Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Le contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires
Deuxième partie :

La reconversion des stocks de plutonium militaire
L'utilisation des aides accordées aux pays d'Europe centrale
et orientale et aux nouveaux États indépendants

Par M. Claude Birraux,
Député

Annexes

Annexe 1 : Compte-rendu de l'audition du mercredi 29 novembre 2000 201

Annexe 2 : Missions et personnes rencontrées 275
A - France 277
B - Personnes rencontrées à Bruxelles 277
C - Liste des personnes rencontrées à Moscou du 10 au 14 juillet 2000 278
D - BERD Londres le 6 février 2001 279
E - Personnes rencontrées du 15 au 18 octobre 2000 à Washington 279
F - Canada 18-20 octobre 2000 281

Annexe 3 : Note IPSN sur la nature du plutonium 283

Annexe 4 : Note IPSN sur les éléments concernant la sécurité de l'utilisation du plutonium militaire à des fins civiles 287

Annexe 5 : Lettre du Sénateur Helmes 293

Annexe 1 :
Compte-rendu de l'audition du
Mercredi 29 novembre 2000

Liste des intervenants

Audition du 29 novembre 2000

France

M. Christian Pierret, Secrétaire d'Etat à l'industrie

M. André Lajoinie Président de la Commission de la Production

M. François Loncle, Président de la Commission des Affaires étrangères

M. Jean-Claude Mallet Secrétaire Général de la défense Nationale

M. Ferrier, Directeur technologie et transferts sensibles

Mme Bamière, Chargée de mission

M. André-Claude Lacoste Directeur de la sûreté nucléaire

M. Vincent Pertuis, Sous-Directeur

M. Olivier Caron, Sous-Directeur Ministère des affaires étrangères 

M. Jean-Daniel Lévi, Directeur Général de Framatome

M. Michel Lecomte, projet GTMHR

Mme Anne Lauvergeon, Pdt COGEMA

M. Arthur de Montalembert, Directeur du développement international

M. Thiebaud, Directeur des relations internationales CEA

M. Jacques Bouchard, Directeur de l'énergie nucléaire CEA

M. Bernard Dupraz, Directeur division ingénierie et services EDF

M. Daniel Leroy, Directeur-adjoint de la division combustible EDF

M. Bernard Tinturier, Contrôleur général EDF

M. Bertrand Lethiec, relations institutionnelles

M. Michel Pontic, Chef branche combustible nucléaire

M. Michel Debes, Chef de la branche exploitation nucléaire

M. Queniard, Directeur délégué IPSN

M. Flory (chef du Département de sûreté des matières radioactives)

Union Européenne

Marc Deffrennes, Administrateur principal

Etats-Unis

M. Michäel Guhin, Ambassadeur des Etats-Unis chargé du désarmement (U.S State Department fissile material negociator and chief US expert)

Ms Rozane Oliver, State department foreign affairs officer

M. Ray Clore, US Embassy Science councelor

M. Eric Derrickson, US Embassy science Officer

Ms Gabrielle Canonico, Mr.Guhin's executive assistant

Sénateur Dominici (sera représenté par Peter Lyons)

M. Blue, Vice-Président de General Atomic

Allemagne

M. Braehler, Responsable project manager for the mox project in Russia-Siemens

Russie

M. Vladimir Koutchinov, Directeur-adjoint des relations internationales MINATOM

M. Andrei Edemsky, Directeur de la communication du MINATOM

M. Nicolas Ponomariov-Stepnoï, Vice Président de l'Institut Kourtchav

Ouverture de la séance à 9 heures 18 sous la présidence de Monsieur BIRRAUX, Vice-Président et Rapporteur de l'OPECST.

M. Claude BIRRAUX Président. - Mesdames, Messieurs, chers collègues Monsieur le Président de la Commission de la Production et des Échanges, merci d'avoir répondu à l'invitation de l'Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques.

Pour un certain nombre d'entre vous, il s'agit de retrouvailles habituelles dans le cadre des auditions qu'organise l'Office Parlementaire. Je souhaite une très cordiale bienvenue aux nouveaux participants. J'espère qu'ils prendront autant de plaisir que nous le prenons, d'habitude à ces discussions qui sont en général fort intéressantes.

Dans le cadre de rapports qui sont périodiquement établis par l'Office Parlementaires d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques sur le contrôle de la sûreté et de la sécurité nucléaire, le Président de la Production et des Échanges, Monsieur André LAJOINIE, a demandé à l'Office Parlementaire d'étudier plus particulièrement, cette année, l'utilisation des surplus de plutonium militaire à des fins civiles, c'est-à-dire son utilisation dans des réacteurs civils.

Il me semble que c'est un excellent sujet qui correspond, au moment où nous le traitons, au but même de l'Office Parlementaire qui est d'éclairer les choix avant que les décisions ne soient prises. Nous sommes au début de ce processus, il est intéressant de faire une véritable évaluation des différentes options, des conséquences de ces options et de proposer au Parlement une information aussi complète que possible.

Je m'arrêterai là sur cette introduction pour vous dire que j'envisage d'organiser le débat autour de quatre thèmes : nous procéderons tout d'abord à un rappel historique des négociations sur le désarmement et le contexte qui a conduit à cet accord du G8 ainsi qu'à un rappel concernant les stocks d'armes nucléaires dans le monde.

Nous aborderons ensuite les aspects politiques et stratégiques de l'accord américano-russe, des décisions du G8 puis des options retenues pour l'élimination du plutonium déclaré en excès. Nous évoquerons également les aspects scientifiques et technologiques liés à cette élimination, à savoir les options telles que l'immobilisation, l'utilisation comme combustible MOX ou encore dans un réacteur spécifique. Il peut s'agir d'un réacteur haute température ou d'un réacteur rapide. Nous examinerons l'état d'avancement de ces programmes et le chemin qu'il reste à parcourir. Pour la première partie, je demanderai à Monsieur MALLET, Secrétaire Général de la Défense Nationale, travaillant auprès du Premier Ministre, de nous faire ce rappel historique des négociations sur le désarmement et de nous communiquer quelques chiffres concernant les stocks d'armes nucléaires dans le monde.

M. Jean-Claude MALLET, Secrétaire Général de la Défense Nationale. - Monsieur le Rapporteur, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames Messieurs, je voudrais tout d'abord remercier très chaleureusement Monsieur BIRRAUX de m'avoir invité. Il me fait l'honneur d'ouvrir les travaux de cette journée. Nous saluons toute sa dimension à la fois politique, industrielle, technique, internationale et européenne. C'est un sujet tout à fait important que j'ai l'occasion de traiter à double titre, en tant que Secrétaire Général de la Défense Nationale car les thèmes que vous traiterez durant cette journée ont trait directement aux enjeux de paix, de sécurité et de défense, et en tant que Président du Comité Interministériel AIDA. Nous entendrons souvent ce nom au cours de cette journée, j'ai en effet été nommé par le Premier Ministre à la tête de ce Comité Interministériel.

Je ne suis pas un spécialiste des questions nucléaires, bon nombre d'experts plus qualifiés que moi sont ici présents. Je traiterai par conséquent ce sujet d'un point de vue politique et diplomatique mais également du point de vue de la coopération entre la France, l'Allemagne et la Russie et dans les différents cadres internationaux.

Je souhaiterais rappeler un certain nombre d'éléments du contexte historique dans lesquels cette action en faveur de l'élimination du plutonium de qualité militaire, issu des armes démantelées, a été engagée très tôt par notre pays, la France. Cette action s'est très rapidement inscrite dans un cadre plurilatéral avec des enjeux industriels et politiques ainsi que des enjeux de politique internationale. Le calendrier international s'est quelque peu accéléré ces derniers temps. Lors du Sommet d'Okinawa, le G8, composé des huit principaux états industriels dans le monde, a en effet décidé de présenter à chaque Gouvernement un calendrier, un cadre institutionnel international ainsi qu'un plan de financement lors du sommet de Gênes de juin prochain.

Je rappelle brièvement qu'en 1992, un certain nombre d'accords ont été conclus entre la France et la Russie, tout d'abord au niveau des Présidents puis ensuite au niveau des Ministres. Ces accords engageaient la France dans une contribution au programme de démantèlement nucléaire russe. Cette action a été nommée AIDA et a débuté en novembre 1992. Il s'agissait de dons d'outillage spécialisé, de la construction d'un bâtiment spécifique destiné à abriter un certain nombre de produits, essentiellement du lithium, issus des armes démantelées. Enfin, cette contribution comprenait déjà un volet concernant les études à engager dans le domaine du MOX, c'est-à-dire la possibilité de dénaturer le plutonium de qualité militaire et de le brûler dans des réacteurs. Je parle en termes simplifiés, bon nombre de spécialistes vous exposeront cela mieux que moi.

Dans cette démarche engagée au cours de la période 1992-1996, la France a engagé environ 400 MF.

Afin de valoriser l'une des démarches permettant d'éliminer de façon définitive ce plutonium de qualité militaire au sein des stocks de matière à la disposition de la Russie, une voie technologique industrielle prometteuse est rapidement apparue. Elle permettait de dégrader la qualité isotopique du plutonium qui fait sa spécificité militaire. Il s'agissait de convertir ce plutonium puis de le consommer dans des réacteurs utilisant du MOX. La France connaissait bien cette voie technologique pour laquelle elle a développé des technologies et des réalisations industrielles spécifiques. Entre 1996 et 1998, une phase d'actions diplomatiques intenses et de convictions réciproques est intervenue entre les partenaires russes, américains, allemands et français. Nos partenaires se sont finalement ralliés à cette voie.

Par la suite, cette phase s'est traduite par des accords parallèles, l'accord franco-germano-russe de juin 1998 que nous avons appelé AIDA-MOX2 pour faire suite aux premiers accords AIDA des années 1992-1996.

Cet accord AIDA-MOX2 a engagé les partenaires français puis très rapidement les partenaires allemands et russes dans une voie d'étude, dans laquelle nous sommes encore aujourd'hui, des possibilités de réalisation d'usines de conversion puis de fabrication de combustible MOX en Russie et leur irradiation dans des réacteurs russes qui devront subir des petites modifications pour utiliser ce type de combustible

Nous avons décidé de financer ces études de 1998 à 2000 ou 2001 par un cofinancement en partenariats public, para public et privé à hauteur d'un peu plus de 60 MF. Nous sommes donc dans la phase finale de ce programme initié par l'accord trilatéral de 1998.

Cette démarche ne se comprend évidemment pas si l'on ne suit pas parallèlement l'évolution des négociations entre la Russie et les États-Unis. Ces deux pays ont conclu un accord en 1998 sur les principes de gestion et d'utilisation du plutonium militaire en excès. Je dirais pour simplifier que cet accord prévoit l'élimination progressive des stocks russes et américains, soit une cinquantaine de tonnes de plutonium de qualité militaire. Cet accord définit en outre un certain nombre de voies possibles dont la voie de l'élimination par le MOX et par l'immobilisation du plutonium dans des matrices solides.

Il est également fait allusion dans cet accord russo-américain à la possibilité de coopération avec d'autres pays disposant de capacités techniques et industrielles.

En septembre 2000, les États-Unis et la Russie ont conclu un accord à caractère intergouvernemental très complet concernant la coopération nécessaire afin d'explorer et de réaliser cette voie MOX en dégradant 34 tonnes de plutonium de qualité militaire susceptibles d'être utilisées dans ces réacteurs.

Pourquoi 34 et non 50 ? C'est le résultat d'une analyse sur la qualité du plutonium réalisée en particulier par les Américains. Américains et Russes sont tombés d'accord sur cette démarche concernant les 34 tonne Vous remarquerez que cette démarche internationale comporte plusieurs « cercles » très importants. Tout d'abord, le noyau constitué par la relation russo-américaine et l'accord bilatéral visent à gérer la mise en _uvre des différents accords START qui aboutit à l'élimination d'armements à têtes nucléaires stratégiques. Comme leur nom l'indique, les accords START ne visent que les têtes nucléaires équipant les missiles stratégiques des deux pays. Ceci est le noyau. Cette coopération est centrale.

Sur le plan technologique et industriel, il existe un second noyau également central car les pays concernés ont la technologie. Les Américains n'ont pas développé cette technologie, développée en particulier en France par les chercheurs, les scientifiques, les techniciens, les industriels français, en particulier par le CEA, la COGEMA mais également dans d'autres domaines par FRAMATOME et d'autres, représentés ici. La technologie envisagée ou les différentes voies technologiques car il en existe plusieurs, donnent lieu à d'importants débats. Elles sont essentiellement européennes, en tout cas françaises et allemandes. Quelques autres pays interviennent également.

Nos partenaires russes savent que ce cadre est fondamental s'ils souhaitent réaliser leur objectif, déterminé par l'accord russo-américain, d'élimination du plutonium de qualité militaire issu des armes démantelées, selon un calendrier acceptable aux plans international, industriel et politique.

Plusieurs voies sont possibles et feront l'objet d'importants débats. La voie de l'immobilisation n'est pas la voie privilégiée par nos partenaires russes, pour des raisons compréhensibles, mais elle fait partie des possibilités figurant dans les accords. La voie du MOX est privilégiée par les Experts ainsi que par les Gouvernements, y compris le Gouvernement américain, en particulier depuis 1998.

Il existe d'ailleurs entre le consortium des industriels français et le Gouvernement américain des perspectives de réalisation concernant les 34 tonnes américaines et un accord engage les industriels français, en particulier la COGEMA.

Ce partenariat associe les Majors européens, notamment les Français aux Allemands et aux Russes. Il nous associe en particulier aux Allemands du fait de la capacité de leur usine d'Hanau, construite mais non utilisée à ce jour, qui possède des équipements importants susceptibles d'intéresser nos partenaires russes. Ce partenariat est complémentaire de ce noyau central russo-américain, dans notre conception.

Au-delà de ce partenariat, plusieurs cercles existent : le cercle européen tend à s'étendre. Nous accueillons désormais autour de la table du Comité trilatéral nos partenaires italiens et belges qui ont pris un certain nombre d'engagements. Ils souhaitent adhérer formellement à l'accord trilatéral de 1998 entre Français, Allemands et Russes. Un accord politique est intervenu, déjà acté au niveau du Gouvernement, nous devons en établir la traduction juridique qui est en cours.

J'étais la semaine dernière à Moscou : nous avons abondamment parlé de cette question avec les différents partenaires de l'Administration russe au plus haut niveau.

Ce cercle européen est important pour ce que j'évoquerai par la suite. Il est tout à fait essentiel du point de vue français que l'Union Européenne, qui a déjà été associée à ces efforts, soit pleinement impliquée dans cet effort en faveur du désarmement et de la non-prolifération. Nous augmentons par conséquent nos chances lorsque, Italiens et Belges, se joignent à la démarche trilatérale et lorsque nos amis britanniques procèdent à des annonces de participation financière au programme. Nous saluons cet effort annoncé par le Gouvernement britannique de consacrer plusieurs dizaines de M£ à ce programme.

L'Union Européenne constituera par conséquent un élément important. Certaines actions ont déjà été entreprises telles la participation à des études, financées à un niveau encore modeste mais déjà réel. Ce type d'action montre le chemin pour des développements possibles dans le cadre de l'Union Européenne.

Le G8 a pris une décision à Okinawa, comme je vous l'ai précisé tout à l'heure. Cette décision figure aux paragraphes 76 et 77 de la déclaration commune dont je vous cite rapidement quelques extraits. Le langage est diplomatique mais explicite :

L'élimination définitive et la gestion dans de bonnes conditions de transparence, de sûreté, de sécurité et de respect de l'environnement, du plutonium issu du démantèlement d'armes nucléaires, sont essentielles.

L'Accord sur l'élimination du plutonium conclu entre les États-Unis et la Russie, appuyé par la déclaration d'intention, constitue une étape cruciale.

La coopération entre les pays du G8 a produit des résultats significatifs. Notre objectif pour le prochain sommet, c'est-à-dire en 2001 à Gênes, est d'élaborer un plan de financement international pour la gestion et l'élimination du plutonium selon un projet détaillé ainsi qu'un cadre multilatéral pour coordonner cette coopération. Nous développerons nos travaux et notre coopération avec d'autres pays intéressés afin d'obtenir le soutien international le plus large possible et nous examinerons le potentiel de financement public et privé.

Nous voyons donc bien que désormais dans le cadre du G8 et dans les cadres que j'ai évoqués tout à l'heure, nous sommes engagés dans un triple travail. Il s'agit d'une part de la validation des voies technologiques, c'est-à-dire la poursuite de la coopération technique et industrielle engagée en particulier entre les Laboratoires français et les Instituts russes.

Il s'agit d'autre part de la mise en place d'une évaluation financière affinée. À cette fin, des groupes d'évaluation des coûts ont été établis d'une part au niveau russo-américain, d'autre part au niveau trilatéral à Berlin en novembre et décembre 1999. Les investissements nécessaires et le financement de l'exploitation de ces réalisations à concevoir et à construire en Russie ont fait l'objet de travaux tout d'abord parallèles et qui convergent à présent dans le cadre russo-américain comme dans le cadre trilatéral.

J'avais insisté à Berlin, fin 1999, sur le caractère indispensable de cette évaluation financière afin que nous puissions progresser. Nous sommes à un tournant. Nous devons affiner ces études qui se prolongeront dans le temps. L'évaluation des investissements a bien progressé. L'évaluation des coûts d'exploitation doit encore faire l'objet de réunions avec les experts mais également de confrontations avec nos amis américains dans un cadre quadrilatéral que nous mettons actuellement en place afin d'échanger de façon transparente nos informations dans ce domaine.

Ce cadre financier est évidemment une condition indispensable afin de trouver des financements au plan international. Le cadre multilatéral doit prendre en compte l'organisation à mettre en place afin de gérer efficacement ce programme sur le plan industriel. Nous devrons réaliser un partenariat ainsi qu'un montage industriel, au niveau de l'organisation institutionnelle et au niveau de la relation entre cette organisation industrielle et les financiers, y compris les financiers internationaux. Ce partenariat à venir fait l'objet de travaux, en particulier dans le cadre du G8. Ces travaux ne font que débuter et ont fait l'objet d'échanges informels. Ils s'accéléreront à présent dans la perspective de l'échéance du prochain sommet de Gênes.

Il s'agit enfin d'un travail de conviction politique au sein de toutes les capitales afin que l'ensemble du dossier soit bouclé ou en tout cas suffisamment avancé lorsque les Chefs d'État et de Gouvernement se réuniront à Gênes.

Je souhaiterais terminer cette introduction en soulignant l'engagement spécifique de mon pays, la France, en particulier parce que nous avons en quelque sorte une triple démarche. Nous avons tout d'abord des capacités technologiques industrielles très développées. Ce point sera abondamment évoqué aujourd'hui. Nous souhaitons mettre ces capacités au service de la démarche politique de cette action en faveur du démantèlement du plutonium de qualité militaire issu des armes démantelées.

Nous avons ensuite un engagement concret et financier. La France a contribué à ce projet à hauteur de plusieurs centaines de MF au cours de la première moitié des années 1990. Lors de son discours à l'IHEDN en septembre dernier, le Premier Ministre a annoncé que la France était prête à effectuer un investissement du même ordre de grandeur au cours des années à venir, pour autant que les conditions soient réunies.

Ces conditions sont évidentes. Ce sont celles de la déclaration d'Okinawa : nous devrons nous doter d'un cadre industriel, d'un montage industriel, juridique et financier approprié. Le tour de table financier devra en outre être bouclé. Nous n'engagerons pas les financements français dans un investissement national et public si tel n'est pas le cas et s'il ne permet pas de prendre en compte l'ensemble des investissements et des coûts de l'opération.

D'autres conditions sont d'une nature plus politique. Les Autorités russes devront s'engager pleinement dans ce projet et leur engagement devra être matérialisé dans les documents qui seront signés à cette occasion. Certaines précautions devront en outre être prises. Nous nous sommes en particulier entretenus avec les plus hautes Autorités russes afin de leur indiquer que pour des raisons mécaniques, il ne fallait pas que du plutonium de qualité militaire soit produit par les réacteurs russes pendant que nous concevions et fabriquions les éléments nécessaires à la reconversion du plutonium de qualité militaire issu des armes démantelées. Cela fait partie des sujets que nous évoquons, tout comme les Américains avec leur partenaire russe.

Certaines clauses avancées existent à ce sujet entre Russes et Américains, notamment afin d'éviter la séparation du plutonium de qualité militaire des matières qui sont produites par ces réacteurs qui existent encore en Russie.

Voici le type de problématique, Monsieur le Rapporteur, auquel nous sommes confrontés. Vous voyez donc que la démarche du Gouvernement français est essentiellement politique.

Vous m'avez posé une question à la fin de votre introduction concernant le niveau des stocks de têtes nucléaires dans le monde. Je serais bien incapable de vous fournir un chiffre précis puisqu'une partie de ces chiffres au moins est certainement classifiée. Je peux cependant vous préciser que, s'agissant des stocks de têtes à démanteler, il s'agit des têtes nucléaires stratégiques couvertes par les accords START. Je ne possède pas les chiffres exacts mais nous vous les préciserons certainement au cours de la journée. Ces éléments sont très calibrés car les accords entre Russes et Américains prévoient, quasiment à l'unité près, l'évolution de cet arsenal stratégique, en tout cas dans la mesure où il est couvert par les accords START 1 et 2 ainsi que leurs protocoles. Je suis persuadé que le représentant américain ou son homologue russe pourrait exposer ceci beaucoup plus précisément que je ne le fais.

Les très nombreuses armes nucléaires tactiques sont moins connues en termes de données publiques mais ont également fait l'objet d'engagements d'élimination en particulier au début des années 1990, de façon unilatérale par chacun des Gouvernements soviétiques puis russes d'une part et américains d'autre part. Nous comptons alors par milliers les têtes nucléaires équipant ou ayant équipé des systèmes nucléaires tactiques.

Monsieur le Président, voilà ce que je souhaitais dire en introduction. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Monsieur MALLET, pour ces propos introductifs. Nous avons la chance d'avoir parmi nous les personnalités qui ont participé au premier plan à ces négociations du G8. Je vais demander à Michaël GUHIN de nous faire part de son analyse et de l'analyse du Gouvernement américain concernant ces accords.

M. Michäel GUHIN, US State Department fissile material negociator and Chief US expert. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Messieurs et Mesdames les Parlementaires, et les Invités, je suis très honoré d'être parmi vous aujourd'hui et de vous donner un aperçu du point de vue des États-Unis. Je répondrai ensuite à vos questions ainsi qu'à vos observations.

Des tonnes, je dis bien des tonnes de plutonium d'armes des États-Unis et de Russie ont été déclarées en excès suite aux progrès réalisés dans le désarmement nucléaire. Des milliers, je dis bien des milliers d'armes nucléaires ont été reconverties afin de nous assurer que ce plutonium et ces matières ne seraient plus jamais utilisés pour des armes, ou ne tomberaient jamais entre de mauvaises mains. Cette situation est déterminante pour notre sécurité, pour le désarmement ainsi que pour la non-prolifération et la mise en place de partenariats durables en Europe.

C'est un des héritages de la Guerre Froide et il est donc nécessaire que nous prenions les mesures qui s'imposent. Comme vous l'avez indiqué, le G8 a depuis longtemps entériné ce programme d'élimination du plutonium. En 1996, le G8 a décidé de transformer ce plutonium sous une forme inutilisable pour les armes. Comme l'a indiqué mon collègue français, il était d'une importance vitale de relever ce défi. De nombreux progrès ont été réalisés depuis cette déclaration de 1996, des préparatifs techniques et autres se sont poursuivis par les accords de 1998 entre la France, l'Allemagne et la Fédération de Russie, ainsi qu'au titre de l'accord entre les États-Unis et la Fédération russe.

Nous avons également entendu que les Chefs d'État et de Gouvernement du G8 à Okinawa se sont engagés à développer d'ici le mois de juillet 2001 un plan de financement international ainsi qu'un cadre multinational de coopération avec le programme russe.

Je tiens à souligner que ces quelques mots représentent une quantité de travail très importante.

Le programme d'élimination du plutonium entre les États-Unis et la Russie est entré en vigueur le 1er septembre, après de longs travaux. Cet accord prévoit les actions, les conditions et les calendriers concernant ce programme d'élimination américain et russe. Chacun de nos pays éliminera 34 tonnes de plutonium de qualité militaire. L'élimination sera transparente et irréversible.

Un suivi de l'AIEA est prévu à un stade opportun du processus. Je parle de « stade opportun » car ces éléments resteront classifiés durant les premières phases du processus.

J'espère parler au nom de tous lorsque j'affirme que nous espérons que des progrès ultérieurs dans le désarmement aboutiront à une élimination accrue du plutonium. Il s'agit en ce sens du début d'un long processus.

Les États-Unis élimineront 25 tonnes de leur plutonium déclaré en excès comme combustible MOX dans les réacteurs à eau légère existants. Nous éliminerons les 9 autres tonnes en plaçant des disques de céramique dans des conteneurs remplis de déchets hautement radioactifs : il s'agit de la méthode nommée immobilisation.

La Russie procédera, au titre de l'accord, à l'élimination de ses 34 tonnes comme combustible MOX pour l'essentiel dans les réacteurs russes existants. Les États-Unis estiment que le G8 doit envisager une élimination du plutonium russe en dehors de la Russie car cela pourrait grandement accélérer l'élimination minimale agréée de deux tonnes par an. Vingt ans environ seraient nécessaires pour l'élimination de ces 34 premières tonnes, une fois les installations nécessaires construites et modifiées. En outre, ce processus ne débutera pas avant 2007.

L'objectif agréé pour les programmes américain et russe consiste à doubler ce rythme afin que l'élimination puisse être réalisée en moitié moins de temps. La fin du processus interviendrait donc en 2017 au lieu de 2025 voire 2027. Seules deux possibilités existent afin d'accroître ce taux d'élimination : l'une consiste à augmenter la capacité au sein de la Fédération russe elle-même et l'autre à utiliser un certain nombre de réacteurs se situant hors de Russie. Chacune de ces deux approches mérite une attention et une analyse de coûts afin de déterminer comment mener à bien ces missions de désarmement de la meilleure façon possible.

S'agissant de l'utilisation de réacteurs en dehors de Russie, un certain nombre de critères s'appliquera. Notre accord serait bien entendu indispensable pour de telles exportations et le combustible MOX devrait être exporté vers le pays présentant les meilleures garanties de sécurité en la matière.

De plus, nous n'avons pas l'intention de favoriser la création d'un marché artificiel de combustible MOX russe au-delà des limites étroitement définies pour les besoins de cette mission de désarmement.

La réussite de ce processus exigera que nous mesurions bien nos intérêts économiques et commerciaux. Nous comprenons que certains pays aient des préoccupations politiques. D'autres pays sont davantage préoccupés par une éventuelle concurrence commerciale. Aucun des participants ne devrait être lésé dans ce processus. Les progrès réalisés à ce jour ont exigé d'importants moyens de la part des États-Unis, de la France, de la Russie et du Japon. Tous ces progrès seront cependant réduits à néant si nous ne trouvons pas d'accord lors du prochain sommet du G8 en juillet prochain.

Trois conditions devront être satisfaites. Nous devrons tout d'abord établir un plan de financement international agréé par le G8 et destiné au programme russe. Ce plan devra comprendre une série d'engagements de soutiens publics de la part des membres du G8 et nous l'espérons de la part de l'Union Européenne.

Ces engagements devront totaliser au moins l'équivalent d'un Milliard de $ afin de couvrir le coût de la construction, de la conversion des installations et de la modification des réacteurs russes. Le fait que nous ayons rassemblé plus de la moitié de cette somme constitue une bonne nouvelle. Cela comprend l'engagement des États-Unis à hauteur de plus de 400 Millions de $ pour le programme russe, venant s'ajouter au versement de 4 Milliards de $ pour le programme américain. Cela comprend également l'annonce britannique de 70 millions de £, l'annonce française de 450 MF et la promesse du Japon d'environ 33 Millions de $.

La difficulté consistera à rassembler encore 400 millions d'engagements par les finances publiques. Le plan financier devra étudier les modalités de financement de ces installations, dont le coût serait de l'ordre d'un Milliard de $ voire davantage ainsi que des activités connexes après la construction.

L'objectif du G8 est d'envisager le développement des flux financiers publics ou privés mais cette tâche ne sera pas aisée. Nous devrons également envisager les engagements politiques. Enfin le plan définira les contributions russes qui devraient être très importantes.

Je tiens cependant à souligner qu'aucun pays n'a laissé entendre que la Russie devrait financer seule la totalité des coûts afférents à son programme.

La seconde condition au succès du prochain sommet de Gênes concerne le dispositif global que nous devrons déterminer afin d'assurer la coordination du programme et des fonds. L'ensemble des membres du G8 devra se doter d'une structure s'assurant que ces fonds sont bien alloués et utilisés.

Enfin, la dernière condition concerne le cadre multilatéral. Il devra être à pied d'_uvre en mars 2002 afin de débuter la construction. Il s'agit d'un calendrier extrêmement ambitieux mais cette mission de désarmement serait retardée si nous ne respections pas cet objectif de mars 2002. J'ajouterai que la coordination internationale deviendrait de ce fait bien plus complexe.

Comme je vous l'ai précisé, une bonne partie des 400 millions supplémentaires proviendra de l'Europe ainsi que des autres membres du G8. Les États-Unis ont déjà promis 400 millions de dollars et de toute évidence, les autres pays ont autant d'intérêts que les États-Unis dans ce programme, sinon plus. En l'absence de contribution des autres pays européens membres du G8, le plan risquerait de progresser très péniblement voire de s'effondrer. Si le programme russe peinait à avancer, il en serait de même concernant le programme américain.

Nous saluons aujourd'hui les investissements et la participation active de la France dans cette mission de désarmement ; nous saluons la coopération étroite entre nos pays qui continuera à demeurer essentielle au succès de ces programmes. Outre nos intérêts politiques communs, la France a des intérêts commerciaux dans le programme américain et d'éventuels intérêts commerciaux dans le programme russe. Nous espérons non seulement qu'elle continuera à nous soutenir mais également qu'elle augmentera son soutien à ces programmes. Nous espérons également que d'autres pays augmenteront de même leur soutien concernant la coopération et le développement du nouveau réacteur à gaz déjà évoqué. Il s'agit d'une nouvelle technologie prometteuse susceptible de faciliter grandement l'élimination du plutonium, notamment à long terme.

Des négociations très difficiles restent à mener concernant l'élimination du plutonium. Je serai le premier à dire que la tâche consistant à équilibrer les intérêts sera ardue. Je suis cependant confiant. Il me semble que les engagements politiques supplémentaires sont possibles et que le succès lors du sommet de Gênes l'est également dès lors que tous les dirigeants politiques se concentrent sur nos objectifs, sur la mission première de ce programme et qu'ils font en sorte que le désarmement nucléaire devienne une réalité et qu'il devienne transparent et irréversible. Il s'agit de faire avancer l'horloge du désarmement plutôt que de la faire reculer. Il s'agit de mettre en place un cadre viable pour les années à venir tout en nous débarrassant d'un des héritages de la Guerre Froide.

Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci beaucoup, Michaël GUHIN. Je rappelle que vous êtes Ambassadeur des États-Unis chargé du désarmement au Département d'État.

Je souhaiterais à présent demander à un autre des négociateurs de ces accords du G8, Monsieur KOUTCHINOV, de nous présenter brièvement la position du Gouvernement russe.

M. Vladimir KOUTCHINOV,Directeur-adjoint des relations internationales du Ministère russe des affaires étrangères (MINATOM). - Merci, Monsieur le Président. C'est un grand honneur pour nous de participer aujourd'hui à cette réunion à Paris. Il s'agit vraiment d'une réunion de très haut niveau. Nous sommes ravis de pouvoir prendre part aux auditions consacrées à cette question extrêmement importante de l'utilisation du plutonium obtenu dans le cadre du désarmement nucléaire.

Je tiens à présenter nos points de vue sur le processus d'utilisation du plutonium à usage militaire en Fédération de Russie.

Nous partons du principe que le plutonium provenant du désarmement nucléaire constitue un patrimoine national à potentiel énergétique élevé. À titre d'exemple, nous pouvons dire qu'un gramme de plutonium constitue l'équivalent de 3 tonnes métriques de pétrole. Nous pensons que l'usage le plus efficace de ce plutonium consisterait à l'utiliser comme combustible pour les réacteurs à neutrons rapides.

