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Session ordinaire de 2001-2002 - 55ème jour de séance, 127ème séance

SÉANCE DU MERCREDI 30 JANVIER 2002

PRÉSIDENCE de M. Raymond FORNI

Sommaire

QUESTIONS AU GOUVERNEMENT 2

INSÉCURITÉ ET DÉLINQUANCE 2

INDEMNISATION DES CHÔMEURS
ET FORMATION DE LONGUE DURÉE 3

VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE 3

MAINTIEN DU SERVICE PUBLIC
DANS LES TRANSPORTS 4

PÉRIODES DE CHASSE AUX OISEAUX MIGRATEURS 5

AVENIR DES SERVICES PUBLICS 6

ÉPARGNE SALARIALE 7

FINANCEMENT DE LA FORMATION EN ALTERNANCE 8

LUTTE CONTRE LE TERRORISME 9

RÉOUVERTURE DU TUNNEL DU MONT-BLANC 9

SOUTIEN À LA VITICULTURE 10

RETRANSMISSION RADIOPHONIQUE
DES ÉVÉNEMENTS SPORTIFS 11

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL
DE LA COUR DES COMPTES 11

DÉPÔT DU RAPPORT
D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE 15

DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE 15

TRAITEMENT DES DONNÉES
A CARACTÈRE PERSONNEL 16

ARTICLE PREMIER 34

ART. 2 35

ART. 3 36

ART. 4 38

ART. 5 39

ART. 6 42

ART. 7 42

ART. 9 43

ART. 11 44

ART. 12 44

ART. 14 44

ART. 15 45

APRÈS L'ART. 15 45

ART. 16 46

ART. 17 47

SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION 47

ORDRE DU JOUR DU MARDI 5 FEVRIER 48

La séance est ouverte à quinze heures.

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QUESTIONS AU GOUVERNEMENT

L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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INSÉCURITÉ ET DÉLINQUANCE

M. Pierre Cardo - Monsieur le Premier ministre, les chiffres de la délinquance viennent de le confirmer (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe DL et du groupe du RPR)...

M. le Président - Je vous en prie, gardez votre calme !

M. Pierre Cardo - ...l'insécurité n'est pas qu'un sentiment, c'est une réalité qui dépasse le seul cadre des quartiers sensibles.

Hier, vous avez déclaré que la société en était responsable (M. le Premier ministre fait un geste de dénégation) ; pour nous, l'individu est le premier responsable de ses actes, et le Gouvernement est responsable de l'évolution de la société.

Relativement à l'ordonnance de 1945, des divergences importantes séparent la majorité et l'opposition. Nous sommes favorables à sa réforme, pas vous. Nous souhaitons qu'on l'adapte aux évolutions actuelles, pas vous. Vous prônez la prévention, nous sommes pour un juste équilibre entre la prévention et la sanction. Quand nous parlons de sanction, vous nous répondez qu'il existe des peines de substitution. Mais quelle est leur réalité ? Dans ma commune et dans beaucoup d'autres, elles relèvent de l'incantation. Les mesures de réparation et de médiation ne sont pas appliquées. A Chanteloup comme ailleurs, alors que tous les partenaires sont d'accord pour accueillir des jeunes condamnés à des peines de substitution, aucune mesure de ce genre n'a été prononcée en 2001.

M. le Président - Je vous invite à poser votre question.

M. Pierre Cardo - J'y arrive. Alors avez-vous une vraie politique pénale éducative pour la jeunesse ? Votre Gouvernement est-il incapable de la mettre en place ? Est-ce une volonté délibérée de la justice, ou de votre part ? Gouverner ou ne pas gouverner, telle est la question (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - Arrêtons de fixer le débat sur l'ordonnance de 1945, comme si celle-ci était restée immuable depuis l'origine. Elle a été rectifiée largement en 1985 pour y introduire la permanence éducative ; en 1987 et 1989 pour rectifier les conditions de mise en détention ; en 1993 pour introduire la mesure de réparation ; en 1995 et 1996 pour permettre un jugement plus rapide des mineurs. Quelle nouvelle modification proposez-vous donc ? (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) La politique n'est pas affaire de slogans mais d'efficacité. C'est pourquoi nous avons créé des centres de placement immédiat et des centres éducatifs renforcés ! Le Premier ministre l'a rappelé hier, la société n'est pas seule responsable ! Il faut reparler de la responsabilité individuelle, y compris celle des mineurs délinquants.

Contrairement à de nombreux pays, dont la Grande-Bretagne et l'Allemagne, la France reconnaît la responsabilité pénale des mineurs quel que soit leur âge. L'arsenal législatif existe. La sanction est nécessaire, c'est la seule façon de rendre un enfant responsable de lui-même et citoyen de la République. Travaillons plus en amont pour les enfants que l'on ne met pas en prison pour de petits faits, multiplions les centres d'éducation renforcée, les lieux de réparation !

Ne faites pas de cette question un sujet de polémique Monsieur Cardo ! La politique pénale existe, elle apporte des réponses à la plupart des cas. Travaillons ensemble à être encore plus actifs, car ces jeunes délinquants sont trop nombreux et trop violents, en effet. Un vrai travail doit s'accomplir en effet en direction des quartiers et des familles (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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INDEMNISATION DES CHÔMEURS ET FORMATION DE LONGUE DURÉE

M. André Vauchez - Madame la ministre de l'emploi et de la solidarité, depuis 1997 le Gouvernement a fait de la lutte contre le chômage une priorité, et a su mettre en _uvre une politique volontariste, à la hauteur du défi. Les résultats sont là ! (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) Un million de chômeurs en moins, ce sont autant de personnes qui ont retrouvé l'espoir.

Depuis quelques mois, la conjoncture internationale est moins favorable, mais la France résiste mieux que ses partenaires européens. Il reste deux millions de nos concitoyens encore privés d'emplois, pour lesquels nous devons conforter notre politique de lutte contre le chômage. Or, la formation des chômeurs constitue un atout majeur, et de nombreux parlementaires ont été interpellés par des demandeurs d'emplois sur la difficulté à obtenir le maintien de leur légitime indemnisation dès lors qu'ils s'engagent dans une formation de longue durée. On comprend l'hésitation de certains à s'y lancer. Ce problème se pose avec une particulière acuité pour les chômeurs suivant une formation d'infirmier - qui dure trois ans.

Les dispositions de la nouvelle convention UNEDIC s'opposent-elles à ce que les demandeurs d'emploi suivent une formation de longue durée tout en percevant une rémunération ? Le Gouvernement entend-il prendre des mesures particulières pour faciliter l'inscription de chômeurs dans les instituts de formation des soins infirmiers ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité - Il y a là en effet une difficulté dont j'ai déjà été saisie par plusieurs de vos collègues, à commencer par Jean Le Garrec, président de la commission des affaires sociales.

Le problème se posait déjà dans le cadre de l'ancienne convention UNEDIC, et la loi du 17 juillet 2001 a prévu une allocation de fin de formation - le décret d'application a été publié au mois de décembre. Le dispositif se met en place, il garantira à tous les chômeurs qui le souhaitent une formation rémunérée.

En ce qui concerne les infirmiers, le problème est encore plus crucial car leur formation dure trois ans. Nous avons besoin de nouveaux infirmiers en raison de la réduction de la durée du temps de travail, des départs en retraite, du développement de la prise en charge des patients à domicile. La diminution puis l'arrêt des recrutements jusqu'en 1997 continue en outre d'aggraver la pénurie. Pour y faire face, nous avons mis en place un programme national de formation au diplôme d'Etat d'infirmier : 2 000 demandeurs d'emplois, concentrés dans des régions où l'on manque d'infirmiers, se verront offrir une rémunération publique de formation, dès le début des prochains cycles, c'est-à-dire en février pour l'Ile-de-France et en septembre pour les autres régions.

Nous avons amélioré par ailleurs le statut des étudiants en soin infirmier, revalorisé leurs bourses et révisé les modalités de prise en charge des frais de déplacement et de l'indemnisation des stages (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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VIOLENCE EN MILIEU SCOLAIRE

M. Lionnel Luca - Monsieur le ministre de l'éducation, hier, à Créteil, une élève de cinquième a jeté dans la cour d'un collège une bouteille explosive que lui avait fournie son frère exclu de l'établissement. Dans ma circonscription, il y a quelques jours, une collégienne a été entraînée par trois garçons de sa classe dans un vestiaire où elle a subi une agression sexuelle. Ces faits de violence sont désormais le lot quotidien de nos établissements scolaires.

Vous publiez des chiffres qui se veulent rassurants, comme si ce phénomène régressait, alors qu'il n'a jamais été aussi préoccupant. Vous avez changé le mode de calcul des violences, et désormais le chef d'établissement devra choisir un seul signalement dans le cas de violences multiples. Pour faire tomber la fièvre, vous changez le thermomètre !

Un rapport de la direction centrale des Renseignements généraux rédigé avant Noël - que vous vous êtes bien gardés de publier - brosse un tableau alarmant : les cours de récréation sont devenues des jungles (Approbations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), on y pratique des jeux qui mêlent agression et humiliation parfois jusqu'à la mort avec le jeu du foulard. Sans parler de l'intrusion d'éléments extérieurs dans les établissements, des agressions d'enseignants jusque dans leurs classes, parfois avec des armes blanches.

Publier des statistiques pour minimiser un phénomène qui touche maintenant les établissements les plus calmes est particulièrement indécent. Au reste, un seul enfant serait-il agressé, dans le lieu du savoir et du civisme, que ce serait insupportable.

Votre ministère a repris les recommandations de la mission d'information de M. Bourg-Broc.

M. le Président - Monsieur le député, posez votre question.

M. Lionnel Luca - Vous avez déclaré, Monsieur le Premier ministre, que vous apparteniez à une génération qui, pour avoir combattu l'autoritarisme, a perdu un peu de vue cette belle idée d'autorité. Que comptez-vous faire pour la rétablir ? Si rien n'est fait, vous serez coupable de non-assistance à jeunesse en danger (Applaudissements sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. le Président - La parole est à M. le Ministre de l'éducation nationale (Bruits sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL).

M. Jack Lang, ministre de l'éducation nationale - En hurlant de la sorte, vous offrez un exemple détestable à la jeunesse qui vous regarde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste). En multipliant les amalgames, (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR) vous ne faites pas preuve de cette rigueur si nécessaire à l'éducation.

Il va de soi que nous réprouvons tous les actes de violence. Le combat que nous menons avec énergie et détermination (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) pour éradiquer la violence porte ses fruits. Même si chacun est libre de dire des bêtises, (Protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL) je ne vous reconnais pas le droit de mettre en doute l'intégrité des fonctionnaires qui ont élaboré un nouveau logiciel pour radiographier cette violence. D'autres se contentent d'en faire leur fonds de commerce électoral (Protestations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

Vous en serez fort marris, mais je vais tout à l'heure annoncer, sous l'autorité du Premier ministre, que les incivilités et les violences ont reculé dans de nombreux établissements (« Démission ! » sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF, du groupe DL ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

Ceux qui ont démissionné, ce sont ceux qui ont supprimé des milliers de postes de professeurs, d'éducateurs et de surveillants. Voilà les démissionnaires ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV ; huées sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL)

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MAINTIEN DU SERVICE PUBLIC DANS LES TRANSPORTS

M. Claude Billard - Monsieur le Ministre des transports, afin d'appliquer les décisions du sommet européen de Lisbonne visant à accélérer la déréglementation des services publics, la Commission de Bruxelles a mis en chantier plusieurs propositions de directives et de règlements particulièrement destructrices.

Dans le domaine des transports, Mme de Palacio multiplie les offensives, qu'il s'agisse des transports urbains de voyageurs, de la déréglementation des services portuaires ou de la privatisation des compagnies de navigation aérienne, sans oublier le « nouveau paquet ferroviaire », adopté la semaine dernière par la Commission, qui vise à ouvrir totalement à la concurrence les transports intérieurs de marchandises.

Que compte faire le Gouvernement pour s'opposer à ces attaques ? Comment empêcherez-vous que la libéralisation du cabotage ou celle du fret ferroviaire soit adoptée lors de la prochaine réunion des ministres européens des transports ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste)

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Vous avez raison, le dogme libéral exerce une forte pression en Europe et dans le reste du monde. Mais notre gouvernement refuse de céder au dogmatisme (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL). Nous croyons à l'intérêt général et au service public. Ceux pour qui il suffirait de laisser libre cours à la loi du marché, dans des domaines aussi essentiels que les transports, la sécurité, la santé, font fausse route. Au sommet de Lisbonne, le Premier ministre lui-même est intervenu pour réclamer la prise en compte de l'intérêt général.

Voyez ce qui se passe dans les transports anglais : The navigators... (Sourires) M. le Premier ministre me dit que je ne prononce pas bien. Mais il sait que je pense juste ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV)

Voyez ce qui se passe dans le domaine de la santé. Nous venons d'apprendre qu'un enfant mort-né avait été jeté avec le linge sale, dans un hôpital en Angleterre.

La proposition de la Commission n'est qu'une proposition. C'est au conseil des ministres et au Parlement européen qu'il appartient de dire « non » au laisser-faire (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste, du groupe socialiste et du groupe RCV).

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PÉRIODES DE CHASSE AUX OISEAUX MIGRATEURS

M. Jacques Le Nay - Avant de poser ma question, je veux rappeler au ministre de l'Education nationale qu'il ferme des milliers de classes et que le monde rural le sait ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste ; applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe du RPR et du groupe DL)

Monsieur le Ministre de l'environnement, Mme Voynet avait autorisé à titre dérogatoire et par voie réglementaire la chasse de certaines espèces d'oiseaux migrateurs en août et en février, ce qui a permis en juin 2000 l'adoption de la loi sur la chasse, à six voix de majorité.

Certains d'entre nous, dont notre collègue de Courson, avions soutenu que les promesses faites ne seraient pas tenues si le Gouvernement agissait par la voie réglementaire. Or, vendredi dernier, un arrêt du Conseil d'Etat a annulé une partie essentielle du décret du 1er août 2000 et déféré une autre partie à la Cour européenne de justice.

Vous avez pris un décret et deux arrêtés pour autoriser dans l'urgence la chasse au pigeon ramier et à la bécasse du 1er au 10 février. Quelles mesures avez-vous prises pour que chaque chasseur soit en possession d'un carnet de prélèvement au 1er février ? Où en sont les négociations avec Bruxelles ?

M. Yves Cochet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement - Sous le gouvernement Juppé, quand M. Bayrou était ministre de l'éducation nationale, ce sont cinq mille postes qui ont disparu.

Quant à la directive « Oiseaux » de 1979, elle a été adoptée à l'unanimité au conseil des ministres, quand M. Barre était le chef du gouvernement et que M. d'Ornano était ministre de l'environnement (Applaudissements sur les bancs du groupe RCV, du groupe socialiste et du groupe communiste). M. Balladur et son ministre Barnier ont tenté ensuite de la renégocier, mais ce fut en vain.

En 1997, le Premier ministre a donc voulu que notre pays se mette en conformité avec le droit européen : ce fut la loi de juillet 2000, complétée par le décret du 1er août. Mais un recours ayant été aussitôt déposé contre ce dernier, nous avons ouvert la concertation avec les chasseurs, les parlementaires, les associations et la Commission européenne. Dès que le Conseil d'Etat a rendu son avis, nous avons ainsi pu présenter deux décrets et trois arrêtés pour stabiliser les dates de chasse et prolonger la période jusqu'au 10 février pour les pigeons et les bécasses.

Nous continuerons la concertation avec la Commission, puisqu'une révision est prévue chaque année, en fonction de l'évolution des populations d'oiseaux.

Le dispositif offre donc toutes les garanties juridiques, ainsi qu'une fermeté scientifique, qui permettront aux chasseurs de chasser, aux protecteurs de protéger, au droit de s'exercer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV).

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AVENIR DES SERVICES PUBLICS

M. Jacques Desallangre - Connaissant l'optimisme de M. Gayssot, je ne puis me contenter de sa réponse sur l'avenir des services publics. En 1997, cette question séparait encore la gauche et la droite. Aujourd'hui, que reste-t-il de la frontière ? Je m'interroge sur les orientations du Gouvernement, après les déclarations de certains ministres et d'éminents membres du parti socialiste, qui traduisent une convergence avec la droite autour de la philosophie libérale (Murmures sur les bancs du groupe socialiste), comme l'exige M. Romano Prodi.

Certains appellent cela « la fin des tabous à gauche ». Les projets sont multiples : France Télécom, EDF, GDF, La Poste, demain la SNCF. Pourtant, la défense du service public figurait parmi les priorités de notre programme de 1997. Devrait-on désormais y substituer la soumission aux lois du marché ?

MM. François Fillon et Philippe Séguin - Bravo !

M. Jacques Desallangre - Il serait alors difficile de crier « Au loup ! Au secours, la droite revient ! Elle va tout privatiser ! » car que resterait-il à privatiser ? (M. Séguin approuve)

Ce virage sur la droite ne peut qu'inquiéter nos concitoyens pour qui seul le service public est à même d'assurer l'égalité d'accès de tous les usagers en tous points du territoire pour un prix abordable.

La nécessité de faire le choix politique du service public est corroborée par les exemples désastreux des pays étrangers fourvoyés dans l'ultralibéralisme. Le rail britannique, l'électricité californienne, ou la faillite d'Enron illustrent les risques de la spéculation et de la recherche du profit à court terme. Nous ne voulons pas que de tels exemples soient imités en France. Aussi, pourriez-vous nous éclairer en montrant ce qui distingue nos propositions de celles de la droite et du Président de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RCV).

M. Philippe Séguin - Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - Je commencerai par faire le bilan de ce qui s'est fait en ce domaine avant que ce Gouvernement arrive aux responsabilités.

Mme Sylvia Bassot - Cinq ans !

M. le Ministre - Le bilan du dernier gouvernement conservateur se résume à une série d'échecs. Echecs de la privatisation de Thomson-Multimédia, après le rejet opportun, par la commission des privatisations, du projet de cession à Daewoo - aujourd'hui en quasi-faillite - pour la somme d'1 F. Après recapitalisation par l'Etat, ce groupe magnifiquement géré et très bien servi par ses personnels vaut plusieurs dizaines de milliards et a multiplié par deux le nombre de ses salariés (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe RCV). Je rappelle aussi l'échec des privatisations du CIC, de la SFP, de la Société marseillaise de crédit. Seules deux opérations ont abouti : la privatisation de la Compagnie générale maritime, dans des conditions qui font l'objet d'une plainte au pénal et celle des AGF, qui ont rapidement subi une OPA hostile d'un groupe allemand qui en détient aujourd'hui la majorité.

Voilà ce qui a été fait précédemment et que ce Gouvernement n'a pas fait ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; quelques exclamations sur les bancs du groupe du RPR)

M. François Goulard - Vous aviez déjà donné !

M. le Ministre - Depuis 1997, la restructuration du secteur public a été menée à bien. D'abord pour le secteur financier où cinq entreprises - le GAN, le Crédit Lyonnais (Exclamations sur les bancs du groupe du RPR, du groupe UDF et du groupe DL), le CIC, la SMC et le Crédit foncier - étaient menacées de liquidation, tandis que trois autres attendaient une stratégie - la CNP, les caisses d'épargne, la banque Hervet. Ces huit entreprises ont retrouvé des perspectives d'avenir ; en cinq ans leurs pertes ont diminué de 18 milliards d'euros.

