Au total, malgré ce bon budget en hausse de 3,8 %, tout n'est pas réglé outre-mer.

Rapporteur depuis cinq ans de ce budget, je me suis efforcé de servir de relais entre l'Assemblée et le Gouvernement, et souhaite que l'outre-mer continue de faire l'objet d'une même attention à l'avenir. Il constitue en effet pour la France une responsabilité historique, mais aussi une chance, pour peu qu'elle assume cette responsabilité et tienne ses engagements. Parce que ce budget paraît répondre à une telle ambition, la commission des lois l'a approuvé et invite l'Assemblée à faire de même.

M. Philippe Auberger, rapporteur spécial de la commission des finances pour les territoires d'outre-mer - Ce projet de budget s'élève, pour l'ensemble de l'outre-mer, à 1,079 milliard d'euros, au lieu de 1,040 l'an dernier, soit une progression assez forte : 3,76 %, ou 3,06 % si l'on fait abstraction des transferts.

Les moyens des services sont accrus de 7 %. En leur sein, les dépenses de personnel sont en hausse de 6,5 %, ce qui permettra de créer 525 emplois, dont 500 concernent le service militaire adapté. Les subventions aux collectivités territoriales atteignent 94,5 millions d'euros, dont la Nouvelle-Calédonie est la première bénéficiaire : 2,6 millions d'euros au titre de la dotation globale de compensation, 69,3 millions au titre de la DGF et 8,4 millions au titre de la dotation globale de construction et d'équipement des collèges. Le fonds d'investissement pour le développement économique et social - FIDES - est doté de 26,5 millions d'euros en autorisations de programme et de 20,5 millions en crédits de paiement ; il finance pour l'essentiel les contrats de développement conclus entre l'Etat et les territoires. La participation de l'Etat à ces contrats est de 170 millions d'euros sur quatre ans pour la Polynésie, de 338 millions sur cinq ans pour la Nouvelle-Calédonie et de 37 millions sur cinq ans pour Wallis-et-Futuna. La Polynésie bénéficie en outre de la convention conclue pour le renforcement de son autonomie économique à la suite de la fermeture du Centre d'essais du Pacifique : l'engagement de l'Etat est plafonné à 150,9 millions d'euros par an, sur lesquels 86 ont été versés par le budget de la défense en 2000, dernier exercice connu.

L'essentiel de mon rapport est consacré, cette année, à la Nouvelle-Calédonie, où je me suis rendu cet été. Les institutions créées par la loi organique de 1999 fonctionnent bien dans l'ensemble, malgré les difficultés passagères créées la semaine dernière par l'annulation par le Conseil d'Etat de la désignation d'un membre du gouvernement territorial et par le refus du FLNKS de siéger audit gouvernement tant que la question n'est pas résolue. Reste à appliquer les dispositions financières prévues, ce qui n'est pas le cas, puisque les crédits ouverts par les deux dernières lois de finances - 1,8 million d'euros en 2000 et 1,6 million en 2001 - n'ont toujours pas été versés. Ce retard est dû à la fois à l'installation tardive de la commission d'évaluation des charges et à la différence entre ses conclusions et celle du Haut Commissariat, différence qui s'élève à 2,2 millions d'euros dont l'essentiel a trait au transfert des charges de personnel des fonctionnaires de l'Etat. Il est urgent que soient versés, en tout état de cause, les crédits déjà ouverts, quitte à demander le cas échéant, selon l'issue du différend, l'ouverture de crédits complémentaires en loi de finances rectificative.

Les perspectives du secteur du nickel sont encourageantes. L'Etat y est engagé à un double titre, puisqu'il a versé un milliard provenant du compte d'affectation du produit des privatisations pour les échanges de terrains miniers du Nord, et constitué la STCPI, à travers laquelle les trois provinces participent au capital d'Eramet et de la SLN. La reconnaissance des mines se déroule de façon tout à fait satisfaisante, mais le projet sera très lourd à financer - 8 à 10 milliards de francs au bas mot - et le partenariat entre la SMSP et le groupe canadien Falconbridge ne pourra durer sur la base d'une participation minoritaire de celui-ci - lequel a d'ailleurs déposé une pré-demande pour bénéficier de la défiscalisation de ses investissements futurs. Quant à la présence de la STCPI aux conseils d'administration d'Eramet et de la SLN, elle est bien acceptée de part et d'autre, mais si la SLN envisage de porter sa capacité de production de 50 000 à 75 000 tonnes sans augmentation de capital, le projet de construction d'usine à Goro, dans le Sud, ne pourra être réalisé qu'avec l'apport de capitaux extérieurs qui dilueraient la part de la STCPI.

Le développement du tourisme en Nouvelle-Calédonie est handicapé par la dégradation de la desserte aérienne de l'archipel, que n'assurent plus Corsair ni AOM, et qu'Air France a renoncé à assurer à partir de Tokyo. Air Caledonia International, émanation des trois provinces et du territoire, a donc dû demander le bénéfice de la défiscalisation pour l'achat de deux Airbus A-330. Reste que les hôtels ont du mal à faire le plein, faute d'avions pour amener les clients, bien que la filière soit très prometteuse.

Enfin, la Nouvelle-Calédonie souhaite substituer l'euro au franc CFP, monnaie dont l'image souffre, auprès des investisseurs étrangers, de la faculté donnée au ministre français de l'économie et des finances d'en modifier la parité par simple arrêté. Le passage se heurte néanmoins à quelques difficultés techniques, et obligerait en outre le territoire à respecter les critères de Maastricht, ce à quoi il n'est sans doute pas tout à fait prêt... Cette question devra être examinée de façon souple et pragmatique.

Telles sont mes observations sur les crédits des territoires d'outre-mer, que votre commission des finances vous propose d'adopter.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission des lois pour les territoires d'outre-mer - Ce budget met en cohérences moyens financiers et évolution institutionnelle.

La Nouvelle-Calédonie a su, depuis le vote de la loi organique du 19 mars 1999, se doter d'un nouveau cadre institutionnel et d'un gouvernement collégial - abstraction faite de diverses péripéties dont il vient d'être question ; plusieurs lois de pays ont été adoptées, et les transferts de compétences se poursuivent. N'était la question, toujours en suspens, du corps électoral, nous pourrions considérer que le spectre des affrontements est définitivement derrière nous, et que la Nouvelle-Calédonie est bien en train de construire le système institutionnel qui lui permettra de faire face à son avenir. Quant à son intégration régionale, force est de reconnaître qu'elle va croissant.

S'agissant de la Polynésie, nous avons tous en tête la difficile poursuite de son évolution institutionnelle, qui n'a pu être débattue en congrès, ce qui a quelque peu laissé sur leur faim tous ceux qui s'intéressent à l'avenir de ce territoire, dès lors que les débats parlementaires laissaient espérer un large consensus en faveur d'une nouvelle et prometteuse phase de progrès dans l'autonomie de la Polynésie. Mais je pense que cela n'est que partie remise.

Rapporteur du projet, je note que le scrutin à l'assemblée territoriale s'est excellemment déroulé. Ceux qui soupçonnaient la réforme de masquer de mauvaises intentions ont pu constater que les électeurs de Polynésie française avaient su tirer parti du nouveau mode de scrutin pour exprimer leurs préférences dans la sérénité et assurer la double représentation de leurs aspirations politiques et de la diversité des territoires. La modernisation du scrutin municipal est pour demain, mais elle marquera un nouveau pas vers une démocratie apaisée, adulte et tournée vers l'avenir.

L'intégration régionale de la Polynésie, qui est l'une des clés de son avenir, progresse, preuve, comme pour la Nouvelle-Calédonie, que les instances internationales et les pays de la région jugent son évolution positive.

De même à Wallis-et-Futuna. Un groupe de travail a jeté les bases de la nécessaire évolution qui permettra au territoire d'aborder l'avenir dans de bonnes conditions. Son statut est en effet l'un des plus anciens de l'outre-mer français, et le succès des évolutions statutaires de la Polynésie et de la Nouvelle-Calédonie souligne la nécessité de faire aboutir la modernisation des institutions de cet archipel.

La négociation d'un accord entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie, au titre de l'article 225 de la loi organique du 10 mars 1999, est également en cours. Si un retard a été pris, des progrès se font jour et chacun reconnaît la nécessité d'aller de l'avant.

Evolution institutionnelle et évolution socioéconomique vont de pair, comme le prouvent les progrès lors du traitement de la question minière et l'intervention d'un pacte social en Nouvelle-Calédonie. En Polynésie, si les progrès économiques justifient la poursuite de l'évolution institutionnelle, les négociations salariales demeurent très tendues. J'espère que nous parviendrons au fil des années à un dialogue social apaisé.

S'agissant de Wallis-et-Futuna, je me bornerai à souligner les difficultés de desserte aérienne, annexes de celles évoquées par Philippe Auberger en Nouvelle-Calédonie, et celles qui freinent le développement, s'agissant notamment de l'adduction d'eau potable. Face à cette situation, l'Etat honore ses engagements en matière de crédits et de personnels, comme le montre la comparaison entre territoires et pays d'outre-mer et métropole à laquelle je me suis livré dans mon rapport.

S'agissant de l'Europe, notamment du FED, l'effort est globalement maintenu pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française ; il est considérablement accentué pour Wallis-et-Futuna, afin d'y répondre au retard d'équipement.

Les politiques contractuelles dans le cadre desquelles ces mesures sont mises en _uvre constituent une armature économique, sociale, institutionnelle et budgétaire tout à fait cohérente. Ce budget est celui de la cohérence, y compris pour l'avenir. C'est pourquoi la commission des lois a souhaité qu'il soit adopté (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe RCV).

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis de la commission de la production pour l'outre-mer - A l'instar des précédents projets de lois de finances de cette législature, les crédits inscrits au budget de l'outre-mer augmenteront en 2002 pour s'établir à plus de 7 milliards de francs. Leur progression d'année en année traduit la volonté du Gouvernement de doter le secrétariat d'Etat à l'outre-mer des moyens de soutenir l'emploi, l'insertion et l'activité économique.

Les crédits que nous examinons ne représentent guère plus de 11 % des crédits budgétaires consacrés à l'outre-mer. Je précise donc qu'une évolution analogue peut être observée pour l'ensemble des dépenses publiques dédiées à l'outre-mer dans les autres ministères, qui, entre 1997 et 2002, sont passées de 45,3 à plus de 62 milliards de francs, soit une hausse de 35 %, l'éducation nationale représentant plus du tiers de cette dotation.

Ce budget est le dernier de la législature, mais le premier à être présenté selon les orientations de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances. Dorénavant, le budget de l'outre-mer sera regroupé sous un seul agrégat intitulé « actions en faveur de l'outre-mer », décliné en quatre composantes : emploi et insertion sociale, amélioration du logement, subventions aux collectivités locales, administration générale.

Les actions en faveur de l'emploi et de l'insertion sociale demeurent la priorité du Gouvernement et représentent près de la moitié de votre budget. Cette politique volontariste commence à porter ses fruits puisque le nombre de demandeurs d'emploi s'est stabilisé et a même commencé à diminuer à partir de 1999, en particulier chez les jeunes. L'ampleur et la durée du chômage nous incitent toutefois à demeurer modestes et à poursuivre nos efforts.

L'augmentation substantielle des crédits pour 2002 favorise à la fois le renforcement des dispositifs d'insertion traditionnels et la montée en puissance des mesures de la loi d'orientation pour l'outre-mer. La politique de l'emploi outre-mer comportera ainsi près de 100 000 mesures d'insertion, dont 39 000 CES, 15 000 CIA, 10 000 projets initiative jeunes, 10 000 allocations de retour à l'activité, 3 000 congés de solidarité et 2 200 primes à la création d'emploi. S'y ajoutent 7 450 emplois aidés pour Mayotte.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de réserver à l'outre-mer 1 000 nouveaux emplois-jeunes, soit 10 % de la dotation nationale pour 2002. A cet égard, nous nous inquiétons de l'inadaptation à la réalité de nos pays du dispositif proposé pour la métropole, au terme des cinq ans. Il faudra donc y remédier.

Le FEDOM, principal outil budgétaire de la politique en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer, regroupera pour la première fois les crédits destinés à financer l'ensemble des dispositifs emploi concernant Mayotte, les 7 500 mesures nouvelles créées par ordonnance s'ajoutant aux mesures traditionnelles.

Les crédits du service militaire adapté renforceront les moyens dévolus à l'emploi et à la formation professionnelle. Le SMA poursuit sa professionnalisation : aux 2 000 emplois créés depuis 1999 viendront s'en ajouter 500 nouveaux en 2002. Cette évolution s'accompagne d'une certaine féminisation. L'objectif est de former autant de jeunes en 2003 qu'avant la suppression du service national, à savoir 3 000.

Le logement est aussi une priorité du Gouvernement. La croissance démographique, l'habitat insalubre, la précarité et la rareté du foncier génèrent d'immenses besoins. Sont donc programmées en 2002 la construction de 10 000 logements sociaux et la réhabilitation de 6 000 logements. Les engagements de l'Etat sont amplifiés, puisque l'augmentation des crédits va au-delà de la simple compensation de la créance de proratisation, qui disparaît du fait de l'alignement du RMI. A ceux qui estimaient celui-ci impossible, au motif qu'il entraînerait une diminution des crédits dévolus au logement, vous infligez un démenti cinglant ; le montant de la ligne budgétaire unique pour 2002 est fixé à 1,886 milliard de francs.

S'agissant des subventions de fonctionnement en faveur des collectivités locales, la part du secrétariat d'Etat reste modeste, l'essentiel des dotations que l'Etat verse aux collectivités locales d'outre-mer étant inscrites au budget du ministère de l'intérieur.

Le budget pour 2002 aura pour ambition de permettre une application aussi complète que possible de la loi d'orientation. Près de 800 millions y seront consacrés, principalement au travers du FEDOM, avec 433 millions dédiés au financement des nouveaux dispositifs en faveur de l'emploi - PIJ, congé-solidarité, allocation de retour à l'activité - et à la compensation de la créance de proratisation.

S'agissant de l'application de ces trois mesures phares de la loi d'orientation, nous avons noté l'action menée pour encourager les jeunes à s'engager dans un PIJ. Pouvez-vous nous rassurer quant à l'application de l'allocation de retour à l'activité ? Existe-t-il une démarche volontariste envers les RMistes ? Je ne l'ai pas perçue à la Réunion. Quant au congé-solidarité, il est à craindre que les prévisions ne se réalisent pas. A la Réunion, où les négociations sont les plus avancées, tous les partenaires souhaitent aboutir à un accord et leur adhésion au dispositif est totale. Le seul problème tient aux paliers de référence prévus par le décret d'application, en particulier pour ceux ayant cotisé pendant moins de trente années. Dans ce cas, équivalente à 60 % du dernier salaire brut, l'allocation ne serait guère attractive. Or la majorité des salariés susceptibles de bénéficier de cette mesure sont dans cette situation. Les candidats à la préretraite risquent donc de se faire rare, ce qui serait préjudiciable aux embauches de jeunes.

Enfin, pouvez-vous nous dire où en est l'application du revenu de solidarité qui concerne les RMistes de cinquante ans et plus ? Le retard pris est incompréhensible. Des milliers de RMistes sont en attente de sa concrétisation.

Après les décrets du 11 juin 2001 et la circulaire du 27 juillet, il me semble qu'un accord entre l'Etat et les conseils généraux devrait intervenir. Qu'en est-il ?

Ce budget prévoit aussi un financement pour la création dans chaque département d'outre-mer d'un office de l'eau, ainsi que vous l'avez réaffirmé lors de votre récent passage à La Réunion.

Les crédits pour l'ANT s'élèveront à 21 millions tandis que les moyens de fonctionnement des agences départementales d'insertion seront maintenus, malgré l'alignement du RMI.