Voici le schéma susceptible d'être utilisé : le plutonium provenant du démantèlement des armes nucléaires est chargé dans les réacteurs rapides et le plutonium à usage militaire est ainsi transformé en plutonium à usage énergétique. Il ne peut plus être utilisé à des fins militaires. Les réacteurs BN à neutrons rapides sont malheureusement actuellement insuffisants. Ce type de réacteur serait susceptible de servir de base pour la réalisation de ce schéma. Les prix peu élevés d'uranium rendent cependant ce schéma irrationnel du point de vue économique. Le plutonium en tant que combustible n'est pas économiquement intéressant pour les réacteurs à eau légère.

Compte tenu de tous ces facteurs, la Russie n'a aujourd'hui pas d'initiative ni de raisons économiques de mettre au point ce programme. Néanmoins, faisant preuve de bonne volonté ainsi que de sa ferme intention de participer au programme de désarmement, non seulement en démantelant les têtes nucléaires mais également en utilisant les matières fissiles qui proviennent de ses têtes nucléaires démantelées, la Russie est prête à utiliser le plutonium militaire dans les VVER.

Nous avons évoqué les négociations qui ont eu lieu. Un accord a été signé le 1er septembre par le Représentant du Gouvernement de la Fédération de Russie et par le Représentant du Gouvernement américain. Cet accord concerne l'utilisation du plutonium provenant du démantèlement des armes nucléaires.

Nous n'étions auparavant pas restés inactifs. Nous avions établi une large coopération internationale que nous avons d'ailleurs déjà évoquée aujourd'hui. Nous coopérons avec les États-Unis d'Amérique ainsi qu'avec la France. Nous avons conclu un accord tripartite en 1998 entre la Russie, la France et l'Allemagne. Nous sommes ravis de constater le souhait de deux autres pays de se joindre à cet accord afin que sa réalisation soit plus aisée.

Par ailleurs, le Centre International Scientifique et Technique de Moscou travaille activement à ce sujet. Ces travaux sont soutenus par l'Union Européenne et le Japon. La recherche de solutions techniques pour l'utilisation et l'élimination du plutonium est particulièrement intense. Nous finalisons et nous résolvons actuellement de nombreux problèmes techniques tels que les licences.

Les décisions prises à Okinawa ont été mentionnées. Nous espérons avoir établi le plan financier susceptible de permettre la réalisation de l'accord avec les États-Unis d'ici le prochain Sommet du G8. L'orateur qui m'a précédé a déjà mentionné les chiffres figurant dans l'accord. Les deux parties, c'est-à-dire la Russie et les États-Unis, prévoient d'utiliser 34 tonnes de plutonium.

Les méthodes de recyclage sont quelque peu différentes mais je souhaiterais mentionner que le plutonium métallique en tant que tel est utilisé de façon identique dans les deux cas : il est transformé en combustible MOX, mélange d'oxyde d'uranium et de plutonium, pour l'utilisation dans les réacteurs à eau légère.

La première étape de cet accord prévoit l'utilisation d'au moins deux tonnes métriques de plutonium. Cette étape doit débuter en 2007 et se poursuivre jusqu'à ce que tout le plutonium militaire soit transformé en combustible irradié standard.

L'accord prévoit également que nous accélérions ce processus en doublant l'utilisation du plutonium afin que cette phase ne s'étende pas sur des dizaines d'années mais qu'elle soit accélérée de manière importante.

Qu'est-ce que le combustible irradié standard ? Sur ce transparent, quelques chiffres montrent que le plutonium militaire est pratiquement transformé en plutonium énergétique. Il constitue ainsi une matière énergétique ne pouvant être directement réutilisée pour les armes nucléaires.

Cette méthode est utilisée pour le plutonium russe comme pour le plutonium américain. Mes collègues ont déjà mentionné que le suivi de cet accord devrait être transparent. Cette transparence ne sera pas uniquement bilatérale : nous prévoyons la participation de l'AIEA à ce processus. L'accord stipule noir sur blanc que les deux parties devront engager des négociations avec l'Agence de Vienne afin que les informations concernant le plutonium ne soient plus classifiées. Il sera alors possible à l'Agence de Vienne d'assurer le suivi du processus et la Communauté Internationale aura la certitude que les accords concernant l'utilisation du plutonium sont respectés.

La mise en pratique de cet accord est cependant loin d'être simple, comme vous avez déjà pu l'entendre. De nombreuses questions demeurent et bon nombre de problèmes techniques et organisationnels doivent être résolus. Les coûts et les investissements doivent tout d'abord être précisément évalués. Ils seront nécessaires à la construction des installations, à la modification et à la production du combustible MOX. Les investissements concernant la modification des réacteurs russes doivent également être prévus afin qu'ils puissent utiliser le combustible MOX. Nous devrons en outre obtenir les licences et les autorisations des différents organismes chargés de contrôler l'utilisation du plutonium ainsi que tout ce qui a trait au nucléaire dans nos pays respectifs.

Le début du programme est prévu pour 2007. Ce transparent présente le calendrier ainsi que les étapes que la Russie devra encore franchir avant le lancement effectif du programme. Nous prévoyons la modernisation des réacteurs existants, la création et l'installation des réacteurs expérimentaux, nécessaires à l'utilisation des installations industrielles pour la fabrication du combustible MOX pour les VVER ainsi que pour les réacteurs à neutrons rapides BN 600.

La mise en _uvre de ce processus en Russie est présentée sur ce schéma. Les têtes nucléaires de stockage seront démantelées et stockées sur les installations du MAYAK en Russie. Le plutonium sera ensuite converti et le combustible sera fabriqué pour les VVER et les BN 600. Le plutonium sera enfin stocké dans le cadre du combustible irradié.

Les évaluations déjà mentionnées ont été effectuées dans le cadre de l'accord bilatéral entre la Russie et les États-Unis ainsi que dans le cadre de l'accord tripartite. Ces évaluations indiquent que les coûts de ce programme s'élèveront à environ 2 Milliards de $. Il s'agit de coûts très importants. Une grande corrélation existe entre les deux calculs. Certaines divergences sont apparues concernant les coûts d'exploitation mais les experts travaillent actuellement à la finalisation de ces chiffres. Je pense que nous disposerons par conséquent de chiffres plus précis lorsque nous aborderons le plan financier réel.

La Russie devra unir ses propres ressources à celles de la Communauté Internationale afin de réaliser ce programme prévu par l'accord. L'évaluation préliminaire de la participation de la Russie s'élève à 100 Millions de $. 1,8 Milliard de $ sera nécessaire à la réalisation totale du programme.

Afin d'alléger le fardeau des budgets des États, nous avons évoqué à Okinawa l'éventuelle participation du secteur industriel privé. L'une des possibilités de financement des frais d'exploitation consisterait à utiliser le combustible MOX fabriqué en Russie, issu du plutonium militaire, dans certains pays acceptant d'accueillir ce combustible et qui seraient prêts à l'utiliser pour leurs réacteurs WWER. Nous avons déjà mentionné à juste titre que le transport de ce combustible MOX à base de plutonium militaire russe devrait être conditionné à certaines garanties. Nous considérons que ce combustible devrait revenir en Russie après avoir été irradié à l'étranger.

Voici quelques idées d'ordre général au sujet de notre programme d'utilisation du plutonium militaire en Russie ainsi que quelques points de vue concernant les accords conclus.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci beaucoup, Monsieur KOUTCHINOV. Vous étiez également à la table du G8 pour ces négociations.

Nous avons évoqué les implications des différents partenaires de l'Union Européenne : je souhaiterais que Monsieur DEFFRENNES, Administrateur principal à l'Union Européenne, puisse nous préciser le degré d'engagement de l'Union Européenne, ses bases ainsi que ses objectifs.

M. Marc DEFFRENNES, Administrateur principal de l'Union Européenne. - Monsieur le Rapporteur, Monsieur le Président, Mesdames Messieurs, c'est un honneur pour la Commission Européenne et pour moi-même d'avoir reçu l'occasion de faire une courte présentation devant cette audience des actions de l'Union Européenne, visant à renforcer la non-prolifération et la destruction des armes de masse en Russie.

Cette présentation vient sans doute à point nommé puisque, à la fin de l'an dernier, le Conseil de l'Union Européenne décidait la mise en place d'une action commune européenne dans le domaine concerné. Cette action commune se place dans le contexte de la politique extérieure et de sécurité commune de l'Union, la PESC ainsi que dans le cadre de la stratégie commune de l'Union sur la Russie. En mai de cette année, la Commission Européenne a reçu le mandat de mettre en _uvre l'action commune, par la mise en place d'une équipe d'experts des États Membres et de la Commission.

Selon le texte, l'objectif de cette action commune est :

1/ de coopérer avec la Russie en tant qu'Union Européenne dans le domaine du démantèlement de la destruction ou de la reconversion des infrastructures et des équipements liés aux armes de destruction de masse.

2/ de fournir un cadre légal et opérationnel pour un rôle accru de l'Union Européenne au travers de la réalisation de projets.

3/ de promouvoir la coordination de programmes et des projets dans le domaine concerné qui seront réalisés soit au niveau communautaire, soit au niveau des États membres, soit même au niveau international plus large.

En d'autres termes, l'action commune a été initiée afin de renforcer un effort coordonné au niveau de l'Union Européenne. Une ligne budgétaire, bien que limitée à ce jour, a été établie afin de supporter cette coordination. Cette ligne budgétaire permet de financer certains projets complémentaires des projets existants au niveau des États membres mais fait également office de catalyseur pour le développement de projets futurs.

Dans la ligne de cet objectif, nous avons commencé à rassembler des informations concernant les programmes de non-prolifération et de désarmement réalisés en Russie par la Communauté et les États membres. Cette étude est encore à un stade préliminaire. Le total des montants financiers engagés entre 1992 et 2000 atteint cependant 330 M€, compte non tenu des contributions récemment annoncées par la France et le Royaume-Uni dans le domaine nucléaire. À titre indicatif, nous pourrions répartir ces 330 Millions d'€ en divers postes comme suit :

- la destruction des armes chimiques : 75 M€

- la destruction des armes nucléaires : 110 M€

- le contrôle de la non-prolifération : 30 M€

- la non-prolifération de l'expertise de la science et de la technologie au travers du Centre International de Science et Technologique, le CIST1 : 115 M€.

Après cet aperçu global, je souhaiterais brièvement me concentrer sur l'objet spécifique de ce jour : l'élimination du plutonium ex-militaire, si vous me permettez ce jargon simplifié.

Je ne mentionnerai bien entendu que les activités communautaires, les activités des États membres ainsi que l'accord trilatéral France/Allemagne/Russie faisant l'objet des autres discussions de ce jour. La Communauté est doublement présente concernant l'élimination du plutonium ex-militaire, elle l'est tout d'abord depuis 1996 avec un certain nombre de projets du CIST financés par la partie européenne, premier pilier sous le programme TA6. Ces projets concernent l'utilisation du plutonium ex-militaire comme combustible nucléaire pour les réacteurs civils.

Dans ce cadre, une quinzaine de projets pour un montant total de plus de 6 Millions d'€ est coordonnée par un groupe de contacts experts qui se réunit annuellement sous la houlette de la Commission et qui rassemble, outre le MINATOM de Russie, l'Autorité de Sûreté GANATOM NATSOR, le US Department of Energy, l'ensemble des Instituts russes impliqués ainsi que leurs collaborateurs européens.

Ce groupe de contacts experts a pour objectif premier de diffuser l'information concernant les différents projets et de proposer des recommandations afin d'accroître la coordination, l'efficacité et l'utilité des projets futurs en vue de l'objectif commun.

Ceci concernait la première ligne d'action.

La Communauté est également présente depuis l'an dernier par la mise en _uvre de cette action commune dans le cadre de la politique extérieure de sécurité, au titre du second pilier. À ce jour, sur un montant total budgété en 1999 de 9 Millions d'€, 2,4 M€ sont spécifiquement réservés à quatre projets ayant trait à l'élimination du plutonium ex-militaire en Russie :

Un projet de soutien à l'Autorité de Sûreté pour le licencing du combustible MOX.

Un projet participant aux études de démonstration nécessaires avant la mise de MOX en réacteurs.

Un projet d'étude relatif au stockage et au transport du combustible MOX,

Un projet d'études sur la capacité du réacteur haute température GT-MHR à brûler du plutonium ex-militaire dans une seconde phase du processus d'élimination.

Nous étudions ces jours-ci une méthode efficace de mise en _uvre de ces projets. Ils veilleront tout particulièrement à assurer une coordination parfaite avec les activités de l'équipe trilatérale France, Allemagne et Russie.

Je souhaiterais conclure ce bref exposé en disant quelques mots au sujet de l'avenir. Pour l'an prochain, en 2001, l'action commune est budgétée pour un montant de 6 M€, tous secteurs confondus, consacrés au désarmement et à la non-prolifération. À la fin 2001, les États membres devront décider de l'avenir de cette action commune. La Commission Européenne participe également aux discussions du G8 pour ce qui est du Non Proliferation Export Group, concernant l'établissement d'un mécanisme de financement large susceptible de permettre le démarrage industriel de l'élimination du plutonium ex-militaire.

Quel sera le rôle de l'Union Européenne en tant que communauté dans ce cadre ? La réponse n'est pas simple, en particulier au vu des sensibilités différentes des États membres concernant le secteur nucléaire. L'action commune européenne peut être un moyen au service de l'Union pour aider à sa prise de décision.

Je vous remercie de votre attention.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci beaucoup, Monsieur DEFFRENNES. Il me semble que ces différentes interventions nous permettent de mieux cerner les motivations, les intérêts et les implications des uns et des autres.

Avant de donner la parole à l'intervenant suivant, je souhaiterais demander à Monsieur BOUCHARD s'il peut nous préciser quels sont les stocks de plutonium de qualité militaire dans le monde sans trahir de secret puisque certaines informations sont, paraît-il, classifiées. Ces informations classifiées sont cependant certainement connues d'un certain nombre de personnes. Avez-vous une idée de ce plutonium de qualité militaire se trouvant sur la terre, sous la terre et d'une façon globale ?

M.Jacques BOUCHARD, Directeur de l'énergie nucléaire, CEA. - Merci, Monsieur le Rapporteur, de m'interroger à ce sujet mais comme vous le savez, je n'ai plus aucune connaissance sur le sujet depuis déjà quelques semaines et ma mémoire est totalement défaillante !

De manière plus globale, nous savons aujourd'hui, ce n'est un secret pour personne, que les stocks globaux dans l'ensemble du monde se chiffrent en petit nombre de centaines de tonnes et quelques dizaines de tonnes au minimum dans les grands pays concernés. Ceci étant, l'accord mentionné entre les États-Unis et la Russie porte respectivement sur 34 tonnes et concerne par conséquent une part importante du stock.

Il me semble que si vous désirez obtenir des chiffres plus précis, il serait préférable d'interroger les représentants de ces deux pays.

M. LE PRÉSIDENT. - Michaël, avez-vous la réponse ? Avez-vous des chiffres ?

M. GUHIN. - Non, pas précisément. Je pense que certaines informations sont évidemment classifiées. Je suis persuadé que mon collègue russe a également une estimation classifiée de nos stocks comme nous avons une estimation classifiée de leurs stocks.

Il me semble qu'il serait correct de dire sur la base des documents non classifiés que l'élimination des 34 tonnes américaines représente environ 33 % de l'ensemble de notre programme de plutonium. Je ne parle pas uniquement du plutonium à des fins militaires mais de l'ensemble du plutonium, y compris celui qui n'est pas à des fins militaires.

Je pense que si nous tenons compte de nos estimations non classifiées, cela représenterait à peu près 25 % de ce que nous pensons être les stocks russes de plutonium.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Puisque nous avons déjà abordé la phase de la coopération et j'allais dire du soutien, du support au sens britannique et américain du terme, puis-je demander à Peter LYONS, le collaborateur du Sénateur DOMINICI, de nous donner l'avis du Sénateur DOMINICI sur ce processus ?

M. Peter LYONS, Représentant du Sénateur Pete DOMINICI, - Merci, Monsieur le Président. Je vais lire une déclaration du Sénateur DOMINICI et je serai très heureux de répondre à vos questions.

Merci de cette invitation à vous faire part de mon opinion sur l'élimination du plutonium militaire. Je suis au regret de ne pouvoir être parmi vous ce matin mais j'espère que cette déclaration et la présence de Peter LYONS, mon Responsable et mon Conseiller scientifique, vous indiqueront à quel point je suis intéressé par le sujet.

La fin de la Guerre Froide a présenté de nouvelles possibilités et de nouveaux défis au monde puisque la menace de confrontation globale a été fortement réduite. Le monde n'est cependant toujours pas un endroit très sûr. Les conflits localisés et le terrorisme international représentent encore une menace véritable et ils sont suffisamment sérieux, avec des armes conventionnelles ou traditionnelles. Si l'on y ajoutait des armes nucléaires, leurs conséquences seraient extrêmement graves.

Il est donc dans l'intérêt de tous d'éviter la dissémination des armes nucléaires au-delà des États qui en disposent actuellement. Ces États doivent être très prudents et ne pas encourager les fuites. Les États-Unis et la Russie possèdent d'énormes stocks de produits de qualité militaire, certains dans les armes, d'autres en stockage. J'espère qu'une réduction continue de ces armes se produira et augmentera les volumes stockés

Dans le système soviétique, les armes et les matières pour les armes ont été gardées par du personnel extrêmement bien rémunéré. Des contrôles très rigides existaient et ces matières pour les armes ne pouvaient être déplacées sans que le Gouvernement ne le sache. Après l'effondrement de l'Union Soviétique, les conditions sont devenues plus inquiétantes et la sécurité de ces matières pour les armes s'est dégradée, accompagnée de toute une série de chocs socio-économiques. Nous sommes par conséquent très préoccupés par l'avenir.

J'ai essayé de voir ce que faisaient les États-Unis à ce sujet et j'ai dirigé une étude en 1998 pour le Centre d'Études Internationales et Stratégiques. Cette étude a confirmé les conclusions d'une précédente étude de l'Académie Nationale des Sciences : ce plutonium de qualité militaire présente un véritable danger pour la paix et la sécurité mondiale. J'ai encouragé le soutien au programme américain et l'assistance à la Russie afin que les contrôles sur les matières fissiles puissent être améliorés. Ce programme seul s'élève à 174 millions par an. Nous appuyons la construction de l'utilisation MAYAK pour le stockage de matières de qualité militaire avec les sauvegardes ou les normes de l'AIEA ainsi que d'autres programmes tels l'initiative des villes nucléaires et la prévention de la prolifération qui visent au même objectif.

Ceci dit, l'aspect principal de l'étude de 1998 et l'un des plus grands défis se présentant à nous est l'élimination de ces matières. Un programme actif concernant l'uranium existe : il consiste à mélanger ces matières et à les réduire de façon à pouvoir les utiliser dans des réacteurs civils. Les enjeux sont plus importants s'agissant du plutonium. Aux États-Unis, nous avons une double approche pour l'utilisation du plutonium : le MOX et l'immobilisation. Je suis en faveur du MOX, je considère que l'immobilisation est une alternative plus faible et crée une sorte de mine de plutonium susceptible d'être exploitée par la suite. La solution du MOX fait que le plutonium devient du combustible usé et permet de récupérer le potentiel énergétique du plutonium.

Lors de mes contacts avec la Russie, il a été clairement exclu de parler de l'utilisation du plutonium si nous ne pouvions le récupérer à des fins énergétiques. J'ai également noté les préoccupations concernant la solution de l'immobilisation.

Lorsque je suis venu en France en 1998, j'ai rencontré les dirigeants du Parlement afin d'explorer cette idée du MOX. J'ai proposé que l'expérience française relative à la fabrication et à l'utilisation du MOX soit utilisée afin d'augmenter l'utilisation du plutonium russe. Les Français ne semblent cependant pas très enthousiastes à l'idée d'utiliser leurs installations de fabrication pour faire du MOX militaire ou pour utiliser ce MOX dans les réacteurs en France.

La plupart des dirigeants français ont prévenu qu'un équilibre devait être trouvé entre la production d'énergie et l'utilisation du plutonium civil et que nous devions effectuer une séparation claire entre le civil et le militaire. Certains ont affirmé que ma proposition mêlait l'aspect civil et l'aspect militaire. Je pense cependant que la destruction de plutonium militaire dans des réacteurs civils serait un compromis acceptable qui supprimerait la menace pour les populations civiles. Lors de cette visite, j'ai été heureux de constater un certain enthousiasme à l'idée d'utiliser les compétences françaises et de les partager avec la Russie. Depuis 1998, je me suis concentré sur certaines démarches qui permettraient à la fois à la Russie et aux États-Unis de disposer de leur surplus de plutonium. En 1998, le Congrès a mis de côté 200 Milliond de $ afin d'aider la Russie dans ces programmes MOX.

Les 249 Millions de $ prévus pour l'utilisation de matière fissile comportent également un financement adéquat de la conception d'un programme américain de MOX. Ce programme prévoit l'utilisation des réacteurs du KROWER qui emploient du MOX ainsi que les technologies de la COGEMA. J'ai été heureux d'apprendre que les négociations bilatérales au sujet de l'utilisation du plutonium avaient progressé et qu'un accord sur le protocole avait été signé le 1er septembre. Je pense que l'existence d'un budget de 200 Millions pour les programmes russes, disponible lorsque le programme russe sera opérationnel, a fortement contribué à la bonne marche des négociations.

Ces 200 millions ne sont pas suffisants pour construire des installations MOX en Russie et je souhaiterais par conséquent proposer un soutien additionnel de la part des États-Unis. Ce soutien devra cependant s'opérer dans le contexte d'un effort international, compte tenu de l'importance de ce sujet pour l'ensemble du monde.

Je sais que la France, le Royaume-Uni et le Japon ont indiqué leur intention de soutenir ce programme et que les négociations de Gênes du prochain G8 envisageront un ensemble de financements internationaux. Je me réjouis de ces contributions significatives.

Je suis heureux de la finalisation de l'accord bilatéral mais cet accord n'est pas aussi large que je l'avais souhaité puisqu'il ne couvre que 34 tonnes au lieu des 50 tonnes discutées par le Président CLINTON et le Président ELTSINE. Cet accord ne peut s'interpréter comme un précédent pour d'autres participations financières, sachant que les stocks russes sont nettement plus importants que ceux des États-Unis. Je suis très préoccupé par le taux extrêmement faible d'élimination de plutonium à raison de 2 tonnes par an. Ce taux est limité par la capacité russe à utiliser du MOX. À ce rythme, 17 années seraient nécessaires à l'élimination des 34 tonnes. Il s'agit d'une durée beaucoup trop longue.

Je suis conscient du fait qu'il existe peut-être une fenêtre d'opportunité qui permettra de réduire cette durée. Nous devrions également libérer davantage de plutonium des stocks mais cela augmenterait la période d'élimination.

S'il était possible de rediscuter l'utilisation des réacteurs français et européens afin d'éliminer le MOX, je serais évidemment extrêmement favorable à cette solution, notamment si la France proposait une contribution. Quel que soit le taux d'élimination disponible, la nature politique de l'accord demande un état d'esprit de coordination de la part des deux pays. Les deux programmes doivent fonctionner ensemble et nous ne pouvons accepter une situation dans laquelle le plutonium américain serait détruit à un rythme plus rapide que celui des Russes.

Une autre démarche consisterait à construire de nouveaux réacteurs, c'est la raison pour laquelle les États-Unis ont encouragé le développement de réacteurs à gaz de haute température, susceptibles d'éliminer le plutonium de façon très intéressante. Ce type de réacteur pourrait également être très intéressant du point de vue commercial. Pour l'année actuelle, nous fournissons un budget de 10 millions dans le cadre de cette approche et nous pensons que la France et le Japon sont également impliqués dans cette voie.

Nous finançons également l'étude du Licensing pour l'utilisation commerciale du réacteur et j'apprécie l'aide française à ce sujet.

Pour conclure, je dirai que les États-Unis se sont déjà engagés à raison de 200 M$ pour l'élimination du plutonium de qualité militaire russe. Des montants moindres seront également ajoutés et je voudrais vous encourager en tant que dirigeant du Parlement français à envisager des démarches par lesquelles la France pourrait s'associer aux États-Unis, à la Russie ainsi qu'aux autres nations du G8 afin d'essayer de supprimer cette menace de prolifération le plus rapidement possible.

Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci beaucoup Peter LYONS de nous avoir délivré le message du Sénateur DOMINICI. Vous pourrez transmettre les remerciements du Parlement français au Sénateur DOMINICI de vous avoir délégué pour présenter cette communication.

Avant que nous ne prenions un peu de réconfort, je souhaiterais demander à Monsieur DUPRAZ s'il existe d'ores et déjà une doctrine établie à E.D.F. concernant l'éventualité de l'utilisation du MOX qui contiendrait du plutonium d'origine militaire.

M. Bernard DUPRAZ, Directeur de la division ingéniérie et services d'EDF. - Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, peut-être est-il nécessaire d'effectuer quelques rappels afin de répondre à cette question, d'une part concernant l'historique de l'utilisation du MOX dans les centrales nucléaires d'E.D.F. et d'autre part concernant les perspectives pour les prochaines années.

E.D.F. avait prévu, dès les années 1970, la possibilité de recycler le plutonium dans les réacteurs de 900 mégawatts et en particulier, seize des vingt-huit réacteurs du contrat programme 900 mégawatts prévoyaient ce recyclage dans les dossiers de sûreté et dans les décrets de fabrication de création.

En 1984, lorsque le développement de la filière à neutrons rapides s'est avéré différent de ce qui avait été envisagé dans les années 1970, E.D.F. a décidé de recycler le plutonium issu du combustible u02 dans ses centrales de 900 mégawatts. Le premier recyclage a eu lieu en 1987 avec un certain nombre d'adaptations techniques concernant le contrôle de la réactivité du c_ur des réacteurs, les procédures de manutention et du transport et bien entendu concernant le contrôle des matières nucléaires.

Le retour d'expérience constitue le second aspect : quinze ans après, vingt réacteurs de 900 mégawatts sur les vingt-huit sont autorisés à fonctionner avec du MOX et sont aujourd'hui chargés en MOX.

Ceci représente un retour d'expérience de l'ordre d'une centaine d'années réacteur.

Le retour d'expérience qualitative, compte tenu des précautions prises en matière d'exploitation et de radio-protection, indique que cette utilisation ne pose pas de problème particulier, qu'il s'agisse de l'exploitation, de rejets ou de fiabilité du combustible.

Pour en venir à votre question, Monsieur le Rapporteur, quelles sont les perspectives ? L'objectif d'E.D.F. vis-à-vis de l'utilisation de ces matières nucléaires est double :

- le premier concerne l'équilibre des flux c'est-à-dire l'absence de plutonium sur l'étagère. Nous retraitons chaque année 850 tonnes annuelles de combustible oxyde d'uranium à La Hague. Ceci entraîne une production d'environ 8 tonnes de plutonium et de 100 tonnes de combustible MOX fabriqué à la centrale MELOX de COGEMA. Cet équilibre des flux constitue notre premier objectif : pas de plutonium sur l'étagère.

- le second concerne l'augmentation des performances du combustible MOX. La comparaison économique entre le combustible classique et le combustible MOX indique aujourd'hui que ces deux types de combustibles sont économiquement similaires, leur écart de 1 % n'étant pas significatif. Le rapport CHARPIN-DESSUS-PELAT récemment publié l'a confirmé. En outre, le combustible classique progresse. Le taux de combustion du combustible classique était de 40 000 mégawatts/jour par tonne de combustible au début des années 80. Le taux de combustion maximale autorisée est aujourd'hui de 52 000 mégawatts/jour par tonne et nous avons pour objectif d'augmenter encore ce taux de combustion. Nous améliorerons ainsi nos performances économiques ainsi que le prix du centime par kilowatt/heure. Nous augmenterons également ce taux de combustion de 60 000 à 65 000 mégawatts/jour par tonne. Il est capital pour E.D.F. de conserver cette parité économique entre les performances du MOX et les performances du combustible classique.

Nous avons donc le projet d'augmenter les taux de combustion du combustible MOX afin de l'élever à la parité par rapport au combustible classique. Nous augmenterions ainsi la teneur moyenne en plutonium, aujourd'hui de l'ordre de 7 %, à une valeur d'environ 8,5 % au cours des prochaines années.

Ces deux principes de parité des performances entre les deux types de combustible et d'équilibre des flux sont très importants.

Dans ce contexte, j'en viens à votre question qui doit être examinée selon quatre aspects : les aspects technique, industriel, économique et politique.

Du point de vue technique, les réacteurs de 900 mégawatts sont utiles aujourd'hui pour l'équilibre des flux que j'évoquais tout à l'heure.

Le plutonium civil d'E.D.F. serait perturbé dans son équilibre par cet usage du MOX d'origine plutonium militaire. Nous pourrions envisager des centrales de 1 300 mégawatts. Ces centrales n'ont jamais été étudiées même si dans le principe elles ne sont pas fondamentalement différentes des centrales de 900 mégawatts. Nous n'avons jamais envisagé d'utiliser ces centrales pour brûler du MOX, quel que soit son origine. Nous n'envisageons pas de brûler du MOX d'origine civile dans ces centrales de 1 300 mégawatts.

L'équilibre d'ensemble devrait être réexaminé sur le plan industriel plus global, concernant l'ensemble du site du combustible, le marché de l'uranium ainsi que l'enrichissement et le retraitement.

Le troisième aspect est l'aspect économique. Il est évident que cet aspect devrait être pris en compte en regard du contexte de concurrence dans lequel se trouvent les électriciens européens et dans lequel se trouve E.D.F.

Enfin, nous devons tenir compte du double aspect politique. La réponse revient par définition au Gouvernement français pour ce qui est de l'utilisation de matières militaires issues d'autres pays. Quant à l'image du nucléaire civil, nous savons qu'elle souffre malheureusement de son image d'origine militaire dans une bonne partie de l'opinion publique. Nous devons être extrêmement vigilants sur les conséquences que pourrait avoir une telle décision de ce point de vue.

Merci, Monsieur le Président et Monsieur le Rapporteur.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur DUPRAZ.

La séance, suspendue à 10 heures 51, est reprise à 11 heures 18.

M. LE PRÉSIDENT. - Mesdames Messieurs, nous pouvons reprendre la séance et aborder plus avant ces questions politiques et stratégiques.

Je souhaiterais tout d'abord demander à Peter LYONS ce qu'il pense de la déclaration du Sénateur Jess HELMES qui écrit au Sous-Secrétaire du Département d'État qu'il est très inquiet des conséquences potentielles de l'aide à la Russie concernant la création d'un programme de retraitement, qu'il est très inquiet car il craint une exportation de la prolifération sachant que, dit-il, les Russes ont des coopérations avec l'Iran ainsi qu'avec la Chine et l'Inde en particulier.

Cette position du Sénateur Jess HELMES est-elle une position isolée ou rencontre-t-elle de nombreux soutiens aux États-Unis ?

M. LYONS. - En ce qui concerne l'interaction de la Russie avec l'Iran, je pense que plusieurs sénateurs sont également inquiets. Cette inquiétude perdure. Le Sénateur DOMINICI s'intéresse à ce problème. Les activités des Russes doivent se concentrer dans les domaines qui ne donneront pas lieu à une prolifération supplémentaire. Ceci étant, le Sénateur DOMINICI ainsi que d'autres de ses collègues reconnaissent qu'un programme de MOX bien étudié ne représente en aucun cas un problème de prolifération potentielle, s'il est accompagné d'un niveau de sûreté qui a du reste déjà été débattu par l'Administration et qui est d'ailleurs imbriqué dans l'accord. Le Sénateur DOMINICI a affirmé à plusieurs reprises qu'il considérait que le programme MOX et l'évacuation du plutonium de qualité militaire constituent en fait une barrière à la prolifération car il s'agirait d'une sorte d'incitation à poursuivre le programme et réduirait ainsi les risques de prolifération.

J'espère que mes commentaires ont été utiles et ont répondu à votre question.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. L'opinion publique en Amérique ou en Russie est-elle sensibilisée à ces questions certes de non-prolifération mais surtout d'utilisation éventuelle de plutonium de qualité militaire dans les installations civiles ?

Quelle est en particulier la position de la NCI ? L'a-t-elle déjà fait connaître ?

Qui peut répondre ?

M. LYONS. - La NCI est un groupe anti-MOX. Tout comme d'autres groupes identiques, elle a très clairement indiqué au Sénateur quelles étaient ses positions concernant ses inquiétudes au sujet du programme MOX. Ces différents points de vue ont été entendus par l'Administration et par le Sénateur. La décision du Sénateur DOMINICI a été de poursuivre le programme MOX et de fournir le financement nécessaire à ce programme. Je ne pense pas qu'un grand débat ait eu lieu aux États-Unis entre les personnes pour et les personnes contre le programme MOX, tout au moins pas jusqu'à présent. J'imagine que ce débat aura lieu à l'avenir, lors de la mise en _uvre du programme planifié.

