N° 257
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230)
TOME I
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
FRANCOPHONIE ET RELATIONS CULTURELLES INTERNATIONALES
Par Mme Henriette MARTINEZ,
Députée.
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Voir le numéro : 256 (annexe n° 1).
Lois de finances
INTRODUCTION 5
I.- LE PROJET DE BUDGET POUR 2003 ASSURE LE MAINTIEN DE LA PRÉSENCE FRANCAISE DANS LE MONDE ET MET L'ACCENT SUR L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT 7
A. UN BUDGET POUR 2003 QUI ACCROÎT L'EFFICACITÉ DES MOYENS D'ACTION INTERNATIONALE DE LA FRANCE 7
1. Le maintien des moyens des services diplomatiques à l'étranger pour mieux consolider la présence internationale de la France 8
2. La volonté de relancer fortement l'aide publique au développement 12
B. UNE POLITIQUE ACTIVE EN MATIÈRE D'ATTRIBUTION DES BOURSES EN FAVEUR DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS 15
1. Des chiffres confirmant l'attractivité de la France pour les étudiants étrangers 15
2. Pour une meilleure promotion de l'enseignement supérieur français 16
C. ASSURER L'AVENIR DE RADIO FRANCE INTERNATIONALE 16
II.- LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE EN LIAISON AVEC LES ACTIONS DE COOPÉRATION AGISSENT COMME UN LEVIER DE LA POLITIQUE D'INFLUENCE DE LA FRANCE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE 21
A. QU'ENTEND-ON PAR PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE ? 21
B. LA FRANCOPHONIE COMME LEVIER DE LA POLITIQUE DE COOPÉRATION ET D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT 23
TRAVAUX DE LA COMMISSION 27
Le projet de budget des affaires étrangères pour 2003 s'établit à 4 113,9 millions d'euros. Ce budget est en augmentation de 13,3 %, avec un surplus de 484 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2002. Mais cette augmentation est ramenée à 5,6 % par rapport à la loi de finances initiale 2002 rebasée en loi de finances rectificative. Il faut en effet souligner que, dans un souci louable de sincérité budgétaire, certaines dotations - dont les insuffisances avaient donné lieu au cours des années précédentes à d'importantes ouvertures de crédits en loi de finances rectificative - ont été remises à niveau dans ce projet de budget. Il est notamment mis fin à la sous-estimation des dotations destinées aux contributions obligatoires aux organisations internationales.
Il reste que pour 2003, la part du budget des affaires étrangères dans le budget de l'Etat s'élève à 1,5 % contre 1,3 % en 2002. Ce budget peut se décomposer en trois grands types d'actions. Le premier ensemble, qui concerne les crédits affectés à la rémunération du personnel, aux moyens et aux équipements des services, représente près de 1 198,3 millions d'euros. Le deuxième, qui porte sur les actions axées sur l'éducation et la solidarité, nécessite l'inscription de crédits à hauteur de 362 millions d'euros. Enfin, le troisième, qui regroupe les actions menées en matière de coopération et d'interventions internationales, mobilise au total 2 553 millions d'euros.
Le présent rapport pour avis s'attache à analyser en priorité les évolutions des crédits relatifs à :
- La coopération culturelle et scientifique ; la rapporteure pour avis a ainsi auditionné le directeur de la coopération culturelle et du français du ministère des affaires étrangères ainsi que la sous-directrice du français.
- La coopération technique et au développement ; afin d'avoir une vision précise et concrète des actions de coopération menées à l'initiative de la France sur le terrain, ont été entendus des représentants de l'association Equilibres et Populations qui aide à mettre en _uvre de nombreux projets d'aide au développement dans des pays francophones notamment africains. Le directeur général-adjoint de l'Agence française de développement, M. Jean-Michel Debrat, a également été entendu.
- L'action audiovisuelle extérieure ; la rapporteure pour avis a rencontré le président de Radio France Internationale, M. Jean-Paul Cluzel.
Le présent rapport pour avis s'attache en premier lieu à présenter les évolutions budgétaires les plus marquantes et en second lieu à traiter de la problématique des liens entre la promotion de la francophonie et les actions de coopération.
I.- LE PROJET DE BUDGET POUR 2003 ASSURE LE MAINTIEN DE LA PRÉSENCE FRANCAISE DANS LE MONDE ET MET L'ACCENT SUR L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
Le ministère des affaires étrangères s'est assigné quatre priorités qui consistent à assurer la sécurité, la cohérence et l'efficacité du réseau des services de l'Etat à l'étranger, à relancer l'aide publique au développement, conformément aux engagements du président de la République, à veiller à la sécurité des Français à l'étranger et, enfin, à améliorer les procédures d'instruction des demandes d'asile. Les crédits inscrits sont à la hauteur de ces ambitions.
Les crédits dont la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) a la gestion directe passent de 1 643 millions d'euros en 2002 à 2 031 millions d'euros en 2003, soit une augmentation de 23,6 %. Il faut se réjouir de l'évolution de ces crédits qui permettent d'assurer la défense des intérêts français à l'étranger et le développement de la francophonie. On note que plus de la moitié des crédits pour 2003 est dévolue aux actions de coopération et aux interventions internationales (62 %), ce qui contribue au maintien de la présence française sur la scène internationale.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
Le graphique ci-après montre que le niveau atteint par le budget pour 2003 est, à structure constante, le plus important de ces treize dernières années.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
On peut rappeler pour mémoire que la France est présente dans le monde avec 152 ambassades et 105 postes consulaires. Elle dispose du second réseau après celui des Etats-Unis. Ce réseau est régulièrement adapté aux évolutions et aux réalités internationales. Des postes sont créés ou transformés (comme à Kaboul ou à Douchambé).
Pas moins de 5 716 agents (contre 3 993 à l'administration centrale) travaillent au sein du réseau à l'étranger, soit 4 201 dans le réseau diplomatique et consulaire et 1 215 dans le réseau culturel et de coopération. 5 874 agents de recrutement local sont également employés dans le réseau diplomatique et consulaire et 6 173 dans le réseau culturel. Le ministère des affaires étrangères s'attache, dans le cadre d'un plan d'action volontariste, à améliorer la situation sociale de ces personnels.