A cela s'ajoute le coût des mesures d'exonération des charges sociales pris en charge par le ministère de l'emploi et de la solidarité. Le coût brut est estimé à 3,5 milliards par an ce qui, après déduction des charges du précédent dispositif, conduit à un coût net de 2 milliards. Il en est de même pour le coût de l'alignement du RMI et les dépenses liées au plan d'apurement des dettes fiscales et sociales.

Cette mesure se révèle difficile à mettre en _uvre et peu de bénéficiaires potentiels - à peine 10 % à la Réunion - auraient entrepris les démarches. Sans doute faudrait-il mener rapidement une campagne d'information et, étant donné la proximité de la date butoir du 14 décembre, assouplir l'instruction des dossiers. En effet, fouiller, dans les moindres détails, les comptes des entreprises n'incitera guère à solliciter l'application de la mesure...

Deux séries de textes d'application de la loi d'orientation pour l'outre-mer ont déjà été publiées, dans des délais raisonnables. Pouvez-vous, Monsieur le ministre, nous donner des précisions sur les décrets toujours en attente ?

Ce budget comporte également les implications financières découlant du nouveau statut de Mayotte. La loi du 11 juillet 2001 a permis à Mayotte de sortir de l'incertitude juridique dans laquelle elle se trouvait depuis 1976. Sa transformation en collectivité départementale s'accompagnera de transferts de compétences assortis de compensations financières et d'instruments de financement adaptés. Ainsi, les dotations prévues pour le FIDOM général regroupent deux nouveaux fonds dédiés à la mise en _uvre du contrat de développement entre la nouvelle collectivité départementale et l'Etat. Le fonds mahorais de développement, financé par l'Etat, la Communauté européenne et la collectivité départementale, est destiné à soutenir les projets, publics ou privés, d'aménagement et d'équipement du territoire. Le deuxième fonds intitulé « dotation de rattrapage et de premier équipement des communes de Mayotte », sert à financer des projets de voirie ou d'éclairage public des communes de l'archipel.

Une loi habilitant le Gouvernement à adapter par ordonnance le droit outre-mer a été adoptée en juin dernier. Nous souhaiterions avoir des précisions sur l'état d'avancement des ordonnances relatives à l'emploi et aux mesures sociales à Mayotte.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. Claude Hoarau, rapporteur pour avis - Je suis par ailleurs préoccupé par les difficultés rencontrées par les compagnies desservant l'outre-mer, qui risquent de laisser Air France en situation de quasi-monopole. Il en résulterait un renchérissement des transports très préjudiciable au secteur touristique déjà en proie à des difficultés, notamment aux Antilles, et que la crise internationale risque encore d'aggraver. Une augmentation des tarifs pénaliserait aussi nos compatriotes qui vivent dans l'hexagone. Les tarifs pratiqués aux mois de juillet et août derniers rappellent ceux d'une époque que l'on croyait révolue. Tout laisse à penser que, si rien n'est fait d'ici là, ce scénario se reproduira à la fin de l'année. Un rapport sur cette question vous sera prochainement remis ; nous souhaiterions figurer parmi les destinataires.

Ma deuxième préoccupation a trait au règlement qui prévoit l'accès au marché communautaire, en franchise de droit de douane et hors contingentement, de l'ensemble des produits originaires des pays les moins avancés, règlement intitulé, non sans une certaine ironie « tout, sauf les armes ». En vigueur depuis quelques mois, ce texte concerne aussi les productions agricoles des départements d'outre-mer, même si des aménagements de calendrier ont été adoptés pour la banane, le sucre et le riz. Mais, si la libéralisation complète est différée, les inquiétudes demeurent d'autant qu'aucune étude d'impact préalable n'a été réalisée.

A nos difficultés particulières s'ajoutent, on le voit, celles engendrées par une globalisation pas toujours maîtrisée des sociétés et des économies. Pour tenter d'y faire face, nous disposons, à présent, d'une panoplie d'outils cohérents et complémentaires parmi lesquels les mesures prévues dans le projet de budget. C'est pourquoi j'invite mes collègues, au nom de la commission de la production, à voter votre budget. C'est pourquoi aussi, avec énergie et confiance, j'_uvrerai à faire vivre la loi d'orientation pour l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Frogier - L'accord de Nouméa, signé par l'Etat, le RPCR et le FLNKS le 5 mai 1998, traduit la volonté partagée par le plus grand nombre de construire une communauté de destins. Pour ce faire, la loi organique prévoit d'importants transferts de compétences de l'Etat vers la Nouvelle-Calédonie, qui confient à cette dernière d'importants chantiers d'innovation, afin de mieux coller à ses spécificités. Les signataires de l'accord ont prévu d'accompagner ce mouvement par le transfert de ressources financières nécessaires. Au 1er janvier 2000, ont été transférées les compétences relatives aux services des mines, du commerce extérieur, de l'enseignement primaire et du travail. Or les lois de finances 2000 et 2001 n'ont prévu qu'une compensation partielle de ces charges. Qui plus est, en raison du retard pris dans l'installation de la commission d'évaluation, aucun versement n'est intervenu à ce jour.

Par ailleurs, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi organique, l'Etat versait au territoire une dotation destinée à financer des actions en faveur de l'enseignement primaire public. Celle-ci est désormais principalement versée aux provinces, mais une fraction devrait demeurer au territoire, pour contribuer à la formation des maîtres. Une dotation de 20 millions a été versée en 2000, mais en 2001, si les crédits ont bien été inscrits, ils n'ont pas été versés, faute d'une convention entre l'Etat et la Nouvelle-Calédonie. Je souhaite qu'elle soit rapidement passée.

Aucun versement n'a été effectué non plus en 2001 au titre de la participation de l'Etat au fonds intercommunal de péréquation pour l'équipement des communes, ce qui porte préjudice à la programmation des équipements communaux et inquiète les élus locaux.

Si les deux principales forces politiques calédoniennes ont su dépasser leur antagonisme, c'est avant tout, autour d'un projet de société. Aussi, avons-nous ouvert de nombreux chantiers pour répondre aux aspirations des Calédoniens, le développement économique devant appeler l'équilibre politique. Je veux donc vous exprimer notre gratitude pour l'effort de l'Etat afin d'accompagner ces projets qui concernent les mines, la métallurgie, la desserte aérienne, le tourisme, la pêche, l'aquaculture. J'espère que les demandes que j'ai formulées aujourd'hui trouveront un écho dans vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL et sur quelques bancs du groupe socialiste).

M. François Asensi - Ce budget est en augmentation de 3,8 %. De 1997 à 2001, les crédits de ce ministère sont passés de 4,8 à plus de 7 milliards de francs et l'ensemble des dépenses publiques consacrées par tous les départements ministériels à l'outre-mer de 45 à 62 milliards. C'est un effort sans précédent.

Les rapports alarmistes de l'IEDOM sur la situation économique et sociale, le point de vue des acteurs locaux, des experts et des élus justifiaient le choix d'une politique qui tienne compte des aspirations des peuples à plus d'égalité sociale, à davantage de reconnaissance politique, culturelle et identitaire. Aujourd'hui, votre budget reflète des choix ambitieux pour une politique d'égalité des droits, de pluralité des voies et de solidarité des choix. Ces choix sont d'autant plus pertinents qu'ils s'inscrivent dans un contexte international fluctuant, où la mondialisation renforcée des économies, la concurrence internationale exacerbée et l'exposition aux vents du libéralisme rendent les sociétés ultramarines plus fragiles.

L'Etat devait donc se montrer capable de porter un autre regard sur les outre-mers en proposant un nouveau modèle de développement qui réponde aux aspirations des populations et sorte ces territoires du bout du monde d'un isolement hérité du passé colonial.

Pour 2002, quatre orientations principales gouvernent votre budget : activité économique et emploi, logement, soutien aux collectivités locales et insertion dans les espaces régionaux. Elles reflètent la loi d'orientation du 13 décembre 2000, véritable pierre angulaire de votre action.

L'emploi doit rester une priorité absolue. La décrue d'environ 10 % du nombre de demandeurs d'emploi est moins importante qu'en métropole surtout pour les jeunes générations. Seuls un renforcement des efforts dans le cadre des dispositifs de la loi d'orientation et une diversification des interventions peuvent permettre d'agir durablement contre le chômage qui déstructure fortement ces sociétés. En augmentation de 25,5 %, le FEDOM, dont le montant a plus que doublé en cinq ans, est le principal instrument d'intervention, avec des dotations de plus en plus importantes de l'Etat, de l'Europe et des collectivités locales, des formes d'aides multiples.

Ainsi les fonds européens, qui ont doublé par rapport à la période précédente, et les contrats de plan Etat-régions vont renforcer les grandes filières agricoles traditionnelles qui jouent un rôle essentiel dans la vie de ces régions mais qui, en raison des problèmes climatiques, de la concurrence internationale exacerbée et des nouvelles règles de gestion dans le cadre de l'Organisation commune du marché, rencontrent toujours des difficultés pour pérenniser leurs activités.

Malgré la signature d'un accord sur les importations de bananes en Europe entre les Etats-Unis et l'Union européenne, les inquiétudes sont grandes en Guadeloupe et en Martinique. Je souhaite que les intérêts légitimes des producteurs soient pleinement pris en compte. Les producteurs de sucre guadeloupéens souffrent quant à eux de retards de remboursements inacceptables après la sécheresse. Des mesures de soutien seront sans doute à prévoir.

Le développement économique passe également par un renforcement de l'activité touristique qui, depuis les attentats du 11 septembre, s'enfonce progressivement dans la crise et la récession. Ainsi, en Martinique et en Guadeloupe, aux problèmes conjoncturels sont venus s'ajouter des problèmes structurels qui tiennent aux incertitudes dans le transport aérien, notamment avec la situation d'Air Lib. En relation avec le secrétariat d'Etat au tourisme, un plan cohérent de développement doit venir relancer l'activité touristique.

Au moment où l'on débat, à Bruxelles, du régime de l'octroi de mer, je souhaite que le Gouvernement use de tous les moyens de pression dont il dispose pour maintenir ce régime fiscal spécifique à l'outre-mer.

M. Henry Jean-Baptiste - Très bien !

M. François Asensi - J'insiste aussi sur l'urgence d'achever définitivement l'égalité sociale avec la métropole.

Les mesures en faveur du logement sont une autre priorité de votre budget. Même si elles vont dans le bon sens, elles devront être amplifiées, notamment pour résorber définitivement les poches d'habitats insalubres.

Le soutien aux collectivités locales et les actions renforcées en direction de la culture, de l'action sociale et de la coopération régionale sont les deux derniers volets de votre budget.

Depuis quelques années, les économies ultramarines sont touchées de plein fouet par le mouvement d'ouverture des frontières, d'internationalisation des échanges et de démantèlement des protections. Sortant péniblement d'une relation quasi exclusive avec la métropole, ces territoires ont besoin de nouvelles coopérations et, comme M. Moutoussamy, je regrette donc que le Président de la République se soit prononcé contre l'adhésion de nos départements d'Amérique à l'association des Etats de la Caraïbe. Un tel veto est en contradiction avec les objectifs définis dans la loi d'orientation et un réexamen de ce refus s'impose donc.

Le vote des lois sur la Nouvelle-Calédonie, Mayotte et la Polynésie française, démontre que l'Etat est désormais capable d'envisager avec ces territoires des relations d'une autre qualité que par le passé. Le droit à une évolution institutionnelle sur mesure, inscrit dans la loi d'orientation, ouvre en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe un processus devant aboutir à la révision de la Constitution. De même à La Réunion, dont la bidépartementalisation a mon soutien. Les populations locales réclament plus de transparence et de démocratie, ainsi qu'un pouvoir local plus fort et plus proche des réalités. Quel échéancier avez-vous retenu pour les discussions à ce sujet ?

Je mets toujours à profit ce débat budgétaire pour rappeler le rôle important joué par les originaires de l'outre-mer vivant en métropole. Ils occupent en particulier une place essentielle dans nos hôpitaux : n'abusons pas là de leur dévouement aux malades et à l'intérêt général pour leur imposer des conditions de travail à la limite du supportable ! Au travers d'associations et de clubs sportifs, ils réalisent aussi un travail exemplaire pour faire connaître leur culture dans toute sa diversité, témoignant d'une vitalité extraordinaire au service de la relation entre outre-mer et hexagone. Ils sont un pont entre notre histoire et notre avenir commun. Il faut donc continuer, Monsieur le secrétaire d'Etat, à soutenir ce mouvement associatif. J'appuie en particulier le projet d'une cité des outre-mers à Paris, ainsi que celui d'un mémorial de la traite et de l'esclavage. La loi du 10 mai dernier est en effet un appel au devoir de mémoire, rompant avec des siècles d'indifférence à l'égard des crimes commis par les colonisateurs. Je souhaite même, Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous incitiez les autres pays de l'Union européenne à s'engager dans la même voie. Je resterai également attentif aux suites que vous donnerez à la mission d'évolution des conditions de vie de ces originaires d'outre-mer.

Prenant acte de l'attribution de crédits importants pour relever les défis des outre-mers, le groupe communiste votera vos crédits (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Henry Jean-Baptiste - Tout ou presque a été dit sur le caractère quelque peu « virtuel » du projet de loi de finances pour 2002 : en raison des échéances politiques de l'an prochain, il est évident que ce budget ne sera pas exécuté dans les conditions que va déterminer le vote du Parlement ; d'autant que les prévisions de croissance sur lesquelles il repose sont des plus incertaines. Quant à ce budget précis, nul n'ignore les limites de l'exercice. Certes, vous avez raison de souligner qu'entre 1998 et cette année, sa part au sein du budget général est passée de 3,28 à plus de 4 mais, comme l'a rappelé François d'Aubert, il ne regroupe que 10 ou 11 % des crédits consacrés à l'ensemble de l'outre-mer et cette dispersion a souvent posé des problèmes de cohérence et d'unité de vues - que le secrétariat d'Etat a parfois réglés en intégrant dans son budget les crédits destinés au soutien de l'emploi - le FEDOM- ou au logement - la ligne budgétaire unique. C'est cette annexion qui explique la très forte augmentation, depuis 1999, de vos moyens d'intervention ainsi que le fait que vos crédits dépassent pour la première fois les 7 milliards, sur un total de 62 consacré à l'outre-mer.

Mais les chiffres de ce genre ne suffisent pas à caractériser un budget comme bon : il faut aussi et surtout se préoccuper de l'efficacité des actions menées. Dans un proche avenir, cette appréciation sera facilitée par les réformes résultant de la loi organique du 1er août 2001, qui a remplacé la vieille ordonnance de 1959. Ainsi, au traditionnel budget de moyens, regroupant les crédits par nature de dépenses, se substituera une logique d'objectifs et de résultats, susceptibles d'une véritable évaluation. Plus précisément, l'article 7 de cette loi introduit la notion de « missions », regroupant les dépenses et charges relevant de plusieurs ministères, et dans le cadre desquelles seront élaborés des programmes, c'est-à-dire des ensembles cohérents d'actions assortis de l'indication d'objectifs et des résultats attendus... Ces dispositions seront très utiles à l'outre-mer parce qu'elles visent à rendre plus cohérente et plus dynamique la gestion publique tout en responsabilisant les gestionnaires de ces crédits.

La politique budgétaire doit ainsi accompagner les évolutions institutionnelles et favoriser l'évolution vers un développement local plus responsable.

Il va de soi, enfin, que cette budgétisation par objectifs permettra une appréciation équilibrée et sûre des résultats obtenus, en fonction de nos priorités et, s'agissant de Mayotte, des urgences déclarées...

