N° 258
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2002.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2003 (n° 230),
TOME XVII
PREMIER MINISTRE
PLAN
PAR M. ANDRÉ CHASSAIGNE,
Député.
--
Voir le numéro : 256 (annexe 37)
Lois de finances.
INTRODUCTION 5
I. - PRÉSENTATION DU BUDGET DU PLAN POUR 2003 7
A. L'INQUIÉTANTE RÉDUCTION DES MOYENS DU PLAN 7
B. L'AVENIR INCERTAIN DU PROGRAMME D'ÉTUDES 9
C. LA CRISE DE L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES 12
II. - UNE POLITIQUE DE PLANIFICATION QUI MANQUE D'AMBITION 16
A. LA NÉCESSITÉ D'INSCRIRE LES TRAVAUX DU PLAN DANS UN CADRE PLUS GLOBAL 16
1. Assurer la cohérence entre les sujets d'étude 16
2. Donner une dimension internationale à la prospective 17
B. DES TRAVAUX QUI SOUFFRENT D'UNE PUBLICITÉ ET D'UNE PRISE EN COMPTE SOUVENT INSUFFISANTES 17
C. LA RESTAURATION D'UNE UNITÉ POUR LA PLANIFICATION TERRITORIALE 18
1. Le difficile respect des objectifs annoncés 18
2. L'institution d'un contrôle parlementaire au service de la cohésion nationale 19
EXAMEN EN COMMISSION 21
MESDAMES, MESSIEURS,
Le simple jeu des forces du marché, plus puissantes et instables encore aujourd'hui qu'il y a une vingtaine d'années, n'est pas un gage de développement économique et d'épanouissement social durable, comme en témoignent la crise boursière actuelle et l'effondrement de ce qui avait été hâtivement qualifié de « nouvelle économie ». Chacun ne peut aujourd'hui que constater les dommages sociaux considérables causés par des licenciements qui résultent trop souvent de considérations de pure rentabilité financière et de mouvements spéculatifs irrationnels. Face à ces incertitudes, la France a plus que jamais besoin d'une vision de long terme, d'une analyse sereine du potentiel économique de la nation : cette mission est naturellement celle du Plan.
Le rôle du Commissariat général du Plan et des organismes qui s'y rattachent, dans un pays qui a opté pour l'économie de marché mais souhaite majoritairement en réguler les excès, devrait être de fixer un cap, de dessiner un horizon d'expansion économique. Or, les faits montrent que le Plan, depuis sa création par un décret du 3 janvier 1946, a non seulement cessé d'être considéré comme une « ardente obligation », mais a aussi largement renoncé à proposer à la France une stratégie de développement. Ce renoncement à une planification ambitieuse, dont on ne peut que constater qu'il a globalement coïncidé avec la fin de la période de croissance des « Trente glorieuses », résulte sans aucun doute d'un manque de volonté politique déjà assez ancien.
Toutefois, cette impression de déclin du Plan - dont le rôle consiste essentiellement aujourd'hui à réaliser, de façon ciblée, des prévisions et des évaluations en matière économique et sociale - est gravement accrue par l'usage bien modeste que le Gouvernement semble vouloir en faire si l'on en juge par le budget qui nous est présenté.
Ainsi, les crédits de paiement réservés au Plan dans le projet de loi de finances pour 2003 n'atteignent plus que 24,82 millions d'euros, alors qu'ils s'élevaient à 26,69 millions d'euros en 2002, ce qui représente une diminution de 7 % de sa dotation budgétaire. Cette inquiétante réduction des moyens du Commissariat général du Plan porte notamment sur les moyens des services, qui, personnel mis à part, baissent de 16,4 %.
En outre, le risque d'une remise en cause de la quantité et de la haute qualité des études réalisées par le Commissariat général du Plan et les organismes qui en dépendent financièrement devient réel. En effet le Gouvernement n'a passé aucune commande d'étude depuis six mois et prévoit notamment une diminution de 32,6 % des crédits de recherche destinés à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). L'évolution des dotations budgétaires consacrées à l'évaluation, avec des baisses de crédits comprises entre 20 et 25 %, n'est pas plus encourageante, alors même que chacun s'accorde à en reconnaître la nécessité.
Plus généralement, votre rapporteur regrette le manque d'ambition de la politique de planification, sans doute considérée, à tort, comme désuète à une époque où le libéralisme ne cesse d'étendre son emprise sur la vie économique et sociale. Il y aurait pourtant bien des façons de mettre en valeur la grande capacité d'expertise du Commissariat général du Plan.
Ainsi, les travaux de cette institution devraient s'inscrire dans un cadre plus global, ce qui supposerait notamment d'intégrer davantage les contraintes internationales - ainsi que les moyens d'y remédier - et de réunir plus souvent les études de prospective dans des ouvrages transversaux. Par ailleurs, les évaluations effectuées, parfois passionnantes, ne sont pas suffisamment prises en compte. Enfin, la planification territoriale, sur laquelle le Plan est chargé de veiller, souffre d'une organisation trop souvent inefficace, tant en ce qui concerne les conditions du débat parlementaire que le respect des objectifs énoncés.
Pour toutes ces raisons, portant à la fois sur le mode de fonctionnement du Plan et sur l'évolution négative de son budget, et parce qu'il ne se résout pas à voir décliner l'influence du Commissariat général du Plan, votre rapporteur vous propose d'émettre un avis défavorable sur l'adoption des crédits du Plan pour 2003.
I. - PRÉSENTATION DU BUDGET DU PLAN POUR 2003
Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit une baisse de 7 % des crédits de paiement destinés au Plan, qui passeront de 26,69 à 24,82 millions d'euros. Cette baisse importante porte sur les interventions publiques, dont la dotation recule de 8,3 %, mais surtout sur les moyens des services, qui chutent de 7,3 % à 5,12 millions d'euros, et même de 16,4 % si l'on exclut les dépenses de personnel, à peu près constantes.