Si le réseau diplomatique et consulaire mobilise actuellement 47 % des effectifs (avec les recrutés locaux), le réseau culturel et de coopération représente, avec les recrutés locaux, 35 % des effectifs globaux. Ceux employés dans les services de l'administration centrale ne représentent que 18 % de ce total.
Afin d'améliorer l'efficacité de notre dispositif, le ministère des affaires étrangères poursuit activement son programme de modernisation des méthodes de gestion. Progressivement, le ministère s'est ainsi doté d'un cadre budgétaire et comptable rénové qui accorde de plus grandes responsabilités aux chefs de postes à l'étranger. Ainsi la réforme des procédures comptables, qui fait de l'ambassadeur l'ordonnateur secondaire des crédits de l'Etat, doit être étendue à 37 nouveaux postes en 2003 (72 % des postes doivent être désormais concernés), avant d'être généralisée en 2004. De la même façon, la globalisation, qui consiste à regrouper dans une enveloppe unique des crédits destinés à couvrir l'ensemble des dépenses de fonctionnement, sera étendue dans 75 nouveaux postes aux dépenses de rémunération des agents de recrutement local.
Des moyens nouveaux en crédits et en emplois (mesures nouvelles de 5,3 millions d'euros et 15 emplois de gendarmes) permettront en outre de renforcer la sécurité de nos représentations diplomatiques à l'étranger. Parallèlement, les moyens de fonctionnement du ministère, qui conditionnent le renforcement de la sécurité de nos implantations à l'étranger, progresseront de 3,7 millions d'euros.
On doit tout d'abord noter que le budget pour 2003 permet de consolider la présence de la France dans de nombreuses organisations internationales où elle doit faire entendre sa voix. Il faut rappeler que 21 représentations permanentes assurent la défense des intérêts de la France au sein des organisations internationales. Les contributions de la France pour le fonctionnement de ces organisations et pour le financement des opérations de maintien de la paix (OMP) sont inscrites au budget du ministère des affaires étrangères pour un montant de 679 millions d'euros, en progression de 11 %.
Globalement, les contributions obligatoires de la France aux organisations internationales sont en augmentation, tandis que les crédits affectés aux opérations de maintien de la paix (OMP) sont en légère diminution.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
On peut noter que les crédits destinés à l'organisation des conférences internationales sont portés à 26 millions d'euros (+ 37 % par rapport à la loi de finances initiale de 2002), dans la perspective de la tenue du sommet du G 8 à Evian et du sommet France-Afrique en 2003.
_ L'action du ministère en matière de rayonnement culturel repose sur les services de coopération et d'action culturelle, les 151 instituts et centres culturels, les 27 instituts de recherche et le réseau des Alliances françaises. Notons que le réseau des centres et des instituts culturels fera l'objet d'une harmonisation tant dans ses structures que dans ses modes de gestion en 2003.
La dotation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) passe de 313,4 à 335 millions d'euros (hors transfert), soit plus 21,5 millions correspondant à 27,93 millions de mesures nouvelles et d'ajustement et 6,4 millions de révision de services votés. Les mesures nouvelles permettront notamment de poursuivre la réforme du statut des agents des établissements, de valoriser les bourses attribuées par l'agence ou de poursuivre la réouverture d'établissements d'enseignement à Kaboul ou à Alger. La mesure nouvelle négative de suppression de 6,4 millions d'euros pose, quant à elle, problème. Lors de la réunion de la commission des affaires étrangères en date du 30 octobre 2002, le rapporteur pour avis de cette commission chargé de la francophonie, M. François Rochebloine, s'est à juste titre inquiété de l'éventualité de la fermeture de plusieurs établissements de l'AEFE en cours d'année scolaire ou lors de la rentrée prochaine à cause de cette mesure.
_ En 2003, la France participera largement au financement de nombreuses actions multilatérales décidées dans le cadre de la francophonie, en contribuant à hauteur de 37 millions d'euros au Fonds multilatéral unique. On peut rappeler que les crédits de la francophonie multilatérale sont destinés à l'Agence internationale de la francophonie, à l'Agence universitaire de la francophonie, à l'Association internationale des maires francophones et à l'Université Senghor d'Alexandrie.
L'enjeu stratégique de la construction d'un espace francophone institutionnel fort est majeur. Lors du récent sommet de Beyrouth, le ministre délégué à la coopération et à la francophonie, M. Pierre-André Wiltzer, a souligné que grâce notamment aux efforts entrepris par la France depuis plusieurs années, la francophonie a vocation à jouer un rôle moteur en faveur du développement durable dans les pays les plus en difficultés. Selon lui, « la concertation et la solidarité des francophones du nord et du sud doivent être actives pour peser sur les grandes décisions, économiques, commerciales et culturelles ».
Le projet de loi de finances pour 2003 traduit un effort particulier en faveur de la scolarisation des enfants français et de la sécurité des Français à l'étranger.
Il convient, en premier lieu, d'assurer la scolarisation des enfants français. On peut noter que le réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger accueille plus de 158 000 élèves scolarisés, dont 68 000 élèves de nationalité française.
Il faut, en deuxième lieu, veiller à la sécurité des Français de l'étranger. Outre le recrutement de gendarmes, gardes de sécurité affectés dans les postes diplomatiques et consulaires à l'étranger, le budget pour 2003 prévoit des moyens nouveaux pour la sécurité des communautés françaises à l'étranger. Les crédits consacrés à ces actions de prévention dépasseront 1 million d'euros, en augmentation de 32 % par rapport à 2002.