En attendant, il faut répondre à ceux qui s'interrogent - et cela est rarement innocent - sur le coût de l'outre-mer, ou qui, tout simplement, recherchent avec nous les moyens de rendre plus efficace la dépense publique. Ce débat est l'une des rares occasions, non seulement de faire connaître les priorités et les attentes de nos populations, mais aussi d'évoquer nos expériences respectives et de faire apparaître un dynamisme que l'on a trop souvent tendance à sous-estimer.

Nos principaux produits d'exportation sont des productions primaires, agricoles et tropicales qui, notamment en ce qui concerne les DOM, intègrent dans leurs coûts des charges sociales et salariales de pays développés. La contradiction était probablement difficile à éviter, dès lors que le législateur avait reconnu dans les hommes de l'outre-mer français des citoyens de la République. Mais nos systèmes productifs, notamment dans les départements insulaires, sont passés, à peu près sans transition, d'une « société de plantation » à une « société de services », en ajoutant de nouvelles contradictions aux anciennes : disparités criantes entre production et consommation, entre productivité et surrémunérations, entre valeur ajoutée locale et transferts financiers.

Le profond déséquilibre des échanges extérieurs et l'ampleur prise par le chômage sont les conséquences visibles de ces déséquilibres structurels. C'est par le jeu combiné des mesures d'abaissement des coûts de production, des aides à l'emploi, des incitations à la création d'entreprises que l'on tente de surmonter ces contradictions. La loi Pons en 1986, puis la loi Perben en 1994, ont permis une politique volontariste en dépit de certaines dérives... Nous attendons sereinement de connaître les résultats de la loi d'orientation du 13 décembre 2000, dont - sauf erreur de ma part - tous les décrets d'application ne sont pas sortis mais, en tout état de cause, notre préférence ira toujours à une véritable loi-programme, assortie d'aides à la création de véritables emplois plutôt qu'à de grandes mesures relevant d'un traitement social du chômage.

Quoi qu'il en soit, quelques signes encourageants sont apparus dans les statistiques du chômage et des créations d'activités. Surtout, l'outre-mer apparaît de plus en plus comme un pôle d'excellence française dans le domaine des énergies nouvelles et renouvelables - c'est particulièrement vrai de la Guadeloupe. Quant à la petite Mayotte, elle vient d'enregistrer ses premiers succès, avec l'exportation sur le marché métropolitain d'excellents produits d'aquaculture, qui deviendront, à n'en pas douter, l'un de ses atouts commerciaux.

Tout cela ne peut qu'encourager à poursuivre l'effort de la recherche scientifique, d'éducation et de formation professionnelle.

En dépit de ses retards et de ses handicaps, en dépit des avatars politiques et diplomatiques, Mayotte s'est engagée avec détermination sur ce chemin. Je me réjouis donc qu'elle bénéficie l'an prochain de plusieurs dispositions inscrites au titre IV de ce projet : je pense en particulier au fonds de développement de l'article 72-21 et à la dotation de rattrapage et d'équipement des communes de l'article 73-21. Les dotations sont plutôt faibles et inférieures à ce que vous aviez demandé, mais il me semble qu'on s'achemine vers des dépenses plus « lisibles », même si nous n'en sommes pas encore à doter Mayotte d'un chapitre budgétaire propre, comme je le souhaitais l'an dernier.

Mais la difficulté pour nous n'est pas tant dans la prévision que dans l'exécution de la dépense. Les retards pris dans la délégation des crédits aboutissent souvent à désorganiser la programmation des projets et pénalisent nos entreprises, très tributaires de la commande publique.

Monsieur le ministre, lors de votre récente visite à Mayotte, tous les élus ont insisté sur la nécessité d'un rattrapage plus dynamique et d'une mise niveau plus résolue. La priorité que donne la population à l'éducation et à la formation vous a aussi été rappelée. A cet égard, les Mahorais se rappelle que le crédit de 500 millions initialement prévu pour la construction d'établissements scolaires devait être complété par une dotation supplémentaire de 681 millions, les 1,18 milliard atteints devant être dépensés selon un échéancier tenant compte des capacités foncières et techniques de Mayotte. Las, j'ai pu vérifier moi-même que les délégations de crédits n'étaient pas conformes aux prévisions. Il est patent que vos propositions de rattrapage n'ont pas résisté aux arbitrages de la direction du budget et vous avez pu constater sur place que l'impatience montait !

Quant aux fameuses ordonnances sociales, annoncées pour le début de cette année, vous avez bien voulu admettre que vous compreniez l'impatience des Mahorais, et même qu'à leur place vous seriez plus impatient encore ! Dont acte, mais le propos est un peu court après tant de promesses et de titres racoleurs dans la presse d'avant le 2 juillet 2000. Vous nous indiquez à présent que ces ordonnances seront signées avant la fin de la législature et peut-être même, avant la fin de l'année !

M. Christian Paul, secrétaire d'Etat à l'outre-mer - Je m'y suis engagé !

M. Henry Jean-Baptiste - J'en accepte l'augure, mais je regrette que nous n'ayons décidément pas la même conception de l'urgence sociale et des situations humaines qu'elle recouvre !

En définitive, vous n'avez pas les moyens de la politique que vous affichez pour Mayotte et ceux dont vous disposez en réalité restent très en deçà des promesses auxquelles certains ont fait mine de croire lors de la consultation du 2 juillet 2000.

Votre bonne volonté n'est pas en cause ; ainsi votre visite dans une mosquée de Mayotte avait, en ces temps troublés, valeur d'hommage à l'islam mahorais, traditionnellement ouvert aux valeurs républicaines et empreint de tolérance...

Mais pour financer le développement de Mayotte, c'est Bercy qu'il faut savoir convaincre ! Et la formule d'un journal local au lendemain de votre visite officielle traduisait très exactement le sentiment général : « De ce quatrième voyage à Mayotte, l'on ne retiendra hélas qu'une nouvelle litanie de promesses... Or les Mahorais n'ont plus besoin de promesses : ils veulent du concret ».

Ainsi, les jeunes Mahorais souhaitent avoir les moyens de créer de la valeur ajoutée locale. Ils ne veulent pas installer Mayotte dans un « assistanat » sans gloire. A cette fin, il faut _uvrer pour développer le tourisme ; c'est pourquoi nous plaidons pour l'abaissement des tarifs aériens par l'ouverture du ciel mahorais et par l'adaptation de notre aéroport aux gros porteurs.

De même, il est urgent de traiter au fond le dossier des fonds européens, auxquels notre collectivité départementale, pénalisée par de véritables handicaps structurels, doit pouvoir prétendre.

Les évolutions institutionnelles en cours dans l'outre-mer français devraient faciliter ce reclassement, indispensable pour notre avenir. Du reste, peut-on être plus « ultra-périphérique » que la collectivité départementale de Mayotte ?

Mme la Présidente - Il faut conclure !

M. Henry Jean-Baptiste - L'absence de perspective statutaire prive Mayotte des leviers nécessaires pour obtenir une politique - et des moyens pour la financer - durable et cohérente. Il est donc urgent d'en créer une ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Mme Huguette Bello - En cette année 2002 qui sera marquée par plusieurs échéances, dont certains sont propres à l'outre-mer, souvenons-nous qu'examiner un budget, c'est faire des propositions pour demain.

L'année 2002 sera d'abord celle de l'alignement du revenu minimum d'insertion et pour avoir constamment porté cette revendication, je tiens à saluer cette étape importante. Au fil du temps, le RMI est devenu la mesure symbolique de l'égalité sociale : celle-ci s'inscrit désormais dans les faits et nous serons vigilants pour empêcher toute tentative de retour en arrière.

Autre mesure symbolique, le passage à la monnaie unique. L'euro inscrira dans le quotidien la dimension européenne des départements d'outre-mer. Des actions adéquates sont menées pour familiariser des populations, déjà marquées par la suppression du franc CFA, au maniement de la nouvelle monnaie.

L'année 2002 verra aussi plusieurs innovations dans le domaine économique et social. Ce budget tend en effet à financer les principales dispositions de la loi d'orientation pour l'outre-mer. Certaines ont commencé à être appliquées dès cette année, mais ce n'est qu'en 2002 que l'ensemble du texte entrera en vigueur. Nombre de mesures viendront enrichir les dispositifs existants. L'enjeu sera de les appliquer en faisant preuve tout à la fois de rigueur, d'imagination, de rapidité de réaction. Leur efficacité passe aussi par une évolution de notre conception de l'économie solidaire. Apparu dans une économie où le plein emploi constitue une perspective admise, le concept d'économie solidaire prend une tout autre dimension dans une société en chômage massif et durable. Dans ce dernier cas, en particulier à la Réunion, l'économie solidaire fait partie intégrante du développement.

Au mois de novembre 2002 arriveront aussi à échéance les premiers contrats emplois-jeunes. Depuis sa création en 1997, ce dispositif a sensiblement réduit le nombre de chômeurs réunionnais de moins de 25 ans puisqu'il a concerné plus de 7 000 jeunes. Le Gouvernement considère à juste titre qu'aucun jeune ne doit sortir du programme sans être assuré d'une perspective professionnelle. Il est en outre prévu de proroger, de façon dégressive, l'aide de l'Etat pour les activités pas encore autofinancées : cependant, appliquer à la Réunion les critères nationaux reviendrait à faire disparaître les emplois correspondants dans la mesure où peu d'activités peuvent s'autofinancer. Il est donc indispensable de se pencher dès à présent sur les modalités du maintien à son niveau actuel de l'aide financière attribuée par l'Etat.

S'agissant encore des emplois-jeunes, pourriez-vous, Monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur la troisième voie que le ministre de l'éducation nationale vient d'ouvrir à l'intention des aides-éducateurs lors des prochains concours de recrutement d'enseignants et nous confirmer qu'un quota de 800 postes leur sera bien réservé dans le secondaire ?

Après une inévitable période de rodage, l'année 2002 verra aussi la montée en puissance du nouveau dispositif de défiscalisation. Ce soutien à l'investissement privé coexistera avec les exonérations des charges sociales, grâce auxquelles le coût du travail diminuera. Par leur ampleur et leur concomitance, ces deux mesures doivent contribuer à compenser les handicaps relatifs des DOM. Le pari de développer des activités économiques créatrices d'emploi est à nouveau lancé : souhaitons qu'il soit tenu !

A cet égard, il faut souligner l'importance des négociations avec les instances communautaires concernant l'octroi de mer, dont le régime actuel expire à la fin de l'année 2002. C'est peu dire que la reconduction par Bruxelles de cette disposition est attendue !

L'ampleur et la durée du chômage nous obligent à ne négliger aucune piste, notamment pas celle des recrutements dans les trois fonctions publiques, d'autant qu'il est admis que ces recrutements seront massifs dans les prochaines années. Dès lors, ne pourrait-on d'ores et déjà créer dans l'île les conditions pour que les jeunes Réunionnais, s'ils le souhaitent, puissent se préparer dans de bonnes conditions à ces concours, en créant un centre de formation aux concours administratifs et en se montrant plus attentif à l'égalité d'accès des candidats aux différents concours. Dernier dysfonctionnement en date : La Poste organise en décembre prochain un concours national pour recruter 1 400 facteurs et guichetiers et, une fois de plus, aucun centre d'épreuve n'est prévu à la Réunion !

L'année 2002 sera aussi celle des innovations culturelles et l'une d'elles me tient particulièrement à c_ur. Revendiquée depuis des décennies et inscrite dans la loi d'orientation, la reconnaissance des créoles comme langues régionales doit se traduire par la création d'un CAPES spécifique dès l'année prochaine. Cependant, contre toute logique, il semble que l'on s'oriente vers la création d'un CAPES de créole unique faisant fi de la diversité de ces langues ! N'oublions pas que d'une seule et même langue peuvent naître bien des langues. Voyez ce qu'il en est du latin. Revenons donc à l'idée initiale d'un CAPES de créoles, au pluriel.

Il serait en effet paradoxal qu'au moment où l'outre-mer est placé de plus en plus sous le signe de la diversité, le marqueur le plus important de cette dernière, la langue, sombre dans l'uniformisation (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV et du groupe socialiste).

M. Dominique Bussereau - L'outre-mer tient au sein de la nation une place particulière, et contribue puissamment au rayonnement de la France dans le monde.

Sans doute votre budget augmente-t-il. Combien nous nous réjouirions si cette augmentation traduisait une réalité.

Mais les crédits pour l'outre-mer relèvent de trois ministères et seulement 10 % des 45 milliards mobilisés transitent par le vôtre.

Si vos crédits s'accroissent, les résultats ne suivent pas. Le chômage touche 31 % de la population active à la Réunion, 25 % en Guadeloupe et Martinique, 19 % en Guyane. Or vous persistez dans le traitement social du chômage, au détriment d'une action structurelle. Tandis que l'économie locale officielle demeure sous perfusion, l'économie souterraine se développe. Le Président de la République l'a dit à la Réunion en mai dernier, il faut passer d'une logique d'indemnisation à une véritable logique d'activité.

Ce n'est malheureusement pas le cas. Les DOM-TOM souffrent d'une dépendance croissante vis-à-vis des dotations de l'Etat.

La perception du RMI est en constante progression, au prix d'une fraude massive.

L'Etat manque gravement à l'accomplissement de ses missions régaliennes. La justice est impuissante, face en particulier au développement du trafic de drogue. En deux ans, les volumes de cocaïne saisis ont augmenté de 30 %.

La criminalité organisée progresse de 33 % d'une année sur l'autre. A la Réunion, entre 1983 et 1997, les crimes et délits ont augmenté de près de 60 %. L'immigration demeure également incontrôlée dans les DOM. A Saint-Martin, 8 000 des 36 000 habitants sont étrangers en situation irrégulière.

Pour ces raisons graves, le groupe DL ne votera pas votre budget.

Votre vision de l'outre-mer nous paraît trop hexagonale. Le Président de la République a déclaré à juste raison, l'an dernier en Martinique : « Les statuts uniformes ont vécu, et chaque collectivité d'outre-mer doit pouvoir, si elle le souhaite, évoluer vers un statut différencié et en quelque sorte sur mesure. »

Vos avancées sur ce point nous semblent insuffisantes. La rédaction du titre XII de la Constitution relatif aux collectivités territoriales doit être revue.

Le Congrès, me répondrez-vous classiquement, n'a pas été réuni. Cette réponse ne suffit pas, comme vient de le montrer M. Jean-Baptiste à propos de Mayotte. Votre loi d'orientation n'offre pas une donnée suffisante pour rétablir la confiance. Nous souhaitons, comme le Président de la République, que le Parlement aille plus loin.

Nous nous inquiétons pour Wallis-et-Futuna, qui nous paraît laissé-pour-compte du développement de la Nouvelle-Calédonie.

Alors que le ministre de l'intérieur s'amuse à annoncer le rapprochement de détenus réputés politiques, je rappelle la promesse de Mme Guigou de fermer la prison Juliette-Dodu à Saint-Denis-de-la-Réunion. Il n'en est toujours rien aujourd'hui.

L'état du transport aérien nous inquiète également. La crise actuelle est d'une exceptionnelle gravité. Les tarifs pour l'outre-mer vont en subir les conséquences. En fait, on reconstitue en quelque sorte l'Aeroflot. Je ne crois pas non plus à la pérennité d'Air Liberté, fruit d'une promesse électorale de M. Gayssot. J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point. Tout en étant sensible à vos efforts, le groupe DL ne votera pas votre budget (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR).