Je sais que le sénateur DOMINICI considère qu'il s'agit d'un argument convaincant. Il est dans l'intérêt des citoyens des États-Unis et du monde entier d'utiliser des réacteurs civils afin de détruire le plutonium de qualité militaire. Je pense que ce point de vue est très différent des inquiétudes concernant l'utilisation directe ou civile pour des programmes militaires. Il est évident que nous ne souhaitons surtout pas encourager cette utilisation mais nous distinguons une différence très forte entre ces inquiétudes et les inquiétudes concernant le programme MOX.

Michaël, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. GUHIN. - Peut-être pourrais-je ajouter deux ou trois éléments. Peter a tout à fait raison lorsqu'il indique que quelques débats préliminaires ont eu lieu. Il existe effectivement une certaine sensibilisation du public. Certains groupes d'intérêts s'intéressent également au programme MOX aux États-Unis mais nous pensons que l'intérêt et la sensibilisation du public se manifesteront davantage à l'avenir, au fur et à mesure de l'état d'avancement du programme. Le programme ne fait que débuter. Nous aurons de nombreuses occasions d'informer le public et de débattre avec lui sur ce sujet.

Je désirerais ajouter que les inquiétudes exprimées par la NCI ainsi que d'autres groupes ou par les personnes qui sont contre le programme ne sont pas surprenantes. Nous nous attendions en fait à de telles réactions et nous les avons prises en compte dans notre décision politique au sujet du programme MOX. Du point de vue des États-Unis, ce type de réactions n'est pas étonnant.

Je souhaiterais clarifier un élément : comme vous le savez tous, la politique des États-Unis depuis la fin des années 1970 a consisté à décourager le retraitement du plutonium civil. Nous sommes contre l'utilisation du plutonium civil dans les réacteurs civils pour des raisons politiques ainsi que pour des raisons de non-prolifération. D'autres pays possèdent d'autres points de vue et certains de nos amis les plus proches ont un point de vue différent. Nous les respectons.

Néanmoins, j'espère que les groupes qui se disent contre le programme MOX prendront du recul et réexamineront la situation. Il ne s'agit pas d'utiliser du plutonium civil dans les réacteurs civils, il n'est pas question de retraiter le plutonium afin de l'utiliser dans les réacteurs civils. Ceci est un autre cas de figure. La question à laquelle nous devons faire face est que nous avons à présent des tonnes de plutonium de qualité militaire en excédent sous une forme dangereuse. Que faire de cet excédent ? Nous n'avons actuellement que deux possibilités de retraitement de ce plutonium. Nous en avons parlé. MOX constitue l'un des choix pour nous et les calculs vous l'ont indiqué, il semblerait que le MOX soit le choix privilégié. Il n'est donc pas du tout contraire à notre politique jusqu'à ce jour. Les critiques diront qu'il est contraire à notre politique mais nous ne le pensons pas. Nous n'avions pas ce plutonium vers la fin des années 1970 lorsque nous avons formulé cette politique puisque ce matériau se trouvait en cours dans le programme militaire. De ce point de vue, nous sommes très confiants et nous pensons que nous obtiendrons un soutien sans faille concernant ce programme si nous procédons à une ouverture vers le public ainsi qu'à un programme de sensibilisation. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Je n'ai pas encore interrogé nos amis américains sur le Non Proliferation Trust. Qui peut nous fournir quelques informations complémentaires sur ses responsables ?

Dans quel but a été créé ce Non Proliferation Trust ? Qui le soutient et quelle est la position du Gouvernement américain vis-à-vis de ce Non Proliferation Trust, dans la mesure où le Gouvernement ne serait pas directement impliqué dans son existence même ?

M. GUHIN. - Je peux peut-être commencer à répondre à votre question. Concernant l'exécutif, le Non Proliferation Trust est comme vous le savez une idée formulée par une O.N.G. et serait géré par une O.N.G. souhaitant voir le retour du combustible usé vers la Russie, le Japon et la Corée du sud. En retour, la Russie souhaiterait gagner des sommes importantes en reprenant ce combustible usé. L'argent serait investi dans de nombreuses activités différentes telles que l'évacuation du plutonium ou certains projets dans le domaine de l'environnement.

Le Gouvernement n'est pas forcément opposé à une telle approche de la part d'une O.N.G. mais je dirais deux choses à cet égard.

Il ne s'agit pas de l'évacuation réelle du plutonium. L'idée du Non Proliferation Trust consiste à utiliser certains revenus pour l'évacuation du plutonium mais ce projet n'est pas clairement défini. Nous ne savons pas comment il fonctionnerait ni même s'il est acceptable pour la Fédération Russe. Nous ne comprenons pas comment le Gouvernement pourrait maîtriser ce programme même s'il était acceptable. Il s'agit d'une initiative privée et le Gouvernement ne l'encourage pas spécialement, du point de vue de l'évacuation du plutonium. Cependant, il n'est pas opposé à ce type d'initiatives. Nous observons la situation.

Outre l'évacuation du plutonium, d'autres aspects du programme traitent du retour et du stockage du combustible usé. Ces questions doivent être abordées séparément. Nous devons également résoudre certains problèmes en Russie. Comme nous le savons, la réglementation russe devrait être modifiée et il me semble qu'il serait nécessaire d'avoir une approbation du Gouvernement des États-Unis car la plus grande partie du combustible usé est en fait du combustible usé d'origine américaine utilisé dans les réacteurs américains. Si ce projet devait voir le jour, certaines négociations seraient nécessaires entre les Gouvernements russe et américain afin d'obtenir un accord de coopération, tenant compte de certaines conditions ainsi que de certains critères.

Ce projet avance mais actuellement nous ne considérons pas que cette solution soit viable concernant l'évacuation à court terme du plutonium. Merci.

M. LYONS. - Le Sénateur DOMINICI est grandement intéressé par toute solution globale visant à traiter le combustible usé. Par conséquent, le Non Proliferation Trust et les idées qui en découlent sont peut-être susceptibles de contribuer à une solution globale. Le Sénateur examine de très près ces différentes solutions.

Je pense qu'il s'intéresse également au niveau de sûreté nécessaire dans une telle entreprise. Le Sénateur a également indiqué que les pays utilisant de grandes quantités de plutonium tels que les États-Unis, la France et le Japon, devaient peut-être définir leur propre solution afin de gérer le combustible usé, plutôt que d'espérer que quelqu'un d'autre règle ce problème à leur place. Il se peut cependant que ce type de solution ne soit pas envisageable ou raisonnable pour certains pays plus petits. Le Sénateur soutient l'idée d'un niveau de sûreté fiable. La position du Sénateur DOMINICI diffère cependant de celle du Gouvernement au sujet du retraitement.

Le Sénateur n'est pas pour le retraitement aux États-Unis du jour au lendemain. Il reconnaît l'impact économique d'une telle décision mais il souhaitait légiférer dans ce domaine afin que les États-Unis étudient différentes possibilités de retraitement avancé.

Le projet de loi a été accepté par le Sénat mais a fait l'objet d'un veto de la part du Président CLINTON.

Il s'agit d'une décision très difficile à prendre et bien que cette décision ne soit pas directement liée au Non Proliferation Trust, il me semble important d'en parler car je pense que ceci souligne la différence entre le sénateur DOMINICI et le Gouvernement américain.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Peter LYONS. Je n'ai pas décidé de faire souffrir particulièrement nos amis américains mais j'ai encore une question pour eux. Je poserai ensuite des questions à la délégation russe.

J'ai une question concernant le Canada.

Les Canadiens ont voté lundi pour renouveler leur Parlement et nous ont fait savoir qu'il ne leur était pas possible de se déplacer aujourd'hui pour l'audition puisque le Gouvernement est en cours de constitution.

Le Canada a accepté de tester dans ses Laboratoires de Chalk River 15 kilos de MOX russe afin de valider la faisabilité de l'utilisation du MOX dans les réacteurs CANDU.

Pour quelles raisons les États-Unis financent-ils ces expériences canadiennes ? Qui est demandeur ? Les Canadiens désiraient-ils montrer que le CANDU pouvait également utiliser du MOX ou bien cette initiative émane-t-elle des États-Unis puisqu'ils financent cette opération avec le DOE ? La finalité est-elle de brûler du MOX dans les réacteurs CANDU au Canada et dans les autres pays qui utilisent du CANDU ? À terme, s'agirait-il de MOX américain ou de MOX russe ? Peut-être pourriez-vous nous dire s'il existe quelques problèmes liés au transport ? L'arrivée des 15 kilos de MOX russe s'est effectuée dans des conditions quelque peu rocambolesques puisqu'un Antonov comportant trois conteneurs de 5 kilos de MOX chacun est venu se poser de nuit sur une base militaire où un hélicoptère les a emmenés avant que le jour ne se lève à Chalk River. C'est pratiquement un roman policier !

Qui peut nous apporter quelques précisions sur le sujet ?

M. GUHIN. - Je vous remercie. J'ai apprécié votre description de l'épisode du transport ! C'était en effet assez rocambolesque notamment lorsque l'on considère que les 15 kilos que vous avez évoqués concernent le contenu en uranium et en plutonium. Il me semble que l'ensemble de ces assemblages de combustible contient environ 150 grammes ou 500 grammes de plutonium. Ce n'est pas une grande quantité bien qu'il s'agisse d'une matière de premier niveau.

L'intérêt canadien remonte à un certain nombre d'années. Il s'agit d'explorer la possibilité d'utiliser le CANDU comme combustible de plutonium et cela depuis de très nombreuses années. Le Canada avait exprimé cet intérêt dans le contexte du G8. Ce programme avec le Canada va de l'avant. Les assemblages de combustibles russes et américains sont brûlés dans le réacteur canadien. Il s'agit d'un programme d'essai afin de déterminer pourquoi et comment cela serait judicieux d'un point de vue technique.

Nous étudions comment nous pourrions nous servir du CANDU comme incinérateur de plutonium de programme militaire. Le Canada envisage ce programme comme sa mission éventuelle. Je précise que les États-Unis n'ont pas l'intention de brûler du plutonium américain dans les réacteurs canadiens.

Quant à savoir si du plutonium russe serait utilisé dans les réacteurs canadiens, cette question dépendra de la poursuite d'études de démonstration, de l'analyse et de la décision politique.

À titre personnel, je dirais que l'utilisation du réacteur CANDU ne constitue sans doute pas une possibilité à court terme dans ce processus, compte tenu du nombre d'années nécessaires, des exigences et du processus de prise de décision au Canada. S'il doit y avoir utilisation de MOX de qualité militaire russe à l'extérieur de la Russie, les candidats les plus probables sont les réacteurs à eau légère qui ne brûlent pas autant par réacteur mais brûlent mieux le plutonium. De meilleures options existent par conséquent en dehors du Canada. À court terme, nous envisagerions plutôt les réacteurs à eau légère.

Nous parlons beaucoup d'argent et de la nécessité de crédits afin que ces programmes aillent de l'avant. Outre le Canada, certains pays ont exprimé un intérêt quant à l'utilisation de MOX de qualité militaire russe. Le Canada a exprimé son intérêt en indiquant qu'il souhaitait étudier la question.

Les Suisses ont manifesté leur intérêt l'année dernière et ont exprimé leur souhait d'explorer la possibilité d'utiliser et d'éliminer du MOX de qualité militaire russe dans leurs programmes. Nous avons eu des conversations avec la Suède, potentiellement intéressée. Ces pays seraient-ils prêts à envisager l'incinération de MOX russe de qualité militaire dans le cadre de leurs programmes, ceci dans des quantités très limitées ? Je vous fais part de ces informations sous forme de préalable afin d'expliquer les raisons pour lesquelles certains pays pourraient envisager ces procédures. Où et qui ? Dans l'un de ces pays, lorsque nous avons parlé de ce programme, l'interlocuteur n'avait pas bien compris. Ce projet est intéressant car il permet à notre pays non seulement de payer pour que quelqu'un d'autre fasse du désarmement mais de procéder véritablement nous-mêmes à ce désarmement. Certains pays envisagent ce projet comme un moyen de participer, notamment les pays tels la Suisse qui ont déjà eu du MOX dans leur réacteur. Cela explique leur disponibilité à étudier cette option, cette possibilité. Comme l'a dit Peter, comme je l'ai dit moi-même, nous ne pouvons traiter qu'une certaine quantité dans les réacteurs russes aujourd'hui. Nous pouvons envisager d'augmenter cette capacité mais nous savons qu'un moyen facile d'y parvenir rapidement serait de trouver un nombre limité de réacteurs en dehors de la Russie qui seraient prêts à s'en charger.

M. LE PRÉSIDENT. - Tout à l'heure, Monsieur MALLET a évoqué la participation de la République Fédérale d'Allemagne et l'éventualité de l'utilisation ou de l'exportation des installations en place à l'usine de Hanau, qui n'a jamais été mise en service.

Le Docteur STANZEL s'étant décommandé hier soir, le Docteur BRAEHLER pourrait-il nous apporter quelques réponses sur les conditions de la  participation de l'Allemagne à ce projet ? Quelle est la position de SIEMENS, qui est propriétaire de cette usine ?

M. BRAEHLER, Responsable project manager for the mox project in Russia-Siémens. - Je vous propose de faire mon intervention après l'intervention du CEA puisqu'elle en est une continuation.

M. LE PRÉSIDENT. - Monsieur BOUCHARD, pourriez-vous intervenir maintenant ?

M. BOUCHARD. - Je tenterai de resituer le problème technique tel qu'il se pose aujourd'hui, cela permettra de mieux comprendre la part de chacun. Le problème technique se pose en fait en termes qui ont déjà été évoqués ce matin. Deux solutions s'offrent à nous afin d'éliminer du plutonium d'origine militaire : la première est une élimination en tant que déchet, la seconde est une élimination en tant que combustible.

Une précision est nécessaire : nous parlons toujours de plutonium d'origine militaire mais il existe au moins deux catégories de plutonium considérées dans cet ensemble. L'une concerne le plutonium de qualité « Armes », pour la réalisation des armes et l'autre concerne le plutonium utilisé dans les cycles de production de ce plutonium de qualité « Armes » et se trouve sous régime de classification à la suite de cet usage. Le plutonium de qualité « Armes » qui nous intéresse plus spécifiquement aujourd'hui est un plutonium de concentration isotopique faible en isotopes pairs et il est donc très réactif. Il a par conséquent des propriétés particulières qui nécessitent des précautions dans l'ensemble de la chaîne d'emploi ultérieur.

Dans les deux voies techniques envisagées depuis le début pour remédier au problème du plutonium dans le désarmement, nous avons toujours considéré que la solution élimination en tant que déchet comportait plus d'inconvénients que d'avantages. Vous avez mentionné les propos du Sénateur HELMS, je me permettrais à ce sujet de préciser que bon nombre d'arguments peuvent être retournés. Nous avons toujours dit que l'élimination en tant que déchet était non seulement en quelque sorte du gâchis en termes économiques mais comportait en outre un certain nombre de problèmes réels tels que la nécessité de développer un conteneur, une forme physique permettant d'assurer ce conditionnement définitif. L'élimination ne détruit pas la matière physique et cette matière existe toujours quel que soit le procédé d'enfouissement. Nous parlons certes de procédés irréversibles mais il n'en reste pas moins que la destruction n'est pas physiquement réelle.

Outre ces aspects, la crédibilité de programmes à court terme pour cette voie paraît peu plausible aujourd'hui, compte tenu de l'avancement des problèmes de stockage définitif de déchets radioactifs de longue période que nous rencontrons dans la plupart des pays.

Reste la seconde voie : l'élimination en tant que combustible dans les réacteurs. Nous parlons depuis ce matin de différentes solutions. Tous les réacteurs peuvent être candidats à cette élimination sur le plan technique. Les réacteurs à eau ont aujourd'hui le mérite d'exister en grand nombre. Les réacteurs à eau lourde proposés par les Canadiens sont une solution qui peut paraître quelque peu surprenante. Nous reparlerons certainement des réacteurs à haute température. Les réacteurs à neutrons rapides constituent une dernière solution et Monsieur KOUTCHINOV a rappelé tout à l'heure que ce type de réacteur est certainement le plus adapté sur le plan de la physique afin de retraiter le plutonium.

Nous considérons aujourd'hui que la solution sur laquelle ont porté les études depuis plus de cinq ans est la solution de recyclage dans les réacteurs à eau existant sur le plan industriel. Il s'agit certainement de la solution la plus plausible à court terme et la plus efficace car elle dénature totalement le plutonium bien qu'elle ne le détruise pas. Elle lui ôte les caractéristiques susceptibles d'en faire un plutonium intéressant pour la réalisation des armes. Il s'agit donc d'une solution industriellement disponible puisqu'elle repose sur des procédés développés dans certains pays et appliqués industriellement en Europe, en particulier en France. Cette solution repose par conséquent sur des procédés connus. Elle a nécessité des travaux qui ont été menés depuis quatre ou cinq ans dans le cadre des programmes AIDA, Monsieur MALLET l'a rappelé ce matin. D'autres travaux ont été menés dans un cadre essentiellement franco-russe puis dans le cadre de l'accord trilatéral depuis deux ans.

Les premiers travaux, menés en coopération étroite avec les Instituts russes concernés, visaient essentiellement à s'assurer que les réacteurs russes et en particulier les VVER 1000 étaient susceptibles de pouvoir accueillir des quantités suffisantes de chargement de combustible MOX. Cette première phase des travaux correspond à la période 1993-1996 sous la rubrique AIDA-MOX1. Il s'agissait d'une étude de faisabilité du recyclage dans les réacteurs VVER 1000 et BN 600, c'est-à-dire dans des réacteurs qui existent en Russie et qui fonctionnent de manière tout à fait satisfaisante.

La seconde phase de ces travaux portait davantage sur l'examen des problèmes pratiques de réalisation qu'entraînerait la mise en _uvre du programme de réalisation de combustible MOX. Cette seconde phase comporte le dessin détaillé des usines appelées CHEMOX et DEMO

CHEMOX concerne la transformation du plutonium métallique c'est-à-dire du plutonium de qualité « Armes » sous une forme directement utilisable pour cet emploi en plutonium oxyde. Après mélange avec de l'oxyde d'uranium, il sera utilisé pour fabriquer le combustible MOX.

La seconde usine permettra de réaliser les combustibles correspondants, avec des caractéristiques qui reposent sur des procédés industriels existants. COGEMA et SIEMENS ont par conséquent joué un rôle très important dans ce projet. Les procédés utilisés à CHEMOX et à DEMOX sont essentiellement des procédés russes et français. Certains équipements réalisés à Hanau pourraient servir à la réalisation de l'usine de fabrication.

Cette seconde phase est actuellement sous revue, elle comporte également des aspects complémentaires liés aux garanties de sûreté nécessaires à l'utilisation des réacteurs VVER 1000.

Ce programme couvre la période qui a commencé en 1998 et devrait s'achever l'an prochain. Nous observons sur ce transparent la définition ainsi que les dessins de la conception de ces deux usines CHEMOX et DEMOX, CHEMOX avec les participations russe et française et DEMOX avec une participation trilatérale. Un accord est plus récemment intervenu, permettant d'introduire la participation belge.

Les modifications nécessaires aux réacteurs de 1000 mégawatts, les VVER 1000, sont étudiées dans le cadre de l'accord trilatéral avec une participation italienne ainsi que l'introduction possible de ces plutonium. Le réacteur BN 600, comme tout réacteur rapide, est a priori apte à consommer du plutonium sans difficulté mais il est nécessaire d'effectuer un certain nombre de vérifications, compte tenu des particularités du plutonium de qualité « Armes ».

L'ensemble de ces projets doit conduire à des expériences de démonstration. Des discussions très précises ont lieu concernant les étapes successives de démonstration au niveau de la fabrication et de l'irradiation. Nous nous dirigeons aujourd'hui vers ce programme à cinq. Nous devrons par la suite franchir les étapes du Licensing et des protections physiques.

Ce programme doit permettre l'élimination de 280 kilos par an dans le réacteur rapide et d'une quantité à peu près équivalente dans chacun des réacteurs à eau de 1000 mégawatts mis à contribution. Il est actuellement envisagé d'utiliser sept réacteurs à eau de 1000 mégawatts contribuant au programme : les quatre réacteurs de la centrale de Balakovo et les trois réacteurs de Kalinin. Cela concerne les 2,3 tonnes par an que Monsieur KOUTCHINOV a évoquées ce matin dans sa présentation.

Le programme est par conséquent extrêmement précis et se trouve à un stade très avancé. Outre les problèmes de financement évoqués ce matin, il reste à notre avis un assez grand nombre de démonstrations et de problèmes techniques à résoudre mais aucun de ces problèmes ne constitue un réel obstacle. La constitution définitive des éléments de l'usine doit en particulier prendre en compte les contributions possibles des installations de Hanau. Il s'agit d'un problème technique très précis mais je pense que nous détenons aujourd'hui tous les éléments nécessaires à notre progression. Votre programme prévoit certainement d'évoquer ce point plus précisément.

J'évoquerai pour finir les coûts correspondants. Monsieur KOUTCHINOV vous a présenté ce matin les évaluations de coûts. Elles correspondent aux nôtres à quelques détails près. Nos chiffres ne sont pas tout à fait identiques à ceux qu'il a projetés car ces chiffres évoluent chaque jour puisque cette opération est en cours de finalisation. Ces coûts tiennent compte des modifications des réacteurs visant à introduire ces combustibles, de la fabrication des installations de conversion, de la fabrication des assemblages ainsi que des coûts de transport et de stockage. Il s'agit réellement d'une analyse complète des coûts effectuée aussi bien dans le cadre bilatéral américano-russe que dans le cadre trilatéral avec les Allemands et les Français. Ces évaluations de coûts sont très fiables. Les problèmes de financement devront être réglés, comme cela a été évoqué ce matin.

Voilà, Monsieur le Président, ce que je pouvais dire sur l'aspect technique à ce stade. Je répondrai volontiers à vos questions supplémentaires.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Monsieur BOUCHARD. Je pense maintenant que le Docteur BRAEHLER peut nous préciser la position de SIEMENS concernant l'utilisation totale ou partielle et les éléments de l'usine de Hanau.

M. BRAEHLER. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je suis très heureux de pouvoir vous apporter quelques précisions sur notre projet. Je ne donnerai pas de détails techniques, vous comprendrez en effet que je ne parle pas au nom du Gouvernement allemand mais au nom de l'entreprise que je représente ici.

Le projet DEMOX est la partie essentielle de la coopération. Il s'agit d'une coopération trilatérale et cet exposé est donc un exposé trilatéral. Cette usine MOX sera fondée sur le principe de la technologie française et de la technologie russe. Les réacteurs russes utiliseront du matériel de l'usine de Hanau pour la production de combustible MOX.

Je parlerai à présent de l'équipement de Hanau. Voici l'historique de l'usine MOX Hanau : elle a été construite de 1987 à 1994. Elle est achevée à 90 %. Elle a une capacité de 120 tonnes de combustible MOX et de 4 à 5 tonnes de plutonium par an, le combustible de réacteurs rapides était prévu en option. Toutes les licences furent octroyées, y compris celle de l'exploitation. Il n'existe aucune mise en doute à ce sujet. Le projet a été achevé en 1995, en raison de l'environnement politique en Allemagne. Nous avons dû mettre un terme à ce projet.

L'équipement est constitué à partir d'acier inoxydable. Le matériel est installé à l'intérieur. Certains modules sont reliés à des moyens de transfert standardisés avec un logiciel standard PAC et un logiciel d'automate. La documentation est disponible pour fabriquer du combustible MOX en Russie. Ces enceintes peuvent être transplantées et installées sur le nouveau site en Russie. Il est possible de transporter ces enceintes avec le matériel en l'état.

Ce transparent vous montre les fourneaux, la fabrication des tuyaux et une grande partie de l'équipement qui concerne les inspections et les vérifications de la qualité. Quel serait l'avantage d'utiliser cet équipement ? Cela a été conçu et construit en fonction des nouvelles normes de sécurité allemandes. Tous les éléments nécessaires à l'achat, la construction et à l'équipement sont directement disponibles. Tout existe déjà, il n'est pas nécessaire d'attendre pour construire ce genre de centrale et le coût est intéressant par rapport à l'achat d'équipements nouveaux. En termes de calendrier, il n'est pas nécessaire d'attendre 2007, date du démarrage du retraitement du combustible russe et cela constitue un intérêt supplémentaire.

S'agissant des économies réalisables, la valeur d'un équipement semblable est de plus de 200 Millions de $ c'est-à-dire que la Recherche et le Développement, la conception, la conception très détaillée, l'équipement, etc. représentent plus de 200 Millions de $. L'utilisation des équipements de Hanau pour le projet russe permettrait d'économiser une grande partie de ce montant. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Docteur BRAEHLER. Avant de donner la parole à la salle, j'ai encore quelque curiosité concernant la délégation russe. Je ne sais pas si Monsieur KOUTCHINOV ou Monsieur EDEMSKY peuvent me répondre à ce stade. La Russie développe des programmes de coopération avec l'Inde, la Chine et l'Iran : le problème de la non-prolifération est-il pris en compte par les Autorités russes dans ces programmes de coopération et de quelle manière ?

M. KOUTCHINOV. - Merci, Monsieur le Président. La réponse à cette question est simple et directe. Dans le cadre de sa coopération internationale, la Russie tient toujours compte des engagements qu'elle a pris en tant que membre de l'accord de la non-prolifération nucléaire. Toute coopération avec les pays quels qu'ils soient et non pas uniquement ceux que vous avez cités, s'effectue en observant strictement l'ensemble des engagements que nous avons pris par ailleurs.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci de cette réponse claire.

Nous avons évoqué tout à l'heure l'hypothèse du stockage de matières nucléaires à titre temporaire en Russie. Pouvez-vous nous dire où en est le projet de loi à la Douma ou les projets de loi qui seraient susceptibles de modifier la loi sur l'environnement afin de permettre l'importation de combustible usagé. Si mes souvenirs sont exacts, il s'agirait de l'Article 50 de la loi sur l'environnement. Pour la mise en _uvre de ces dispositions arrêtées dans le cadre du G8, la Douma doit-elle voter une loi spécifique ? La Douma vote-t-elle elle-même les crédits budgétaires ? Pouvez-nous nous faire le point sur la situation de ces problèmes vis-à-vis de la Douma ?

M. KOUTCHINOV. - Pour ce qui concerne les amendements à la législation que vous avez évoquée, les travaux sont actuellement en cours. Ces documents sont examinés par la Douma, la discussion a lieu tout à fait normalement. Il m'est difficile de vous préciser une date d'achèvement de ces discussions car comme tout Parlement, la Douma a besoin d'un certain temps pour examiner ces questions.

Je n'ai pas tout à fait saisi la question concernant les budgets et qui allait les adopter. Parliez-vous du financement international du programme de l'élimination du plutonium ? Comme vous l'avez dit et comme prévu dans le communiqué d'Okinawa, un plan de financement sera élaboré mais des mesures de financement internationales seront en outre prévues afin de permettre la gestion de ces programmes sur le plan financier et d'en assurer la transparence. Voilà ce que je puis préciser aujourd'hui. Merci de ces questions.

Je souhaiterais rappeler qu'il est indispensable pour la Russie de ne pas oublier l'opinion publique en Russie. Nous sommes toujours dans une période de transition vers un État réellement démocratique et vous savez qu'il est très important de tenir compte de l'opinion publique. Vous le savez, vous avez de l'expérience en la matière. C'est la raison pour laquelle nos dirigeants et notre Gouvernement ne peuvent pas ne pas tenir compte de toutes les opinions, de l'ensemble des nuances qui existent à ce sujet, exprimées aussi bien mais au sein des mass medias qu'à la Douma, lorsque s'expriment les députés, les différentes factions ainsi que les partis. Nous devons tenir compte de tout cela.

S'agissant de nos discussions, il est clair qu'elles continueront comme par le passé. Ces discussions se poursuivront dans le cadre des contrats

Trois points de vue coexistent actuellement à ce sujet. Le premier est très dur et cherche à faire passer le message selon lequel les partisans de la réalisation de cet accord sont des agents de l'Occident qui tentent de démolir intégralement la Russie. Il s'agit du Parti Communiste et de ses positions dures, qui parle notamment par la voix de l'un de ces représentants célèbres mais le lobby militaire continue également à être puissant et à agir.

Certains savants estiment en outre qu'il est plus efficace de brûler le plutonium militaire dans les réacteurs rapides. C'est la raison pour laquelle ils pensent que nous n'avons pas besoin de nous presser et que nous devrions attendre vingt ans. Il serait alors plus efficace d'utiliser ce plutonium.

Le lobby industriel estime quant à lui que nous n'avons pas actuellement les capacités de brûler ce plutonium et que nous ne devons pas nous presser.

Le troisième point de vue traditionnel est celui des Verts qui considèrent que toute utilisation du MOX est nocive pour l'environnement. Ils invoquent toutes sortes de motifs : les États-Unis n'utilisent pas le plutonium ni le MOX et il sera donc difficile d'accepter cela pour nous.

Nous souhaiterions réellement que les projets technologiques prévoient également ce travail, y compris avec l'opinion publique de la Fédération de Russie. Ces aspects ne devraient pas être négligés dans les projets. L'intervention des experts occidentaux sur place en Russie ne doit pas se produire une seule fois durant un laps de temps très court pendant lequel les experts occidentaux viennent dans les hôtels, sont bien accueillis à l'occasion d'un séminaire qui ne se tient qu'une fois. Il ne s'agit pas seulement de préparer, nos experts russes devraient également être formés au sein des Instituts occidentaux. Nous devrions en outre procéder à des études sociologiques à l'aide de mesures qui permettraient ensuite de faire progresser les choses en tenant compte de notre situation particulière puisque nous sommes dans une période de transition d'une société à une autre.

Nous pourrons réellement coopérer lorsque nous disposerons de cette vision globale et nos relations seront fondées sur une base amicale qui nous permettra de progresser. Il pourrait s'agir d'un programme dans le cadre de l'appui accordé à la démocratisation et au passage à l'économie de marché. Nous devrions établir une composante qui permettrait de travailler avec l'opinion publique dans ces projets. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Michaël GUHIN, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. GUHIN. - S'agissant de la prolifération et de ce qui s'inscrit dans la politique russe, je ne peux parler de la politique de non-prolifération russe puisque mes collègues ont abordé ce sujet de façon très claire. Les positions des uns et des autres sont très connues : la Russie et les États-Unis sont parfois en total désaccord dans le domaine des préoccupations au sujet la non-prolifération. Certains éléments doivent être éclaircis concernant cette question de non-prolifération dans le cadre du programme.

Nous demandons à d'autres pays de faire des dons, de participer afin d'aider à l'élimination de ce plutonium. Le plutonium traité par ces installations ne peut être dirigé vers un pays en lequel nous n'ayons pas une totale confiance en termes de prolifération. Cela ne peut pas se produire du point de vue légal. Nous sommes très clairs à ce sujet, le plutonium ne peut quitter l'un de nos pays. Il s'agit d'une obligation réciproque. Dans le cas contraire, les deux pays doivent accorder leur autorisation. Dans le contexte bilatéral, les deux pays devraient donner leur accord pour toute exportation de ce plutonium quelle qu'elle soit en dehors de la Russie ou des États-Unis. D'une façon plus générale, j'irai même jusqu'à dire que si nous avons des donateurs assez importants, ils devraient comprendre et tous devraient comprendre ce qui pourrait être fait en termes d'exportation de ce plutonium. Je souhaitais réellement préciser ce point. Cette préoccupation a été évoquée aux États-Unis. Comme vous le savez, elle figure également dans les commentaires du Sénateur HELMES. Certaines pressions ont été précédemment effectuées. Nous avons des conditions et des garanties extrêmement strictes afin de nous assurer que ce genre de situation ne se produira pas au terme de l'accord.

M. LE PRÉSIDENT. - Cette opinion est-elle également partagée par les négociateurs russes ? Pensent-ils qu'un accord soit nécessaire entre les signataires pour toute éventuelle utilisation du MOX provenant du démantèlement d'armes nucléaires dans un pays tiers ? Êtes-vous d'accord, Monsieur l'Académicien PONOMAREV-STEPNOÏ ?

M. Nicholas PONOMAREV-STEPNOÏ,Vice-Président de l'Institut Kourchatov. - Je souhaiterais dire quelques mots au sujet du contrôle des garanties de non-prolifération.