De telles diminutions des moyens budgétaires pouvant réellement être engagés au titre du Plan pendant l'année ne peuvent être effacées par l'annonce d'une hausse de 18,6 % des autorisations de programme, qui atteindront 958 millions d'euros. L'annonce de probables reports de crédits de l'année 2002 sur 2003 ne peut pas davantage être considérée comme satisfaisante car une telle pratique ne peut être indéfiniment renouvelée pour compenser les restrictions budgétaires.
Le Plan semble d'abord fragilisé en ce qui concerne les effectifs qui, passant de 206 à 205 (du fait de la suppression d'un emploi de chargé de mission au Commissariat général du Plan), poursuivent leur baisse et font surtout l'objet d'une regrettable précarisation. Ainsi, le nombre de fonctionnaires titulaires employés par le Commissariat général du Plan et les organismes qui lui sont directement rattachés passe de 89 à 83 personnes, tandis que le nombre de contractuels augmente de 5 personnes. Cette évolution est d'autant moins anodine qu'elle concerne notamment trois emplois de conseillers du Commissaire général au Plan, ce qui pourrait affecter la stabilité des fonctions de direction de cet organisme.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le budget du Plan regroupe traditionnellement, outre les crédits du Commissariat général du Plan, les dotations budgétaires destinées à deux types d'organismes :
· les crédits de fonctionnement et d'investissement accordés aux organismes dépendant directement du Commissariat général du Plan :
- le Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), qui emploie 46 personnes et réalise des analyses et projections macro-économiques, ainsi que des études dans les domaines commerciaux et financiers, souvent à l'échelle internationale ;
- le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), qui emploie 11 personnes et étudie les revenus et les inégalités sociales, ainsi que les liens entre l'emploi, les revenus et la cohésion sociale ;
- le Conseil national de l'Evaluation (CNE), qui emploie 4 personnes et dont les études sont destinées à accroître à la fois la transparence des décisions publiques et l'efficacité de leur mise en _uvre.
· les crédits alloués à quatre autres organismes, dans le cadre de subventions inscrites au titre IV (action économique, encouragements et interventions).
Ces organismes sont les suivants :
- le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC), qui étudie plus particulièrement la consommation, les besoins et les aspirations de la population en faisant appel aux statistiques, à l'économie, à la sociologie et à la psychologie ;
- le Centre d'études prospectives d'économie mathématique (CEPREMAP), qui effectue de la recherche fondamentale en matière de théorie économique et étudie des modèles de prévision ;
- l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui étudie la situation économique de la France et des pays européens et analyse la réalisation des prévisions économiques ;
- l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), qui réalise des études économiques et sociales à la demande d'organisations syndicales.
ORGANISMES SUBVENTIONNES
Évolution des subventions - LFI de 1997 à 2003
(en milliers d'euros)
Organismes |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
||
CREDOC |
827,8 |
839,2 |
839,2 |
845,9 |
850,2 |
860 |
868,1 |
CEPREMAP |
1 150,4 |
1 166,2 |
1 166,2 |
1 175,5 |
1 181,5 |
1 181,5 |
1 192,6 |
OFCE |
3 084,3 |
3 122,5 |
3 122,5 |
3 130,7 |
3 441,1 |
3 671 |
3 146,5 |
IRES |
2 769,5 |
3 162,9 |
3 114,1 |
3 083,6 |
3 203,8 |
3 356,8 |
3 100,4 |
Source : Commissariat général du Plan
L'évolution des subventions accordées à ces organismes dans le projet de loi de finances pour 2003 est globalement négative. Certes, le CREDOC et le CEPREMAP bénéficient d'une amélioration très légère de leurs dotations, qui poursuivent ainsi une augmentation en pente douce amorcée dès 1997. Toutefois, l'IRES et surtout l'OFCE connaissent une grave diminution des crédits qui leur sont traditionnellement destinés.
Ainsi, la réduction de 256 400 euros de la subvention accordée à l'IRES porte sur les crédits de fonctionnement accordés à cette institution : ceux-ci, d'un montant de 1,93 millions d'euros, baisseront de 12,16 %, ce qui pourrait remettre en cause la stabilité des équipes de chercheurs.
Avec une chute de 32,6 % des crédits de recherche qui lui sont versés (1,09 millions d'euros en 2003 contre 1,61 millions d'euros en 2002), l'OFCE est la principale cible des restrictions budgétaires décidées par le Gouvernement pour 2003. Votre rapporteur regrette vivement ce choix, car une diminution aussi brutale du soutien financier accordé par l'Etat risque fort de réduire la capacité d'analyse et le nombre d'études réalisées par cette institution, pourtant réputée pour la qualité de ses travaux.
· A l'exception des crédits du CEPII, qui restent stables à 3,41 millions d'euros, les dotations budgétaires de tous les organismes intégrés au Plan sont elles aussi en baisse pour 2003. En effet, les crédits du Commissariat général du Plan n'atteignent plus que 8,36 millions d'euros (contre 8,77 millions d'euros en 2002, ce qui représente une réduction de 4,7 %), tandis que ceux du CERC, à 985 070 euros, baissent de 16,6 %.
En outre, les crédits destinés au CNE et à l'évaluation des politiques publiques s'élèvent à 1,02 million d'euros, chutent de 24,5 %, et ceux distribués pour l'évaluation des contrats de plan Etat-régions, dotés de 1,19 millions d'euros, diminuent de 20,18 %. Ces coupes budgétaires sont d'autant moins judicieuses que la démarche évaluative est amenée à se développer pour limiter les dysfonctionnements constatés dans la mise en _uvre des décisions publiques, qu'elles émanent de l'Etat ou des collectivités locales.