M. Michel Tamaya - Je revendique une politique de fierté pour l'outre-mer, avez-vous coutume de déclarer. Votre politique se nourrit de quelques principes simples : l'intégration de l'outre-mer dans l'espace européen ; le respect de l'égalité des droits ; une évolution institutionnelle différenciée des DOM, passant du prêt-à-porter au sur mesure, comme l'a confirmé le Président de la République le 26 octobre devant les élus guyanais, et en opposition avec certains élus de droite qui sont allés prêcher le contraire aux Antilles. C'est pour les Antilles et la Guyane la possibilité de faire des propositions de modification statutaire, c'est pour les Réunionnais celle d'être consultés sur tout projet de réforme administrative ou institutionnelle, car ils souhaitent rester maîtres de leur destin. Là est aussi, Monsieur le ministre, la politique de la fierté pour l'outre-mer.

Voilà quelques semaines, au Sénat, vous avez tourné la page des réformes institutionnelles pour la Réunion, qui pourra ainsi consacrer toute son énergie à développer l'économie, l'emploi, le logement et la formation.

Ce PLF, pour être le dernier de la législature, n'est pas le moins ambitieux. Durant ces quatre années écoulées, la solidarité nationale n'a pas manqué. La loi Paul de défiscalisation, qui a remplacé la loi Pons, fait l'unanimité du monde économique. La mise en _uvre de la LOOM, au c_ur de laquelle se trouve la lutte contre le chômage, commence à produire ses effets, en particulier à la Réunion. Pourtant la population de notre département est passée de 597 000 habitants en 1990 à 706 000 en 1999, et son solde migratoire de 500 à 2 500 par an.

L'effort de l'Etat, passé de 45,3 milliards en 1997 à 61 milliards en 2002, se trouve renforcé par les fonds structurels européens, qui atteindront 22 milliards pour la période 2000-2006. Le budget du secrétariat d'Etat est passé de 4,8 milliards en 1997 à 7,08 milliards en 2001, soit une hausse de 27 % à périmètre constant, tandis que la part des crédits de l'outre-mer dans le budget de l'Etat augmentait de 2,9 % à 3,6 %.

Dans tous ces chiffres, la priorité demeure l'emploi, auxquels 3,3 milliards de votre budget sont consacrés. Cette priorité, vous l'avez réaffirmée tout récemment lors de votre séjour marathon à La Réunion et à Mayotte.

Les moyens du FEDOM augmentent de 25 %, finançant ainsi, outre les mesures classiques, 10 000 PIJ supplémentaires, 3 000 congés solidarité, 2 200 primes à la création d'emplois et 10 000 ARA.

A cela s'ajoutent d'autres mesures, telles les exonérations de cotisations sociales, pour 3,5 milliards de francs.

Après l'emploi, le logement constitue une autre grande priorité. Comment pourrait-il en être autrement, connaissant les besoins non satisfaits malgré l'effort accompli par l'Etat ces dernières années ? Les crédits de paiement s'élèvent à 1,056 milliard, ce qui permettra de financer près de 20 000 logements.

Tous ces moyens financiers convergent en faveur de l'emploi, comme en témoigne la baisse du chômage depuis 1999 : nous sommes certes loin du résultat enregistré en métropole, mais le taux est passé de 37,2 % fin 1997 à 29,8 % en juillet 2001, dernière statistique connue. Cette amélioration demeure néanmoins fragile, mais je sais le Gouvernement attentif au « trou d'air » de ces derniers mois : il a d'ailleurs assigné des objectifs ambitieux aux préfets et aux directeurs locaux des services publics de l'emploi. Je souhaite, pour ma part, que soient rapidement installées les commissions, nationales et départementales, de suivi de la loi d'orientation, et qu'aboutisse sans tarder l'une des dispositions-phares de celle-ci : le congé-solidarité. Si la convention-cadre est signée par l'ensemble des partenaires, 5 000 à 6 000 emplois seront créés à terme, soit un chiffre sans précédent ! J'en appelle à la responsabilité de chacun des partenaires, pour qu'ils ne manquent pas ce rendez-vous de la solidarité inter-générationnelle !

Face au chômage, encore massif chez nous malgré les progrès de ces dernières années, il faut des mesures exceptionnelles, le temps que la loi d'orientation produise ses pleins effets, il nous faut un véritable contrat pluriannuel de l'économie solidaire et alternative : un FEDOM aux moyens sensiblement accrus, une élévation rapide et massive du niveau de qualification - donc de mobilité professionnelle - de nos jeunes, la création d'un IRA qui ouvrirait aux jeunes Réunionnais l'accès aux responsabilités dans l'administration de l'Etat et des collectivités territoriales. Avec 762 millions de chiffre d'affaires pour le loto et 750 millions pour le PMU, la Réunion est, après la Côte d'Azur, le plus gros parieur de France (Sourires) ; un prélèvement sur les enjeux, ou sur les gains, ne pourrait-il être affecté à son développement ? C'est une idée que je me permets de soumettre au Gouvernement.

Avec l'alignement du RMI, l'égalité sociale sera presque achevée, grâce au gouvernement de Lionel Jospin, qui aura ainsi respecté ses engagements vis-à-vis de l'outre-mer. Je conclurai en disant à nouveau ma fierté de parlementaire socialiste, soutien de la politique menée à travers les budgets successifs de cette législature, et en annonçant mon vote favorable, naturellement, à celui sur lequel elle s'achève (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe RCV).

M. André Thien Ah Koon - Pour nous, Réunionnais, certains chiffres sont, hélas, en constante augmentation : je veux parler de ceux du chômage, du RMI, de l'emploi précaire, de la délinquance juvénile, de la criminalité, de l'insécurité en général. Notre département passera-t-il d'ici à trente ans, comme le prévoient d'aucuns, de 4 à 7 crimes pour 1 000 habitants ? Il dépend de nous, mais surtout des pouvoirs publics, que cette île paradisiaque ne devienne pas un enfer tropical ! Dans la situation catastrophique où nous nous trouvons, il faut aux Réunionnais un projet politique global, un vrai plan Marshall. Or, où en est la nomination d'un préfet chargé du développement économique ?

Le premier défi à relever est celui des perspectives offertes à notre jeunesse. Le programme universitaire pour 2001-2006 y répond en partie, grâce à l'inscription de 190 millions pour l'antenne Sud, mais la formation universitaire classique ne suffit pas, si elle n'est pas complétée par des cursus pour ingénieurs et gestionnaires, faute desquels il ne faut pas s'étonner de l'absence de cadres locaux. Alors que nous comptons 40 % de chômeurs, nos infirmières viennent non pas de métropole, mais de Belgique ! Alors que la Martinique et la Guadeloupe disposent d'un CHU, la Réunion, pourtant plus peuplée, et où la prévalence de certaines maladies comme le diabète est cinq à sept fois plus élevée qu'en métropole, n'a toujours pas le sien, l'administration faisant la sourde oreille à nos demandes. J'aimerais connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Ce dernier doit aussi nous aider à sortir du piège des emplois précaires que sont les CES, CEC et autres CEJ. Les jeunes nous observent et s'interrogent avec inquiétude sur notre façon de gérer leur avenir. Le rôle important que la France entend jouer dans l'Océan indien grâce à la coopération régionale suppose un changement de mentalité, se traduisant notamment par l'instauration d'un statut d'île franche, tournée vers l'exportation, à l'instar de nos proches voisins, l'île Maurice ou Madagascar. Je sais que l'administration s'y opposera, mais vaincre sa frilosité est la mission même du politique.

L'éloignement, l'isolement, l'insularité posent une fois de plus la question des monopoles. La reconstitution d'une économie de comptoir de type colonial n'est pas acceptable. Les monopoles contrôlent déjà, avec la complicité des autorités locales ou nationales, de trop nombreux secteurs de notre économie, de l'alimentation au bâtiment en passant par l'énergie et les transports. Ainsi, le prix des billets d'avion entre la Réunion et la métropole est deux à trois fois plus élevé, à distance égale, que celui d'autres liaisons internationales ; entre la Réunion et Maurice, il est de 900 F au départ de Maurice et de 1 400 F au départ de la Réunion ! Ces tarifs abusifs et discriminatoires que pratique Air France sacrifient, qui plus est, notre compagnie régionale, Air Austral, au profit des compagnies étrangères. Les Réunionnais finissent par se demander si le Gouvernement ne serait pas du côté des gros contre les petits !

Je terminerai mon propos en évoquant la régulation sociale. L'accès au logement est un facteur d'insertion, de stabilité et de responsabilité, l'accès à la propriété est une juste espérance pour les pauvres et doit remplacer, progressivement, la location. C'est pourquoi il est urgent de créer un établissement public foncier à la Réunion. En second lieu, la moitié de nos quelque 100 000 chômeurs ont moins de 25 ans, et n'ont aucune ressource, pas même le RMI ; l'hypothèse d'un RMI-jeunes, versé en contrepartie d'un travail d'intérêt public, doit être étudiée.

Une vision économique et sociale globale s'impose pour l'outre-mer, qui représente, dans le seul Océan indien, 2,8 millions de kilomètres carrés d'espaces maritimes, soit plus de cinq fois la France. On ne peut garder la mer et les poissons et laisser de côté les hommes, les femmes et les enfants ! (Rires) Les politiques passées doivent faire place à une politique de la responsabilité et du respect pour tous ceux qui se battent pour faire réussir la Réunion et la France dans l'Océan indien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Léon Bertrand - Bouleversant l'ordre classique du discours, je commencerai par les questions, en formant le v_u, pour la clarté du débat, que les réponses du Gouvernement soient appropriées, car elles sont indissociables de l'acte politique que constitue le vote du budget.

S'agissant du transport aérien, le retour du monopole d'Air France sur la ligne Cayenne-Paris, après la liquidation d'AOM-Air Liberté, a rouvert la boîte de Pandore, laissant libre cours à toutes les revendications et à tous les moyens de pression possibles.

Sur le territoire guyanais, il n'y a pas de trains, pas de routes pour certaines communes ni, parfois, de possibilité de déplacement fluvial. C'est le cas de la commune de Saul qui, pour cette raison, n'a pu élire son maire que ce week-end.

Quel sens le Gouvernement donne-t-il à l'idée de continuité territoriale et au service public qu'est le transport aérien ?

Aujourd'hui, la région supporte la plus grande part des charges par le biais du FIR, appauvrissant par là même des communes déjà endettées.

Ne serait-il pas temps que l'Etat, pour un département grand comme le Portugal, s'implique dans une vraie politique du transport des biens et des personnes ?

Pour ce qui est de l'insécurité, le Gouvernement a eu la révélation récente que la fermeté et la présence de nombreuses forces de l'ordre sur le terrain sont seules payantes pour remédier à la délinquance. En Guyane, où prospère le grand banditisme, les limites du dispositif sont atteintes, sinon même dépassées.

Au mieux, on déshabille Pierre pour habiller Paul - en fonction des statistiques de la délinquance en tel ou tel point.

Pour la population, cette politique du coup par coup s'apparente trop à du bricolage malgré tous les efforts et le dévouement déployés sur le terrain. Le dispositif est inadapté aux réalités du département, qui ne peut plus faire face à une immigration clandestine massive ni apaiser les angoisses d'une jeunesse sans perspective d'avenir, de plus en plus tentée de trouver dans la délinquance un exutoire ou des ressources pour sa survie quotidienne. A-t-on pris la mesure du problème ? Que veut la France pour la Guyane ?

Quant au domaine spatial, la mondialisation le confronte à des défis cruciaux. Si son activité venait à stagner ou à se réduire, les répercussions en seraient durement ressenties par de nombreux secteur.

Depuis 1988, je n'ai cessé de plaider en faveur d'une diversification de nos ressources économiques. Pour y parvenir, il était fondamental que les gouvernements soutiennent les projets viables qui lui étaient présentés. Cela n'a pas été le cas et le dossier sucrier a ainsi été rejeté, nourrissant chez les Guyanais le sentiment amer et confus d'avoir été trahis au bénéfice d'intérêts extérieurs.

Pour pallier la déception, vous leur suggérez un projet de développement agricole durable. N'est-il pas curieux qu'il ait fallu le rejet d'un grand projet pour faire jaillir l'idée d'un autre ?

Pourquoi ne pas mener les deux projets en complémentarité ? Pourquoi ne pas organiser une concertation entre le promoteur guyanais, les betteraviers métropolitains et les sucriers des Antilles et de la Réunion ? Les ambiguïtés seraient levées, les ranc_urs effacées et des portes peut-être ouvertes à une nouvelle synergie. Quoi qu'il en soit, nous nous sommes mis au travail afin de vous faire des propositions.

Mais jusqu'où le Gouvernement a-t-il l'intention de s'engager financièrement ? Où en sont vos négociations avec vos collègues, avec l'Europe, quant à l'éligibilité des aides publiques de la majorité des agriculteurs guyanais ?

J'en viens au projet de loi de finances.

Certes, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement augmentent de 3,8 % et les autorisations de programme de 29 %.

Mais, s'il témoigne d'un effort pour maintenir la progression de l'aide au logement, en dépit de la disparition de la créance de proratisation, il est fondé sur un optimisme que démentent la conjoncture économique internationale et les usages bloquants qui suscitent de vives inquiétudes.

Pouvez-vous garantir que le Gouvernement tiendra vos engagements et débloquera les crédits de paiement correspondants avant les élections de 2002 ?

Rappelons que les spécialistes de l'économie tablent sur une croissance ramenée à 1,5 point - soit presque de la moitié inférieure aux prévisions de Bercy - et que le résultat des élections à venir pèsera sur vos engagements budgétaires.

Ces interrogations m'obligent à tempérer votre satisfaction. Compte tenu de ces incertitudes, aucun gestionnaire de collectivité ne lancerait un programme d'envergure.

J'en viens aux usages bloquants et je donnerai l'exemple des pratiques qui contrarient, en Guyane, la mobilisation des aides au logement : la programmation de la LBU 2000 a été notifiée le 12 juillet 2000 ; juste avant les vacances et neuf mois après le vote de la loi de finances ; en janvier 2001, tous les dossiers déposés au quatrième trimestre 2000 sont rejetés, le nouveau TPG n'acceptant plus les dérogations qui prévalaient jusque là pour le financement du foncier ; courant février : je rencontre vos services pour débloquer la situation ; le 28 août intervient la notification de la LBU 2001. Les fonds perdus en 2000 sont alors reprogrammés pour 2001 et les opérateurs sont invités à représenter leurs dossiers.

A ce jour, tous les arrêtés correspondants ne sont pas encore pris, et nous avons perdu une année, une année de fonds annulés, reportés, reprogrammés ! Nul ne s'étonne du doute ainsi jeté sur la sincérité des crédits affichés.

A quand le décret d'application, prévu dans la loi d'orientation, instituant le FRAFU en Guyane ?

Et que reste-t-il de votre annonce sur la baisse du chômage, si l'on soustrait les astuces et les petits boulots camouflés sous des sigles emphatiques ?

En Guyane, les faits sont loin d'être aussi probants. Quant aux Antilles, l'actualité internationale grève lourdement leur développement touristique, pilier de leur économie. La récession dramatique qui s'annonce touchera toutes les couches de la société domienne.

Depuis plusieurs années, la commande publique bafouille, et si aux Antilles, les mouvements sociaux semblent stabilisés, le climat social reste très tendu en Guyane. Nonobstant ce que je viens de dire, on pourrait vous féliciter pour l'effort consenti, mais on ne peut que regretter que cet effort particulier apparaisse moins comme une prise de conscience tardive que comme un budget opportuniste à visée électoraliste.

« Mieux vaut tard que jamais », dit-on, mais le citoyen se demande si on n'a pas soutenu nos économies, comme la corde soutient le pendu, pour, en dernière minute, desserrer le n_ud.