Quant au secteur industriel public, c'est AREVA, au premier rang mondial pour le nucléaire ; Thalès, pôle de regroupement majeur en Europe ; Thomson-multimédia, dont le dynamisme est sans équivalent parmi les entreprises technologiques ; Air France, qui fait jeu égal avec les plus grandes compagnies ; Renault, qui forme avec Nissan un des premiers groupes mondiaux ; France Télécom, qui a été dotée de moyens à la hauteur de ses ambitions ; EADS, acteur central de la construction aéronautique.

M. Yves Fromion - GIAT et ses 24 milliards de pertes !

M. le Ministre - Nous avons deux objectifs : le projet industriel et la défense des intérêts des contribuables. Pourquoi imaginer que ce que nous avons mené à bien au cours de la présente législature, nous ne pourrions le poursuivre, dans l'intérêt de la France, lors de la suivante ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) C'est le sens des propositions que nous faisons et j'espère qu'une fois la période présente écoulée, vous nous rejoindrez (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; M. Jacques Desallangre fait un geste de dénégation).

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ÉPARGNE SALARIALE

M. Henri Bertholet - C'est parce que nous sommes attachés à notre système de retraites fondé sur la solidarité, et à tout ce qui peut le consolider, que nous portons un grand intérêt au texte sur l'épargne salariale récemment adopté par notre Assemblée et par lequel nous avons voulu offrir à des millions de salariés la possibilité de mieux préparer leur avenir autour d'un projet personnel.

Il s'agissait aussi pour nous de faire profiter les salariés des résultats auxquels ils ont contribué, de relancer le dialogue social, de favoriser le développement des entreprises.

Nous nous réjouissons donc de l'intérêt qu'ont manifesté pour ce texte la CGT, la CFDF, la CGC et la CFTC, en décidant de créer un comité intersyndical destiné à accompagner le développement de l'épargne salariale.

Pouvez-vous nous décrire, Monsieur le ministre de l'économie, les actions concrètes engagées par votre ministère pour promouvoir cette loi et assurer son application ? Qu'attendez-vous de l'implication des syndicats ? Enfin, quelles avancées concrètes peut-on espérer pour les prochaines semaines ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - C'est en effet une décision importante qu'ont annoncée hier ces syndicats, auxquels s'est jointe ce matin l'UNSA. Nous avions été nombreux à souligner, lors du vote de la loi, à quel point il s'agissait d'une réforme importante pour l'avenir. Les syndicats l'ont compris et ils ont décidé de travailler ensemble, non pour se transformer en gestionnaires financiers mais pour se donner la capacité de conseiller les salariés sur les choix de placements de cette épargne collective. L'objectif est, bien sûr, de soutenir l'emploi, mais aussi d'améliorer les pratiques sociales et environnementales. L'implication des syndicats montre qu'il est possible, quoi qu'on en dise, d'articuler la loi et la négociation partenariale.

Des accords en cours de négociation devraient aboutir dès les prochaines semaines dans les secteurs importants de la carrosserie automobile et des professions libérales, où 1,5 million d'entreprises et leurs salariés pourront ainsi accéder à des plans d'épargne.

L'administration que je dirige s'emploie à faire mieux connaître ce dispositif : 80 % des personnes informées y sont en effet favorables. Nous avons donc lancé une campagne de communication dans la presse et sur notre site Internet.

Plus généralement, ce texte montre que la loi est vivante, que ceux qui sont concernés doivent se l'approprier et la faire fonctionner en partenariat (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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FINANCEMENT DE LA FORMATION EN ALTERNANCE

M. Jean-Michel Ferrand - La formation en alternance joue un rôle important pour l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Elle concerne aujourd'hui 20 000 emplois et 180 000 jeunes. Or, ce mode de formation est gravement menacé par des difficultés financières liées à la ponction de 370 millions d'euros opérée par le Gouvernement, de 1997 à 1999, sur les excédents de l'AGEFAL, ainsi qu'à l'interprétation erronée que font certaines directions départementales du travail de la circulaire Barrot de 1996, autorisant tout jeune titulaire d'un bac professionnel, confronté à des difficultés d'emploi, à bénéficier d'un contrat de qualification.

Demain, les organismes de formation appellent à une grande manifestation nationale pour obtenir l'ouverture d'une négociation générale sur la formation par alternance entre le Gouvernement, les partenaires sociaux et la profession. Quelle réponse allez-vous leur donner ? L'Etat va-t-il rembourser les 360 millions d'euros prélevés sur la trésorerie de l'AGEFAL, afin de pérenniser ce dispositif apprécié de tous, et demander à tous les départements d'appliquer correctement la circulaire de 1996 ?

De vos réponses dépend l'avenir de ce formidable outil d'insertion des jeunes qu'est la formation en alternance.

Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle - En ce qui concerne les prélèvements sur l'AGEFAL, ce gouvernement n'a fait que prendre acte de la procédure que vous aviez mise en place ! (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF)

Nous sommes tous attachés à la formation en alternance, que ce soit par les contrats d'apprentissage ou les contrats de qualification. Toutes les questions que vous posez ont été déjà éclaircies au cours du débat budgétaire. En ce qui concerne le financement des contrats de qualification par l'AGEFAL, j'ai rappelé que l'Etat s'était engagé par écrit à ce que tous les contrats puissent être signés et l'AGEFAL a dégagé la trésorerie nécessaire (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR).

Quant à la circulaire de M. Barrot, j'ai bien précisé que tout jeune titulaire d'un bac professionnel en panne d'insertion devait pouvoir bénéficier d'un contrat de qualification si celui-ci lui permettait de réaliser cette insertion. Vous savez pertinemment que j'ai écrit aux directeurs départementaux pour préciser les conditions d'application de la circulaire.

Vos deux questions sont donc en retard sur les faits, des solutions ont été apportées (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste ; interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

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LUTTE CONTRE LE TERRORISME

Mme Nicole Feidt - Hier le Président Bush, dans son « discours sur l'état de l'Union », a déclaré que l'Amérique était « en guerre ». Tout indique qu'il prépare son pays à une nouvelle phase de la guerre contre le terrorisme. Il a désigné l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord comme des pays menaçant la sécurité internationale. Bien évidemment, nous savons que personne n'est à l'abri de la menace terroriste.

D'après les autorités américaines, des personnes présumées de nationalité française figurent parmi les prisonniers talibans ou membres du réseau Al-Qaida détenus sur la base de Guantanamo.

Quel rôle la France entend-elle tenir face à la menace terroriste et face à la relance de la guerre annoncée par le Président Bush ? Quelles actions notre pays envisage-t-il de mener au niveau européen et international pour favoriser une réponse politique, économique et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères - La lutte contre le terrorisme doit naturellement se poursuivre, elle n'a d'ailleurs jamais cessé. Elle ne peut pas reposer sur les seuls moyens militaires. Nos amis espagnols se félicitent de notre coopération bilatérale, et l'Union européenne vient de prendre des décisions facilitant la collaboration entre justice et police.

Mais il faut aussi s'attaquer aux causes du terrorisme. La résolution 1368, adoptée par le Conseil de sécurité de l'ONU au lendemain des attentats du 11 septembre, n'autorise pas tout. Nous gardons notre pouvoir d'appréciation sur les actions à mener.

158 personnes de trente nationalités sont détenues sur la base américaine de Guantanamo, à Cuba. Nous avons envoyé une mission sur place pour identifier les éventuels ressortissants français et jusqu'à présent, deux l'ont été. La mission a pu s'entretenir avec eux, et ils ont déclaré se trouver en bonne santé. Nous verrons s'il y a lieu de demander qu'ils soient jugés en France. Un débat s'est engagé aux Etats-Unis sur le statut juridique de ces prisonniers, et j'ai demandé à M. Powell, dès le 15 janvier, que les prisonniers bénéficient des garanties du droit international (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RÉOUVERTURE DU TUNNEL DU MONT-BLANC

M. Christian Kert - Après trois ans de fermeture, le tunnel du Mont-Blanc ne devrait pas tarder à rouvrir, des tests de sécurité sont effectués aujourd'hui même.

De très importants travaux de mise en sécurité ont été réalisés : abris connectés à une galerie d'évacuation, matériel pour stopper la propagation de tout incendie etc. Si ces dispositifs avaient existé lors de la catastrophe de mars 1999, ils auraient sûrement sauvé des vies.

Reste la question de la réouverture du tunnel aux poids lourds. Vous êtes pris en tenaille, Monsieur le Ministre des transports, entre les habitants de la vallée du Mont-Blanc, qui refusent le retour des poids lourds, ceux de la Maurienne, qui n'en peuvent plus, les transporteurs routiers et les Italiens qui souhaitent une réouverture rapide.

Quand et comment allez-vous rouvrir ce tunnel aux poids lourds ? Est-ce que, comme le disent certaines mauvaises langues, vous attendriez que les élections soient passées ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste) Quelle formule retiendrez-vous pour le passage des poids lourds, sachant que leur stockage à l'entrée du tunnel serait dangereux, compte tenu d'un couloir avalancheux ? Quelles solutions alternatives envisagez-vous ? Une réelle politique de ferroutage, avec la liaison Lyon-Turin ? Une revitalisation du transport fluvial après l'abandon du canal Rhin-Rhône par Mme Voynet ? Ou comptez-vous promouvoir le « merroutage » ? Il y a urgence : si on laisse faire, en 2020 la circulation des poids lourds aura doublé sur les autoroutes françaises (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement - Les travaux, comme vous l'avez constaté sur place, sont achevés. Vous y êtes pour quelque chose puisque dans votre rapport sur ce sujet, vous aviez préconisé ces travaux (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF).

Les exercices de sécurité sont en cours et se passent bien, et je n'ai pas cédé aux pressions tendant à rouvrir le tunnel avant qu'ils aient eu lieu. Dès qu'ils seront achevés, vers le 4 février, et que la commission de sécurité se sera prononcée, nous le rouvrirons d'abord aux véhicules légers, puis, quelques jours plus tard, aux poids lourds, sur la base d'un alternat très court pour éviter tout stockage de camions.

En ce qui concerne le ferroutage, le Premier ministre s'est engagé, le 29 janvier 2001, de manière déterminée dans cette voie. Il s'agit de multiplier les transports par rail et aussi par mer : j'ai mis en place, avec l'Italie et l'Espagne, une organisation du cabotage maritime.

Pour le ferroutage, un nouveau type de wagons va circuler dès mars, et à la fin de l'année l'équivalent de 50 000 camions passeront par le rail. Quand les travaux du tunnel du Mont-Cenis seront terminés, ils seront 300 000, et dès que la liaison Lyon-Turin sera réalisée, un million de poids lourds seront transportés par le rail. C'est une évolution souhaitée par tous les habitants des vallées concernées, mais c'est aussi l'intérêt de la France et de l'Europe tout entière (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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SOUTIEN À LA VITICULTURE

M. Jacques Bascou - Monsieur le Ministre de l'agriculture, ma question à laquelle s'associent mes collègues députés du Languedoc-Roussilon, concerne les difficultés que rencontre, depuis plusieurs mois, la viticulture de cette région. Les efforts consentis, notamment les importants arrachages effectués ces dernières années, ont permis l'amélioration sensible de la qualité, mais cette mutation n'est pas achevée : elle doit se poursuivre pour les vins de table et vins de pays.

Mais la faiblesse du marché n'assure plus un revenu suffisant pour poursuivre cette reconversion. Le contingent de distillation aidera à redresser les cours, mais Bruxelles l'accordera au mieux le 18 février.

De nombreux viticulteurs qui ont fait l'effort d'investir ont besoin d'aides directes. Le plan d'adaptation que vous avez présenté le 25 septembre allait dans ce sens et a été bien accueilli. Mais ses critères sont inadaptés. En effet, la crise avait été sous-estimée, et c'est maintenant que ses effets sont les plus sensibles, alors que l'on ne peut plus déposer de demande d'aide depuis le 21 décembre. Il serait paradoxal de ne pas utiliser tous les crédits. Acceptez-vous de réviser les critères d'attribution des aides aux jeunes viticulteurs, d'étudier des mesures complémentaires pour les cas les plus difficiles, et de débloquer s'il le faut de nouveaux crédits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche - Le plan du 25 septembre a été bien accueilli, et je l'applique avec pragmatisme. J'ai toujours dit qu'en cas de difficultés, nous reverrions les critères. Sur le court terme, c'est la situation des jeunes agriculteurs qui fait problème. A ma demande, le préfet de région et les préfets des départements ont réuni il y a quelques jours des cellules pour étudier les dossiers des jeunes agriculteurs. Cent dossiers ont déjà été instruits, et j'ai décidé hier d'adapter les critères d'éligibilité : le taux d'endettement minimal est ramené de 16 % à 12 %, et la baisse de chiffre d'affaires constatée de 20 % à 15 %. Ceux qui n'ont pas encore de chiffre d'affaires de référence bénéficieront d'un traitement adapté. Enfin, on tiendra compte des AOC notamment dans les Pyrénées-Orientales où le secteur de Rivesaltes est très touché. Dans les prochains jours on pourra revoir les dossiers qui n'étaient pas éligibles jusque là, de sorte que les aides aux jeunes viticulteurs soient toutes payées le 15 février au plus tard.

Pour le reste, la distillation « alcool de bouche » prend fin demain, mais nous avons déjà déposé nos demandes pour la distillation de crise. Au comité de gestion du 7 février et au Conseil des ministres de l'agriculture du 18 février, j'ai bon espoir d'obtenir les 4,5 millions d'hectolitres que nous avons demandés. Je vous ferai part des résultats (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

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RETRANSMISSION RADIOPHONIQUE DES ÉVÉNEMENTS SPORTIFS

M. Olivier de Chazeaux - Beaucoup de passionnés de sport suivent les grands événements à la radio. Or, sous le faux prétexte de « vivre avec son temps », on envisage aujourd'hui de commercialiser les droits de retransmission sportive pour la radio et la presse écrite, éventuellement en exclusivité. Ce serait une atteinte inadmissible à la liberté de l'information. L'opposition, qui y est vivement attachée, vous conjure de ne pas vous contenter d'une pétition de principe mais d'agir avec force pour que cette tentative d'entrave à l'information ne crée pas une fâcheuse exception sportive française. Quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour garantir le droit à l'information ?

Mme Catherine Tasca, ministre de la culture et de la communication - Comme vous, nous constatons que le monde change, pas toujours en bien. Jusqu'à présent, il y avait un large consensus pour soustraire ces retransmissions radiophoniques aux transactions commerciales, dans l'intérêt de ce droit à l'information auquel nous sommes fondamentalement attachés. Tous y trouvaient leur compte, les radios, les organisateurs et le public.

Or, récemment, suite à une vaste transaction sur les droits télévisés entre TF1 et Kirsch, RMC a obtenu les droits de retransmission radiophonique de la Coupe du monde de football. C'est inacceptable, d'autant plus que RMC ne couvre même pas tout le territoire. Une telle situation pose des problèmes au monde sportif, qui bénéficie d'aides publiques, aux médias qui risquent de se laisser entraîner dans la surenchère, et elle pose surtout un problème de principe, celui du respect du droit à l'information. Mais les textes français et communautaires ne permettent pas de régler la question de façon définitive, même si la loi sports fait obligation d'assurer l'accès à l'information sportive. Marie-George Buffet et moi-même incitons les opérateurs à se concerter. Ils ont proposé que RMC transfère les droits acquis à un GIE, mais la station a refusé. Les négociations se poursuivent, et j'espère que la raison l'emportera.

Parallèlement, nous devons discuter de la future directive européenne « télévision sans frontières » de manière à fixer des règles pour la radio comme cela a été fait pour la télévision, afin que les événements sportifs ne soient pas traités comme des marchandises, que le droit à l'information soit garanti, de même que la liberté d'exercice des journalistes. Le gouvernement français sera très actif sur le plan communautaire et, s'il le faut, pour faire évoluer la législation nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

La séance, suspendue à 16 heures 10, est reprise à 16 heures 15.

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DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE LA COUR DES COMPTES

L'ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.

(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit avec le cérémonial d'usage).

M. le Président - Je donne la parole à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes - J'ai l'honneur de déposer sur le Bureau de l'Assemblée nationale, conformément aux dispositions du code des juridictions financières, le rapport annuel de la Cour des comptes pour l'année 2001, que j'ai remis auparavant à M. le Président de la République. Comme de coutume, le document sera mis à la disposition de chacun des membres de l'Assemblée, accompagné d'une synthèse des observations destinée à en faciliter l'accès ; il sera également consultable par voie électronique, dès demain, sur le site Internet de la Cour. Comme mon prédécesseur l'avait fait ces dernières années, et avec votre autorisation, je commenterai brièvement le rapport lui-même, avant de rappeler les modalités de l'assistance que la Cour apporte au Parlement dans son rôle éminent de contrôle des fonds publics.

Le rapport public comporte, cette année encore, deux parties, les observations proprement dites étant précédées d'un rapport d'activité faisant l'objet d'un fascicule distinct pour mieux faire apparaître son objet propre. Cette première partie a pour fonction de présenter les éléments marquants des travaux de l'ensemble des juridictions financières, c'est-à-dire la Cour elle-même et les chambres régionales et territoriales des comptes, puisque la loi a prévu qu'il est rendu compte du fonctionnement de ces dernières dans le cadre du rapport annuel. Sont successivement abordées l'évolution des missions et des moyens, et la politique de contrôle - celle-ci étant traitée sous l'angle des programmes, mais aussi des méthodes et des outils mis en _uvre. L'accent est mis en particulier sur les enquêtes transversales, qui mobilisent le plus souvent plusieurs chambres de la Cour ainsi que, selon les sujets traités, les chambres régionales ou certaines d'entre elles. Les enquêtes en cours sur la politique de la ville, le système éducatif, les fonctions publiques, la gestion des crédits européens ou encore les services déconcentrés de l'Etat sont l'illustration de cette orientation majeure de nos travaux ; ces thèmes ont fait ou feront l'objet de communications publiques, notamment sous la forme de rapports particuliers.

Le rapport d'activité donne ensuite des indications chiffrées sur les différentes activités des juridictions financières, et sur les thèmes, regroupés par grands domaines d'intervention de l'Etat, des principaux contrôles effectués ou engagés par la Cour en 2001. Sont également analysées les activités internationales, en constante expansion, notamment en raison des missions de commissariat aux comptes que des organisations internationales, en particulier les Nations unies, nous ont confiées. Il nous paraît d'autant plus utile de décrire ce panorama, à l'intention des pouvoirs publics comme à celle des médias que, comme les parlementaires le savent bien, les rapports publics ne donnent qu'une vue très partielle de l'ensemble des travaux des juridictions financières : la Cour ne retient en effet que les constats et les analyses les plus riches d'enseignements, ou ceux qu'elle estime, dans un souci d'information et d'exemplarité, devoir porter devant l'opinion publique.

Enfin, nous nous sommes attachés plus que jamais à suivre les résultats et les suites de nos contrôles. S'agissant des chambres régionales, une section particulière du rapport d'activité expose les conclusions d'une étude sur les effets de leurs interventions, illustrée par de nombreux exemples ; la Cour, pour sa part, rend compte des suites données à ses observations dans le corps même du rapport public, c'est-à-dire dans la deuxième partie, car c'est principalement en procédant à des enquêtes « de suivi » qu'elle peut les apprécier avec le plus de précision. Cette année, elle a ainsi évalué les résultats souvent positifs de ses travaux antérieurs sur divers sujets comme la lutte contre la toxicomanie, l'amélioration des conditions de travail ou la gestion des crédits de coopération et d'action culturelle.