Enfin, le budget renforce les moyens pour l'assistance aux Français en difficulté. La solidarité à l'égard des Français de l'étranger se traduit par un effort accru en faveur des plus démunis et la réinsertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté grâce à la formation professionnelle, par le biais du Fonds d'action sociale dont la dotation augmente de 3 % en projet de loi de finances pour 2003. Au total, les crédits d'assistance aux Français de l'étranger inscrits sur le chapitre 46-94 s'élèvent pour 2003 à 24 millions d'euros, enregistrant une progression de 4,3 %.
Depuis deux ans, l'Office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) fait face à un afflux croissant de demandes d'asile, qui sont passées de 39 000 en 2000 à 49 000 en 2001. Il faut savoir que 7 200 personnes ont obtenu le statut de réfugié en 2001. Le dispositif de l'asile territorial et conventionnel doit être réformé, pour sécuriser et raccourcir les délais d'instruction des demandes.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
Des moyens supplémentaires sont prévus au budget 2003. La subvention à l'OFPRA progresse de 25 % pour atteindre 28,5 millions d'euros en 2003. L'OFPRA va ainsi procéder à 66 recrutements nouveaux et regrouper ses services sur un site unique. Par ailleurs, 12 emplois supplémentaires devraient permettre d'améliorer la rapidité et l'efficacité du traitement des demandes d'asile à la frontière.
Il faut rappeler que le niveau de l'aide publique au développement (APD) française a connu à partir de 1994 (0,57 % du PIB) et jusqu'en 2000 (0,32 %) une baisse continue.
Le Président de la République et le gouvernement actuel ont affirmé l'engagement de la France d'augmenter son aide publique au développement de 50 % en cinq ans pour parvenir ensuite à un objectif de 0,7 % du PIB en dix ans.
Le graphique ci-dessous montre l'ampleur des efforts que le gouvernement souhaite désormais accomplir en la matière.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
Au sein des crédits de la coopération internationale et du développement, ceux affectés au Fonds européen de développement (FED) représentent environ un tiers, tout comme ceux destinés à la coopération culturelle, scientifique et technique. On peut observer que, dans le dispositif français, la part des crédits d'aide au développement passant par des organisations non gouvernementales (ONG) et la coopération décentralisée reste très faible.
Source : ministère des affaires étrangères, octobre 2002
Le budget pour 2003 permet à la France de participer très activement aux grands programmes multilatéraux de développement.
En 2003, la participation de la France au FED contribuera de façon significative à la relance de l'aide publique au développement internationale, avec une contribution de 496 millions d'euros. Notre contribution au Fonds européen de développement (FED), inscrite au chapitre 68-02, est consolidée et connaît une augmentation sensible (+ 277 millions d'euros) pour passer à 496 millions d'euros. S'agissant des concours financiers (inscrits au chapitre 41-43), on peut relever qu'une rubrique nouvelle est créée pour le financement des contrats de désendettement développement (C2D) et est dotée de 91 millions d'euros. Quant à l'aide budgétaire, elle voit sa dotation accrue de 2,5 millions d'euros. Les dons en faveur de l'ajustement structurel sont, pour leur part, augmentés de 8,7 millions d'euros.
On note que les crédits du transport de l'aide alimentaire (chapitre 42-26) augmentent de 2 millions d'euros, passant ainsi de 14,78 millions d'euros à 16,78 millions d'euros. La priorité est donnée à l'assistance technique dont la décrue a été arrêtée en 2002 et qui devrait même connaître un nouvel essor grâce à la mise en place du groupement d'intérêt public France Coopération Internationale qui fait l'objet d'une rubrique spécifique au sein du chapitre 42-15. Par ailleurs, les crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire sont stabilisés à 112 millions d'euros, tandis que les autorisations de programme sont portées à 190 millions d'euros.
On peut enfin relever que les contributions volontaires de la France aux organisations internationales, et plus particulièrement aux agences des Nations-Unies, viennent compléter utilement le dispositif de l'aide multilatérale, 96 % d'entre elles étant comptabilisées dans l'aide publique au développement.
Un des objectifs poursuivis par le ministère est d'améliorer la visibilité et l'efficacité de nos actions. L'aide bilatérale doit redevenir le vecteur privilégié de la solidarité de la France en faveur des pays les plus pauvres, notamment l'aide-projet conduite avec l'appui de près de 2000 assistants techniques français. Plusieurs instruments budgétaires permettent la réalisation de cet objectif d'augmentation de l'aide bilatérale :
- Les aides-projets du Fonds de solidarité prioritaire et de l'Agence française de développement enregistrent une hausse significative avec 190 millions d'euros d'autorisations de programme (soit + 25 %).
- Le dispositif dit de contrats désendettement-développement (C2D) est doté à hauteur de 91 millions d'euros. Ce nouveau mécanisme d'aide est appelé à croître de façon importante dans les prochaines années (de l'ordre de 300 à 350 millions d'euros en 2004 et 2005).
- Les concours financiers, qui permettent d'allouer des aides budgétaires d'urgence, des dons ou des bonifications de prêts aux pays en développement, atteindront 32,5 millions d'euros en 2003, en augmentation de 53 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
- En application de la convention de Londres, la France s'est par ailleurs engagée à fournir et transporter une aide alimentaire fixée à 200 000 tonnes équivalent céréales. A cette fin, la dotation inscrite au budget du ministère des affaires étrangères est portée pour 2003 à 16,8 millions d'euros (+ 13,5 %).
Avec 24 360 en 2001, le nombre total d'étudiants étrangers ayant obtenu une bourse pour mener des études en France a crû assez sensiblement depuis 1999 (+ 9,6 %) et depuis dix ans (+ 10,4 %). On note une reprise de l'attribution de ces bourses entre 2000 et 2001, après une période de stagnation et/ou de baisse du nombre de boursiers qui fut enregistrée après 1992.
Le nombre total de mensualités a augmenté de près de 20 % entre 1999 et 2001, mais est resté inférieur de 25 % au chiffre d'il y a dix ans. La durée moyenne d'une bourse a recommencé à croître depuis 1998 (+ 9 % depuis 1999) mais reste inférieure au chiffre d'il y a dix ans (- 32 %). Les crédits globaux consacrés à ces programmes de bourses ont globalement décru en dix ans de 12 % et crû de 15,7 % depuis 1999, atteignant en 2001, un montant de 104,6 millions d'euros.