La seule amélioration budgétaire sensible concerne les crédits de recherche en socio-économie, qui atteignent 958 000 euros en autorisations de programmes et 783 000 euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 18,6 % pour les premiers et de 19,4 % pour les seconds.
Le Plan, ayant peu à peu renoncé à son rôle de guide pour l'activité économique du pays, même à titre indicatif, a dû recentrer ses activités sur des travaux d'étude et de prospective économique et sociale qu'il est chargé de superviser et coordonner.
Cette tâche reste indispensable : il s'agit en effet d'éclairer le Gouvernement sur les enjeux de moyen et de long terme et les moyens d'y répondre. En effet le Commissariat général du Plan a la particularité d'associer les représentants des administrations centrales et des collectivités locales, les partenaires sociaux et le monde universitaire à une réflexion et à une mise en forme communes des diagnostics et des propositions. Ce croisement des disciplines et des points de vue est à la fois utile et fécond pour mieux comprendre une réalité complexe, faire accepter les décisions publiques grâce à un débat et une instruction sérieuses, et faire émerger de nouveaux modes de régulation collectifs.
Peu d'autres institutions publiques peuvent ainsi contribuer en amont, par la prospective et la concertation, et en aval, par l'évaluation des politiques publiques, à l'éclairage du Gouvernement et des différents acteurs sociaux sur les différentes options envisageables pour l'action collective. Cette démarche a en outre l'avantage de permettre une approche interministérielle, qui est favorable à la cohérence des analyses et des préconisations.
50 rapports ou études ont été rendus publics entre février 1998 et juillet 2002. Ces rapports recouvrent les thèmes les plus divers. Certains d'entre eux ont été réalisés conformément à une demande exprimée par le Premier ministre dans une lettre du 31 mars 1998 :
- « élargissement de l'Union européenne à l'est de l'Europe » ;
- « le gouvernement économique de la zone euro »;
- « emploi, négociation collective, protection sociale : vers quelle Europe sociale ? »;
- « quel scénario pour une nouvelle géographie économique de l'Europe ? » ;
- « recherche et innovation : la France dans la compétition mondiale »;
- « diffusion des données publiques et révolution numérique »;
- « l'Union européenne en quête d'institutions légitimes et efficaces » ;
- « la nouvelle nationalité de l'entreprise dans la mondialisation »;
- « l'Etat et les technologies de l'information. Vers une administration à accès pluriel »;
- « quels avenirs pour l'Europe de la justice et de la police ? » ;
- « l'infosphère : stratégie des médias et rôle de l'Etat »;
- « fonctions publiques : enjeux et stratégies pour le renouvellement »;
- « minima sociaux, revenus d'activité, précarité » ;
- « services publics en réseau : perspectives de concurrence et nouvelles régulations » ;
- « gestion dynamique de la fonction publique : une méthode » ;
- « compétitivité globale : une perspective franco-allemande » ;
- « jeunesse, le devoir d'avenir » ;
- « réduction du temps de travail : les enseignements de l'observation » ;
- « services : organisation et compétences tournées vers le client ».
D'autres études ont été réalisées en dehors de ce programme de travail, et ont abouti à des rapports :
- le rapport « L'avenir de nos retraites », que le Premier ministre avait demandé au Commissaire au Plan d'élaborer sur la situation et les perspectives de notre système de retraite sous la forme d'un « diagnostic aussi partagé que possible par les partenaires sociaux et les gestionnaires des différents régimes » ;
- le rapport « Economie des nouvelles technologies » de M. Michel Volle publié par Economica avec le soutien du CGP ;
- le rapport sur la situation et les perspectives du secteur de l'assurance en France, de la Commission des finances du Sénat ;
- le rapport « Institutions nouvelles pour le développement de l'entreprise », issu du groupe de travail présidé par M. Lucien Pfeifer ;
- le rapport « 2000-2006 : quelles priorités pour les infrastructures de transport » issu des travaux de l'atelier sur les orientations stratégiques de la politique des transports et leurs implications à moyen terme, présidé par M. Alain Bonnafous, directeur de recherche au Laboratoire d'économie des transports ;
- le rapport « Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire » réalisé par MM. Jean-Michel Charpin, commissaire général du Plan, Benjamin Dessus, directeur de recherche au CNRS et René Pellat, Haut commissaire à l'énergie atomique ;
- le rapport « Le partenariat euro-méditerranéen. La dynamique de l'intégration régionale » issu des travaux du groupe de travail présidé par M. Rémy Leveau ;
- le rapport « Transports : choix des investissements et coûts des nuisances », issu du groupe présidé par M. Marcel Boiteux ;
- le rapport « OGM et agriculture : option pour l'action publique », issu du groupe de travail présidé par M. Bernard Chevassus-au-Louis ;
- le rapport « L'Etat et les ONG : pour un partenariat efficace », issu du groupe de travail présidé par M. Jean-Claude Faure ;
- le rapport « Effets redistributifs des dotations de l'Etat aux communes », issu de l'étude réalisée par MM. G. Gilbert et A. Guengant ;
- le rapport « Entre chômage et difficultés de recrutement : se souvenir pour prévoir », issu du groupe « Prospective des métiers et qualification ».
Par ailleurs, au titre du programme de travail fixé par le Premier ministre dans sa lettre du 27 novembre 2000 (avec trois axes principaux : retour au plein emploi et encouragement de l'activité, renforcement de la cohésion sociale et sécurisation des parcours individuels, nouvelles régulations publiques), la plupart des groupes de travail ont été installés et sont sur le point de livrer leurs conclusions sur les thèmes suivants :
- l'économie entrepreneuriale ;
- le financement de l'économie française : une approche comparative ;
- les transports urbains dans les grandes agglomérations françaises
- les régulations publiques face aux technologies de l'information ;
- la fonction européenne et internationale dans l'administration française.