Je ne saurais exposer en détail, dans le cadre de cette brève intervention, le contenu des vingt-six insertions publiées cette année, ni en mettre en exergue certaines, alors que les commentateurs en privilégieront probablement quelques-unes. Présentées par grands domaines d'interventions, elles relèvent en fait de typologies diverses, même si elles combinent le plus souvent des observations touchant des irrégularités et d'autres concernant la qualité de la gestion. Ainsi, certaines observations ont trait à la mise en _uvre de politiques publiques, telles que l'insertion des bénéficiaires du RMI ou les emplois-jeunes ; d'autres, plus techniques, analysent la gestion de certains dispositifs d'intervention comme les aides européennes à l'agriculture ; d'autres encore rendent compte de contrôles organiques, tels ceux effectués sur le CNRS et l'établissement public du Musée du Louvre. Enfin, les insertions relatives au secteur public local sont le résultat de contrôles coordonnés sur des thèmes communs - les relations entre les collectivités publiques et les casinos, la gestion des opérations d'aménagement urbain par exemple - qui paraissent avoir mieux leur place dans le rapport public que des observations ponctuelles qui ne feraient que reprendre des observations déjà communiquées par les chambres régionales des comptes.

Les insertions du rapport public sont, plus fréquemment que par le passé, conclues par des recommandations adressées aux pouvoirs publics et, comme il est de règle, accompagnées des réponses apportées par les ministres et les responsables des collectivités et organismes intéressés.

Les rapports publics, annuels ou particuliers, sont les vecteurs susceptibles de contribuer le mieux à l'information du Parlement, avec les deux rapports annuels sur l'exécution des lois de finances et sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale. Cependant, la Cour communique aux assemblées une part croissante des résultats de ses travaux : en dehors des rapports sur les comptes et la gestion des entreprises publiques, au nombre d'une quarantaine en moyenne chaque année, la loi prévoit que sont transmis désormais aux présidents des commissions des finances la totalité des référés adressés aux ministres ainsi que les réponses reçues. Ils peuvent l'être aussi, à leur demande, aux commissions d'enquête parlementaires. Cette disposition a commencé à s'appliquer en 2001 et je veille à ce qu'elle soit exactement respectée.

En outre, la mission d'assistance au Parlement est maintenant précisée, mais aussi élargie par les dispositions de l'article 58 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, et je peux vous donner l'assurance que la Cour met au premier rang de ses priorités l'objectif d'y faire face, sous tous ses aspects. Elle le fera dans le cadre de l'ensemble de ses tâches et dans toute la mesure de ses moyens, qui sont malheureusement limités et plutôt en légère diminution ces dernières années.

Je n'aurai garde d'oublier la participation que la Cour s'est efforcée d'apporter, pour la troisième année consécutive, aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle créée par votre commission des finances en son sein. Ils ont porté en 2001 sur le logement social, l'emploi des moyens de la justice et la gestion de l'eau. En livrant les résultats de leurs travaux les plus récents et en contribuant à l'organisation du dialogue avec les responsables ministériels, nos collègues se situaient, là aussi, dans le droit fil de la mission d'assistance que la Cour se doit d'apporter à la représentation nationale.

Enfin, les conditions entièrement nouvelles d'élaboration, de présentation, de justification, de vote et d'utilisation des autorisations budgétaires, comme la tâche inédite et qui reste à définir de certification des comptes de l'Etat confiée à la Cour, vont renforcer encore les liens entre elle et le Parlement, dans le cadre défini par le Conseil constitutionnel le 25 juillet dernier. D'ores et déjà, nous avons entamé l'étude de toutes les incidences qu'aura la loi organique sur l'orientation, le contenu et le calendrier de nos travaux relatifs à l'exécution du budget, et les premières applications en seront traduites dans notre rapport relatif aux lois de finances pour 2001.

Je voudrais enfin me faire ici l'interprète de l'ensemble des membres des juridictions financières en exprimant notre satisfaction, suite à la promulgation de la loi du 21 décembre 2001 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, dont le vote très attendu a fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées.

Soyez assurés que, confortés dans leur statut et dans leurs missions par l'_uvre législative récente, les magistrats financiers poursuivront leurs tâches dans la sérénité et avec détermination, au seul service de l'intérêt général.

Je vous remercie pour votre attention (Applaudissements sur tous les bancs).

M. le Président - Permettez-moi de vous remercier, au nom de la représentation nationale, Monsieur le Premier président, pour le travail que vous accomplissez. S'il était besoin de vous rassurer, l'intérêt que nous portons à vos travaux est inversement proportionnel au nombre de parlementaires présents (Sourires). Nos emplois du temps comportent des contraintes difficiles à gérer !

Nous avons travaillé ensemble, dans le cadre de la MEC, ainsi que pour la réforme de l'ordonnance de 1959. Dans ces occasions, le concours de la Cour nous a été précieux et je tenais à vous en remercier personnellement. Vous avez fait beaucoup pour que cette réforme aboutisse, et nous y avons apporté notre contribution. C'est parce que nous avons mis au service du pays l'intelligence de tous que nous sommes parvenus au résultat espéré.

M. Yves Tavernier, vice-président de la commission des finances - Je suis très honoré de prendre la parole au nom du président de la commission des finances, pour vous remercier, Monsieur le Premier président, du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes. Le président de la commission m'a chargé de vous dire que la Conférence de Porto Alegre l'empêche d'être présent aujourd'hui, alors que c'est la première fois que vous venez en ces lieux remettre officiellement le rapport annuel de la Cour. Mais la date de ce dépôt ne dépend ni de lui, ni de vous-même. Je vous demande également d'excuser M. Didier Migaud, rapporteur général du budget, retenu hors de cet hémicycle.

Certes, ce n'est pas la première fois que vous êtes amené à représenter la Cour devant la commission des finances. Votre présence ici ne constitue qu'une forme de continuité dont nous nous félicitons. En tant que président de la première chambre, vous avez chaque année, au côté de votre prédécesseur à la tête de la haute juridiction financière, présenté le rapport sur l'exécution de la loi de finances devant notre commission.

En tant que Premier président, vous avez également suivi les travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle du printemps dernier. A ce sujet, je souligne l'apport que constitue la participation de la Cour et, pour la première fois, en 2001, des chambres régionales, à la mission de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Je peux en témoigner, en tant que rapporteur de la MEC sur la gestion et le prix de l'eau. L'assistance de représentants particulièrement éclairés de plusieurs chambres régionales, en particulier du président de la Chambre de Bretagne, m'a été d'une aide considérable.

J'ai le sentiment que nous avons avancé dans le sens d'une meilleure gestion démocratique de nos finances publiques. Entre l'Assemblée nationale et la Cour des comptes, un dialogue fructueux s'est instauré. Exemple de cette complémentarité efficace, les conclusions des travaux de la mission relative à la gestion de l'eau ont conduit l'Assemblée à adopter en première lecture du projet de loi plusieurs amendements importants. Quel que soit le destin de ce texte, j'espère que des jalons auront été posés sur la voie de la transparence et de l'équité.

Je rappelle que, comme notre commission des finances, l'opinion publique prend connaissance avec un intérêt toujours renouvelé du rapport public annuel de la Cour des comptes. Et ce dépôt constitue un rendez-vous, certes parfois un peu désagréable... mais indispensable au fonctionnement de notre démocratie.

Car enfin, l'utilisation des deniers publics doit faire l'objet d'un contrôle approfondi et indépendant. Parmi les problèmes soulevés cette année, je relèverai par exemple la gestion du Musée du Louvre, ou le dispositif emplois-jeunes, et sur ce dernier point j'ai cru comprendre avec plaisir que votre diagnostic, pour l'essentiel, n'est pas défavorable.

Le rapport complétera l'information de la représentation nationale, et notamment les référés au Ministre, pris à l'initiative du président Henri Emmanuelli. Ceux-ci, saluons ce progrès, sont depuis quelques mois systématiquement adressés aux commissions des finances accompagnés de leurs réponses.

Le président de la commission des finances a indiqué ici même, l'an passé, que l'action de la Cour avait toujours visé à assurer le respect des décisions budgétaires adoptées par le Parlement, « auxiliaire et non rivale », pour reprendre sa formule. Cette fonction de contrôle a été redéfinie et précisée dans le cadre de la loi organique du 1er août 2001. La collaboration de nos deux institutions ne s'en trouvera que plus resserrée. Nous attendons beaucoup de la mission de certification des comptes de l'Etat qui incombera à la juridiction financière à compter du 1er juin 2006. Nous attendons beaucoup de l'apport de la Cour en ce qui concerne l'analyse de l'exécution des crédits par mission et par programme, puisque tel sera, dès la loi de finances de 2006, le nouveau socle de notre droit budgétaire.

Dans la perspective de l'entrée en vigueur des nouvelles règles budgétaires - associant une souplesse supplémentaire de gestion pour l'administration à un contrôle plus approfondi - la mission de la Cour est appelée à évoluer dans le même sens que celle du Parlement. Les deux institutions sont confrontées à ce multiple défi que représente la performance de la dépense publique. Je ne doute pas qu'elles parviendront à le relever, de concert, au plus grand profit de la modernisation de notre administration et, plus généralement, de la gestion publique.

Il s'agit là, au premier sens du terme, d'un impératif démocratique (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur de nombreux bancs).

M. le Président - L'Assemblée donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes et remercie M. le Premier président. Transmettez à l'ensemble de vos collègues toute notre considération pour le sérieux et la compétence qu'ils déploient au service de l'Etat (Applaudissements sur tous les bancs).

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DÉPÔT DU RAPPORT D'UNE COMMISSION D'ENQUÊTE

M. le Président - J'ai reçu hier soir de M. François Loos, président de la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, le rapport fait au nom de cette commission par M. Jean-Yves Le Déaut.

Le dépôt de ce rapport a été publié au Journal officiel.

Le rapport sera imprimé et distribué, sauf si l'Assemblée, constituée en comité secret, décide, par un vote spécial, de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport.

Je rappelle que la demande de constitution de l'Assemblée en comité secret doit parvenir à la Présidence dans un délai de cinq jours francs à compter de la publication du dépôt du rapport au Journal officiel, soit avant le mardi 5 février 2002.

M. Claude Gaillard remplace M. Raymond Forni au fauteuil présidentiel.

PRÉSIDENCE de M. Claude GAILLARD

vice-président

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DÉSIGNATION DE CANDIDATS À UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le Président - M. le Président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une demande de désignation des deux membres titulaires et des deux membres suppléants de l'Assemblée nationale au sein du Conseil de surveillance du fonds de réserve pour les retraites.

M. le Président a confié à la commission des affaires culturelles et à la commission des finances le soin de présenter chacune un candidat titulaire et un candidat suppléant.

Les candidatures devront être remises à la présidence avant le mardi 12 février 2002 à 18 heures.

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TRAITEMENT DES DONNÉES A CARACTÈRE PERSONNEL

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice - La France avait été pionnière, en 1978, en élaborant une des premières législations consacrées à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La loi du 6 janvier 1978 a ainsi posé les principes fondamentaux applicables aux traitements informatiques de données nominatives et institué la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL, première institution qualifiée « d'autorité administrative indépendante ».

Cette législation fête aujourd'hui son vingt-quatrième anniversaire. Elle a fait preuve de sa pertinence et de son efficacité. Je voudrais ici rendre hommage aux présidents successifs de la CNIL, ainsi qu'à tous ses membres. C'est d'abord grâce à leur compétence que cette législation a fait ses preuves. Toutefois, le temps est venu de la rénover en profondeur dans le respect même de ses principes fondateurs.

Deux changements de perspective justifient, à mon sens, la nécessité de cette modernisation.

En premier lieu, les risques induits par les fichiers informatiques ont changé de nature.

Pour des raisons historiques, le législateur, en 1978, s'était surtout inquiété des menaces résultant des grands ordinateurs d'Etat. On s'en souvient, l'idée même de la loi est née de l'émotion considérable causée par la révélation d'un projet de fichier informatique, opportunément baptisé « SAFARI », qui aurait permis de croiser toutes les informations détenues sur chaque citoyen par les administrations publiques.

Depuis, le développement des technologies a mis l'outil informatique à la disposition de tous. Des dispositifs très sophistiqués, qui nécessitaient une capacité technique et économique importante, sont devenus d'usage courant pour la plupart des entreprises.

De surcroît, si, à la fin des années 1970, l'individu était « fiché » par la constitution délibérée d'un fichier structuré, aujourd'hui, la plupart d'entre nous sommes en situation d'être « fichés » du seul fait de la mise en _uvre de technologies traitant des données identifiantes - autant de traces de nos connexions, de nos consultations ou de nos transactions. La technologie des témoins de connexion que l'Internet a fait émerger constitue un exemple particulièrement révélateur.

Les possibilités de ciblage extrêmement poussé des profils individuels des consommateurs constituent un autre phénomène. De puissants moteurs de recherche permettent d'opérer des croisements et des synthèses de fichiers qui n'étaient pas envisageables dans le cadre des technologies antérieures. Ainsi, les moyens d'interconnexion sont-ils dorénavant accessibles à n'importe quel opérateur privé pour un coût limité. La société de l'information est particulièrement exposée au développement de bases de données centralisant - pour en faire commerce - de multiples informations sur les comportements et les goûts individuels.

En second lieu, les intérêts en présence ont également changé de nature.

La loi se doit toujours de trouver un point d'équilibre entre des exigences contradictoires. En 1978, c'était essentiellement au regard de la protection des intérêts publics - défense, sécurité, répression pénale - que les droits fondamentaux en matière de protection des personnes étaient appréciés. Depuis, les problématiques se sont diversifiées et c'est au regard de la liberté d'expression, de communication, mais aussi de la liberté du commerce et de l'industrie, que doivent désormais, également, s'apprécier les équilibres à trouver.

A cet égard, la Commission européenne a proposé, en 1990, la rédaction d'une directive harmonisant les règles applicables dans les différents Etats membres en matière de protection des personnes physiques. Il n'était pas évident, a priori, que cette question relève de la compétence de la Communauté. Les textes pris dans le cadre du « premier pilier » ne traitent pas, en principe, des questions liées à la protection des libertés et de la vie privée. Mais la Commission avait le souci d'établir la libre circulation des données à caractère personnel, considérées, en quelque sorte, comme des marchandises, tout en sauvegardant les droits individuels auxquels cette libre circulation pourrait porter atteinte.

Cette approche a été controversée, ce que je peux comprendre. Votre Assemblée, aux termes d'une résolution en date du 25 juin 1993, a souligné que l'objectif de la Communauté européenne ne pouvait « justifier son intervention dans la réglementation des traitements de données à caractère personnel qu'à la condition que la réalisation de cet objectif ne nuise pas au haut degré de protection dont doivent bénéficier les personnes physiques à l'égard de ces traitements et encore moins assimiler ces traitements à de simples marchandises ». Il me semble que vous avez satisfaction. L'analyse du droit national et de la directive européenne démontre en effet que l'une et l'autre se fondent sur des principes communs, qu'on retrouve d'ailleurs dans les législations de nombreux Etats européens et dans les textes internationaux, comme ceux du Conseil de l'Europe, de l'OCDE ou des Nations unies.

Les principes fondamentaux de la loi de 1978 sont intégralement repris et même complétés par la directive et l'idée d'une autorité de contrôle indépendante a fait école.

La comparaison de la loi française et de la directive européenne révèle cependant deux différences : la directive ne fait pas de distinction entre les traitements du secteur public et ceux du secteur privé ; elle nous fait glisser d'un régime de contrôle a priori vers un régime de contrôle a posteriori.

Ce projet a pour objet de transposer cette directive en date du 24 octobre 1995. Il vise aussi à adapter le droit des fichiers informatiques aux progrès technologiques dans le respect des principes fondamentaux posés dans la loi du 6 janvier 1978. En particulier, alors que la directive exclut de son champ d'application les traitements mis en _uvre à des fins de sécurité publique, de défense, de sûreté ou de répression pénale, le Gouvernement a tenu à ce qu'une même législation continue à embrasser, de façon cohérente, l'ensemble des traitements automatisés, toutes finalités confondues, même si, bien entendu, ces traitements de souveraineté font l'objet de règles particulières.

Ce projet a connu une longue maturation. Même si les travaux préparatoires nous ont fait dépasser le délai de transposition, ils ont été très fructueux et ont permis de faire taire la plupart des controverses. Je veux saluer, à cette occasion, le remarquable rapport que le président Guy Braibant a remis au Gouvernement et qui a largement inspiré le texte qui vous est soumis. La CNIL, abondamment sollicitée, a aussi apporté sa contribution à l'élaboration de ce projet.

Du reste, le projet conforte le rôle de la CNIL, dont la composition est, à une exception près, inchangée mais je crois que nous aurons l'occasion d'y revenir, Monsieur le rapporteur.

Ce projet va renforcer la protection des droits des personnes. Il substitue à la notion d'informations nominatives celle plus large de « données à caractère personnel », de manière à viser désormais toutes les données permettant l'identification d'une personne, qu'il s'agisse de son nom, d'un numéro d'identification, de sa voix, de son image ou encore de ses empreintes génétiques.

Les principes de licéité des traitements automatisés sont rassemblés dans les articles liminaires de la loi, qui précisent explicitement les conditions à respecter, inspirées de la doctrine de la CNIL.

Il devient obligatoire d'informer les intéressés en cas de collecte indirecte des données traitées, c'est-à-dire lorsque ces données ne sont pas recueillies par un questionnaire rempli directement par les personnes intéressées.

La loi du 6 janvier 1978 subordonnait le droit d'opposition à la justification de « raisons légitimes ». Désormais, s'agissant des données utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, ce droit d'opposition sera discrétionnaire et pourra être exercé sans perception de frais.

Enfin, dans le cas des traitements susceptibles de faire l'objet d'un droit d'accès indirect exercé par un membre de la CNIL pour le compte de la personne intéressée qui l'a saisie à cet effet - il s'agit en particulier des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense et la sécurité publique -, l'intéressé pourra obtenir communication des données le concernant s'il est constaté que cette communication ne met pas en cause ces intérêts publics.

La loi du 6 janvier 1978 reposait sur une distinction fondamentale entre les traitements publics, soumis à un régime d'autorisation préalable, et les traitements privés, soumis à un simple régime de déclaration. Cette distinction repose sur une vision datée du caractère dangereux des fichiers informatiques. Bon nombre de traitements publics portent sur des données anodines, alors que de plus en plus de traitements mis en _uvre par des opérateurs privés présentent des risques sérieux d'atteinte aux droits des personnes et à la protection de la vie privée.

Désormais, c'est la finalité du traitement et la nature des données collectées qui détermineront le régime applicable, quelle que soit la nature, publique ou privée, de l'opérateur.

Le régime de droit commun est celui de la déclaration ; celle-ci sera simplifiée pour les catégories les plus courantes de traitement, répondant à des normes définies par la CNIL. Cette commission pourra même dispenser de toute déclaration les traitements les plus anodins. La déclaration, comme la délivrance de son récépissé, pourront être effectuées par voie électronique.

Huit catégories de traitements seront, en revanche, soumis à un régime d'autorisation préalable. Les traitements de données de santé ne cessent de se développer. Ce phénomène s'est accru avec l'apparition sur l'Internet de multiples sites dédiés à la santé, qui ne garantissent pas toujours la protection de la confidentialité.