On note que, dans le projet de budget pour 2003, les crédits inscrits pour les bourses restent comme en loi de finances pour 2002 fixées à 114,3 millions d'euros. Au-delà des chiffres, il est intéressant de noter l'évolution de la répartition géographique des effectifs depuis dix ans.
La répartition par région fait apparaître que les étudiants originaires d'Afrique du nord demeurent, malgré une légère baisse, les premiers bénéficiaires des bourses (26,3 % en 2001 et 28 % en 2000). Les effectifs d'Afrique sub-saharienne, après avoir baissé jusqu'en 2000, se sont redressés et représentent encore 21,65 % des boursiers.
Les boursiers originaires de l'Europe de l'est ont progressé régulièrement : ils représentaient 14,6 % en 1990, 15,1 % en 1999, 16,9 % en 2001. Ceux d'Europe occidentale sont en légère hausse, passant de 4,8 % en 2000 à 5,8 % en 2001. Le nombre des étudiants venus d'Asie du sud et du sud-est ont, quant à eux, connu une progression assez importante entre 1990 (6,5 %) et 2000 (8,3 %), montrant une priorité plus marquée vers cette région du monde. Ce nombre s'est stabilisé en 2001 (8 %). Il en va de même pour la zone d'Extrême-Orient et Pacifique, qui a progressé depuis 1998, notamment grâce aux efforts en direction de la Chine (3,8 % en 1998, 5,7 % en 2000 - dont 3,2 % pour la Chine - et 5,2 % en 2001).
Le nombre des boursiers venus d'Amérique centrale et du sud, après avoir été pour la première fois en 2000, en augmentation par rapport aux années précédentes (6,5 % en 2000 contre 4,9 % en 1999 et 5,1 % en 1990), a connu une légère baisse en 2001 (5,8 %). Enfin, le nombre des boursiers venus d'Amérique du nord est resté stable (1,4 %).
Des auditions menées par la rapporteure pour avis, il résulte qu'il y a aujourd'hui une nécessité à promouvoir davantage l'enseignement supérieur français à l'étranger. En effet il apparaît que c'est vers le monde anglo-saxon que s'orientent de plus en plus fréquemment les étudiants étrangers, notamment dans les disciplines de l'entreprise et de la haute administration. Les programmes de bourses doivent être revus pour mieux jouer leur rôle de formation des élites étrangères et d'attraction des étudiants étrangers en France. M. Jean-Michel Debrat, directeur général-adjoint de l'Agence française de développement, a relevé, lors de son audition, la différence d'approche entre le système français et le système américain s'agissant de l'accueil des étudiants étrangers. Les américains ont en la matière une démarche très libérale : il est ainsi considéré comme normal et souhaitable qu'un étudiant étranger subvienne à ses besoins en occupant des « petits boulots » pour pouvoir financer des études supérieures, alors que cela est plus difficile en France. Il est donc relativement aisé de suivre des études supérieures aux Etats-Unis. Cette mentalité, très ouverte sur ce point, constitue un atout indéniable pour le système d'enseignement américain et séduit de plus en plus d'étudiants notamment francophones, parfois au détriment de l'attractivité du système français.
Pour améliorer l'offre française, il faudrait notamment développer des programmes spécifiques de bourses, tels que le programme d'excellence « Eiffel », qui est destiné à former des décideurs étrangers de l'entreprise, et de l'administration et à soutenir l'action internationale des établissements d'enseignement supérieur français. On peut rappeler que les candidatures à ces bourses sont présentées exclusivement par les établissements d'accueil et les candidats sont sélectionnés par un comité national représentatif de ces établissements. Depuis son lancement début 1999, ce programme a permis de sélectionner près de 1 500 étudiants sur environ 4 500 dossiers évalués.
Quant au programme de bourses « Major », lancé à titre expérimental à la rentrée universitaire 2000, il s'adresse aux étudiants étrangers qui ont poursuivi leurs études secondaires dans les lycées français à l'étranger et qui sont titulaires du baccalauréat français. Il prend le relais du programme de bourses d'excellence de l'AEFE et permet de financer les études de ses bénéficiaires jusqu'au niveau bac + 5. En plein régime, ce programme devrait bénéficier à près de 250 de ces étudiants et requiert une mesure nouvelle de 1,5 millions d'euros en 2003.
La rapporteure pour avis a rencontré le président de Radio France Internationale, M. Jean-Paul Cluzel, qui lui a fait part de certaines de ses préoccupations quant à l'avenir de la radio. Le présent rapport est l'occasion d'apporter divers éléments d'information.
Radio France Internationale jouit d'une pleine indépendance par rapport à l'Etat : RFI ne saurait en effet être considérée comme un organe radiophonique relevant du Quai d'Orsay, contrairement au statut que peut avoir « Voice of America » aux Etats-Unis. Cela n'empêche pas RFI d'être financée à hauteur de 60 % environ par une subvention spécifique accordée par le ministère de la culture et à hauteur de 40 % environ par une contribution du ministère des affaires étrangères.
Au cours des dernières années, la part du ministère de la culture a eu tendance à augmenter, alors que, depuis 1997, les crédits accordés par le ministère des affaires étrangères ont stagné. Il est certes prévu que la contribution des affaires étrangères augmente très légèrement en 2003, à hauteur de 700 000 euros. Mais les responsables de RFI expriment aujourd'hui deux préoccupations :
- D'une part, les crédits dont dispose RFI restent, selon eux, insuffisants au regard de la mission extrêmement importante qui lui est confiée. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2002, la contribution du ministère de la culture est en augmentation de 2 % et celle des affaires étrangères de 1 %. Les crédits affectés à RFI augmentent donc de 1,5 % pour 2003. D'après les responsables de RFI, cette hausse très modérée des crédits ne permettra pas à la société d'absorber correctement l'année prochaine le coût induit par la mise en place des trente-cinq heures.