Je ne veux croire qu'il s'agit là d'une man_uvre tactique mais l'ambiguïté demeure et cette éventuelle amphibologie m'interdit d'engager les Guyanais sur ce chemin (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Ernest Moutoussamy - Cette onzième législature aura été, depuis le changement historique de 1981, l'une des plus exceptionnelles pour l'outre-mer, qu'il s'agisse de la revalorisation de la solidarité nationale, de la loi reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité, de la loi d'orientation avec ses mesures en faveur de l'égalité et de la consolidation du pacte républicain, de la baisse de 5 points du taux de chômage ou de la création de 1 012 emplois à ce jour en Guadeloupe au titre des 35 heures. Elle aura aussi été exceptionnelle en matière institutionnelle, puisque pour la première fois dans l'histoire de nos rapports avec la République, un texte législatif nous reconnaît le droit au changement de statut. C'est toute la force et l'originalité de la gauche plurielle que d'avoir su poser ainsi de façon progressiste l'équation de notre appartenance à la République. Même les plus hésitants ont mesuré la portée de la LOOM, dont il convient, avec intelligence, efficacité et lucidité, de tirer le maximum de bénéfice.

Notre discussion budgétaire se déroule dans un contexte de dégradation des relations sociales et humaines, de bouleversements liés à la délinquance et à l'insécurité, tandis que le climat international est empoisonné par la montée de la violence, du terrorisme et de la vengeance. Quand des hommes tuent au nom de Dieu, et que l'Homme est menacé, chacun doit s'interroger. En tout cas, les habitants de l'outre-mer de la République française, qui appartiennent à toutes les zones géographiques du Sud de la planète, se doivent de rappeler modestement à l'Occident qu'il ne pourra jamais bâtir l'avenir sur sa seule « vérité », sur le mépris de l'autre ou contre l'autre car si tel était le cas, le pire serait à redouter.

Dans cette ambiance chaotique, on ne peut oublier que l'on a, de part et d'autre de l'Atlantique, exterminé 25 millions d'Amérindiens sur leurs terres natales, arraché à l'Afrique et réduit en esclavage 30 à 50 millions d'hommes pour valoriser les terres. Le colonialisme et l'impérialisme ont fait régner exploitation, souffrances et injustices, avec la plus grande cruauté sur trop de peuples. Il se trouvera donc toujours des hommes pour refuser la domination injuste et arrogante de l'argent, et l'histoire telle qu'écrite par l'Occident.

Parce que les règles actuelles auxquelles obéit le monde ne sont ni légitimes, ni équitables, ni humaines, au Moyen-Orient ou ailleurs, sans cesse, nous devons lutter contre tous les murs de la honte, contre tous les intégrismes, tous les fanatismes et contre l'asservissement que représentent l'ultralibéralisme et la géopolitique des nationalismes et de l'argent sale.

Cette conjoncture difficile ne nous empêche pas d'apprécier le présent projet de budget. En nette augmentation, il atteint pour la première fois 7 milliards de francs, - sept, le plus mystérieux des chiffres, celui que Dieu a imprimé partout dans l'univers, n'est-ce pas un bon présage ? Comme les sept couleurs de l'arc-en-ciel, puisse-t-il nous permettre de tendre vers une construction plus solidaire et harmonieuse de notre société.

La loi de finances comporte à cet égard des signes d'espoir. Les crédits prévus traduisent une claire volonté du Gouvernement de mettre en _uvre le nouveau pacte républicain inscrit dans la loi d'orientation pour l'outre-mer. Je pense aux 110 millions d'euros prévus pour l'emploi ou aux 2 milliards de francs dévolus au logement...

Je note en outre avec satisfaction l'exonération de la taxe foncière bâtie pour les personnes âgées aux revenus modestes, un abattement de cette même taxe pour les bénéficiaires du RMI, et une progression de 8,4 % du concours de l'Etat aux collectivités locales, des prêts à taux privilégiés de la CDC pour financer la construction et la rénovation des écoles.

J'insisterai sur trois mesures nouvelles de cette loi de finances, et en premier lieu sur le prix unique du livre. Pour acheter les livres de nos lycéens, les parents dépensent en moyenne 1 500 F par enfant. L'abaissement prévu, qui entraîne une économie de près de 30 %, compensée pour les libraires par le ministère de la culture, est un beau geste de solidarité envers nos jeunes et envers la culture. J'appuie la revendication des lycéens d'obtenir de la région Guadeloupe, un geste identique à celui de l'Etat afin d'obtenir une prise en charge totale des livres, comme le font déjà certaines régions de métropole.

La deuxième mesure porte sur le logement en accession différée. Un grand merci, Monsieur le ministre, pour ces milliers de compatriotes, qui deviendront propriétaires de leur logement en capitalisant leur loyer en apport personnel. Je suis convaincu que cette grande avancée s'accompagnera d'une amélioration de la qualité de vie et de l'environnement de nos quartiers.

Quant à la prime pour l'emploi, elle permet actuellement à 31 496 foyers guadeloupéens de bénéficier d'un montant moyen de 1 148 F. C'est une preuve originale de la volonté du Gouvernement de lutter contre les inégalités sociales et de redistribuer les fruits de la croissance à ceux qui en ont le plus besoin. Pour la première fois, des personnes non imposables ont reçu un chèque de solidarité de l'administration fiscale. Le Gouvernement a prévu de doubler cette prime très rapidement. Avez-vous des précisions à ce propos ?

Si les exploitants agricoles de la Guadeloupe se félicitent de l'exonération des cotisations AMEXA, ils attendent les indemnisations prévues après la sécheresse et ils demeurent inquiets pour la prochaine récolte sucrière. Comment pouvez-vous les rassurer ?

Par ailleurs, l'insécurité, la délinquance, le sentiment d'impunité menacent dangereusement la société guadeloupéenne et la commune de Saint-François. Quels moyens supplémentaires entendez-vous dégager pour garantir la sécurité des personnes et des biens ainsi qu'une bonne saison touristique ? Envisagez-vous un effectif supplémentaire de gendarmes à Saint-François. La construction de la caserne de gendarmerie va-t-elle enfin commencer ?

Le tourisme occupe une place prépondérante dans l'économie de la Guadeloupe. Aujourd'hui, les professionnels sont inquiets en raison de la conjoncture internationale, de l'épineux problème des transports, de l'accueil, de la fragilité du produit. Quelles initiatives pouvez-vous prendre pour les rassurer et pour donner à cette activité un cadre qui lui garantisse une place durable dans l'économie de la Guadeloupe ?

Pouvez-vous faire le point sur l'application de l'article 15 de la loi d'orientation, relatif au congé de solidarité ? Sur l'effort public en faveur des PME ? Sur la pérennisation des emplois-jeunes ?

Le Gouvernement a montré sa volonté d'appliquer, pour ce qui le concerne, la LOOM. Il s'est heurté à l'opposition du Président de la République sur le problème de l'adhésion de nos DFA, en qualité de membres associés, à l'association des Etats de la Caraïbe. Après les déclarations fracassantes de Jacques Chirac aux Antilles, après qu'il eut promulgué la loi d'orientation, nous ne pouvons pas admettre son opposition à ce qu'elle soit appliquée. D'autant que son refus, son veto et son argumentation, en totale contradiction avec ses discours antérieurs, font peser les plus grandes incertitudes sur le statut de ces départements. Le Gouvernement entend-il prendre des initiatives en faveur de cette importante revendication soutenue, notamment, par les présidents de région de Guyane et de Martinique ?

Dans le combat pour l'évolution du statut, les masques tombent. Déjà, la saisine du Conseil constitutionnel par la droite, s'attaquant aux articles premier, 42, 43 et 62 de la loi d'orientation, montrait sa démagogie et son double langage. Pendant qu'à Paris, elle exhortait le Conseil à censurer la « capacité des assemblées locales de proposer des évolutions statutaires », en Guadeloupe, elle s'agitait autour d'une certaine déclaration pour faire croire qu'elle voulait une assemblée autonome... Cette gesticulation, soigneusement entretenue par la présidente de région dans un style national populiste, a une finalité électoraliste évidente, car ses amis et elle-même ont clairement signifié, par la saisine du Conseil constitutionnel, leur opposition à l'éventuelle création d'entités territoriales, qui impliquerait une révision de la Constitution. Puisque la messe est déjà dite sur la droite de l'Assemblée nationale, il appartient à la gauche plurielle, aux forces de progrès, pour éviter l'enterrement de ce dossier, de s'investir avec la population dans la loi d'orientation. C'est la seule voie pour que la Guadeloupe obtienne un statut moderne et progressiste dans la République, dans l'Europe et dans la Caraïbe, garantissant ainsi les avantages acquis, une pleine responsabilité et une meilleure prise en compte de l'identité et des spécificités locales (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et du groupe socialiste).

M. Gérard Grignon - Je mettrai cette intervention à profit pour vous interroger, Monsieur le ministre, sur votre détermination à faire aboutir des dossiers fondamentaux pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le premier est celui de l'exploitation des hydrocarbures. L'extraordinaire chance de l'archipel est d'être situé en plein c_ur d'énormes réserves de gaz et de pétrole, dont le potentiel est estimé à plus de 50 % de la totalité des réserves de l'Europe. Le Canada l'a compris, depuis le début des années 1970, d'où son acharnement à réduire, voire à éliminer, les intérêts de la France dans cette partie du monde. Dans les conflits franco-canadiens de ces vingt dernières années, il ne se battait pas pour la morue mais pour le gaz et le pétrole. Saint-Pierre-et-Miquelon, enclave étrangère dans sa zone économique, lui pose un problème majeur.

Pour l'archipel, la gestion de ce dossier est essentielle en raison de ses retombées économiques et budgétaires.

L'amendement que j'ai fait adopter par notre assemblée lors de l'examen de la loi de finances 1999 afin d'instituer une redevance sur les exploitations d'hydrocarbures offshore dans la zone économique exclusive française autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, au bénéfice de l'archipel, fait de ce dernier un cas unique au sein de la République française. A part Saint-Pierre-et-Miquelon, la France est en effet le seul Etat du monde où cette redevance n'existe pas.

Or une seule plate-forme pétrolière comme celle, canadienne, d'Hibernia peut rapporter 250 millions chaque année avec un taux minimum appliqué au quart de sa production.

On comprend ainsi l'intérêt porté par le Canada à ce dossier et à la délimitation des frontières maritimes. Vous comprendrez aussi l'importance que j'y attache moi-même et je ne souhaite pas que cette affaire soit traitée avec la même légèreté que celle de nos droits de pêche et que celle de la délimitation des frontières maritimes. Je souhaite donc savoir où en est la rédaction du cahier des charges qui doit être approuvé en Conseil d'Etat conformément à l'article 27 de notre statut et qui transférera au conseil général les compétences en matière d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles biologiques et non biologiques du fond de la mer, de son sous-sol et des eaux sur-jacentes ?

Par ailleurs, de quelle volonté politique le Gouvernement fait-il preuve dans les discussions bilatérales avec le Canada notamment quant aux modalités d'exploitation et à la notion de gisements transfrontaliers ? Où en sont ces discussions ?

Où en sont celles sur l'obtention du droit d'avitaillement, en zone canadienne, des navires battant pavillon français, actuellement interdit par la réglementation canadienne ?

Mais je souhaite aussi insister sur la loi d'orientation pour l'outre-mer. Tout comme j'avais demandé, en 1994, à ce que Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficie du dispositif économique de la loi Perben, j'ai obtenu que l'archipel soit couvert par cette loi. Y sont ainsi devenus applicables les exonérations de charges sociales, les primes à la création d'emploi, le projet initiative jeunes, les préretraites à 55 ans contre l'embauche d'un jeune, le fond d'échange culturel, éducatif et sportif, etc.

En revanche, l'application de certaines dispositions sociales semble se heurter à la mauvaise volonté, voire à l'opposition des services de Mme Guigou.

Je pense à l'article 72, relatif à la coordination entre les différents régimes de sécurité sociale de France métropolitaine et des DOM et celui géré par la caisse de prévoyance sociale de Saint-Pierre-et-Miquelon ; à l'article 66, qui étend à l'archipel la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, à l'article 71 sur l'assurance invalidité.

Je souhaiterai donc que vous confirmiez votre détermination à intervenir auprès de votre collègue afin que ces dispositions puissent être appliquées avant la fin de la présente législature, ce qui ne vous laisse plus beaucoup de temps.

Une autre question fondamentale est celle de notre association à l'Union européenne dont force est de reconnaître qu'elle n'est pas toujours un atout au service de la diversification économique.

Ainsi, pour les opérations de transbordement douanier.

La proposition de décision du Conseil dite « Océans » ménage la possibilité d'aide aux opérateurs, mais de façon exceptionnelle. Ne s'agit-il pas d'une parfaite hypocrisie technocratique, qui donne l'illusion de pouvoir le faire tout en rendant en réalité ces opérations impossibles ?

D'autre part, la décision de la Commission a provoqué, en juillet 1999, l'arrêt des opérations de transbordement. Mais l'enquête menée par Bruxelles n'a fait apparaître aucune irrégularité. Pire, l'aide à l'exportation que la Commission contestait est reprise dans le nouveau texte, sous l'appellation d'aide aux opérateurs. Mais l'archipel a perdu là 130 millions de recettes douanières ! Le gouvernement français doit demander à la Communauté de les compenser et, en cas de refus, aller devant la Cour de justice européenne. A défaut, qu'il donne à la collectivité territoriale les moyens juridiques et financiers de le faire elle-même.

J'ajoute qu'au sein des organisations internationales de pêche, la délégation communautaire nous est en général plutôt hostile.

A tout cela vient se greffer le problème récent du paquebot Le Levant. Il ne me semble pas qu'il appartienne à Bruxelles de décider à la place du gouvernement français ce qui est bon pour l'outre-mer ! C'est pourquoi je vous ai demandé de faire appel de la décision de la Commission, qui exige du gouvernement français le retrait a posteriori de l'agrément accordé en 1997 pour la construction de ce paquebot en loi Pons. Quelle décision le Gouvernement a-t-il prise ?

J'en viens, enfin, au problème des jeunes Saint-Pierrais-et-Miquelonnais dont l'accès à la fonction publique est localement barré. Plus de 200 jeunes de l'archipel font des études supérieures dans les universités de métropole. Injuste et démoralisant leur apparaît que nombre d'entre eux, après de longues études supérieures réussies, ne trouvent pas d'emploi localement dans la fonction publique, où les postes vacants sont pourvus quasi systématiquement par des fonctionnaires mutés de métropole.

Pour résoudre ce problème, j'ai fait créer, par voie d'amendement à la loi d'orientation, un Observatoire de la fonction publique. La situation actuelle est inacceptable, injuste, démoralisante, démobilisatrice pour la jeunesse locale. Elle crée de plus un climat de tension sociale extrême, auquel le Gouvernement devrait prêter attention car se développe un climat xénophobe malsain.

Avez-vous l'intention, Monsieur le ministre, de donner les instructions nécessaires pour que les jeunes Saint-Pierrais-et-Miquelonnais puissent enfin jouer le rôle qui doit être le leur dans la gestion des affaires publiques de leur archipel ?

Je souhaite également appeler votre attention sur la situation des retraités du secteur privé : les articles 13 et 35 de la loi de 1987 instituant à Saint-Pierre-et-Miquelon un régime d'assurance vieillesse, ont autorisé à revaloriser leurs pensions si le coût de la vie augmentait plus vite dans l'archipel qu'en métropole. Or entre 1997 et juin dernier, ce coût a crû de 22 % environ à Saint-Pierre-et-Miquelon, contre 6,4 % seulement en métropole. Allez-vous organiser le rattrapage de cette perte de pouvoir d'achat de plus de 16 % ? D'autre part, entendez-vous étendre la disposition aux retraités de l'ENIM et des fonctions publiques hospitalière et locale, dont le préjudice est identique ?