Le texte procède en conséquence, moyennant certaines dérogations nécessaires pour les professionnels de santé, à l'inclusion des données relatives à la santé des personnes parmi les catégories de données dites sensibles, dont tout traitement nécessite un contrôle préalable ainsi qu'une autorisation ad hoc.

Il en va de même des traitements de données génétiques qui comportent, ainsi que l'a souligné le rapport du président Braibant, des risques significatifs d'atteinte à l'identité et de discrimination.

Seront aussi soumis à l'autorisation préalable les traitements de données biométriques, lorsqu'ils ont pour finalité un contrôle d'identité, phénomène souvent associé à la vidéosurveillance, dont on voit les prémisses au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

Les fichiers à finalité privée recensant des incidents de paiement ou destinés à lutter contre la fraude se multiplient. Sous le régime procédural actuel, la CNIL n'est pas en mesure de se livrer à un contrôle préalable de tels fichiers, dans la mesure où leur finalité privée les soumet à une simple formalité déclarative. Ce projet tend au contraire à exiger un contrôle préalable pour les traitements automatisés ayant comme finalité de « sélectionner les personnes susceptibles de bénéficier d'un droit, d'une prestation ou d'un contrat alors que celles-ci ne sont exclues de ce bénéfice par aucune disposition légale ou réglementaire ». C'est un dossier que, malheureusement, nous connaissons bien. Désormais, les fichiers publics seront soumis soit au droit commun du régime déclaratif, soit au régime d'autorisation de la CNIL s'ils appartiennent à l'une des huit catégories particulières.

Seuls les traitements dits de souveraineté, c'est-à-dire les fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, la défense, la sécurité publique ou la répression pénale, ainsi que les fichiers utilisant le numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ou portant sur la quasi totalité de la population, seront autorisés par un acte réglementaire pris après avis de la CNIL. Il ne sera plus exigé que cet avis soit conforme, comme c'est actuellement le cas pour les traitements de souveraineté, mais cet avis sera publié en même temps que le décret autorisant le traitement, de manière à ce que, le cas échéant, les observations ou les réserves de la CNIL soient parfaitement connues.

La CNIL sera aussi dotée de pouvoirs de contrôle a posteriori lui permettant de vérifier la conformité des traitements automatisés aux obligations prévues par la loi et, le cas échéant, de sanctionner la méconnaissance de ces obligations.

Aujourd'hui, si la CNIL dispose d'un pouvoir d'enquête, elle est dépourvue de tout moyen contraignant pour le mettre en _uvre.

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois - C'est vrai.

Mme la Garde des Sceaux - De surcroît, ses constatations ne peuvent, le cas échéant, donner lieu qu'à un avertissement ou à une dénonciation au Parquet, si les faits identifiés sont constitutifs d'une infraction pénale.

Demain, la CNIL sera en mesure d'accéder à tout local professionnel servant à l'exploitation d'un fichier et aux matériels qu'il contient, sur autorisation judiciaire en cas d'opposition du propriétaire des lieux. Le cas échéant, elle pourra mettre en demeure le responsable du traitement de se conformer aux dispositions de la loi et prononcer des sanctions administratives d'un montant maximal de 150 000 euros. Elles pourront aller jusqu'à 300 000 euros en cas de manquement réitéré.

De plus, en cas d'atteinte grave et immédiate aux droits dont la loi assure la protection, le président de la CNIL pourra saisir le juge selon une procédure d'urgence. De même, il sera avisé par le Parquet des poursuites et procédures engagées par les juridictions pénales du chef d'atteinte aux droits de la personne résultant d'un traitement informatique.

Enfin, le projet tend à encourager les bonnes pratiques de la part des responsables de traitement eux-mêmes ou des fabricants. A cet effet, la CNIL est investie d'une nouvelle mission consistant à apprécier les règles déontologiques qui pourront lui être soumises par les organismes professionnels intéressés, voire à la labellisation, à la demande de ces organismes, de logiciels ou de procédures techniques permettant de garantir la protection des usagers. Il faut en effet que l'offre de plus en plus importante de logiciels et de services censés protéger la vie privée ne soit pas abandonnée à la seule logique du marché.

Les bases de données sont aujourd'hui transférables d'une manière quasi-instantanée d'un point à l'autre du globe. Le projet prévoit que le transfert de fichiers vers un pays n'appartenant pas à l'Union européenne ne peut avoir lieu que si ce pays garantit un niveau de protection satisfaisant, sauf exceptions dûment précisées.

Il appartient à la Commission européenne d'apprécier le niveau de protection offert par les Etats tiers. Le projet prévoit toutefois que la CNIL peut enjoindre au responsable du traitement de suspendre un transfert de données vers un pays tiers si elle estime devoir saisir la Commission européenne.

Les mutations technologiques de la société de l'information sont regardées avec suspicion par beaucoup de nos concitoyens. Le syndrome de Big Brother est présent dans notre inconscient collectif, alimenté sans doute par des craintes irrationnelles mais aussi par l'existence de pratiques sauvages. Il nous appartient d'instaurer dans le monde virtuel un climat de confiance de niveau au moins équivalent à celui du monde réel, ce qui suppose de dissiper les suspicions infondées mais aussi de rappeler les opérateurs au respect d'un certain nombre de principes fondamentaux. Je crois sincèrement que ce projet doit y contribuer (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste).

M. Gérard Gouzes, rapporteur de la commission des lois - En 1974, un retentissant article de Philippe Boucher, intitulé SAFARI ou la chasse aux Français alertait l'opinion sur les dangers pour les libertés publiques que constituait la volonté de l'administration française d'utiliser les formidables progrès de l'informatique pour interconnecter les nombreux fichiers de données nominatives établis dans les domaines de la sécurité, de la santé, de l'action sociale ou de l'état civil. C'est dans ce contexte que devait être finalement votée la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dont le premier objectif était de protéger le citoyen contre les tentations totalitaires de l'Etat. Les heures les plus sombres de notre histoire étaient encore trop présentes dans les esprits pour ne pas faire écho au célèbre roman de Georges Orwell, 1984.

Depuis, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, qui fut la première autorité indépendante, veille dans un esprit d'indépendance reconnu de tous, sur nos libertés individuelles tout en assurant la nécessaire application des progrès de l'informatique. Mais, si nous légiférons à nouveau aujourd'hui c'est que, depuis 23 ans, bien des choses ont changé.

Ainsi, nous sommes passés des systèmes macro-informatiques au premier ordinateur individuel, mis sur le marché en 1981. Le développement de la micro-informatique a révolutionné l'information et la communication des données. La mise en réseau a démultiplié les possibilités. Nul ne peut nier la nécessité des traitements de données personnelles pour développer les entreprises privées à l'heure où tout concourt à l'automatisation des instruments de gestion, à la dématérialisation des opérations d'achat ou de vente, à l'utilisation des moyens de paiement électronique.

Gestion de systèmes de réservation pour la SNCF et pour les compagnies aériennes, transfert d'informations nominatives pour les banques et les opérateurs téléphoniques : les données personnelles deviennent un enjeu formidable. Et le premier bénéficiaire de cette révolution technologique est peut-être le consommateur, mieux ciblé et mieux servi. Certaines entreprises privées ont même pour seule activité de collecter et de vendre les données personnelles utiles. La puissance des moteurs de recherche est telle qu'elle peut permettre à partir d'un nom, d'une adresse, d'un seul élément identifiant, de tout savoir, de tout connaître sur tout et sur tout le monde.

Les bases de données personnelles sont devenues un marché à part entière. En un instant il est désormais possible de les transférer sur le Web au bout du monde, comme d'opérer des synthèses ou des croisements de fichiers. Ainsi, le droit de commercialiser par électronique est devenu un droit marchand, la première règle du dogme libéral étant la libre circulation.

Même le monopole des opérateurs publics sur certaines bases de données tend à se restreindre. La liberté d'entreprendre et la concurrence deviennent des enjeux économiques que nos principes européens nous demandent aussi de respecter.

Dans ces conditions, certains Etats ont craint que les législations sur la protection des données personnelles n'entravent la libre circulation de ces « marchandises », et les échanges commerciaux dont elles font l'objet. Une Convention de 1981 du Conseil de l'Europe évoque « la nécessité de concilier les valeurs fondamentales du respect de la vie privée et de la libre circulation de l'information entre les peuples ».

Comme le soulignait M. Braibant, auquel Mme la Garde des Sceaux, a rendu un juste hommage, dans son rapport au Premier ministre : « Tandis que les droits français, allemand ou suédois, faisaient de la protection de l'individu face aux dangers de l'informatique une fin en soi, le droit international et européen faisait de cette protection la contrepartie du principe de la libre circulation ».

En effet, si le risque du développement de l'informatique pour la vie privée était encore mal mesuré en 1974, il apparaît aujourd'hui bien réel.

Ordinateurs, cartes à puces, spaming, cookies, biométrie...

M. Pascal Clément - Vous parlez cette langue couramment... (Sourires)

M. le Rapporteur - ...avec cet arsenal de nouvelles technologies numériques, certains s'alarment de cette « traque informatique » qui conduirait à tous nous ficher.

Les administrations comme les entreprises privées s'empareraient chaque jour davantage de notre intimité et de notre vie privée. Serions-nous désormais condamnés à la transparence totale ? Serions-nous victimes d'un voyeurisme généralisé ?

Cette question mérite d'être posée d'autant qu'Internet non seulement permet à chacun de dialoguer dans les forums installés sur les sites connus mais encore invite à parler de soi. Cette mise en scène du moi socialisé autorise chacun à exhiber sa vie privée mais beaucoup oublient que des cookies, c'est-à-dire des mouchards, permettent lorsqu'ils sont installés, de classer les sites personnels, les individus, par rubrique ou par catégorie. Ces procédés, qui devraient être rigoureusement affichés et déclarés, réduisent la complexité des personnalités pour fabriquer des profils exploitables. Ils reproduisent sur Internet, dans des fichiers de données personnelles l'image de chacun, ses goûts, ses achats, ses habitudes, ses opinions, son environnement... en fait, sa vie intime et privée. Ainsi, en exhibant son existence sur de tels réseaux, un individu peut se fragiliser. Comment donc permettre à chacun de pouvoir, en toute responsabilité, c'est-à-dire en toute connaissance, accepter ou refuser ces cookies qui peuvent être aussi utiles aux internautes ?

La plus grande régie mondiale de publicité, la société américaine Double click vient d'être officiellement accusée de collecter trop d'informations intimes sur les internautes et de combiner ces données avec des informations nominatives détaillées contenues dans une base de données gigantesque. Lorsqu'un malade découvre par hasard sur un site médical son dossier personnel, lorsqu'un employé découvre que son employeur épluche tous les jours sa messagerie électronique ; lorsque, sous le prétexte légitime de lutter contre le terrorisme, certains Etats décident de pénétrer tous les sites et d'écouter toutes les communications échangées dans un pays, on est en droit de réclamer une législation plus efficace et plus protectrice de la vie privée de chacun. Lorsque, dans un but d'efficacité louable en soi les Etats développent eux-mêmes ces nouvelles technologies dans le domaine de la santé, de la sécurité, du social, de la recherche ou même du simple archivage, - nous sommes en droit de réclamer des garanties pour nos libertés.

La banalisation de l'utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, pose un problème qui n'a pas toujours été perçu à sa juste mesure y compris dans notre assemblée, le faible nombre de collègues présents en atteste.

Cela dit, gardons-nous de diaboliser les nouvelles technologies de l'information et de la communication : le développement de l'Internet est aussi une chance pour l'homme. L'informatisation, la numérisation, la généralisation des échanges de données, sont aussi des enjeux décisifs. Comme le soulignait le Président Forni, « la technologie n'est qu'un outil. Il faut aujourd'hui lui associer la vision politique indispensable pour la mettre au service d'une société sereine et harmonieuse, dans le respect de droits des individus ».

Telles sont toutes les raisons qui ont justifié la directive européenne du 24 octobre 1995, qui aurait du être transposée en droit français depuis fort longtemps.

Un premier rapport, demandé par le Gouvernement de M. Juppé, fut remis le 17 octobre 1996. Les mesures qu'il préconisait traduisaient la pensée des plus farouches partisans de la plus large interconnexion des fichiers administratifs et sociaux. La dissolution de 1997 conduisit à l'abandon du projet.

Chargé de mission par Lionel Jospin, Guy Braibant a remis son rapport le 3 mars 1998. Depuis, le Gouvernement a procédé à une importante concertation, notamment auprès de la CNIL. Il nous revient aujourd'hui d'examiner le projet préparé à partir de ce rapport, globalement bien suivi par le Gouvernement, qui a aussi entendu les observations de la CNIL.

Madame la ministre en ayant largement tracé le contour, je me contenterai d'en évoquer les principales lignes : le principe fondamental de la loi de 1978 demeure : « l'informatique ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ». Mais le texte, plus précis que celui de 1978, vise désormais toutes les données identifiant une personne, même sa voix ou son image ! Les droits des personnes sont renforcés par la création d'une obligation d'information. Le droit d'opposition est simplifié.

La CNIL, qui est pérennisée, voit ses pouvoirs renforcés : elle pourra mieux exercer son contrôle a posteriori et verra ses pouvoirs de sanctions notablement étendus. Nous y reviendrons puisque je défendrai des amendements alourdissant les sanctions.

En matière de presse ou de journalisme, le projet encourage l'autorégulation et donne à la CNIL une nouvelle mission d'appréciation et de négociation des règles déontologiques. Un nouveau régime, plus sévère et plus rigoureux de création des fichiers informatiques publics et privés sera instauré sur le critère de la finalité des fichiers. Les fichiers de données dites sensibles seront encadrés par un dispositif d'autorisation. Enfin, le flux de données transfrontières de fichiers vers un pays n'appartenant pas à l'Union européenne seront impossibles si ce pays ne bénéficie pas d'une protection « adéquate », que la Commission européenne appréciera.

Sur le plan pénal, il m'apparaît que les sanctions prévues sont insuffisantes : la protection des données personnelles et de la vie privée ne peuvent avoir moins de valeur aujourd'hui qu'hier !

Ce projet, que je vous propose d'adopter, sera plus contraignant dans un cadre plus liberticide. Le contexte européen mais surtout international exige cette régulation. La timidité de la Federal Trade Commission, qui considère que l'aspect commercial de l'Internet peut souffrir de sa régulation, le refus de l'Association américaine des technologies de l'information d'édicter des règles ne peuvent que nous convaincre de légiférer. Comme le soulignait Guy Braibant dans son excellent rapport : « ces règles et ces contrôles sont trop souvent appréhendés par certains responsables de traitements comme des entraves au développement des moyens informatiques dans l'administration et dans l'entreprise. Mais, de même que le code de la route n'a pas tué l'automobile, l'encadrement juridique du traitement des données personnelles a été l'instrument d'une indispensable maîtrise des progrès des technologies de l'information ».

Pour conclure, je voudrais insister sur la nécessaire cohérence à établir avec le projet de loi sur la société de l'information, que nous aurons peut-être un jour à examiner...

Ce projet oblige les personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission publique à mettre à la disposition du public les données qu'elles collectent ou qu'elles produisent. Ce projet nous paraît, au stade actuel, négliger la protection des données personnelles et ne tenir aucun compte des spécificités de l'Internet. Une mesure de publicité ne constituerait plus un traitement automatisé soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978, ce qui nous paraît contraire à la directive européenne que nous voulons transposer aujourd'hui et réduirait à néant toutes les précautions que nous mettons en place.

Le Premier ministre, lors de la 23ème Conférence internationale des commissaires à la protection des données, à Paris, le 24 septembre 2001, a parlé de « modèle européen » de protection des données personnelles, consacré par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, solennellement proclamée à Nice en décembre 2000. « C'est une étape essentielle dans la construction d'un espace de paix et de liberté », a-t-il dit.

En votant ce texte, c'est cette étape que nous ferons franchir à notre pays et à l'Europe de demain (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. le Président - Monsieur le rapporteur, vous avez usé largement de votre temps de parole, peut-être pourrez-vous être plus bref dans la discussion des articles...

M. Pascal Clément - Mme la ministre et le rapporteur ayant tout dit, je pourrai quant à moi être bref, d'autant qu'il s'agit de la transposition d'une directive européenne, ce qui ne permet pas de vastes débats sur les cookies ou les clics !

La protection des libertés publiques est un domaine sensible et le texte vise à donner à la CNIL les moyens de défendre les consommateurs, compte tenu des progrès de la technique. Il s'agit de trouver un équilibre entre les nécessités de la sécurité publique et la protection de nos libertés et de veiller à ce que le développement de l'informatique ne porte pas atteinte aux droits individuels et à la vie privée. C'est un arbitrage entre la sécurité publique, en particulier la lutte contre le terrorisme, et la nécessité de mettre des garde-fous contre une administration toute puissante qui, au nom de la raison d'Etat, échappe souvent au contrôle de ses fichiers, alors que les sociétés privées voient les leurs passés au peigne fin.

Ce texte se base sur la loi de 1978, texte pionnier très bien pensé et qui reste, pour l'essentiel, d'actualité.

Pour autant, un « toilettage » est nécessaire pour mettre notre législation en conformité avec la directive européenne du 24 octobre 1995. L'objectif est d'adapter notre droit à trois évolutions inéluctables : l'extension des nouvelles technologies à la sphère marchande, la convergence des technologies, l'internationalisation de la protection des données.

Ce texte reprend et affine des notions fondamentales, comme les données à caractère personnel, précise les principes généraux régissant le traitement des données, interdit le traitement des données sensibles et réaffirme le statut d'autorité administrative indépendante de la CNIL.

Ce texte n'étant pas des plus lisibles, il faut veiller à sa cohérence interne. Il conviendrait de renforcer le contrôle préalable du traitement de certains fichiers particulièrement sensibles et, inversement, d'assouplir le droit d'accès à ceux intéressant la sécurité publique, pour éviter l'opacité entretenue par l'administration.

Il convient également de réfléchir à la démocratisation du débat relatif au traitement des données personnelles car il touche à des notions fondamentales.

Il est très regrettable que cette transposition de la directive européenne ait pris sept ans. Vous nous avez expliqué, Monsieur le rapporteur, que la dissolution a été funeste...

M. le Rapporteur - Pas pour nous ! (Sourires)

M. Pascal Clément - ... et j'en suis bien d'accord... C'est la première raison de ce retard. Mais quand vous dites que la CNIL a gardé le projet pendant trois ans, je n'en crois pas un mot ! Disons clairement les choses, le Gouvernement n'a pas fait de ce texte une priorité. Et cela pose un problème. Il semblerait, en effet, qu'une nouvelle directive soit en préparation. Faudra-t-il encore sept ans pour la transposer...

Mme la Garde des Sceaux - Mais non !

M. Pascal Clément - Vous pouvez vous engager pour l'avenir, c'est intéressant à savoir ! (Sourires)

Nous voterons ce texte, en regrettant de ne pas avoir pu l'examiner plus tôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe DL, du groupe UDF et du groupe du RPR)

M. Jean Codognès - Ce texte est une nécessité compte tenu des progrès intervenus dans les vingt-cinq dernières années en matière informatique.

Il est de notre responsabilité en tant que socialistes, d'accompagner le progrès, de sorte qu'il se fasse au profit de tous les citoyens et non à leur détriment. En effet, l'informatique peut porter atteinte à l'identité, aux droits de l'homme, à la vie privée et aux libertés individuelles.