Nos services ont appris en Occident comment organiser ce contrôle des exportations et ont à présent une grande expérience dans ce domaine. Je peux vous citer un exemple actuel : la réalisation d'un contrat avec nos collègues français nous contraint à consacrer neuf mois pour que tout ceci soit examiné par les différents organes de contrôle. Nous avons effectué notre travail en mars et nous avons envoyé 30 exemplaires le 28 novembre. Neuf mois ont été nécessaires à l'obtention des autorisations d'exportation.

En Russie, nous avons appris à exécuter ces garanties, à les appliquer en matière de non-prolifération. Cependant, les choses se passent parfois de telle façon qu'elles deviennent un véritable casse-tête. Je puis vous assurer qu'une décision venant d'un très haut niveau est nécessaire à l'exécution du projet concernant l'élimination du plutonium de qualité militaire. Les pays participant à ce programme doivent également fournir des engagements. Nous exécutons quant à nous l'ensemble de ces engagements comme si nous vendions un produit dans un pays d'Afrique ou d'Amérique du Sud ou encore ailleurs. Nous sommes très stricts. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Monsieur FERRIER peut-il apporter quelques précisions concernant la position française ? Il n'est pas là. Madame BAMIÈRE, souhaitez-vous apporter des précisions ?

Mme BAMIÈRE, Chargée de mission au Secrétariat Général de la Défense Nationale - Désirez-vous des précisions sur les mécanismes de contrôle en Russie ou en France ?

En Russie, la mécanique d'exportation des documents et d'exportation de l'ensemble des données que nous pouvons constater dans le cadre du programme AIDA est effectivement très minutieuse. Dans le cadre de la synergie entre le programme trilatéral et le programme américano-russe, il serait nécessaire de concevoir un arrangement administratif quadrilatéral afin de permettre des communications techniques d'un programme à l'autre.

Par ailleurs, la mécanique française de contrôle des exportations des biens et des technologies est associée aux régimes internationaux et passe dans un certain nombre de domaines par un examen dans un cadre interministériel. Le SGDN a un rôle de coordination dans ce domaine. Ce type de contrôles concerne divers aspects qui ne sont pas forcément impliqués dans le cadre de notre coopération d'élimination du plutonium. Il s'agit d'un contrôle plus large et plus divers. L'examen de tous les aspects de ces contrôles sortirait quelque peu du cadre de notre débat d'aujourd'hui. Cependant, la France et la Russie sont signataires de traités et accords internationaux et respectent leurs engagements. Par ailleurs, dans le cadre des études sur l'élimination du plutonium de qualité militaire, le travail sera considérablement amélioré par la signature d'un arrangement quadrilatéral qui permettra des échanges faciles entre les deux grands programmes de recherches, américano-russe d'un côté et européen de l'autre.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Madame. J'ai encore un certain nombre de questions mais j'ai le sentiment d'être seul à poser des questions et vous serez frustrés avant le déjeuner si je ne permets pas le débat avec la salle ! À ce stade de nos discussions, y a-t-il des questions venant de la salle.

Il n'y a pas de question.

Dans ces conditions, je reviens à mes questions qui nous amènent à deux points. Le premier sur le contrôle des matières et la comptabilité, qui est le rôle normalement dévolu à l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique de Vienne. À partir de quel moment l'Agence peut-elle intervenir dans le processus avec ses mécanismes de contrôle et de comptabilisation ? À partir du déclassement des tonnes de plutonium de qualité militaire ? Qui peut répondre à cette question d'ordre général ?

M. GUHIN. - Je peux répondre pour nous-mêmes et peut-être mon collègue russe répondra-t-il pour la partie russe car je pense que le problème est général. Je répondrai de façon générale. Lorsque j'ai indiqué que toute exportation de n'importe quelle centrale aura besoin d'un accord des parties, il ne s'agit pas d'une question de discussions. Cette nécessité de toute façon rédigée dans les textes contraignants. Aucune interprétation n'est possible, les textes sont très clairs.

C'est l'un des mécanismes de contrôle extrêmement stricts que nous avons acceptés dans notre programme.

Pour ce qui est de l'AIEA, quand commence-t-elle ses travaux de surveillance ? L'accord est très prudemment rédigé et indique que les deux parties envisagent des contrôles. Nous devons examiner les termes relatifs à l'Agence mais nous envisageons tous deux que les contrôles de l'Agence ne commenceraient pas plus tard, pas plus tard j'insiste, que le moment où le plutonium sortirait du procédé de conversion.

L'Agence pourra-t-elle intervenir plutôt ? Notre accord comporte une obligation selon laquelle dès que le plutonium n'a plus de caractéristiques classifiées dès qu'il sort de l'usine de conversion, c'est-à-dire que ce plutonium peut être soumis à toute sorte d'échantillonnage pour les normes internationales. Il n'existe alors plus aucun obstacle pour ce plutonium. Mais dans ces centrales, dans ces usines aux États-Unis et en Russie, ce plutonium aura tout de même des caractéristiques classifiées qui ne peuvent être révélées. Ceci est en amont.

Dans mon pays, par exemple, les contrôles seront difficiles car les « pits » seront transportés dans des conteneurs vers ces usines de conversion et nous ne voulons personne pour faire l'échantillonnage de ces « pits », qu'il s'agisse de Russes ou de personnes de l'Agence Internationale. Cela va de soi. Ces éléments sont classifiés de par leur masse et leur composition.

Le problème russe est différent car les Russes ont déjà modifié les matières qui parviennent dans l'usine mais j'ai cru comprendre que ces matières étaient classifiées en raison de leur composition isotopique. Russes et Américains ont par conséquent des matières qui parviennent dans l'usine de conversion et qui sont classifiées.

Sera-t-il possible d'imaginer une procédure permettant à l'AIEA d'effectuer des contrôles ? Nous devrons examiner cette question avec beaucoup d'attention. Nous étudions la question afin de savoir comment contrôler les matières dans l'usine de conversion. Nous examinerons s'il est possible de subir des contrôles sans révéler les informations classifiées. Si ce type de contrôle est possible, nous n'y voyons pas d'inconvénient ou d'obstacle de principe. Cependant, aujourd'hui nous ne savons comment faire et nous ne pouvons par conséquent dire que ce contrôle de l'AIEA aura lieu avant. Nous ne savons pas même comment nous procéderons au niveau bilatéral. C'est l'une des questions réellement complexes auxquelles nous nous heurtons.

Je ne souhaite pas davantage vous décourager car nous savons que ce contrôle et cette comptabilisation auront lieu à la sortie. Nos 25 tonnes converties seront comptabilisées en tant que plutonium militaire issu de ces usines. Il en est de même pour la Russie. Ce plutonium sorti de l'usine sera toujours de qualité militaire, pour nous comme pour les Russes. Vous connaîtrez exactement la quantité de plutonium éliminée par les réacteurs.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci de cette précision très importante et très intéressante. La délégation russe souhaite-t-elle apporter un complément ou a-t-elle la même opinion concernant le moment où l'Agence peut intervenir ?

M. KOUTCHINOV. - Merci, Monsieur le Président. Comme il a été dit à juste titre, cet accord prévoit clairement que l'AIEA pourra intervenir après la conversion, après le mélange des matériaux, lorsque le plutonium conservant sa qualité militaire perd toutefois ses caractéristiques classifiées. Pourquoi cela ? Parce que conformément à l'accord de non-prolifération de l'armement nucléaire, les États-Unis comme la Russie s'engagent en tant que puissances nucléaires à ne pas transmettre des données susceptibles de contribuer à la création d'armements. Il est clair que le matériau extrait directement des armements contient cette information. C'est la raison pour laquelle Monsieur GUHIN a effectivement évoqué un problème très complexe concernant les modalités du contrôle : comment assurer ce contrôle sans pour autant ne plus classifier cette information qui est très vulnérable ? Il est clair que l'Agence interviendra après la conversion. Certaines questions d'ordre techniques doivent toutefois être résolues. Nos spécialistes y travaillent aux États-Unis, en Russie et à l'AIEA. Nous devons donner à l'AIEA la possibilité de participer au contrôle en toute transparence sans pour autant révéler l'information qui doit demeurer classifiée. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Monsieur KOUTCHINOV. Je peux peut-être demander à Monsieur QUENIART, Directeur Adjoint à l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire, de nous dire comment les Français entendent procéder et quelle est l'implication de son Institut dans ce contrôle et cette comptabilisation.

M. QUENIART, Directeur Adjoint de l'IPSN. - Je donne la parole à Denis FLORY qui a, en particulier, contribué aux travaux de l'AIEA dans ce domaine et il complétera ce qui a été présenté.

M. FLORY,Chef du Département de Sécurité des matières radioactives-IPSN. - Merci, Monsieur le Président. Tout d'abord, je ne dirai pas comment la France contrôle les matières nucléaires militaires considérées comme en excès de ses besoins puisqu'elles n'existent pas en France aujourd'hui.

Je participe en revanche à un groupe d'experts chargés de conseiller le Directeur Général de l'AIEA au sujet de la mise en _uvre des garanties. Je confirmerai tout d'abord ce que viennent de dire les représentants russe et américain. Ces matières une fois déclassifiées, des contrôles tout à fait similaires à ceux qui existent dans les systèmes de garantie de non-prolifération de l'AIEA peuvent être mis en _uvre.

L'AIEA effectue par exemple des inventaires annuels des matières soumises à son contrôle et les Inspecteurs de l'Agence doivent avoir physiquement accès à ces matières, ils doivent pouvoir les regarder, les mesurer et en mesurer toutes les caractéristiques. L'Agence effectue régulièrement ce type de contrôle au sein des États ayant signé des accords avec elle.

A contrario ces contrôles ne peuvent s'appliquer dans la phase qui précède la conversion ni durant la période de conversion.

C'est la raison pour laquelle nous parlons non pas de système de garantie mais d'un système de vérification au cours des discussions qui ont lieu dans le cadre de l'initiative trilatérale entre l'Agence, les U.S.A. et la Russie. La terminologie a été choisie très précisément afin d'éviter une contamination des deux approches. Les garanties de non-prolifération existent d'une part et le système de vérification établi d'autre part n'a pas, a priori, un objectif de non-prolifération mais plutôt un objectif de transparence et de garantie de désarmement.

Dans ce cadre-là, nous envisageons effectivement des contrôles comportant des systèmes de dissimulation de l'information qui éviteraient aux Inspecteurs de l'Agence d'accéder à des informations classifiées relevant de problèmes de prolifération ou de sécurité nationale. Le Directeur Général de l'Agence a posé une question au groupe d'Experts qui le conseille afin de savoir si ces systèmes de vérification permettent néanmoins à l'Agence d'aboutir à des conclusions de manière crédible et indépendante concernant les objectifs de ce système de vérification, les objectifs étant de pouvoir garantir que les matières qui sont soumises au contrôle de l'Agence proviennent bien d'un cycle militaire d'une part et d'autre part que ces matières restent bien sous le contrôle de l'Agence et qu'elles seront, moyennant certaines précisions de définition, retirées de manière irréversible d'un cycle militaire.

Voilà les questions qui se posent également à l'Agence et qui font actuellement l'objet d'études. Merci, Monsieur le Président.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir sur ce sujet ou poser des questions ?

Je demanderais volontiers à partir de quel moment une autorité de sûreté civile interviendra dans ce processus. Il est difficile de poser cette question à l'autorité de sûreté française puisqu'il n'existe pas de plutonium en excès, elle n'est donc pas forcément concernée mais quel sera le rôle des autorités de sûreté ? À partir de quel moment le processus passera sous leur contrôle, en Russie ou aux États-Unis avec la NRC? La situation est quelque peu complexe aux États-Unis puisque le DOE construira également une unité de fabrication de MOX sur son site, qui devra être soumise au Licencing 2de la NRC. Le Conseil Régional de Défense chargé des autorités de sûreté du DOE entend peut-être intervenir ?

Michaël, quelles seront les relations entre ces différentes autorités aux États-Unis ?

M. GUHIN. - Tout d'abord, je souhaiterais préciser que nous attachons beaucoup d'importance aux aspects de sûreté et d'environnement. Il s'agit certainement d'un souci de l'opinion publique mais je pense que nous détenons un record. Nous avons toujours fait preuve de beaucoup d'attention en matière de sûreté et d'environnement par le passé.

Je ne saurai préciser exactement le lien entre le DOE et les autres autorités. La Commission de la NRC sera certainement chargée d'accorder les licences. Elle procédera à des auditions au fur et à mesure que le processus évoluera, c'est du moins ce que j'ai compris.

Je pense que nos collègues russes pourront nous aider sur ce sujet. Nous avons évoqué la possibilité d'examiner de très près l'organisme responsable de la sûreté en Russie car cette autorité aura un caractère international. Nos négociations avec les Russes ont déjà indiqué que les aspects de sûreté et d'environnement devaient être considérés comme fondamentaux dans les négociations. Ce principe s'applique également aux préparations qui conduiront à des installations de production de MOX.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. J'ai encore deux questions. La première vient en complément de ce qu'a indiqué Michaël GUHIN tout à l'heure concernant les donateurs. Certains pays sont donateurs dans ce système de coopération internationale. Est-il envisagé d'avoir ou de confier la gestion de ces fonds recueillis à une institution bancaire comme la BIRD qui a géré le Nuclear Safety Account 3pour le compte du G7 et du G8 ? Dans ces conditions, la maîtrise des opérations sera-t-elle conservée par les négociateurs et les principaux pays ou un transfert opérationnel sera-t-il effectué vers cette cellule si elle voit le jour à la BERD ?

M. GUHIN. - Merci beaucoup Monsieur le Président. Comme vous le savez peut-être, lors de la réunion du groupe d'expert du G8 qui vient de s'achever, nous avons décidé de créer un groupe provisoire concernant l'évacuation du plutonium. Ce groupe sera co-présidé par moi-même et mon collègue russe IVANOV, me semble-t-il. Nous avons dit à Okinawa que nous devions créer un cadre multilatéral. L'un des sujets clés pour nous est de savoir quel sera ce cadre multilatéral, comment il fonctionnera et quelles en seront les règles de fonctionnement ?

S'agissant des Experts, nous nous sommes mis d'accord avant Okinawa sur le fait que le cadre devrait utiliser dans la mesure du possible les mécanismes internationaux existants en matière de gestion de projets nucléaires de grande envergure. La BERD en est bien entendu un exemple qui vient à l'esprit. Je resterais cependant prudent car pour l'instant, le groupe n'a pas encore décidé d'opter pour la BERD mais je dirais également que même si nous décidions de confier ce travail à la BERD, ce qui n'aurait rien d'étonnant, nous n'avons pas demandé à la BERD de s'engager. La BERD est l'organisme qui devrait décider en fin de compte si oui ou non elle souhaite participer à un tel projet. Nous continuerons bien sûr à examiner le sujet et j'espère que nous trouverons rapidement une réponse. S'il devait s'agir d'une organisation internationale existante, nous devrions déjà commencer à l'impliquer dans certaines négociations pour des raisons évidentes car quel que soit l'organisme, nous devrons toujours étudier de très près et d'une manière très analytique non seulement le financement mais également les aspects contractuels. Nous devrons également étudier comment intégrer et coordonner le programme. Il s'agit d'une question beaucoup plus complexe que les questions qui ont été abordées par la banque par le passé.

En tant que donateur potentiel, le groupe G8 étudie la question afin d'en connaître le cadre. Si la BERD est retenue, comment construirons-nous ce programme, que devrons-nous faire afin d'y parvenir ?

L'une des questions à résoudre est liée aux aspects internationaux : quel est l'organisme d'autorité pour l'ensemble des autres pays donateurs ? Quel que soit le système, ce groupe de donateurs ou les représentants de ces pays donateurs auraient un droit d'examen, de suivi, ainsi qu'un droit d'approbation. Ces droits devraient être stipulés dans un accord qui sera peut-être un jour rédigé. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Michaël. Monsieur DEFFRENNES peut-il apporter quelques précisions à ce sujet, concernant le point de vue de l'Union Européenne, à la lumière du Nuclear Safety Account géré par la BERD ? À mon sens, la principale difficulté est que celui qui mettait 1 dollar dans le compte affirmait détenir une voix au même titre que celui qui mettait 1 Million de $. Il donnait d'ailleurs souvent 1 dollar non pas afin de faciliter les choses mais afin d'essayer d'empêcher les choses de se faire. Par charité, je ne donnerai pas de nom.

Un certain nombre de pays sont cependant potentiellement donateurs. Certains pays ont notamment donné 1 dollar pour l'achèvement de la centrale de MOCHOVCE en Slovaquie et ont fait tout ce qu'il fallait pour que la BERD n'intervienne. Ce fut un magnifique succès enregistré par la BERD.

M. DEFFRENNES. - Merci beaucoup pour cette question. Vous comprendrez que je ferai preuve d'une prudence de Sioux.

Je souhaiterais simplement abonder dans le sens de ce qu'a dit Monsieur GUHIN. Je pense qu'actuellement, ce genre de discussions se tient au niveau du G8 qui est certainement le cadre politique dans lequel ces discussions doivent se tenir. La Commission Européenne représentant l'Union est partie prenante de ces discussions à côté des membres du G8. Comme l'a indiqué Michaël GUHIN, je pense que nous devrons clairement distinguer les différents niveaux de management, ce que j'appellerais le besoin de management à trois niveaux.

Le besoin de management politique devra rester au niveau d'une assemblée vraisemblable de donateurs. Le niveau que j'appellerais de management financier pourra éventuellement être attribué à une banque ayant une expertise de management de projets internationaux de cette ampleur. Enfin et c'est peut-être le plus important si nous souhaitons regarder vers l'avenir et vers le succès réel de la réalisation de ce programme, le besoin absolu du management industriel d'un tel projet, convenablement pensé et organisé car nous ne parviendrions pas au bout de l'exercice dans le cas contraire.

Comme l'a dit Michaël GUHIN, le Non-proliferation Export Group vient de mettre en place un groupe spécial de réflexion afin d'assurer le montage de ce mécanisme de financement ainsi que de l'ensemble des activités connexes.

Une première réunion s'est tenue hier. La première réunion effective aura lieu le 7 et le 8 décembre. L'objectif est de parvenir à clarifier cette situation pour le prochain sommet de Gênes. Nous devrons alors disposer d'un schéma viable afin de prendre une décision effective. Ce n'est sans doute qu'à ce moment-là que nous aurons une vision plus claire de la mise en place de ce projet et que des donateurs éventuels seront prêts à apporter leur contribution.

Je suis conscient que je ne réponds pas directement à votre question mais j'ai replacé votre question dans l'environnement global. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Monsieur DEFFRENNES.

M. GUHIN. - J'aimerais répondre à votre question directement si je le peux. Nous devons garder à l'esprit que si nous décidions de demander à la BERD d'assumer ces tâches, nous devrions insister sur le fait qu'il s'agit d'un programme établi sur les contributions des pays donateurs. Nous ne demandons pas à la BERD d'engager son propre financement. La BERD disposera d'une voix critique si le G8 décide, je dis bien si le G8 décide, que c'est l'organisme auquel nous souhaitons demander de contrôler l'allocation du financement. La question critique pour la BERD sera : est-elle prête à le faire ? Souhaite-t-elle le faire ? Si la BERD ou un autre organisme décide qu'il est prêt à le faire, il ne s'agira pas d'un pays effectuant une donation afin d'obtenir une voix. Nous étudierons tout comme le G8 certains aspects très importants : comment voter ? S'agira-t-il d'un vote pondéré ? Le donateur disposera-t-il d'une voix sur deux millions s'il a donné un dollar ? Nous ne savons pas. Nous ne savons pas davantage comment les décisions seront prises. Certaines pratiques industrielles prévaudront-elles ? Les voix seront-elles accordées en fonction des contributions ou prendrons-nous en compte d'autres mécanismes plus complexes ? Les différentes opérations similaires passées nous ont enseigné que l'on n'obtient pas une voix égale en mettant un dollar dans un programme de plusieurs milliards ou millions.

Nous devrions d'ailleurs nous interroger sur l'opportunité d'instaurer un seuil en dessous duquel le vote ne serait pas autorisé. Nous n'avons pas abordé la question mais peut-être serait-il raisonnable d'imaginer qu'un donateur obtienne une voix dès lors que sa contribution atteint 50 M$ par exemple, compte tenu de la nature et de la taille du programme. Nous devons étudier ces différents aspects conjointement afin d'en tirer des conclusions et je vous dirais une fois encore que nous n'avons pas contacté la BERD ni d'autres organisations internationales à ce sujet pour l'instant.

M. Le PRÉSIDENT. - Merci. Madame BAMIÈRE ?

Mme BAMIÈRE. - Je souhaiterais rappeler ce qui a été dit en début de matinée par Monsieur MALLET concernant la décision française de contribuer au programme par une contribution nationale. Cette contribution nationale est précisément conditionnée au fait que nous devrons rapidement parvenir à un montage organisationnel et financier susceptible de rendre ce projet totalement crédible. Il l'est déjà dans notre point de vue sur le plan technique, encore faut-il réussir ce montage. Nous avons réellement une ardente obligation de travail au sein de ce groupe qui démarrera avec un certain nombre de principes très simples. Nous avions à vrai dire à l'échelle française un certain nombre de contre-exemples que j'aurai la charité de ne pas citer mais qui étaient beaucoup trop complexes. Notre objectif d'éviter cela et de mettre en place un projet qui tienne compte de la réalité, un montage qui s'appuie sur la réalisation du programme en Russie. Les maîtres d'_uvre et les maîtres d'ouvrage devront être clairement identifiés. Nous envisageons une structure légère de gestion du projet ainsi qu'une assemblée de donateurs qui gère le tout mais d'une façon suffisamment souple pour que la réalisation concrète du projet ne soit pas entravée.

Il me semble que l'échéance du sommet de Gênes que nous nous sommes fixée indique assez que nous n'avons pas fini de travailler ensemble.

M. LE PRÉSIDENT. - C'est presque une transition naturelle puisque nous n'avons pas fini de travailler ensemble. Je voudrais remercier tous les intervenants de ce matin. Je crois que nous avons désormais une compréhension plus large des problèmes posés par l'utilisation du plutonium d'origine militaire. Je voudrais vous remercier pour votre discipline puisque j'avais prévu un programme et je l'ai respecté à une question près mais je pense que cette question me servira pour reprendre la session à 14 heures 30 et pour amorcer les débats de cet après-midi. Nous débattrons des enjeux stratégiques mais également technologiques et nous étudierons les progrès technologiques restant à accomplir pour la mise en _uvre de ce dont nous avons largement parlé ce matin.

Bon appétit, nous nous retrouvons vers 14 heures 30 pour reprendre la séance.

La séance, suspendue à 12 heures 50 est reprise à 14 heures 45.

M. LE PRÉSIDENT. - Ce matin, grâce à une très grande discipline des participants et des intervenants, nous avons traité principalement des aspects politiques et stratégiques de l'élimination du plutonium d'origine militaire déclaré en excès. Je vous avais dit avant la pause déjeuner que je me réservais de poser une question au tout début de notre réunion de cet après-midi, qui servirait en quelque sorte de transition pour nos débats. Nous débattrons principalement des options retenues pour l'élimination du plutonium en excès, des aspects scientifiques, technologiques, financiers et de coopération internationale que nous devrons conduire. Je vous rappelle également qu'à 16 heures 15, Monsieur PIERRET, Ministre de l'Industrie, viendra nous présenter la position du Gouvernement français sur ces sujets.

La question de transition est la suivante : l'accord de septembre signé entre le Président POUTINE et le Président CLINTON n'a pas abordé ou n'a pas résolu le problème de la responsabilité civile. Qui peut nous dire où nous en sommes au sujet de cette nuclear liability4 ?

M. GUHIN. - Je peux vous dire où nous en sommes mais je ne sais si nous avons fait des progrès notables. Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que le sujet clé que nous n'avons pu résoudre au cours des négociations concernait la responsabilité en cas d'accident, qu'il s'agisse d'accident nucléaire ou non. C'est une question de responsabilité. Il s'agit d'un accord bilatéral pour le personnel américain en place et nous avions autour de la table des positions différentes. Nous n'avons pu résoudre ces problèmes ni faire disparaître les désaccords. L'accord reste un accord bien négocié : il nous permet de démarrer la coopération dans certains domaines tels que la conception mais sans aucune protection en matière de responsabilité car la conception ne pourra pas se concrétiser ni être utilisée jusqu'à ce que nous puissions résoudre le problème de la responsabilité. Nous avons également une coopération scientifique et technique dans le cadre d'un accord dans lequel figure effectivement une disposition en matière de responsabilité. Le travail précoce de démonstration aura lieu dans le cadre de cet accord dans lequel la responsabilité est évoquée mais avec certains désaccords. Nous pensons que cette disposition est insuffisante concernant l'exercice principal industriel mais l'autre partie n'est pas d'accord avec nous. Nous devons donc résoudre ce problème.

Nous disposons d'une année c'est-à-dire jusqu'à ce que nous ayons créé l'organisation multilatérale responsable. D'ici là, nous aurons mis en place un régime et une norme en matière de responsabilité si nous réussissons et j'imagine que nous réussirons. Nous aurions déjà pu résoudre ce problème mais il nécessite beaucoup de travail de part et d'autre.

M. LE PRÉSIDENT. - La délégation russe désire-t-elle apporter un complément d'information au sujet de la responsabilité civile ?

M. KOUTCHINOV. - Il me semble que je pourrais ajouter bon nombre d'éléments. Ce qui vient d'être dit est tout à fait juste : nous ne sommes pas parvenus à un accord au sujet de l'Article qui concerne la responsabilité civile. Nous poursuivons notre travail à ce sujet, nous travaillons également avec les députés de la Douma en ce qui concerne la ratification de la Convention de Vienne sur le préjudice nucléaire. Je pense que nous continuerons dans cette voie et cela nous permettrait éventuellement de régler le problème de la responsabilité civile dans le cadre de cet accord bilatéral. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur KOUTCHINOV. Sauf s'il y a des questions dans la salle, j'en viens à présent aux options retenues pour l'élimination du plutonium en excès ainsi qu'aux problèmes technologiques, scientifiques et de financement s'y rapportant. Je serai relativement rapide concernant l'immobilisation. Nous avons déjà entendu certaines explications dans les exposés de ce matin. Nous savons en particulier pourquoi les Russes ne sont pas favorables à l'immobilisation. J'aimerais cependant savoir qui peut répondre sur le plan technique à cette question : l'objectif est bien d'éviter la prolifération mais les techniques d'immobilisation aujourd'hui disponibles sont-elles suffisamment sûres afin de garantir la non-récupération du plutonium à des fins militaires ? Peut-être Peter LYONS pourra-t-il répondre à ma seconde question : l'Académie des Sciences des États-Unis aurait rendu un rapport à ce sujet. Monsieur LYONS pourrait-il nous faire part du sens de ses conclusions ?

Qui peut nous parler des techniques d'immobilisation, l'Institut de Protection de Sûreté Nucléaire ?

M. FLORY. - Je ne vous apporterai aucun élément notable au sujet des techniques. Nous devons tout d'abord préciser si nous parlons de prolifération des armes au titre des États ou si nous parlons de récupération par un groupe terroriste. Dans la seconde hypothèse, ce groupe devrait disposer de moyens assez importants et ceci est un euphémisme afin de récupérer du plutonium qui serait immobilisé au fond d'un stockage souterrain.

Si nous parlons en revanche de prolifération des États, ces États ayant du plutonium dans leur sol devraient disposer d'un système de garantie assez sérieux. S'agissant des stockages, aucun système de garantie n'est encore à l'étude. Ce système de garanties devrait être adapté pour garantir que l'État n'irait pas lui-même rechercher ces matières.

M. LE PRÉSIDENT. - Vous évoquez le système de garantie mais nous devons également prendre en compte la manière physique d'assurer l'immobilisation. Dites-moi si j'ai mal compris : il s'agirait de prendre le plutonium militaire, de l'entourer de combustible usagé et de mettre le tout dans une matrice en verre. Est-ce une technique suffisante pour se prémunir contre l'action d'un groupe qui souhaiterait récupérer ce plutonium ou d'un État qui se dirait ensuite qu'il souhaite finalement disposer à nouveau de ce plutonium ?

M. FLORY. - L'État qui a placé ce plutonium dans un trou aura très certainement la possibilité de le récupérer lui-même. S'il s'agit d'un groupe terroriste, c'est probablement plus difficile à imaginer.

M. LE PRÉSIDENT. - Oui, Madame LAUVERGEON ?

Mme Anne LAUVERGEON PDG de la COGEMA. - Je vais peut-être répondre sur le plan technique. COGEMA est aujourd'hui le leader mondial en matière de vitrification et cette expérience est le résultat de la vitrification après traitement des déchets de combustible usé. Il s'agit d'une technique que nous connaissons bien. Cette voie a été écartée par les Russes, elle reste à l'étude pour les Américains qui envisagent son utilisation pour les 9 tonnes de plutonium qui ne seront pas recyclées. Cette vitrification du plutonium est techniquement possible mais elle n'a jamais été pratiquée à grande échelle. Même si elle est techniquement et théoriquement possible, certains développements complémentaires seront nécessaires et, à notre connaissance, ils n'ont pas été initiés ni par COGEMA ni ailleurs. Nous pouvons donc affirmer aujourd'hui que nous disposons d'une technologie qui correspond à peu près à la demande mais il faudra l'affiner afin de répondre au problème spécifique du plutonium.

Votre question est plus précise : peut-on récupérer le plutonium une fois qu'il a été vitrifié ? L'Académie des Sciences américaine a répondu hier que le sujet ne lui semblait pas totalement garanti et que cette vitrification effectuée sur du plutonium militaire pouvait dans certaines conditions particulières être réversible. Nous parlons de choses très hypothétiques puisque je vous le dis, nous n'avons pas aujourd'hui de techniques totalement développées concernant la vitrification du plutonium militaire. Cependant, il semblerait théoriquement possible, éventuellement, avec des investissements considérables et bien évidemment dans un cadre non pas terroriste mais dans un cadre étatique contrôlé, de rendre ce phénomène partiellement réversible. Voilà ce que nous pouvons dire aujourd'hui techniquement sur le sujet.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci car j'ai bien retenu ce qu'a dit ce matin Monsieur KOUTCHINOV, à savoir le mettre dans un état tel qu'il soit ce que l'on appelle type spent fuel5 c'est-à-dire où l'on ne puisse pas venir rechercher le plutonium pour l'utiliser à des fins militaires.

Peter LYONS a-t-il des informations sur le Rapport de l'Académie des Sciences ?

M. LYONS. - Je laisse la parole à Michaël concernant le Rapport mais je ne pense pas qu'il soit terminé. Je ne l'ai pas encore vu pour l'instant mais je sais que le Sénateur DOMINICI a exprimé ses soucis concernant le choix de l'immobilisation. Nous avons vu que l'immobilisation ne change rien en ce qui concerne les aspects isotopiques du plutonium et nécessite beaucoup de soins. Le Sénateur préfère cependant le choix MOX. Peut-être Michaël a-t-il vu le Rapport de l'Académie des Sciences ?

M. GUHIN. - Merci beaucoup. Je suis d'accord avec vous Monsieur le Président. Vous avez parlé des aspects techniques de l'approche. Il est important d'aborder ce sujet mais je pense que nous devons garder à l'esprit que le suivi est assuré dans un cadre qui suit de très près l'ensemble de ces éléments. Nous ne pouvons pas dire simplement qu'il n'existe pas de cadre, de suivi, de monitoring. Peter a raison : le Rapport n'est pas totalement terminé. Nous avons fait allusion à la question de savoir si oui ou non un Gouvernement pourrait récupérer le plutonium. Ce n'est pas vraiment la question clé. Le Rapport n'aborde pas cette question. Il est physiquement possible qu'un Gouvernement puisse le faire mais la question est de savoir si un Gouvernement le ferait ; telle est la question. Nous ne pouvons pas apporter de réponse toute faite à cette question. Nous ne savons pas si un Gouvernement le ferait et dans de nombreux débats que nous avons eus avec nos collègues russes, au niveau non technique, nous sommes convaincus qu'aucun Gouvernement ne le ferait, en particulier s'il avait d'autres possibilités de trouver du plutonium. Reste la question d'une menace terroriste.

L'Académie a résolu différentes questions mais il reste encore une question technique à résoudre et le Département de l'Énergie examinera cette question technique. L'Académie a donné ses recommandations sur la marche à suivre mais nous ne savons pas exactement si ces mesures sont nécessaires.