Quatre chantiers ont par ailleurs commencé leurs travaux sous la forme de mise en place de séminaires dont les actes doivent être publiés :
- La France dans l'économie de la connaissance ;
- Immigration, marché du travail et intégration ;
- Europe des acteurs économiques et sociaux ;
- La prévention des risques.
A ce jour, seul le groupe de travail consacré aux « scénarios de prospective et prévision des émissions de gaz à effet de serre » a rendu public son rapport, sous le titre « Effet de serre : modélisation économique et décision publique ».
Il serait utile que ces travaux, qui présentent souvent une grand intérêt et une haute qualité intellectuelle, donnent lieu à un débat parlementaire, afin d'éclairer démocratiquement la stratégie adoptée par la puissance publique, notamment sur des sujets controversés comme le système de retraites ou la politique énergétique.
Afin d'assurer la publicité de ces rapports, leur édition a toujours été suivie d'une conférence de presse et d'une diffusion ciblée dans les milieux institutionnels, économiques, universitaires et syndicaux. A ces pratiques promotionnelles se sont ajoutées la parution d'une « Lettre du Commissariat général du Plan » (qui se limite généralement à un recto verso) envoyée à 1 200 personnes, et, à partir de l'année 2000, la mise à disposition des rapports ou de leurs synthèses sur Internet.
Le Commissariat général du Plan est une administration de mission : parce qu'elle est placée sous l'autorité du Premier ministre, elle est chargée d'exécuter le programme de travail que celui-ci lui fixe. Or, si des instructions avaient été données à cet effet par le Premier ministre dans ses lettres du 31 mars 1998, du 24 novembre 1998 et du 27 novembre 2000, rien de tel n'a été effectué depuis lors, et notamment depuis la nomination du nouveau Gouvernement.
Non seulement cette absence d'impulsion traduit un manque d'intérêt pour les travaux du Plan, sous doute considérés comme secondaires, mais elle pourrait conduire à un ralentissement, voire à une remise en cause des travaux d'études effectués dans le cadre du Plan, lorsque l'ensemble des rapports précédemment commandés auront été achevés. Il convient en effet de rappeler que la durée nécessaire pour effectuer une étude est généralement comprise entre trois et douze mois (le plus souvent autour de six mois).
Une telle absence de perspective constitue donc une nouvelle menace pour l'avenir du Plan, atteint à la fois dans ses moyens financiers et dans ses missions.
Le rôle actuel du Commissariat général du Plan comporte deux volets : l'un, prospectif, consiste à éclairer les décisions publiques en amont, tandis que l'autre, évaluatif, consiste à apprécier en aval l'efficacité des politiques mises en _uvre. Il s'agit de deux faces, également essentielles, d'une même démarche, qui fait appel aux capacités d'expertise du Plan.
En matière d'évaluation des politiques publiques, le Commissariat général du Plan est chargé d'une triple mission :
- assurer le secrétariat du Conseil national de l'évaluation (CNE), organisme qui a remplacé, depuis le décret du 18 novembre 1998, l'ancien Conseil scientifique de l'évaluation ;
- animer le dispositif d'évaluation des contrats de plan Etat-région ;
- contribuer au développement de l'évaluation dans l'administration.
· En vertu du décret du 18 novembre 1998, pour mieux prendre en compte le rôle croissant des collectivités locales dans l'action publique, le nouveau CNE, installé le 16 février 1999, intègre plusieurs représentants des élus locaux. La procédure suivie, fixée par une circulaire du 28 décembre 1998, prévoit que le Premier ministre arrête un programme d'évaluation sur proposition du CGP, qui est chargé d'assurer le secrétariat du CNE, le suivi des travaux, la gestion des crédits du Fonds national de développement de l'évaluation (FNDE), ainsi que d'examiner la suite donnée par les administrations aux évaluations réalisées.
Le Premier ministre a approuvé le 2 août 2001, dans la foulée de la réunion interministérielle du 28 juin 2001, le troisième programme d'évaluation proposé par le CNE. Les thèmes suivants ont été retenus :
- fonds structurels et politiques régionales ;
- politique du service public des déchets ménagers ;
- aide aux très petites entreprises ;
- politique de contractualisation avec les universités ;
- pratiques de recours à des opérateurs externes pour la mise en _uvre des politiques actives d'emploi ;
- politique de transport combiné rail/route ;
- étude de faisabilité d'une évaluation sur les politiques d'amélioration de l'accès à la prévention et aux soins.
Entre septembre 2001 et février 2002, les instances chargées de mener à bien ce troisième programme ont été installées et ont toutes engagé les procédures de commandes d'études.
En ce qui concerne le premier programme, lancé le 13 juillet 1999, trois évaluations sont achevées et publiées, sur les thèmes suivants :
- préservation de la ressource destinée à la production d'eau potable (publication en octobre 2001) ;
- nouveaux services-emplois jeunes dans le secteur de la jeunesse et des sports (publication en novembre 2001) ;
- mesure d'aide aux emplois du secteur non marchand (publication en mars 2002).
L'instance d'évaluation de la politique de lutte contre le sida a achevé ses travaux en juillet 2002, et a transmis son rapport au CNE qui rendra un avis avant que la publication n'intervienne. Les administrations concernées devront également faire connaître au préalable leurs réactions et propositions.
En revanche, il a été mis fin aux travaux de l'instance d'évaluation du logement social dans les DOM, faute de perspectives et de débouchés rapides. En effet, le cofinancement des travaux n'était pas assuré et, compte tenu du décès du rapporteur général et du manque de données sur le sujet, il a semblé préférable, au moins dans un premier temps, de charger l'inspection générale des finances de réaliser un rapport.