On ne peut donc que se réjouir de la transposition de la directive européenne du 24 octobre 1995, que la France, d'ailleurs, a largement inspirée. Elle permet, d'une part, d'accroître la protection des personnes physiques face aux traitements automatisés et d'autre part d'harmoniser la législation au sein de l'Union européenne. Elle a également le mérite de rappeler, tant à Toulouse qu'à Paris, que la création et l'exploitation des fichiers sont soumises à des règles (Interruptions sur les bancs du groupe du RPR et du groupe UDF).

Ces objectifs sont atteints par l'harmonisation du droit applicable aux fichiers, quelle que soit la technique employée, par la mise en place de régimes protecteurs des libertés individuelles tenant compte de la sensibilité des données et de la nature juridique du gestionnaire, par le renforcement des pouvoirs de la CNIL et par la réglementation du transfert de données à des Etats n'appartenant pas à l'Union européenne.

C'est la loi du 6 janvier 1978 qui fournit, aujourd'hui, le cadre juridique du traitement automatisé des données à caractère personnel.

Ce texte reconnaît aux citoyens des droits à l'égard des fichiers les concernant et confie à une autorité indépendante, la CNIL, le soin d'éviter toute atteinte à l'identité humaine, aux droits de l'homme, à la vie privée, aux libertés individuelles ou publiques.

Lorsque le fichier relève d'une autorité publique, son avis préalable est requis. Dans les autres cas, une déclaration préalable est nécessaire.

Ce contrôle a priori est doublé d'un contrôle a posteriori. Les modes de collecte, d'enregistrement et de conservation des informations nominatives sont réglementés. Depuis 1994 et 1999, le traitement automatisé de données nominatives de santé ayant pour fin la recherche, l'évaluation ou l'analyse des activités de soins et de prévention font l'objet d'une procédure particulière.

Quels sont les principaux changements apportés par le projet de loi ?

L'article 5 est l'un des plus importants et je suis sûr que les amendements proposés par le rapporteur recevront l'approbation de Mme la ministre.

Dorénavant, le responsable du traitement devra informer les personnes concernées de l'usage qui va être fait de leurs données personnelles et ce, dès la collecte. Il devra au moins leur indiquer quelles sont les catégories de destinataires de ces données, si l'amendement du rapporteur est adopté. Pour améliorer encore le dispositif, nous proposons également un amendement qui encadre la pratique des cookies car ces fichiers textes sont susceptibles d'être utilisés pour constituer des traitements de données personnelles.

L'un des grands apports du texte est de limiter le contrôle préalable de la CNIL aux traitements considérés comme dangereux pour les droits et libertés. Alors que la loi de 1978 n'en prévoyait que deux, il y aura désormais sept régimes distincts de déclaration et d'autorisation. Certains pensent que l'on aurait pu faire plus simple. Pour ma part, j'estime qu'elle instaure un équilibre aujourd'hui nécessaire.

Par ailleurs, la CNIL aura désormais le pouvoir de prononcer des injonctions de cesser un traitement illicite des données, de retirer une autorisation ou d'ordonner le verrouillage de données. S'agissant des fichiers de la police ou de la justice comprenant des données personnelles, la CNIL ne peut qu'interpeller le Premier ministre qui devra , dans les quinze jours, rendre publiques les suites qu'il y a données . Enfin, la CNIL et l'autorité judiciaire devront se coordonner pour éviter des incohérences dans les politiques pénales.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte, probablement amélioré par les amendements du rapporteur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Patrice Martin-Lalande - Ce texte est loin d'être anodin. En effet, sous couvert de transposer en droit interne la directive communautaire du 24 octobre 1995, vous réformez en profondeur le droit applicable en ce qui concerne les fichiers informatiques.

Après avoir présenté mes observations à ce propos, j'évoquerai aussi - car nous n'avons guère l'occasion de le faire - le retard pris par notre pays dans le développement des technologies de l'information.

D'abord comment ne pas déplorer que ce texte ait demandé une aussi longue gestation, sans pour autant simplifier le droit ?

Réflexions et consultations ont été entamées dès 1996 sous le gouvernement de M. Juppé. En août 1997, M. Jospin confiant une mission préalable à la transposition à M. Braibant qui rendit son rapport en mars 1998. Dès le 25 octobre de cette année, la France dépassait le délai de trois ans accordé pour transposer la directive de 1995. Le 19 janvier 1999 le Premier ministre exposait les orientations du Gouvernement, le 26 août il lançait le débat préalable sur l'avant-projet de transposition, en octobre un document d'orientation était rendu public lors de la consultation sur le projet de loi sur la société de l'information, qui demeure l'arlésienne de cette législature. Puis, devant les critiques de la CNIL et de la commission nationale consultatives des droits de l'homme saisies en juin 2000, vous décidiez de revoir votre copie pendant dix mois de plus.

Si je rappelle ces péripéties c'est qu'elles illustrent parfaitement votre méthode pour ne pas régler les problèmes que posent les technologies de l'information. Et j'ai bien peur que ce projet ne voit jamais le jour dans sa forme actuelle.

Au moins, après tout ce temps, nous propose-t-on un texte compréhensible ? Non hélas. Le lecteur - quelque peu masochiste, je le crains - doit s'interrompre à 239 reprises pour prendre connaissance du contenu des renvois qui jalonnent les 30 pages de ce projet. Pour prendre un seul exemple, comprenne qui pourra l'article 27-II- nouveau de la loi de 1978 ainsi rédigé : « sont autorisés par arrêté pris après avis motivé et publié de la CNIL ceux des traitements mentionnés au I qui ne comportent aucune des données mentionnées au I de l'article 8 ou à l'article 9 » !

La rédaction même du texte pose un problème de sécurité juridique. Sur le fond, il est parfois moins protecteur que les dispositions actuelles.

Ce texte ne se résume nullement à une loi de transposition, car la directive européenne ne le concerne que sur deux points, les échanges internationaux et les obligations d'informer les intéressés sur la finalité du traitement. Conformément aux articles 25 et 26 de la directive, le transfert de données hors de l'Union européenne est subordonné à « un niveau de protection adéquat » dans le pays destinataire. Mais ces dispositions déjà peu opératoires font l'objet de nombreuses dérogations notamment en cas de consentement de l'intéressé ou de nécessité pour l'exécution d'un contrat.

Pour ce qui est de l'obligation d'informer les personnes sur la finalité du traitement, que ne prévoyait pas la loi de 1978, nous ne pouvons qu'y souscrire et regretter le retard pris pour protéger nos concitoyens. Néanmoins, je souligne quelques difficultés pratiques. Actuellement, les personnes doivent être informées des « catégories de destinataires », non de l'identité précise de chacun d'eux. On voit d'ailleurs mal comment les entreprises qui collectent et échangent des fichiers pourraient se plier à une telle obligation. J'ai donc déposé un amendement visant à supprimer cette nouvelle obligation, impossible à mettre en _uvre.

Le texte contient quelques avancées. Il reprend les principes de protection des données personnelles contenus dans la loi de 1978 et la convention 108 du Conseil de l'Europe que la France a ratifiée en 1985.

J'ai déposé un amendement visant à faire détruire dès que possible après utilisation les données traitées pour payer par carte bancaire, sauf accord express du consommateur qui procède à des achats répétitifs chez un commerçant. Regrettant que le projet ne prévoit pas de dispositions concernant l'anonymat des données, j'ai déposé trois amendements à ce sujet. Un autre de mes amendements substitue une obligation d'accord préalable à la collecte de données plutôt que le droit d'opposition que vous prévoyez. La directive 97-66 de décembre 1997, non transposée, laisse le libre choix aux Etats entre ces deux méthodes. D'ailleurs, n'aurait-il pas été plus efficace de transposer les deux directives en même temps ?

Pour mieux informer le consommateur, je pense qu'il aurait fallu aussi faire figurer une mise en garde sur chaque formulaire donnant lieu à collecte de données.

Surtout, le principal caractère de votre texte est qu'il rend le droit actuel bien plus complexe.

La loi de 1978 instaurait deux procédures de déclaration. Sept régimes vont désormais coexister. D'abord, l'autorisation par la CNIL et celle par le Conseil d'Etat, après un simple avis motivé et publié par la CNIL. Puis l'autorisation par... soi-même ! Sont en effet autorisés par simple arrêté du ministre responsable du fichier concerné, sans que l'avis de la CNIL ne le lie, les traitements publics de police et de justice ne comportant pas de données sensibles, ceux qui nécessitent la consultation du numéro de sécurité sociale et l'ensemble des interconnexions entre fichiers publics à finalité fiscale ou statistique. On trouve ensuite le régime de la déclaration, similaire à celui de la déclaration ordinaire actuelle, la liste des informations à fournir restant abondante, et le régime de la déclaration simplifiée selon des modalités définies par la CNIL. Enfin viennent l'exonération légale de déclaration, pour les données relatives aux membres et correspondants d'associations ou de partis politiques et les registres publics destinés à l'information du public, tel celui du commerce et des sociétés, et l'exonération de déclaration par la CNIL. Voilà de quoi alimenter pendant plusieurs années les articles des périodiques juridiques et la clientèle des avocats spécialisés !

Cette complexité ne cherche-t-elle pas délibérément à cacher autre chose ? Le texte fait preuve en effet d'un certain relâchement, et c'est un euphémisme, dans le contrôle exercé sur les fichiers publics. Tous les fichiers qui pourront être autorisés par le Conseil d'Etat ou par le ministre ne sont plus aussi protégés que par la loi de 1978, qui prévoyait un avis favorable de la CNIL - le Gouvernement n'ayant que très rarement utilisé la procédure lui permettant de passer outre. Et si l'avis de la CNIL doit être « publié et motivé », la publication d'un avis défavorable sera loin d'avoir la même force juridique qu'un avis favorable obligatoire.

Ces bouleversements constituent un véritable choix politique. Certains arguments plaident pour l'assouplissement des contraintes qui pèsent sur certains fichiers publics, notamment pour faciliter la tâche de la gendarmerie, de la police et de la justice.

Mais aucune décision, sur un sujet aussi grave, ne doit être prise sans qu'un réel débat n'ait été organisé.

Le retard que vous avez pris dans la transposition de la directive européenne est coutumier de l'action de votre gouvernement, notamment sur les questions liées au développement des nouvelles technologies de l'information.

Le numéro de février de Sciences et Vie Magazine et le magazine Newbiz du mois dernier font apparaître un constat cinglant. L'audience Internet est faible, masculine et inégalitaire : un Français sur six visite le Web depuis son domicile, 32 % des internautes sont cadres supérieurs ou profession libérale, contre seulement 4,5 % qui sont ouvriers, et un tiers seulement des internautes sont des femmes. L'accès est restreint, cher et continue à stagner. Seulement 27 % des foyers étaient connectés en juin 2001.

En 2000, les tarifs des fournisseurs d'accès pour vingt heures de connexion étaient parmi les plus élevés d'Europe. Heureusement, les prix ont baissé de 22 % en 2001.

Il n'y a que 3 bornes publiques d'accès pour 100 000 habitants en France, contre 46 en Finlande et le haut débit n'est utilisé que par 6,4 % des foyers. Vous n'avez donc pas réduit la fracture numérique.

Par ailleurs, le calendrier des textes législatifs et réglementaires en matière d'Internet dérape en permanence.

Les textes définissant le régime des prestataires de certification de signatures électroniques ne sont toujours pas parus, alors que la loi a été votée en mars 2000.

Ce retard gêne le développement des offres commerciales et publiques en maintenant un climat trop aléatoire.

Les arrêtés réglementant les contrats établis par le biais du numérique ne sont pas non plus parus, et le problème de l'archivage des actes juridiques électroniques n'est toujours pas résolu.

La réglementation concernant l'archivage pendant dix ans de l'activité comptable de toute l'entreprise doit être rendue compatible avec l'activité du commerce en ligne.

Le plus douloureux exemple de dérapage est la « virtuelle » loi sur la société de l'information, véritable Arlésienne de la législature. Ces reculades permanentes ont obligé des parlementaires comme Patrick Bloche ou moi-même à proposer sous forme d'amendements des mesures législatives urgentes. Même le Gouvernement a agi ainsi dans la loi sur la sécurité quotidienne !

Alors que sur le plan économique vous avez gâché les fruits de la croissance, vous n'avez pas su favoriser le développement de ces PME que sont les « jeunes pousses ». Par l'absence de mesures incitatives, par l'édition de règles contraignantes et inadaptées, vous avez découragé l'entreprise, vous poussez nos forces vives, nos jeunes talents à s'expatrier dans la Silicon Valley ou ailleurs. Pourtant, il y a tant à faire pour rénover le lien entre la recherche et la création d'entreprise, pour adapter les règles de la rémunération des jeunes cadres, en un mot, pour faciliter la vie de nos jeunes entrepreneurs !

Le développement de l'Internet a été trop souvent retardé aussi par des inerties dans le domaine des télécommunications. Le dégroupage de la boucle locale a été très tardif. Les coûts imposés aux nouveaux opérateurs sont trop élevés, ce qui a retardé la mise en place de l'UMTS.

S'agissant de l'accès public aux technologies de l'information, la France accuse un retard particulièrement pénalisant pour tous ceux qui ne peuvent disposer d'un accès chez eux.

Sur les questions de responsabilité, nous avons pris du retard dans la définition du délai pour le dépôt de plainte pour diffamation. Quant à la responsabilité des intermédiaires techniques, certains points ont été clarifiés mais il reste de nombreuses interrogations et nous attendons la publication des décrets d'application de la loi sur la sécurité quotidienne. L'obligation de vigilance qui incombe aux intermédiaires techniques fait l'objet d'incertitudes depuis la jurisprudence Gomez.

La question des droits d'auteur n'est toujours pas résolue, notamment en ce qui concerne la copie illégale. En ce domaine, les auteurs de logiciels et de jeux vidéos ne sont toujours pas dédommagés des copies privées.

Les Français sont parmi les meilleurs créateurs dans le domaine numérique, ils doivent être protégés.

Le problème de la TVA applicable à l'édition électronique n'est toujours pas résolu non plus et la protection de la vie privée comporte encore de grandes lacunes, notamment en ce qui concerne l'usage de l'Internet par les salariés sur leur lieu de travail.

M. le Rapporteur - A quoi sert la CNIL ?

M. Patrice Martin-Lalande - Avec l'Internet mobile, et plus tard l'UMTS, chacun pourra avoir accès partout à une multitude de services, mais pourra être suivi en permanence à la trace ! Face aux risques que cela présente pour la vie privée, il est urgent de concevoir un nouveau droit : le droit à l'injoignabilité ou au moins le droit de choisir ou non d'être localisé.

M. le Président - Pourriez-vous vous acheminer vers la conclusion ?

M. Patrice Martin-Lalande - Dans le rapport que j'avais rendu en 1996 comme parlementaire en mission, j'avais souligné que l'Internet est à la fois un outil et une occasion extraordinaire pour moderniser l'Etat.

Cinq ans après le Gouvernement n'a pas su saisir cette chance. Il y a quelques semaines, Jacques Attali expliquait que « le principal problème réside dans l'attitude de l'administration. Ces dernières années, elle n'a pas fait, dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication, le travail qu'on aurait pu attendre d'elle. Nos gouvernements n'ont pas déclenché de grands programmes d'actions ».

On s'est contenté de numériser des procédures sans moderniser les méthodes et l'organisation de l'administration.

Le Gouvernement a refusé tout débat parlementaire, tant sur les nouvelles technologies de l'information que sur son programme d'action. C'est dommage pour la place du Parlement et c'est certainement aussi une des causes de nos retards.

J'aurais par exemple aimé que le Gouvernement, le Parlement et l'opinion publique puissent librement discuter de la meilleure voie pour accroître la compétitivité de la France et réduire le temps de travail.

Permettez-moi de faire un rêve : celui d'un gouvernement moins dogmatique et arc-bouté sur des solutions qui n'existent nulle part ailleurs. Rêvons d'un gouvernement qui préfère gagner la bataille de la compétitivité pour en faire bénéficier les Français plutôt que d'imposer artificiellement les 35 heures pour se demander ensuite comment ne pas plomber la compétitivité de la France. Un gouvernement qui aurait investi dans le développement de l'Internet les quelque 15 milliards d'euros par an prévus pour financer les 35 heures... La France aurait ainsi à la fois réussi son entrée dans la société de l'information et cueilli les fruits de sa compétitivité.

La réalité étant très loin de ce rêve et, compte tenu des réserves que j'ai mentionnées, le groupe RPR s'abstiendra sur ce projet.

M. le Président - A votre tour, vous aurez contracté une dette envers le Président...

M. Jean Vila - En 1978, en se dotant de la loi « informatique et liberté », la France était pionnière pour préserver la vie privée et les libertés des citoyens au regard du développement de l'informatique et des moyens de communication émergents.

Vingt ans après la publication de ce texte le contexte technologique a fondamentalement changé.

Le développement des applications conduit à « ficher » chaque individu plusieurs fois - comme écolier, étudiant, salarié, contribuable, candidat à un emploi, patient, assuré social, etc. Le contexte économique, de plus, n'est pas neutre : déréglementation, marchandisation des moindres activités humaines, libre circulation des informations et des marchandises. La question à laquelle nous sommes confrontés, est fort complexe. Je regrette qu'un tel sujet soit amené avec précipitation, en fin de législature, alors qu'il était attendu depuis 1999.

Comment concilier le développement des technologies, les services qu'elles peuvent rendre, et les libertés individuelles ? La constitution de fichiers est devenue monnaie courante. Faut-il s'élever là contre ou travailler à de nouveaux droits du citoyen « fiché » ?

La protection de la vie privée est au c_ur des débats sur l'encadrement juridique des traitements de données à caractère personnel ; et le sens de ce terme est cependant fort difficile à cerner. Autre difficulté : la nature des informations traitées ne suffit pas nécessairement à caractériser l'atteinte à la vie privée.

Par exemple le traitement des informations concernant la santé d'une personne ne soulève pas de problèmes dès lors qu'il demeure confidentiel. Ces mêmes informations divulguées à un employeur rentrent dans le champ de l'atteinte à la vie privée.

Dans son rapport de 1999, la CNIL révèle l'augmentation constante de ses activités. Les plaintes ont progressé de 48 % en cinq ans. Les demandes de conseil augmentent dans les secteurs de la santé, du travail, de la fiscalité et des collectivités territoriales.

En 1999, la CNIL a procédé à une étude approfondie sur l'utilisation actuelle et virtuelle des données de localisation des téléphones mobiles. Leur conservation et la disparité de leurs durées - de un à trois ans - l'inquiètent fort. Elle propose de limiter la durée à un an et de prévoir un droit d'opposition à la transmission des données à un tiers.

En matière de gestion des ressources humaines, les dérives alarment la CNIL, suite à une augmentation des plaintes de salariés - enregistrement de données éloignées de leur finalité au moment de l'embauche, établissement de profils ou utilisation des traces indélébiles demeurées sur le disque dur.

La CNIL veille aux risques relatifs au secteur de la santé et, notamment, au dispositif Sesam-Vitale. Elle appelle à un encadrement juridique des « concentrateurs », organismes assurant la transmission des feuilles de soin électroniques entre le professionnel de santé et les assurances maladie. Ils reçoivent et centralisent des données personnelles sensibles et « convoitées ». Comme tels, ils devraient être soumis à des obligations de sécurité particulières.

Les enquêtes de la CNIL sont précieuses. Dans son rapport d'activité de l'an 2000, la CNIL révèle l'apparition de nouveaux domaines d'intervention : les organismes de crédits pratiquent « l'îlotypage négatif » - refus de crédit à toute personne habitant un quartier à risques. Elle s'inquiète de la prolifération des fichiers centraux d'impayés qui enregistrent les dettes de toute nature ; elle s'enquiert des problèmes soulevés par la cybersurveillance des salariés et la sécurisation des cartes bancaires.