- D'autre part, les règles de financement par les deux ministères n'étant pas fixées de manière stricte, il apparaît difficile d'éviter qu'un des ministères se désengage quelque peu lorsque le second fait ponctuellement un effort particulier. Une clarification de la situation serait la bienvenue en ce domaine.
Aujourd'hui, on peut rappeler que RFI emploie 750 équivalent temps plein dont 370 journalistes, une centaine de cadres, le reste des effectifs étant constitué par des agents technico-administratifs. Il faut noter qu'une dizaine de correspondants salariés sont employés par RFI dans le monde, à quoi il faut ajouter les quelque 300 pigistes correspondants collaborant de façon épisodique avec la radio au gré de l'actualité dans les grandes villes.
RFI a été contrainte d'effectuer des redéploiements internes au cours des dernières années. Mais la logique de ces redéploiements n'est pas extensible indéfiniment. Il semble indispensable que RFI bénéficie à l'avenir de crédits réévalués pour lui permettre de mener à bien l'ensemble de ces missions.
La programmation de RFI constitue incontestablement un atout pour le développement de la francophonie et de l'usage du français sur l'ensemble de la planète. Il faut savoir que les émissions de RFI sont diffusées 24 heures sur 24. Les programmes proposés font une large part aux bulletins d'actualités, aux magazines traitant de tous sujets, dans le domaine de la culture, des sciences, de la musique. Surtout, de nombreux émissions ou bulletins visent à encourager l'apprentissage de la langue française. Ces émissions vont des magazines d'une demi-heure portant sur un aspect particulier de la langue française aux courts bulletins pédagogiques donnant, pendant quelques minutes, aux auditeurs telle ou telle explication sur un mot ou une expression de la langue française. De même, le site internet de RFI comprend de nombreux exercices sur l'utilisation de la langue française permettant ainsi aux utilisateurs d'améliorer leur connaissance de notre langue.
RFI est une radio très écoutée, ce qui en fait un formidable outil de la présence de la langue française dans le monde, que ce soit dans les pays de l'Afrique francophone mais également en Europe, dans les pays d'Amérique latine ou en Asie - on peut citer quelques pays : le Cambodge, le Vietnam mais également l'Iran, l'Afghanistan, la Chine, un peu l'Inde, moins la Birmanie ou la Thaïlande.
Au total, on peut estimer à 45 millions le nombre d'auditeurs de RFI dans le monde. Ce chiffre provient d'extrapolations globales, car les statistiques ne permettent pas d'avoir une idée précise et totalement fiable de cette audience sur l'ensemble de la planète. De même, les études de motivation ne peuvent être effectuées que de façon ponctuelle dans certains pays et non de manière globale. On sait que dans les pays de l'Afrique francophone notamment, ce sont en premier lieu les bulletins d'information qui sont appréciés par les auditeurs. Vient en deuxième position la consolidation de la connaissance de la langue française. A cet égard, on peut relever que l'enseignement du français se fait très rarement par le seul intermédiaire de programmes radiophoniques qui ne viennent, dans la plupart des cas, qu'en complément de l'apprentissage de la langue dans les systèmes scolaires, les instituts culturels français ou les Alliance françaises.
D'une manière générale, les auditeurs réguliers se disent très satisfaits de la qualité des débats intellectuels retransmis par RFI. La gamme des programmes est en effet volontairement très ouverte, allant des émissions axées sur les chansons africaines populaires aux émissions de débats d'idées s'adressant aux universitaires et aux intellectuels.
En dépit d'un poids financier bien moindre que celui de la BBC ou de Voice of America, il faut se féliciter que RFI obtienne des résultats honorables dans toutes les zones dans lesquelles ses émissions sont diffusées. Au sein des pays de l'Afrique francophone, les audiences enregistrées peuvent être très fortes et osciller entre 20 et 40 % de parts de marché. Dans la ville de Dakar, 28 % des adultes écoutent régulièrement RFI. Ce chiffre atteint 38 % s'agissant de Bamako. Dans les zones autres que celles de l'espace francophone, les scores obtenus sont également très élevés : ils sont comparables à ceux obtenus par la BBC dans les pays du Moyen-Orient et même supérieurs à ceux de la BBC en Chine.
Les auditeurs de RFI s'accordent en général pour saluer l'honnêteté, la modernité et le souci de préservation du pluralisme des émissions et notamment des bulletins d'informations diffusés. A ce sujet, il arrive, dans certains cas difficiles, que les journalistes de RFI soient victimes de pressions politiques dans tel ou tel pays en proie à l'instabilité. Cela a été le cas dans divers pays d'Afrique francophone (on peut citer la Côte d'ivoire, le Congo, le Togo ou la Mauritanie). Les correspondants peuvent même subir des menaces physiques. Dans certains cas, les émetteurs sont même suspendus.
Il est vrai que, dans certains pays en bute à des difficultés internes graves voire à des conflits ou des guerres intestines, RFI reste bien souvent une des seules sources d'informations crédibles et non partisanes pour la population. Lors de la récente crise à Madagascar, les émissions de RFI ont été particulièrement écoutées et, d'après les études qualitatives menées par la suite par la radio, appréciées pour leur impartialité par une grande majorité d'auditeurs.
Bien sûr, la contribution de RFI dans les pays non francophones reste très difficile à évaluer, ne ce serait-ce que parce que les émissions, qui sont par exemple diffusées en continu et sans interruption dans un pays comme la Roumanie, ne sont en revanche reçues que quelques heures par jour seulement dans un pays comme la Chine. Les comparaisons entre les audiences respectives dans chaque pays sont donc dépourvues de tout sens. En revanche, on peut considérer que RFI représente dans les pays non francophones un appui très appréciable à l'enseignement du français dispensé notamment dans le cadre des centres culturels français et des Alliances françaises.
Au total, les programmes de RFI permettent de maintenir une présence française dans le monde. On peut craindre que si la diffusion des émissions de RFI venait à diminuer ou à perdre en qualité, faute de moyens financiers suffisants, la présence globale de la langue française en serait globalement et durablement affectée.