Quant aux évaluations décidées par le Premier ministre lors du Comité interministériel de la réforme de l'Etat du 12 octobre 2000 (deuxième programme), elles achèveront leurs travaux entre novembre 2002 et janvier 2003. Ces évaluations portent sur la formation professionnelle continue des agents de l'Etat, la mise en _uvre de la politique nationale de sécurité routière par les systèmes locaux de contrôle-sanction, et les politiques de développement rural.
Malheureusement, force est de constater que la nouvelle procédure mise en place n'a pas encore conduit à une franche relance de l'évaluation des politiques publiques, que les discours officiels ne cessent pourtant d'invoquer comme une impérieuse nécessité.
Ainsi, depuis trois ans, seules trois évaluations ont été publiées (voir ci-dessus), alors que douze autres ont été décidées, parfois dès juillet 1999.
Par ailleurs, les crédits destinés dans le projet de loi de finances pour 2003 à l'évaluation des politiques publiques effectuée par le FNDE ne s'élèvent plus qu'à 1,07 millions d'euros, contre 1,32 millions d'euros en 2002, ce qui représente une baisse de 19,1 % de cette dotation. Une telle réduction ne peut trouver de justification pertinente dans la sous-consommation antérieure des crédits, car ce phénomène s'est fortement atténué depuis l'année 2001. Surtout, la réduction des moyens financiers réservés à l'évaluation n'est favorable ni au rattrapage du retard pris dans la mise en _uvre du programme gouvernemental, ni, plus généralement, au développement de l'expérimentation annoncé par le Gouvernement.
· En ce qui concerne l'évaluation des contrats de plan Etat-régions (CPER), dont les modalités ont été définies par une circulaire du Premier ministre en date du 25 août 2000, le Commissariat général du Plan a pour rôle de mettre à la disposition des préfets de régions les crédits nécessaires et de faire bénéficier les acteurs régionaux de son aide méthodologique. La procédure s'appuie essentiellement sur l'échelon régional, même si une instance nationale présidée par le Commissaire général au Plan supervise l'ensemble des travaux.
L'évaluation s'étend en réalité aux contrats de ville et d'agglomération, aux contrats de pays et aux contrats conclus avec les parcs naturels régionaux inscrits dans un CPER. Les thèmes d'évaluation les plus couramment retenus ont trait à l'environnement, à l'emploi, aux aides aux entreprises, aux technologies de l'information et de la communication et aux infrastructures.
Un retard important a été pris dans l'installation des conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire (CRADT) et de leur section spécialisée, du fait des échéances électorales et de certaines interrogations relatives à la composition de ces sections, qui font largement appel aux services déconcentrés de l'Etat. Ce retard est tel qu'aujourd'hui l'évaluation des CPER est presque à l'arrêt, alors même que le taux d'exécution de ces contrats est nettement insuffisant, notamment en matière ferroviaire.
Les seules mesures véritablement concrètes prises à ce jour pour améliorer le fonctionnement des procédures d'évaluation des CPER sont la création par le CGP d'un site Internet consacré à ces questions, et l'affectation d'un agent supplémentaire. Votre rapporteur ne peut que souligner avec gravité le décalage flagrant entre l'ampleur du problème et les timides mesures prises pour y remédier. Il convient en outre de rappeler que les sommes en jeu sont loin d'être négligeables, puisque, sur la période 2000-2006, l'Etat doit consacrer 10,5 millions d'euros à l'évaluation des CPER.
Par ailleurs, il n'est pas certain que la répartition des compétences entre la DATAR et le CGP soit optimale. La première est en effet chargée de superviser la mise en _uvre des CPER dans leur ensemble, en gérant notamment l'attribution des fonds, tandis que le second effectue le même travail au niveau de la seule évaluation des CPER. Il faut ajouter que la DATAR est compétente pour l'évaluation des fonds structurels. Une telle organisation, qui multiplie les interlocuteurs des collectivités locales, est de nature à accroître les lourdeurs procédurales et les problèmes bureaucratiques en tous genres. Seule une étroite coopération entre la DATAR et le CGP permettrait, peut-être, d'y remédier.
· En ce qui concerne le développement de l'évaluation dans l'administration, le Commissariat général du Plan a pris l'initiative, début 2002, de bâtir, en association avec le CNE, un site Internet consacré à l'évaluation des politiques publiques, qui permet d'échanger les expériences pour encourager les « bonnes pratiques ».
Par ailleurs, le CGP accueille des visiteurs étrangers et participe à des séminaires de formation organisés à l'initiative d'administrations centrales (par exemple la direction générale de la comptabilité publique), d'établissements publics de formation (tels que l'Ecole nationale d'administration ou l'Ecole nationale de la santé publique) ou d'acteurs régionaux.
Enfin, le CGP participe aux travaux du groupe de travail « évaluation » du Conseil national pour l'aménagement et le développement du territoire (CNADT) et à l'animation du Club de l'évaluation.
II. - UNE POLITIQUE DE PLANIFICATION QUI MANQUE D'AMBITION
Par ce qu'il ne se résout pas une marginalisation du Plan, confiné dans une fonction bien modeste d'expertise ponctuelle, votre rapporteur appelle la représentation nationale à jeter un regard novateur sur cette institution, dont toutes les potentialités ne sont pas exploitées. Ainsi, une utilisation ingénieuse de cet instrument devrait en premier lieu consister à élargir le champ des études, à la fois en les ouvrant davantage sur les problèmes internationaux et en assurant une plus grande cohérence entre les thèmes retenus pour les études.
Les questions abordées par le Commissariat général du Plan et les organismes qui s'y rattachent se caractérisent actuellement par une grande diversité : sont abordés des problèmes touchant à la politique économique, à la protection sociale, à l'agriculture, à l'environnement ou encore aux transports, pour ne citer que quelques thèmes récurrents.