S'agissant des transports, je dirai simplement que, si nul ne conteste la nécessité de maintenir une compagnie aérienne locale pour assurer la continuité territoriale, il paraît anormal de décourager toute initiative visant à améliorer la desserte de l'archipel. Ou bien l'Etat ne devrait pas imposer la construction d'un nouvel aéroport ! L'étroitesse de l'archipel ne garantit peut-être pas de la place pour deux mais une concurrence, même momentanée, peut aider à venir à bout de certains monopoles devenus trop gourmands ou trop léthargiques. Quel est votre sentiment à ce sujet ?

Enfin, les rapports des services des finances de l'Etat démontrent que la collectivité territoriale souffre de difficultés budgétaires remontant en deçà de 1990. La construction du nouvel aéroport, imposée en 1994-2000 à la majorité locale de l'époque, a provoqué un lourd endettement, la collectivité devant y investir 100 millions alors qu'elle ne disposait d'aucune marge d'autofinancement. Pour régler cette situation difficile mais non dramatique, il faut une gestion saine et responsable et une action auprès de Bruxelles pour que soient compensées les pertes de recettes du transbordement, mais il faut surtout que l'Etat prenne en charge tout ou partie de cette dette dont il est responsable. Ce serait en tout état de cause plus rationnel que de continuer à subventionner une politique locale dépensière, marquée par l'assistance et le clientélisme et dépourvue de toute vision d'avenir. Irez-vous dans ce sens ? Je serai très attentif à vos réponses, Monsieur le secrétaire d'Etat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

M. Emile Vernaudon - Comme le précédent, ce projet de loi de finances marque un effort réel en faveur des départements et territoires d'outre-mer. Je suis en particulier sensible aux priorités qui y sont données à l'emploi et au logement, d'autant qu'elles confortent le programme de résorption de l'habitat insalubre dans ma commune de Mahina, arrêté depuis quatre années maintenant, permettant ainsi à 80 familles de sortir enfin de « conditions de vie indignes de la République et de la Polynésie » selon les termes de votre prédécesseurs, Monsieur le secrétaire d'Etat. Je salue d'ailleurs l'Etat pour son intervention énergique auprès du ministère local du logement à qui il a imposé le relogement de plusieurs familles de cette même commune, dans le cadre d'un projet de construction sociale.

Je me réjouis également de voir l'idée de l'océanisation des cadres faire son chemin : la progression des crédits destinés aux écoles d'ingénieurs permettra d'accueillir davantage d'étudiants polynésiens. Cependant, ne pourrait-on lancer une étude sur la carrière des étudiants issue de l'université française de Polynésie depuis son ouverture ? En effet, un plan de formation de cadres tel que celui qui était prévu dans les accords de Matignon est vital pour la Polynésie.

Je voterai donc ce budget de solidarité et de développement avec d'autant plus de conviction que vous avez bien voulu y rappeler à quoi servent ces 1 079 millions d'euros, soit environ 140 milliards de francs CFP, auxquels s'ajoutent les crédits importants transitant par les ministères techniques.

Encore faut-il que ces crédits soient utilisés à bon escient. L'an passé, j'avais attiré votre attention sur certains mauvais choix économiques retenus pour la Polynésie : ces déclarations, considérées par certains comme tonitruantes et péjoratives, se révèlent aujourd'hui fondées. Ainsi, la compagnie des paquebots de croisière « Renaissance », très largement aidée par l'Etat et le territoire, a profité des attentats du 11 septembre pour annoncer sa faillite. Notre tourisme et de nombreux prestataires de service se trouvent de ce fait dans la tourmente. Ces bateaux ayant bénéficié de loi de défiscalisation, il me paraîtrait juste que la société américaine restitue les millions d'euros ainsi économisés. Je note également que le risque était prévisible, le gouvernement territorial ayant choisi de miser sur le développement du tourisme haut de gamme...

Les choix en matière de politique aérienne sont tout aussi contestables. Alors que les plus grosses compagnies internationales licencient par milliers, le gouvernement territorial persiste à vouloir acquérir un deuxième Airbus, qui serait catastrophique pour les finances comme pour les entreprises polynésiennes qui ont investi dans la compagnie « Air Tahiti Nui ». L'utilisation du fonds de reconversion doit être économiquement fondée. Or « Air Tahiti Nui » affiche depuis deux ans un déficit d'une dizaine de millions d'euros. Pourtant, récemment, le chef du gouvernement local n'envisageait ni plus ni moins que de recourir à ce même fonds pour racheter l'un des navires « Renaissance ». L'Etat donnera-t-il son aval à cette opération proprement effarante ?

Et que dire du deuxième palais polynésien, le centre hospitalier du Taaone, pompeusement appelé « hôpital Jacques Chirac », dont le coût avoisine les 250 millions d'euros... et que l'Etat était prêt à financer en grande partie pour peu que le gouvernement local fournisse un minimum d'informations sur le coût de son fonctionnement ? La succession des défaillances techniques qui ont provoqué récemment le décès d'une touriste japonaise à Bora Bora ne pousserait-elle pas plutôt à un rééquilibrage des moyens en faveur des archipels éloignés ?

D'autre part, vous n'ignorez sans doute pas que la chaîne dite à vocation culturelle TNTV, censée se substituer à RFO dans les îles, vient d'être épinglée par le CSA pour non-respect de son cahier des charges : de fait, son programme culturel est presque inexistant. Pour ma part, j'avais dénoncé les risques de dérapage de cette chaîne « politique », qui fonctionne à coup de subventions territoriales. Initialement fixé à 5 millions d'euros, le montant des aides publiques a plus que triplé. Les Polynésiens sont en droit de s'interroger sur l'utilité réelle de ce média, face à RFO Polynésie qui remplit avec équité sa mission d'information.

Au surplus, il y a deux mois, le gouvernement territorial a interrompu la liaison par satellite vers les îles.

Ce sont pour ces multiples raisons que j'ai insisté pour que l'Etat exerce également son contrôle de légalité à l'égard des ordonnateurs. La situation actuelle ne peut que me conforter dans mon action politique. Je souhaite que les compétences exclusives et partagées soient rapidement clarifiées afin d'éviter des querelles stériles préjudiciables au développement harmonieux de notre pays.

De nouvelles dispositions devront remédier aux imperfections de l'actuelle loi statutaire en matière d'attribution des fonds, notamment de ceux qui sont destinés au développement des communes. Pour autant, il conviendra de prolonger d'au moins dix ans l'existence du fonds de reconversion économique de l'après CEP.

Enfin, il serait temps de revoir à la hausse le nombre des parlementaires polynésiens, comme le permettent les critères démographiques. Je demande donc que le Gouvernement dépose un projet de loi modifiant la loi organique du 10 juillet 1985 relative à l'élection des députés, et prenne les mêmes dispositions s'agissant des sénateurs.

Les Polynésiens devront bientôt faire des choix politiques décisifs pour leur avenir institutionnel, économique et social. Ils attendent de la République une véritable politique en faveur d'un outre-mer qui a contribué à faire d'elle l'une des cinq plus grandes puissances mondiales.

Mais auparavant, j'attends avec impatience la décision du Conseil d'Etat sur mon recours en annulation des élections aux Iles du Vent, pour man_uvres, pressions sur les électeurs et utilisation des fonds publics à des fins partisanes. En cas de nouvelles élections, une opposition forte et unie pourra créer les conditions d'une alternance démocratique crédible.

Je veux pour conclure affirmer ma volonté que réussisse la reconversion économique et sociale dans une Polynésie qui aspire à la modernité dans le respect des traditions et des cultures : ce succès exige que notre territoire et la France sachent ensemble préserver leur partenariat historique et poursuivre leur marche commune sur la voie du progrès et de la solidarité.

Mauru'uru e Iaorana !

MM. Jean-Yves Caullet et Claude Hoarau - Très bien !

M. Léo Andy - L'examen du cinquième et dernier budget de l'outre-mer de cette législature permet de mesurer l'effort de l'Etat en faveur de nos régions ultra-périphériques et les chiffres sont à cet égard éloquents : 4,8 milliards en 1997, plus de 7 milliards en 2002, c'est-à-dire plus 45 % en francs courants pour ce qui est du budget de votre ministère. Les dépenses de l'Etat tous ministères confondus passent de 45,3 milliards à plus de 62 milliards alors que le budget global n'a progressé que de 8,9 % au cours de la même période.

Mais au-delà des statistiques, examinons les orientations poursuivies et les résultats obtenus : il est alors permis de parler de progrès sans précédent et de rupture avec le passé.

Oui, Monsieur le ministre, un autre regard a été porté sur ces terres lointaines et la loi d'orientation, qui renouvelle le pacte républicain et permet d'envisager l'avenir avec confiance, en est le témoignage le plus marquant.

Fruit d'un long dialogue avec les forces vives de l'outre-mer, ce texte fait pour la première fois la synthèse entre un droit reconnu à des évolutions statutaires différenciées et un engagement renouvelé de l'Etat pour le développement économique et social.

Le congrès des élus régionaux et départementaux, réuni cette année dans les trois DFA, témoigne du premier engagement cependant que l'égalité sociale enfin acquise et les dotations importantes de la LOOM pour les années 2001-2002 attestent du second.

En Guadeloupe, des premiers résultats encourageants ont été enregistrés. Pour autant, la situation reste difficile car aux handicaps structurels se sont ajoutées des difficultés conjoncturelles liées à la terrible sécheresse et à d'autres aléas.

Quoi qu'il en soit, le chômage baisse - moins 6,3 % en un an - et notamment celui des jeunes de moins de 25 ans et des demandeurs d'emploi de longue durée. La priorité donnée à l'emploi dans votre budget, qu'atteste l'augmentation de 25 % des dotations du FEDOM, permet d'espérer à court terme une inversion durable de la courbe du chômage.

Nombre d'avantages prévus dans la loi restent peu utilisés par les acteurs économiques et la coopération régionale reste insuffisante. A ce titre, le refus du Président de la République de voir les DFA adhérer à l'AEC en tant que membres associés n'est pas de nature à débloquer la situation. De même, à trois mois de la clôture du dispositif d'apurement des dettes, il semblerait que l'URSSAF n'ait conclu qu'une quarantaine d'accords et la convention-cadre congé-solidarité, très attendue, n'est toujours pas signée. Les parties prenantes - collectivités et entreprises - devraient se mobiliser pour la faire aboutir.

Par ailleurs, des secteurs économiques cruciaux sont fragilisés. La sécheresse a durement frappé les producteurs de bananes et de canne à sucre et des retards d'indemnisation sont à déplorer localement.

S'agissant de la banane, l'affaiblissement lié aux catastrophes naturelles et à la chute continue des cours sur le marché européen constitue un handicap d'autant plus lourd que la filière doit se préparer à l'ouverture de la concurrence sur le marché européen en 2006. Le relèvement de l'avance sur l'aide compensatoire et l'amélioration du rythme de son versement constitue, à l'évidence, un progrès, mais le problème de préfinancement du solde de l'aide compensatoire à un taux d'intervention suffisant reste posé pour les groupements bananiers guadeloupéens, lesquels souhaitent disposer de fonds propres adéquats et d'une aide des pouvoirs publics. Je souhaite que le Gouvernement examine ce dossier avec toute l'attention qu'il mérite.

Autre secteur en crise, le tourisme, du fait notamment de la plus grande attractivité des autres destinations caribéennes.

J'en viens, pour conclure, à deux sujets d'ordre social. Le premier concerne les mutations des domiens fonctionnaires travaillant dans l'hexagone, lesquels font des démarches, année après année, pour rentrer au pays sans obtenir satisfaction. Bien sûr, l'importance des demandes et le nombre restreint de possibilités expliquent cet état de fait. Mais l'absence de tout règlement préférentiel en leur faveur y concourt également et cela est très mal vécu. Il y a lieu, chaque fois que cela semble possible, de donner la priorité aux recrutements locaux. En effet, cet objectif, qui suppose une politique ambitieuse de formation locale, est un élément clé dans la lutte contre les inégalités et il doit être tout particulièrement poursuivi dans le secteur de l'enseignement où de jeunes maîtres auxiliaires sont parfois privés de leur poste au profit de mutations massives en provenance de la métropole. Je vous ai du reste, Monsieur le ministre, déjà sensibilisé à cette situation qui concerne aussi des enseignants titulaires.

S'agissant, en second lieu, de l'insécurité, vous avez déclaré en commission que les statistiques de la délinquance ne révélaient pas d'augmentation significative. Peut-être, mais elles ne révèlent pas non plus de baisse, en dépit de la prévention et de la progression des moyens accordés à la police et à la gendarmerie depuis 1997 ! D'ailleurs, le sentiment d'insécurité est grand au sein de la population. Un effort supplémentaire sur les effectifs est donc indispensable et les demandes de commissariats de plein exercice qui émanent de plusieurs communes appellent une réponse. Sur les huit plus grosses communes de l'île de la Basse-Terre, il n'y a en effet qu'un seul commissariat. Il est par conséquent urgent d'établir, au moins, des postes de police en vue de renforcer le dispositif de dissuasion formé par la gendarmerie. Je signale pour mémoire que la commune de Baie-Mahault a été dernièrement le théâtre d'un assassinat en plein jour.

Pour légitimes qu'elles soient, ces préoccupations ne doivent pas ternir le tableau et je ne veux pas conclure sans réaffirmer mon appréciation positive sur ce projet de budget. Les priorités de l'action gouvernementale en outre-mer, l'effort financier déployé pour leur application, la méthode de large concertation avec les élus et la population et, surtout, le nouveau pacte républicain fondé sur la volonté de réconcilier évolution institutionnelle et développement, de conjuguer l'égalité dans la République et le respect des identités plurielles, méritent le plus grand soutien.

Cette grande loi que nous avons demandée et obtenue ici-même constitue sans conteste l'avancée la plus significative depuis la départementalisation de 1946. Avec elle s'achève l'époque où les revendications relatives à une quelconque réforme institutionnelle équivalaient à une menace séparatiste, contre l'intégrité du territoire national et faisaient tomber, ipso facto, le couperet de l'ordonnance de 1960, celle, de triste mémoire, qui a permis l'envoi de tant de patriotes guadeloupéens à la prison de la Santé et la radiation de tant de nos fonctionnaires !

Cette loi honore le Gouvernement et nous serons très prochainement appelés à confirmer la résolution du premier congrès de la Guadeloupe pour la mise en place d'une nouvelle collectivité dans le cadre de la République française et de l'Union européenne. En votant pour ce budget, je fais le choix d'un avenir prometteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Pierre Petit - Si je m'en tenais exclusivement à la présentation des crédits pour l'outre-mer et à la forme de votre projet de budget, il ne me resterait qu'à joindre ma voix à celle de votre majorité...

M. le Secrétaire d'Etat - Chiche !

M. Pierre Petit - Las, tels S_ur Anne, nous attendons toujours les décrets d'application et en particulier celui relatif à la défiscalisation.

Sur le fond, comme je le fais inlassablement à cette tribune depuis 1993 et à la Martinique avec « Osons oser », le mouvement politique que j'ai créé, je reste sceptique sur l'efficacité de mesures budgétaires dispersées tous azimuts sans projet politique global de développement durable pour l'outre-mer.

La loi d'orientation n'a pas su apporter la dynamique que nous attendions et malgré les dispositifs en faveur de l'emploi, les exonérations de charges sociales et fiscales, les incitations et le soutien aux investissements, le chômage n'a pas cessé d'augmenter et notre économie de se fragiliser. En outre, le climat actuel ne prête pas aux investissements et la confiance ne peut pas être au rendez-vous dans une période de transition. Notre population est dans l'attente des résultats du congrès et de la consultation populaire. Ces incertitudes, les Martiniquais les ressentent d'autant plus que certains cherchent à exploiter les peurs. On entend par exemple les intégristes de la départementalisation et les missionnaires du statu quo dire que votre loi d'orientation n'aura été qu'une combine politique, qu'un complot dans le dos des Martiniquais destiné à conduire le département à l'autonomie puis à l'indépendance. De telles arguties sont en parfaite contradiction avec les propos du Président de la République dans ses discours de Madiana et de Champfleury.