II.- LA PROMOTION DE LA FRANCOPHONIE EN LIAISON
AVEC LES ACTIONS DE COOPÉRATION AGISSENT COMME
UN LEVIER DE LA POLITIQUE D'INFLUENCE DE LA FRANCE
SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
Le statut du français a incontestablement changé : le français a longtemps été l'autre langue universelle, avec l'anglais. Aujourd'hui, l'enjeu est que la langue française s'affirme pleinement comme une langue d'influence mondiale. Le risque est qu'elle ne parvienne qu'à être une langue d'influence régionale.
Le discours sur le caractère universaliste de la langue française apparaît désormais daté. Il ne s'agit pas aujourd'hui tant de lutter contre la position dominante de l'anglais que de contrer les tendances à l'hégémonie. En revanche, il nous appartient de valoriser pleinement différents atouts. Il y a là un enjeu géostratégique majeur : c'est parce qu'une vingtaine de pays africains sont francophones et que leurs représentants s'expriment dans les enceintes internationales et notamment aux Nations unies en français que notre langue est restée une des langues officielles. Le maintien de la francophonie dans ces pays constitue donc un gage essentiel pour la place de la France dans le monde et les institutions internationales.
Il apparaît aujourd'hui impératif de mener des stratégies d'alliances en matière de diversité linguistique au sein de l'Union européenne en évitant de se replier derrière des discours nostalgiques. Il faut développer le plurilinguisme en Europe. L'avenir du français se joue manifestement en premier lieu dans l'espace européen. Si nous ne parvenons pas à imposer la place du français dans l'espace européen, c'est l'objectif de préservation et de maintien du français dans le monde qui est hypothéqué. L'objectif poursuivi est que la deuxième langue étrangère apprise dans les pays de l'Union européenne par les jeunes écoliers soit le français.
Les stratégies de développement de la francophonie doivent être géographiquement différenciées. Dans le passé, on a trop souvent opposé des priorités sectorielles à des priorités géographiques ; or ces découpages ne se superposent pas de manière optimale.
Si le fait d'apprendre le français est lié, dans les pays de l'Europe centrale et de l'est, à la volonté d'intégrer au plus vite les structures de l'Union européenne, dans les pays de l'Asie et d'Amérique latine, la connaissance de la langue française est perçue comme un mode d'accès à l'Europe, à sa culture et ses valeurs. Dans les pays africains de l'espace francophone, cette langue française que nous avons en partage est vécue comme un vecteur de solidarité et d'aide au développement.
Il faut tout d'abord revenir sur la réalité des chiffres. D'après les statistiques officielles, il y a aurait 130 millions de locuteurs de langue française dans le monde et 80 millions d'apprenants.
Le nombre des apprenants progresse chaque année de 4 % en moyenne. Ce résultat favorable peut s'expliquer par deux grandes raisons.
En premier lieu, l'augmentation des apprenants s'explique en partie par l'accroissement du nombre de filles scolarisées dans les pays en voie de développement de l'espace francophone, et notamment dans les pays africains.
En second lieu, il existe dans les pays européens notamment une tendance générale à encourager - ou à imposer selon les cas - les élèves à pratiquer deux langues étrangères. Cette particularité des systèmes éducatifs des pays de l'Union européenne a un impact fort sur le nombre d'apprenants du français. Par exemple, on peut noter que le nombre d'apprenants du français en Espagne est passé en quelques années de 250 000 à plus d'un million.
Un des atouts majeurs de la langue française est qu'elle est parlée sur les cinq continents. De très nombreux locuteurs de tous pays se sont appropriés notre langue. Les locuteurs hispanisants, très nombreux dans le monde, ne sont cependant pas présents sur les cinq continents. Seuls l'anglais et le français, possèdent cet atout majeur.
Pour développer réellement la francophonie, il n'apparaît aujourd'hui pas opportun de plaider pour un usage exclusif de la langue française, mais plutôt de chercher à conférer à notre langue une fonction médiatrice entre la langue maternelle et l'anglais. On observe que, dans des pays dans lesquels la place du français était dans le passé minime, la demande pour le français en tant que deuxième langue étrangère - après l'anglais - s'est beaucoup accentuée. On peut citer les cas de nombreux pays d'Amérique latine, de Singapour, de Hong Kong, des pays du Golfe. On note que ce sont dans les pays dans lesquels la première langue étrangère est systématiquement l'anglais que la demande d'apprentissage d'une deuxième langue - en l'occurrence le français - est la plus forte.
Dans cinq pays, soit émergents, soit ayant vocation à peser de plus en plus fortement sur la scène internationale - à savoir la Chine, l'Inde, le Mexique, le Brésil et la Russie - on sait par ailleurs que la demande pour le français est de plus en plus forte. Il y a là un enjeu majeur pour la francophonie. Les actions menées doivent en particulier être ciblées sur les futurs décideurs des pays concernés, ceux dont on peut supposer qu'ils sont susceptibles de détenir des responsabilités politiques, économiques ou sociales dans un avenir proche.
D'une manière générale, il convient de développer encore la politique de reconnaissance des certifications en langue française. L'objectif est qu'à terme, les examens certifiant la connaissance de notre langue servent de référence sur les marchés du travail de nombreux pays, comme cela est le cas pour les diplômes de certifications de connaissances en langue anglaise.
On doit se réjouir à cet égard du succès grandissant rencontré par le diplôme élémentaire de langue française (DELF), qui correspond aux élèves jeunes, et le diplôme approfondi de langue française (DALF), qui peut être obtenu par des étudiants ou des adultes. On a en effet observé une forte hausse des candidats inscrits : 345 000 candidats en 2001, dans 130 pays différents. Les candidats ont très souvent appris le français soit dans les établissements scolaires locaux, soit par le biais des Alliances françaises ou des instituts et centres culturels français.