La recherche puis la collecte de données identifiant les moindres faits et gestes des citoyens est particulièrement inquiétante : on accepte que les données à caractère personnel deviennent des marchandises et que les entreprises aient besoin, naturellement, d'un nombre toujours croissant d'informations à caractère personnel.

La logique d'une entreprise est la suivante : « comment rentabiliser au maximum les fichiers clients ? » Son but ? Affiner le profil d'achat de la clientèle afin de lui proposer des offres commerciales ciblées.

Dans ce projet de loi, notamment pour le marketing direct, la définition des données sensibles l'embarrasserait. En effet, le projet la modifie pour y inclure les données du comportement physiosocial : profil d'achat, comportement de la personne concernée, etc. Ces données ne pourront plus être collectées à son insu.

Là, se situe le véritable danger, c'est là que les garde-fous sont nécessaires.

La loi du 6 janvier 1978 reposait sur une distinction fondamentale : fichiers publics soumis à un régime d'autorisation préalable et fichiers privés soumis à un simple régime de déclaration.

Toute la question aujourd'hui est de savoir si nous considérons cette approche comme caduque.

Comment aborder la question ? Doit-on parler du citoyen « fiché » et construire avec lui de nouveaux droits pour protéger sa personne ?

Les réponses qui en découleront conditionnent le type de procédure d'autorisation à mettre en _uvre pour suivre et contrôler ce qui se pratique.

Quels doivent être les pouvoirs et les champs d'action de la CNIL ?

Devant l'ampleur des traitements automatisés, elle assure qu'il est impossible de veiller à tout ce qui se passe. L'intervention a posteriori doit-elle remplacer l'intervention a priori ?

Il convient de se fonder sur la finalité du « fichier » et la nature des données à collecter. Aujourd'hui les secteurs public ou privé peuvent, tout autant, être liberticides. Dans le projet de loi, le principe de collecte de certaines données est interdit. Précisément, sur ce chapitre, nous aurions pu approfondir notre travail au regard des attentes de nos concitoyens et de la manière dont ils conçoivent la protection de leur vie privée.

Est-il acceptable de collecter toutes les données concernant les difficultés sociales des personnes ? Le projet soumet les fichiers reposant sur ce type d'informations à autorisation de la CNIL. Est-ce suffisant ? Ne peut-on définir a priori que ces informations ne peuvent être cédées à un tiers ?

En tout état de cause il convient d'être vigilant sur la nature des données collectées.

Nous pensons qu'il eût été préférable de réfléchir à un système de procédure qui maintienne plus fortement une intervention de la CNIL a priori tout en mariant un contrôle a posteriori. Le choix fut le régime de droit commun, celui de la déclaration. Au regard d'une plus grande exigence de la vie privée et des droits de la personne, nous ne sommes pas convaincus que supprimer l'examen préalable au profit de la procédure d'autorisation - pris après avis motivé de la CNIL - offre une assurance suffisante.

Pour mieux protéger le citoyen il faut faire évoluer la notion d'informations dites « nominatives » dans le sens de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux proclamée au Conseil européen le 7 décembre 2000 : « Toute personne a le droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées, et sur la base du consentement de la personne concernée. Toute personne a le droit d'accéder aux données collectées, d'en obtenir la rectification. Le respect de cette règle est soumis à une autorité indépendante ».

Dès lors, pourquoi ne pas l'affirmer dès l'article premier ?

Cette démarche aurait pu répondre à la remarque de la CNIL - que ce texte ne dérive pas vers un texte de procédure mais qu'il demeure un texte de principe. Une autre question importante se pose : comment le citoyen peut-il exercer sa citoyenneté ?

Le président de la CNIL dit : « Il appartient aux citoyens d'exercer leurs droits directement ou par l'intermédiaire de la commission ».

On constate, en effet, que les citoyens sont de plus en plus vigilants.

Certes, la protection de la personne et de sa vie privée passe par le renforcement des droits des personnes fichées. Pour appliquer à la lettre le propos du président de la CNIL, le citoyen doit devenir plus vigilant qu'un renard afin de saisir toutes les fois où en son nom on manipule des données personnelles le concernant. Que fait-on, dès lors, pour l'aider à connaître et exercer ses droits ?

C'est pourquoi une action renforcée de la CNIL en amont comme en aval de la création ou l'interconnexion des fichiers, un travail d'affinement permanent de ce que l'on appelle données sensibles, doit s'accompagner de droits nouveaux du citoyen fiché.

La CNIL doit devenir une autorité indépendante avec des pouvoirs accrus ; elle doit redoubler d'effort pour amplifier ses missions d'informations ; son travail de veille et de prévention est indispensable et aidera le citoyen à mieux exprimer sa citoyenneté.

Le texte devrait préciser que la CNIL doit être entendue par les commissions permanentes du Parlement, celui-ci ne pouvant correctement édicter les lois sans prendre en compte la problématique fondamentale de la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel.

Par ailleurs un certain nombre de dispositions du texte ne sont pas acceptables. A l'article 18, le commissaire du Gouvernement désigné par le Premier ministre assiste à toutes les délibérations de la commission. Ceci porte atteinte à l'impartialité de la CNIL et est contradictoire avec les prescriptions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. L'article 26-II, en autorisant par décret en Conseil d'Etat la constitution de certains fichiers sensibles porte atteinte au principe énoncé à l'article 8 qui précise : « il est interdit sauf consentement express de la personne concernée, de collecter, ou de traiter des données à caractère personnel relative aux origines raciales, ou ethniques, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l'appartenance syndicale des personnes ou des données relatives à la santé ou à l'orientation sexuelle de celles-ci ».

Cet article est fortement attentatoire aux libertés individuelles et doit être supprimé. La disposition de l'article 24-II donne à la CNIL le droit de définir des hypothèses pour lesquelles le créateur d'un fichier informatisé n'a pas à requérir une déclaration préalable, dès lors que le dit fichier n'est pas susceptible de porter atteinte à la vie privée. Ce droit, dont le champ d'application est défini de manière vague est d'une constitutionnalité douteuse : il confie à une autorité administrative, dénuée de légitimité démocratique, la possibilité de délimiter l'exercice d'une procédure de déclaration préalable, pourtant réservée par les jurisprudences constitutionnelle et administrative au législateur. Cette disposition devrait être supprimée.

Nous estimons que ce projet de loi ouvre des chantiers d'une grande importance. Vous ne nous avez pas laissé le temps d'une véritable confrontation des idées - entre parlementaires au sein des commissions, avec la société civile. Bref, tout cela sent l'inachevé - c'est pourquoi le groupe communiste s'abstiendra, estimant que les progrès proposés à l'égard de la protection de la personne ne sont pas à la hauteur des enjeux.

M. Emile Blessig - Nous sommes réunis pour examiner un projet de loi dont l'objectif est double : transposer une directive européenne et adapter la loi de 1978 aux évolutions technologiques.

La directive du 24 octobre 1995 prévoyait une transposition dans les trois ans. Cinq ans ont passé. Bien des orateurs ont relevé ce délai anormalement long. Mais il est important de rappeler la finalité de la directive - texte de source communautaire.

L'Europe se construit, en vue d'une intégration économique. Dans ce contexte, la circulation de données personnelles est inéluctable, mais elle doit se faire dans le respect des libertés publiques.

La directive a pour objet de garantir un niveau de protection comparable dans tous les Etats membres. Elle définit les obligations qui s'imposent aux opérateurs, précise les droits des personnes et exige une autorité de contrôle indépendante.

Le principe général du respect de la vie privée a été approfondi à l'article 7 de la charte des droits fondamentaux adoptée au sommet de Nice le 7 décembre 2000. Toute personne a droit à la protection des données à caractère personnel le concernant. Toute personne a le droit d'accéder aux données le concernant et d'en obtenir la rectification. Enfin, le respect de la règle doit être contrôlé par une autorité indépendante.

Le progrès technique, quand il s'accélère, contourne la norme et la dépasse. S'il nous apporte plus de confort, il peut aussi porter atteinte aux libertés.

Dans l'électronique, on observe trois avancées marquantes : l'augmentation des capacités de traitement, l'élimination des frontières et la généralisation d'outils nouveaux dont il peut être fait usage avec ou sans le consentement de la personne intéressée - les réseaux numériques mobiles, les cartes, les systèmes de reconnaissance vocale ou visuelle... Chaque ordinateur ayant un numéro unique d'identification, le contrôle peut être total. A partir d'une photographie présentée à un système d'information, on peut demander à des caméras de rechercher et de suivre un individu. La caméra devient intelligente.

Nous examinons donc un texte fondamental. La France a été le premier pays à se doter d'une législation cohérente, parce qu'elle a une tradition des libertés publiques qui s'oppose au pragmatisme de certains pays.

Dans la transcription de cette directive, il faut que nous apportions notre contribution, conformément à cette culture des libertés publiques qui est la nôtre.

La loi de 1978 instituait, pour la première fois, une autorité administrative indépendante. Mais le progrès technique s'est poursuivi pendant les six ans que nous avons mis à transcrire la directive. Le Parlement européen et le Conseil européen sont déjà en train de l'adapter aux dernières évolutions.

Nous avons trois guerres de retard.

M. le Rapporteur - C'est notre loi de 1978 qui a inspiré les auteurs de la directive !

M. Emile Blessig - En 1995, l'utilisation d'Internet était encore marginale. Aujourd'hui, on envisage le droit d'accès à Internet comme le droit à l'électricité ou à l'eau courante. A Moulins d'ailleurs, il est prévu de connecter des logements HLM.

Nous ne cessons d'évoquer la mondialisation, mais nous continuons d'examiner les textes du point de vue national. Il faut garantir la protection du citoyen internaute au triple plan national, européen et international, sans quoi ce projet n'a pas de sens.

Aux plans national et européen, il modifie la loi de 1978 en prévoyant des règles identiques pour les traitements publics et privés, mais aussi en préférant les contrôles a posteriori aux contrôles préalables. En contrepartie, il aurait fallu que la CNIL dispose de pouvoirs d'investigation et de sanction accrus.

M. Patrice Martin-Lalande - En effet.

M. Emile Blessig - Sans revenir sur la question des cookies, je m'interroge sur la nature du pouvoir que nous avons délégué au niveau européen. Il faut que tous les habitants de l'Union bénéficient du même niveau de protection. La directive, dans son article 29, prévoit un groupe de protection indépendant, à caractère consultatif, au sein duquel chaque Etat membre sera représenté par une personne. Il y aura donc, pour la France, un représentant de la CNIL en son sein. L'article 31 prévoit en outre qu'un comité, composé de manière à comporter un représentant de chaque Etat membre, assistera la Commission. Enfin l'article 29 ouvre la voie à une coopération entre la CNIL et la Commission européenne. Mais cette procédure sera-t-elle suffisante ? Une question viendra bientôt à l'ordre du jour : la création d'une autorité de contrôle européenne. Le dispositif actuel me semble un peu léger.

Au plan international enfin, dans les relations avec les Etats tiers, il n'existe que les grands principes adoptés en 1980 par l'OCDE, la convention 108 du Conseil de l'Europe adoptée le 28 janvier 1981 et les recommandations de l'ONU adoptées par son assemblée générale le 14 décembre 1990. A part cela, il n'y a rien. Or ces textes ne créent pas d'obligations, et ils ne sont pas récents. Actuellement, le Canada et l'Australie s'inspirent de la législation européenne.

L'article 25 de la directive prévoit que le transfert de données vers un pays tiers ne peut être autorisé que si ce pays garantit un niveau de protection adéquat. Le groupe de travail créé en vertu de l'article 29 préconise la prise en compte de deux aspects : le contenu des règles et le dispositif mis en place pour en assurer le respect.

L'article 12 du projet n'exige qu'un « niveau de protection suffisant ».

J'avais déposé un amendement destiné à remplacer le mot « suffisant » par « équivalent », mais il est apparu que cette rédaction serait trop restrictive et qu'elle pourrait aller jusqu'à empêcher tout échange de données avec les Etats-Unis... Le remède serait donc pire que le mal et il faut s'en tenir au texte qui nous est proposé.

Je me demande toutefois à qui il appartiendra d'apprécier le degré de protection. Aux termes de l'article 25 de la directive, repris à l'article 12 du projet, soit la Commission constatera qu'un Etat tiers n'assure pas une protection adaptée et elle saisira la CNIL qui délivrera un récépissé d'interdiction de transferts de données ; soit la CNIL, constatant un défaut de protection, en informera la Commission qui, après vérification, validera ou non le transfert. Même si les deux organes sont appelés à collaborer, c'est donc bien la Commission qui décidera. Cela suppose donc qu'au-delà de la protection nationale que recherche ce projet, nous recherchions une collaboration internationale, seule à même de rendre cette protection efficace, d'autant que la représentation française au sein des organes institués par la directive n'offre pas de garanties suffisantes aux internautes français.

On peut craindre, en outre, en raison des profits que l'e-économie escompte du traitement des données personnelles, la constitution de véritables paradis électroniques, avec les mêmes travers que les paradis fiscaux.

Je regrette donc profondément que le projet sur la société de l'information n'ait pas vu le jour et que nous n'ayons pas eu, en cinq ans, le débat que de tels sujets appelaient. Nous avons été des précurseurs, nous ne le sommes hélas plus ; c'est pourquoi les membres du groupe UDF s'abstiendront, en dépit des avancées ponctuelles du texte.

M. Patrice Martin-Lalande - Très bien !

M. Jacques Guyard - A l'évidence, nul n'a de réponse toute prête sur des sujets qui évoluent si vite et c'est ce qui fait l'intérêt de cette discussion autour d'un texte de qualité, qui répond à une nécessité véritable.

Voilà un domaine, comme la bioéthique, dans lequel la puissance publique devrait fixer les principes et faire le point tous les dix ans car les changements y sont extrêmement rapides et influent considérablement sur le monde dans lequel nous vivons. Qui imaginait, en 1978, les progrès enregistrés depuis ? Même en 1996, il y a six ans seulement, la loi sur les télécommunications ne traitait pas des téléphones portables. Nul n'avait senti venir ce bouleversement.

C'est pourquoi il faut éviter de réglementer trop tôt. Le problème de l'UMTS, Monsieur Martin-Lalande, ce n'est pas que le Gouvernement a vendu les licences trop cher, c'est que, en dépit des annonces des équipementiers, les produits n'existent pas.

M. le Rapporteur - Pour l'instant...

M. Jacques Guyard - De façon plus générale, il nous faut à la fois éviter une fracture numérique, donc développer l'usage de tous ces outils, et maîtriser les risques considérables d'aggravation des inégalités entre les personnes et entre les pays. Nous devons aussi nous préoccuper de l'harmonisation des réglementations sur laquelle M. Blessig a dit des choses justes à propos de l'Europe et de la France.

On retrouve d'ailleurs ce problème dans les télécommunications, dont je m'occupe quelque peu, avec les rapports entre notre Autorité de régulation et les instances européennes. Pour ma part, je préfère nettement la réunion régulière des représentants des différentes autorités de régulation, qui nourrissent d'informations la Commission, à la création d'une autorité européenne. Cela vaut aussi dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui.

Une des grandes idées de la loi de 1978 a été la création de la CNIL, qui a été suivie par de nombreuses autres autorités indépendantes, dans bien d'autres domaines. Certes, cela nous donne le sentiment d'abandonner une part des prérogatives de la puissance publique, mais c'est indispensable pour suivre au plus près et au plus vite l'évolution des technologies. Je regrette donc que les pouvoirs de la CNIL n'aient pas été accrus plus tôt. C'est ce que fait heureusement ce projet, qui conforte ainsi l'indépendance et la technicité de l'autorité.

C'est aussi parce que ces technologies sont indispensables au progrès humain et au progrès économique que nous voulons développer l'usager d'Internet. Il convient donc d'éviter que l'indispensable protection des données personnelles et de la vie privée ne gêne l'activité. Ainsi il y a peu, animés d'excellentes intentions, nous avons adopté un amendement autorisant le brouillage des émissions de téléphones portables dans les salles de spectacles. Nous n'avions simplement pas pensé que le brouillage déborderait des salles et gênerait la vie économique alentour.

M. Patrice Martin-Lalande - C'est une catastrophe !

M. Jacques Guyard - C'est l'exemple même d'une décision trop hâtive.

Je crains, de même, que les articles 22 et 27 de ce projet ne soient une entrave à l'annuaire universel, qui fait pourtant partie du service universel, au sens de la loi sur les télécommunications. Le rassemblement de tous les abonnés qui l'acceptent sur une liste unique et l'annuaire inversé sont des instruments indispensables, mais ils supposent l'interconnexion de fichiers relevant de plusieurs personnes morales. Faudrait-il un décret en Conseil d'Etat pour autoriser la publication de l'annuaire universel ?

Je m'interroge également sur le projet international ENUM, qui attribuerait à chacun un numéro unique pour le fixe, le mobile et l'Internet. Jusqu'où faut-il aller dans cette voie ? Faut-il limiter l'usage de ce numéro, certes fort utile, mais qui peut aussi être un extraordinaire instrument de fichage ? Le Gouvernement vient de publier un décret qui fixe des normes de protection, il ne faudrait pas qu'il soit en contradiction avec le texte que nous nous apprêtons à voter (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).

M. Alain Vidalies - L'évolution des technologies et la nécessité de transposer la directive 95/46 justifient pleinement ce projet de loi. La France a su, dès 1978, élaborer une législation sur la protection des données personnelles qui a eu un résultat très positif. La CNIL s'est imposée comme recours et référence. Je ne suis pas un partisan enthousiaste des autorités indépendantes, mais quand il s'agit de protéger les citoyens de l'autorité administrative, la démarche est justifiée.

Dès lors, il était naturel d'opter pour le maintien de la loi de 1978, en la complétant et en renforçant encore les pouvoirs de contrôle de la CNIL.

Je m'attarderai sur trois questions. La première est l'utilisation des cookies, c'est-à-dire des informations enregistrées lors d'une navigation sur Internet. Disposer du « profil » de l'utilisateur permet certes d'adapter la réponse, mais cette technologie peut aboutir à l'exploitation de données personnelles qui méritent d'être protégées. Nous proposerons un amendement fondé sur les principes de transparence et de finalité des traitements. L'internaute doit pouvoir s'opposer à une utilisation des cookies contraire à sa volonté, ce qui implique qu'il soit informé de façon précise.

Ma deuxième observation concerne la protection des données personnelles de santé. L'apparition des réseaux, l'informatisation des cabinets médicaux, le dossier médical informatisé sont des évolutions très positives permettant une meilleure prise en charge. Mais le fait que des tiers aient accès à ces données sensibles, en tant que prestataires de services, pose la question du contrôle de l'utilisation de ces données, dont la commercialisation doit être interdite.

J'avais envisagé de déposer un amendement en ce sens, mais j'ai appris que le Gouvernement envisageait d'inclure une disposition de ce type dans le projet de loi sur les droits des malades : c'est un choix judicieux.

Troisième observation, les rapports de la CNIL montrent la nécessité de réviser les modalités d'information des institutions représentant le personnel, notamment en ce qui concerne la cybersurveillance. Cette modification devrait être précédée d'une négociation entre les partenaires sociaux. Je m'associe à l'excellent amendement proposé par notre rapporteur sur la vidéo surveillance.