En revanche, votre gouvernement n'étant lié ni par les travaux du congrès ni par les résultats de la consultation populaire, il pourrait être tenté de céder à l'influence des groupes de pression et les derniers événements survenus en Corse ne sont pas de nature à nous rassurer sur ce point.

Je voudrais, Monsieur le ministre, vous entendre confirmer devant la représentation nationale ce que vous écrivez dans la plaquette sur le nouveau pacte républicain pour l'outre-mer : je cite page 19 : « Traiter conjointement les différentes dimensions des situations vécues outre-mer : évolution institutionnelle, développement économique, égalité sociale et identité culturelle ». Page 10 : « Organiser les conditions d'une responsabilité et d'une solidarité accrues ».

A ce stade, mes préoccupations sont d'autant plus grandes face à la fragilité de nos principaux secteurs économiques.

Ainsi, la tourisme se trouve menacé par la diminution des capacités de desserte aérienne. La reprise d'AOM n'a pas définitivement résolu le problème. De la continuité territoriale entre la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique, nous n'entendons toujours pas parler. Quand le Gouvernement mettra-t-il nos côtes sous la surveillance de vedettes rapides et renforcera-t-il les services de douane pour lutter efficacement contre le trafic de stupéfiants ? L'insécurité progresse depuis cinq ans. Quand le ministère de l'intérieur nous dotera-t-il des effectifs nécessaires? Quand nommera-t-il de jeunes policiers martiniquais dans leur département d'origine ? La Martinique manque cruellement de structures d'accueil pour jeunes délinquants. Pourrez-vous obtenir la mise en _uvre d'une politique plus dynamique en faveur de la réinsertion ?

Le problème des personnels non titulaires des collectivités locales demeure en suspens, alors que les communes ont dû s'engager dans une démarche de titularisation sous la pression des syndicats. Comment sortir de cette hypocrisie qui veut qu'aux Antilles nous ne puissions pratiquer ni être associés à aucune ingénierie financière ?

J'attends vos réponses (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Alfred Marie-Jeanne - La onzième législature touche à sa fin. Elle me laisse sur ma faim. A force de tâter, de tâtonner et de tatillonner, l'essentiel, au plan politique, n'a pas été accompli. Quel gâchis !

Pour ne pas avoir mis à profit cette mandature ininterrompue, les transformations attendues attendront encore. Quel dommage !

Pour ne pas avoir compris le bien-fondé de l'aspiration profonde au changement, on a préféré superbement l'ignorer. Quelle inconscience !

Les suspicions, les arguties procédurières et le chantage au largage ont servi de justificatif au freinage. Quelle pratique !

La déclaration de Basse-Terre a été délibérément vouée aux gémonies, des sondages tendancieux ont cherché délibérément à dénigrer les élus insoumis. Quelle méthode !

Après cela, que reste-t-il de cette stratégie implacable, sinon un sentiment de boycott et une réelle déperdition de toute la période ?

Dans ce cadre, que vaut votre budget s'il ne tient pas compte de la réalité que je viens de décrire ? Pour se reprendre, elle est bien connue la tactique qui pousse à l'accélération en fin de parcours. Mais le temps sacrifié peut-il jamais être rattrapé ?

Les chiffres que vous avancez, Monsieur le ministre, si considérables qu'ils vous paraissent, ne sont pas de nature à m'ôter tout sens critique.

De plus, il n'y a pas toujours adéquation entre chiffres et réalisations. Même si les fonds sont nombreux, il faut souvent courir un marathon ou gravir un mât de cocagne pour les décrocher, ce qui en décourage plus d'un.

Il en est ainsi des prêts à l'accession sociale et à taux zéro. D'où des reports de crédits non consommés, venant gonfler divers budgets successifs.

En fait, rien n'a fondamentalement changé.

C'est toujours Paris qui analyse, Paris qui recentralise, Paris qui propose, Paris qui dispose, Paris qui confisque toutes les informations importantes.

C'est ainsi que la balance des transferts est passée à la trappe après 1998. Est-ce parce qu'elle démontrait que les flux d'argent sortant de Martinique étaient du même ordre de grandeur que les flux rentrant ? L'Etat affiche toujours ce qu'il donne. Il tend à laisser secret tout ce qu'il reprend. La tutelle est écrasante, décourageante et sclérosante.

Aussi ne s'agit-il plus d'alléger cette tutelle, mais de redéfinir les rapports permettant au peuple martiniquais de devenir partenaire et acteur de son devenir. Quel combat au long cours faudra-t-il encore livrer pour faire entendre raison ? Celui qui vous parle vit pour la politique et non de la politique.

C'est pourquoi je défendrai toujours l'élargissement du possible contre les pro-penseurs du limité à tout prix.

La loi d'orientation et le budget 2002 comportent une galaxie de mesures. De là à conclure que tout ira mieux, c'est aller un peu vite en besogne.

La pêche est restée bougrement artisanale. Le sucre est devenu si amer que le pool bancaire qui continuait à le soutenir pense se retirer. Le trafic de croisière a chuté de 29 % entre 1998 et 2000. Le tourisme est menacé par la chute libre de la fréquentation et le démembrement d'hôtels en opérations immobilières. Le nombre de touristes a baissé de 7,6 % en 2000 et déjà de 5,2 % en 2001. Le transport aérien est dans la tourmente. Les conditions d'accès aux crédits d'investissement, et la compensation de l'absence de fonds propres de près de 90 % des opérateurs économiques restent toujours un cauchemar. La pérennisation et la formation de 4 000 emplois-jeunes n'ont pas encore trouvé de solution.

De surcroît, il y a un tel hiatus dans la gestion prévisionnelle qu'on continue à faire appel à l'extérieur.

Le congé-solidarité rencontre d'énormes difficultés pour sa mise en _uvre concrète, et l'ensemble des dispositifs de préretraite n'ont jamais donné de résultats probants. Les statistiques du chômage font polémique car depuis février 2000, ne pas pointer un mois constitue un motif de radiation systématique. Ainsi, dans les 4 mois qui ont suivi, 8 515 personnes ont été radiées.

La baisse du chômage est-elle un leurre ou une réalité ?

Enfin, que dire du chiffre publié par l'INSEE de 56 200 personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté ? Que penser des 179 kg de stupéfiants saisis en Martinique en l'an 2000 ? Que proposer devant la montée persistante de l'insécurité ? Qui croire lorsque la coopération prônée avec les pays de la Caraïbe a fait long feu ? Que craindre pour l'octroi de mer ? Qu'espérer de l'article 299 du traité d'Amsterdam dont l'entrée en vigueur se fait toujours attendre ?

Comme vous le voyez, les problèmes de fond sont restés en suspens.

On s'empresse pour accuser ceux qui se révoltent, en se gardant bien d'expliquer que le péril découle de ceux qui pratiquent l'IVE, l'interruption volontaire d'émancipation, en s'obstinant à ne pas enclencher en temps réel les mutations inévitables.

« Pli Ta, Pli Tris ». Sachez que plus tard peut être plus triste (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du RPR).

M. Daniel Marsin - La politique du Gouvernement à l'égard de l'outre-mer, nous la connaissons, pour avoir largement contribué à la définir. Dès 1997 en effet, nous autres parlementaires progressistes des DOM avons clairement dit notre volonté de rompre avec la logique de l'assistance pour emprunter résolument le chemin de la dignité, de l'identité et de la responsabilité, et c'est bien le parti qu'a pris le Gouvernement de Lionel Jospin, en faisant voter la loi d'orientation et en élaborant les contrats de plan et les DOCUP.

Il s'agissait clairement, ainsi que l'a affirmé le ministre dans la discussion de la loi d'orientation, de refonder le pacte qui unit les DOM à la république, en répondant aux attentes des citoyens en matière de lutte contre l'exclusion, de solidarité nationale, de participation à la création de richesses, et en ouvrant simultanément la voie à plus de responsabilité grâce à une évolution institutionnelle et statutaire dans le cadre de la République. Sur ce dernier point, l'article 1er de la loi d'orientation affirme clairement le principe de la libre détermination de chaque DOM, à la condition que le projet retenu soit le fruit d'un réel débat démocratique local.

A la Guadeloupe, une fois passée la période des jeux politiciens qui ont largement dénaturé la portée de cette disposition législative, un vaste consensus s'est dégagé le 18 juin dernier, lors de la première réunion du congrès, pour approfondir les contours et le contenu de la future collectivité. Si, depuis, les choses traînent cependant, ce n'est pas la faute du Gouvernement : la commission mixte prévue ne s'est toujours pas réunie, et il n'y a d'ailleurs pas lieu, dans une matière aussi importante, de confondre vitesse et précipitation. La balle est dans le camp des élus guadeloupéens, et la seule chose que nous pouvons exiger du Gouvernement est qu'il s'engage à respecter leur choix et celui de la population.

Pendant ce temps, la vie continue, et nos populations restent confrontées au fléau du chômage qui, quoique en baisse, demeure à un niveau élevé : plus de 25 % en août dernier. Je veux parler ici de tous ces jeunes qui ont du mal à sortir du tunnel, qui disent nous faire confiance encore, mais ne pouvoir attendre indéfiniment. Je veux parler de tous nos concitoyens qui vivent dans un habitat précaire ou insalubre, et pour qui il faudrait construire, au bas mot, 3 000 logements par an. C'est pourquoi j'adhère aux deux priorités budgétaires que sont l'emploi et le logement.

La première place accordée à l'emploi se traduit par l'importance de la dotation consentie au FEDOM : 3,1 milliards, soit 26 % de plus que l'an dernier. Elle permettra de continuer à soutenir les dispositifs d'insertion les plus performants, ainsi que de mettre en _uvre les dispositions de la loi d'orientation, tels que les PIJ, le congé-solidarité et l'incitation au retour à l'activité. Encore faudra-t-il, cependant, que ces innovations soient mieux connues des jeunes, les procédures administratives mieux huilées, et les collectivités territoriales incitées à les promouvoir. Je me réjouis également que soient maintenues les capacités d'intervention des agences départementales d'insertion, renforcés les moyens de l'ANT et créés 500 postes supplémentaires de volontaires dans le cadre du service militaire adapté. Est-il besoin de dire, enfin, que l'alignement du RMI sur son niveau métropolitain arrangera fortement la situation de ceux de nos compatriotes qui n'ont d'autres ressources pour vivre, et que certains qui ont la chance d'avoir un emploi bien rémunéré traitent un peu trop facilement d'assistés ?

C'est à juste titre que le logement constitue la deuxième priorité, tant les besoins sont immenses et urgents. Il convient de rechercher le meilleur équilibre possible entre le locatif social, le logement évolutif social et le logement à accession différée. J'apprécie le fait que l'effort accompli cette année soit maintenu l'an prochain, et en particulier que la créance de proratisation soit remplacée par une dotation d'égale importance.

La politique sociale, culturelle et de coopération menée depuis deux ans est si appréciée que ses dotations sont rapidement sollicitées et consommées. La dotation culturelle a été multipliée par neuf en quatre ans, le fonds d'échanges éducatifs, culturels et sportifs a augmenté de moitié, mais le financement des déplacement des clubs et des sportifs de haut niveau entre les DOM et la métropole reste insuffisant. Si je ne peux passer sous silence les 23 millions alloués aux fonds de coopération régionale prévus par la loi d'orientation, je dois regretter, en revanche, que le veto du président de la République, suscité par ses représentants en Guadeloupe, nous empêche de faire entendre directement notre voix au sein de l'AEC. Je loue, enfin, le Gouvernement d'avoir su dégager des ressources pour les collectivités territoriales des DOM, si sollicitées dans tous les domaines.

Un litige a opposé récemment le département de la Guadeloupe et la caisse générale de sécurité sociale quant au montant de l'assurance personnelle des érémistes, prise en charge par les conseils généraux aux termes de la loi. Il est apparu que les sommes exigées étaient surévaluées de 53 millions au titre de la seule année 1997, et du même coup, à due concurrence, la réfaction effectuée sur la dotation globale de décentralisation lors de la mise en place de la CMU. J'insiste pour que le recours amiable introduit par l'exécutif départemental aboutisse à la restitution rapide du moins-perçu au titre des années 2000 et 2001 et à la consolidation de la base de la dotation pour 2002. Ce ne serait que justice.

Nous sommes tous conscients que la prospérité à moyen et long termes repose sur le développement économique. Or, celui-ci est menacé dans plusieurs secteurs, et non des moindres. L'unité sucrière de Marie-Galante connaît, c'est de notoriété publique, de graves difficultés, et la campagne 2002 sera sérieusement compromise en l'absence de restructuration financière. D'autre part, les investisseurs potentiels se heurtent trop souvent à des difficultés pour obtenir l'agrément en vue de la défiscalisation. Enfin, l'avenir du transport aérien suscite de vives inquiétudes - et je me fais, au passage, l'interprète des jeunes Guadeloupéens qui étudient en métropole et ne peuvent bénéficier de tarifs spéciaux, même lorsqu'ils sont de famille modeste.

Si j'ai pointé tous ces problèmes, c'est parce que je sais que le Gouvernement a la volonté de les résoudre. Le budget qu'il nous soumet représente un effort considérable en faveur de l'outre-mer, et c'est pourquoi je le voterai (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Philippe Chaulet - Un meilleur contrôle de l'efficacité de la dépense publique, une plus grande transparence des informations budgétaires : voilà ce que j'attendais de ce budget, et je suis doublement déçu, tant est grande l'insincérité des comptes. Je ne serai donc pas de ceux qui feront l'apologie d'une augmentation qui n'est que de façade ; je n'ai d'ailleurs jamais eu à examiner, depuis que je suis député, et singulièrement depuis 1997, un budget de l'outre-mer qui ne soit en apparente augmentation !

Prenons l'exemple des crédits de paiement pour la Guadeloupe : ils s'élevaient à 2,695 milliards en 1999, de 2,686 milliards en 2000. Voilà qui suffit à établir la différence entre les promesses et la réalité ! Vous promettez beaucoup, mais l'action de l'Etat se déploie sur le terrain avec un budget constant, voire en légère régression.

Comme on dit chez nous « grand wache, ti coup de bâton », autrement dit « beaucoup de mousse, et peu de choco »... Comment expliquer la croissance de façade de votre budget autrement que par la proximité des échéances électorales ?

Mon opinion est d'ailleurs confortée par les prévisions d'augmentation des dépenses, qui représentent sur un an la moitié des engagements souscrits sur trois ans par votre gouvernement dans le programme pluriannuel de finances publiques transmis à Bruxelles.

Ma conclusion est simple : en apparence réactif et volontariste, votre budget s'avère avant tout électoraliste... J'en veux pour preuve les annonces intervenues après l'adoption de votre projet de budget par le Conseil des ministres. Le 24 septembre 2001, vous avez ainsi annoncé lors d'une conférence de presse, outil privilégié de bonne gouvernance socialiste, avant d'en aviser les élus de la nation, une relance du traitement social du chômage principalement constituée de cadeaux de campagne, avec 100 000 nouvelles mesures d'insertion - CIA, CES, CEC, emplois-jeunes.

En toute objectivité, vous contribuez grandement à renforcer une politique d'assistanat systématique prodiguée par un Etat providence, grand pourvoyeur de revenus sociaux, qui n'encourage cependant aucune politique d'insertion durable, de responsabilité et de dignité à l'égard des Guadeloupéens.

Les promesses budgétaires d'aujourd'hui sont les impôts de demain.