Une question a été soulevée : le Gouvernement étudiera cette question. Nous ne savons pas si le Gouvernement mettra en _uvre les recommandations du Rapport, ceci dépendra de l'analyse effectuée qui déterminera si les recommandations sont nécessaires et si nous devons les mettre en _uvre. Merci beaucoup.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Nous reviendrons peut-être plus tard sur ces questions s'il y a des questions dans la salle ou par les journalistes.

M. Michäel SCHNEIDER, Agence Wise et Investigation de Plutonium. - J'ai deux questions : j'ai cru comprendre qu'il existait formes principales de vitrification. L'une concerne la méthode américaine, c'est-à-dire le Canastry, consistant à placer des disques en céramique et à les intégrer dans du verre qui est ensuite solidifié.

COGEMA procède à la vitrification en mélangeant du plutonium avec le total homogène en cours de vitrification. Ma première s'adresse à COGEMA, peut-être à Madame LAUVERGEON. Le plutonium vitrifié existe à l'état de traces. Les déchets de haute activité contiennent déjà du plutonium. Quelle quantité de plutonium par conteneur pourrait-on vitrifier selon la méthode que vous avez développée ? Où en sont les connaissances de COGEMA à ce sujet ? C'est ma première question.

Si j'ai bien compris, un représentant de SIEMENS se trouve dans la salle, j'aurais une question à lui poser car les Allemands ont développé un autre système d'immobilisation. Il s'agit d'une sorte de mauvais MOX consistant à créer des gaines telles des combustibles MOX. Ce MOX n'a toutefois pas passé l'ensemble des contrôles qualités. C'est en quelque sorte un MOX bon marché et SIEMENS procède actuellement à cette opération à l'usine de Hanau afin de vider l'usine de son plutonium. J'aimerais savoir où cela en est et quelle est l'évaluation globale de cette expérience. Il est ensuite prévu de mélanger les barres de combustible avec du combustible irradié et de mettre le tout en stockage définitif. Merci.

Mme LAUVERGEON. - Le traitement des spent fuel, c'est-à-dire le traitement des déchets nucléaires, consiste à extraire le maximum de plutonium et il en reste des traces résiduelles qui sont effectivement vitrifiées. Nous procédons à certaines expérimentations afin de connaître la quantité maximale de plutonium à insérer dans les verres. Nous n'avons pas aujourd'hui d'expérimentation portant sur 10, 15, 20 ou 30 %. Nous n'avons pas de référence. Peut-être le Commissariat à l'Énergie Atomique a-t-il une expérience dans ce domaine dans les enceintes totalement différentes de La Hague mais en tout cas, nous, COGEMA, nous ne l'avons pas. C'est la raison pour laquelle je parle de développements supplémentaires nécessaires.

M. SICART, Commissariat à l'Énergie Atomique. - Nous n'avons pas au CEA de programme de recherches structurées concernant la vitrification du plutonium militaire. Nous avons des idées, nous effectuons certaines manipulations en laboratoire mais d'une façon non structurée.

Je souhaite également préciser que de notre point de vue, un stock de plutonium en abandon en milieu géologique serait de toute façon récupérable sous forme de verre ou même des meilleures matrices envisageables aujourd'hui.

Bien sûr c'est une question de prix, les excellentes matrices sont chères et deviendront absolument hors de prix mais c'est une remarque importante. Il sera de toute façon toujours possible de récupérer ce plutonium.

M. LE PRÉSIDENT. - Pour la précision du débat, s'il est sous forme de plutonium Pu, s'il est sous forme de spent fuel dont parlait Monsieur KOUTCHINOV ce matin, il sera peut-être récupérable mais exigera encore beaucoup de travail avant l'extraction.

M. SICART. - Bien sûr. C'est une question de coûts.

Mme LAUVERGEON. - L'idée serait de mélanger du spent fuel au plutonium militaire et d'insérer le tout dans un verre. L'extraction de cet ensemble demanderait un travail supplémentaire en termes chimiques mais c'est théoriquement et techniquement faisable, moyennant des coûts certainement extraordinairement importants.

M. LE PRÉSIDENT. - Nous avons déjà évoqué l'immobilisation ; COGEMA a quelque expérience dans le domaine de la vitrification. Peut-être pourrions-nous en venir à la seconde option du MOX et demander à Madame LAUVERGEON de nous préciser l'implication de COGEMA dans la chaîne qui s'est créée autour de ces négociations aux États-Unis, en Russie ou en Europe avec d'autres partenaires.

Mme LAUVERGEON. - Le combustible MOX est un combustible qui est composé du plutonium de retraitement qui est récupéré après traitement des spent fuel et qui est mélangé à de l'uranium afin d'être recyclé. Le combustible MOX a une histoire qui n'a rien à voir avec celle du plutonium militaire. Sa logique est tout à fait différente puisqu'il s'agit d'une logique de recyclage et de récupération d'énergie.

La fabrication du MOX a donc débuté voici maintenant d'assez nombreuses années et nous avons un retour d'expérience que nous pouvons aujourd'hui considérer comme assez important. Le combustible MOX est un produit qui ne nécessite pas de R et D supplémentaires et il peut être mis en _uvre assez rapidement si nous souhaitons effectivement recycler du plutonium militaire.

La solution MOX entraîne la destruction pure et simple d'une partie importante du plutonium. Le combustible MOX introduit dans un réacteur civil nucléaire entraîne la destruction de 30 à 40 % du plutonium. La modification de la composition isotopique du plutonium restant fait qu'il n'est plus à apte ensuite à un usage militaire. Le plutonium après traitement et le plutonium militaire ont des caractéristiques isotopiques très différentes qui font que l'utilisation de plutonium de traitement à des fins militaires est très difficile. Du point de vue de l'irréversibilité, je crois que le MOX présente le caractère que nous souhaitons mais ceci est à l'étude côté américain comme côté russe. Chacun des spécialistes de chaque pays devra avoir un jugement définitif à ce sujet.

L'option MOX présente également un intérêt grâce à l'énorme potentiel énergétique du plutonium. Je rappelle qu'un gramme de plutonium représente environ deux tonnes de pétrole. Le retour économique peut se traduire par la vente d'électricité générée par l'utilisation du MOX ou par la commercialisation de l'uranium enrichi économisé par l'utilisation du MOX. Si l'on adopte le point de vue de la non-prolifération, il me semble que l'option MOX est effectivement l'option la plus irréversible connue à ce jour. Du point de vue de la maîtrise industrielle et des économies en ressources naturelles, l'intérêt de l'utilisation MOX du plutonium est je crois tout à fait important.

Il me semble que les choses sont assez claires d'un point de vue technique et scientifique mais je pense que Russes et Américains doivent avoir leur propre expertise sur le sujet.

Que peut apporter COGEMA au programme américain et au programme russe ? Nous pouvons mettre à disposition notre technologie de conversion du plutonium et de fabrication du MOX ainsi que le savoir-faire que nous avons accumulé dans la conception, la construction et l'exploitation des installations industrielles correspondantes. Nous avons aujourd'hui une expérience acquise à l'usine de La Hague mais également dans les trois usines que nous exploitons, deux directement et une indirectement. L'usine de Dessel en Belgique fabrique du combustible MOX. Nous exploitons directement les usines de MELOX et de Cadarache en France. Ces trois usines ont reçu, en particulier ces derniers mois, de très nombreuses délégations étrangères, notamment russes et américaines qui sont venues les visiter et qui ont pu se rendre compte d'une part des installations elles-mêmes et d'autre part de la qualité de la technologie ainsi que de la régularité du fonctionnement. Nous ne sommes pas du tout dans un fonctionnement de laboratoire ou d'unité pilote, nous sommes dans des fonctionnements d'usines classiques.

J'ai d'ailleurs reçu à MELOX au printemps dernier la visite du Ministre ADAMOV, Ministre du MINATOM. Richard MEZERVE, le nouveau Chairman de la NRC visitera MELOX à la fin de cette semaine.

Quel est l'état de nos discussions aujourd'hui avec les Américains ? À la suite de l'appel d'offres lancé en 1998, le DOE a choisi en mars 1999 un groupement d'entreprises franco-américaines dans lequel figure COGEMA qui est associé à DUKE ENGINEERING et à STONE&WEBSTER afin de mettre en _uvre l'option MOX aux U.S.A.

Le début des fabrications telles que le cahier des charges le prévoit dans cet appel d'offres est prévu en 2007 et l'utilisation du combustible est prévue dans quatre réacteurs, appartenant à l'électricien DUKE POWER. Cette utilisation doit être achevée en 2022. Voilà ce qui nous a été soumis comme cadre de travail.

COGEMA, avec le concours d'E.D.F., de FRAMATOME et de BELGONUCLÉAIRE, poursuit des travaux sur le contrat de base portant sur la conception des installations ainsi que sur la qualification du combustible. Ce contrat s'élève aujourd'hui à 130 M$ et mobilise environ 240 personnes par an pendant trois ans dans l'ensemble de nos entreprises. Le DOE a évalué l'ensemble du montant total du projet à 1,5 Milliard de $. Ce sont là des chiffres dont nous avons connaissance.

Je pense que ce contrat reconnaît l'avance européenne dans les technologies civiles de gestion du plutonium. Le choix du DOE revient à utiliser en pratique le procédé de fabrication MIMAS, développé et mis en _uvre par BELGO NUCLÉAIRE et COGEMA : la conception, la technologie, l'expérience de l'exploitation issue de l'usine MELOX que COGEMA a terminé de construire en 1995 seront également utilisées ainsi que la conception du combustible MOX, dérivée du savoir-faire de FRAMATOME et de COGEMA et des réacteurs similaires à ceux d'E.D.F. qui fonctionnent avec du combustible MOX depuis 1987. Le retour d'expérience est aujourd'hui de 13 ans.

S'agissant de notre contribution au projet russe, les discussions ont été engagées dès 1993 et s'inscrivent aujourd'hui dans le cadre de l'accord intergouvernemental, signé en 1998 par la Russie, l'Allemagne et la France. COGEMA y participe à la demande du Gouvernement afin d'apporter d'une part son expertise et d'autre part son assistance technique dans les études préliminaires au lancement du programme russe.

Les travaux menés dans le cadre de cet accord portent d'une part sur la conception de deux installations en Russie pour la conversion du plutonium, ce projet est nommé CHEMOX, et pour la fabrication du MOX, sur l'usine DEMOX, et d'autre part sur les études de qualification du combustible MOX pour le chargement en réacteurs russes existants (les VVER 1000 et BN 600) et enfin sur les études d'adaptation des réacteurs russes au chargement en MOX.

Les compétences et les technologies civiles développées dans ce domaine sont largement mises à contribution. CHEMOX fera clairement appel à des technologies mises en _uvre par COGEMA à l'usine de La Hague. Les études DEMOX reposent sur le même procédé MIMAS que j'évoquais tout à l'heure pour le combustible VVER 1000 ainsi que sur la technologie et l'expérience de MELOX et sur l'utilisation des équipements de l'usine allemande de Hanau appartenant à SIEMENS. La qualification du combustible MOX et l'adaptation des réacteurs russes font appel à l'expérience et aux compétences du CEA, de FRAMATOME, de SIEMENS et du GRS allemand. L'ENEA italienne a été mise dans la boucle plus récemment.

J'étais dimanche et lundi en Russie : j'ai longuement rencontré Monsieur ADAMOV et nous nous sommes bien sûr entretenus de ce sujet prioritaire. Le problème des ressources financières destinées à financer l'ensemble de ces projets est effectivement le point clé. J'ai cru comprendre que cette période se situant entre les deux sommets du G8 d'Okinawa et de Gênes correspondait à une période de grandes interrogations : le financement international serait-il ou non trouvé ? J'ai le sentiment que ces points d'interrogations qui ont commencé à se manifester suite au sommet d'Okinawa avaient tendance à se multiplier en ce moment. Je dirais que c'est peut-être la saison qui veut cela mais la question de confiance a été posée côté russe : « Existe-t-il véritablement une volonté du G8 ou non ? ». Voici ce que j'ai perçu.

J'ai perçu également que les Américains s'interrogeaient quant à eux sur le devenir de ce MOX russe fabriqué dans l'usine russe. Serait-il effectivement commercialisé en Europe et uniquement en Europe ou serait-il utilisé dans les réacteurs russes, tel que cela a été affirmé ?

Monsieur ADAMOV m'a clairement affirmé que la première utilisation de ce MOX était réservée aux réacteurs russes. Je pense que cette réponse très claire pourrait sans doute régler un certain nombre de questions posées ici ou là. Il me semble en tout cas important à ce stade que chacun puisse clarifier sa position afin que nous ne restions pas trop longtemps enfermés dans des interrogations réciproques qui finiraient par nuire fortement à la crédibilité de ce programme international.

Le coût global du programme russe est évalué à environ 1,7 Md$ dont près de la moitié sont des coûts d'investissement. Les annonces de contribution dont vous avez parlé ce matin représentent aujourd'hui entre 500 et 600 M$, sur les 830 M$ d'investissements nécessaires.

Ce point d'interrogation demeure : ce cap est-il résoluble ou non ? COGEMA n'est pas tout à fait indifférente à cette question puisque pour nous, entreprise, le fait de voir ou non ces programmes se développer est loin d'être neutre.

Après les coûts d'investissement, restent les coûts d'exploitation évalués à près de 900 M$ sur dix-huit ans. Il s'agit d'une très longue période.

Cette estimation, aujourd'hui retenue par les travaux du G8, me paraît quelque peu élevée, particulièrement en ce qui concerne l'usine DEMOX. Je pense que nous pouvons faire des efforts d'optimisation réelle et notre expérience sur nos propres fabrications indique que nous pouvons être plus optimistes au sujet de l'enveloppe nécessaire en termes de coûts d'exploitation.

Je crois que plusieurs voies peuvent être explorées au sujet du financement des coûts d'exploitation. Nous devons tenir compte de la valorisation de l'électricité produite par le MOX et de celle de l'uranium enrichi économisé grâce aux MOX. Cela signifie qu'une décision russe devra intervenir à ce sujet cette décision ne peut être prise que par les Russes.

Quant à la vente du combustible MOX russe à des réacteurs situés hors de Russie, il me semble que COGEMA doit être claire puisque l'on nous a prêté de nombreuses pensées sur le sujet. Il est très positif de bénéficier d'une concurrence la plus ouverte possible. Nous avons aujourd'hui un concurrent britannique, BNFL. Nous serions très heureux d'avoir un jour un concurrent russe. Tout doit s'opérer dans le respect des règles du commerce international et dans le respect des règles de sûreté qu'imposent les différentes autorités de sûreté nationale. Sous ces deux réserves évidentes que nous sommes tous prêts à respecter, je ne vois aucun problème et je dirais même que je ne vois que des avantages à ce que nous ayons un jour du combustible MOX utilisé dans les réacteurs un peu partout dans le monde, à partir de l'expérience du combustible MOX utilisé dans les réacteurs russes, dès lors que les deux éléments que je viens d'évoquer sont respectés c'est-à-dire le respect des règles internationales et le respect des autorités de sûreté. Le dernier élément est évident : il s'agit de trouver des clients. Le client choisit toujours en dernier ressort.

Il serait très complexe de faire de ce genre de sujets des préalables. Nous risquons de rendre encore plus complexe une situation qui l'est déjà naturellement si nous commençons à faire des préalables sur des sujets qui, de toute façon, concernent 2007, 2010 ou 2012.

Il me semble que si nous souhaitons être pratiques, il est clair que nous devons démarrer en utilisant comme prévu jusqu'ici les réacteurs russes disponibles. Un BN 600 et quatre à sept VVER 1000 sont disponibles selon les solutions envisagées. Ils suffisent aujourd'hui à traiter la totalité des 34 tonnes de plutonium russe déclaré en excès dans les délais impartis. Nous devons démarrer à partir de ce schéma, sachant que des évolutions quelque peu différentes surviendront peut-être.

Si le rythme du recyclage décidé était nécessairement plus rapide et si les capacités industrielles mises en place le permettaient, les conditions de la vente à l'étranger du MOX russe devraient pouvoir être regardées dans le respect des conditions évoquées.

Lorsque nous observons les différents sujets terme à terme, l'ensemble de ce programme des deux côtés de l'Atlantique est certes complexe mais il me semble qu'une réelle volonté politique et qu'une solution de financement, trouvée au sein du G8 ou en dehors, permettraient d'indiquer la voie et les moyens possibles afin d'y parvenir.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Madame LAUVERGEON. Monsieur l'Académicien PONOMAREV-STEPNOÏ, puis-je vous demander d'intervenir ?

M. PONOMAREV-STEPNOÏ. - La question de l'élimination du plutonium de qualité militaire est en effet une question fort importante. Je reviendrai sur la question de la vitrification. Ce procédé ne permet pas la destruction du plutonium. Il le transforme sous une autre forme qui rend plus difficile l'extraction du plutonium mais notre expérience indique qu'il est toujours possible de récupérer ce que nous souhaitons récupérer, quelle que soit la forme de fixation et d'immobilisation. La vitrification ne permet pas de résoudre ce problème afin de rendre le plutonium irrécupérable.

Pour ce qui est de brûler ce plutonium militaire dans les réacteurs, nous avons effectué des comparaisons sur trois options de combustion du plutonium par les réacteurs à neutrons rapides, par les réacteurs du type à eau légère et par les réacteurs à hélium.

Il convient de dire que nous obtenons des résultats différents. Dans quelle mesure avons-nous détruit ce plutonium militaire ? Nous limitons spécialement le réacteur rapide BN 800, de façon à ce que nous ne puissions pas reproduire ce plutonium. Il n'existe pas de régénération du plutonium avec le BN 800. Nous détruisons uniquement 17 % du plutonium de qualité militaire 239 en le faisant passer plusieurs fois dans ce réacteur.

Si nous utilisons le MOX dans les réacteurs du type à eau sous pression ou à eau légère, nous détruisons alors 60 % de plutonium 239.

La troisième variante concerne le réacteur à hélium étudié à cette fin, que nous avons déjà évoqué aujourd'hui et qui permet, en le faisant passer plusieurs fois dans ce réacteur, de détruire 90 % du plutonium. Nous obtenons un produit ne contenant plus de plutonium. Dans les autres cas, une partie du plutonium initial demeure dans le produit final et nous pouvons l'extraire, à condition de le recycler, comme le fait COGEMA dans ses usines.

C'est une question de fond. Devons-nous détruire ce plutonium ou devons-nous le dissimuler, le transformer, le convertir sous une forme qui le rende difficilement utilisable ?

À cet égard, en effet, la question concerne l'évolution du risque. Quel est le degré de risque concernant la possibilité d'extraire le plutonium des produits finaux ? Il n'existe plus de risque si le plutonium est détruit par un modérateur à hélium. Le plutonium est supprimé par ce procédé mais les autres procédés ne détruisent pas tout le plutonium dont une partie peut être récupérée. En conclusion, je dirais qu'en principe les réacteurs du type à neutrons rapides sont polluants pour ce plutonium initial et les réacteurs à eau pressurisée ou légère le transforment en standard de combustion. L'Académie des Sciences américaines n'a pas encore réussi de manière définitive à définir ce fameux standard du combustible irradié. En revanche, dans les modérateurs à hélium, nous sommes certains de détruire le plutonium. Merci.

M. KOUTCHINOV. - Je souhaiterais élargir quelque peu l'examen de cette question car lors de mon intervention de ce matin, j'avais indiqué que le plutonium n'est pas seulement un ennemi de l'humanité mais qu'il s'agit également d'une matière première très utile sur le plan énergétique, qui a de la valeur. Il ne s'agit pas simplement de se fixer comme objectif de le détruire totalement.

Nous devrions étudier ce sujet sous un angle différent. Le désarmement constitue bien évidemment la priorité et l'objectif essentiel. Nous devons extraire ce plutonium et essayer de l'utiliser d'une façon telle qu'il ne soit ensuite plus possible de l'utiliser sous forme militaire. Nous devons néanmoins profiter de ce plutonium et utiliser ses qualités énergétiques qui doivent nous être utiles. Que ferons-nous du combustible irradié une fois qu'il sera passé dans ce réacteur à eau légère, même si nous en détruisons 60 % et que sa composition isotopique a été modifiée ? Que se passera-t-il ? Nous l'enfouirons sous forme de déchet sous des formations géologiques. Que ferons-nous ensuite avec ce combustible irradié ? Cette question n'est pas simple et nous y reviendrons par la suite. L'hélium est très utile mais à nouveau, que faire de ces déchets ? La Russie cherche à savoir comment utiliser au mieux le plutonium dans les réacteurs rapides.

Les réacteurs à neutrons rapides seraient peut-être plus efficaces et permettraient de résoudre à l'avenir la question des déchets. Nous devons également tenir compte de ces éléments. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur KOUTCHINOV. J'ai deux questions pratiques peut-être destinées à Monsieur PONOMAREV-STEPNOÏ : par-delà le schéma qui nous a été présenté ce matin par Monsieur KOUTCHINOV sur le processus visant à fabriquer du combustible MOX en Russie, certains laboratoires travaillent-ils d'une manière effective ou en est-on aux études papier ? Fabrique-t-on déjà du MOX en Russie ? A priori oui puisque les Canadiens en ont reçu quinze kilos. Si l'on en fabrique, où est-il brûlé ? Où est-il utilisé ? Dans quels réacteurs ? Est-il fabriqué pour la recherche ou pour la production d'électricité ?

M. PONOMAREV-STEPNOÏ. - La Russie a en effet une certaine expérience du combustible MOX, en particulier avec du combustible MOX produit à partir de plutonium militaire et avec des caractéristiques proches de celui-ci. Ce plutonium était utilisé dans des réacteurs du type BN mais il s'agit d'une expérience limitée.

S'agissant des réacteurs WWER, nous ne disposons que d'échantillons de MOX de laboratoires. Des essais ont été effectués mais ils ne peuvent servir de base pour le lancement d'une production industrielle. C'est la raison pour laquelle nous pensons aux technologies COGEMA afin de produire du MOX. Il ne s'agirait cependant pas d'une transposition mécanique des technologies COGEMA en Russie. Vous n'êtes pas sans savoir que les revêtements des réfrigérateurs ne s'adaptent pas à nos pastilles. Les pastilles sont différentes en Russie. Voilà pourquoi il nous faut conduire des études en profondeur afin de pouvoir utiliser des pastilles COGEMA dans nos réfrigérateurs et dans nos assemblages.

Néanmoins, ce procédé n'est pas simple. Je suis cependant optimiste et j'aimerais dire que les travaux de cette matinée consacrée aux aspects stratégiques et politiques du problème indiquent assez que ce sujet est le plus sérieux et le plus complexe. C'est la raison pour laquelle nous trouverons des solutions techniques.

Mme LAUVERGEON. - Pour reprendre ce qu'a dit Monsieur l'Académicien, nous n'avons pas la même géométrie de pastilles. L'adaptation n'est pas difficile mais est effectivement nécessaire en fonction du procédé tel qu'il fonctionne aujourd'hui. Elle ne paraît cependant pas hors de portée.

M. PONOMAREV-STEPNOÏ. - Nous pouvons le faire ensemble.

M. LE PRÉSIDENT. - Y a-t-il des questions dans la salle ? D'après mes souvenirs, les études théoriques pourraient être conduites par l'Institut KOURTCHATOV et la réalisation pourrait être prise en charge par le MNIEM ?

M. PONOMAREV-STEPNOÏ. - Non. J'aimerais préciser que les technologies de combustible MOX, les pastilles et les éléments combustibles sont gérés par l'Institut BODJVAR qui est responsable de ces aspects.

Quant à l'Institut KOURTCHATOV, il définit les spécifications de ces éléments ainsi que les conditions d'utilisation de ce combustible dans la zone active.

L'institut NIAR, dans la région de la Volga, participe à ces études et met au point des méthodes nouvelles de production de combustible MOX.

M. LE PRÉSIDENT. - Madame LAUVERGEON, vous avez indiqué tout à l'heure que vous n'étiez pas opposée à ce qu'il y ait des concurrents sur le marché. Nous sommes tout de même ici dans un schéma assez particulier dans la mesure où vous disposerez du plutonium extrait des stocks militaires. Le calcul du prix de revient tient compte du prix de la matière première, des coûts des transformations et de la marge éventuelle restant au commerçant pour gagner sa vie.

Dans ces conditions, comment calculer le coût de la matière première ? Sera-t-il nécessaire de prendre en compte le coût de la mise au point du plutonium de qualité militaire ainsi que le coût de son maintien en bon état de fonctionnement ? Il me semble me souvenir mais je ne garantis pas le chiffre que le maintien des armes coûterait par exemple à la Russie 4$ par gramme de plutonium militaire et par an. Comment ensuite calculer un coût de revient ?

Mme LAUVERGEON. - Nous ne pouvons affirmer aujourd'hui ne pas vouloir d'un concurrent. Les clients sont tout d'abord nécessaires. C'est donc au client de décider, revenons tout de même aux éléments de base du sujet ! J'évoquais en outre le respect des règles du commerce international. Si l'ensemble de l'usine est financé par des financements internationaux et si une partie des frais de fonctionnement est également couverte directement ou indirectement par ce type de financements, nous devrons établir des règles sur les prix du marché afin de ne pas nous retrouver en concurrence avec un dumping effectif sur de tels sujets.

Nous sommes de parfaite bonne foi. Je crois que c'est une attitude nécessaire. Nous ne nous replions pas sur nos technologies en déclarant que nous souhaitons être les seuls et que nous souhaitons garder nos savoir-faire et nos marchés. Nous devons être ouverts, nous devons tous jouer le jeu. Cet aspect fait partie des discussions technologiques nécessaires concernant la façon dont la commercialisation pourrait avoir lieu mais, je tiens à le dire, dans un esprit vraiment ouvert.

Revenons cependant aux éléments de base : nous devons avoir des clients et les autorités de sûreté ont également leur mot à dire à ce sujet puisque le chargement d'un nouveau combustible est toujours un sujet qu'il leur appartient d'autoriser ou non.

Anne BOER, Journal les Échos. - Je suis très ignorante de ces sujets mais j'ai l'impression d'être sur la planète Terre et d'entendre parler des personnes de la planète Mars. Madame LAUVERGEON nous parle par exemple de 900 Millions de $ de frais d'exploitation sur dix-huit ans, en partie couverts par les puissances étrangères, tout cela afin que nous prenions en charge du plutonium et donc de l'énergie de la Russie qui a tout de même une souveraineté. J'ai du mal à comprendre comment nous pouvons envisager de tels schémas et sous quelle articulation, ne serait-ce qu'en termes de souveraineté de chaque état.

Vous parlez ensuite de la concurrence du MOX russe possible mais nous constatons que nous ne parvenons pas même à renvoyer les déchets chez notre voisin allemand. Comment pouvez-vous envisager qu'un jour les populations française, belge, italienne accepteront de brûler du MOX d'origine militaire avec du plutonium en provenance de la Russie ? Cela me paraît difficilement concevable.

Mme LAUVERGEON. - S'agissant de la première partie de la question, je fais simplement état des discussions qui ont lieu dans le cadre du G8 et de l'état des évaluations effectuées par les experts du G8. Je n'ai pas dit moi-même qu'il fallait 900 Millions de $ de frais de fonctionnement sur 18 ans. Je n'en ai aucune idée, je n'ai aucune expertise sur le sujet. Tel est aujourd'hui l'état des discussions entre experts.

Anne BAUER. - L'état des centrales en Russie pose des problèmes et l'exploitation des équipements en Russie, même les plus primaires, soulèvent actuellement des doutes dans les autres pays occidentaux.

Mme LAUVERGEON. - Vous ne devriez peut-être pas vous adresser à moi en l'occurrence. Concernant le point sur lequel vous m'interpelliez à savoir les chiffres dont j'ai fait état, il s'agit des chiffres internationaux qui sont aujourd'hui les chiffres des discussions de base entre pays. Une entreprise n'a pas à dire si ces chiffres sont bons ou non ni qui paiera. Ceci n'est pas mon sujet.

Anne BAUER. - Je pose donc la question à l'Ambassadeur des États-Unis.

M. LE PRÉSIDENT. - Je ne sais si Michaël GUHIN peut vous apporter une réponse. Pour la clarté du débat, il faut savoir que s'il est envisagé d'utiliser du combustible MOX dans les réacteurs russes, il s'agit des sept réacteurs VVER 1000 qui sont les WWER de la dernière génération en exploitation. Cela demande peut-être une petite précision, en regard de la nature de votre question.

Qui pourrait répondre du côté des États-Unis, concernant la création d'un marché du MOX ? Peter LYONS ou Michaël GUHIN ?

M. GUHIN. - Tout d'abord je souhaiterais insister sur ce qui a déjà été dit. Y a-t-il des clients ? Ceci est un premier point. Je poserai la question de manière légèrement différente : y a-t-il des pays en dehors de la Russie qui souhaiteraient participer activement à ce désarmement en brûlant du plutonium de qualité militaire russe ?

Il ne s'agit pas stricto sensu d'une question économique. Il s'agit pour l'essentiel d'une question de désarmement, d'une question politique.

Si un pays souhaite faire de la sorte, nous aborderons l'aspect économique. La deuxième question d'ordre économique reconnaît qu'aucun producteur en dehors de la Russie ne souhaitera payer davantage pour ce combustible MOX qu'il ne devrait payer pour un combustible qu'il peut obtenir sur le marché de l'uranium. Ceci nous amène à la question suivante : comment assurer la quadrature du cercle ? Il est bien évidemment plus coûteux de produire ce combustible MOX puisqu'il n'est pas compétitif avec de l'uranium.

S'agissant des marchés en dehors de la Russie, Nous ne savons pas encore dans quelle mesure ces pays sont prêts. Nous avons constaté certaines manifestations d'intérêt exprimées ici ou là, il s'agit d'intérêt potentiel. Nous avons encouragé les pays à s'intéresser à ce problème. Comme je l'ai expliqué ce matin, nous avons encouragé les pays à le faire car vingt ans voire plus seront nécessaires pour brûler ce plutonium si nous constatons que nous ne pouvons brûler que deux tonnes par an en Russie. Si en revanche nous disposons d'une poignée de réacteurs supplémentaires en dehors de la Russie, c'est-à-dire six, sept ou huit réacteurs, cette durée pourrait être réduite de moitié. Nous pourrions alors dégrader le plutonium en moitié moins de temps. C'est la raison pour laquelle nous sommes intéressés par cette possibilité.

Je voudrais revenir à un point sans doute préoccupant pour la COGEMA et pour toute industrie dans le monde : nous ne créerons pas ou nous ne subventionnerons pas un concurrent afin de développer les marchés MOX dans le monde. Ce n'est pas ce que nous souhaitons faire. Dans le contexte du G8, nous nous efforçons de trouver le moyen le plus efficace, le plus sûr, le plus performant, le plus rapide permettant d'avoir une combinaison de dégradation en Russie avec une incinération en dehors de la Russie. C'est une possibilité éventuelle. Nous devons bien sûr examiner les lois sur les échanges, les intérêts des différents pays. Nous devons cependant étudier cette possibilité très soigneusement puisqu'elle présente l'avantage d'écourter ce laps de temps. Comme je l'ai dit ce matin, il ne s'agit pas uniquement de ces 34 tonnes. Une élimination minimale de deux tonnes par an nécessiterait plus de vingt ans après la construction des installations, qui nécessitera elle-même six à sept années. Nous espérons que des stocks supplémentaires seront d'ici là déclarés en excédent. Il existe des tonnes de matières dans les programmes d'armements. Les progrès dans le désarmement peuvent se traduire par davantage de matières en excédent, ce qui implique bon nombre de conditions pour aller de l'avant et pour traiter cette matière. Il ne s'agit pas de créer des marchés mais bien d'assurer cette fonction de désarmement.

M. LYONS. - J'ai parlé au nom du Sénateur DOMINICI. Il a utilisé le terme de fenêtre d'opportunité c'est-à-dire que les relations entre nos différents pays sont aujourd'hui parvenues à une période durant laquelle la Russie est prête à participer à ces discussions. Le Sénateur DOMINICI est préoccupé car nous ne savons pas combien de temps cette fenêtre d'opportunité restera ouverte. Nous espérons qu'elle le restera longtemps mais nous ne le savons pas. C'est la raison pour laquelle il s'est déclaré très intéressé par la possibilité d'augmenter le taux d'élimination ou de transformation du combustible MOX dans les réacteurs.

M. KOUTCHINOV. - Je souhaiterais ajouter quelques mots pour répondre à la journaliste des Échos. J'espère qu'elle est allée en Russie et qu'elle connaît... C'est à vous que je réponds, Madame, quant à la sécurité des installations russes. J'ignore la date de votre dernière visite en Russie. Avez-vous pu apprécier le niveau de sécurité réelle des installations russes pour en juger ?