En conclusion, je voudrais témoigner de la qualité des travaux de la CNIL, où j'ai l'honneur, avec le vice-président Gouzes, de représenter votre Assemblée.

La discussion générale est close.

Mme la Garde des Sceaux - Je remercie les orateurs de la qualité des interventions.

Je voudrais rassurer le rapporteur : le projet de loi sur l'information, déposé depuis juillet 2001, ne traite pas des données personnelles.

C'est vrai que ce débat n'est pas assez démocratique, mais le sujet est très technique. J'espère que les parlementaires nous aideront à faire connaître ce texte.

MM. Blessig et Guyard ont parlé de course entre la technique et la norme. Mais la réflexion s'est engagée dès avant la rédaction du projet. En 1997-1998, des négociations très difficiles ont été conduites, au niveau international, sur le transfert des données. Les Etats-Unis ont fini par faire un pas vers l'Union européenne.

En attendant ce texte, le Gouvernement français a installé un système de vérification par la CNIL de l'utilisation des données en ligne, sur plainte des internautes. La CNIL a pu être ainsi saisie d'un certain nombre de dérives et en tirer des leçons. Il y a eu un aller-retour constant entre la CNIL et le Gouvernement pour aboutir à ce texte, certes un peu tardif.

L'essentiel est d'inscrire dans la loi la protection des données personnelles face à ce formidable outil de communication qu'est Internet. Le rôle de la CNIL est parfaitement précisé et je ne pense pas que ce texte ait besoin d'être révisé prochainement.

M. le Président - J'appelle maintenant, dans les conditions prévues à l'article 91, alinéa 9, du Règlement, les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement.

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ARTICLE PREMIER

M. le Rapporteur - L'amendement 1 est rédactionnel et vise à éviter une répétition.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis réticente car l'amendement va plus loin que vous ne le croyez. L'article premier transpose les dispositions de la directive concernant son champ d'application. Mettre la notion de fichiers en facteur commun, comme vous le proposez, aboutirait à soustraire de ce champ des traitements automatisés qui ne sont pas des fichiers à proprement parler, mais qui peuvent être exploités comme tels - je pense notamment aux cookies.

M. le Rapporteur - Compte tenu de ces explications, je retire l'amendement. Mais j'espère que nous trouverons une formulation plus satisfaisante en cours de navette.

L'amendement 2 est purement rédactionnel.

L'amendement 2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Mon amendement 66 vise à supprimer le dernier alinéa de l'article premier. Il est inutile, voire risqué d'enlever aux ayants droit d'une personne décédée ou au représentant légal d'un mineur ou d'une personne placée sous tutelle la possibilité d'agir en son nom.

M. le Rapporteur - La commission n'a pas accepté l'amendement ; la notion de « personne concernée » est plus étroite que celle de personne physique et elle revient partout dans le texte du projet, il ne faut pas la supprimer.

En ce qui concerne les droits des ayants droit, je propose, à l'article 5, un dispositif plus satisfaisant, car plus précis que le vôtre.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Patrice Martin-Lalande - Puisque ma préoccupation est prise en compte, je retire l'amendement ainsi que le 67 pour le même motif.

Mon amendement 68 transpose les dispositions de la directive qui traitent de l'anonymisation des données, afin de mieux garantir la vie privée.

M. le Rapporteur - Je pense qu'il est satisfait par l'amendement 2.

Mme la Garde des Sceaux - Tout à fait. De toute façon, nous y reviendrons.

M. Patrice Martin-Lalande - Puisque vous me confirmez que cette préoccupation est prise en compte, je retire volontiers l'amendement. Mais il faut que cet aspect soit présent dans l'ensemble du texte.

M. le Rapporteur - Les amendements 3 et 4 sont rédactionnels.

Les amendements 3 et 4, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. Patrice Martin-Lalande - Mon amendement 65 supprime l'article 4 de la loi de 1978 et ainsi la référence dans la loi à des technologies qui deviendront obsolètes.

M. le Rapporteur - Nous avons eu cette même tentation mais n'y avons pas cédé. L'article 4 est nécessaire car il traite d'activités de stockage temporaire des données qui sinon seront soumises à l'ensemble des dispositions de la loi.

Mme la Garde des Sceaux - C'est un bon argument. Rejet.

M. Patrice Martin-Lalande - Regrettant d'avoir succombé à la tentation, je le retire.

M. le Rapporteur - L'amendement 5 est de précision.

L'amendement 5, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 2

M. le Rapporteur - Les amendements 6 à 12 sont rédactionnels.

Les amendements 6, 7, 8, 9, 10, 11 et 12, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 62 de M. Clément est défendu.

M. le Rapporteur - L'amendement 13 est rédactionnel. L'amendement 62 me paraît dangereux, car il affaiblira plutôt la protection des personnes.

Mme la Garde des Sceaux - D'accord sur l'amendement 13. L'amendement 62 est contraire à l'esprit du texte.

L'amendement 62, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 13, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 14 est rédactionnel.

L'amendement 14, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 15 est rédactionnel. Il convient de le rectifier ainsi : « le traitement qui est nécessaire... »

L'amendement 15 ainsi rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'article 8 soumet à autorisation le traitement des données sensibles. Par mon amendement 72, je soustrais à cette contrainte les traitements qui rendent les données anonymes, puisqu'ils respectent mieux la vie privée.

M. le Rapporteur - Les données anonymes ne sont plus personnelles et n'entrent donc pas dans le champ d'application du projet. Rejet.

Mme la Garde des Sceaux - Je partage votre souci de favoriser l'anonymisation des données. Ces traitements entrent dans le cadre de la loi au moment de la collecte des données, qui se fait sous forme nominative, mais n'y entrent plus une fois ces données rendues anonymes. Dans le premier temps, les opérateurs sont donc soumis à l'ensemble des obligations, notamment celle d'informer les intéressés. Trop de données demeurent du reste nominatives par facilité et il faut promouvoir le passage à l'anonymat en le rendant avantageux pour les opérateurs.

Cependant, le paragraphe 2 de l'article 13 de la directive ne prévoit de dérogation que pour le droit d'accès des personnes intéressées et non pour leur droit d'information. Il importe aussi d'assurer de réelles garanties dans la période intermédiaire durant laquelle les données sont encore nominatives. Adopter cet amendement serait donc prématuré. Mais je prends l'engagement de conduire une réflexion approfondie avec la CNIL pendant la navette afin de trouver les solutions adaptées pour promouvoir l'anonymisation des données, objectif que nous partageons.

M. Patrice Martin-Lalande - Je vous remercie de cette réponse positive. Le projet de loi ne sera de toute façon pas adopté avant la fin de la législature et nous pourrons progresser. Il faut encourager cette démarche vers l'anonymat. Je retire l'amendement 72.

M. le Rapporteur - Les amendements 16 et 17 sont rédactionnels.

Les amendements 16 et 17, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 18 affirme clairement qu'aucune décision ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le « profil » de l'intéressé. C'est la notion importante.

Mme la Garde des Sceaux - Très bon amendement.

L'amendement 18, mis aux voix, est adopté.

L'article 2 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 3

M. le Rapporteur - L'amendement 19 reprend dans la loi la mission d'information générale de la CNIL.

L'amendement 19, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 20 lève une ambiguïté de rédaction.

L'amendement 20, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 21 est de rectification. Les parlementaires membres de la CNIL ne sont pas élus mais désignés.

L'amendement 21, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 22 supprime la réduction - assez bizarre - du nombre de représentants du Conseil économique et social à la CNIL.

M. Patrice Martin-Lalande - Mon amendement 73 augmente de deux le nombre de représentants des personnalités qualifiées.

M. le Rapporteur - La CNIL compte déjà plus de membres que d'autres autorités administratives indépendantes. Et actuellement, ses 17 membres tiennent à peine dans leur salle de réunion ! (Sourires) Le Gouvernement s'est engagé à ce qu'elle déménage dans de nouveaux locaux, mais ce ne sera pas avant quelques années. De toute façon, je ne suis pas certain que quelques informaticiens de plus protégeront mieux les libertés publiques.

Mme la Garde des Sceaux - Les arguments du rapporteur m'ont convaincue et je suis favorable à l'amendement 22. Il permet de maintenir le nombre de membres issus du Conseil économique et social, qui représente notamment les consommateurs, les salariés, les travailleurs indépendants et les associations familiales. En revanche, l'amendement 73 entraînerait un effectif trop important. Je ne manquerai pas de demander aux ministres concernés où en est le projet de déménagement, mais pour l'instant, je suis défavorable à cette proposition.

M. Pascal Clément - La Garde des Sceaux a été convaincue par le rapporteur, qui vient de refuser à M. Martin-Lalande une augmentation des membres de la CNIL au prétexte qu'elle en compte déjà beaucoup et qu'elle n'a pas de place pour les loger, mais qui demande quand même un deuxième représentant du Conseil économique et social !

M. le Rapporteur - Non, je rétablis la situation actuelle que le projet modifie !

M. Pascal Clément - Mais le projet de loi essayait justement de réduire le nombre de membres. Ce qui est bon pour vous ne l'est donc pas pour M. Martin-Lalande... Et sachant que vous utilisez le même argument dans des sens exactement opposés à quelques secondes d'intervalle, je ne peux que partager l'admiration que le garde des sceaux a manifestée à votre égard...

M. le Rapporteur - M. Clément est toujours prêt à s'épater sur des sujets qu'il ne connaît pas bien. La CNIL compte aujourd'hui 17 membres. Le projet du Gouvernement n'était pas de supprimer un membre, mais de remplacer un représentant du Conseil économique et social par une personnalité qualifiée. Le mien en reste à l'ordonnancement actuel.

M. Pascal Clément - J'avais bien compris.

M. le Rapporteur - L'amendement de M. Martin-Lalande, lui, portait la commission à 19 membres.

M. Pascal Clément - Je ne parlais que de votre façon d'argumenter.

L'amendement 22, mis aux voix, est adopté.

M. le Président - L'amendement 73 tombe.

M. le Rapporteur - L'amendement 23 vise à étendre les attributions que la CNIL peut déléguer à son président ou à son vice-président. L'amendement 24 est un amendement de conséquence.

Mme la Garde des Sceaux - J'y suis favorable pour la plupart des domaines que vise l'amendement 23, sauf pour la recherche en matière de santé. Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.

M. le Rapporteur - Il s'agit de faciliter le travail de la CNIL. En l'état actuel des choses, je pense que cette délégation ne comporte aucun risque.

L'amendement 23, mis aux voix, est adopté de même que l'amendement 24.

M. le Rapporteur - L'amendement 25 associe les deux vice-présidents à la formation restreinte.

L'amendement 25, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 4

M. le Rapporteur - L'amendement 26 apporte une clarification.

L'amendement 26, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'article 27 nouveau de la loi de 1978 est relatif à l'autorisation par décret en Conseil d'Etat de certaines données concernant « la totalité ou la quasi-totalité de la population de la France ». L'imprécision de cette formule risque de donner lieu à des interprétations divergentes. L'amendement 81 donne donc au Garde des Sceaux la possibilité de fixer une définition au cas par cas, par décret en Conseil d'Etat. En quelque sorte, il vous aide à nous aider.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis ravie de cette sollicitude, mais je crois que l'article 13 du projet, qui prévoit une habilitation générale du pouvoir réglementaire, répond à cette préoccupation. Peut-être sera-t-il possible de vous présenter le projet de décret en question lors de la deuxième lecture, mais en attendant, avis défavorable.

M. le Rapporteur - Cet amendement avait surtout pour objet de susciter des éclaircissements, et je reste un peu sur ma faim. Je le retire néanmoins. Quant au 27, c'est un amendement de coordination.

L'amendement 27, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 28 est lui aussi un amendement de coordination.

L'amendement 28, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 74 prévoit une sanction de nullité au cas où l'article 30 de la loi de 1978 ne serait pas respecté.

M. le Rapporteur - Il aurait des effets excessifs et pourrait même mettre en péril la sécurité juridique de tous les traitements de données. Par ailleurs, il provoquerait de nombreux contentieux alors même que le code pénal punit déjà de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, y compris par négligence, de procéder à des traitements sans respecter les formalités préalables.

M. Pascal Clément - N'est-ce pas un peu excessif, justement ?

M. le Rapporteur - Enfin, la CNIL peut prononcer des sanctions administratives à l'encontre du responsable du traitement, dont la destruction ou la cessation du traitement et même une sanction pécuniaire.

Mme la Garde des Sceaux - La sanction de nullité préjuge de l'examen au fond. Il me paraîtrait plus judicieux de permettre à la CNIL de demander la production des pièces manquantes dans un délai qu'elle fixerait et pendant lequel le délai de décision implicite ne courrait pas.

M. Patrice Martin-Lalande - Au bénéfice de ces précisions, je retire l'amendement 74. Quant au 75, il précise que les listes de traitement automatisé visées à l'article 31 de la loi seront mises à la disposition du public dans des conditions fixées par décret.

M. le Rapporteur - La CNIL a, entre autres, pour mission d'informer les citoyens. Pourquoi soumettre cette autorité administrative indépendante à un décret du pouvoir exécutif dans ce domaine ? Il est préférable de lui laisser le soin de fixer elle-même ses règles de fonctionnement.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

L'amendement 75, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'article 4 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 5

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 76 précise que l'information des intéressés est effectuée dans des conditions fixées par décret.

M. le Rapporteur - Même avis que précédemment.

M. Patrice Martin-Lalande - Je le retire. L'amendement 70 soustrait aux dispositions de l'article 32 de la loi la constitution de fichiers contenant des données traitées de façon à rendre les personnes concernées anonymes. Le sujet reste le même et si Mme la ministre confirme ce qu'elle a dit tout à l'heure, je retire cet amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je confirme.

M. Patrice Martin-Lalande - Je retire donc le 70, ainsi que le 71 rectifié.

M. le Rapporteur - L'amendement 29 répond à la préoccupation de M. Martin-Lalande, puisqu'il prévoit d'informer la personne qui fournit les données des destinataires ou catégories de destinataires, et non de leur identité.

Mme la Garde des Sceaux - Excellent.

L'amendement 29 est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 82 pose le problème des cookies, ces « mouchards » que les professionnels des réseaux utilisent pour faciliter la navigation des utilisateurs. Il s'agit de lecteurs identifiants, perfides, mais qui peuvent être très utiles pour éviter de répéter certaines opérations comme des mots de passe ou des numéros d'identification.

Nous proposons donc notamment de dire que l'utilisation des réseaux de communications électroniques en vue de stocker des informations ou d'accéder à des informations stockées dans l'équipement terminal d'un abonné ou d'un utilisateur est autorisée si l'abonné ou l'utilisateur a reçu, au préalable, une information claire et complète sur les finalités du traitement et sur les moyens dont il dispose pour s'y opposer.

En quelque sorte, nous renvoyons ce problème à la responsabilité de l'internaute qui décidera, ou non, d'installer les cookies.

D'autre part, nous avons prévu un dispositif pénal, de manière à punir cette atteinte à la liberté supplémentaire que nous donnons à l'internaute.

M. Emile Blessig - Mon amendement 64 allait dans le même sens. Il va tomber. Se posait la question de savoir si une autorisation préalable était nécessaire, ou une utilisation sous couvert d'information.

Pour des raisons pratiques, mais aussi d'efficacité économique, la seconde solution paraissait préférable. Je me réjouis que cet amendement, ainsi amélioré, donne satisfaction. C'est, en la matière, le dernier état de la réflexion européenne. Je retire l'amendement 64.

Mme la Garde des Sceaux - La question des témoins de connexion fait actuellement l'objet d'une négociation sur le plan européen. Une position commune du Conseil a été adoptée le 6 décembre dernier. Elle est actuellement soumise au Parlement européen, en deuxième lecture.

Je comprends votre souci de « nouer un dialogue » avec les institutions européennes, en affirmant le point de vue de cette assemblée. Toutefois, je vous rappelle que le droit interne ne sera stabilisé qu'après que le droit européen l'aura été.

Le débat oppose les partisans du consentement express à ceux du droit d'opposition. Le gouvernement français s'est rallié à la position commune en faveur du droit d'opposition. Elle est la mieux à même de concilier le droit des utilisateurs et la fluidité des réseaux numériques. Le principe de non-opposition sert de base à la législation française, depuis vingt-cinq ans, sur les traitements automatisés des données personnelles. Il serait difficile d'être plus exigeant dans une matière où le recueil du consentement personnel se heurte à de vrais obstacles techniques.

Vous entendez déroger à cette exigence d'information pour les seuls cookies présentant une utilité strictement fonctionnelle destinée à faciliter la transmission de l'information.

J'approuve cette démarche réaliste, mais, pour la meilleure compréhension du texte, il conviendrait d'inverser les alinéas 2 et 3.

Reste qu'il est proposé d'interdire de subordonner l'accès à un site à l'acceptation par l'utilisateur d'un témoin de connexion, une nouvelle sanction pénale étant édictée en cas de violation de cette interdiction. La position commune européenne n'envisageait pas d'introduire une telle prohibition.

Cet amendement revient à affirmer que l'accès aux sites doit être toujours possible, qu'il y ait ou non des cookies, quelle que soit leur finalité et quelle que soit la position de l'internaute vis-à-vis de ceux-ci.

Par là même, toute possibilité d'aménagement conventionnel est exclue et on peut s'interroger sur l'opportunité de limiter autant la liberté contractuelle.

Il conviendrait à mon sens d'approfondir ces questions dans la suite de la navette parlementaire.

C'est pourquoi je m'en remets, en l'état, à la sagesse de votre Assemblée.

M. le Rapporteur - L'inversion des deux paragraphes me paraît très opportune.

L'amendement 82, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 30 est rédactionnel.

L'amendement 30, accepté par le Gouvernement, mis aux voix, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - L'amendement 77 a pour objet de prévoir la destruction des informations temporaires collectées dans le but d'utiliser des cartes bancaires, sous réserve de l'accord express des utilisateurs. Il est choquant que des entreprises stockent les données relatives à la carte bancaire. Nous n'avons aucune certitude sur leur élimination.

M. le Rapporteur - Vous avez raison, mais pourquoi uniquement les cartes bancaires ? Elles sont comprises dans le texte. Pourquoi ne pas évoquer la carte SNCF, Vitale, ou FNAC ? Dans le cas où nous n'évoquerions que la carte bancaire, nous donnerions l'impression que toutes les autres sont exclues. La commission a donc rejeté l'amendement.

Mme la Garde des Sceaux - Je suis du même avis.

M. Patrice Martin-Lalande - Je retire l'amendement 77.

L'amendement 79 est de précision.

M. le Rapporteur - Cet amendement nous a semblé inutile.

Mme la Garde des Sceaux - Même avis.

M. Patrice Martin-Lalande - Je retire l'amendement 79. Nous avons déjà évoqué le sujet de l'amendement 78. Je le retire également.

M. le Rapporteur - L'amendement 31 est de précision.

L'amendement 31, accepté par le Gouvernement mis aux voix, est adopté.

M. Jean Codognès - L'amendement 85 tend à rendre efficace le droit d'accès et de rectification. Il s'agit de garantir la conservation des preuves, pendant un conflit. Le délai de trois mois paraît nécessaire, au vu des éventuels délais procéduraux.

M. le Rapporteur - Nous n'avons pas examiné cet amendement.

M. Jean Codognès - La commission n'a pas examiné cet amendement pour des raisons formelles. Sa rédaction avait été jugée imparfaite par le rapporteur. Il a été réécrit.