Bien que la direction du CGP ait pour mission de veiller à la coordination de tous ces travaux, la cohérence de l'ensemble des recherches effectuées n'apparaît pas immédiatement aux yeux d'un observateur extérieur. Cet éclatement, voire ce cloisonnement des travaux menés et des équipes impliquées - souvent bénévolement - nuit à la visibilité de l'action du CGP, et ne lui permet pas de proposer au pays une analyse d'ensemble de sa situation économique et sociale. Le CGP, par le caractère interministériel et interdisciplinaire de son activité, ainsi que par la qualité et la diversité des experts qu'il associe, est pourtant l'institution idéale pour mener ce type de réflexion globale sur le développement du pays. Le rapport remis en septembre 1994 par M. Jean de Gaulle au Premier ministre, sous le titre « L'avenir du Plan et la place de la planification dans la société française », préconisait d'ailleurs la réalisation plus fréquente de tels rapports...
Certes, un rapport transversal avait été judicieusement commandé le 24 novembre 1998 par le Premier ministre au CGP, l'objectif annoncé étant d'« éclairer les perspectives » de développement économique et social de la France « à moyen et long terme pour l'ensemble des citoyens ». Ce rapport, publié à la Documentation française en juillet 2000 sous le titre « Rapport sur les perspectives de la France », et sur lequel le Conseil économique et social a rendu un avis positif le 27 novembre 2000, s'inscrivait dans cette vaste perspective. Votre rapporteur ne peut que regretter que cette expérience n'ait pas donné lieu à un plus vaste débat, notamment devant la représentation nationale, et n'ait pas été renouvelée.
Le développement de ce type de travaux permettrait en effet de donner à la réflexion du CGP l'unité et la dynamique qui lui font parfois défaut, tout en permettant aux principaux responsables publics d'intégrer à leur action des préoccupations de long terme.
Par ailleurs, à une époque où l'interdépendance des économies est de plus en plus marquée et où la mondialisation permet de justifier une évolution toujours plus libérale des économies des pays industrialisés, le CGP devrait vraisemblablement donner une dimension plus internationale à ses travaux.
Il s'agirait non seulement de faire connaître à l'étranger le résultat de ses études et d'échanger des informations avec des institutions étrangères comparables, mais surtout d'intégrer davantage dans la réflexion prospective les contraintes internationales, notamment en matière économique et commerciale. Ainsi, le CGP ne saurait négliger l'impact sur l'économie française de certaines obligations internationales, en particulier celles qui résultent des accords de libéralisation conclus dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.
La dimension sociale des études réalisées par le CGP devrait tout naturellement l'amener à examiner les conséquences souvent négatives de ce type d'accords sur la production industrielle française. Face à l'émergence de mouvements contestataires à l'échelle internationale, le rôle du CGP est aussi de proposer, sans parti pris idéologique, des solutions pour préserver l'emploi et les services publics dans une économie ouverte. A cet égard, votre rapporteur estime que l'idée de régulation et de coordination internationales des politiques économiques est riche de potentialités.
Une telle réorientation et un tel élargissement de l'activité du CGP serait, en effet, de nature à accroître la crédibilité et la notoriété de ses travaux auprès du grand public.
La réflexion du CGP sur des problèmes contemporains extrêmement divers se caractérise par de grandes capacités d'analyse et de synthèse. Toutefois, cette richesse intellectuelle est rarement mise en valeur au niveau qu'elle mériterait. En effet, la notoriété du Commissariat général du Plan, et surtout des études qu'il effectue, reste relativement faible dans l'opinion publique.
Ainsi, le citoyen ordinaire n'est guère tenu informé des conclusions
- pourtant souvent éclairantes - issues des travaux menés par le CGP sur des questions telles que la politique énergétique de la France (implantation des éoliennes et autres sources d'énergie renouvelable, pertinence du maintien et du développement de la filière nucléaire), ou encore la gestion des risques. Le CGP a pourtant réalisé des études passionnantes sur ces questions, sous la forme d'un rapport au Premier ministre paru en septembre 2000 et intitulé « Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire », d'un rapport au Parlement paru le 29 janvier 2002 sous le titre « Programmation pluriannuelle des investissements de production électrique », ou encore d'un rapport d'évaluation intitulé « La prévention des risques naturels », paru en septembre 1997.
Ces ouvrages étaient riches d'enseignements mais, faute d'une diffusion suffisante, dans les média notamment, n'ont pas donné lieu à un débat national intense, comme cela avait pu être le cas lors de la sortie, en 1998, du rapport au Premier ministre sur « l'avenir de nos retraites » réalisé sous la direction de l'actuel Commissaire général au Plan. La cause de leur faible prise en compte - comme en témoigne, par exemple, la prévention insuffisante et la gestion perfectible des inondations survenues ces dernières années dans l'Aude, la Somme puis le Gard - réside certainement dans cette insuffisante notoriété. Il pourrait y être remédié notamment par une meilleure présentation à la presse des rapports, une présentation plus dynamique du site Internet du CGP et de sa lettre périodique, ainsi que par une meilleure information du Parlement. Cette dernière pourrait passer par des débats formalisés et plus fréquents sur des rapports transversaux réguliers.
Le rôle du Commissariat général du Plan s'étend nécessairement à la planification territoriale, qu'il est chargé d'évaluer et qui est aujourd'hui au c_ur de la politique planificatrice de la France. Votre rapporteur tient à alerter la représentation nationale sur les nombreux dysfonctionnements qui caractérisent aujourd'hui notre planification territoriale, cette dernière reposant sans doute sur une architecture trop complexe et trop bureaucratique.