Statistiquement parlant, les réacteurs en Russie sont au top niveau de la sécurité pour ce qui est du nombre des arrêts non planifiés. S'il s'agit de critère objectif, je ne crois pas que vous ayez des raisons d'inquiétude. Il en est de même pour l'ensemble des installations du cycle ducombustible.

S'il s'agit en revanche de souveraineté, s'il s'agit de financements étrangers, ces questions concernent l'aspect politique. Il s'agit en quelque sorte du prix du désarmement. Comme je l'ai indiqué ce matin, le plutonium est un carburant de grande valeur : nous ne sommes pas pressés de le brûler mais puisqu'il faut désarmer, nous sommes disposés à nous en servir comme carburant pour les réacteurs à eau légère sans pour autant considérer qu'il s'agisse d'un recyclage utile. Nous nous engagerons dans cette voie à condition que le financement de ce programme soit réalisé avec la participation de sources de financement étrangères. Ce financement proviendra des contribuables ou de la manifestation d'une volonté politique de réaliser ce processus sur des bases pour ainsi dire commerciales. C'est l'une des solutions qui pourront être trouvées suite à l'analyse en profondeur du problème. Merci.

Anne MAC LACLANN, journaliste au Nuclear Nextweek. - La déclaration de Monsieur KOUTCHINOV répond à ma question qui s'adressait à Madame LAUVERGEON. Le MINATOM a appelé voici quelque temps à un partenariat privé pour la commercialisation des combustibles produits en Russie. Vous avez vous-même indiqué que nous devions réfléchir aux modalités de la commercialisation de ces produits.

Ma question est la suivante : si le combustible produit en Russie est exporté dans vos marchés, peut-on envisager des contreparties d'une autre nature telles que la participation de la COGEMA à une société de leasing du combustible MOX ou non MOX et sous quelles conditions ?

Mme LAUVERGEON. - Vous allez très vite ! Nous n'en sommes pas là. Nous sommes au niveau international côté américain, côté russe et au niveau du G8. La faisabilité d'un programme donne lieu à des discussions politiques. Les décisions politiques doivent être prises, les financements internationaux doivent être trouvés. À partir de là, il me semble que nous devrons effectivement étudier les conditions dans lesquelles les technologies dont nous avons parlé pourront être transférées en tout ou partie. Ces discussions n'ont absolument pas commencé. L'idée que vous venez de formuler n'a pas été explorée.

M GOROBVSOV, AMBASSADE RUSSE À PARIS. - J'aimerais reformuler ce qui vient d'être dit. Monsieur GUHIN, vous avez indiqué que votre objectif n'était pas de développer le marché du combustible MOX. Souhaitez-vous alors liquider ce marché des combustibles en incinérant ou en brûlant tout le plutonium russe ? Avez-vous bien compris ma question ?

M. GUHIN. - Je le crois. J'essaierai d'y répondre. Lorsque j'ai indiqué que nous ne cherchions pas à créer un marché artificiel afin de commercialiser la plus grande quantité de MOX possible, ce n'est pas ce qui nous intéresse en effet. Cela ne concerne pas notre activité et cela ne se produira pas car ce n'est pas concurrentiel, certainement pas dans les conditions actuelles.

Je dois cependant dire clairement que nous cherchons comment trouver un marché suffisant mais suffisamment surveillé afin d'accomplir la mission de désarmement que nous nous sommes assignés.

Vous avez dit que j'avais envie de liquider le marché : non, nous n'avons absolument pas de telles intentions. Je l'ai dit dans ma déclaration, nous ne souhaitons pas interférer sur les marchés existants car cela ne servirait pas les intérêts de tous nos partenaires, nous ne trouverions pas d'équilibre.

Nous devons trouver une solution à l'élimination du plutonium afin d'accomplir cette mission de désarmement mais cette solution doit servir nos intérêts à tous. Nous supposons que tous nos partenaires contribueront à ce programme et nous souhaitons qu'ils aient un intérêt à participer à ce programme. Nous ne parlons pas de liquider des marchés ni de les bouleverser.

Nous essayons de dégrader le plutonium aussi vite que possible. J'espère que nous serons tous d'accord pour dire que si nous avions des tonnes de la matière militaire la plus sensible du monde dans cette pièce, que choisirions-nous de faire ? Déciderions-nous de nous en débarrasser en dix ans, en vingt ans ou en cinquante ans ? Nous essayerions de le faire en tenant compte de nos intérêts commerciaux, politiques et économiques et bien évidemment, nous essayerions de le faire aussi vite que possible. Merci.

Mme LAUVERGEON. - Je souhaiterais faire une mise au point sur la confusion naissante entre des décisions politiques à prendre ou non, nous le verrons, et l'aspect industriel et commercial.

S'agissant de la rentabilité, nous devons savoir de quelle rentabilité nous parlons. L'activité MOX de COGEMA est aujourd'hui une activité que l'on doit considérer dans le cadre général de nos activités de retraitement et de recyclage or l'équation générale retraitement recyclage est aujourd'hui une activité rentable de COGEMA. C'est un premier point qui devait être clarifié.

S'agissant en revanche du marché militaire, nous partons du plutonium militaire et nous l'utilisons ensuite comme combustible MOX dans une centrale nucléaire civile. Il me semble que l'équation indique clairement que le bilan n'est pas vraiment rentable concernant l'effort de fabrication de plutonium militaire ainsi que son recyclage et sa destruction dans du combustible MOX civil.

Nous devons prendre garde à cet aspect, nous parlons d'un côté de la rentabilité du retraitement, recyclage. Cette activité est effectivement rentable. La rentabilité du cycle est cependant difficile à apprécier si nous parlons en revanche de la fabrication de plutonium militaire et de sa destruction par le MOX.

Les interrogations des uns et des autres indiquent assez le danger de compter la valeur du plutonium militaire comme étant nulle et de compter l'investissement des usines de fabrication de MOX comme pratiquement nul puisque ces usines ont été mises en place à partir de financements internationaux. Ce projet risquerait d'échapper à toute réalité économique si nous utilisions ce MOX comme une sorte de devoir collectif. Il s'agirait alors d'une véritable menace pour l'ensemble du système de retraitement et de recyclage de déchets.

C'est une vraie question que nous connaissons bien et que nous cernons bien. Nous devons cependant éviter la confusion entre deux types de rentabilité fort différents. Nous devons être clairs : COGEMA prend un risque commercial en étant prête ici à discuter de l'utilisation de ces technologies si nous parvenons à un accord politique ainsi qu'à un accord sur les financements.

Nous sommes cependant devant une opportunité historique : la partie russe, la partie américaine comme le gouvernement français en sont convaincus. Saisirons-nous ou non cette opportunité historique de détruire du plutonium militaire ? C'est également pour nous, entreprise ayant un devoir de rentabilité, une occasion de valoriser les technologies que nous avons développées mais avec un risque commercial ultime.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Peut-être reviendrons-nous sur le sujet mais avant que le Ministre n'arrive d'ici dans un quart d'heure, je souhaiterais demander à Jean-Daniel LÉVI s'il peut déjà nous présenter le Réacteur Haute Température. Ceci nous permettrait, au moment de l'arrivée du ministre, d'avoir en mémoire l'ensemble des options existantes pourrait ensuite susciter le débat.

M.Jean-Daniel LÉVI, Directeur-Général de Framatome. - Je pense que nous pourrions demander à Monsieur BLUE, qui est le Président de GENERAL ATOMICS et qui est venu spécialement, de nous faire cette présentation. Nous avons également préparé un état d'avancement du projet présenté par Michel LECOMTE. J'avais l'intention d'intervenir après sa présentation mais cela dépendra du temps dont nous disposerons.

M. LE PRÉSIDENT. - Pourrions-nous avoir une présentation de GENERAL ATOMICS en 10 ou 12 minutes environ ?

M. BLUE Vice-Chairman de General atomics. - Je souhaiterais vous présenter quelques transparents afin de vous montrer la logique de ce sujet. Je dois dire que c'est un grand plaisir d'être à Paris pour parler de questions nucléaires. Nous passons beaucoup de temps aux États-Unis dans des bunkers, loin de l'opinion publique qui ne nous est pas très favorable de nos jours. Il est tout de même très réconfortant de venir dans un pays dans lequel 75 ou 80 % de l'électricité est produite par le nucléaire avec tous les avantages que cela comporte pour l'environnement.

Je vous retracerai l'historique de ce réacteur qui est le résultat d'efforts internationaux. Son prototype a été développé au Royaume-Uni et se nommait Dragon. Nous avons ensuite développé l'AVR en Allemagne. Le premier prototype américain était Peach Bottom près de Philadelphie puis ensuite Fort ST Vrain dans le Colorado et le dernier se trouve en Allemagne.

Suite à ces prototypes moyennement réussis mais qui avaient tout de même des caractéristiques techniques absolument remarquables, nous nous sommes posé la question de grandes centrales. Le Congrès américain nous a demandé d'étudier plus sérieusement de petits réacteurs modulaires, nous avons donc étudié l'option de la turbine à vapeur puis finalement les turbines à gaz et à hélium.

Voici comment nous en sommes arrivés là : Peach Bottom a tout d'abord débuté en 1959. Vous savez que toutes les bonnes choses prennent du temps. Le plus grand réacteur a été produit dans le début des années 1970, ce qui a également coïncidé avec un embargo sur le pétrole. Vous savez ce qui s'est passé à l'époque et le Congrès a alors choisi des réacteurs plus petits.

En 1993, nous avons déplacé notre centre d'intérêt vers la Russie. Nous avons eu des discussions avec MINATOM en particulier. L'idée en Russie était de brûler le plutonium dans une des grandes centrales. L'électricité et le chauffage urbain étaient nécessaires. Une centrale était intéressée et son système semblait absolument parfait pour ce projet. FRAMATOME et FUJI ELECTRIC sont ensuite rentrés dans ce projet et le programme a véritablement démarré en 1998.

Le HTGR est ainsi devenu une véritable option pour l'élimination du plutonium.

Pour ce qui est du GT-MHR, je pense que c'est une véritable opportunité. Nous disposons d'un prototype qui fonctionnera en 2009 et nos quatre premières unités seront disponibles en 2012. Les installations d'élimination seront de deux à trois tonnes par an, sachant que le plutonium pur ne doit pas être dilué. Nous avons par conséquent un facteur de 20 à 1 concernant l'élimination.

En grande partie grâce au Sénateur DOMINICI qui a pris cette initiative, Le Congrès américain a lancé le financement de ce projet à raison de 5 M$. Il ne s'agissait pas d'une somme très importante mais elle constituait un bon départ. 10 M$ seront consacrés à ce projet en 2001. C'est un pas dans la bonne direction. L'une des grandes vertus de ce programme est que les Russes ont mis des fonds équivalents à ceux provenant des États-Unis, de France et du Japon. Quelques 600 personnes travaillent actuellement à ce programme en Russie. L'aide dépendra à l'avenir de la coopération et de ce que nous obtiendrons de la France, du Japon ainsi que du Congrès américain.

J'aimerais résumer cela en posant une question. Le GT-MHR a tout de même des caractéristiques de sécurité absolument exceptionnelles. Nous sommes très fiers de ces caractéristiques en matière de sécurité notamment en France et dans la plupart des pays du monde. Nous n'avons eu à déplorer que quelques petits incidents. Un réacteur à gaz ne permet cependant pas de fusion, il a d'énormes capacités de combustion de plutonium et une très grande efficacité. L'efficacité du réacteur à gaz permet cependant de couvrir une grande partie des coûts de la destruction du plutonium. Nous supposons que la Russie et d'ailleurs la plupart des autres pays du monde utiliseront l'électricité pendant de longues années encore et l'inclusion du concept GTMHR serait nécessaire aux capacités de production d'électricité, ce réacteur, qui rendrait le programme très économique. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Si j'ai bien compris, Monsieur LECOMTE souhaite compléter cet exposé ?

M. Michel LECOMTE, chargé du projet GTMHR à framatome. - Je suis responsable des Études Nucléaires Avancées à FRAMATOME. Je voudrais mettre en perspective un complément d'information à ce que vient d'indiquer Monsieur BLUE. Je voudrais rappeler que l'option que nous proposons avec le réacteur GT-MHR est une option complémentaire de l'aspect MOX que nous évoquions tout à l'heure.

Il a été plusieurs fois répété que les réacteurs en Russie ne sont actuellement pas capables de brûler tout le plutonium existant à un rythme qui peut être apprécié comme étant suffisant. Je lisais encore ce matin que des négociations ont lieu aujourd'hui et demain entre Russes et Américains afin d'augmenter le rythme de destruction. Les Américains plaident pour un « expansion Program ». Les 34 tonnes ont de fortes probabilités de devenir beaucoup plus, peut-être 100 tonnes ou plus. Les réacteurs actuels WWER qui utiliseront le MOX ont des temps de vie limités. Nous devrons par conséquent construire de nouveaux réacteurs, des WWER ou d'autres, si nous souhaitons faire disparaître ce plutonium.

Nous proposons l'option GT-MHR dans le cadre de cette autre option potentielle. Monsieur BLUE vous a indiqué que les réacteurs HTR avaient une base technologique assez ancienne. Je ne reviendrai pas sur le sujet. Ce type de réacteurs est à présent bien connu et expérimenté en Allemagne et aux États-Unis. Il existe également une base expérimentale en Russie.

Le schéma que nous essayons de proposer peut être simplifié : le combustible issu des armes est converti en microparticules mesurant quelques centaines de microns, c'est-à-dire à peu près la taille d'une pointe BIC. Tel est le combustible des réacteurs HTR. Nous le préparons afin de le mettre en forme finale et nous l'insérons dans un réacteur type HTR. Ce type de combustible n'utilisant pas de métal, il est placé dans une matrice apte au stockage définitif, comme pour le procédé de la vitrification. Par conséquent, aucun traitement n'est nécessaire avant sa mise en place dans un site géologique final.

Quels sont les avantages de l'option HTR ? Je ne vous l'expliquerai pas en détail car nous manquons de temps mais je rappellerai cependant un certain nombre de caractéristiques. J'ai préparé sur transparent une illustration de la question précédemment traitée par Monsieur PONOMAREV-STEPNOÏ concernant les capacités des différents types de réacteurs à consommer le plutonium. Pourquoi le GT-MHR est-il efficace pour brûler le plutonium ? Le gainage de ses micros particules est constitué de carbure de silicium. Vous devrez accepter ma parole pour les caractéristiques physiques de ce matériau qui sont nettement supérieures à celles des métaux. Le carbure de silicium ne constitue pas le gainage des autres types de combustibles des autres réacteurs, il permet des taux de combustion très élevés c'est-à-dire 5 à 10 fois ce que l'on obtient actuellement avec des réacteurs à eau. Nous avons même obtenu expérimentalement 15 fois ce taux. Il s'agit de plusieurs centaines de milliers de mégawatts jour par tonne. C'est un élément très important car il conduit à obtenir une dénaturation particulièrement importante du plutonium en sortie, après un seul passage en réacteur. Monsieur PONOMAREV-STEPNOÏ a parlé de plusieurs passages, c'est un lapsus, un seul passage suffit.

Pourquoi peut-on insérer du plutonium pur dans le c_ur de ce réacteur et non pas du MOX ? Parce que le modérateur est totalement indépendant du réfrigérant. Le modérateur n'est pas perdu en cas d'accident puisqu'il est composé de graphite, contrairement à d'autres types de réacteurs. Le graphite apporte des propriétés physiques spécifiques à ce type de c_ur qui permettent de charger le c_ur en plutonium pur. La fabrication du combustible entraîne alors vingt fois moins de matière lourde que la fabrication du MOX et est par conséquent moins chère puisque le prix est fortement lié à la quantité de matière lourde manipulée.

L'uranium étant absent, il ne se produit pas de régénération de plutonium dans la matrice. Seul le plutonium est traité. Telles sont les deux caractéristiques très rapidement résumées de ce type de réacteurs. Elles sont essentielles afin de comprendre l'intérêt de brûler le plutonium dans ce type de réacteurs. Pour illustrer la question évoquée tout à l'heure, voici la composition isotopique de plutonium issu des armes, à peu de choses près : 93 % de plutonium 239.

Tels sont les chiffres obtenus après vitrification et immobilisation. Il sera toujours possible de récupérer ce plutonium et d'en faire des armes si l'on fournit suffisamment d'efforts. Il n'existe aucun doute à ce sujet. La chimie permet de récupérer tout ce que l'on souhaite. Dans un réacteur rapide, plusieurs passages permettraient de brûler davantage de plutonium mais le procédé deviendrait plus complexe car il serait alors nécessaire de procéder à de nombreux retraitements. Comme l'a dit Monsieur PONOMAREOV-STEPNOÏ tout à l'heure, 17 % seulement du Pu 239 est consommé et ce Pu 239 est le composant principal de l'arme.

Si nous procédons au passage en réacteur à eau, nous diminuons ce composant de l'ordre de 50 %. Monsieur l'Académicien a parlé de 60 % : cela dépend du taux de combustion appliqué. Il ne reste rien si nous procédons à un passage en réacteur de type HTR. Voici brièvement résumée la raison physique pour laquelle ce type de réacteurs est particulièrement attractif.

Pourquoi développer ce réacteur avec les Russes ? Outre le fait que les armes sont en partie localisées en Russie, il existe en Russie une base technique et technologique très appropriée à ces travaux. Certaines boucles d'essais à hélium de forte puissance existent déjà. Elles avaient été construites du temps de l'Union Soviétique et sont en parfait état de fonctionnement. Quasiment tout le nécessaire aux essais de composants se trouve sur place.

En outre, comme l'a dit Monsieur BLUE, le programme actuel emploie déjà 500 à 600 personnes. Il emploie essentiellement des scientifiques et des ingénieurs auparavant dédiés à l'élaboration des armes. Il s'agit par conséquent d'une façon de fixer le personnel.

Les besoins en électricité et en chauffage urbain existent localement. Je n'ai pas le temps d'expliquer pourquoi mais le concept du réacteur permet de récupérer la chaleur sans perdre de rendement électrique. Ce rendement électrique est assez élevé puisque nous obtenons 47 % de rendement sur ce type de centrales. La chaleur de rejet permet d'alimenter en partie le chauffage urbain sans affecter le rendement électrique, ce qui est exceptionnel car la chaleur de rejet se trouve à une température de l'ordre de 100° C.

Ce type de développement permet par conséquent d'accomplir les fonctions suivantes : nous éliminons de façon très efficace le plutonium militaire, nous fixons les professionnels de l'armement sur place et nous produisons l'électricité et la chaleur. La carte ci-jointe vous indique les différents acteurs de ce programme tels que GENERAL ATOMICS, plusieurs laboratoires à Moscou dont le Laboratoire KOURTCHATOV et le VNIINM Ce dernier met en _uvre l'élaboration du combustible. Les réacteurs qui produisaient jusqu'à présent du plutonium se trouvent à Seversk. Nous y installerions ces nouveaux réacteurs afin de brûler le plutonium. Nijny Novgorod est l'Institut principal chargé de la coordination de l'ensemble des activités en Russie. Nous avons également un partenaire japonais qui est FUJI ELECTRIC.

Ce type de réacteurs possède des antécédents qui ont prouvé sa faisabilité mais un certain nombre de composants nécessitent néanmoins d'être développés afin de mettre en place un réacteur à cycle direct à turbine à gaz. J'ai brièvement rappelé les point critiques pour lesquels la qualification reste à effectuer. Les combustibles à très haute combustion ont été prouvés sur des échantillons mais ce procédé doit être testé à grande échelle. Nous avons par conséquent un travail de qualification. Nous avons des turbocompresseurs puisqu'il s'agit d'un système à turbine à gaz. Ce système n'existe pas sur le marché mais cela ne présente pas a priori de problèmes majeurs. Ce système doit cependant être mis en place et testé, comme tout élément qui n'a jamais été mis en place. Le récupérateur est un échangeur gaz-gaz assez performant. Nous avons réalisé notre troisième prototype. Nos collègues russes et nous-mêmes sommes actuellement très confiants concernant le mode de mise en place de cet élément qui est néanmoins très complexe. Nous avons cependant élaboré deux prototypes qui fonctionnent convenablement et nous pensons avoir résolu les problèmes.

Nous utilisons des technologies assez avancées mais qui existent aujourd'hui, telles que les paliers magnétiques que nous n'aurions pu utiliser sur un réacteur nucléaire il y a 20 ans. Enfin, la turbine à hélium pourrait tirer partie des développements extrêmement avancés ayant été effectués récemment dans les turbines à gaz.

S'agissant du coût de ce projet, Monsieur BLUE l'a indiqué tout à l'heure, une revue de conception internationale a eu lieu voici un an et demi avec revue éventuelle des coûts du programme de développement. Voici très brièvement nos conclusions : 320 M$ seront nécessaires à ce développement et au travail effectué en Russie. Nous envisageons de partager cette somme de façon équitable entre les États-Unis, l'Union Européenne (ou la France), le Japon et la Russie, soit 80 M$ chacun. J'ai appris la semaine dernière que le principe de l'appropriation des 80 M$ était adopté aux Etats-Unis. J'ai employé les termes l'Union Européenne (ou la France) car il s'agit d'un programme en partie classifié par l'utilisation de plutonium militaire. L'Union Européenne n'a pas valeur d'État pour la signature d'un accord et ne pourra se porter garante de la confidentialité des travaux qui s'y font. Un État devra le faire.

La construction d'un premier prototype de près de 300 Mégawatts électrique coûterait de 400 à 450 M$, y compris l'usine de combustible, qui n'est pas particulièrement chère car les masses manipulées sont très faibles. Ce prototype produira évidemment de l'électricité et il doit pouvoir s'amortir sur sa propre vente d'électricité.

Après deux ou trois années d'essai du prototype, nous prévoyons de mettre en place des répliques à Seversk et éventuellement à Bieloyarsk Elles consommeraient trois tonnes de Pu militaire.

Comme c'est indiqué en dehors des surcoûts de prototypes, les unités s'amortissent commercialement par la vente d'électricité et de chaleur. Merci.

M. LÉVI. - On nous a accusés tout à l'heure d'être sur Mars avec ce projet, nous sommes plutôt sur la Lune qui comme chacun sait est à trois jours de la Terre. Nous irions encore plus vite avec la propulsion nucléaire ! Avec le GT-MHR, nous avons un projet important, reconnu internationalement comme une des réponses au problème de la dénaturation du plutonium des armes. Il s'agit d'une réponse qualitativement et quantitativement tout à fait convaincante. Une organisation de projet est mise en place, mobilisant des effectifs extrêmement importants en Russie. Une stratégie de l'Union Européenne s'est précisée au sein du Comité de non-prolifération, Monsieur DEFFRENNES en a fait état ce matin. Il a même fait état des premiers financements mis en place au niveau européen.

Nous assistons de même en France à une prise de conscience de l'Administration comme du pouvoir politique. Nous avons là un sujet tout à fait essentiel de sécurité commune au sens de la PESC comme le rappelait Monsieur DEFFRENNES ce matin. Cette situation est progressivement reconnue par les Parlementaires, par la Commission de la Défense, par la Commission de la Production, et aujourd'hui avec cette initiative de l'Office Parlementaire.

Les industriels comme FRAMATOME qui participent à ce développement et qui participent pour l'instant sur leurs fonds propres ont le sentiment de contribuer à la solution d'un grand et grave problème de sécurité commune de l'Europe. À l'instar de ce qui s'est passé pour AIDA-MOX, précédent tout à fait remarquable que nous soutenons, que nous venons compléter et dont nous venons prendre le relais, nous pensons qu'il est temps d'étudier comment financer ce développement, au niveau européen ou au niveau national.

Le Gouvernement britannique a récemment décidé de débloquer 80 M£ d'ici 2004 dans le domaine de la sûreté nucléaire. Ce domaine constitue également l'une des priorités du G8. Je crois que c'est un sujet auquel toutes les autorités politiques et les autorités de contrôle ici représentées devraient à présent s'intéresser.

Nous avons le sentiment d'avoir fait une bonne partie du chemin. Nous offrons un développement civil car seul le civil peut résoudre ce problème hérité de la Guerre Froide. Nous apportons là l'une des réponses les plus convaincantes mais nous ne pouvons assumer seuls la charge du financement de ce projet. L'Afrique du Sud constitue un exemple avec son projet PBMR sur un concept d'inspiration relativement voisine mais beaucoup plus modeste en taille, en tout cas sur la finalité du plutonium des armes. Ce pays aux ressources relativement limitées a mobilisé toutes ses ressources nationales afin d'engager un projet à une vitesse fascinante.

C'est à présent notre sujet, à nous industriels. Peut-être fallait-il être patient et fallait-il attendre que cet engagement industriel rejoigne la forte volonté politique qui naîtra de ces débats. Merci Monsieur le Président.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur le Directeur Général. Je souhaiterais à présent accueillir tout à fait officiellement Monsieur Christian PIERRET, Secrétaire d'Etat à l'Industrie, pour lui dire tout le plaisir de l'Office Parlementaire a l'accueillir dans l'une de ses auditions. Je crois nous nous connaissons bien entre l'Office Parlementaire et le Ministère de l'Industrie et que nous avons souvent l'occasion de travailler ensemble. Nous travaillons d'une manière extrêmement positive.

Monsieur le Ministre, ce matin et jusqu'à votre arrivée, nous avons commencé par faire un rappel historique des négociations sur le désarmement. Nous avons essayé de savoir quels étaient les stocks d'armes nucléaires de par le monde mais ceci fait partie des informations classifiées et tout le monde s'est accordé sur ce point. Par conséquent, nous n'en avons pas appris davantage. Nous avons eu ensuite un débat et des présentations particulièrement intéressants concernant les aspects politiques et stratégiques de l'accord du G8 sur le désarmement et l'élimination de plutonium militaire dit en excès, en examinant en même temps les options retenues pour l'élimination de ce plutonium et les aspects scientifiques et technologiques qui étaient reliés.

Voici où nous en sommes et nous avons en quelque sorte en point d'orgue la présentation du Gouvernement et du Ministre qui nous ravit. Nous vous écoutons pour savoir quel est le message du Gouvernement de la République sur ce sujet.

M. Christian PIERRET,Secrétaire d'Etat à l'Industrie. - Merci beaucoup Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Monsieur le Président de la Commission de la Production et des Échanges de l'Assemblée Nationale, Mesdames et Messieurs, je suis tout d'abord honoré d'avoir le plaisir de discuter une nouvelle fois avec ce centre d'expertise qu'est l'Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques. Je suis très heureux de le faire à l'invitation de Monsieur Claude BIRRAUX qui est Vice-Président de cet Office et heureux également de donner la position du Gouvernement français sur cette importante question qui touche à l'un des aspects les plus névralgiques des Relations Internationales : le plutonium en excès, le plutonium militaire en excès en Russie.

Comme vous avez sans doute pu le constater au cours de vos travaux, il reste beaucoup de travail à accomplir d'ici le sommet du G8 qui aura lieu à Gênes en juillet prochain mais je suis confiant dans la possibilité de parvenir lors de ce sommet à une position qui marquera une avancée par rapport à la situation d'aujourd'hui.

Depuis juin 1998, le travail effectué dans le cadre du programme franco-germano-russe AIDA-MOX a été fructueux : c'est l'opinion du Gouvernement français. Je veux en remercier ici les acteurs, qu'il s'agisse d'industriels ou des Administrations. Nous devons à présent aller de l'avant afin que cet élan puisse aboutir prochainement et que les industriels de l'électronucléaire français, allemands et russes aient la possibilité de faire aboutir concrètement leur expérience. Il est important à présent d'être très concrets.

C'est l'occasion d'ailleurs de montrer que les technologies utilisées dans le nucléaire civil pour produire de l'énergie peuvent apporter des solutions dans le domaine de la non-prolifération et peuvent ainsi participer aux actions de désarmement et de sécurité mondiale.

En effet, l'irradiation du plutonium militaire sous forme de MOX dans les réacteurs civils est actuellement à nos yeux le seul procédé industriel permettant sa dénaturation complète et empêchant ainsi toute réutilisation à des fins militaires. Le MOX est ainsi un combustible d'avenir et une sécurité supplémentaire au bénéfice de la paix.

Il me faut également souligner l'excellente collaboration qui s'est instaurée entre les deux groupes de travail américano-russe et le groupe trilatéral franco-germano-russe qui nous permettra d'avoir un document commun servant de base à la prise de décision des membres du G8 au sommet de Gênes dont je parlais il y a un instant.

Je veux à nouveau réaffirmer la forte volonté de la France de participer activement à cette action et de voir aboutir ce programme. Comme vous le savez, nous accompagnons cette détermination politique des moyens de la faire avancer dans les faits puisque le Gouvernement français a décidé d'accorder des crédits publics à hauteur de 460 MF. Monsieur le Secrétaire Général de la Défense Nationale a déjà dû en exposer les conditions.

À ce titre, je me félicite que les documents de travail du Non-proliferation Export Group dans le cadre du G8 reprennent la proposition du programme AIDA-MOX de l'irradiation du combustible MOX dans les réacteurs civils russes.

Je sais qu'il existe une autre option appelée Option occidentale. Il s'agit en termes clairs de l'irradiation du MOX dans des réacteurs occidentaux. Sur ce point, je voudrais clairement exposer la position du Gouvernement français. Nous ne sommes pas opposés à l'étude de cette option mais elle doit être considérée comme une hypothèse, une éventualité susceptible d'être utilisée en vue de doubler la destruction du plutonium militaire en excès.

Cependant nous estimons que cette option soulève de grandes difficultés de mise en _uvre, économiques commerciales et également politiques. L'analyse en profondeur de la faisabilité de cette option ne doit en aucun cas retarder la réalisation du programme pour parvenir à une première irradiation de deux tonnes par an fin 2007, selon le calendrier décidé par les États-Unis et la Russie dans le cadre de l'accord cadre du 1er septembre 2000.

À plus long terme, la France appuie également le projet de réacteurs à haute température, GT-MHR qui vous a été présenté par GENERAL ATOMIC et FRAMATOME.

En effet, cette technologie, lorsque son développement sera décidé, pourra parfaitement compléter la fabrication du combustible MOX et permettre ainsi l'irradiation de quantités supplémentaires de plutonium militaire en excès.

Mais le chemin restant à parcourir est évidemment long et il nécessite l'appui déterminé de tous, vous l'avez souligné et j'y insiste. Je sais que nous aurons, Monsieur le Président de la Commission des Affaires Étrangères que j'aperçois au fond, votre appui personnel résolu ! Je salue ici l'engagement sans faille des États-Unis : engagements aussi bien politiques que financiers et je salue également l'engagement sans faille de la Fédération de Russie. D'autres pays ont par ailleurs exprimé leur soutien : le Japon et le Canada.

De nombreux pays européens, vous le savez, participent déjà à ce projet. L'Allemagne est impliquée depuis longtemps dans les actions de démantèlement des armes nucléaires. La prise en compte des équipements de l'usine de Hanau de SIEMENS est un élément capital de l'engagement allemand. L'Italie, la Belgique sont présentes dans le programme AIDA-MOX et en deviendront membres à part entière dans les semaines qui viennent. Enfin, le Royaume-Uni a exprimé en juillet son important soutien. Je suis certain que d'autres pays se joindront à nous. Nous savons également que l'Union Européenne, présente aujourd'hui, a déjà engagé des actions notamment dans le domaine de la sûreté. Je peux vous confirmer ici que la France encouragera et appuiera une future participation européenne qu'elle appelle de ses v_ux.

C'est pour toutes ces raisons que je vous renouvelle pour conclure ma confiance dans l'avenir de ce projet. Votre présence aujourd'hui en est la preuve la plus éclatante, elle est aussi sincèrement un vigoureux encouragement pour l'avenir. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur le Ministre. Vous nous avez précisé que vous aviez un peu de temps pour répondre aux questions. J'ouvre dès à présent le débat. Qui souhaite intervenir ?

M. André-Claude LACOSTE, Directeur de la sûreté nucléaire. - Merci Monsieur le Rapporteur. Je souhaite intervenir sur les problèmes de sûreté et j'aborderai trois points. Le premier porte sur la sûreté de l'utilisation du combustible MOX dans les réacteurs à eau légère. C'est là un sujet sur lequel l'Europe Occidentale a beaucoup d'expérience. Le combustible MOX est utilisé depuis 1972 en Suisse et en Allemagne et depuis 1987 en France, cela représente donc un nombre considérable d'années d'expérience. Cette expérience nous a montré que le combustible MOX était utilisable dans de très bonnes conditions de sûreté, sous réserve que certaines précautions soient prises. Ces précautions touchent à la fois aux conditions dans lesquelles le MOX est fabriqué et aux conditions dans lesquelles il est utilisé. Ces précautions sont cependant connues aujourd'hui, nous savons comment procéder et il appartient à chacun de faire ce qu'il faut. Ces précisions me conduisent à deux éléments supplémentaires, directement liés au débat d'aujourd'hui.