M. le Rapporteur - Je suis perplexe et m'en remets au Garde des Sceaux !

Mme la Garde des Sceaux - Cet amendement a pour objet de mettre à la charge du responsable d'un traitement l'obligation de conserver pendant trois mois les données personnelles qui ont fait l'objet d'une demande d'accès. Je ne suis pas insensible au souci de protection de cette proposition mais néanmoins, je m'interroge sur sa portée effective. S'il s'agit de parer au risque de manipulation, je ne pense pas que le moyen proposé soit efficient. Pour éviter ces dérives, l'article 39 prévoit la possibilité de solliciter du juge en référé toutes mesures utiles.

Le dispositif proposé, applicable à toutes espèces de fichiers, ne va-t-il pas entraîner des lenteurs excessives ? Il faudra réfléchir à le cibler plus avant, ce qui devrait permettre d'y revenir dans la suite des débats parlementaires.

M. Jean Codognès - Je retire l'amendement 85. Nous allons l'affiner.

M. le Rapporteur - L'amendement 32, de M. Codognès, a été adopté par la commission. Il tend à faire une distinction dans le domaine du référé ; il peut avoir un intérêt.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement n'y est pas favorable. Cet amendement a pour objet de modifier les conditions de saisine du juge en cas de risque de dissimulation ou de disparition de données vis-à-vis desquelles une personne fichée cherche à exercer son droit d'accès.

L'amendement substitue à la procédure de référé celle de l'ordonnance sur requête. Or, le juge compétent peut être soit le juge administratif, soit le juge judiciaire. S'il existe une procédure de référé, aujourd'hui, devant ces deux juges, il n'existe aucune procédure équivalente à la procédure d'ordonnance sur requête devant le juge administratif. La procédure d'ordonnance sur requête est par principe réservée à une matière gracieuse, caractérisée par l'absence de tout litige.

S'il existe une difficulté d'exercice du droit d'accès, il y a conflit entre la personne fichée et le maître du fichier ; ainsi, la procédure gracieuse n'est pas adaptée.

Enfin et surtout, la procédure d'ordonnance sur requête présente un défaut majeur : elle n'est pas contradictoire. On ne saurait permettre au juge d'enjoindre telle ou telle mesure au responsable sans qu'il ait été à même d'en discuter le bien-fondé.

Je ne peux donc que conclure au rejet de l'amendement.

M. Jean Codognès - Lors de travaux en commission, il était apparu que la procédure de référé, contradictoire, pouvait ne pas être efficace. L'article 11 du nouveau code de procédure civile permet, en droit commun de procéder à des saisies à la conservation de preuve, sans prévenir celui qui détient les éléments de preuve.

L'hypothèse est la suivante : un plaignant va en référé ; au bout d'une semaine, le propriétaire du fichier est prévenu et peut donc le modifier. Le plaideur se trouvera sans preuve.

Mme la Garde des Sceaux - Votre souci est louable, mais nous disposons de moins de quarante-huit heures, en référé. Si le fichier était corrigé dans ce laps de temps, les corrections pourraient être retrouvées. Les vérifications pourraient être faites facilement, y compris, dans les cas graves, en allant jusqu'au disque dur. Compte tenu de la technologie, on ne peut plus faire disparaître ce type de preuves.

M. le Rapporteur - Les explications de Mme la Garde des Sceaux sont convaincantes. Je retire l'amendement 32.

M. le Rapporteur - L'amendement 33 de la commission a pour objet d'élargir les motifs permettant au responsable du traitement de s'opposer aux demandes d'accès aux données de la part de la personne concernée. En effet, la rédaction du projet limite cette possibilité de refus aux seules demandes manifestement abusives en raison de leur nombre ou de leur caractère systématique. Or, une demande portant sur une durée excessive, par exemple sur les quinze dernières années, ne pourrait être refusée par le responsable du traitement alors même qu'elle est manifestement abusive par son étendue.

L'amendement 33, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 34 est de précision.

L'amendement 34, accepté par le Gouvernement, est adopté

M. le Rapporteur - L'amendement 35 est rédactionnel.

L'amendement 35, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 83 de la commission va donner satisfaction à M. Martin-Lalande, puisqu'il prévoit que les héritiers d'une personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que les données à caractère personnel la concernant n'ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu'il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence. Ils sont en droit d'interroger le responsable du traitement pour savoir si des données à caractère personnel concernant le défunt font, ou non, encore l'objet d'un traitement.

En revanche, ils n'ont pas le droit d'effacer ce que la personne décédée a laissé de son vivant.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

M. Patrice Martin-Lalande - J'approuve cet amendement.

L'amendement 83, est adopté.

L'article 5, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 6

M. le Rapporteur - L'amendement 36 est de précision.

L'amendement 36, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Patrice Martin-Lalande - Il n'est pas bon que seul un médecin puisse requérir la communication de données médicales lors des contrôles sur place de la CNIL.

Une telle disposition se heurterait à de nombreuses difficultés d'application, sans qu'on en perçoive parfaitement le bien-fondé.

Elle exigerait en effet que la CNIL « réquisitionne » un médecin, via le conseil de l'Ordre lorsqu'elle contrôlerait les traitements mis en _uvre dans les cabinets médicaux, beaucoup plus largement tous les traitements susceptibles de comporter des données médicales : fichiers des caisses de sécurité sociale, fichiers des compagnies d'assurance, intermédiaires techniques dans la transmission des feuilles de soin électroniques...

Mon amendement 69 vise donc à supprimer l'avant-dernier alinéa du III de cet article.

M. le Rapporteur - L'amendement 37 de la commission vous donne satisfaction.

M. Pascal Clément - Reprenez donc l'amendement de M. Martin-Lalande.

M. le Rapporteur - Celui de la commission est préférable car il précise le texte au lieu d'en supprimer un alinéa.

Mme la Garde des Sceaux - En effet.

L'amendement 69, mis aux voix, n'est pas adopté.

L'amendement 37, mis aux voix, est adopté.

L'article 6, modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 7

M. le Rapporteur - L'amendement 38 de la commission vise à rappeler que la CNIL peut procéder à la destruction du traitement.

L'amendement 38, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 39 de la commission autorise toute personne convoquée par la CNIL à se faire assister et représenter.

L'amendement 39, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - Le projet autorise la CNIL à prononcer des sanctions majorées, jusqu'à 300 000 euros, en cas de « manquement réitéré ». L'amendement 40 de la commission vise à préciser cette notion en prévoyant un délai de cinq années à compter de la date à laquelle la sanction est devenue définitive.

L'amendement 40, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 7, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 8 est adopté.

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ART. 9

M. le Rapporteur - L'amendement 41 vise à rectifier une erreur de numérotation.

L'amendement 41, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. Pascal Clément - Mon amendement 63 vise à modifier le régime d'autorisation applicable aux traitements de données personnelles ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé.

Un accord tacite de la CNIL devrait suffire.

M. le Rapporteur - Cet amendement vise à maintenir le régime actuel d'accord tacite, alors que le projet a précisément pour objet d'exiger, dans ce domaine, une autorisation exprès.

Cet amendement est non seulement contraire à la directive, mais aussi, tenez-vous bien, à une décision du Conseil constitutionnel en date du 18 janvier 1995, selon laquelle les autorisations de la CNIL doivent être exprès dans les domaines touchant aux libertés publiques. Sachant quel excellent constitutionnaliste vous êtes, Monsieur Clément, je m'étonne que vous n'ayez pas vu cela (Sourires).

Je comprends votre souci de favoriser la recherche, mais les amendements 42 et 43 vous donneront satisfaction, tout en restant conformes à la Constitution. Ils visent à raccourcir les délais et à supprimer l'obligation de recueillir l'avis du comité d'expert, lequel est parfois d'une réalité très virtuelle.

Mme la Garde des Sceaux - Avis défavorable.

M. Pascal Clément - J'ai été cloué au pilori (Sourires). J'admire le rapporteur, qui a réussi à contourner la difficulté constitutionnelle pour dire la même chose et, m'inclinant devant le talent, je retire mon amendement.

M. le Rapporteur - L'amendement 80 est de coordination.

L'amendement 80, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - J'ai défendu mon amendement 42, qui n'est pas identique à celui de M. Clément.

Dès lors que les méthodologies de référence auront été établies en concertation avec le comité consultatif, il semble inutile de lui adresser les engagements de conformité.

Vous voyez qu'on peut légiférer simplement et constitutionnellement.

L'amendement 42, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 43 est dans le même esprit que le précédent.

L'amendement 43, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 9, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 10 est adopté.

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ART. 11

M. le Rapporteur - L'amendement 44 vise à appeler « correspondant » plutôt que « délégué » la personne qui veillera, dans chaque organe de presse, à la protection des données. Cette appellation est plus respectueuse de la liberté de la presse.

L'amendement 44, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 11, ainsi modifié, est adopté.

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ART. 12

M. le Rapporteur - L'article 12 du projet autorise, par dérogation, le responsable d'un traitement à transférer des données à caractère personnel vers un Etat tiers n'assurant pas un niveau de protection « suffisant » de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes auxquelles ces données se rapportent, sous réserve que la personne concernée ait « consenti » à ce transfert. Or, la directive utilise des termes plus restrictifs, en exigeant que la personne ait «indubitablement » donné son consentement audit transfert.

En conséquence, l'amendement 45 de la commission fait référence à la notion de « consentement exprès ».

L'amendement 45, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 46 est rédactionnel.

L'amendement 46, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 12, modifié, mis aux voix, est adopté.

L'article 13 est adopté.

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ART. 14

M. le Rapporteur - L'amendement 47 est rédactionnel.

L'amendement 47, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - Je défendrai ensemble les amendements 48, 49 et 51 de la commission, qui visent à relever le niveau des sanctions pénales. Le projet, en effet, tend à les abaisser. Or la liberté de demain ne vaut pas moins que la liberté d'hier. Il n'est pas souhaitable d'abaisser le niveau des mesures répressives : ce serait envoyer un signal dangereux. Une amende de 45 000 euros est très insuffisante, quand certains opérateurs peuvent espérer des profits considérables. La commission prévoit donc des sanctions allant jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros. Mme la Garde des sceaux me répondra que c'est beaucoup, mais il ne s'agit que de plafonds.

Mme la Garde des Sceaux - L'abaissement des peines maximales paraît justifié au Gouvernement. Il faut rendre leur niveau compatible avec les peines encourues pour d'autres infractions plus graves. Ainsi, l'homicide involontaire n'est puni que de trois années d'emprisonnement. Il faut en outre éviter un trop grand décalage entre les peines maximales et les peines effectivement prononcées.

Il convient toutefois d'éviter de donner l'impression d'une moindre sévérité des pouvoirs publics. Je m'en remets donc à la sagesse de l'Assemblée, sur ces trois amendements.

Je note cependant qu'ils alourdissent uniformément les peines, y compris celles que le projet ne modifiait pas. Il faudra se préoccuper de cela à l'occasion de la navette.

L'amendement 48, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 84 permet de sanctionner le fait de mettre en _uvre un traitement sur le fondement d'une déclaration simplifiée ou d'une dispense de déclaration et de ne pas respecter les normes établies à cet effet par la CNIL. Ainsi, toute incertitude juridique sera levée.

L'amendement 84, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement 49, mis aux voix, est adopté.

M. le Rapporteur - Compte tenu de l'adoption de l'amendement 84, je retire l'amendement 50.

L'amendement 51, mis aux voix, est adopté.

L'article 14 modifié, mis aux voix, est adopté.

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ART. 15

M. le Rapporteur - L'amendement 52 précise que seuls les systèmes de vidéosurveillance destinés à assurer la protection de certains lieux publics ou ouverts au public peuvent relever des dispositions de la loi du 21 janvier 1995. Lorsque les enregistrements sont utilisés dans des traitements ou des fichiers structurés et lorsque la vidéosurveillance est mise en _uvre dans d'autres lieux, ils relèvent, cette fois, de la loi du 6 janvier 1978. On le voit, il s'agit d'adapter la loi Pasqua afin de tenir compte de la liberté, qui est aussi un élément de la vie quotidienne.

Mme la Garde des Sceaux - Telle était bien l'intention du Gouvernement. Favorable.

L'amendement 52 est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 53 renforce également les garanties prévues par la loi de 1995.

L'amendement 53, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

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APRÈS L'ART. 15

M. Jean-Pierre Michel - L'amendement 54 rectifié, que la commission a adopté, et l'amendement 60 rectifié, identique, reprennent une préconisation du rapport que j'ai préparé, avec Patrick Bloche, sur l'évolution du Pacs. Il s'agit en fait de répondre à une demande des statisticiens qui déplorent ne pas avoir accès à des informations plus précises, notamment sur le sexe des pacsés.

M. le Rapporteur - La commission a en effet adopté ces amendements, de même que le 55 et le 61, bien que je m'y sois personnellement opposé, car je les trouvais un peu « cavaliers ».

Mme la Garde des Sceaux - En effet, le premier n'a qu'un lien ténu avec le texte et le second n'a vraiment pas grand-chose à voir avec le traitement personnel des données.

J'ai pris connaissance de l'intéressant rapport de MM. Bloche et Michel et un certain nombre de leurs propositions ont retenu toute mon attention. Mais je ne voudrais vraiment pas que l'on donne l'impression de saisir, à la sauvette, la première occasion parlementaire qui se présente, pour retoucher la loi du 15 novembre 1999, en se dispensant d'un débat de fond sur son application.

Je ne vois absolument pas l'intérêt de revenir sur une disposition qui n'a que deux ans, le dispositif actuel d'enregistrement par les greffes fonctionnant de façon tout à fait satisfaisante. Je suis donc totalement défavorable aux amendements 55 et 61.

Je comprends mieux la volonté, qui sous-tend les amendements 54 rectifié et 60 rectifié, de disposer de statistiques exhaustives sur les Pacs. Il apparaît légitime d'apprécier la réalité de la reconnaissance sociale du couple homosexuel qu'a opérée ce texte. Je rappelle toutefois les réserves que la CNIL avait exprimées, en son temps, sur l'exploitation de telles données. Je ne souhaite donc pas que l'on modifie si vite la loi de 1999. Je m'engage toutefois à réfléchir, en concertation avec la CNIL, à la publication de statistiques offrant toutes les garanties nécessaires.

Je souhaite donc le retrait de ces amendements.

M. Patrick Bloche - Je suis l'auteur des amendements 60 rectifié et 61, identiques à ceux que la commission a adoptés.

Le premier ne vise nullement à établir un fichier centralisé des Pacs ce qui, en effet, irait à l'encontre de la position prise par la CNIL sur la loi de 1999. Il s'agit simplement de répondre à la forte demande des démographes et des statisticiens de disposer de chiffres plus précis qu'à l'heure actuelle.

J'ai cru comprendre, Madame, que vous étiez plus opposée encore au second. Mais il ne s'agit en aucun cas de rouvrir le débat sur le Pacs et d'en faire un acte d'état civil. Mais nous avons rencontré les greffiers, en particulier au tribunal d'instance du XIe arrondissement de Paris. Nous avons vu que tout se passait bien, qu'ils étaient heureux d'avoir été chargés d'enregistrer les Pacs. Mais ils sont surchargés de travail en raison des demandes incessantes, de la part de notaires, de certificats de non-Pacs.

C'est donc pour les décharger de cette tâche que nous avons imaginé que le Pacs soit mentionné en marge de l'état civil, comme le sont déjà un grand nombre d'informations.

M. Bernard Roman, président de la commission des lois - M. Gouzes l'a dit, la commission a adopté ces amendements en dépit de ses réticences. J'ai aussi entendu celles du Gouvernement et la proposition qu'il a faite. Il est vrai que d'éventuelles modifications de la loi de 1999 supposent un texte spécifique. Mais l'évaluation de cette loi a été conduite par nos collègues et elle a débouché sur un certain nombre de propositions, dont celles que nous examinons.

Celle qui a trait aux statistiques touche à un point qui n'avait soulevé aucune objection lors du débat sur le Pacs. On voit mal pourquoi on refuserait aux statisticiens de disposer de données sur le sexe de Pacsés ou sur la durée des contrats.

Ne nous montrons pas frileux : l'homosexualité n'était déjà plus un délit, cette majorité, et c'est une de ses grandes fiertés, l'a sortie de son ghetto.

Cela dit, nous pourrions prendre une position médiane en adoptant l'amendement relatif aux statistiques et en nous en remettant à l'engagement de la ministre sur la seconde proposition.

Mme la Garde des Sceaux - Le Gouvernement sait écouter les parlementaires : je donne un avis favorable aux amendements 54 rectifié et 60 rectifié et un avis défavorable aux amendements 55 et 61, étant entendu que le débat sur cette question n'est pas clos.

M. Jean-Pierre Michel - Je remercie le président de la commission, qui montre une fois encore son esprit progressiste.

Je rappelle simplement que les amendements 55 et 61 répondent à la demande des greffiers d'instance. Mais peut-être n'avez-vous pas eu le temps de les rencontrer, Madame la ministre... Nous, nous l'avons fait et nous avons constaté qu'ils se réjouissent que cette tâche les valorise mais qu'ils sont débordés par les demandes de certificats de non-Pacs. Nous ne proposons pas de changer la nature du Pacs mais de permettre à un notaire d'obtenir l'information par une simple copie d'acte d'état civil. Je pense qu'à cette demande la ministre de la justice devrait répondre favorablement...

Les amendements 54 rectifié et 60 rectifié, mis aux voix, sont adoptés.

Les amendements 55 et 61, mis aux voix, sont adoptés.

M. le Rapporteur - L'amendement 56 2ème rectification vise à corriger, dans les différents codes de lois, les références à la loi de 1978.

L'amendement 56 2ème rectification, accepté par le Gouvernement, est adopté.

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ART. 16

M. le Rapporteur - L'amendement 57 est rédactionnel.

L'amendement 57, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 16 ainsi amendé est adopté.

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ART. 17

L'amendement 58 de la commission, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le Rapporteur - L'amendement 59 vise à supprimer les dispositions sur la prise en compte des mandats pour la durée d'appartenance à la CNIL car elles sont ambiguës.

Mme la Garde des Sceaux - Avis favorable.

L'amendement 59 est adopté.

L'article 17 ainsi amendé est adopté.

L'ensemble du projet de loi, mis aux voix, est adopté.

Mme la Garde des Sceaux - Je remercie les parlementaires, en particulier ceux qui se sont faits les avocats des magistrats ! (Sourires)

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SAISINE POUR AVIS D'UNE COMMISSION

M. le Président - J'informe l'Assemblée que la commission des finances a décidé de se saisir pour avis du titre premier du projet de loi relatif au développement des petites entreprises et de l'artisanat.

Prochaine séance mardi 5 février, à 9 heures.

La séance est levée à 20 heures 20.

              Le Directeur du service
              des comptes rendus analytiques,

              Louis REVAH

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ORDRE DU JOUR
DU MARDI 5 FEVRIER 2002

A NEUF HEURES : 1ère SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions orales sans débat.

2. Fixation de l'ordre du jour.

A QUINZE HEURES : 2ème SÉANCE PUBLIQUE

1. Questions au Gouvernement.

2. Discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi (n° 3557) relative au régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle.

M. Jean LE GARREC, rapporteur au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. (Rapport n° 3562.)

3. Discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la démocratie de proximité.

M. Bernard DEROSIER, rapporteur. (Rapport n° 3560.)

A VINGT ET UNE HEURES : 3ème SÉANCE PUBLIQUE

Suite de l'ordre du jour de la deuxième séance.


© Assemblée nationale