Il convient de développer la politique de suivi de ces personnes : que deviennent-elles après ? Dans quelles branches d'activités travaillent-elles ? Ce sont ces personnes qui ont vocation à devenir nos partenaires privilégiés pour l'élaboration et la mise en _uvre de nos actions de coopération.
Les actions visant à développer la francophonie dans tous ces aspects constituent indéniablement un facteur d'influence de la France sur la scène internationale.
Les projets de coopération et d'aide au développement que la France porte de manière bilatérale ou multilatérale dans des pays en voie de développement participent d'une manière très concrète à la diffusion de la francophonie. Ainsi la coopération internationale constitue tout à la fois un moyen d'exercer la solidarité de la France vis-à-vis des pays en développement et un instrument au service du renforcement de sa présence mondiale.
La coopération avec les pays francophones s'inscrit dans une conception d'ensemble. Toutefois, la rapporteure pour avis considère que la particularité de l'espace francophone donne lieu à certaines spécificités.
La francophonie représente, avec l'Union européenne et l'Alliance atlantique, l'une des communautés d'appartenance que dictent à notre pays les conditions particulières de sa géographie et de son histoire. Elle représente donc l'un des trois grands cercles d'association et d'alliance de la France.
Si elle est conduite selon les mêmes principes que la coopération avec le reste du monde, la coopération que la France mène avec les pays francophones a surtout pour vocation de contribuer au maintien et au développement de cette communauté. Elle se caractérise ainsi par une forte intensité, une présence humaine sur le terrain particulièrement importante et une attention renforcée aux éléments qui fédèrent cette communauté et en assurent la pérennité, en l'occurrence, la langue française et les valeurs qui l'accompagnent.
La conception française de la coopération menée dans les pays notamment francophones est originale par rapport aux politiques menées par d'autres pays développés. Il existe bien une spécificité de la conception française de la coopération.
Certes, la France et ses partenaires anglo-saxons ont, en général, la même conception de la coopération internationale et adhèrent, globalement, au même ensemble de valeurs fondamentales. Un des point commun est de considérer comme plus efficaces et plus justes, dans tous les registres d'activités, les systèmes ouverts fondés sur le respect de la liberté de la personne : la démocratie dans le domaine du politique, l'économie de marché dans le domaine économique, la pensée critique (la philosophie, la libre recherche scientifique) dans le domaine du savoir.
La France et ses partenaires anglo-saxons sont bien entendu en accord sur le type d'évolutions à favoriser dans les pays bénéficiaires de leur aide. La conception française n'en comporte pas moins un certain nombre de spécificités liées à l'histoire de notre pays et à sa position dans la société internationale.
La France a toujours considéré qu'il est indispensable d'aider les pays concernés à se doter de règles et d'autorités susceptibles de les édicter et de les protéger. Cette conception conduit notre pays à valoriser le rôle de l'Etat et de ses capacités régulatrices dans le développement des pays qu'elle entreprend d'aider. Ainsi, elle accorde traditionnellement une place importante à la coopération institutionnelle, notamment au renforcement des capacités des administrations.
La certitude selon laquelle le respect des règles et des autorités légitimes est une condition sine qua non du développement, conduit la France à lier le problème du développement à celui de la régulation de la société internationale. La France considère en effet que le développement des pays les moins avancés dépend de notre capacité à soumettre les échanges économiques internationaux à des règles prédéfinies afin d'éviter qu'ils ne pénalisent les pays peu préparés à affronter la concurrence ou n'entraînent de dangereux phénomènes d'instabilité financière. C'est tout le sens des propositions du Président de la République relatives à l'établissement d'une gouvernance économique mondiale (avec la création d'un conseil de sécurité économique et social et d'une fiscalité internationale).
Dans la conception française, le développement des pays pauvres, et plus généralement l'existence d'une société internationale prospère et pacifique, dépendent de notre capacité à régler les rapports politiques autrement que par le jeu de la puissance ou la loi du plus fort. C'est dans cet esprit que la France milite pour un ordre international régi par le droit dans lequel le traitement des différends, des crises et conflits serait assuré par des organisations multilatérales, notamment le Conseil de Sécurité des Nations unies.
La France s'associe au consensus international sur l'objectif de réduction de la pauvreté assignée à l'aide au développement, mais insiste sur la lutte à mener, de surcroît, contre les inégalités.
La pauvreté, que l'on peut décrire comme la non-satisfaction des besoins de base, a tendance à reculer dans le monde (la pauvreté monétaire - c'est-à-dire le fait d'avoir moins d'un dollar par jour par personne) recule au rythme de 1,7 % par an. Mais cela n'empêche pas les inégalités de progresser aussi bien au sein des pays du Sud qu'entre ces derniers et les pays développés.
L'analyse française est que des inégalités trop importantes produisent automatiquement, entre des populations que tout sépare, des « fractures » susceptibles de rendre impossible leur dialogue, de porter atteinte à la cohésion du groupe social ou à la stabilité de la société internationale toute entière.
La France accorde en outre une place importante aux biens auxquels on estime, suite à un consensus social, que tous doivent pouvoir accéder et pour lesquels un service collectif est souvent nécessaire. Ainsi, dans les pays dont elle aide le développement, la France insiste sur l'importance des services publics et concentre sur ceux-ci, notamment sur les services sociaux de l'éducation et de la santé, une part importante de ses interventions.
Par ailleurs, la France est engagée dans la réflexion sur les « biens publics mondiaux », c'est-à-dire les biens qui, compte tenu de l'interdépendance des problèmes dans un monde globalisé, méritent d'être gérés par des acteurs publics de niveau mondial. Elle plaide pour une telle gestion internationale, notamment des questions environnementales comme l'eau ou le climat, dont dépend le développement durable de la planète, et a totalement intégré à ses actions de coopération la dimension de l'environnement.