Le premier d'entre eux est que jusqu'à présent, l'expérience que nous avons du MOX est une expérience fondée sur du MOX fabriqué à partir de plutonium que j'appellerai civil. Le débat d'aujourd'hui a porté sur la fabrication et l'utilisation de MOX à partir de plutonium militaire. Il est tout à fait clair qu'une question se pose en amont du processus que les industriels civils et les autorités de sûreté civiles connaissent : comment passe-t-on du plutonium militaire ou des variantes du plutonium militaire à du plutonium utilisable dans du MOX ? À l'évidence un certain nombre de processus de dilutions, de conversions, de conditionnements doivent être très traités en tant que tels. Ils ne sont pas du ressort de l'autorité civile mais ils doivent être traités en tant que tels et ne doivent pas être masqués. Ceci était mon premier point.

Le second point est que l'ensemble du processus envisagé aujourd'hui visait à fabriquer du combustible MOX utilisable dans des réacteurs civils. L'implication des autorités de sûreté nucléaires civiles est indispensable en amont si l'on souhaite que ce processus soit conduit dans les conditions convenables, comme c'est actuellement le cas en France. Je sais que c'est le cas aux États-Unis, je m'en suis souvent entretenu avec mes homologues américains, je reçois le Président de la NRC demain. Je souhaiterais qu'il puisse en être de même en Russie. Je ne cache pas une seconde que l'un de mes soucis est d'observer l'ensemble des réflexions menées actuellement en Russie sur la fabrication de MOX, l'utilisation de MOX dans des réacteurs civils sans que j'aie jusqu'à présent ressenti une véritable implication de mes homologues russes de GOSATOMNADZOR. Il me paraît fondamental que dans l'ensemble du processus d'étude, dans l'ensemble du processus devant conduire à une autorisation de mise en _uvre, un Licensing, dans l'ensemble des examens de sûreté, dans l'ensemble des inspections, l'autorité de sûreté civile russe ne soit pas mise à l'écart. J'ajoute que je suis tout à fait prêt à aider mes homologues américains comme homologues russes de tous les conseils que je pourrai donner. Je souhaite pouvoir le faire à l'égard de mes homologues russes.

Voici ce que je souhaitais dire Monsieur le Rapporteur, Monsieur le Ministre.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur le Directeur.

M. KOUTCHINOV. - Merci Monsieur le Président. Aujourd'hui nous avons passé toute la journée à parler des questions d'élimination du plutonium de qualité militaire, ce sujet très important. Il était également intéressant de connaître la position du Gouvernement français, exprimé par son Ministre de l'Industrie. Nous sommes très reconnaissants de l'appui dont vous avez fait preuve dans votre intervention, Monsieur le Ministre, pour la haute évaluation et appréciation que vous avez donnée à la coopération entre la France et la Russie comme pour la haute appréciation que vous avez donnée des progrès réalisés dans le programme AIDA-MOX.

Je suis convaincu que cette coopération se développera de manière favorable à l'avenir mais je voudrais faire quelques commentaires assez brefs afin d'essayer de répondre tout d'abord aux remarques qui viennent d'être faites par mon collègue de gauche à savoir que les organismes de sécurité doivent participer dès le début de ce programme. C'est effectivement ce qui se passe, je peux vous le confirmer. Le GANA est un organe public chargé de la sécurité. Je puis vous assurer que ces représentants de la sûreté russe participent également dans le cadre du programme de coopération avec la France. La préoccupation que vous avez formulée n'est pas fondée puisque je peux vous assurer que le GAN participe dès le début. C'est bien le cas. Ainsi que je vous l'ai indiqué à l'aide des diapositives, l'objectif est également d'accorder les autorisations bien fondées, suite à notre contrôle.

Je formulerai ensuite une autre remarque : au cours de notre discussion, nous sommes allés de l'avant en proposant un réacteur nouveau et complémentaire actuellement en cours d'étude. Il n'est pas encore validé et il pourrait être l'un des instruments pour brûler et irradier ce plutonium militaire. Je le répète, un problème mondial de désarmement existe ainsi qu'un problème d'élimination du plutonium qui provient du démantèlement des armes nucléaires.

Nous ne devons cependant pas oublier le rôle de l'énergie nucléaire. À ce sujet, nous ne devons pas uniquement penser au réacteur à gaz tout à fait adapté pour brûler le plutonium mais nous devons en outre étudier ce qui se passera ensuite si l'on utilise le plutonium.

À cet égard, j'aimerais attirer l'attention des auditeurs sur une initiative qui était présentée par le Président POUTINE en septembre aux Nations Unies lors du sommet du Millenium pour regrouper tous les efforts afin de rechercher de nouvelles technologiques susceptibles d'assurer de l'énergie pour l'humanité et ceci de manière sûre, sans aucun danger, tout en résolvant les questions de non-prolifération. Il s'agit par conséquent d'assurer une énergie sûre pour l'avenir. Je crois que cette question est importante et ceci pourra être réalisé notamment grâce à l'énergie nucléaire. Nous avons une grande perspective de coopération dans ce domaine. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur KOUTCHINOV. Les journalistes présents ont-ils des questions à poser au Ministre ?

M GOROBVSOV, AMBASSADE RUSSE À PARIS. - Je formulerai deux commentaires, l'un sur les problèmes très importants de la sûreté et des autorités de sûreté russes et le second sur la capacité du programme en termes de tonnes par an.

Les autorités de sûreté russes sont actuellement présentes dans l'ensemble des Comités de Coordination présidés par le Secrétaire Général de la Défense Nationale. Nous en sommes au cinquième et les représentants du GAN sont présents et participent à de nombreuses réunions techniques spécifiques.

Le deuxième point que je désirais préciser à l'Office est que le GAN vient de nous transmettre l'évaluation très préliminaire mais tout de même officielle de la part du GAN, du budget nécessaire aux activités du GAN durant les vingt-cinq années du programme. Ce budget sera intégré au coût total du programme, tout à fait naturellement. Il s'agit d'une somme de l'ordre de 50 M$.

Je ferai un second commentaire concernant la capacité en termes de nombre de tonnes par an. Actuellement, le scénario de référence étudié entre les partenaires allemands et russes se situe au niveau de 2,3 à 2,5 tonnes par an de plutonium militaire russe utilisé sous forme de combustible MOX. Tous les projets actuels des Instituts russes en collaboration avec COGEMA pour CHEMOX ainsi que COGEMA et SIEMENS pour DEMOX prévoient en option une possibilité d'augmenter cette capacité au niveau de 4 à 5 tonnes par an. Nous préférons par conséquent effectuer l'étude très précise pour la capacité nominale mais avec une option d'extension.

Du point de vue des réacteurs, un certain nombre d'études sont actuellement en cours concernant le réacteur rapide BN 600 afin d'augmenter sa capacité d'utilisation du plutonium russe au-delà du c_ur actuel qui ne comprend que 23 % de MOX. En outre, certaines études sont en cours au sujet des réacteurs à eau légère. Nous avons quelque espoir d'augmenter cette possibilité sur le sol russe.

M. LE PRÉSIDENT. - Monsieur le Ministre, il nous reste à vous remercier d'avoir apporté des éclaircissements très nets et très clairs sur la position du Gouvernement français au sujet de l'utilisation du plutonium en excès. Nous vous remercions de l'honneur que vous nous avez fait mais je vois que l'Office est reconnu puisque le Premier Ministre l'a cité la semaine dernière dans son intervention à l'Assemblée.

À ce stade de la discussion y a-t-il des questions venant de la salle ou des commentaires de la part des personnes soumises à la question ?

M. DEFFRENNES. - Je ferai simplement un commentaire au sujet de la dernière discussion relative au niveau de sûreté ainsi qu'à l'implication de l'autorité de sûreté russe dans le processus.

Il est clair que la Commission Européenne et l'Union Européenne sont attentives depuis de longues années au niveau de sûreté des installations nucléaires en Russie et en particulier sur la capacité de l'autorité de sûreté à réaliser son travail. Il est bien clair que ces considérations sont aussi pour nous l'application dans le cadre de l'utilisation du plutonium ex-militaire comme combustible MOX dans le réacteur. Il s'agit également d'un domaine incontournable au niveau de nos états membres et donc relativement accepté. Je ne prends bien entendu ici aucun engagement mais il serait peut-être possible à l'avenir d'obtenir une action de l'Union Européenne dans ce domaine.

Dans le premier programme que nous avons lancé dans le cadre de l'action commune et que j'ai développé brièvement ce matin, le premier projet était spécifiquement dédié à aider l'autorité de sûreté du GAN à établir certains documents de base donnant le cadre légal de la sûreté dans lequel le MOX s'inscrira. Le second projet s'inscrit en soutien à certains Instituts russes dépendant essentiellement du MINATOM. Il consiste à préparer le matériel et la matière nécessaires dans le cadre du Licensing, étant entendu que pour nous, le Licensing est un processus intégré dans lequel les acteurs doivent coopérer les uns avec les autres. Il s'agit par conséquent d'un rôle spécifique pour les autorités de sûreté mais également pour les industriels qui doivent préparer le matériel soumis à révision par l'autorité de sûreté. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci, Monsieur DEFFRENNES. Pour en revenir au HTR, puis-je me permette une question inconvenante ? Vous verrez qu'il ne s'agit pas d'une surprise : quelles ont été les raisons de l'échec du HTR Fort St Vrain et quelles leçons de retour d'expérience avez-vous pu intégrer dans les projets actuels de HTR ?

M. BLUE. - C'est une très bonne question. Une partie de la réponse étant que si Fort St Vrain avait été efficace, le monde serait truffé de réacteurs hélium à l'heure actuelle ! Ce projet est malheureusement retardé, de sorte que nous n'avons pas la possibilité d'aller de l'avant avec la turbine à gaz. La physique du réacteur de Fort St Vrain fonctionnait à merveille ; il en allait de même s'agissant du combustible. L'irradiation pour un ouvrier était d'un centième par rapport aux centrales normales. Nous avons cependant opté pour un circuit lubrifié à eau afin d'obtenir le plus haut degré de performance. Ce n'était pas une bonne idée car chaque fois que la pression entre l'eau et l'hélium se trouvait en déséquilibre, une certaine quantité d'eau pénétrait dans le réacteur et nous devions procéder à sa fermeture. C'était par conséquent une décision tout à fait malencontreuse. Le réacteur Peach Bottom utilisait en revanche de l'huile comme lubrifiant et nous aurions dû utiliser le même procédé à Fort St Vrain. Si cela avait été le cas, l'expérience malencontreuse de Fort St Vrain n'aurait pas eu lieu. Dans le réacteur à turbine à gaz, nous utilisons de l'huile comme lubrifiant vers le déroulement magnétique qui représente l'état d'excellence dans les roulements à billes actuellement.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Tout à l'heure, Monsieur LÉVI a évoqué l'accélération donnée par l'Afrique du Sud et en particulier sa compagnie d'électricité ESCOM à l'avancement vers un prototype de réacteur à haute température. Pouvez-vous nous donner quelques détails supplémentaires sur l'état d'avancement du projet ESCOM ?

M. LECOMTE. - Je peux vous donner quelques renseignements sur l'état d'avancement de ce projet. Les Africains du Sud se sont inspirés d'un réacteur largement développé par les Allemands, partant de l'idée que peu de développements étaient nécessaires à sa réalisation, à condition d'acheter toute la technologie aux Allemands. Ainsi ont-ils procédé et ils s'aperçoivent à présent que ce projet est plus complexe que prévu. Avec l'aide de consultants allemands ainsi que d'une équipe sur place, relativement importante à présent, ils ont terminé ce que l'on appelle le conceptual design c'est-à-dire la conception de base. Ils ont soumis il y a huit jours leur rapport de sûreté préliminaire à leur autorité de sûreté. En principe, après examen de ce rapport, ils attendent des avis favorables afin d'obtenir un accord pour démarrer la construction fin 2001. Ils annoncent aujourd'hui qu'ils divergeront fin 2004 ou début 2005. Honnêtement, je n'y crois pas du tout car cela me semble très volontariste.

M. LE PRÉSIDENT. - Quelle est la puissance de ce prototype ?

M. LECOMTE. - La puissance du réacteur final sera de 265 mégawatts thermiques, 110 mégawatts électriques. C'est assez peu. Nous nous sommes également intéressés à ce système et c'est l'un des points sur lesquels nous avons quelques doutes sur la compétitivité potentielle d'un tel système bien qu'ils annoncent des prix absolument incroyables. C'est incroyable du point de vue de la compétitivité, c'est inexplicable !

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Souhaitez-vous poser des questions ? Puisque ce n'est pas le cas, je poursuis avec mon stock de questions en excès. Lorsqu'elles sont posées, elles ne sont plus en excès !

Nos partenaires russes ont insisté à plusieurs reprises sur l'utilisation de réacteurs rapides. Le BN 600 existe ; ils parlent également du BN 800. Où en êtes-vous sur le BN 800 ? En êtes-vous à la conception du design ainsi qu'à quelques études avancées ? Pouvez-vous nous faire le point sur le sujet ?

M. KOUTCHINOV. - La réponse est très simple : nous avons le site, nous avons le projet, nous n'avons pas d'argent ! C'est un problème récurrent aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'ai précisé ce matin que ces réacteurs BN constituaient justement la stratégie optimale. Malheureusement, nous n'en avons pas suffisamment aujourd'hui même s'ils constituent le meilleur choix. Nous n'avons pas assez de BN et nous n'avons pas les moyens qui nous permettraient de les créer. C'est pourquoi nous choisissons pour l'instant la variante de l'utilisation du MOX comme combustible pour les réacteurs à eau légère, bien que le BN soit meilleur. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Dans un certain nombre de communications en provenance de Russie, le réacteur Brest est également évoqué. Il s'agirait d'un réacteur rapide refroidi au plomb. Vous avez quelque expérience dans les réacteurs refroidis au plomb, utilisés en particulier dans les sous-marins nucléaires. Pouvez-vous nous dire si cette expérience est utilisable pour des réacteurs de type civil ? Quels sont les problèmes liés à l'utilisation du plomb ? Brest est-il une transposition des réacteurs existants dans les domaines militaires et dans le domaine de la Marine au domaine civil ?

M. KOUTCHINOV. - Merci, Monsieur le Président. En effet, Brest est un nouveau projet des chercheurs russes. Il s'agit d'un projet et d'un développement nouveau. Nous travaillons dans cette direction depuis les dix dernières années afin de créer un réacteur à neutrons rapides, assurant une grande sécurité par l'utilisation d'un calot porteur à métal lourd.

Nous avons une expérience mais il ne s'agit pas de plomb pur, il s'agit de bismuth. Nous avons utilisé le bismuth pour le nouveau développement ainsi que pour l'analyse du projet Brest. Nous l'utilisons afin de trouver des solutions pour la conception du Brest. Nous envisageons cependant d'utiliser du plomb pur dans ce réacteur afin d'éviter un certain nombre de problèmes tels les isotopes inutiles dans le calot porteur. Nous rencontrons encore certains problèmes techniques qui doivent être élucidés. Toutefois ces travaux sont effectivement bien avancés et sont exécutés dans le cadre d'un programme existant et dans le cadre d'un programme de Recherches et Développements. Nous espérons que nous pourrons à l'avenir créer ce prototype et que nous aurons en tout cas les moyens financiers de le faire. Merci.

M. LE PRÉSIDENT. - Une question complémentaire, Monsieur KOUTCHINOV, le plomb serait agressif chimiquement, lorsqu'il est liquide. En Russie, un Institut m'a indiqué que l'utilisation du mélange plomb bismuth n'était pas envisageable dans le domaine civil. Pourriez-vous nous donner quelques informations concernant l'agressivité chimique du plomb et le moyen de parer à cette agressivité ? Pourquoi un n_ud technique plomb bismuth ne serait-il pas utilisable ?

M. KOUTCHINOV. - Je vous remercie. J'ai déjà dit que des études étaient conduites dans ce sens. Vous avez eu raison de rappeler l'aspect corrosion ainsi que l'interactivité entre le plomb et les matériaux dont le corps du réacteur est fait. Certaines recherches sont néanmoins menées afin de trouver des matériaux susceptibles d'être utilisés dans le civil, et ceci d'une façon certaine.

Il serait prématuré d'en parler actuellement. Les solutions ne sont pas encore trouvées mais un vaste programme de recherche et d'études est en cours afin de trouver ces solutions.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. J'ai une question pour Monsieur THIEBAUD : les industriels ont parlé des coopérations qui existent entre eux. Y a-t-il également une coopération entre les Centres de Recherche ? De quelle manière êtes-vous en support, au sens britannique du terme, pour ces programmes ? S'agit-il d'une vieille technologique ou y a-t-il des échanges intensifs voire des accords avec des Centres de Recherches russes ou américains ?

M. THIEBAUD, Directeur des relations internationales du CEA. - Pour répondre à votre question, il faut distinguer deux niveaux pour ce qui concerne le Commissariat à l'Énergie Atomique : le premier concerne la participation du Commissariat à l'Énergie Atomique en tant qu'opérateur désigné par les pouvoirs publics pour un certain nombre d'activités conduites dans le cadre du programme AIDA. Le Secrétaire Général de la Défense Nationale l'a présenté globalement ce matin.

S'agissant du premier volet de ce programme AIDA1, le CEA a été l'opérateur de l'accord dans le volet d'assistance au démantèlement des armes nucléaires en Russie ainsi que dans la première partie du programme MOX, le programme AIDA-MOX 1, développé de 1992 à 1996. Le CEA a également été l'opérateur français de l'accord AIDA-MOX 2 qui se développe dans le cadre de l'accord trilatéral entre l'Allemagne, la France et la Russie. Ceci constitue le premier niveau d'application. Il s'agit des fonctions d'opérateur d'un accord intergouvernemental et de soutien, de préparation à ces programmes, confiées par les pouvoirs publics au Commissariat à l'Énergie Atomique.

Le second niveau d'intervention du CEA lui est spécifique et s'inscrit dans le cadre d'accords entre le CEA et le MINATOM. Il existe un accord-cadre entre le CEA et MINATOM. En application de cet accord-cadre, une multitude d'accords de coopération particulière ont été passés entre le CEA, ses différentes composantes, le MINATOM et les différents Instituts travaillant dans ce domaine en Russie. Cet accord-cadre est un accord global mais certains éléments d'évolution sont intervenus depuis une dizaine d'années et ont permis un soutien notamment dans le domaine des activités liées au cycle du combustible, un soutien aux programmes qui sont discutés ici aujourd'hui.

Nous avons adapté en permanence cet accord avec le MINATOM. En juin dernier, nous avons encore donné une nouvelle dimension à la coopération entre le CEA et le MINATOM par un mémorandum conclu avec le Ministre russe Monsieur ADAMOV.

Pour répondre à votre question, Monsieur le Président, nous avons par conséquent deux niveaux, celui de l'action des pouvoirs publics et celui que le CEA poursuit en tant qu'organisme de Recherche en liaison avec le MINATOM.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci. Y a-t-il d'autres questions ou interventions ?

M. LECOMTE. - Tout à l'heure une question a été posée par un journaliste à propos des 900 millions destinés à entretenir le fonctionnement de toute la préparation du MOX. C'est une question à laquelle nous n'avons à mon sens pas bien répondu.

Ce combustible entrerait dans les réacteurs actuels à la place du combustible que nous fabriquons avec de l'uranium enrichi par exemple. Cela a une valeur et remplace un élément ayant un coût. J'ose espérer que l'électricité produite avec ces réacteurs leur permet au moins d'amortir non seulement le prix du combustible mais également le produit de fonctionnement des réacteurs. J'aimerais que nos amis russes puissent nous répondre : je ne comprends pas pourquoi la Communauté Internationale devrait continuer à financer ces opérations après l'effort financier de préparation de toute la mécanique de CHEMOX et de DEMOX. Pourquoi auront-ils encore besoin de subventions par la suite afin de faire fonctionner le système ? Cela risque d'être perçu comme un puits sans fond et je crains que cela ne rebute les donateurs potentiels.

M. KOUTCHINOV. - Je vous remercie. Il en a déjà été question aujourd'hui, ce n'est pas du tout un secret. La production de carburants MOX revient plus cher que la production du carburant uranium. La différence entre le MOX et l'uranium représente les frais d'exploitation figurant dans la table que je vous ai présentée.

Ceci abstraction faite de la valeur du carburant uranium.

M. LE PRÉSIDENT. - S'il n'y a plus d'intervention, je demanderai un mot de conclusion aux différents membres du panel mis à contribution depuis ce matin.

Si je commence par la gauche, peut-être le Docteur BRAEHLER de SIEMENS pourrait-il nous dire quelques mots sur ce qu'il retient de notre journée d'audition.

M. BRAEHLER. - Bien entendu, j'ai été très heureux en tant que représentant du projet de présenter le projet DEMOX ici à cette Commission. Vous comprendrez que je ne peux pas parler au nom du Gouvernement allemand qui est à l'heure actuelle dans une situation difficile. Nous le sommes par conséquent également.

Je dirais pour résumer que nous proposons notre installation au Gouvernement afin d'accélérer le projet, afin de le rendre possible et afin d'économiser beaucoup d'argent dans ce projet. Merci.

M. LÉVI. - Monsieur le Président, je retiens surtout l'intervention extrêmement forte du Ministre. Il existe une très grande légitimité du nucléaire civil en général à résoudre ce problème hérité de la Guerre Froide. Le nucléaire civil offre deux solutions principales ainsi que tout un panel de solutions évoquées à de multiples reprises au cours de la journée. Notre débat est cependant resté concentré principalement autour des deux solutions que sont le MOX et le développement de nouveaux réacteurs. S'agissant de ce dernier point, vous l'avez constaté, nous cherchons à légitimer cette voie comme une voie venant compléter la voie MOX en prenant le relais sur une durée plus longue et nous permettant d'atteindre cet objectif de doubler le rythme de d'élimination du plutonium. C'est l'objectif du G8 et je suis pour ma part heureux que l'Office Parlementaire ait pris l'initiative de cette journée car je crois que nous étions parvenus à un moment crucial et que c'était le moment idéal pour réunir l'ensemble des partenaires du projet et pour leur dire : « Voici ce que nous avons sur la table, voici comment résoudre les problèmes, comment avancer concrètement et résoudre un très grand problème de sécurité commune pour l'Europe ».

M. LACOSTE. - Monsieur le Rapporteur, je pense que nous avons aujourd'hui discuté d'un sujet tout à fait majeur. À l'évidence, il appartiendra aux responsables politiques au plus haut niveau de prendre leurs responsabilités concernant l'utilisation civile des stocks de plutonium militaire. Il s'agit d'un sujet avant tout politique mais à l'évidence, la mise en _uvre des décisions politiques impliquent une forte coopération industrielle ainsi qu'une forte coopération concernant la sûreté nucléaire. Je souhaite qu'elles soient aussi fortes et indépendantes que possible dans l'ensemble des pays concernés.

M. LE PRÉSIDENT. - Monsieur KOUTCHINOV est l'un des négociateurs des accords au sein du G8, je le rappelle pour le Président Le Déaut qui vient de nous rejoindre et qui est premier vice-Président de l'Office Parlementaire.

M. KOUTCHINOV. - Monsieur le Président, je vous remercie. Ce n'est peut-être pas dans le cadre du G8 que j'ai négocié mais plutôt dans le cadre de l'ex-Groupe NT, c'est une simple précision.

Je tiens à vous remercier de tout c_ur de nous avoir invités à cette audition et de l'avoir organisée. En effet les débats auxquels nous avons participé ont montré que toutes les parties sont intéressées au plus haut point. Je pense à nos collègues français et je pense à tous les invités intéressés à recycler le plutonium militaire et à trouver conjointement des solutions optimales. Ces débats vont sans conteste accélérer la solution de ces problèmes. Nous allons nous souvenir de cet esprit de coopération qui s'est manifesté dans cette salle ainsi que de la bonne volonté dont ont fait preuve tous ceux qui ont participé à cette conversation afin de trouver des solutions optimales au problème ardu qui se pose à nous tous.

Telle est, je crois, la conclusion essentielle qu'il convient de tirer de nos travaux. Cette conclusion stimulera notre coopération. Je vous remercie.

M. DUPRAZ. - Comme d'autres électriciens européens, comme d'autres industriels tels FRAMATOME, COGEMA et d'autres, E.D.F. a une expérience d'utilisation du MOX. Nous la mettons d'ores et déjà à la disposition du projet et nous sommes bien entendu prêts à continuer à approfondir la mise à disposition de cette expérience aussi bien auprès de nos collègues russes dans le cadre de AIDA-MOX qu'auprès de nos collègues américains dans le cadre du consortium DUKE évoqué tout à l'heure.

S'agissant de l'option occidentale, je ne reviendrai pas sur les difficultés techniques, industrielles et économiques que j'ai évoquées ce matin, dans la mesure où il s'agit au premier chef et avant tout d'une question d'ordre politique. Monsieur LACOSTE l'a rappelé tout à l'heure.

M. BLUE. - Je dirai quelques mots de conclusion. Nous avons tous discuté de ce que nous percevons comme un problème mais à mon avis la production d'électricité est une véritable opportunité pour la Russie, pour le monde entier. Nous avons ainsi l'opportunité d'augmenter le taux de développement économique car le développement économique est impossible sans électricité. Je pense que toutes les personnes ici présentes le savent et le pensent. L'utilisation du plutonium pour produire de l'électricité devrait couvrir les coûts. À mon avis, il représente une opportunité davantage qu'un problème. Je vous remercie.

M. DEFFRENNES. - Merci Monsieur le Président. Personnellement je retiendrai particulièrement l'enthousiasme de Monsieur le Ministre dans son exposé et le message très clair qu'il a fait passer au nom de la France. En tant que représentant de l'Union Européenne de la Commission, je ne peux qu'espérer que d'autres états membres développeront des schémas de pensées similaires et un enthousiasme équivalent, notamment au niveau politique. Ceci permettrait à l'Union Européenne de s'engager de manière décisive dans ce processus.

M. THIEBAUD. - Merci Monsieur le Président. Je retiendrai un point. Lorsque les pouvoirs publics français ont lancé en 1992 les premiers programmes de coopération avec la Russie, l'idée d'avoir une coopération dans le domaine du MOX et de la conversion des matières issues du démantèlement à des fins civiles était une idée qui soulevait énormément de questions. Peu de soutien était apporté à cette idée à l'époque et beaucoup pensaient qu'il ne serait jamais possible de faire triompher cette idée en raison des convergences qui existaient entre les différents pays industrialisés concernant le cycle civil du plutonium et son usage.

Nous constatons cependant huit ans après que nous avons à présent dans le cadre du G8 un effort coopératif important, un accord des principaux partenaires sur l'intérêt de cette formule. Les objectifs de non-prolifération poursuivis depuis le début, le Ministre PIERRET a encore rappelé cet aspect dans son intervention, ont réussi à emporter les convictions et à déboucher sur un schéma qui rencontre un soutien international ainsi que le soutien de nos partenaires de l'Union Européenne. Merci Monsieur le Président.

M. LE PRÉSIDENT. - Je donne la parole à Peter LYONS qui représente le Sénateur DOMINICI, en le priant encore de remercier le Sénateur DOMINICI de nous avoir envoyé Peter LYONS et de nous avoir donné un message extrêmement clair et extrêmement fort.

M. LYONS. - Merci. Je voudrais tout d'abord féliciter le Président et tous les membres de cette audience pour ce qui aura été pour moi une journée extrêmement intéressante d'informations et de discussions. Je souhaitais vous féliciter. Je pense que tout cela est très positif. Je vous ai présenté aujourd'hui l'engagement du Sénateur DOMINICI et ce qu'il a essayé d'obtenir de la part du Congrès Américain. Ceci a déjà débouché sur un budget de 200 M$ destinés à l'élimination du plutonium militaire et de 20 millions supplémentaires destinés au réacteur HTGR. Vous avez également entendu ses commentaires, il est tout à fait disposé à argumenter au sein du Congrès américain afin d'obtenir les fonds nécessaires dans le cadre de solutions internationales. Dans la discussion d'aujourd'hui, il est clair que ce programme représente une contribution très importante au contrôle des armes, au désarmement ainsi qu'à la non-prolifération.

Je pense que nous pouvons cependant aller au-delà de ces raisons certes importantes et dire que le programme dont nous avons discuté aujourd'hui est également très important pour le futur de l'énergie nucléaire car il pourra être utilisé pour des activités civiles n'importe où dans le monde. Le Sénateur DOMINICI a dit à de nombreuses reprises que l'énergie nucléaire était une source d'énergie propre et abondante mais que son potentiel ne pourrait être pleinement réalisé que si les aspects militaires de cette technologie étaient parfaitement compris, maîtrisés et mitigés si nécessaire. Je pense que ce programme est un grand pas dans cette voie. Pas conséquent je le considère comme un grand pas vers le futur de l'énergie nucléaire ainsi que pour la maîtrise des armements.

Je voudrais terminer en encourageant le Gouvernement français à continuer ses évaluations et à participer pleinement à ce programme. Le Sénateur DOMINICI est tout à fait disposé à continuer à travailler avec ses collègues français afin d'examiner ce que les États-Unis peuvent faire dans ce contexte. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Enfin, je donne la parole à Monsieur l'Ambassadeur Michaël GUHIN qui a été très sollicité aujourd'hui.

M. GUHIN. - Merci beaucoup, Président. J'ai eu la possibilité de réfléchir à ce que j'allais dire je dirais également que ma conclusion est difficile compte tenu des commentaires extraordinaires que nous venons d'entendre. Je voudrais tout d'abord m'associer à mon collègue Peter LYONS pour féliciter le Président pour sa Présidence extrêmement efficace mais également l'auditoire, non seulement pour son attention mais également pour ses commentaires très constructifs et sa participation à la discussion.

Que retiendrai-je de cette journée ? L'atmosphère très constructive de la journée était particulièrement frappante ainsi que l'état d'esprit des participants puisque nous avons tous pris conscience de l'essence du problème et nous essayons de trouver des solutions. Il s'agit d'un défi, nous devons trouver des opportunités. Nous sommes nombreux à devoir aborder ce problème, notamment aux États-Unis, nous devons essayer de le faire avec beaucoup d'ouverture et d'honnêteté. Nous disposons du soutien du Congrès ainsi que de l'extraordinaire leadership offert par le Sénateur DOMINICI. Disons que nous avons un grand soutien du côté du Congrès et nous devons absolument profiter du soutien qui existe aux Etats-Unis

J'ai également été frappé par le message très clair du Gouvernement français qui souhaite poursuivre ses efforts, trouver une solution à ce problème et transformer cela en opportunité. J'en suis très heureux, je l'ai d'ailleurs précisé dans ma déclaration, je pense qu'il est absolument essentiel que la France soit l'un des principaux intervenants, de même que l'Europe. C'est essentiel car le programme serait condamné à l'échec dans le cas contraire.

Je suis certain que nous aurons toujours un excellent soutien à l'avenir, tout en reconnaissant que la France, comme d'autres pays, impose des conditions mais ses préoccupations sont tout aussi importantes et ne sont pas tellement politiques. Bien sûr, elles pourraient l'être, elles pourraient être commerciales, économiques. Elles pourraient être de toute sorte mais je dis cela parce que certains de mes collègues me connaissent ici et je me demande quel sera notre prochain succès. Notre prochain succès doit être Gênes car malgré notre état d'esprit constructif et malgré notre désir d'appuyer ce programme, nous aurons tout de même beaucoup de travail ainsi que de nombreuses négociations et de nombreux compromis en perspective afin d'essayer de tenir compte de l'ensemble des préoccupations en vue de réaliser ce programme. Cependant comme je l'ai déjà précisé, j'ai confiance en nous. Nous y parviendrons si nous travaillons ensemble. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT. - Merci Monsieur GUHIN. J'ignore quels seront les prochains succès de l'Office Parlementaire mais je crois que le premier succès aujourd'hui est de vous avoir réunis Mesdames et Messieurs, d'avoir réuni autant de compétences pour un débat qui a été ouvert me semble-t-il, qui a essayé d'aller au fond des choses, de poser les questions d'une manière directe, un peu trop peut-être Monsieur GUHIN mais c'est ce que nous essayons de faire afin de donner l'information de la meilleure qualité possible au Parlement français et ceci dans un esprit constructif. Nos débats constituent peut-être l'innovation de cet Office Parlementaire d'Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques à travers ces auditions où l'on réunit l'ensemble des compétences et des personnes qui veulent bien s'intéresser au sujet. Nous pouvons en effet débattre ensemble car vous avez pu constater que le débat est immédiat lorsqu'une question en appelle une autre ou lorsque certaines divergences apparaissent. Nous essayons alors de comprendre ces divergences afin que chacun puisse préciser sa pensée et afin de permettre une expression qui soit la plus claire possible.