J'ai entendu un député guadeloupéen de la majorité plurielle affirmée que jusqu'en 1999, la gauche ne pouvait se référer à aucune grande loi pour l'outre-mer. Ce constat est juste, mais risque de le rester, ni la loi d'orientation, dans son volet économique, ni la loi de soutien à l'investissement, n'étant dans leurs grands principes, issues des socialistes.

Vous avez simplement plagié la loi Perben et la loi Pons. Votre démarche aboutit d'ailleurs, pour la seconde à une véritable stérilisation des commandes locales de biens d'équipement, le dispositif loi Paul demeurant lettre morte puisque les décrets ne sont pas sortis. J'ai entendu qu'un décret avait été approuvé, mais je ne pense pas qu'il soit paru dans les départements d'outre-mer !

Mme la Présidente - Pourriez-vous conclure ?

M. Philippe Chaulet - Pas plus que le volet recettes du projet de loi de finances, je ne voterai votre budget primitif.

Promesses électorales, actions marketing de promotion de la loi d'orientation pour l'outre-mer - qui ne fonctionne pas - annonces publicitaires à la radio et à la télévision : vous privilégiez la publicité sur l'efficacité. Oui, ce budget est un acte de campagne que vous brandissez, aux mots de responsabilité et de fierté.

Mais l'élan dont vous cherchez à vous parer, l'efficacité dont vous vous prévalez, la réactivité dont vous vous félicitez, ne sont que feux de paille et faux-semblants.

Comme toujours des promesses sont faites à grand renfort de publicité, mais la réalité est tout autre.

L'exemple de l'indemnisation après le cyclone « Lenny » est significatif. Celui des mesures post-sécheresse l'est plus encore. Celui de la prison de Basse-Terre constitue une autre preuve de promesses non tenues, sans parler des Îles du Nord, de la lutte contre la drogue, de l'insécurité en Guadeloupe, des crédits SMA pour la formation de notre jeunesse, des transports en commun interurbains, des cinquante pas géométriques, et enfin, du financement des lycées...

Mme la Présidente - Veuillez conclure.

M. Philippe Chaulet - Vous surfez sur la vague d'une croissance utopique.

Pour notre part, nous préparons l'alternance en proposant à nos concitoyens un contrat de société fondé sur une responsabilité accrue des Guadeloupéens, acteurs de leur développement économique et social dans le cadre de la République française et au sein de l'Union européenne, conformément à la déclaration de Basse-Terre et aux discours de Madiana et de Champfleury du Président de la République (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR).

M. Camille Darsières - Tranchons sur mon prédécesseur : votre budget est globalement positif. Il conforte les avantages créés par les lois collatérales de décembre 2000. Certes, la loi de défiscalisation est en panne en raison des exigences de l'Union européenne, mais je ne doute pas que vous vaincrez les résistances bruxelloises qui retardent la sortie des décrets d'application ; et j'espère que l'article 299 vous aidera à les surmonter. Reste que l'apurement des dettes fiscales et sociales, l'important allégement de charges sociales, les incitations à l'embauche, l'aide aux projets professionnels des jeunes, à la prise en compte des nouvelles technologies de l'information et de la communication constituent de réels atouts économiques, qui appellent une concrétisation. Ici commencent les difficultés, qui tiennent principalement à l'opacité entre votre secrétariat d'Etat et les ministères techniques qui, n'ayant pas la même vision des DOM, ne comprennent pas que notre préoccupation fondamentale est l'emploi, encore l'emploi et toujours l'emploi.

Ainsi, pendant que le secrétariat d'Etat se concerte avec nous, Bercy, gardien froid des cordons de la bourse, feint d'ignorer que nous sommes à cinquante-cinq points en dessous du niveau économique moyen des régions européennes et ne tient aucun compte de nos handicaps structurels, dont Bruxelles reconnaît qu'ils « nuisent gravement à notre développement ». Il en résulte un dysfonctionnement qui paralyse les meilleures dispositions votées à l'initiative de la rue Oudinot.

Vous avez par exemple perçu la détresse de nos jeunes, qui ont pris au sérieux l'incitation à mieux se former - ils sont 5 397 sur le campus universitaire de la Martinique - et mis en place des aides à l'embauche dans les nouvelles techniques de l'information et de la communication.

D'un trait de plume, Bercy a évacué un investissement très lourd proposé à la défiscalisation par une entreprise spécialisée dans ces nouvelles techniques, qui aurait généré plus de 200 emplois. Un recours gracieux a été introduit et j'ai sollicité un arbitrage du Premier ministre. Votre appui à cette requête serait le bienvenu.

Le ministre de la santé organise par ailleurs la réduction du temps de travail dans nos hôpitaux de la même façon qu'en métropole, alors que dans notre département aux 27 % de chômeurs, ce secteur est un gros pourvoyeur d'emplois. La demande hospitalière subit un raisonnement mathématique. Le plan Guigou, en traitant de manière identique des situations sociales différentes, crée involontairement une discrimination. Alors que les syndicats demandent 600 postes pour tous les hôpitaux de Martinique, il n'en est annoncé que 263, de surcroît étalés sur trois ans.

Tout est à l'avenant : aucune étude n'a évalué à ce jour les besoins en infirmiers pour les dix ans à venir : l'école de puéricultrices n'ouvrira que l'an prochain ; celle de kinésithérapie que vers 2003. Les besoins humains ne sont pas satisfaits, alors que frappent à la porte 18 441 jeunes de moins de 30 ans, dont 9 808 femmes, 28 451 jeunes de moins de 35 ans, dont 15 937 femmes.

Si l'on veut que nous cessions de compter trois fois plus de chômeurs qu'en métropole, l'Etat, en charge de l'emploi selon la Constitution, doit se faire l'écho de notre grande fragilité économique, non seulement dans ses ministères mais aussi dans les grandes entreprises françaises de production, qu'il faut inciter à délocaliser non pas exclusivement vers les pays tiers, mais aussi vers les DOM.

Peugeot-Citroën fabrique, chaque année, 2 498 283 voitures particulières, dont 899 204 à l'étranger, Peugeot 1 522 051, dont 427 295 à l'étranger et Renault 2 043 815 dont 877 091 à l'étranger. Parmi les heureux sites de production, nous trouvons des villes du Chili, de Colombie, d'Uruguay, d'Argentine et du Brésil. En l'an 2000, le chiffre d'affaires hors France de Peugeot-Citroën s'est élevé à plus de 25 milliards de francs et celui de Renault à plus de 54 milliards. Tous ces emplois sont donc créés tout près de chez nous et les navires qui alimentent ces centres de production passent au large de nos côtes, alors que ces emplois seraient si bienvenus chez nous, qui disposons de toutes les infrastructures requises, d'incitations fiscales et financières et d'une main-d'_uvre de qualité que patrons et syndicats poussent à ce qu'ils appellent l'« exigence d'excellence ».

Il faut que l'Etat encourage des secteurs où la production outre-mer est possible, mais tuée dans l'_uf par des ayatollahs de l'administration. La pêche est un exemple typique : 2 800 kilos de lambis pêchés à Haïti par des travailleurs martiniquais embarqués sur un bateau français ont été détruits à Fort-de-France en mars dernier, par les services de l'Etat. Analysés par l'IFREMER de Nantes, des échantillons ont pourtant été reconnus aptes à la consommation, mais la perte nette des pêcheurs martiniquais a dépassé 250 000 F.

Dans le même temps est importé à la Martinique du lambi pêché à la Jamaïque, que commercialise une société installée à Miami. Or, en février dernier, un chercheur a dénoncé au service de la répression des fraudes que le mollusque jamaïcain « a une parenté avec le lambi plus lointaine que celle du chat et du léopard" » De même, une note signale que le lambi du Pérou, par mesure de sauvegarde sanitaire, est interdit en Europe, mais l'on me montre une facture relative à une vente de ce lambi à la Martinique ! Parce que irresponsables, les fonctionnaires qui sélectionnent ainsi dorment d'un sommeil tranquille, sur le mol oreiller de leur indemnité d'éloignement.

C'est dire, Monsieur le ministre, si les très bons outils de développement ne peuvent être confiés à une administration qui n'a de compte à rendre à aucun chômeur. C'est dire encore que l'étape prochaine devra permettre à nos peuples d'utiliser eux-mêmes ces outils, dans le cadre d'une autonomie qui garantisse aux élus du suffrage universel de gérer toutes les affaires propres à nos territoires, dans le respect de la souveraineté de la République et de notre rattachement à l'Union européenne.

Alors, il n'était pas sans intérêt qu'en même temps qu'il adoptait de multiples mesures de nature à encourager notre développement, le Parlement ait prévu une procédure démocratique d'avancée institutionnelle, dont il est bien entendu qu'elle ne sera ni concoctée entre élus seuls, ni octroyée par l'Etat seul, mais consentie, en toute connaissance de cause, par le peuple martiniquais lui-même, à qui rien ne sera appliqué qu'il n'ait, au préalable, approuvé dans la gravité d'une consultation publique. Mais à ce propos, le Président de la République joue un jeu solitaire et dangereux. Aux Antilles, il a allègrement promis, tout à la fois la lune, le soleil et les étoiles. Bien naïf qui s'y était fié.

L'écart inquiétant par exemple entre ses promesses tonitruantes et médiatisées à souhait à la Martinique et son surprenant recul, s'agissant du rôle des élus d'outre-mer dans la coopération régionale, pourtant votée par le Parlement, montre clairement qu'il n'est rien de positif à attendre de sa mouvance.

Mme la Présidente - Veuillez conclure !

M. Camille Darsières - J'arrive à la fin, en même temps que j'exécute le Président... (Sourires)

Dans le contexte politique actuel, pour une avancée institutionnelle démocratique, nous ne pouvons compter que sur le gouvernement de la gauche plurielle, enrichi de nos franches et loyales critiques.

Votre budget voté, les combats reprendront, qui vont de pair, pour le développement durable de la Martinique et la responsabilité politique des Martiniquais (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Anicet Turinay - Je pourrais vous adresser des éloges, Monsieur le ministre, du seul fait que votre budget soit une fois de plus en augmentation et qu'il continue à privilégier deux secteurs cruciaux pour l'ensemble des départements d'outre-mer, l'emploi et le logement.

Selon les dernières statistiques, l'emploi à la Martinique serait dans un processus assez favorable puisque l'on constate actuellement une baisse du chômage. C'est donc qu'on crée des emplois mais quels sont-ils ? Des CIA, des CES, des CEC et des emplois-jeunes, activités précaires qui après une, deux ou trois années auront disparu car il n'est possible de garantir ni leur financement ni leur intégration dans l'organisation du travail. Dès l'an dernier, je vous interrogeais d'ailleurs sur le devenir des CEC en fin de contrat. Par ailleurs, malgré les dispositions de la loi d'orientation, il semble que les entreprises privilégient d'abord les gains de productivité avant d'envisager des recrutements.

Or qu'attendent aujourd'hui les jeunes et les chômeurs : des emplois fiables et durables. Vous direz que l'emploi passe par le développement économique, le soutien à l'économie, par un dispositif incitatif à l'investissement et que c'est ce cadre qu'offre la loi d'orientation. Hélas ! Cela ne fonctionne pas !

Ainsi le tourisme, traditionnellement pourvoyeur d'emplois n'en crée plus à la Martinique parce qu'il n'est plus compétitif par rapport aux îles voisines. La destination est trop chère et les difficultés d'Air Lib risquent de se traduire par une augmentation des tarifs, Air France se trouvant en situation de monopole. Les liaisons avec l'extérieur de la Martinique sont de plus en plus difficiles. Toutes les compagnies étrangères ont fermé leur escale. Le tourisme de croisière est moribond. Ainsi, les établissements hôteliers, les agences de voyages, les restaurants connaissent, depuis 1999, de grosses difficultés. Comment pourraient-ils embaucher ?

Autre exemple, l'agro-alimentaire. A la Martinique, des entreprises de transformation proposent des produits tropicaux originaux avec un label de qualité. Mais en raison de leur coût de production élevé, ces produits sont concurrencés par des importations massives, fatale pour nos îles exclusivement fondées sur une économie de consommation. Cela pénalise l'agriculture, notamment ses efforts de diversification, ainsi que les PME qui apportent leur savoir-faire dans ce domaine. Comment y créerait-on des emplois, si des mesures de protection ne sont prises ?

Les collectivités locales des DOM crient depuis quelques années leur grande misère après la forte augmentation des cotisations du SDIS, la diminution de la DGF du fait de la CMU. S'y ajoute la situation des personnels non titulaires qu'aucune commune ne peut aujourd'hui intégrer, en dépit des sollicitations régulièrement adressées au Gouvernement. C'est vers elles que se tournent les demandeurs d'emploi mais elles ne peuvent supporter la charge d'une majoration des salaires.

Dés_uvrée et désabusée, une partie trop importante de la jeunesse se laisse tenter par des comportements délinquants, ce qui renforce l'insécurité. Il faut assurer la formation de notre jeunesse, la mettre en garde contre la violence, contre la toxicomanie, contre tous les fléaux de notre société.

De ce point de vue, j'appelle votre attention sur la nécessité de créer des postes de médecins de l'Education nationale à la Martinique. Une circulaire ministérielle de 1969 recommande un taux d'encadrement d'un médecin pour 5 000 élèves, soit 20 médecins pour mon département. Nous ne comptons que 8 titulaires et 4 vacataires à temps partiel !

Pourtant, la jeunesse ne baisse pas les bras. Elle entend se former, acquérir des diplômes afin d'être compétitive sur le marché du travail. Ainsi, près de 4 000 étudiants ont fait leur rentrée cette année à la faculté des lettres et des sciences humaines dont le doyen remarquait que la « population est en augmentation notable et qu'il existe des carences en matière d'infrastructure, de locaux, de moyens logistiques ».

Les jeunes Martiniquais, la jeunesse en outre-mer, sont motivés. Ils veulent se battre pour réussir. Aidons-les, encourageons-les, protégeons-les car ils forment les forces vives pour l'avenir de nos îles.

La loi d'orientation leur propose le projet initiative jeunes, mais ceux qui y ont accès doivent faire preuve de beaucoup de persévérance face à un véritable parcours du combattant. Selon le conseiller technique du réseau initiatives Antilles-Guyane, « le premier critère de sélection : c'est la combativité ». Quant au congé-solidarité, qui consiste à embaucher un jeune pour compenser un départ en retraite, il est financé à 60 % par l'Etat et les collectivités ont bien du mal à assurer leur part. Comment créer plus d'emplois dans ces conditions ?

Au moment où le volet institutionnel de la loi d'orientation est débattu par le congrès, c'est d'abord sur le terrain économique et social que se décide l'avenir de l'outre-mer. Pour moi, le changement de statut n'est pas un préalable. Toutefois, nos départements doivent se voir transférer les responsabilités dans plus de domaines, sans remettre en cause ni les acquis sociaux, ni la solidarité nationale, ni celle de l'Union européenne.

Je ne peux que constater vos bonnes intentions et votre ambition. Mais votre budget n'aura qu'un effet très limité sur la politique que le Gouvernement prétend vouloir mener vis-à-vis des départements d'outre-mer.

Mme la Présidente - Pour permettre au ministre de faire face à ses engagements, je vais maintenant lever la séance.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance, qui aura lieu ce soir, à 21 heures.

La séance est levée à 19 heures 10.

            Le Directeur du service
            des comptes rendus analytiques,

            Jacques BOUFFIER

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ERRATA

au compte rendu analytique de la 1ère séance du lundi 29 octobre 2001.

Page 13

· quatrième paragraphe :

lire « La villa du multimédia à Grenoble »... au lieu de « La ville »...

· dernier paragraphe :

- « Cette année, 12 000 bourses de DESS sur critères sociaux et 12 000 bourses trimestrielles de mobilité européenne »...

- « Mme Figuière-Lamouranne, ancienne vice-présidente de l'université d'Orsay »...


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