Ainsi, les nombreux objectifs annoncés dans le cadre des schémas de service collectifs décidés le 9 juillet 2001 lors du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de Limoges et parus dans le décret n° 2002-560 du 18 avril 2002 ne pourront vraisemblablement pas être tenus, faute de financement. Il en résulte une perte de crédibilité pour ces documents de planification, qui ont été adoptés après que les contrats de plan Etat-régions aient été signés au lieu de guider leur élaboration, et prétendaient dessiner des perspectives de développement sur vingt ans, ce qui paraît particulièrement ambitieux dans un secteur aussi incertain que les nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Comme cela a été affirmé à votre rapporteur lors d'un entretien avec le Commissaire général au Plan en date du 9 octobre 2002, il est fréquent que certains objectifs soient énoncés avec quelque désinvolture par des autorités publiques conscientes de l'impossibilité de les atteindre sans véritable soutien budgétaire. Ainsi, aucune action décisive n'a été entreprise par le nouveau Gouvernement pour assurer la couverture de l'ensemble du territoire national en téléphonie mobile et en Internet à haut débit, alors que cette réalisation correspond à un engagement gouvernemental formalisé et reste déterminante pour le désenclavement culturel de vastes territoires.
De même, à l'heure actuelle, selon des informations encore partielles, le taux d'exécution et de programmation des contrats de plan Etat-régions 2000-2006 reste inférieur d'environ 10 % à ce qu'il devrait être si la mise en _uvre de ceux-ci s'effectuait de manière régulière. La complexité d'élaboration et de fonctionnement des structures territoriales émergentes, telles que les agglomérations et les pays, avec lesquels il est désormais possible de passer des contrats de développement, n'est probablement pas étrangère à ces difficultés.
A ces difficultés de mise en _uvre s'ajoute certainement un défaut de conception de la planification territoriale.
La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT) n° 99-533 du 25 juin 1999 a substitué au schéma unique de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 neuf schémas de service collectifs qui, parce qu'ils sont fondés sur une approche sectorielle adaptée à la diversité des problèmes, devraient être plus faciles à mettre en _uvre. Cette innovation a constitué un progrès.
Toutefois, la réforme de la planification territoriale devrait être poursuivie, afin de soumettre ce type de documents à un véritable débat parlementaire et à un vote solennel de la représentation nationale, dont la consultation par le biais de simples délégations spécialisées n'est pas suffisante.
Enfin, votre rapporteur tient à préciser que, même si la consultation des régions et autres collectivités locales favorise l'élaboration de documents de planification territoriale consensuels, ce qui est positif, il reste nécessaire d'assurer la cohésion nationale. En conséquence, l'Etat doit conserver son rôle d'impulsion et de chef de file dans la planification, sans faire reposer sur les seules collectivités locales la charge d'un développement économique et social dont elles n'ont pas toutes les moyens financiers. Il est en effet souhaitable d'assurer l'unité nationale en confiant à l'Etat et à ses services déconcentrés un rôle de contrôle, d'évaluation et de régulation stratégique de l'action des collectivités locales, sans que cette mise en cohérence soit interprétée comme un retour à un centralisme contraignant.
En conclusion, votre rapporteur constate que le budget présenté au titre du Plan dans le projet de loi de finances pour 2003 fait apparaître d'importantes réductions des moyens financiers alloués au Commissariat général du Plan et aux organismes qui en dépendent. Ces restrictions budgétaires sont aggravées par la précarisation des personnels employés, l'absence de relance des programmes d'étude et, plus généralement, une conception trop étroite et technocratique de la planification.
Cet examen d'ensemble de notre politique de planification, pour laquelle le Gouvernement semble singulièrement manquer d'ambition, conduit votre rapporteur à inviter la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire à rendre, sans hésiter, un avis défavorable sur les crédits du Plan pour 2003.
Lors de sa réunion du mardi 22 octobre 2002, la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire a examiné pour avis, sur le rapport de M. André Chassaigne, les crédits des services du Premier ministre : IV.-Plan pour 2003.
M. André Chassaigne, rapporteur pour avis sur les crédits du Plan pour 2003, a tout d'abord estimé que l'examen de ces crédits appelait certes des commentaires budgétaires, mais devait aussi permettre aux représentants du peuple d'évoquer, plus largement, la nature de la planification qu'ils appellent de leurs v_ux.
Il a souligné la modernité du concept de planification pour réguler le fonctionnement du marché, ce dernier se montrant souvent incapable de garantir un développement économique et un épanouissement social durable, comme en témoignent la crise boursière actuelle et l'effondrement de la « nouvelle économie ». Il a ainsi constaté que des considérations de pure rentabilité financière et des mouvements spéculatifs irrationnels débouchaient trop souvent sur des licenciements générant des dommages sociaux considérables. Il a estimé que, face à de telles incertitudes, la France avait plus que jamais besoin d'une vision de long terme et d'une analyse sereine du potentiel économique de la nation, ces tâches revenant naturellement au Plan. Il a rappelé que l'intervention de M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, ainsi que les débats engagés, avaient précisément mis en évidence l'utilité d'une telle vision de long terme en matière d'aménagement du territoire, et d'une réflexion prospective de cette nature pour éviter les crises.
Puis il a rappelé que, alors que le rôle du Commissariat général du Plan et des organismes qui s'y rattachent devait être de fixer un cap pour l'expansion économique, le Plan, depuis sa création par un décret du 3 janvier 1946, avait non seulement cessé d'être considéré comme une « ardente obligation », mais avait aussi largement renoncé à proposer à la France une stratégie de développement. Il a en outre remarqué que le renoncement à une planification ambitieuse avait globalement coïncidé avec la fin de la période de croissance des « Trente glorieuses ». Il a estimé que ce déclin résultait d'un manque de volonté politique déjà assez ancien, qui avait réduit le rôle du Plan à la simple rédaction de prévisions et d'évaluations ciblées en matière économique et sociale, mais a jugé que le budget présenté laissait présager une nouvelle aggravation de cette évolution.