Alors c'est moi qui vous remercie au nom de l'Office Parlementaire et notre premier Vice-Président Jean-Yves LE DEAUT est bien sûr associé puisqu'il sait que c'est dans la tradition maintenant bien établie. Dans cette tradition bien établie, le compte rendu intégral de cette audition sera publié en annexe au Rapport qui sera présenté au début de l'année prochaine. Nous ne désespérons pas de pouvoir disposer d'une version anglaise de cette audition, ce qui permettra à chacun des participants de pouvoir la relire et de l'avoir en quelque sorte comme livre de référence pour les discussions et pour toutes les personnes impliquées.

Je terminerai en vous faisant part de ma satisfaction puisque j'étais venu avec un stock de questions et je n'ai pas de question en excès, à l'exception d'une réponse parfaitement claire sur les stocks de plutonium de qualité militaire de par le monde mais j'ai compris qu'il fallait lever plus d'un voile pour essayer de connaître quelle était la réalité de ces stocks. J'espère que vous avez pris autant de plaisir que moi à cette audition. Je vous remercie tous de votre participation et je remercie les interprètes pour leur excellent travail. Merci.

La séance est levée à 17 heures 25.

Annexe 2 :
Missions et personnes rencontrées

A - France

- COGEMA

Mme Anne Lauvergeon, PDG

M. Pradel, Directeur Adjoint branche combustible

M. de Montalembert, Chef du service Amérique

Mme Gallot, Directeur des relations institutionnelles

- FRAMATOME

M. Jean Daniel Lévi, Directeur Général

M. Vallée, Directeur de la recherche

- M. Jampsin, ancien expert national détaché auprès de l'Union européenne

- EDF

M. Estève

M. Stricker

M. Le Bars

M. Dubois

CEA

M Thiebaud, Directeur des relations internationales

M Prêtre, Directeur des relations internationales (1999)

M J.B.Thomas

M Pierre Trefouret

B - Personnes rencontrées à Bruxelles

¬ Le 20 décembre 1999

M. Michel Barnier, Commissaire Européen

- Mlle Caroline Chevasson, Conseiller nucléaire à la Représentation Permanente

M. Waeterloos, Directeur en charge de l'énergie nucléaire à la direction générale énergie

M. Trestour, responsable de l'unité Lituanie

- M. Lamoureux, Directeur général de l'énergie

M.Vadet, SCR A6

- M. Frigola, Chef d'unité- Centre commun de recherche

- M. Marchipont, Directeur, direction générale recherche

¬ Le 28 février 2001

- M. François Ruel, administrateur principal office de cooperation « europaid »

- M. Andreas Herdina, chef du secteur nucléaire de la DG élargissement

- M. Taylor conseiller ad personam

M Guy Doucet, Chef de l'unité « secteur nucléaire » de l'office de cooperation europ aid

C - Liste des personnes rencontrées à Moscou du 10 au 14 juillet 2000

Membres du Gouvernement Russe

Professeur Valentin B. Ivanov, Premier Vice-Ministre

¬ Personnalités russes

Ambassade de Russie en France

M. Vladimir N.POZDNYAKOV, Ministre Conseiller,

Ministère Russe de l'énergie atomique :

M. Koutchinov, Directeur-adjoint du département des relations

extérieures

Parlement de la Fédération de Russie(Douma) :

M. Ivan I.MELNIKOV Président du comité de l'éducation et de la science

M. Mikhail I. GRISHANKOV, Député, Président du Comité de sécurité

Autorité de sûreté nucléaire russe :

M. Alexander M.DIMITIEV, Vice-président

M. Alexander A.KHAMAZA, Chef du département des relations internationales

Institut Kurchatov

Pr. Evgeny P.VELNIKOV, Académicien, Président,

M. Boris Ya. MALYSHEV, Chef du département des relations internationales

Institut des matériaux inorganiques (Obninsk)

Dr. Anatoly V. ZRODNIKOV, Directeur général

Dr. Mikhail I. SOLONIN, Directeur,

M. Vladimir M.POPLAVSKY, Directeur Adjoint,

M. Victor G.MIASNIKOV, Sous-directeur

¬ Personnalités françaises

Ambassade de France en Russie :

M. Claude-Marie BLANCHEMAISON, Ambassadeur,

M. Serge REHBINDER, Conseiller nucléaire

EDF, délégation de Moscou :

M. Carlos BIRR MEZA, Directeur

COGEMA :

M. Ludovic DEVOS, Correspondant à Moscou

FRAMATOME :

M. Stéphane DESREUMAUX, Délégué permanent du groupe

Centre international de la science et de la technologie

M. Alain GERARD, Directeur

D - BERD Londres le 6 février 2001

- M. JULIEN, Administrateur-adjoint de la France

- M. ROUSSEAU (aide à l'achèvement des centrales en court de construction)

- M. JANKE

- M. Vince NOVAK Directeur de l'unité chargée de la sécurité nucléaire

- M. SCHNELLMANN Max, Principal Manager Nuclear Savety and Department

E - Personnes rencontrées du 15 au 18 octobre 2000 à Washington

Membres du Gouvernement Américain

Dr. Ernest Moniz, Sous-Secrétaire à

Ambassade de France

- M. Régis Babinet, Conseiller nucléaire

Cogema Inc

- M. Michaël Mc Murphy, Président

Natural Ressources Defense Council

- M. Tom Cochran, Directeur

Carnegie Foundation

- M. Joseph Cirricione, Directeur

- M. Jon B. Wolfothal

- M. Harold Bengelsdorf, Consultant

Présidence des Etats-Unis - White House

- M. Robert S Marianelli, Assistant Director,

- M. Thomas R Maertens, Director for nonproliferation and export controls

Departement of State

- M. Michaël Guhin, fissile material & Senior cut-off coordinator

- Mrs. Rozanne Oliver Office of regional nonproliferation

- Mme Rose Gottemoeller, acting Deputy administrator for defense nuclear nonproliferation

US Department of energy DOE

- Mme Laura Holgate, Assistant Deputy administrator Office of fissile materials disposition Department of energy

- Dr Gail H Marcus, Principal Deputy Director, office of nuclear energy DOE

- Mme Maureen Mc Carthy, Senior Advisor for Nuclear Energy

NRC

-.M. Richard Meserve, Président

- M. Diaz, Commissaire

- M. Mc Gaffigan, Commissaire

- Mme Greta Dicus, Commissaire

- M. William Faulkner

- M. Franck Miraglia Jr.

- M. William F. Kane

Congrès

- Mme Elisabeth Turpen, Legislative Assistant

- M. Clay Sell

General Atomics

- Marc Haynes, Vice-Président

F - Canada 18-20 octobre 2000

Ambassade de France

- M. Jean Raungles, Conseiller pour la science et la technologie

- M. Stephane Romanet, Ministre Conseiller

Laboratoire de Chalk River

- M. Bob Gadsby, Directeur général du projet Parallex

- M. David S Cox, Directeur projet parallex

- M. Ronald B Rogge, agent de recherches Conseil national de recherches

- M. Chris J. Heysel Engineering Manager Chalk River Laboratories

- Mme Donna Roach, Manager public affaires - AECL

- M. Paul J. Fehrenbach, General Manager Candu Development Technology-AECL

- M. J.D. Sullivan, Section Head Ceramics. Fuel Development branch - AECL

- M. F.C. Dimayuga, Directeur - Laboratoire de fabrication de combustible recyclé - AECL

Ministère canadien des relations exterieures

- Mme Maria Raletich-Rajicie, Directeur-adjoint, Chef de l'autorité nationale CTBT

- M. David Tregunno, Conseiller principal

Commission Canadienne de sûreté nucléaire

- M. Mortada Aly, Directeur Commission canadienne de sûreté nucléaire

- M. Tom Diamanstein, relations extérieures

Annexe 3 :
Note IPSN sur la nature du plutonium

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LE PLUTONIUM

Le plutonium a été obtenu artificiellement pour la première fois par l'équipe de Glenn T Seaborg à l'université de Berkeley (Californie), en décembre 1940, en bombardant de l'uranium par des deutons avec formation de l'isotope 238 du plutonium. Dans la classification périodique des éléments, le plutonium est l'élément chimique de nombre atomique 94. Il existe quinze isotopes connus du plutonium de masse allant de 232 à 246. La période radioactive est très variable selon les isotopes : 2,85 ans pour le Pu 236, 24 390 ans pour le Pu 239 et 3,87 105 ans pour le Pu 242. L'activité spécifique varie en conséquence : 6,3 1011 Bq/g pour le Pu 238, 2,3 109 Bq/g pour le Pu 239 et 1,4 108 Bq/g pour le Pu 242.

Dans un réacteur à eau sous pression utilisant des combustibles à base d'oxyde d'uranium, le plutonium résulte de l'action du flux neutronique sur l'isotope 238 de l'uranium, avec formation du plutonium 239 ; lors des réactions nucléaires, apparaissent les isotopes 238, 240, 241, 242 et 243. Le plutonium mis en _uvre dans les installations nucléaires du cycle du combustible des réacteurs nucléaires est donc un plutonium composé de divers isotopes, dont les plus abondants sont les isotopes 238 à 242 et le prépondérant l'isotope 239. Sa composition dépend des caractéristiques et de la durée d'utilisation en réacteur du combustible dont il a été extrait par retraitement.

De nombreux isotopes du plutonium, dont les Pu 238, 239, 240 et 242, sont principalement des émetteurs de rayonnements alpha. Le plutonium 241 a une émission principalement bêta qui donne naissance à l'américium 241, émetteur alpha et surtout gamma. Certains isotopes peuvent avoir des émissions de rayonnements gamma et X, qui sont faibles dans le cas des Pu 238 et 239, et des émissions neutroniques dues aux fissions spontanées et aux réactions (alpha, n). Les isotopes du plutonium sont fissiles sous l'action des neutrons "rapides" (neutrons d'énergie élevée). Sous l'action des neutrons "thermiques" (neutrons de faible énergie), seuls certains isotopes sont fissiles, dont le Pu 239. Ces propriétés nucléaires induisent des risques de criticité6 et des risques d'exposition aux rayonnements ionisants (exposition externe due aux émissions gamma, X et neutroniques et exposition interne en cas de perte de confinement avec inhalation ou ingestion de produits contenant du plutonium) dans les installations mettant en _uvre cet élément ou durant les transports. Il est à noter que la plupart des isotopes du plutonium sont classés comme étant des radionucléides de très forte radiotoxicité au sens de la réglementation relative à la protection contre les rayonnements ionisants (cf. décret n° 66-450 du 20 juin 1966 modifié). A titre d'illustration et afin de fixer un ordre de grandeur, il peut être noté que, sur la base d'une évaluation utilisant des paramètres moyens ou conventionnels, tant pour la composition du plutonium que la dispersion atmosphérique et l'évaluation de dose, l'atteinte d'une dose efficace de 1 mSv en cas d'inhalation d'aérosols d'oxyde de plutonium par une personne adulte à une distance de 500 mètres sous le vent, correspond à un rejet inférieur à 100 mg de plutonium issu du retraitement du combustible irradié provenant d'un réacteur à eau sous pression.

Du fait de l'auto-absorption partielle de leurs rayonnements, les isotopes du plutonium subissent un échauffement plus ou moins important ; la puissance thermique dégagée atteint 0,57 W/g pour le Pu 238, alors qu'elle est de 2 10-3 W/g pour le Pu 239. Le plutonium entraîne également des phénomènes de radiolyse en solution ou en présence de composés organiques, avec production de gaz, dont certains sont explosibles (hydrogène par exemple dans le cas d'une solution aqueuse). Ces caractéristiques nécessitent un dimensionnement adapté des installations, notamment des stockages contenant des quantités importantes de plutonium.

Le plutonium métallique est pyrophorique , sous forme de poudre métallique, il s'enflamme spontanément en atmosphère humide ; aussi sa mise en _uvre se fait sous atmosphère inerte. Il présente diverses formes allotropiques et a une densité de 19,8 pour la forme allotropique la plus courante ainsi qu'un point. de fusion de 640°C. Il peut présenter quatre valences chimiques (3 à 6) et comprend plusieurs degrés d'oxydation en solution. Parmi les oxydes, PuO2 est le plus stable et le plus employé dans l'industrie nucléaire (combustibles MOX à base d'oxyde mixte d'uranium et de plutonium). A cet égard, il est à noter que, récemment, des chercheurs américains ont mis en évidence une réaction de ce composé avec l'oxygène en présence d'eau, qui forme lentement un composé plus oxydé, jusque-là non identifié, pouvant notamment entraîner une mobilité plus grande du plutonium en milieu humide oxydant.

Le tableau ci-après récapitule les caractéristiques nucléaires des principaux isotopes du plutonium.

graphique

* : quantité d'isotope du plutonium formée dans un combustible à base d'oxyde d'uranium enrichi à 3,5% en uranium 235 et irradié à 33 000 MWj/t dans un réacteur à eau sous pression (MLI : masse d'uranium initiale dans le combustible avant introduction en réacteur).

Annexe 4 :
Note IPSN sur les éléments concernant la sécurité de l'utilisation du plutonium militaire à des fins civiles

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Eléments concernant la sécurité de l'utilisation du plutonium militaire à des fins civiles

Les questions abordées dans cette fiche couvrent les aspects techniques traités en France par l'IPSN concernant:

· la protection physique des matières nucléaires,

· les mesures de suivi et de comptabilité des matières nucléaires,

· l'application des garanties internationales de non-prolifération.

L'IPSN a participé aux réflexions sur l'utilisation du plutonium militaire à des fins civiles dans deux cadres distincts:

- une réunion d'experts internationaux sur la gestion sûre et efficace des matières fissiles militaires identifiées comme n'étant plus nécessaires pour répondre à des besoins de défense, tenue en octobre 1996 à Paris, à la suite du sommet du G7 de Moscou;

- le SAGSI (Standing Advisory Group on Safeguards lmplementation), groupe d'experts chargé de conseiller le Directeur Général de l'AIEA sur la mise en _uvre des garanties internationales; le SAGSI a en particulier été questionné, dans le cadre des accords entre la Russie, les USA et l'AIEA (connus sous l'appellation d'initiative trilatérale7) sur la pertinence des contrôles internationaux envisagés sur le plutonium militaire en excès des besoins de défense.

L'examen des problèmes de sécurité associés à l'utilisation à des fins civiles du plutonium militaire amène à distinguer deux phases principales, éventuellement complétées par une troisième.

La première phase est celle où le plutonium se trouve sous une forme (composition isotopique, géométrie, masse) couverte par le secret de défense, que ce soit pour des raisons de sécurité nationale, ou suite aux engagements de non-prolifération pris par les Etats Dotés d'Armes Nucléaires8 (EDAN), au titre de l'article 1er du Traité de Non-Prolifération. Cette phase couvre de manière schématique l'entreposage préalable au traitement permettant de s'affranchir des caractéristiques classifiées, et ce traitement lui-même.

La deuxième phase est celle de la mise en _uvre du plutonium dans le cycle du combustible civil, après ce traitement.

Au cours de la première phase, l'application d'un système national de suivi et comptabilité et de protection physique du plutonium, destiné à détecter et prévenir toute perte, vol ou détournement du plutonium, ne pose pas de problèmes particuliers. Un tel système est appliqué en France pour ce type de matières. L'IPSN assure dans ce domaine une mission d'expertise et d'inspection en appui technique du Haut Fonctionnaire de Défense du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, autorité compétente en ce domaine.

Ce système est basé sur une loi du 25 juillet 1980 concernant la protection et le contrôle des matières nucléaires9, complétée par des décrets et des arrêtés d'application. Cette réglementation prévoit un système d'autorisation et de contrôle pour les activités d'importation et d'exportation de matières nucléaires, ainsi que pour l'élaboration, la détention, le transfert, l'utilisation et le transport de ces matières.

Des mesures de suivi, de comptabilité et de protection physique des matières nucléaires sont imposées par cette réglementation. Enfin, des sanctions administratives et pénales sont prévues par la loi en cas de violation des obligations correspondantes.

En revanche, concernant l'application de contrôles internationaux au cours de cette phase, l'expérience acquise par l'IPSN sur ce sujet amène à faire les remarques suivantes.

Tout d'abord, l'objectif d'un contrôle international doit être clairement défini. Le système classique des garanties de non-prolifération de l'AIEA a pour objectif premier d'assurer la communauté internationale que les Etats ne détournent pas des matières nucléaires vers un usage non pacifique. Dans le cadre de l'initiative trilatérale, l'objectif affiché par les parties prenantes est d'assurer la communauté internationale que la Russie et les USA retirent bien des matières nucléaires de leur cycle militaire à la suite de la réduction de leur armement nucléaire. L'objectif est donc un objectif de désarmement plutôt qu'un objectif de non-prolifération. Cette différence, qui conduit à un contrôle par l'AIEA différent de celui des garanties, est reflétée dans la terminologie employée, où il est question d'un système de "vérification", et non d'un système de "garanties".

D'un point de vue technique, la classification des caractéristiques des matières soumises à cette vérification ne permet pas aux inspecteurs de l'AIEA d'avoir accès à toutes les données habituellement disponibles, ni de bénéficier des droits d'accès habituels aux installations dans lesquelles sont détenues ces matières.

A titre d'exemple, dans le cadre de l'initiative trilatérale, l'objectif initialement affiché par les USA et la Fédération de Russie était que l'AIEA soit en mesure de vérifier de manière crédible et indépendante que le plutonium entrant dans le champ de cette initiative provenait du cycle militaire, et qu'il était retiré de manière irréversible de ce cycle. Comme il n'est pas envisageable, pour des raisons de confidentialité, que des inspecteurs internationaux puissent superviser le processus de désassemblage des têtes nucléaires, la première partie de l'objectif a été limitée à vérifier que le plutonium soumis aux vérifications de l'AIEA est d'une composition isotopique supérieure à un critère défini, rendant vraisemblable son origine militaire. La garantie d'irréversibilité, quant à elle, peut être limitée dans l'hypothèse d'une troisième phase comme précisé plus loin.

En tout état de cause, l'objectif actuellement retenu dans le cadre de l'initiative trilatérale conduit à envisager la mise en _uvre de mesures non destructives et de moyens de télésurveillance complexes, associés à des systèmes de dissimulation des informations sensibles. L'accès limité que pourront avoir les inspecteurs de l'AIEA à ces systèmes rendra particulièrement délicate la démonstration que les résultats disponibles pour les inspecteurs reflètent bien la réalité.

En ce qui concerne l'étape de conversion du plutonium d'une forme classifiée à une forme non classifiée, elle correspond à un flux entrant de plutonium aux caractéristiques classifiées, faisant l'objet d'une vérification internationale limitée, et à un flux sortant, à caractère non classifié, dont la connaissance par l'AIEA ne doit pas permettre de remonter aux caractéristiques du flux entrant. Ceci suppose l'existence d'un flux entrant secondaire, ne provenant pas du plutonium soumis aux vérifications de l'Agence, et dont les quantité et qualité doivent rester inconnues des inspecteurs. Pour ces raisons, les détails du processus de conversion lui-même devront vraisemblablement rester inconnus des inspecteurs, contrairement à ce qui se passe dans le domaine des garanties où l'Agence a accès aux caractéristiques détaillées des installations. L'IPSN n'a pas connaissance à ce jour de projets suffisamment développés pour se prononcer sur la possibilité d'une vérification internationale indépendante et crédible de cette étape.

Le groupe de travail français mis en place dans le cadre de la réunion d'experts d'octobre 1996, avait quant à lui conclu sur la base d'une étude de ces problèmes de protection des données confidentielles, que si la France venait un jour à déclarer détenir des matières nucléaires en excès de ses besoins de défense, cette première phase devrait exclure les contrôles internationaux.

Dans un « White Paper » de juillet 1998, le Royaume Uni a déclaré disposer de 4,4 tonnes de plutonium en excès de ses besoins de défense, et a décidé de les placer sous le contrôle d'Euratom, et de les proposer à l'inspection de l'AIEA. Il semblerait que ce plutonium proposé aux contrôles internationaux, dont seulement 0,3 tonne correspond à la qualité "Armes", ne présente pas de caractéristiques classifiées. Dans cette hypothèse, la mise en oeuvre de contrôles internationaux au cours de la première phase de l'offre britannique ne semble pas prévue. Ceci semble cohérent avec les conclusions du groupe de travail français.

Pour la deuxième phase, l'absence de problèmes de confidentialité tels qu'identifiés pour la première phase, amène à conclure à la possibilité technique de la mise en _uvre d'un système classique de garanties internationales. C'est a fortiori vrai pour un système de contrôle national. [)es questions juridiques et financières liées au cadre dans lequel s'appliquerait ce contrôle international subsistent cependant (ces questions juridiques et financières se posent dans les mêmes termes au cours de la première phase).

Actuellement, les EDAN ont mis une partie de leur cycle du combustible civil sous les garanties de l'AIEA, dans le cadre d'offres volontaires qui permettent en théorie de retirer à volonté ces matières du champ des contrôles. En conséquence, le cadre de ces offres volontaires ne permet pas de garantir stricto sensu l'engagement d'irréversibilité du retrait du cycle militaire recherché pour le plutonium provenant des armes. Un cadre juridique spécifique est alors à considérer. C'est le cadre visé par les USA et la Russie sous le chapeau de l'initiative trilatérale, indépendamment des offres volontaires de ces deux Etats.

Par ailleurs, les moyens financiers limités de l'AIEA, affectés en priorité à sa mission de vérification des engagements de non-prolifération des Etats, amènent à poser la question du financement du système de vérification des matières d'origine militaire, qui relève d'un objectif de désarmement, comme noté plus haut.

Enfin, dans un EDAN, la définition d'une troisième phase au cours de laquelle le plutonium d'origine militaire ne serait plus soumis à un contrôle international, a été évoquée. De manière schématique, celle-ci commencerait lorsque le plutonium, après irradiation dans un réacteur, aurait été suffisamment dénaturé pour qu'un FDAN, disposant par ailleurs de stocks de plutonium de qualité "Armes", n'ait pas d'intérêt pratique à vouloir remettre le plutonium irradié dans son cycle militaire. Dans une telle approche, la garantie d'irréversibilité ne repose plus alors sur une démonstration, mais sur l'invraisemblance d'un comportement contraire.

On notera enfin qu'au sein des 5 EDAN, la situation de la France et du Royaume Uni présente des caractéristiques spécifiques, le cycle civil de ces deux états étant soumis de manière obligatoire au contrôle de sécurité d'EURATOM, de par leur appartenance à l'Union Européenne. Le caractère volontaire de la mise sous garanties de leur cycle du combustible civil, ne s'applique qu'au système de garanties de l'AIEA. Dans ces conditions, une garantie d'irréversibilité peut être apportée dans le cadre des contrôles d'EURATOM sans nécessiter de cadre juridique spécifique.

Instruments internationaux ayant un lien avec la sécurité des matières nucléaires

· Le Traité de Non-Prolifération, entré en vigueur le 5 mars 1970, après ratification par 40 Etats dont 3 EDAN (Royaume Uni le 27 novembre 1968, USA et Russie le 5 mars 1970). La Chine et la France ont ratifié le TNP en 1992 (le 9 mars et le 2 août respectivement )

· Les accords de garantie de l'AIEA ( Infcirc 153). L'infcirc 153 représente le modèle des accords passés entre les Etats et l'AIEA, afin que celle-ci puisse vérifier le respect des obligations que l'Etat a pris en ratifiant le TNP. Le système de garanties qui en découle permet essentiellement à l'Agence de s'assurer que les matières nucléaires déclarées par l'Etat ne sont pas détournées à des fins non pacifiques.

· Le protocole additionnel aux accords de garanties de l'AIEA ( lnfcirc 540). Ce protocole est en cours de ratification. Il est destiné à permettre à l'AIEA de vérifier dans un Etat l'absence d'activités et de matières nucléaires non déclarées. Ce protocole additionnel a été négocié au sein des Etats Membres de l'AIEA à la suite de la mise en évidence, notamment en Irak, que les garanties "classiques" n'avaient pas empêché l'Irak de développer un programme nucléaire militaire clandestin, basé sur des matières nucléaires et des activités non déclarées à l'Agence.

· La Convention sur la Protection Physique des Matières Nucléaires (Infcirc 274). Cette Convention définit les obligations des Ftats Parties en matière de mesures destinées à prévenir le vol de matières nucléaires, et en matière de coopération juridique associée. Il couvre essentiellement les matières nucléaires en cours de transport international. Un éventuel renforcement de cette Convention et un élargissement de son champ d'application aux usages domestiques des matières nucléaires sont actuellement à l'étude. De par son objet, la protection contre le vol, cette Convention est orientée vers la prévention des activités de groupes sub-nationaux ou terroristes, et ne contribue qu'indirectement à la prévention de la prolifération nucléaire par les Etats.

· Le Traité d'interdiction Complète des Essais nucléaires (TICP, ou CTBT en anglais). Ce Traité ouvert à signature, a pour objectif d'interdire les essais nucléaires, et de mettre en place un système de vérification permettant de détecter et localiser des essais nucléaires éventuels. Les conditions de son entrée en vigueur (nombre et caractéristiques des Etats l'ayant ratifié) ne sont pas réunies à ce jour. Le congrès américain a refusé de le ratifier, de même que plusieurs Etats dont la ratification est cruciale pour la crédibilité de ce Traité.

· Le Traité d'interdiction de production de matières fissiles à usage militaire, plus connu sous l'appellation de Convention "Cut-Off'. La négociation de ce traité est actuellement au point mort au sein de la Conférence du Désarmement à Genève. Ce Traité aurait comme objectif premier la prévention de la course aux armements nucléaires, en limitant la quantité de matières nucléaires disponibles pour un programme nucléaire militaire. Dans l'attente de la négociation de ce Traité, la France a décidé unilatéralement de cesser sa production de matières fissiles à usage militaire.

Annexe 5 :
Lettre du Sénateur Helmes

Sénat des Etats-Unis

Commission des relations internationales

(traduction non officielle)

30 octobre 2000

Cher sous-Secrétaire d'Etat Holum,

A plusieurs reprises, nous avons eu l'occasion d'évoquer ensemble l'initiative sur l'élimination conjointe du plutonium avec la Russie, ainsi que d'autres questions connexes comme le Fonds de non-prolifération. Vous savez, en conséquence, que mes vues sont proches de celles que vous avez présentées comme directeur de l'ACDA.

Je demeure excessivement préoccupé par les conséquences potentielles qu'aurait le fait d'aider la Russie à créer un programme de retraitement dans la mesure où le Mox contient du plutonium utilisable dans des armes militaires.

Pour ma part, je suis convaincu que la Russie devrait neutraliser ses excédents de plutonium militaire pour la raison que, telle qu'elle est stockée, cette matière dangereuse représente un risque de prolifération. Mais si cette matière devait être reconditionnée comme combustible et exportée vers l'Iran ou vers tout autre pays que la Russie approvisionne en combustible, un risque de prolifération de très loin supérieur surgirait.

En conséquence, alors que je suis désireux de promouvoir le soutien de la Commission à une initiative non-commerciale, limitée dans le temps et orientée vers la conversion du plutonium des armes militaires en combustibles à utiliser exclusivement en Russie, je n'apporterai pas mon soutien à toute mesure qui constituerait un premier pas vers la création d'un programme commercial et pérenne de retraitement en Russie.

Une telle évolution irait, en effet, à l'encontre de la politique américaine de non-prolifération conduite pendant des décennies, et j'ai besoin de votre aide pour faire en sorte que l'accord avec la Russie ne crée pas cette éventualité et qu'il soit conforme aux exigences draconiennes de la loi sur l'énergie atomique ainsi qu'à la condition supplémentaire introduite par le PL 106-113.

Je vous demande également de vérifier auprès du Gouvernement russe que la série d'initiatives du MINATOM qui semblent avoir pour but de lancer un programme commercial de retraitement, n'est pas de nature à rendre impossible le soutien du Congrès à l'accord.

L'attention de la Commission s'est portée avec une inquiétude croissante sur les déclarations de nombreux responsables russes indiquant leur intention d'accélérer la coopération nucléaire avec différents pays, dont l'Iran, et sur les assouplissements qu'ils commencent à apporter au système d'autorisation des exportations. De surcroît, le MINATOM a présenté trois projets de loi à la DOUMA, projets qui sont tous contraires aux intérêts des Etats-Unis dans le domaine de la non-prolifération et visent à créer un marché global du retraitement, la Russie étant le centre de ce soi-disant marché.

L'un comme l'autre, nous savons que le retraitement n'est pas compétitif et que la plupart des pays y renoncent - une réalité qui toutefois semble perdue de vue par le Gouvernement russe.

Je peux imaginer que ces projets russes surviennent parce que la France, qui subventionne lourdement son industrie, leur apporte son soutien.

De plus, il apparaît que le MINATOM n'intègre pas le fait que la plus grande part des combustibles irradiés en dehors des Etats-Unis, en fait 80 % ou plus, est contrôlée par les Etats-Unis, qui doivent donner leur accord à tout déplacement de combustible.

Dans l'hypothèse improbable où l'Exécutif aurait l'intention d'autoriser le déplacement de ces combustibles en Russie à fins de retraitement, le Congrès bloquerait rapidement un tel processus. En bref, les projets de loi présentés à la Douma reposent sur l'idée fausse que les Etats-Unis, en contradiction avec leur politique constante, pourraient approuver un programme commercial de retraitement mis en place en Russie.

J'espère vivement que vous exposerez clairement au ministre ADAMOV et à des responsables de la DOUMA que ces initiatives sont contre-productives. Je préférerais grandement que le Gouvernement russe coopère avec le Fonds de non-prolifération et avec d'autres groupes proposant des alternatives très pertinentes du point de vue de la non-prolifération.

Avec mes sentiments distingués.

Jesse HELMS

1 CIST : Centre International des sciences et des techniques

2 autorisation

3 compte de sûreté nucléaire

4 responsabilité nucléaire

5 combustible usagé

6 Accident de criticité : déclenchement incontrôlé d'une réaction de fission en chaîne au sein d'un milieu contenant des matières fissiles. Un accident de criticité entraîne notamment une émission intense de rayonnements gamma et neutroniques et un dégagement de gaz de fission radioactifs. Pour le Pu 239 pur, la masse minimale pouvant conduire à un accident de criticité est de 510 grammes.

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7 L'initiative trilatérale, annoncée au cours de la 40è Conférence Générale de l'AIEA, recouvre un ensemble d'accords actuellement en- projet. Elle résulte de la décision russo-américaine de retirer de manière irréversible et coordonnée quelques 30 tonnes de plutonium de leur cycle militaire, et de les mettre sous le contrôle de la communauté internationale. En pratique l'initiative trilatérale devrait conduire à 3 accords: un accord bilatéral russo-américain, et un accord entre l'AIEA et chacun des deux Etats pour la vérification des engagements pas.

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8 Le Traité de Non-Prolifération définit en son article IX comme Etat Doté d'Armes Nucléaires (EDAN), les Etats ayant fabriqué et fait exploser une arme nucléaire ou un engin explosif nucléaire avant le 1er janvier 1967. Ces Etats sont au nombre de 5 : les USA, le Royaume Uni, la Fédération de Russie en tant que successeur de l'URSS, la France et la Chine. Ces Etats bénéficient d'un statut spécifique par comparaison aux autres Etats Parties à ce Traité, qui ne peuvent y accéder qu'avec le statut d'Etat Non Doté d'Armes Nucléaires (ENDAN). La liste des EDAN est une liste fermée, ce qui a pour conséquences que l'Inde et le Pakistan (par exemple) ne peuvent ratifier le TNP qu'en renonçant à leur « capacité » nucléaire.

9 Les matières nucléaires sont définies dans la réglementation française, comme les matières fissiles, fusibles ou fertiles, susceptibles d'être utilisées pour la fabrication d'un engin explosif nucléaire. Cette définition recouvre : Plutonium, Uranium (233, 235 et 238), Thorium, Deutérium, Tritium et Lithium enrichi en Lithium 6)