Les autorités françaises considèrent que les _uvres de l'esprit ne peuvent être traitées seulement comme des marchandises et que les acteurs publics, au niveau des Etats comme à l'échelle internationale, sont fondés à en assurer la préservation et la promotion. Elles estiment qu'il en va de la diversité culturelle, c'est-à-dire de la possibilité, pour chaque société, de dégager elle-même, à travers ses propres images et sa propre langue, la signification de son expérience. La proposition du président de la République relative à l'élaboration d'une convention mondiale sur la diversité culturelle illustre ce point de vue.
La coopération internationale est considérée comme un instrument, parmi d'autres, pouvant contribuer à la promotion de la diversité culturelle. Notre aide au développement doit ainsi prendre en compte la culture par des actions de valorisation du patrimoine et d'appui aux expressions des pays du sud. La promotion de la langue et de la culture françaises qui est véhiculée par des actions de coopération d'influence doit être appréhendée comme une manière de promouvoir une culture autre que la culture prépondérante.
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Le budget des affaires étrangères pour 2003 doit être salué pour son caractère équilibré et pragmatique. Le contexte international actuel incite à la modernisation de notre action internationale car se font ressentir plus vivement aujourd'hui à la fois le besoin de sécurité dans un environnement international devenu plus dangereux et incertain et le devoir de solidarité à l'égard des plus pauvres dans un monde d'interdépendances et d'inégalités.
Il est heureux que la tendance à la diminution de l'aide publique au développement française soit aujourd'hui inversée, son niveau rapporté au PIB étant passé de 0,34 % en 2001 à environ 0,36 % en 2002. Avec 600 millions d'euros pour l'exercice 2003, l'APD française devrait représenter environ 0,39 % du PIB. Il faut se réjouir de cette nouvelle tendance que le gouvernement actuel entend confirmer au cours des années à venir.
La France a un rôle particulier pour contribuer à relever le défi du sous-développement notamment dans les pays francophones. Par ses actions de coopération, elle favorise notamment la consolidation - et parfois la restauration - de l'Etat de droit dans les pays concernés ; or le respect des règles démocratiques constitue un gage pour que cette aide soit mieux utilisée.
Les liens entre les actions de coopération et la promotion de la francophonie sont aujourd'hui forts. Ils seront plus forts encore si la conception même de la francophonie évolue dans un sens plus pragmatique. En effet, la bataille pour le français et la Francophonie s'inscrit dans le contexte plus vaste de la bataille en faveur de la diversité culturelle. Or la diversité linguistique est une des composantes essentielles de la diversité culturelle. Ce que nous devons défendre, c'est en réalité la promotion d'une langue qui vive en coexistence avec d'autres langues. Comme l'a clairement indiqué le Président de la République, M. Jacques Chirac, lors du sommet de Beyrouth, « la francophonie est un combat contre l'uniformisation. ». Dans un récent discours devant le Haut conseil de la francophonie, le chef de l'Etat avait déjà souligné qu'« en luttant pour la francophonie, la diversité des cultures, ce qui nous rassemble, ce n'est pas une nostalgie, mais une nécessité pour l'avenir, celle de contribuer à l'épanouissement des civilisations, à leur compréhension mutuelle et aussi et surtout au respect de chacune d'entre elles. »
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Henriette martinez, les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2003, au cours de sa séance du jeudi 17 octobre 2002.
Après l'exposé de la rapporteure pour avis, le président Jean-Michel Dubernard s'est réjoui des données exposées par la rapporteure pour avis qui montrent que la France reste attractive pour les étudiants étrangers, alors que la situation des filières médicales ne reflète pas ce phénomène. Or l'image de la France dépend du rayonnement de la langue française et de notre capacité à mobiliser tous les efforts pour contribuer encore plus activement l'aide au développement durable dans le monde.
M. Pierre Hellier s'est interrogé sur le rôle et les crédits destinés aux Alliances françaises et notamment sur leur impact réel en matière de pratique de la langue française dans les pays dans lesquelles ces alliances sont implantées.
Mme Béatrice Vernaudon a indiqué que la question de la francophonie se posait avec une acuité particulière dans le bassin océanien. En effet, sur les vingt-sept territoires qui le composent seuls trois sont français. On peut aussi mentionner le Vanuatu qui étant un bassin francophone jouit d'une situation particulière. On peut également se réjouir de la mise en place d'un organisme de coopération de la communauté du Pacifique, regroupant la Micronésie, la Polynésie et la Mélanésie. Les participations financières françaises ne sont d'ailleurs pas négligeables. Il paraît indispensable que le rayonnement de la France, dont l'image a été notablement ternie par les essais nucléaires effectués dans un passé proche, puisse être restauré dans cette région du monde.
En réponse, la rapporteure pour avis a indiqué que les crédits pour les établissements culturels, de coopération et de recherche s'élèvent à 51,4 millions d'euros pour 2003, tandis que les moyens affectés aux Alliances françaises pour la rémunération du personnel mis à disposition se montent à 28 millions d'euros.
On compte 1 135 Alliances françaises, dont 204 bénéficient d'une aide du ministère des affaires étrangères, présentes dans 138 pays. Elles ont pour rôle de contribuer à fédérer les Français à l'étranger mais elles dispensent également des cours d'enseignement du français à destination d'élèves et d'étudiants étrangers. Elles ne s'adressent donc pas seulement à la communauté des Français de l'étranger.
L'objectif est que les certifications de connaissances du français - que sont le diplôme élémentaire de langue française (DELF) et le diplôme approfondi de langue française (DALF) -soient à terme encore davantage reconnues sur le marché du travail de nombreux pays. Il serait par ailleurs intéressant de savoir ce que deviennent les personnes ayant obtenu le DALF ou le DELF ou ayant bénéficié d'une bourse pour mener des études supérieures en France car le but de cette politique est évidemment de développer les réseaux de personnes ayant appris et pratiquant la langue française et détenant dans leurs pays des responsabilités politiques, économiques ou sociales.
Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2003.
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N° 0257 - 01 - Avis de Mme Henriette Martinez sur le projet de loi de finances pour 2003 - Affaires étrangères : Francophonie et relations culturelles internationales
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Discours devant la conférence ministérielle de la Francophonie à Beyrouth, 15 octobre 2002