M. André Chassaigne a ainsi rappelé que les crédits de paiement réservés au Plan dans le projet de loi de finances pour 2003 n'atteignaient plus que 24,8 millions d'euros, alors qu'ils s'élevaient à 26,7 millions d'euros en 2002, ce qui représentait une diminution inquiétante de 7 % du budget du Plan. Il a précisé que cette baisse portait sur les interventions publiques, dont la dotation recule de 8,3 %, mais surtout sur les moyens des services, qui chutent de 7,3 %, à 5,12 millions d'euros. Il a également remarqué que la réduction des moyens des services atteignait même 16,4 % si l'on excluait les dépenses de personnel, et ajouté que la stabilité de ces dernières masquait une précarisation des emplois par un recours accru à des personnels contractuels, en particulier pour trois emplois de conseillers du Commissaire général au Plan.
En conséquence, il a estimé qu'une diminution aussi importante des moyens de paiement du Plan ne pouvait être effacée ni par la hausse de 18,6 % des autorisations de programme, qui atteignent 958 millions d'euros, ni par l'annonce de probables reports de crédits de l'année 2002 sur 2003, cette pratique, commune à de nombreux budgets déjà examinés par les commissaires, ne pouvant être indéfiniment renouvelée pour compenser les restrictions budgétaires.
Il s'est également inquiété de l'impact et de la signification de l'absence de commande d'études par le Premier ministre depuis six mois, ajoutant que les programmes de travail fixés sous l'ancienne législature seraient bientôt achevés, cette lacune débouchant sur une inconnue quant à la future réflexion stratégique du Plan.
Il a par ailleurs vivement regretté la chute brutale de 32,6 % des crédits de recherche destinés à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), estimant que cet organisme était réputé pour la qualité de ses études. De même, il a souligné l'impact négatif de la baisse de 12,1 % des subventions inscrites au titre des crédits de fonctionnement de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).
Enfin, il a regretté la baisse de 20 à 25 % des différents crédits consacrés à l'évaluation, pourtant unanimement considérée comme nécessaire. Il a estimé que ces restrictions budgétaires étaient particulièrement préjudiciables en matière de planification territoriale, alors que la mise en _uvre des contrats de plan Etat-régions accuse un retard d'environ 10 %.
Puis il a dénoncé, plus généralement, le manque d'ambition de la politique de planification, pourtant d'autant plus utile que l'économie est soumise au libéralisme, et a fait part de ses propositions pour mieux mettre en valeur la capacité d'expertise du Commissariat général du Plan. Estimant que les travaux de cette institution devraient s'inscrire dans un cadre plus global, il a jugé que le Plan devrait davantage intégrer à sa réflexion les contraintes internationales, notamment celles qui sont issues de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ainsi que les moyens d'y faire face. Il a également proposé que les études de prospective soient réunies plus fréquemment dans des ouvrages transversaux tels que le « Rapport sur les perspectives de la France » publié en juillet 2000. Il a par ailleurs constaté que les évaluations effectuées n'étaient pas suffisamment prises en compte, qu'il s'agisse de la politique énergétique ou encore de la gestion des risques naturels.
Enfin, M. André Chassaigne a regretté que la planification territoriale, que le Plan est chargé d'évaluer, souffre d'une organisation trop souvent inefficace, tant en ce qui concerne les conditions du débat parlementaire que le respect des objectifs énoncés. Il a estimé que les prochaines lois de décentralisation rendaient plus nécessaire encore une planification moderne pour exprimer une volonté collective et rétablir une cohérence nationale, l'Etat devant veiller à ce que les déséquilibres entre les départements et les régions ne s'accentuent pas.
En conclusion, il a estimé que le déclin de l'influence du Commissariat général du Plan devait être enrayé mais que le mode de fonctionnement actuel du Plan et l'évolution négative de son budget ne permettaient pas de relever ce défi.
M. Léonce Deprez a rappelé que M. Patrick Ollier, précédent rapporteur pour avis sur les crédits du Plan, avait une vision gaullienne de la planification, et que cet esprit était partagé par de nombreux députés, dont lui-même. Il a précisé que le Plan devait rester une ardente obligation, même et surtout lorsque la société s'ouvrait à l'économie de marché, car elle avait alors besoin d'une volonté et d'un cap politique ferme pour la guider, tant au niveau national qu'européen. Il a indiqué qu'il considérait que le Plan et l'aménagement du territoire devraient être plus étroitement associés et rattachés directement au cabinet du Premier ministre, et a annoncé qu'il s'abstiendrait.
M. François Brottes a indiqué que le groupe socialiste suivrait l'avis du rapporteur et rejetterait les crédits du Plan. Il a précisé que, si le terme de « Plan » semblait choquer certains parlementaires, il était pourtant indispensable que le pouvoir politique fixe un cap de développement à long terme. Il a par ailleurs regretté que les services d'expertise, d'évaluation et d'analyse du Commissariat général du Plan ne soient pas mieux exploités par le Gouvernement et a plaidé pour que ces moyens, non activés et en baisse, puissent être utilisés par le Parlement, qui manque quant à lui cruellement de moyens d'expertise.
M. Jean Proriol, intervenant en qualité de président en remplacement de M. Patrick Ollier, a tenu à préciser que le Plan avait toujours été rattaché au Premier ministre et a déploré que parmi les nombreux rapports demandés précédemment au Commissariat général du Plan, si peu aient été exploités, à commencer par celui sur les retraites.
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Contrairement aux conclusions de M. André Chassaigne, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des services du Premier ministre : IV-Plan pour 2003.
N° 0258- 17 - Avis de M. André Chassaigne sur le projet de loi de finances pour 2003 - Premier ministre : Plan
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